www.lottehotel.com
Good dealings, good fortune! Business enjoyed is business success. Achieve your own business style.
in style
Rhythms that beat with life The rhythms of steel resonate throughout lite, touching and inspiring us ail. And the more this multitalented metal endears itself to our hearts, the more wondrous place our world will be for generations to corne.
posco we move the world ln silence
www. posco.co.kr
·-M~ r ~l
D OS S I E R S Conseil international des musées 2004
32
Regain d'intérêt pour le patrimoine culturel immatériel de l'humanité 1
Choe Seok-yeong
ACT U A L I T É Attraits de la culture latino-américaine
36
Pour une Amérique latine plus proche I Kim Geun S U R LA S C È N E I N T E R N AT 1 0 N A L E Pak Se Ri, golfeuse professionnelle
40
Le défi pour compagnon de parcours I Bae Jay-song A R T I SA N AT Lee Hyung-Man, maître nacreur
44
Quand le temps embellit I Ryu Min E S CA PA D E S A la découverte du pays chungjuien
50
Une contrée née d'un lac et d'une montagne 1
Kim Woo-sun
CU I S I N E Bouillon de courge
58
Une préparation culinaire alliant saveur et santé I Yoon Sook-ja V I E Q U O T I D I E N N E Retour au pays pour la fête des récoltes
62
Sur le chemin des tombes ancestrales 1
LimJae-hae
Koreana sur Internet http:/ /www.koreana.or.kr
© The Korea Foundation 2004 Tous droits réseNés. Toute reproduction intégrale, ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée, est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme (Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 1987), est aussi publiée en chinois, anglais et espagnol.
BEAUTÉS DE CORÉE
Triade des Bouddhas sculptés dans le rocher de Seosan Kim Seung-hee Conservatrice du musée national de Gyeongju
Au centre se tient le
statut antique pour le doter
Bouddha Sakyamuni, le
de structures en accord avec
visage éclairé par un large
son temps. Fondé en Inde, le
sourire. A sa droite, assis
bouddhisme a par la suite
jambes repliées, le Maitreya
acquis une portée universelle
en méditation sourit inno-
et s'est mêlé aux cultures
cemment, tel un enfant. Sur
étrangères par le biais de
la
l'Asie centrale et de la
gauche,
enfin,
un
Bodhisattva au sourire
Chine.
timide tient dans ses mains
Si la douceur émanant
la perle précieuse. Exécutées
des visages de la Triade des
avec
Bouddhas ,
la
plus
grande
délicatesse dans la roche
ainsi
que
l'habillement de ceux-ci,
d'une falaise naturelle, ces trois figures forment
évoquent inévitablement une influence chinoise,
une composition triangulaire d'une parfaite netteté.
particulièrement celles des Wei du nord et du· sud,
Cette triade taillée dans le rocher de Seosan est
_les figures rondes s'harmonisant avec les grandes
plus généralement connue sous le nom de Sourires
mains et larges pieds dénotent le style Mathura
de Baekje. Elle fut réalisée sous le royaume du
originaire d'Inde. L'ordre et l'esthétique propres au
même nom (18e siècle avant J.-C.- 660 après J.-
royaume de Baekje s'y manifestent en outre dans
C.), à une époque où le bouddhisme connaissait le
l'expression des trois visages, qui semblent
plus grand essor de son histoire depuis son intro-
empreints de cette bienveillance primordiale d'alors,
duction dans la péninsule, vers la fin du IVe siècle.
leurs yeux ronds au regard indulgent et leurs nez, ni
Les souverains de Baekje donnèrent à la religion
trop grands, ni trop petits, complétant l'équilibre
des assises spirituelles en vue de réorganiser le
gauche-droite de la tenue vestimentaire. l...t
système politique d'alors, éloignant celui-ci de son Royaume de Baekje, première moitié du VIIe siècle, 2,80 mètres de hauteur, Seosan, province de Chungcheongnam-do, Trésor national n°84.
Couverture: Réalisées entre la deuxième moitié du IVe siècle et le VIIe siècle, les peintures murales de Goguryeo (Koguryo) ont été classées au patrimoine culturel mondial par l'UNESCO. La photographie de couverture représente une scène de chasse de la Tombe Muyong.
Publication trimestrielle de la Fondation de Corée The Korea Foundation 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud
A LA D É CO UV E RTE D E LA CO R É E Le palais Changdeokgung
66
Quand nature et palais ne font qu'un 1
Hong Soon-min
C H E F S - D ' 0 E U V R E Grand encensoir de Baekje
76
Le parfum millénaire de l'art du royaume Baekje 1
Kim Seung-hee
C H R O N I QU E ART I ST I QU E Festival international de musique de Tongyeong
78
Festival de musique dans la ville natale d'un virtuose 1
Kim Moon-hwan
1------------------------------------------Kim Young-ha 83
86
L'épopée du nomade
1 Kim
Dong-shik
Le déménagement
1 Traduction:
Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas
ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Kim Hyeh-won REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Kim Byung-ho RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Chung Bo-young COMITÉ DE RÉDACTION Han Myung-hee, Han Kyung-koo, Kim Hwa-young, Kim Moon-hwan, Lee Chong-suk, Shim Jae-ryong, Yu Hong-june ABONNEMENTS Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons Asie (par avion) 33 USD, autres régions (par avion) 37 USD Prix du numéro en Corée 4 500 wons
Abonnement et correspondance : ETATS-UNIS ET CANADA Yeong & Yeong Book Company 1368 Michelle Drive St. Paul, MN 55123-1459 Etats-Unis Tél: 1-651-454-1358 Fax: 1-651-454-3519 AUTRES PAYS DONT CORÉE La Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud Tél: 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 PUBLICITÉ AD-Front 1588-8 Seocho-dong, Seocho-gu, Séoul Tél: (02) 588-6016 Fax: (02) 2057-0509 CONCEPTION ET MISE EN PAGE Kim's Communication Associates 118 Jangchung-dong 1-ga, Jung-gu, Séoul Tél : (02) 2278-0202 Fax: (02) 2278-2384 IMPRIMÉ À L'AUTOMNE 2004 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34, Seongiu-dong 2-ga, Seongdong-gu, Séoul Tél: (02) 468-0361/5
Les tumulus de Goguryeo abritent de nombreuses fresques qui n'ont toujours pas fait l'objet de recherches approfondies. L'évolution de celles-ci permettra une meilleure compréhension des mécanismes internes du royaume.
vie après la mort à l'intérieur de ce tombeau où l'âme du
celui d'Eurnnaeri à Sunheung, ou de la tombe Takamatsu
défunt doit reposer éternellement en paix. En édifiant une
du Japon, et ce, pour une même époque.
vaste et puissante sépulture, en parant le monde des morts
Les fresques tombales de Goguryeo apportent donc
de fresques somptueuses et en enterrant divers objets aux
un élément essentiel au patrimoine en fournissant un large
côtés du disparu, les contemporains de Goguryeo pensaient
aperçu des divers courants culturels qui ont marqué
peut-être que le trépas ne signifiait pas la fin de l'existence
l' Antiquité extrême-orientale et en attestant de la réalité des
mais le commencement d'une nouvelle vie. En d' autres
échanges entre Est et Ouest à cette époque. Elles reflètent en
termes, le concept d' au-delà, né de la foi en une renaissance
outre l'universalité et l'originalité de la société goguryenne
ou réincarnation, aurait motivé la réalisation des fresques
qui sut assimiler divers apports extérieurs pour les recréer à
tombales
sa façon. C'est pour cette dernière raison que ces oeuvres
de
Goguryeo , comme le prouverait
l'omniprésence d'images dépeignant les moeurs de
ont été inscrites au patrimoine culturel de l'humanité.
l'époque, les Quatre Divinités antiques ou tout simplement des éléments artistiques.
Un enrichissement de l'éducation artistique Les divers éléments qui figurent sur les fresques
Un précieux matériau de recherche sur les échanges culturels d'alors
tombales de Goguryeo présentent une immense valeur
La plupart des tombeaux de Goguryeo furent pillés
taire, leur finesse picturale ne se limi te pas à un
avant leur découverte officielle, si bien que très peu d'objets
témoignage du passé, mais nous renseigne aussi sur des
se trouvaient encore dans les chambres mortuaires. Leurs
techniques susceptibles d'applications dans l'industrie et la
fresques constituent donc aujourd'hui le matériau le plus
vie quotidienne modernes. Etudiées par des spécialistes
fiable pour comprendre l'environnement quotidien et cul-
désireux de retracer le cours de l'histoire, ces peintures ont
turel du royaume. Ces peintures murales d'une beauté
d'une certaine manière vocation à enrichir l'éducation
extrême présentent généralement un bon état de conserva-
artistique de demain. On dénombre à ce jour une centaine
tion et comportent souvent des textes écrits à l'encre de
de fresques tombales spécifiques de l'époque Goguryeo,
Chine sur fond blanc. Ces derniers fournissent un
seule la moitié d' entre elles ayant livré leurs secrets grâce
précieux support historique si l'on sait que les vestiges de
aux conclusions des experts et l' autre moitié restant tou-
Goguryeo, peu nombreux malgré la longue histoire du
jours dans l'ombre en raison du nombre relativement
royaume, se limitent, hormis les fresques, à des poteries et
faible d' études qui leur ont été consacrées à ce jour.
tuiles.
actuelle et à venir. Mettant en valeur l'élégance vestimen-
Une meilleure connaissance de l'histoire du royaume
Les peintures murales des tombeaux de l'ancien
permettra de combler cette lacune. C'est la raison pour
royaume présentent par ailleurs des similitudes frappantes
laquelle amateurs et chercheurs passionnés de culture
et des rapports d'influence certains avec celles de la Chine
goguryenne, aussi bien en Corée du Nord et en Chine, où se
des Han, des grottes jalonnant la route de la soie, ou
trouvent aujourd'hui les peintures qu'en Corée du Sud et au
d' Afrasiab en Asie centrale, où étaient envoyés les légats
Japon, se sont donné tant de mal pour que les fresques puis-
du Royaume antique, ainsi qu' avec celles des tombeaux de
sent figurer sur la liste du patrimoine culturel mondial de
style Goguryeo du centre de la péninsule coréenne, comme
l'UNESCO, laquelle a su répondre à leur attente. l.à1I
10
Koreana I automne 2004
Des trésors historiques reconnus par l'UNESCO Inscrites au patrimoine culturel de l'humanité, les peintures murales des tombeaux de Goguryeo sont un témoignage de la culture de cet ancien royaume. Elles fournissent de précieux éléments d'information pour l'étude de l'art antique d'Extrême-Orient. Choe Kwang-sik Professeur d'histoire coréenne à l'Université Koryo Conservateur du musée de l'Université Koryo
R
constitua un important caiTefour d'échanges entre les Etats
éparties sur diverses régions de l'actuelle Corée du Nord et de la Chine, les fresques
qui composaient alors le Nord-Est asiatique. Si sa proximité
des tombeaux de Goguryeo (Koguryo) ont
géographique avec la Chine et d'autres royaumes d'Asie
éveillé l'intérêt des amateurs d'art ancien du
01ientale en fit un champ de bataille, il sut aussi tirer parti
monde entier dès avant leur classement par l'UNESCO au
de l'apport de nouvelles cultures et se forger une identité,
patrimoine culturel mondial. Le royaume de Goguryeo
comme le démontrent particulièrement ses peintures
murales, qui aujourd'hui encore sont le reflet de sa splen-
aux alentours de Pyeongyang, aujourd'hui capitale de la
deur passée.
Corée du Nord, mais jadis celle du royaume de Goguryeo. On notera aussi qu' elles consistent le plus souvent en por-
Un témoignage sur la culture de Goguryeo
traits de défunts ou en représentations de scènes et cou-
Les peintures murales de Goguryeo étaient pour la
tumes de la vie quotidienne, de dieux aux formes multi-
plupart réalisées à l'encre de Chine, dans divers coloris,
ples, de fleurs de lotus, du soleil et de la lune, d'animaux
sur une couche de mortier dont étaient revêtus les murs de
imaginaires, ainsi que de la constellation et d'autres images
la chambre funéraire, lesquels se composaient de pierres
célestes.
de taille finement ciselées et habilement jointes. D'autres
Ces fresques présentent un aperçu de la nature, du
furent directement exécutées sur des parois dépourvues
tempérament, des goûts esthétiques et de la sensibilité aux
d'enduit et substituant les dalles aux pierres.
couleurs des sujets de Goguryeo. Elles révèlent par ailleurs
Ces fresques se divisent en plusieurs catégories selon
que la peinture a su évoluer et s'adapter pour représenter
l'époque de leur réalisation et leur forme particulière. Ainsi
les hommes avec leurs habitudes vestimentaires et leurs
distinguera-t-on celles ayant trait aux mœurs quotidiennes
traditions religieuses. En outre, elles ont su mettre en relief
d'autres purement décoratives ou représentant les Quatre
les modes de pensée d'alors et nous éclairent sur les
Divinités antiques qu'étaient le dragon bleu, le phénix
paysages architecturaux, sans oublier la faune et la flore.
rouge, le tigre blanc et la tortue-serpent. Il faut toutefois
Les motifs qui ont suscité la réalisation de ces
savoir que la majorité des peintures retrouvées l'ont été
fresques sont probablement liés à la croyance en une autre
Culture de Goguryeo et évolution des peintures murales de ses tumulus Les peintures murales des tumulus de Goguryeo nous invitent à nous interroger sur la vie et la pensée des sujets de ce royaume antique, l'apparition de thèmes nouveaux y révélant par ailleurs une évolution des tendances culturelles et sociales de cette monarchie. Ces fresques d'une valeur exceptionnelle constituent ainsi un matériau inestimable qui nous permet d'entrevoir le monde antique de Goguryeo. Lee Tae-ho Professeur d'histoire de l'a rt à l'Université Myongji
D
à pouvoir y appliquer directement la peinture. D'une mise
urant les trois cents années de cette dynastie, c'est-à-dire du IVe au VIIe siècles, au moins
en œuvre limitée aux zones où un granit de haute qualité
quatre-vingt-dix des tombeaux construits
était disponible, cette technique était la spécificité exclusive
alors auraient comporté des peintures
de Goguryeo, aucun autre exemple ne s'en étant trouvé à
murales. Ces dernières constituent un héritage culturel
l'époque en Chine ou en un quelconque autre endroit du
provenant de l'âge d'or de Goguryeo, ce gigantesque
monde. Il est à noter que les pigments s'approp1ient si par-
empire de l'Asie de l'Est.
faitement la surface de pierre que la peinture semble fraîche, comme si elle n'avait été appliquée que quelques
Peinture sur chaux et sur pierre
jours plus tôt. De ce fait, l' œuvre produit efficacement un
Elles se divisent en deux grandes catégories en fonc-
effet de grandeur à l'intérieur de la tombe. Cette technique
tion de la surface sur laquelle la peinture a été exécutée.
de peinture sur pierre devait connaître un essor plus tardif
Après avoir superposé les unes aux autres les briques ou
que celle employant la chaux.
les pierres constitutives de la chambre funèbre, on appli-
Construit au milieu du IVe siècle, le tumulus n° 3
quait de la chaux à la surface de ce mur pour obtenir le
d' Anale renferme des peintures murales sur pierre. Hormis
support destiné à recevoir les peintures murales.
cet exemple, on ne retrouve cette technique que sur les
S'apparentant à celle des fresques, cette technique était la
peintures murales des Quatre Divinités ornant les tombes
plus couramment employée pour peindre portraits et
construites de la fin du VIe siècle au milieu du VIIe siècle,
scènes de moeurs du IVe au VIe siècles. Le peuple de
telles que le tumulus de Honam-ri, la Grande Tombe et la
Goguryeo possédait une haute maîtrise de l'utilisation de
Tombe Moyenne de Gangseo, les tumulus de Tonggou,
la chaux. Des analyses récentes de peintures sur chaux ont
ainsi que les tombes n° 4 et n° 5 d' Ohoe (tombe en forme
révélé que ces oeuvres comportaient moins de détériora-
de casque). Il est aussi des cas où les figures de ces
tions que celles datant de la fin de Joseon et présentaient
divinités gardiennes, ou encore des motifs de vigne, ont été
donc un plus haut degré de pureté. Ainsi, à l'exception des
sculptés en bas-relief, puis peints pour créer une apparence
zones où la chaux s'est effritée, les peintures des tumulus
plus élaborée, comme dans la Grande Tombe de Gangseo.
de Goguryeo sont peu décolorées et se trouvent dans un
Cette technique reflète la grande prospérité économique et
état de conservation remarquable.
le raffinement culturel de la fin de la période Goguryeo.
Une autre technique consiste en l'application directe
Malgré certaines similitudes de forme, les peintures
de peinture sur la surface de pierre. Elle était utilisée sur des
murales des tumulus diffèrent toutes, que ce soit par le
dalles larges et planes ou sur des pierres taillées uni-
thème traité ou la méthode de représentation. Jusque dans
formément pour construire les chambres funèbres, de façon
celles des personnes d'une même catégorie sociale, il existe
14 Koreana I automne 2004
·,.: ri
,.--
.•...
. ...
.
(1 .
celles qui abordent des thèmes analogues diffèrent par le
.
.
JJ
l
des variations dans l'apparence et les atours, alors que
.
Dans la Tombe de Muyong, cette peinture de moeurs réalisée entre la fin du IVe siècle et le début du Ve représente des chanteurs et danseurs saluant le défunt lors de son départ à cheval.
style de représentation. Cette forte individualité révèle, chez les peintres, une prise en considération exacte du statut et
Temple Dansoksa de Jinju, ainsi qu'un portrait de Dangun,
des accomplissements passés du défunt lors du choix des
le fondateur légendaire de la nation coréenne. Si l'on con-
thèmes et des méthodes de représentation. Les
sidère que les artisans qui coulèrent les cloches boud-
interprétations du soleil et de la lune, les portraits des occu-
dhiques à l'époque Silla occupaient le cinquième rang de
pants des tombes, les représentations de scènes de moeurs,
la hiérarchie sociale, leurs contemporains, que sont Solgeo
des immortels taoïstes, des Quatre Divinités, d'animaux et
et les peintres des fresques des tumulus, doivent avoir joui
de plantes sacrés, ainsi que les motifs de décoration, font
d'un statut social très important.
apparaître que les peintres de Goguryeo subirent l'influence des peintures et motifs chinois des Han, des Dynasties du Nord et du Sud, des Sui et des Tang.
Caractéristiques des peintures murales par période Les quelque quatre-vingt-dix peintures murales
On ne dispose toutefois d'aucune information sur les
découvertes à ce jour dans les tumulus de Goguryeo peu-
circonstances et lieux dans lesquels est né ce style de pein-
vent être divisées en trois périodes chronologiques, en
tures murales, ni sur les noms et conditions de leurs pein-
fonction de la structure des tombes, des thèmes et des
tres. Qui étaient donc ces derniers ? Les peintures tombales
méthodes de représentation. La première époque s'étend
étant alors l'apanage des monarques et hauts fonction-
du milieu du IVe siècle au début du Ve, la deuxième, du
naires du gouvernement, leurs auteurs durent être d'un
milieu du Ve au milieu du VIe et la troisième, de la
haut rang social. Par comparaison avec les peintres de cour
deuxième moitié du VIe à la première moitié du VIIe.
de l'époque Joseon, il semblerait que ceux des fresques
Portraits et peintures de moeurs étaient appréciés au cours
étaient des fonctionnaires chargés de la décoration du
des deux premières périodes, tandis que les représentations
palais et des temples, ainsi que des peintures murales,
se limitaient aux Quatre Divinités pendant la troisième.
bannières, peintures bouddhiques et portraits.
A Anak, dans la province de Hwanghae-do, ainsi que
On se souvient de Solgeo, peintre du royaume Silla,
dans la région de Pyeongyang, notamment pour ce qui est
comme d'un artiste proche de ceux qui réalisèrent les
du tumulus n° 3 d' Anak (milieu du IVe siècle), de la tombe
fresques de Goguryeo. Ses oeuvres comprennent des
de Deokheung-ri (408) et de la tombe n° 1 de Taeseong-ri,
représentations réalistes de pins centenaires sur les murs
les peintures murales de la première période consistent
du Temple Hwangnyongsa de Gyeongju, d'un Bodhisattva
principalement en portraits divinisés des défunts, tandis
Avalokitsvara au Temple Bunhwangsa et de Vimalakrti au
que les individus debout se caractérisent par une automne 2004 1Koreana
15
Les articles tels que vêtements, armures métalliques et chars diffèrent notoirement de ceux provenant de Chine, mais présentent des similitudes avec les objets issus des tombes de Baekje, Silla et Gaya, ce qui révèle la présence d'une certaine homogénéité culturelle sur la péninsule coréenne à l'époque des Trois Royaumes. représentation vestimentaire et des récipients de style chi-
tion d'un rétrécissement autour d'un point central. Si vous
nois. Ces peintures ont aussi pour thème des cortèges de
examinez attentivement le plafond de l'une de ces tombes,
grande envergure, des palais ou des événements de la cour,
vous serez sans nul doute étonné de sa beauté symétrique.
ainsi que des scènes de la vie quotidienne relatives à la cui-
Présent dans la majorité des tombes construites du
sine, aux entrepôts de viande, écuries, granges et hangars à
IVe au VIIe siècles, ce type de plafond semble imprégné
carrosses. Il y a aussi les peintures de moeurs illustrant des
d'influences culturelles occidentales. Il pourrait avoir pour
épisodes de la vie privée ou publique du défunt. De plus,
origine l'architecture romaine, les temples des grottes
les plafonds s'oment d'images du soleil, de la lune et des
d'Asie Centrale et d'Inde, ou les abris des nomades qui
constellations, ainsi que de motifs de vigne, de fleurs de
erraient dans les steppes de Sibérie. Ceci démontre que
lotus, d'êtres divins, de musiciens , d'immortels et
Goguryeo avait acquis suffisamment d'assurance et
d'animaux sacrés, attestant ainsi du culte rendu aux cieux
d ' ouverture d'esprit pour assimiler des techniques
par la population en ce début de Goguryeo. La structure de
étrangères et intégrer ces éléments à sa propre culture. Sa
la tombe a alors pour particularité principale la méthode de
technique des plafonds révèle ainsi une réceptivité aux
construction de son plafond. Selon cette technique, dite de la
influences extérieures. Des spécimens peuvent en être
«réduction triangulaire», des pierres en forme de triangle
admirés dans les chambres funèbres en pierre de la fin de
étaient jointes entre elles aux quatre coins de la chambre
la Dynastie chinoise des Han et dans les temples de grottes
funèbre de sorte que leurs bords plats créent une forme de
des Dynasties des Wei et des Jin, ainsi que de celles du
diamant symétrique. L'opération se répétait jusqu'à l' obten-
Nord et du Sud. Ils sont toutefois en nombre limité, tandis
16
Koreana I automne 2004
qu ' à l'époque de Goguryeo, la construction par «réduction triangulaire» était devenue la norme, à laquelle s'ajoutaient des croyances populaires fondées sur le culte des cieux, au carrefour du Taoïsme et du Bouddhisme.
