Koreana Autumn 2004 (French)

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·-M~ r ~l

D OS S I E R S Conseil international des musées 2004

32

Regain d'intérêt pour le patrimoine culturel immatériel de l'humanité 1

Choe Seok-yeong

ACT U A L I T É Attraits de la culture latino-américaine

36

Pour une Amérique latine plus proche I Kim Geun S U R LA S C È N E I N T E R N AT 1 0 N A L E Pak Se Ri, golfeuse professionnelle

40

Le défi pour compagnon de parcours I Bae Jay-song A R T I SA N AT Lee Hyung-Man, maître nacreur

44

Quand le temps embellit I Ryu Min E S CA PA D E S A la découverte du pays chungjuien

50

Une contrée née d'un lac et d'une montagne 1

Kim Woo-sun

CU I S I N E Bouillon de courge

58

Une préparation culinaire alliant saveur et santé I Yoon Sook-ja V I E Q U O T I D I E N N E Retour au pays pour la fête des récoltes

62

Sur le chemin des tombes ancestrales 1

LimJae-hae

Koreana sur Internet http:/ /www.koreana.or.kr

© The Korea Foundation 2004 Tous droits réseNés. Toute reproduction intégrale, ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée, est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme (Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 1987), est aussi publiée en chinois, anglais et espagnol.


BEAUTÉS DE CORÉE

Triade des Bouddhas sculptés dans le rocher de Seosan Kim Seung-hee Conservatrice du musée national de Gyeongju

Au centre se tient le

statut antique pour le doter

Bouddha Sakyamuni, le

de structures en accord avec

visage éclairé par un large

son temps. Fondé en Inde, le

sourire. A sa droite, assis

bouddhisme a par la suite

jambes repliées, le Maitreya

acquis une portée universelle

en méditation sourit inno-

et s'est mêlé aux cultures

cemment, tel un enfant. Sur

étrangères par le biais de

la

l'Asie centrale et de la

gauche,

enfin,

un

Bodhisattva au sourire

Chine.

timide tient dans ses mains

Si la douceur émanant

la perle précieuse. Exécutées

des visages de la Triade des

avec

Bouddhas ,

la

plus

grande

délicatesse dans la roche

ainsi

que

l'habillement de ceux-ci,

d'une falaise naturelle, ces trois figures forment

évoquent inévitablement une influence chinoise,

une composition triangulaire d'une parfaite netteté.

particulièrement celles des Wei du nord et du· sud,

Cette triade taillée dans le rocher de Seosan est

_les figures rondes s'harmonisant avec les grandes

plus généralement connue sous le nom de Sourires

mains et larges pieds dénotent le style Mathura

de Baekje. Elle fut réalisée sous le royaume du

originaire d'Inde. L'ordre et l'esthétique propres au

même nom (18e siècle avant J.-C.- 660 après J.-

royaume de Baekje s'y manifestent en outre dans

C.), à une époque où le bouddhisme connaissait le

l'expression des trois visages, qui semblent

plus grand essor de son histoire depuis son intro-

empreints de cette bienveillance primordiale d'alors,

duction dans la péninsule, vers la fin du IVe siècle.

leurs yeux ronds au regard indulgent et leurs nez, ni

Les souverains de Baekje donnèrent à la religion

trop grands, ni trop petits, complétant l'équilibre

des assises spirituelles en vue de réorganiser le

gauche-droite de la tenue vestimentaire. l...t

système politique d'alors, éloignant celui-ci de son Royaume de Baekje, première moitié du VIIe siècle, 2,80 mètres de hauteur, Seosan, province de Chungcheongnam-do, Trésor national n°84.


Couverture: Réalisées entre la deuxième moitié du IVe siècle et le VIIe siècle, les peintures murales de Goguryeo (Koguryo) ont été classées au patrimoine culturel mondial par l'UNESCO. La photographie de couverture représente une scène de chasse de la Tombe Muyong.

Publication trimestrielle de la Fondation de Corée The Korea Foundation 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud

A LA D É CO UV E RTE D E LA CO R É E Le palais Changdeokgung

66

Quand nature et palais ne font qu'un 1

Hong Soon-min

C H E F S - D ' 0 E U V R E Grand encensoir de Baekje

76

Le parfum millénaire de l'art du royaume Baekje 1

Kim Seung-hee

C H R O N I QU E ART I ST I QU E Festival international de musique de Tongyeong

78

Festival de musique dans la ville natale d'un virtuose 1

Kim Moon-hwan

1------------------------------------------Kim Young-ha 83

86

L'épopée du nomade

1 Kim

Dong-shik

Le déménagement

1 Traduction:

Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas

ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Kim Hyeh-won REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Kim Byung-ho RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Chung Bo-young COMITÉ DE RÉDACTION Han Myung-hee, Han Kyung-koo, Kim Hwa-young, Kim Moon-hwan, Lee Chong-suk, Shim Jae-ryong, Yu Hong-june ABONNEMENTS Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons Asie (par avion) 33 USD, autres régions (par avion) 37 USD Prix du numéro en Corée 4 500 wons

Abonnement et correspondance : ETATS-UNIS ET CANADA Yeong & Yeong Book Company 1368 Michelle Drive St. Paul, MN 55123-1459 Etats-Unis Tél: 1-651-454-1358 Fax: 1-651-454-3519 AUTRES PAYS DONT CORÉE La Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud Tél: 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 PUBLICITÉ AD-Front 1588-8 Seocho-dong, Seocho-gu, Séoul Tél: (02) 588-6016 Fax: (02) 2057-0509 CONCEPTION ET MISE EN PAGE Kim's Communication Associates 118 Jangchung-dong 1-ga, Jung-gu, Séoul Tél : (02) 2278-0202 Fax: (02) 2278-2384 IMPRIMÉ À L'AUTOMNE 2004 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34, Seongiu-dong 2-ga, Seongdong-gu, Séoul Tél: (02) 468-0361/5






Les tumulus de Goguryeo abritent de nombreuses fresques qui n'ont toujours pas fait l'objet de recherches approfondies. L'évolution de celles-ci permettra une meilleure compréhension des mécanismes internes du royaume.

vie après la mort à l'intérieur de ce tombeau où l'âme du

celui d'Eurnnaeri à Sunheung, ou de la tombe Takamatsu

défunt doit reposer éternellement en paix. En édifiant une

du Japon, et ce, pour une même époque.

vaste et puissante sépulture, en parant le monde des morts

Les fresques tombales de Goguryeo apportent donc

de fresques somptueuses et en enterrant divers objets aux

un élément essentiel au patrimoine en fournissant un large

côtés du disparu, les contemporains de Goguryeo pensaient

aperçu des divers courants culturels qui ont marqué

peut-être que le trépas ne signifiait pas la fin de l'existence

l' Antiquité extrême-orientale et en attestant de la réalité des

mais le commencement d'une nouvelle vie. En d' autres

échanges entre Est et Ouest à cette époque. Elles reflètent en

termes, le concept d' au-delà, né de la foi en une renaissance

outre l'universalité et l'originalité de la société goguryenne

ou réincarnation, aurait motivé la réalisation des fresques

qui sut assimiler divers apports extérieurs pour les recréer à

tombales

sa façon. C'est pour cette dernière raison que ces oeuvres

de

Goguryeo , comme le prouverait

l'omniprésence d'images dépeignant les moeurs de

ont été inscrites au patrimoine culturel de l'humanité.

l'époque, les Quatre Divinités antiques ou tout simplement des éléments artistiques.

Un enrichissement de l'éducation artistique Les divers éléments qui figurent sur les fresques

Un précieux matériau de recherche sur les échanges culturels d'alors

tombales de Goguryeo présentent une immense valeur

La plupart des tombeaux de Goguryeo furent pillés

taire, leur finesse picturale ne se limi te pas à un

avant leur découverte officielle, si bien que très peu d'objets

témoignage du passé, mais nous renseigne aussi sur des

se trouvaient encore dans les chambres mortuaires. Leurs

techniques susceptibles d'applications dans l'industrie et la

fresques constituent donc aujourd'hui le matériau le plus

vie quotidienne modernes. Etudiées par des spécialistes

fiable pour comprendre l'environnement quotidien et cul-

désireux de retracer le cours de l'histoire, ces peintures ont

turel du royaume. Ces peintures murales d'une beauté

d'une certaine manière vocation à enrichir l'éducation

extrême présentent généralement un bon état de conserva-

artistique de demain. On dénombre à ce jour une centaine

tion et comportent souvent des textes écrits à l'encre de

de fresques tombales spécifiques de l'époque Goguryeo,

Chine sur fond blanc. Ces derniers fournissent un

seule la moitié d' entre elles ayant livré leurs secrets grâce

précieux support historique si l'on sait que les vestiges de

aux conclusions des experts et l' autre moitié restant tou-

Goguryeo, peu nombreux malgré la longue histoire du

jours dans l'ombre en raison du nombre relativement

royaume, se limitent, hormis les fresques, à des poteries et

faible d' études qui leur ont été consacrées à ce jour.

tuiles.

actuelle et à venir. Mettant en valeur l'élégance vestimen-

Une meilleure connaissance de l'histoire du royaume

Les peintures murales des tombeaux de l'ancien

permettra de combler cette lacune. C'est la raison pour

royaume présentent par ailleurs des similitudes frappantes

laquelle amateurs et chercheurs passionnés de culture

et des rapports d'influence certains avec celles de la Chine

goguryenne, aussi bien en Corée du Nord et en Chine, où se

des Han, des grottes jalonnant la route de la soie, ou

trouvent aujourd'hui les peintures qu'en Corée du Sud et au

d' Afrasiab en Asie centrale, où étaient envoyés les légats

Japon, se sont donné tant de mal pour que les fresques puis-

du Royaume antique, ainsi qu' avec celles des tombeaux de

sent figurer sur la liste du patrimoine culturel mondial de

style Goguryeo du centre de la péninsule coréenne, comme

l'UNESCO, laquelle a su répondre à leur attente. l.à1I

10

Koreana I automne 2004



Des trésors historiques reconnus par l'UNESCO Inscrites au patrimoine culturel de l'humanité, les peintures murales des tombeaux de Goguryeo sont un témoignage de la culture de cet ancien royaume. Elles fournissent de précieux éléments d'information pour l'étude de l'art antique d'Extrême-Orient. Choe Kwang-sik Professeur d'histoire coréenne à l'Université Koryo Conservateur du musée de l'Université Koryo

R

constitua un important caiTefour d'échanges entre les Etats

éparties sur diverses régions de l'actuelle Corée du Nord et de la Chine, les fresques

qui composaient alors le Nord-Est asiatique. Si sa proximité

des tombeaux de Goguryeo (Koguryo) ont

géographique avec la Chine et d'autres royaumes d'Asie

éveillé l'intérêt des amateurs d'art ancien du

01ientale en fit un champ de bataille, il sut aussi tirer parti

monde entier dès avant leur classement par l'UNESCO au

de l'apport de nouvelles cultures et se forger une identité,

patrimoine culturel mondial. Le royaume de Goguryeo

comme le démontrent particulièrement ses peintures


murales, qui aujourd'hui encore sont le reflet de sa splen-

aux alentours de Pyeongyang, aujourd'hui capitale de la

deur passée.

