Charme Oriental) Confort Occidental... Vous pouvez en être assuré au Seoul Garden. Notre établissement qui compte 400 chambres offre 5 restaurants avec une variété impressionnante de cuisines, un café, un salon, un bar et un nouveau centre de forme. Situé dans le quartier d'affaires de Mapo, il se trouve plus près de Yoido et de l'aéroport international de Kimpo que tout autre hôtel de luxe. Et pour le shopping, quelques minutes le séparent d'ltaewon.
~ Seoul Garden Hotel SEOUL KOREA
169-1 Dohwa-dong. Mapo-ku . Sc:oul, K orea
TEL (02)7 1~ -94 1. FAX e (02) 7 15·944 1. New York O ffice. ca ll toi! free 800-252·1245/USA.
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TRESORS DE COREE
Le canal de l'alcool
au pavillon PJos6kch6ng
A Kyongju, l'ancienne capitale du royaume de Shilla, subsiste le souvenir vivant de l'amour qu'éprouvaient les citoyens de Shilla pour l'aco~ la poésie et les joies d'une vie de plaisir et de raffinement Situé dans une tranquille forêt de bambous, non loin des monts Namsan, le pavillon P'os6kch6ng est un lieu de retraite qu'aimaient les rois du royaume de Shilla et les courtisans. Aujord'h~ le pavillon n'existe plus, mais reste un canal en pierre, sur lequel on faisait flotter des coupes d'alcool, construit il y a plus de mille ans. Le site a tiré son nom du caractère chinois qui désigne l'ormeau, d'après la forme du canal Selon les écrits du calligraphe chinois Wang Xi-zhi (307365), en 354, le troisième jour du troisième mois, quarantedeux sages se sont rassemblés dans le pavillon du Lotus, sur le versant nord du mont Hujishan dans le sud-ouest de l'actuelle province du Zhejiang, pour la fête de la poésie et de l'alcool Les sages ont construit une voie navigable en zigzag sur laquelle ils faisaient flotter des verres d'alcool Le but était de composer un poème avant que la coupe n'ait parcouru
toute la longueur du canal Celui qui n'y arrivait pas dans le temps imparti devait, pour la peine, boire trois verres d'alcool Courtisans et aristocrates construi~ de tels canaux dans leur jardin et appréciaient l'alcooL la poésie et la compagnie de bons amis. Plus tard, la coutume se répandit dans le royaume de Shilla Beaucoup de canaux d'alcool chinois furent construits d'après la forme des caractères chinois désignant le pays et le vent, mais ceux de Shilla étaient modelés d'après la forme de l'ormeau Certains spécialistes du folklore ont remarqué qu'ils ressemblaient aussi aux organes génitaux de la femme, allusion à l'adoration de l'époque pour le sexe et les organes sexuels. Les dimensions du canal sont variables mais il mesure approximativement trente centimètres de large, vingt centimètres de profondeur et vingt-deux mètres de long. Une étude réalisée en 19~ par l'Institut de recherche culturelle de Kyongju qui a rempli le canal d'eau, montre qu'un verre met dix minutes pour parcourir tout le canal, plus de temps qu'il ne faut pour composer un simple poème. •
ARTS ET CULTURE DE COREE
COUVERTURE: fart de boire révèle une histoire qui est, de
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plusieurs façons, celle d'un ~-
L'alcool et
pie Ce numéro de KOREANA e5t
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l'art de boire
consacré aux boissons a/coo-
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lisées et aux coutumes qui y
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en Corée
sont liées en Corée En couverture, une poterie traditionnelle
1
destinée à la distillation
R E
4
Histoire des boissons alcoolisées traditionnelles de Corée
par Lee Hyo-gee
10 Les dix meilleurs alcools traditionnels coréens par Yu Tae-jong
20
L'art de boire en Corée par Chai Seung-beom
26
Quelques poèmes sur le makk6lli par David R. McCann
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Lechumak: Un refuge pour les voyageurs
par Bae Do-sik ©The Korea Foundation 1996 Tous droits réservés Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, sans autorisation préalable de la Korea Foundation, est interdite. Les opinions exprimées par les auteurs ne représentent pas nécessairement celles de KOREANA et de la Korea Foundation. KOREANA, enregistré comme trimestriel auprès du Ministère de l'Information, (Autorisation No. Ba-100.3, du 8 août 1987) est aussi publié en F!ponai.s, chinois, espagnol et anglais.
Korea Foundation
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L'esthétique des bouteilles et des coupes coréennes par Choe Ha-rim
44 INTERVIEW
Yun Kwang-cho: L'art et la manière des grès de punch'6ng
par Kim Young-uk
52 PATRIMOINE MONDIAL
La grotte de S6kkuram : Un chef-d'oeuvre de proportions par Kang U-bang
Vol.2, No.4 Hi\er 1996
60
CHEMIN FAISANT
Les monts Nam à Ky6ngju: La rencontre de l'art et de la nature
par Kim }oo-young
68 L'ART COREEN A L'ETRANGER
Musée d'art de Kory6 : Le rêve d'un homme par Kim K wang-on
72 ARTISTES COREENS A L'ETRANGER
Les peintures de Nikolai Sergeevich Shin
par Choi Tae-man
78 A LA DECOUVERTE DE LA COREE
Le ginseng coréen par Nam Ki-yeu]
82 Festival international du film de Pusan ACTUALITES
par Chang Suk-young
KOREANA Publication trimestrielle de La Fondation de Corée, The Korea Foundation 526 Namdaemunno 5-ga, Chung-gu, Séoul 100-095, Corée DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
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Le dernier poète . des régions rurales par Yu Jong-ho
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grand dîner organisé par le roi Shinmun (règne : 681-D92). La dynastie Koryo. La fermentation de l'alcool de grain fut diversifiée dans la première moitié de la dynastie Koty6 (918-1392) avec le rnakkolli et le clionpju qui est plus raffiné que le premier. La fermentation alcoolique ne fut plus obtenue par un seul procédé, comme par exemple la fermentation de riz cuit avec des levures et de l'eau, mais par de nombreuses fermentations. Ainsi l'on pouvait ajouter une certaine quantité de riz cuit à un mélange déjà fermenté afin d'améliorer le goût et aco·oître la teneur en alcool Ce fut pendant cette période que des alcools spéciaux commencèrent à être produits en ajoutant aux grains une grande variété d'herbes et de fruits. Les alcools étaient fabriqués et vendus dans les temples parce qu'à l'époque ces derniers pouvaient faire office d'auberge. Un bureau fut établi dans le palais royal afin de veiller à la production d'alcool pour les cérémonies nationales, y compris pour les rituels ancestraux qui se tenaient au mausolée national et qui nécessitaient des libations avec de l'alcool de riz Le makkolli fut aussi appelé t'akchu (alcool épais), pakchu (alcool fin) ou paekchu (alcool blanc) en fonction de sa nature et de son aspect. En plus du makkolli et du ch'ongju, un spiritueux appelé soju fut introduit en Corée, en 1277, par le biais du conunerce avec les Mongols et les Chinois de la dynastie Yuan Alors que le soju ne nécessitait qu'une seule distillation, on produisit, avec deux distillations, des alcools plus f01ts comme le karnhongno. Le soju était aussi appelé hongno, kiju, hu:aju et aragilchu, le dernier nom faisant référence à ses origines arabes. il fut très rapidement apprécié des nobles et beaucoup en perdirent la santé. Le gouvernement s'en alarma et condamna le soju en en faisant un produit onéreux La plupart des alcools coréens que l'on connaît aujourd'hui trouvèrent leur nom d'origine pendant la période Kory6. Ils étaient suttout composés à partir de riz, de blé ou de malt de riz. L'un des plus
Les techniques pour prcxtuire les Fermentations aicooùques m ec des levures ou du malt ét<üem déjà maîtrisées j fa fin de la période des Trojs Royaumes. Les Leclmiques de Fermenta lion de Kogury6 furent eX]XJrtées en Chine et pennirent la création
cialcoois coréens appelés koryoju et kogaju.
Le hongju de l'île Chin, alcool fait à base d'herbes rouges locales (cidessus).L'alcool est toujours présent dans les mariages, les funérailles et d'autres cérémonies, ou lorsque les gens du village se réunissent Des officiants offrant
de la nourriture et du makkolli aux dieux avant le Miryang Paekchung
nori, un jeu folklorique traditionnel (ci-contre).
mémorables introduits alors fut le ihu:aju (alcool de fleur de poirier). C'était une variété de makkolli ainsi appelé parce qu'il était brassé à partir du riz et du malt de riz puis fermenté pendant la floraison des poiriers. Davantage de techniques de brassage et de distillation furent introduites à partir de la Chine des Yuan et Song et il y eut un grand nombre de nouveaux alcools pendant la dernière période de la dynastie
Kory6. Le rnayuju (alcool de lait de jument) fut diffusé en Corée à la suite du contact avec les Mongols puis le vin de raisin arriva d'Occident par la Chine des Yuan. Le sangjonju et le paekchu chinois étaient particulièrement affectionnés par les classes privilégiées. Deux techniques de distillation furent introduites en Corée. L'une est originaire du Moyen-Orient ou d'Inde importée par les Mongols au début du royaume de Kory6 ;
Pae Yong-shin (ci-dessus) a été désignée bien culturel intangible pour avoir préservé l'art de la fabrication du kyodong püpchu, une spécialité de Kyongju qui existe depuis 350 ans. Une tablette basse où est disposé de l'alcool est toujours placée devant l'autel des offrandes, les libations éta.itt un moment important lors des rites destinés aux ancêtres (ci-dessous).
alors que l'autre, mongole d'origine, fut introduite après que les Mongols eurent établi en Chine la dynastie Yuan avec laquelle Kory6 eut de fréquents échanges. Très vite, ces deux techniques s'implantèrent fermement en Corée. Les Coréens développèrent également un nouveau processus qui combinait la distillation avec la fermentation de céréales pour produire le noju obtenu à partir d'une seule distillation alors que le hwa.lloju en
nécessitait de nombreuses. Deux méthodes importantes de production d'alco~ par la fermentation et la distillation, furent donc introduites pendant la période Kory6. La dynastie Chosûn.
Pendant la dynastie Chos6n (1392-1910), la plupart des boissons de la période Kory6 continuèrent à être produites avec des techniques cependant plus perfectionnées.
Le riz complet fut remplacé par du riz gluant et d'un seul brassage, on passa à plusieurs brassages. La variété des alcools augmenta et la qualité s'améliora tant qu'ils furent exportés en grand nombre sous le règne du roi Sepng (141&1450). Ce dernier encouragea des études pour comparer les herbes médicinales chinoises et coréennes, et l'on trouve des informations sur la distribution de ces herbes dans l'ouvrage intitulé Description
pagnaient les très nombreux rituels, devint une occupation régulière. Par ailleurs, les ménagères devaient garder une grande quantité pour chaque saison parce que le bon alcool et la bonne chair indiquaient le statut social de la famille Les alcools régionaux prospérèrent à la fin de la dynastie Choson alors que les différentes traditions régionales de fabrimtion passaient d'une région à l'autre. Cest à cette époque que le yaksanch'un de Séoul, le hosanch'un de la province du Cholla, le PJX)khyangju de la province du Ch'ungch'ong, le pyongmyongju de la région de Kümch'on devinrent populaires dans tout le pays. Une nouvelle technique de brassage, qui combinait la distillation et la fermentation, fut introduite durant cette période. Les alcools les plus représentatifs de cette technique furent le kwahaju (alcool d'été), un mélange de· soju et d'alcool de riz, et le songsunju (alcool de pousses de pin). Après l'ouverture des ports de la Corée au commerce international, à la fin de la dynastie Choson, des alcools étrangers arrivèrent en masse dans le pays et devinrent rapidement populaires parmi les classes aisées.
géographique des huit provinces (P'altochiriji), rédigé en 1432 ll promut également la publimtion de travaux médimux comme la Prescription d'urgence en médecine indigène (Hyangyak-kukûppang 1417) et
Compilation des prescriptions coréennes (Hyangyak-chips6ngbang 1433) Ces livres médicaux influèrent sur les habitudes alimentaires des Coréens et contribuèrent à une approche scientifique de l'alimentation coréenne Les substances pour la médecine et la nourriture étaient souvent de même origine Par exemple, on utilisait les herbes médicinales pour faire des gâteaux, du porridge, des boissons y compris celles alcoolisées. Toutes sortes d'herbes étaient utilisées pour faire l'alcool L'alcool de ginseng fut produit à partir du ginseng, alors que pour une variété d'alcools de pin, on utilisait uniquement les aiguilles de pin ou les feuilles de chrysanthème et des aiguilles, des pousses, de la sève, des jeunes branches, et du pollen de pin Et même, on conservait l'alcool dans une mvité creusée dans un rondin de pin pendant un certain temps. ll y avait aussi une variété d'alcools de bambou faits avec l'eau dans laquelle des feuilles de bambou avaient bouilli. Pour certains alcools, on ne prenait qu'une seule herbe alors que pour d'autres on réalisait un mélange. Environ cent trente sortes d'herbes étaient utilisées pour produire une soixantaine d'alcools différents On se servait également de fleurs pour leur parfwn Les alcools améliorés avec les chrysanthèmes, les azalées, les mpselles, les roses, les fleurs de lotus, de prunier, de cerisier et d'abricot, étaient très appréciés. Les fleurs étaient mises dans un sachet de toile que l'on plongeait dans la prre qui contenait l'alcool ; il y avait un gallon de fleur pour cinq gallons d'alcool L'alcool était également fabriqué avec différentes variétés de fruits comme les grenades, les citrons, les mandarines, les pommes sauvages, les raisins, les noix et les pignons Dans la société confucianiste, où les esprits des ancêtres étaient très strictement vénérés, fabriquer de l'alcool, que l'on utilisait pour les libations qui accom-
Un méhnge de levure et d'autres ingrédients à un stade de fermentation avancée (en haut). Riz, levure et autres ingrédients utilisés pour la fabrication d'alcool (au centre), et des bouteilles contenant le produit fini (ci-dessus).
La période de la colonisation japonaise. Le saké japonais et la bière furent introduits en Corée après que les deux pays eurent signé le Traité de Kanghwa en 1876, qui ouvrait les ports et le chemin de la colonisation de la Corée par le Japon en 1910. En 1907, alors que la Corée était un protectorat japonais, le gouvernement de l'archipel institua une taxe sur les alcools qui fut une importante source de revenus. Les alcools de pays furent interdits et une brasserie fut désignée dans chaque village pour produire des alcools taxés. En 1930, les alcools traditionnels des régions avaient tous disparu emportant avec eux le secret de fabrimtion que l'on se communiquait de génération en génération. Les brasseries publiques, qui étaient soumises à de lourdes taxes, essayèrent d'accroître leur production En particulier, aucune amélioration ne fut faite en ce qui concerne le t'akchu
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traditionneL dont la disparition fut causée par l'abondance du saké japonais.
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La période de l'après-libération. Après la libération en 1945, les taxes sur les alcools furent plus ou moins maintenues comme sous la colonisation japonaise, mais on substitua, en 1952, les céréales à la mélasse. En 1962, on utilisa des patates douces pour fabriquer le soju Le soju distillé fut interdit en 1965 et remplacé par le soju dilué. On commença à importer du tapioca, en 1974, pour fabriquer l'alcool A partir des années 1970, les sociétés coréennes commencèrent à produire à grande échelle des alcools et des alcools occidentaux comme le vin, le whisky, le cognac, le gin, la vodka et le rhum. La production de bière, qui avait été introduite en 1934 quand les brasseries Kirin et Sapporo s'étaient établies en Corée, était très avancée.
Différentes liqueurs traditionnelles disponibles actuellement dans le commerce (en haut). Chacune est le produit d'une recette ancienne. Le fameux kyodong püpchu de Kyongju (ci-dessus).
Dans le même temps, la qualité des alcools traditionnels se détériora parce qu'on interdisait, à cause de la pénurie, d'utiliser le riz L'alcool devait être fabriqué avec de la farine et d'autres substances. L'interdiction fut levée en 1971 et on recommença à produire le makk6lli En 1985, le gouvernement désigna de nombreux alcools traditionnels biens culturels : le soju distillé à Andong, le l:xmf!iu fabriqué à Chindo, le hwahaju produit à Kimch'on, le ig:mf!}u de hi, le soldi5lchu de Séoul, le songsunju fabriqué à Kimje, le sogokchu brassé à Hansan, le tongdonf!}u brassé dans la province du Kyonggi, et le ch'ongmy5nf!}u fabriqué à Chungwon En 1994, le Ministère de l'agriculture et de la pêche éleva des experts au rang de "mat"'tres des alcools traditionnels'', afin de préserver et promouvoir les alcools traditionnels coréens tels que le jXlegilchu de Songhwa et Kyeryong, le insamju et le ok'yanf!}u de Kûmsan •
Les dix meilleurs alcools
Yu Tae-jong
Professeur de sciences alimentaires Université de Keonyang
es liqueurs et alcools coréens sont riches en fragrances et arômes propres à la culture traditionnelle. L'alcool d'azalée de Myonch'on, l'épais et aromatique nongju, le soju d'Andong, transparent comme le cristal, le sogokju de l-la1scn, le makk61/i, alcool de riz doux, font tous partie de la culture épicurienne coréenne, et sont peu à peu oubliés dans le tourbillon des temps modernes. Autrefois, les boissons alcoolisées étaient faites chez soi, avec des céréales
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de saison, des fleurs et des herbes, et servies en famille lors des rites ancestraux ou lorsqu'il venait des invités. Depuis les temps anciens, les Coréens aiment également boire de l'alcool en · mangeant. La distillation ou le brassage des boissons alcoolisées a continué de se développer pendant la dynastie Choson. Aujourd'hui, les connaisseurs estiment qu'il y a une cinquantaine d'alcools traditionnels différents. Le professeur Yu Tae-jong présente ci-dessous dix alcools favoris en Corée. -NDLR
Lemakkolli la boisson alcoolisée la plus ancienne et la plus populaire en Corée est le makk6lli Elle était couramment appelée nongju, alcool des paysans, ce qui ne veut pas dire pour autant que ces derniers étaient les seuls à rapprécier, bien au contraire. A l'époque de la dynastie Koryo, il portait le nom de ibtmju, alcool de fleurs de poirier, car le nuruk, malt ou levure, utilisé pour déclencher le processus de fermentation, était préparé pendant la saison de la floraison des poïriers. Le makk6lli était également désigné sous la dénomination de t'akchu; alcool épais, du fait que le liquide épais, obtenu par la fermentation d'un nuruk additionné d'eau et de riz cuit n'était pas filtré avant la mise en juTe. Cet alcool lacté a une teneur alcoolique plutôt basse, soit six ou huit pour cent. Etant toujours en processus de fermentation, il contient une grande quantité de gaz carboniques, qui lui donnent une impression de fraîcheur et ce goût amer. Se caractérisant par son aigreur et sa douceur, le makk6lli désaltère et dissipe la fatigue. Pour cette raison, il tenait une place importante dans la vie quotidienne des Coréens. lls en buvaient pour se redonner des forces après une dure journée de labeur ou à l'occasion d'événements heureux et malheureux, tels qu'un mariage ou un enterrement Le makk6lli est riche en protéines de riz, soit ~9%, ainsi qu'en vitamines Bl et B2 et d'autres de type B complexes telles que l'inositol et la choline. ll contient également 0,8% d'acide organique qui donne son aigreur et ses effets désaltérants, et favorise raugrnentation du métabolisme. Les Coréens qui vivent longtemps et en bonne santé se sont révélés pour la plupart des inconditionnels de makk6lli
traditionnels coréens Le soju de la région d'Andong Le soju d'Andong (province du Kyongsang du Nord), est un alcool distillé, fabriqué à partir d'une fermentation de nuruk, de riz cuit et d'eau. Une légende raconte que Kublai Khan, petit-fils de Genghis Khan, le mit au point pendant son séjour à Andong alors qu'il se préparait à envahir le Japon La région était alors connue pour la qualité de son eau, ce qui a sans doute participé à la réputation de son soju Autrefois, cette boisson alcoolisée était considérée comme une denrée précieuse, utilisée comme remède médical ainsi que le révèlent des documents anciens. Aujourd'hui encore, les habitants de Andong y ont recours pour soigner des
blessures, apaiser des troubles digestifs et stimuler l'appétit Sa forte teneur alcoolique, 45%, est due à la durée de la fermentation qui est de 20 jours, et à la durée de la maturation qui dépasse cent jours. Ce qui ne lui enlève pas la richesse et la douceur de son arôme. L'ancienne méthode consistait à laisser vieillir l'alcool dans des jarres couvertes, entreposées dans des caves dont la température devait être inférieure à 15 oc, et à écumer régulièrement la surface à l'aide de chiffons ou d'un tamis. D'après Kory6sa, (Histoire de Kory6), Kim Chin, général de la dynastie Koryo, en poste à Andong, aimait tellement en boire qu'il négligea ses devoirs et fut surnommé "disciple du soju ".
A Andong, presque toutes les familles produisaient leur propre soju pour le servir aux visiteurs et aux invités dans diverses occasions, mais cette tradition a disparu pendant l'occupation japonaise (1910-1945). C'est seulement depuis ces derniers temps que la fabrication du soju digne de sa réputation d'antan a recommencé, mettant en oeuvre des techniques scientifiques de brassage, de distillation et de contrôle de température. Le insamju de Kiimsan Le insamju, alcool de ginseng, de Kumsan, les méthodes de brassage et ses effets bénéfiques sont évoqués dans plusieurs ouvrages de l'époque Choson (1392-1910), notamment Imuxm shimnyukCho Ok-hwa. désignée bien culturel intangible pour son soju d'Andong, remuedunuruk (ci-contre). Une bouteille desoju d'Andong (ci-dessous)
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chi, (Seize traités rédigés à la retraite, 1827 ), écrit par So Yu-gu, et Poncho
kangmok, (Encyclopédie des plantes). Kumsan, centre de production du ginseng, est connu depuis longtemps pour ses ginseng de qualité supérieure, se distinguant par leur chair ferme et leur contenance élevée de saponine (une des principales substances à l'origine des vertus médicinales de la racine). Depuis des siècles, le ginseng coréen est très apprécié parce qu'il constitue un remède aux usages multiples, dont l'efficacité thérapeutique a été scientifiquement prouvée. li aide à dissiper la tension, la fatigue et la dépression, et s'avère efficace pour protéger des maladies cardia-vasculaires, de l'hypertension, de la sclérose artérielle, de l'anémie, du diabète et des ulcères. Il donne un plus bel éclat à la peau en prévenant le dessèchement de l'épiderme. Certains rapports médicaux vont même jusqu'à laisser entendre que le ginseng peut freiner la progression d'un cancer. De nombreux écrits anciens attribuent son invention à l'époque Paekche (18 av].C-660). Le procédé de fabrication de
Leinsamju deKiimsan (province du
ChungchongduSud) (ci-dessus).Kim y ong-shin, désignée bien culturel intangible pour son sogokchu de Hansan, examine un mélange denuruk et d'ingrédients divers (ci-contre).
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Kumsan est unique. Le nuruk s'obtient à partir du maltage de blé et de ginseng, auquel sont ajoutés de petites racines de ginseng, du riz et de l'eau pour obtenir le moût. Puis sont encore ajoutés au mélange du riz cuit, de petites racines de ginseng, des feuilles de pin et de l'armoise. La préparation du moût nécessite dix jours, la fermentation, 60, et la maturation, 30. Bref, le processus dure une centaine de jours, et plus la durée de vieillissement est prolongée, plus l'alcool dégage d'arôme. Le nuruk de gingseng réunit les conditions idéales à la reproduction des bactéries, ce qui a pour effet de minimiser le taux d'échec. Le insamju ainsi obtenu délivre un goût unique, résultant du mélange harmonieux de diverses essences aromatiques provenant des feuilles de pin, de l'armoise et du ginseng. On dit depuis toujours que l'absorption d'une quantité raisonnable d'alcool fortifie le corps. L'alcool de ginseng de Kumsan n'est en rien comparable à la liqueur de ginseng qui s'obtient de la macération d'une racine dans de l'alcool. Ce dernier produit un effet visuel origna~ mais le goût n'est pas aussi bon, car il n'a pas cette saveur due à la fermentation Le sogokchu de Hansan Le sogokchu que les connaisseurs considèrent comme l'un des alcools représentatifs de la Corée est originaire de Hansan (province du Ch'ungchong du Sud). li serait apparu à l'époque Paekche. L'eau utilisée pour sa fabrication est tirée des puits de Poarn-~ Hansan-myon li doit son nom, qui signifie alcool à peu de grains, à sa faible dose de nuruk, additionné de riz ordinaire et de riz gluant. On y ajoute parfois de la levure sinon du gingembre, du chrysanthème sauvage et des piments. La fermentation peut durer une semaine dans sa période la plus courte, ou plusieurs mois, pour commencer en février et s'achever en mai ouen juin Le sogokchu est un alcool transparent au goût raffiné. li était surnommé alcool cul-de-plomb, parce qu'une fois qu'on s'assied pour s'en rassasier, on ne cesse
Gros plan d'un mélange de riz et de nuruk fermenté (à gauche). Le nuruk est enveloppé dans du tissu pour être malaxé (à droite).
d'en boire au point de ne plus pouvoir partir. Les anecdotes qui illustrent la chose sont légion : se rendant à Séoul pour passer le concours de la fonction publique, un lettré fit une halte dans une auberge à Hansan, où il commanda du sogokchu. ll en but tellement qu'il oublia le temps et ne put se présenter à l'examen Une autre histoire raconte qu'un maraudeur, après avoir pénétré dans une demeure pour la cambrioler, s'enivra au sogokchu et se laissa arrêter. Ou encore celle d'un homme qui rendit visite à un ami qui lui servit un si bon sogokchu qu'il refusait de quitter la demeure de son hôte. Sa teneur alcoolique est de 15 ou 16%. Les proportions de riz, de nuruk et de blé sont de 10 : 1 : 1 Le riz est lavé, pillé, et cuit pour obtenir du gruau qui est fermenté à basse température pendant 7 jours. Le nuruk ainsi préparé est mélangé à du riz cuit dont la quantité représente le double du nuruk. Le mélange est fermenté pendant 3 semaines à basse température. Le kamhongno De couleur rose violacé, le kamhongno est originaire de la région nord-ouest de la ville de P'yongyang. nest fabriqué à partir d'un mélange de riz, de mile~ de sorgho, de mal~ et de diverses plantes utilisées par la médecine orientale. Après avoir subi le processus de fermentation, le moût est distillé à trois reprises et est vieilli pendant 120 jours. Sa teneur en alcool est de 41%. Ceci étant, une nouvelle variété d'un degré moins élevé, soit 21%, vient d'être mise au point Dans Imwon shimnyuk-c~ le kamhongno est comparé à de la rosée rouge et est déclaré meilleur alcool coréen. Le Tongguk seshigi (Recueil des
coutumes saisonnières coréennes, 1805) le cite comme l'un des alcools les plus remarquables de Corée, parmi le py6khyangju de P'yongyang et le samhaeju de Hanyang, l'actuelle ville de Séoul .
Le millet entre pour 30% des ingrédients nécessaires à sa fabrication. Le \ millet est trempé dans de l'eau et cuit à la vapeur afin d'obtenir un nuruk très liquide. Y sont ajoutés du riz, du sorgho cuits à la vapeur, de l'eau Après huit jours de fermentation, l'alcool est distillé trois fois en alambic et mis en jarre pour la maturation Quant aux herbes, elles sont enveloppées dans une poche en soie, laquelle est incorporée dans le mélange au cours de la fermentation ou pendant le processus de distillation Le goût et la couleur raffinés du kamhongju proviennent du mélange de riz, de millet, de sorgho et d' herbes. Le processus de fabrication est complexe et demande beaucoup de vigilance. On dit que cet alcool est un diurétique, purifie le sang et soigne les engelures et les furoncles. On dit aussi qu'il ne donne pas la gueule de bois. Lemunbaeju A l'époque de la dynastie Koryo, il n'était pas rare qu'un sujet ayant enchanté son souverain en lui offrant un excellent alco~ se voyait attribuer en récompense un poste au sein de l'administration. Ce qui fut le cas de la famille qui inventa le munbaeju et en fabriqua exclusivement pour le roi, tout en gardant secret le . procédé de fabrication. La recette fut transmise de génération en génération sans jamais sortir du giron familial, et le 13
dépositaire porte aujourd'hui le titre de bien culturel immatériel. Le munbaeju est obtenu par la fermentation d'un mélange de nuruk, de millet et de sorgho. Suite à la distillation en alambic, le liquide est vieilli entre six mois et un an. L'alcool s'appelle ainsi en raison de son arôme rappelant la flagrance de la fleur et du fruit de munbae, une variété locale de poire, bien que ce fruit ne compte pas parmi les ingrédients nécessaires à sa fabrication. S'il peut rappeler aussi certains spiritueux chinois tels que le kaoliang et le maotai, le munbafju ne dégage pas une odeur aussi forte que ces derniers et préserve une saveur pure. La mixture de millet cuit et refroidi (à environ zsoc) et de nuruk est enveloppée dans de la toile et soumise à la fermentation pendant 8 heures. Elle est ensuite diluée dans de l'eau, et additionnée deux jours plus tard de sorgho cuit et refroidi. Le jour suivant, une quantité équivalente de sorgho cuit et refroidi est encore ajoutée. Après dix jours de fermentation, on obtient un liquide d'une teneur alcoolique de 16%, qui est par la suite distillé en alambic et mis en jarre pour la maturation. Le taux d'alcool avoisine les 40% au stade final.