L'âge d'or des peintures murales de tumulus Durant la deuxième période, au milieu du Ve siècle,
A la fin de la période de Goguryeo, les peintures murales des tombes dépeignaient les« Quatre Divinités», gardiennes symboliques du défunt. En haut, ce dragon bleu figurant sur le mur Est de la Grande Tombe de Gangseo est considéré comme un chef-d'oeuvre pour son style élaboré et ses couleurs vives (à gauche). La peinture de tortue noire du mur septentrional de la Grande Tombe de Gangseo se distingue par les élégantes courbes du serpent qui l'encercle et reflète l'esthétique raffinée de ses auteurs (à droite).
dhiques tels que les motifs de fleurs de lotus, sont représentés sur les plafonds.
les portraits solennels des défunts ont été remplacés par un
Hormis les portraits et scènes de moeurs, les peintures
ensemble de scènes de la vie quotidienne dans lesquelles
des Quatre Divinités ont commencé à apparaître sur les
les morts sont représentés comme des gens ordinaires
murs et plafonds des tombes pendant la deuxième période,
arborant des manteaux et décorations de pantalon de style
comme on peut le constater dans les sépultures de-la région
Goguryeo. Dans quelques tombeaux situés aux environs
de Tonggou, telles la Tombe n° 1 de Changchuan, celles de
de Pyeongyang, tels les tumulus de Ssangyeong et Susan-
Muyong et Samsil, ou encore de la région de Pyeongyang,
ri, les défunts sont dépeints avec des habits formels à la
notamment les tombeaux de Yaksu-ri, Ssangyeong et des
chinoise, alors que dans les sépultures de la région de
Quatre Divinités à Maesan-ri, cette dernière étant aussi
Tonggou, notamment la tombe n° 1 de Changchuan, ainsi
connue sous le nom de Tombe de Suryeop. Dans certaines
que celles de Muyong, Gakjeo et Samsil, on rencontre
d'entre elles, les murs sont ornés d'images de fleurs de
rarement des vêtements de style chinois. Les occupants des
lotus, de coquilles de tortues et de motifs circulaires. Outre
tombes y apparaissent dans leurs activités de tous les jours,
que les thèmes se sont diversifiés, la qualité des peintures
à savoir la danse et le chant, les cérémonies d' adieux, les
s'est enrichie. Les couleurs y sont encore plus brillantes et
sorties familiales, les spectacles populaires, les cérémonies
les lignes des images, plus audacieuses et plus détaillées,
bouddhiques, la chasse et la lutte traditionnelle. Des
en fonction des thèmes traités.
thèmes propres au Taoïsme, mêlés d'éléments boud-
L'édification d'un grand nombre de tombes à peintures automne 2004 1Koreana
17
Dans la Tombe de Gakjeo, cette rencontre de lutte entre un sujet de Goguryeo et un homme probablement originaire de l'Asie du Centre-Ouest est révélatrice d'interactions survenues au IVe siècle entre l'antique Royaume et diverses régions d'Asie (à gauche). Sur le plafond de la Tombe Ssangyeong, fleur de lotus et motifs décoratifs s'accompagnent de symboles tels que celui, légendaire, du corbeau à trois pattes dans le soleil ou du crapeau dans la lune. La technique de construction est dite de réduction triangulaire (ci-contre).
Quatre Divinités. Tandis que les tombes des périodes précédentes abritaient des chambres funèbres en pierre de diverses formes, telles les chambres simple et multiple, celles de la troisième période comportaient une chambre unique dont les quatre murs étaient décorés d'images des divinités gardiennes adéquates, à savoir dragon bleu, tigre blanc, phénix rouge et tortue noire hybride respectivement sur les murs est, ouest, sud et nord. La tombe aux Quatre Divinités de Tonggou, les tombes n° 4 et 5 de la tombe d' Ohoe à Jianxian (Jilinsheng), en Chine, les tombes n° 1 et 4 de Jinpa-ri, la Grande Tombe et la Tombe Moyenne de Gangseo, ainsi que la Tombe aux Quatre Divinités de murales, aux environs de Pyeongyang, pendant la période
Honam-ri, dans la région de Pyeongyang, figurent parmi
allant du milieu du Ve siècle au milieu du VIe, s'explique
des dizaines de sépultures décorées selon le style
principalement par la stabilité acquise par le vaste empire
caractéristique des Quatre Divinités . Très colorées et
sous le règne du Roi Jangsu (r. 413 - 491) suite au transfert
pleines de vigueur, ces dernières reflètent les croyances du
de la capitale à Pyeongyang en l'an 427. Pas plus d' une
peuple de Goguryeo et I' rut d'Asie de l'Est à cette époque.
dizaine de tombes furent en effet construites dans cette
La prédominance des peintures murales aux Quatre
région du IVe siècle au début du Ve, et une dizaine de plus,
Divinités témoigne de l'apparition d' une nouvelle sensi-
avec peintures des Quatre Divinités, à partir de la seconde
bilité culturelle et du développement de l'environnement
moitié du VIe siècle, alors que soixante à soixante-dix
social. En d'autres termes , les peintures aux Quatre
avaient été réalisées entre le milieu du Ve siècle et celui du
Divinités sont une manifestation de l'esprit et de la pensée
VIe. Au vu des représentations réalistes de la vie quotidienne
caractérisant cette fin d'époque Goguryeo. A partir du
que comportent les peintures murales de ces tombes, il
milieu du VIe siècle, les royaumes de Goguryeo, Baekje et
semble que l'élite de la société ait joui de loisirs et d' un
Silla s'affrontèrent pour étendre leur hégémonie sur la
confort considérables grâce à la prospérité de Goguryeo à
péninsule coréenne, alors que Goguryeo était engagé dans
son âge d'or. On considère de surcroît que les tombes à
un grand nombre de conflits suite aux évolutions résultant,
peintures murales traduisent la fierté croissante manifestée
sur le continent, de l'unification des Sui et des Tang chi-
par Goguryeo envers sa culture nationale unique.
nois. Le royaume de Goguryeo célébrait encore ses victoires à l'époque de son effondrement. Son triomphe se
Puissance des peintures murales des Quatre
manifeste par l'établissement du gouvernement de
Divinités
Yeongae Somun, défenseur du Taoïsme. Dès le milieu du
Sur les oeuves de la troisième période, c'est-à-dire de
VIe siècle, la monru·chie de Goguryeo a elle aussi connu
la seconde moitié du VIe siècle à la première moitié du
diverses évolutions, dont le passage d'une structure de
VIIe, les représentations de scènes de moeurs des périodes
pouvoir centralisée à un système de coalitions aristocra-
précédentes cèdent la place à une mise en valeur des
tiques. Dans ces circonstances, les Quatre Divinités, sym-
18 Koreana I automne 2004
Nouvelle histoire des Tang sont riches en informations sur la société de Goguryeo. C ' est avec une grande minutie que les sujets de Goguryeo ont représenté leur vie sur les peintures tombales. Si ces dernières n'avaient pas subsisté, la Chine aurait certainement entrepris de siniser tout Goguryeo à partir de ses propres archives historiques. Le peuple de Corée doit ainsi beaucoup aux auteurs des peintures murales des tombes de Goguryeo pour avoir rendu compte avec un tel réalisme de la vie quotidienne des sujets du Royaume. Si leurs œuvres présentent un grand nombre de traits communs avec l'art chinois de la même période, elles ne peuvent leur être comparées en termes de thématique ou de qualité artistique, pas plus d'ailleurs que d'un point de vue quantitatif. Ce sont environ quatre-vingt-dix tombes à peintures murales qui furent édifiées sur une période de trois cents ans allant du IVe au VIIe siècle, alors que moitié moins furent construites durant les quelque cinq boles de protection et de sécurité éloignant les mauvais
cents années des Dynasties Han et Tang. Les sculptures et
esprits, devinrent des objets de vénération quotidienne et
gravures de pierre datant de l'époque Han, ainsi que celles
de croyance en l'au-delà. Ce contexte explique lui aussi un
des Dynasties du Nord et du Sud de la Chine, sont plus
dynamisme et un spiritualisme tels dan s les formes
réputées que ces peintures.
d'expression.
Les thèmes des portraits et études de moeurs qui furent représentés sur les peintures murales des tombes de
Documents historiques de Goguryeo
Goguryeo du IVe au VIe siècles, notamment les concep-
Il n'est guère facile d'acquérir une totale
tions des sujets de Goguryeo, leur habillement, leurs chars,
compréhension des lois, des institutions et de la société
leurs danses, leur musique de cour, leur lutte pratiquée par
goguryiennes. La disparition des documents historiques de
des gueniers de l'âge du fer protégés par des armures, etc.,
Goguryeo, notamment les cent volumes des Documents
se distinguent nettement de ceux de leurs équivalents chi-
historiques et les cinq volumes de la Nouvelle Compilation, ne fait qu 'aggraver la situation, mais fort
nois. En particulier, les vêtements, armure·s et chars
heureusement, les peintures murales et inscriptions des
tombes de Baekje, Silla, et Gaya, ce qui révèle qu ' il exis-
tombes de Goguryeo, dont le monument élevé en
tait une certaine homogénéité culturelle sur la péninsule
l'honneur du Grand Roi Gwanggaeto, constituent toujours
coréenne à l'époque des Trois Royaumes. De plus, sachant
une précieuse source d'informations.
que les cuisines et leurs plats de galettes de riz, les danses
s'apparentent davantage aux artefacts découverts dans les
Pour ce qui est des références coréennes, Samguksagi
populaires, le style de lutte et les spécificités culturelles
(Histoire des Trois Royaumes) et Samgukyusa (Memorabilia des Trois Royaumes) mentionnent brièvement quelques
relatives aux animaux, que représentent ces peintures
aspects de l'histoire de Goguryeo, tandis que les archives
laire coréenne ou n'en ont disparu que très récemment, il
historiques chinoises, telles que les Documents historiques,
est manifeste que les Coréens d'aujourd ' hui sont les
les Documents sur les Trois Royaumes, l' Histoire du Nord,
descendants du peuple de Goguryeo et participent tous
l' Histoire du Sud, l 'Ancienne histoire des Tang et la
d'une même nation coréenne. t..t
murales font aujourd'hui encore paitie de la culture popu-
automne 2004 1Koreana
19
Le secret d'une conservation millénaire Réalisées voilà plus d'un millier d'années, les peintures murales des tumulus de Goguryeo conservent aujourd'hui encore l'éclat et la vivacité de leur imagerie et de leurs couleurs d'origine grâce à la haute maîtrise atteinte par les peintres de l'époque dans la mise en oeuvre des techniques de peinture et pigments, en harmonie totale avec leur environnement. Lee Jong-sang Professeur honoraire au Département de peinture orientale de la Faculté des Beaux-Arts de l'Université Nationale de Séoul
I
dernières de celles de Chine ou d'Asie centrale qu'en con-
1 est malaisé d'apprécier véritablement la peinture moderne sans connaître aussi celle qui orne les
sidérant style et technique comme complémentaires dans le
parois des tombes de l' Antiquité. Par bonheur, les
cadre d'études d'histoire de l'art coréen. Tout en appartenant
peintures tombales de Goguryeo demeurent pour
à la même sphère culturelle, Corée, Chine et Japon ont en
retracer l'influence artistique de cet ancien royaume sur les
effet acquis des particularités nées de facteurs environnemen-
générations ultérieures de créateurs. Localisé pour la plu-
taux différents et de leur autonomie culturelle.
part près de Tonggou, comme la célèbre tombe Muyong,
Les auteurs des peintures murales de Goguryeo se
dans l'actuel district chinois de Jianxian où se trouvait
devaient de connaître des disciplines telles que les sciences,
l'ancienne capitale, Gungnaeseong, ainsi qu'aux environs
la philosophie et l'architecture pour produire des oeuvres
de Pyeongyang, cet héritage représente pour la Corée un
qui soient synthétiques. Celles-ci devaient non seulement
trésor artistique inestimable et une source de fierté. La
atteindre un haut niveau artistique, mais être aussi adaptées
division de la péninsule interdisait il y a peu de temps
à leur environnement en vue de leur durabilité. Ces pein-
encore tout accès à ces peintures murales. En outre, l'étude
tures tombales exigeaient une prise en considération
de l'histoire de l'art coréen ayant adopté une optique pure-
rigoureuse des techniques et matériaux de peinture,
ment stylistique, elle n'accorda que peu d'intérêt aux
notamment des pigments, de la qualité de la surface sup-
matériaux et techniques marquant l'évolution réalisée en
port, des glus et des solvants, ainsi qu'une large évaluation
peinture à partir des oeuvres rupestres du néolithique et de
scientifique pour garantir la conformité à l'environnement.
celles des tombes de Goguryeo jusqu'à l'art bouddhique de
L'histoire de la peinture murale commence avec la
Goryeo, aux créations à l'encre de Joseon et à l'art moderne.
réalisation d'images directement sur une smface de pierre non traitée. En parallèle, apparaissent des techniques
Aux sources de l'art moderne
caractéristiques sur surface traitée, c'est-à-dire sur une
Les techniques de peinture coréennes ont pour princi-
couche de calcaire ou d'argile se superposant au mur destiné
pale origine l'art funéraire de Goguryeo. De même que l'on
à recevoir la peinture, lequel consiste en une paroi irrégulière
ne saurait aisément apprécier l'art chinois sans connaître
de briques ou de pierres empilées côte à côte. Si la peinture
celui des grottes de Dunhuang, on ne peut réellement aborder
est appliquée avant assèchement complet de ce revêtement,
celui des peintures bouddhiques de Goryeo, des peintures de
elle relève de la technique de la fresque, alors la plus
couleur de Joseon et des portraits ancestraux sans aucune
courante, et dans le cas contraire, à celle de la détrempe. La
connaissance des peintures tombales de Goguryeo. On ne
première se divise elle-même en deux catégories dites «buon
pourrait déterminer avec certitude comment des facteurs
fresco» et «secco-fresco». D'autres types de peintures sont
environnementaux différents ont contribué à différencier ces
possibles, en fonction de l'utilisation variée des glus.
22 Koreana I automne 2004
En général, les techniques mises en œuvre sur les pein-
calcium). Sur les fresques de Goguryeo, l'application d' un
tures murales de Goguryeo se situent dans la lignée de la
mélange de chaux hydratée (hydroxyde de calcium) et
peinture traditionnelle coréenne, celle-ci privilégiant le
d'extraits d'algues à haute tension superficielle permettait
traçage des lignes et non l'application de couleur. La tech-
d'obtenir un support sur lequel on faisait brûler du charbon,
nique d'application de la peinture diffère radicalement sur les
avant évaporation de l' humidité, pour produire de l'oxyde
peintures
de la région
de carbone et finir la surface destinée à recevoir la peinture.
méditerranéenne, qui ont fortement influencé la peinture à
En fonction de la rapidité des coups de pinceau et du degré
l'huile occidentale, et sur celles de Goguryeo, réalisées
de pénétration, on employait alors du carbone suie obtenu
directement sur une surface de pierre naturelle, à l'instar de
en faisant brûler de l'huile avec de la glu à basse viscosité
fresques. Mettant l'accent sur les tracés, ces dernières ont
constituée d'un extrait de peau de boeuf ou de poisson, ou
exercé un impact considérable sur les techniques de peinture
encore du carbone résine confectionné de manière analogue.
du Sud-Est asiatique. C'est en se fondant sur ces approches
L'hématite (Fe203), produite en faisant brûler de la goethite
différentes et en satisfaisant une prédilection pour les tech-
et de la limonite (Fe203 NH20), toutes deux en provenance
niques de nuançage que les peintres occidentaux ont mis au
de la région située à proximité du fleuve Arnnok-gang, était
point la peinture à l'huile, qui permet de reproduire les
un pigment de base principalement utilisé pour dessiner les
objets avec réalisme grâce à l'effet de solvant produit par
contours, piliers et branches d'arbres.
murales
par détrempe
l'huile. Attachée aux lignes conceptuelles, la peinture orien-
En Asie centrale et à Dunhuang, on retrouve fréquem-
tale s'est en revanche orientée vers la technique de
ment des pigments à base de cuivre oxydé qui produisent
l'aquarelle, qui représente les objets de manière intuitive.
des nuances bleu verdâtre, alors que dans les régions situées plus à l' est, les couleurs tirent davantage sur un
De l'humidité comme agent de conservation
brunâtre qui donne les tonalités brun jaunâtre et brun
Les peintures murales de Goguryeo ne faisaient appel,
rougeâtre des peintures murales de Goguryeo. Ceci montre
pour toute méthode adhésive, qu'à l'application directe de
quelle incidence avait la nature des sols et pigments
peinture sur une surface de pierre, ce qui relève de l'art de la
découverts dans chaque région sur les peintures murales.
fresque. Ainsi, le secret de leur conservation réside dans leur
Les techniques étaient mises au point en fonction des
capacité à se constituer naturellement une couche de chaux
matériaux disponibles, mais aussi influencées par Je sens
protectrice. Bien que les pigments possèdent eux-mêmes
esthétique et la pensée des habitants du lieu.
une certaine durabilité, si la glu servant de liant entre leurs
En conséquence, les couleurs utilisées sur les pein-
particules s'altère, la peinture murale commencera à
tures murales de Goguryeo étaient des pigments non
s'écailler en surface. Etant toutes de nature organique,
réceptifs de matériaux inorganiques et oxydés, el non des
comme celles à base de peau de boeuf, de poisson, de cerf et
pigments organiques à haut degré de réceptivité. Et si ces
de laitue marine, les glus traditionnellement employées en
œuvres ont survécu à l'humidité pendant plus d'un
peinture ne peuvent garantir une grande durabilité.
millénaire, c'est grâce à l'utilisation de pigments inor-
Les peintures murales de Dunhuang, qui furent réalisées par détrempe sur une surface sèche, se trouvent
ganiques oxydés qui ont créé une couche de chaux absorbant cette même humidité au contact de celle-ci.
dans des grottes dont l'humidité peut se maintenir à un niveau constant puisque celles-ci se situent au-dessous d'un
Les pigments spéciaux
désert de dunes de gravier et de sable. Alors que les pein-
Les détériorations que l'on constate sur les diverses
tures murales de Dunhuang sont protégées de l'humidité
peintures murales ne résultent pas tant d'une décoloration
par la capacité régulatrice naturelle des grottes, celles de
que de certaines dégradations occasionnées sur la srnface
Goguryeo utilisent l'humidité comme élément catalyseur
peinte ou d'un écaillement dû à l'altération des agents col-
pour produire une couche protectrice de chaux (oxyde de
lants. Dans la peinture orientale, l'oxyde de plomb ou automne 2004 1Koreana
23
Si les peintures murales découvertes dans les profondeurs des grottes de Dunhuang ont été préservées de l'humidité, celles de Goguryeo se servirent de cette dernière comme catalyseur pour produire naturellement une couche protectrice de chaux.
litharge s'emploie souvent pour produire des pigments de
bonne couverture, ce qui veut dire que l'énergie libre
couleur car les particules de plomb oxydé possèdent une
superficielle du papier et la tension superficielle de la pein-
structure extrêmement stable. En chauffant de l'oxyde de
ture sont compatibles ou bien adaptées (RS>RL).
plomb à 500° C, on obtient un composé rougeâtre, délicat
A plusieurs égards, il est évident que les auteurs des
et lourd connu sous le nom de plomb rouge (Pb304), lequel
peintures murales de Goguryeo avaient acquis une bonne
s'utilise souvent pour former des couches anti-corrosives
compréhension de ces principes. La raison pour laquelle
aux fins de la protection des surfaces métalliques. Si on
les oeuvres bouddhiques de Goryeo furent réalisées selon
chauffe du plomb rouge à une température supérieure à
la technique dite des «peintures épaisses» (nongchae), qui
1200°C, il se transforme en un vernis transparent constituant
autorise une grande durabilité, est que leurs créateurs
la matière première de divers émaux synthétiques et pig-
avaient opté pour l'application de plusieurs couches suc-
ments minéraux. Bien que les pigments des peintures
cessives que l'on retrouve sur les peintures murales de
murales se rencontrent à l'état naturel, le développement
Goguryeo, où les pigments étaient directement étalés sur
des applications de l'alchimie a permis la création d'un
la pierre. Après des évolutions, elle a donné naissance au
grand nombre de couleurs synthétiques et permanentes.
procédé dit jangji gibeop qui consiste en l'application de
Une analyse scientifique de ces processus peut révéler
ces couches successives sur du papier renforcé (jangji). De
l'histoire des matériaux et techniques en plus de celle, déjà
plus, la technique dénommée bukchae, qui a permis la
connue, des éléments stylistiques. Sur les peintures murales
réalisation des peintures bouddhiques de Goryeo, et selon
de Goguryeo, les couleurs complémentaires et absorbantes
laquelle la peinture est appliquée au dos de la surface
proviennent de matériaux inorganiques oxydés. Ces pigments,
peinte, est aussi plus ou moins liée à la mise en œuvre
dont le vermillon, le cinabre, la malachite, l'orpiment et les
d'une couche de chaux sur les peintures tombales.
gommes-guttes de la famille des minéraux sont dérivés de métaux légers présentant une basse résistance à la décomposition et une gravité spécifique inférieure à 5, ou de métaux lourds oxydés et pulvérisés. La diminution de l'éclat des images représentées sur les peintures murales résultant de la carbonisation des glus organiques, sur les oeuvres dépourvues de glu, notamment dans la tombe d'Ohoe, ainsi que sur la majorité des plafonds et dans la Grande Tombe de Gangseo, où la peinture fut directement appliquée sur la surface de pierre, ont toutes réussi à conserver la vivacité de leurs couleurs sans pour autant subir d' écaillement en surface. Ainsi, tous les matériaux appliqués sur les murs possèdent leur énergie libre superficielle propre (RS dyne/cm), les glus conservant aussi leur tension superficielle propre (RL dyne/cm). De la sorte, si la peinture adhère fortement à la surface du papier, on dit qu'il y a une 24
Koreana I automne 2004
, - - - - - - - - - - - - -· - ---------- -
-
- - - - - - --
-
----------------------~
Transmission des techniques de peinture murale de Goguryeo
l'utilisation de glus d'une viscosité relativement faible. Ceci
La glu idéale présentait, aux fins de ces ouvrages, une
peut s'expliquer par le fait que, dans un environnement à
faible viscosité et une forte transparence qui permettaient
humidité élevée, ni la technique de «buon fresco» ni celle de
une absorption efficace de l'humidité grâce à un haut
«secco-fresco» n'étaient employées pour les oeuvres
niveau d'hydratation. Ce procédé originaire de la
s'apparentant à des fresques, alors que la formation d'une
péninsule coréenne, comme le fait apparaître clairement
couche protectrice en chaux était aisément réalisable sur les
l'histoire de l'art de celle-ci, a débouché, après une évolu-
peintures murales exécutées directement sur des surfaces de
tion, sur la création de «peintures collées» au moyen de
pierre naturelle. Du point de vue des techniques de peinture
glus à base de peau de boeuf ou de poisson et se retrouve
plus récentes, ce phénomène pourrait être attribué au fait
sur les peintures bouddhiques de Goryeo ainsi que dans les
que, dans un milieu caractérisé par des variations
œuvres d'art populaire sur papier renforcé de Joseon. Les
d'humidité extrêmes, l'application de plusieurs couches
glus employées sur les peintures murales de Goguryeo
renforce la résilience et la translucidité.
celle de l'énergie libre superficielle du support, ce qui révèle
consistaient principalement en extraits d'algues ou en
Rares sont ceux qui ont conscience de l'immense
colles à base de peau de boeuf, hormis dans la tombe de
impact qu'a eu cette simple glu des peintures murales
Gangseo à Deokheung-ri, qui date de l'an 408 et dont cer-
anciennes de Goguryeo sur la culture ultérieure et dans
tains éléments attestent de l'utilisation de résine à base de
d'autres domaines . Elle allait notamment permettre
légumes tels que les haricots, bien que des recherches
l'impression à moules métalliques amovibles, dont subsis-
approfondies s'imposent pour clarifier ce point. Si cette
tent les
hypothèse devait se confirmer, preuve serait apportée que
Jikjisimcheyojeol, rehaussant les caractéristiques du papier
les peintures sur papier de Goryeo et Joseon, de même que
coréen en termes d'adhésivité et de texture. Enfin, les
la tradition coréenne consistant à vernir les planchers
peintures bouddhiques de Goryeo se sont dotées de l'éclat
chauffés à l'huile de haricot, sont dérivées des techniques
artistique et de la maîtrise technique des matériaux qui leur
de réalisation des peintures murales de Goguryeo.
sont propres grâce à l'adaptation des pigments perma-
Sur la majorité des peintures murales coréennes, la valeur de tension superficielle des pigments est inférieure à
plus
vieilles
archives
existantes,
le
nents et des glus hautement absorbantes mis en œuvre sur les peintures murales des tombes de Goguryeo. l.àt
Les peintures murales de Goguryeo à la rencontre du présent Des créations musicales, chorégraphiques et vestimentaires font appel aux motifs tirés des peintures murales de Goguryeo, démontrant ainsi à nouveau que le passé constitue encore et toujours une source d'inspiration pour inventer l'avenir. Lee Young-hee Journaliste au quotidien Munhwa
L
es fresques des tumulus de Goguryeo ne reposent pas silencieusement dans leurs
œuvres la vie quotidienne au temps de Goguryeo à partir de ses fresques.
sépultures. On croirait entendre respirer les
Déjà, le compositeur Yun 1-sang (1917-1995) s'était
sujets du royaume qui y sont représentés, entre
dit vivement ému à la vue des fresques de Goguryeo que
rires et larmes, grâce aux nombreux aitistes qui tentent
renferme la tombe de Gangseo, en Corée du Nord, lors du
aujourd'hui de faire revivre leur esprit noble et combatif.
voyage qu'il effectua dans ce pays en 1963. Sa composi-
La grandeur et le faste du mode de vie que laissent
tion intitulée Images allait exprimer le bouleversement
entrevoir ces peintures ont ainsi suscité adaptations et varia-
provoqué par ces peintures murales. Yun 1-sang y met en
tions. Beaux-arts, comédie musicale, opéra, autant de
relief les caractéristiques des quatre Dieux apparaissant sur
domaines où les artistes cherchent à représenter dans leurs
les fresques, à savoir le Hyunmu, hybride de tortue et de
serpent, le dragon bleu, le Jujak ou phénix rouge et le tigre
cale originale qu'a présentée l'année dernière la troupe
blanc, qu'il représente respectivement par la flûte, le haut-
d'opéra Geumgang. Inspirée de l'histoire de la conquête
bois, le violon et le violoncelle. Selon cette interprétation,
des Kitans par le Grand Roi Gwanggaeto, elle chante
le Hyunmu insuffle son énergie à la Terre avec lenteur et
l'âme du continent et le défi gigantesque du Royaume,
lourdeur, l'agile tigre blanc présidant quant à lui au
qu'elle sublime en l'élevant jusqu'à la mythologie. Les
développement de toute espèce vivante, tandis que la force
personnages principaux, qui en sont Jang Ha-dok, cheva-
canalisée du dragon bleu stimule la création et que
lier d'escorte du Grand roi Gwanggaeto, et sa femme
l'élégant phénix rouge exhale l'énergie du feu.