Corée du Nord, mais jadis celle du royaume de Goguryeo. On notera aussi qu' elles consistent le plus souvent en por-

Un témoignage sur la culture de Goguryeo

traits de défunts ou en représentations de scènes et cou-

Les peintures murales de Goguryeo étaient pour la

tumes de la vie quotidienne, de dieux aux formes multi-

plupart réalisées à l'encre de Chine, dans divers coloris,

ples, de fleurs de lotus, du soleil et de la lune, d'animaux

sur une couche de mortier dont étaient revêtus les murs de

imaginaires, ainsi que de la constellation et d'autres images

la chambre funéraire, lesquels se composaient de pierres

célestes.

de taille finement ciselées et habilement jointes. D'autres

Ces fresques présentent un aperçu de la nature, du

furent directement exécutées sur des parois dépourvues

tempérament, des goûts esthétiques et de la sensibilité aux

d'enduit et substituant les dalles aux pierres.

couleurs des sujets de Goguryeo. Elles révèlent par ailleurs

Ces fresques se divisent en plusieurs catégories selon

que la peinture a su évoluer et s'adapter pour représenter

l'époque de leur réalisation et leur forme particulière. Ainsi

les hommes avec leurs habitudes vestimentaires et leurs

distinguera-t-on celles ayant trait aux mœurs quotidiennes

traditions religieuses. En outre, elles ont su mettre en relief

d'autres purement décoratives ou représentant les Quatre

les modes de pensée d'alors et nous éclairent sur les

Divinités antiques qu'étaient le dragon bleu, le phénix

paysages architecturaux, sans oublier la faune et la flore.

rouge, le tigre blanc et la tortue-serpent. Il faut toutefois

Les motifs qui ont suscité la réalisation de ces

savoir que la majorité des peintures retrouvées l'ont été

fresques sont probablement liés à la croyance en une autre


Culture de Goguryeo et évolution des peintures murales de ses tumulus Les peintures murales des tumulus de Goguryeo nous invitent à nous interroger sur la vie et la pensée des sujets de ce royaume antique, l'apparition de thèmes nouveaux y révélant par ailleurs une évolution des tendances culturelles et sociales de cette monarchie. Ces fresques d'une valeur exceptionnelle constituent ainsi un matériau inestimable qui nous permet d'entrevoir le monde antique de Goguryeo. Lee Tae-ho Professeur d'histoire de l'a rt à l'Université Myongji

D

à pouvoir y appliquer directement la peinture. D'une mise

urant les trois cents années de cette dynastie, c'est-à-dire du IVe au VIIe siècles, au moins

en œuvre limitée aux zones où un granit de haute qualité

quatre-vingt-dix des tombeaux construits

était disponible, cette technique était la spécificité exclusive

alors auraient comporté des peintures

de Goguryeo, aucun autre exemple ne s'en étant trouvé à

murales. Ces dernières constituent un héritage culturel

l'époque en Chine ou en un quelconque autre endroit du

provenant de l'âge d'or de Goguryeo, ce gigantesque

monde. Il est à noter que les pigments s'approp1ient si par-

empire de l'Asie de l'Est.

faitement la surface de pierre que la peinture semble fraîche, comme si elle n'avait été appliquée que quelques

Peinture sur chaux et sur pierre

jours plus tôt. De ce fait, l' œuvre produit efficacement un

Elles se divisent en deux grandes catégories en fonc-

effet de grandeur à l'intérieur de la tombe. Cette technique

tion de la surface sur laquelle la peinture a été exécutée.

de peinture sur pierre devait connaître un essor plus tardif

Après avoir superposé les unes aux autres les briques ou

que celle employant la chaux.

les pierres constitutives de la chambre funèbre, on appli-

Construit au milieu du IVe siècle, le tumulus n° 3

quait de la chaux à la surface de ce mur pour obtenir le

d' Anale renferme des peintures murales sur pierre. Hormis

support destiné à recevoir les peintures murales.

cet exemple, on ne retrouve cette technique que sur les

S'apparentant à celle des fresques, cette technique était la

peintures murales des Quatre Divinités ornant les tombes

plus couramment employée pour peindre portraits et

construites de la fin du VIe siècle au milieu du VIIe siècle,

scènes de moeurs du IVe au VIe siècles. Le peuple de

telles que le tumulus de Honam-ri, la Grande Tombe et la

Goguryeo possédait une haute maîtrise de l'utilisation de

Tombe Moyenne de Gangseo, les tumulus de Tonggou,

la chaux. Des analyses récentes de peintures sur chaux ont

ainsi que les tombes n° 4 et n° 5 d' Ohoe (tombe en forme

révélé que ces oeuvres comportaient moins de détériora-

de casque). Il est aussi des cas où les figures de ces

tions que celles datant de la fin de Joseon et présentaient

divinités gardiennes, ou encore des motifs de vigne, ont été

donc un plus haut degré de pureté. Ainsi, à l'exception des

sculptés en bas-relief, puis peints pour créer une apparence

zones où la chaux s'est effritée, les peintures des tumulus

plus élaborée, comme dans la Grande Tombe de Gangseo.

de Goguryeo sont peu décolorées et se trouvent dans un

Cette technique reflète la grande prospérité économique et

état de conservation remarquable.

le raffinement culturel de la fin de la période Goguryeo.

Une autre technique consiste en l'application directe

Malgré certaines similitudes de forme, les peintures

de peinture sur la surface de pierre. Elle était utilisée sur des

murales des tumulus diffèrent toutes, que ce soit par le

dalles larges et planes ou sur des pierres taillées uni-

thème traité ou la méthode de représentation. Jusque dans

formément pour construire les chambres funèbres, de façon

celles des personnes d'une même catégorie sociale, il existe

14 Koreana I automne 2004


·,.: ri

,.--

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. ...

.

(1 .

celles qui abordent des thèmes analogues diffèrent par le

.

.

JJ

l

des variations dans l'apparence et les atours, alors que

.

Dans la Tombe de Muyong, cette peinture de moeurs réalisée entre la fin du IVe siècle et le début du Ve représente des chanteurs et danseurs saluant le défunt lors de son départ à cheval.

style de représentation. Cette forte individualité révèle, chez les peintres, une prise en considération exacte du statut et

Temple Dansoksa de Jinju, ainsi qu'un portrait de Dangun,

des accomplissements passés du défunt lors du choix des

le fondateur légendaire de la nation coréenne. Si l'on con-

thèmes et des méthodes de représentation. Les

sidère que les artisans qui coulèrent les cloches boud-

interprétations du soleil et de la lune, les portraits des occu-

dhiques à l'époque Silla occupaient le cinquième rang de

pants des tombes, les représentations de scènes de moeurs,

la hiérarchie sociale, leurs contemporains, que sont Solgeo

des immortels taoïstes, des Quatre Divinités, d'animaux et

et les peintres des fresques des tumulus, doivent avoir joui

de plantes sacrés, ainsi que les motifs de décoration, font

d'un statut social très important.

apparaître que les peintres de Goguryeo subirent l'influence des peintures et motifs chinois des Han, des Dynasties du Nord et du Sud, des Sui et des Tang.

Caractéristiques des peintures murales par période Les quelque quatre-vingt-dix peintures murales

On ne dispose toutefois d'aucune information sur les

découvertes à ce jour dans les tumulus de Goguryeo peu-

circonstances et lieux dans lesquels est né ce style de pein-

vent être divisées en trois périodes chronologiques, en

tures murales, ni sur les noms et conditions de leurs pein-

fonction de la structure des tombes, des thèmes et des

tres. Qui étaient donc ces derniers ? Les peintures tombales

méthodes de représentation. La première époque s'étend

étant alors l'apanage des monarques et hauts fonction-

du milieu du IVe siècle au début du Ve, la deuxième, du

naires du gouvernement, leurs auteurs durent être d'un

milieu du Ve au milieu du VIe et la troisième, de la

haut rang social. Par comparaison avec les peintres de cour

deuxième moitié du VIe à la première moitié du VIIe.

de l'époque Joseon, il semblerait que ceux des fresques

Portraits et peintures de moeurs étaient appréciés au cours

étaient des fonctionnaires chargés de la décoration du

des deux premières périodes, tandis que les représentations

palais et des temples, ainsi que des peintures murales,

se limitaient aux Quatre Divinités pendant la troisième.

bannières, peintures bouddhiques et portraits.

A Anak, dans la province de Hwanghae-do, ainsi que

On se souvient de Solgeo, peintre du royaume Silla,

dans la région de Pyeongyang, notamment pour ce qui est

comme d'un artiste proche de ceux qui réalisèrent les

du tumulus n° 3 d' Anak (milieu du IVe siècle), de la tombe

fresques de Goguryeo. Ses oeuvres comprennent des

de Deokheung-ri (408) et de la tombe n° 1 de Taeseong-ri,

représentations réalistes de pins centenaires sur les murs

les peintures murales de la première période consistent

du Temple Hwangnyongsa de Gyeongju, d'un Bodhisattva

principalement en portraits divinisés des défunts, tandis

Avalokitsvara au Temple Bunhwangsa et de Vimalakrti au

que les individus debout se caractérisent par une automne 2004 1Koreana

15


Les articles tels que vêtements, armures métalliques et chars diffèrent notoirement de ceux provenant de Chine, mais présentent des similitudes avec les objets issus des tombes de Baekje, Silla et Gaya, ce qui révèle la présence d'une certaine homogénéité culturelle sur la péninsule coréenne à l'époque des Trois Royaumes. représentation vestimentaire et des récipients de style chi-

tion d'un rétrécissement autour d'un point central. Si vous

nois. Ces peintures ont aussi pour thème des cortèges de

examinez attentivement le plafond de l'une de ces tombes,

grande envergure, des palais ou des événements de la cour,

vous serez sans nul doute étonné de sa beauté symétrique.

ainsi que des scènes de la vie quotidienne relatives à la cui-

Présent dans la majorité des tombes construites du

sine, aux entrepôts de viande, écuries, granges et hangars à

IVe au VIIe siècles, ce type de plafond semble imprégné

carrosses. Il y a aussi les peintures de moeurs illustrant des

d'influences culturelles occidentales. Il pourrait avoir pour

épisodes de la vie privée ou publique du défunt. De plus,

origine l'architecture romaine, les temples des grottes

les plafonds s'oment d'images du soleil, de la lune et des

d'Asie Centrale et d'Inde, ou les abris des nomades qui

constellations, ainsi que de motifs de vigne, de fleurs de

erraient dans les steppes de Sibérie. Ceci démontre que

lotus, d'êtres divins, de musiciens , d'immortels et

Goguryeo avait acquis suffisamment d'assurance et

d'animaux sacrés, attestant ainsi du culte rendu aux cieux

d ' ouverture d'esprit pour assimiler des techniques

par la population en ce début de Goguryeo. La structure de

étrangères et intégrer ces éléments à sa propre culture. Sa

la tombe a alors pour particularité principale la méthode de

technique des plafonds révèle ainsi une réceptivité aux

construction de son plafond. Selon cette technique, dite de la

influences extérieures. Des spécimens peuvent en être

«réduction triangulaire», des pierres en forme de triangle

admirés dans les chambres funèbres en pierre de la fin de

étaient jointes entre elles aux quatre coins de la chambre

la Dynastie chinoise des Han et dans les temples de grottes

funèbre de sorte que leurs bords plats créent une forme de

des Dynasties des Wei et des Jin, ainsi que de celles du

diamant symétrique. L'opération se répétait jusqu'à l' obten-

Nord et du Sud. Ils sont toutefois en nombre limité, tandis

16

Koreana I automne 2004


qu ' à l'époque de Goguryeo, la construction par «réduction triangulaire» était devenue la norme, à laquelle s'ajoutaient des croyances populaires fondées sur le culte des cieux, au carrefour du Taoïsme et du Bouddhisme.