Leigangju Le igangju est une liqueur distillée de qualité supérieure, dégustée par la noblesse. On le fabrique depuis le XVIIe siècle dans les provinces du Cholla et du Hwanghae. Plusieurs anciens ouvrages dont Tongguk sesbigi et Imwon sbimnyukcbi font mention de cet alcool. !gang signifie poire et gingembre, les deux principaux ingrédients. Le procédé de fabrication, dont la famille de Cho Chong-hyong est dépositaire depuis six générations, a été désigné bien culturel immatériel régional de la province du Cholla. L'opération consiste à mélanger le jus de cinq poires, pour 18 litres de soju d'une teneur alcoolique de 30%, des extraits de gingembre (20g), de cinnamone (3,75g), de curcuma (7,5g). Le goût est adouci par du miel. Le soju doit être obtenu par distil14
lation, celui obtenu par dilution dans de l'alcool n'étant pas compatible avec le gingembre. Les extraits de gingembre, de cinnamone et de curcuma résultent de la macération de ces plantes dans de l'alcool de 48% pendant 30 jours. Le mélange est filtré et vieilli pendant plus d'un mois. La ville de Chonju (province du Cholla du Nord) et ses environs sont réputés pour la production de gingembre, devenant par-là même le centre de fabrication du igangju. Autrefois, le jus de poire était obtenu en frottant les fruits contre une tuile et filtré à l'aide de tissu. Après y avoir incorporé le jus de gingembre et du miel, le liquide était chauffé au bain marie. Le Cbos6n
cbujosa, (Histoire de la fabrication d'alcool de la dynastie Cbos6n), publié en 1935, décrit le igangju comme une Le feu Yi Kyong-chan (ci-dessus), désigné bien culturel intangible pour sa fabrication du munbaeju qui obéit à une recette familiale transmise de génération en génération depuis la dynastie Koryo. Leiganju, une liqueur distillée, appréciée par les nobles de la dynastie Chos6n (ci-dessous), et une jarre traditionnelle destinée à la distillation dusoju d'Andong (page de droite).
boisson alcoolisée douce, de couleur brun clair, et dégustée principalement par les gens de la noblesse. L'arôme délicat de cette boisson jaune citron résulte d'un mélange subtil d 'essences aromatiques, celles particulières du soju, du curcuma et du cinnamone, celles piquantes du gingembre, et du goût frais du jus de poire. Le curcuma qui sert à la fabrication du cari est utilisé dans la médecine orientale pour traiter la nervosité et les troubles mentaux. Cho Chong-hyong, fabricant de igangju, souligne que contrairement au soju qrdinaire, cet alcool ne donne pas de maux de tête le lendemain de son absorption grâce au curcuma. Il aurait été servi aux membres de la délégation américaine venue en Corée pour établir des négociations commerciales entre la Corée et le Nouveau monde sous le roi Kojong (1864-1907) de la dynastie Choson. On dit aussi que les représentants sud-coréens ont emmené avec eux 200 bouteilles de cet alcool à P'yongyang où devait avoir lieu le Congrès de l'Union intraparlementaire en 1991.
Le paegilchu de Kyeryong Le paegilcbu est un alcool traditionnel populaire particulièrement au sud de la péninsule da ns les provinces du
gluant et le blé entier, complétés par des fleurs de chrysanthème et d'azalée, de fruit de chinensis, et de feuilles de pin. Mme Chi cultive elle-même ces plantes, et les chrysantèmes sont de variétés traditionnelles. L'élément le plus important étant l'eau, Mme Chi n'utilise que l'eau d'un puits qui se trouve sur une colline à Kongj6ng-dong, Kongju. Ce puits ne tarit jamais et son eau a une qualité qui convient à la fabrication du
Ch'ungch6ng, du Ch61la et du Ky6ngsang. On l'appelle aussi shins6nju, alcool des immortels. On dit que la recette fut donnée par le roi Injo (règne : 1623-1649), le 16ème monarque de la dynastie Chos6n, à Yi Ch'ungj6nggong qui contribua à l'accession au trône de ce dernier. La recette intégra définitivement le patrimoine familiale du haut-fonctionnaire Yi qui en fabriqua pour en offrir au roi ou en servir lors de cérémonies. Quatorze générations plus tard, Mme Chi Pok-nam, épouse de Yi Hwang, descendant de Yi Ch'ungj6nggong, est la gardienne du secret familial. Madame Chi a été désignée bien culturel immatériel par la préfecture de la province du Ch'ungch6ng du Sud, et reconnue spécialiste du brassage par le Ministère de l'agriculture et de la forêt. Les principaux ingrédients sont le riz
paegilchu. Sa teneur alcoolique oscille entre 16 et 18%, et est très réputé pour sa saveur et son arôme. Dans le passé, on pensait que le meilleur moment de la fabrication était le premier mois lunaire, mais aujourd'hui, on le produit tout au long de l'année grâce aux techniques qui permettent de contrôler la température Après la distillation, le taux d'alcool s'élève à 40%.
Chi Pok-nam (page de droite), bien culturel intangible, mélange une variété d'ingrédients dont des pétales de chrysanthème, des aiguilles de pin, du safran et du riz (à droite et ci-dessus) pour fabriquer du paegilchu (en haut), une liqueur traditionnelle réputée pour sa couleur, son arôme et son goût Chi entrepose l'alcool sur une terrasse comme les autres Coréens entreposent de la sauce de soja ou de la pâte de haricot (à gauche). 16
L'alcool d'azalée (tugyonju) D'après Imwon shimnyuk-chi, les alcools fabriqués à base de pétales de fleurs et d'autres substances aromatiques étaient classés dans la catégorie des alcools aromatiques. Leur arôme provient de l'utilisation d'herbes médicinales ou autres dans le moût. Ces alcools portent généralement le nom de la plante. Ainsi avons-nous de l'alcool de pousse de pin ou de feuille de pin, l'alcool de gingembre. Les alcools aromatiques sont mentionnés dans des documents qui datent de l'époque Koryo. Les alcools les plus représentatifs de la période Koryo sont ceux à base de chrysanthème, de fleur de pêcher, de pollen de pin et d'azalée. D'entre eux, l'alcool d'azalée tugy6nju revient le plus souvent dans les anciens écrits. Le plus connu est celui de Myonch'on, Tangjin-gun (province du Ch'ungchün du Sud). Le moût, composé de riz
Letugyonju de Myonchon (province du Ch 'ungchong du Sud) (ci-dessus) est fait .à base de fleurs d'azalée et de riz qui sont ajoutés au moût(en haut et ci-contre). Des pétales d'azalée séchés, des épinesvinettes séchées et une jarre de macération (page de droite, dans le sens des aiguilles d'une montre). 18
préalablement lavé, réduit en poudre et trempé d'eau bouillante, est préparé le premier jour du Cochon du premier mois lunaire. Une fois que le moût a été suffisamment malaxé et mis à refroidir pendant une nui~ on y ajoute du nuruk en poudre et du blé. La poudre de nuruk doit être filtré à l'aide d'un tamis en soie avant son utilisation. Les fleurs d'azalée, dépourvues de leurs étamines, sont incorporées dans le mélange avec du riz ordinaire ou du riz gluant cuit. Notons que les pétales et le riz ne sont pas brassés ensemble : les deux ingrédients sont superposés alternativement en couches. On peut aussi, après un mois de fermentation, plonger dans l'alcool une bourse en soie remplie de pétales séchés. Le processus entier nécessite plus d'une centaine de jours. Les fleurs d'azalée donnent à l'alcool une belle couleur et un arôme agréable. Sa teneur alcoolique est supérieure à 18%.
Cet alcool est à l'origine d'une légende bien connue par les habitants de Myonch'on mettant en scène Pok Chigyong, l'une des grandes figures de la fondation de la dynastie Koryo qui vivait dans ce village. Un jour, il tomba gravement malade et aucun remède ne lui réussissait. Alors, sa fille, Yongnam, se rendit au sommet de la montagne Ami et pria pendant cent jours pour que son père guérisse. Le dernier jour de sa retraite, un dieu apparut dans ses rêves et lui dit de fabriquer un alcool avec des fleurs d'azalée, du riz gluant et de l'eau de puits, et de le faire vieillir cent jours. Il lui recommanda également d'en faire boire à son père régulièrement pendant une période prolongée et de planter un ginkgo après la guérison de son père Ce qu'elle s'empressa de faire. Et son père se rétablit. Elle planta alors un ginkgo. Cet arbre et le puits existent toujours dans le village.
Le kugijaju (alcool d'épine-vinette) Une légende raconte qu'un homme passant son chemin vit une jeune femme fouetter un vieil homme qui paraissait avoir plus de 80 ans. Indigné, l'homme s'enquit auprès de la femme de la raison de son attitude Celled lui répondit que le vieillard était son fils et que ce dernier avait vieilli parce qu'il n'avait pas bu du kugijaju, liqueur d'épine-vinette, comme elle le lui avait dit. Elle avoua alors qu'elle avait 395 ans. De retour chez lui, il fabriqua cet alcool et en but, il resta jeune pendant plus de 300 ans. Le kugij;lju est fabriqué à base de nuruk, de malt, d'eau et de fruits, de racines et de feuilles d'épine-vinette Le mélange est mis en maturation dans une cave pendant cinq jours et fermenté pendant sept jours. L'étape finale consiste à purifier le liquide à l'aide d'un filtre en bambou. Le kugijaju est transparent et brun clair tirant légèrement sur le pune Plutôt sirupeux, il délivre une
saveur riche et fraîche Sa teneur alcoolique est d'environ 16%, ce qui ne permet pas de le conserver très longtemps. Il peut se conserver un mois à basse température, soit 15 oc, et pour une durée prolongée, dans une cave fraîche ou dans un réfrigérateur. En le conservant dans un récipient en terre cuite, il préserve mieux son goût d'origine Légèrement chauffé, son goût s'adoucit. Si l'on en croit d'anciens documents, l'épine-vinette réussit à tout le monde quelle que soit la condition physique de la personne Depuis toujours, cette plante est attribuée du pouvoir d'augmenter la longévité. D'après le Tongûi pogam (1613), ouvrage sur la médecine coréenne, cette plante ne contient aucune substance toxique et détient de nombreuses vertus thérapeutiques : elle fortifie les os et les muscles, dissipe la fatigue, renforce la virilité, soigne les troubles digestifs, les maladies du foie et du coeur, fortifie le système capillaire et stimule les fonctions du foie •
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L'art de boire en Corée Quels que soient l'époque et Je lieu, l'alcool a toujours suscité les avis les plus contraires. Certains Je préconisent comme Je meilleur des remèdes, d'a utres Je considèrent comme Je pire des poisons. Choi Seung-beom
Professeur de littérature coréenne Université nationale de Chonbuk
uand les Coréens ont-ils commencé à boire de l'alcool ? Aucun document n'est susceptible de fournir une réponse exacte, mais des écrits chinois affirment que les Coréens en buvaient avant les Trois Royaumes (Ier siècle av. J.-C - VIle siècle) que formaient Shilla, Paekche et Koguryo. L'alcool occupait une place importante dans leur vie : pendant les rites destinés au ciel, les saisons des semailles et des moissons, les fêtes, ils buvaient, chantaient et dansaient. Et ceci, dans toute la péninsule, que ce soit dans le sud ou dans le nord De sources historiques, on sait que ceux du nord de la péninsule buvaient d'abord, chantaient et dansaient après, et qu'à l'inverse, ceux du sud chantaient, dansaient et buvaient. Si l'on n'est pas sûr que ces traditions aient été suivies au pied de la lettre, on est certain que l'alcool donne envie de danser et de chanter. Et les anciens Coréens aimaient boire et s'amuser. Dans ce contexte, on pourrait dire sans craindre d'exagérer que l'alcool a participé à l'émergence de toutes les formes d'art coréen, que ce soit
la littérature, la musique ou la danse. L'alcool tient une place importante dans Hanlim pyalgok (Chants des lettrés confucianistes), recueil d'odes de la fin de la dynastie Koryo (1216). Celles-ci décrivent avec emphase les escapades d'érudits de l'académie Hanlim, une école de lettres. Une variété d'alcools sont évoqués : alcool doré, alcool de pignon de pin, alcool doux, alcool à base d'eau filtrée à travers des feuilles de bambou et alcool de fleur de poirier. Elles exaltent des scènes où des gentilshommes versent l'un de ces breuvages dans des coupes élégantes et boivent dans l'ordre de préséance. Yi Kyu-bo (1168-1241), grand poète de la dynastie Koryo et contemporain des lettrés de l'école Hanlim, adorait boire. Sa passion pour la poésie, le komun-go, harpe à six cordes, et l'alcool était telle qu'on l'appelait et qu'il se nommait luimême "Maître des trois plaisirs". Il serait impossible de citer ici-même tous les poètes et artistes coréens qui aimaient boire. Nous nous limiterons donc à parler de l'importance de l'alcool dans la vie quotidienne des anciens Coréens.
Quels que soient l'époque et le lieu, l'alcool a toujours suscité les avis les plus contraires. Certains le préconisent comme le meilleur des remèdes, d'autres le considèrent comme le pire des poisons. Si les opinions sont aussi extrêmes, c'est parce qu'elles se sont forgées d'après le comportement de ceux qui boivent et non de l'alcool lui-même. C'est la manière de boire qui fait de l'alcool un médicament ou un poison Ho Chun, remarquable praticien de la médecine traditionnelle coréenne qui vécut entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe, écrivait dans son oeuvre célèbre L'Essence de la médecine coréenne, (Tongui pogam) (1610) : ''L'alcool favorise la circulation et les fonctions gastro-intestinales. Il donne du lustre à la peau, diminue l'angoisse et tempère la colère. TI est toutefois corrosif. L'absorption excessive d'alcool, agressant le foie et la vésicule biliaire, rend hardi et déchaîne le buveur, qui regrette le lendemain matin son comportement de la veille. Si on boit trop, l'alcool devient un poison qui pourrit le coeur, les intestins et le foie, entraînant des troubles mentaux et la cécité. On peut même risquer
Réunion d'amis (1829) par Yi In-mun. Des hommes se retrouvent dans une villa de montagne pour boire et apprécier les beautés de hl nature. 20
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sa vie". Comme Ho le laisse entendre, l'alcool est bénéfique ou néfaste selon la manière de boire et de la quantité absorbée. De même, la capacité d'absorption varie selon les individus, mais personne n'est à l'abri des conséquences de sa consommation. Un vieux dicton rappelle : "Au premier verre, l'homme boit l'alcool. Au deuxième, l'alcool boit l'alcool. Au troisième, l'alcool boit l'homme". Classification des buveurs
Il y a quarante ans environ, le poète Cho Chi-hun (1920-1968) a publié un essai intitulé Ordre de classement des buveurs, dans lequel il dégageait 18 types de buveur. Et c'est souvent que ceux qui boivent de l'alcool y font référence. - Le non-buveur : celui qui peut boire mais préfère s'abstenir. - Le peureux : celui qui boit mais qui a peur de l'alcool - Le pudique : celui qui boit sans avoir peur de l'alcool, mais qui éprouve de la honte à se montrer ivre. - Le buveur secret : celui qui boit sans avoir peur de l'alcool, mais qui le fait seul parce qu'il ne veut pas payer pour les autres. - L'opportuniste : celui qui aime boire, mais qui n'invite à boire que s'il peut y trouver son compte. - Le buveur charnel : celui qui boit pour épanouir sa vie sexuelle. - L'insomnieux : celui qui boit pour bien dormir - Le gourmand : celui qui boit pour aiguiser son appétit Ceux qui se reconnaissent dans la liste ci-dessus ont une démarche négative par rapport au fait de boire de l'alcool. Si on devait les ordonner en fonction du système de grades du jeu de go, le buveur gourmand aurait le deuxième keup, grade inférieur au go, (plus le niveau est bas, plus le keup est élevé), le septième type aurait le troisième keup, le non-buveur aurait le neuvième keup, et ainsi de suite. Ceux qui sont au-dessous de ce dernier niveau peuvent se considérer comme des membres de la ligue anti-alcoolique. La liste continue : 22
L'alcool fait partie de la vie de l'homme depuis toujours. Il instaure un lien particulier entre les dieux et les hommes et entre les hommes.
- Le studieux : celui qui étudie la vraie nature de l'alcool. - L'ami : celui qui sait apprécier le vrai goût de l'alcool. - L'amoureux : celui qui est tombé sous le joug de l'alcool. - Le connaisseur : celui qui comprend la véritable nature de l'alcool. - Le fanatique : celui qui essaie d'apprendre l'art de boire. - Le maître : celui qui a maîtrisé l'art de boire. - L'affectueux : celui qui apprécie l'alcool et qui éprouve de la compassion pour les autres. - Le buveur transcendant : celui qui a réussi à se détacher du monde matériel et qui a atteint le bonheur, en ayant bu ou non. - Le spectateur : celui qui aime voir les autres boire mais qui ne peut plus boire. - Le buveur nirvana : celui qui est entré dans l'autre monde de l'alcool. La deuxième partie de la liste désigne tous ceux qui ont compris la vraie nature et le goût de l'alcool, ceux qui, parvenus à la sagesse suprême, sont capables de dominer leurs volontés. Selon le système de classement du go, le studieux a le premier keup Si l'on correspond au dixième type, cela signifie
qu'on a atteint le niveau supérieur dans l'art de boire et qu'on peut être attribué du premier dan (unité de rang utilisée pour classer les joueurs de go de niveau supérieur. A la différence des keup, plus le niveau est élevé, plus le numéral ordinal du dan augmente). Le onzième type correspond au deuxième dan, et le dixhuitième correspond au neuvième dan, soit le niveau de maître suprême. Ceux qui sont supérieurs à ce dernier niveau ne sont plus de ce monde et ils sont inclassables. Tous ceux qui ont un penchant pour l'alcool auront intérêt à connaître leur grade. Un autre vieux dicton dit : "Si vous buvez de l'alcool comme on boit de l'eau, vous ne méritez pas d'en boire". On peut aimer follement l'alcool, mais on ne peut envisager de passer sa vie sous son empire. Boire n'est pas un mal, mais il faut avant tout apprendre la bonne manière de le faire. C'est bien pour cela qu'il existe depuis longtemps l'expression "l'art de boire". Le célèbre écrivain chinois Lin Yutang, connu surtout pour son oeuvre Découverte de la vie (1937), recommandait une fois la façon de boire selon la circonstance et la saison. Dans les occasions officielles, il faut boire lentement, avec mesure. Lorsqu'on est en famille, on peut boire goûlument, mais sans perdre sa dignité. Les personnes <;le faible constitution physique doivent boire modérément, et celles qui ont du vague à l'âme doivent boire à en perdre conscience. Au printemps, il vaut mieux boire dans le jardin, en été, dans les champs, en automne, à bord d'un bateau, et en hiver, à l'intérieur. Si l'on boit la nuit, autant le faire en compagnie de la lune. Quel serait le dan de Lin ? ]e l'ai vu une fois la pipe à la bouche (il adorait fumer la pipe), mais malheureusement je n'ai pas eu l'occasion de le voir boire. Aussi ne suis-je pas qualifié pour classer sa façon de boire, mais je suppose qu'il doit être du type ami ou amoureux, autrement dit le deuxième ou troisième dan selon le classement de Cho Chibun.
Règles de l'art de boire Quant à moi, cela fait 40 ans que je bois, et je ne suis jamais arrivé au niveau du poète Pyon Yang-no (1892-1961) qui a écrit le fameux Quarante ans d'ivresse (1953). Pour autant, je me suis efforcé dans la mesure du possible de rester fidèle à mon propre art de boire à chaque instant de ma vie. Permettez-moi de prendre la liberté de citer dans le présent écrit quelques-unes des règles de mon art de boire. - Vous servir à boire dans le verre approprié : ne pas boire du saké dans un verre à whisky, ni du soju (alcool de riz coréen) dans une chope. - Verser la boisson jusqu'aux quatre cinquièmes du verre. On dit souvent que le verre doit être plein à ras-bords, cependant, cela constitue un risque de gaspillage du précieux alcool et est susceptible d'intimider celui ou ceux qui vont le boire. - Ne pas boire d'un seul trait. Prendre le temps de vider le verre au moins en trois gorgées. Cette règle s'applique à tous les alcools, sauf pour la première chope de bière. Après chaque gorgée, reposer le verre sur la table pour causer un moment ou prendre des amuse- gueule. - S'interdire de boire pendant la journée, à moins qu'il n'ait été décidé que la journée sera passée à dormir. - Quelle que soit la saison, ne jamais boire avant le coucher de soleil. Même en été, où les jours sont plus longs, attendre le crépuscule. La nuit est le meilleur moment pour apprécier la saveur de l'alcool. - Ne jamais boire à jeûn. Même la bière doit être absorbée avec des aliments. Préparer au moins trois mets différents et légers. Dans le cas d'alcools •forts comme le whisky, le soju ou le ~ saké, des accompagnements sont indispensables. Même une personne d'une forte constitution physique doit manger en buvant. - Eviter de boire à deux. Inviter une tierce personne si l'on veut passer un bon moment : lorsque deux personnes se retrouvent en tête à tête, il peut arriver qu'elles s'opposent diamétralement, et il
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Un aristocrate reçoit des invités, en leur offrant alcool et musique, par Kim Hong-do
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est préférable de ne pas en prendre le risque avec de l'alcool. A trois, les ardeurs de la conversation sont tempérées. - Dans une auberge ou dans un bar, s'abstenir d'intervenir dans la conversation de tables voisines. Notamment, éviter à tout prix d'échanger des verres avec vos voisins de table. La convivialité devant l'alcool est une chose appréciable, mais par mégarde, le moindre désaccord peut dégénérer en une violente dispute. - Eviter la pratique du icb'a et samcb'a qui consiste à faire la tournée des bars pour goûter différents alcools, car le mélange redouble les effets de l'alcool. Après m'avoir écouté, un de mes amis s'est moqué de moi en me faisant remarquer que je lui ôtais l'envie de boire. Il m'a dit : "Si j'observe tes règles, je ne connaîtrai jamais le plaisir de boire". Pourtant, au risque de demeurer à vie au niveau du buveur studieux selon le classement du poète Cho Chi-hun, je n'ai pas l'intention d'abandonner mon art de boire. ]'ai bu selon ces principes dans le passé et je m'y astreindrai. Respecter les règles que je me suis instaurées est d'autant plus indispensable que je veux connaître les délices de l'alcool jusqu'à la fin de ma vie.
P'ungnyu, l'art de se divertir avec élégance Les Coréens font souvent référence au p'ungnyt.4 lorsqu'ils parlent du plaisir de boire. Qu'est-ce que le p'ungnyu? Nous
Yi Kyong-yun, Un gentilhomme faisant la sieste, où Je personnage est représenté dormant près de deux bouteilles d'alcool (en haut); oeuvre d'un artiste inconnu, décrivant un noble rejoignant ses amis pour boire de l'alcool dans un cadre pittoresque en forêt (ci-dessus) 24
dirons brièvement qu'il s'agit d'une sensation de brise fraîche et de ruisse-dux clairs. Dans Les chants des pêcheurs, poème de la fin de la dynastie Kory6 (XIVe siècle), on trouve un vers illustrant sa signification. ''Partout où l'on regarde, le clair de lune illumine les montagnes. Ainsi, avons-nous besoin de la présence d'une belle femme à bord du bateau pour éprouver le p'ungnyLi'. Faudrait-il de la musique, de la danse et des femmes pour ressentir du p'ungnyu ? Le dictionnaire définit le p'ungnyu comme le "fait de s'amuser
avec élégance, en refusant la trivialité et la vulgarité". Certes, la musique, la danse et les femmes animent l'ambiance d'une soirée, mais il ne faut pas oublier l'esprit p'ungnyu de nos ancêtres qui empêche une réunion de dégénérer en une débauche. Shin Hum (1566-1628), poète du XVIIe siècle, observait dans un essai la chose suivante : une soirée bien arrosée peut se dégrader en une beuverie infernale, si l'on donne libre cours aux désirs humains. Il est important de divertir les invités, mais si l'on ne veille pas à empêcher la vulgarité de s'immiscer, la partie de plaisirs ne tardera pas à se transformer en un lieu de concupiscences. Donnons une anecdote relative au p'ungnyu. lm Che (1549-1587), homme galant et réputé de la dynastie Chos6n, passa une soirée avec une célèbre kisaeng de P'yongyang nommée Han-u (nom signifiant "pluie froide"). Après avoir échangé plusieurs verres, lm Che en offrit un nouveau à la femme et cita des vers en employant des jeux de mots.
On disait que le ciel du nord s'éclaircirait Cest pourquoi j'ai quitté la maison sans mon manteau de pluie. Hélas, il neige dans les montagnes et il pleut dans les champs. je suis si trempé par la pluie froide que j'ai l'impression que je vais geler dans mon lit cette nuit L'intention d'lm Che était d'animer l'ambiance de la soirée. Comprenant le sens des vers, Han-u lui remplit son verre et cita à son tour un poème.
Geler ?Pourquoi gèleriez-vous ? A quoi bon avoir des couvertures et un oreiller de noces, s'ils ne peuvent servir à vous réchauffer? Gelé par la 'pluie froide, vous méritez un lit chaud 1cette nuit Ici, il n'est pas question de savoir s'ils sont attirés l'un par l'autre. Il s'agit simplement d'un bon exemple d'une soirée à la façon p'ungnyu. Dans l'histoire de la littérature coréenne, Ch6ng Ch61 (1536-1593) de la dynastie Chos6n est certainement le poète le plus prolifique dans la composi-
tion de vers ayant pour thème l'alcool. Il aimait tant l'alcool que s'il apprenait qu'un ami possédait un bon alcool, il ne manquait pas de lui rendre visite
Hier, j'ai appris que l'alcool avait bien vieilli chez le paysan SOng qui vit de l'autre côté de la colline. j'ai donné un coup de pied au boeuf endorm~ sanglé une selle et je me suis dirigé vers la maison de Song. Garçon ! Ton maître est chez lui ? Dis-lui que Ch6ng Ch6l est venu le voir. Partager le plaisir de boire un bon alcool fait partie de l'esprit p'ungnyu de nos ancêtres. Seul un rustre se garderait pour lui seul du bon alcool.