Sucheon, se réincarnent, passant d'un temps et d'un espace
La composition Images accompagne depuis lors de
à l'autre, et accèdent à la postérité en faisant preuve de la
nombreux spectacles et expositions ayant pour thème le
bravoure des gens de Goguryeo. Jang Ha-dok, nom donné à
royaume de Goguryeo. A la fin de l'année dernière, la
la figure d'un garde découvert sur une fresque, signifie
danseuse coréenne Chung Seung-hee, professeur à l'Ecole
«celui qui garde la Terre».
des études artistiques de Corée, attira l'attention par la mise
Kim Jeong-whan, le metteur en scène de cette oeuvre,
en scène d'une chorégraphie intitulée Images-peinture des
explique que celle-ci « vise à faire connaître à notre peuple
quatre Dieux s'envolant dans le ciel, qui s'inspirait des
l'étendue du continent et à restaurer des mythes nationaux
peintures murales des tumulus de Goguryeo et utilisait la
que pourraient partager le Nord et le Sud».
composition de M. Yun. Elle avait parcouru la Chine et
Le secteur de la mode a lui aussi largement investi les
étudié deux années durant les peintures murales dispersées
costumes, coiffures et accessoires des femmes de l'époque,
à travers ce pays pour en faire l'élément principal de son
à travers la beauté qui émane des fresques. Dès 1994, lors
oeuvre. Elle associa la musique de Yun I-sang à des
de défilés qui se déroulaient à Paris, la créatrice de mode
images et gestuelles caractérisant chacun des quatre ani-
Icinoo présenta une collection dont le style, inspiré des
maux, symbolisant le tigre blanc par le bois, le Hyunmu
vêtements de cette époque, attira alors l'attention du
par le fer, le dragon bleu par l'eau et le phénix rouge par le
monde entier. Selon cette dernière, « les gens de Goguryeo
feu. De l'avis des critiques, sa composition, qui débute par
sont simples, mais doués d'un sens esthétique particulier
l'entrée en scène d'une femme à la recherche des tumulus
que l'on peut déceler dans des lignes audacieuses et des
et représente les quatre Dieux par une gestuelle
couleurs vives et naturelles».
particulière, met en valeur avec splendeur et majesté le côté spectaculaire des festivals.
En l'an 2002, le Musée de l'Université Nationale de Séoul organisa l'exposition «Histoire et rites, à la
Les peintures tombales de Goguryeo suscitent
recherche des souffles de Goguryeo» avec la participation
d'innombrables interprétations et créations sous forme
de trente-trois créateurs de mode, parmi lesquels Kim Min-
d'opéras et de comédies musicales, à l'instar du nouvel
ja et Choi Hyeon-suk, ainsi que vingt créateurs d'acces-
opéra Le Roi Dongmyeong, flamme de Goguryeo, qui
soires, dont Kang Chan-kyun, Yoo Lizzy et Seo Do-sik,
retrace la vie du roi de Goguryeo (r. 37 à 19 ans avant J.-C.)
qui reconstituèrent à l'identique les tenues militaires du
et fut mis en scène en 2002 à !'Opéra national. Des
Royaume représentées dans le tumulus numéro 3 d' Anak,
recherches approfondies, ainsi que la réalisation des
ainsi que l'habillement des nobles figurant sur la peinture
plateaux, costumes, accessoires et décors de cette évocation
murale du tumulus de Susan-ri. Les vêtements et acces-
historique exigèrent d'énormes investissements. Ses scènes
soires traditionnels dépeints par les fresques de Goguryeo
d'une beauté simple, tout droit sorties des peintures de cette
allaient être commercialisés sous forme actualisée. Cette
ère, furent un véritable régal des yeux pour les spectateurs,
exposition, qui visait à développer et sublimer l'art plas-
et reconstituèrent fidèlement la vie quotidienne de l'époque,
tique des costumes et accessoires de Goguryeo pour les
jusque dans leurs moindres accessoires.
transformer en valeurs culturelles nouvelles, eut un impact
Sucheon, femme du continent, est une comédie musi-
considérable et fut couronnée de succès. l.àt automne 2004 1Koreana
29
www.galaxy.co.kr
DOSSIERS Conseil international des musées
2004
Regain d intérêt pour le patrimoine culturel immatériel de l'humanité 1
C'est à Séoul que se tiendra cette année l'Assemblée générale du Conseil international des musées (ICOM) sous la dénomination d' «expo culturelle». Ce forum prend un relief particulier car il représente non seulement une première en Asie, mais également, au regard de l'histoire culturelle mondiale, l'aboutissement d'une longue action entreprise pour la défense du patrimoine culturel immatériel. Choe Seok-yeong chercheur au Musée national folklorique
L
a 20e Conférence générale et la 21 e Assemblée générale du Conseil international
fonctions consultatives et de coopération en association avec
des musées (JCOM) 2004 se dérouleront
eut lieu la même année à son siège de Paris sur le thème
toutes deux du 2 au 8 octobre 2004 au Centre
«Enregistrement, conservation et échange de documents» et
des expositions COEX de Séoul, dans le quartier de
la deuxième, en 1950 à Londres. Elle s'est réunie par la
Samsung-dong.
suite, avec une périodicité de trois ans, dans des pays occi-
l'UNESCO. La première Assemblée générale de l'ICOM
Prédécesseur de l'ICOM, le Bureau international des
dentaux tels que l'Italie, la Suisse, la Suède, les Etats-Unis,
musées vit le jour sous les auspices de la Société des
l'Allemagne, le Danemark, le Mexique, l'Argentine, les
Nations pour disparaître lors de la Seconde Guerre mondiale
Pays-Bas, le Canada, la Norvège, l'Australie et l'Espagne.
et plus tard, en novembre 1945 , allait être créée l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour !'Éduca-
Première asiatique en 2004
tion, la Science et la Culture), au sein de l'Organisation des
Alors que l'Europe et l' Amérique détenaient jusqu'à
Nations Unies, dans le but de promouvoir la compréhension
présent le monopole de son organisation, l'Assemblée
mutuelle entre les hommes ainsi que leur élévation intel-
générale se tient pour la première fois sur le continent asia-
lectuelle. En 1946, Chauncy J. Harnlin, membre del' Asso-
tique à l'occasion de sa vingtième édition. Eveillant de ce
ciation américaine des musées et directeur du Musée de
fait un intérêt accru, elle acquiert cette année une dimen-
Buffalo, dans l'Etat de New-York, créa le Conseil interna-
sion particulière en raison de son thème : «Musées et
tional des musées, assumant la première présidence de
patrimoine intangible». Pays hôte de ce forum, la Corée, à
cette organisation non gouvernementale qui exerce des
l'instar du Japon, accorde depuis longtemps une attention
32 Koreana I automne 2004
Patrimoine culturel immatériel coréen n° 56, les Jongmyo Je haut lieu de la Dynastie Joseon où sont conservées les table ont été déclarés Chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de tout comme le Jongmyo Jeryeak, la musique interprétée à cette oc
soutenue à son héritage culturel immatériel et il est fort
exiger la conservation, le développement et la perpétuation
possible que les débats qui s' engageront sur la protection
de biens intangibles menacés de disparition par la mondiali-
de ces biens se concrétiseront par des résultats d'une inci-
sation bien qu'ils constituent un facteur vital étroitement lié
dence non négligeable sur l'histoire culturelle mondiale.
à l'identité nationale ou tribale des pays concernés, ainsi
Un tel patrimoine, qui ne saurait être la propriété d'un peu-
qu' à leur histoire. C'est au début des années 1990 que de
ple ou une nation donnés, est en effet placé sous la respon-
telles mesures commencèrent à porter leurs fruits.
sabilité de l'humanité entière, qui se doit de le protéger et de le transmettre à la postérité.
En 1993 , lors du 142e Conseil extcutif de l'UNESCO, l'attention se porta sur le système coréen des
Le choix du thème de cette prochaine assemblée,
«Trésors humains vivants», que l'ensemble des pays mem-
«Musées et patrimoine immatériel», ne doit rien au hasard.
bres fut appelé à adopter. En 1997, cet appel ne se limita
Traduisant les orientations propres de l'ICOM, il répond
plus à une recommandation et lors de la 29e Assemblée
aussi aux demandes formulées un peu partout dans le
générale de l'UNESCO, on s' accorda sur la création d'un
monde en vue d'un rééquilibrage dans le traitement et la
système de proclamation des « chef-d' oeuvres du patri-
conservation des deux grands types de patrimoinè, à savoir
moine oral et immatériel de l'humanité ». Lors de la 155e
matériel et immatériel.
session du Conseil exécutif de cette organisation, en 1998,
C'est dans les années 1970 que l'UNESCO a entrepris
les réglementations sur les «chefs-d'oeuvre du patrimoine
la sélection et la défense du patrimoine matériel mondial
oral et immatériel de l'humanité» furent adoptées et les
composé notamment des monuments et reliques historiques.
cadres de la culture intangible et transmise oralement
Par la suite, des voix s'élevèrent partout dans le monde pour
furent définis comme étant « la littérature, la linguistique, automne 2004 1Koreana
33
Le pansori, genre musical spécifiquement coréen caractérisé par l'interprétation en solo de tous les rôles par un exécutant unique sous forme de récits et chants accompagnés au tambour, a également été déclaré Chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité.
se consacre à la protection et à la promotion des biens culturels intangibles dans le cadre de divers programmes. Par la suite, des propositions concrètes ont été formulées sur le rôle que peuvent jouer les musées dans la sauvegarde des biens culturels. Concernant la nécessaire mise en oeuvre d'une politique dans ce domaine, elles porla musique, la danse, le jeu, la mythologie, les rites, les
taient plus précisément sur les points suivants : l'étude et
coutumes, l'artisanat et les autres objets aitistiques, c'est-
la collecte des contextes socio-historiques du patrimoine
à-dire toute forme de dialogue et d'expression culturelle
immatériel, leur transformation en héritage tangible par le
traditionnelle».
biais de l'enregistrement, de la transc1iption et de l'interprétation de même que la création d'un système de
L'héritage culturel intangible, élément nourricier de la culture humaine
coopération pour conserver ces témoignages historiques et
L'UNESCO, mais aussi les organisations affiliées à
Ces efforts ont eu pour aboutissement fructueux la
l'ICOM, ont intensifié leur action en vue de la sauvegarde
Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel
des biens culturels intangibles. En octobre 2002, la
immatériel. Adopté lors de la 32e Assemblée Générale de
septième Assemblée régionale de l'Organisation Asie-
l'UNESCO qui s'est tenue en septembre 2003 à Paris, ce
Pacifique du Conseil international des musées (ICOM-
texte jette les bases d'un rééquilibrage des patrimoines
ASPAC), qui se tenait à Shanghaï, avait pour thème :
maté1iel et immatériel afin de remédier aux disparités qui
«Musées, patrimoine immatériel et mondialisation». Cette
prévalaient jusqu' alors entre eux.
culturels, les présenter au grand public et les exposer.
session a permis d'aborder de manière concrète les ques-
C'est en ces termes qu' il définit le patrimoine culturel
tions portant sur la définition du patrimoine immatériel et
immatériel : «les pratiques, représentations, expressions,
de ses dérivés conceptuels, la documentation qui leur est
connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments,
associée , les moyens de leur conservation et leur
objets, artefacts et espaces culturels» [... ] «recréés par les
interprétation, ainsi que la coopération et le soutien que
communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur
pourraient apporter experts, communautés et institutions.
interaction avec la nature et de leur histoire». «Ce patrimoine
Elle s' est conclue par l'adoption de la «Charte de
culturel leur procure un sentiment d'identité » [ ... ]
Shanghaï» qui définit à l'intention des musées les grandes
«contribuant ainsi à promouvoir la diversité culturelle et la
lignes à suivre en matière de biens culturels intangibles. Ce
créativité humaine».
document met l'accent sur l'importance de la participation
C'est en vertu de cette Convention que l'opéra lyrique
d'experts à la préparation des conférences internationales
coréen dit pansori a été déclaré chef-d'oeuvre du patri-
destinées à protéger les héritages intangibles et vise à
moine immatériel de l'humanité en novembre 2003. En
établir les critères et moyens d'hai·monisation des héritages
mai 2001, cette même distinction avait été accordée au
culturels tangibles et intangibles par les musées et les insti-
culte des ancêtres de la famille royale des Lee, le plus
tutions relatives au patrimoine culturel. Il stipule égale-
important au plan national à l'époque de la Dynastie
ment un engagement de coopération avec l'UNESCO, qui
Joseon, ainsi qu'à la musique qui l'accompagnait.
34 Koreana I automne 2004
L'ICOM offira à ses participants de nombreuses occasions d'aller eux-mêmes à la découverte de l'héritage culturel coréen tangible et intangible, notamment de la Forteresse de Hwaseong à Suwon, que l'UNESCO a classée au patrimoine culturel mondial.
tions culturelles, parmi lesquelle s figureront des représentations du patrimoine immatériel coréen et des séries de conférences. Ces dernières porteront respectivement sur les thèmes suivants : «Musées et patrimoine immatériel», «Protection des héritages culturels», «Patrimoine numérique et musées de l' avenir».
«Expo culturelle» du patrimoine immatériel coréen
comportera une visite du village de Panmunjeom, où se tien-
La Première Dame de Corée, Kwon Yang-suk, ainsi
nent les réunions intercoréennes, et de la Forteresse de
que Son Excellence la princesse thaïlandaise Maha Chakri
Hwaseong à Suweon, classée au patrimoine culturel mondial
Siridom, prononceront le discours d'ouverture le 3 octo-
par l'UNESCO, ainsi que du temple Bulguksa et de la
bre. Suivront les interventions du Dr. Lee 0-Young,
grotte Seokguram, qui fournissent un aperçu de la culture
ancien ministre de la Culture, sur le thème : «Musées et
du Royaume Silla, et du Tombeau du roi Muryong, sym-
patrimoine immatériel d ' hier et d'aujourd ' hui», et du
bole de la culture de Baekje.
Le 7 octobre, une journée d'excursion post-conférence
Ministre des Affaires Etrangères du Timor Oriental, M.
Par ailleurs, des représentations de cérémonies de
Jose Ramos Horta, lauréat du Prix Nobel de la Paix en
mariage traditionnelles, de danse aux éventails, de chants
1996. Le Dr. Kim Hong-nam, directrice du Musée nation-
folkloriques de la province de Gyeonggi-do, de danse à la
al folklorique de Corée, prononcera ensuite une allocution
couronne de fleurs et de salpuri, un rituel dansé d'exor-
portant sur «l'ave nir des musées et du patrimoine
cisme, ainsi que de danse aux masques des anciens
immatériel», suivie d ' une intervention du Dr. Makio
esclaves de l'Etat de Gangneung, sont prévues durant toute
Matsuzono, directeur du Musée national d' ethnologie du
la durée de l'Assemblée. Des séances de préparation de
Japon. Un forum intitulé «Le patrimoine immatériel,
gimchi (chou fermenté), des démonstrations de l'art mar-
source d'inspiration spirituelle» succédera aux interven-
tial traditionnel du taekgyeon et des ateliers montrant la
tions du Dr. Yim Dawn-hee, professeur à l'Université
fabrication du papier coréen contribueront également à
Dong-kuk, et du Dr. Richard Kurin, directeur du Centre
faire de cet événement une vitrine de l'héritage culturel
pour l ' art folklorique et le patrimoine culturel du
intangible coréen.
Smithsonian Institute de Washington. Il est à noter qu'aux
Enfin, cette édition séoulienne du Conseil international
fins de l'illustration du thème principal de cette édition,
des mu sées sera l'occasion d ' engager une discussion
les différente s interventions seront ponctuées
approfondie et d' échanger des points de vue divers sur le
d'intermèdes composés de sanjos (solo instrumental tradi-
rôle des musées et le patrimoine immatériel. Elle devrait
tionnel) et de byeongchang pour gayageum (morceau
s'achever par l'adoption de la «Charte de Séoul», qui met-
pour instrument à corde accompagné de chant), ainsi que
tra en place de nombreuses possibilités d'étude compara-
de danses et musiques traditionnelles de création récente
tive et de recherche sur le patrimoine culturel immatériel et
interprétées au haegeum (instrument à deux cordes) et au
permettra la construction d'un réseau d' échanges humains.
seoljanggo (instrument à percussion en forme de sablier).
On s'attend donc à un débat animé sur les politiques à met-
Du 4 au 6 octobre, se dérouleront plusieurs manifesta-
tre en œuvre à cet effet. L..t automne 2004 1Koreana
35
ACTUALITÉ Attraits de la culture latino-américaine
Pour une Amérique latine plus proche La culture latine exerce une attirance croissante chez les Coréens, comme en témoignent la parution de nombreuses oeuvres littéraires ainsi qu'un véritable engouement pour la musique et le cinéma de cette région, bien au-delà de la simple curiosité. Le Centre culturel latino-américain a pour vocation de répondre à cette ferveur. Kim Geun Poète
L
'alchimiste, roman de !'écrivain d'origine brésilienne Paolo Coelho, fait souffler un vent nouveau dans le monde de l'édition coréen. Si les ouvrages de cet auteur enregistrent les meilleures ventes partout dans le monde, le phénomène constaté ces derniers temps en Corée
revêt un aspect quelque peu singulier. Lors de sa parution chez Goryeowon, dans les années 90, ce roman n' avait provoqué aucune réaction notable parmi ses lecteurs. Réédité en 2001 par
Munhakdongne, qui n'en attendait aucune répercussion particulière, le roman suscite depuis lors un engouement inespéré dont ne peut que se réjouir la maison d'édition. Suite au succès croissant remporté par L'alchimiste, d'autres romans tels que Véronika décide de mourir et Sur le bord de la rivière Piedra, je
me suis assise et j'ai pleuré font à leur tour l'objet de rééditions, éveillant toujours plus l'intérêt. Plusieurs ouvrages seront consacrés à !'écrivain Paulo Coelho, tel Les secrets de l'alchimiste de Paulo Coelho (par Pedro Palao Pons). Intitulé Onze minutes, le dernier roman de Paulo Coelho connaît un véribable succès de librairie, tout comme L'alchimiste. Parmi les différentes analyses de ce phénomène, la plus convaincante met en avant l'atmosphère magique et mystique propre aux romans latino-américains, ainsi que l'auto36
Koreana I automne 2004
mystification, thèmes de prédilection des romans de Coelho qui auraient captivé le lecteur coréen.
La Corée manifeste depuis peu un intérêt croissant pour la culture latino-américaine, notamment la danse. A Séoul, les associations où l'on peut s'initier à celle-ci remportent un grand succès chez les jeunes.
La littérature latino-américaine, facteur d'identification Les romans de Paulo Coelho ne constituent pas les seules œuvres d' Amérique latine connues du public coréen. Mon bel oranger, de J.M. de Vasconcelos, avait enthousiasmé les lecteurs à sa sortie, dans les années 80. Il suscite aujourd'hui un regain d'intérêt depuis sa présentation lors d'une émission littéraire télévisée. Le vieux qui lisait des romans d'amour, de Luis Sepulveda, écrivain d' origine chilienne, émerveille toujours autant ses lecteurs. C'est dans les années 90 que les écrivains latino-américains ont éveillé l'intérêt du monde littéraire coréen. Peu éditées jusqu'alors, à quelques exceptions près dont le Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, leurs oeuvres allaient connaître une plus large diffusion à partir du début des années 90. Les lecteurs coréens découvrent les poèmes de Pablo Neruda et d'Octavio Paz, les romans de Garcia Marquez et de Jorge Luis Borges piquent leur curiosité. Cet éveil littéraire est intimement lié à la situation que connaît alors la littérature coréenne. Au début des années 90, celle-ci s'est trouvée confrontée aux limites du style réaliste caractéristique des années 80. Alliant le réalisme au fantastique, la littérature latino-américaine sembla alors ouvrir une nouvelle voie qui permettait de s'affranchir de ces limitations. Par ailleurs, lassés de l'idéologie anglo-américaine, les lecteurs et écrivains coréens ont perçu dans cette production du tiers-monde de nouveaux aspects, facteurs d'identification et d'émervè illement. Tel fut le cas en premier lieu de la littérature latino-américaine. L'engouement évoqué dépasse désormais la simple curiosité et se concrétise par une diversification des échanges, à commencer par la visite en Corée, en 2001, de Sari Bermudes, directeur du Conseil national pour la culture et les arts du Mexique, et sa proposition de multiplier les relations culturelles entre les deux pays, ainsi que la signature en 2003 d'un accord culturel, scientifique et sportif entre la Corée et le Mexique, pour ne citer que quelques exemples. Stimulée par ces initiatives, une manifestation d' «échanges d'écrivains coréens, mexicains et cubains» s'est tenue à La Havane, Mexico et Mérida, dans la péninsule du Yucatan. Une tempête nommée Che Guevara L'enchantement de la culture latino-américaine ne s'exerce pas uniquement automne 2004 1Koreana
37
dans le domaine littéraire. Depuis l'adoption très récente de la semaine de travail de cinq jours, l'apprentissage des danses latines est un loisir très prisé en Corée. Swing, tango, rumba, cha-cha-cha, salsa ... les associations permettant de faire l'apprentissage de danses latines se multiplient à un rythme accru. Flamboyantes et ardentes, celles-ci procurent une bouffée d'oxygène aux personnes surmenées, une exaltation qui ne semble pas près de s'éteindre. Cette popularité engendre à son tour une passion pour la musique latine, laquelle n'était auparavant considérée que comme une partie de la musique non anglophone, classée à la rubrique «musiques du monde». L'engouement pour Che Guevara, tel une tempête qui traversa le monde littéraire coréen en l'an 2000, a aussi grandement contribué à la compréhension de la culture et de l'histoire latino-américaines. Après une parution discrète en 1997, le livre Che Guevara réédité trois ans plus tard en version de luxe allait provoquer le véritable syndrome du même nom pour lequel on ne cesse de s'enflammer. Après cet énorme succès, l'effigie de l'homme célèbre fut reproduite à des millions d'exemplaires sous forme d'affiches, de Tshirts et autres produits qui enchantèrent les jeunes générations. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que ce syndrome fut moins dû à une admiration pour la vie et l'enthousiasme d'un révolutionnaire qu'à un intérêt ponctuel participant d'une tendance culturelle mondiale. Toujours est-il que l'ouvrage réussit à attirer l'attention sur Cuba et Che Guevara, jusqu'alors méconnus des Coréens.