L'âge d'or des peintures murales de tumulus Durant la deuxième période, au milieu du Ve siècle,

A la fin de la période de Goguryeo, les peintures murales des tombes dépeignaient les« Quatre Divinités», gardiennes symboliques du défunt. En haut, ce dragon bleu figurant sur le mur Est de la Grande Tombe de Gangseo est considéré comme un chef-d'oeuvre pour son style élaboré et ses couleurs vives (à gauche). La peinture de tortue noire du mur septentrional de la Grande Tombe de Gangseo se distingue par les élégantes courbes du serpent qui l'encercle et reflète l'esthétique raffinée de ses auteurs (à droite).

dhiques tels que les motifs de fleurs de lotus, sont représentés sur les plafonds.

les portraits solennels des défunts ont été remplacés par un

Hormis les portraits et scènes de moeurs, les peintures

ensemble de scènes de la vie quotidienne dans lesquelles

des Quatre Divinités ont commencé à apparaître sur les

les morts sont représentés comme des gens ordinaires

murs et plafonds des tombes pendant la deuxième période,

arborant des manteaux et décorations de pantalon de style

comme on peut le constater dans les sépultures de-la région

Goguryeo. Dans quelques tombeaux situés aux environs

de Tonggou, telles la Tombe n° 1 de Changchuan, celles de

de Pyeongyang, tels les tumulus de Ssangyeong et Susan-

Muyong et Samsil, ou encore de la région de Pyeongyang,

ri, les défunts sont dépeints avec des habits formels à la

notamment les tombeaux de Yaksu-ri, Ssangyeong et des

chinoise, alors que dans les sépultures de la région de

Quatre Divinités à Maesan-ri, cette dernière étant aussi

Tonggou, notamment la tombe n° 1 de Changchuan, ainsi

connue sous le nom de Tombe de Suryeop. Dans certaines

que celles de Muyong, Gakjeo et Samsil, on rencontre

d'entre elles, les murs sont ornés d'images de fleurs de

rarement des vêtements de style chinois. Les occupants des

lotus, de coquilles de tortues et de motifs circulaires. Outre

tombes y apparaissent dans leurs activités de tous les jours,

que les thèmes se sont diversifiés, la qualité des peintures

à savoir la danse et le chant, les cérémonies d' adieux, les

s'est enrichie. Les couleurs y sont encore plus brillantes et

sorties familiales, les spectacles populaires, les cérémonies

les lignes des images, plus audacieuses et plus détaillées,

bouddhiques, la chasse et la lutte traditionnelle. Des

en fonction des thèmes traités.

thèmes propres au Taoïsme, mêlés d'éléments boud-

L'édification d'un grand nombre de tombes à peintures automne 2004 1Koreana

17


Dans la Tombe de Gakjeo, cette rencontre de lutte entre un sujet de Goguryeo et un homme probablement originaire de l'Asie du Centre-Ouest est révélatrice d'interactions survenues au IVe siècle entre l'antique Royaume et diverses régions d'Asie (à gauche). Sur le plafond de la Tombe Ssangyeong, fleur de lotus et motifs décoratifs s'accompagnent de symboles tels que celui, légendaire, du corbeau à trois pattes dans le soleil ou du crapeau dans la lune. La technique de construction est dite de réduction triangulaire (ci-contre).

Quatre Divinités. Tandis que les tombes des périodes précédentes abritaient des chambres funèbres en pierre de diverses formes, telles les chambres simple et multiple, celles de la troisième période comportaient une chambre unique dont les quatre murs étaient décorés d'images des divinités gardiennes adéquates, à savoir dragon bleu, tigre blanc, phénix rouge et tortue noire hybride respectivement sur les murs est, ouest, sud et nord. La tombe aux Quatre Divinités de Tonggou, les tombes n° 4 et 5 de la tombe d' Ohoe à Jianxian (Jilinsheng), en Chine, les tombes n° 1 et 4 de Jinpa-ri, la Grande Tombe et la Tombe Moyenne de Gangseo, ainsi que la Tombe aux Quatre Divinités de murales, aux environs de Pyeongyang, pendant la période

Honam-ri, dans la région de Pyeongyang, figurent parmi

allant du milieu du Ve siècle au milieu du VIe, s'explique

des dizaines de sépultures décorées selon le style

principalement par la stabilité acquise par le vaste empire

caractéristique des Quatre Divinités . Très colorées et

sous le règne du Roi Jangsu (r. 413 - 491) suite au transfert

pleines de vigueur, ces dernières reflètent les croyances du

de la capitale à Pyeongyang en l'an 427. Pas plus d' une

peuple de Goguryeo et I' rut d'Asie de l'Est à cette époque.

dizaine de tombes furent en effet construites dans cette

La prédominance des peintures murales aux Quatre

région du IVe siècle au début du Ve, et une dizaine de plus,

Divinités témoigne de l'apparition d' une nouvelle sensi-

avec peintures des Quatre Divinités, à partir de la seconde

bilité culturelle et du développement de l'environnement

moitié du VIe siècle, alors que soixante à soixante-dix

social. En d'autres termes , les peintures aux Quatre

avaient été réalisées entre le milieu du Ve siècle et celui du

Divinités sont une manifestation de l'esprit et de la pensée

VIe. Au vu des représentations réalistes de la vie quotidienne

caractérisant cette fin d'époque Goguryeo. A partir du

que comportent les peintures murales de ces tombes, il

milieu du VIe siècle, les royaumes de Goguryeo, Baekje et

semble que l'élite de la société ait joui de loisirs et d' un

Silla s'affrontèrent pour étendre leur hégémonie sur la

confort considérables grâce à la prospérité de Goguryeo à

péninsule coréenne, alors que Goguryeo était engagé dans

son âge d'or. On considère de surcroît que les tombes à

un grand nombre de conflits suite aux évolutions résultant,

peintures murales traduisent la fierté croissante manifestée

sur le continent, de l'unification des Sui et des Tang chi-

par Goguryeo envers sa culture nationale unique.

nois. Le royaume de Goguryeo célébrait encore ses victoires à l'époque de son effondrement. Son triomphe se

Puissance des peintures murales des Quatre

manifeste par l'établissement du gouvernement de

Divinités

Yeongae Somun, défenseur du Taoïsme. Dès le milieu du

Sur les oeuves de la troisième période, c'est-à-dire de

VIe siècle, la monru·chie de Goguryeo a elle aussi connu

la seconde moitié du VIe siècle à la première moitié du

diverses évolutions, dont le passage d'une structure de

VIIe, les représentations de scènes de moeurs des périodes

pouvoir centralisée à un système de coalitions aristocra-

précédentes cèdent la place à une mise en valeur des

tiques. Dans ces circonstances, les Quatre Divinités, sym-

18 Koreana I automne 2004


Nouvelle histoire des Tang sont riches en informations sur la société de Goguryeo. C ' est avec une grande minutie que les sujets de Goguryeo ont représenté leur vie sur les peintures tombales. Si ces dernières n'avaient pas subsisté, la Chine aurait certainement entrepris de siniser tout Goguryeo à partir de ses propres archives historiques. Le peuple de Corée doit ainsi beaucoup aux auteurs des peintures murales des tombes de Goguryeo pour avoir rendu compte avec un tel réalisme de la vie quotidienne des sujets du Royaume. Si leurs œuvres présentent un grand nombre de traits communs avec l'art chinois de la même période, elles ne peuvent leur être comparées en termes de thématique ou de qualité artistique, pas plus d'ailleurs que d'un point de vue quantitatif. Ce sont environ quatre-vingt-dix tombes à peintures murales qui furent édifiées sur une période de trois cents ans allant du IVe au VIIe siècle, alors que moitié moins furent construites durant les quelque cinq boles de protection et de sécurité éloignant les mauvais

cents années des Dynasties Han et Tang. Les sculptures et

esprits, devinrent des objets de vénération quotidienne et

gravures de pierre datant de l'époque Han, ainsi que celles

de croyance en l'au-delà. Ce contexte explique lui aussi un

des Dynasties du Nord et du Sud de la Chine, sont plus

dynamisme et un spiritualisme tels dan s les formes

réputées que ces peintures.

d'expression.

Les thèmes des portraits et études de moeurs qui furent représentés sur les peintures murales des tombes de

Documents historiques de Goguryeo

Goguryeo du IVe au VIe siècles, notamment les concep-

Il n'est guère facile d'acquérir une totale

tions des sujets de Goguryeo, leur habillement, leurs chars,

compréhension des lois, des institutions et de la société

leurs danses, leur musique de cour, leur lutte pratiquée par

goguryiennes. La disparition des documents historiques de

des gueniers de l'âge du fer protégés par des armures, etc.,

Goguryeo, notamment les cent volumes des Documents

se distinguent nettement de ceux de leurs équivalents chi-

historiques et les cinq volumes de la Nouvelle Compilation, ne fait qu 'aggraver la situation, mais fort

nois. En particulier, les vêtements, armure·s et chars

heureusement, les peintures murales et inscriptions des

tombes de Baekje, Silla, et Gaya, ce qui révèle qu ' il exis-

tombes de Goguryeo, dont le monument élevé en

tait une certaine homogénéité culturelle sur la péninsule

l'honneur du Grand Roi Gwanggaeto, constituent toujours

coréenne à l'époque des Trois Royaumes. De plus, sachant

une précieuse source d'informations.

que les cuisines et leurs plats de galettes de riz, les danses

s'apparentent davantage aux artefacts découverts dans les

Pour ce qui est des références coréennes, Samguksagi

populaires, le style de lutte et les spécificités culturelles

(Histoire des Trois Royaumes) et Samgukyusa (Memorabilia des Trois Royaumes) mentionnent brièvement quelques

relatives aux animaux, que représentent ces peintures

aspects de l'histoire de Goguryeo, tandis que les archives

laire coréenne ou n'en ont disparu que très récemment, il

historiques chinoises, telles que les Documents historiques,

est manifeste que les Coréens d'aujourd ' hui sont les

les Documents sur les Trois Royaumes, l' Histoire du Nord,

descendants du peuple de Goguryeo et participent tous

l' Histoire du Sud, l 'Ancienne histoire des Tang et la

d'une même nation coréenne. t..t

murales font aujourd'hui encore paitie de la culture popu-

automne 2004 1Koreana

19




Le secret d'une conservation millénaire Réalisées voilà plus d'un millier d'années, les peintures murales des tumulus de Goguryeo conservent aujourd'hui encore l'éclat et la vivacité de leur imagerie et de leurs couleurs d'origine grâce à la haute maîtrise atteinte par les peintres de l'époque dans la mise en oeuvre des techniques de peinture et pigments, en harmonie totale avec leur environnement. Lee Jong-sang Professeur honoraire au Département de peinture orientale de la Faculté des Beaux-Arts de l'Université Nationale de Séoul

I

dernières de celles de Chine ou d'Asie centrale qu'en con-

1 est malaisé d'apprécier véritablement la peinture moderne sans connaître aussi celle qui orne les

sidérant style et technique comme complémentaires dans le

parois des tombes de l' Antiquité. Par bonheur, les

cadre d'études d'histoire de l'art coréen. Tout en appartenant

peintures tombales de Goguryeo demeurent pour

à la même sphère culturelle, Corée, Chine et Japon ont en

retracer l'influence artistique de cet ancien royaume sur les

effet acquis des particularités nées de facteurs environnemen-

générations ultérieures de créateurs. Localisé pour la plu-

taux différents et de leur autonomie culturelle.

part près de Tonggou, comme la célèbre tombe Muyong,

Les auteurs des peintures murales de Goguryeo se

dans l'actuel district chinois de Jianxian où se trouvait

devaient de connaître des disciplines telles que les sciences,

l'ancienne capitale, Gungnaeseong, ainsi qu'aux environs

la philosophie et l'architecture pour produire des oeuvres

de Pyeongyang, cet héritage représente pour la Corée un

qui soient synthétiques. Celles-ci devaient non seulement

trésor artistique inestimable et une source de fierté. La

atteindre un haut niveau artistique, mais être aussi adaptées

division de la péninsule interdisait il y a peu de temps

à leur environnement en vue de leur durabilité. Ces pein-

encore tout accès à ces peintures murales. En outre, l'étude

tures tombales exigeaient une prise en considération

de l'histoire de l'art coréen ayant adopté une optique pure-

rigoureuse des techniques et matériaux de peinture,

ment stylistique, elle n'accorda que peu d'intérêt aux

notamment des pigments, de la qualité de la surface sup-

matériaux et techniques marquant l'évolution réalisée en

port, des glus et des solvants, ainsi qu'une large évaluation

peinture à partir des oeuvres rupestres du néolithique et de

scientifique pour garantir la conformité à l'environnement.

celles des tombes de Goguryeo jusqu'à l'art bouddhique de

L'histoire de la peinture murale commence avec la

Goryeo, aux créations à l'encre de Joseon et à l'art moderne.

réalisation d'images directement sur une smface de pierre non traitée. En parallèle, apparaissent des techniques

Aux sources de l'art moderne

caractéristiques sur surface traitée, c'est-à-dire sur une

Les techniques de peinture coréennes ont pour princi-

couche de calcaire ou d'argile se superposant au mur destiné

pale origine l'art funéraire de Goguryeo. De même que l'on

à recevoir la peinture, lequel consiste en une paroi irrégulière

ne saurait aisément apprécier l'art chinois sans connaître

de briques ou de pierres empilées côte à côte. Si la peinture

celui des grottes de Dunhuang, on ne peut réellement aborder

est appliquée avant assèchement complet de ce revêtement,

celui des peintures bouddhiques de Goryeo, des peintures de

elle relève de la technique de la fresque, alors la plus

couleur de Joseon et des portraits ancestraux sans aucune

courante, et dans le cas contraire, à celle de la détrempe. La

connaissance des peintures tombales de Goguryeo. On ne

première se divise elle-même en deux catégories dites «buon

pourrait déterminer avec certitude comment des facteurs

fresco» et «secco-fresco». D'autres types de peintures sont

environnementaux différents ont contribué à différencier ces

possibles, en fonction de l'utilisation variée des glus.

