Charme Oriental, Confort Occidental... Vous pouvez en être assuré au Seoul Garden. Notre établissement qui compte 400 chambres offre 5 restaurants avec une variété impressionnante de cuisines, un café, un salon, un bar et un nouveau centre de forme. ~itué dans le quartier d'affaires de Mapo, il se trouve plus près de Yoido et de l'aéroport international de Kimpo que tout autre hôtel de luxe. Et pour le shopping, quelques minutes le séparent d'Itaewon.
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Seoul Garden Hotel SEOUL KOREA
169 -1 D o h wa -d o ng. M apo-ku . Seoul. K o rea
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TRESORS DE COREE
Y6nj6k la boîte à eau en céladon
Le papier, les pinceaux, l'encre et la pierre à encre, communément appelés les "quatre amis du lettré", munbang sa-u, étaient les principaux objets utilisés par le gentilhomme, s6nbi. La pièce où celui-ci passait son temps à réfléchir et à étudier, la sarangbang contenait des meubles et des ornements dont le choix et la disposition devaient l'aider, spirituellement et matériellement, à accomplir ses activités. Ceux-ci étaient toujours peu nombreux mais arrangés de telle façon qu'ils puissent élever l'esprit. De chaque côté du bureau, il y avait une paire de mun-gap, meubles bas, à l'intérieur desquels se trouvaient des documents et des objets personnels, et sur le dessus étaient posés les pinceaux, le papier et les autres objets usuels. La boîte à eau, y6nj6k, était aussi importante pour le lettré que les "quatre amis". Il l'utilisait pour préparer l'encre servant à peindre et à écrire. Il faisait tomber un peu d'eau sur la pierre à encre, puis lentement mélangeait l'encre et l'eau afin d'obtenir une encre, noire et épaisse, utilisée dans la calligraphie et la peinture traditionnelles. Le y6nj6k avait aussi une fonction décorative,
comme on peut le voir sur le céladon en forme de canard, ici reproduit. Il avait le plus souvent une forme qui renvoyait à l'univers aquatique: canard, tortue, poisson. Mais on pouvait retrouver d'autres formes comme des carrés, des hexagones, de petits éventails, des animaux mythiques, pour n'en citer que quelques-unes. Chaque y6nj6k était percé de deux petits trous pour permettre à l'eau de s'écouler. Les petites figures étaient à _la fois décoratives et pratiques, sans surcharges et toujours élégantes. Le céladon reproduit ci-dessus, qui date du début du XIIème siècle, est un exemple du travail des artisans de la dynastie Kory6. Dans son bec, le paisible canard tient une fleur de lotus qui semble avoir juste été arrachée de l'eau. Sur son dos se trouve un pétale de fleur de lotus. La figurine bien que de petite taille est remarquablement vivante. Cet objet, comme beaucoup d'autres pièces en céladon de la dynastie Koryo, allie une richesse de couleurs et de textures avec des formes simples et élégantes qui renvoient à l'esprit et à l'esthétique des lettrés traditionnels. +
Boîte à eau en céladon, Koryo, début du Xllème siècle, 125 cm, trésor national No. 74.
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COUVERTURE : Avec 1996, "année de la littérature'; une réflexion est menée, en Corée,
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sur la littérature coréenne
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moderne. C'est pourquoi ce
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numéro de KOREANA vous propose de vous en montrer quelques aspects à travers notamment ses auteurs, sa place dans Je monde et les traductians qui en ont été faites.
LA LITTERATURE COREENNE D'AUJOURD'HUI
4
La littérature moderne coréenne : passé, présent et avenir par Kim Byong-ik
A 1
10 La globalisation de la littérature coréenne par K won Young-min
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16
La diaspora littéraire coréenne : Sa littérature et ses thèmes par Kim Yong-jik
22
Le rôle et le sens du lieu dans la littérature coréenne
par Park Duk-kyu
32 QUAND L'ORIENT RENCONTRE L'OCCIDENT
A propos de littérature coréenne, un point de vue par Claire Be1ger-Vachon ©The Korea Fou.11datio11 1996 Tous droits réiel'l'éi Toute reproductio11,111ê111e partielle, par tous procédés, sa11s au. torisatio11 préalable de la Korea Foundation, est illterdite. Les opinions exprimées par les auteurs ne représentent pas nécessairement celles de KOREANA et de la Korea Foundation. KOREANA, enregistré comme trimestriel auprès du Ministère de l'Information, (Autorisation No. Ba-100:3, du 8 août 1987) est aussi publié en japonais, chinois, espagnol et anglais.
35 MISE AU POINT
Répercussion de la grande littérature : le cas de la romancière Park Kyung-ni par Kim H y ung-kook
39 INTERVIEW
Chang-rae Lee par KOREANA
43 PATRIMOINE MONDIAL
Chongmyo: 600 ans de rites et d'architecture par Kim Tong-uk
Korea Foundation
Vol 2, No. 2 Eté 1996
50 KO REAN A
ARTISTES COREENS A L'ETRANGER
John Pai
par Yoon Soon-young
54 CHEMIN FAISANT
Chin-do: L'île aux multiples trésors
par Kim Joo-young
Publica tion trimestrielle de La Fondation de Corée, The Korea Foundation 526 Na mdaemunno 5-ga, Chung-gu, Séoul 100-095, Corée DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Kim Joungwon
62
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par Yijoo-heon
REDACTRICE
66
Marie-Orange Rivé BUREAU DE LA REDACTION
A LA DECOUVERTE DE LA COREE
Les assaisonnements culinaires : Au service du goût coréen
par Hong Sung-yoo
Kim Hyung-kook Kim Moon-hwa n Lee Ku-yeol
Kim Kwa ng-on Kim Seong-wou Lim Young-ha ng
ABONNEMENTS
72 ACTUALITES
Le succès de la comédie musicale "L'impératrice My6ngs6ng" par Kim Moon-hwan
Prix des abonnements annuels: Corée 18.000 Wons (22 USS), étranger: 22 USS Asie pa r avion: 37 US$, Ailleurs pa r avion: 39USS. Prix du numéro: 4500 Wons (6USS) Abonnement et Correspondance: Etranger
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On~-u et des t,ottes
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Im primé en Ju in 1996 par Sa msung Moonwha Printing Co. 167-29, Hwaya ng-dong, Songdong-gu, Séoul Tel: (02)468-0361/ 5
La littérature moderne coréenne: Kim Byong-ik Critique littéraire
haque décade de l'histoire moderne de la Corée a ses caractéristiques propres. Les années 1950 furent marquées par la guerre de Corée et ses conséquences tragiques et les années 1960, par le mouvement pro-démocratique des étudiants qui, peu de temps après, fut suivi par un coup d'état et par l'avènement d'une dictature militaire. Les années 1970 furent celles d'une rapide industrialisation et de l'oppression politique, et se terminèrent par l'assassina~ en 1979, de l'autocratique général Park Chung-hee. Enfin, les années 1980 commencèrent avec l'espoir de la démocratisation qui fut vite écrasé lors du massacre de Kwangju. Ce n'est qu'à la fin des années 1980, avec le rétablissement de l'élection présidentielle au suffrage universel, que l'espoir resurgit. La politique gouvernementale vis-à-vis du Nord, qui résulte de la normalisation des relations diplomatiques de la Corée avec la Russie et la Chine, a fait naître l'espoir d'une réunification nationale. Quant au développement économique que les différents régimes militaires promurent comme leur mission et leur raison d'être, il permit à une majorité de la population d'atteindre un meilleur niveau de vie et de consommation, ainsi que d'accomplir des désirs jusqu'ici refoulés. Ces rapides développements eurent des conséquences psychologiques et apportèrent des changements d'ordre social et culturel. En premier lieu, ils produisirent un phénomène qui permit à diverses attitudes et valeurs de coexister : une mentalité féodale exista au côté de conceptions post-industrielles, le village traditionnel avec la métropole ultramoderne, les valeurs conservatrices aux côtés de concepts réformateurs. Ces éléments et phénomènes contrastés formèrent un ensemble complexe qui finit par multi4
. passe, present et avenir ~
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plier les conflits. En second lieu, cette rapide croissance et les changements qui l'accompagnaient ouvrirent la voie à de nombreux problèmes sociaux : le pouvoir fut monopolisé par les élites militaires ; la rapide croissance économique provoqua de grandes disparités entre les riches et les pauvres, des conflits entre les partenaires sociaux ; et l'animosité entre les régions augmenta parce que certaines se développèrent plus vite que d'autres ; l'écart entre les générations se creusa ; des conflits d'intérêt surgirent entre différentes professions et industries ; les dommages causés à l'environnement devinrent sévères ; la division entre le nord et le sud se poursuivit ; et l'autoritarisme causa des solipsismes intellectuels. Tous ces problèmes minèrent la santé de la société coréenne. Troisièmement, en dépit d'aspects négatifs, ces changements drastiques produisirent aussi des effets positifs. Le plus important fut que les Coréens se débarrassèrent de leur vision tragique et fataliste de l'existence et qu'ils gagnèrent confiance dans leur capacité à changer la vie et à prévoir le futur. Cette_confiance se manifesta dans l'expérimentation technologique et dans l'audace intellectuelle. Les idées radicales furent défendues et encouragées par la jeune génération en dépit des efforts du gouvernement pour les supprimer. Le socialisme, prohibé par l'autoritarisme gouvernemental, fut discuté comme alternative idéologique. Ces explorations intellectuelles permirent d'envisager des réformes et des innovations. Parmi tous ces bouleversements sociaux et culturels, deux événements majeurs s'inscrivirent dans la conscience des Coréens, la révolution étudiante d'avril 1960 et le soulèvement de Kwangju du 18 mai 1980. La révolution des étudiants en 1960 démontra que la démocratie était pos-
sible en Corée. Les étudiants qui participèrent à cette révolution constituèrent ce que l'on appelle la première "génération Han-gui" (du nom de l'alphabet coréen), c'est-à-dire ceux qui furent éduqués dans leur propre langue. Contrairement aux générations précédentes qui furent éduquées sous l'occupation japonaise, celleci fit preuve d'une plus grande rationalité pour atteindre ses buts. Quant à la génération qui fut témoin dans sa jeunesse du soulèvement de Kwangju, elle grandit dans la prospérité apportée par l'industrialisation. Elle découvrit les défauts du mode de vie et des concepts occidentaux, ainsi que le vide des valeurs capitalistes. Elle chercha à éliminer l'animosité qui existait entre les classes et les deux Corée et elle réclama la démocratie et l'égalité comme remèdes aux problèmes sociaux et politiques. Elle osa absorber les principes interdits du socialisme et elle essaya de trouver dans le socialisme un antidote aux maux créés par le capitalisme. Articulées autour de ces deux événements majeurs et décisifs, trois générations se distinguent en générations conservatrice (avant 1960), libérale (1960-1980) et progressiste (depuis 1980). Ces trois pôles idéologiques forment la carte intellectuelle, mentale et comportementale de la Corée d'aujourd'hui. La conscience littéraire La littérature coréenne dans la dernière
moitié de ce siècle peut être examinée à la lumière de ces faits historiques. La littérature coréenne moderne, peu après sa naissance au début du XXème siècle, reposa largement sur l'humanisme classique et une vision traditionnelle du monde. Cependant, avec l'avènement de la génération Han-gül, dans le milieu des années soixante, le centre d'intérêt de la littérature se déplaça vers la réalité politique oppressive et vers les classes déshéritées. La génération suivante, ,telle des événements de 1980, franchit une étape supplémentaire, en demandant, plus qu'une réforme des institutions corrompues, une transformation complète des structures sociales. Les écrivains, qui suggérèrent des réformes en montrant la
souffrance d'individus piégés par des institutions corrompues et injustes, commencèrent à en appeler directement au changement. Autrement dit, la littérature cessa d'être métaphorique et devint un instrument de défi pour la réalité. Ce qui poussa à ce changement fut une série de débats qui se déroulèrent dans le milieu des lettrés coréens pendant les années 1%0, 1970 et 1980. Les discussions eurent lieu entre les partisans d'une littérature "pure" et "engagée" (participàti ve ), allant du réalisme au postmodernisme, et les partisans d'une littérature appelée "minjung" (de masses) et une autre appelée "minjok" (nationale). Le débat contre l'engagement pur fut lancé par un article écrit par un professeur coréen sur la théorie de l'engagement de Sartre. Le débat fit rage pendant environ une décade attisant des controverses passionnées sur la nature et l'objet de la littérature. De la fin des années 1960 au début des années 1970, l'oppression politique ainsi que les méfaits de l'industrialisation commencèrent à se faire sentir sérieusement et le débat sur ce qui constituait la bonne conscience passée de la littérature attira pratiquement tous les auteurs coréens. Cela conduisit naturellement à une discussion sur la façon dont la littérature pouvait présenter les circonstances de l'oppression sociale. Les partisans de la littérature engagée insistèrent sur le fait que le réalisme pouvait être le moyen de dénoncer les injustices ; mais les partisans de la littérature pure ou esthétique s'opposèrent à l'approche réaliste et ils insistèrent sur le fait que la diversité technique et l'expérimentation moderniste étaient nécessaires à l'enrichissement et à l'efficacité artistique. Le débat littéraire concernant les idées minjung peut être considéré comme une extension des deux autres. Bien sur, minJung n'est pas un terme sociologique précis, c'est peut-être à cause de cette imprécision qu'il a attiré ceux qui demandaient des réformes sociales. Le concept littéraire de minjung s'est propagé à d'autres disciplines depuis les arts jusqu'aux sciences sociales. Il est donc
devenu un label pour toute une époque. Le terme implique un rejet de toute oppression politique ; il signifie également l'admiration et la compassion pour les masses, qui ont toujours été opprimées et exploitées à travers l'histoire mais qui cependant se sont accrochées avec ténacité, vitalité et humanité à la vie. Enfin, le terme exprime l'espoir de l'égalité et de la compassion dans le futur. La génération de 1980, qui étudia le marxisme, donna une nouvelle valeur au concept de minjung qui fut comprise comme une théorie littéraire nationale. Elle avança que la littérature devait être un outil pour libérer la classe ouvrière. Cette vue radicale de la littérature demandait non seulement un changement quant aux objectifs mais aussi concernant l'approche littéraire. Autrement di~ la génération radicale affirma que la littérature devait être le fait des travailleurs eux-mêmes, qu'elle devait être un effort collectif plus qu'individuel. De plus, ils demandèrent le démantèlement des divisions traditionnelles en genres et appelèrent à une nouvelle forme qui puisse être un véhicule adéquat pour l'expression du prolétariat. Certains allèrent aussi loin qu'il était possible d'aller en affirmant que les structures sociales existantes devaient être détruites afin de construire un monde dirigé par le prolétariat. Mais cette poussée radicale perdit de son dynamisme après la désintégration des régimes communistes à la fin des années 1980. La virulence des débats était due au fait qu'en Corée du sud, l'évolution de la littérature moderne, qui se développa en occident sur plusieurs siècles, se passa ici en quelques décennies. Mais le plus important, c'est que l'évolution prit place dans un contexte qui comprenaient de rapides et complexes changement politiques et sociaux. Ainsi, ces discussions ne faisaient qu'illustrer les problèmes et les obstacles avec lesquels les écrivains coréens devaient se débattre, elles ne concernaient pas la qualité de la littérature alors produite. La littérature moderne coréenne qui s'est forgée dans des conditions historiques tragiques et des conditions de vie inhumaines, peut se comparer à la littérature
contemporaine des autres pays. La guerre, la pauvreté, la confusion et les contradictions avec lesquelles chaque Coréen avait dû vivre furent ce qui tempéra leur ait. Les travaux littéraires des décades passées reflètent les changements de vie des Coréens. Même si le réalisme demeura dominant, d'autres techniques, comme le surréalisme, le collage, et autres approches modernistes ou postmodernistes, furent utilisées pour contourner la censure autant que pour obtenir une plus grande expressivité. Les sujets se diversifièrent, les travaux furent plus longs. Accompagnant une production vigoureuse de courts romans, on assista à l'augmentation du nombre de titres et il faut noter l'apparition d'une pléthore de romans-fleuves, de romans qui couvrent toute une époque historique. Les techniques expérimentales ouvrirent de nouveaux horizons aux écrivains et certains utilisèrent les travaux philosophiques comme l'existentialisme ou le marxisme. Dans ce qui suit sera présenté selon trois rubriques un bref survol de la littérature coréenne depuis la fin de la seconde guerre : la guerre de Corée et la division nationale, les sagas de la nation coréenne, l'industrialisation et l'aliénation de la classe ouvrière. Ce survol tente d'examiner les développements majeurs et les tendances de la littérature coréenne et révèle ce contre quoi les écrivains luttaient et ce qu'ils voulaient accomplir. La guerre de Corée et la division nationale
La division du pays qui survint après la
libération du colonialisme en 1945 et la guerre de Corée qui éclata cinq ans plus tard, furent des événements traumatiques qui ne laissèrent que quelques Coréens indemnes. Par conséquent, les écrivains coréens ne purent s'empêcher d'explorer les causes, le sens et les conséquences de chaque événement. Dans la littérature des années 1950, pour les écrivains les plus représentatifs comme Kim Tong-ri, Hwang Sun-won et Son Ch'ang-sop, la guerre de Corée fut responsable de vies ruinées, de l'effondrement des valeurs traditionnelles et de la perte de l'humanisme. Dans les années 1960, après la révolution estu-
La littérature moderne · coréenne, qui s'est forgée dans des conditions bistoriques tragiques comme dans des conditions de vie inhumaine, peut se comparer
conséquence de la division territoriale, infligeant des blessures qui se poursuivraient tant que durerait la division nationale. La guerre sembla, un temps, disparaître des préoccupations des écrivains, mais dans les années 1980, elle redevint un thème dominant. Avec la relative liberté, due à l'assouplissement des lois destinées à lutter contre le ·communisme, on discuta de questions idéologiques, la guerre fut considérée comme la conséquence de tous les problèmes et contradictions qui existaient dans la société coréenne. Des écrivains comme Kim Won-il, Yi Mun-Y61 et Cho Chong-rae explorèrent, sans préjugés idéologiques, les facteurs humains et les causes sociales qui créèrent et alimentèrent le conflit Ko Un fit part, dans plusieurs de ses longs poèmes épiques, de son ardent désir d'une réunification nationale et de la restauration de l'homogénéité coréenne. La guerre de Corée et les dommages qu'elle causa sur l'esprit coréen demeure encore aujourd'hui une source d'inspiration pour les écrivains et les poètes coréens.
à la littérature contemporaine
des autres pays. La guerre, la pauvreté, la confusion et
les contradictions avec lesquelles chaque Coréen a dû vivre furent ce qui tempéra leur art. diantine d'avril, la guerre fut interprétée par de jeunes écrivains tels Choe In-hun comme un choc entre deux idéologies. Pour la génération Han-gûl avec Yi Ch'ong-jun, Kim Won-il et Yun Hüng-gil, qui vécurent la guerre dans leur enfance, sa violence fut le commencement de la tragédie qui a constamment hanté l'être humain, ou encore une expérience qui pouvait permettre de surmonter son amertume. Pour ceux qui naquirent au début ou juste après la guerre, comme Yi Mun-Y61 et lm Ch'61-u, la guerre fut une
Les sagas de la nation coréenne
Les écrivains coréens, qui se sentaient concernés par le traumatisme de la guerre de Corée, furent amenés à rechercher les traces de cet événement tragique dans le tout début de la période moderne. Bon nombre de romans-fleuves furent écrits dans les années 1970, 1980 et 1990 dans le but de présenter l'histoire politique et sociale de la Corée et de son peuple depuis la sortie de son isolationnisme jusqu'au moment où la Corée devint le champ de bataille de forces internes comme externes. Une des caractéristiques de ces sagas historiques, c'est qu'elles ont pour objet principal la vie du peuple. Une autre caractéristique, c'est que contrairement aux romans historiques habituels qui sont focalisés sur un seul événement ou une seule époque, ces romans couvrent des générations et explorent les interactions de diverses forces, tout en reliant les événements entre eux sur des décennies ou des siècles. Dans les années 1960, An Su-gil recréa
l'histoire de la migration des Coréens en Mandchourie et Shin Tong-yap écrivit une épopée sur la rivière Küm, témoignant de bouleversements historiques et du destin tragique de roturiers. Dans les années 1970, Hong Song-won et Kim Won-il examinèrent la vie des roturiers pendant la période coloniale, et Pak Kyung-ni, Kim Chu-yang ainsi que Mun Sun-t'ae remontèrent à la dynastie Choson afin d'expliquer les causes de l'échec de la modernisation de la Corée de cette époque. Hwang Sak-yang recréa l'effondrement de la société traditionnelle et la résistance des roturiers face au despotisme de la classe dirigeante. Leurs romans-fleuves qui reconstituaient la vie ciu peuple avant, pendant et après la transformation de la Corée témoignent de l'hypocrisie de la classe au pouvoir et de son idéologie. Ensemble, ces romans décrivent une vaste fresque de l'histoire du peuple coréen, éclairant les échecs de la politique et suggérant ce qui devrait être fait pour échapper aux maux présents.
L'industrialisation et la classe ouvrière L'industrialisation, qui débuta dans les années 1960 et qui commença à porter ses fruits pour la majorité des Coréens dans les années 1970, inévitablement provoqua l'exploitation des paysans et des ouvriers parce que la Corée n'avait que peu de ressources naturelles et qu'un faible niveau technologique. Par conséquent, le fossé se creusa entre les propriétaires et les autres, entre les travailleurs et le patronat. L'industrialisation engendra l'urbanisation et tous les problèmes qui l'accompagnaient Les écrivains furent prompts à aborder ces problèmes. Dans les années 1960, Pak Tae-sun, Cho Son-jak décrivirent la vie de paysans déracinés qui travaillaient durement dans de petites entreprises et qui vivaient dans des quartiers pauvres ou des bidonvilles. Au début des années 1970, Hwang Sak-yang et Cho Se-hüi prirent des vagabonds et des truands comme héros. Dans le milieu de ces mêmes années, Cho Se-hüi et Yun Hüng-gil exposèrent les conditions de vie misérable des chômeurs et leurs vains efforts pour trouver du travail et construire leur vie. 8
Dans les années 1980, les ouvriers euxmêmes prirent conscience de leur statut d'exploité et commencèrent à organiser de vastes mouvements de travailleurs. C'est pendant cette décade, que d'authentiques poètes "prolétariens" comme Pak No-hae firent leur début. La vie vide de la petite bourgeoisie urbaine fut un autre thème populaire de cette période. L'industrialisation et la croissance économique permirent la constitution d'une classe moyenne, mais les écrivains soutinrent que la nouvelle richesse produisait une foule de consommateurs sans compassion ou buts moraux. Ch'oi In-ho fut parmi les premiers, dans ses romans et nouvelles à s'intéresser à la vie creuse des classes moyennes ; et les poètes, Kim Kwang-kyu, 0 Kyu-won, Chong Hyanjong, Ch'oi Sung-ho, Yu ha, Chang Chang firent des satires, ou se lamentèrent sur la perte d'humanité de la société moderne, commerciale, technologique et superficielle. L'égoïsme de la classe moyenne et le doute de soi des intellectuels de cette même classe furent surtout décrit par Park Wan-suh, Kim Hyang-suk et Kim Won-u. Bien entendu, le tour d'horizon qui précède doit rendre hommage à l'ampleur et à la profondeur de la littérature coréenne de cette deuxième moitié du siècle, sans oublier de mentionner ses qualités artistiques. Mis à part ces trois thèmes majeurs, le dilemme existentiel de l'humanité et la recherche du salut furent explorés en profondeur dans les romans de O Chong-hüi, ceux de Yi Mun-yal et dans les poèmes de Yi Song:bok, Ch'oi Süng-ja et Kim Hye-sun. Les poètes Hwang Tong-kyu, Kim Chi-ha et Hwang Chi-u critiquèrent impitoyablement la flaccidité de leurs contemporains à l'égard des absurdités socio-politiques. En résumé, on peut dire que les conflits et les tensions de l'histoire moderne de la Corée stimulèrent les écrivains coréens qui se battirent énergiquement contre l'oppression, les démons sociaux et politiques et qui exprimèrent avec éloquence leur désir d'une société libérée de ces maux.
La littérature coréenne d'aujourd'hui La deuxième moitié de la décennie 1980
n'apporta pas seulement la fin de la guerre froide et la désintégration du bloc communiste, mais aussi en Corée la fin de trois décennies de pouvoir militaire et la constitution d'un gouvernement civil. En 1993, l'élection présidentielle porta au pouvoir un civil. Avec la suppression de la répression, les mouvements ouvriers et autres mouvements civiques devinrent plus dynamiques. L'abondance économique acquise lors des trois décennies précédentes permit à chacun d'avoir accès à un ordinateur personnel ou à d'autres biens d'équipement électronique. Les gens se sentirent plus concernés par leur propre vie que par les grandes questions ayant trait à le politique ou à la justice sociale et la nouvelle génération favorisa le monde de l'image au lieu du monde de l'écrit. Ces changements ne purent être que reflétés dans la littérature coréenne. Les vieux écrivains qui avaient bénéficié du respect et du soutien du public perdirent un peu de leur prestige et de jeunes écrivains émergèrent avec une nouvelle sensibilité pour parler à un nouveau public. Shin Kyang-suk et Han Kang furent reconnus en écrivant sur leurs désirs et leurs douleurs personnels. Yi Sun-won, Chang Chang-il et Yu Ha écrivent, de l'intérieur car natifs de ces milieux, à propos de l'argent et de ses effets dévastateurs sur la société. Ku Hyo-so et Paek Min-sok s'inspirent de la bande dessinée et de la technologie informatique pour défier les anciennes valeurs. D'un autre côté, de nouveaux écrivains comme Clrang Ch'an ont choisi de poursuivre la recherche de la vérité d'une manière plus traditionnelle. Ch'oi Yun, Kong Chi-yang et Kim Hyangkyang devinrent des auteurs de best-sellers en effectuant un retour aux heures sombres de la décennie 1980 et en décrivant les sentiments désespérés des étudiants radicaux soudain confrontés à un monde dans lequel l'idéologie semblait devenue hors de propos. Il y a un grand danger pour la littérature, dans cette période de stabilité politique des années 1990, de tomber dans le divertissement et la facilité. Les thrillers, les histoires policières, la science-fiction et la non-fiction dominent le marché littéraire.
Ce ne pourrait être qu'un phénomène passager. Il y a quelques valeurs dans l'expression franche des désirs et de la sensibilité personnelle, dans l'utilisation de nouvelles méthodes et dans l'affirmation de nouvelles idées. Cependant, le succès populaire d'écrivains commerciaux pourrait séduire d'autres écrivains et les pousser à écrire pour le marché, au lieu de débattre sérieusement de problèmes de la vie. L'accroissement des computer fiction (fiction informatisée) devrait encourager cette tendance puisque ceux qu'ils visent sont les adolescents et pré-adolescents qui ont une sensibilité éthique et esthétique immatures et qui n'ont qu'une faible, voire même une absence totale de culture littéraire. C'est pourquoi ceux qui parlent de "crise de la littérature" n'exagèrent sans doute pas. Le gouvernement coréen a choisi "1996" comme "année de la littérature'' afin de la promouvoir. A mon avis, trois objectifs doivent être poursuivis dans ce but. Premièrement, l'éducation devrait aller dans un sens qui puisse restamer la crédibilité et la véracité de la littérature. Les programmes de littérature et les méthodes d'enseignement devraient être révisés avec pour objectifs de former des étudiants capables d'apprécier et d'évaluer les travaux littéraires plutôt que de leur donner une culture ency-
Les conflits et les tensions de l'histoire moderne de la Corée stimulèrent les écrivains coréens qui se sont battus énergiquement contre l'oppression, les démons sociaux et politiques et qui exprimèrent avec éloquence leur désir d'une société libérée de ces maux.