Invite-moi sans faute quand tu auras un bon alcool je t'inviterai chez moi lorsque les arbres de mon jardin seront en fleur. Nous discuterons des moyens d'oublier les soucis de cent années. Ce vieux sijo illustre bien le savoirboire de nos ancêtres. Ils invitent des amis lorsque les poiriers, les orchidées qu'ils cultivent fleurissent. Ils les admirent ensemble en partageant une bouteille d'alcool. Changjinju-sa (Le temps de boire) est un bon exemple de poème qui dépeint ces hommes qui s'amusent en buvant et en admirant les fleurs. Voici une autre anecdote intéressante liée à l'alcool. Shin Yong-gae (1463-1519) aimait tant l'alcool que dès qu'il y avait un beau clair de lune et qu'il n'avait plus personne avec qui boire, il s'installait devant un pot de chrysanthème. Il levait le verre vers la lune et disait : "Un verre pour toi, un autre pour moi". Il le remplissait une nouvelle fois et le levait vers le pot de chrysanthème. Il répétait : "Un verre pour toi, un autre pour moi". Il passait la nuit ainsi et s'assoupissait à côté du pot de fleur. C'est cela l'esprit p'ungnyu. Ch6ng Ch6l composa un poème qui se présentait comme un dialogue avec l'alcool. Seul un véritable amoureux de l'alcool peut créer un tel poème. Chang est un modèle de l'esprit traditionnel p'ungnyu. Il écrivit également un essai intitulé Précaution sur l'alcool Je bois pour quatre raisons: pour dis-
siper le mécontentement, pour m'amuser, pour divertir les invités et parce qu'il m'est difficile de décliner une invitation. Quand les choses ne se passent pas comme je le souhaite, je l'attribue au destin. Quand je veux m'amuser, je n'ai qu'à siffler ou réciter des vers. Quand je reçois des visiteurs, je leur fais plaisir en les accueillant avec chaleur. Quand les autres insistent pour m'inviter à boire, je peux résister si j'en ai la ferme volonté. Ch6ng Ch6l a ainsi commencé son essai, mais il l'a terminé en concluant qu'il ne renoncerait jamais à boire. Chose dont seules les personnes connaissant le vrai goût de l'alcool et ayant compris sa vraie nature sont capables. Je me rappelle la phrase suivante que je suppose être de Charles Baudelaire : "L'alcool et l'homme sont comme deux combattants amis qui se battent et se réconcilient sans cesse, le perdant embrassant toujours le gagnant". L'alcool fait partie de la vie de l'homme depuis toujours. Il instaure un lien particulier entre les dieux et les hommes et entre les hommes. La véritable affection n'est pas une chose que l'on acquiert ou à laquelle on renonce selon son vouloir. Nul ne peut renoncer à l'alcool lorsqu'on s'y est adonné. Il fal_ldrait plutôt tenter de boire de façon convenable. Comme le dit le vieux dicton "une casserole qui chauffe vite refroidit vite", il faut, dès le commencement, apprendre à boire en compagnie des aînés, ce qui permet d'avoir une attitude responsable vis-à-vis de l'alcool. (En Corée, les rites destinés aux ancêtres fournissent aux enfants l'occasion de goûter l'alcool et servent ainsi de lieu d'apprentissage en matière d'alcool.). Par ailleurs, on ne doit jamais forcer à boire celui qui ne le veut pas. La vie moderne a un rythme étourdissant. Pourtant lorsqu'on boit, on devrait au moins penser à l'art de boire et à l'esprit p'ungnyu de nos ancêtres, et s'efforcer de se divertir dans une atmosphère de détente, sans se presser. + 25
Quelques Poèmes sur le
Makk6lli David R. McCann
Professeur de littérature coréenne Université de Cornell
a première rencontre avec le makkOlli eut lieu pendant mes deux années passées à Andong dans la province du Kyongsang du Sud L'un des professeurs de l'Ecole d'agriculture et d'exploitation forestière d'Andong, où renseignais la conversation anglaise, venait d'emménager dans une nouvelle maison et pendait la crémailllère Tout le monde était convié le vendredi soir. Le jour venu, deux des professeurs vinrent me prendre à ma pension pour m'emmener à la célébration. Après un
I
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court trajet à pied, nous franchlmes un petit portail à l'entrée d'une cour, retirâmes nos chaussures, gravîmes un perron et entrâmes dans une pièce n y avait tant de choses à manger, y compris des haricots, que fai appris à saisir, un par un, avec des baguettes. Très vite, quelqu'un remplit un petit bol en fer blanc d'un liquide laiteux et me le tendit de l'autre côté de la table pour le boire ''Qu'est-ce que c'est?", demandai-je. "Du makkOlli", me répondit-on, "Allez, goûtez". Je portai le bol à mes lèvres et bus. Je
me rappelle encore ma prem1ere impression, c'était il y a presque trente ans : du lait et de la chaux broyée ! Une autre gorgée, pour êre poli, et le goût de chaux avait disparu. C'était étonnamment goûteux, et évoquait des images d'eau et de riz, de pièces sombres où reposent d'énormes jarres remplies d'alcool de riz, macérant quelques jours l'été, la fermentation étant alors rapide, une semaine ou plus, quand la température est plus fraîche Plusieurs années après, accompagné de
ma femme et ma fille, je revins en Corée pour un séjour de deux ans à Séoul Cétait au début des années 1970 et le gouvernement tentait de modérer la consommation du riz. Selon les rumeurs, la quantité réduite des portions dans les restaurants et à la maison - une poignée semblait-il en comparaison avec les superbes grands bols que je consommais à Andong - était la conséquence de plans gouvernementaux en vue d'exporter le riz. Quant au makk6lli ! nétait horrible, bouilli avec sait-on quel mélange de produits chimiques et de céréales étranges. Je craignais de ne jamais goûter à nouveau un bol de ce frais et délicieux breuvage Vers la fin de mon séjour, des amis de Taegu nous invitèrent à assister à une cérémonie de transfert des tumuli familiaux. L'armée coréenne avi~ de toute évidence, réquisitionné le site et l'on devait tenir une longue et solennelle cérémonie pour inhumer de nouveau les restes des ancêtres. nnous fallut prendre un minibus pour
sortir du village puis marcher un bon moment jusqu'au site funéraire Cétait la fin d'une froide journée. Les femmes s'affairaient à la confection des mets, des offrandes ainsi qu'à d'autres préparatifs, plus bas dans la vallée, tandis que, sur la colline, au soleil, un groupe d'hommes âgés était réuni autour d'une table. Le jeune frère de l'un de nos amis vint me voir et me dit que les grands-pères souhaitaient me parler. Bien qu'un peu nerveux à cette perspective, je lui répondis que je les rejoindrais bientôt Vingt minutes plus tard, il était de retour. ''Venez maintenant", me dit-il Et il s'en alla. J'avais appris comment m'asseoir en présence d'hommes âgés et à leur parler avec les formules honorifiques, bref, à leur témoigner, d'une manière générale, de la déférence. L'un d'entre eux me demanda de quel pays je venais, un autre, mon âge et un troisième versa quelque chose dans un bol qu'il me tendit en disant : "Vous connaissez le makk6lli ? Buvez !". Refusan~ je l'entendis me redire : "Allons, buvei'. n
insistait tant et si bien que je pris le bol des deux mains et l'inclinai, me préparant à seulement goûter puis à le poser. Comme fapprochais le bol de mes lèvres et que la première gorgée de makkolli entrait dans ma bouche, l'odeur atteignit mes narines, je penchai la tête en arrière et vidai le bol Je restai assis un moen~ éberlué par ce que je venais de t'aire, lorsqu'un des vieux messieurs dit à un autre homme en lui donnant une bourrade dans les côtes : ''Eh bien, il sait boire le makkolli': Maintenant, on peut acheter une boisson portant le nom de makkolli à New York ou même à Syracuse Elle est vendue en bouteille mais n'a pas le goût du délicieux breuvage de la colline de Taegu Cétait une potion magique - probablement illégale à l'époque - je suppose Maints poètes coréens ont écrit sur le makkolli ou d'autres types de boisson. Void quelques poèmes qui en disent long sur un mode de vie qui est aussi rare à trouver de nos jours qu'un bon bol de makk6lli
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La fermeture des marchés
Stupides que nous sommes A prendre plaisir à nous reg:trder les uns les autres. Sculptant un melon près du lxlrbier, Sirotant du makk6lli à l'écho~
Nous awns tous des visag:s de vieux amis On JXlrle de sfxheresse dans le
sud-owN, IJe dettes à la coopératiœ,
Battant la mesure aar le pied Au rythme de la guitare du clxlrlatan, Pourquoi nous languissons nous toupurs Après srout? Si nous allions nous trouœr un coin jXJurjYuer aux cartes? Tâtons nos jXJrtefeuilles Et dirig:ons-nous œrs le lxlr? Réunis dans la cour de l'école, Nous manw:ms des morceaux d'encornet sfxhé Et nous buwns
poèmes sur la vie de la Corée rurale des années 1970. Son oeuvre a reçu le prix annuel de littérature Manhae créé en l'honneur de Han Yongun, moine poète et dirigeant nationaliste La traduction du poème est extraite de "Le silence de l'amour : poésie coréenne du :X:Xe siècle'', publié par Peter H Lee aux Presses universitaires de Hawaii, Honolulu, 1980
A la gloire du makkolli -Au collège des arts S6rabOL la cabane du mont NamAar tous les /Xitiments de Séou~ dignes de ce nom, Détruits JXlr la Guerre, Nous awns bâti une calxlne sur Namsan Pour S6ralx5~ notre collègJ des arts, Et awns enseigné à crédit Les estomacs vides, nous, les professeurs Awns gravi en soufflant le pied dumont Où le jXJrSOnnel du Ministère de l'éducation Sert le makk6lli dans un seau Prenez quelques bols amnt wtre cours Si gmtiment ils s'occujXlient de nous. A/or~ soudain jai compris unefais
encore Peu à peu la longue purnée d'été s'achèœ. Une JXlire de souliers en caoutchouc aux pieds Du jXJisson sa~ Au lxls de la me lxlignée du clair de lune, le marché, molen~ s'achèœ.
combien le makk6lli €SI, en ri~ . JXlrmi ce qu'il y a de meilleur.
So Chong-ju est né en 1915 et est l'auteur de nombreux recueils de poésies, d'essais, de critiques littéraires et autres écrits Son premier livre ''Le serpent des fleurs" a été publié en 19:38. ''Choses inoubliables", autobiographie en vers, dont est tiré "A la gloire du rnakkO/li', a été publiée en 1983.
Shin Kyong-nim, né en 1936. Son livre ''La danse des fermiers", dont est tiré "La fermeture des marchés'', contient de nombreux
Un pichet d'alcool et des coupelles fabriqués par Y un Kwang-cho
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La traduction du poème est extraite de ''Choses inoubliables'' ; poèmes de S6 OJ.ong-ju par David R McCann, Si-sa-yong-osa, Inc Séoul, 1986.
~
Bar à alcool au soleil couchant
Nuaf!!S couleur de feu Froids maintenant comme du métal Cbmme tombe la pluie des g;uttes Au coudxmt de ma sinistre jeunesse
Amoureux et amis
Pour les amis, l'on est heureux dans la peine En amour, mieux mut un être aimé Cette nui4 tandis que marit le jXJivron
Qtœlque JXl~
Mes lèvres sont bralantes, rouf!!S comme des crêtes de coq Et je bois du makk6lli frais, bol après bol
s; en œrité, les purs de ma jeunesse Se résument à quelques bols de makkoll;
rou~
Et que les fleurs de fraisiers dég;t~ leur JXlrfum, Chantez!je boirai l'un des plus grands poètes coréens du XXe siècle. Kim Sow6l publia un recueil "Azalées" et abandonna la littérature en 1926. Kim Sowol
(1~2-934),
<traduction : Mictèle Galopin>
A quoi m'accrocher, Qtœ regretter, quoi tenter de plus?
Répétant à grands cris mon nom llins le crépuscule qui s'assombrit je m'engJ~ à nouœau sur la route Kim Jong-gil, né en 1926, a éait de nombreux recueils de poèmes, aitiques littéraires, et de traductions et critiques en anglais. ''Bar à alcool au soleil couchant" est tiré de la collection "Hadong, le village du fleuve'', Minumsa, Séoul, 1977
Une bouteille en porcelaine blanche facettée, avec une décoration bleue en sousglaçure, dynastie Chos6n, XVHe siècle, haut27,5cm. 29
Le chumak: Un re Bae Do-sik
Chercheur en études folkloriques
vant l'avènement de la société industrielle moderne, le chumak, auberge ou taverne, était une sorte de refuge pour les voyageurs. Le propriétaire, une femme en prindpe, aimait servir du vin et donner à manger aux visiteurs de passage et converser avec eux Ceux-ci épuisés fiprès une longue purnée de voyage appréciaient l'accueil chaleureux de la patronne du
A
chumak Les chumak étaient concentrés à l'intérieur et aux alentours de la capitale Le quartier Oryu, situé à mi-chemin entre Séoul et Inch'on, en comptait le plus grand nombre, car les voyageurs qui se mettaient en route tôt le matin y arrivaient en général vers l'heure du déjeuner. Il en existait également beaucoup à Mungyong Saejae, le colle plus élevé de la route reliant la région du sud-est de la province du Kyongsang et
Dans les grandes villes, les
chumak étaient situés près des marchés ou longeaient les routes. En revanche, dans les petites communes ou à la campagne, ils étaient souvent bâtis au pied d'une colline ou à un croisement de chemins. Aucune indication ne signalait leur présence si ce n'est la lumière d'une petite lampe à pétrole fixée à l'entrée, ou une inscription en caractères chinois marquée taverne sur la porte. -~·
1
Une scène de taverne représentée par le peintre de genre Shin Yun-bok (avant 1758) (ci-dessus); un chumak restauré à Mungyong Saejae (ci-contre) 30
pour les voyageurs
31
Séoul la plupart des voyageurs étaient des candidats qui montaient à Séoul pour participer au concours national de la fonction publique dit kwag6, et des marchands ambulants qui devaient traverser les villages de Sangch'o-ri, de Chungch'o-ri et de Hach'o-ri Kim Ch'anghüi, 76 ans, propriétaire d'une auberge, affirme que les chumak, prospères il y a 70 - 80 ans, proposaient de ralcool de riz, du porc et du riz mélangé avec des herbes de 32
montagne. A Mungyong Saejae, il existait des chumak privés et ceux gérés par l'Eta~ tels que Choryûngwon et Tonghwawon, dont il ne reste plus que les ruines aupurd'hui Le chumak situé à mi-chemin du col Mungyong a été restauré en 1983 afin de permettre aux touristes d'apprécier l'ambiance d'une auberge à l'ancienne. Malheursmn~ il a dû fermer en raison de difficultés financières. Chuknyong est un village situé entre
deux crêtes de la chaîne de montagnes Sobaek, sur la route qui menait de la ville de Yûngju de la province du Kyongsang du Nord à Ch'ungju et à Tanyang de la province du Ch'ungch'ong du Nord. le village doit son nom au général Chukchuk de la période Shilla (57 avJ.C - 935) qui ft construire la route qui le traverse. L'augmentation de la fréquence des passages au cours de la dynastie Choson (1392-1910) provoqua rapparition d'un grand
Un chumak qui se trouvait dans une région isolée était supposé offrir tous les services habituels et donner assez de confort au visiteur pour que celui-ci se sente aussi à l'aise que s'il était chez lui. Ce type de chumak faisait office à la fois de restaurant, de débit de boissons et d'auberge, et aussi de lieu de rencontres.
Wolmaejip, un chumak près du pavmondeKwanghalluàNamwon (province du Cholla du Sud); des hommes âgés buvant de l'alcool dans un chumak des temps modernes (ci-contre)
nombre de chumak Au début des années 80, un chumak reconstitué à l'ancienne a ouvert ses portes à Chuknyong pour accueillir les visiteurs désireux de goûter aux produits et vins locaux Ch'onam Samgori, une jonction de trois routes à Ch'onan, (province du Ch'ungch'ong du Sud) conduisant respectivement à SéouL aux provinces du Kyongsang et au sud-ouest des provinces du Cholla, était connu pour ses chumak et
ses saules pleureurs, surnommés Saules Nungso, en référence à une légende. Celle-ci qui se déroule au début de la dynastie Choson raconte qu'un veuf, Yu Pong-so, planta une branche de saule à cet endroit en témoignage de son amour pour sa fille Nung-so, qu'il devait quitter pour occuper un nouveau poste à la frontière. L'arbre existe toujours et de nombreux chumak de style traditionnel ont ouvert aux alentours de cette fourche, reconnaissables, comme
dans l'ancien temps, à leur lanterne en papier portant des inscriptions en caractères chinois, suspendue au-dessus de la porte d'entrée. Les scènes de chumak Etant donné que les cbumak étaient souvent construits dans des lieux de passage très fréquentés, ils étaient toujours bondés, en particulier le soir. Mme Isabella Bird Bishop, auteur de nationalité anglaise, qui fit un voyage en Corée à la fin du XIXe siècle reportait ses impressions dans son livre intitulé La Corée et ses voisins : "Il existe deux sortes d'auberge en Corée. La première ressemble à un taudis situé au bord de la route du village. La seconde n'est en rien différente si ce n'est qu'elle peut se vanter d'avoir une cour, un piquet et un abreuvoir, et de loger aussi bien le bétail que les humains. De basses portes au panneaux treillissés et tapissés de papier de riz, déchiré et sale, donnent sur une chambre à l'aspect minable. Le sol de terre battue est tant bien que mal recouvert de nattes de paille dépenaillées, sur lesquelles gisent ici et là des blocs de bois qui servent d'oreiller. La pièce était occupée par des valets, des voyageurs et des domestiques.." TI n'en reste pas moins que les chumak étaient réputés pour la générosité de leurs tenanciers qui aimaient bavarder avec les voyageurs. L'auteur écrit aussi : "... En dépit du vacarme permanent causé par le piaf~ment des chevaux ou les disputes de personnes ivres, les voyageurs parvenaient à trouver leur sommeiL'' C C Dallet, un prêtre catholique français, donnait dans l'introduction de son ouvrage L'histoire de l'Eglise coréenne la description suivante des scènes d'une auberge : ''Les auberges sont souvent vétustes, sordides et à peine meublées Les voyageurs dorment en gardant leurs affaires sur eux Lorsqu'il fait froid, les chevaux et les boeufs mis dans la grange sont recouverts de paille. Le plateau de repas servi aux visiteurs est en général de forme ronde, et fait entre 30 et 50 cm de diamètre. Quel que soit le nombre de visiteurs, chacun a son plateau individuel. La vaisselle est en porcelaine grossière ou en cuivre, et les couverts -une cuillère et une paire de baguettes- sont en 33
cuivre. Un repas ordinaire est composé de riz, de piment et de légumes. En payant un supplément, il est possible d'obtenir de la viande et du poisson salé. Les condiments sont le seL l'huile de sésame, l'huile de ricin et l'huile de menthe. TI est très difficile de se procurer de la viande de boeuf en dehors de Séoul et le mouton n'existe pratiquement pas. Mais des missionnaires auraient goûté à de la viande de chien qui, selon eux, n'est pas si mauvaise à manger. Les légumes sont généralement des radis, du chou et de la fougère". Telles sont les impressions d'un étranger de la fin du XIXe siècle. TI y a des erreurs dans les faits, miüs elles constituent un témoignage précieux sur les churnak de l'époque. En période de grande affluence, les chumak devaient avoir une ambiance conviviale et de fête. Notamment, au moment du concours national, ils accueillaient surtout les candidats à destination de la capitale. Les chambres étaient attribuées en fonction du statut social du client plus que de sa situation financière. Ainsi, celui qui avait un rang social peu élevé n'avait-il pas d'autre choix que d'être relégué dans le coin d'une chambre ou d'être logé dans une pièce dont le sol était recouvert de lattes de bois. Les bonnes chambres étaient réservées aux yanglxm, les nobles, et les meilleures aux aristocrates puissants et influents. Lorsqu'une querelle éclatait entre les clients, il n'était pas rare qu'elle dégénérait en bagarre générale à laquelle se mêlaient les domestiques pour venir en aide à leurs maîtres. Dans ce cas, la propriétaire n'était pas payée pour le repas ni pour le vin, devant tout remettre en ordre, ce qui était un travail épuisant Le Y6lly6shil kisu (Les narrations de Yollyoshil), évoquant des événements historiques qui se produisirent au début de la dynastie Choson, révèle une anedocte amusante : un ministre de la cour nommé Maeng Sa-sè\ng (l36CH438) s'efforçait de se rendre le plus souvent possible dans son pays natal, Onyang. Homme modeste et droit, il aimait à s'habiller comme les petits nobles de la province. Un jour, alors qu'il rentrait à SéouL il s'arrêta dans un churnak à 34
Yong-in pour y passer la nuit A la vue de son unique domestique, la propriétaire des lieux lui donna le coin d'une pièce à lattes de bois. Entre temps, un noble de la campagne qui se rendait à Séoul pour passer le kwag6, et qui avait fait de son mieux pour faire valoir son statut social en prenant des airs arrogants, avait réussi à obtenir une chambre de bonne qualité. S'ennuyant, il proposa au ministre de jouer au jeu de mots avec lui Le clignitaire qui se gardait de révéler son identité, accepta Le jeu consistait à formuler des questions et des réponses finissant par kong ou tang, et le premier ayant perdu se devait d'offrir du vin au vainqueur. Le ministre Maeng commença : "Pourquoi allez-vous à Séoul, kong ?" - Pour passer le concours national, tang. - Alors comment puis-je vous aider, kong? "Ne soyez pas ridicule, tang", répondit le noble, offusqué par l'audace de Maeng. Quelques jours plus tard, se déroulaient les entretiens avec les canclidats, menés par le ministre Maeng dans la salle des invités du palais, lorsque le noble de province qu'il avait rencontré au churnak se présenta Le ministre demanda alors : "Comment allezvous, kong ?". Le candidat se mit à pâlir sachant qu'on ne se moquait pas impunément d'un ministre. n se prosterna et supplia : 'je mérite la mort, tang". Le ministre ne lui en tint pas rigueur, il le nomma même à un poste de l'administration
Le décor du chumak Dans les grandes villes, les churnak se découvraient près des marchés ou se dressaient les uns à côté des autres le long des routes. En revanche, dans les petites communes ou à la campagne, ils étaient souvent bâtis au pied d'une colline ou à un croisement de chemins. Aucune inclication ne signalait leur présence si ce n'est la lumière d'une petite lampe à pétrole fixée à l'entrée, ou une inscription en caractères chinois marquée ''taverne" sur la porte. n était possible de repérer les churnak à la présence d'une tête de boeuf ou de porc cuite suspendus à un panneau exposé à l'extérieur de l'établissement, ou d'un tamis
en bambou cylindrique utilisé pour filtrer l'alcooL sur le toit de chaume. A défaut d'enseignes qui auraient permis de les reconnaître, les churnak portaient des noms, donnés non pas par leurs propriétaires mais par leurs clients. Les exemples sont légion : lorsqu'il poussait un paulownia devant un churnak, celui.Q était baptisé la Maison du paulownia. S'il y avait un puits ou un pont à proximité, le churnak prenait leur nom la propriétaire avait un grain de beauté sur le visage, on elisait alors la Maison du grain de beauté Dans la cour des churnak, il y avait des plate-formes surélevées en bois où les visiteurs pouvaient s'asseoir, boire et manger, et éventuellement rester dormir dans les chambres qui étaient mises à leur disposition. Un accès direct menait de la cuisine à la chambre de la propriétaire, ce qui permettait à celle-ci de rester dans sa chambre tout en préparant les aliments lorsqu'elle recevait beaucoup de visiteurs. Dans la cuisine, un grand chaudron rempli de soupe était mis en permanence sur le feu, prête à être servie à n'importe quel moment de la journée. En hiver, les bols d'alcool étaient réchauffés dans de la soupe chaude et il y avait toujours en réserve un petit chaudron d'eau chaude au coin de la cuisine. Dès que la commande était prise, on remplissait les bols de vin qu'on faisait chauffer. Les churnak pouvaient être de taille e de f?rme diverses. Un grand chumae comprenait une structure principale, des dépendances pour les domestiques, un entrepôt, une pièce où les voyageurs pouvaient déposer leurs affaires per· sonnelles, et une écurie qui servait aussi d'étable où étaient mis ensemble chevaux boeufs et ânes. Un churnak qui se trouvait dans une région isolée était supposé offrir tous les services habituels et donner assez de confort au visiteur pour que celui-ci se sente aussi à l'aise que s'il était chez lui Il faisait office à la fois de restaurant, de débit de boisson et d'auberge, et aussi de lieu de rencontres. Etant donné qu'à cette époque, il n'existait pas de théâtre ni de salon de thé, ni de karaoké comme aujourd'hui, les Coréens prenaient plaisir à des formes de
distraction simples. Outre ses fonctions dont le but était de réconforter le voyageur épuisé, le chumak apparaissait comme un "espace" d'échanges culturels que nourrissaient les histoires et les expériences racontées par les visiteurs venus de tous les horizons. Les alcools disponibles dans ce type de chumak étaient d'une variété limitée : il y avait le makO!l~ alcool d'aspect laiteux obtenu d'une fermentation alcoolique à base de riz ou de blé, le soju, alcool obtenu de la distillation de patates douces, et d'autres boissons maison réservées aux clients riches. Le makk6lli était la boisson la plus populaire Ceux qui venaient souvent et se montraient généreux avait droit à un alcool fort à base de riz tandis que les inconnus ou les indésirables devaient souvent se contenter d'alcool coupé avec de l'eau Tout dépendait de l'humeur de la propriétaire Une consommation d'alcool était toujours servie avec des hors-d'oeuvre offerts par la maison. Entrant dans le chumak, le client prenait une paire de baguettes mises à sa disposition dans un pot commun et se servait dans les mets préparés pour lui ou faisaient griller sa portion de viande sur un réchaud à charbon de bois. ny avait toujours plus de personnes désireuses de manger que de personnes commandant exclusivement à boire TI est vrai que le chumak aurait été rapidement déficitaire si un client commandait seulement à boire puisque des mets d'accompagnement lui étaient servis gratuitement Aussi la plupart des clients préféraient-ils prendre un bon repas pour la même somme d'argent que leur aurait demandé un bol de vin et de maigres horsd'oeuvre, gratuits soient-ils. Nombre de chumak employaient ce qu'on appelait des chungnomi, des jeunes hommes qui étaient chargés de surveiller les clients qui ne payaient pas la note Pauvrement vêtus, ils se voyaient confier des petites besognes diverses telles que faire griller du hareng ou cuire de la viande assaisonnée sur un brasero. Un client sociable ou un client qui aimait manger pouvait espérer recevoir des mets en supplément s'il parvenait à s'entendre avec le chungnomi
Un chumak au village folklorique de Yong-in (en haut); un chumak du village folklorique Nak-aniipsong, à Polgyo (province du Cholla du Sud) (au centre); Je changgukpap, une soupe à la poitrine de boeuf, plat traditionnellement servi dans Jeschumak (ci-dessus) 35
Les alcools traditionnels et les lieux où l'on peut boire sont très populaires parmi les jeunes (ci-dessus); un pôjangmach'a, snack-bar ambulant, campé généralement sur les trottoirs et ouvrant la nuit (ci-dessous); une rue bordée d'établissements qui servent de l'alcool
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Les chumak savaient cuisiner des plats appétissants généralement appréciés de tous les voyageurs tels que le changgukjxlp L'étymologie de ce nom signifiant soupe de boeuf a développé deux théories qui se font concurrence : l'une le rattache au fait que du chang -sauce de soja- est ajouté au guk -soupe- dans laquelle est mis le papriz-, l'autre au fait que la soupe et le riz gukpap était vendu dans un chumak sur la place d'un marché chang La soupe se préparait à partir d'un bouillon de poitrine de boeuf, la partie moins grasse et la plus juteuse. On y ajoutait de la sauce de soja pour donner à la soupe une couleur · marron clair, ce qui la rendait plus appétissante. Une autre recette qui faisait fureur à l'époque : une soupe au boeuf, composée de plusieurs parties de l'animal telles que la poitrine, la tête, la langue, le foie et la queue Assaisonnée de sauce de soja ou de piment rouge et de vinaigre, la soupe était un excellent plat servi avec du makkOlli Les clients appréciaient aussi le sulkguk pour l'impression de bien-être qu'il procurait : ce bouillon de viande et de légumes était particulièrement recommandé
après les excès d'alcool. Egalement, le yanœolguk, une soupe à base de pâte de soja, d'os de boeuf bouillis et de feuilles externes de chou. On laissait la soupe mijoter des heures et d'autres ingrédients y étaient ajoutés pour améliorer le goût Les changements dans les chumak Avec le temps, beaucoup de choses ont changé et les chumak n'ont pas fait partie des exceptions. Différents types de débit de boissons et de restaurants firent leur apparition pendant l'occupation japonaise de la Corée (191CH945) et davantage après la guerre de Corée (195CH953). . Les établissements dits naeoejujom, saekchu[p et s6nsuljip datent de la Corée occupée. Les naeoejujom avaient pour caractéristique d'observer l'un des principes du confucianisme interdisant aux hommes et aux femmes de se regarder directement Au moment de servir le vin à un clien~ la propriétaire ou la serveuse devait agir de sorte à ne pas montrer son visage. Les hommes ne voyaient donc que les poignets de la femme qui tenait les verres remplis de vin. Ce qui a donné à ce type d'établissement l'appellation p'alttukjip, la
maison des poignets. Le saekchu[p vendait les charmes féminins et de l'aco~ et était surtout fréquenté par ceux qui n'avaient pas les moyens de s'offrir des kisaeng femmes de compagnie professionnelles formées dès leur jeune âge à la danse, au chant et à la conversation dont le rôle était d'animer les réunions d'hommes dans les kisaenfiip- devant se contenter de femmes de classe inférieure qui les divertissaient en chantant des chansons folkloriques. Ces maisons étaient regroupées autour des quartiers Tonüi, Ch'ongjin et Sunhwa, au centre ville de la capitale. Les sonsuljip, littéralement bar où l'on consomme debout, étaient très populaires en raison du prix raisonnable des consommations. Les saekchuga et les sonsuljip ont continué d 'exister après la guerre de Corée, mais s'appellent désormais ninanojip et t'ongsuljip depuis les années. Ninanojip vient d'une romance traditionnelle interprétée par "Changbu taryong", une troupe de chanteurs-comédiens. Quant à l'origine de t'ongsuljip, elle serait liée au fait que l'alcool n'était pas vendu en fût, mais cela signifiait simplement que
les gens étaient toujours les bienvenus pour boire à satiété. Dans les années 70, le développement économique de la Corée modernise les débits de boisson Les pangsokjip où l'on pouvait s'asseoir sur des pangsi5k -coussins·, proposaient notamment aux clients les services d'hôtesses. Ces établissements, une version modifiée des kisaengjip, étaient en général au-dessus des moyens de la plupart des personnes. Dans les années 80, c'est le boum des cafés et des pubs où des salons privés sont aménagés. Les cafés étaient fréquentés par des personnes ordinaires tandis que les pubs étaient en gén éral des établissements de classe supérieure où les clients paient de larges pourboires aux hôtesses. Par ailleurs, certains sont ouverts à une· clientèle triée sur le vole~ riche et célèbre de préférence. Situés dans les quartiers résidentiels chics, ils s'engagent à la discrétion en recevant les clients sous anonymat, attirant ainsi un grand nombre de personnes puissantes et influentes. Bien que les chumak d'autrefois ont cessé d'exister, la plupart des Coréens gardent encore un sentiment de nostalgie de ce lieu disparu •
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r~théiquedbol ChoeHa-rim
Poète 1 Editorialiste Journal Chonnam
es peintures de moeurs de Shin Yunbok, né en 1758 et plus connu sous son pseudonyme Hyewon, représentent souvent des scènes de réjouissances de gentilshommes ou de moines en compagnie de kisaeng (courtisanes cultivées, belles et intelligentes). Les femmes, vêtues d'une veste courte et d'une longue jupe enflée bleue indigQ, les cheveux flamboyants parfaitement arrangés, jettent un regard d'un air à la fois séduisant et arrogant sur les hommes. L'un d'eux fait la cour à l'une d'elles en allumant sa pipe. Evidemn~ comme dans toutes les scènes d'amour, les bouteilles d'alcool et les coupes font partie des accessoires nécessairement représentés dans ce genre de peintures. Là où il y a de l'ambiance, il y a de l'alcool. Pour cela les boissons alcoolisées ont souvent inspiré les artistes. Une oeuvre célèbre de Shin Yun-bok intitulée Pique-nique près du pont de lotus montre un.groupe d'hommes et de femmes qui se divertissent en buvant Les hommes essaient de séduire les femmes, lesquelles s'efforcent d'animer l'ambiance en usant de leur charme. La présence des bouteilles d'alcool semble participer à donner à la scène une ambiance érotique et sensuelle.
L
Les bouteilles
La bouteille ancienne présente en général une base ronde et vaste, se terminant avec un long col étroit Du point de vue purement esthétique, sa forme arrondie et ses courbes raffinées font de la bouteille antique un objet unique en son genre. Par ailleurs, ses lignes bien dessinées se rejoignent tout naturellement à l'extrémité du col qui donne une impression d'équilibre et de stabilité Par ailleurs son long col étroit permet de faire couler l'alcool tout doucement laissant 38
et des coupes coréennes entendre llil son agréable. Les {X)ètes l'ont souvent comparé à l'eau pure s'écoulant entre les pierres d'oo ruisseau qui sillonne ooe vallée calme de la montagne. L'utilisation de cette bouteille élégante au col long se serait généralisée à partir du milieu du XIIe siècle. En fait deux objets célèbres de l'époque Koryo, datant du début ou du milieu du XIe siècle, ont été retrouvés : ooe en porcelaine blanche sousglaçure ferrugineuse incrustée de motifs d'herbe, et une autre avec· un bol en
Le Pique-nique près d'un étang de lotus
de Shin Yun-bok met en scène des hommes et des femmes s'adonnant aux plaisirs de l'alcool (ci-contre); un récipient à alcool en punch'ong décoré de feuilles peintes en fer, Choson, XVesiède 39
céladon présentant le même style de dessins. L'apparence de ces bouteilles est d'une simplicité extrême et leur col est presque inexistant. Parmi les pièces représentatives de cette époque, on trouve notamment celle en céladon en forme de calebasse avec des motifs de lotus en spirale, mis en relief sur les deux côtés, avec un poème écrit en encre de chine TI est en fait rare de trouver des bouteilles de cette qualité artistique Aux XIVe et XVe siècles, durant les premières années de la dynastie Chosèin, apparaissent des articles en céladon présentant des motifs simples et un style populaire dit punch'ong. En fait, les pièces de vaisselle en céladon reflétaient alors le goût raffiné des aristocrates mais à partir de la dynastie Chosèin, elles adoptent des formes solides d'une simplicité extrême dont l'apparence paraît peu soignée, voire même grossière. A
Bouteille d'alcool en céladon avec des motifs incisés, Koryo, XIIe siècle, haut.33,6 cm 40
cette époque, les bouteilles présentent un col plus court et des formes rustiques et archaïques. Elles étaient souvent décorées de simples dessins de poissons, de pivoines, de grues, de saules. Cet art à la fois naïf et étrange a pourtant séduit un large public, même de nos jours. De même, la céramique blanche de l'époque Chosèin destinée à l'usage de la famille royale, est l'un des fleurons de l'art coréen. Ces objets avaient un aspect plus lisse et plus fini, décorés de motifs pittoresques tels que le lotus, le pin, le prunier et la grue. Ces céramiques ont donné naissance plus tard aux fameuses porcelaines bleu-blanc de la dynastie Yi, sur lesquelles sont représentés avec magnificence les quatre éléments majeurs désignés sous les termes de "quatre gentilshommes nobles", que sont le prunier, l'orchidée, le chrysanthème et le bambou.