22 Koreana I automne 2004


En général, les techniques mises en œuvre sur les pein-

calcium). Sur les fresques de Goguryeo, l'application d' un

tures murales de Goguryeo se situent dans la lignée de la

mélange de chaux hydratée (hydroxyde de calcium) et

peinture traditionnelle coréenne, celle-ci privilégiant le

d'extraits d'algues à haute tension superficielle permettait

traçage des lignes et non l'application de couleur. La tech-

d'obtenir un support sur lequel on faisait brûler du charbon,

nique d'application de la peinture diffère radicalement sur les

avant évaporation de l' humidité, pour produire de l'oxyde

peintures

de la région

de carbone et finir la surface destinée à recevoir la peinture.

méditerranéenne, qui ont fortement influencé la peinture à

En fonction de la rapidité des coups de pinceau et du degré

l'huile occidentale, et sur celles de Goguryeo, réalisées

de pénétration, on employait alors du carbone suie obtenu

directement sur une surface de pierre naturelle, à l'instar de

en faisant brûler de l'huile avec de la glu à basse viscosité

fresques. Mettant l'accent sur les tracés, ces dernières ont

constituée d'un extrait de peau de boeuf ou de poisson, ou

exercé un impact considérable sur les techniques de peinture

encore du carbone résine confectionné de manière analogue.

du Sud-Est asiatique. C'est en se fondant sur ces approches

L'hématite (Fe203), produite en faisant brûler de la goethite

différentes et en satisfaisant une prédilection pour les tech-

et de la limonite (Fe203 NH20), toutes deux en provenance

niques de nuançage que les peintres occidentaux ont mis au

de la région située à proximité du fleuve Arnnok-gang, était

point la peinture à l'huile, qui permet de reproduire les

un pigment de base principalement utilisé pour dessiner les

objets avec réalisme grâce à l'effet de solvant produit par

contours, piliers et branches d'arbres.

murales

par détrempe

l'huile. Attachée aux lignes conceptuelles, la peinture orien-

En Asie centrale et à Dunhuang, on retrouve fréquem-

tale s'est en revanche orientée vers la technique de

ment des pigments à base de cuivre oxydé qui produisent

l'aquarelle, qui représente les objets de manière intuitive.

des nuances bleu verdâtre, alors que dans les régions situées plus à l' est, les couleurs tirent davantage sur un

De l'humidité comme agent de conservation

brunâtre qui donne les tonalités brun jaunâtre et brun

Les peintures murales de Goguryeo ne faisaient appel,

rougeâtre des peintures murales de Goguryeo. Ceci montre

pour toute méthode adhésive, qu'à l'application directe de

quelle incidence avait la nature des sols et pigments

peinture sur une surface de pierre, ce qui relève de l'art de la

découverts dans chaque région sur les peintures murales.

fresque. Ainsi, le secret de leur conservation réside dans leur

Les techniques étaient mises au point en fonction des

capacité à se constituer naturellement une couche de chaux

matériaux disponibles, mais aussi influencées par Je sens

protectrice. Bien que les pigments possèdent eux-mêmes

esthétique et la pensée des habitants du lieu.

une certaine durabilité, si la glu servant de liant entre leurs

En conséquence, les couleurs utilisées sur les pein-

particules s'altère, la peinture murale commencera à

tures murales de Goguryeo étaient des pigments non

s'écailler en surface. Etant toutes de nature organique,

réceptifs de matériaux inorganiques et oxydés, el non des

comme celles à base de peau de boeuf, de poisson, de cerf et

pigments organiques à haut degré de réceptivité. Et si ces

de laitue marine, les glus traditionnellement employées en

œuvres ont survécu à l'humidité pendant plus d'un

peinture ne peuvent garantir une grande durabilité.

millénaire, c'est grâce à l'utilisation de pigments inor-

Les peintures murales de Dunhuang, qui furent réalisées par détrempe sur une surface sèche, se trouvent

ganiques oxydés qui ont créé une couche de chaux absorbant cette même humidité au contact de celle-ci.

dans des grottes dont l'humidité peut se maintenir à un niveau constant puisque celles-ci se situent au-dessous d'un

Les pigments spéciaux

désert de dunes de gravier et de sable. Alors que les pein-

Les détériorations que l'on constate sur les diverses

tures murales de Dunhuang sont protégées de l'humidité

peintures murales ne résultent pas tant d'une décoloration

par la capacité régulatrice naturelle des grottes, celles de

que de certaines dégradations occasionnées sur la srnface

Goguryeo utilisent l'humidité comme élément catalyseur

peinte ou d'un écaillement dû à l'altération des agents col-

pour produire une couche protectrice de chaux (oxyde de

lants. Dans la peinture orientale, l'oxyde de plomb ou automne 2004 1Koreana

23


Si les peintures murales découvertes dans les profondeurs des grottes de Dunhuang ont été préservées de l'humidité, celles de Goguryeo se servirent de cette dernière comme catalyseur pour produire naturellement une couche protectrice de chaux.

litharge s'emploie souvent pour produire des pigments de

bonne couverture, ce qui veut dire que l'énergie libre

couleur car les particules de plomb oxydé possèdent une

superficielle du papier et la tension superficielle de la pein-

structure extrêmement stable. En chauffant de l'oxyde de

ture sont compatibles ou bien adaptées (RS>RL).

plomb à 500° C, on obtient un composé rougeâtre, délicat

A plusieurs égards, il est évident que les auteurs des

et lourd connu sous le nom de plomb rouge (Pb304), lequel

peintures murales de Goguryeo avaient acquis une bonne

s'utilise souvent pour former des couches anti-corrosives

compréhension de ces principes. La raison pour laquelle

aux fins de la protection des surfaces métalliques. Si on

les oeuvres bouddhiques de Goryeo furent réalisées selon

chauffe du plomb rouge à une température supérieure à

la technique dite des «peintures épaisses» (nongchae), qui

1200°C, il se transforme en un vernis transparent constituant

autorise une grande durabilité, est que leurs créateurs

la matière première de divers émaux synthétiques et pig-

avaient opté pour l'application de plusieurs couches suc-

ments minéraux. Bien que les pigments des peintures

cessives que l'on retrouve sur les peintures murales de

murales se rencontrent à l'état naturel, le développement

Goguryeo, où les pigments étaient directement étalés sur

des applications de l'alchimie a permis la création d'un

la pierre. Après des évolutions, elle a donné naissance au

grand nombre de couleurs synthétiques et permanentes.

procédé dit jangji gibeop qui consiste en l'application de

Une analyse scientifique de ces processus peut révéler

ces couches successives sur du papier renforcé (jangji). De

l'histoire des matériaux et techniques en plus de celle, déjà

plus, la technique dénommée bukchae, qui a permis la

connue, des éléments stylistiques. Sur les peintures murales

réalisation des peintures bouddhiques de Goryeo, et selon

de Goguryeo, les couleurs complémentaires et absorbantes

laquelle la peinture est appliquée au dos de la surface

proviennent de matériaux inorganiques oxydés. Ces pigments,

peinte, est aussi plus ou moins liée à la mise en œuvre

dont le vermillon, le cinabre, la malachite, l'orpiment et les

d'une couche de chaux sur les peintures tombales.

gommes-guttes de la famille des minéraux sont dérivés de métaux légers présentant une basse résistance à la décomposition et une gravité spécifique inférieure à 5, ou de métaux lourds oxydés et pulvérisés. La diminution de l'éclat des images représentées sur les peintures murales résultant de la carbonisation des glus organiques, sur les oeuvres dépourvues de glu, notamment dans la tombe d'Ohoe, ainsi que sur la majorité des plafonds et dans la Grande Tombe de Gangseo, où la peinture fut directement appliquée sur la surface de pierre, ont toutes réussi à conserver la vivacité de leurs couleurs sans pour autant subir d' écaillement en surface. Ainsi, tous les matériaux appliqués sur les murs possèdent leur énergie libre superficielle propre (RS dyne/cm), les glus conservant aussi leur tension superficielle propre (RL dyne/cm). De la sorte, si la peinture adhère fortement à la surface du papier, on dit qu'il y a une 24

Koreana I automne 2004


, - - - - - - - - - - - - -· - ---------- -

-

- - - - - - --

-

----------------------~

Transmission des techniques de peinture murale de Goguryeo

l'utilisation de glus d'une viscosité relativement faible. Ceci

La glu idéale présentait, aux fins de ces ouvrages, une

peut s'expliquer par le fait que, dans un environnement à

faible viscosité et une forte transparence qui permettaient

humidité élevée, ni la technique de «buon fresco» ni celle de

une absorption efficace de l'humidité grâce à un haut

«secco-fresco» n'étaient employées pour les oeuvres

niveau d'hydratation. Ce procédé originaire de la

s'apparentant à des fresques, alors que la formation d'une

péninsule coréenne, comme le fait apparaître clairement

couche protectrice en chaux était aisément réalisable sur les

l'histoire de l'art de celle-ci, a débouché, après une évolu-

peintures murales exécutées directement sur des surfaces de

tion, sur la création de «peintures collées» au moyen de

pierre naturelle. Du point de vue des techniques de peinture

glus à base de peau de boeuf ou de poisson et se retrouve

plus récentes, ce phénomène pourrait être attribué au fait

sur les peintures bouddhiques de Goryeo ainsi que dans les

que, dans un milieu caractérisé par des variations

œuvres d'art populaire sur papier renforcé de Joseon. Les

d'humidité extrêmes, l'application de plusieurs couches

glus employées sur les peintures murales de Goguryeo

renforce la résilience et la translucidité.

celle de l'énergie libre superficielle du support, ce qui révèle

consistaient principalement en extraits d'algues ou en

Rares sont ceux qui ont conscience de l'immense

colles à base de peau de boeuf, hormis dans la tombe de

impact qu'a eu cette simple glu des peintures murales

Gangseo à Deokheung-ri, qui date de l'an 408 et dont cer-

anciennes de Goguryeo sur la culture ultérieure et dans

tains éléments attestent de l'utilisation de résine à base de

d'autres domaines . Elle allait notamment permettre

légumes tels que les haricots, bien que des recherches

l'impression à moules métalliques amovibles, dont subsis-

approfondies s'imposent pour clarifier ce point. Si cette

tent les

hypothèse devait se confirmer, preuve serait apportée que

Jikjisimcheyojeol, rehaussant les caractéristiques du papier

les peintures sur papier de Goryeo et Joseon, de même que

coréen en termes d'adhésivité et de texture. Enfin, les

la tradition coréenne consistant à vernir les planchers

peintures bouddhiques de Goryeo se sont dotées de l'éclat

chauffés à l'huile de haricot, sont dérivées des techniques

artistique et de la maîtrise technique des matériaux qui leur

de réalisation des peintures murales de Goguryeo.