Anciens et actuels lauréats de plusieurs prix littéraires.li y a eu un changement sensible dans le monde littéraire coréen dans les années 1990 avec l'apparition de nombreuses écrivains femmes.
clopédique de canons littéraires. Deuxièmement, il devrait y avoir un "mécanisme social" pour encourager la littérature sérieuse et expérimentale. C'est la tâche d'instances gouvernementales comme la Fondation Coréenne des Arts et de la Culture ou d'autres organisations publiques, institutions savantes ou même les mass-médias. Des aides devraient être attribuées aux auteurs qui écrivent des oeuvres sérieuses sans atteindre un succès commercial. Troisièmement, la littérature coréenne devrait être disponible pour les lecteurs du monde entier. Dans les dernières années beaucoup d'institutions ont fait des effo11s pour faire connaître la littérature coréenne à travers le monde, mais elles n'ont obt~nu que des succès limités dûs au peu d'intérêt que porte la communauté internationale à la Corée et compte tenu de l'insuffisance quantitative et qualitative des traductions. Les écrivains et les poètes coréens ont largement contribué à lutter contre les démons de la société et ont fait des effo11S dans le but d'améliorer la vie du peuple. Ils ont été une des composantes du changement, de la démocratisation et de la restauration des valeurs humaines. Il est à espérer que la littérature continuera à sonner le clairon du renouveau du climat moral et qu'elle redonnera de la vigueur à l'ait •
La globalisation de la Kwon Young-min Professeur de littérature coréenne Université nationale de Séoul
lobalisation de la littérature coréenne" ' Qu'est-ce que cela signifie ' Ce concept de "globalisation" n'a été appliqué que très récemment à la littérature coréenne. Pendant le siècle dernier, la littérature traditionnelle coréenne s'est vue moderniser et le milieu littéraire coréen n'a pas arrêté de s'occuper du problème de la "modernité", dans le style, les procédés littéraires, les thèmes et l'esprit Le concept de modernité auquel se réfèrent les Coréens au XXème siècle est lié aux changements de la société coréenne en transition vers la modernité. La période de la fin du féodalisme et de l'apparition de la société moderne coïncide avec la colonisation japonaise et la séparation nord-sud du territoire et des coréens. Si on considère que cette "modernité littéraire" est liée au concept de l'identité nationale, celle-ci est basée directement sur une conscience nationale moderne. Et si la modernité présuppose un système politique ou social moderne, on peut dire que la littérature coréenne a vécu une modernité tronquée par le règne japonais et la division persistante de la péninsule. Le concept de "globalisation" de la littérature coréenne s'oppose à celui de "modernité" qui a été l'objet d'intenses débats au cours des années passées. La globalisation implique unè compréhension spatiale de la littérature coréenne au lieu de la compréhension temporelle plus communément admise jusque-là. Face à cette nouvelle interprétation, les Coréens sont contraints de comprendre la littérat ure de manière complètement différente. La tâche qui nous incombe est donc de savoir comment on peut amener le débat autour de l'universalité mondiale spatialement élargie au lieu de débats focalisés sur des particularismes coréens.
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littérature coréenne La globalisation de la littérature coréenne ne peut se concevoir sans un élargissement du contexte coréen vers Je monde, du particularisme à l'universalité.
La globalisation de la littérature coréenne
commence avec une compréhension de l'universalité de l'humanité dans la littérature. Les méthodologies consistent en un élargissement du contexte coréen en s'ouvrant au monde, du particularisme à l'universalité. La globalisation de la littérature coréenne nous amène à nous intéresser à la question de l'introduction de la littérature coréenne dans le monde entier. Celle-ci comprend la propagation et une nouvelle compréhension de cette littérature. Ceci est dominé par plusieurs éléments culturels qui ne suivent pas du tout les lois du marché et de la société de consommation. Le processus de globalisation et l'introduction à l'étranger de la littérature coréenne comprennent des étapes de heurts et d'harmonie aux contact de nouveaux lecteurs et d'autres littératures. Le résultat -le succès ou l'échec- dépend du goût des lecteurs étrangers concernant la technique et le sujet littéraire. Ce qui compte le plus, c'est que la littérature touche une sensibilité universelle. 11
Introduction de la littérature coréenne à l'étranger
L'introduction à l'étranger d'oeuvres littéraires coréennes a été encouragée par une initiative gouvernementale pour vulgariser la culture coréenne. Dans le but de subventionner des activités littéraires et artistiques, le gouvernement a créé, en 1973, la Fondation coréenne de la culture et des arts grâce à laquelle il peut promouvoir la traduction d'oeuvres coréennes en langues étrangères. Pourtant, cet effort n'a pas abouti à un bon résultat, les lecteurs étrangers ayant boudé les oeuvres littéraires coréennes traduites dans leurs langues. En fait, de la fin des années 1970 jusqu'au début des années 1980, l'image à l'étranger de la Corée était ternie à cause de la dictature. Les traductions d'oeuvres coréennes subventionnées faisaient partie de la propagande du régime politique. Paradoxalement, ce fut plutôt des écrivains d'opposition ou des dissidents participant activement au mouvement de démocratisation du pays qui furent mieux connus sur la scène littéraire internationale que les autres écrivains. La traduction d'oeuvres littéraires coréennes en langues étrangères subventionnée par la Fondation coréenne de la culture et des arts a commencé à remporter un certain succès à partir de la deuxième moitié des années 1980. La prudence dans la sélection des oeuvres à traduire et l'obligation que la traduction soit faite par des traducteurs en leur langue maternelle ont enfin permis d'améliorer la qualité des oeuvres traduites. La publication en était confiée en principe à des éditeurs étrangers. Les oeuvres de Hwang Sun-won, Kim Tong-ni et de O Chong-hùi figurent parmi les livres les plus traduits en anglais. "Trees on the cliff" ("Les arbres sur la pente", Séoul, Fondation littéraire de Corée, 1980), roman de Hwang Sunwon traduit en anglais a été publié en Corée ainsi que "The moving castle" ("Le château mobile", traduit par Bruce et Juchan Fulton, Séoul, Sisa Yong-o-sa, 1985). Une collection de nouvelles de Hwang Sun-won a été traduite par Edward 12
La globalisa tian de la littérature coréenne est soumise à plusieurs éléments culturels qui ne suivent pas du tout les lois du marché, ni celles de la société de consommation.
Les auteurs coréens les plus traduits sont(dehauten bas)Kim Tong-ni,Ku Sang et Hwang Sun-won.
Paitras et publiée sous le titre de "The Stars and Other Korean Short Stories" ("Les étoiles et aut res nouvelles coréennes", Hong Kong, Heinemann Asia, 1980). Deux autres collections de nouvelles, "The Book of Mask" ("Le livre de masque", London Readers International, 1984), et "Shadows of a Sound " ("L'ombre du son", San Francisco, Mercury House, 1990) ont été traduites par le professeur Martin Holman et d'autres. Parmi les oeuvres de Kim Tong-ni, ont été traduites et publiées en angla is "Ülwha, the Chaman" ("Ülh wa, le chaman", Séoul, Fondation de la littérature coréenne, 1979), "Portrait of a shaman" ("Le portrait d'une chaman"), "The Rock" ("Le rocher"), "Loess Valley " ("La vallée") et "The Post Horse Curse" ("Les descendants des Hwarang"). La plupart des oeuvres de O Chong-hùi qui ont été traduites et publiées sont "The Bronze Mirror" ("Le miroir en bronze"), "Words of Farewell " ("Mots d'adieu"), "The Toyshop Woman " ("La femme de la bou- . tique de jouets"), "Evening Game" ('1e jeu du soir"), et "Chinatown" ("Le quartier chinois"). En ce qui concerne les poésies, les recueils de Han Yong-un, Chong Chiyong, 56 Chong-ju, Ku Sang, Kim Nam-jo, Hwang Tong-gyu, Kim Kwang-gyu ont été traduits et publiés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Mais seulement deux volumes offrent une vue générale de la poésie coréenne, "The Silence of Love: Twentieth Century Korean poetry" ("Le silence de l'amour : La poésie coréenne du vingtième siècle", Honolulu, University of Hawaii, 1980) traduit par Peter Lee et "Contemporary Korean Poetry" ("La poésie contemporaine coréenne", Iowa City, University of Iowa Press, 1970). La traduction de la littérature coréenne en français a été moins extensive mais est de plus en plus active. Yi Mun-yol et Yi Ch'ong-jun sont connus largement parmi les lecteurs francophones. Parmi les oeuvres traduites, on peut citer "Notre héros défiguré" et "L'hiver de cet annéelà" de Yi Mun-yol et "Le prophète", "Ce paradis qui est le vôtre" de Yi Ch'ong-jun.
Un séminaire sur la littérature coréenne a eu Heu en Allemagne en 1995. Sponsorisé par la Fondation des arts et de la culture coréenne, il réunissait les personnalités coréennes les plus en vue, telle que So Chongju, et a reçu le meilleur accueiL Beaucoup de nouvelles de Yi Ch'ongjun (ci-dessous) et de Yi Mun·yol ( en bas) sont traduites en français.
Ont été également traduits et publiés en France les romans, "La petite balle lancée par le nain" de Cho Se-hüi, "Nuit bleue profonde" de Ch'oe In-ho, "Mandala" de Kim Song-dong, "Amour de Tunhuang" de Yun Hu-myong. Pour la poésie, les poèmes de Ku Sang ont été traduits et publiés ainsi que "La Poésie moderne coréenne", seule anthologie de poèmes traduite en fran çais, éditée par le professeur Min Hüi-shik. C'est grâce aux efforts personnels du professeur Ku Ki-song que beaucoup d'oeuvres ont pu être traduites en allemand. Ont été également traduits en italien par Maurizio Riotto les romans de Yi Mun-yol comme "Notre héros défiguré" et "Le poète". Pour ce qui concerne les langues asiatiques, on peut citer la traduction en japonais du recueil de poésies de Kim Chi-ha, de la nouvelle de Yu Hüng-gil "Maman", et des "Essais critiques" de Paik Nak-chung. Le roman épique de Cho Chong-nae, "Les monts Taebaek", va très
bientôt être publié. On ne peut pas nier que ces traductions n'ont pas remporté le succès escompté auprès des lecteurs étrangers. Pour la plupart d'entre elles, les frais de traduction ont été complètement financés par Séoul et il y a rarement eu de réédition. Pour les éditeurs étrangers, la vente de ces livres traduits n'étaient pas une préoccupation majeure, les dépenses ayant été subventionnées. Il est donc difficile de les trouver même dans les grandes librairies de quartiers universitaires en Europe ou aux Etats-Unis. Bien que les bibliothèques universitaires de quelques grandes universités disposent de certains ouvrages, rares sont les étudiants qui s'intéressent à la littérature coréenne, rares sont les endroits où on l'enseigne. En plus, la qualité des traductions n'est pas forcément bonne dans le style et dans l'exactitude, ce qui rebute les lecteurs. Traduction et publication
Dans la traduction des oeuvres 13
littéraires, la qualité est primordiale. En effet, dans la traduction des oeuvres littéraires coréennes, le plus grand obstacle reste la qualité des traductions. Les oeuvres littéraires coréennes ont été traduites, pour la plupart, par les traducteurs coréens dont la spécialité était la littérature étrangère. Ceci n'est pas souhaitable. Quelle que soit la capacité langagière que possède un traducteur coréen, elle ne saurait être supérieure à l'intuition et à l'instinct langagier de quelqu'un qui utilise sa langue maternelle. Il est donc naturel que la traduction des oeuvres coréennes soit confiée à des traducteurs ayant comme langue maternelle la langue cible et en plus doués en littérature. Il est encore plus souhaitable que la traduction se fasse en tandem avec un co-traducteur coréen. La sélection de !'oeuvre à traduire revêt également une grande importance car le choix affecte a priori le succès de la publication. Il n'était pas fréquent jusqu'ici qu 'un traducteur choisisse lui-même !'oeuvre à traduire selon ses goûts et ses centres d'intérêts, car c'était la Fondation qui demandait la traduction d'une oeuvre préalablement choisie. La sélection d'une oeuvre à traduire devrait se faire sous la responsabilité du traducteur lui-même. Celui-ci devrait également réfléchir sur la méthode de traduction en tenant compte des caractéristiques de !'oeuvre à traduire ainsi que des lecteurs potentiels. Il faut
La qualitéestcrucialedansla traduction d'oeuvres littéraires. Les nouvelles de Yi Mun-yol (à droite) ont été traduites en anglais, japonais, français et en d'autres langues. Les 16 volumes de la saga historique "The Land"("La Terre")ontétérésumésen un volume en français intitulé "La Terre"(pagede gauche)etseront bientôt traduits en anglais et en japonais. 14
penser a priori aux lecteurs que vise !'oeuvre à traduire : est-ce qu'il s'agit du grand public ou d'étudiants ? Est-ce que !'oeuvre est destinée à des spécialistes de la littérature coréenne ? Le rôle des éditeurs ne devrait pas être négligé. Beaucoup de traductions ont été publiées en Corée mais il a été difficile de les faire connaître à l'étranger. Les traductions publiées en Corée dans le cadre de la propagande du régime sont passées presque toutes inaperçues. Il faut alors trouver les éditeurs étrangers, mais ce n'est pas toujours facile car la littérature coréenne trouve rarement des lecteurs à l'étranger et les éditeurs étrangers sont ainsi quelquefois réticents à publier des oeuvres littéraires coréennes traduites. Pour surmonter cette difficulté, les éditeurs coréens devraient s'engager davantage dans des activités d'échanges avec leurs confrères étrangers. Comme exemple de traduction d'oeuvres littéraires coréennes à l'étranger, on peut citer deux recueils de nouvelles coréens traduits en anglais qui ont connu pas mal de succès sur le marché américain. Il s'agit de" Words of Farewell" ("Mots d'adieu"), écrit par des écrivains femmes coréennes et traduit par Bruce Fulton et son épouse Ju-chan Fulton, et de "Land of Exile " ("Terre d'exil") traduit par Marshall Pihl et les Fulton. Pour la première fois, ces deux ·traduc-
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tions ont été rééditées, ceci en moins d'un an. Pour la troisième édition, la maison d'édition a organisé une rencontre avec les traducteurs dans les grandes librairies de Seattle, San Francisco, Chicago, New York, Boston, Honolulu, ce qui est vraiment très rare. "Mots d'adieu" a été traduit à la demande· de la maison d'édition américaine Sea! Press de Seattle ; "Terre d'exil" a été publié par M.E. Sharpe d'Armonk et était destiné à des étudiants sous la forme d'un manuel universitaire. Pour la traduction de ces deux oeuvres, la Fondation coréenne de la culture et des arts et la Commission coréenne pour l'UNESCO de Séoul ont accordé quelques subventions. Le succès de ces deux traductions sont là pour rappeler, si besoin était, que le succès d'une traduction dépend de sa qualité. Tout le travail de distribution des éditeurs était également nécessaire. Sans les stratégies des deux maisons d'édition qui ont fait beaucoup pour la vente en organisant par exemple des rencontres avec les traducteurs, tout ceci n'aurait pas été possible, surtout parce qu'elles disposaient de réseaux de vente à l'échelle nationale. Mises à part ces conditions extérieures, le succès de "Mots d'adieu" est lié au fait que ce sont des femmes qui sont les auteurs. Ce fut leur point de vue de femme, universel, qui dans la
littérature coréenne a touché les lecteurs étrangers. Ce qui leur a plu n'était pas ce qui était "coréen". Autrement dit, seule la transcendance, au niveau du contenu et du sentiment, de ce qui est coréen par une approche du problème universel de l'humanité, peut permettre aux écrivains coréens d'être reconnus à l'étranger.
L'enseignement du coréen serait plus efficace avec la mise au point des manuels scolaires audiovisuels. Pour conclure, je voudrais souligner encore une fois que la traduction et la publication d'oeuvres littéraires coréennes devraient se faire de façon systématique. Le succès de la globalisation
Ce qui reste à faire
Globaliser la littérature coréenne, est une tâche à laquelle nous ne pouvons pas échapper au seuil de l'an 2000. C'est pourquoi le gouvernement coréen a proclamé cette année, "l'année de la littérature". Il faudrait avant tout augmenter le volume des subventions accordées aux enseignants de langue coréenne à l'étranger, car la globalisation de la littérature coréenne est directement liée à la vulgarisation du coréen dans le monde entier. L'apprentissage du coréen permettra aux étrangers de se familiariser avec la Corée. C'est en comprenant le coréen que les étrangers finiront par s'intéresser à la littérature coréenne. Pourtant, il semble que le gouvernement a plus ou moins négligé l'enseignement du coréen dans les universités étrangères. Le gouvernement devrait maintenant mettre au point un système de subventions pour les recherches menées dans des départements de coréen des universités étrangères. Pour cela, le gouvernement ne devrait pas épargner ses efforts pour mettre au point la systématisation de la publication de manuels scolaires destinés à l'enseignement du coréen dans les universités étrangères. Pour la publication des manuels scolaires de l'enseignement du coréen à l'usage des étrangers, les professeurs de coréen et les spécialistes devront travailler ensemble sous l'égide du gouvernement comme le Japon l'a fait dans les années 1960. L'enseignement du japonais à l'étranger a alors connu un essor spectaculaire grâce à la publication de manuels scolaires pour l'enseignement du japonais à l'usage exclusif des étrangers en utilisant un système de transcription avec des lettres romanes.
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Le succès des efforts de globalisation dépend de la qualité de traductions capables de séduire un large public.
de la littérature coréenne dépend de la qualité des traductions et de leur distribution. Sans cela, aussi excellente que puisse être une oeuvre littéraire coréenne, elle ne sera jamais reconnue comme telle auprès des lecteurs noncoréanophones. Les traductions d'oeuvres littéraires coréennes devraient être faites en fonction des marchés étrangers visés et pour le long terme, mais non pas en fonction du besoin de la Corée. L'augmentation des subventions est aussi nécessaire. Par rapport au volume de subventions accordées aux chercheurs étrangers dans le domaine des sciences sociales liées à la Corée, les traducteurs des oeuvres coréennes en langue étrangère ne bénéficient que des honoraires de traduction. Il faudrait donc créer un fond de subvention pour la traduction d'oeuvres littéraires coréennes pour que les traducteurs des oeuvres littéraires coréennes du monde entier en bénéficient équitablement Nous ne pourrons jamais parler de la globalisation de la littérature coréenne sans apporter un soutien aux traducteurs étrangers. Pour faire connaître la littérature coréenne et pour rehausser le niveau des recherches sur la littérature coréenne, nous devrions disposer de beaucoup de spécialistes étrangers de la littérature coréenne. C'est dans ce but que je suggère que le montant des subventions accordées aux chercheurs et étudiants étrangers qui étudient la littérature coréenne soit aligmenté. En Corée, la Fondation de Corée s'apprête à accorder diverses subventions. Bien qu'elle soit pour le moment plus ou moins négligée par les étrangers, la littérature coréenne pourrait intéresser '"vec la diversité des sujets qu'elle aborde. La globalisation de la lit térature coréenne semble prometteuse étant donné le nombre toujours croissant des cours de coréen et des étudiants. Si nous nous efforçons de publier des traductions de bonne qualité d'oeuvres littéraires coréennes, les lecteurs étrangers pourront facilement rencontrer le monde litt éraire coréen dans les librairies de leurs pays. + 15
La diaspora littéraire coréene: Kim Yong-jik Professeur de littérature coréenne Université nationale de Séoul
l'ère de la mondialisation et de la transmission électronique de l'information, le processus d'internationalisation de la littérature doit être accéléré et encouragé. Il n'empêche que diffuser la · littérature à travers le monde n'est pas une tâche aussi simple que celle d'expédier des photos ou des télécopies par satellite. Le poids des traditions, la conscience, les valeurs et les conditions de vie peuvent constituer des entraves à la transmission d'une culture. La Corée, à l'instar de certains autres pays propulsés dans cette ère de la mondialisation, souhaite que sa littérature soit lue et appréciée aux quatre coins du globe. A cet égard, les Coréens d'outre-mer sont les mieux placés pour piloter cet effort parce qu'ils vivent deux cultures différentes. Cela vaut donc la peine de se pencher sur la littérature produite par ces Coréens et sur les facteurs qui déterminent le caractère de leur écriture. Ici, je m'intéresserai essentiellement à la diaspora coréenne dispersée en Chine, au Japon, dans l'ancienne Union soviétique et en Amérique du Nord.
A
Histoire de l'émigration coréenne La Mandchourie (chinoise), le Japon, le
Kazhakstan de l'ex-Union soviétique et l'Amérique du Nord ont été témoins de la longue histoire de l'immigration coréenne. Les individus de souche coréenne peuplant ces régions du monde ont façonné des cultures uniques et des littératures aux caractéristiques propres. Il y a approximativement 400.000 personnes de souche coréenne au Kazhakstan. Leur histoire remonte au début de 16
Sa littérature et ses thèmes La littérature produite par les coréens immigrés de par Je monde possède des caractéristiques inhérentes aux conditions de vie et au climat idéologique qu'ils trouvent sur leur terre d 'accueil.
Pierre commémorative érigée en l'honneur de Yun Tongju (1917-1945), poète coréen né en Mandchourie pendant la période coloniale (à gauche); Enfant d'origine coréenne vêtu du costume traditionnel ( en ha ut).
ce siècle lorsque la première vague d'immigrants coréens s'installèrent dans la Province maritime de la Sibérie. Par la suite, la colonisation japonaise de la Corée augmenta leur nombre. Au début des années 30, Staline les obligea à émigrer en Asie Centrale alors qu'il se préparait à entrer en guerre contre le Japon qui venait d'envahir la Mandchourie. Au cours de cet exode forcé, nombre d'entre eux périrent de faim, de froid et de souffrances. Toutefois, les Coréens du Kazhakstan ont su préserver leur héritage culturel, publiant à l'heure actuelle ouvrages, journaux et magazines dans leur langue. L'Amérique du Nord comptait en 1995 environ 1,6 million de Coréens (résidents et d'origine). La plupart possèdent un haut niveau d'instruction. Un recensement établi en 1990 aux Etats-Unis montre que la cominunauté coréenne a un niveau d'instruction beaucoup plus élevé que les autres groupes ethn~ques, et sa littérature en témoigne. La Mandchourie comporte une très forte présence coréenne, qui se chiffre à près de 1,9 million d'individus (nationaux et de souche), dont 90% vivent actuellement dans le Kando du Nord, communément appelé district de Yenbian, dans son appellation courante. C'est vers la fin du royaume Chos6n que la Mandchourie accueillit les premiers immigrants coréens qui étaient des paysans pauvres à la recherche de terres fertiles. Puis, dans les années 1930, d'autres paysans s'y installèrent de force sous la contrainte du gouvernement colonial japonais pour participer au développement de la région que celui-ci venait 17
d'envahir. Dans le district de Yenbian indépendant aujourd'hui, 70% des officiels du gouvernement seraient d'origine coréenne. Les Coréens y sont également très instruits. La population coréenne du Japon est, pour la majorité, constituée d'une part de Coréens, enunenés de force dans !'Archipel pendant la guerre afin de pourvoir au besoin en main-d'oeuvre, et d'autre part de leurs descendants. Dès les années 1930, alors que le Japon se préparait à la Guerre du Pacifique, entre 200.000 et 300.000 Coréens valides furent enrôlés de force et envoyés dans les mines, chantiers de construction et usines de munitions de l'archipel. A la fermeture de ces camps de travail au lendemain de la guerre, le Japon se désintéressa du sort de ces hommes qui n'avaient pas les moyens de retourner dans leur patrie. L'intégration de la diaspora coréenne dans la société japonaise fut rendue encore plus difficile avec sa division en deux mouvances idéologiques, pro-nord-coréenne et prosud-coréenne. L'hostilité entre les deux factions favorisa l'attitude discriminatoire des Japonais vis-à-vis des Coréens. Les littératures de chacune de ces communautés coréennes possèdent des caractéristiques différentes et spécifiques, inhérentes à l'espace idéologique et géographique dans lequel ont évolué ou évoluent les auteurs. D'un côté, il y a les Coréens de Yenbian et d'Asie Centrale qui ont vécu dans des pays jusqu'à récemment sous régime communiste, de l'autre, ceux d'Amérique du Nord et du Japon qui ont vécu dans des démocraties libérales, jouissant des libertés de parole et individuelle. Si les premiers rendent hommage à l'idéologie communiste, les seconds se montrent davantage intéressés par les problèmes humains.
Les écrivains coréens de l'ex-Union soviétique Staline se montra impitoyable dans son acharnement contre les minorités ethniques en URSS. Comme nous le disions précédemment, dans les années 1930, il força les Coréens à traverser la vaste 18
Malgré les nombreuses difficultés qu 'ils ont affrontées, les Coréens d'Asie Centrale ont conservé leur identité ethnique, leurs traditions et Jeurs coutumes, sans oublier leur langue et leur écriture.
Sibérie, depuis l'ext rême est de la Province maritime vers l'Asie Centrale, sous prétexte d'une menace d'invasion nippone. Or, après la Seconde Guerre mondiale, alors que la menace avait disparu, les Coréens ne furent pas autorisés à regagner la Province maritime, ni la Corée. Cependant, en dépit de leur détresse, les Coréens d'Asie Centrale ont préservé leur identité, leurs traditions et coutumes, de
même que l'usage oral et écrit de leur langue. Un pourcentage élevé de Coréens de l'ancienne URSS se consacrent à des activités culturelles, éducatives et scientifiques. Ils ont leur propre théâtre où sont représentées des pièces en coréen, leurs journaux et des maisons d'édition pour la publication d'ouvrages en coréen. En 1967, l'Union des écrivains d'AlrnaAta, une association d'écrivains et de poètes coréens au Kazhakstan, publia \.ln recueil intitulé "Le rayon de soleil d'octobre" (Shiwol ûi haetpit), à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Révolution d'octobre. Celui-ci comprend des poèmes de Cho Myong-hüi, Cho Ki-ch'on, entre autres, des romans-fictions de Kim Ki-ch'ol, Ri Chong-hüi, Han Sang-uk, etc., et une pièce de théâtre de Ch'ae Yong. La plupart de ces oeuvres encensent le régime soviétique et en appellent à la lutte des classes. Les poètes Cho Myonghui et Glo Ki-ch'on déclament la foi dans l'idéologie du bolchévisme révolutionnaire. En marge, il y a aussi ceux qui décrivent la vie intime et les sentiments de leurs compatriotes expatriés. Parmi les écrivains d'expression russe, Anatoli Kim et Vladimir Bu se sont imposés dans le milieu littéraire russe et commencent à être connus en Corée. "L'île bleue" (P'u rûn s6m) et "L'écureuil" (Taramjui), respectivement une nouvelle et un roman de Anatoli Kim, ont été traduits en coréen, permettant au public de leur mère-patrie d'explorer le coeur et l'esprit de frères vivant da-ns une autre partie du monde. En livrant un panaché exceptionnel d'émotions modernes et une description admirable des événements historiques prenant place dans le décor local, Kim se révèle comme une force régénératrice au sein d'Alma-Ata.