À la même époque, la sortie du film documentaire Buena Vista Social Club de Wim Wenders raviva encore leur flamme. N'ayant que rarement l'occasion de découvrir Cuba et la musique cubaine, le public s'enfiévra, plébiscitant le film. Aussitôt éditée, la bande-son originale fit également l'unanimité. L'enchantement était tel que l'album en solo d'Omara Portuondo, membre du Buena Vista Social Club, sortit immédiatement et que son concert coréen remporta un franc succès. Auparavant, des chanteurs d'origine latino-américaine, comme Julio et Enrique Iglesias, ou encore Ricky Martin, avaient déjà connu une grande popularité, mais dans le seul registre des variétés. La frénésie des Coréens est donc bien due en partie au succès du film du cinéaste allemand.
Exposition de masques mexicains au Centre culturel latinoaméricain Hormis celle de la littérature, les voies par lesquelles la culture latinoaméricaine a été introduite en Corée sont très variées. Parce qu'il n'est guère aisé de l'aborder de manière plus systématique et approfondie, le Centre culturel latino-américain se propose d'offrir cette possibilité en Corée. Né de l'amour éprouvé pour cette région par un particulier, le Centre est parvenu à éveiller 38
Koreana I automne 2004
Le Centre culturel latino-américain a été créé par Lee Bok-hyung, qui s'est consacré toute sa vie à la promotion de cette culture (en haut à droite). l'exposition de masques traditionnels constitue L'une des principales attractions du Centre culturel latino-américain (en haut):
l'intérêt du grand public. Lee Bok-hyung, son directeur, fut ambassadeur dans quatre pays latino-américains et a donc passé la plus grande partie de sa carrière longue de trentetrois ans dans cette région. Fin 1993, à la veille de sa retraite, il se trouvait en poste au Mexique. Également ambassadeur au Costa Rica, en République Dominicaine et en Argentine, il fut absolument émerveillé par la culture, les moeurs et la gentillesse de leurs populations. C 'es t cet attachement personnel qui l'a poussé à ouvrir le Centre culturel latino-américain dans le quartier de Goyangdong, à Goyang, ville de la province de Gyeonggi-do, sur un petit monticule qu 'il avait acheté il y
Situé à Goyang, ville de la province de Gyeonggi-do, le Centre culturel latino-américain comporte un musée, une galerie d'exposition et un parc de sculptures. Foyer de culture latino-américaine unique en Asie, il offre un panorama de ses différents aspects.
a 31 ans, avant de s'expatrier, avec l'argent tiré de la vente de sa maison. En 1994, un musée fut ouvert, suivi en 1997 d'une galerie d'art, et, le 9 juin dernier, d'un parc de sculptures en plein air, fournissant ainsi à l'Asie son unique espace artistique globalement consacré à l'Amérique latine. Offrant un panorama des cultures traditionnelles Aztèque, Maya et Inca, il constitue aujourd'hui un site culturel à part entière qui reçoit en moyenne 5000 à 6 000 visiteurs par mois. Au mois de juin dernier, le Centre a organisé une exposition de masques traditionnels mexicains présentant avec originalité la culture de la région. Parallèlement à l'exposition permanente, des expositions spéciales de sculptures, tissus et peintures avaient déjà reçu un accueil favorable et suscité l'engouement du public. Cette manifestation organisée sous les auspices de l' Ambassade du Mexique a fourni une rare occasion d'admirer 210 objets de valeur, dont le masque du «Roi du Temps», ainsi que d'autres pièces classées parmi les trésors nationaux du Mexique. Ces objets proviennent de treize états mexicains dont ceux du Guerero et du Michoacan, réputés dans ce domaine. L'exposition offrait un aperçu des conceptions latino-américaines de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur de l'homme, autant de notions qui s'expriment dans l'art traditionnel du masque chez les Indiens, qui furent influencés par la diffusion du catholicisme au XVIe siècle. Prévue dans un premier temps pour durer jusqu'au 14 juin, l'exposition a remporté un tel succès qu'elle a été prolongée jusqu'à la fin de l'année: une autre preuve, s'il en fallait, de l'intérêt que portent les Coréens à la culture latino-américaine et qui ne cesse de s'accroître, même s'il reste pour le moment de faible ampleur. Ces prémices, qui ont germé dans le substrat culturel, se transformeront peu à peu, à n'en pas douter, en un phénomène majeur. La société coréenne tend ainsi aujourd'hui une main chaleureuse non seulement à la culture des pays industrialisés, mais aussi à celle des nations du tiers-monde. Son évolution, qui se manifeste par la diversification culturelle, ne fera qu'accentuer cette tendance. Nous espérons vivement qu'à l'instar de l'activité économique, se développera l'intérêt culturel dans la perspective du marché régional L;,t automne 2004 1Koreana
39
SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
Pak Se Ri
Le défi pour compagnon de parcours
Golfeuses et golfeurs professionnels coréens remportent aujourd'hui des tournois disputés à l'étranger à l'instar de Pak Se Ri, qui a donné le signal de départ dans ce domaine. Ponctué de succès et d'échecs, son itinéraire a toujours eu le défi pour seul mot d'ordre. Bae Jay-song Journaliste sportif à KBS, société de radio-télédiffusion coréenne
D
evenir le meilleur du monde est probablement
force sur un ten-ain de golf miniature à ses tout débuts, elle
le rêve de tout un chacun et Pak Se Ri,
s'initie en quelques minutes au maniement des clubs et au
actuellement au sommet de sa discipline, ne
lancer des balles. M. Pak lui remet alors le fer n°7, avec
fait pas exception à la règle, mais à notre grand
lequel elle va projeter la petite balle ronde à plus de cent
étonnement, il ne lui a fallu que quatorze années pour le
yards, au beau milieu du terrain . Constatant de ses propres
réaliser. Un résultat d'autant plus surprenant qu'elle ne se des-
yeux l'excellente aptitude au golf de sa fille, c'est en toute
tinait pas au départ à ce sport.
logique qu'il entreprend pour de bon de lui donner des leçons et de lui imposer un entraînement spartiate dont lui seul a le
Premier fer numéro 7 Née en 1977 dans la ville sud-coréenne de Daejeon, Pak Se Ri voulait tout d'abord devenir athlète de course à pied.
secret. Notre jeune élève se prêtera à cette formation très spéciale au cours de laquelle elle va frapper plus de mille balles, tous les jours sans exception.
C'est donc à l'âge de 11 ans qu ' elle se lance dans cette disci-
En Corée, il est extrêmement difficile de s'èxercer sur un
pline sur la recommandation d'un instituteur qui, dès l'école
parcours présentant les mêmes caractéristiques qu'en
primaire, a jugé que ses jambes la prédisposaient tout partic-
compétition. Tout d'abord, il n'est guère aisé d'en réserver un
ulièrement à devenir une grande coureuse. La jeune fille suivra
et il faut souvent prendre une file d'attente avant de pouvoir
alors un entraînement de deux ans, pour se réorienter finale-
jouer, en raison du nombre limité de ten-ains. Les frais pesant
ment vers le golf, sur les conseils de son père, à l'âge de treize
lourd dans le budget, l'adolescente va plus souvent s'entraîner
ans. Passionné de ce sport, ce dernier estimait qu'il était
en inté1ieur qu'en plein air, se rendant sur les ten-ains de golf
aussi difficile pour une orientale d'exceller en course à pied
les jours de faible fréquentation, par une chaleur t01Tide ou un
que d'attraper une étoile dans le ciel et qu'il le serait moins
froid sibérien, qu'il pleuve ou qu'il neige. Sa bonne constitu-
de devenir une golfeuse de haut niveau . Connaissant fort
tion d'ex-coureuse de demi-fond l' aidera beaucoup à smmon-
bien le golf, il lui fut chose aisée d'inculquer à sa fille les
ter ces difficultés et au fur et à mesure qu ' elle progresse à
bases élémentaires de la discipline.
l'entraînement, ses capacités et sa techniques s'affinent.
Poussée par son père, qui n'hésite pas à l'emmener de 40 Koreana I automne 2004
Après avoir remporté quatre grands tournois, dont l'US Open de golf féminin et le Championnat américain LPGA, pour lequel elle a été nommée meilleur espoir de l'année, Pak Se Ri se classe désormais parmi les premières golfeuses professionnelles mondiales.
Le monde à marche forcée Suite à l'acquisition des rudiments, qui a nécessité un an, notre grande sportive se lance dans le domaine de la compétition alors qu'elle n'est encore qu'une collégienne. L' année suivante, en 1992, elle participera à l'Open Lyle & Scott, un match comptant pour le championnat de golf professionnel féminin coréen (KLPGA) et dont elle remportera la coupe, devançant toutes les joueuses de renom à la surprise de tous. Devenue numéro un après avoir remp01té quinze victoires au cours de sa brève carrière chez les amateurs, elle rejoint alors les rangs des professionnels en 1996, à l'âge de 19 ans, se classant cette année-là première au KLPGA, dont elle sera lauréate à six reprises pendant les seules années 1996 et 1997. Dès octobre 1997, elle va pousser plus loin le défi en faisant son entrée sur la scène américaine et, en janvier 1998, se qualifier pour le Tournoi des championnes comptant pour le Circuit américain de Golf féminin (LPGA), s'imposant lors des épreuves préliminaires et finales qui lui ont ouvert les portes de ce dernier. Le miracle ne s'arrête pas là et elle remporte successivement quatre victoires à ce même championnat, dont les organisateurs lui remettront également le Prix des meilleurs espoirs féminins, à l'US Open de golf féminin et aux Classics Jamie Farr Kroger et Giant Eagle, deux grandes compétitions américaines. De tels exploits auront bien sûr un impact plus important encore en Corée, où sévit une grave crise économico-financière et dont la population déprimée retrouve l'espoir grâce aux prouesses de la talentueuse Se Ri. Le sourire de cette jeune golfeuse en pleine ascension a de quoi remonter le moral à quiconque n'a plus confiance en soi! En 1999, notre championne remportera quatre victoires, dont celle du Shop Rite Classic, mais comme les autres, elle connaîtra aussi une traversée du désert. En 2000, année ouvrant le grand millénaire, son jeu se dégrade à un point tel qu'elle se classe tout juste en troisième place au Classic Jamie Farr Kroger. Pour toute explication, elle déclarera alors à la automne 2004 1Koreana
41
Se Ri à l'Ultra Open Michelob 2004.
Grâce à son triomphe, en mai 2004, à l'Ultra Open Michelob, Pak Se Ri a pu ajouter son nom à ceux des lauréats du Temple de la Renommée, prix récompensant les meilleures joueuses du championnat américain LPGA. Sur les vingt-deux victoires qu'elle y a au total remportées, dix l'ont été à la faveur d'un retournement de situation dans le score. presse que tout lui est devenu pénible. Elle cédait en fait à
C' est en entamant une réflexion sur elle-même qu 'elle
l' énorme pression psychologique que lui imposaient les
saura ainsi retrouver courage et confiance en son jeu, toujours
attentes légitimes de ses fans et la nécessité de rester en tête
consciente de ses responsabilités vis-à-vis de ses parents, de
du classement mondial.
sa famille et de tous ses fans coréens qu 'elle se doit de ne pas
Au plus bas de ses pe1formances, elle analyse froidement
décevoir. Après ce changement d'attitude, les blessures qui
la situation pour en conclure que ses échecs proviennent de sa
avaient sapé son moral et engendré des résultats désastreux
propre arrogance. Elle décidera alors de se montrer plus
vont finalement se refermer pour de nouveau faire place à un
modeste et de verser encore plus de sueur lors des
énergique coup de poignet. Sa situation s'est à tel point
entraînements qu' elle mène avec une ferveur décuplée pour
redressée en 2001 qu'elle engrange huit victoires, dont une au
apaiser son espiit. Pour se délasser physiquement et mentale-
Biitish Open. Ses détracteurs ont beau affirmer qu'elle doit
ment, elle commence aussi à écouter et chanter des chansons
son succès à la chance, spécialistes et amateurs de statistiques
coréennes, sentant désormais qu'elle inspire à ses supporteurs
ont bien noté que les triomphes de notre golfeuse ne repo-
l'espoir et non le découragement.
saient en lien sur un heureux concours de circonstances mais
42 Koreana I automne 2004
étaient Je fruit d'un entraînement plus élaboré.
festent envers leur progéniture encourageant sa bonne volonté et lui donnant un moral à toute épreuve. La volonté des
Un nouveau défi : devenir la mei lleure golfeuse du monde
piété filiale représentant une nouvelle arme au service du
Le début de l'année 2004 est marqué par le nouveau défi
succès. Si la Corée, qui ne possède que quelque deux cents
qu'elle se lance, à savoir d'inscrire son nom au palmarès du
terrains de golf, fait aujourd'hui aut01ité dans cette discipline,
Temple de la Renommée, récompense suprême consacrant
avec une vingtaine de golfeuses évoluant en LPGA et dont
ceux et celles qui se sont montrés les meilleurs au
une dizaine se classent parmi les meilleures à chaque édition
Championnat LPGA. Pour ce faire, arborant en mai dernier
annuelle, c'est bien entendu grâce à ce fort soutien parental.
enfants, une fois devenus joueurs, se mue en une sorte de
une forme éblouissante, elle réalise l'exploit de gagner les
Le jour où Pak Se Ri a ajouté son nom au Temple de la
vingt-sept cartes nécessaires pour figurer sur cette liste, rem-
Renommée était en outre celui de la fête des mères, et elle a
portant au total vingt-deux victoires dont celle de l'Ultra
ainsi comblé la sienne de joie. En 1999, c'est le jour de la fête
Open Michelob.
des pères et en présence du sien, elle va aussi remporter le
Elle bat au passage un record lors de cette autre épreuve.
Shop Rite Classic. «En temps ordinaire, je n'ai pas l'occasion
Après un retard de quatre coups au dernier tour, la situation se
de faire quoi que ce soit pour mes parents parce que je suis
retourne en sa faveur et c'est avec brio qu'elle remporte le
trop prise par l'entraînement. Je voudrais pourtant leur rendre
titre, ce qui fait ainsi d'elle la première joueuse de l'histoire du
les bienfaits dont ils m'ont comblée en leur offrant une vic-
golf à avoir par dix fois renversé in extremis un score à son
toire Je jour de leur fête ou de leur anniversaire», avait-elle
avantage. Ou, si l'on préfère, la première à avoir décroché dix
d'ailleurs déclaré auparavant. Cette piété filiale lui a en tout
victoires à la suite d'un tel renversement, et ce, sur les vingt-
cas app01té la tranquillité d'esprit nécessaire pour jouer en
deux qu'elle a remportées en LPGA, cet exploit faisant d'elle
toute confiance.
une spécialiste du genre. Voici d'ailleurs ce qu'elle confiait à
Elle court désormais après un autre objectif, celui de
son entourage à ce propos : «C'est une joie que l'on ne peut
dépasser Annika Sorenstam, l'unique golfeuse la surpassant
exp1imer par des mots et quand j'y repense, mon coeur bat
au LPGA. N'est-il pas compréhensible qu'elle ambitionne de
encore très fort. L'armée dernière, j'ai vu la victoire m'échapper
battre les records de Sorenstam, la numéro un mondiale qui
dans tellement de compétitions, pour avoir échoué d' un tout
totalise cinquante victoires sur ses dix années de carrière ?
petit point, que je m'en suis sentie coupable jusqu' au début de
Estimant que le point f01t de son adversaire est d'être maiiée,
cette année. J'ai plutôt bonne conscience lorsque je suis dis-
un facteur de stabilité à ses yeux, elle demande aujourd'hui à
tancée de trois ou quatre longueurs, mais se faire battre d'un
ses fans de garder la tête froide, comme elle l'exige d'elle-
seul point au final est un véritable cauchemar qui m'a fait
même, ce qu'elle formule ainsi:
verser des larmes, tant l'émotion et la déception étaient fortes en ces moments intenses et tragiques du dernier LPGA.» Beaucoup d'amateurs de golf se demandent certainement d'où provient l'énergie qui confère un tel b1io aux coups
«Plus que dans tout autre spo1t, il faut rester serein pour bien jouer au golf. Chers fans, montrez-vous patients et encouragez-moi jusqu'à la dernière seconde. Je répondrai ainsi à vos attentes avec toute J'ai·deur que j'ai en moi».
de club de Pak Se Ri. La réponse à cette question se trouve
Nul ne sait si le nouveau défi qu ' elle s' est lancé de
sans doute dans un trait de caractère propre aux Coréens, à
devenir numéro un mondiale sera ou non couronné de succès.
savoir la conviction qu'ils ont au fond d'eux-mêmes qu'il
Quoi qu'il advienne, nombreux sont ceux qui admirent son
n ' est rien que l'effort ne puisse obtenir. Lors de
esprit audacieux puisque quatorze ans après avoir débuté dans
l'entraînement ou des compétitions, la certitude de vaincre les
sa canière de golfeuse, dont les sept derniers passés à jouer en
aide ainsi à atteindre Je premier rang ou à s'y maintenir.
LPGA, elle est finalement devenue la numéro deux du cham-
Les sac1ifices et l'attention des parents jouent aussi un rôle décisif, l'affection, l'intérêt et Je dévouement qu'ils mani-
pionnat américain et que tout son parcours brille d'ores et déjà d'un superbe éclat. ~
automne 2004 1Koreana
43
Quand le temps embellit
automne 2004 1Koreana
45
I
1 est des objets dont la beauté ne cesse de se parfaire avec le
Wonju, ville située dans la province
caractérisée par des applications suc-
de Gangwon-do. Il n'a pas manqué
cessives de laque sur une surface
temps. Cela est vrai d'articles
de nous apporter quelques précisions.
décorée de motifs incrustés. Quant au
tels que garde-robes, coffrets à
«Dans le cas des objets en laque
Japon, après avoir maîtrisé les tech-
documents et tablettes à maquillage qui
incrustée de nacre, la qualité de ces
niques de laquage propres à la Corée,
se transmettent de génération en
deux matières est primordiale. C'est
il allait s'engager dans une autre
génération, mais plus que toutes autres,
la nacre provenant de la mer du Sud
direction en optant pour l'utilisation
ce sont les pièces de laque nacrée qui
ou de l'île de Jeju-do qui émet les
de laques en poudre.
illustrent le mieux le défi lancé au
plus beaux reflets et de ce fait les arti-
temps par la beauté suprême. Elles sont
cles de décoration fabriqués à Tong-
exécutées selon un procédé minutieux
yeong, cité portuaire du sud-est de la
La ferveur de l'artisan reçue d'un maître perfectionniste
qui met en œuvre plusieurs coquillages
péninsule, sont depuis toujours très
Le procédé de création d'objets
pour aboutir à l'alliance harmonieuse
prisés. Par ailleurs, la laque de Wonju,
laqués et incrustés de nacre consiste
des motifs et incrustations sur fond
dans la province de Gangwon-do, est
en une série d'opérations marquées
laqué. Les chambres de femmes et
réputée la meilleure en termes de
par la répétition et l'attente.
bibliothèques des maisons de jadis ren-
qualité et de longévité. Sur près de
L'exécution d'une seule pièce se
fermaient souvent des meubles, bijoux
quatre-vingts variétés de gommes-
déroule en quarante-cinq étapes
et articles de tabletterie en laque
résine existant dans le monde, celles
différentes sur une durée supérieure ou
nacrée. Ils apportaient du charme à la
de Wonju donnent une laque dont la
égale à six mois. Lors d'une première
pièce et suggéraient le noble caractère
durée de vie est la plus longue qui
opération, la gomme extraite de la
de ses propriétaires, et ce, toujours plus
soit, en raison de leurs excellentes
sève de plantes et raffinée pour en
au fil des générations, devenant les
propriétés de conservation».
éclaircir la teinte est appliquée sur une
témoins de la lignée familiale.
La longévité et la beauté
surface de bois non fini pour limiter le
naturelle offertes par la laque étendent
plus possible toute transformation de
son emploi au monde entier.
ce dernier. On appose alors un tissu
Le terme incrustation de nacre
Assiettes laquées du Vietnam et pein-
de chanvre ou de ramie sur celui-ci
s'applique aux ormeaux et autres
tures laquées du Myanmar sont ainsi
pour prévenir, là-encore , tout
coquillages finement travaillés. Il
fort appréciées. D'un point de vue
gauchissement et permettre une
existe deux méthodes d'incrustation,
artisanal, les pièces coréennes, chi-
meilleure absorption de la laque, puis
dont la première consiste à insérer
noises et japonaises sont toutefois
on l'enduit d'un mélange d'amidon
des éclats de nacre filiformes dis-
réputées pour leur qualité sans égale.
de riz, de laque et de poudre de char-
posés en ligne droite ou en diagonale
Selon
largement
bon. Ce dernier est un agent conser-
de sorte que l' ensemble forme un
répandue, les techniques d'incrusta-
vateur naturel qui protège le bois de
motif idéal, et la deuxième à
tion de nacre, originaires de Chine,
l' humidité et des insectes nuisibles.
découper la coquille selon la forme
auraient été introduites en Corée à
Après avoir accompli cette étape, on
désirée à l'aide d'une scie sauteuse.
l'époque des Trois Royaumes, c'est-
applique sur le bois la laque mélangée
Un maître coréen excellant égale-
à-dire entre le premier siècle avant
à du loess, un limon de couleur jaune,
ment dans ces deux techniques a pris
J.C. et le VIIe après J.C. Par la suite,
puis on en enduit la surface avec une
la seconde d 'entre elles pour
la Corée allait toutefois suivre sa pro-
infinie précaution. Enfin, l'article est
spécialité. Il s'agit de Lee Hyung-
pre voie en matière de création artis-
nettoyé et recouvert d'une nouvelle
Man, classé bien culturel immatériel
tique, s'affranchissant de la Chine
couche de laque. Ce n'est qu'après
n°10 en Corée, et qui exerce son art à
pour
maints vernissages et préparations
Une beauté millénaire intacte
46 Koreana I automne 2004
une
théorie
élaborer
une
technique
La patience est une vertu cardinale de l'artisan dans les opérations de gravure et d'incrustation de la nacre, qui exigent plusieurs laquages et polissages successifs d'une grande minutie
se lança immédiatement dans la profession sous la tutelle de son maître
Kim. Considéré comme le pionnier de l' adaptation des motifs de vigne aux oeuvres de nacre, ce dernier était en fait un perfectionniste qui ne tolérait pas la moindre erreur chez ses élèves. Lee Huyng-Man se souvient de ses débuts difficiles : «Ce souvenir est encore vivace dans mon esprit. J'étais en train de travailler sur une table d'un style analogue à celles des palais de Joseon. Je devais y appliquer de la nacre pour créer des motifs de chauve-souris. Pour ce faire, il fallait d'abord apposer un support de papier pour chaque pièce de nacre et ensuite recouvrir celle-ci de colle. On devait alors utiliser un fer à souder pour renforcer l'adhésion. Lors également complexes, et destinés à
pinceau fin, un travail exigeant une
du chauffage des pièces de nacre, la
rendre la surface de l'objet fabriqué
grande dextérité. Il ne faut surtout pas
colle avait dû fondre et les motifs de
aussi douce que la peau d'une jeune
trembler des mains ou hésiter. Mon
chauve-souris s'étaient légèrement
femme, que l'on peut enfin y
maître, Kim Bong-Ryong, était le
effacés. En fait, on ne remarquait
incruster la nacre.
meilleur dans ce domaine».
aucune différence après l'effacement
Cette opération, qui va donner
Mort en 1994, Kim Bong-Ryong
si l'on ne regardait pas les motifs de
naissance au motif souhaité, requiert
est un personnage de renom dans le
très près. » Le maître se rendait
une délicatesse et une sensibilité
monde de l'artisanat coréen. Il s'est
régulièrement à l'atelier et gardait tout
extrêmes. Voici ce que nous dit Lee
efforcé de perpétuer les traditions des
d'abord un mutisme absolu s'il y avait
Hyung-Man à ce sujet :
maîtres nacreurs de la dynastie Joseon.
une quelconque imperfection. C'est
«Bien entendu, chaque étape est
L'élève Lee Hyung-Man le rencontra
seulement quand les apprentis lui
difficile , mais le travail le plus
dans sa ville natale de Tong-yeong où
présentaient leurs produits finis en vue
astreignant concerne la réalisation
il s'était inscrit à une formation artis-
du contrôle que l'orage éclatait d'une
des dessins pour la nacre et ensuite le
tique de trois ans offerte par un
manière quelque peu originale. Maître
découpage des coquillages à la forme
collège provincial dont Kim Bong-
Kim chaussait ses lunettes, examinait
adéquate. J'esquisse mes motifs de
Ryong était de facto directeur. Sorti
attentivement chaque pièce pendant
vigne ou de chrysanthèmes au
premier de sa promotion, le jeune Lee
un long moment puis, sans dire un automne 2004 1Koreana
47
mot, sortait un couteau et tailladait
«Maintenant que j'y pense, c'est
eut appris que des objets laqués et
avec vigueur certaines des nacres
sûrement le miroitement irisé de la
nacrés se couvraient de poussière au
défectueuses. Le jeune élève Lee était
nacre dont je suis devenu fou et qui
musée du Vatican, il fit savoir qu'il ne
bien sûr choqué : «C'est comme s'il
m 'a obligé à faire ce métier. C 'est
tolérerait plus que ceux-ci fussent
m' avait porté un coup de couteau au
une irisation naturelle que l'homme
traités avec une telle indifférence et
visage. Mais après, j'ai pris l'habitude
ne pourra jamais reproduire. Si je
qu'il créerait la plus belle oeuvre qui
de toujours vérifier mon travail deux
devais l'exprimer par des mots, ce
soit pour l'offrir au pape. Il entreprit
ou trois fois
serait peut-être par des noms de
sans tarder de confectionner un coffret
couleurs de l'arc-en-ciel».