sont propres grâce à l'adaptation des pigments perma-

Sur la majorité des peintures murales coréennes, la valeur de tension superficielle des pigments est inférieure à

plus

vieilles

archives

existantes,

le

nents et des glus hautement absorbantes mis en œuvre sur les peintures murales des tombes de Goguryeo. l.àt




Les peintures murales de Goguryeo à la rencontre du présent Des créations musicales, chorégraphiques et vestimentaires font appel aux motifs tirés des peintures murales de Goguryeo, démontrant ainsi à nouveau que le passé constitue encore et toujours une source d'inspiration pour inventer l'avenir. Lee Young-hee Journaliste au quotidien Munhwa

L

es fresques des tumulus de Goguryeo ne reposent pas silencieusement dans leurs

œuvres la vie quotidienne au temps de Goguryeo à partir de ses fresques.

sépultures. On croirait entendre respirer les

Déjà, le compositeur Yun 1-sang (1917-1995) s'était

sujets du royaume qui y sont représentés, entre

dit vivement ému à la vue des fresques de Goguryeo que

rires et larmes, grâce aux nombreux aitistes qui tentent

renferme la tombe de Gangseo, en Corée du Nord, lors du

aujourd'hui de faire revivre leur esprit noble et combatif.

voyage qu'il effectua dans ce pays en 1963. Sa composi-

La grandeur et le faste du mode de vie que laissent

tion intitulée Images allait exprimer le bouleversement

entrevoir ces peintures ont ainsi suscité adaptations et varia-

provoqué par ces peintures murales. Yun 1-sang y met en

tions. Beaux-arts, comédie musicale, opéra, autant de

relief les caractéristiques des quatre Dieux apparaissant sur

domaines où les artistes cherchent à représenter dans leurs

les fresques, à savoir le Hyunmu, hybride de tortue et de


serpent, le dragon bleu, le Jujak ou phénix rouge et le tigre

cale originale qu'a présentée l'année dernière la troupe

blanc, qu'il représente respectivement par la flûte, le haut-

d'opéra Geumgang. Inspirée de l'histoire de la conquête

bois, le violon et le violoncelle. Selon cette interprétation,

des Kitans par le Grand Roi Gwanggaeto, elle chante

le Hyunmu insuffle son énergie à la Terre avec lenteur et

l'âme du continent et le défi gigantesque du Royaume,

lourdeur, l'agile tigre blanc présidant quant à lui au

qu'elle sublime en l'élevant jusqu'à la mythologie. Les

développement de toute espèce vivante, tandis que la force

personnages principaux, qui en sont Jang Ha-dok, cheva-

canalisée du dragon bleu stimule la création et que

lier d'escorte du Grand roi Gwanggaeto, et sa femme

l'élégant phénix rouge exhale l'énergie du feu.

Sucheon, se réincarnent, passant d'un temps et d'un espace

La composition Images accompagne depuis lors de

à l'autre, et accèdent à la postérité en faisant preuve de la

nombreux spectacles et expositions ayant pour thème le

bravoure des gens de Goguryeo. Jang Ha-dok, nom donné à

royaume de Goguryeo. A la fin de l'année dernière, la

la figure d'un garde découvert sur une fresque, signifie

danseuse coréenne Chung Seung-hee, professeur à l'Ecole

«celui qui garde la Terre».

des études artistiques de Corée, attira l'attention par la mise

Kim Jeong-whan, le metteur en scène de cette oeuvre,

en scène d'une chorégraphie intitulée Images-peinture des

explique que celle-ci « vise à faire connaître à notre peuple

quatre Dieux s'envolant dans le ciel, qui s'inspirait des

l'étendue du continent et à restaurer des mythes nationaux

peintures murales des tumulus de Goguryeo et utilisait la

que pourraient partager le Nord et le Sud».

composition de M. Yun. Elle avait parcouru la Chine et

Le secteur de la mode a lui aussi largement investi les

étudié deux années durant les peintures murales dispersées

costumes, coiffures et accessoires des femmes de l'époque,

à travers ce pays pour en faire l'élément principal de son

à travers la beauté qui émane des fresques. Dès 1994, lors

oeuvre. Elle associa la musique de Yun I-sang à des

de défilés qui se déroulaient à Paris, la créatrice de mode

images et gestuelles caractérisant chacun des quatre ani-

Icinoo présenta une collection dont le style, inspiré des

maux, symbolisant le tigre blanc par le bois, le Hyunmu

vêtements de cette époque, attira alors l'attention du

par le fer, le dragon bleu par l'eau et le phénix rouge par le

monde entier. Selon cette dernière, « les gens de Goguryeo

feu. De l'avis des critiques, sa composition, qui débute par

sont simples, mais doués d'un sens esthétique particulier

l'entrée en scène d'une femme à la recherche des tumulus

que l'on peut déceler dans des lignes audacieuses et des

et représente les quatre Dieux par une gestuelle

couleurs vives et naturelles».

particulière, met en valeur avec splendeur et majesté le côté spectaculaire des festivals.

En l'an 2002, le Musée de l'Université Nationale de Séoul organisa l'exposition «Histoire et rites, à la

Les peintures tombales de Goguryeo suscitent

recherche des souffles de Goguryeo» avec la participation

d'innombrables interprétations et créations sous forme

de trente-trois créateurs de mode, parmi lesquels Kim Min-

d'opéras et de comédies musicales, à l'instar du nouvel

ja et Choi Hyeon-suk, ainsi que vingt créateurs d'acces-

opéra Le Roi Dongmyeong, flamme de Goguryeo, qui

soires, dont Kang Chan-kyun, Yoo Lizzy et Seo Do-sik,

retrace la vie du roi de Goguryeo (r. 37 à 19 ans avant J.-C.)

qui reconstituèrent à l'identique les tenues militaires du

et fut mis en scène en 2002 à !'Opéra national. Des

Royaume représentées dans le tumulus numéro 3 d' Anak,

recherches approfondies, ainsi que la réalisation des

ainsi que l'habillement des nobles figurant sur la peinture

plateaux, costumes, accessoires et décors de cette évocation

murale du tumulus de Susan-ri. Les vêtements et acces-

historique exigèrent d'énormes investissements. Ses scènes

soires traditionnels dépeints par les fresques de Goguryeo

d'une beauté simple, tout droit sorties des peintures de cette

allaient être commercialisés sous forme actualisée. Cette

ère, furent un véritable régal des yeux pour les spectateurs,

exposition, qui visait à développer et sublimer l'art plas-

et reconstituèrent fidèlement la vie quotidienne de l'époque,

tique des costumes et accessoires de Goguryeo pour les

jusque dans leurs moindres accessoires.

transformer en valeurs culturelles nouvelles, eut un impact

Sucheon, femme du continent, est une comédie musi-

considérable et fut couronnée de succès. l.àt automne 2004 1Koreana

29



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DOSSIERS Conseil international des musées

2004

Regain d intérêt pour le patrimoine culturel immatériel de l'humanité 1

C'est à Séoul que se tiendra cette année l'Assemblée générale du Conseil international des musées (ICOM) sous la dénomination d' «expo culturelle». Ce forum prend un relief particulier car il représente non seulement une première en Asie, mais également, au regard de l'histoire culturelle mondiale, l'aboutissement d'une longue action entreprise pour la défense du patrimoine culturel immatériel. Choe Seok-yeong chercheur au Musée national folklorique

L

a 20e Conférence générale et la 21 e Assemblée générale du Conseil international

fonctions consultatives et de coopération en association avec

des musées (JCOM) 2004 se dérouleront

eut lieu la même année à son siège de Paris sur le thème

toutes deux du 2 au 8 octobre 2004 au Centre

«Enregistrement, conservation et échange de documents» et

des expositions COEX de Séoul, dans le quartier de

la deuxième, en 1950 à Londres. Elle s'est réunie par la

Samsung-dong.

suite, avec une périodicité de trois ans, dans des pays occi-

l'UNESCO. La première Assemblée générale de l'ICOM

Prédécesseur de l'ICOM, le Bureau international des

dentaux tels que l'Italie, la Suisse, la Suède, les Etats-Unis,

musées vit le jour sous les auspices de la Société des

l'Allemagne, le Danemark, le Mexique, l'Argentine, les

Nations pour disparaître lors de la Seconde Guerre mondiale

Pays-Bas, le Canada, la Norvège, l'Australie et l'Espagne.

et plus tard, en novembre 1945 , allait être créée l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour !'Éduca-

Première asiatique en 2004

tion, la Science et la Culture), au sein de l'Organisation des

Alors que l'Europe et l' Amérique détenaient jusqu'à

Nations Unies, dans le but de promouvoir la compréhension

présent le monopole de son organisation, l'Assemblée

mutuelle entre les hommes ainsi que leur élévation intel-

générale se tient pour la première fois sur le continent asia-

lectuelle. En 1946, Chauncy J. Harnlin, membre del' Asso-

tique à l'occasion de sa vingtième édition. Eveillant de ce

ciation américaine des musées et directeur du Musée de

fait un intérêt accru, elle acquiert cette année une dimen-

Buffalo, dans l'Etat de New-York, créa le Conseil interna-

sion particulière en raison de son thème : «Musées et

tional des musées, assumant la première présidence de

patrimoine intangible». Pays hôte de ce forum, la Corée, à

cette organisation non gouvernementale qui exerce des

l'instar du Japon, accorde depuis longtemps une attention

32 Koreana I automne 2004


Patrimoine culturel immatériel coréen n° 56, les Jongmyo Je haut lieu de la Dynastie Joseon où sont conservées les table ont été déclarés Chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de tout comme le Jongmyo Jeryeak, la musique interprétée à cette oc

soutenue à son héritage culturel immatériel et il est fort

exiger la conservation, le développement et la perpétuation

possible que les débats qui s' engageront sur la protection

de biens intangibles menacés de disparition par la mondiali-

de ces biens se concrétiseront par des résultats d'une inci-

sation bien qu'ils constituent un facteur vital étroitement lié

dence non négligeable sur l'histoire culturelle mondiale.

à l'identité nationale ou tribale des pays concernés, ainsi

Un tel patrimoine, qui ne saurait être la propriété d'un peu-

qu' à leur histoire. C'est au début des années 1990 que de

ple ou une nation donnés, est en effet placé sous la respon-

telles mesures commencèrent à porter leurs fruits.

sabilité de l'humanité entière, qui se doit de le protéger et de le transmettre à la postérité.