La littérature des Coréens de Chine Victimes pendant trop longtemps de mise à l'écart de par la politique xénophobe du gouvernement de la Rép ublique populaire de Chine, les Coréens n'ont e u que très récemment accès à la littérature. Inévitablement, les idées paraissent rigides et démodées. L'idéologie marque leur littérature qui
s'efforce de décrire la vie paysanne évoluant dans une société agraire féodale. Celleci montre avec force les sentiments antijaponais pendant l'impérialisme nippon, et les idées prônant notamment la lutte des classes socialistes pendant le régime communiste. Toutefois, elle a amorcé sa mutation depuis l'ouverture récente de la Chine aux pensées et influences étrangères. Actuellement, il y a environ quatre cents écrivains de souche coréenne en Chine, vivant et travaillant pour la plupart à Yenbian. On peut citer parmi les romans "Parle, fleuve Haeran" (Haerangang malhara) et "L'âge de la passion turbulente" (Kyong ch6ng shidae) de Kim Hak-ch'61, "Les années de jugement" (Konan ûi yondae) de Yi Kün-j6n, "Nuit de neige" (S6lya) et "Sentiments de printemps" (Ch'unpnJP de Yi Won-gil L'oeuvre épique "Légende de la nouvelle étoile" (Saeby6lj6n) de Kim Ch'61 et "Mont Changbaek" de Kim Song-hui viennent en tête de la liste des ouvrages poétiques. L'émergence de la conscience nationale des Coréens pendant le déclin du royaume Chos6n, la persécution et l'exploitation du peuple coréen par les occupants japonais, la critique des réalités sociales du point de vue des individus sans pouvoir, la réflexion sur leur statut en tant que membre d'une minorité ethnique et la signification de leur héritage culturel, sont certains des grands thèmes développés par ces auteurs. "Parle, fleuve Haeran" est une trilogie qui se déroule à Yenbian. La plupart des personnages sont des Coréens de souche, dont les pensées et les actes sont dictés par la conscience de leur identité ethnique. L'intrigue se déplace vers "L'incident du 18 septembre", qui se réfère au soulèvement des Coréens en Mandchourie contre la répression japonaise, qui suivit l'invasion et la mise en place d'un régime fantoche. Férus de l'idée socialiste de la conscience de classe, les Coréens firent cause commune avec les Chinois pour faire front aux Japonais. Par mesure de représailles, ceux-ci massacrèrent 4.000 Coréens à Yenbian en 1932 Dans le district de Haeran de l'arrondissement de Yanji, pas moins de 94 expéditions puni-
Les chutes de Changbaek à Yenbian
Contrairement aux Coréens déportés en Asie Cen traie, les Coréens de Mandchourie ont gardé le contact avec la Corée via les fleuves Yalu et Tumen.
tives furent lancées, supprimant près de 2000 Coréens dont des combattants pour l'indépendance. L'incident du 18 septembre fut le paroxysme du mouvement de résistance des opprimés et de la rétorsion japonaise ; à cet égard le roman capture la forte conscience nationale de l'époque. La production littéraire des Coréens de Chine est marquée par deux caractéristiques. D'une part, à la différence des Coréens qui furent déportés en Asie centrale, ceux de Mandchourie restèrent en contact avec leur patrie via les fleuves Yalu et le Tumen. Au cours des premières années d'installation, des figures célèbres comme Kim Taek-yong, Shin Chang et Shin Chaeho s'engagèrent dans des travaux littéraires. Pendant la période coloniale, l'activité littéraire fut dominée par des publications en grand nombre, en Chine et en Corée, des oeuvres de poètes de talent tels que Kim Tal-chin, Yu Chi-hwan et Kim Puk-won et de celles de romanciers comme Kang Kyong-ae, Pak Kye-ju et An Su-gil. Lorsque la plupart d'entre eux retournèrent en Corée lors de la libération après la Seconde guerre mondiale, ce qu'ils laissèrent derrière eux fut le terreau de la littérature coréenne en Chine. D'autre part, comparés avec les Coréens de l'ancienne Union soviétique qui furent contraints à l'exode en Asie centrale, ceux de Mandchourie forgèrent un sens profond de la tradition et établirent un environnement culturel plutôt fécond. Ils marquent eux-mêmes le déout de leurs activités littéraires au moment de l'émergence de la littérature anti-nippone militant pour la restauration de la souveraineté nationale. Toutefois, de nombreux auteurs non-socialistes comme Kim Taek-yong, Shin Chae-ho et Yun Tong-ju ne confinaient pas la littérature au rôle d'instrument de lutte idéologique. Les écrivains coréens duJapon La communauté coréenne au Japon est issue d'une immigration forcée pendant la colonisation, et de leurs descendants. Immigrés par contrainte ou volontaires, les Coréens du Japon ont été victimes d'une discrimination légale et sociale et 19
d'humiliations individuelles dans la société japonaise. Leur littérature se nourrit de réflexions fondamentales sur, par exemple, la recherche de l'identité et de la survie au sein d'une société méprisante et hostile. La division de la communauté coréenne en deux mouvances idéologiques, auxquelles s'ajoute une forte composante de "neutres", aggrava leurs conditions de vie. Les Coréens partisans de la Corée du Nord se regroupèrent sous la bannière de la Fédération pro-P'yo ngya ng des résidents coréens ( Choch'ongny6n), l'une des antennes du gouvernement nordcoréen. Ses écrivains produisirent des ouvrages à fotte tendance idéologique. "Le pavillon Kwandok" de Kim Sok-bom et le rec ueil de poésies "Contes de l'hiver coréen" de Ho Nam-ki s:>nt des panégyriques de l'utopie communiste nord-coréenne. Le durcissement de la fédération provoqua la désaffection de nombreux auteurs. Kim Tal-su, Kim Sok-bom, Pak Kyongshik, Yi Chin-hi et Yi Ch'61sont quelquesuns de ceux qui quittèrent la fédération pour la neutralité. S'efforçant de garder leurs distances, ils se montrèrent pour la plupart critiques à l'encontre des régimes des deux Corées. Le protagoniste de "Après l'éclatement" de Chong Su ng-bak, un Coréen qui émigra au Japon dans sa jeunesse dans l'espoir d'y trouver du travail, est condamné à l'exil à perpétuité et est privé du droit de contacter sa famille, par les auto rit és sud-co réenn es, pour son all égea nce passée au régime de P'yông yang. Puis, le gouvernement de Séoul décida d'autoriser les résidents proP'yongyang à visiter leur ville natale en Corée du Sud. Recevant une longue lettre de son jeune frère, le héros décide de rentrer chez lui. En dépit des difficultés que lui oppose la Fédération des résidents coréens pro-Séoul (Mindang) lors de ses démarches administratives, il réussit finalement à débarquer à Pusan. Mais il y est dépouillé par un guide de tourisme local et ne peut faire autrement que de payer les faveurs d'un policier. Outre la critique portée à la corruption en Corée du Sud, l'ouvrage se distingue sans con20
teste de ceux écrits par les auteurs neutres et pro-nord-coréens. Les écrivains pro-nord-coréens dévient rarement de leur axe idéologique même s'ils en viennent à exprimer un sentiment de nostalgie pure pour la Corée. Yi Ch'ol est de ceux qui ne peuvent pas étouffer leur désir de retrouver leur patrie.
"Ma patrie m'attire tel un aimant Et je ne peux m'affranchir de moimême Je tends une oreille sourde à l'orateur de la rue Et contemple le ciel vide Qui ne répercute aucun écho Homme seul et vieux, je contemple le ciel qui s'étend scmsfin." Le poème de Yi Ch'ol met en scène un Coréen, octogénaire, qui a vécu soixante années à Tokyo. Il éprouve une douleur aiguë parce qu'il ne pourra pas mourir sur la terre de ses ancêtres. L'idéologie est totalement absente de son oeuvre. De son côté, la fédération pro-Séoul s'empêtre dans de nombreux problèmes internes. Aussi, n'attire-t-elle pas l'adhésion de tous les écrivains coréens favorables au régime du Sud. En fait , beaucoup d'écrivains coréens au Japon sont restés à l'écart des débats idéologiques, se consacrant à leur art. Les deux exemples représentatifs sont Yi Hoe-song et Yi Yang-ji. Tous deux sont issus de la seconde génération d'immigrés, tous deux sont récipiendaires de la prestigieuse récompense japonaise Akutagawa et tous deux ont écrit sur l'invisible rideau de fer qui fait obstacle à l'intégration des Coréens dans la société japonaise. L'héroïne de "Yu-hi", roman primé de Yi Yang-ji (1982) est une Coréenne de la seconde génération, comme l'auteur, qui va en Corée à la recherche de ses racines. Décidant d'apprendre la langue, elle s'inscrit en faculté de langue et littérature coréennes dans une université de Séoul. Cependant, le coréen demeure pour elle une langue étrangère et elle réalise qu'elle ne sera jamais coréenne. Finalement, en dépit des encouragements de son entourage, elle se dit que la Corée ne peut
êt re sa patrie et retourne à Tokyo. L'ouvrage brosse avec réalisme et subtilité le portrait des Coréens de la seconde génération au Japon, en proie à des conflits intérieurs générés par leur attachement au pays de leur naissance et à celui de leurs origines. La sensibilité et l'honnêteté de l'auteur le démarque des nombreux écrivains coréa no-japonais qui mobilisent leur plume pour des réflexions idéologiques. La littérature coréenne en Amérique du Nord L'Amérique du Nord est un vaste continent qui a accueilli quatre générations de Coréens. La plupart d'entre eux jouissent d'un haut niveau d'instruction et leur littérature est d'un niveau élevé. Celle-ci révèle une pléiade d'écrivains actifs comme Kim Yong-ik, Yi Rak-su, Yu Py6ng-ch'6n, Ko Won, Pak Yi-mun, Kim Ün-g uk (Richard), Pak Na m-su, Ma Chong-gi et Song Yong. Ils sont pour la grande majori té connus en Corée et enseignent, ou ont enseigné, dans des universités américaines. A la différence de leurs émules d'autres régions du monde, le souffle idéologique n'anime pas leurs ouvrages, qui s'efforcent de décrire la vie personnelle de leurs héros. Richard E. Kim est peut-être, parmi les écrivains coréens d'expression anglaise, celui qui rencontre le plus de succès. "Le martyr" et "Noms perdus" ont attiré l'intérêt du monde entier. Kim Kichung et Pak Taeyoung (Tai Pak) sont auteurs de nouvelles, et la poétesse Cathy Song a remporté le prix Yale des jeunes poètes en 1982 avec son premier recueil "Picture Bride". Le grand-père de Cathy Song est un immigrant de la première génération qui travailla dans une plantation de canne à sucre à Hawaii. Une grande partie de son oeuvre est consacrée à ce que ses grands-parents ont pu penser après une vie de dure labeur et décrit la réussite de leurs enfants. "Le marty1°' a pour décor Pyongyang au lendemain de la guerre de Corée. Le capitaine Lee, le narrateur, est affecté au service de contre-espionnage de l'armée américaine (CIC), chargé d'enquêter sur la
mise à mort de douze pasteurs (protestants) par des soldats nord-coréens. Les communistes ont arrêté et torturé quatorze pasteurs pour les obliger à nier l'existence de Dieu. Sur les quatorze, deux ont été épargnés. L'un est atteint de folie, traumatisé par les douleurs et hanté par la peur des interrogatoires de ses anciens geôliers, l'autre, le révérend Shin, soulève le mystère. Pourquoi a-t-il été épargné ï Les agents du service de renseignement américain veulent célébrer les douze pasteurs comme martyrs. Ils parviennent alors à capturer un officier de haut rang nordcoréen qui a pris part au jugement et à l'exécution des pasteurs. Celui déclare qu'il a ordonné leur exécution parce qu'ils avaient tous abjuré et fait preuve de bassesse pour obtenir sa grâce. Il révèle également que le révérend Shin, que tout le monde soupçonnait d'avoir abjuré sa foi pour avoir la vie sauve, était le seul à ne pas avoir trahi ses convictions ni imploré sa pitié. L'officier dit qu'il a épargné Shin en récompense de son admirable courage. Les douze "martyrs" étaient en fait devenus apostats et "l'apostat", un véritable homme de foi. Cependant, le révérend proclame que les douze pasteurs exécutés sont bien des martyrs et que lui est un vil apostat qui a renié l'existence de Dieu pendant son interrogatoire. Il fait une confession encore plus étonnante au capitaine Lee qui le confronte aux faits révélés par l'officier nord-coréen : "(. . .). Je me suis marié tard," dit-il, "pour finalement enterrer mon premier enfant, un garçon, et ma femme, la même année. Celle-ci s'est éteinte quelques semaines après notre fils. Elle était tombée malade. Elle se reprochait la mort de notre fils, elle disait que c'était à cause de ses péchés ; et elle passait tout son temps à prier en jeûnant. Je mourais de chagrin mais fa vais une existence à vivre et elle, la sienne, et la fervente dévotion qu'elle avait pour son Dieu, ses prières pitoyables m'exaspéraient. Alors, j'ai osé. ]'ai osé lui dire que quand nous aurions quitté cette vie, nous ne retrouverions plus jamais, que nous ne reverrions plus jamais notre enfant, et qu'il n'y avait pas de vie après la mort Ma mal-
heureuse femme, ma femme épouvantée, elle ne pouvait en supporter l'idée, elle n'était pas assez forte pour survivre à cette terrible vérité. Elle ne pouvait vivre sans l'espoir ni la promesse qu'elle reverrait notre enfant perdu après la mort. Elle n'était plus qu'un mort vivant et elle décéda désespérée." En se dépeignant comme un apostat et en s'attirant le mépris et le blâme des autres, le révérend Shin fut consacré martyr vivant ; non pas parce qu'il croyait en un Dieu bienveillant et bon, mais parce qu'il avait pitié des gens et voulait satisfaire leur besoin de croire en Dieu et en ces martyrs. Ainsi la question qu'il pose est une question existentielle. Une problématique similaire est soulevée dans le poème 'l 'ombre d'une bougie" de Pak Yi-mun. L'homme y est comparé à une bougie qui illumine l'obscurité :
"Né pour pleurer, haJr et aimer, Pour être transparent, pour penser Et écrire de l'inintelligible, Et pour mourir, Pour retourner en poussière, Notre raison et notre pensée, Notre valeur et notre espoir, Nos pleurs et notrejoie Accompagnent le vent comme les éléments, comme Une langue étrangère inintelligible."
La statue de la Liberté aux Etats-Unis
Les Coréens et leurs descen dants créent de la littérature où qu'ils se trouvent, con ciliant l'environnement culturel et les conditions sociales qui sont les Jeurs et leur sensibilité unique proprement coréenne qu 'ils ont hérités de leurs ancêtres.
La dernière strophe est digne d'intérêt. Elle présente toutes les choses existantes dans ce monde comme évanescentes. Ceci fait écho à la conscience bouddhiste du caractère éphémère de l'existence. Le poète exprime là une idée hautement métaphysique. Les Coréens et leurs descendants créent de la littérature où qu'ils se trouvent, conciliant l'environnement culturel et les conditions sociales qui sont les leurs et leur sensibilité unique proprement coréenne qu'ils ont hérités de leurs ancêtres. Ce qu'ils produisent enrichit la littérature de leurs pays d'adoption respectifs et contribue à améliorer la compréhension des Coréens dans la lutte de leurs compatriotes pour la survie. • 21
Le rôle et le sens du lieu dans la Park Duk-kyu Romancier et critique littéraire
"A la gare de Sap'yong", par Kwak Che-gu "Le dernier train ne vint jamais cette nuitlà. Au-dehors de la salle d'attente, les flocons de neige s'amassaient et dans chaque fenêtre, givrée de fleurs de sorgho mauves et blanches, reluisait le poêle à sciure. Comme le dernier jour du mois, les uns somnolaient, d'autres, enrhumés, toussaient et moi, songeant à de précieux instants du passé, j'ai jeté dans le feu une poignée de sciure. Bien que profondément emplis de paroles, nous baignions de la lumière du feu nos paumes bleutées et pas un ne disait mot. Vivre, comme ivre, empêtré avec un collier de poissons ou un panier de pommes, et l'envie de rentrer chez soi signifiait parfois qu'il fallait rester coi, nous le savions tous. Dans la toux d'une infection latente, dans la fumée d'une cigarette, âcre comme un médicament, les cristaux de neige s'entassaient durs et craquants. Oui, voilà. Maintenant nous baignions tous nos oreilles de la musique des cristaux de neige. Après minuit, l'étrange, le mal de tête, tout n'est que champs de neige où que le train
aille, ses fenêtres lumineuses comme des feuilles d'automne. Et moi, saluant le nom de ces précieux instants, j'ai jeté dans le feu une poignée de larmes." En janvier 1981, ce poème en prose remporte le premier prix de poésie du ·concours littéraire annuel parrainé par le quotidien Chung-ang Ilbo. Intitulé "A la gare de Sap'y6ng", il marque les débuts en littérature de Kwak Che-gu, né à Kwangju en 1954. Ce poème évoque le sentiment d'histoire tragique de la Corée du sud des années 1980 et le paysage intime d'un jeune homme marqué par cette histoire. Le lecteur peut ressentir la chaleur des personnages, morfondus dans la pauvreté et le froid mais sans perdre un instant leur humanité, ainsi que la solitude d'un jeune homme se rappelant, partiellement résigné, ce qui fut jadis une période d'espoir, avec en toile de fond une petite gare de campagne par une nuit de neige. Une question cependant : où est la gare de Sap'y6ng I Sap'y6ng, nom banal désignant
La gare de Kwangju-sud
(à gauche) quia inspiré
le poète Kwak Chegu pour "A la gare de Sap'yong" et la salle d'attente (à droite) que Kwak a si bien fait revivre dans son poème.
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littérature coréenne une étendue plate de terre sablonneuse ! Cette gare existe-t-elle vraiment dans les plaines du sud de la Corée ? Il importe peu qu'un lieu littéraire existe ou non. Pourtant, lorsqu'on songe au processus de naissance d'une oeuvre littéraire -qu'elle soit poésie ou fiction- on sait que l'auteur crée un espace donné en rappelant à son imagination des détails de lieux existants. A chaque fois qu'émerge dans son esprit un espace réel, un lieu véritable, naît une pièce littéraire véritablement valable. Quels sont ces éléments d'espace qui constituent la gare de Sap'yong de Kwak Che-gu 1 La gare décrite dans ce poème ressemble à de nombreuses petites gares de campagne de la province du Ch6lla du sud, mais Kwak pensait à une gare bien précise lorsqu'il a écrit ce poème. Kwangju-sud, comme son nom le suggère, est la première gare au sud de Kwangju sur la ligne vers Sunch'6n et Chinju. Elle est desservie par des trains locaux qui s'arrêtent à toutes les gares de campagne. Les fenfüers des cantons du sud, comme Posong et Süngju, arrivent à la gare à l'aube pour vendre leurs légumes au marché de Kwangju-sud, et y reviennent au soir pour reprendre le train pour leurs villages. Dans ce poème, Kwak fait revivre les images de toutes les petites gares : fermiers et voisins toussent, somnolent, bavardent, puis se taisent à nouveau. En un sens, ce poème illustre une scène banale -la salle d'attente de la gare de Kwangju-sud- mais elle évoque aussi une impression de "foyer " pour les gens du sud qui portent au marché des colliers de poissons et des paniers de pommes. 23
"Namp'yong", par lm Ch'ol-u Deux ans après la consécration de Kwak Che-gu au concours littéraire de 1981, un autre auteur de la province du Cholla-do, le romancier lm Ch'ol-u, emprunta quelques lignes de ce poème et fit sensation avec une nouvelle intitulée "La gare de Sap'yong". Dans son histoire, lm transforme les êtres anonymes du poème de Kwak en personnages réels : un fermier emmenant son père malade à l'hôpital de la ville, un homme d'âge moyen sidéré d'avoir découvert la mort de la mère d'un prisonnier politique connu en captivité, un étudiant d'université quittant sa ville, incapable d'avouer son expulsion à son père, une modeste serveuse revenue en visite au pays, jouant son rôle de séoulite à la mode, deux colporteuses vivant de la vente de poissons et de vêtemei:its à bon marché dans les petites villes, une folle qui dort sur un banc de la salle d'attente, le chef de gare qui entretient pour elle le feu du poêle bien après le départ des voyageurs. Le temps et l'espace de ces gens qui attendent à la gare de Sap'yong sont distillés dans cette nouvelle. "K'ulluk kulluk" Le vieil homme commence à tousser. Le fermier frictionne la poitrine de son père d'une main longue et chaleureuse. Le poêle rougeoie. Il baigne de chaleur les personnes qui l'entourent. A regarder les hommes qui fument, les femmes ressentent soudain le besoin de
mâchonner quelque chose. L'une d'elles fouille dans son sac. Deux longs colins séchés émergent au bout de ses doigts. Elle les jette sur le dessus du poêle, puis déchire le poisson grillé en morceaux qu'elle répartit parmi les voyageurs qui attendent. lm décrit avec beaucoup de talent la solitude et la familiarité croissante du voyageur en attente. En attendant le dernier train qui ne vient jamais, chacun révèle une parcelle de soi-même et une sorte de camaraderie s'installe. La neige blanche qui recouvre les voies définit la saison -le milieu de l'hiver- mais suggère aussi la sympathie et l'humanité. Le désespoir et la résignation que reflétait le poème se sont transformés pour révéler un portrait plus intime de voisins compatissants. Il est intéressant de noter que la référence de cette nouvelle n'est plus la gare de Kwangju-sud mais celle de "Namp'yong", quelques arrêts plus loin sur la même ligne. Le feuilleton télévisé inspiré de la nouvelle d'Im a d'ailleurs été tourné en extérieur dans cette gare. Ici aussi, l'auteur se sert d'un endroit précis pour décrire une situation superficielle. A travers l'image de cette gare et de ses occupants par cette nuit d'hiver, il décrit en fait l'existence de ses personnages, qui fréquentent la gare et vivent autour de Kwangju, sa ville.
Cho Chong-nae: "T'aebaek sanmaek" Suivez la voie de la gare de Kwangju vers le sud, dépassez "Namp'yong", et vous
La gare de Namp'yong (à droite) qui a inspiré
l'auteur de nouvelles, lm Ch'ol-u pour "La gare de Sap'yong", et les gens qui la font vivre(àgauche).
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Namp'yong Station
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arriverez à Polgyo, l'un des hauts lieux de la littérature moderne coréenne. Polgyo est la scène principale de la saga populaire en dix volumes de Cho Chong-nae, "T'aebaek sanmaek" (Les monts T'aebaek). Lorsqu'on parle d'une oeuvre de fiction, le terme "scène" désigne généralement la toile de fond devant laquelle évoluent les personnages de l'auteur. Dans "T'aebaek sanmaek", Polgyo représente davantage. La situation géographique a son importance dans bien des longues sagas, et Polgyo est la scène centrale d'une grande
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partie de l'action de la série. Les personnages y grandissent, y vivent, y travaillent et y meurent, mais Polgyo a aussi sa propre existence d'entité historique et, en tant que telle, détermine le sort de beaucoup des personnages de Cho. Polgyo n'est évidemment pas la seule localité mentionnée dans le roman. L'un des personnages principaux, Yom Sang-jin, se trouve dans la région de Yosu et de Sunch'on en 1948 lorsqu 'éclate une rébellion armée. Il se réfugie dans les montagnes du Cholla du sud et rejoint lès
partisans communistes. Il dirige quelque temps les attaques des partisans autour de la région de Polgyo puis, à la fin de la guerre de Corée, lui et ses compagnons se dispersent sur le Mont Chiri et sur le Mont Paek'un, où ils sont finalement balayés par les forces gouvernementales. Le Mont Chiri est l'un des lieux récurrents de la littérature moderne coréenne. Le territoire décrit dans "T'aebaek sanmaek" est en fait beaucoup plus vaste. Comme la guerre de Corée se prolonge, les personnages se déplacent à Séoul, à
Pusan, à P'yongyang et dans l'île de Koje. Naturellement, la chaîne montagneuse de T'aebaek occupe une place de choix lorsque Cho relate les activités des partisans dans toute la région. Le centre de "T'aebaek sanmaek" reste toutefois Polgyo et plus précisément le champ de Nakajima, vaste étendue de terre créée par un propriétaire japonais nommé Nakajima qui réquisitionne ses locataires pour construire une digue près du port de Polgyo. La nouvelle entière repose sur les relations entre ce propriétai-
re japonais et ses locataires coréens. On pourrait dire que le centre de la nouvelle est la marque profonde que laissent les conflits générés par ces relations. La perspective historique de la saga est étroitement liée à la terre. Cho est convaincu que l'histoire moderne de la Corée est inexorablement liée aux contradictions historiques inhérentes au champ de Nakajima. En d'autres termes, les conflits existant à Polgyo sont les contradictions de la Corée entière. Peu ou aucune des victimes de ces contradictions ne regrettent ou ne
La plaine de Polgyo,
théâtre principal d'action de la saga historique de Cho Chong-nae intitulée "T'aebaek sanmaek".
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Nak-an, ci-dessus, un village de la plaine de Polgyo, site classé comme village folklorique, est le lieu où on peut observer la vie décrite par Cho Chong-nae ( ci-dessous) dans "T'aebaek sanmaek"-
reconsidèrent son comportement. Chacun semble croire que Polgyo, la terre ellemême, a déterminé leur sort. Lorsque le premier volume de "T'aebaek sanmaek" fut publié en 1989, il a fait sensation à cause de son contenu polémique et de sa richesse dialectale. Cho Chong-nae est maître du dialecte régional du Cholla-do. La suffisance et l'honnêteté des gens de Cholla est perceptible dans "T'aebaek sanmaek". Les personnages de Cho, en particulier le très conservateur Yom Sang-gu, vivent à travers le riche langage du roman. Les lieux et scènes décrits dans "T'aebaek sanmaek" sont toujours visibles à Polgyo et dans les montagnes avoisinantes : Chesok28
san où brûlent les torches dës partisans, la maison du chaman où se déroule une poignante scène d'amour, la maison à toit de tôle où se réunit le groupe des jeunes de droite, la place devant la gare où le partisan Yom Sang-jin est pendu, le pont où ont lieu tant d'embuscades, la vase où les femmes du village récoltent les palourdes. L'authenticité de la saga de Cho est la preuve vivante de la valeur des recherches de l'auteur sur le terrain. "La terre" de Park Kyung-ni "Mes grands-parents maternels vivaient à Koje-do. Sur l'île, il y avait un champ énorme. Le riz était mûr, les épis ployaient,
Femme travaillant dans un champ à P'yongsa-ri, lieu par excellence du roman "La terre" de Park Kyung-ni, ci-dessous en train de ramasser ses piments.
attendant que quelqu'un les moissonne, mais le choléra avait déjà emmené les hommes. Tous étaient morts chez mes grands-parents. Seule une fille restait pour veiller sur leurs biens. Un homme vint, l'emmena et disparut. Plus tard, quelqu'un du village dit qu'il l'avait vue faire la vaisselle dans l'auberge d'un colporteur." ("La
compassion dans la vie, une esthétique de la nostal-
gie": discussion avec Park Kyung-ni et Song Ho-gun, Chakka Segye, hiver 1994)
De telles expériences constituent la semence à partir de laquelle a grandi le roman en 16 volumes de Park Kyung-ni, "La terre" ( Toji). En 25 ans, Park a créé un univers autour des actes d'un riche pro-
priétaire et des ferments de ·ressentiment, d'envie, d'ambition et de résistance qui en résultent. les riches propriétaires terriens comme celui décrit dans le roman de Park ont réellement existé, et la plaine de Akyang, à Hadong, à la limite des provinces du Ch6lla et du Ky6ngsang, se trouve réellement sur la carte. (Comme Kwangjusud et Namp'y6ng, Hadong se trouve sur la ligne de chemin de fer reliant Séoul et Chinju.) P'y6ngsa-ri, petit village de la plaine de Ak-yang, est le lieu principal de "La terre". Comme sap:Vong, P'.Y6ngsa désigne une étendue de terre sablonneuse. L'histoire de Park commence par les 29
procès et tribulations de la riche et aristocratique famille Ch'oe à la fin du X!Xème siècle. Madame Yun, la femme de Ch'oe, est violée par Kim Kae-nam, chef de l'une des branches religieuses du mouvement Tonghak. Elle porte secrètement l'enfant, Hwan, qui revient après des années charmer la femme de son demi-frère Chisu. Hwan enlève la femme au Mont Chiri. Chi-su les traque, mais ne parviendra qu'à se faire tuer par Kim P'yong-san, aristocrate débauché, et sa servante Kwi-nyo. Finalement, madame Yun meurt du choléra. Avec la disparition de la souche principale, c'est un lointain parent, Cho Chun-gu, qui prend la succession. La seule opposition à Cho est Ch'oe S6-hui, la 30
dernière descendante du clan Ch'oe. Elle tente d'assassiner Cho puis se réfugie avec ses partisans en Mandchourie. S6-hui y devient extrêmement riche, grâce à l'aide de son servant Kil-sang et du vieux Kong. Résolue à se venger et à reconstruire sa famille, elle épouse Kil-sang, donne naissance à deux fils et retourne à P'yongsa-ri réclamer ses terres. "La terre" est apparemment une histoire assez simple, mais il s'agit de bien plus que du conte d'une fille de riche propriétaire. A travers la vie des gens de P'yongsa-ri, Park décrit la gloire et la honte de l'histoire moderne de la Corée. Dans les trois premiers volumes au moins, le personnage central de la saga n'est ni S6-hui, ni Kil-sang, ni aucun
des personnages si vivement' dépeints par Park, mais P'yongsa-ri lui-même. Les champs vides après la moisson d'automne, la brise sèche soufflant à travers le bouquet d'arbres isolé derrière le village, les stèles érigées en l'honneur d'un lettré vertueux ou d'une femme loyale, les mats totémiques, le lecteur peut y voir la vie, la richesse et la pauvreté, le tumulte et la solitude de P'yongsa-ri. Les sons de la terre suggèrent l'expérience humaine -meurtre, incendie criminel, infidélité, vengeance- ainsi que les changements et la division de l'histoire de la Corée même. Un critique a décrit ainsi le roman de Park: "P'yongsa-ri est une toile de fond com-
La rivière Somjin qui traverse P'yongsa-ri, un village de la plaine Ak-yang située dans le sud de la Corée,
scène principale du roman de Park Kyung-ni, "La terre".
plexe qui anime vivement les nombreuses émotions et actions de la société fermée d'un village traditionnel. Parallèlement, P'y6ngsa-ri sert à exprimer de façon succincte les antagonismes idéologiques et philosophiques ainsi que les bouleversements sociaux, politiques, économiques et culturels et les peines de l'histoire coréenne moderne. Autrement dit, dans "La terre" de Park Kyung-ni, P'y6ngsa-ri, village typique, devient la scène sur laquelle prennent vie la Corée moderne et la manière de vivre du peuple coréen." (Kim Byong-ik, Une histoire nationale de Han
et Une histoire sociale du Conflit. 1988)
L'importance du Mont Chiri dans le roman de Park ne doit pas non plus être
négligée. Alors que la vie à P'y6ngsa-ri est isolée et introvertie, la vie des personnages qui vivent ou passent à Chiri décrit les énormes changements qui se produisent dans la société. Park décrit Chiri comme "un sein qui abrite les persécutés", "une utopie, une fuite pour ceux qui ne peuvent vivre la réalité". Pour le personnage de Kim Kae-ju, elle s'est inspirée de Kim Kaenam, dirigeant Tonghak qui a mis la plaine de Ak-yang à feu et à sang durant ses affrontements avec l'armée gouvernementale. Park a ainsi réalisé une contribution importante en montrant que Chiri représente davantage qu'une simple scène littéraire des partisans communistes
du XXème siècle. A travers les descriptions vives de ses personnages, Chiri est lié à l'existence des gens de P'yongsa-ri et aux circonstances historiques plus vastes du début du siècle. Park décrit aussi l'enclave coréenne en Mandchourie, qu'elle n'a jamais vue, avec une telle précision que les lecteurs Coréens s'y sentent transportés. Cette région, lieu d'émigration de tant de Coréens durant la colonisation japonaise, constitue une veine importante de la littérature coréenne. Son importance grandira vraisemblablement encore après l'unification des deux Corée, lorsque les thèmes explorés par Park Kyung-ni dans "La terre" apparaîtront sous un jour nouveau. + 31
QUAND L'ORIENT RENCONTRE L'OCCIDENT
A propos de littérature coréenne
un point de vue Claire Berger-Vachon Directrice du Centre Culturel Fra nçais
uisqu'on m'a demandé, à moi française arrivée depuis peu en Corée, de livrer mes impressions sur la littératur e coréenne, qu 'on me perm ett e de l'abord er en toute subjecti vité, en toute partialité, à l'aune de mes lectures fo rcément incomplètes. Et si quelques co nstantes me semblent pouvoir être dégagées, elles ne renverront qu'à moi-même, à l'appréciati on cert es bienveillante mais fo rcément extérieure que je porte sur les choses. La simplicité du style, la lente progression de la narration, la tension du personnage vers un but, avec son contrepoint dans la fo lie ou l'alcool lorsque le but recherché est par trop inaccessible, telles me semblent les lignes de forces de cette littérature. En arrière fond , la vie qu otidienne dans son humilité, est toujours prése nte et enrac ine les personnages dans le réel. Entre le roman et la nouvelle que nous co nn aisso ns en occident se situent ces essa is coréens dont la démarche, plus qu'aboutie, mène sans lassitude, avec clarté et concision, au dénouement final. Plus simples sont les phrases et mieux elles expriment la réalité du quotidien, son poids et ses contraintes.