à documents que la mort l'empêcha
pour qu'il soit
irréprochable lors de l'inspection. Aujourd'hui, chaque fois que je ter-
Si la nacre la plus fine provient
malheureusement d'achever. Son dis-
mine un travail, je l'examine très
par
coquilles
ciple Lee en eut le coeur si serré qu'il
attentivement avant d'y apposer ma
d'ormeaux, Lee Hyung-Man emploie
se mit à son tour à travailler sur un tel
signature pour savoir si je suis digne
aussi celles des huîtres perlières pour
coffret. Après avoir longuement
d'en revendiquer la création ou si je
faire mieux ressortir la délicatesse des
réfléchi au choix du motif, il eut
n'essuierai pas de critiques dans mille
œuvres qu'il exécute avec un grand
l'idée d'associer des dessins de vigne
ans!»
talent. Le choix de coquillages de
à une rose de Sharon, fleur nationale
couleurs diverses vise aussi à donner
coréenne. Il consacra une année
Naissance d'une nouvelle tradi-
un effet de perspective au motif
entière à l'exécution et à la finition de
tion coréenne
représenté sur une surface plane. Le
cette pièce, qu 'il remit en mains pro-
A l'incrustation de nacre
travail artisanal de la nacre fait depuis
pres au souverain pontife. A ce pro-
succède le laquage réalisé en trois
longtemps appel à une grande variété
pos, il nous a fait part des réflexions
passes et suivi d' un ponçage qui doit
de figures qui, dans la tradition orien-
suivantes, suscitées par son voyage
laisser la surface parfaitement lisse.
tale, comprennent les dix symboles
dans la cité sainte.
C'est dans ce procédé que réside le
populaires de longévité que sont le
«J'étais vraiment ivre de joie
secret de la conservation de la laque,
soleil, les montagnes, l'eau, les pier-
quand j'ai remis moi-même ce coffret
comme en témoignent les fresques
res, les nuages, les pins, l'herbe de la
au pape, qui l'a choyé comme un
des tombes de Goguryeo et la pein-
jeunesse éternelle, les tortues , les
trésor de grande valeur ! Je pense
ture murale du Cheval céleste de
grues et les chevreuils, ou encore
avoir accompli dans les règles de l'art
Silla, restées intactes après plus de
vigne, fleurs, oiseaux, pivoines et
la dernière mission de mon maître».
mille cinq cents ans. Le dernier
chrysanthèmes. Notre artiste s'est
Lee Hyung-Man · a bien sûr
vernissage qui suit l'application
pour sa part spécialisé dans les roses
d'autres projets en tête. A l'instar de
d'une ultime couche de laque exige
de Sharon, un héritage qui lui vient de
Kim Seong-Su , qu'il considère
la main expérimentée d'un artisan
son maître Kim Byong-Ryong.
comme un autre maître, il s'intéresse
excellence
des
dévoué pour que soit mis en valeur
Et puisque nous reparlons de ce
aux techniques de peinture modernes
l'éclat naturel de la nacre, en l' occur-
dernier, citons cette autre anecdote.
qui mettent en œuvre la nacre. Il
rence, celle de Lee Hyung-Man.
Quand celui-ci, vers la fin de sa vie,
cherche aussi à créer des oeuvres pro-
L'élégance des objets en laque nacrée provient de l'application de plusieurs couches successives de ce vernis, opération exigeant un soin méticuleux et de multiples polissages fins. C'est grâce à ce procédé séculaire d'enrobage que les fresques des tombeaux de Goguryeo ou la peinture murale du Cheval céleste de Silla présentent un état de conservation aussi remarquable après plus d'un millier et demi d'années. 48
Koreana I automne 2004
<luisant un effet d'ensemble à partir d'un unique motif nacré au lieu d'en incruster plusieurs sur toute la surface. Il s'éloigne ainsi indiscutablement des fabrications traditionnelles laquées et nacrées, mais, mû par une prise de conscience aiguë vis-à-vis du devenir de l'art, il estime qu'il est de son devoir de se lancer dans de nouvelles directions pour s'adapter aux sensibilités actuelles du métier dans le respect des traditions fondamentales. «La formation des générations futures est une autre tâche importante à laquelle je dois me consacrer», confie-t-il. «J'enseigne actuellement à des étudiants de l'Université Paichai, et la salle de cours se remplit à chaque séance. Le regard ravi de mes étudiants, passionnés par l'apprentissage de cet art traditionnel qu'est le travail de la laque et de la nacre, est une énorme récompense et m'encourage à continuer». Le nom d'artisan de Kim BongRyong était Jlsa, ce qui signifie «grain de sable » en chinois. Il faut y voir une expression d'humilité, notre maître ayant voulu, par modestie, rester une personne ordinaire. Ce n ' est donc pas un hasard si Lee Hyung-Man signe quant à lui du pseudonyme d' Usa , lequel veut dire « un autre grain de sable». Il prend ainsi le parti de ne point s' enorgueillir des oeuvres qu'il crée et sa réputation s'en trouve rehaussée, à l'égal de 1. Application de laque à l'état brut pour protéger et stabiliser le bois. 2. Pose d'une couche de chanvre ou de ramie qui sera enduite d'un mélange de laque et de charbon ou de farine de riz. 3. Réalisation des motifs souhaités. 4. Fixation sur la nacre des modèles de papier pour y tailler les motifs de nacre. 5. Emploi d'une scie et de fils pour découper les motifs de nacre. 6. Encollage de la nacre et fixation de celle-ci sur la surface de bois avec un fer chauffé. 7. Second nacrage, puis polissage. 8. Suite à l'application d'une dernière couche de laque, nouveau polissage augmentant l'iridescence de la nacre.
la nacre qui miroite de son vif éclat lorsque, sur le fond noir qui lui tient lieu de support, on lui a appliqué maintes couches de laque pour la faire éternellement scintiller. 1...1 automne 2004 1Koreana
49
A Chungju, l'harmonieuse alliance du Lac de Chungju et des montagnes environnantes, tel le Mont Woraksan, crĂŠe un effet extrĂŞmement pittoresque.
50
Koreana I automne 2004
Les environs de la ville de Chungju présentent des paysages d'une exceptionnelle beauté faite de l'union du lac du même nom et du mont Woraksan. C'est aussi un haut lieu de l'histoire où sont conservés, ça et là, maints vestiges. Dans les lignes qui suivent, nous vous convions à un voyage au coeur de la Corée méridionale pour découvrir cette région et y entendre le murmure du passé reçu en héritage. Kim Woo-sun Poète, rédacteur en chef de la revue mensuelle Homme et montagne. Kim Nam-gon photographe
automne 2004 1Koreana
51
A
la tombée de la nuit, des automobiles circu-
forteresse de Jangmi, l'embarcadère
été élevé en ce lieu sous le règne du
de Mokgye et le musée folklorique
roi goguryen Munja (r. 491-519), fils
lent le long du lac qui
de Gaheungchang.
prend des teintes jaune
d'or. Bordée de beaux cerisiers, la
route nationale 36 a toujours son petit air pimpant en direction de la ville d'eau de Chungju, avant les destina-
du souverain Jangsu (r. 413-491), et que son texte faisait le récit d'une
En plein coeur de la Corée méridionale, la région de Chungju a su rester en prise avec l'histoire
guerre ayant opposé les royaumes de Goguryeo et de Silla, ce dernier s'étant allié à celui de Baekje, l'autre royaume du sud de la péninsule, pour
tions finales de Danyang et Jecheon.
Le village de Seondol doit son
Idéalement situées, pour les citadins
nom, qui signifie «pierre levée», à la
La ville de Jungwon, qui portait
friands de couleur locale, sur les rives
présence d'une pierre tombale datant
le nom de Gukwonseong du temps de
du lac de Chungju, ces deux localités
de la période des Trois Royaumes et
son appartenance au royaume de
ont été surnommées contrées du clair
placée ici voilà 1 500 ans, non loin
Goguryeo, fut assiégée avec succès
de lune et du vent frais (Cheongpung
du site de la ville antique de
par une armée de Silla. Le roi
Myeongwol).
Gukwonseong. Jugé sans intérêt par-
Jinheung (r. 540-576) la transforma
Après avoir quitté l'autoroute
ticulier, ce monolithe n'attirait guère
alors en un poste avancé, sorte de
centrale de Jungbu par la sortie
les visiteurs. Jusqu'à cette journée du
seconde capitale aux fonctions politi-
Chungju nord, nous voici au pays de
25 février 1979 où les membres
co-militaires, pour y attirer nobles et
l'eau. Si nous ne poussons pas
d'une société archéologique de la
gens fortunés. Sous le règne de
jusqu'au centre-ville, c'est qu'en par-
ville de Yeseong, des passionnés
Gyeongdeok (r. 742-765), cette ville
courant encore cinq kilomètres et
d'histoire locale partis pour une sortie
prit le nom de Jungwongyeong, qui
demi sur la route régionale 520, nous
de découverte, en examinèrent de
en indiquait le statut de capitale
pourrons découvrir, juste avant un
plus près les inscriptions, pensant y
aujourd'hui disparue , mais d'où
carrefour de trois routes, une pierre
déchiffrer une antique écriture. Une
provient le toponyme de l'actuelle Chungju.
mieux combattre le premier.
tombale qui fut élevée à proximité
équipe de spécialistes dirigée par les
d'une ville, à l ' époque des Trois
professeurs Hwang Su-Young, de
La légende veut aussi que deux
Royaumes. Déclarée trésor national
l ' Université Dongkuk, et Jung
moines, respectivement venus du
numéro 205, elle se dresse en bordure
Young-Ho, de celle de Dankuk, se
nord et du sud, se soient rencontrés
du chemin menant au village de
rendit sur ce site en avril de la même
au bord de la rivière qui traversait la
Seondol.
année. Après avoir, avec un soin infi-
ville. Pendant qu'ils conversaient, ils
Mais ce n ' est pas tout. Aux
ni, débarrassé cette pierre de 1,35
se seraient rendu compte qu'ils
environs des bourgs de Tappyeong-ri,
mètre de la mousse qui la recouvrait
étaient partis le même jour et à la
Gaheung et Mokgye, en amont de la
entièrement, ils mirent au jour de
même heure, ce qui leur fit émettre
rive gauche du fleuve Hangang, les
nombreux caractères sino-coréens
l'hypothèse qu'ils avaient aussi cou-
paysages du pays chungjuien sont
aux contours incertains et d'origine
vert une même distance et que
d'une beauté particulièrement pit-
ancienne. En partie effacés par le
l'endroit où ils se trouvaient devait se
toresque, gracieuse et pastorale. La
temps, ceux-ci étaient à peine lisibles.
situer en plein coeur du pays. Pour
route régionale 520 est décidément
Après avoir déchiffré quelque 430
marquer cette découverte, ils firent
jalonnée de multiples curiosités his-
idéogrammes gravés dans un style
élever une pagode sur les lieux de
toriques et plus avant, on peut égale-
ornemental à la fois élégant et primi-
leur première rencontre. Aujourd'hui
ment admirer une pagode classée
tif, l'équipe parvint à la conclusion
connue sous le nom de Pagode cen-
trésor national numéro 6, ainsi que la
surprenante que le monolithe avait
trale ou Pagode de pierre à sept
52 Koreana I automne 2004
Un millénaire s'était écoulé après l'exil du dernier prince héritier de Silla, Maui quand un gigantesque plan d'eau naturel vit le jour au pied du mont Woraksan. Il s'agissait du lac de Chungju dont l'étendue, aussi vaste que celle d'une mer, fait la fierté des habitants de la région, à l'instar des reflets du pic Guksabong que l'on y voit par beau temps. Les prédictions du prince héritier se seraient-elles donc réalisées ?
étages de Tappyeong-ri, celle-ci est
membre de la Société royale de
considérée emblématique de la cité
Géographie d'Angleterre. C'est à
antique de Jungwon.
l'embarcadère de Mokgye qu'elle
De création récente, le Centre des biens culturels de Cheongpung abrite des biens culturels en provenance de cette région submergée à l'achèvement du barrage de Chungju (à gauche). Le nom du mont Woraksan, célèbre sommet de la région de Chungju, est attaché à la légende du Prince héritier Maui et de la princesse Deokju (à droite).
Elle présente, à l'avant, une
accosta, apprend-on dans . son
structure octogonale ornée de motifs
ouvrage intitulé Korea and Her
de lotus qui aurait servi de support à
Neighbors (La Corée et ses voisins).
des lanternes de pierre, ce qui laisse
Partie le 14 avril 1894 du lieudit
exacte, affirmant que cela faisait
supposer qu'elle se trouvait à l' orig-
Dumopo, au bas de l'actuel quartier
longtemps qu'il était ici et qu'ils
ine dans l'enceinte d'un temple boud-
d'ltaewon, à Séoul, elle remonta le
l'appelaient
dhiste ou non loin de celui-ci. A
fleuve Hangang sur une grande bar-
«l'endroit situé à mi-chemin».
proximité de la pagode, se trouve un
que en compagnie de deux rameurs.
Quelques amas de pierres placés
pavillon bâti en 1994, qui abrite
Longeant depuis Mahyeon la rive
entre des arbres me font penser qu'il
aujoud'hui une exposition de docu-
gauche du cours d'eau, visitant le
y eut ici un habitat assez important et
ments relatifs aux traditions popu-
temple Silleuksa de Yeoju, elle
au vu de sa forme, le site a très bien
laires de Jungwon.
parvint à la pagode de Tappyeongri
pu accueillir un temple bouddhiste.»
Si l' on prend la nationale 599
au huitième jour de son périple. Voici
pour continuer un peu au nord, on
la desciption qu'elle nous a laissée de
trouve la forteresse de Jangmi
cet édifice de pierre à sept étages :
perchée à 340 mètres d'altitude. De
tout
simplement
Bishop gagna ensuite Cheongpung en deux jours et poursuivit son voyage jusqu'à Yeongchün en passant
nombreuses forteresses se dressent
«Après avoir remonté le fleuve à
par Chungju et Danyang. Le 3 mai,
encore au voisinage de Chungju, qui,
partir de Séoul, pendant huit jours,
elle rebroussait chemin et redescendait
après les Trois Royaumes (Ier siècle
nous avons trouvé sur la rive gauche,
le fleuve pour regagner Séoul.
av. J.C. - VIIe siècle), fut le théâtre
qui forme à cet endroit un méandre,
De Gaheung, si l'on suit la
de plusieurs batailles mettant aux
les ruines d'une pagode faite de gros
nationale 38 sur six kilomètres, on
prises les envahisseurs successifs de
blocs de pierre très fissurés et
croise alors une autre route menant au
la région avec ses défenseurs.
s'élevant, solitaire, au beau milieu
centre-ville de Chungju. En chemin,
Une distance de cinq kilomètres
d'un terrain plat. Quand nous avons
on distinguera aisément le monticule
et demi sépare la pagode du bourg de
interrogé les autochtones pour
de Tangeumdae sur une falaise qui
Gaheung. Cette localité vit l'arrivée,
connaître la date d'édification de ce
surplombe cette même rive gauche du
à la fin du XIXe siècle, de la
monument, ces derniers ont été inca-
fleuve Hangang. Dominant l'endroit
géographe Isabella Bird Bishop,
pables de nous fournir une réponse
où le ruisseau Dalcheon se jette dans
54 Koreana I automne 2004
le fleuve, ce monticule aurait été le
ainsi que les chaises et les tables,
fondeur maximale de 100 mètres. Les
témoin d'un évènement singulier
étaient recouverts de poussière.»
merveilles ne s'arrêtent pas là. Doté
puisque c'est non loin de là que le
d'une piste d'atterrissage pour
général Shin Lip aurait trouvé la mort
Au départ de l' embarcadère de
hydravions, le parc d'attraction
en combattant les envahisseurs
Chungju, situé à un kilomètre du
Cheongpung Land comprend une
japonais à la fin du XVIe siècle. Un
barrage du même nom, une petite
base de saut à l'élastique, des rochers
second personnage avait fait la
croisière nous emmène à celui de
artificiels
renommée du lieu, mille ans avant
Cheongpung, situe à une halte à celui
d'escalade, ainsi qu'un puissant jet
l' acte de bravoure du général. Un
de Woraksan, après seulement une
d'eau s' élevant à 162 mètres . La
certain Ureuk, originaire de l' ancien
heure et dix minutes de navigation.
fierté légitime qu'éprouvaient les vil-
royaume Gaya, y aurait enseigné le
Deuxième de Corée par sa superficie
lageois d'antan, si bien décrite alors
gayageum, instrument à cordes tradi-
après celui de Soyang, qui se situe
par Bishop, leur a finalement été ren-
tionnel, durant le règne du roi Jinheung
dans la province de Gangwon-do, le
due et une vieille maxime est là pour
de la dynastie Silla, ce qui valut au
lac de Chungju est un magnifique plan
nous le rappeler : «Si l'on monte à
monticule le nom de «Tangeumdae»
d'eau d'une longueur de 51 km.
bord d'un bac à l'embarcadère de
désignant le lieu où l'on jouait de cet
Toutefois, la majeure partie de
Chungju et que l'on arrive à
instrument de musique.
Cheongpung, dont les villageois de
Choengpung, on perçoit alors la
jadis furent si fiers , est submergée
futilité des choses humaines.»
Le pays de l'eau : reflets du lac de Chungju Deux options s'offrent pour remonter plus loin le fleuve Hangang
pour
les
amateurs
depuis l'achèvement de la construc-
Et si l'on remonte encore un peu
tion du barrage en 1985, si bien que sa
plus en amont de l'embarcadère de
population a diminué d'un septième.
Cheongpung, on parvient à celui de
Le Centre des biens culturels de lesquels
Janghoe, à propos duquel notre
à partir de Chungju. La première est
Cheongpung ,
sont
géographe anglaise laissa ces lignes
la voie fluviale qu'emprunta Bishop
caractéristiques du patrimoine de la
sublimes : «Le lendemain de notre
voilà un siècle et la deuxième, la
zone submergée, a d'ailleurs vu le jour.
départ de Danyang, nous arrivâmes
nationale 36, puis la route de
Les habitants de Jecheon appellent les
au plus beau lieu du fleuve. Les traits
Danyang à Yeongwol qui passe par le
eaux de ces environs «lac de
irréguliers de grandes falaises de cal-
mont Woraksan. N'oublions pas que
Cheongpung», c'est-à-dire lac du vent
caire donnaient un aspect encore plus
Bishop mit cinq jours pour gagner
frais, s'enorgueillissant ainsi des
pittoresque au paysage. Celui-ci,
Danyang en partant de Chungju.
apparitions de la lune dans ce lieu au
composé de ravins aux nuances mys-
si joli nom. C'est aussi à Cheongpung
tiques, de pics et de chaînes de mon-
«Un voyage d'une dizaine de
que sont tournées de nombreuses
tagnes en partie boisées, disparaissait
jours nous a menés au village de
scènes des feuilletons télévisés des
presque sous le voile bleuâtre dressé
Cheongpung, à la fière population. Un
chaînes coréennes SBS et KBS, et ce
par un lointain pays de rêve.»
corps de temple jouxtait le bâtiment
n'est pas un hasard s'il est aujourd'hui
abritant l' administration locale. De
un site touristique réputé pour son fes-
hautes chaises blanches y entouraient
tival printanier des cerisiers en fleur.
Avant la création du lac de Chungju, la partie nord du village de
des tables sur lesquelles étaient dis-
Les monts Geumsusan, Dongsan
Janghoe-ri, appelée Janghoetan et
posés des bougeoirs. Bien que cet
et Woraksan offrent aussi à la vue de
située dans le canton de Danyang-
édifice fût utilisé régulièrement
spectaculaires paysages dont les
eup, était baignée par des flots si
pour des cérémonies d'hommage et
formes gracieuses épousent celles du
impétueux que l'on était emporté par
d'offrande aux rois, le plancher,
lac de Cheongpung, d'une pro-
un vigoureux courant dès que l'on automne 2004 1Koreana 55
d'Okseonbong, dominant le cours
tion, ainsi que les promenades autour
d'eau, faisaient vite oublier les diffi-
du lac de Chungju, au pays de l'eau,
cultés de la navigation par leur beauté
mieux vaut ne pas poursuivre plus
exceptionnelle. Celle-ci fut mise en
avant en période de sécheresse, car
valeur par le lettré Lee Hwang (1501-
les bateaux ne peuvent alors remon-
cessait de ramer. C'est pourquoi le
1570) qui, au début du règne de
ter que jusqu 'à Sindanyang, en
fleuve était réputé être à cet endroit
Myeongjong, treizième roi de Joseon,
amont de l'embarcadère de Janghoe.
un lieu de passage difficile à
y écrivit un poème chaque fois qu'il
Berçant de toute sa profondeur la
négocier, obligeant les embarcations
atteignait un tan, c'est-à-dire un pic,
ville ancienne de Danyang, le lac n'en
qui s'y aventuraient à manoeuvrer
alors qu'il venait prendre ses fonc-
accueille pas moins comme il se doit
habilement par d'incessants va-et-
tions de gouverneur de Danyang.
et à bras ouve1ts les amateurs de grand
Au Temple de Deokjusa, un Bouddha fut taillé dans la roche à la demande de la Princesse Deokju, soeur du Prince Maui (à gauche). Élevé par le Prince Maui, le Maitreya debout du Temple de Mireuksa fait face au Bouddha de celui de Deokjusa (à droite).
vient. Mais les contours des sommets
Une fois achevée la remontée du
air qui s'y rendent, comme s'il allait
environnants de Gudambong et
fleuve Hangang jusqu'à cette destina-
engloutir jusqu'au pic de Dodam-
56
Koreana I automne 2004
Sambong. Quant à notre aventurière
tout imprégnée de la légende du
changement dynastique, Maui reprit
anglaise, sa dernière destination fut
prince héritier Maui et de la princesse
cependant courage et quitta les lieux
celle de Yeongchun.