En 1993 , lors du 142e Conseil extcutif de l'UNESCO, l'attention se porta sur le système coréen des

Le choix du thème de cette prochaine assemblée,

«Trésors humains vivants», que l'ensemble des pays mem-

«Musées et patrimoine immatériel», ne doit rien au hasard.

bres fut appelé à adopter. En 1997, cet appel ne se limita

Traduisant les orientations propres de l'ICOM, il répond

plus à une recommandation et lors de la 29e Assemblée

aussi aux demandes formulées un peu partout dans le

générale de l'UNESCO, on s' accorda sur la création d'un

monde en vue d'un rééquilibrage dans le traitement et la

système de proclamation des « chef-d' oeuvres du patri-

conservation des deux grands types de patrimoinè, à savoir

moine oral et immatériel de l'humanité ». Lors de la 155e

matériel et immatériel.

session du Conseil exécutif de cette organisation, en 1998,

C'est dans les années 1970 que l'UNESCO a entrepris

les réglementations sur les «chefs-d'oeuvre du patrimoine

la sélection et la défense du patrimoine matériel mondial

oral et immatériel de l'humanité» furent adoptées et les

composé notamment des monuments et reliques historiques.

cadres de la culture intangible et transmise oralement

Par la suite, des voix s'élevèrent partout dans le monde pour

furent définis comme étant « la littérature, la linguistique, automne 2004 1Koreana

33


Le pansori, genre musical spécifiquement coréen caractérisé par l'interprétation en solo de tous les rôles par un exécutant unique sous forme de récits et chants accompagnés au tambour, a également été déclaré Chef-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité.

se consacre à la protection et à la promotion des biens culturels intangibles dans le cadre de divers programmes. Par la suite, des propositions concrètes ont été formulées sur le rôle que peuvent jouer les musées dans la sauvegarde des biens culturels. Concernant la nécessaire mise en oeuvre d'une politique dans ce domaine, elles porla musique, la danse, le jeu, la mythologie, les rites, les

taient plus précisément sur les points suivants : l'étude et

coutumes, l'artisanat et les autres objets aitistiques, c'est-

la collecte des contextes socio-historiques du patrimoine

à-dire toute forme de dialogue et d'expression culturelle

immatériel, leur transformation en héritage tangible par le

traditionnelle».

biais de l'enregistrement, de la transc1iption et de l'interprétation de même que la création d'un système de

L'héritage culturel intangible, élément nourricier de la culture humaine

coopération pour conserver ces témoignages historiques et

L'UNESCO, mais aussi les organisations affiliées à

Ces efforts ont eu pour aboutissement fructueux la

l'ICOM, ont intensifié leur action en vue de la sauvegarde

Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel

des biens culturels intangibles. En octobre 2002, la

immatériel. Adopté lors de la 32e Assemblée Générale de

septième Assemblée régionale de l'Organisation Asie-

l'UNESCO qui s'est tenue en septembre 2003 à Paris, ce

Pacifique du Conseil international des musées (ICOM-

texte jette les bases d'un rééquilibrage des patrimoines

ASPAC), qui se tenait à Shanghaï, avait pour thème :

maté1iel et immatériel afin de remédier aux disparités qui

«Musées, patrimoine immatériel et mondialisation». Cette

prévalaient jusqu' alors entre eux.

culturels, les présenter au grand public et les exposer.

session a permis d'aborder de manière concrète les ques-

C'est en ces termes qu' il définit le patrimoine culturel

tions portant sur la définition du patrimoine immatériel et

immatériel : «les pratiques, représentations, expressions,

de ses dérivés conceptuels, la documentation qui leur est

connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments,

associée , les moyens de leur conservation et leur

objets, artefacts et espaces culturels» [... ] «recréés par les

interprétation, ainsi que la coopération et le soutien que

communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur

pourraient apporter experts, communautés et institutions.

interaction avec la nature et de leur histoire». «Ce patrimoine

Elle s' est conclue par l'adoption de la «Charte de

culturel leur procure un sentiment d'identité » [ ... ]

Shanghaï» qui définit à l'intention des musées les grandes

«contribuant ainsi à promouvoir la diversité culturelle et la

lignes à suivre en matière de biens culturels intangibles. Ce

créativité humaine».

document met l'accent sur l'importance de la participation

C'est en vertu de cette Convention que l'opéra lyrique

d'experts à la préparation des conférences internationales

coréen dit pansori a été déclaré chef-d'oeuvre du patri-

destinées à protéger les héritages intangibles et vise à

moine immatériel de l'humanité en novembre 2003. En

établir les critères et moyens d'hai·monisation des héritages

mai 2001, cette même distinction avait été accordée au

culturels tangibles et intangibles par les musées et les insti-

culte des ancêtres de la famille royale des Lee, le plus

tutions relatives au patrimoine culturel. Il stipule égale-

important au plan national à l'époque de la Dynastie

ment un engagement de coopération avec l'UNESCO, qui

Joseon, ainsi qu'à la musique qui l'accompagnait.

34 Koreana I automne 2004


L'ICOM offira à ses participants de nombreuses occasions d'aller eux-mêmes à la découverte de l'héritage culturel coréen tangible et intangible, notamment de la Forteresse de Hwaseong à Suwon, que l'UNESCO a classée au patrimoine culturel mondial.

tions culturelles, parmi lesquelle s figureront des représentations du patrimoine immatériel coréen et des séries de conférences. Ces dernières porteront respectivement sur les thèmes suivants : «Musées et patrimoine immatériel», «Protection des héritages culturels», «Patrimoine numérique et musées de l' avenir».

«Expo culturelle» du patrimoine immatériel coréen

comportera une visite du village de Panmunjeom, où se tien-

La Première Dame de Corée, Kwon Yang-suk, ainsi

nent les réunions intercoréennes, et de la Forteresse de

que Son Excellence la princesse thaïlandaise Maha Chakri

Hwaseong à Suweon, classée au patrimoine culturel mondial

Siridom, prononceront le discours d'ouverture le 3 octo-

par l'UNESCO, ainsi que du temple Bulguksa et de la

bre. Suivront les interventions du Dr. Lee 0-Young,

grotte Seokguram, qui fournissent un aperçu de la culture

ancien ministre de la Culture, sur le thème : «Musées et

du Royaume Silla, et du Tombeau du roi Muryong, sym-

patrimoine immatériel d ' hier et d'aujourd ' hui», et du

bole de la culture de Baekje.

Le 7 octobre, une journée d'excursion post-conférence

Ministre des Affaires Etrangères du Timor Oriental, M.

Par ailleurs, des représentations de cérémonies de

Jose Ramos Horta, lauréat du Prix Nobel de la Paix en

mariage traditionnelles, de danse aux éventails, de chants

1996. Le Dr. Kim Hong-nam, directrice du Musée nation-

folkloriques de la province de Gyeonggi-do, de danse à la

al folklorique de Corée, prononcera ensuite une allocution

couronne de fleurs et de salpuri, un rituel dansé d'exor-

portant sur «l'ave nir des musées et du patrimoine

cisme, ainsi que de danse aux masques des anciens

immatériel», suivie d ' une intervention du Dr. Makio

esclaves de l'Etat de Gangneung, sont prévues durant toute

Matsuzono, directeur du Musée national d' ethnologie du

la durée de l'Assemblée. Des séances de préparation de

Japon. Un forum intitulé «Le patrimoine immatériel,

gimchi (chou fermenté), des démonstrations de l'art mar-

source d'inspiration spirituelle» succédera aux interven-

tial traditionnel du taekgyeon et des ateliers montrant la

tions du Dr. Yim Dawn-hee, professeur à l'Université

fabrication du papier coréen contribueront également à

Dong-kuk, et du Dr. Richard Kurin, directeur du Centre

faire de cet événement une vitrine de l'héritage culturel

pour l ' art folklorique et le patrimoine culturel du

intangible coréen.

Smithsonian Institute de Washington. Il est à noter qu'aux

Enfin, cette édition séoulienne du Conseil international

fins de l'illustration du thème principal de cette édition,

des mu sées sera l'occasion d ' engager une discussion

les différente s interventions seront ponctuées

approfondie et d' échanger des points de vue divers sur le

d'intermèdes composés de sanjos (solo instrumental tradi-

rôle des musées et le patrimoine immatériel. Elle devrait

tionnel) et de byeongchang pour gayageum (morceau

s'achever par l'adoption de la «Charte de Séoul», qui met-

pour instrument à corde accompagné de chant), ainsi que

tra en place de nombreuses possibilités d'étude compara-

de danses et musiques traditionnelles de création récente

tive et de recherche sur le patrimoine culturel immatériel et

interprétées au haegeum (instrument à deux cordes) et au

permettra la construction d'un réseau d' échanges humains.

seoljanggo (instrument à percussion en forme de sablier).

On s'attend donc à un débat animé sur les politiques à met-

Du 4 au 6 octobre, se dérouleront plusieurs manifesta-

tre en œuvre à cet effet. L..t automne 2004 1Koreana

35


ACTUALITÉ Attraits de la culture latino-américaine

Pour une Amérique latine plus proche La culture latine exerce une attirance croissante chez les Coréens, comme en témoignent la parution de nombreuses oeuvres littéraires ainsi qu'un véritable engouement pour la musique et le cinéma de cette région, bien au-delà de la simple curiosité. Le Centre culturel latino-américain a pour vocation de répondre à cette ferveur. Kim Geun Poète

L

'alchimiste, roman de !'écrivain d'origine brésilienne Paolo Coelho, fait souffler un vent nouveau dans le monde de l'édition coréen. Si les ouvrages de cet auteur enregistrent les meilleures ventes partout dans le monde, le phénomène constaté ces derniers temps en Corée

revêt un aspect quelque peu singulier. Lors de sa parution chez Goryeowon, dans les années 90, ce roman n' avait provoqué aucune réaction notable parmi ses lecteurs. Réédité en 2001 par

Munhakdongne, qui n'en attendait aucune répercussion particulière, le roman suscite depuis lors un engouement inespéré dont ne peut que se réjouir la maison d'édition. Suite au succès croissant remporté par L'alchimiste, d'autres romans tels que Véronika décide de mourir et Sur le bord de la rivière Piedra, je

me suis assise et j'ai pleuré font à leur tour l'objet de rééditions, éveillant toujours plus l'intérêt. Plusieurs ouvrages seront consacrés à !'écrivain Paulo Coelho, tel Les secrets de l'alchimiste de Paulo Coelho (par Pedro Palao Pons). Intitulé Onze minutes, le dernier roman de Paulo Coelho connaît un véribable succès de librairie, tout comme L'alchimiste. Parmi les différentes analyses de ce phénomène, la plus convaincante met en avant l'atmosphère magique et mystique propre aux romans latino-américains, ainsi que l'auto36

Koreana I automne 2004


mystification, thèmes de prédilection des romans de Coelho qui auraient captivé le lecteur coréen.

La Corée manifeste depuis peu un intérêt croissant pour la culture latino-américaine, notamment la danse. A Séoul, les associations où l'on peut s'initier à celle-ci remportent un grand succès chez les jeunes.

La littérature latino-américaine, facteur d'identification Les romans de Paulo Coelho ne constituent pas les seules œuvres d' Amérique latine connues du public coréen. Mon bel oranger, de J.M. de Vasconcelos, avait enthousiasmé les lecteurs à sa sortie, dans les années 80. Il suscite aujourd'hui un regain d'intérêt depuis sa présentation lors d'une émission littéraire télévisée. Le vieux qui lisait des romans d'amour, de Luis Sepulveda, écrivain d' origine chilienne, émerveille toujours autant ses lecteurs. C'est dans les années 90 que les écrivains latino-américains ont éveillé l'intérêt du monde littéraire coréen. Peu éditées jusqu'alors, à quelques exceptions près dont le Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, leurs oeuvres allaient connaître une plus large diffusion à partir du début des années 90. Les lecteurs coréens découvrent les poèmes de Pablo Neruda et d'Octavio Paz, les romans de Garcia Marquez et de Jorge Luis Borges piquent leur curiosité. Cet éveil littéraire est intimement lié à la situation que connaît alors la littérature coréenne. Au début des années 90, celle-ci s'est trouvée confrontée aux limites du style réaliste caractéristique des années 80. Alliant le réalisme au fantastique, la littérature latino-américaine sembla alors ouvrir une nouvelle voie qui permettait de s'affranchir de ces limitations. Par ailleurs, lassés de l'idéologie anglo-américaine, les lecteurs et écrivains coréens ont perçu dans cette production du tiers-monde de nouveaux aspects, facteurs d'identification et d'émervè illement. Tel fut le cas en premier lieu de la littérature latino-américaine. L'engouement évoqué dépasse désormais la simple curiosité et se concrétise par une diversification des échanges, à commencer par la visite en Corée, en 2001, de Sari Bermudes, directeur du Conseil national pour la culture et les arts du Mexique, et sa proposition de multiplier les relations culturelles entre les deux pays, ainsi que la signature en 2003 d'un accord culturel, scientifique et sportif entre la Corée et le Mexique, pour ne citer que quelques exemples. Stimulée par ces initiatives, une manifestation d' «échanges d'écrivains coréens, mexicains et cubains» s'est tenue à La Havane, Mexico et Mérida, dans la péninsule du Yucatan. Une tempête nommée Che Guevara L'enchantement de la culture latino-américaine ne s'exerce pas uniquement automne 2004 1Koreana

37


dans le domaine littéraire. Depuis l'adoption très récente de la semaine de travail de cinq jours, l'apprentissage des danses latines est un loisir très prisé en Corée. Swing, tango, rumba, cha-cha-cha, salsa ... les associations permettant de faire l'apprentissage de danses latines se multiplient à un rythme accru. Flamboyantes et ardentes, celles-ci procurent une bouffée d'oxygène aux personnes surmenées, une exaltation qui ne semble pas près de s'éteindre. Cette popularité engendre à son tour une passion pour la musique latine, laquelle n'était auparavant considérée que comme une partie de la musique non anglophone, classée à la rubrique «musiques du monde». L'engouement pour Che Guevara, tel une tempête qui traversa le monde littéraire coréen en l'an 2000, a aussi grandement contribué à la compréhension de la culture et de l'histoire latino-américaines. Après une parution discrète en 1997, le livre Che Guevara réédité trois ans plus tard en version de luxe allait provoquer le véritable syndrome du même nom pour lequel on ne cesse de s'enflammer. Après cet énorme succès, l'effigie de l'homme célèbre fut reproduite à des millions d'exemplaires sous forme d'affiches, de Tshirts et autres produits qui enchantèrent les jeunes générations. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que ce syndrome fut moins dû à une admiration pour la vie et l'enthousiasme d'un révolutionnaire qu'à un intérêt ponctuel participant d'une tendance culturelle mondiale. Toujours est-il que l'ouvrage réussit à attirer l'attention sur Cuba et Che Guevara, jusqu'alors méconnus des Coréens.