Les coupes Les coupes à alcool en céladon sont apparues en même temps que les bouteilles. L'une des caractéristiques de la coupe, typique au céladon bleu-vert du XIe siècle, est la bande de lotus minutieusement sculptée qui l'entoure. L'ornementation de ce type de coupe est à la fois simple et rustre. Par ailleurs, elle présente souvent des motifs incrustés, un art représentatif de cette époque de transition d'un style tout simple sans décor à celui plus sophistiqué. Ce style s'est rapidement répandu et a été adopté non seulement par les nobles mais également par les gens du peuple. Les coupes en céladon ont connu peu de changement dans leurs forme et style comparées aux bouteilles. Elles étaient sobrement décorées, incrustées de simples motifs tels qu'un ou deux dragons, à l'intérieur ou à l'extérieur de la coupe. Le Musée national de Corée conserve une
coupe à alcool décorée d'une bande treillissée sous-glaçure ferrugineuse entourant le co~ et en-dessous de laquelle sont inscrits deux caractères chinois, un style particulier de l'époque de la dynastie des Yi La forme des coupes a peu varié pendant des années même lorsque l'art du céladon a atteint son apogée. En revanche, les techniques de fabrication des tasses de thé et autres types de bols ont remarquablement évolué. Quant aux punch'Ong ils ont également montré peu de changement pendant des années sauf que les coupes ont été montées sur des pieds coniques. Ces coupes étaient décorées de motifs d'herbes en spirale incrustés autour de la partie inférieure du pied et au bord de la coupe. Par ailleurs, des chrysanthèmes étaient souvent dessinés à l'intérieur et à l'extérieur de la coupe pour celle destinée à la noblesse. Ces coupes
étaient fabriquées tout au long de la dynastie Choson qui a apporté quelques changements à leurs pieds, leur donnant des formes plus larges et solides, ainsi qu'à la partie supérieure adoptant un style plus évasé. Le fût d'alcool Le fût horizontal en porcelaine muni d'un goulot au centre de la partie supérieure était utilisé pour transporter de l'alcool au cours d'un long voyage. Ce contenant cylindrique très résistant appelé clxm!!JJUn était conçu de façon à être porté sur le dos, soutenu à l'aide d'une bandoulière attachée sur les épaules. Le changgun de style populaire était destiné à transporter de l'alcool d'un endroit à un autre, d'un village à un autre, d'une maison à une autre étant donné que les gentilshommes d'autrefois prenaient plaisir à boire dans les fêtes qui pouvaient durer
Coupe et soucoupe à pied en céladon avec incrustations de chrysanthèmes, Koryo, XIIe siècle, haut-10,4 cm 41
Les bouteilles d'alcool de l'antiquité coréenne avaient une base ronde et vaste avec un col long et étroit. Cette forme permettait de contenir une grande quaJ?tité de liquide grâce à sa base large et stable.
Bouteille de céladon avec des motifs incisés, Koryo, XIIe siècle, ha ut. 24,5cm
plusieurs jours, et se déplaçaient d'un endroit à un autre lls errunenaient souvent avec eux des domestiques, chargés de transporter l'alcool fait maison qu'ils partageaient avec des amis à la maison ou à l'extérieur dans un endroit avec une belle vue de façon à continuer leurs fêtes en changeant d'ambiance La plupart des changJUn font partie du style punch'6ng et remontent au début de la période Choson. Aucune pièce en céladon ou en porcelaine blanche n'a été retrouvée jusqu'ici. Généralement conçu avec une extrême simpliàté et solidité, le fût est décoré de motifs variés tels que le 42
Aiguière en céladon en forme de gourde, Koryo, Xme siècle, haut.32,5cm
poisson, l'herbe en spirale, la pivoine, le bambou, la floraison du lotus, ou des formes géométriques. Quels que soient leurs motifs, on est généralement frappé par leur spontanéité et leur humour dans leur création artistique La carafe et le bol La carafe à alcool avait une forme plus
Tonneau en forme de grain de riz orné d'un étang de lotus en peinture de fer, Chos6n, XVe siècle.
Bouteille en punch'ong avec une décoration en sous-glaçure de fer, Choson, XVIe siècle, hautJO cm
raffinée et plus décorée que celle du dxm[gUn La plupart des carafes de cette époque présentent des incrustations de dessins plus sophistiqués tels que la pivoine, le bambou, le lotus ou la vigne Destinées à l'origine à contenir du thé, elles étaient probablement utilisées par les gens de la noblesse Quelques-unes telles que la carafe en céladon avec des motifs de lotus et de phénix en fil de fer, sont extrêmement décorées, reflétant le goût raffiné des aristocrates de l'époque Le bol était souvent utilisé comme verre à alcool Par ailleurs, la. fabrication de bouteilles de modèles variés et de formes attrayantes s'est poursuivie à travers les siècles afin de pouvoir répondre à la demande constante des familles riches qui considéraient que l'alcool faisait partie intégrante de la vie culturelle coréenne Les bouteilles d'alcool de l'antiquité coréenne avaient une base ronde et vaste avec un col long et étroit. Cette forme permettait de contenir une grande quantité de liquide grâce à sa base large et stable. Aux XIVe et XVe siècles, durant les premières années de la dynastie Choson, apparaissent des articles en céladon présentant des motifs simples et un style populaire dit punch'Ong En fai~ les pièces de vaisselle en céladon reflétaient alors le goût raffiné des aristocrates mais à partir de é la dynastie Choson, elles adoptent des formes solides d'une simplicité extrême dont l'apparence paraît peu soignée, voire même grossiére. Les gentilshommes d'autrefois prenaient plaisir à boire dans les fêtes qui pouvaient durer plusieurs purs, et se déplaçaient d'un endroit à un autre. Ils emmenaient souvent avec eux des domestiques, chargés de transporter l'alcool fait maison quils partageaient avec des amis à la maison ou à l'extérieur dans un endroit avec une belle vue de façon à continuer la fête en changeant d'ambiance + 43
INTERVIEW
Yœ Kwang-cho L'art et la manière des grès de punch'ong Kim Young-uk
Sous-rédactrice en chef, KOREANA
armi les nombreuses céramiques fabriquées en Corée, les modestes punch'ong reflètent le mieux le caractère du peuple coréen A la différence des céladons raffinés de Koryo, ou de la porcelaine blanche de Chosün, aux lignes pures et nobles, les grès de punch'ong sont naturels, sans prétention et pratiques ; ils synthétisent les valeurs et les besoins de ceux qui les utilisent : les gens du peuple. Sans façon et dépouillés, les punch'ong sont par définition imparfaits, mais ils dégagent un charme unique et une impression de fraîcheur émanant de leur simplicité même et de leur absence d'artifice. ''Les grès de punch'Ong figurent parmi les chefs-d'oeuvre de l'époque Choson et expriment avec puissance le caractère des Coréens. Ds ont un côté rustique et intime qui est fabuleux. n y a presque trente ans, j'ai été séduit par leur chaleur et leur spontanéité et je les travaille depuis lors", dit Yun Kwang-cho, un potier de cinquante et un ans, l'un des rares artistes à avoir renouvelé l'esthétique du punch'Ong sous des traits modernes. Son heureuse manière d'appliquer des formes contemporaines à une base traditionnelle est largement appréciée. 'J'adore le punch'ong depuis l'université. A la différence du céladon qui s'efforce de recréer 'le jade' à partir de l'argile, ou de la porcelaine en quête de la perfection, le punch'Ong m'a attiré par sa manière franche et délicate de révéler la beauté et l'essence de l'argile à son état naturel'' Alors qu'il était en première année d'études au Collège des Beaux-Arts de l'université de Hong-ik, un ami, avec qui il
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YunKwang-cho
"Les grès de punch'ong figurent parmi les chefsd'oeuvre de l'époque Chos6n et expriment avec puissance Je caractère des Coréens. Ils ont un côté rustique et intime qui est fabuleux. Il y a presque trente ans, j'ai été séduit par leur chaleur et leur spontanéité et je les travaille depuis lors."
était aller prendre un verre, lui a montré un tesson Yun a été saisi par sa beauté. Qui pouvait donc fabriquer quelque chose d'aussi beau ? Pour Yun, cet événement a été décisif dans le choix de sa carrière de potier. Selon Yun, la vie et le cadre de travail d'un artiste jouent un rôle essentiel dans l'évolution de son art Pour cette raison, il a récemment quitté son atelier de Kwangju, dans la province du Kyonggi, où il a travaillé pendant ces vingt dernières années, pour un nouveau studio dans la lointaine cité de Kyongju. Pendant de nombreuses années, Yun a nourri l'idée que Kyongju, ancienne capitale du royaume de Shilla, était l'endroit où il s'installerait pour de bon Son atelier se trouve à environ une heure de route au nord du centre de Kyongju, dans un petit village qui s'appelle Parm-go~ ''Vallée des Vents''. Bien qu'assez proche de la ville, le village est plutôt isolé puisqu'il n'y passe qu'un ou deux autobus par jour en provenance de Kyongju. Il serait presque difficile de qualifier Vallée des Vents de village. Il n'y a que sept maisons et l'on peut aisément passer une journée sans y rencontrer âme qui vive. ''Il y a vingt ans, fai quitté Séoul pour mon atelier de Chiwol-myon à Kwangju, une ville paisible, mais après la construction de l'autoroute, la région s'est développée si bien que l'endroit était devenu trop animé", dit Yun. 'J'ai donc décidé d'aller dans un endroit plus tranquille et fai alors découvert Vallée des Vents." Depuis son enfance, Yun adore se pencher sur des cartes et voyager où son coeur le guide. Cest ainsi qu'il a trouvé le
site de son nouvel atelier. Sur ma route pour l'atelier, je suis passé à Oksan Sowon, une vieille académie confucéenne dans la ville d'An-gang au nord de Kyongju, puis fai emprunté une route sinueuse couverte de graviers. Les bois étaient silencieux, on n'entendait que le vent Au bout de dix minutes de virages multiples, j'ai aperçu de loin l'atelier de Yun. Il avait repoussé l'interview d'un mois parce que son four n'était pas terminé, mais à mesure que fapprochais, je voyais bien que l'atelier était encore en construction. Yun était pourtant d'excellente humeur car son four venait d'être fini ce jour-même: Il portait un hanbok blanc confectionné par sa mère et sa longue chevelure grise en queue de cheval TI m'a accueilli avec le salut bouddhique traditionnel c'està-dire en tenant les mains, paume contre paume, devant la poitrine. nse dégageait quelque chose de particulier de sa personne. Il ressemblait à un moine bouddhiste qui avait renoncé au monde
matérieL L'expression de son visage était si radieuse, si transparente. Yu éprouve une aversion viscérale pour les limites et les contraintes. Il s'est retiré dans cet endroit éloigné, perdu dans les collines, comme un petit ermitage pour y être inspiré par la liberté du vent Vallée des Vents ne doit pas son nom à un simple hasard : le minuscule village entouré de collines et de montagnes est constamment battu des vents. Il n'est pas étonnant que Yun ait choisi ce lieu pour établir son atelier. Pour Yun, la nature est un enseignant ; elle est l'art-même. On a l'impression qu'il a toujours été convaincu qu'en travaillant dans les montagnes et les forêts, ses créations s'imprégneraient de la splendeur de la nature. Il a été attiré par la sensation de liberté que donne le punchong Le céladon est extrêmement exigeant Il faut de l'argile contenant très peu de fer et l'utilisation des motifs décoratifs obéit à des règles rigoureuses Quand le choix de l'argile est limité, les possibilités de l'artiste le sont aussi Ce qui
Aperçu, Z2 x Z2x 43 cm, 1985 (en haut) ;Lune et des milliers de fleuves, 70 x 15 x 28 cm, 1991 (ci-dessus) 46
n'est pas le cas du punch'Ong qui n'exige pas un type d'argile spécifique, et qui autorise la variété. Un motif de poisson sur une pièce de punchong semblera tout à fait différente sur une autre. A la différence du céladon et de la porcelaine, le punch'ong est un art indulgent depuis l'argile utilisée jusqu'aux couleurs des couvertes et aux méthodes de cuisson En ce sens, c'est comme la terre elle-même. "Cet endroit est le berceau des remarquables céramiques du royaume de Shilla. Il est riche en histoire de la poterie coréenne. Jy suis venu par hasard mais il se trouve que c'est une mine d'argile pour la céramique", affirme-t-il · Yun Kwang-cho est un artisan contemporain, l'un des rares à avoir consacré sa vie à l'innovation de céramiques, en particulier du punchong La plupart des potiers préfèrent perpétuer les genres traditionnels ou adopter pleinement les styles ocàdentaux. Yun, lui, s'est consacré à la manière des artisans d'autrefois à la création d'un art du punchong insufflé de
la vie. "Céladon et porcelaine sont superbes mais leur beauté dépend de la façon dont l'argile naturelle est couverte. Le punch'ong, par contre, révèle la nature de l'argile et permet une grande liberté dans la décoration. Ce qui semble convenir à ma personnalité." "La quête de la liberté" est un thème important dans l'oeuvre de Yun Plusieurs de ses pièces sont intitulées Méditation ou Révélation et donnent forme aux idées bouddhiques de l'introspection et de la transcendance. Les formes cylindriques et triangulaires ornées d'arbres, de nuages, de plantes, de pierres, du soleil et de la lune rappellent les muninwba, des peintures de lettrés de la fin du XVIlle siècle, par leur beauté sans artifice et leur spontanéité. Yun a trava.illé dur pour parvenir à cette sorte d'illumination esthétique : il a étudié. auprès de moines bouddhistes, pratiqué la méditation et appris la patience et la simpliàté par la pratique ancestrale de la
Méditation, 19 x 19 x 38 cm, 1989 (en haut); table dressée avec de la vaisselle depunch"ong de style moderne (ci-dessus) 47
cérémonie du thé. 'J'ai essayé de rejeter avidité et ambition comme les artisans d'autrefois. La technique née de la seule habileté des doigts est insignifiante. La poterie doit être fabriquée avec le coeur', insiste-t-il
Harmonie, 22 x 22 x 27 cm, 1984
"Céladon et porcelaine sont superbes mais leur beauté dépend de la façon dont est couverte l'argile. Le punch'ong, par contre, révèle le caractère de l'argile et autorise une grande liberté dans la décoration. Ce qui semble convenir à ma personnalité." 48
Illumination esthétique Yun Kwang-cho s'est rendu célèbre pour ses grès de punch'6ng en 1973, l'année où il a reçu son diplôme de l'université de Hong-ik ; quand il a gagné le grand prix au concours d'artisanat de Dong-a. Depuis lors, il a participé à seize expositions en Corée et à l'étranger, surprenant à chaque fois les visiteurs par son approche novatrice Yun était un enfant calme et introverti Son père, fonctionnaire, est mort quano Yun était jeune, laissant une femme et six enfants. La mère de Yun était une femme déterminée, participant activement à des associations politiques ou sociales, et passait peu de temps avec sa famille. Yun, de ce fait, a passé beaucoup de temps seul et s'est mis à fabriquer des objets pour combattre sa solitude. "Ma mère était une femme éclairée, bien en avance sur son temps. Elle avait une conception très libérale de l'éducation des enfants. Par exemple, l'année où je suis entré dans le secondaire, elle m'a donné un sac à dos et m'a dit d'aller voyager ! ]'aime toujours voyager quand je le peux. Je suppose que ma mère a exercé sur moi une influence considérable." Yun s'est inscrit au club d'art de son lycée sur les conseils de son professeur de dessin qui lui avait trouvé un don. naimait beaucoup son professeur et rêvait vaguement de devenir peintre. Mais c'est sur les conseils de son troisième frère aîné, son préféré, que Yun s'est mis à la poterie. Quand est venu le moment de choisir son université, Yun pensait étudier les sciences économiques sur les recommandations de sa mère. Espérant qu'il deviendrait un homme politique, elle estimait qu'il était indispensable d'étudier cette discipline. Mais, Yun n'a pas réussi les examens d'entrée à l'université de Yonsei. A son
insu, sa mère a envoyé une demande d'inscription à l'Ecole navale mais il n'y a pas été admis non plus. li pense qu'il serait devenu marin s'il n'était pas potier, car il a toujours rêvé de voyager dans les contrées mystérieuses du monde. Frustré par ces échecs, Yun a quitté sa famille pour s'installer chez un ami C'est à cette période qu'il a écrit une lettre à son troisième frère aîné qui vivait aux EtatsUnis et qui avait toujours été son précieux confident Celui-ci lui a donné de judicieux conseils jaillis de son expérience à l'étranger. Les Américains lui posaient souvent des questions sur la culture coréenne et à force de chercher les réponses, il a découvert que les céramiques étaient l'essence-même de la culture traditionnelle coréenne. Puisque Yun aimait peindre et fabriquer des objets, pourquoi ne se mettrait-il pas à la céramique, a suggéré le frère. L'année suivante, en 1965, Yun est entré au département de céramique de l'université de Hong-ik. Il s'est découvert un talent caché pour le théâtre et a passé les deux premières années à jouer, délaissant quelque peu sa discipline principale, la céramique. Il avait toujours le premier rôle et s'est senti bientôt déchiré entre le théâtre et la céramique. Cependa~ l'activité débordante des troupes d'acteurs l'a fait réfléchir et Yun a décidé d'interrompre ses études pour faire son service militaire. Grâce aux relations de sa mère, il a été affecté au musée de l'Académie militaire. C'est au musée, alors qu'il découvrait la beauté des céramiques traditionnelles coréennes, que Yun a nourri le désir de travailler le punch'6ng et qu'il a commencé à s'intéresser à la relation entre tradition et créativité. C'est aussi à cette époque qu'il a rencontré Ch'oe Sun-u (19161984), historien de l'art et conservateur du Musée national. Ch'oe s'est avéré être le professeur ayant exercé la plus grande influence sur Yun En fait, Yun attribue à l'attention bienveillante de Ch'oe son propre sérieux et sa façon de se consacrer à son travail.
C'est aussi Ch'oe qui a baptisé l'atelier de Yun: Kupwoltang. Il existe une peinture ancienne qui décrit Li Tai-bo, grand poète de la Chine des Tang, versé dans la poésie, l'alcool et la lune. Sur la peinture, intitulée Ki1pux'5lto, le poète se penche au-dessus du bord d'un bateau pour essayer de saisir le reflet de la lune. Le caractère chinois de ki1p signifie l'action de tirer de l'eau, et w54la lune. Comme l'homme qui essaie d'attraper la lune avec sa main, Yun crée la vie à partir de l'argile. Il existe encore un panneau fait par Ch'oe Sun-u pour l'atelier de Yun, maintenant accroché dans son bureau. L'affection de Ch'oe pour Yun apparaît nettement dans ses Ecrits sur les potiers
compte qu'il n'avait pas suivi les conseils de Ch'oe. Il a envoyé une pièce à une exposition se tenant en Corée et n'a pas tardé à recevoir une lettre de Ch'oe lui disant qu'il était un bon artiste mais qu'il se japonisait trop. Yun le pressentait également et est rentré aussitôt en Corée. C'est, toutefois, au Japon qu'il s'est vraiment éveillé à la beauté du punch'6ng Au Japon, il avait eu l'occasion de travailler avec des potiers allemands, américains et japonais et il avait compris qu'il ne ressentait rien à la vue d'une poterie allemande de style japonais. C'est à ce moment-là qu'il est rentré en hâte en Corée et a installé son atelier à Kwangju, en dehors de Séoul
coréens. Les champignons qui poussent sous les chênes sont très différents de ceux qui poussent dans les pinèdes ; de la même manière, l'orientation esthétique d'un potier dépend de son lieu de naissance et de son sens de la patrie. La beauté artistique qu'un potier découvre naturellement chez lui est pour lui une source de joie et une chance pour les gens issus de ce même endroit... Au cours des années où j'ai observé le travail de Yun, j'ai puisé une énorme satisfaction dans la beauté simple de ses créations. Elles dégagent quelque chose de remarquablement coréen dans leurs proportions et leurs décorations sans prétention D'un point de vue général, les créations de Yun s'avèrent authentiquement "coréennes" dans le sens où il est né dans un endroit qui s'appelle Corée. Et d'un point de vue plus précis, on voit qu'il y a mis ses sentiments personnels, son coeur. L'année où Yun a reçu le prix du concours de l'artisanat de Dong-a, l'ancien ministre de la culture et de l'information lui a offert une bourse pour étudier trois ans à Karatsu au Japon. Ch'oe a mis Yun en garde et l'a prévenu que trois ans c'était long et qu'il devrait se concentrer sur l'étude des techniques de cuisson japonaises plutôt que sur l'art japonais. Moins d'un an après, Yun s'est rendu
Le sens du temps et de l'espace L'aspect est l'élément le plus important dans la céramique. En un sens, il est question de représentations. C'est pourquoi Yun s'arrête parfois au bord d'une route et fait un croquis quand il voit quelque chose qui l'intrigue. C'est à partir de ce moment que sont ébauchés les motifs et le modelé primaire d'une pièce. Plus tard, de retour à l'atelier, il crée une oeuvre en se basant sur ces ébauches. Après que l'argile a eu séché, il l'affine et grave des dessins ou des motifs à la surface. Ensuite, il applique un engobe. Le dessin peut changer selon le temps et la vitesse de séchage. Il choisit ses instruments et ses méthodes au gré de son esprit. Yun utilise un pinceau grossier pour appliquer l'engobe. S'il ne boit pas quand il tourne un pot ou façonne à la main, il aime travailler sous l'influence de l'alcool quand il applique l'engobe. Ceci pour créer une sensation plus audacieuse, moins réservée. A une époque, il craignait que sa méthode ne fût trop stylée, aussi at-il pris la direction opposée. ''Depuis quelque temps, fessaie de créer des formes qui ne paraissent pas artificielles, des formes qui semblent naître de la nature", dit-il. Après l'application de l'engobe, Yun peint la surface de la poterie. Parfois, on lui demande si ses représentations sont des orchidées ou des montagnes et il répond qu'elles ne sont pas réellement figuratives. Il y a des 49
abstractions à l'infini Yun prouve que la céramique est la forme d'expression artistique la plus abstraite Bien que l'on ne puisse rien discerner de précis -fleurs ou papillons, allusion au souffle du vent ou à des abeilles voletant- Yun décrit quelque chose sur l'argile. ''Chaque artiste a une notion de l'espace et du temps. Sans le sens de l'espace et du temps, il n'y a pas d'art", ajoute-t-il. Les dessins et les motifs de Yun épousent le galbe pour devenir abstraits. Parfois, il est déçu par une pièce faite sur le tour, mais plus tard, quand elle est terminée, il peut aussi être tout à fait surpris par le résultat La couleur définitive est déterminée par le four. C'est pourquoi la cuisson est si importante. Yun a toujours utilisé un four à l'ancienne à combustion à l'huile. Ce n'est pas pratique et cause de nombreux problèmes mais il y reste fidèle parce qu'il croit en sa mystique. Il a un rapport personnel avec le four car il contrôle la température à la vue et à l'ouïe. ll attend beaucoup de chaque cuisson Et à cause de cela, il accomplit toujours un rite simple aux dieux domestiques avant de mettre le four à feu. Après toutes ces années, il comprend le four et peut le regarder sans crainte aucune. Certaines personnes sont fascinées par le spectacle
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Vase (ci-dessus);détail d'un mur en céramique présenté lors de l'exposition de Y un à la galerie Ho-Am Art, à Séoul, en 1994 (ci-dessous)
d'un four en pleine activité renfermant les poteries qui semblent trembler dans l'attente mais Yun ne l'est pas. Il trouve que c'est aussi douloureux que de voir les souffrances d'une femme en train d'accoucher. "En céramique, le plus importan~ c'est d'abord la forme, puis le motif ou la couverte", dit Yun. "Cela requiert une grande dextérité -plus que toute autre forme d'art- pourtant la technique n'est pas tout. C'est seulement une condition indispensable." Yun s'est procuré un four électrique pour la première fois quand il s'est installé à Vallée des Vents mais il ne l'a pas encore utilisé. n ne semble pas en attendre grand chose. En fai~ il envisage de monter son vieux four près du nouveau Où les racines d'un potier coréen mènent-elles ? Elles doivent avoir un lien avec le sens de la nation et la philosophie coréenne de la nature mais tout ceci semble trop obscur pour l'expliquer. Les potiers japonais ont créé des répliques parfaites de céladons de la Chine des Song, et pourtant elles n'ont jamais égalé la beauté des céladons de Kory6. Il doit y avoir quelque chose de particulier dans les céladons de Koryo outre la forme et le style.
Les potiers contemporains qui abordent la céramique traditionnelle comme un héritage précieux doivent se libérer des formes anciennes. Yun a passé sa carrière à se libérer des formes et des motifs anciens. Depuis peu, il n'utilise plus le tour. Son travail récent, entièrement réalisé à la main, témoigne de son acharnement à s'affranchir de la tradition. L'harmonie entre matière et expression, évidente dans des formes simples avec des traces de mains et des dessins sobres, reflète l'esprit du punch'ong traditionnel tout en introduisant une nouvelle culture de la céramique, des formes modernes qui ne trahissent pas l'esprit des artisans d'autrefois. ')'essaie de faire mienne la dévotion dénuée de prétention des artisans d'autrefois", explique Yun. Yun privilégie la liberté et le changement dans son travail. L'humanité est sans limite dans sa diversité. Les êtres humains ne doivent pas être enchaînés. Vivre, c'est changer. Yun a souvent pensé à se faire moine parce qu'il veut se libérer de toutes les attaches. Il y a environ dix ans, quand il a pratiqué plusieurs mois la méditation au temple de Songgwang, un moine lui a dit que son art était la voie de l'illumination. Deux mois plus tard, de retour à son atelier, il s'est senti une assurance nouvelle en regardant l'argile. Il a ébauché une forme et l'a écoutée. Autrefois, il faisait plus attention aux dessins mais maintenant il comprend q_Je : "un dessin est un dessin". Il s'est enfin senti libéré. "Le punch'ong révèle les propriétés véritables de l'argile", note Yun. "Le céladon et la porcelaine sont différents à cet égard. Avec le punch'ong le potier ,s'approprie l'argile. L'argile est de nature sensible et changeante. Je dois toujours faire des compromis parce qu'elle est changeante. Il faut la manipuler comme l'air." Yun dit qu'il désire tout simplement trouver ce que les autres ont oublié, ce que les Coréens doivent redécouvrir et montrer au monde. Son travail a été
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Méditations, 41 x 17 x 38 cm, 1994
couvert d'éloges dans des expositions au Japon, en Grande-Bretagne, en Australie, aux Etats-Unis et en Finlande. Il a participé avec grand succès en 1994 à une exposition intitulée L'esthétique coréenne et ses variantes modernes à la galerie HoAm de Séoul. Il y a révélé sa capacité à exprimer la tradition à travers des scènes et des sujets de la vie quotidienne sans être entravé par la tradition. Ses plateaux, ses petites assiettes et ses vases sont des récipients aux usages variables, pouvant contenir n'importe quoi. La créativité du potier est évidente dans la diversité de ses oeuvres. Il respecte ceux qui vont les utiliser et leur laisse la liberté de décider de leur usage. Yun affirme qu'un potier qui ne sait pas faire un pot n'est pas un potier. ''Un pot fait à la main est aux antipodes d'un pot fait par une machine. La plupart des gens sont incapables de faire la distinction. C'est aux artistes d'éduquer le public. C'est seulement alors que la céramique sera respectée en tant qu'art" En fin de compte, Yun poursuit la
pratique de l'art des artisans de la Corée ancienne : sans affectation et sans préjugés selon le principe bouddhique du détachement des désirs et des biens du monde des humains. Des empreintes digitales à la surface d'un pot sont la trace de la spontanéité et la liberté de Yun Kwang-cho. . Claquemuré dans son atelier de campagne, Yun ne songe qu'à raffiner un art d'inspiration tao : il prépare une exposition prévue à Francfort en 1997. Un mois avant notre rencontre, des représentants de groupes de parrainage allemands sont venus à son atelier à Kyongju pour mettre au point les détails de l'exposition. 'Je dois travailler demain", dit-il avec un rire étouffé en apportant une bouteille d'alcool fait maison. Yun m'a offert un verre et l'a rempli à rasbord. Je ne sais plus très bien combien nous en avons échangé mais je me rappelle une chose : son visage paisible qui a semblé s'élever devant moi, telle la réincarnation d'un potier d'autrefois dans la Corée d'aujourd'hui + 51
PATRIMOINE MONDIAL
La grotte de S6kkuram Un chef-d'oeuvre de proportions KangU-bang
Directeur de recherches Musée national de Corée
ous les Coréens connaissent la grotte de Sükkuram, à Kyongju, et depuis qu'il a été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour la Culture, l'Education et la Science) en décembre 1995, il est connu du monde entier. Sokkuram est le fleuron de l'art bouddhique coréen ; ses sculptures et sa structure architecturale sont souvent jugées plus belles et plus extraordinaires que ce que l'on peut trouver en Inde, en Chine ou au Japon Les gens sont souvent plus intéressés par les aspects triviaux de cette grotte : le fait que les Japonais aient tenté de la déplacer à Séoul ou bien qu'elle soit face au rocher de Taewang dans la mer de l'Est Combien de personnes sont conscientes que Sükkuram est un remarquable agencement d'architecture, de sculpture et d'artisanat exceptionnels et qu'elle est le fruit d'un art composite qui intègre religion, politique, astronomie, géométrie, géomancie, physique et chimie ? Les sculpteurs ont toujours concentré leur attention sur le grand bouddha s'élevant au centre de la grotte et les images sculptées qui l'entourent ; gardiens, divinités bouddhiques, bodhisattva et les dix disciples du bouddha Les étudiants en architecture, par contre, se concentrent sur la structure de la grotte. Quant aux scientifiques, ils se sont intéressés aux principes techniques mis en oeuvre pour sa construction, tandis que les spécialistes des religions ont analysé reliefs et sculptures dans la perspective des enseignements bouddhiques. nen résulte qu'il est devenu extrêmement difficile, voire impossible, d'appréhender la grotte dans
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L'entrée menant à SOkkuram
La composition et les proportions parfaites sont des éléments esthétiques inhérents à presque tous les exemples d'architecture depuis la fin des Trois Royaumes jusqu'au milieu de Shilla unifié. L'architecture de cette période peut être considérée comme classique. Et de même pour la sculpture d'alors. Autre caractéristique, la relation profonde entre les idées, la religion, l'astronomie et la géométrie.
son intégralité. Pendant de nombreuses années, j'ai étudié la structure, la sculpture et les aspects religieux, mathématiques et scientifiques de Sokkuram et je suis maintenant convaincu que le lien essentiel entre tous ces éléments se trouve dans les principes mathématiques utilisés pour son édification. Les proportions scellent une véritable harmonie dans toute la composition Si des idéaux religieux permettent d'établir une harmonie entre individu, société et nation, l'harmonie dans le domaine artistique doit êre fondamentalement liée à l'harmonie religieuse. Pythagore a dit : ''Il y a des influences, des relations et des lois d'ordre logique dans les phénomènes de la nature Leur interaction peut être exprimée par des mesures et des nombres". Il se peut qu'il ait simplement fait allusion aux phénomènes physiques naturels mais, étant donné que le bouddhisme est aussi né de l'étude des phénomènes naturels, je suis, désormais, convaincu, au terme de mes recherches sur Sokkuram, que la vérité religieuse peut aussi être exprimée par des mesures et des nombres. Un architecte japonais, nommé Miyoji Yoneda, a exercé une influence décisive sur mes recherches. Diplômé d'architecture à l'Université Nihon en 1932, il a la même année été employé par le Musée national de Corée, alors administré par les occupants japonais. Pendant les dix années qui ont suivi jusqu'à sa mort à l'âge de trente-cinq ans, Yoneda s'est consacré à l'étude de l'architecture coréenne andenne Il a aussi beaucoup travaillé à la restauration de Sükkuram et a essayé de déchiffrer les principes mathématiques
utilisés pour sa construction Etrangement, ses comptes rendus de travail sont empreints d'un sentiment philosophique, probablement suscité par la nature-même de ses recherches. J'ai poussé les miennes plus loin et ai essayé de dégager les rapports entre la structure architecturale, les sculptures de Sokkuram et la présence de principes mathématiques sous-jacents. L'impression de sublime et de beauté qui émane de SOkkuram provient, sans aucun doute, de l'harmonie des proportions que dégagent structure et statuaire. nne s'agit pas, bien entendu, d'ignorer la beauté de son architecture ni le talent extraordinaire des sculpteurs, mais fattache plus d'importance à la relation complexe qui régit les magnifiques proportions de ses sculptures et de sa structure. C'est vers elles que convergent nature, art, religion, mathématiques et astronomie.