Deokju, elle porte le nom de
en compagnie de sa soeur, la
Yeongbong. L'ensemble présente une
princesse Deokju. Arrivés au temple
grande variété d'aspects.
~ ireuksa au terme d'un périple qui
«La beauté du fleuve Hangang atteignit son apogée à Dodam, le plus
A la chute du royaume Silla, le
devait les conduire au faîte du
beau village de mon parcours, que je
prince héritier Maui fut si bouleversé
Hanuljae, situé dans le massif de
venais enfin de découvrir. [ ... ]
qu 'il délaissa la cité de Gyeong-ju
Baekdudaegan et aux confins des dis-
Comme nous n'avancions guère,
pour se retirer au mont Geumgangsan.
tricts de Mungyeong et Jungwon, ils
nous passâmes deux jours à combat-
Sur le chemin de l'exil, il s'arrêta au
firent édifier une pagode à cinq
tre les flots qui nous immobilisaient.
mont Woraksan, où il devait séjourner
étages (trésor national numéro 95) et
Le courant se montrait récalcitrant et
plusieurs années. Une fois parvenu au
élever une statue de bouddha
lorsque nous tombâmes sur des rapi-
sommet de Guksabong, rebaptisé par
Maitreya debout (bouddha dit de
des dangereux au bas de Yeongchun,
la suite Yeongbong, il aurait prononcé
l'avenir, trésor national numéro 96 ;
M. Kim, le barreur, finit par nous dire
les paroles suivantes :
10,6 mètres de hauteur) pour mani-
après plusieurs tentatives que nous ne
fester leur attachement au pays dis-
pouvions plus continuer. Pendant les
«Le pays renaîtra de ses cendres
paru ainsi que leur intention de le
autres saisons, il était possible de
lorsque Guksabong se reflètera dans
faire renaître. La princesse Deokju fit
pousser plus ou moins facilement
les eaux et que les bateaux navigueront
en outre construire le temple de
jusqu'à Yeongwol, qui se trouve
à nouveau librement.»
Deokjusa, dans le village du même
encore à vingt lieues d'ici. [ . .. ] A Yeongchun, nous étions à 64,4 km de la mer de l'Est.»
nom situé sur le mont Woraksan. Elle C'est en l'an 935, neuvième
demanda également que soit gravé
année du règne du roi Gyeongsun (r.
sur un rocher, à proximité du temple,
927-935), que le prince héritier quitta
un bouddha lui ressemblant (trésor
Le mont Woraksan, où survit la légende du dernier prince de Silla
Seorabeol, alors capitale de Silla, dès
national numéro 406). On dit aussi
que le roi et ses loyaux serviteurs
que le rocher et la grotte de
eurent décidé de chercher refuge dans
Bodeoksa, dans le canton de Susan-ri
Le tour du pays de l'eau étant
la partie septentrionale de l'ancien
se trouvant à l'extrémité nord de
bouclé, pourquoi ne pas partir ensuite
royaume de Goguryeo. Mille ans
Woraksan, auraient été honorés de la
en direction de celui des monts ? En
après cet événement, le lac de
visite du prince héritier.
suivant la route nationale 36 à partir
Chungju a réellement pris forme au
Rares sont en Corée les bouddhas
de Danyang, tout le long de la rive
pied du mont Woraksan, dont le point
de pierre qui regardent vers le nord,
gauche du fleuve Hangang, on
culminant dessine aussi sa silhouette
comme celui qui se tient sur le site du
parvient alors à Woraksan. Cette
dans les eaux du lac. La prophétie du
temple Mireuksa et fait face au
montagne, dont les cent derniers
prince héritier se serait-elle donc
bouddha gravé sur un rocher au
mètres sont tapissés d'abrupts pans
réalisée ? Baetjae est en effet devenue
village de Deokju, cette figure tour-
de rochers, est d'un accès difficile,
un port qui accueille aujourd' hui les
nant quant à elle les yeux vers le
même en empruntant les escaliers
bateaux de plaisance assurant la
sud. On dit même que les couleurs
métalliques installés par les services
navette entre Danyang et Chungju.
de l'arc-en-ciel les éclairent tous
responsables de la gestion et de
Réduit au désespoir par la dis-
deux, la nuit, chaque fois que
l'entretien du parc national que con-
parition de son royaume que supplan-
survient dans le pays quelque
stitue ce massif montagneux. Encore
ta celui de Goryo du fait d ' un
événement important. l.àt automne 2004 1Koreana 57
Si le mot «courge» a longtemps été synomyme de «laideron» en Corée, les qualités nutritionnelles et la facilité de préparation de ce légume en font aujourd'hui un ingrédient de prédilection de la cuisine diététique. Yoon Sook-ja Directrice de l'Institut de cuisine traditionnelle coréenne Bae Jae-hyung photographe Lee Kyung nutritionniste
L
a courge est une plante annuelle cultivée à tiges rampantes de la famille des cucurbitacées. Originaire des Antilles et du Pérou, on suppose qu'elle fut introduite en Corée après l'invasion japonaise de 1592. Largement plantée par les moines bouddhistes pour leur
consommation, elle s'intégra peu à peu à l'alimentation populaire pendant la Dynastie Joseon (1390-1910).
Un légume consommable en toute saison De couleur jaunâtre à maturité, d'une saveur agréable et délicate, la courge entre depuis longtemps dans la composition de nombreux plats. Riche en carotène, le précurseur de la vitamine A, le potiron possède des propriétés diurétiques bénéfiques au traitement de l' œdème. Il peut donc avoir des effets bienfaisants pour les femmes enceintes et les personnes souffrant de maladies rénales. Un dicton dit aussi : «Qui mange de la courge au solstice d'hiver peut échapper à la paralysie». Ce légume constitue donc tant une précieuse source de nutriments qu'un accompagnement du riz. Plus récemment, on a découvert ses bienfaits pour le traitement de l'obésité et du diabète, puisqu'il contient des glucides qui se digèrent et s'assimilent facilement. Particulièrement recommandé pour les personnes maigres ou à l'estomac faible, il est aussi adapté à l'alimentation des convalescents. Facilement conservable, le potiron se consommait autrefois tout au long de l'hiver, fournissant ainsi la vitamine A nécessaire en cette saison. Consommé en grande quantité, son important contenu vitaminique permet aux personnes contractant en hiver des affections respiratoires telles que la toux ou la grippe de consolider leur appareil respiratoire et d'accroître leur résistance à de telles ·maladies. Les graines de courge sont également riches en lécithine et en acides aminés essentiels, qui favorisent les capacités intellectuelles, ainsi qu'en protéase, qui empêche le développement des cellules cancéreuses.
De multiples usages en cuisine Les graines de potiron peuvent s'employer aussi bien pour décorer galettes et gâteaux de riz que pour préparer du sirop d'orgeat. Une fois épluchées, grillées et mélangées à du sirop, elles entrent aussi dans la composition de pâtisseries traditionnelles. Les feuilles de citrouille peuvent servir d'ingrédient pour des soupes ou être cuites à la vapeur pour envelopper des bouchées de riz. La chair de citrouille permet l'élaboration de nombreux plats : galettes de riz, sucre d'orge, crêpes traditionnelles, soupe aux petits carrés de pâte, légumes épicés, automne 2004 1Koreana
59
La courge tire sa valeur nutritive de son contenu glucidique qui, tout en lui donnant un goût sucré, est inférieur de 50% à celui des cèrérales et des pommes de terre. Elle constitue de ce fait un aliment peu calorique et riche en vitamines.
plats en sauce cuits à la vapeur, bouillie, boissons sucrées au riz fermenté, etc. Parmi les premières, on peut citer les galettes à la citrouille, celles de riz gluant à la citrouille ou de citrouille cuite à la vapeur, ainsi que le gâteau de riz à la citrouille cuit sur une couche d'aiguilles de pins. Ce dernier est confectionné avec des citrouilles de la récolte d'automne coupées en morceaux et séchées, puis réduites en poudre. On mélange celle-ci à de la farine de riz pour obtenir une pâte que l'on fourre de marron cuit à la vapeur ou de graines de sésame grillées. On fait ensuite cuire cette préparation à la vapeur sur un lit d'aiguilles de pins. De telles galettes sont agréables non seulement au palais, grâce à leur saveur délicate et suave, mais aussi à l' œil, puisqu'elles conservent la couleur du légume. Ces pâtisseries au jaune d'or d'une beauté si particulière sont tout aussi nutritives et délicieuses que les gâteaux de riz, de pomme de terre, d'armoise ou d'arrow-root. La boisson de riz fermentée à la citrouille se prépare avec une citrouille entière. Le jus qui en est extrait, après avoir macéré avec du malt et du gingembre, est très efficace contre les œdèmes provoqués par l'asthme. Quant au «gâteau-croissant», qui doit son nom à une forme de courge, il est confectionné en faisant griller des courgettes, du boeuf émincé et des champignons, puis en les mélangeant à une pâte fine de riz gluant. Le gimchi à la citrouille consiste en une marinade de citrouille, de feuilles de chou et de navets assaisonnés de piment en poudre et de poisson saumuré. La citrouille peut aussi se consommer sous forme de bouillie, ou tout simplement nature, cuite à la vapeur.
Recettes à base de courge Ingrédients -500 g de citrouille -1 verre (90 g) de poudre de riz gluant -7 verres (2100 g) d'eau -2 cuillerées à thé (30 g) de sel -6 cuillerées à thé (90 g) de sucre Préparation 1. Nettoyer la citrouille avec un chiffon propre, la couper en quatre morceaux, l'éplucher et enlever les graines avec une cuillère. 2. Couper la citrouille en petits morceaux. 3. Recouvrir la citrouille d'eau et faire cuire, en écrasant les morceaux avec une louche. Lorsque l'ensemble est bien cuit, le passer au tamis. 4. Ajouter la poudre de riz gluant à l'eau et mélanger sans faire de grumeaux. L'ensemble doit être suffisamment épais. Faire bouillir la citrouille passée au tamis dans une casserole, ajouter la poudre de riz gluant pour obtenir l'épaisseur souhaitée, saler et sucrer. 60
Koreana I automne 2004
La citrouille et le potiron conviennent tous deux à cette préparation et sont employés dans les mêmes proportions. A la première, on pourra ajouter du soja ou des haricots rouges. La citrouille se consomme plutôt en été et le potiron en ·hiver. Une
~
bouillie de citrouille, de couleur jaune, ne pèse pas
) 2
sur l'estomac et stimule l'appétit. On l'appréciera mieux chaude.
Ingrédients - 1 citrouille (500 g) - 30 g de poudre de pignons
Préparation 1. Nettoyer la citrouille et la couper en huit morceaux après avoir enlevé les graines. 2. Faire cuire pendant 15 à 20 minutes dans une marmite à vapeur, en plaçant la peau vers le haut. 3. Lorsque la vapeur commence à s'échapper, saupoudrer les morceaux de citrouille de pignons en poudre.
Pour une cuisson à la vapeur, il convient que la citrouille soit propre, sa chair dense et sa peau dure, lisse et sans aucune égratignure. Elle doit de préférence être jaune et suinter une fois coupée. Le goût suave et sucré de la citrouille à la vapeur est apprécié de tous. Ce légume est particulièrement adapté aux régimes alimentaires et au goûter des enfants. Les courges sont très prisées des jeunes femmes pour leurs qualités diététiques, étant deux fois moins caloriques que les céréales ou les pommes de terre, mais sucrées grâce à leurs glucides. Elles contiennent également du carotène, précurseur de la vitamine A, ainsi que des vitamines B et C, en moindre quantité. Essentielles à la formation du tissu musculaire, les vitamines du groupe B ont des effets hématopoïétiques et sont utilisées comme médicament anti-anémique. A l'heure où nous accordons une importance croissante à notre santé, un vent de bien-être souffle sur nos tables. Alors, que diriez-vous de quelques plats à base de courge pour votre dîner ? L.t automne 2004 1Koreana
61
Quand vient la fête des récoltes, les départs en masse des Coréens vers leur région natale causent une aggravation des encombrements et un allongement de la durée des trajets qui ne semblent pourtant guère dissuasifs. Pourquoi? Lim Jae-hae Professeur d'études coréennes à l'Université d'Andong
C
huseok, fête des récoltes,
sur l'ensemble du territ9ire un exode,
compte parmi les princi-
essentiellement citadin puisque les
pales célébrations tradi-
ruraux sont aujourd'hui en faible
tionnelles de la Corée.
nombre, qui mène au mythique pays
Tombant le quinzième jour du
natal pour y rendre hommage aux
huitième mois lunaire, lorsque le riz
ancêtres. Ces déplacements sont sou-
est d'ordinaire mûr, elle marque la fin
vent synonymes de difficultés de cir-
de la saison chaude, avec sa moisson
culation résultant de la congestion du
de fruits et céréales prêts à être
réseau routier, ce qui fait aussi dire
dégustés. Quoique nous en fassions
aujourd'hui : «Sois semblable aux
la récolte à la sueur de notre front, il
jours ordinaires, ni plus ni moins». Le
serait ingrat d'y goûter avant que nos
message est clair: et si l'on s'efforçait
ancêtres en aient apprécié la saveur.
de rendre la circulation beaucoup plus
C'est dans cet esprit que nous leur
fluide le jour de Chuseok ?
tendons notre offrande composée des
Trois raisons peuvent expliquer
prémices de la récolte lorsque nous
les traditionnels embouteillages liés à
allons nous recueillir sur leur tombe,
cette fête des récoltes.
munis de fruits fraîchement cueillis,
Tout d'abord, comme cela vient
de galettes et d'alcool de riz nouveau.
d'être dit, elle est pour les Coréens
Un vieux proverbe coréen, que l'on
l'occasion de se rendre au lieu de
pourrait traduire par «Sois pareil à la
sépulture de leurs ancêtres afin d'y
fête des récoltes, ni plus ni moins»,
accomplir un rite familial. S'ils ont
ne nous dit-il pas, en des termes
certes la possibilité d'effectuer leurs
réinterprétés, que l'abondance de
offrandes en d'autres endroits,
l'automne se reflète parfaitement
comme à leur domicile, ils ne peu-
dans les mets préparés pour Chuseok
vent se recueillir sur les tombes de
en guise d'offrandes aux aïeux?
leurs ancêtres que dans leur région natale, où ceux-ci sont généralement
Les grands départs et leur interminable cortège d'automobiles sont synonymes de cette «circulation infernale» si redoutée.
L'i nterm i na ble cortège des retours au pays
tous enterrés sur un terrain appar-
Il en va tout autrement main-
ments s'avèrent donc inévitables
tenant que l'abondance alimentaire
étant donné que la majeure partie de
nous permet de consommer presque
la population prend la route le même
tout, riz et fruits compris, à tout
jour.
tenant à la famille. Les encombre-
moment et en toute saison, alors que
En outre, l'industrialisation
voilà encore peu, il fallait attendre
ayant conduit les Sud-Coréens à
l'automne pour savourer les céréales
vivre majoritairement en zone
nouvelles. La fête des récoltes a donc
urbaine, c'est à une véritable «guerre
perdu le sens des festivités tradition-
de la circulation» que nous avons
nelles marquées par une soudaine
affaire quand les citadins prennent
profusion d'aliments. Pour autant,
de concert le chemin du pays natal.
lorsqu'arrive Chuseok, il se produit
Enfin, la croissance économique automne 2004 1Koreana
63
La fête des récoltes est un jour férié à l'occasion duquel la plupart des Coréens vont se recueillir sur la tombe de leurs ancêtres, y déposer des offrandes et en arracher l'herbe. A l'époque industrielle, ce retour au pays est devenu une pratique annuelle presque incontournable pour l'ensemble de la population. de ces dernières années a engendré
Avant les années 1970 , les
physique sur place, sans oublier la
une augmentation considérable du
déplacements liés à ces pratiques ne
crainte que l'entourage se réserve le
nombre d'automobiles en circulation.
posaient pas véritablement de
droit de vérifier si le travail a été
Alors qu'au début de l'industrialisa-
problème de circulation automobile,
exécuté correctement, alors que les
tion, les moyens de transport en com-
puisqu'une grande partie de la popu-
offrandes sont confectionnées en
mun tels que train et autobus étaient
lation habitait sur place, en zone
famille, à la maison.
plus souvent utilisés, presque tous les
rurale. De plus, la tradition n'était pas
Traditionnellement, les tombes
ménages possèdent aujourd'hui un
seulement respectée durant la fête des
coréennes sont dispersées au gré des
véhicule, ce qui ne fait qu'aggraver
récoltes, mais aussi à d'autres
collines et montagnes afin de trouver
les embouteillages.
moments de l'année lunaire : l'herbe
un emplacement idéal selon la
pouvait être coupée au mois de juil-
géomancie, si bien qu'il est plus pra-
L'i n f I u en ce d'une c u Itu r e funéraire particulière
let, les offrandes présentées en août et
tique de s'y rendre en voiture. Il n'est
le rite des ancêtres accompli en octo-
donc pas exagéré de comparer ce
Avec son histoire longue de plus
bre. Dans certaines régions , les
défilé de familles se lançant sur
de deux mille ans, la fête des récoltes
offrandes étaient déposées au
l'asphalte à l'assaut des tombes
représente l'une des traditions les
neuvième jour du neuvième mois
ancestrales à un véritable départ à la
plus anciennes d'Asie. Le principe
lunaire, et non au moment de
guerre . Une circulation fluide
des offrandes aux ancêtres provient
Chuseok . On comprend alors
s'établit en revanche dans les grandes
de l'éducation confucéenne qui se
pourquoi les déplacements, pour la
villes désertées par la majorité des
caractérise par la vénération des
fête des récoltes, étaient de faible
automobilistes qui, sur d'étroits
aïeux. Par ailleurs , le devoir de
envergure à l'échelle nationale.
chemins de campagne, sont immo-
rècueillement sur les tombes ances-
Avec les débuts de l'urbanisa-
trales participe d'une tradition
tion, vers la fin des années 1960, le
embouteillages et éprouvent mille
funéraire spécifique profondément
calendrier solaire a vu son emploi se
difficultés à trouver des places de sta-
enracinée dans la société coréenne.
généraliser et le jour de la fête des
ti o nn emen t. Non loin des zones
Aujourd'hui encore, on a ainsi pour
récoltes a été décrété férié. La
tombales, en secteur montagneux, on
habitude de disposer les tombes à des
cérémonie des offrandes, le recueille-
découvre rapidement le spectacle des
emplacements favorables répondant
ment sur les tombes et le fauchage de
files de voitures s'étendant jusque
aux critères de la géomancie. De
l'herbe ont alors été réunis dans le
dans les vallées.
même, si l'on omet régulièrement de
temps, le retour au pays natal prenant
couper l'herbe à l'endroit où repose
l'allure d'un événement annuel con-
le défunt ou tout simplement de s'y
cernant l'ensemble de la population.
bilisés
dans
de
monstrueux
Industrialisation et civilisation automobile
rendre, on s'expose à de vives cri-
En réalité, ces deux dernières
Dans les pays voisins de la
tiques de la part de son entourage
pratiques sont susceptibles de poser
Corée, les cimetières sont des sortes de
direct, ce qui fournit une bonne rai-
plus de problèmes que la première,
parcs aménagés à proximité des zones
son de respecter les us et coutumes.
puisqu'elles exigent une présence
d'habitation, ce qui permet aux
64
Koreana I automne 2004
familles de s'y rendre à tout moment
recouvert d'une pelouse nécessitant
de l'année et ne nécessite donc pas de
un entretien régulier et justifiant la
jour férié particulier. On peut ainsi dire
ruée annuelle des descendants pleins
que la «guerre de la circulation» est un
de reconnaissance à l'égard de leurs
alors que celui des automobilistes n' a
fait propre à la Corée, le jour de
chers disparus.
cessé d'augmenter, d'où une aggrava-
A l'occasion de Chuseok, la tradition veut que les familles coréennes se réunissent pour se rendre sur les tombes familiales et les entretenir.
Chuseok. Au Japon, les morts sont
C'est depuis l'industrialisation à
incinérés et leurs cendres conservées
marche forcée des années 1980 que le
dans des urnes au sein de cimetières
phénomène migratoire observé lors de
Alors qu'approche, comme
municipaux construits en pierre et en
Chuseok s'est amplifié, l'utilisation
chaque année, le grand remue-
béton et où l'herbe ne pousse donc pas.
généralisée de la voiture, conséquence
ménage de Chuseok, les Coréens
Aujourd' hui encore, bon nombre
du développement économique, y
s' estiment toutefois heureux que cette
de Coréens attachent une importance
contribuant largement dans un pays où
fête existe car elle est synonyme de
particulière à la géomancie , qui
posséder une automobile est un sym-
réjouissances collectives lors des
impose de rechercher un emplace-
bole de richesse et de réussite qui peut
retrouvailles familiales, qui réunis-
ment propice au repos en paix de
également contribuer à la piété filiale.
sent aussi amis et anciennes connais-
l'âme du défunt. Bien souvent, la tra-
Dans les années 1990, le nombre
sances, à un moment où les senti-
dition funéraire exige en outre que
d'usagers des moyens de transport en
ments humains font défaut dans les
l'on élève un haut tumulus en terre
commun a considérablement diminué,
grands centres urbains.
tion des problèmes de circufation sur le réseau routier.
~
automne 2004 1Koreana
65
A LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE Le palais Changdeokgung
Quand nature et palais ne font qu'un 66
Koreana I automne 2004
Aujourd'hui encore, le palais Changdeokgung se marie harmonieusement avec son environnement naturel.
Harmonieusement intégré à son environnement naturel, le palais Changdeokgung est considéré comme un modèle du genre en Extrême-Orient pour la symbiose qu'il réalise entre lignes architecturales et jardins. Son cadre intérieur, imprégné d'une histoire et d'une philosophie particulières, se pare des vestiges de la dynastie Joseon. Hong Soon-min Professeur d'histoire de Corée au Centre des arts libéraux et pour la promotion de l'instruction de l'Université Myongji. Seo Jai-sik, Lee Gab-cheol Photographes
C
entre géographique de la péninsule coréenne,
«Palais de l'Est».
Séoul en constitue également le carrefour
Gyeongbokgung, Changdeokgung et Changgyeonggung
politique et administratif. Les rois de la dynas-
allaient disparaître dans les flammes lors de l'invasion
tie Joseon y élirent domicile alors qu'elle était
japonaise de la fin du XVIe siècle, mais seuls les deux
déjà capitale de Corée. Elément distinctif de toute capitale
derniers furent reconstruits au siècle suivant, sous le règne
digne de ce nom, le palais se définissait précisément
de Gwanghaegun (r. 1608-1623), pour constituer ensem-
comme le lieu de résidence du monarque, qui non seule-
ble le palais principal. Un second, bâti au pied du mont
ment y passait le plus clair de son temps, mais y exerçait
Inwangsan, prit le nom de Gyeongdeokgung pour être
aussi le pouvoir dont il était détenteur. Une multitude de
rebaptisé sous Yeongjo (r. 1724-1776) Gyeonghuigung, ou
courtisanes, d'eunuques, de fonctionnaires royaux et de
encore Palais de l'Ouest, et être utilisé comme résidence
domestiques y était placée sous ses ordres ainsi qu'au ser-
secondaire. Ce n'est qu'au début du règne de Gojong (r.
vice de toute la famille royale, pour les nécessités de la vie
1863-1907) que Gyeongbokgung allait renaître de ses cen-
quotidienne, et il s'y ajoutait les nombreux lettrés qui
dres et retrouver son rôle de palais principal, le palais de
assistaient le souverain dans l'exercice de ses fonctions. En
l'Est devenant alors secondaire et celui de Gyeonghuigung
conséquence, le palais se devait d'être doté de toutes les
voyant ses fonctions suspendues.
habitations nécessaires à l'accueil et à l'hébergement de
En 1897, le roi Gojong, provisoirement réfugié à la
cette nombreuse suite. Au début du XXe siècle, plus de
légation de Russie, fit édifier un nouveau palais du nom de
mille personnes travaillaient ainsi dans un palais comme
Gyeongungung et s'y installa. Celui-ci allait alors devenir
celui de Changdeokgung et prenaient leurs quartiers dans
le centre de décision du pays, qui avait maintenant pour
quelque trois cents corps de bâtiments possédant chacun
nouvelle dénomination Empire Daehan (1897-1905).
leur nom. Une telle infrastructure s'imposait à ce poumon
Lorsqu'en 1907 l'empereur Gojong fut déchu de son titre
vital de la nation qu'était le palais.
par l'occupant japonais, le palais ne joua plus qu'un rôle subalterne de simple résidence , prenant le nom de
Les cinq palais de Séoul Il fallait donc que Séoul possédât au moins deux
Deoksugung. Sunjong (r. 1907-1910), qui succèda à
palais de ce genre, l'un, principal, destiné aux séjours de
d'accepter l'annexion de la Corée par le Japon.