À la même époque, la sortie du film documentaire Buena Vista Social Club de Wim Wenders raviva encore leur flamme. N'ayant que rarement l'occasion de découvrir Cuba et la musique cubaine, le public s'enfiévra, plébiscitant le film. Aussitôt éditée, la bande-son originale fit également l'unanimité. L'enchantement était tel que l'album en solo d'Omara Portuondo, membre du Buena Vista Social Club, sortit immédiatement et que son concert coréen remporta un franc succès. Auparavant, des chanteurs d'origine latino-américaine, comme Julio et Enrique Iglesias, ou encore Ricky Martin, avaient déjà connu une grande popularité, mais dans le seul registre des variétés. La frénésie des Coréens est donc bien due en partie au succès du film du cinéaste allemand.

Exposition de masques mexicains au Centre culturel latinoaméricain Hormis celle de la littérature, les voies par lesquelles la culture latinoaméricaine a été introduite en Corée sont très variées. Parce qu'il n'est guère aisé de l'aborder de manière plus systématique et approfondie, le Centre culturel latino-américain se propose d'offrir cette possibilité en Corée. Né de l'amour éprouvé pour cette région par un particulier, le Centre est parvenu à éveiller 38

Koreana I automne 2004

Le Centre culturel latino-américain a été créé par Lee Bok-hyung, qui s'est consacré toute sa vie à la promotion de cette culture (en haut à droite). l'exposition de masques traditionnels constitue L'une des principales attractions du Centre culturel latino-américain (en haut):


l'intérêt du grand public. Lee Bok-hyung, son directeur, fut ambassadeur dans quatre pays latino-américains et a donc passé la plus grande partie de sa carrière longue de trentetrois ans dans cette région. Fin 1993, à la veille de sa retraite, il se trouvait en poste au Mexique. Également ambassadeur au Costa Rica, en République Dominicaine et en Argentine, il fut absolument émerveillé par la culture, les moeurs et la gentillesse de leurs populations. C 'es t cet attachement personnel qui l'a poussé à ouvrir le Centre culturel latino-américain dans le quartier de Goyangdong, à Goyang, ville de la province de Gyeonggi-do, sur un petit monticule qu 'il avait acheté il y

Situé à Goyang, ville de la province de Gyeonggi-do, le Centre culturel latino-américain comporte un musée, une galerie d'exposition et un parc de sculptures. Foyer de culture latino-américaine unique en Asie, il offre un panorama de ses différents aspects.

a 31 ans, avant de s'expatrier, avec l'argent tiré de la vente de sa maison. En 1994, un musée fut ouvert, suivi en 1997 d'une galerie d'art, et, le 9 juin dernier, d'un parc de sculptures en plein air, fournissant ainsi à l'Asie son unique espace artistique globalement consacré à l'Amérique latine. Offrant un panorama des cultures traditionnelles Aztèque, Maya et Inca, il constitue aujourd'hui un site culturel à part entière qui reçoit en moyenne 5000 à 6 000 visiteurs par mois. Au mois de juin dernier, le Centre a organisé une exposition de masques traditionnels mexicains présentant avec originalité la culture de la région. Parallèlement à l'exposition permanente, des expositions spéciales de sculptures, tissus et peintures avaient déjà reçu un accueil favorable et suscité l'engouement du public. Cette manifestation organisée sous les auspices de l' Ambassade du Mexique a fourni une rare occasion d'admirer 210 objets de valeur, dont le masque du «Roi du Temps», ainsi que d'autres pièces classées parmi les trésors nationaux du Mexique. Ces objets proviennent de treize états mexicains dont ceux du Guerero et du Michoacan, réputés dans ce domaine. L'exposition offrait un aperçu des conceptions latino-américaines de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur de l'homme, autant de notions qui s'expriment dans l'art traditionnel du masque chez les Indiens, qui furent influencés par la diffusion du catholicisme au XVIe siècle. Prévue dans un premier temps pour durer jusqu'au 14 juin, l'exposition a remporté un tel succès qu'elle a été prolongée jusqu'à la fin de l'année: une autre preuve, s'il en fallait, de l'intérêt que portent les Coréens à la culture latino-américaine et qui ne cesse de s'accroître, même s'il reste pour le moment de faible ampleur. Ces prémices, qui ont germé dans le substrat culturel, se transformeront peu à peu, à n'en pas douter, en un phénomène majeur. La société coréenne tend ainsi aujourd'hui une main chaleureuse non seulement à la culture des pays industrialisés, mais aussi à celle des nations du tiers-monde. Son évolution, qui se manifeste par la diversification culturelle, ne fera qu'accentuer cette tendance. Nous espérons vivement qu'à l'instar de l'activité économique, se développera l'intérêt culturel dans la perspective du marché régional L;,t automne 2004 1Koreana

39


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Pak Se Ri

Le défi pour compagnon de parcours

Golfeuses et golfeurs professionnels coréens remportent aujourd'hui des tournois disputés à l'étranger à l'instar de Pak Se Ri, qui a donné le signal de départ dans ce domaine. Ponctué de succès et d'échecs, son itinéraire a toujours eu le défi pour seul mot d'ordre. Bae Jay-song Journaliste sportif à KBS, société de radio-télédiffusion coréenne

D

evenir le meilleur du monde est probablement

force sur un ten-ain de golf miniature à ses tout débuts, elle

le rêve de tout un chacun et Pak Se Ri,

s'initie en quelques minutes au maniement des clubs et au

actuellement au sommet de sa discipline, ne

lancer des balles. M. Pak lui remet alors le fer n°7, avec

fait pas exception à la règle, mais à notre grand

lequel elle va projeter la petite balle ronde à plus de cent

étonnement, il ne lui a fallu que quatorze années pour le

yards, au beau milieu du terrain . Constatant de ses propres

réaliser. Un résultat d'autant plus surprenant qu'elle ne se des-

yeux l'excellente aptitude au golf de sa fille, c'est en toute

tinait pas au départ à ce sport.

logique qu'il entreprend pour de bon de lui donner des leçons et de lui imposer un entraînement spartiate dont lui seul a le

Premier fer numéro 7 Née en 1977 dans la ville sud-coréenne de Daejeon, Pak Se Ri voulait tout d'abord devenir athlète de course à pied.

secret. Notre jeune élève se prêtera à cette formation très spéciale au cours de laquelle elle va frapper plus de mille balles, tous les jours sans exception.

C'est donc à l'âge de 11 ans qu ' elle se lance dans cette disci-

En Corée, il est extrêmement difficile de s'èxercer sur un

pline sur la recommandation d'un instituteur qui, dès l'école

parcours présentant les mêmes caractéristiques qu'en

primaire, a jugé que ses jambes la prédisposaient tout partic-

compétition. Tout d'abord, il n'est guère aisé d'en réserver un

ulièrement à devenir une grande coureuse. La jeune fille suivra

et il faut souvent prendre une file d'attente avant de pouvoir

alors un entraînement de deux ans, pour se réorienter finale-

jouer, en raison du nombre limité de ten-ains. Les frais pesant

ment vers le golf, sur les conseils de son père, à l'âge de treize

lourd dans le budget, l'adolescente va plus souvent s'entraîner

ans. Passionné de ce sport, ce dernier estimait qu'il était

en inté1ieur qu'en plein air, se rendant sur les ten-ains de golf

aussi difficile pour une orientale d'exceller en course à pied

les jours de faible fréquentation, par une chaleur t01Tide ou un

que d'attraper une étoile dans le ciel et qu'il le serait moins

froid sibérien, qu'il pleuve ou qu'il neige. Sa bonne constitu-

de devenir une golfeuse de haut niveau . Connaissant fort

tion d'ex-coureuse de demi-fond l' aidera beaucoup à smmon-

bien le golf, il lui fut chose aisée d'inculquer à sa fille les

ter ces difficultés et au fur et à mesure qu ' elle progresse à

bases élémentaires de la discipline.

l'entraînement, ses capacités et sa techniques s'affinent.

Poussée par son père, qui n'hésite pas à l'emmener de 40 Koreana I automne 2004


Après avoir remporté quatre grands tournois, dont l'US Open de golf féminin et le Championnat américain LPGA, pour lequel elle a été nommée meilleur espoir de l'année, Pak Se Ri se classe désormais parmi les premières golfeuses professionnelles mondiales.

Le monde à marche forcée Suite à l'acquisition des rudiments, qui a nécessité un an, notre grande sportive se lance dans le domaine de la compétition alors qu'elle n'est encore qu'une collégienne. L' année suivante, en 1992, elle participera à l'Open Lyle & Scott, un match comptant pour le championnat de golf professionnel féminin coréen (KLPGA) et dont elle remportera la coupe, devançant toutes les joueuses de renom à la surprise de tous. Devenue numéro un après avoir remp01té quinze victoires au cours de sa brève carrière chez les amateurs, elle rejoint alors les rangs des professionnels en 1996, à l'âge de 19 ans, se classant cette année-là première au KLPGA, dont elle sera lauréate à six reprises pendant les seules années 1996 et 1997. Dès octobre 1997, elle va pousser plus loin le défi en faisant son entrée sur la scène américaine et, en janvier 1998, se qualifier pour le Tournoi des championnes comptant pour le Circuit américain de Golf féminin (LPGA), s'imposant lors des épreuves préliminaires et finales qui lui ont ouvert les portes de ce dernier. Le miracle ne s'arrête pas là et elle remporte successivement quatre victoires à ce même championnat, dont les organisateurs lui remettront également le Prix des meilleurs espoirs féminins, à l'US Open de golf féminin et aux Classics Jamie Farr Kroger et Giant Eagle, deux grandes compétitions américaines. De tels exploits auront bien sûr un impact plus important encore en Corée, où sévit une grave crise économico-financière et dont la population déprimée retrouve l'espoir grâce aux prouesses de la talentueuse Se Ri. Le sourire de cette jeune golfeuse en pleine ascension a de quoi remonter le moral à quiconque n'a plus confiance en soi! En 1999, notre championne remportera quatre victoires, dont celle du Shop Rite Classic, mais comme les autres, elle connaîtra aussi une traversée du désert. En 2000, année ouvrant le grand millénaire, son jeu se dégrade à un point tel qu'elle se classe tout juste en troisième place au Classic Jamie Farr Kroger. Pour toute explication, elle déclarera alors à la automne 2004 1Koreana

41


Se Ri à l'Ultra Open Michelob 2004.