P
"Une nuit bleue et profonde" de Choe Jnho ouvre le récit en cinq phrases d'une ex trême simplicité : 32
La simplicité du style, la lente progression
de la narration, la tension du personnage
vers un but, avec son contrepoint dans la folie ou l'alcool lors,q ue Je but recherché est par trop inaccessible, telles me semblent les lignes de forces de cette littérature.
"Comm e promis, il se révema à huit heures. Jl ou vrit les ye ux, plia son bras engo urdi et regarda sa m ontre-bracelet. Personne n e l'ava it averti, m ais son instin ct, qui p ercevait avec précision le co urs du temps même p endant un profond sommeil, avait po ur ainsi dire déclenché la sonnerie à he ure précise. Jl se tro u vait dans un e pièce in connue." 1"
Ainsi s'ouvre la perspecti ve, en form~ de fuite, de ce roman court où le héros, corée n, va parco urir, à l'instar de la bea t ge n eration, les routes de Californie à la recherche de lui-même pour mieux échapper à son pays où l'attendent, comme le veut la tradit ion, une femme et· des enfa nts aimants et soumis. Et le récit progresse lentement au hasard des routes califo rniennes empruntées et des pensées des personnages embuées par l'alcool et les drogues jusqu'à la décision finale de retour clans le pays natal, seule issue possible. De la même manière progresse "L'autre côté d 'un souvenir obscur" de Yi Kyu llyong. w
A partir d'une serviette oubliée on ne sait où, un soir de beuverie, et qu'il lui fa ut retro uver étape par étape dans une ville hostile, le héros rac-
corde les fils de sa mémoire et retrouve une petite soeur dont il avait été séparé pendant la guerre. Salutaire et trompeuse fonction de l'oubli et de son corollaire, l'alcool, dont les limites sont dé passées pour permettre à l'émotion à nouveau de s'exprimer, aux deux parties d'un même monde, ou d'un pays, de se réconcilier et de s'unir. Car les personnages sont, à l'instar du pays historiquement divisé et marqué tragiquement par les guerres, toujours en quête, que ce soit d'un sou-
venir enfoui et douloureux, d'un frère disparu tragiquement, ou bien d'un idéal spirituel ou matériel. Tous les héros sont tendus vers un but, d'autant plus qu'ils sont englués dans leur histoire subjective et objective. L'Histoire de la Corée et l'histoire personnelle des personnages sont en effet mêlées et tous en sont tragiquement marqués. Pour se sortir de cette histoire, personnelle et collective, il faut un but fort et tous les moyens sont bons : l'alcool, la folie, mais aussi la rage de
réussir, dont on peut voir les effets dans l'expansion économique de ces dernières années en Corée.
"Le piquet de ma mère" de Pak
Wan-s6
donne une autre illustration de cette détermination. Une mère volontariste et en avance sur son temps fait quitter la ca mpagne ,à sa petite fille, jusque-là à la garde de ses grands-parents, pour en faire "une femme moderne". L'histoire se passe dans les années 1930 et l'on mesure la force et le cou11
'
33
rage de cette jeune veuve qui contrèvient à la tradition qui serait de prendre soin de ses beaux-parents, pour mener une vie de labeur au sein d'une ville déjà surpeuplée. Projetant sur sa fille ses propres désirs, irréalisables pour sa génération, cette mère se tue au travail pour acquérir un statut, donner à ses enfants une éducation convenable. La petite fille, sensible au désir de sa · mère, mais étrangère au concept de "femme moderne" découvre la vie urbaine et compare naïvement la campagne à la ville. Au carcan social de la campagne, mais qui laisse des espaces de liberté surtout aux enfants, se substituent le monde urbain, sa loi, son enfermement et ses barrières symboliques ou réelles, car on y apprend que deux Séoul coexistent, le "dans les murs" et le "hors les murs", et que si aucune barrière n'est réellement matérialisée, la contrainte intériorisée, porteuse d'exclusion sociale est extrêmement présente. Découvertes, émotions de cette petite fille ouverte sur le monde qui fait, cahin-caha, l'apprentissage de la vie sociale et de la sexualité : dessins obscènes que réalise une compagne de jeu, linges souillés de sang noir que lave, pour sa mère, une autre compagne de hasard et intrusion du mythe par les lépreux qui guettent les enfants pour leur manger le foie ... Beaucoup d'images fortes composent le paysage abrupt de ce roman qui . illustre, par le regard d'une petite fille en train de grandir, la mutation de la cité vécue au quotidien. Car la vie quotidienne, rurale ou urbaine, enracine les personnages et leur donne corps. La vie paysanne et les cycles agricoles sont, par exemple, dans "La
chienne de Moknomi" de Hwang Sun-Won, essentiels à la compréhension du récit, et en structurent le déroulement ainsi que les attitudes des 34
,~
personnages. De cette chienne abandonnée par des réfugiés en transit dans un village recul é rythmé par les travaux des saisons, l'auteur va faire un vrai personnage, sur lequel se focalisent les haines et les peurs des villageois. Animal pourchassé, car considéré à tort comme enragé, la chienne déploie toute son astuce pour échapper à la bêtise des hommes. Et par un habile renversement, l'animal devient humain, et l'homme animal. De cette nouvelle en forme de parabole, on retiendra encore une fois, la simplicité du propos sur lequel prend appui une morale et, à travers les objets du quotidien, moulin, machine à vanner, la précise description des coutumes locales. Tel est cet hallucinant et dionysiaque repas de chien (Puisque la chienne s'est échappée, il a bien fallu désigner et exécuter d'autres coupables).
1
"Les pattes avant des chiens Jurent servies, puis les pattes arrière. C'est le grand-père de Kannan qui faisait le service: il découpait diligemment la viande en petits morceaux pour accompagner les verres d'alcool"·"
Derrière la précision des faits et l'accessoire du détail, surgit l'épaisseur du vécu, qui donne à la morale de l'histoire
une portée universelle.
Derrière la précision. des faits et l'accessoire du détail, surgit en effet l'épaisseur du vécu, qui donne à la morale de l'histoire une portée universelle. Tant il est vrai, comme l'écrivait André Maurois, que "le grand romancier, d'une seule vie et des objets les plus humbles sait faire surgir toutes les vies."• 5• •
<> Ac tes
Sud. 1?92. p. 9 1991 3 < > Actes Sud. 1993 <•>'La chienne de Moknomi". Hwang Sun-Won. Colman-Lévy. p. 36 5 < > Marcel Proust. 'A lo recherche du temps perdu· Paris. La Pléiade. 1984. tome l p XXI 1
2
< > Actes Sud.
MISE AU POINT
Park K yung-ni Kim Hyung-kook Professeur de 3ème cycle Université nationale de Séoul, faculté de sciences de l'environnement
près la pluie, le beau temps ' Ainsi, les Coréens croient que la chance arrive toujours après le malheur. Il semble que cette croyance ne soit pas exagérée si l'on considère que bien qu'ayant longtemps vécu une histoire difficile, coincé entre les grandes puissances, ce peuple a sauvegardé sa langue propre et a conservé l'homogénéité de sa race. Le cas de la romancière Park Kyung-ni est un exemple qui témoigne dramatiquement de la foi en cette croyance. Park Kyung-ni est connue de tout le monde comme étant l'auteur du roman ''La terre". On ne peut pas la nommer sans tout de suite penser à ''La terre" ; ceci, sans doute, parce que c'est sa dernière oeuvre, que c'est un roman-fleuve en seize volumes achevés au terme de pas moins de vingt-six années, et, que celui-ci a été désigné à l'unanimité comme le meilleur ouvrage de la littérature contemporaine coréenne par les critiques alors qu'il n'était pas encore terminé. Le roman "La terre" dépeint les souffrances et les chagrins de toutes sortes, les adversités endurés par le peuple, tout en prenant comme arrière-plan l'histoire moderne de la Corée, pays qui tombe sous le joug de l'administration coloniale de l'empire japonais à partir de la fin du XIXème siècle quand le royaume Chos6n est vaincu. Ses grandes lignes en sont la libération du pays grâce à la vitalité du peuple qui, comme de la mauvaise herbe, survit à ces épreuves, et, qui grâce à sa force intérieure conserve sa dignité humaine.
A
Je pense que le fait que le roman "La terre" soit bien accueilli, non seulement par les critiques mais aussi par de nombreux lecteurs, est dû à ce que le parcours de peine, de patience, de comage et d'opiniâtreté de la vie de !'écrivain, ressemble à celui de ses héros qui ont vécu à l'époque de l'oppression Veuve de guerre, Park Kyungni, qui a commencé par nourrir sa famille de sa pauvre plume, a dû lutter contre un cancer malin, puis, voir son gendre, Kim Chi-ha, opposant au régime qui résistait au gouvernement dictatorial en écrivant des poèmes, endurer la prison dans les années 1970. L'importance de la terre
Sous le coup des impressions fortes ressenties en lisant "La terre", j'ai écrit un article sur le très fort attachement des Coréens à leur terre, visible dans les trois premières parties du roman. Cela m'a donné l'occasion d'avoir des relations personnelles avec Pak Kyung-ni. j'ai ainsi obtenu des informations personnelles en lui rendant visite deux fois par an à Wonju. Un jour de 1993, j'ai été témoin d'une scène pendant laquelle la Régie foncière de Corée prenait des mesures pour la préparation de l'exploitation d'un terrain à bâtir comprenant la maison de !'écrivain. L'écrivain s'attachait, alors, à la culture de légumes selon la méthode des engrais organiques, ce qui la délassait afin de surmonter les difficultés de la création littéraire dans cette maison isolée de la banlieue de Wonju. Elle parlait aussi de l'importance de la protection de l'environnement dans les journaux. Aussi avec la
nouvelle de la destruction de sa maison, j'ai craint que l'opiniâtreté de ['écrivain qui était en train de concentrer tous ses efforts sur l'achèvement de son roman, ne chancelâ~ bien qu'à l'ordinaire elle ne se permît point de succomber au découragement L'écrivain, qui savait déjà que sa maison allait être détruite, m'a dit, tout bonnement, et sans expression particulière, qu'elle avait honte. Elle m'a dit qu'aplanir avec un bulldozer toutes les plaines et toutes les montagnes pour aider au développement n'était pas ce qui convenait le mieux à un pays, et que protéger ce qui devait être protégé, était la saveur de la vie ; mais que, en ce qui concernait les comportements sociaux qui faisaient disparaître la littérature de tel ou tel écrivain, elle en était honteuse en tant que membre de cette société. Puis continuant, elle a cité un intellectuel russe qu'elle avait vu à la télévision. Elle me dit que celui-ci avait avancé que, quoique la Russie fût en train de se réduire à un pays de second ordre depuis la dissolution de l'ancienne URSS, "elle se relèverait parce que son éminente culture était vivante". Non seulement j'ai craint pour l'achèvement du roman en lui-même, mais aussi, après être parvenu à l'idée que dans les circonstances où le lieu de vie de !'écrivain disparaissait, cela ne me semblait pas être la meilleure façon pour les Coréens de sauvegarder et d'élever leur culture. Je m'inquiétais du fait que si nous n'étions pas capables de conserver les traces des lieux chargés de culture, comme sans passé il n'y a pas de futur, corrunent pouvions nous parler de "culture qui 35
édifie le pays"? C'est pourquoi, comme je connaissais très bien le prédécesseur du chef de la Régie d'exploitation foncière, du fait de mon travail dont le champ d'étude avait des rapports avec la terre, tout en informant ce dernier du problème, fai sollicité son aide afin que la maison de !'écrivain pût être conservée comme espace culturel. Non seulement, déjà, lorsque le chef précédant occupait le poste, mais aussi après, les méthodes de travail de la Régie foncière privilégiaient la standardisation et l'uniformisation qui sont conformes à la logique représentative de la société industrielle. Cette logique, en ce qui concerne le développement des terrains, signifie que le caractère économique est prioritaire sur tout autre chose, et que pour qu'il s'accom36
L'écrivain Park Kyung-ni recevant la médaille Gabriela Mistral des mains de l'ambassadeur du Chili en Corée.
La médaille "Gabriela Mistral" porte le nom de la poétesse chilienne qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1945. ·
plisse, toutes les entreprises doivent se dérouler selon le même schéma. Si un terrain était choisi comme zone d'entreprise d'exploitation foncière, on formait des zones d'industries à haute productivité, des complexes d'habitation d'immeubles hauts, après avoir, en invoquant quelques raisons, nivelé un qua1tier résidentiel déjà existant, des terres cultivées, des bois ou des landes, etc, sans exception, considérant qu'on ne pouvait rien faire si l'on se référait aux aspirations d'une partie des propriétaires désirant conserver les terrains hérités. J'ai donc persuadé l'ancien chef de la Régie en disant, que la direction politique de l'entreprise jusqu'à ce moment-là était convenable, mais que dans la situation d'une société industrielle très développée, elle devait être reconsidérée. En soutenant
qu 'il était temps que la Régie foncière redécouvrît et fît connaître la valeur de la culture et de l'environnement en plus des poursuites de nature économique, j'ai insisté sur le fait qu'il fallait conserver, telle quelle, la maison de !'écrivain. Au même moment, l'Association des hommes de lettres de la province du Kangwon a aussi commencé à protester en affirmant que la démolition de la maison de !'écrivain était déraisonnable. A l'automne 1994, après que nous ayons opéré de différentes manières, les cadres responsables de la Régie, ayant vu la réalité des exigences de l'époque qui était en train de changer, sont arrivés à la décision de préserver la maison de !'écrivain en l'incluant dans un parc, dont la construction était projetée à l'intérieur du grand ensemble d'appartements. Quoiqu'à l'intérieur même de la Régie, on eût critiqué les charges financières considérables dues aux constructions supplémentaires, ces cadres ont décidé de transformer les alentours de la maison en parc pour enfants, et, de conserver la maison, elle-même, en tant que "monument commémoratif de ('oeuvre de Park Kyung-ni" dans le cadre du parc. Comme il n'y avait pas de réglementation concernant la possibilité d'ajournement de l'exploitation d'un terrain à cause de sa valeur culturelle, ils ont décidé d'inclure cette maison dans le parc, recourant à un expédient. Ainsi, au printemps 1996, à l'exception de la maison, toutes les constructions artificielles qui étaient autour, ont été démolies. On projette de terminer les travaux de construction du complexe de la Régie foncière, y compris le parc, à la fin de 1997. L'écrivain a reçu des indemnités pour sa maison et sa terre parce que par la suite sa maison appartiendra au service public. Cependant, la Régie l'a invitée à ce qu'elle continue d'utiliser sa maison en y restant jusqu'à sa disparition. Malgré cela, comme c'est une personne tout à fait intègre ; elle a répondu qu'elle devait quitter, si possible, cette maison, étant donné qu'elle avait reçu les indemnités. Après avoir cherché un terrain dans un endroit plus tranquille dans la banlieue de Wonju, elle en a enfin
trouvé un isolé au pied d'une belle chaîne de montagnes proche du campus de Wonju de l'université Yonsei. Dès qu'elle a trouvé ce nouveau terrain, ses désirs refirent surface. Son roman, "La terre", achevé, n'ayant plus à se concentrer pendant quelque temps, elle a fait des projets d'activités telle que l'édification d'un petit centre culturel pour dynamiser la vie culturelle de Wonju, centre qu'elle essayera de diriger personnellement. Deux raisons ont poussé ('écrivain à prendre cette décision. Tout d'abord, avec le fait que le nom de lieu de Wonju signifie "le coeur géographique de la péninsule coréenne", on peut y faire le voeu de la réunification de la Corée. De plus, à l'intérieur de Wonju, qui est encore un village de montagne tranquille, resté tel ·qu'il était dans le passé et non encore atteint par la vague d'urbanisation, on peut mettre en contact les glorieuses traditions avec le futur. Il y subsiste, d'ailleurs, la musique des paysans de Maeji-ri, utilisant quatre sortes d'instruments, particuliers à cette région. ]'estime que, d'une manière concrète, le terrain, sur lequel Park Kyung-ni a établi ses nouveaux projets, convient pour revitaliser l'énergie des artistes asphyxiés par les poussières de la ville. Le paysage y est superbe. J'estime aussi qu'il fera parfaitement l'affaire, car elle peut aller à pied jusqu'à l'annexe de l'université Yonsei à Wonju, pour guider les étudiants du cercle de création littéraire du département de littérature coréenne de cette université, où elle donne des cours depuis quelques années. Pour ces travaux, elle a décidé d'investir toutes les indemnités qu'elle a reçues de la Régie. Le gouvernement a désigné 1996 comme étant l'année de la littérature afin de promouvoir les belles-lettres. C'est juste à ce moment-là, au début de l'année, que la Régie d'exploitation foncière a retiré le mot "exploitation" de son appellation. La Régie a considéré que le rôle, qu'elle a eu jusqu'à présent, qui était seulement et entièrement consacré au développement des terrains, n'était pas approprié à l'évolution de l'époque. Ceci montre, de façon symbolique, les changements de la percep-
tion de la Régie qui concentrera aussi ses intérêts sur la préservation des terres. En prolongement de ceci, se décidant à participer aux événements de la célébration de l'année de la littérature, la Régie foncière a proposé de créer un prix de littérature commémorant Park Kyung-ni, personnage important du monde littéraire coréen, avec qui la Régie a déjà noué des relations dans le passé. L'écrivain a répondu à cette proposition en disant que, personnellemen4 cela lui faisait un très grand honneur, mais qu'être l'objet de félicitations directes, la gênait beaucoup. Elle a ajouté que, comme, de nos jours, il y avait beaucoup trop de prix littéraires et qu'il en résultait un sentiment de dévalorisation de ces derniers, il serait plus judicieux que la Régie aidât un peu son projet culturel plutôt que de créer un prix littéraire. En effe4 en Corée, il y a un tel déluge de prix littéraires, qu'on en compte 180 sortes. En réponse à la proposition de !'écrivain, la Régie foncière a de nouveau approuvé très positivement ses idées et a décidé de prendre part à son projet. Avant tout, elle construira les bâtiments nécessaires à la concrétisation des aspirations de !'écrivain. Park Kyung-ni, de par son roman "La terre", a fait briller la renommée de la littérature, et, la Régie est un organisme chargé de l'exploitation et de la vente des terrains. Aussi, les représentants de la Régie définissent-ils leur situation tout à fait amusante, en disant qu'il est naturel qu'ils aident l'écrivain, celle-ci étant du même bord qu'eux. Ici, il nous faut nous souvenir de la raison pour laquelle !'écrivain a donné le titre "La terre" à son roman Elle a précisé que, bien que les mots t'oji, ttang, hük, taeji, etc., soient très proches, la raison pour laquelle elle avait choisi le mot t'oji était due à la notion de possession qui était fortement gravée dans le mot "purement coréen" t'oji Elle a aussi ajouté qu'elle avait choisi ce titre après avoir pensé que, le fait que l'histoire de l'humanité était devenue extrêmement confuse, avai4 plus que tout, son origine dans le problème de la "possession" qui est en relation avec la terre. Pour réaliser ce projet, une fondation, 37
d'appellation provisoire "Fondation Littéraire La Terre", devrait être bientôt constituée avec l'aide de la Régie foncière. Tout en s'inquiétant, à la fois, pour l'avenir de la Corée, l'avenir de l'Asie de l'est et, plus largement, pour l'avenù· du monde, y compris pour la formation d'écrivains prometteurs, !'écrivain veut chercher le véritable sens de la vie. C'est-à-dire que dans cette époque de destruction de l'environnement, elle veut rassembler les volontés et les sagesses qui sont capables de stimuler le sens de la vie, essence même de l'existence. Dans ce but, en prenant la littérature comme axe principal, elle veut former un petit mais important "creuset" des activités artistiques et scientifiques. Dans ce creuse4 devraient prendre place des structures pour les créations individuelles, les discussions collectives, la détente et la méditation, la publication et la représentation des oeuvres, etc. En Corée, il n'y a encore aucun établissement littéraire tel que celui que Park Kyung-ni projette de a·éer, cependan4 dans les pays étrangers développés, il y a de nombreux précédents. En Allemagne, la Wannsee Haus de Berlin, en France, la Maison des Ea-ivains que le Centre National du Livre dirige, et la Fondation Hachette qui est une association privée, et puis, aux EtatsUnis, l'international Writing Program, dirigé par l'Université de Iowa, sont pour ainsi dire des exemples similaires. A la fin de mars dernier, alors que la décision n'était pas encore certaine, Park Kyung-ni a reçu le prix Hoarn qui loue les réalisations qui se distinguent dans tous les domaines de la société. Le prix Hoarn est célèbre pour être, en Corée, le prix qui offre le montant d'indemnités le plus élevé. Voici, donc, les raisons pour lesquelles Park Kyung-ni a été choisi comme lauréate. "Nous avons raison de considérer ''La terre" comme étant le monument le plus grand des cinquante années passées depuis !'Indépendance. Ce roman a développé la richesse de la langue et de l'esprit du peuple coréen, dépassant une simple réalisation historique littéraire coréenne. Il nous est, à nous aussi, maintenant possible de dire au monde entier que, en Corée aussi, il y a un chef38
d'oeuvre littéraire dont le titre est ''La terre ". Le génie de Park Kyung-ni a obtenu d'autres récompenses. Le 26 avril 1996, !'écrivain a reçu la médaille commémorative Gabriela Mistral ( Gabriela Mistral Commemorative MedaÎ) à l'ambassade du Chili, quartier S6ngbok, à Séoul. Cette médaille lui a été donnée à l'occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire du prix Nobel que la poétesse mondialement reconnue, Gabriela Mistral (1889-1957), originaire du Chili, a reçu en 1945. Le Ministère chilien de l'Education a choisi, en 1995, cinquante écrivains vivants, de renommée mondiale. Bien qu'un grand nombre de gens de lettres qui ont fait briller la littérature espagnole en fassent partie, Park Kyung-ni a aussi été sélectionnée. Panni ces cinquante littérateurs de grande réputation, il y a deux lauréats du prix Nobel de littérat ure, ainsi que !'écrivain mexicain, Octavio Paz, très lu par les Coréens. La raison, pour laquelle Park Kyung-ni est devenue un écrivain de célébrité mondiale, est peut-être aussi due à ce que ses oeuvres ont déjà été traduites en anglais, en français, en japonais, etc. Cependant, le "volume" de ''La terre" est si important que, c'est à peine si la première partie en a été traduite. j'ai entendu, à ce propos, qu'en février dernier, le siège de l'UNESCO avait sélectionné ''La terre" pour faire partie des oeuvres de la collection des travaux représentatifs du monde, et qu'il avait décidé de traduire tous les volumes, tout d'abord en français, et, enfin, de les éditer dans une célèbre maison d'édition parisienne qui a publié plusieurs oeuvres ayant obtenu le prix Nobel de littérature. En expliquant ses impressions quant à l'obtention du prix, Park Kyung-ni a dit que lorsque qu'elle avait entendu qu'on allait lui décerner la médaille, elle avait été déconcertée à cause de deux choses. Elle a dit : "Une raison est que, dans notre vie, il est coutume qu'on oublie facilement le passé, alors pourquoi ce pays offre-t-il un prix pour louer une personne qui appartient déjà au passé ? Et l'autre raison est que, le Chili est le pays, géographiquemen4 le plus éloigné de la Corée, néanmoins pour quelle raison distingue-t-il une per-
sonne telle que moi ? j'étais soucieuse de savoir pourquoi". Puis, elle a ajouté : ''Pourtant, après quelques jours, il m'a semblé percevoir une raison. Les Chiliens ne connaissent pas bien ma littérature mais, comme ils leur semblent que, derrière, il y existe une authenticité cachée, elle peut les émouvoir. Et puis, j'adresse mon respect et mon amour au gouvernement et au peuple chiliens qui, en une telle occasion, m'offrent cette médaille." L'ambassadeur du Chili, dans son témoignage de reconnaissance, a expliqué, au sujet de !'oeuvre de Mistral, que le nom du poète était très significatif ; ce que Park Kyung-ni avait pressenti Son nom est un pseudonyme. Gabriela signifie "ange" et Mistral "vent". Il me semble que les acceptions contenues dans ce nom expriment aussi franchement la littérature de !'écrivain Park Kyung-ni, parce qu'elle a tenté d'incarner la vérité de l'ange, même dans les épreuves du vent. Il est certain que l'histoire contemporaine de la Corée est une histoire dont les Coréens peuvent être fiers. Ils peuvent être fiers d'avoir exécuté en une seule génération, rapidement, la modernisation que l'Occident a accomplie en une durée de plusieurs centaines d'années. Mais, la fierté de la Corée ne se limite pas seulement au fait qu'elle a parachevé l'industrialisation et la démocratisation. En un court délai, même à l'intérieur du tourbillon où s'est réalisé le développement de l'histoire, elle a créé de la grande littérature. En Corée, on publie un grat1d nombre de revues spécialisées en littérature à un tirage difficilement visible dans les autres pays. Ceci est important, cependant, on produit aussi de la grande littérature telle que "La terre" de Park Kyung-ni. L'oeuvre littéraire "La terre" qui dépeint et témoigne, de façon dramatique, de la vitalité que le peuple coréen a conservée dans l'histoire du monde récent, suggère l'espoir d'un avenir brillant pour les sociétés humaines, dont la Corée. A ce sujet, il est bien d'être conscient du fait que cette oeuvre littéraù·e, ''La terre", accomplie au sein de l'histoire coréenne contemporaine, est aussi, sans aucun doute, un monument commémoratif. •
INTERVIEW
"Le drame d'une identité" Entretien avec Chang-rae Lee, Auteur de Native Speaker KOREANA "Vous êtes venu à l'uniœrsité de l'Oregon à l'dge de vingt ans, oous avez alors commencé à rédiger Native Speaker pour
votre programme de maîtrise. Quelques années plus tard, une demi-douzaine d'éditeurs new-yorkais vous faisaient des offres pour publier ce livre. Comment tout cela est-il arrivé ?" LEE: 'Javais un ami, Gordon Kato, qui était agent. A New York, quelques années après le collège, j'avais commencé à écrire et il me fut alors présenté. Nous restâmes en bons termes après mon installation à Eugene. Le livre terminé, j'ai contacté Gordon et environ trois autres agents en leur envoyant un chapitre ou deux et en leur demandant s'ils acceptaient de me représenter ou de lire le reste du livre. Immédiatement, les quatre me dirent qu'ils voulaient lire la suite et certains acceptèrent de me représenter. Gordon et moi, nous nous connaissions déjà et il avait quelques bonnes idées pour vendre le livre, c'est pourquoi je l'ai choisi. Il l'a envoyé aux éditeurs qui pouvaient répondre favorablement, et il a vu juste. Ce fut le choc.Je voulais que le livre soit publié mais je n'avais jamais pensé qu'un éditeur aussi important irait si loin. Je n'avais même pas envisagé l'intérêt si vif que les éditeurs me manifestèrent et cela me plut."