Gojong, élut domicile à Changdeokgung où il fut contraint
plus ou moins longue durée alors qu'un autre, secondaire, servirait de centre d'accueil ou de refuge en cas d'incendie et de nécessaire rénovation, d'épidémie, de guerre, de trou-
Classement au patrimoine mondial de l'UNESCO Séoul a donc compté jusqu'à cinq palais royaux,
bles intérieurs ou tout simplement sur ordre du roi ou en
parmi lesquels Changdeokgung est celui cjui a le plus
raison des circonstances politiques du moment.
longtemps servi de résidence royale, ce qui explique que
Gyeongbokgung fut construit le premier, sous le règne de Taejo (r. 1392-1408), premier monarque de la dynastie
l'on y trouve aujourd'hui le plus de vestiges de l'époque Joseon.
Joseon. Il servit dès lors de palais principal au cours de la
Lorsque le pays se libéra du joug colonial nippon, il
première partie de la dynastie et à la fin de cette dernière.
ne subsistait que des ruines de la plupart des bâtiments du
Le palais secondaire de Changdeokgung vit quant à lui le
palais Gyeongbokgung, dont le site avait été laissé à
jour sous le règne du roi Taejong, troisième souverain de
l'abandon après que le gouverneur général japonais eut
Joseon (r. 1400-1418) et fut agrandi par le neuvième,
établi sa résidence dans le jardin-arrière, Huwon, au pied
Seong-jong (r. 1469-1494), qui ordonna la construction
du mont Baekaksan. L'habitat actuel est une reproduction
d'un troisième palais, Changgyeonggung, séparé du
de celui qu'avait édifié Gojong au début de son règne,
deuxième par une sorte de haie, si bien que ces deux
dans la deuxième moitié du XIXe siècle et qui, par com-
entités distinctes formèrent en réalité un ensemble appelé
paraison à celui des époques précédentes, se caractérisait
68
Koreana I Autumn 2004
'\ · ·«:
--:
- ---
, .. 1
h
.,
Pavillon central du palais de Changdeokgung, lnjeongjeon était réservé aux manifestations officielles, notamment à l'accueil des émissaires étrangers et aux cérémonies.
par des pièces plus vastes et plus luxueuses.
ment voir disparaître plus des quatre cinquièmes de leurs
Quant à Gyeonghuigung, qui avait été résidence
bâtiments pendant la première moitié du XXe siècle, le
royale secondaire depuis la fin du XVIe siècle pour perdre
peu qui en subsistait subissant par la suite destructions et
le statut de palais suite à la reconstruction de
transformations. Toutefois, leur meilleur état de conserva-
Gyeongbokgung, au commencement du règne de Gojeong,
tion que les autres et le maintien de la quasi-totalité de leur
il allait voir s'installer dans son enceinte, à l'époque colo-
emplacement initial nous mènent à les considérer comme
niale, un collège japonais qui modifia entièrement son
les palais les plus représentatifs de la Dynastie.
aspect initial et le déposséda de maints bâtiments anciens.
Les éléments de la dernière dynastie coréenne
Il en advint de même de Gyeonghuigung, dont subsiste
présents en plus grand nombre dans le premier lui
une partie des constructions d'origine, mais qui fut amputé
confèrent, nous l'avons vu, un caractère jeosonien par
des deux tiers de son site.
excellence. Un concours de circonstances allait par ailleurs
Changdeokgung et Changgyeonggung allaient égale-
en faire le palais actuel le plus caractéristique de la période automne 2004 1Koreana
69
Les cinq ensembles de palais construits durant la Dynastie Joseon sont représentés sur le Doseongdo, un antique plan de Séoul (à gauche). Jardin arrière de Changdeokgung, Huwon abrite le Gyujanggak, qui accueillit des mouvements de renaissance de la culture et de la société de Joseon (ci-contre).
Changdeokgung, ou l'union avec la nature Dans la pensée traditionnelle coréenne, le territoire national se définissait comme le produit d'un heureux mariage entre monts et rivières. La chaîne de montagnes qui traverse la péninsule coréenne du nord au sud, c'est-àdire entre les monts Baekdusan et Jirisan, a pour nom Baekdudaegan. Les massifs qui s'articulent autour d'elle s'étendent Joseon. Outre ses vestiges historiques, il présente en effet
telles les branches d'un arbre et s'appellent en coréen
la particularité non négligeable d'entretenir des liens har-
jeongmaek, ce qui signifie veines. Au nombre des treize
monieux avec son voisinage immédiat. Cette symbiose
que compte le pays, celui qui nous intéresse est le Hanbuk
entre le naturel et l'artificiel en termes d'emplacement et
jeongmaek, qui se situe au centre de la péninsule, aux con-
d'aménagement de l'espace lui octroie ainsi une identité
fins du fleuve Imjingang et au nord du fleuve Hangang. A
typiquement coréenne et allait lui valoir, le 3 décembre
l'extrémité sud de ce massif se trouve le mont Bukhansan
1997, d'être inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO
d'où partent plusieurs autres montagnes de moindre alti-
au titre de l'héritage culturel. La perfection de ses lignes,
tude qui forment les cimes du mont Baekaksan. Elles se
épousant un environnement naturel omniprésent et con-
déploient à leur tour vers l'est et finissent avec le pic
sacrant une harmonieuse alliance entre habitat et jardins,
Ungbong. Toujours plus à l'est, ce dernier cède la place au
en fait un modèle du genre en Extrême-Orient.
mont Taraksan. La hauteur qui s'élève à l'ouest des cimes
Les principes qui régirent la construction des palais de
du Baekaksan est celle d'Inwangsan, dont la progression
l'époque Joseon sont d' origine chinoise. Au centre, se
est stoppée au sud par le Mongmyeoksan. Sur une figure
trouvent les quartiers du roi et de la reine, à l'avant, des
humaine , Baekaksan correspondrait au sein droit,
espaces destinés à l'accueil des sujets par le roi et à
Ungbong, au gauche, Taraksan, au bras gauche et
l'arrière, ceux où les occupants des lieux vaquaient à leurs
Inwangsan, au droit. Quant au Mongmyeoksan, il serait
activités quotidiennes. Si on les observe de plus près, ces
comparable à une table dissimulant légèrement l'avant du
palais jeosoniens présentent toutefois des particularités par
corps décrit pour donner naissance à la cuvette qu'est
rapport à ceux de la Chine. En règle générale de forme rec-
Séoul et à l'intérieur de laquelle coule le ruisseau appelé
tangulaire et construits sur un terrain plat, ces derniers se
Cheonggyecheon.
caractérisent par une constitution imposante et uniforme
Enfant unique, le palais Gyeongbokgung se blottit
alors que les palais coréens se situent toujours en repli
contre le sein nourricier droit de Séoul. Au pied du versant
derrière une rivière, accolés à une montagne ou à une
méridional des cimes du Baekaksan, s'étend une plaine
colline. En d'autres termes, pour construire et décorer
ancienne qui lui procure une assise droite et ordonnée.
l'édifice artificiel que constitue un palais, l'accent était mis
Construit à l'extrémité occidentale du mont Inwangsan, le
sur l'harmonie avec la nature, les architectes oeuvrant au
bras droit de Séoul, Gyeonghuigung se situe à un emplace-
mieux pour parfaire l'ensemble. Or, Changdeokgung con-
ment peu propice et présente une forme quelque peu
stitue l'illustration parfaite de ce trait essentiel.
irrégulière et exiguë. Quant au palais Gyeongungung, qui
70 Koreana I automne 2004
Le palais Changdeokgung dresse son ensemble compact d'édifices à l'endroit où la montagne s'esquive prestement pour céder la place à la plaine, pareil au bourgeon s'épanouissant à l'extrémité d'une branche.
servit de refuge lors de l'invasion japonaise, à la fin du
sein droit. Ce dernier décline longuement pour mourir en
XVIe siècle, il se dresse en plein coeur de la ville et ne
une vaste forêt qui atteignait jadis le centre de la capi-
bénéficie de la protection d'aucune montagne à l'arrière et
tale. C'est donc au bas du versant ouest de ce pic qu'ont
à l'avant, ni d'aucune rivière pouvant dissuader l'ennemi
été bâtis Changdeokgung et Changgyeonggung, de sorte
de le prendre d'assaut. Son environnement immédiat ab1ita
qu'ils se complètent et s' harmonisent entre eux. Ce
des légations étrangères dans les années 1880, ce qui lui
dernier, situé à l' est du premier, constitue un haut lieu
donne une forme encore plus désordonnée et étroite que
historique où sont conservées les tablettes funéraires des
celle de Gyeonghuigung.
rois et reines anciens. Au nord de Changdeokgung et de
En revanche, le palais de l'Est, constitué en réalité
Changgyeonggung, que sépare un haut talus boisé, tel
de deux entités, s'adosse confortablement en contrebas
une haie géante au bas de la montagne voisine, s' ouvre
du pic Ungbong, ce sein gauche de Séoul, dont l'altitude
le jardin commun aux deux entités, lequel est dénommé
est moitié moins élevée que celle du mont Baekaksan, le
Huwon. L'extrémité méridionale de l'ensemble jardinautomne 2004 1Koreana
71
palais débouche sur une dépression créant l'effet d' un espace à l'abri des regards indiscrets. Enfin, pour repren-
Une beauté sobre La maison coréenne traditionnelle présente une
dre l'image de l'arbre, Changgyeonggung est semblable
structure ouverte, à l'intérieur, sur une cour et au-delà,
à une petite fleur accrochée tout au bout d'une branche.
débouchant souvent sur la nature environnante. En parti-
De par son implantation ni trop régulière, ni trop
culier, l'architecture des palais se voulait uneï nvitation à
désordonnée, ni trop exiguë et s'adossant à la nature
la nature toute proche, mais aussi aux sujets qui n'y
sans la détruire ni sans être écrasé par elle, mais en
avaient point demeure. Lieu de résidence du roi et de sa
l'épousant, il est l'essence même de l'architecture
famille, le palais était aussi endroit de travail pour les fonc-
coréenne.
tionnaires royaux. Un grand nombre d'entre eux s'y affai-
Outre cet aspect naturel, la composition et l'agence-
raient au traitement des dossiers concernant au plus près le
ment de ses bâtiments furent un atout supplémentaire qui
souverain. On y trouvait également des administrateurs et
permit jadis à ses résidents de tout rang, du roi à ses
responsables politiques du plus haut rang travaillant en
serviteurs, d 'ass umer leurs fonctions sans se gêner
étroite relation avec le monarque. Le palais constituait
mutuellement. Cette perfection s'est depuis lors con-
donc le niveau suprême du pouvoir.
sidérablement altérée, ne serait-ce qu 'en raison de son
Le roi était alors tenu de rendre publics ses moindres
inutilité, mais la grandiose image du palais de l'Est
actes et discours, qu'un huissier rapportait par le menu sur
demeure.
un registre officiel pour les transmettre à la postérité. Les
72 Koreana I automne 2004
Nakseonjae illustre la conception du palais Changdeokgung en accord avec son environnement naturel, auquel s'intègrent les différentes structures ( à gauche). Deux des piliers du pavillon sur pilotis Buyongjeong (à droite).
sujets étaient autorisés à critiquer, dans certaines limites,
constater une sobre décoration. Ses colonnes rectangu-
les faits et gestes de leur souverain, lequel se devait en tout
laires, soutenant l'ossature, produisent un effet moins
temps d'incarner les valeurs de l'éducation confucianiste
élégant que si elles avaient été rondes. D' aspect solide, la
et dont on attendait en retour qu ' il fasse preuve d'une
charpente qui supporte le poids de l'avant-toit, présente
grande dignité et d'une extrême frugalité, puisqu'il trônait
quant à elle une décoration simple et uniforme choisie au
au sommet de la hiérarchie sociale. De telles vertus trou-
détriment d'un style pluriforme certes plus splendide, mais
vaient naturellement leur expression dans les demeures
d'une composition plus complexe. Le nom même de la
royales. Changdeokgung ne dérogea pas à la règle et ne
demeure royale ne comporte pas le terme Jean désignant
manifesta aucun excès au temps de sa splendeur en dépit
l'extrême qualité, mais celui de dang, dont le degré est
de son aspect majestueux. En l'occurrence, la délicatesse
moindre. Incarné par l'ensemble du palais, cet esprit de
d'exécution du bâtiment dit Huijeongdang, où résidait le
frugalité constitue l'un des éléments sous-jacents de la
roi, est toute relative et le visiteur ne s'étonnera pas d' y
dynastie Joseon. automne 2004 1Koreana
73
Au Soyoam de Huwon, l'eau provenant de la vallée du Pic Eungbong s'écoule en un petit ruisseau sur cette formation rocheuse (à gauche). Seul bâtiment à toit de chaume du palais, le pavillon Cheonguijeong symbolise la frugalité du roi. Celui-ci aurait lui-même cultivé la rizière du palais, dans laquelle auraient été cueillies les tiges ayant servi à la fabrication de ce toit (à droite). Construit en 1828 dans le jardin arrière du palais de Changdeokgung, Yeongyeongdang emprunte son style aux demeures aristocratiques de la période Joseon.11 fournit des informations d'une valeur inestimable pour la recherche sur l'habitat de la fin de cette dynastie (ci-contre).
Un espace multifonctionnel
contempler de l' extérieur, mais installez-vous dedans et
Changdeokgung se caractérise donc par l'excellence
observez-en les alentours. Vous sentirez le paysage vous
d'une forme en parfaite harmonie avec la nature envi-
inonder et vous vous fondrez en lui pour faire partie
ronnante, un trait qui s'affirme avec plus de force encore
intégrante de la nature !
à l'entrée du jardin Huwon . Celui-ci représente à lui seul
Toutefois, le jardin n'est pas seulement un lieu où
300 000 des 462 OOOm qu 'occupe au total le palais. Les
vous pourrez être au contact de la nature et vous détendre.
quelque 290 000 arbres qui ombragent l'ensemble sont
Il vous fera également remonter le temps. Dans cet espace
représentatifs de ceux qui s'y trouvaient autrefois. A
multifonctionnel autrefois indispensable à la continuité du
cela s'ajoute une cinquantaine d'espèces différentes
pouvoir royal, on tirait à l'arc et on faisait passer des con-
d'oiseaux qui peuplaient l'écosystème naturel d ' alors.
cours nationaux pour recruter les fonctionnaires royaux.
Mais l'intérêt d'une visite en ce jardin ne s'arrête pas à
On y trouvait une cour d'entraînement où se tenaient de
une promenade sur les sentiers boisés où a été recréé
temps à autres des parades militaires ainsi que lès assem-
l 'écosystème de Joeson. Nous pouvons également y
blées de la famille royale ou des conseillers du roi. Une
découvrir des oeuvres plastiques représentant divers
rizière s'y trouvait aussi à l'intention de ce dernier, qui la
aspects de la nature. En Chine, l'architecture paysagère
cultivait lui-même pour s'assurer de la qualité de la
se caractérise par la création, à une échelle réduite, de
précieuse céréale. Il y avait en outre le pavillon
montagnes et mers artificielles placées à l'arrière du
Gyujanggak qui faisait office de bibliothèque royale, un
palais ou sur ses côtés. Au Japon, elle s'attache à repro-
centre de recherche et une maison d'édition chargée de la
duire la nature par un décor exécuté avec art et
promotion culturelle des oeuvres littéraires de la dynastie,
délicatesse alors qu'en Corée, elle se distingue par la
au XVille siècle, sous la houlette du roi Jeongjo (r. 1776-
complémentarité du naturel et de l'artificiel. Si cette
1800). Ce bâtiment et l'étang situé en regard témoignent
description
immédiatement
aujourd'hui encore de la splendeur de Changdeokgung et
compréhensible, pourquoi ne pas admirer sur place les
du jardin Huwon, qui forment à eux deux le berceau de
pavillons de Huwon ? Ne vous contentez pas alors de les
l' histoire et de la culture de l'époque Joseon.
2
ne
vous
est
pas
~
automne 2004 1Koreana
75
CHEFS-D'OEUVRE Grand encensoir de Baekje
Le parfum millénaire de l'art du royaume Baekje Chef-d'oeuvre de bronze incrusté d'or, le Grand encensoir de Baekje réalise une synthèse de ta religion, de la pensée et de ta florissante culture artisanale de ce royaume. Son phénix aux ailes largement déployées et son dragon surmonté d'un support à fleurs de lotus semblent sur le point de prendre vie. Kim Seung-hee Conservatrice du Musée national de Gyeongju
L
e Grand encensoir de Baekje fut mis au jour en 1993 sur le site d'un temple bouddhiste se trouvant à Neungsanri, non loin de Buyeo, la dernière capitale du royaume Baekje. Ce lieu
abrite sept tombes dont l'origine supposée royale se
situerait entre le milieu du VIe siècle et celui du VIIe. Au nombre de ces sépultures figurerait celle du roi Seong (r. 523-554) qui déplaça la capitale du Royaume de Gongju à Buyeo. Une relique de pierre avec inscription (Trésor national numéro 288) fut également découverte à cet emplacement en 1995, là où se dressait le stupa central. 76
Koreana I Autumn 2004
Baekje, première moitié du VIIe siècle, Diamètre maximal : 19 cm, Hauteur : 64 cm, Musée National de Buyeo, Trésor National numéro 287.
Elle remonterait à l'an 567 et il y serait inscrit le nom du
A première vue, cette composition repose sur l' oppo-
Chang-wang, autre appellation du roi Wi-deok qui succéda
sition entre dragon et phénix symbolisant respectivement
à son père le Roi Seong de 554 à 598. D'après l'inscription
le Yin et le Yang. Cependant, une observation plus atten-
que porte la relique, celle-ci aurait été réalisée en 567 à la
tive révèle que des fleurs de lotus emblématiques de la
demande de la fille du Roi Seong et sœur de roi Chang. On
Terre jaillissent de la gueule du dragon, animal
peut donc supposer que la princesse, sœur du roi Wi-deok,
représentatif de l' univers aquatique, mais qui s'élance vers
fit construire à Neungsanri le tombeau de son défunt père,
le monde céleste de l'oiseau phénix en passant, pour y
et y fit adjoindre un temple bouddhiste qui aurait été le
accéder, par la condition de l'ermite renonçant aux biens
premier du royaume.
de ce monde.
L' encensoir de Baekje se compose d'un couvercle et
Cet ensemble englobe donc philosophie taoïste et
d'une partie formant corps, le premier comprenant une
pensée bouddhiste. Selon le Tao, qui aspire à la jeunesse
poignée et la seconde reposant sur un socle. Ces quatre
éternelle, au beau milieu de la mer existerait un lieu
éléments furent réalisés séparément et assemblés par
dénommé «Boshan» où vivraient ermites taoïstes et ani-
soudage.
maux de bon augure. Après la période des Royaumes com-
Sur la poignée se trouve un phénix qui porte autour du
battants chinois, des encensoirs de type Boshan furent
cou un cintamani et tente vigoureusement de prendre son
fabriqués en grand nombre. Au début des IVe et Ve siècles,
envol en ouvrant grand ses ailes. Le poitrail de cet imposant
le rite consistant à faire brûler de l'encens devant Bouddha
oiseau est percé de deux trous où l' on peut imaginer que
se répandit largement et l'utilisation de l'encensoir se
brûlait l'encens.
généraHsa dans les temples. Le Grand encensoir associe
Le couvercle représente une chaîne de montagnes
donc harmonieusement une pièce renvoyant au désir
dont les trente-trois sommets sont parcourus par seize per-
incarné par le Boshan de rejoindre le monde des taoïstes
sonnes, notamment un chasseur à cheval, des pêcheurs et
de haute vertu à des éléments bouddhiques tels que la
un taoïste en méditation, ainsi que trente-neuf animaux
fleur de lotus.
comprenant des espèces réelles telles que les cerfs et d'autres imaginaires. Un ermite jouant d'un instrument de
Fruit d'une longue tradition et alliance d'une grande
musique et une oie sauvage au cou dressé sont également
variété d'éléments, le Grand encensoir de Baekje aurait été
représentés sur l ' un de ces sommets. Plusieurs trous ,
réalisé sous les auspices royaux par le plus grand artisan de
adjoints ultérieurement afin d'accroître l'émission de
la première moitié du Vile siècle. Etant donné l'impor-
fumée, sont situés à l'opposé de ces motifs, de sorte qu' ils
tance des rites cultuels bouddhistes faisant usage d'encens,
ne sont pas apparents.
l'auteur de cette pièce se sentit honoré d'accomplir son
Sur le corps de l'encensoir, les pétales de fleur de
devoir en rendant hommage aux âmes des monarques
lotus sont groupés par huit et alternent avec deux figures
défunts. Quelle joie singulière éprouve-t-on à l'évocation
humaines, un poisson, des grues et vingt-six autres ani-
de l'encens se consumant à profusion parmi les monts
maux non identifiés. Enfin, sur le pied se tient un dragon
représentés sur l'encensoir et de la fumée s'échappant de
redressant la tête d' un mouvement si vif qu'il semble prêt
la poitrine du phénix tandis que des rites majestueux et
à s'envoler dans les cieux d'un moment à l'autre.
splendides se déroulaient devant Bouddha! l,;.t automne 2004 J Koreana 77
CHRONIQUE ARTISTIQUE Festival international de musique de Tongyeong
Festival de musique dans la ville natale d'un virtuose Le Festival international de musique de Tongyeong, ville natale d'un virtuose de la musique contemporaine, Yun 1-Sang, constitue désormais un rendezvous d'envergure internationale. Il se décline depuis cette année en plusieurs programmes saisonniers. Kim Moon-hwan Professeur d'esthétique à l'Université Nationale de Séoul
78
Koreana I automne 2004
P
our bien comprendre ce qu'est le Festival international de musique de Tongyeong, il faut d'abord connaître la situation de la ville ainsi que la personnalité de Yun 1-Sang, musicien de
renommée internationale qui a vu le jour en Corée et dont
le nom marquera à jamais le contenu de cette manifestation. Tongyeong est une ville portuaire située dans le sud de la péninsule coréenne. Son toponyme, tout comme celui de Chung-mu auquel il s'est récemment substitué, est étroitément lié à la personne de l'amiral coréen Yi Sun-Sin, qui repoussa sur mer l'invasion japonaise de la fin du XVIe siècle. Tongyeong est l'abréviation de Tongjeyeong, nom qui fut donné au quartier général qu'installa ce héros national sur l'île de Yun 1-Sang, non loin de la côte. Les monuments historiques commémorant sa victoire suscitent toujours l'admiration et l'intérêt des visiteurs et le paysage environnant attire nombre de touristes, tant coréens qu'étrangers. Cette zone maritime, qui compte 41 îles habitées et 110 îlots sans habitations permanentes, connaît davantage de journées ensoleillées que de jours de mauvais temps. Un climat doux, rarement neigeux, y règne tout au long de l'année. Le relief a subi une érosion progressive et l'on ne trouve ni grand fleuve, ni haute montagne. Tantôt escarpé, tantôt bordé d'accueillantes plages de sable fin, le littoral possède en revanche une beauté particulière qui a séduit maints artistes, dont Yun 1-Sang.