(De haut en bas) Sokkuram en 1913, en cours de reconstruction pendant la
colonisation japonaise, et aujourd'hui 54
Les plans structuraux de SOkkuram Yoneda a étudié avec la plus grande minutie les plans de plusieurs grands temples bouddhiques construits depuis les Trois Royaumes (Ier siècle avant J-C-Vlle siècle ap.J-C) à Shilla unifié (668-935). ll s'est aussi penché sur les élévations et les plans des stupa, des pagodes et ceux de Sokkuram. Durant sept années de recherches menées sur le terrain, suivies de la publication de comptes-rendus, il s'est concentré sur les proportions qui font la beauté de l'architecture coréenne ancienne et s'est efforcé de leur trouver une explication philosophique. Yoneda était convaincu que les techniques fondamentales appliquées dans les plans de SOkkuram reposaient sur les principes de la géométrie plane. na insisté sur le fait que l'unité de mesure fondamentale était le ch'6k (unité de mesure traditionnelle qui équivaut environ à un pied) et que des carrrés et leurs diagonales ainsi que des triangles rectangles et des lignes sécantes avaient été utilisés dans la construction de la grotte, et aussi cercles, rectangles, hexagones, octogones et segments égaux. Ayant découvert que ces principes de base jouaient aussi le rôle déterminant dans
les plans du temple de Pulguk, il a démontré que la grotte et le piédestal du bouddha principal avaient été élaborés à partir d'un côté du carré, pris comme unité de mesure, pour créer des formes octogonales et circulaires par l'extension de ses diagonales. Cette méthode subtile et complexe se constate partout dans la grotte. Pour l'architecte Japonais, la découverte du fait que la beauté intrinsèque d'une structure dépende de l'agencement et du choix de telles techniques géométriques était de première importance. Les principes mathématiques appliqués à la structure de Sükkuram ont atteint un niveau de perfection qui réunit tous les principes mathématiques élémentaires utilisés pendant la période du royaume de Shilla unifié. Le recours systématique de dessins très complexes aboutit à une relique digne d'une considération toute particulière dans l'histoire de l'architecture extrême-orientale Sükkuram témoigne du haut niveau de l'architecture coréenne On peut aussi y déceler l'application de principes de géométrie dans l'espace sur les bases de la géométrie plane Le plafond en · dôme repose sur le principe d'un demirectangle dont le périmètre est divisé en dix segments à partir du principe constant de pi sur un rayon de dix chok : méthode franchement étonnante et ingénieuse Yoneda a exprimé son émerveillement devant les proportions de la grotte dans un article intitulé Réflexions sur l'expression du corfJ) céleste à SOkkuram : Jen suis venu à croire que les figures et les nombres utilisés dans la composition de Sokkuram ont en quelque sorte un lien avec les calculs astronomiques qui étaient le fondement de l'astrologie mésopotamienne. Ceci pourrait être un préjugé de ma part mais cette hypothèse mérite d'être vérifiée parce que dimensions et figures sont identiques d'un cas à l'autre. En bref, les plans de Sükkuram reposent sur le principe d'un cercle (dont les 360° correspondent aux 360 jours de l'année) ayant un rayon de douze ch '6k (soit un diamètre de vingt-
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--l-- il Dans le sens des aiguilles
d'une montre :diagramme géométrique de l'élévation de l'antichambre de SOkkuram ;la composition de l'antichambre avec la statue principale, basée sur unedivlsiongéométrique utillsantla/2 durectangle; la rz de la division géométrique d'un rectangle; la composition dela façade deSOkkuram
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quatre ch'ok). Ceci correspond aux douze kak (unité de mesure du temps équivalent à un quart d'une journée de vingt-quatre heures). L'entrée de douze ch'Ok de la grotte équivaut à une journée (douze kak). Le plafond en dôme, représentant la voûte céleste, traduit l'éternité puisqu'il est bâti selon la même circonférence (un an). Au centre se trouve une clef de voûte en pierre en forme de bouton de lotus qui figure le soleil. Les pierres placées entre chaque plan du rectangle symbolisent les étoiles. Etant donné que la grotte représente le sukhavati ou paradis bouddhique de l'ouest, la grotte entière semble faire référence au monde ou à l'univers.
Les belles proportions rencontrées dans la nature ont, depuis les temps les plus anciens, été transformées en figures géométriques et appliquées à toutes les formes d'expression artistiques : architecture, sculpture et peinture. Les proportions reposent sur des principes géométriques si bien que la géométrie est devenue inséparable de l'art. L'architecture dépend
Dès ce moment, il est clair que Yoneda a recherché une signification religieuse dans la structure de Sükkuram Après une relecture soigneuse de ses écrits, j'ai compris que le secret de Sükkuram avait été révélé non pas par un historien de l'art ou un spécialiste des religions mais par un obscur architecte La structure de la grotte et le grand bouddha
Yoneda n'a pas spécifié quelles techniques ont été employées pour déterminer les dimensions du grand bouddha. En qualité d'architecte, il s'intéressait seulement à la structure de l'édifice. Et pourtant, le grand bouddha, situé au centre, en est bel et bien le coeur. Il est heureux que la restauration de la façade de la grotte et que l'étude des relations entre celle-ci et le grand bouddha aient été possibles, et ce grâce aux recherches du professeur Nam Ch'èin-u Les découvertes de celui-ci ont permis de développer la théorie des proportions laissée inachevée par Yoneda Dans cet article, je fais souvent référence à la relation entre la structure de la grotte et sa statuaire. Je parle, ici, du grand bouddha érigé au centre de la grotte. Les autres sculptures ont été réalisées directement sur les parois de Sükkuram, 56
entièrement des proportions géométriques.
par exemple, les images sculptées bouddhiques placées dans les niches de la partie supérieure des murs, ou bien représentées en relief directement sur les murs. On peut donc, en toute tranquillité, les exclure des plans de Sükkuram Il faut envisager la relation entre la structure de la grotte et le grand bouddha sous deux perspectives bien distinctes. La première souligne la relation entre le grand bouddha situé au centre et les plans verticaux de la structure de la grotte. L'autre, la relation entre la statue et la façade de la grotte qui apparaît alors que l'on s'approche de l'entrée Les dimensions du grand bouddha sont identiques à celles du bouddha assis, représenté avec les mains placées dans un geste protecteur, du temple de Mahal:xxli à Bodhgaya en Inde, où le bouddha historique a atteint l'illurninâtion assis sous le figuier sacré. Le moine-pélerin Xuan Zang (6{)().664) de la dynastie Tang a mesuré la statue indienne en utilisant l'unité de mesure appelée en Corée tang chok Les mesures sont identiques et ce n'est pas une coïncidence, car elles indiquent que la taille du bouddha a été déterminée avant l'élaboration des plans de Sükkuram La relation entre le grand bouddha et les plans horizontaux et verticaux de la grotte a été établie d'après celles du grand bouddha L'harmonie de leurs proportions se démontre dans les divers triangles rectangles et carrés de douze tang ch'ok trouvés à Sükkuram La découverte selon laquelle les dimensions du grand bouddha ont été déterminées avant la construction de la grotte soutient la théorie des principes mathématiques et géométriques avancée par Yoneda Il aurait été beaucoup plus facile de dessiner la grotte en premier. En établissant les dimensions du bouddha à l'avance, on imposait d'énormes restrictions au dessin des plans de la grotte Cependant, ceci n'apparaît pas dans sa structure puisqu'elle est en harmonie totale avec le bouddha Le piédestal sur lequel il repose a aussi été construit selon des calculs complexes d'après les proportions du bouddha même ; il en résulte une suprême harmonie
Le grand bouddha mesure 11,53 tang ch'ok de haut, soit presque douze tang ch'Ok Les architectes de S6kkuram ont dû concevoir la grotte sur la base de douze tang chok Cette supposition est renforcée par le fait que si l'on ajoute la longueur de l'un des côtés du bouddha à celle du piédestal, on obtient la diagonale d'un carré de douze tang chok Tout aussi importante est la relation entre la façade de la grotte et le grand bouddha. Bien qu'il soit difficile d'établir la relation entre le bouddha et les plans horizontaux et verticaux de la grotte, il est évident que tout a été méticuleusement pensé, c'est du moins l'impression que l'on a lorsque l'on s'approche de la grotte en venant du temple Pulguk. Un aspect important de la façade est la paire de colonnes octogonales se dressant entre le couloir d'accès et le hall principal Aboutissant à une ouverture au plafond, elles symbolisent l'entrée au royaume bouddhique ou espace sacré du sanctuaire principal Les colonnes octogonales sont divisées en deux par des corbeaux de pierre en forme de pétales de lotus. L'ouverture a été pratiquée dans la partie supérieure des colonnes tandis que la partie inférieure constitue l'entrée principale. Cest ainsi que ces deux colonnes octogonales avec leur base gravée de boutons de lotus, leur corbeau de pierre gravée et l'ouverture mettent en valeur le grand bouddha depuis l'entrée du hall principal Les corbeaux sculptés qui font saillie au milieu des colonnes divisent clairement l'entrée en deux parties. La partie inférieure est pour les allers et venues des croyants et la partie supérieure révèle la face du grand bouddha au centre. L'ouverture est audessus des colonnes, au-dessus de la tête du bouddha. L'entrée est ainsi divisée en deux parties : la partie supérieure symbolise l'univers céleste, et la partie inférieure, la terre. Les audacieux corbeaux semblent avoir été placés dans ce but Tis relient aussi les colonnes au dôme. Cest ainsi que les principaux éléments structuraux de Sokkuram ont pris une signification religieuse. La relation entre le grand bouddha et la
bouddha. - Le menton du grand bouddha correspond au rebord des corbeaux des colonnes octogonales et met ainsi en valeur le visage du bouddha. - La largeur des épaules du grand bouddha est identique à la distance séparant les deux colonnes .
Un diagramme montrant que le diamètre de la nimbe a commandé la composition de l'antichambre (ci-dessus), et un diagramme expliquant la composition de l'antichambre qui utilise la Il d'un rectangle (ci-dessous)
Ces données relevées montrent que la façade de S6kkuram est construite sur le principe de base de douze mng chok dans les plans horizontaux et verticaux. Elles indiquent aussi que les dimensions du grand bouddha ont déterminé celles de la façade. La composition à deux rectangles de la façade de S6kkuram se retrouve dans les plans verticaux du hall principal. La hauteur du sol au plafond équivaut à deux fois la largeur de l'intérieur des niches audessus pour former un rectangle. Il est aussi à noter que le diamètre du nimbe du grand bouddha sur la partie supérieure du mur du fond équivaut à un quart de la hauteur du hall principal Bref, le diamètre du nimbe a été dessiné pour mesurer la moitié de l'unité de base de douze mng
chok
façade (à la restauration de laquelle fai pris part) repose sur la présence du puits de lumière comme l'explique le professeur Nam Ch'on-u: La partie inférieure de l'entrée forme un rectangle dont un côté mesure douze mng chok Cest le "rectangle interne". - La longueur de toute la façade, y compris la paire de gardiens, est identique à la hauteur totale des colonnes et crée un "rectangle externe". La composition de la façade forme donc deux rectangles de dimensions différentes. - La hauteur de l'arche d'entrée est presqu'identique à la hauteur du hall principal depuis le sol jusqu'aux niches à la base du dôme : elle coïncide, par conséquent, avec la hauteur du grand
Le nombre d'or Quelle loi des proportions a-t-on pu appliquer à la fois à l'élaboration des plans verticaux et horizontaux du hall principal, comme l'a découvert Yoneda, aux dimensions de la façade et au rapport, que j'avance, entre la façade restaurée et le grand bouddha ? Dans mon analyse, les pla.ns verticaux sont conçus pour créer des groupes de ..f2 du rectangle (le nombre d'or) qui se chevauchent. Le carré du rectangle incorpore un carré et un rectangle d'environ f6. Il a été dessiné de sorte qu'une partie du rectangle chevauche le centre. Cette partie comprend le visage du grand bouddha et les niches qui abritent les bodhisattava. Dans sa partie inférieure -un ensemble de deux carrés- se trouvent des bas-reliefs de bodhisattva debout et les dix disciples du bouddha. Dans la partie supérieure se trouve le dôme dessiné de façon à reposer sur le 57
point de rencontre des carrés. La .f2 du rectangle a été utilisée de diverses manières dans les plans verticaux de S6kkuram. Le terme de rectangle d'or fait allusion à une figure dont les côtés de dimensions égales se répètent à l'infini selon le principe unique de la .f2 du rectangle. Dans le rectangle d'or, les proportions des longueurs et des largeurs dérivent de sections dorées. Le rectangle d'or incorpore aussi d'innombrables figures, toutes différentes, mais toutes de proportions égales. Le nombre d'or de Sokkuram et les sections d'or répètent inlassablement des figures identiques de proportions identiques. Les principes de la beauté naturelle se manifestent selon des figures géométriques et mathématiques. La magnificence de ces proportions si gracieuses et leur signification philosophique et religieuse sont présentes au Parthénon et dans d'autres chefs-d'oeuvre artistiques et architecturaux. Il faut noter que cette relation entre les parties et le tout se retrouve aussi dans le sanctuaire. Le principe du rectangle d'or est présent au Parthénon et celui du nombre d'or à Sokkuram, sanctuaire bouddhique de l'époque du royaume de Shilla Au Parthénon, le principe du rectangle d'or met en valeur la beauté extérieure du bâtiment. A Sokkuram, le nombre d'or rehausse la beauté intérieure de la grotte. Les deux dérivent d'un principe commun qui établit une relation intégrale entre les parties et le tout. Sokkuram consiste en lignes courbes tandis que le Parthénon est composé de lignes droites (tous les éléments croisés de S6kkuram, y compris ceux du dôme, sont courbes et créent ainsi des surfaces tridimensionnelles incurvées) si bien qu'un carré ou le carré d'un rectangle n'apparaît que lors d'une étude approfondie du hall principal dans le sens de la longueur. Il semble que les différences entre cercles, rectangles, .f2 du rectangle (nombre d'or) et ../3 du rectangle soient exploitées de· diverses manières. Parmi elles, le nombre d'or a déterminé la longueur de la grande salle et la hauteur du grand bouddha pour créer l'élément principal de la structure de S6kkuram. 58
Une relation mesurable Des figures géométriques élémentaires
ont été utilisées pour la façade et les plans de S6kkuram. Dans les plans verticaux du hall principal, les proportions du nombre d'or ou radne carrée du rectangle ont été appliquées de plusieurs façons. Une conception géométrique méticuleuse s'y observe autant que dans les plans de nombreux autres temples du VIle au IXe siècle. Une composition et des proportions parfaites étaient des éléments esthétiques inhérents à presque chaque type de construction depuis la fin des Trois Royaumes jusqu'au milieu de Shilla unifié L'architecture de cette époque peut être considérée comme typiquement classique. Et l'on peut dire la même chose à propos de la sculpture. La relation profondé entre idéologie, religion, astronomie et géométrie est aussi une autre caractéristique de l'époque. L'architecture coréenne classique fondée sur la perfection de la composition et des proportions était sans équivalent dans la Chine contemporaine mais peut être comparée à celle de l'art hindou, en Inde. Elle est comparable à l'architecture classique de la Grèce antique, car les Grecs cherchaient aussi à formuler dans l'art des théories universelles. L'influence des arts grecs et romains ne se limitait pas à la Grèce ou à la péninsule italienne. Ils ont pué un rôle décisif dans l'art du mandala Ils ont été en contact avec la Chine e~ par conséque~ ont eu un rapport indirect avec l'architecture coréenne. Quelle est la signification de l'équilibre des formes caractéristique des styles classiques ? Toutes les formes naturelles ont des proportions. Les belles proportions de la nature ont été en tout temps analysées et transformées en différentes figures géométriques pour être appliquées aux arts, telles l'architecture, la sculpture et la peinture. Les proportions étaient représentées sous forme géométrique si bien que la géométrie a fini par devenir indissociable des arts. Les plans architecturaux sont en effet établis selon des principes de géométrie. La géométrie, qui s'est développée à partir de l'astronomie, est l'étude de l'organisation des figures dans l'espace. Elle
reflétait la conception de l'univers des Anciens et avait un lien avec la philosophie et la religion Avec la représentation du nombre de vibrations d'un son en proportion, elle a permis l'explication de l'harmonie musicale et la construction du rythme de la poésie. La géométrie dérivée des phénomènes naturels (dharma en bouddhisme) touche tous les aspects de la culture : astronomie, philosophie, religion, la musique et les arts. Elle résulte d'une conception de l'univers obtenue après l'observation des phénomènes de la vie en mouvement perpétuel La géométrie est une discipline où se repignent toutes les activités de l'âme et de l'esprit En bouddhisme, les mandala qui sont un ensemble de diagrammes ont été inventés pour exprimer la profondeur de la pensée bouddhique en bouddhisme tantriqueune forme de bouddhisme du grand véhicule (mahayana). Des images du bouddha et de bodhisattva étaient placées à l'intérieur de figures géométriques. Le mathématicien français, Henri Poincaré, a souligné l'importance de l'intuition et de l'imagination du poète car, selon lui, personne ne peut être un grand géomètre sans être avant tout poète. Les figures géométriques sont le principe fondamental dans la compréhension des idéaux anciens de beauté et d'harmonie. Proportion signifie équilibre, c'est-à-dire la base de l'harmonie. L'équilibre ne peut être atteint que lorsqu'une quantité est proportionnelle à une autre. L'harmonie entre les parties et le tout, et entre les parties elles-mêmes établit un ensemble de relations. L'harmonie repose sur un dénominateur commun dans la relation entre les parties et le tout Cette unité de base, source d'homogénéité, est présente même lorsque les dimensions diffèrent. L'harmonie des proportions est célébrée depuis des temps immémoriaux et en est venue à influencer également la religion Les sciences et l'art sont en quête d'unité dans la diversité. La religion aussi. C'est pourquoi la loi des proportions, soi-disant don des dieux, a été appliquée dans la construction d'édifices religieux. Principes de proportions et principes religieux sont donc identiques. Ce qui signifie que des
constructions élaborées à partir de ces proportions transformaient des concepts religieux en art. C'est pourquoi une sensation de sublime et de beauté nous saisit lorsque nous pénétrons dans ces édifices. Etant donné que la loi des proportions dérive de l'observation des phénomènes naturels et que le bouddhisme est né de l'exploration de ces phénomènes, il doit y avoir un principe sous-jacent entre les deux. Le nombre d'or à S6kkuram est littéralement l'accès à l'univers bouddhique de l'harmonie. Les règles de proportions, qui ont évolué au cours des temps, reflètent la quête incessante de l'être humain vers l'harmonie. Sokkuram est une symphonie de majesté, de sublime et de beauté qui provient non seulement de sa structure ou de la statue principale du bouddha mais aussi de l'harmonie entre tous les éléments présents. Par cette harmonie, S6kkuram réalise les idéaux ultimes du bouddhisme. L'art et la religion se ré~lchisent l'un dans l'autre-et établis~nt un rapport d'égalité. La composition et les proportions parfaites sont des éléments esthétiques inhérents à presque tous les exemples d'architecture de la fin des Trois Royaumes au milieu de Shilla unifié. L'architecture de cette période peut être considérée comme classique. Et de même pour la sculpture d'alors. Autre caractéristique, la relation profonde entre les idées, la religion, l'astronomie et la géométrie. Les belles proportions rencontrées dans la nature ont, depuis les temps les plus anciens, été transformées en figures géométriques et appliquées à toutes les formes d'expression artistiques : architecture, sculpture et peinture. Les proportions reposent sur des principes géométriques si bien que la géométrie est devenue inséparable de l'art. L'architecture dépend entièrement des proportions géométriques. Sokkuram est une symphonie de majesté, de sublime et de beauté qui provient non seulement de sa structure ou de la statue principale du bouddha mais aussi de l'harmonie entre tous les éléments présents. +
Vue latérale du bouddha principal de SOkkuram
Sokkuram est une symphonie de majesté, de sublime et de beauté qui provient non seulement de sa structure ou de la statue principale du bouddha mais aussi de l'harmonie entre tous les éléments présents. 59
CHEMIN FAISANT
rochers aux formes étranges, des forêts luxuriantes parsemées de cristaux et de pierres précieuses. La beauté propre de la montagne révèle la puissance de la nature et les accomplissements admirables du royaume de Shilla. Quand on y a posé le pied, il est difficile de la quitter. A 494 mètres, Kowisan, le point culminant de Namsan. Toutefois, c'est Kümosan (littéralement "la montagne de la tortue dorée"), haute de 468 mètres, qui est le sommet principal et qui symbolise les monts Nam. Ces derniers s'étendent d'est en ouest sur 13 kilomètres et du nord au sud sur 8 kilomètres. Là, s'offre à nous un musée à ciei ouvert comptant pas moins de quarante vallées et recèlant cent six temples, soixante-dix-huit statues bouddhiques et soixante et une pagodes éparpillées à travers le paysage. Peu de régions peuvent se vanter de concentrer autant de vestiges. Leur abondance rend compte de la dévotion du peuple de Shilla et de sa croyance au pouvoir mystérieux de Namsan, leur montagne sacrée. Au pied du mont Ch'angnimsa, site du premier palais de Shilla, coule la source légendaire, où le fondateur du royaume, Pak Hyokkose naquit dans un œuf rouge Il y a aussi P'osokchong, une belle résidence où le royaume de Shilla trouva une fin tragique, au pied du versant sud Cest bien ic4 sur ces versants des monts Nam que l'histoire du royaume de Shilla a débuté et qu'elle s'est terminée.
Namsan était la montagne sacrée de Shilla. Elle représentait le paradis ocddental du bouddha, le lieu oLI chacun espérait que ses cendres seraient déposés.
Quittant les biens de ce monde
Lorsqu'on grimpe sur les pentes des monts Nam, on peut sentir combien la montagne a dû exercer sa puissance sur la société de Shilla. Le son creux des claquements des bois des croyants bouddhistes, les lentes incantations des moines, les prières adressées avec ferveur à Bouddha, le son des tambours et des cloches des temples, le murmure du ven~ le gargouillement de l'eau, transportent un moment le promeneur dans un autre monde. Avant de gravir les monts Nam, il faut d'abord visiter le temple de Ch'on-gwan, à proximité du Musée national de Kyongju 62
De haut en bas: une statue acéphale d'un bouddha assis; trois tombes royales, une renfermant la sépulture
du roi Kyong-ae dont la mort a marqué la fin du royaume Shilla; une stèle érigée sur le site où Pak Hyokkose, fondateur de Shi.J.J.a, serait apparu d'un oeuf. Une image du bouddha gravée sur un rocher de Kiimosan (ci-contre).
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Dans le sens des aiguilles d'une montre à partir du haut: Ch'ilburam, "Ermitage des sept bouddhas", sur le flanc est de Kiimosan; bas-relief d'A valokitesvara (Kwanseiim posal), le bodhisattva de la compassion; une triade bouddhique au sud de P'os6kchong; vue du mont Kiimosur des rizières.
La beauté de Namsan est due à l'harmonie de la nature et de la culture. Un musée à ciel ouvert éternel, qui a résisté au
ven~
à la
pluie et à la neige. Ch'6n-gwan-sa est le nom d'une belle kisaeng dont s'éprit le grand général du royaume de Shilla, Kim Yu-shin (595-673). Selon la légende, Kim rendit visite à la jeune femme chaque jour après les exercices militaires, jusqu'à ce que sa mère découvre leur relation et lui interdise de la revoir. Kim présenta ses excuses et promit de ne plus jamais approcher la maison de Ch'6n-gwan Mais un jour alors qu'il se promenai~ perdu dans ses pensées, il se retrouva en face de la maison. Son cheval l'y avait condui~ par habitude. La jeune fille se précipita hors de chez elle, heureuse de voir son amour, mais Kim tira son épée, tua son cheval auquel il vouait une affection sans bornes et retourna chez lui Ch'6n-gwan se lamenta pendant plusieurs jours puis se suicida. Quelques années plus tard, toujours bouleversé par la perte de sa bien-aimée, le général ordonna la construction d'un temple sur le site de la demeure de la jeune fille. L'histoire nous montre la détermination du général Kim, sa piété filiale mais aussi son amour éternel pour 64
la kisaeng Ces sentiments étaient partagés par le peuple de Shilla qui surmontait ses propres conflits émotionnels à travers sa croyance dans le bouddhisme. Un des plus importants vestiges bouddhiques des monts Nam est la triade bouddhique scupltée en relief de Ch'ilburam, "l'Ermitage des sept bouddhas". On peut ici saisir la profondeur d'esprit et la compassion du peuple de Shilla. Les yeux doux de la divinité, sa poitrine et ses épaules larges, sa large carrure et le flottement naturel de sa robe reflètent les sentiments et l'attitude du peuple de Shilla Son visage est empreint de compassion Ch'ilburam se trouve sur le versant est de Ki:imosan. Lorsqu'on s'enfonce profondément dans le ravin, les pins paraissent plus grands et plus serrés. Le chemin qui conduit à l'ermitage est sinueux et raide. Le nom de Ch'ilburam vient des sept · statues bouddhiques sculptées dans la pierre. On a sculpté les quatre côtés d'une roche, et derrière, il y a la triade. La pos-
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ture, l'imposante carrure tout comme le drapé naturel du vêtement reflètent la grandeur et les goûts du peuple de Shilla. A dix minutes à pied de l'ermitage se trouve un autre remarquable rocher, d'où l'on peut avoir une vue magnifique des environs, mais le plus intéressant, c'est l'image du bouddha sculptée en profondeur dans une infractuosité de la roche. Ainsi juché sur le sommet, le bouddha semble assis sur un nuage, son expression reflètant une paix spirituelle. En face de la niche se trouve une roche plate dont on pense qu'elle fut il y a longtemps l'une des fondations de l'ermitage. D'ici, l'on aperçoit le temple de Pulguk et le mont T'oham ainsi que les rues et la campagne de Ky6ngju Bien qu'on puisse trouver un peu partout dans la montagne des images de bouddha, de cette niche émane quelque chose de particulier. n y a une expression de bienveillance et d'amitié comme si le modèle avait été une femme d'une respectable famille de Ky6ngju. Elle est différente des autres images de bouddha ; certes moins raffinée, mais elle projette un charme et un pouvoir inhabituels qui évoquent des sentiments forts. Le bouddha semble absorbé dans une profonde méditation sans que la niche ajoute quoique ce soit à son aura de tranquillité et de familiarité. Ses yeux fermés sont une caractéristique des anciennes figures de bouddha que l'on trouve dans la montagne. Le visage des bouddha de l'époque exprimait l'innocence comme celui des enfants ou avait le regard bienveillant des vieilles grandmères. Ce fut sous ces traits que le bouddhisme fut introduit dans la péninsule coréenne. La chaleur de l'expression du bouddha semble avoir un effet apaisant universel. Les habitants de la région racontent l'histoire d'un touriste japonais qui, visitant le bouddha une nuit de pleine lune, finit par planter sa tente et s'endormit sous son regard bienveillant.