KOREANA: "Selon vous, et avec le recul, qu'est-ce qui a suscité leur intérêt?" LEE: "Cette voix assurée, qui n'était pas "américaine d'origine asiatique", qui n'était rien d'autre qu'elle-même, plut à mon éditeur, Cindy Spiegel. Elle aimait le fait que cela ne semblait appartenir à aucun genre, que le
n 1995, Chang-rae Lee a publié "Native Speaker" aux éditions Riverhead. Il s'agit d'un remarquable premier roman mettant en scène un jeune Américain d'origine asiatique à la recherche de son identité personnelle et professionnelle. L'auteur, né en Corée, a immigré très tôt dans l'Etat de New York avec ses parents. Il a fait ses études au collège Phillips Exeter, à l'université de Yale, puis à l'université de l'Oregon, où il enseigne aujourd'hui la création littéraire. Pour KOREANA, le traducteur Bruce Fulton l'a rencontré à Eugene, où il vit avec sa femme Michelle, peu de temps avant qu'il ne s'envole pour Boston afin de recevoir le prix Hemingway qui récompense chaque année le meilleur premier livre de fiction d'un écrivain Américain.
E
livre entier n'appartenait pas vraiment à une catégorie." KOREANA ''N'est-œ pas inhabituel de voir
que tous ces éditeurs étaient intéressés par un livre qu'ils ne pouw.ient pas classer?" LEE: "Mais la vraie littérature de fiction appartient-elle à une catégorie particulière ? Un livre sérieux porte sur tout, c'est un bloc de vie. Cindy a vu que le héros du roman, Henry Park, était un Américain d'origine asiatique, un Américain d'origine coréenne, et que ce livre traitait manifestement d'Américains d'origine coréenne, d'immigrés et de toutes sortes de nouveaux venus. Quant à l'écriture, la langue et la forme, elle les trouvait intéressantes et différentes. Cela lui rappelait "L'homme invisible" de Ralph Ellison. j'avais lu ce livre, il y a longtemps et j'avais été touché, dès les premières phrases, par les sentiments du personnage. C'est peutêtre ceux qu'Henry Park possède, du moins je l'espère. C'est ce que j'ai essayé de lui donner." KOREANA "Vous avez dit être un ''écriw.in Américain d'origine asiatique''. Cette dé/inition oous convient-elle ?"
LEE: "Ça me convient parfaitement. C'est ce que je suis. Ce qui me dérange c'est la façon dont les gens définissent ce que ce type d'écrivain devrait dire et comment il devrait le dire. Si, dans mes romans, je n'écris pas toujours sur les Américains d'origine asiatique, j'écris cependant à partir de mon expérience liée à cette origine, l'expérience de quelqu'un qui a récemment immigré, qui vit probablement dans une zone urbaine et qui fait l'expérience de toute sorte de tensions. Et il y 39
a quelque chose de particulier à cette expérience, c'est une sorte d'acceptation du courant dominant mais avec le temps cette acceptation devient plus ténue. Il est intéressant mais troublant de voir que "!'Américain d'origine asiatique" n'est que partiellement bien reçu dans cette société."
souhaitée par la critique. Elle ne suit pas la loi à la lettre. Mais la loi change tout le temps. Les événements sociaux et politiques sont très dynamiques, mais !'écrivain agit sur un autre registre de temps et d'expérience. Les écrivains ne sont pas des journalistes, ils sont autre chose. Il font un travail journalistique mais ils ne sont pas journalistes."
LEE: ".J'ai une soeur qui vit et travaille avec son mari à Hong Kong. Avant même de pouvoir revenir ic~ ma mère est décédée en janvier 1991 Mon père pratique toujours la psychiatrie et s'est remarié."
collège avec Henry Louis Gates. J'étais dans une classe d'écriture qu'il donnait sur l'autobiographie et je fus stupéfait. Là, il y avait un type, plutôt jeune à l'époque, dans la trentaine, à Yale, noir, paraissant au-dessus de tout, si plein d'énergie, ayant tant de personnalité, professionnel et engagé, en contact avec le monde, attirant le monde sur de meilleurs chemins. Le plus souvent c'est ce que font les maîtres qu'ils le savent ou non. Par exemple, ils montrent aux gens qu'on ne peut pas les retenir, vous devez leur prêter attention ou vous devrez leur courir après. ]'étais très impressionné. Je ne suis pas comme Garrett ou Henry, mais ce que fai appris d'eux c'est le sens de l'autorité. Je sais qu'aujourd'hui on abuse de ce mot, mais c'est vrai."
KOREANA: "Comment le succès de Native
KOREANA: "Qu'en est-il de oos influences
Speaker a-t-il affecté oos relations avec eux? Est-œ que cela a tout changé ?"
littéraires ?"
KOREANA: "Voyez-oous un parallèle entre
cela et ce qui est souvent décrit dans les milieux d'affaire comme un plafond de verre, l'expérience d'Américains d'origine asiatique qui ont attei,nt une certaine position sociale et qui y sont restés, bloqués ?" LEE: "Oui, c'est cela. Jusqu'à un certain point, il y a assez de confiance et de familiarité pour qu'ils soient acceptés. Mais actuellement pour que la société accepte qu'ils arrivent au sommet, quelque chose d'autre doit se produire. Je pense que les Américains d'origine asiatique ont rencontré ces barrières beaucoup plus tard que les autres minorités mais ils les ont néanmoins trouvées. C'est à propos de cela que j'essaie d'écrire. Mais je pense que je dois être capable de faire mon choix et de décider ce sur quoi je veux écrire. Bien sûr, c'est de la responsabilité de l'artiste de faire un bon travail et d'être moralement sérieux, mais j'arrête tout de suite celui qui ferait une objection à propos de l'authenticité -visant ceux qui écrivent pour la communauté ou pour les artistes de la communauté américaine d'origine asiatique." KOREANA: "Cela me rappelle le bruit fait
autour du succès d'Amy Tan." LEE: "Oui et aussi pour celui de Maxine Hong Kingston. Quoique l'on pense d'Amy Tan en tant qu'auteur, et je pense que c'est une merveilleuse conteuse, mais je déteste entendre dire : "Amy Tan, vous, vous avez tant de pouvoir, tant d'influence sur le courant dominant, la société blanche, et sur les décideurs. Aussi devez-vous être prudente quand vous écrivez". Tous les écrivains sont prudents quand ils écrivent, c'est la règle du jeu. A mes yeux, le seul crime d'Amy Tan, en ce qui concerne cette critique culturelle, c'est qu'elle n'a pas compris une certaine identité culturelle ou artistique qui se prononce pour la justice et qui propose une moralité 40
KOREANA: ''Pouvez-vous nous parler de
ootre famille?"
LEE: "Actuellement, je pense que notre relation a changé après la mort de ma mère." KOREANA: ''De quelle façon ?"
LEE: ''Nous communiquons mieux, nous parlons plus."
LEE: "Il y a tant d'écrivains que j'apprécie, mais mon favori reste James Joyce, surtout le jeune Joyce. Sa clarté et son lyrisme sont tout à fait remarquables. L'autre, que j'ai toujours aimé, c'est William Styron, pour les mêmes raisons : une langue différente mais la même envolée, la même précision." KOREANA: "Aucun auteur corœn ?"
KOREANA: 'Tous les trois ?"
LEE: "Oui. Je pense qu'après la mort de ma mère -c'est ce qui arrive peut être dans toutes les familles- on a tous été très secoués. Ça m'a certainement ébranlé et bien que j'ai toujours voulu et pensé écrire, ça m'a conduit ailleurs, ça m'a aidé à écrire. Garrett Hongo (le maître de Lee à l'université de l'Oregon) dit parfois qu'après sa mort, je me suis accordé à son humanité ; que d'être juste avec elle, de vivre cette expérience, cette expérience de la mort, m'a rendu plus humain. C'est peut-être vrai.Je pense que je ne fus jamais aussi vulnérable qu 'après sa mort. Et je crois que la vulnérabilité est ce dont tout écrivain a besoin pour écrire quelque chose de décent." KOREANA: "Votre mère était une présence
considérable; Garett est une présence professionnelle. Qu'en est-il des autres ?" LEE: ".]'ai eu une expérience merveilleuse au
LEE: ''Non, parce que je n'ai pas lu les auteurs coréens. Pendant mon adolescence, ce fut toujours difficile pour moi de trouver de bonnes traductions, et j'étais tellement habitué à une certaine forme de langage que quand je trouvais quelque chose d'autre cela me paraissait prosaïque. Une bonne traduction c'est juste un nouveau et également bon livre, n'est-ce pas? Un livre légèrement différent mais tout aussi bon ; on ne doit jamais sentir que c'est une traduction. Mais, même quand j'avais 12 ans, je savais que je lisais une traduction. En un certain sens, j'aimais les histoires pour ce qu'elles montraient mais en tant qu'écrivain je ne pouvais rien apprendre d'elles. Et j'étais sans cesse en train d'écrire." KOREANA: "Quand oous di~ que oous étiez sans cesse en train d'écrire oous parlez de
ootre adolescence?" LEE: "Oui tout particulièrement au collège et
Chang-rae Lee (à gauche) discutant avec Patrick Hemingway, le fils de Ernest Hemingway, quelques minutes avant la cérémonie lors de laquelle lui fut remis le Prix Hemingway.
au lycée, j'écrivais beaucoup de poèmes et d'histoires."
wus avez commencez la rédaction de Native Speaker, que signifiait pour vous la Corée et qu'est-ce qu'elle signifie pour wus maintenant?"
KOREANA ''En 199~ quand
LEE: "Une année avant de commencer Natiue Speaker, j'étais à Séoul avec mes parents. C'était le dernier voyage de ma mère làbas." KOREANA ''Etait-œ un WJ-t:l~ d'adieu pour wtre mère ?"
LEE: "Oui. Ce fut un voyage assez triste mais aussi merveilleux parce que nous ne vîmes pas seulement la famille mais aussi ses amis; j'ai ainsi pu avoir un aperçu de sa vie. C'était la première fois que fétais assez vieux pour regarder et voir autour de moi. Je n'avais
aucun sentiment particulier concernant la Corée, il s'agissait surtout de se retrouver en famille. Même à cet âge de 23 ou 24 ans, je n'appréciais guère les paysages, la vie quotidienne, ou la politique, et je n'avais aucune idée sur ça. Mes deux derniers voyages -avec ma femme Michelle et sans mes parents- furent mes premiers voyages en tant qu'adulte. Les premiers moments, pour Michelle, furent stupéfiants. Un temps, le choc culturel fut pour elle immense. C'était comme débarquer sur Mars ; elle n'avait pas de point de repères. Elle connaissait très bien la nourriture, mais les gens, la densité de la population à Séoul, la fa çon dont les autres la traitaient, la dévisageaient, l'ont déroutée ; elle était préparée intellectuellement mais pas émotionnellement. Et cela m'a fait penser aux lieux où les gens sont étrangers. Je me sens comme cela ici, bien qu'il y ait une différence de degré. Pour Michelle, c'était accablant d'être toujours vue comme une étrangère. Quant à
moi, fai toujours l'impression que les gens me voient comme étranger ; alors que je suis sûr de ne pas l'être. Cela me fait penser à cette impression étrange que fai ressentie toute ma vie, ici et tout spécialement quand je retourne en Corée. En un certain sens je ne m'en porte pas plus mal : marcher dans les rues de Séoul me fait ressentir des choses que je n'ai éprouvées nulle part ailleurs -être juste parmi le peuple coréen et non s'y coller. C'est un sentiment merveilleux et effrayan~ parce que j'avais tant essayé de m'y coller auparavant. Mais quelle impression, étonnamment grande !" KOREANA: "Comment votre vie a-t-elle chan/}3 depuis le succès de Native Speaker ?" LEE: ".)'ai reçu beaucoup plus de courrier. Et, cette semaine, par exemple, j'ai eu un appel du New York Times qui m'a proposé de tenir une chronique. Jen ai parlé avec Garrett, de cette responsabilité que, soudain, vous avez vis41
wtre travail quotidien ?"
haute wix, phrase par phrase?"
LEE: "Et bien, je travail à la maison et fessaie de trouver un moment tous les jours pour écrire mes romans ou autres choses. Normalement, il me faut du temps pour faire un premier brouillon. Si, quand j'écris, vous pouviez regarder par-des.sus mon épaule vous verriez que chaque phrase, chaque mot posé
LEE: ' .Je dois toujours entendre mon texte car si je ne l'entends pas, je ne peux pas en sentir la musicalité. En un certain sens, je suis comme un poète : si le son n'est pas juste, par rapport à ce que je veux dire, cela n'avance pas Je ne peux pas accepter une plu·ase qui ne produit rien Si elle n'a pas de musicalité, je la sens terne et dans ce cas, je cherche toujours d'autres mots, une autre nuance qui donnera une tension dramatique au langage."
à-vis du public, que vous avez en tant qu'artiste voire en tant que citoyen. Ma vie a changé en ce sens. Parfois comme pour ces chroniques du New York Times, je sens que je devrais écrire quelque chose, bien que fai beaucoup d'autres occupations. Normalemen~ je ne devrais pas le faire, mais étant donné la particularité de cet espace et de ce forum, et sachant ce que je veux écrire, je me sens plutôt confiant Ce n'est pas une question d'argent. Cest que pour une raison ou une autre ces éditeurs veulent entendre ce que j'ai à dire, et ils m'appellent pour savoir ce que je pourrais dire. Cette sorte d'interruption est merveilleuse mais elle apporte de grandes responsabilités et est contraignante. Non pas que je sois le représentant de quiconque mais je sais que ces mots ont un sens et que ces pages influencent les gens. Un roman le fait aussi, bien que nous pensions à l'intérieur d'un monde de fiction qui a ses caractéristiques propres. A l'extérieur, dans ce monde en désordre, c'est une autre histoire e~ de plus en plus, je me demande comment écrire à propos de cela. Je suis prêt à le faire, puis j'hésite. Cet aspect a changé ma vie et faime ça peut-être moins que je ne l'avais pensé. Cela me renvoie de plus en plus à ce que faimerais vraiment faire à savoir écrire mes histoires, quelque chose sur ma famille, peut-être dans les chroniques pour le Chang-rae Lee New York Times. Je pense que je suis un peu embarrassé d'être "une personnalité" plutôt qu'un écrivain. Parce que dans cette société les gens n'acceptent pas n'impo1te qui. Ils ne veulent pas de vrais écrivains, de vrais acteurs ou de vrais politiciens. Ils veulefl! des représentants, des démagogues, des promoteurs, des modèles."
est effacé pour être remplacé par autre chose. Quand je termine, j'en suis peut-être à la cinquième ou sixième version. Je ne suis pas de ceux qui passent et reviennent. Peut être est-ce la facilité du traitement de texte mais je dois revenir sur une plu·ase trois, quatre, cinq, six fois."
KOREANA: 'Pouvez-vous nous parler de
KOREANA "Fst-œ
42
KOREANA: "Que pouvez-
vous nous dire de votre prochain livre ?Jai entendu dire que les femmes de r{x;onjort en seraient les figures principales." LEE: "Ce n'est pas tant un roman sur les femmes de réconfort qu'un roman sur une femme qui a eu cette expérience et sur la façon dont cette expérience dans les camps, puis son retour en Corée ont affecté sa vie. Tous les romans ont à voir en quelque sorte avec le drame de l'identité et son identité est liée à ces horreurs. L'a utre personnage important est un américain et l'histoire raconte comment les deux peuvent trouver une voie pour vivre. En quelque sorte l'histoire est plus tournée vers le futur que vers le passé." KOREANA: "Comment se fait œ livre?"
que vous lisez le texte à
LEE: "Plus lentement que je le souhaiterais. Ce qui est amusant, c'est que j'ai une idée très précise de ce que je veux, plus que pour le dernier livre. Je pense que je suis plus expérimenté cette fois, que j'ai acquis du métier. Les choses que j'ai essayées ont fait leur travail. Je n'ai maintenant qu'à trouver le meilleur chemin pour raconter l'histoire." •
PATRIMOINE MONDIAL
CHONGMYO
600 ans de rites et d'architecture Kim Tong-uk Professeur en Architecture Université Kyonggi
ans les sociétés asiatiques influencées par la Chine, on a toujours donné une grande importance au ye, considéré comme un principe essentiel de la conduite humaine. Le ye comporte une variété de rites, parmi lesquels le plus important fut, dans la Corée ancienne, la cérémonie des sacrifices officiels offerts aux divinités existant dans le monde naturel qui entoure les humains. Au
D
Vème siècle avant JC, Confucius mit au point un système philosophique ayant pour base le ye, qui se développa plus tard en Confucianisme. Par la suite, le Confucia-nisme devint l'idéologie dominante des gouvernements des anciens pays d'Asie. Parmi les divinités auxquelles on offrait des sacrifices officiels, en plus des esprits célestes qui gouvernaient le ciel, il y avai~ bien sûr, les divinités des fleuves, des
montagnes et de la nature, ainsi que les dieux régissant la vie humaine, les travaux des champs et les récoltes. A chacune de ces divinités, on édifiait un autel abritant l'esprit du dieu et c'était la coutume d'y offrir des sacrifices. Les esprits des défunts étaient également susceptibles de recevoir des sacrifices officiels, par exemple le légendaire général chinois Kwanu (Kuan Yu), ou bien Confucius, ainsi que les rois après leur mort. On
La porte menant àYongnyong-jon
43
appelait myo le lieu où reposait l'esprit du mort, Chongmyo étant le mausolée où des sacrifices étaient offerts aux esprits des rois défunts. Elever des autels, offrir des sacrifices aux divinités du ciel et de la terre, ou bien construire des mausolées pour Confucius ou les rois défunts et leur offrir des sacrifices, tout cela fut observé pendant longtemps en Chine et dans de nombreux pays d'Asie orientale soumis à l'influence culturelle de la Chine, comme la Corée, le
Japon, le Vietnam. Parmi eux, surtout en Chine et en Corée qui conservèrent longtemps le système de monarchie centralisée, les cérémonies des sacrifices officiels revêtaient une importance nationale. Dans les dynasties d'Asie orientale, le Chongmyo fut le lieu d'importants sacrifices, car il symbolisait le pouvoir royal. C'est pourquoi, chaque dynastie construisait son mausolée dans le plus beau site possible et y off rait de solennelles cérémonies sacrificielles. Cependant,
comme Chongmyo dépendait du destin de la dynastie royale, si celle-ci disparaissait, on détruisait le mausolée royal et la dynastie suivante en construisait un autre. Si bien que Chongmyo fut toujours rénové. Le mausolée du royaume de Choson 0392-1910) fut construit à la création de ce royaume. Quelques années plus tard, la nouvelle dynastie ayant établi sa capitale à Hanyang (aujourd'hui Séoul), on y reconstruisit le Chongmyo. C'était en 1395.
Chongjon, le bâtiment principal du Chongmyo, temple pour les ancêtres royaux du royaume de Choson. 44
Ce mausolée du royaume de Choson comporte des caractéristiques uniques qui méritent d'être signalées. Tout d'abord, et c'est là un fait rarissime, il fut utilisé durant une longue période de 500 ans. De plus, des sacrifices y furent offerts aux esprits des rois défunts qui se succédèrent pendant 500 ans. En général, on offrait des sa-crifices en remontant jusqu'à la cinquième génération, ou, au plus, jusqu'à la septième, jamais plus loin, mais dans le cas du royaume de Choson, on en a offert
pendant 500 ans et on continue, même de nos jours, à en offrir. Les sacrifices offerts aux esprits des rois défunts, depuis la fin du XIVème siècle, se perpétuent encore à la fin du XXème siècle, soit depuis 600 ans. C'est là un fait unique qu'on ne retrouve ni en Chine ni nulle part ailleurs. Le royaume de Choson a duré environ 500 ans, pendant lesquels 27 rois se sont succédés, appartenant tous au même clan des Yi. Tous reçurent, après leur mort, des sacrifices à Chongmyo. En dehors de ces
27 rois, 6 autres qui devaient régner mais qui moururent avant leur sacre reçurent également des sacrifices. Par contre, 2 rois, renversés par des coups d'état, n'en reçurent pas. Les ancêtres du premier roi y furent vénérés, en conformité avec la coutume d'offrir des sacrifices aux aïeux jusqu'à la quatrième génération. Si bien que les esprits de 35 rois du royaume de Choson y furent vénérés. Il est évident que, dès le début, on n'y a pas vénéré ces 35 rois défunts. Chongmyo
45
fut tout d'abord une petite construction, car on ignorait combien de temps la dynastie se poursuivrait. Par la suite, les rois se succédant, de nouvelles constructions y furent ajoutées. A Chongmyo, 1 kan (traditionnelle unité de mes ure pour un espace entre 2 colonnes) est attribué à chaque roi. Dans le fond de ce kan, se trouve une table supportant une tablette funéraire en bois, sur laquelle est inscrit le nom du roi. Devant la table, un espace est prévu pour que quelqu'un puisse y faire, au moment des sacrifices, la grande prostration front jusqu'à terre, une porte en bois à deux battants épais fermant le tout. A l'extérieur de cette porte, il y a un autre espace dégagé, constitué de deux colonnes, où, au moment des sacrifices, on place une table sur laquelle on brûle de l'encens. 46
Lors de la construction de Chongmyo, le bâtiment comportait 7 kan. Le nombre des rois défunts s'accroissant, une annexe fut construite à l'ouest de la structure existante : à cette annexe, on donna le nom de Yongnyong-jon (Hall de la Paix Eternelle). Là, furent vénérés les quatre générations des ancêtres du premier roi, ainsi que les rois qui moururent sans laisser d'héritiers. Le mausolée d'origine s'appela Chong-jon (Hall principal) pour le différencier de l'annexe. Dans ce mausolée principal, on y vénéra le fondateur de la dynastie (T'aejo), les rois qui donnèrent des héritiers au trône, ainsi que ceux dont les mérites éminents étaient reconnus. La tablette funéraire du roi T'aejo fut placée à l'endroit le plus à l'ouest, tandis que celles des rois suivants furent mises à sa suite, successivement, en
direc tion de l'est. L'arrangement fut différent dans l'annexe (Hall de la Paix Eternelle) : les tablettes des quatre ancêtres du roi Taejo furent placées dans les 4 kan centraux, celles des autres rois étant mises à part, d'oues t en es t, par ordre chronologique. Si l'es t est généralement considéré comme une bonne direction pour les vivants, l'ouest est choisi pour les morts, ce qui fait que la tablette funéraire du roi T'aejo est placée la plus à l'ouest. Cet arrangement s'avéra très pratique, quand la stru cture originelle de 7 kan fut agrandie à 11 kan : il suffisait alors d'ajouter à la structure existante de nouveaux ka n, en direction de l'est. C'est de cette façon que 19 kan furent aménagés dans le mausolée principal. La dernière extension eut lieu en 1836, après quoi rien
Agauche,le Yongnyongjon, temple pour les rois sans descendants pour le trône. n y a un espace réservé pour chaque roi ( ci-dessus) où est entreposée la tablette en bois qui porte son nom (à droite).
ne fut plus surajouté jusqu'en 1910 qui vit la fin du royaume Chos6n. Quant à la structure de l'annexe, un nombre identique de kan furent aménagés de chaque côté des 4 kan principaux : ce fut aussi en 1836 qu'on y ajouta les 6 derniers ka,~ de chaque côté de ces 4 kan. Solennité architecturale Quand Chongmyo fut construit a Hanyang (aujourd'hui Séoul), capitale du royaume Chos6n, c'est à l'est de la ville qu'il le fut, sur la gauche du palais royal, tandis qu'à l'ouest fut bâti le Sajiktan pour y vénérer les dieux de la terre et des récoltes, ainsi ces divinités et les esprits des ancêtres assuraient la prospérité royale. Dans le Séoul actuel, on peut toujours voir, au milieu de la cité, Chongmyo et Sajiktan, le palais royal Ky6ngbok-kung
se trouvant entre les deux. Chongmyo est à l'emplacement où il fut autrefois bâti, des constructions y ayant été seulement ajoutées au fil des ans. Une partie en fut incendiée à la fin du XVème siècle, lors de l'invasion japonaise, mais fut vite reconstruite. Le mausolée principal (Ch6ng-j6n), situé au milieu d'une zone boisée, est orienté vers le sud, comme l'est également son annexe (Y6ngny6ng-j6n) située à l'ouest. Les matériaux utilisés dans les deux bâtiments sont des colonnes en bois dur et des toits en pente raide couverts de tuiles grises traditionnelles. Au sommet de chaque toit, sur les côtés, on peut voir des figures d'animaux qui sont les gardiens symboliques des édifices. La caractéristique de ces deux constructions est leur longueur qui semble s'étirer indéfiniment. Le long mausolée principal de 19 kan possède à chaque extrémité des ailes perpendiculaires au bâtiment, comportant chacune 5 kan. Si l'aile de l'est ne comporte que des colonnes et un toit, celle de l'ouest, par contre, possède des murs. Ces deux ailes n'ont aucune fonction parti-
culière, sinon d'ajouter une touche harmonieuse à l'ensemble qui, sans cela, semblerait trop long et d'aspect monotone. Il en est de même pour l'annexe qui possède, elle aussi, deux ailes. Une vaste terrasse, basse et rectangulaire, dont un des côtés mesure plus de cent mètres de long, et où évoluent, au moment des sacrifices, officiants, musiciens et danseuses, s'étend devant le mausolée principal (Ch6ng-j6n). Elle est pavée de pierres carrées, grossièrement taillées, disposées à dessein d'une façon irrégulière : ce qui donne une certaine vie à l'ensemble. Le visiteur qui se tient face au mausolée principal se sent bien petit devant la majestueuse façade et la forme de l'imposant bâtiment. L'unité de base étant le kan de la chambre des esprits abritant 47
les tablettes mortuaires, chaque kan est bâti sur le même et simple modèle qui se répète 19 fois. C'est là le secret de cette solennelle architecture. L'immensité de la terrasse en pierre ajoute encore à la majesté du mausolée. La terrasse est entourée d'un mur en pierre, dont celui du sud comporte, en son centre, trois portes que personne ne peut franchir, ças même le rci : elles n1t réservées aux esprits des morts. Au moment des sacrifices, le roi entrait par une petite porte pratiquée dans le mur de l'est, parce que, face aux esprits des ancêtres, même un roi devait s'abaisser, tandis que les officiants utilisaient une porte à l'ouest. Le solennel édifice était un hommage architectural rendu, non aux humains, mais aux esprits, les maîtres du mausolée. Des rites grandioses Le service mémorial à Chongmyo corn-
Corridor frontal de Chongjon 48
porte une offrande de mets préparés minutieusement, des lectures de poèmes, de la musique solennelle et des danses gracieuses. C'est un festival combinant diverses formes artistiques, accompagnées de nourriture, pour tout dire, c'est un sacrifice qui se veut agréable. Viande de boeuf, de porc et d'agneau sont les ingrédients de base des offrandes de nourriture, mais on prépare aussi une grande variété de fruits, de céréales, ainsi que du vin : en tout, 63 sortes de plats sont déposés sur la table du sacrifice. A noter que les récipients de nourriture comportent trois pieds, leur forme étant inchangée depuis l'époque de la Chine antique. Le sacrifice débute par de la musique et des chants, à savoir : le Pot'aep'yong en l'honneur des mérites du roi Taejo, fondateur du royaume Choson, et le Chongdaeop qui loue ses exploits militaires. C'est
là un genre musical qui n'existait pas lors des sacrifices chinois. La musique rituelle appelée che-rye ak, que l'on joue pour les sacrifices, est caractérisée par son rythme solennel et sa mélodie gracieuse. Utilisant des instruments tels que le taegüm (sorte de longue flûte traversière coréenne) et d'autres d'origine coréenne et chinoise, c'est une musique originale, alliant le ton clair des instruments de percussion, tels que le p'y6n-gy6ng (carillon) et le p'y6njong (cloche), la cadence des grands tambours, et la lente et solennelle mélodie des p'iri (flûtes) et des ajaeng(cithares). Deux sortes de danses sont exécutées pendant la performance musicale : la danse civile (mun-mu) lors du Pot'aep'y6ng et la danse militaire (mumu) pendant le Ch6ngdae6p. Les danseuses tiennent en mains des flûtes et des plumes de faisan, lors de la première
danse, des épées et des lances lors de la seconde. Durant le temps du royaume de Chos6n, ces rites sacrificiels étaient organisés régulièrement cinq fois par an et chaque fois qu'un événement important méritait d'être signalé aux esprits des ancêtres. Le roi y assistait en personne et se prosternait quatre fois devant chaque tablette funéraire, avant d'offrir du vin. La même scène se répétait invariablement dans les trente-cinq kan. La lente et grandiose cérémonie se poursuivait toute la journée, au milieu des airs de musique raffinée, tandis que la grande terrasse était alors entièrement occupée par les musiciens, les danseuses et les officiels qui servaient le roi. Ce rite appelé che-rye est encore organisé chaque année, le premier dimanche de mai. Comme il n'y a plus de roi, ce sont les descendants de la branche royale de la famille Yi de Ch6ngju qui sont chargés de la cérémonie. Bien que ce mémorial ne soit plus que celui d'un clan, il ne diffère en rien de celui qui se déroulait fastueusement lors du royaume de Chos6n. Les
Descendants de la branche royale des Yi de Chonju en train de procéder aux rites destinés aux anciens rois de l'époque Choson ( en haut). Les danses ( ci-dessus) constituent une partie importante de la cérémonie.
anciens du clan Yi de Ch6ngju préparent plusieurs jours à l'avance les rôles qu'ils tiendront lors de la cérémonie où ils rendront hommage à leurs ancêtres. Les musiciens du Centre artistique de musique coréenne traditionnelle interprètent les airs du cérémonial, tandis que de jeunes étudiantes de l'Ecole de musique traditionnelle, revêtues d'habits d'autrefois, tenant en main flûtes, plumes de faisan, ou bien épées et lar.J.ces, dansent comme les danseuses de jadis. Chongmyo, situé en plein centre de Séoul, a gardé son aspect d'autrefois. On a peine à croire que des bâtiments datant de 600 ans existent encore au milieu d'une forêt de buildings en béton, au beau milieu d'une ville de plus de dix millions d'habitants. Ce qui est également étonnant, c'est que des rites sacrificiels datant de 600 ans s'y déroulent encore. Chongmyo et ses rites nous font découvrir deux visages de la Corée : celui d'un pays au développement remarquable, tourné résolument vers le XXIème siècle, et celui d'un pays qui honore ses traditions et ses coutumes. + 49
ARTISTES COREENS A L'ETRANGER
A la découverte de l'univers du sculpteur
John Pai Yoon Soon-young
Anthropologue aux Etats-Unis
i certains artistes modernes peuvent être comparés à des "demidieux", on peut voir dans d'autres de vrais "pèlerins". Et, dans cette deuxième acception, c'est à John Pai que nous pouvons penser en premier. De sa vie passée dans deux pays de culture différente, les Etats-Unis et la Corée, il a fait un sujet de réflexion et il a recherché un sens à son expérience. Contrairement à d'autres artistes qui se renferment dans le narcissisme, Pai atteint un univers existant au plus profond de lui mais qui néanmoins reste lié au reste du monde. Toujours à la quête de la valeur morale et philosophique de l'art, il avance avec la foi d'un prêcheur bouddhiste. Sa démarche est un peu révolutionnaire à une époque où de "simples productions" suffisent pour beaucoup d'artistes peu préoccupés par des questions fondamentales. En fait, Pai vient d'une famille "révolutionnaire". Son père, le pasteur Pai Minsoo fut emprisonné pour ses activités nationalistes durant l'occupation japonaise. Quant à sa mère, elle participa activement à la vie politique et sociale de son pays, remettant en question les tabous sur le rôle des femmes. Condamnés à l'exil politique, ils vécurent tous le deux aux Etats-Unis jusqu'au jour où ils purent retourner en Corée recons-truire le pays dévasté par la guerre. A l'époque âgé de quatorze ans, John resta, séparé de ses parents, dans l'Etat de Virginie-Ouest. Son plus grand souvenir reste ses moments passés à
S
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JohnPai
"A travers l'art, on sait qu 'on existe. On ne peut pas se détacher de la vie pour être un artiste. On doit être musicien, celui qui se teste, se trompe, doute, plonge au milieu des choses."