Tongyeong, ville natale de Yun 1-Sang «Ma musique est née de la tradition artistique, philosophique et esthétique de ma patrie, qui a· été pour moi une source précieuse et intarissable d'inspiration créatrice. Révolté par le destin malheureux de la Corée, la destruction de l'ordre établi et la tyrannie, je me suis efforcé de parler le plus souvent possible une langue expressive, dans la limite de la pureté et de la finesse que se doit d'avoir la musique». Ainsi s'exprimait il y a peu le compositeur Yun 1-Sang, désormais considéré comme l'un des cinq plus grands virtuoses de la musique contemporaine, mais aussi comme celui qui a ouvert de nouvelles perspectives à la musique actuelle en exprimant l'esprit oriental dans ses mélodies particulières . Orient et Occident coexistent ainsi dans son automne 2004 1Koreana 79
univers musical que caractérise une quête d'harmonie entre
Festival international de musique de Tongyeong, il faut
la nature, l'homme et l'ensemble du monde.
remonter à 1982, année marquée par la première
Né en 1917 à Tongyeong, dans la province de
représentation d' Exemplwn in Memoriam Gwang-ju! dans
Gyeongsangnam-do, il reçoit en Corée et au Japon une
le cadre du Festival annuel de musique nord-coréen de
éducation musicale associant théorie, composition et étude
Yun 1-sang, puis, pendant deux jours en septembre de la
du violoncelle . A partir de 1948 , il se consacre à
même année, par celle de la Nuit Yun !-Sang de la
l'enseignement de la musique à Tongyeong et à Busan.
Composition lors du 7e Festival de musique sud-coréen,
Après son mariage, célébré en 1950, il s' installe en Europe
qui préfigurait l'actuel Festival international de musique
pour étudier au Conservatoire de musique de Paris, puis
de Séoul. C'est indéniablement cette Nuit de la
parachever ses études de composition et de théorie musi-
Composition, une manifestation hors pair, qui révéla au
cales à la faculté de musique de l'Université de Berlin-Est.
public le monde musical de Yun 1-Sang, jusqu'alors tou-
En 1959, au festival de musique de Darmstadt, son Air
jours méconnu pour des raisons politiques et du fait de sa
pour sept instruments, arborant les couleurs de la musique
distanciation des critères musicaux qui prévalaient au Sud.
traditionnelle coréenne, lui a valu l'attention particulière
Par la suite, grâce à sa Nuit des chants coréens organisée
des mélomanes européens. Il s'installe alors en Allemagne
sous les auspices de la Fondation Culturelle de Tongyeong
et s'adonne pleinement à sa passion pour la musique. Il y
en 1999 et rebaptisée Festival de musique contemporaine
composera en 1972 l'opéra Simcheong, qui fut joué lors
de Tongyeong l'année suivante, le compositeur, à titre
du spectacle de bienvenue de la cérémonie d'ouverture des
posthume, allait être à l'honneur dans cette manifestation
Jeux Olympiques de Munich. En 1985, il se voit décerner
durant trois années consécutives, c'est-à-dire jusqu'en
un doctorat honoris causa par l'université de Tubingen. En
2001. Il incarne aujourd'hui l'innovation musicale, non
1987, M. Weizsaecker, alors président de la République
seulement en Corée, mais aussi dans toute l'Asie et en
fédérale d'Allemagne, lui remet la prestigieuse Croix de
Occident. Dans cette optique, en vue d'une meilleure
l'Ordre du Mérite pour Services distingués. C'est dans ce
compréhension de la musique contemporaine, le Festival
même pays qu'il rendra son dernier souffle, sans revoir sa
propose à l'intention des mélomanes et musiciens pro-
patrie qui lui était si chère, impliqué qu'il était dans les
fessionnels, coréens comme étrangers, une programmation
divers mouvements de démocratisation en Corée du Sud.
composée de séminaires et cours dispensés par les compositeurs invités.
Naissance du Festival international de musique Pour obtenir un aperçu historique complet du 80 Koreana I automne 2004
C'est en 2002 qu'il a finalement pris le nom de Festival international de musique de Tongyeong, la stature
Le Festival international de musique de Tongyeong est dédié à la mémoire du grand compositeur coréen de musique moderne Yun 1-Sang (à gauche). La violoniste Sarah Chang et l'Orchestre philharmonique de Vienne ont interprété des oeuvres sous la direction de Zubin Mehta en clôture du Festival international de musique de Tongyeong 2003 ( au centre). Un concert saisonnier accueillait le Trio Chung (Chung Kyung-Hwa, Chung Myung-Hwa et Chung Myung-Whun) au mois d'août dernier (à droite).
pour hautbois de Heinz Holliger, ami du défunt artiste comptant parmi les meilleurs interprètes de hautbois et qui a dirigé l'Ensemble Moderne d'Allemagne. N'oublions pas enfin la cérémonie de clôture, qui a vu se produire en duo les virtuoses Zubin Mehta et Sarah Chang. La Cappella de Saint-Pétersbourg, composée d'une soixantaine de musiciens, et le quatuor à cordes Hugo Wolf, formondiale de cette manifestation, à laquelle assistent plus
mation de la jeune génération viennoise, ont aussi honoré
de 30 000 personnes, justifiant pleinement son qualificatif.
cette manifestation de leur présence avec un répertoire de
Lors de cette édition, il a rassemblé plus de deux mille
haut niveau. L'opéra de chambre Rêve de Yun !-Sang a
interprètes provenant de quatorze pays, notamment au sein
quant à lui été donné pour la première fois dans son pays
de l' Orchestre philharmonique de France qui, sous la
natal. En outre, un spectacle de la Troupe de musique clas-
direction du célèbre Chung Myung-Whun, a exécuté des
sique et traditionnelle de l'Institut national de musique tra-
compositions de divers genres musicaux, du contemporain
ditionnelle de Corée ainsi que l'interprétation de composi-
au classique en passant par le jazz.
tions musicales accompagnant les rites exorcistes des
Il comportait également un volet expérimental invitant
régions du sud ont éclairé les esprits sur les liens qui unis-
l'ensemble du public à une participation spontanée en dehors
sent la religion à la musique. Ainsi, alors que l'édition 2002
des représentations officielles. A noter également le succès
avait proposé des oeuvres à portée sociale, celle de 2003
d'un projet novateur de design environnemental qui avait
aura plutôt mis l' accent sur des sélections classiques et
pour objectif de mettre à l'honneur la localité de Tongyeong
modernes à caractère religieux.
et d'établir des modèles d'occupation de l'espace propres à ce festival afin de remettre en valeur les particularités locales
Le défi d'une manifestation saisonnière
et de doter l'événement d'une identité spécifique. Toute la
Aux fins de son édition 2004, le festival s'est doté
ville de Tongyeong a bien sûr été décorée selon des critères
d'un cycle saisonnier. Pour répondre à des problèmes
qui visaient à mettre en valeur comme il se doit la tenue du
d'organisation et à des contraintes budgétaires qui avaient
festival, donnant une allure grandiose non seulement au
jusqu'alors limité sa durée à dix jours par an, des manifes-
Centre culturel municipal, appelé à jouer un rôle clé, mais
tations musicales annuelles, concerts et concours interna-
aussi à la Maison du Festival, bâtiment-hôte des activités
tionaux seront désormais proposés au public et aux musi-
expérimentales, ainsi qu'à la rue Yun I-Sang, située dans le
ciens du monde entier sous la bannière de Tong-yeong ou
quartier de Docheon-dong.
du Festival international de musique de Tong-yeong
L'édition 2003 a eu l'honneur d'accueillir l'Orchestre
(TIMF), englobant les musiques contemporaine et mod-
philharmonique de Vienne, constituant ainsi une première
erne. L'événement renaîtra également sous forme d' un fes-
musicale au plan régional et confirmant le potentiel de
tival international élargi et d'une entité dont la gestion sera
développement du Festival. Mentionnons encore la
confiée au nouveau conservatoire de musique qui sera
représentation d'ouverture au cours de laquelle a été inter-
prochainement créé à Tongyeong.
prétée une composition dédiée à Yun !-Sang, le Concerto
Ce changement traduit l'ambition qu'a l'actuelle automne 2004 1Koreana 81
Fondation du Festival international de musique de
engagés pour doter la ville d'une authentique manifestation
Tongyeong de donner un nouveau souffle à une industrie
internationale, peut se résumer aux quatre orientations
coréenne du spectacle aujourd'hui en pleine récession et
suivantes. Il s'agira en premier lieu de privilégier l'aspect
de faire de Tongyeong une ville mondiale de la musique.
artistique en élargissant les bases actuelles de la culture
En d'autres termes, ville et festival sont appelés à devenir
musicale et en favorisant mieux l'essor artistique et culturel
un modèle représentatif de la zone Asie dans le domaine
national par un recentrage plus prononcé sur l'univers du
des spectacles de musique classique, fournissant ainsi aux
célèbre compositeur Yun 1-Sang. Il conviendra aussi de ne
jeunes talents locaux des débouchés sur le marché étranger
pas négliger la dimension internationale du festival afin d'en
au moyen de concours musicaux. Une telle évolution don-
faire un carrefour mondial de la musique où tradition
nerait aussi un élan décisif au monde du spectacle coréen,
coréenne et modernité occidentale se rencontreront par le
qui souffre d'être méconnu et ne satisfait la demande du
biais de coopérations et d'échanges entre musiciens coréens
marché extérieur que par le biais de relations unilatérales
et étrangers. On s'emploiera en outre à ne pas sous-estimer
avec des artistes étrangers et des sociétés gestionnaires au
le caractère culturel de l' événement : en misant sur les
bénéfice de ces derniers.
valeurs et le potentiel de la culture traditionnelle, les
Dans ce contexte, les manifestations saisonnières du
organisateurs souhaitent dynamiser la culture locale et
Festival 2004 pourraient s'entendre comme une étape tran-
développer l'esprit artistique de la population. Enfin, les
sitoire vers l'objectif ultime de la célébrité universelle.
retombées économiques devront être multiples. La venue
Le Festival Open, qui s'est tenu du 22 au 27 mars,
de touristes coréens et étrangers devra profiter pleinement
affichait au total quinze représentations, dont, pour n'en
à l'économie régionale ainsi qu'à l'image de marque et
citer que quelques-unes, l'opéra Geisterliebe, le concert de
aux attraits de la ville de Tongyeong.
violoncelle qui réunissait Natalie Clein, Matt Haimovitz et
Si le Festival international de musique de Tongyeong
Baek Na-young, la prestation de la State Symphonie
a une histoire relativement courte marquée par la tenue de
Cappella russe, l'interprétation de Water Passion par Tan
trois festivals locaux de musique contemporaine, de 1999
Dun, le concert de flûte à bec donné par Tosiya Suzuki et
à 2001, et de trois festivals internationaux de musique, de
l'apparition du Trio Ahn. Les concerts saisonniers se
2002 à 2004, il connaît toutefois un essor considérable au
seront finalement succédé d'avril à août, avec, en avril,
regard d'autres manifestations musicales d'envergure
celui de !'Orchestre philharmonique municipal de
internationale, tant du point de vue du budget et des partici-
Changwon, qui a interprété le Gurrelieder de Schonberg,
pants que de celui des interprètes ainsi que des niveaux
en juin, le concert en duo de Micha Maisky et Paik Hae-
quantitatif et qualitatif de sa programmation. Peut-on alors
sun, et en août, le spectacle du Trio Chung. Enfin, l'année
espérer que Tongyeong deviendra bientôt un· carrefour de
2004 aura eu pour point d'orgue la représentation de
la musique classique en Asie et que le public coréen de
!' Orchestre philharmonique de Berlin, lequel, par un
chacun de ses festivals atteindra le chiffre de 50 000 per-
curieux concours de circonstances, s'est produit à Séoul,
sonnes ? L'avenir nous le dira.
mais toujours dans le cadre du Festival international de musique de Tongyeong.
Partout dans le monde sont organisées des manifestations dont la célébrité égale celle des artistes invités. Au pays natal du compositeur Yun 1-Sang, tel est bien l'objec-
Pour une ville mondiale de la musique
tif que se sont fixé les organisateurs du Festival internation-
Tongyeong aspire à devenir un centre d' activités musi-
al de musique de Tongyeong et rien ne sera laissé de côté
cales de haut niveau au plan international avec pour voca-
pour que la cité du regretté artiste n' ait plus rien à envier,
tion première d' accueillir de nombreux musiciens, touristes
dans un proche avenir, à ces villes qui, en d'autres contrées
et étudiants du monde entier. L'objectif que poursuit la
de la planète, ont aujourd' hui une ou plusieurs longueurs
municipalité de Tongyeong, à travers les efforts qu'elle a
d'avance dans la tenue de manifestations musicales. i...t
82 Ko reana I automne 2004
automne 2004 1Koreana
83
L épopée du nomade 1
Kim Young-ha écrit des romans par lesquels il ambitionne de sympathiser avec un public mondial tout en surmontant la difficulté que représente le caractère régional, et donc de portée limitée, de la littérature coréenne. Présentes dans ses oeuvres, les expériences de l'auteur, toujours en quête de nouveauté, attestent bien de ce désir. Kim Dong-shik Critique littéraire et chargé de cours à l'Université Nationale de Séoul
C
A dix ans, il est victime d' un grave accident à la suite
'es t au milieu des années 1990 que Kim Young-ha devient un écrivain représentatif de
duquel il est frappé d'amnésie, les souvenirs accumulés
la littérature coréenne. Après avoir fait ses
jusqu'alors s'effaçant totalement de sa mémoire. Lors d'un
débuts littéraires en publiant, en 1995, une
interview accordé à un journal, en 1999, il affirmait être
nouvelle intitulée Méditation sur le miroir, il va signer
parvenu à reconstituer la plupart de ceux-ci sur la base de
maints écrits de sa plume, notamment des recueils com-
ceux relatés par son entourage familial et des rares photos
prenant ces autres nouvelles que sont Appel (1997), Qu 'est
ayant subsisté, un matériau toutefois très fragile. En des
devenu l'homme coincé dans l'ascenseur? (1999) ainsi
termes plus crus, nous dirons qu'il s'agit de souvenirs
que Grand frère est revenu (2004), ou encore les romans
d'origine textuelle.
l'ai le droit de me détruire (1996), Pourquoi Arang? (2001) et Fleur noire (2003).
L'absence de références à tout souvenir d'enfance ou à un quelconque pays natal peut certes être considérée
Dans les recueils d ' essais intitulés Pêche aux
comme un malheur personnel, mais elle constitue d'autre
ombrines séchées (2000) et Post-it (2002), il fait aussi
part une clé très importante pour comprendre l'univers
clairement la preuve de ses talents d'essayiste, et dans
littéraire de !'écrivain. Nombreux sont ceux qui constatent
Histoires du cinéma, ouvrage sur lequel il travaille con-
l'important rapport qu'entretient la littérature coréenne au
jointement avec l'auteur de bandes dessinées Lee Woo-il,
sentiment romantique de nostalgie du pays natal et aux
il se plaît à dépeindre une rencontre particulière entre la
traumatismes de l'enfance. Kim Young-ha échappe pour-
littérature et le septième art.
tant à cette tendance générale, sans doute parce que l'image
Né à Hwacheon en 1968, Kim Young-ha a étudié la
du pays natal est chez lui inexistante et les souvenirs
gestion à l'université. Ce qui retiendra l'attention est
d'enfance, immergés dans l'espace de l'oubli. A parler plus
l'absence de toute référence à un quelconque pays natal
simplement, les romans de Kim Young-ha conjuguent une
lorsqu'il évoque son enfance. Il dut en effet déménager
narration ayant pour point de départ l'absence de souvenirs
chaque année pour suivre son père, un militaire de carrière.
à une épopée nomade sans pays natal où retourner.
D'ailleurs, ne dit-il pas souvent lui-même qu'il n'y a pas
La nouvelle intitulée Le déménagement est ainsi
un seul lieu dont il puisse prétendre qu'il s'y sentait des
imprégnée de cette insouciance nomade propre à
racines étant enfant ?
l' écrivain. Dans cette oeuvre, la poterie de Gaya, du nom
84
Koreana I automne 2004
de ce royaume qui eut pour berceau le sud de la péninsule
image qui n'est pas unique et cohérente, mais morcelée, où
coréenne voilà mille cinq ceµts ans, symbolise ce pays natal
coexistent désir et oppression, fantasme et réalité, ordre et
où l'on ne peut aller et d'où l'on ne peut revenir. Le sable
chaos. Ses nouvelles évoquent de façon saisissante les
jaune dont il est question au fil des pages représente l'incer-
multiples symptômes nés du conflit entre le corps, prenant
titude des origines puisque l'on ne sait s'il provient de
l'apparence d' un puzzle, et le monde réel, lorsque le pre-
Takla-makan ou d'ailleurs. Le déménagement est donc une
mier se détache du second.
expérience «incompréhensible» qui arrache des souvenirs à
Cette idée du changement de corps ne se limite pas à la
l'inconscient en relation avec l'absence de pays natal. Tout
thématique du roman, mais s'étend à la constitution même de
ce dont est sûr Jin-su, le personnage principal du livre, c'est
ce dernier. Pourquoi Arang est une oeuvre dans laquelle les
qu'il s'endormira à un endroit tout à fait autre que celui de
limites séparant l'histoire de la fiction deviennent inopérantes
la veille. Il s'agit en d'autres termes d'une réaffirmation du
à travers une écriture révisionnaire de la légende d' Arang,
destin nomade par le biais des mouvements métonymiques
bien connue des Coréens. Ce conte prémodeme, réactualisé
du déménagement. Et si l'on pouvait comparer le roman au
dans un premier temps en roman policier, prend ensuite la
voyage, celui de Kim Young-ha serait un itinéraire qui
fo1me d'une fantaisie futuriste, le tout dans un cadre où tech-
n'aurait rien à voir avec l'origine ou le pays natal ou encore
niques de méta-fiction et roman interactif se complètent.
avec un trajet où l'éternel voyageur part à la recherche de souvenirs qui se sont éteints dans sa mémoire.
Fleur noire conte l'histoire de Coréens qui, pattis en Amérique centrale en 1905, tentent de bâtir une ville dans la
Une œuvre des débuts, Méditation sur le miroir, ainsi
jungle du Guatemala aussitôt après la colonisation de la
que le premier roman, J'ai le droit de me détruire, relatent
Corée par le Japon. Ce roman a pour protagonistes non des
parfaitement la problématique de Kim Young-ha. Si le
héros, mais des personnes ordinaires, la grammaire tradi-
miroir peut être perçu comme une source d'identité reflétant
tionnelle des romans historiques s'en trouvant altérée : la
une métaphore de la réalité, Méditation sur le miroir montre
première partie de !'oeuvre relate la venue au monde d'indi-
que cette identité et cette réalité qui nous sont renvoyées ne
vidus «contemporains» et, dans la seconde partie, nous pou-
peuvent en fin de compte se maintenir que par la fiction et
vons suivre le destin particulier de chacun d'entre eux.
le fantasme. Par ailleurs, dans J'ai le droit de me détruire,
Dans un contexte coréen où la littérature se marginalise,
le « moi », qui est en droit de s'anéantir, est aussi celui à
Kim Young-ha est, on peut le dire, un écrivain qui a
qui il est permis de se forger une nouvelle identité. C'est la
entamé une profonde réflexion sur l'autre destin qu ' est
fiction, et non la réalité, que Kim Young-ha observe dans le
celui de la littérature. Comme il l'affirmait dernièrement,
miroir, métaphore privilégiée du réalisme. Il aspire en outre
son rêve n'est pas de recevoir un prix littéraire ·en Corée,
à une nouvelle identité, par le biais d'un personnage fictif,
mais de voir ses livres se vendre avec succès dans les prin-
annihilant celle qui le caractérise déjà.
cipales librairies de New York et de Paris. Aspirerait-il
Dans ce contexte, quelle nouvelle identité souhaiterait-
donc à une véritable envergure internationale? Pas
il obtenir en s' autodétruisant? Celle-ci ne peut que reposer
forcément. Il serait plus sage d'avancer qu'il désire avant
sur le fantasme et la soumission du corps au désir. Pour
tout sortir la littérature coréenne de son statut régional
employer une image, il s'agit d'un corps qui va et vient, à
puisque la diffusion de celle-ci se limite à ce jour au seul
la recherche de ses propres limites, ou se métamorphose.
Nord-Est asiatique. Ou bien Kim Young-ha rêve-t-il tout
L' oeuvre véhiculant le mieux cette démarche est Le lézard,
simplement de doter la littérature du Pays du Matin calme
du nom de ce reptile devenu ici objet de fantasme, entrant
d' une nouvelle 01igine? En guise de réponse, si quelqu'un
dans le corps pour réveiller et stimuler des désirs
me questionnait sur l'état actuel et le devenir de la
jusqu'alors oubliés, murmurant qu'il faut changer celui-ci.
littérature coréenne, je lui mettrais entre les mains les oeu-
Dans les romans de Kim Young-ha, le corps représente une
vres de Kim Young-ha! ~
Sommaire 2004 1automne
85
Chères lectrices et chers lecteurs de Koreana,
The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-072 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684
Fax : 82-2-3463-6086
Avec ce numéro d'automne 2004, la Fondation de Corée est heureuse de rééditer la version française de Koreana, publication trimestrielle présentant les arts et la culture coréens et dont cette édition avait dû s'interrompre en 1998 pour des raisons financières. Nous souhaitons vivement que sa parution permette aux lecteurs francophones de retrouver leurs repères dans l'histoire et la société du pays du Matin calme. Depuis sa création, en 1992, la Fondation de Corée participe activement à divers échanges scientifiques et culturels dans le but de mieux faire connaître le pays dans la communauté internationale et d'oeuvrer à l'amitié entre les peuples. Publiée en français, anglais, chinois et espagnol, Koreana est une prestigieuse revue diffusée dans les bibliothèques, musées, universités et instituts de recherche de cent cinquante pays. La Fondation de Corée s'engage à faire tout son possible pour vous apporter des informations aussi abondantes qu'utiles sur la Corée. Libre à vous de nous livrer vos impressions, auxquelles nous réserverons le meilleur accueil! Septembre 2004, La Fondation de Corée
Veuillez écrire à l'adresse suivante pour toute demande ou résiliation d'abonnement, ainsi que pour signaler un changement d'adresse: Publication & Media Department, Korea Foundation, Seocho P.O. Box 227 137-072 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Adresse électronique : publication@kf.or.kr
Tarifs d'abonnement dont frais d'acheminement par avion pour l'étranger: 1 an
2 ans
3 ans 54 000 wons
Corée (affranchissement normal)
18 000 wons
36 000 wons
Japon, Hongkong, Taïwan et Chine
33 USD
60 USD
81 USD
Etats-Unis, Canada et autres
37 USD
68 USD
93 USD
Numéros précédents disponibles à 7 USD l'unité plus frais d'acheminement par avion : veuillez nous consulter.
Fe
goodfriend
Someone is always quietly there to lend ahelping hand When you have a good friend on the long, uneven path of life, everything is easier. You want to be with them, even though you don't always see eye-to-eye. And whenever they see a need, they're always quietly there to reach out and help. That's the kind of friend we want to be to you.
posco We move the wor1d in silence www.posco.co.kr
Global brand ambassador-at-large In the world of international relations, patient and persistent behind-the-scenes diplomacy is crucia l to success. And there are perhaps no better unofficial ambassadors a nation can have than its global brands. At Samsung, we are passionate about bringing the world the best for consumers. And the world is noticing. In 2003, we were the fastest rising brand on BusinessWeek and Interbrand's an nuai scorecard of the top 100 global brands for a second straight year. And we will be working even harder in the years ahead to share our vision of the digital future with the world's six billion consumers as Korea's best-known brand ambassador-at-large.
Global SAMSUNG
t1:!:':f11jmP