Les racines de Shilla. Le site de la source où le fondateur de Shilla, Pak Hy6kk6se, est soit-disant né, se 65
trouve sur le versant ouest des monts Nam non loin du centre de Kyongju. A l'intérieur d'une pinède, se dresse un petit pavillon abritant un monument en pierre. Le pavillon est longé par une pierre recouvrant la fameuse source. Comme dans la plupart des mythes fondateurs, on raconte que Pak Hyokkose est né d'un œuf céleste, découvert par le chef du village qui s'était rendu un jour à la source. Il avait remarqué un cheval blanc qui hennissait dans la pinède. Alors qu'il tentait de se rapprocher pour voir ce qui se passait, le cheval disparut dans le ciel, laissant derrière lui un gros œuf rouge. Ce dernier ayant éclos, laissa apparaître un garçon Le chef du village prit le garçon et l'emmena chez lui Au fur et à mesure qu'il grandissait, l'enfant manifestait une précocité et une intelligence remarquable. Et c'est seulement âgé de 13 ans qu'il devint roi Le prochain arrêt de notre visite des sites historiques des monts Nam est le pavillon P'osokchong. Il se trouve également sur le versant ouest de la montagne. Aujourd'hui, le pavillon n'existe plus mais le canal en forme d'ormeau qui acheminait l'eau vers le jardin est toujours là. Le canal en pierre tire son nom du caractère chinois qui désigne l'ormeau Les aristocrates de Shilla s'y rendaient pour se divertir et se détendre. Ils organisaient des banquets somptueux dans le pavillon et faisaient flotter des coupes d'alcool sur l'eau claire qui circulait dans le canal. Parfois, il y avait des concours pour voir qui se montrerait capable d'écrire un poème avant l'arrivée de la coupe d'alcool Ce lieu fut aussi le théâtre d'événements tragiques qui marquèrent la chute du royaume de Shilla. A la fin de l'automne 927, le roi Kyong-ae, connu pour son amour de la boisson et des femmes, était en compagnie de la reine et de plusieurs dames de la cour à P'osokchong quand des émissaires de l'ancien royaume de Paekche firent irruption lis mirent le roi en captivité et le forcèrent à se suicider. Les femmes présentes furent enlevées par les agresseurs. P'osokchong fut pendant 66
quelques instants un lieu rempli de sang et d'horreur. La mort du roi Kyong-ae, le dernier souverain de Shilla, marque la fin virtuelle du royaume. Les gens eurent alors tendance à se souvenir de P'osokchong comme d'un lieu de débauche, qui conduisit à la mort une brillante civilisation, mais des documents anciens attestent du contraire. Le roi Munmu (règne : 661-681) fit construire un tombeau sur le site à la mémoire des héros militaires et les hwarang, cette élite militaire du dit-on, s'y entraîna royaume de Shilla qu~ Aujourd'hui, l'eau d'une rivière proche murmure paisiblement et les oiseaux sommeillent dans la forêt. L'environnement naturel est aussi beau que celui d'autrefois lorsque le royaume était florissant mais la poésie et la danse ont disparu. C'est peut-être la raison pour laquelle P'osèSkchèSng est considéré le lieu le plus dépouillé des nombreux vestiges de Shilla. Après la chute du royaume, la nouvelle dynastie Koryo déplaça la capitale au nord, à KaesèSng, et Kyongju fut considéré comme un coin perdu L'ancienne capitale ne retrouva jamais sa gloire, et pendant la dynastie ChosèSn qui succéda à KoryèS, le bouddhisme fut condamné, sapant ainsi la culture de l'ancien royaume. Les pagodes furent démolies, les statues bouddhiques détruites et de nombreux temples furent réduits en ruine.
Les bouddhas de pierre et la légende. Malgré la tragédie liée au site, de P'osokchong et de ses environs émane une atmosphère chaleureuse et familière. Les tumuli qui parsèment le paysage donnent l'impression que la riche histoire de la région a fondu dans l'environnement naturel De même, les pagodes de pierre, les statues et les sculptures sont éparpillées dans les champs et les montagnes. C'est ce qui fait le charme unique de Namsan La vallée où se trouve P'osèSkchèSng abrite dix anciens temples. Le plus fameux est celui de Ch'angnirnsa, qui se dresse sur le site du premier palais de Shilla TI n'en reste plus aujourd'hui qu'une simple stèle en pierre qui porte une inscription gravée
par le calligraphe le plus renommé de Shilla, Kim Saeng (711-791). Au sud de P'osokchong se dressent trois bouddhas en pierre. L'endroit paraît avoir abrité un ancien temple mais il n'en reste aucune trace. Les bouddhas datent du milieu du XVIIe siècle. Leur visage reflète une certaine innocence plus que le regard bienveillant que l'on retrouve dans des figures plus tardives. Lorsqu'on se tient devant ces visages, leur sourire semble aspirer tous les soucis et les chagrins. Ces bouddhas de pierre symbolisent peut-être la puissance de la foi, le pouvoir de création d'un monde de paix par la croyance. Les trois bouddhas de pierre sont des sculptures très élaborées de face comme de dos. Les statues se caractérisent par la représentation tri-dimensionnelle des bras alors que la plupart des bras des bouddhas en pierre sont sculptés le long du corps pour prévenir les éventuels dommages. Parmi les très nombreuses représentations mises au jour à Kyongju, celles-ci ont bénéficié, du fait du haut niveau de l'art sculptural, d'une attention toute particulière, sans pour autant égaler la perfection de l'image de la grotte de SèSkkurarn Le plus grand bouddha de Namsan se trouve à Kumosan TI mesure 6,8 mètres de haut et 4 mètres de large et il a été sculpté dans la falaise. Ce serait la plus grande statue de Namsan si sa tête, qui a disparu, était comprise dans les dimensions. Le bouddha, à cause des lignes puissantes utilisées pour souligner les vêtements, est particulièrement saisissant De nombreuses pierres ont été placées à ses pieds pour remplacer les orteils perdus au cours des siècles. La seule dimension laisse percevoir la dignité qui devait s'en dégager quand il était intact La main droite du Bouddha est dirigée vers le bas, la gauche vers le ciel comme si elle commandait aux monts environnants. Au sud-ouest de ce lieu, se trouve le temple de Ch'onyongsa, à l'extrémité de Yolban-gol, "Ravin du nirvana". Sur le chemin qui y mène, on remarque de nombreuses roches aux formes étranges. Chacune porte un nom attaché à une légende qui date de l'époque du royaume de Shilla Selon celle-
c~
Un bouddha acéphale juché au faîte d'une pagode, au temple de Yongjang, sur le flanc occidental de Namsan
un ministre du royaume avait une très belle fille qui avait décidé de consacrer sa vie à oouddha, de renoncer à l'amour de ses parents et de repousser les avances de nombreux prétendants. Elle quitta la maison et partit pour Yolban-gol, délaissant, à l'entrée du ravin, ses beaux vêtements pour revêtir des guenilles. Le parfum de la femme attira les animaux sauvages de la forêt Elle était effrayée par leurs grognements mais elle continua sa marche à travers la forê~ son esprit tendu vers un seul but, atteindre le pays de oouddha. Elle sortit finalement du ravin où se trouvaient les bêtes sauvages et grimpa sur l'arête de la montagne. C'est alors qu'elle rencontra une vieille femme appuyée sur une canne qui la guida jusqu'à Ch'oyongsa, vers le cieL au Nirvana où la jeune femme se consacra à oouddha. A l'entrée de Yolban-gol se trouve une large pierre plate. C'est le lieu où la jeune femme changea de vêtements, laissant derrière elle les biens de ce monde. Le
chemin qui traverse le ravin est jalonné de rochers appelés -rocher du chat, du renard, du sanglier, de l'ours- en référence aux animaux sauvages qui harcelèrent la jeune fille alors qu'elle gravissait le chemin. Cette légende, les noms des rochers et le ravin reflètent la foi des gens de Shilla et leur riche imagination Les racines littéraires.
Le temple de Yongjangsa se trouve à l'extrémité du long ravin sur le versant ouest de Narnsan Sy dressent une pagode, un bouddha en pierre et un bouddha sculpté dans la falaise. La pagode se trouve au sommet et elle est visible de très loin Vue depuis la vallée, elle semble percer le ciel Elle est très représentative des pagodes du royaume de Shilla Ce qui rend ce site si particulier, c'est que le fameux lettré et poète Kim Shi-sup (1435-1493) demeura ici pendant quelque temps. A l'âge de 21 ans, l'enfant- roi Tanjong fut renversé par son oncle Taejo qui prit le pouvoir. Découragé
par la dépravation morale, Kim se rasa le crâne et devint un moine errant Son plus long séjour eut lieu à Yongjangsa. Cest ici qu'il écrivit Les nouvelles histoires de la montagne de la tortue d'or (Kumo Shinhwa), qui représente la quintessence de sa pensée et ses nombreuses années d'études. C'est aussi le premier roman coréen écrit en chinois classique. Yongjangsa fonctionna pendant 800 ans, de la période du royaume de Shilla jusqu'à Chosün n n'en reste plus rien aujourd'hui excepté des débris de tuiles et de poteries qui aoondent sur le site La beauté de Namsan tient dans l'harmonie paisible qui existe entre la nature et la culture. Cest un remarquable musée à ciel ouvert qui a résisté pendant des siècles au ven~ à la pluie et à la neige. A travers le temps, Narnsan a conservé la beauté et l'esprit d'une civilisation perdue. C'est peut-être le secret qui se cache derrière la sensation de mystère et c'est une expérience unique pour ceux qui visitent le site. + 67
L'ART COREEN A L'ETRANGER
Le rêve d'un homme
Musée d'art de KoryO Kim Kwang-on
Professeur en études folkloriques Université !nha
l y avait plusieurs magasins d'antiquités au sud de la station Keihan Sanjo, à Kyoto. Chüng Cho-mun passait souvent devant, et dès que son regard se posait sur la jarre en porcelaine blanche exposée dans la vitrine du magasin appelé Yanagi, il sentait immanquablement son coeur tressaillir. A chaque fois, il était envahi par une irrésistible envie d'entrer et de demander au commerçant : "Quelle sorte de jarre estce ?...". Mais comme à toutes les fois précédentes, il stoppait court à son élan, eStimant qu'un propriétaire d'établissement de pachinko (machine à sous) ne pouvait sbffrir un objet pareil Puis un jour, il prit son courage à deux mains, poussa la porte et demanda : "Combien coûte la jarre de la vitrine ?" , "500.000 yens", entendit-il En 1955, cela représentait une somme astronomique, du moins l'était-elle assez pour briser le coeur de Ch6ng : "Pourquoi est-ce aussi cher?''. "Et bien, avez-vous déjà vu une porcelaine blanche de la dynastie Yi plus belle que celle-ci ?", s'enquit doucement le jeune commerçant. "De la dynastie Yi ?'', s'étonna Ch6ng qui savait seulement que la dynastie Yi et la dynastie Choson revenaient au même. "Oui", confirma le commerçant "Elle date de plus de300ans." Quelques jours plus tard, Chong retourna chez l'antiquaire et en fit l'acquisition en payant par mensualités. Il lui
I
Le Musée d'art de Koryo
fallut un an pour le payer entièrement ll avait alors 37 ans. Cette jarre est le premier objet qu'il acheta pour fonder par la suite le Musée d'art de KoryO. Certes, le Japon compte plus d'un millier de musées, mais le Musée d'art de Koryo est le seul consacré aux objets anciens de Corée. Le plus impressionnant est sans doute que la plus grande majorité des 1700 pièces de sa collection furent réunies au Japon Ch6ng Cho-mun (1918-1989) est né à Umang-r~ Yech'èi-gun, dans la province du Kyongsang du Nord, en Corée. ll est issu d'une famille plutôt aisée, son grand-père
ayant été muté à Tokyo en 1898 après avoir réussi le kwag6, concours de la fonction publique. Celui-ci apprend les techniques de fabrication de médailles et obtient un poste dans une usine de médailles. Cepnda~ la fortune familiale commence à s'écorner lorsque le père de Chèing se rend à Shangai en 1918 pour se rallier au mouvement d'indépendance nationale contre les colonisateurs japonais. Peu de temps après son retour en Corée, il émigre à Kyoto avec son épouse, et ses deux fils Kwi-mun (8 ans) et Chcrmun (6 ans). Il achète une machine à coudre et s'efforce de joindre les deux bouts en faisant de la couture, mais il est trop souvent empêché dans son travail : presque tous les jours, détectives et agents de police viennent le harceler de questions au sujet de ses activités de résistance. Cher mun trouve du travail dans une boutique de tissus qui lui fournit une pension complète. Sa mère meurt, épuisée par le travail, en 1936. L'année suivante, alors que l'archipel se prépare à la guerre, le gouvernement proscrit la confection de vêtements teints selon les· méthodes traditionnelle, estimant qu'il s'agit de denrées luxueuses. C'est ainsi que l'entreprise familiale ferme, obligeant la famille à se disperser pour chercher du travail. Chèing s'installe à Osaka avec sa grand-mère et ses jeunes frères, et travaille comme docker. Quant à son père, il
Profondément affecté par la division de la péninsule, Chang Cho-mun nourrissait le désir ardent d'établir un musée d'art unifié qui ne reconnaisse pas la séparation du peuple coréen. Le Musée d'art de Kory6, tel qu'il existe aujourd'hui, est l'accomplissement de son voeu. 68
retourne en Corée avec sa nouvelle compagne et leurs trois fils. Après avoir mis un peu d'argent de côté, Chang emménage à Kyoto et ouvre un casino équipé de 50 machines à sous, le premier du genre à voir le jour dans la ville japonaise. Grâce à son sens des affaires et à son habileté, les affaires prospèrent. Il est même nommé à la présidence d'une association regroupant les propriétaires coréens d'établissements de divertissement de Kyoto, et participe activement à diverses activités sociales. Chang n'est jamais revenu dans son pays natal Bien qu'originaire du Sud, son coeur est tout au Nord. Profondément affecté par la division de la péninsule, il nourrit ardemment le désir d'établir un "musée d'art unifié" qui ne reconnaisse pas la séparation du peuple coréen. Le Musée d'art de Korya, tel qu'il existe aujourd'hui, est la concrétisation de son voeu Chang a choisi de l'appeler ''Korya" en souvenir du premier royaume unifié de Corée qui porte ce nom. On sait que les collectionneurs d'objets d'art n'hésitent pas à entreprendre de
Une jarre en porcelaine blanche de la dynastie Choson décorée d'un dragon et den uages (ci-dessus); objets d'art coréens (ci-dessous) du Musée d'art de Koryo
longues pérégrinations pour dénicher ce qui les intéresse, mais la passion de Chang est tout autrement extraordinaire. L'intensité de sa passion se traduit par le besoin impératif qu'il éprouve de voir l'objet même s'il n'a pas les moyens de l'acquérir. Puis, il ne peut se contenter de juste voir, il doit le toucher. Si la pièce en question a une certaine valeur, une sorte de folie s'empare de lui, l'acculant à des actes irraisonnés. Cette passion intense n'émane pas d'un simple engouement pour des objets d'art, mais d'une volonté tenace de retrouver tout ce qui est coréen et possédé par les Japonais. Ueda, un professeur à l'université de Kyoto, fervent admirateur ~t allié de Chang se rappelle : "Sa fatouche détermination à retrouver les pièces d'art d'origine coréenne, emportées par les Japonais durant la colonisation de la Corée, et sa persévérance à vouloir rassembler tout ce qui se trouvait au Japon étaient admirables. Chacune des pièces de sa collection a été acquise à force de sang, sueur et larmes."
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magazine. Il m'a dit : "]'ai 50 ans. ]'ai économisé un peu d'argent et je voudrais le dépenser à des fins utiles''. Je pensais en mon for intérieur qu'un magazine lancé par un vieil homme, propriétaire d'une maison de patchinko et d'un restaurant ne publierait pas plus de trois numéros. Mais j'ai accepté, pensant que cela serait
L'influence coréenne sur la culture japonaise
Après avoir établi la Compagnie culturelle de Choson en 1969, Ch6ng fonde un trimestriel intitulé Culture de la Corée au japon La revue, dont la 50ème et dernière édition a été publiée en juin 1981, se révèle particulièrement influente comme en témoigne un extrait d'un article de presse paru dans le quotidien japonais Kyoto Shinbun ''Ce magazine consacré à la portée des arts et de la culture coréenne pourrait inciter à croire que le Japon ne serait rien sans le peuple ni la culture de l'ancien Choson. Nulle autre revue n'a causé de choc aussi profond parmi les historiens japonais les plus reclus dans leurs préjugés... " Le rédacteur en chef du magazine est Kim Tal-su, éminent historien de ~ouche coréenne vivant au Japon. Il se donne pour la mission de révéler l'étendue de l'influence -de la Corée sur l'histoire et la culture nippones. Il contribue à la diffusion de l'information selon laquelle les Coréens ayant émigré au Japon au lUe siècle avant notre ère, fondèrent une nation dans l'archipel et forgèrent une culture de base sur laquelle s'édifia celle du Japon L'un des aboutissements de ses efforts est la substitution du terme kikajin "citoyen naturalisé" ou ''titulaire de papiers de naturalisation", employé par les historiens japonais pour désigner les Coréens ayant obtenu la nationalité japonaise, par celui de terajin, "immigré d'outre-mer" terme également mis en usage dans les manuels scolaires. Au débu~ Chong envisage d'imprimer entre 50 et 100 exemplaires de la première édition de la revue, mais face à l'afflux des demandes, il en imprime 2000, puis 5000 pour le deuxième numéro. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes quant à l'intérêt suscité par la revue. En 1972, Chong, son frère et Kim Tal-su organisent un voyage en groupe pour permettre aux lecteurs de découvrir les objets anciens dérivés de la culture coréenne éparpillés à travers le Japon, et de voir d'eux-mêmes ce qu'ils ont lu dans le magazine. L'idée séduit : plus de 500 personnes souhaitent s'inscrire mais le 70
amusant''.
Une coupe de céladon incisée, dynastie Koryo
nombre de places est limité à 200. Kim Taisu et le professeur Ueda dirigent le premier voyage dans une région près d'Asuka. nest suivi de 29 autres. L'originalité du magazine réside dans le fait qu'il rapporte intégralement le contenu de débats organisés entre quatre ou cinq spécialistes sur un sujet donné. Non seulement les experts de l'histoire du Japon, mais aussi le grand public manifestent leur plus grand intérêt La rubrique table ronde est le déclic qui fait monter la cote de popularité du magazine qui est alors tiré à 5000 exemplaires. Une série de discussions sont finalement publiées dans un ouvrage intitulé Anciens japon et Choson, lequel est suivi de quatre autres livres similaires. D'importantes thèses parues dans le magazine sont également reprises dans Culture japonaise et Corœ Plusieurs Japonais collaborent avec Ch6ng Cho-mun depuis le début du lancement du magazine à la création du musée d'art L'un d'entre eux est Ryotaro Shiba, écrivain. Ils vivent dans le même quartier mais ils ne se connaissent pas encore, s'échangeant seulement de courtoises salutations lorsqu'ils se croisent au cours de leur promenade matinale dans un parc à proximité. Parlant de Chong, Shiba se souvient : un jour, il m'a demandé de l'aider parce qu'il voulait créer un
Les lignes suivantes sont extraites du discours commémoratif de Kyoichi Arimitsu, directeur du Musée d'art de Koryo, prononcé lors des funérailles de Shiba en février 1996 : M. Shiba et M. Ch6ng, fondateur et premier président du comité de direction du Musée d'art de Koryo, entretenaient une amitié si intense qu'ils auraient sans hésiter donné leur vie l'un pour l'autre. Dès la création du musée, M Shiba a joué un rôle majeur et aidé M Chong à publier Culture coréenne au japon. Nombre de nouveaux et talentueux écrivains, historiens et archéologues ont été \aptivés par M. Chong et ont coopéré depuis le début "avec la plus grande passion", comme l'avait dit un jour M.Shiba. Ce dernier a participé à 12 des 50 tables rondes organisées par le magazine, parmi lesquelles quatre ont été reportées dans les dix premiers numéros. Ceci révèle la profondeur de la passion et du dévouement de M. Shiba pour le magazine. Il est possible que l'idée des débats viennent de lui (. .. ). M Shiba est la seule personne qui ait vraiment compris M Chong Cho-mun, et il n'a pas hésité à lui prodiguer des conseils concernant la création et la gestion du Musée d'art de Koryo.(. .. ):' Le professeur Ueda mérite également de la reconnaissance pour sa coopération et sa collaboration. Il a raconté ceci en évoquant les circonstances dans lesquelles il rencontra les frères de ChÔng et Kim Tal-su : 'Je ne les connaissais pas encore, mais eux savaient qui j'étais à cause de mon livre Denizen qui a été publié en 1965. Un jour, c'était en été, ils sont venus assister à un cours que je donnais à l'université Ritsumeikan Je ne l'ai su que bien plus tard. Je suppose qu'ils étaient venus pour voir quel type de personne
fétais. .."
procédures légales. Renonçant finalement
Chüng Chcrmun soignait le projet de son magazine et cherchait des collaborateurs. Ueda a écrit régulièrement pour la revue depuis 1%9, et joué un rôle important dans la création du Musée. Quelques-uns des autres Japonais ayant grandement contribué à la publication de Vestiges de la culture coréenne au japon sont Tatsusaburo Hayashi, Takashi Umehara, Mitsusada Inoue, Seicho Matsumoto, Koichi Mari, Tei~ Kadowk~ Kyoichi Arirnitsu, Yasushi !noue et Encho Tamura, tous des personnes qui font autorité dans leur domaine, En trente ans, Chong a réuni un total de 168o objets anciens coréens au Japon Lorsque le temps arrive pour lui de réaliser son rêve, Chong met d'abord sur pied une fondation à laquelle il fait don de la totalité de sa collection selon les
à acheter un terrain, les prix étant exhor-
Unflaconenpunch'ongavecdesmotifs floraux. dynastie Chosi5n (d-dessus); vestiges en pierredanslejardin du Musée d'artdeKoryo(d-dessous)
bitants, et les sites les moins chers mal placés, il décide de raser sa propre demeure (préfecture nord de Kyoto), et fait construire son musée à la place. Le Musée d'art de Kory6 (avec un étage en soussol), une structure d'acier et de béton de 450 m2, ouvre le 25 octobre 1988. Le musée ne représente pas seulement l'accomplissement d'un rêve d'un individu, Chong Chcrmun li reflète aussi le chagrin inconsolable des Coréens du Japon, nostalgiques de leur mère patrie divisée. Un an après l'ouverture du musée, un institut de recherche affilié a été établi. L'institut est versé dans les activités les plus diverses, et depuis mai 1996, il a organisé 58 conférences sur la culture coréenne.+
Le musée ne représente pas seulement l'accomplissement d'un rêve d'un individu, Chang Chamun. Il reflète aussi Je chagrin inconsolable des Coréens résidant au japon, nostalgiques de leur mère patrie divisée. 71
ARTISTES COREENS A L'ETRANGER
Les peintures de
Nikolai Sergeevich Shin Choi Tae-man Critique d'art
a détresse de personnes vêtues du costume traditionnel coréen ; les affres d'une tragédie et d'une souffrance accablantes ; le désespoir et l'affliction des déracinés qui ont dû porter le lourd fardeau de l'histoire : tous ces messages sont clairement délivrés par des images fortes de style baroque, soutenues par des couleurs claires et sombres qui assurent l'effet de contraste. Les peintures de Shin Sun-nam retracent un sombre chapitre de l'histoire coréenne, qui n'a pas été vécu par la plupart des Coréens mais dont ils ont entendu parler. Elles revêtent une signification particulière dans la mesure où elles sont pour la plupart la transposition sur toile des expériences douloureuses vécues par le peintre luimême. Shin Sun-nam, coréano-russe de la troisième génération d'immigrés, habite Tachkent, en Ouzbékistan, et utilise son nom russe Nikolai Sergeevich Shin. Avant mon voyage en Ouzbékistan pour le rencontrer, je connaissais à peine l'Asie centrale, si ce n'est que quelques histoires romantiques ou fantaisistes en rapport avec la route de soie qui servit autrefois de carrefour entre les cultures occidentale et orientale. Le fleuve Amu-Daria, que les anciens Grecs ont appelée Oxus, prend sa source au sommet du plateau de Pamir, traverse l'Afghanistan et l'Asie centrale pour se jeter dans la mer Aral, et rejoint l'affluent du Narin, lequel jaillit des montagnes Tien Shan, à l'est de Syr-Daria. Au nord se déploie le vaste désert de Kyzylkoum,
L
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Shln Sun-nam
Les peintures de Shin Sun-nam retracent un sombre chapitre de l'histoire coréenne, qui n'a pas été vécu par la plupart des Coréens mais dont ils ont entendu parler. Elles revêtent une signification particulière dans la mesure où elles sont pour la plupart la transposition sur toile des expériences douloureuses vécues par le peintre lui~mêe.
dont les sols regorgent d'eaux souterraines. Ce qui explique le développement de villes autour d'oasis telles que Heeba, Boukhara, Samarkand et Tachkent, en plein coeur de l'Ouzbékistan, au centre de l'Asie centrale. L'Ouzbékistan a été établi en 1924. Influencés par la révolution r.usse, les Ouzbeks des trois régions Hans dont Boukhara, Heeba et Kokant Han, conquises par la Russie tsariste, ont instauré leur propre gouvernement en s'inspirant du régime communiste soviétique. Avant la création de la République d'Ouzbékistan, la région est le théâtre de batailles incessantes et de nombreuses agressions, dont l'enjeu est la main mise sur le point de jonction reliant l'Orient et l'Occident. Les conflits remontent aux environs de 400 av. J.-C, lorsq4e les armées d'Alexandre le Grand ayant conquis l'Empire perse atteignent la cité de Boukhara. L'essor de la dynastie perse Sassanide en Iran contribue à la diffusion de la religion islamique dans la région de l'Asie centrale. En 1219, le Mongol Genghis Khan s'empare du pouvoir de cette région après avoir obtenu la reddition des peuples de Samarkand et Boukhara. En 1370, Timur (Tamerlan), un descendant de Genghis Khan, édifie un empire qui s'étend de Moscou, jusqu'à Delhi. Malheureusement, la brillante civilisation qui s'est développée et prospérait dans la région sous le règne d'Ouloug Beg, le petit-fils de Timur, décline suite à des luttes de pouvoir entre les tribus qui cherchent à agrandir
leur territoire. Ainsi, l'Empire de Timur se disloque progressivement et le territoire est divisé en trois nations Han, qui par la suite sont colonisées par l'Empire russe. Selon l'histoire chinoise, cette région dite Xiyu, "Frontière occidentale" est connue sous le nom de Xinjiang, située dans l'ouest de la Chine et habitée par les Ouïgours. Ce nom chinois peut également désigner les régions de l'Asie centrale, couvrant partiellement la Perse, et comprenant l'Asie mineure, la Syrie et le Moyen-Orient. Vers la fin de la période des trois Etats Han, la Chine a un premier contact avec la civilisation occidentale, lorsque Han Wudi envoie le général Zhang Qian à la frontière occidentale pour exterminer les Huns. Les expéditions militaires du général Zhang Qian échouent, mais elles ouvrent la route de la soie. Xuan Jiang, un moine bouddhiste de la dynastie chinoise des Tang et auteur de Voyage à l'ouest du territoire des Tang décrit son périple qui l'a amené à traverser le massif accidenté de Hindou Kouch, le plateau de Pamir et l'Asie centrale. Il a ramené d'Inde d'importants textes notamment les Ecritures bouddhiques et des statuettes. Les cultures de l'Asie centrale sont très peu explorées par les Coréens. Pendant le règne du roi Kyongdok (règne: 745762) de Shilla, un moine bouddhiste nommé Hyech'o rédige un ouvrage intitulé journal de voyage dans les cinq royaumes d'Inde, où il raconte qu'au cours de son voyage en Inde, il traversa la mer et vi~ta à son retour Boukhara et Samarkand avant d'atteindre sa destination finale, Changan, la capitale chinoise des Tang, en 727. L'expédition du général Ko Son-ji, un descendant du royaume Koguryo, naturalisé chinois à l'époque des Tang, révèle l'Asie centrale à la Corée. En 747, à la tête d'une armée de 10.000 soldats, le général franchit le Pamir et assujettit 72 tribus installées le long de la frontière à l'ouest, lesquelles s'étaient alliées à l'Empire sarrasin en guerre contre les Tang. Trois années plus tard, il entreprend une seconde expédition pour conquérir Tachkent.
Requiem, 1986-1990, détail d'une peinture mesurant 300 x 4400 cm (en haut); Shin
(debout à l'extrême gauche), ses fils (2ème rangée, 1er et 2ème à partir de la droite) et d'autres membres d'une association d'artistes 73
Une chanson, 1988,300 x 800 cm
Bien qu'ils forment une minorité dans la région, les Coréens d'Ouzbékistan ont surmonté les épreuves douloureuses de leur passé et sont fiers de leur citoyenneté ouzbek. Cependant, peu de gens pourraient imaginer la souffrance que ces Coréens ont dû endurer, forcés d'abandonner Je peu qu'ils possédaient à Primorsky Kray et de recommencer leur vie en terre inconnue. 74
Des documents datant de la période de Shilla unifié (668-935) font mention de l'arrivée de nombreux Occidentaux, notamment des marchands Arabes, à Chèinghaejin, ville de garnison construite par le général Chang Po-go près de l'île Wando, (province du Chèilla du Sud). II en est de même dans d'autres ports coréens durant la dynastie Koryèi (9181392), lorsque le commerce maritime est en plein essor. Cependant, l'Asie centrale demeure encore une contrée peu connue de la plupart des Coréens. Le premier contact significatif est amorcé lorsque Joseph Staline décide la déportation des Coréens habitant Primorsky Kray (province maritime de la Sibérie), dans les années 1930, les accusant de collaporer avec les Japonais. Ainsi, ce sont environ 300.000 Coréens qui sont condamnés à l'exil. Mis de force dans des trains de marchandises à destination de l'Asie centrale, ils endurent un pénible voyage de plusieurs jours et nuits. Lorsqu'ils traversent la Sibérie, entassés dans des compartiments non chauffés, de nombreux enfants et personnes âgées meurent de froid et de faim. Et beaucoup de ceux qui survivent à ce long et terrible voyage ne résisteront pas à la dureté des conditions de vie de l'Asie centrale. Mais grâce à leur ténacité et leur énergie, ils réussissent à rendre féconde une terre stérile. Bien qu'ils forment une minorité dans la région, les Coréens d'Ouzbékistan ont surmonté les épreuves douloureuses de leur passé et sont fiers de leur citoyenneté ouzbeke. Cela étant, on imagine sans mal qu'ils ont dû souffrir, forcés d'abandonner le peu qu'ils possédaient à Primorsky Kray et de recommencer leur vie en terre inconnue. En 1991, année du démantèlement de l'Union soviétique et de l'accession à l'indépendance de la République d'Ouzbékistan, la population compte pour une grande majorité des Ouzbeks et des Russes, et de nombreuses minorités ethniques : Tatars, Kazakhs, Tadjiks, Karakalpaks et Koryèi-in (9%), littéralement peuple Koryèi. Ils ne se reconnaissent ni sud-coréens ni nord-
Requiem V,1984-1987,200x1200cm
coréens. lis se disent kareis~ un terme russe désignant les émigrés coréens, éprouvés par la tragédie et la douleur de la division de leur pays d'origine. Peu de choses ont été dites en Corée sur cette ethnie coréenne avant l'établissement des relations officielles entre Séoul et Tachkent Mais avec l'ouverture favorisée par le développement des échanges, les nationaux ont commencé à s'intéresser davantage aux Coréens et aux artistes coréens vivant de ce pays.