écouter sa grand-mère raconter des histoires anciennes. Sur ses genoux, il cherchait dans le ciel l'étoile la plus éclatante les nuits d'été. Dès lors, il voulut toujours retrouver ce qui reliait sa vie et cette fameuse étoile. En 1964, il eut vingt-six ans et quitta sa terre d'accueil pour retrouver ses parents en Corée. Diplômé en design industriel à l'Institut Pratt de New York, il apporta son aide à la construction d'une annexe de l'école de ses parents dans la partie rurale de Taejon. En y travaillant, il se demandait ce qu'il devait faire de sa vie et demanda à son père s'il se rendait ainsi utile à l'enrichissement économique de son pays. "Non" fut la réponse. Celui-ci l'empêcha également un jour de donner une pièce à un mendiant sans explication. John comprit plus tard que pour ce pays, l'indépendance économique était prioritaire et que les Coréens ne devaient pas vivre en attendant l'aide extérieure. Un jour, où il tenta une deuxième fois d'apporter un peu d'aide aux étudiants occupés aux travaux du repiquage du riz, un soldat lui fit comprendre que sa place n'était pas dans les rizières et que le travail qu'il avait à faire ne pouvait être fait en Corée. Il vit qu'il ne pouvait être d'aucune aide dans ce pays et pensa retourner aux Etats-Unis et se dit que l'amour pour un pays n'avait pas de frontières ... Avant son départ pour les Etats-Unis, il fut guidé par un homme consacré à la préservation de la culture et de l'art coréen. Celui-ci lui fit visiter des musées et lui montra les poteries, les cuillères,
les sculptures et les objets en fer de ses collections privées. Pai comprit que la vraie id entit é culturelle de la Corée rés id a it ju ste me nt dans ces ch oses précieuses et immortelles. Il se rendit co mpt e de la po rt ée du trava il des inno mbr a bl es arti stes, mu sicie n s, auteurs et philosophes dans le fa çonnement de la civilisation coréenne. Il sut qu'il devait devenir un artiste non
INVOLUTION, 1974 Acier soudé, 100 x 100 x 100 cm
pas un architecte. Alors que ses parents continuèrent leur travail en Corée, Pai repartit pour les Etats-Unis pour enseigner à l'Institut de Pra tt e n tan t q ue directe ur du département de sculpture. C'était, alors, le plus jeune des directeurs de département. Et il contribua à mettre en place des programmes innova teurs po ur la coopération internationale et l'éduca51
Le sculpteurJohn Pai au travail dans son atelier.
tion créative. Beaucoup d'étudiants le suivirent. Pai les encouragea à voir les choses fondamentales dans leur culture et dans eux-mêmes et à analyser avec discernement les questions qui se posaient à eux. Le silence, le vide et le destin étaient les thèmes de l'art moderne que des artistes américains avaient découvert dans la culture orientale mais il y avait autre chose selon Pai. Toute personne capable d'une auto-analyse pouvait trouver une vérité universelle et une grande valeur morale. Durant plusieurs années, il s'investit dans l'éducation et dans sa sculpture. Au terme d'une autre visite en Corée, quinze ans après la première, beaucoup de choses avaient changé. En 1979, il découvrit un pays en pleine mutation industrielle. La peinture, la danse et la littérature occidentales étaient accessibles dans les universités, les salles de représentation et les musées. Mais sous le vernis de cette société en plein modernisme demeuraient les ombres des 52
ancêtres et des esprits coréens.
Un univers multiculturel Pai fit une expérience singulière lors d'une escalade en montagne en compagnie de son ami Yu T6k-hy6ng, un homme de théâtre. Une vieille chaman lui apparut soudain et l'arrêta. Son visage ressemblait étrangement à celui du batelier dans le roman Siddharta de Herman Hesse, qui tantôt se transforme en terre, tantôt en rivière. Le regard de cette femme était infiniment profond bien que ses pupilles ne fussent pas perceptibles. Elle connaissait tout de lui: d'où il venait, combien d'enfants il avait, comment étaient sa femme et sa maison. "Comment savait-elle cela ?" Pendant tout le reste de son séjour en Corée, il fut comme pris de vertige. Il eut l'impression que sa grand-mère était revenue sur terre pour le ramener dans le passé. De retour aux Etats-Unis, il créa Colonne du silence, une superposition de cubes qui, d'après lui, rappelle les offrandes rituelles en Corée.
L'inspiration pour ses sculptures vient de son monde intérieur, de son intuition et de son univers propre. Sa rencontre avec la chaman confirma en quelque sorte l'existence et la vérité d'une autre culture. D'après lui, "Tout être humain possède en lui un univers imprévisible, complet et symbolique. Et cet univers personnel est respectable et admirable". Ce qui lui dorma le droit de révéler le sien fut l'art. En 1980, une exposition du peintre défunt Kim Whanki et de John Pai fut organisée à la FIAC de Paris. Pour la première fois, devant un public international, l'univers multiculturel de Pai fut montré. Son art évolue dans une réalité qui réunit toutes les cultures et toutes les races. Ses rencontres avec des artistes américains et européens et des philosophes comme Roszak, Vishniac et Murchie lui permirent d'explorer une grande variété d'expressions et de concepts artistiques. Ses études sur l'Afrique, l'art primitif et la littérature comparative lui donnèrent la chance
d'embrasser la civilisation du monde entier. Toute sa recherche le conforta dans l'idée ambiguë qu'il se faisait des artistes considérés comme des "demidieux". Dans une interview accordée au sculpteur Gillian Jagger, Pai a dit : "Selon Calvin Albert, les artistes seraient des gens damnés forcés à créer malgré eux. Ce propos leur donne une mauvaise image. Roszak fut ma source d'inspiration jusqu'au jour où je vis que ce maître n'avait plus de questions à se poser". Pour Pai, la création est une quête personnelle et l'artiste n'a pas la charge de donner une réponse aux questions de l'humanité. De sa sculpture, il dit : "Elle est le fruit d'un hasard et d'un peu de volonté. Je me bats avec mes propres limites et le résultat de mes actes. Je ne devine jamais quand et comment une sculpture va prendre sa forme finale". Il oeuvre avec une conviction et une énergie encore plus forte qu 'auparavant ; il nous parle des aborigènes australiens qui croient à une forme d'art dont l'énergie fait tourner la Terre. Ils l'appellent "lignes des chansons". Pai approche l'art comme une musique. Selon lui, "à travers l'art, on sait qu'on existe. On ne peut pas se détacher de la vie pour être un artiste. On doit être musicien, celui qui se teste, se trompe, doute, plonge au milieu des choses ... Finalement, ces étapes sont plus importantes que le résultat." Lorsqu'on pénètre dans la pièce où sont entreposées ses sculptures, sa musique commence à se faire entendre seulement après quelques minutes de silence. Celle-ci nous raconte la beauté du fer qui cherche à exister spirituellement. Comme le bruissement d'une araignée qui tisse sa toile, le son de sa musique est une invitation. Ses sculptures rappellent la beauté des sus6k, pierres dures montées sur un socle de bois, ces pierres qui nous disent qu'il y a de grandes montagnes au dessus d'elles. Les oeuvres de John Pai, une addition parfaite à la nature, nous conduisent ainsi dans une forêt profonde. •
Cube Root (Racine cube), 1984, acier soudé, 50 x 50 x 50 cm
Three Kingdoms (Trois royaumes),
1983, acier soudé, 122 x 109 x 45 cm (ci-dessus); Sans titre, 1968, acier soudé, 147x96x96cm (àgauche)
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CHEMIN FAISANT
L'île aux multiples trésors KimJoo-young Romancier
"M
in e de tr éso rs situ ée l'e xtrémité sud de la Corée, terre aya nt po ur n a ture lle diamètre 50 à 60 li et où les montagnes sont élevées et les eaux profo ndes. Terre fe rtile o ù les chevau x paissent et où les mandariniers fleurissent." Te ls so nt les term es pa r lesque ls 54
l'observateur Yi Suk-ham décrivit, il y a très longtemps, l'île de Chin (Chin-do). Selon lui, cette île située au fin fo nd du sud-ouest de la péninsule coréenne est une île remplie de trésors. Elle se compose d'îl es de di m e nsio n s d ive rses app arten an t a u Hae na m-g un , de la province du Ch6lla du sud et sa situation géographique éloignée par rapport
à la ca pit a le e n o nt fait de puis longtemps un lieu d'exil, et ce, depuis le milieu de la période Kory6. Le fils de Yi Cha-gy6m qui tenta un soulèvement au temps du roi Injong, fut le premier à y être exilé. Par la suite, Chin-do continua à être une destination d'exil sous le roya ume Chos6n. Parmi les exilés, écartés du pouvoir
pour avoir participé à des insurrections ou à des Iu ttes factieuses , certains retournèrent à leur carrière de fonctionnaire mais beaucoup d'entre eux moururent, condamnés à boire un bol de poison. Selon un inspecteur de la période Chos6n, il y avait tellement d'exilés à Chin-do que les habitants de l'île souffraient de la famine et auraient
souhaité que ces exilés fussent envoyés ailleurs. Ceci laisse largement présumer du nombre de prisonniers détenus. Les exilés étaient pour la plupart des nobles ou des personnes de la famille royale cultivés, portés sur la politique et qui, pour oublier leur gloire passée, se consacraient à la peinture ou à la littérature. Les habitants de l'île, quant à
eux, essayaient de les distraire en les initiant à leurs chansons et à leurs danses traditionnelles. Si l'île est connue aujourd'hui pour ses chants, ses danses et sa poésie, c'est bien en partie grâce à eux. Ainsi s'explique le niveau artistique très élevé de l'île, peu fréquent pour une île aussi isolée. Et ce n'est pas un pur hasard si beaucoup de 55
calligraphes et de peintres orientaux en sont originaires. Une autre des raisons qui peuvent expliquer les goûts artistiques des habitants de Chin-do vient de la disponibilité spirituelle des exilés très éduqués qui a été stimulée par l'abondance en richesses naturelles de l'île et par les prédispositions artistiques des insulaires. A cela vient s'ajouter le long isolement que dut subir Chin-do compte tenu de son insularité. Point de rencontre des routes des mers du sud et de l'ouest, ainsi que carrefour entre la Chine, la Corée et le Japon, l'île eut à subir de multiples campagnes militaires lors de son histoire. Les combats les plus con56
nus sont celui mené par les Trois Patrouilles d'Elite de Kory6 (Samby6lch'o) au XIIIème siècle contre les Mongols et celui qui a fait remporte; la victoire à !'Amiral Yi Sun-shin contre les Japonais, dans le détroit de My6ngnyang. Wang K6n qui unifia les trois royaumes attaqua l'île en 909 et prit possession de la côte sud-ouest. Il contrôlait ainsi de ce lieu stratégique les communications entre le Japon et la Chine. Un accord de paix étant passé entre le royaume de Kory6 et les Mongols, les Trois Patrouilles d'Elite de Kory6 installèrent à Chin-do une base d'opération incluant un complexe de forte-
resses, révoltées par la soumission de Kory6 aux Mongols et organisèrent un mouvement de résistance. Ils prirent sous leur contrôle les îles et la côte de ce secteur. Mais ce petit royaume rebelle ne dura pas longtemps. En 1270, il y eut un combat avec les Mongols associés aux autorités de Kory6 contre les Trois Patrouilles d'Elite. Dix mille habitants de l'île faits prisonniers, furent conduits dans l'île de Cheju et ne revinrent à Chin-do que 13 années plus tard et l'île fut complètement détruite. A l'époque de la dynastie Yi, les habitants de Chin-do subirent encore de rudes épreuves quand !'Amiral Yi Sunshin stoppa les japonais en partance
Chin-do est relié au continent par son pont (à gauche). L'ile est connue pour ses chiens qui portent son nom (cidessus), pour son "alcool rouge", hongju (en haut à droite), alcool local fait à base d'une plante et pour le kugi-ch'a (à droite), une décoction à base de fruits.
pour la Mer Ja une en désorganisant complètement leur flotte. "Montagnes sur la mer" Située au fin fond de la province de Cholla du sud, l'île est séparée par un détroit, mais depuis 1984 grâce à la construction d'un pont, l'île n'est plus isolée comme naguère. C'est dans ce détroit que le général Yi Sun-shin parvint avec l'aide de seulement 12 navires à venir à bout de 330 navires étrangers. Ce qui constitue un record sans précédent dans l'histoire. L'endroit appelé Ultolmok n'est large que de 300 mètres, mais à chaque fois que la marée monte, le courant est si fort que même un grand navire est
incapable de le remonter. Les abords du pont constituent un lieu de tourisme national et beaucoup d'histoires et de vestiges concernant les invasions japonaises y ont laissé des traces. Troisième île de Corée pour sa taille, après l'île de Cheju et celle de Koje, Chio-do présente beaucoup de collines qui sont une extension de la chaîne montagneuse Ongmae qui prolonge elle-même la chaîne Sobaek. L'île fut appelée autrefois "Okju", terre fertile, pendant la période du roi Songjong à la fin du Xème siècle et on dit couramment qu'il suffit d'y cultiver la terre une année pour avoir de quoi manger pen-
dant deux ans. Le fait que les récoltes soient abondantes explique que les habitants n'aient pas eu besoin de partir à la pêche. Ainsi les produits de la mer sont plutôt rares. D'où le surnom de l'île "Haebyon sanjung", littéralement, "Montagnes sur la mer". L'île est très connue pour son chien appelé "chien de Chindo" qui est un chien de taille moyenne de 50 cm de hauteur en moyenne. Il peut être blanc, beige, noir, brun, tigré ou gris mais les plus co urant sont les blancs et les beiges. Les insulaires disent que ces chiens sont les descendants de ceux que les Mongols apportèrent avec eux en envahissant la région. D'autres disent 57
qu'il s'agirait de chiens descendant d'un chiot perdu, élevé par des loups et qu'il y aurait eu un croisement. La théorie la plus plausible est qu'il s'agisse d'un chiot perdu rescapé du naufrage d'un navire chinois. Parmi les autres spécialités de la région, on peut citer l'épine-vinette, connue pour être une plante de jouvence que l'on prend soit sous forme d'infusion, kugich 'a, soit en alcool, l'algue marine comestible ainsi que le hongju, alcool fait à base d'une plante de couleur rouge, chich'o. Partout sur l'île on trouve des vestiges connus comme les forteresses Yongjangsan et Namdos6k. Si l'on descend vers le village de Chindo en suivant la nationale 18 qui traverse l'île du nord-est au sud-ouest, on tombe sur la forteresse Yong58
La forteresse Yongjangsan ( en haut);
détail d'un mur ( ci-dessus).
jangsan. C'est un lieu historique où les Trois Troupes d'Elite (Sambyolch 'o) résistèrent pendant 9 mois avant de battre retraite dans l'île de Cheju. De la 18ème année _du règne de Kojong et cela pendant 40 années, les Mongols attaquèrent Kory6 17 fois de suite et réduisirent en cendres presque tout le pays. Kory6 négocia la paix en 1270 mais les soldats de Sambyolch'o refusèrent de se soumettre et résistèrent. Ceux-ci en prenant Pae Chungson comme chef et le marquis Sùng Hwa-hu comme roi, Wang On, constituèrent un nouveau gouvernement. Equipés environ de mille vaisseaux, avec des militaires et du ravitaillement, ils s'i nstallèrent à la forteresse de Yongjangsan. C'est ainsi, en construisant là un palais royal, qu'ils résistèrent contre les Mongols. Ces derniers en 1271,
c'est-à-dire neuf mois après l'installation des troupes de Sambyolch'o à Yongjangsan, déclenchèrent une attaque avec 400 navires et dix mille soldats. Mais après dix jours de combat intense, ils retournèrent avec le reste de leurs armées dans l'île de Cheju et furent complètement anéantis deux ans plus tard. En 1273, l'insurrection était totalement désorganisée. Le tour de la forteresse qui fait 13 kilomètres est constitué en grande partie de fortifications en pierre, le reste étant en terre. Mais l'ensemble de la forteresse est presque méconnaissable aujourd'hui ayant été détruit en grande partie. A l'intérieur du château, il ne reste désormais que les murs de soutènement d'une dizaine de bâtiments ainsi que deux puits. Le château de Namdosok où Pae Chung-son trouva la mort lors du combat avec les Mongols mesure 4 mètres de hauteur et 6 mètres de diamètre.
La forteresse Namdosok ( ci-dessus)
remarquablement intacte depuis le Xfilème siècle. Près de sa porte sud, se trouve un pont en pierre appelé Honggyo (ci-dessous).
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C'est un vieux château comportant des remparts circulaires et des portes de l'est, de l'ouest et du sud. A l'intérieur, on peut encore voir des maisons où des gens vivent toujours. Il est dit que les troupes de Samby6lch'o construisirent ce château pour défendre les côtes mais il est beaucoup plus probable qu'il ait été déjà construit à l'époque des trois royaumes et qu'il fût reconstruit à plusieurs reprises après.
Dans le sens in verse des aiguilles d'une montreenpartantduhaut: Yullim sanbang, résidence et atelier du peintre HoYu de la fin du royaume Choson; Scène d'un Ssikkim-gut; Gravure d'un Bouddha Maitreya dans une grotte dans la montagne de Kiimgol; Pagode du temple Kiimgol; Le "miracle de Moïse" de Chin-do, se produit annuellement au début du 3ème mois lunaire. 60
Devant le petit ruisseau qui coule devant la porte du sud du château, on peut voir deux ponts, le Hong-gyo et le Ssang-gyo. Ceux-ci sont faits en gneiss et malgré leur petite dimension, il est difficile de trouver ailleurs dans le pays d'autres exemples de ce genre d'architecture, utilisant des ressources naturelles. D'autre part, on peut voir en bas de la montagne Kümgol, une pagode à cinq étages construite à la fin de la période Koryo ainsi que l'atelier Ullim sanbang du peintre Ho Yu (1809-1892) de la fin de la période Choson. La montagne Kümgol appelée "montagne de diamant de Chin-do" se situe aux alentours du village de Kümgol. De taille modeste mais constituée de roches aux formes bizarres, cette montagne magnifique vue de face semble être une oeuvre d'art. La pagode en pierre à cinq étages de la période Koryo mentionnée plus haut est élancée. Elle mesure 5,4 mètres de haut et sur chaque côté du socle sont sculptés des motifs de l'univers. Cette pagode se trouve actuellement dans la
cour de l'école élémentaire de Kümsung mais il est probable que vers la fin de la période Koryo à cet emplacement se trouvait le temple de Haewon. Dans la montagne Kümgol, il existe trois grottes. En 1470, sur la face nord d'une de ces grottes, on a sculpté une statue en pierre d'un Bouddha-Maitreya. N'étant ni raffinée ni soignée, elle laisse toutefois perplexe les historiens sur la façon dont elle a été sculptée vu le précipice abrupt qui se trouve en contrebas. L'atelier Ullim sanbang est le lieu où vécut Ho Yu vers la fin de sa vie. Situé à l'ouest de la montagne Ch'omch'al et près du temple Ssanggye, il est construit avec deux ailes perpendiculaires au bâtiment central situées à ses extrémités et derrière se trouve un musée commémoratif. Devant l'atelier il y a un étang au milieu duquel on peut voir une île artificielle faite avec des pierres naturelles, à l'intérieur de laquelle Ho Yu fit planter un zinnia (lagerstroemia indica) maintenant vieux de 300 ans. Chin-do, c'est aussi et surtout tout le patrimoine culturel des habitants. Tous
les habitants de l'île sont familiarisés avec la calligraphie, la peinture et le chant. Il existe des danses et des chants typiques qui parlent des émotions, des plaisirs et des tristesses de leurs habitants. Ainsi dans la culture folklorique, on rencontre les danses kanggangsuwollae, les chants comme les Chin-do dül nolae, Chin-do Arirang et des rituels chamaniques comme le Chin-do Ssitkim-gut. De nos jours ces trois derniers ainsi que le Chin-do Tasiraegi constituent des trésors nationaux importants. En particulier, le Ssitkim-gut représente un aspect typique du folklore de Chin-do où la danse, les chants et la musique s'harmonisent dans les souhaits de renaissance au paradis bouddhique. Cette cérémonie issue du chamanisme a pour trait particulier de mettre en contact les descendants des morts avec les morts. Ainsi, il est considéré encore de nos jours comme le plus grand acte de pitié filiale de faire exécuter cette cérémonie lors du décès de ses parents. Tous les ans au cours du 3ème mois selon le calendrier lunaire, des milliers
de touristes se rassemblent pour assister à ce qui est appelé le "miracle de Moïse", c'est-à-dire l'ouverture de la mer laissant apparaître une digue naturelle d'un jour appelée Y6ngd6ng-sal. Il faut peu de temps aux "pèlerins" venus à cette occasion pour envahir la digue qui prend l'apparence d'un pont vivant et coloré. Certains n'attendent même pas d'être à pieds secs pour chercher à ramasser des fruits de mer. Cet événement est aussi l'occasion pour le festival de Yongdong de se dérouler et l'on peut y voir un spectacle incluant des danses et des chants comme le Yongwangje et le Ppong halm6nijesa (rites pour la grandmère Ppong) propre au folklore de Chin-do et qu'il est difficile de voir habituellement. Chin-do est une terre vivante pleine d'enthousiasme et de respect pour les esprits, tranquille et agréable comme pays natal. Ses chants et ses danses enivrent ceux qui les écoutent et répandent un parfum exquis comme celui du makk6lli coréen, alcool à base de riz fermenté, qui ne peut pas ne pas être présent lors d'une fête en Corée. +
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GROS PLAN
Kang Ik-joong Plus il y en a, miem cela vaut ! YiJoo-heon
Critique d'art
'art est un accident et Kang Ikjoong illustre bien cette définition." C'est ce que le critique d'art Kenneth Baker écrivit dans une édition du San Francisco Chronicle. Kang transcende tous ses contemporains en rendant à l'art l'aspect agréable et reposant qui jaillit de la vie. En laissant place à l'accident ou même en le provoquant, Kang met l'art à l'écart de la "spécialisation" en peinture moderne pour lui rendre l'essence humaine et universelle qui existait dans la période préindustrielle. Quand on approche ses peintures et ses installations, on peut voir qu'il ne s'agit pas là d'un simple retour au passé mais au contraire d'un appel à l'universalité humaine et artistique qui traverse toutes les époques. En 1994, douze ans après son arrivée à New York comme étudiant, il collabora avec le célèbre artiste de vidéo, Paik Nam-june pour une exposition multimédia au Musée Whiteney d'Art Américain où les tableaux miniatures par milliers et les moniteurs vidéo omniprésents les représentèrent respectivement. La même année ce dernier se vit sélectionner pour une réalisation artistique à l'aéroport international de San Francisco. Tout récemment une exposition individuelle de Kang sponsorisée par Art Space, Hakkojae et le Musée d'art de Chosun Ilbo eu lieu en Corée. Ce qui
'L
plut aux visiteurs venus très nombreux, c'est l'intense énergie qui dérive de la fusion des cultures contemporaines américaine et coréenne. Plusieurs critiques new-yorkais virent en lui un brillant futur en le désignant comme "l'artiste prédominant du XXIème siècle". Kang naquit à Ch'ongju en 1960 et partit pour New York en 1984. Durant ses premières années, il travailla douze heures par jour pour payer ses études à l'Institut Pratt de Brooklyn. Le temps et l'argent faisant défaut, il fabriqua de minuscules toiles de 7,Sx7,5 cm et peignit dans le métro entre l'école et son travail. Sa démarche pourrait sembler quelque peu étrange mais elle ne fait que démontrer l'importance de l'art dans sa vie. A ses toiles miniatures succéda une série de travaux du même format avec de l'aquarelle, du bois taillé, des cubes de plastique transparents et des carrés de chocolat. Ses toutes petites toiles dressent le portrait de la vie des immigrés dans la société américaine. Elles pourraient être appelées "Scènes de New York". Divers petits objets et bouts de phrases y sont représentés soit par des dessins soit par des collages. Kang appelle quelques-unes des toiles qui cachent des haut-parleurs "peintures sonores". Ses bois taillés en relief sont nés d'un désir de créer une forme d'art dédiée à son père qui avait perdu la vue, atteint du diabète. Ils reconstituent les images et les phrases
"One-mon th Living Performance"(Performance vivante d'un mois) 1986, Kang Ikjoong.
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que l'artiste avait trouvées dans les journaux américains. Quant aux séries de cubes transparents qui s'appuient sur les toiles de format 7,5x7,5 cm, on en dénombre 8.490 pièces. Ce chiffre représente le nombre de jours qu'il avait vécu avant son départ pour les Etats-Unis. Chaque petit cube contient un objet qui symbolise la Corée tels que des chaussures en caoutchouc, un masque, une petite bourse, ou qui rappelle l'enfance de l'artiste tels que des crayons, des cartes à jouer, des vis. A côté de ces toiles, entre autres, la série "Mickey Mouse apprend le coréen" est l'un "des petits éléments" qui forment le grand univers de Kang.
pied de meuble et même la forme d'un couteau de cuisine. Kang attache ces objets à ses toiles et ses installations. Un jour sa femme découvrit à sa grande surprise le pied d'un meuble de leur salon lors de l'inauguration d'une exposition de son mari. Aujourd'hui encore, il ne peut s'empêcher de s'attarder devant un stand de jouets et de gadgets dans une rue de New York. Et l'image kitsch de ces objets trouvés dans la rue se fond dans les lignes et des formes simples de ses tableaux. Kang est avant tout une personne fort humaine. Un jour, il exprima dans une de ses toiles sa sympathie pour une provinciale américaine venue à New
Une curiosité insatiable Kang grandit à Séoul. Enfant, il vécut
dans le quartier d'Itaewon près de la base américaine de Yongsan et put goûter au chocolat des américains qui était très recherché par les enfants à l'époque d'une Corée encore très pauvre et en pleine reconstruction de l'aprèsguerre. Kang ressentit dans cet étrange mélange de honte et de goût sucré, un sentiment de satisfaction mêlé à l'envie, au désir et à la pudeur. Son oeuvre faite de chocolat incorporé aux insignes militaires est basée sur ce souvenir. A travers les chocolats, il fait un retour aux événements historiques qui ont marqué sa vie comme la guerre de Corée et la guerre froide. Ainsi, la Corée et les EtatsUnis, l'histoire personnelle et l'histoire mondiale, se fondent pour n'être qu'un. Kang adore dessiner depuis sa petite enfance. Il étudia la peinture occidentale à l'université Hong-ik. Quatre ans après, il entra à l'Institut Pratt. Comme beaucoup d'étudiants coréens à l'étranger, il dut travailler le jour et étudier la nuit. Mais tout ce qui pouvait sembler ennuyeux pour un simple new-yorkais était nouveau pour lui, différent et exci. tant. Toutes les choses l'intriguèrent et devinrent sujets d'inspiration. C'est cette curiosité insatiable qui demeure la force de son art. Les choses étaient toutes différentes de la Corée : d'une simple portière à un 64
York avec tout l'espoir de devenir une grande danseuse et qui avait trouvé la mort dans l'effondrement de l'immeuble où elle était serveuse. Dans de nombreuses de ses toiles sont inscrites des phrases comme "Ils travaillent pour la célébrité" ou ''.Je peins pour ma santé morale". Tous ces propos sont une façon de réaffirmer le sens de sa propre vie. Les premières années où Kang passa à peindre et à faire des esquisses dans le métro, il était toujours muni de sa boîte portable de couleurs à l'eau, d'aiguilles et de fils à broder. Contrairement à cet espace clos, les impressionnistes avaient l'habitude de quitter leurs studios étouffants pour aller peindre en plein air. Mais dans leur peinture, le décalage entre le monde sublime de l'art et la
réalité de la vie de tous les jours devenait encore plus grand. Les peintures de Kang réalisées dans le métro des années 1980 placent au contraire l'art et la vie quotidienne au même niveau. Elles représentent un heureux mariage entre deux mondes en interaction dans une sorte d'osmose. Notre artiste s'attache à la réalité et elle à lui. Plus il y en a, mieux cela vaut!
Il est souvent risqué de cataloguer un artiste d'après son pays natal du fait que sa culture et son environnement ne sont pas sensés représenter la majeure partie de son travail. C'est surtout vrai pour les artistes de grande créativité qui dé-passent les frontières culturelles. Kang est de loin un artiste ordinaire mais le mécanisme de base chez lui s'explique par les caractéristiques de la culture coréenne. Par exemple, les plats coréens à base d'eau comme les nombreuses soupes et ragoûts combinent, synthétisent, harmonisent et subliment · divers ingrédients. L'art de Kang est un peu comparable à la cuisine coréenne qui combine des éléments apparemment incongrus et, pareil au cuisinier, l'artiste en fait une oeuvre harmonieuse. Il compare justement son travail au pibirnbap, plat typique composé de riz surmonté d'une variété de légumes et de morceaux de viande qu'on mélange à table avec une pâte de piment rouge. L'assemblage de petits éléments pour former une plus grande mosaïque dans son oeuvre reflète bien le caractère unique de la cuisine ainsi décrite qui est un élément important de la culture coréenne. Kang observe tout ce qui l'entoure, ramasse ce qui est à sa portée et en fait un usage artistique. Et ces ingrédients qu'il trouve dans la rue, les journaux, à la télévision et dans son imagination parlent sans rapports de force d'égal à égal. Cette approche synthétique fut un facteur important dans la décision d'Eugénie Tsai, conservatrice du Musée Whiteney. C'est elle qui organisa l'expo-
"Multiple/Dialogue", exposition multimédia à laquelle Kang avait collaboré avec l'artiste de vidéo, Paik Namjune en 1994.
sition "Multiple/ Dialogue" en 1984. Elle a déclaré: "La culture populaire américaine assujettit Paik Nam-june et Kang Ik-joong et apparaît comme une image, un objet fabriqué, un son dans leurs oeuvres respectives. Les deux artistes regardent leur culture d'adoption sous des angles singuliers propres aux immigrants qui observent leur nouvel environnement avec inquiétude et stupéfaction. Leurs regards traduisent un bel esprit, une intelligence et un humour autocritique. Leurs travaux s'organisent autour d'unités modulaires qui construisent une grande entité. Paik superpose des moniteurs de télévision, grands et petits qui se transforment en multiples configurations alors que Kang aligne des milliers de toiles minuscules de 7,5x7,5 cm qui prennent la forme d'une grande mosaïque. Tous les deux s'inscrivent sous l'adage "plus il y en a, mieux cela
vaut" et croient que l'accumulation des ces multiples saisit le mieux le monde standardisé contemporain." Dans l'analogie de la cuisine coréenne et de l'art chez ces deux artistes, la structure modulaire possède et partage la constance de la vie. En un mot, ces deux personnes jettent tout ensemble et mélangent. Kang Ik-joong est invité cet été pour une exposition à la salle Philip Morris du Musée Whiteney. C'est un grand honneur pour un jeune artiste comme lui. Mais ce n'est pour qu'un autre commencement. Ses petites toiles créent sans cesse des combinaisons nouvelles. Dans un sens, on pourrait dire que Kang ne peint pas sur une toile mais sur le chemin de sa vie. Ses peintures ne se sont pas réalisées dans un espace fixé. "Elles sont comme les reflets des écailles de poisson qu'on aperçoit à la
surface de l'eau qui clapote le long de la nv,ere émettant des lumières resplendissantes de vie". Kang est un jeune artiste mais ses oeuvres transmettent la profondeur de l'âge. En n'en voyant qu'une, chacun peut aisément imaginer la suite de la série comme en apercevant l'écaille, on en devine la forme du poisson dans l'eau ... C'est la façon d'aborder l'art de Kang. Quand ses travaux furent introduits au public britannique en janvier dernier, un présentateur de télévision les présenta tout en croquant du chocolat présenté à l'exposition. On voit que sa philosophie "plus il y en a, mieux cela vaut" se rallie un public par des affinités très fortes. C'est probablement le peintre américain Byron Kim qui saisit le mieux l'essence de l'univers de Kang en disant : "Ses peintures sont un virus, il les produit, on les imagine partout." • 65
A LA DECOUVERTE DE LA COREE
Les assaisonnements culinaires
Au service du goût coréen Hong Sung-yoo Président de l'association des romanciers coréens, Président de la section littéraire de l'Académie nationale des arts 66
1 n'y a rien de plus agréable que de manger. Je pense qu'il n'y a rien de mieux que le plaisir de pouvoir manger de bon appétit des mets savoureux et que ce sont la joie et le bonheur les plus grands qui nous soient donnés. Cependant, il semble que dans notre voisinage les personnes qui renoncent d'elles-mêmes à cette joie et à ce bonheur ne soient pas rares. C'est la civilisation d'aujourd'hui qui a tendance à nous conduire vers ce constat misérable. Pourtant, nos ancêtres, bien qu'ils ne
1
vécussent pas comme de nos jours dans l'opulence, ni économiquement, ni selon leur milieu de vie, avaient la sagesse de savoir manger, de bon appétit, des mets savoureux. De plus, en prenant aussi des plats préparés avec un seul ingrédient, ils faisaient preuve de discernement. Nous savons bien que de savoir manger en recherchant le goût propre et original de la nourriture, est la sagesse et la saveur de la vie. Il se peut que les particularités de la cuisine coréenne soient de plusieurs sortes,
cependant, nous pouvons dire qu'elles résident dans la sagesse de la vie et dans ses délices, qui sont de savoir manger de bon appétit des plats composés d'une seule sorte d'ingrédient. Ainsi les secrets qui donnent des saveurs d'une grande variété avec des ingrédients uniques, résident dans les goûts des assaisonnements qui se transmettent de génération en génération et dont les familles héritent. Alors, qu'appelle-t-on assaisonnement ? C'est le nom générique des ingrédients
Dans le sens in verse des aiguilles d'une montre :ail mis à sécher sous la gouttière d'un toit; la sauce de soja, la pâte de soja, la pâte de piment rougeetautrescondimentssont généralement conservés dans des jarres sur la terrasse; femme prélevant de la pâte de piment afin de s'en servir à la cuisine; table servie avec une grande variété de plats et condiments; plat de boeufgarni avec des jujubes, des piments émincés en lamelles et des pommes de pin. 67
utilisés pour relever le goût des aliments. Nous pouvons citer par exemple, l'ail, les poireaux, le gingembre, les piments, les graines de sésame, le poivre, la moutarde, la moutarde verte, l'huile de sésame ou bien l'huile de sésame sauvage, le vinaigre et le sucre, la pâte de piment et la pâte de soja fermenté qui sont des denrées alimentaires fermentées propres à la Corée, et puis les différentes espèces de sauce de soja. Pendant la saison d'été qui favorise la prolifération des bactéries, on utilise aussi comme épice la moutarde qui a un fort pouvoir microbicide et comme soi-disant la moutarde verte peut éliminer l'odeur et les toxines de poisson, on en ajoute toujours au poisson cru et aux bouchées de riz couverte de poisson. Bien que ces matières premières soient pour la plupart de nature végétale, elles se comportent en épices révélatrices de saveurs en étant ajoutées aux plats, et ont de plus, une fonction de révélateur de l'arôme de la nourriture. Pour de tels assaisonnements, il existe aussi bien des cas où l'on utilise les matières premières, crues, telles quelles, des cas où on les utilise déshydratées ou bien frites et des cas où on utilise l'huile qu 'on en a extraite. Il en existe aussi où l'on ajoute ces matières premières directement lorsque l'on mange, ou bien d'autres, où le
cuisinier, quand il prépare la cuisine, les met les ayant hachées ou coupées en morceaux, et puis, des cas où il les mélange avec l'accompagnement, etc. Les façons d'utiliser les assaisonnements sont donc extrêmement variées. De plus, on peut aussi les utiliser pour stimuler visuellement l'appétit. On les appelle alors des assaisonnements décoratifS. Autrement dit, "l'assaisonnement décoratif" est le terme générique des assaisonnements qui sont saupoudrés sur les plats ou qui les agrémentent pour en relever l'aspect, la saveur ou l'arôme. Nous pouvons aussi citer parmi ces assaisonnements décoratifs, en plus des condiments énumérés précédemment, par exemple, les chidan et les algues séchées, etc. Pour préparer des chidan, il faut faire sauter en couches minces, sur la poêle, un blanc d'oeuf et son jaune, battus séparément. Les chidan sont souvent mis dans différentes espèces de nouilles, telles que les vermicelles froids ou les nouilles chaudes. En outre, les denrées alimentaires fermentées, telles que, la pâte de piment, la pâte de soja fermenté, la sauce de soja, particulières à la Corée, qui dominent et déterminent le goût de sa cuisine comme aucun autre condiment ou aucune autre épice, et qui en sont particulièrement
Un des plus simples et des plus équilibrés des plats coréen est le ssam qui propose du riz ou de la viande assaisonnés de pâte de soja,
enveloppés dans une feuille de salade par chaque con vive.
représentatives, sont des denrées et des saveurs qui méritent une reconnaissance internationale tout comme les célèbres kimch'i, qui sont des légumes préparés dans une saumure avec des épices. Les divers condiments s'harmonisant de la sorte, la cuisine coréenne déploie les caractéristiques de ses saveurs dans n'importe quelle soupe, n'importe quel bouillon ou n'importe quel chigae, ainsi que dans les plats qui accompagnent le riz blanc. Cependant, il y a une condition tout à la fois fondamentale et inébranlable, qui est que l'assaisonnement doit convenir de façon infaillible à un plat ou à une telle variété de nourriture. Etre assaisonné signifie ne pas être trop salé, ni insipide, mais convient juste pour être dégusté. Cela est vrai non seulement pour la cuisine coréenne, cependant tout particulièrement en ce qui la concerne, si convenables à la bouche que doivent être les plats, ni trop salés, ni trop fades, cela ne signifie pas que tous, ont le même goût. Précisément, un plat salé doit être salé et, un plat qui est bon fade, doit être fade. Un plat épicé doit être piquant et, un plat bon fermenté, doit sentir au point de faire boucher le nez à un étranger qui n'a pas l'habitude de la cuisine coréenne. A quel point les plats salés doivent-ils être salés et les plats épicés doivent-ils être épicés ? Cela dépend des régions, ou bien, des tendances des goûts de chacun. On considère, cependant, comme cuisinier de premier ordre, celui qui sait doser les assaisonnements, comme il faut, avec adresse. On peut dire, suivant la même logique, que dans une famille ordinaire aussi, une ménagère qui sait ajuster les assaisonnements comme il faut est une ménagère qui est une habile cuisinière.
Une cuisine variée et riche On peut dire que pour n'importe quelle nation, l'histoire de la cuisine est profondément liée avec la culture et les coutumes propres à son peuple, et que, les techniques culinaires particulières et le goût se sont développés en subissant 68
l'influence du climat ou de l'environnement, et, des goûts particuliers de ce peuple. Je dirais que l'histoire de la cuisine coréenne aussi a commencé en même temps que la culture du peuple coréen. Cependant, en ce qui concerne la cuisine "actuelle", elle se base sur l'alimentation riche de la famille royale de l'époque de la dynastie des Yi, qui a tout de même régné cinq cents ans et au centre des familles nobles qui avaient l'autorité, en mêlant les cuisines folkloriques qui utilisaient des spécialités de chaque région. L'histoire de la cuisine coréenne comprend, donc, la cuisine fastueuse de la cour, la cuisine des familles influentes et, par ailleurs, la cuisine de pays du simple peuple. La Corée, dont l'agriculture s'est développée depuis l'antiquité, a produit d'abondantes denrées alimentaires dans les rizières et les champs, à la montagne et dans les plaines. Et, ayant, en plus, les faveurs de la nature, trois des côtés du territoire sont bordés par la mer, ce qui lui a permis d'avoir des fruits de iner de toutes sortes. Possédant d'abondants ingrédients produits par le sol fertile et l'air pur, et, possédant aussi la sagesse de savoir manger en préparant une cuisine savoureuse, les Coréens ont imaginé toutes Un bon cuisinier doit savoir comment utiliser les assaisonnements tels que le sucre, la pâte de soja, le sésame grillé, l'ail, le gingembre, les oignons verts, et des garnitures comme des fines tranches de jujubes et de piments, et des graines de pins, car cela est décisif pour le goût de chaque plat.
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férences dans les ingrédients utilisés. Et, pas se risquer à les imaginer. sortes d'assaisonnements avec ces inIl faut donc à la cuisine coréenne, des cela va sans dire que les saveurs varient grédients. Ils peuvent être ainsi fiers assaisonnements de saveurs et de aussi. d'avoir continuellement amélioré et natures aussi variées que les plats. Même développé des coutumes et des moeurs Chaque année, dans les familles coréennes, préparer les pâtes et les si l'on ne considère que les soupes et les spécifiques. saumures, est un événement des plus Comme nous l'avons vu précédemment, chigae, qui figurent parmi la catégorie les assaisonnements de la cuisine des aliments d'accompagnement, difféimportants. L'adresse de la ménagère qui rentes sortes de pâte de piment, de sauce prépare de délicieuses pâtes de piment, coréenne sont particulièrement colorés et de soja ou de pâte de soja fermenté sont sauces de soja ou pâtes de soja fermenté, nombreux. Quand on ajuste la salure de est fondamentale pour rendre excellent base, en général, on utilise principaleutilisées. De plus, même lorsque l'on conle goût des plats. De sorte que nous poument du sel et de la sauce de soja. On sidère une seule de ces espèces de pâte vons dire que la responsabilité de l,a de piment, on ne l'utilise pas de la même utilise également de l'ail, des poireaux, ménagère, en ce qui concerne des grains de sésame, du la nourriture, est très grande. sucre, du piment en poudre, du poivre en poudre, du Les différents types d'assaisonvinaigre et de l'huile de nements sésame. On utilise l'ail et les Il nous semble qu'il est possipoireaux dans presque tous ble de diviser ce qu'on appelle les plats. Nous pouvons dire en un mot, "assaisonnement", que c'est justement là, une des en condiment, en épice et en caractéristiques de la cuisine assaisonnement décoratif. coréenne. Nous avons déjà présenté ce En effet, les plats coréens sont variés. En plus de ce dernier précédemment. qu'on pourrait appeler les aliSi nous divisons de nouveau le terme condiment, celui ments de base, pour lesquels regroupe : le sel et la sauce de sont utilisés des céréales : le riz cuit et les bouillies, les soja, la pâte de soja fermenté, la pâte de piment, le sucre, le différentes sortes de nouilles miel et les espèces de sucres préparées après avoir pétri de d'orge qui sont des édulcola farine de blé, de la farine rants, l'huile et le vinaigre, le de sarrasin, de la poudre d'amidon, etc., il y a les alipiment et le piment coupé en filaments, le piment en pouments d'accompagnement. A l'exception des soupes, bouildre, les grains de sésame et les Les piments, verts et rouges, sont peut-être ce qui est le plus lons et chigae, ces derniers bouillons de poisson saumuré caractéristique de la cuisine coréenne. Les piments verts sont ou de crevettes saumurées, sont si divers que nous ne mangés frais, alors que les piments rouges sont séchés et pouvons pas tous les énuetc. réduits en poudre pour être utilisé en assaisonnement et pour mérer. Il y a les aliments Même en ne parlant que du laconfectiondelapâtedepiment. sautés et les ragoûts, les mets sel, on peut distinguer, le gros cuits avec très peu de jus et sel brut, le sel reconstitué, le les aliments cuits dans la sauce de soja, façon, pour les chigae ou les tranches de sel de table, le sel industriel, etc. Pour légumes séchées et salées avec de la chacun, l'emploi est si différent, que les brochettes et les fritures, etc. Par nous ne pouvons pas en donner ici ailleurs, il y a les différentes sortes de sauce de soja, ni lorsqu'elle est posée sur légumes préparés dans une saumure la table. On utilise aussi différemment la l'explication détaillée. avec des épices, appelés kimch'i, que l'on sauce de soja dans le cas des aliments Tout comme le sel, la sauce de soja est dit même atteindre le nombre d'environ cuits dans la sauce de soja ou bien dans également un condiment de base très deux cents, et les tranches de légumes celui des soupes. important, qui équilibre le goût salé de séchées et salées avec de la sauce de soja, Les ingrédients qui sont utilisés dans les tous les plats. Dans chaque famille les poissons saumurés, etc. Les espèces coréenne, préparer la sauce de soja fait différentes pâtes et saumures, sont aussi d'aliments d'accompagnement sont aussi très divers, allant du riz glutineux, au partie depuis très longtemps des grands millet et au sorgho. Par conséquence, événements. Sa salure et son goût, sa vraiment nombreuses ; elles sont si selon les régions, il y a quelques difdiverses que les étrangers ne peuvent couleur et son parfum sont différents 70
suivant la dextérité de la ménagère. Plus sa sauce de soja est bonne, mieux elle s'occupe de sa maison ; elle est alors louée. Les matières premières principales de la sauce de soja sont le soja et le blé. Elle est préparée en faisant mariner une boule de pâte de graines de soja, cuite et fermentée. On dit que plus on fait mariner et fermenter longtemps cette boule de pâte de soja dans de l'eau salée, meilleur sera le goût de la sauce de soja. Ainsi, la sauce de soja coréenne était-elle préparée au moyen de recettes secrètes qui se transmettaient dans chaque foyer. Mais, de nos jours, la sauce de soja produite industriellement se banalise. Pourtant, si on la compare avec la sauce de soja préparée dans les foyers ordinaires, non seulement elle n'a pas les mêmes caractéristiques de goût, d'odeur et de couleur, mais de plus, elle a un fort goût sucré et une couleur foncée qui se conforment au goût populaire. Il va sans dire que sa noblesse et sa qualité sont tout à fait autres. Parmi les sauces de soja aussi, on distingue la sauce de soja pour préparer la soupe, la sauce de soja foncée et la sauce de soja claire. Il y a, par ailleurs, la sauce de soja industrielle qui est vendue dans les magasins. Bien que dans toutes les familles, on ajuste la salure en utilisant séparément la sauce de soja pour les soupes et la sauce de soja foncée selon leurs destinations particulières, il va sans dire que chaque famille doit contrôler la quantité de sauce de soja selon les plats, comme salure et couleur varient. La pâte de soja fermenté est préparée avec la substance qui reste après avoir filtré la sauce de soja. On l'utilise bien sûr dans les soupes et les chigae, les plats d'accompagnement de type much'im, et, même lorsque l'on mange du riz, en l'emballant dans des feuilles de salade ou de sésame, etc. Non seulement la pâte de soja fermenté joue un rôle d'assaisonnement en donnant goût et parfum, mais c'est, elle-même, un aliment riche en protéines. Tout comme la pâte de soja fermenté, la pâte de piment occupe une part importante de l'alimentation des Co-
réens. La pâte de piment est préparée en mêlant une boule de pâte de haricots réduite en poudre, du piment en poudre, de l'huile de sucre d'orge, du sel, avec du riz glutineux, du sarrasin, du blé, de l'orge, etc. Cependant, ainsi que la sauce de soja, son goût et sa couleur peuvent changer selon !'habilité du cuisinier. Le sucre est l'assaisonnement indispensable pour donner le goût sucré à l'alimentation. Il se divise également en différentes espèces selon les matières premières et les méthodes de fabrication. Cependant, dans la cuisine courante, on utilise principalement le sucre blanc, alors qu'autrefois on employait le miel et le sucre d'orge à la place du sucre. Les huiles qui sont utilisées dans la cuisine coréenne sont de différentes sortes : l'huile de sésame, l'huile de sésame sauvage, l'huile de soja, l'huile de graines de coton, l'huile d'arachide, etc. Comme chaque huile a un goût et un parfum particuliers, on les utilise séparément avec, pour chacune, une destination précise. Le piment est l'assaisonnement indispensable pour relever le goût de la cuisine coréenne. Il est utilisé, à l'exception du piment vert, réduit en poudre ou bien coupé en filaments. C'est-à-dire que la poudre de piment écrasée finement est utilisée quand on prépare la pâte de piment ou bien comme assaisonnement général, que la poudre de piment écrasée moyennement est utilisée pour la préparation des légumes saumurés avec des épices, ou kimch 'i, et des navets assaisonnés, et enfin, que la poudre de piment écrasée grossièrement est utilisée lorsque l'on prépare les légumes verts saumurés avec des épices ou kimch'i verts. La raison pour laquelle on divise ainsi le piment en poudre, est que le goût et les coloris des plats, c'està-dire accéder à l'harmonie du goût et de la vue, sont extrêmement importants. En outre, les grains de sésame et les différentes espèces d'huiles, huile de
sésame, huile de sésame sauvage, etc., sont des assaisonnements indispensables aux Coréens. De plus, leurs emplois sont si variés que les expliquer en détail dépasserait nos forces. Les épices, ail, poireaux, poivre, gingembre, moutarde, etc., comme nous les avons énumérées précédemment, sont nombreuses. Tout particulièrement, l'ail et les poireaux, "etc., sont des matières premières d'assaisonnement absolument indispensables pour les légumes préparés dans une saumure avec des épices, ou kimch'i, qui font la fierté des Coréens. Comme nous l'avons expliqué précédemment, on appelle assaisonnement décoratif, les assaisonnements qui sont saupoudrés sur les plats et qu i les épicent pour améliorer leur goût et leur arôme. Nous avons déjà cité comme exemples les chidan d'oeufs et les algues comestibles, etc. Cependant, en dehors de ceci, différentes espèces de champignons, les pignons de pin, les noix, les amandes de ginkgo jouent aussi de façon importante le rôle d'assaisonnement décoratif. On utilise, par ailleurs, différents légumes et même de la viande de boeuf, de porc ou de poulet, jusqu'à du poisson et des fruits de mer comme assaisonnements décoratifs. A chaque plat, selon son type, correspond un assaisonnement décoratif. En résumé, il est évident qu'avant de faire de la cuisine, il faut connaître les recettes d'utilisation des assaisonnements. Savoir comment utiliser les condiments décide des saveurs, des couleurs et de l'arôme des plats. Les matières premières, aussi bonnes qu'elles soient, si l'assaisonnement n'est pas dosé comme il faut, le plat ne sera pas délicieux. Parmi les étrangers, la cuisine coréenne passe souvent pour être pimentée et salée. Pourtant si l'on goûte souvent à ses saveurs, on pourra découvrir ses goûts mystérieux et ceux de ses assaisonnements particuliers, et ainsi l'apprécier. En effet, je sais que les amateurs étrangers sont de plus en plus nombreux. + 71
ACTUALITES
Le succès de la comédie musicale
Lïmpératrice My6ngs6ng Kim Moon-hwan critique dramatique Professeur à l'université nationale de Séoul
'Timpératrice Myongs6ng", une prcx:iuction ambitieuse de la compagnie de théâtre spécialisée dans les comédies musicales ACOM d'après une pièce originale de Yi Mun-yol, "I.a chasse au renard", a attiré près de 50.000 personnes au cours de sa première prcwammation Encouragée par ce succès sans précédent, A-COM a remonté cette pièce au printemps de cette année Le titre original "1.a chasse au renard" était un ccx:ie secret utilisé par les soldats japonais pour parler de l'assassinat de la reine Min Au milieu du XIXème siècle, la dynastie Chos6n connut une situation critique où les valeurs sociales traditionnelles furent remises en question par le peuple. A l'intérieur du pays, les paysans se révoltèrent contre l'incapacité et la con-uption de la société féodale et leur pouvoir commença à menacer le régime. Entretemps, le pays fut préoccupé par les pressions d'ouverture et les attaques des puissances voisines. La dynastie Choson fragilisée de part et d'autre tomba finalement sous la domination p.ponaise. fannée 19<)5 fut pour la Corée le cinquantième anniversaire de la libération nationale et également le centième anniversaire de l'assassinat de la reine Min par les Japonais. Quand le roi Kojong adopta en 1897 le titre d'empereur, la reine Min devint l'impératrice Myongs6ng. Cette oeuvre basée sur la vie tragique de la reine Min avait pour objectif de redéfinir cette partie critique de l'histoire déformée de la Corée. La dernière impératrice Myongsong fut en fait une femme forte, de caractère, dotée d'une sagesse et d'une lucidité remarquable. Elle 72
soutint et exerça une grande influence auprès du roi Kojong concernant la politique du pays. Mais, aujourd'hu~ malgré ses nombreuses qualités, il est vrai que la plupart des personnes ont d'elle une opinion plutôt négative. Cette comédie musicale a donc voulu mettre en relief cet aspect méconnu
Si le succès de "L 'im péra trice My6ngs6ng" présage de ce que sera le f utur, Je public coréen peut se tourner vers des productions de niveau mondial. jusqu'ici de l'impératrice Myongsong. L'auteur de cette pièce a mené une recherche approfondie sur l'assassinat de la reine Min à travers des documents historiques. C'est au terme de deux années d'étude acharnées, passionné par cette figure historique, que Yi Mun-yol a voulu réhabiliter la reine Min, injustement traitée en générai et nommer sa pièce, sans aucune réticence, 'Timpératrice Myongs6ng". Par le biais de l'art dramatique, le public a pu être impressionné par ce personnage qui a profondément marqué l'histoire coréenne.