Du chant funèbre au chant de gloire L'artiste Shin est né en 1928, à Dalnevostok, à Primorsky Kray, une ville située près de Nahodka. Son père disparaît lorsqu'il a quatre ans. Sa mère se remarie un an plus tard. Lui et ses deux soeurs sont élevés par leur grand-
mère qui est veuve. En 1937, la famille est forcée d'émigrer en Asie centrale suite à la politique de déportation de Staline. La famille s'installe au Kazakhstan, puis en Ouzbékistan en 1940. Depuis, elle vit à Tachkent Persuadée de la nécessité de donner une instruction aux garçons, la grandmère envoie Sun-nam à l'école en dépit des difficultés financières de la famille. n achève ainsi ses études d'art à l'école P.P. Bankov à Tachkent, et s'inscrit à l'Institut d'art A. N. Ostrovsky. L'art du jeune Shin est révélé pour la première fois au public lorsqu'il remporte le grand prix au Festival international des jeunes de Moscou en 1957. La même année, il reçoit un second prix au Festival des jeunes artistes d'Ouzbékistan. Puis, il est récompensé du prix de Meilleur artiste par le gouvernement Ouzbek en 1978.
Artiste taciturne et à l'air grave, Shin est considéré comme un des meilleurs artistes d'Ouzbékistan Il s'impose parmi les artistes occidentaux en organisant une exposition individuelle à Moscou en 1990, suivie d'une autre à Tachkent l'année suivante. Se contentant d'un salaire modeste de 50 dollars par mois, il enseigne l'art à l'école dont il sort diplômé en 1955. Sa série de peintures sur l'immigration du peuple coréen, qu'il commence à la fin des années 1980, attire l'attention de la communauté étrangère de Tachkent Il bénéficie de subventions des Fonds d'entreprise Asie-Amérique grâce aux bons offices d'Anthony Shephard et Associés à Tachkent. Ce soutien financier lui permet de tenir une grande exposition rétrospective au Musée d'art moderne en Ouzbékistan en 1995. 75
Ma première impression de l'artiste Shin était celle d'un vieil homme typiquement coréen, à l'air têtu. La rareté des propos échangés montrait qu'il était visiblement très fier de lui-même. La droiture et l'obstination que lui a sans doute taillées sa longue vie d'artiste, transpirent à travers son comportement. Insistant sur le fait que son art n'a jamais été une source de récompenses en terme pécunier, M. Shin a les traits de l'homme sage attaché aux valeurs coréennes. Ayant vécu toute sa vie à l'étranger, il ne parle pas le coréen. Et pourtant, dans son coeur il est coréen Il a exprimé son amour pour son pays natal à travers son art, ce qui provoque une émotion particulière chez les Coréens. Au début, j'étais persuadé que les oeuvres de M. Shin seraient influencées par le réalisme socialiste et les tendances artistiques développées sous l'ancien gouvernement soviétique. En fait, si certaines oeuvres de ses débuts semblent suivre la tendance réaliste, il a su forger au cours des années suivantes un style particulier, propre à lui. Il possède une connaissance très approfondie de l'histoire de l'art et ses oeuvres n'appartiennent à aucune tendance artistique ayant vu le jour jusqu'à aujourd'hui. Son art a transcendé les frontières qui cloisonnent le réalisme classique, l'impressionnisme, le cubisme, le constructivisme, et le surréalisme. ]'étais impressionné par la quantité de livres d'art contenus dans sa bibliothèque. Comme s'il avait voulu montrer l'étendue de ses connaissances sur l'art occidental, il a imité des peintures de l'époque de la Renaissance, celles de grands maîtres tels que Léonard de Vinci, Michel Ange et Raphaël. Du point de vue d'un critique d'art, son oeuvre pourrait être découpée en trois périodes : la première, la joie de vivre, où Shin peint surtout les aspects positifs et optimistes de la vie et du monde. Les oeuvres représentatives sont notamment celles qui immortalisent le jour de son mariage, avec des abricotiers roses en pleine floraison, et des 76
Les symboles religieux et les idées sous-jacentes qui apparaisent dans les oeuvres de M Shin confirment l'influence exercée par son père, bouddhiste, et de sa mère, chrétienne. Cepnda~
ses plus
grandes sources d'inspiration sont les coutumes traditionnelles coréennes qui ont été transmises oralement au fil des siècles.
moments de bonheur partagés avec son épouse, dans la banlieue de Sukok, où ils ont vécu ensemble et qu'il décrit comme un paradis terrestre. Malgré les souffrances et les difficultés que l'artiste coréen a endurées durant toute sa vie, les oeuvres de cette époque dépeignent le monde sous un jour optimiste et positif. Par exemple, Sukok, l'oeuvre de style conte de fées, racontant le bonheur de tous ceux qui habitaient la communauté, tend à affirmer que le monde des hommes et la nature sont en parfaite harmonie. Puis succède la série des Requiem, peintures réalisées au cours de sa période nébuleuse, et en même temps ses chefs-d'oeuvre. Avec une composition tragique rendue par l'emploi de couleurs sombres)es travaux du peintre sont entièrement consacrés au vécu douloureux de tous les Coréens qui furent contraints d'abandonner leur foyer dans l'extrême est de la province maritime pour se réinstaller en Asie centrale. Ces oeuvres retracent en quelque sorte cet exode forcé et sont dédiées à tous ceux qui ont perdu la vie en tentant de reconstruire leur vie dans leur nouvelle terre d'accueil, aride et sèche. Parmi celles-ci, on trouve des scènes de funérailles d'enfants et de
parents morts ayant succombé à la maladie ou à la faim. Par exemple, Requiem V, peinture exécutée entre 1984 et 1987, met en scène des mères pleurant leurs enfants morts ; leur visage imprimé de la douleur profonde et leurs expressions symboliques rappellent étrangement les fameuses peintures murales de la révolution mexicaine des années 1920. Ou encore, les oeuvres de Picasso des années 1950. Toutefois, les séries de Shin Su-nam sont uniques dans leur genre. La bannière rouge faisant allusion à une élégie, la coiffe en toile de chanvre et les vêtements de deuil sont des accessoires typiquement coréens utilisés lors de funérailles en Corée. Les emblèmes et les vêtements de deuil blancs sont mis en contraste avec l'atmosphère funèbre créée par les expressions tristes et douloureuses des personnes, rappelant la passion des oeuvres baroques. Shin a commencé à s'intéresser à l'émigration du peuple coréen dans les années 60, mais la plupart de ses oeuvres majeures, dont La mère et sa fille qui dépeint une scène douloureuse de funérailles, datent des années 80. Là, une mère affligée par la mort de sa fille allume une bougie. Les couleurs dominantes sont le noir et le rouge, un peu de blanc pour l'effet de contraste. C'est un hommage rendu aux Coréens morts à cette époque. Les. symboles religieux et les idées sous-jacentes qui apparaissent dans les oeuvres de M. Shin confirment l'influence exercée par son père, bouddhiste, et de sa mère, chrétienne. Cependant, ses plus grandes sources d'inspiration sont les coutumes traditionnelles coréennes qui ont été transmises oralement au fil des siècles. La pièce maîtresse de sa série Requiem est une gigantesque mozaïque ( 44 mètres de long) de petites toiles de 22,2 mètres. On dirait un vitrail ou une peinture murale. L'ensemble de la peinture n'est pas aussi sombre ou triste comme la plupart de ses oeuvres, et présente une compos1t10n plus complexe et réaliste. Quel que soit le style adopté, d'une manière générale,
l'oeuvre de Shin représente le malheur des hommes face à la mort. S'il peut paraître obsédé par la mort, Shin a voulu transposer dans ses toiles davantage le fait que les descendants des émigrés ont réussi à surmonter les difficultés et les adversités en rendant une terre stérile cultivable. En devenant citoyens ouzbeks à part entière, les Coréens peuvent désormais exercer leurs droits et aujourd'hui, ils profitent pleinement de la vie malgré les expériences douloureuses du passé. A partir de 1990, les symboliques religieuses et la tragédie disparaissent de son oeuvre. Il s'oriente vers un style plus abstrait et adopte un ton plus gai. Il s'agit de la troisième
période de sa vie artistique. De celle-ci, on remarque Un chant, peinture exécutée sur une toile de 52 mètres de long, et dont le titre traduit une transition Elle met en scène un roi, un poète et une servante. Son style est plutôt graphique et abstrait. Au lieu d'images pathétiques, il utilise de nombreuses représentations idéographiques qui remontent loin dans le passé de l'histoire ouzbek, et à travers lesquelles il semble dire qu'il a d'une certaine manière accepté la vie telle quelle est. Ainsi, Les éventails animés démontre sa passivité et sa résignation devant le destin, décrivant les morts de ce monde partant vers un autre monde.
Le style abstrait de ses oeuvres des années 90 montre l'influence de l'absolutisme et de l'art avant-gardiste russe. Ayant des fils et belle-filles artistes professionnels comme lui et sachant que sa petite-fille espère devenir peintre plus tard, il veut probablement montrer l'exemple aux siens. Lorsque ses peintures ont été exposées pour la première fois au Musée national d'art contemporain de Séoul, les amoureux de l'art ont admiré les chefsd'oeuvre nées de sa passion nourrie pour la Corée et les Coréens qui ont vécu une expérience douloureuse dans le passé dans l'Asie centrale. +
Médaillons Sukok, 1987,170 x 240 cm 77
A LA DECOUVERTE DE LA COREE
Le ginseng coréen NamKi-yeul
Chef de la division pharmacologique du ginseng Institut coréen de recherche sur le ginseng et le tabac
out un chacun veut mener une longue vie et rester en bonne santé, sans maladies ni souffrances. Le ginseng, appelé insam en coréen, est depuis longtemps utilisé en médecine orientale comme tonique ou remède d'urgence pour maintenir en vie les personnes gravement malades. Ensuite, il a été recherché pour ses mystérieux pouvoirs de régénération, de prolongation de la jeunesse et de la vie. Pour ces raisons, le ginseng a souvent été utilisé comme un tribut, jouant un rôle politique et économique en Corée, en Chine et au Japon On ne sait pas quand on commença à l'utiliser en médecine. Quoi qu'il en soit, le ginseng est mentionné dans le ]ijiuzhang un livre d'histoire écrit par Shi-you au début de la période Han, et il y a une mention détaillée sur le ginseng dans le Shennong bencao-cbien, rédigé environ 100 ans av J.C., le plus vieil ouvrage de pharmacopée chinoise. Par ailleurs, sur les 113 prescriptions contenues dans le plus vieux manuel de clinique chinoise, le Shanghan zabinglun, qui fut écrit par Zhang Zhong-jing à la fin de la période Han (19&219), et qui est toujours consulté, 21 concernent le ginseng. Selon des travaux chinois datant du VIe siècle et reportés dans le Mingyibielu , un livre de médecine dû à Tao Hong-jing de Liang et dans le Shennong bencao-cbien, il y avait trois grandes régions où le ginseng poussait naturellement : les monts Taixing, à l'est de ce qui est aujourd'hui la province de Shanxi, les monts Changbai qui
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Le ginseng, appelé insam en coréen, est depuis longtemps utîlisé en médecine orientale comme tonique ou remède d'urgence pour maintenir en vie les personnes gravement malades. Ensuite, il a été recherché pour ses mystérieux pouvoirs de régénération, de prolongation de la jeunesse et de la vie.
s'étendent au sud de la province de Jilin et à l'est de la province de Liaoning, enfin les monts Paektu au sud, lesquels couvrent une partie de la péninsule coréenne. En Corée, le ginseng fut employé à des usages médicaux après que son efficacité eût été prouvée par des expérimentations empiriques pendant la période des Trois Royaumes (Ier siècle av].C. -VIle siècle ap].C.). On rapporte dans le Mingyi-bielu que du ginseng sauvage fut envoyé en Chine en 513 par le royaume de Paekche et à plusieurs reprises, entre 435 et 546, par le royaume de Koguryo. Historiquement, la culture du ginseng, dans certaines régions, fut pratiquée soit par des royaumes unis, qui prospérèrent et déclinèrent successivement, soit par de puissantes tribus. Selon le Chajing (le livre du thé), écrit par Lu Yu de la dynastie chinoise Tang en 758-760, le ginseng de meilleure qualité provenait de Shangdang, celui de moyenne qualité de Paekche et de Shilla, et celui de plus basse qualité de Koryü. Cependant, on lit dans le Bencao kangmu, une encyclopédie des herbes publiée en 1590 par Li Shizhen pendant la dynastie Ming, que la culture du ginseng à Shangdang déclina et que celles des monts Taixing et de Mandchourie s'épuisèrent, ce qui obligea la dynastie Ming à dépendre des productions de Paekche, Shilla et Koryo. En termes de qualité, celui de Paekche fut très estimé, suivi par celui de Koryo. Le ginseng de Paekche était décrit comme mince, ferme et blanc alors que celui de Koryo, épais et doux, n'était pas aussi bon
A cette époque, Koryo dépendait de la région de Liaodong dans le sud de la Manchourie, région principale de la culture du ginseng chinois ; et Paekche, qui correspond aujourd'hui aux provinces du Kyonggi et du Ch'ungch'ong, était la zone principale du ginseng coréen. En résumé, on peut dire que la supériorité du ginseng coréen se retrouve dans les sources historiques.
Qu'est-ce que le ginseng -coréen ? Sur le plan botanique, le ginseng est une plante de la famille des Araliacées, du genre panax, dont les racines sont utilisées en médecine. Etymologiquement panax vient du grec ;xm , qui signifie tout , et d'axas, qui signifie panacée. Parmi les nombreuses plantes qui appartiennent à cette famille, trois espèces sont cultivées pour des raisons économiques et commerciales : le ginseng panax C.A Meyer, que l'on trouve en Asie du nord-est, y compris en Corée et en Chine, le ginseng américain, panax quinquefolium Linne, qui pousse aux Etats-Unis et au Canada, et le ginseng Tenchi (ou Sanghi), panax notoginseng (Burk) F.H Chen Le ginseng américain et Tenchi ne sont pas de la même es~c que le ginseng coréen, et quand on mentionne le ginseng, on entend le plus souvent le panax ginseng CA. Meyer. Celui qui est cité dans les vieux livres de médecine chinoise, utilisé dans des buts médicaux depuis plus de 2000 ans, et aujourd'hui reconnu comme l'une des substances les plus importantes de la médecine traditionnelle, n'est autre que le ginseng coréen. Historiquement, Koryo commença à être connu à l'étranger grâce à son ginseng, par conséquent le ginseng cultivé et produit fut surtout connu comme étant le ginseng coréen Le ginseng coréen rouge, qui est produit sous le contrôle du gouvernemental de la régie des tabacs et du ginseng, est particulièrement bien connu. On choisit avec précaution les racines de six ans d'âge ce qui correspond à la qualité standard établie par le gouvernement coréen pour être vendu sur le marché ou être utilisé pour la
Racines de ginseng frais
fabrication de produits pharmaceutiques. Le ginseng coréen est plus dense et de qualité supérieure que ceux de Chine et du Japon Son odeur particulière fait qu'il est facilement reconnu par les commerçants étrangers. Depuis longtemps, le ginseng coréen est recherché pour sa qualité supérieure et son efficacité en médecine. Il a été primé à Hong Kong et à Taïwan, deux des plus grands marchés mondiaux de ginseng. Sa réputation exceptionnelle a entraîné l'apparition de "faux" ginseng rouges . Comment le ginseng coréen a-t-il obtenu ces caractéristiques ? En herboristerie, le lieu où une herbe est cultivée est extrêmement important parce que le climat et le sol affectent la
qualité de la plante. Il est généralement admis que la qualité du ginseng coréen vient des méthodes de culture hautement développées et parce que le climat et le sol sont ici particulièrement propices.
La culture du ginseng Quand la culture du ginseng commença-t-elle en Corée? Avant la mise en place de la culture, le ginseng récolté était sauvage. Le ginseng sauvage, sansam, ou ginseng des montagnes, était considéré comme une denrée importante, politiquement et économiquement, depuis la période des Trois Royaumes. Mais compte tenu de l'accroissement de la demande, les réserves s'épuisèrent. Pour répondre à 79
cette demande on commença à le cultiver. Au début, des graines de ginseng sauvage et des jeunes pousses furent cultivées dans les montagnes, mais plus tard, on se servit de méthodes, qui existent toujours, et qui utilisent l'ombre artificielle. Pour certains, la culture du ginseng en Corée commença il y a plus de mille ans ; mais des archives indiquent que la culture intensive débuta sous le règne du roi Sèinjo (règne : 1567-1608) lors de la dynastie Chosèin puisque le ginseng sauvage ne suffisait plus à répondre à la demande. En 1728, le ginseng sauvage coréen et les méthodes de culture ont été introduits au Japon. Sur le plan de la botanique, le ginseng est très différent des autres plantes et sa culture implique des procédés complexes. Le ginseng préfère l'ombre, en cela il est indispensable de le protéger du soleil. Parce qu'il croît à l'ombre, sa photosynthèse est plus pauvre que celle des autres plantes et les racines ne vont pas profondément dans le sol. Une racine de six ans pèse
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environ 90 grammes. La racine de ginseng est plutôt fragile, contrairement aux autres plantes, il n'y a pas de différence entre la coiffe de la racine et les radicules. Le ginseng est plutôt frêle et sa capacité à absorber les éléments nutritifs est faible. Il ne peut pas être traité avec des engrais chimiques trop concentrés. Puisque la croissance et le développement du ginseng dépendent du sol et de la topographie, le choix méticuleux et la préparation du sol sont indispensables pour la culture de la plante. Par ailleurs, il n'est pas possible, après une récolte, de cultiver le ginseng sur la même terre pendant au moins dix ans. En Corée, les graines sont plantées dans une pépinière jusqu'à l'obtention de jeunes pousses. Quand elles ont atteint une certaine taille, on sélectionne les meilleurs plants pour les planter dans un champ. C'est en raison de la préparation des sols et des méthodes de transplantation que le ginseng coréen a une forme unique, celle d'un corps humain.
Les effets médicaux. Dans le Shennong bencao-chien, un texte classique de la médecine chinoise écrit il y a 2000 ans, on lit que le ginseng "protège tous les organes, calme l'esprit, arrête les symptômes de la peur, prévient les infections, nettoie les yeux et ouvre le cœur, et s'il est pris pendant longtemps, le corps sera plus léger et l'espérance de vie plus longue". Le ginseng coréen est le supplément le plus indiqué lorsqu'une personne n'a pas suffisamment de k~ ou pour celles qui ont une constitution faible. Le ki est l'énergie vitale interne qui régularise le fonctionnement des organes et le niveau de l'énergie. Une insuffisance de ki peut provoquer une baisse d'énergie et plus généralement fragiliser la santé. C'est pourq~ de nombreux manuels de médecines chinoise et coréenne prescrivent le ginseng coréen parce qu'il augmente la force, soulage de la fatigue, stimule les fonctions digestives, neurologiques, métaboliques et la circulation sanguine. Il était prescrit seul, ou avec d'autres
ingrédients. Il était aussi utilisé en complément afin d'accroître l'efficaàté des autres substances. Depuis les temps les plus anciens, en Orient, le ginseng coréen est considéré comme un trésor, il commença à être connu en Occident après la Deuxième Guerre mondiale. Au début des années 1960, on se mit à étudier ses effets médicaux, on fit en particulier des analyses chimiques du composant de base, la saponine. Dans les années 1970, la structure chimique de la saponine fut révélée et pas moins de trente composants de celle-ci ont été isolés. la saponine du ginseng a attiré l'attention parce que sa structure chimique est différente de celles des saponines des autres plantes, elle est considérée comme "ginsenoside", des glucoses qui ne sont contenus que dans le ginseng. On pense que les saponines contribuent à la réduction de la fatigue, à l'augmentation de la production cellulaire, qu'elles augmentent les potentiels physique et mental et qu'elles abaissent le niveau des sucres sanguins. En plus des saponines, le ginseng contient des
polysaccharides, des protéines, des peptides, des polyacétylènes, des composants phénoliques comme les alcaloïdes. Les recherches cliniques laissent entendre que le ginseng peut aider l'organisme à s'adapter à un environnement difficile, à lutter contre la fatigue et à récupérer plus facilement après l'effort De plus, il apparaît comme protégeant l'organisme du stress, il permet une meilleure adaptation à la chaleur et au froid et freine les déficiences immunitaires. Le ginseng permet donc à l'organisme d'accroître les résistances physiques, chimiques, biologiques au stress, de résister à la maladie et de recouvrer la santé. En d'autres termes, sa fonction est de maintenir l'homéostasie de l'organisme. On pense que le ginseng est plus efficace chez une personne mal portante que chez quelqu'un en bonne santé. Selon des découvertes pharmacologiques récentes, le ginseng a des effets anti-carcinogènes et accroît l'efficacité des médicaments dans le
traitement du cancer. Il accroît également l'immunité en activant les anticorps qui détruisent les cellules infectées ou cancéreuses de l'organisme et qui stimulent la production d'interférons. En fonction des dosages et des individus, le ginseng affecte le système nerveux central soit en le stimulant, soit en le déprimant De plus, on a découvert qu'il avait des effets neurologiques dans le sens où il améliore les fonctions cérébrales, les capaàtés d'apprentissage, la mémoire et plus généralement les facultés intellectuelles. Le ginseng est également actif sur les veines et les artères et il améliore la circulation sanguine et la résistance des artères. Il régularise la pression sanguine, a des effets sur le diabète, les ulcères et les symptômes de la ménopause. Comme les recherches médicales le confirment, ses bienfaits reconnus depuis longtemps en Orient, sont aujourd'hui admis en Occident C'est pourq~ il est maintenant utilisé à travers le monde dans des buts médicaux et comme supplément à la santé. +
Plantes de ginseng (ci-contre); une femme cueillant les fruits de ginseng (ci-dessus)
Celui qui est cité dans les vieux livres de médecine chinoise, utilisé dans des buts médicaux depuis plus de 2000 ans, et aujourd'hui reconnu comme l'une des substances les plus importantes de la médecine traditionnelle, n'est autre que le ginseng coréen. 81
ACTUALITES
Festival international du film de Pusan Chang Suk-young Critique de cinéma
a Corée vient d'inaugurer son Festival international du cinéma Du 13 au 21 septembre, le Festival international du film de Pusan (PIFP) a tenu sa première édition à Pusan, la deuxième ville et premier port de Corée, qui vit la création de la première société de production locale, suite à l'introduction des premières oeuvres cinématographiques dans le pays en 1919. Selon les organisateurs, la manifestation était destinée à promouvoir les industries du cinéma coréen et asiatique et à rapprocher le public des cinéastes. Les efforts des organisateurs ont manifestement porté leurs fruits puisque les salles de cinéma mobilisées du quartier de Namp'o, site principal de la rencontre, n'ont pas désempli durant toute la durée du festival Trois principales caractéristiques ont distingué le FIFP des autres festivals : d'une part, il ne s'agissait pas d'une compétition ; d'autre part, il était consacré aux productions asiatiques, notamment des pays de l'Asie du Nord-Est ; et enfin, il a contribué à mieux faire connaître les oeuvres et les réalisateurs coréens. L'opération a suscité la participation de 31 pays représentés par 173 films, répartis dans sept sections : Une fenêtre sur le cinéma asiatique, Cinéma du monde, Panorama coréen, Nouvelles vagues, Grand angle, Programmes spéciaux et Rétrospective coréenne. "Une fenêtre sur le cinéma asiatique" réunissait les oeuvres réalisées au cours des deux dernières années par des cinéastes asiatiques ayant remarquablement exprimé les sentiments
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as1at1ques ou satisfait aux critères internationaux de la prcxiuction de film. Les films non-asiatiques créés l'an dernier étaient regroupés dans la catégorie "Cinéma du monde". Celle-ci comportait essentiellement des longs métrages ayant remporté des prix internationaux majeurs, des films consacrés chefs-d'oeuvre et les films fétiches des plus grands réalisateurs du monde. ''Panorama coréen" proposait une sélection de films locaux réalisés au cours de l'année 96, reconnus pour leurs qualités commerciales ou artistiques. Le programme de "Nouvelles Vagues", montrant les premiers films de réalisateurs asiatiques révélés récemment, tentait de confirmer l'avenir prometteur du cinéma asiatique. Dans ''Grand angle", étaient regroupés les courts métrages, les documentaires et les films d'animation, lesquels ont prouvé l'étendue et les possibilités illimitées du Septième Art. "Programmes spéciaux" proposait des oeuvres choisies aux spectateurs locaux et étrangers de passage à Pusan. ''Rétrospective coréenne'' offrait l'occasion de revoir et d'apprécier les films de cinéastes décédés, de mieux connaître certaines tendances particulières, ainsi que des films des années 80 et 90 qui ont préfiguré les nouveaux courants du cinéma coréen La manifestation a également donné lieu à une série de débats ouverts avec le public, de séminaires et de symposiums auxquels ont participé les réalisateurs asiatiques. Les séminaires ont été organisés autour de thèmes tels que ''Rétrospective, statut actuel et désespoir d'auteurs indépendants coréens", "Faire des films indépendants à faible budget en Asie" et
"Avancée de conglomérats dans l'industrie du cinéma et leurs perspectives''. L'ouverture du festival a été marquée par la projection spéciale de Secrets and lies(Secrets et mensonges) de Mike Leigh, lauréat de la Palme d'or à Cannes, sur un écran géant en plein air (largeur : 33 rn, hauteur : 18,5 rn soit l'équivalent d'un bâtiment de 6 étages), installé au Centre de yachting de Pusan. L'écran a été spécialement transporté de Suisse, de Locarno.