Requiem pour la dernière reine Le premier acte commence avec des images des bombardements de Hiroshima et un sous-titrage indiquant l'année 1945. Les années remontent pour s'an-êter à 1896, année où il y eut le fameux procès de l'assassinat de l'impératrice Myongs6ng à Hiroshima même. Bien que ce procès ait reconnu l'atrocité du meu1tre commis par les accusés, ces derniers ont été acquittés de leur crime faute de preuves suffisantes. r ambition et les manoeuvres politiques du régime militaire nippon a finalement mené le Japon à une reddition sans condition aux forces alliées à la suite des bombardements atomiques. Cette oeuvre qui avait l'intention de mettre l'accent sur cet aspect particulier n'a pas réussi à convaincre totalement le public en raison du manque d'explication sur le contexte histo1ique. rimpératrice Myongsong fut célèbre pour ses mauvaises relations avec son beau père, le régent Taewon-gun Mais, au lieu d'interpréter cette rivalité co1Jlffie un simple conflit de pouvoir entre eux, cette comédie musicale a voulu montrer le côté patriotique de la reine Min dans une pé1icx:ie en pleine mutation dans le monde. A cet effe 4 cette comédie musicale met en opposition deux scènes : celle du maiiage traditionnel du roi Kojong dans un environnement paisible, suivie juste après par celle montrant le roi Kojong entouré de ses maîtresses de la cour et la reine Min tornmentée. A première vue, cela pourrait laisser croire à l'absence d'amour dans le couple. Mais dmière cette scène, apparaît le père du ro~ Taewon-gun, nommé régen4 le peuple mécontent et les marchands vendant des prcx:iuits mcx:iernes, les mission-
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naires occidentaux faisant pression sur le gouvernement pour demander l'ouverture du pays. Taewon-gun s'y oppose et fait face à des oppositions politiques. Face à ces complications politiques, le roi Kopng demande finalement le soutien de la reine qui vient de mettre au monde un successeur. Assurée de sa position, la reine Min fait intervenir sa famille pour gouverner. Mais, les disputes entre les conservatew-s et les réformistes et les pressions de plus en plus grandes de quatre puissances étrangères que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine et le Japon, rendent le gouvernement instable et le roi indécis. Entretemps, la reine Min se familiarise avec les affaires politiques et diplomatiques tandis que le Japon commence à manifester ses ambitions expansionnistes. Mais la situation précaire de l'époque et les troubles sociaux entraînent Taewongun à prendre le pouvoir alors que pendant ce temps la reine Min fait appel à la Chine. Elle réussit alors à faire quitter la vie politique à son beau-père et le chasse en Chine. Alors que le roi Kopng connaît un parfait bonheur avec sa femme, le Japon
qui considère la reine Min comme un obstacle majeur à son ambition colonialiste décide de la supprimer. Ainsi se termine le premier acte qui peut paraître long pour une comédie musicale en raison de ses descriptions historiques. Contrairement au premier, le second acte se déroule avec plus d'actions. la lucidité, la sociabilité et l'audace de la reine sont montrées à travers les différentes scènes. Par aillew-s, le second acte décrit l'histoire d'amour impossible du commandant de régiment envers sa reine. Sa première renconu·e avec la reine remonte au temps où il vivai4 vagabond, sans maison ni famille et où il avait vu par hasard cette jeune fille qui devint reine plus tard Depuis lors, il avait décidé de la protéger jusqu'à la fin de sa vie. C.et amow- platonique prend fin lorsqu'il est tué par les soldats pponais alors qu'on entend plew-er le prince héritier. Enfin, il y a l'épilogue Alors que la reine chante en solo les paroles touchantes :"Peuple, réveillez-vous ' Si au moins je peux sauver le pays je me laisserais réduire en cendres". Le peuple répond alors " Vive Ch05()n, Eternel Ch05()n !'
Le réalisatew- Yun Ho-jin a osé raccourcir les dialogues qui existaient dans 1'01iginal et les remplacer par un requiem solennel dédié à l'impérauiœ C.et aspect dramatique a été accentué grâce au dramaturge Kim Kwang-lim et à la participation du couple musicien, Yang In-p et Kim Hui-kap, dans le u·avail de composition des par-oies et de la musique En dernier, on doit apprécier le u·avail méticuleux et soigné de la double mise en scène. D'un côté on voit la reconsu·uction en miniatw-e du palais Kyongbok, les nuages en forme de champignons atomiques, les cérémonies royales de mariage u·aditionnei les banquets avec les ambassadew-s et les missionnaires étrangers. De l'auu·e côté, ce sont les scènes de conspiration des Japonais en vue de l'assassinat de l'impératrice, les mouvements des pauiotes conu·e les complots nippons, et des luttes, qui se succèdent l'une après l'auu·e Si dans le momen4 le déroulement de l'histoire n'est pas tout à fait clair, les scènes comme celle où un enfant chante "Printemps où on ne voit pas fleurir le prnnier n'est pas un printemps' sont saisissantes.
Scène tirée de "L'impératrice Myongsong", la reine conseillant son époux sur les affaires de l'Etat 73
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Si ce1taines mékx:lies des 6J extraits musicaux de 'Timpérattice Myongsong" nous rappellent des airs très familiers de la musique populaire et sont parfois éloignées de la situation dramatique de !'oeuvre, il s'avère tout de même que cette comédie musicale a réussi à capter l'intérêt du public jusqu'à la fin Et cette musique a permis de rendre la situation moins dramatique tout en rapprochant !'oeuvre originale de son public Quant à la chorégraphie, le travail laissait ce1tainement beaucoup à désirer. En revanche, les effets et les décors scéniques sont irréprochables. Les décors réalisés par l'artiste Park Dong-wou ont donné une autre dimension à !'oeuvre et les costumes traditionnels d'époque conçus par Kim Hyun-suk étaient remarquables. La styliste Kim a su combiner à la fois le charme à la modernité, et la confo1mité à la diversité dans ses créations. Un organisateur, satisfait du tt·avail accompli dans ce domaine, n'a pas hésité à faire les compliments suivants : ''Le tt·avail des attistes a su donner une dimension de grandeur et de profondeur à la scène. Les branches courbées du saule forment un
rideau de verdure et répandent des parfums de fleurs. Les avant-toits qui paraissent et disparaissent sur la scène sont destinés à donner un double effet d'altitude et de profondeur. On ne peut pas ne pas citer la scène de la bataille conçue à tt·ois dimensions qui a su transmeme au public à la fois des impressions de réalité et d'intensité. On ressen4 en effe4 à tt·avers les costumes et les décors qui ont été recréés à pattir d'une documentation très détaillée, le tt-avail minutieux et les efforts des attistes. En patticulier, la scène de la fête au palais avec les invités étt'angers est en elle-même une sorte de défilé des costumes élégants et somptueux portés par l'atistocratie de l'époque'. Malheureusement, il est regrettable d'admettre que la performance des comédiens n'était pas à la hauteur d'une comédie musicale. Yoon Suk-hwa, bouleversante dans son rôle de l'impératrice Myongsong, a réussi à rendre ce personnage réel mais la musique qu'elle chante était loin de COITespondre au eat-actère de la reine. En revanche, l'apparition du ténor Yoon Ch'i-ho était en fait un bon choix Son
inte1prétation patfaite de son rôle fut une des raisons de la réussite de cette comédie musicale. En fai 4 'Timpérattice Myongsong" est un événement qui fern date dans l'histoire de la comédie musicale coréenne. On peut espérer qu'une oeuvre de ce niveau pow1-a êtt·e représentée sur les scènes étt'angères. Les comédiens ne pourront compter sur l'interprétation enregistrée et devront chanter en direct devant le public De plus, si les techniques d'enregistrement ne sont pas mises au poin4 les difficultés sont d'autant plus prévisibles. Sans un perfectionnement de l'interprétation musicale des comédiens, la comédie musicale ne powra être jugée à sa propre valeur. Si 'Timpérnttice Myongsong'' veut atteindre le niveau des mmédies musicales étrangères telles que "Miss Saigon" pour être représentée dans les salles étrangères, elle devra encore surmonter nombre de problèmes. Ceci ne veut pas dire que cette création mréenne n'a pas d'avenir à l'étt-anger, mais que cela demande un effort plus important pour remporter un succès international +
Dans cette scène tirée de l'épilogue musical, la reine chante sa dévotion envers la Corée.
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APERÇUS DE LA LITTERATURE COREENNE
Pak Wan-s6
Les écrits de PakWan-s6 (Park Wan -suh) sont une réponse honnête aux injustices et à la destruction issues de l'industrialisation et de l'urbanisation. Elle offre un subtil
portrait du déclin des valeurs hum_aines apportées par la modernisation, de la cor. ruption de l'esprit humain causée par la recherche de l'argent et Je matérialisme, comme du déclin moral de la société dans son ensemble.
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Pak Wan-s6
Blessure morale et opposition àla vulgarité du mnde YuJong-ho Professeur à l'Université Yonsei
epuis ses débuts dans le monde littéraire, en 1970, alors qu'elle atteignait la quarantaine, Pak Wan-s6 (Park Wan-suh) n'a cessé de faire preuve d'une activité inégalable et elle est de- venue un écrivain représentatif de l'époque contemporaine. L'énumération de ses romans : "L'arbre dénudé", sa première oeuvre, "L'après-midi chancelante", 'la disette de la ville'', 'le début des jours de vie", 'l'hiver de cette année-là fut chaud", "L'impossibilité d'oubliel°', "Vraiment, cette montagne était-elle là ?", une oeuvre récente, n'est ni plus ni moins que la liste des romans contemporains les plus lus. De plus ses remarquables nouvelles rassemblées dans des recueils tels que "L'enseignement de la honte", 'l'été de la trahison", 'la pauvreté ·volée", "Trois jours de cet été-là" constituent des oeuvres qui éveillent de solides échos chez les lecteurs. En dehors de ses oeuvres romanesques, Pak Wan-s6 appartient aussi à l'élite intellectuelle féminine coréenne et possède un vaste public en qualité de collaboratrice attitrée de la presse, grâce à son sens aigu de l'observation du monde et à son profond esprit civique, ainsi qu'en qualité de féministe faisant preuve de fermeté et de modération. On dit généralement que la première oeuvre d'un écrivain constitue un indice permettant d'entrevoir le monde littéraire d'un auteur ; si cela n'a pas valeur d'indice absolument crédible, je suis persuadé que, dans le cas de Pak Wan-s6, le fait n'est nullement à négliger. 'l'arbre dénudé", sa première oeuvre publiée par une mère de famille modèle, est en elle-même une oeuvre qui traite des questions de la jeunesse mais, depuis sa parution, elle conti-
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nue à attirer les jeunes lecteurs, et il n'est pas exagéré de dire que ce roman est devenu une sorte d'oeuvre standard de la jeune génération. (En Corée la situation de la mère de famille exige beaucoup de temps et d'énergie, si bien qu'elle ne s'accorde guère avec le travail intellectuel. C'était encore plus vrai jusqu'à la fin des années 1960 qu'aujourd'hui. Il faut ajouter que Pak Wan-s6 "était mère de cinq enfants et avait la charge de ses beaux-parents", comme elle le déclare elle-même.) Ce roman, dont le théâtre est la ville de Séoul au moment de la Guerre de Corée, avant le retour du gouvernement à la capitale, a pour thème de fond l'amour profond mais condamné à rester éphémère entre la narratrice, une jeune femme, et un peintre d'un certain âge, qui est chef de famille. Du fait qu'elle traite d'un amour à la fois pur et triste au moment de la guerre et dans un site voisin de la ligne de front, cette oeuvre constitue un roman typique traitant de la jeunesse et de ses problèmes ; on peut cependant y déceler déjà un peu partout les motifs et les thèmes qui, par la suite, apparaîtront dans presque toute !'oeuvre de Pak Wan-s6. Yi Ky6ng-a, la narratrice, qui est en même temps l'héroïne de !'oeuvre, a perdu deux frères aînés au cours de la guerre, et elle vit avec sa mère qui en a éprouvé une violente dépression mentale. La jeune fille gagne l'argent nécessaire pour vivre en travaillant au PX de l'armée américaine ; la guerre reste en arrière-plan, sans jamais apparaître nulle part. Pourtant, cette guerre constitue la réalité dominante du roman et règle la vie, la conscience et l'action des personnages. La recherche et l'observation pénétrante de l'expérience des horribles blessures morales apportées
par la guerre de 1950 représentent les thèmes fondamentaux de toute !'oeuvre de Pak Wan-s6, et il est possible déjà d'en déceler les indices très clairement dans son premier roman. La mère de la narratrice, qui apparaît dans ce roman, se retrouvera partout dans les oeuvres de l'auteur, cherche à prouver la profondeur de l'expérience des blessures résultant de la perte des membres d'une famille ; et cette mère représente le type même de la mère coréenne en pleurs. L'une des caractéristiques de !'oeuvre romanesque de Pak Wan-s6 réside dans le regard impitoyable et opposé à la vulgarité en ce qui concerne l'impudence, la violence, le caractère inhumain de notre monde, ainsi que tous les personnages vulgaires. Son agressivité contre ce qui est tapageur, excessif et vulgaire prend une plus grande ampleur encore pour s'attaquer à tout ce qui est hypocrisie et fausse modestie. Toutes ces choses sont considérées comme vulgaires et deviennent l'objet d'une violente critique. La technique et l'ardeur dont l'auteur fait preuve dans ses descriptions de ces choses vulgaires et mondaines lui permettent de donner une vie intense à ses oeuvres. Dans "L'arbre dénudé", le personnage qui fait l'objet de la haine de la narratrice est Diana Kim, et le motif qui a été déterminant à l'origine de l'amour éprouvé par l'héroïne pour l'artiste âgé qu'elle aime réside dans le regard douloureux de ce peintre qui vient de subir un affront de la part de cette Diana Kim "L'épuisement et le désespoir qui apparurent dans ses yeux d'une douceur dépourvue de toute stupidité... Soudain son désespoir provoqua en moi une violente douleur."
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Apparu de nouveau dans le roman intitulé "L'après-midi chancelante", qui décrit la superficialité et la confusion de la vie résultant du matérialisme et du culte de l'argent aux dépens de toute vie intérieure, l'esprit de l'auteur révolté contre le monde imprègne profondément l'ensemble de ses oeuvres. De ce point de vue, les romans de Pak Wan-so font partie des oeuvres contemporaines qui traitent de la façon la plus remarquable les tendances du monde actuel. (Ici, il semble nécessaire de rappeler que, si l'on comprend ce genre de roman dans le sens de l'expression anglaise "The nove! of manners" dans sa stricte acceptation, il s'agit bien du domaine propre et spécifique du roman.) Dans la postface de ce roman, l'auteur affirme avoir voulu montrer "par la déchéance de la vie et de la conscience de l'homme qui mène une vie ordinaire, sans être ni riche ni miséreux, un véritable aspect de l'époque où nous vivons", et c'est là une explication personnelle appropriée aux sujets traités dans !'oeuvre de Pak Wan-so. Ce qui imprègne le regard de l'auteur lors de la description des tendances de notre époque, c'est un esprit dénonçant la vulgarité du monde et, là, nous pouvons découvrir directement son esprit critique. Comme c'est souvent le cas des romanciers remarquables qui traitent les tendances de leur époque, Pak Wan-so révèle une étonnante maîtrise pour la peinture des caractères et elle donne une vie étonnante aux personnages de ses oeuvres au cours de ses récits narratifs qui, il faut le dire, ne sont pas extrêmement fréquents. C'est aussi avec une grande minutie qu'elle procède quand il s'agit de saisir et de décrire les indices qui révèlent les sentiments humains. C'est pourquoi, malgré la concision du récit, l'action se déroule en donnant une profonde impression de mouvement, pour conduire le lecteur à constater la tristesse fondamentale de la vie de ce monde. "Après une longue, très longue attente, sa femme dépose une demande pour faire une visite à son mari, mais sa demande est immédiatement refusée. La raison en est
qu'il a déjà eu une visite. La femme imagine alors quelque chose de bizarre. . Au bout de trois ou quatre jours d'une telle conduite, elle finit par entendre appeler le numéro matricule de son mari détenu dans la prison. La personne qui répond est une inconnue. Sans la moindre explication, elle la saisit au collet et l'entraîne. "Sale garce ' Sale garce, qui es-tu ?" La bagarre ainsi commencée avec la concubine de son mari dans la cour de la prison se déroule avec une violence sans pareil. Les innombrables injures dans lesquelles revenaient sans cesse "cette garce-ci ! cette garce-là I" étaient d'une telle Vi_o[ence qu'elles fendaient l'air comme des éclairs et venaient déchirer le tympan des spectateurs. Pour le pire des maris de l'autre côté du grand mur de la prison, pour ce triste
Pak Wan-so
Pak Wan -s6 a du talent pour entraîner les lecteurs vers l'inconnu, en révélant les vicissitudes et les dangers des vies apparemment ordinaires. Elle dépeint dans un style concis et crédible les con tours de l'esprit humain. 77
individu tout juste capable de demander à une femme de s'occuper de lui pendant qu'il purgeait sa peine en prison, ces femmes se battaient comme s'il ne restait plus d'hommes en ce monde. A voir l'ardeur que mettaient à se battre ces deux femmes fanées qui, étrangement pour des femmes en train de se quereller pour leur amour, n'avaient absolument plus rien de féminin, on ne pouvait qu'éprouver au fond du coeur une sorte de tristesse infligée par le destin à cause du fait qu'en ce monde, il existe des hommes et des femmes." Il s'agit d'une scène de la nouvelle intitulée "Récit d'une expérience", mais, en s'étonnant de la capacité de l'auteur qui les conduit vers un monde inconnu, les lecteurs en arrivent à prendre une vive conscience du grand nombre de détails, de vicissitudes et de crises dont est remplie notre vie qui, à première vue, semble banale. La curiosité au sujet du monde inconnu constitue l'un des motifs fondamentaux pour lesquels le public s'intéresse à la lecture des oeuvres littéraires et, de ce point de vue, on ne tarde pas à comprendre d'où vient l'attrait du public pour !'oeuvre romanesque de Pak Wan-s6. L'une des caractéristiques de cet écrivain qui, en même temps qu'un observateur extrêmement perspicace du monde, est un remarquable conteur, réside dans le fait que le monde inconnu vers lequel elle conduit le lecteur n'est nullement un monde purement factice et fabriqué de toute pièce, mais un monde tout proche de notre vie de tous les jours. Par exemple, dans son oeuvre récente intitulée "Vraiment, cette montagne était-elle là ?", les épisodes en relation avec l'utilisation de la monnaie réservée à l'armée rouge à Séoul, après le recul des forces du sud, le 4 janvier 1951, et les épisodes en relation avec les invertis sexuels du voisinage des bases américaines fourmillent de détails que seules peuvent connaître les personnes ayant vécu cette période ; et le fait de fournir de tels détails permet de renforcer fortement le réalisme de !'oeuvre. On ne saurait oublier que ce résultat est aussi le fruit du talent d'écrivain de Pak Wan-s6. Les conteurs de jadis avaient la possi78
bilité de révéler de grandes capacités dans leur domaine grâce au recours à leur don de la parole, même s'ils n'avaient guère de choses à dire ; par contre, les écrivains de notre époque ne peuvent pas compter urùquement sur leur capacité de conter : le
A travers l'oeu vre de Pak Wan -s6 apparaît Je refus de la violence exercée au nom des idéologies par les êtres humains. La sincérité de l'auteur donne à son refus une force évidente. Ces histoires et ses nouvelles tendent à défendre l'humanité contre toute bipolarité idéologique.
style, qui a remplacé le don de la parole, est source de la vie du roman. Dans une scène très impressionnante de "L'arbre dénudé", le premier roman de Pak Wans6, le lecteur découvre le passage remarquable et peu commun suivant : '1e mot amour revenant sans cesse sur les lèvres de tant de monde, Ok-Hùi, elle aussi, était trop usée pour prêter l'oreille à
mon intense désir à la recherche de quelque chose... N'ayant guère d'autre ressource, j'ai insisté de nouveau sur ce mot amour, mais j'ai eu le sentiment qu'entre elle et moi, il fallait d'autres mots, des mots tristes et pleins de signification, des mots que jamais encore personne n'avait prononcés." "...des mots tristes et pleins de signification, des·mots que jamais encore personne n'avait prononcés." En vérité, il s'agit là d'un point de détail de l'idéal linguistique poursuivi par les poètes de l'époque contemporaine qui, en réaction contre la dépersonnalisation du langage, aspirent à la création d'un langage vraiment personnalisé. Quand la recherche de telles expressions aboutit au succès, le style s'en trouve d'autant plus élevé au rùveau du langage poétique. S~ dans le roman traitant des réalités de la vie, il n'est pas possible de parvenir continuellement au niveau poétique, il est cependant possible de s'en rapprocher grâce à la minutie et à la délicatesse que l'auteur révèle dans sa façon de saisir les indices des sentiments humains. En réalité, tout au long des romans de Pak Wan-s6, nous découvrons un niveau de perfection stylistique fort original, et l'on peut affirmer que c'est là le résultat de son aspiration vers des "mots pleins de signification". Nous avons déjà dit plus haut que l'expression littéraire de l'expérience des blessures morales laissées par la guerre de 1950 représente un thème capital de son oeuvre romanesque. D'ailleurs, il semble difficile de découvrir parmi les auteurs de l'après-guerre ne serait-ce qu'un auteur qui aurait négligé ce thème. Si, malgré cela, les oeuvres de Pak Wan-s6 ont pu exercer un tel attrait sur le public, on peut affirmer que cela est dû au caractère objectif du regard de l'auteur en ce qui concerne cette guerre qui a été à l'origine de l'expérience de telles blessures morales. Une partialité idéologique trop empressée et une optique déviée ont pour résultat une étroitesse du -regard qui se porte sur la guerre et sur ses victimes ; visant avant tout soit à condamner, soit à s'apitoyer de façon unilatérale, une telle partialité et une telle optique sont des facteurs qui,
inévitablement, affadissent le caractère tragique de la vie et conduisent à porter un jugement de facilité. Qu'il s'agisse des gens de droite ou des gens de gauche, en rejetant toutes les responsabilités sur des responsables hypothétiques, on procède alors à des dénonciations au lieu de prendre véritablement conscience de la réalité : ce qui apparaît en gros plan, c'est uniquement la position politique adoptée par !'écrivain. A travers de plusieurs de ses oeuvres et de ses mémoires personnelles, Pak Wanso déclare que, parmi les personnages de ses romans, le "frère" présenté comme le type même des victimes de la guerre est un personnage réel appartenant à l'histoire de sa famille et à son histoire personnelle, et qu'elle ne lui a pratiquement pas apporté de retouches tenant de la fiction. En particulier dans "Qui a mangé toutes ses herbes (singa) ?", une oeuvre autobiographique publiée récemment, et dans "Vraiment, cette montagne est-elle là ?", en laissant apparaître clairement son histoire personnelle et l'histoire de sa famille, elle apporte de nouvelles preuves de ses déclarations antérieures. Ce "frère" désenchanté après s'être enthousiasmé pour l'idéologie socialiste est finalement tué au cours de la guerre. "D'un côté, traitant mon frère de réactionaire, on mobilisait tous les moyens les plus odieux pour l'amadouer, l'intimider et le menacer, pour finir par faire de lui, qui n'était qu'un faible intellectuel, une véritable loque humaine ; d'un autre côté, comme si l'on éprouvait guère de plaisir à torturer cette loque humaine sous prétexte qu'il s'agissait d'un communiste, on jouait tranquillement avec lui et, au cours d'une mauvaise farce, on l'abandonnait après l'avoir blessé d'une balle qui ne devait pas le faire mourir immédiatement." Le refus profondément douloureux de la violence de l'homme contre l'homme se retrouve dans toute !'oeuvre de Pak Wan-so et exerce une forte impression sur le lecteur. De ce point de vue, on peut affinner que, dans son oeuvre romanesque, cet écrivain adopte une position de refus condamnant les deux théories idéologiques
et que, dans sa souffrance, elle préconise la protection de l'être humain. C'est d'ailleurs un point commun à toutes les oeuvres classées dans la catégorie désignée sous l'appellation de "roman de la séparation". A partir des années 1960, la société coréenne fait l'expérience d'une transformation à la fois rapide et radicale sous les formes de l'industrialisation et du phénomène de l'urbanisation. Il s'agit d'un bouleversement considérable qui est à l'origine d'une forte croissance économique et d'une énorme élévation du niveau de vie, comme le montre la croissance du revenu par habitant, qui est passé de 100 dollars en 1965 à 10.000 dollars en 1995 ; mais, si d'un côté les changements ont été positifs, d'un autre côté, cela a exigé une lourde contrepartie de la part de la population. Sans aller jusqu'à rappeler le douloureux processus allant de la restriction des libertés civiques à l'oppression politique et sociale, le changement et la croissance ont coûté un prix exorbitant payé par le peuple coréen La série des romans de Pak Wan-so qui traitent des tendances de l'époque expriment fidèlement et de façon romanesque ses réactions au sujet des aspects négatifs et de l'influence destructrice des bouleversements que représentent les étapes du processus d'industrialisation et d'urbanisation La dégradation de l'humanité, la perte des valeurs et tous les aspects de la déchéance humaine et de la vulgarité de la société, qui sont les résultats du culte de l'argent et d'un système des valeurs accordant la première place aux biens matériels, sont saisis sans faille et exprimés dans un style d'une grande minutie. Que les oeuvres littéraires constituent la plus abondante documentation relative à l'histoire d'une société, c'est un fait souligné par les sociologues de la littérature ; mais il est indubitable que les romans de Pak Wanso sont des oeuvres qui, plus que toutes autres, font la lumière sur la société coréenne de la seconde moitié du vingtième siècle. Révélant l'impossibilité de parvenir au bonheur actuellement dans cette société, l'auteur parle de la tristesse, du caractère tragique de la vie
des êtres humains et, en même temps, déclare que ce qui sauve le monde, ce ne sont pas les grandes idéologies mais la chaleur humaine envers l'humanité. Ou plutôt, c'est ainsi que l'on peut résumer ce que pensent les lecteurs de Pak Wan-so après la lecture de ses oeuvres. 'Un appareil photographique et des bottes'' et "Près du Bouddha", deux nouvelles publiées à l'époque des débuts de !'écrivain, ont été une véritable révélation du fait qu'il s'agit de romans typiques de sa littérature. On dit généralement que toute personne possède la matière suffisante pour écrire un roman : pour tout le monde, la vie est pleine de vicissitudes et est pénible ; mais il est rare que l'expérience susceptible de fournir la matière d'un roman fournisse à un écrivain l'occasion d'une création littéraire suivie. ''Près de Bouddha" est une nouvelle qui montre de façon poignante la profondeur et la douleur des plaies laissées par la guerre. On peut dire que là réside la source d'où jaillissent les romans de Pak Wan-so. Quant à 'Un appareil photographique et des bottes", c'est une nouvelle qui montre au point d'en donner le frisson combien durable est le choc de l'expérience des blessures morales et avec quelle force le souvenir des morts domine la vie de ceux qui sont restés. Le voeu le plus cher des membres de la famille présenté dans cette nouvelle se révèle comme n'étant qu'une chimère ; pensant que les causes du malheur de quelqu'un viennent du choix malheureux de sa spécialité lors de ses études, ·on fait d'un jeune garçon, un technicien supposé capable de survivre sous n'importe quel régime, parce que l'on désire le voir jouir dans la tranquillité d'un bonheur tout ordinaire. On a souvent employé dans ce cas l'expression "ironie tragique". Indépendamment de son succès littéraire, du fait que le thème de cette nouvelle, où la réalisation des souhaits de la famille n'a pas apporté le bonheur attendu, met en lumière le subconscient du peuple coréen aspirant à la survie, cette oeuvre restera longtemps gravée dans notre mémoire. Il s'agit là d'une oeuvre qui rappelle que, si les idéologies sont dissimulatrices, l'art, lui, est révélateur. + 79
NOUVELLES DE LA KOREA FOUNDATION
Subventions pour les études coréennes à fétranger
La Korea Foundation offre une aide financière aux universités, aux instituts et aux bibliothèques à l'étranger pour leurs efforts pour promouvoir la coréanologie dans le monde. Les projets soumis à l'approbation de la Korea Foundation doivent relever des Sciences-Humaines, des Sciences-Sociales ou d'un domaine artistique en s'inscrivant dans le cadre des objectifs définis ci-après : 1) Création ou développement de départements d'études sur la Corée (cours et enseignants) 2) Mise à disposition de bourses pour étudiants de 2ème ou 3ème cycles et d'allocations de recherche pour les enseignants 3) Participation aux acquisitions des bibliothèques et des catalogues. Les dossiers d'inscription devront être remis à la Korea Foundation avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 octobre de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à: International Cooperation Department I The Korea Foundation CPO Box 2147 Seoul. Koreo Tel 82-2-753-3464. Fox 82-2-757-2047.2049
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