Parmi les films ayant remporté d'énormes succès : ..Et la lune danse de Garin Nugroho (1995, Indonésie), W. lune tentatrice de Chen Kaige qui y fait un portrait incisif de la vie en Chine (1996, Chine), L'homme qui dort de Kohei Oguri (1996, Japon), tourné avec le plus grand acteur coréen Ahn Song-ki, Le 8ème jour de Jaco Van Dormael (1996, France), Aoat dans l'eau d'Ishii Sogo, qui a bouleversé le Japon (1995, Japon), Le regard d'Ulysse de Theo Angelopoulos, ayant en toile de fond les conflits balkaniques (1995, Italie, France, Grèce), et Derrière la Cité interdite de Zhang Yuan, racontant une histoire d'amour entre deux homosexuels à Pékin (19%, Chine). Branches brisées de Park Jae-ho (1996), Le jour où un cochon tomba dans le puits de Hong Sang-soo (1996), Adieu, ma chérie de Park Chul-soo (1996), Un toit brnlant de Lee Min-yong (1996) et Une seule étincelle de Park Kwang-su (1995), dans "Panorama coréen", ont obtenu une très forte audience. ''Nouvelles vagues'', axé sur l'avenir du cinéma asiatique, a permis d'apprécier les talents de nouveaux réalisateurs, avec notamment Ballon blanc de ]afar Panahi
ACTUALITES
(1995, Iran), Ah-Chung de Chang Tso-chi (19%, Taiwan), Dans l'attente de Zhang Ming (19%, Chine), Trois amis de Yim Soon-rye (19%, Corée) et Le temp5 dure de Kim Eung-soo (19%, Corée). Quatre films spécialement invités réalisés par des cinéastes américains indépendants ont également retenu l'attention : Welcome to the dol/ bouse (Bienvenue à la maison de poupée) de Todd Solonclzs (1995), récompensé pour la meilleure image au Festival du film Sundance, Heavy (Lourd) de James Mangold (1994), Denise calfs up (Denise appelle) de Han Salwens (1995), et Dead man (Homme mort) de Jim Jarmusch, des oeuvres d'un registre rompant avec les superproductions de style hollywoodien auxquels le public est habitué. Les documentaires et films indépendants de la catégorie "Grand angle" délivraient des approches personnelles de l'Asie et de ses sentiments uniques. Sans abri de Zhang Keechul (19%, Corée), La rivière de la réconciliation du Japonais de souche coréenne Kim Duk-chul (1996,
Japon), et Bari Zogon de Fumiki Watanabe (19%, Japon) étaient parmi les meilleurs. Quant à l'animation, les représentations japonaises ont monopolisé le palmarès avec Mémoires de Katsuhiro Otomos, Fantôme dans le coquillage de Mamoru Oshii et Le seroiœ silencieux de Roysuke Takahashi Intégrant les valeurs asiatiques et révélant une grande minutie dans le dessin, les films d'animation japonais se sont montrés plus proches des sensibilités coréennes que les Disney, et sonnaient le tocsin du péril des productions coréennes. Un événement qui n'est pas une compétition Conçu comme une manifestation libre de toute compétition, le FlFP avait pour objectif principal de présenter les premières oeuvres de réalisateurs asiatiques et les films ayant fait le tour du monde En projetant des films asiatiques d'une forte attraction artistique, les organisateurs espéraient que ce festival serait une fenêtre sur les aspects politique,
économique et social de chaque pays. Pour mener à bien ce projet, ceux-ci devraient l'instaurer comme un événement régulier. Dans la catégorie ''Nouvelles vagues" illustrée par 13 oeuvres de 8 pays asiatiques, le Chinois Zhang Ming a été élu meilleur nouveau réalisateur d'Asie pour son film Dans l'atteniR, et le Coréen Yim Soon-rye a été récompensé du prix NETPAC (Réseau pour la promotion du cinéma asiatique) pour son film Trois amis. Les deux réalisateurs se sont vus remettre respectivement la somme de 10.000 dollars destinés à financer leurs prochains films. "Grand angle" a donné lieu à 23 programmes regroupant 81 courts métrages, films d'animation et documentaires. Parmi les 13 productions de 13 pays présentées dans la section internationale, L'arrivée du train (35 mm, 9 min 20 s, 1995) du cinéaste russe Andrei Sheleznjakov a été consacré meilleur court métrage. Dans la section coréenne qui comptait 10 oeuvres en lice, Faisant écho en moi (35 mm, 40
Une scène de Secrets et mensonges de Mike Leigh
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ACTUALITES
est indispensable pour donner un avenir au FIFP. Cette édition inaugurale aurait dû être organisée de façon à définir avec plus de précision le caractère de cette manifestation, qui s'avère différente des autres festivals internationaux tels que Cannes. Révéler de nouveaux artistes de cinéma est l'un des objectifs du FIFP, mais Sta[J! Door (Entrée des artistes), ...Et la lune
danse, L'incendiaire, ny a long chemin avant la mer, Oakeri, Le voyage, Fils, Nostalgie de la campagne, Mee Pok Man, Le 19 avri~ Fantôme dans le coquillage, Mémoires, Hey man, wbat you want /? (Hé vieux, qu'est·œ que tu veux ~), The Mushroom Paradise et Les guerriers du sexe et les samurai ont déjà été présentés
Dans le sens des aiguilles d'une montre à partir du bas :Ah Chang (Taïwan), présenté dans la catégorie Nouvelles vagues; L'homme qui dort aapon), dans Fenêtre sur le cinéma asiatique; Le temps qui dure (Corée), dans Nouvelles vagues; cinéastes participant à un symposium
min, 1996) de ]un Soo-il a été couronné
meilleur court métrage. Chaque lauréat a reçu une enveloppe de lO.CXXJ dollars. Lors de la cérémonie de clôture, le comité organisateur du FIFP a remis à Ancha Flubacher Rhim, Suisse d'origine coréenne, Tony Rayns et quelques autres personnes des prix spéciaux commémoratifs pour leur contribution à la promotion du cinéma asiatique. La réaction enthousiaste du public a fait le succès du FIFP. Les spectacteurs étaient non seulement des habitants de 84
Pusan, mais aussi des cinéphiles venus des quatre coins du monde, qui n'ont pas désarmé de patience dans les longues files d'attente pour remplir les salles. Leurs efforts ont été récompensés par des heures de projection de films de qualité. Pour assurer la continuité du FIFP, le comité organisateur devrait publier un livre blanc sur lequel seraient reportés en détail et objectivement tous les aspects de cette première dans la perspective des futures éditions. La critique constructive
au Festival de Hong Kong 96. Les oeuvres en compétition étaient pour la plupart des courts métrages. ll aurait fallu s'intéresser davantage aux longs métrages. Par ailleurs, en raison de l'absence d'un thème spécifique ayant trait à Pusan ou à la Corée, on avait parfois l'impression d'assister à une vaste campagne de promotion dépourvue de messages. Ceci s'expliquerait peut-être par la participation d'un nombre insuffisant de publicitaires professionnels spécialisés dans les festivals internationaux La qualité des courts métrages asiatiques laisse beaucoup à désirer : il a été même présenté des réalisations artisanales. Dowsing MP-Military poliœ & Military prisoner et Suicide party ont été récompensés dans d'autres festivals, et donc n'apportaient rien de nouveau On pouvait aussi regretter de voir autant de cinéastes asiatiques dans le sillage de Hollywood, avec des films comnierciaux et à sensation, alors qu'ils ne cessent de vanter le caractère unique du cinéma asiatique et de son aspect non commercial Le succès d'un festival du film se juge uniquement à la satisfaction générale de tous les participants-réalisateurs, acteurs, organisateurs, membres du jury, exploitants des salles de projection et public. Parce que c'est la première fois que la
ACTUALITES
Corée organise un festival international, il y a eu de nombreuses imperfections dues à l'inexpérience, au commercialisme et aux restrictions imposées par le Comité public de Yéthique pour la représentation Cela étant, le FIFP a été d'une manière générale considéré comme une réussite Bien que les Coréens formaient la plus grande majorité du public, certains films n'étaient pas traduits en sous-titrage. En outre, nombre de films ayant été déjà achetés par des distributeurs coréens, le FIFP ressemblait plus à une arène publicitaire. Puis, peu d'efforts ont été réalisés pour promouvoir Yexportation des films coréens, ou tout du moins ceux présentés au festival Cependant, le FIFP semble appelé à un brillant avenir. Le 4 octobre, la Cour constitutionnelle a déclaré que la censure, pratique établie depuis longtemps par le comité d'éthique, n'était pas conforme à la Constitution, une décision qui contribuera sans aucun doute à Yessor de Yindustrie du cinéma local L'organisation du festival s'améliorera au fil des expériences et le comité du FIFP a fait savoir que des réglements seront élaborés concernant la projection des films importés. L'un des plus grands mérites de cette édition a certainement été la présentation de films qui ne sont pas de style hollywoodien. Ont été projetés des oeuvres d'Indonésie, des Philippines, de Singapour et du Japon, des films d'art d'Europe, et des documentaires d'Inde et de Taiwan méconnus en Corée, procurant au public une gamme d'émotions nouvelles et offrant des alternatives aux productions hollywoodiennes. Les documentaires et les courts métrages coréens qui étaient encore méconnus du public local ont également fait leur entrée à ce festival Le FIFP, organisé pour affirmer l'identité du cinéma asiatique et promouvoir une meilleure compréhension de celui-ci, a été également un succès si l'on tient compte de la foule qu'il
a réussi à attirer. Le festival a attiré près de 200.000 spectateurs, dépassant les 150.000 attendus. Et parce qu'il a su attirer surtout des jeunes, le FIFP s'est assuré une base solide pour ses prochaines éditions. Les jeunes de Pusan ont toujours aimé le cinéma, mais ils ont eu moins l'opportunité de rencontrer des cinéastes que leurs émules de la capitale. Leur enthousiasme a été l'un des facteurs-dés du succès du FIFP. Pendant toute la durée des préparatifs, les organisateurs ont répété maintes fois qu'il s'agissait d 'un événement noncommercial Ce qui ne s'est pas vérifié en
tout temps, et près de 70% des films n'étaient pas à leur première projection Une nouvelle aventure est toujours la cible de critiques à ses débuts et peut décevoir. Les célèbres festivals comme ceux de Cannes, Venise, Berlin et d'autres de même envergure ont été blâmés lors de leur création pour leur aspect commercial Les cinéastes coréens et toute la profession espèrent que le FIFP se développera en un événement indépendant, à l'abri des aléas politiques et économiques de sorte qu'il puisse atteindre son objectif initial de promouvoir les films asiatiques et l'amitié entre les cinéastes. + 85
APERÇUS DE LA LITTERATURE COREENNE
Lee Mun-ku
Avec une forte emprise sur la réalité et dans un style qui lui est propre, Lee Mun -ku décrit les épreuves et le déracinement de ceux qui quittent leur village natal pour émigrer dans les grandes villes. Il raconte aussi la vie rurale s'étiolant dans l'ombre de l'industrialisation.
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L'oeuvre de Lee Mun-ku Le dernier poète des régions rurales YuJong-ho
Professeur de littérature anglaise Université Yonsei
n Corée, le processus d'industrialisation commencé vers le milieu des années 1960 a été tel qu'un historien reconnu comme appartenant à la gauche par le monde entier, Eric Hobsbawm, écrivait dans son ouvrage intitulé "The Age of extremes" traitant de l'histoire du vingtième siècle : "la Corée est un éclatant exemple de succès industrieL sans pareil dans le cours de l'histoire". Encore à la fin des années 1950, quatre-vingts pour cent de la population active du pays travaillaient dans le secteur de l'agriculture et presque les trois quarts du produit national brut étaient fournis par le secteur de l'agriculture ; par contre, dans la seconde moitié des années 1980, le secteur agricole ne représentait plus que dix pour cent du produit intérieur brut e~ d'après l'ouvrage dté d-dessus, le pays se classait au huitième rang des pays noncommunistes pour ce qui était de l'importance économique. Grâce à la rapidité et au dynamisme des transformations sociales, le niveau de vie du peuple coréen s'est considérablement élevé et la pauvreté a totalement disparu. Ce processus d'urbanisation et, l'exode des populations rurales aidn~ il a aussi été à l'origine d'un phénomène de désertion des régions rurales : les jeunes sont partis pour les zones urbaines à la recherche de possibilités nouvelles et de lieux de travaiL ,et ceux qui sont restés à la campagne en sont arrivés à se plaindre des difficultés qu'ils rencontrent pour trouver des partenaires pour le mariage. Le fait que le processus d'industrialisation devient en même temps un processus de dépendance de plus en plus grand des régions rurales par rapport aux centres urbains s'est révélé partiellement vrai aussi en Corée.
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Le fait que, bien qu'il ait été un éclatant exemple de succès, ce processus d'industrialisation se soit déroulé en exigeant d'énormes sacrifices du peuple coréen est profondément et vivement ressenti par les personnes de la génération qui l'a vécu Au sujet de l'influence destructrice de ce processus d'industrialisation, chacun à sa façon, de nombreux romanders et poètes ont manifesté des réactions dans leurs oeuvres. Lee Mun-ku reste l'un des auteurs les plus représentatifs de cette période et, dans un style plein de caractère, sur la base d'une profonde prise de consdence, il traite le thème de la vie pénible des déradnés qui ont quitté le pays natal et la réalité des régions rurales de plus en plus désolées, laissées dans l'ombre à cause de l'industrialisation na publié toute une série de nouvelles sur le thème de la vie pénible de ces gens qui, sans être munis d'une formation technique et sans bagage intellectuel sufian~ ont quitté les régions rurales et rencontrent d'énormes difficultés pour parvenir à gagner leur vie. Ses oeuvres du début ont été publiées dans des recueils de nouvelles intitulés "Ce pauvre monde'' et "Bord de mer" ; ensuite, il a obtenu le succès avec son roman intitulé "Chang-Han-mong" ; il s'agit d'une oeuvre dont le succès a été assuré d'une part par la particularité du thème traité et par la technique de l'auteur qui parvient à donner au lecteur l'impression de participer à l'action ; centrée sur la vie des fossoyeurs travaillant au transfert des tombes, ce roman traite de la vie des gens du commun du peuple. Par la suite, des oeuvres publiées en série, comme les ''Essais de Kwanch'on'', qui comportent de nombreux éléments autobiographiques et dont le théâtre est le village natal de l'auteur, et ''Notre village'',
qui traite la désolation des régions rurales, ont reçu un chaleureux accueil de la part des lecteurs. En dehors de ces oeuvres, l'auteur a encore publié un roman historique intitulé "Maewoltang, Kim Sislip", dans lequel il met en scène les intellectuels intransigeants du quinzième siècle, et des nouvelles intitulées 'Une voix qui approche'', ''Brève histoire de Yuja" et autres. L'oeuvre de Lee Mun-ku ne cesse de révéler l'envers du succès éclatant de l'industrialisation, et sa tendance réaliste représente l'une des caractéristiques qui apparaissent tout au long de ses efforts de création littéraire. Cepnda~ contrairement à se.s contemporains de tendance réaliste, en un style plein de caractère, basé sur la façon de parler traditionnelle et sur la langue du terroir, il parvient à écrire des oeuvres d'un grand intérêt qui ne se contentent point de traiter le thème en surface e~ par là, on peut affirmer que c'est un auteur unique en son genre. La connaissance directe et la compréhension du thème traité sont des éléments indispensables pour permettre la création d'oeuvres littéraires susceptibles de donner au lecteur l'impression de partidper à l'action, et la connaissance du pays natal que l'on découvre chez Lee Mun-ku révèle une profondeur de son sentiment d'avoir perdu son pays natal S~ comme auteur de poèmes pour enfants, il a écrit de remarquables chants et poèmes, cela représente un fait significatif qui mérite d'attirer notre attention. Dans un climat littéraire considérant la littérature pour enfants et la littérature des adultes comme des domaines différents, qui ont tendance à s'exclure rédpoquemn~ on a l'impression que ses poèmes pour enfants n'ont pas été 87
l'objet de l'attention et de l'appréciation qu'ils méritent Son recueil de poèmes pour enfants intitulé "San-bok, le farceur'' contient plus de cent p::>èmes, des oeuvres extrêmement savoureuses en un langage à la fois plein de saveur et de vigueur. Il existe quelques exceptions, mais en général, ils ont pour théâtre la campagne ; ils chantent le travail des champs, les scènes des villages ruraux et les sentiments des enfants de la campagne. On peut y découvrir une remarquable sincérité en tant que p::>èmes lyriques champêtres.
Là-bas, de l'autre côté de la montagne Il doit y avoir beaucoup d'étoiles filantes, Puisque, chaque nui~ Il en tombe trois ou quatre Là-bas, de l'autre côté de la montagne, Il doit y avoir la mer, Puisque, tout l'été, La voie lactée a coulé. 88
(lit-bas, de l'autre côté de la montagne)
Ce beau poème pour enfants fait partie des poèmes coréens les plus inoubliables et l'on peut affirmer qu'il s'agit d'une oeuvre dont nous pouvons être fiers devant le monde entier. Pour ce qui ·est de la poésie, qui exige la mise en valeur des caractéristiques de la langue et de la syntaxe, nécessairement les oeuvres écrites dans la langue maternelle du lecteur apparaissent comme les plus remarquables, mais dans le cas de la poésie de Lee Mun-ku, l'effet stimulant pour l'imagination est étonnant Que l'on parle de poèmes pour enfants ou tout simplement de p::>èmes, il s'agit de chefsd'oeuvre dont la traduction est pratiquement impossible.
Ma mère, depuis k matin, Vit dans les champs; Mon père, jusqu'au soir, Vit dans les rizières;
L'enja~usq
soir,
joue dehors; Pendant les longues j;urnées d'été, La maison étant vide, Les hirondelles qui là ont élu domiâk Gardent la maison (L'été)
Ce poème dépeint de façon succinte mais caractéristique les scènes et le spectacle de la campagne et de la ferme au temps des grands travaux de l'été ; la structure des strophes et le rythme en sont remarquables : ce croquis pris sur le vif, exécuté sans fioritures, de la maison vide révèle telle quelle la substance même de la campagne à l'époque des grands travaux. Sous la plume de l'écrivain, le spectacle de cette campagne, qui n'a rien que d'ordinaire, devient une peinture parfaitement ordonnée. La même caractéristique se révèle de nouveau dans le p::>ème suivant : Le peuplier, Qui vit entre les rizières,
une certaine époque et dont cette poésie révèle l'aspect d'intimité
Pour toute fortune En vingt ans nil amassé Qu'un nid de pie Où donc sont allées Ses feuilles qui tant brillaient? Pendant le long l:riœr? nn'y a que le ciel vide (Le JX!Uplier) Etant basées sur l'expérience faite par l'auteur à l'époque de son enfance, dans son village nataL de telles oeuvres traitant les scènes et les paysages de la campagne nous apparaissent comme parvenues à un niveau de perfection étonnant Ces poèmes qui sont des descriptions de scènes champêtres vues et vécues à l'époque de l'enfance, de plus, grâce à l'emploi d'un vocabulaire fondamental du langage de base permettent de créer du village natal une image typique. la progression en est extrêmement naturelle, si bien que l'on n'a pas la désagréable impression de se trouver devant l'artifice maladroit que l'on découvre fréquemment dans les poèmes pour enfants. Tous ces poèmes de Lee Mun-ku sont délx>rdants de fraîcheur, de limpidité et de simplicité. Ils possèdent encore le rythme et l'animation, la vie, qui sont autant d'éléments de la plus haute importance pour les oeuvres de ce genre. Malgré sa pauvreté, le village d'autrefois, tel qu'il se révèle dans ces poèmes, est un monde merveilleux et débordant d'harmonie ; ni misère, ni lamentations ; il n'y a pas, non plus, ni la petite note moralisatrice, ni ces éléments qui risquent parfois d'inciter à la haine. Au moins pendant le chant ou la lecture de ces poèmes, on ressent la volonté d'un adulte plein de chaleur et d'affection, désireux d'épargner au lecteur de faire de nouveau l'expérience de ces sentiments d'insatisfaction et de malaise qu'il est souvent difficile à supporter dans la réalité des difficultés et vicissitudes de la vie. Une autre caractéristique de ces oeuvres réside dans le fait qu'elle présentent un niveau littéraire homogène. L'auteur y fait revivre la campagne telle qu'elle était avant la pollution et avant la désertion résultant de l'industrialisation, une campagne pauvre, mais qui était le vrai pays de notre coeur à
Le langage de la vie réelle
dans ce texte destiné à présenter le romancier Lee Mun-ku, finsiste sur le poète, c'est parce que ses qualités de poète apparaissent dans ses oeuvres romanesques au travers des efforts déployés pour le style. Ce qui importe dans ses romans et ses nouvelles, ce ne sont point les thèmes traités : ce sont le langage, la façon de s'exprimer et le style mis en oeuvre pour présenter et traiter le thème choisi Quand il écri~ on retrouve dans son style la façon de s'exprimer du langage utilisé dans la vie. Ce ne saurait être le cas de Lee Mun-ku seulement : les auteurs modernes sont nés par le langage et le style. Dans les livres anciens, il est écrit qu'à l'origine du monde existait la parole, et nous donnons le nom de poètes aux hommes ~ avant de l'avoir entendu dire, savent qu'à l'origine la parole existait Ce qui est capital pour la littérature, c'est la sensation de vécu S~ pour le lx>n sens scientifique, ce n'est point la lune qui lx>uge, mais seulement les nuages qui se déplacen~ le mouvement de la lune représente l'impression réelle reçue par la personne qui regarde le ciel e~ comme on accorde une plus grande importance à l'impression vécue qu'aux connaissances scientifiques, un poète coréen n'a-t-il pas écrit : "Le voyageur s'en va comme la lune au milieu de la nuée'', dans un poème resté comme un véritable chef-d'oeuvre de la poésie coréenne. Ce qui donne l'impression du vécu dans les oeuvres romanesques qui peignent l'humanité vivante, c'est le langage utilisé par l'humanité, ce langage vivant dont les hommes se servent dans la vie réelle : le langage du terroir et la langue des gens du commun du peuple que l'on découvre dans les oeuvres de Lee Mun-ku sont en vérité le langage vivant des gens de la campagne qu'il aime mettre en scène. Si l'on désire peindre sur le vif une humanité qui vit réelmn~ on ne saurait délaisser le langage qu'elle utilise dans sa vie quotidienne. En dehors des grands froids de l'hiver, s~
Ce qui donne l'impression du vécu dans les oeuvres littéraires, c'est le langage utilisé par l'humanité. C'est le langage vivant dont les hommes se servent dans la vie réelle.
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la vieille femme ne devait jamais mettre de chaussures, même de caoutchouc. Ses cous-de-pied étaient de véritables dos de crapaud ; ses mains étaient comme des louches dont on se sert pour la nourriture des bestiaux.Jai pu sentir dans cette vieille femme, avec une grande intensité, l'odeur qui se dégageait de ma grand-mère. A la vue de ses pieds nus qui se passaient très bien de chaussures de caoutchouc et de ses doigts d'apparence rugueuse comme le tronc d'un chêne, je n'ai pu m'empêcher de penser à une pièce de soie imprégnée d'amour dans chacun de ses fils ; et son chignon de la grosseur d'une pomme de pin, dans laquelle une épingle de bois était plantée de travers, m'a fait penser à une bobine de fil de soie d'un rouet Etait-ce parce qu'elle avait mangé beaucoup de soupe à la pâte de sop fermentée qu'elle avait les dents si punes? (Les habits blancs) Nous comprenons que les métaphores sont directement empruntées à la vie de la campagne. De telles métaphores empruntées à la vie de la terre et les expressions des gens du mmmun doivent sembler quelque peu étranges aux jeunes de la nouvelle génération qui ont reçu une éducation cantonnée uniquement dans l'enseignement de la langue coréenne standard Si l'on dit parfois que le style de Lee Mun-ku est difficile pour le lecteur, ce n'est pas sans relation avec l'écart qui s'est produit artificiellement entre la langue traditionnelle et le langage de la nouvelle génération ? Cependant, on ne saurait négliger le choc particulier résultant de la nouveauté et la mnnaissance ainsi acquise A la lecture des oeuvres de Lee Mun-ku, nous pouvons rendre mmpte du fait que, si elle a assuré une fonction souhaitable et positive, d'un autre côté, la diffusion de la langue coréenne standard a contribué de façon négative à uniformiser les sentiments et le mode de pensée de la jeunesse en la coupant du langage vécu ; la sonorité propre à la langue mréenne s'en est trouvée grandement détériorée, et l'expression des 9D
sentiments en est devenue beaucoup plus rude L'un des résultats réels du mouvement pour l'identité du langage et de l'écriture lancé au début du vingtième siècle a été que, plutôt qu'une façon d'écrire voisine du langage, on est arrivé de plus en plus à une expression orale voisine de l'expression écrite, de plus en plus, le langage et la conversation des Coréens éduqués se rapproche du style de l'écriture moderne La langue, qui ne cesse de changer et de se transformer, possède une sorte de nécessité intrinsèque Dans le style du langage vivant et régional de Lee Mun-ku, dont l'ardeur semble parfois faire opposition à l'autorité centraliste de la langue standard, en même temps que le menu plaisir venant d'une certaine lourdeur, on trouve imprégriée une sorte de lassitude analogue à ce que l'on ressent dans la vie réelle. Dans ses efforts pour être extrêmement fidèle à l'impression reçue directement de la vie des petites gens, l'auteur provoque une profonde émotion du fait que cela est le résultat aussi de l'habitude prise par les lecteurs de lire des textes modernes et plus légers, mupés de la langue vivante telle qu'elle est parlée dans la vie réelle de tous les purs. A la lecture des oeuvres de Lee Mun-ku, on peut se rendre mmpte qu'à une époque, c'était notre façon de parler, de ramnter. La lecture et l'écriture sont d'une extrême importance dans notre vie du langage, mais il s'agit d'actes postérieurs à ceux qui mnsistent à parler et écouter. Lee Mun-ku part du désir fondamental de parler, de raconter et d'émuter. Son style, qui n'a cessé d'utiliser le langage vivant et régional pour dénoncer le pouvoir du langage stéréotypé de la langue coréenne standardisée et centraliste, représente la critique la plus sérieuse parmi toutes les réactions exprimées par le truchement de la littérature à l'enmntre de l'industrialisation dirigée par le pouvoir administratif et destructrice des régions rurales. Dans ce qui précède, presque jusqu'à l'excès, nous avons examiné les critiques du style de l'auteur et la signification de ces caractéristiques qui se révèlent dans ses oeuvres romanesques : la raison en est que nous sommes persuadés que, pour
mmprendre cet auteur, il est plus important que tout de mettre en lumière les particularités qui le distinguent des autres auteurs qu~ comme lu~ sont de tendance réaliste De nouveau, nous voulons insister sur deux faits : le premier est que ses nombreuses oeuvres romanesques décrivant les régions rurales peignent de façon extrêmement vivante la désolation matérielle et morale des campagnes depuis le déferlement de la vague d'industrialisation ; le semnd, c'est que ses oeuvres traitant le thème des pauvres décrivent fidèlement la vie déracinée des gens qui ont quitté la campagne afin d'aller s'installer dans les zones urbaines. L'effondrement de la communauté rurale d'autrefois a été à l'origine d'un déchirement égoïste et de la disparition du sentiment de solidarité traditionnel ; et les romans et nouvelles de Lee Mun-ku ne cessent de rappeler qu'au cours de ce processus, l'influence dévastatrice de la Guerre de Corée de 1950 a aussi pué un rôle important Pour l'écrivain, la campagne n'est pas seulement un simple objet d'une description superficielle Dans les ''Essais de Kwanch'on", qui peuvent être considérés comme la réalisation la plus caractéristique de sa création littéraire, avec un charme poétique fort délicat, il nous montre comment disparaissent la vie traditionnelle de pdis et ces personnalités fidèles aux bonnes mutumes et pleines de dignité. L'oeuvre intitulée ''Coucher de soleil" est peut-être le dernier poème champêtre qui chante la campagne et qui nous fasse mnruu"tre la situation de ce temps-là ; et le fait que ce charme poétique soit loin d'être une simple sentimentalité évocatrice du passé nous prouve combien fidèle se montre l'auteur dans sa façon de comprendre la réalité. TI a vu mourir son père dans la tourmente de la Guerre de Corée, il a grandi avec son grand-père et sa mère, connaissant à l'époque de sa jeunesse d'énormes difficultés causées par la pauvreté matérielle nest inévitable que, dans l'oeuvre d'un auteur, apparaissent des traces de son histoire personnelle : cependant, dans les ''Essais de Kwanch'on", peut-être plus que dans les autres oeuvres, il est possible de déceler l'image de l'enfance de l'auteur. •
NOUVELLES DE LA KOREA FOUNDATION
Subventions pour les études coréennes à fétranger ·
La Korea Foundation offre une aide financière aux universités, aux instituts et aux bibliothèques à l'étranger pour leurs efforts pour promouvoir la coréanologie dans le monde. Les projets soumis à l'approbation de la Korea Foundation doivent relever des Sciences-Humaines, des Sciences-Sociales ou d'un domaine artistique en s'inscrivant dans le cadre des objectifs définis ci-après : · 1) Création ou développement de départements d'études sur la Corée (cours et enseignants) 2) Mise à disposition de bourses pour étudiants de 2ème ou 3ème cycles et d'allocations de recherche pour les enseignants 3) Participation aux acquisitions des bibliothèques et des catalogues. Les dossiers d'inscription devront être remis à la Korea Foundation avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 octobre de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à : International Cooperation Department I The Korea Foundation CPO Box 2147 Seoul. Korea Tel82-2-753-3464. Fax 82-2-757-2047.2049
KOREAFOCUS BIMENSUEL SUR l'ACTUALITE DE LA COREE En complément de la revue KOREANA , la Korea Foundation publie une revue intitulée KOREA FOCUS afin de participer aux efforts entrepris pour faire connaître la Corée dans le monde et pour avoir une place à part entière dans cette ère de globalisation Nous espérons que KOREA FOCUS pourra servir de référence de base à la conmmnauté moncliale en ce qui concerne la Corée. KOREA FOCUS offre à ses lecteurs, une vision générale de la Corée à travers un choix d'articles variés concernant l'actualité Dans ce bin1ensuel voLIS trouverez des articles ciblés sur la politique, l'économie, la société et la culture, des opinions sur le monde des affaires ainsi qu'une chronologie des événements récents en Corée. Publiés en anglais et en pponais, ses _,..,.._,. articles sont tirés de publications co----réennes qui font autorité en la matière "'::"'.::.:::. 1~telles que les principaux quotidiens, des magazines d'actualité ou des revues universitaires.
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Les programmes de bour~ ses de la Korea Foundation BOURSES POUR LES ETUDES SUR LA COREE
BOURSES POUR LES COURS DE COREEN
La Korea Foundation offre des bourses pour des cours de langue coréenne destinées à des étudiants de 2ème ou de 3ème cycles, à des chercheurs, ou autres spécialistes étrange(s, qui souhaitent apprendre le coréen dans un institut de langue d'une université en Corée pour une durée de 6 à 12 mois. Chaque étudiant sélectionné se verra proposer des cours de coréen dans l'une des universités coréennes. Les frais d'inscription et une bourse mensuelle pendant la durée du séjour lui seront versés. Les candidats devront remettre les dossiers d'inscription à la section-bourse pour les cours de coréen de la Korea Foundation, avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 aoüt de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à : International Cooperation Department II The Korea Foundation CPO Box 2147 Seoul. Korea Tel82-2-753-6465 Fax 82-2-757-2047.2049
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Certaines choses de la vie sont invraisemblables. Ssangyong n'en fait pas partie.
Les ovnis, les visions d'Elvis et Nessie, le monstre du Lochness soulèvent des doutes. Pas Ssangyong. Fort de ses 57 années d'expérience dans tous les principaux secteurs économiques-commerce international, ingénierie & BTP, automobile, ciment, raffinerie de pétrole, investissement & titres, industrie lourde & machinerie, papier, assurance et information & communication-Ssangyong a donné la preuve qu'il était un partenaire fiable et digne de confiance. Dans 120 pays du monde, Ssangyong défie le futur et offre la fiabilité.
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SSANGYoNG
• Ssangyong Business Group C.P.O.Box 409, Seoul, Kqrea eTel:(82-2)270-8155/8, 270-8130 • Fax:(82-2)273-0081 , 273-8297 • http://www. ssy. oo. ki
In
1995,
LG's
annual
sales
grew
40%
•
to
over
US$64
billion .
Ravis de vous connaître
C'est le travail de Matt Ryan d'écouter. En qualité de chef concepteur à LG électronics Design-Tech, Matt doit saisir les subtilités de l'esthétique variant d'un pays européen à l'autre. Et d'exprimer ce qu'il a senti dans la conception de télévisions, de micro-ondes et d'autres produits. (Matt et ses collègues ont également participé au design des locaux du siège de leur société Red Oak House.) Chez LG, nous écoutons nos clients. Nous pensons que l'habitude explique pourquoi nous sommes les leaders dans les applications de technologies de pointe telles que les écrans à cristaux liquides et la TVHD. Nous sommes également actifs dans d'autres domaines, notamment les puces à mémoire DRAM, la pharmaceutique, les satellites de communication. Le dévouement et la satisfaction de la clientèle dont Matt Ryan et ses collaborateurs ont fait leurs principes, sont les principes de nos 126000 autres employés. Maintenant, comment pouvons-nous vous aider?
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