Grâce à son triomphe, en mai 2004, à l'Ultra Open Michelob, Pak Se Ri a pu ajouter son nom à ceux des lauréats du Temple de la Renommée, prix récompensant les meilleures joueuses du championnat américain LPGA. Sur les vingt-deux victoires qu'elle y a au total remportées, dix l'ont été à la faveur d'un retournement de situation dans le score. presse que tout lui est devenu pénible. Elle cédait en fait à

C' est en entamant une réflexion sur elle-même qu 'elle

l' énorme pression psychologique que lui imposaient les

saura ainsi retrouver courage et confiance en son jeu, toujours

attentes légitimes de ses fans et la nécessité de rester en tête

consciente de ses responsabilités vis-à-vis de ses parents, de

du classement mondial.

sa famille et de tous ses fans coréens qu 'elle se doit de ne pas

Au plus bas de ses pe1formances, elle analyse froidement

décevoir. Après ce changement d'attitude, les blessures qui

la situation pour en conclure que ses échecs proviennent de sa

avaient sapé son moral et engendré des résultats désastreux

propre arrogance. Elle décidera alors de se montrer plus

vont finalement se refermer pour de nouveau faire place à un

modeste et de verser encore plus de sueur lors des

énergique coup de poignet. Sa situation s'est à tel point

entraînements qu' elle mène avec une ferveur décuplée pour

redressée en 2001 qu'elle engrange huit victoires, dont une au

apaiser son espiit. Pour se délasser physiquement et mentale-

Biitish Open. Ses détracteurs ont beau affirmer qu'elle doit

ment, elle commence aussi à écouter et chanter des chansons

son succès à la chance, spécialistes et amateurs de statistiques

coréennes, sentant désormais qu'elle inspire à ses supporteurs

ont bien noté que les triomphes de notre golfeuse ne repo-

l'espoir et non le découragement.

saient en lien sur un heureux concours de circonstances mais

42 Koreana I automne 2004


étaient Je fruit d'un entraînement plus élaboré.

festent envers leur progéniture encourageant sa bonne volonté et lui donnant un moral à toute épreuve. La volonté des

Un nouveau défi : devenir la mei lleure golfeuse du monde

piété filiale représentant une nouvelle arme au service du

Le début de l'année 2004 est marqué par le nouveau défi

succès. Si la Corée, qui ne possède que quelque deux cents

qu'elle se lance, à savoir d'inscrire son nom au palmarès du

terrains de golf, fait aujourd'hui aut01ité dans cette discipline,

Temple de la Renommée, récompense suprême consacrant

avec une vingtaine de golfeuses évoluant en LPGA et dont

ceux et celles qui se sont montrés les meilleurs au

une dizaine se classent parmi les meilleures à chaque édition

Championnat LPGA. Pour ce faire, arborant en mai dernier

annuelle, c'est bien entendu grâce à ce fort soutien parental.

enfants, une fois devenus joueurs, se mue en une sorte de

une forme éblouissante, elle réalise l'exploit de gagner les

Le jour où Pak Se Ri a ajouté son nom au Temple de la

vingt-sept cartes nécessaires pour figurer sur cette liste, rem-

Renommée était en outre celui de la fête des mères, et elle a

portant au total vingt-deux victoires dont celle de l'Ultra

ainsi comblé la sienne de joie. En 1999, c'est le jour de la fête

Open Michelob.

des pères et en présence du sien, elle va aussi remporter le

Elle bat au passage un record lors de cette autre épreuve.

Shop Rite Classic. «En temps ordinaire, je n'ai pas l'occasion

Après un retard de quatre coups au dernier tour, la situation se

de faire quoi que ce soit pour mes parents parce que je suis

retourne en sa faveur et c'est avec brio qu'elle remporte le

trop prise par l'entraînement. Je voudrais pourtant leur rendre

titre, ce qui fait ainsi d'elle la première joueuse de l'histoire du

les bienfaits dont ils m'ont comblée en leur offrant une vic-

golf à avoir par dix fois renversé in extremis un score à son

toire Je jour de leur fête ou de leur anniversaire», avait-elle

avantage. Ou, si l'on préfère, la première à avoir décroché dix

d'ailleurs déclaré auparavant. Cette piété filiale lui a en tout

victoires à la suite d'un tel renversement, et ce, sur les vingt-

cas app01té la tranquillité d'esprit nécessaire pour jouer en

deux qu'elle a remportées en LPGA, cet exploit faisant d'elle

toute confiance.

une spécialiste du genre. Voici d'ailleurs ce qu'elle confiait à

Elle court désormais après un autre objectif, celui de

son entourage à ce propos : «C'est une joie que l'on ne peut

dépasser Annika Sorenstam, l'unique golfeuse la surpassant

exp1imer par des mots et quand j'y repense, mon coeur bat

au LPGA. N'est-il pas compréhensible qu'elle ambitionne de

encore très fort. L'armée dernière, j'ai vu la victoire m'échapper

battre les records de Sorenstam, la numéro un mondiale qui

dans tellement de compétitions, pour avoir échoué d' un tout

totalise cinquante victoires sur ses dix années de carrière ?

petit point, que je m'en suis sentie coupable jusqu' au début de

Estimant que le point f01t de son adversaire est d'être maiiée,

cette année. J'ai plutôt bonne conscience lorsque je suis dis-

un facteur de stabilité à ses yeux, elle demande aujourd'hui à

tancée de trois ou quatre longueurs, mais se faire battre d'un

ses fans de garder la tête froide, comme elle l'exige d'elle-

seul point au final est un véritable cauchemar qui m'a fait

même, ce qu'elle formule ainsi:

verser des larmes, tant l'émotion et la déception étaient fortes en ces moments intenses et tragiques du dernier LPGA.» Beaucoup d'amateurs de golf se demandent certainement d'où provient l'énergie qui confère un tel b1io aux coups

«Plus que dans tout autre spo1t, il faut rester serein pour bien jouer au golf. Chers fans, montrez-vous patients et encouragez-moi jusqu'à la dernière seconde. Je répondrai ainsi à vos attentes avec toute J'ai·deur que j'ai en moi».

de club de Pak Se Ri. La réponse à cette question se trouve

Nul ne sait si le nouveau défi qu ' elle s' est lancé de

sans doute dans un trait de caractère propre aux Coréens, à

devenir numéro un mondiale sera ou non couronné de succès.

savoir la conviction qu'ils ont au fond d'eux-mêmes qu'il

Quoi qu'il advienne, nombreux sont ceux qui admirent son

n ' est rien que l'effort ne puisse obtenir. Lors de

esprit audacieux puisque quatorze ans après avoir débuté dans

l'entraînement ou des compétitions, la certitude de vaincre les

sa canière de golfeuse, dont les sept derniers passés à jouer en

aide ainsi à atteindre Je premier rang ou à s'y maintenir.

LPGA, elle est finalement devenue la numéro deux du cham-

Les sac1ifices et l'attention des parents jouent aussi un rôle décisif, l'affection, l'intérêt et Je dévouement qu'ils mani-

pionnat américain et que tout son parcours brille d'ores et déjà d'un superbe éclat. ~

automne 2004 1Koreana

43



Quand le temps embellit

automne 2004 1Koreana

45


I

1 est des objets dont la beauté ne cesse de se parfaire avec le

Wonju, ville située dans la province

caractérisée par des applications suc-

de Gangwon-do. Il n'a pas manqué

cessives de laque sur une surface

temps. Cela est vrai d'articles

de nous apporter quelques précisions.

décorée de motifs incrustés. Quant au

tels que garde-robes, coffrets à

«Dans le cas des objets en laque

Japon, après avoir maîtrisé les tech-

documents et tablettes à maquillage qui

incrustée de nacre, la qualité de ces

niques de laquage propres à la Corée,

se transmettent de génération en

deux matières est primordiale. C'est

il allait s'engager dans une autre

génération, mais plus que toutes autres,

la nacre provenant de la mer du Sud

direction en optant pour l'utilisation

ce sont les pièces de laque nacrée qui

ou de l'île de Jeju-do qui émet les

de laques en poudre.

illustrent le mieux le défi lancé au

plus beaux reflets et de ce fait les arti-

temps par la beauté suprême. Elles sont

cles de décoration fabriqués à Tong-

exécutées selon un procédé minutieux

yeong, cité portuaire du sud-est de la

La ferveur de l'artisan reçue d'un maître perfectionniste

qui met en œuvre plusieurs coquillages

péninsule, sont depuis toujours très

Le procédé de création d'objets

pour aboutir à l'alliance harmonieuse

prisés. Par ailleurs, la laque de Wonju,

laqués et incrustés de nacre consiste

des motifs et incrustations sur fond

dans la province de Gangwon-do, est

en une série d'opérations marquées

laqué. Les chambres de femmes et

réputée la meilleure en termes de

par la répétition et l'attente.

bibliothèques des maisons de jadis ren-

qualité et de longévité. Sur près de

L'exécution d'une seule pièce se

fermaient souvent des meubles, bijoux

quatre-vingts variétés de gommes-

déroule en quarante-cinq étapes

et articles de tabletterie en laque

résine existant dans le monde, celles

différentes sur une durée supérieure ou

nacrée. Ils apportaient du charme à la

de Wonju donnent une laque dont la

égale à six mois. Lors d'une première

pièce et suggéraient le noble caractère

durée de vie est la plus longue qui

opération, la gomme extraite de la

de ses propriétaires, et ce, toujours plus

soit, en raison de leurs excellentes

sève de plantes et raffinée pour en

au fil des générations, devenant les

propriétés de conservation».

éclaircir la teinte est appliquée sur une

témoins de la lignée familiale.

La longévité et la beauté

surface de bois non fini pour limiter le

naturelle offertes par la laque étendent

plus possible toute transformation de

son emploi au monde entier.

ce dernier. On appose alors un tissu

Le terme incrustation de nacre

Assiettes laquées du Vietnam et pein-

de chanvre ou de ramie sur celui-ci

s'applique aux ormeaux et autres

tures laquées du Myanmar sont ainsi

pour prévenir, là-encore , tout

coquillages finement travaillés. Il

fort appréciées. D'un point de vue

gauchissement et permettre une

existe deux méthodes d'incrustation,

artisanal, les pièces coréennes, chi-

meilleure absorption de la laque, puis

dont la première consiste à insérer

noises et japonaises sont toutefois

on l'enduit d'un mélange d'amidon

des éclats de nacre filiformes dis-

réputées pour leur qualité sans égale.

de riz, de laque et de poudre de char-

posés en ligne droite ou en diagonale

Selon

largement

bon. Ce dernier est un agent conser-

de sorte que l' ensemble forme un

répandue, les techniques d'incrusta-

vateur naturel qui protège le bois de

motif idéal, et la deuxième à

tion de nacre, originaires de Chine,

l' humidité et des insectes nuisibles.

découper la coquille selon la forme

auraient été introduites en Corée à

Après avoir accompli cette étape, on

désirée à l'aide d'une scie sauteuse.

l'époque des Trois Royaumes, c'est-

applique sur le bois la laque mélangée

Un maître coréen excellant égale-

à-dire entre le premier siècle avant

à du loess, un limon de couleur jaune,

ment dans ces deux techniques a pris

J.C. et le VIIe après J.C. Par la suite,

puis on en enduit la surface avec une

la seconde d 'entre elles pour

la Corée allait toutefois suivre sa pro-

infinie précaution. Enfin, l'article est

spécialité. Il s'agit de Lee Hyung-

pre voie en matière de création artis-

nettoyé et recouvert d'une nouvelle

Man, classé bien culturel immatériel

tique, s'affranchissant de la Chine

couche de laque. Ce n'est qu'après

n°10 en Corée, et qui exerce son art à

pour

maints vernissages et préparations

Une beauté millénaire intacte

46 Koreana I automne 2004

une

théorie

élaborer

une

technique


La patience est une vertu cardinale de l'artisan dans les opérations de gravure et d'incrustation de la nacre, qui exigent plusieurs laquages et polissages successifs d'une grande minutie

se lança immédiatement dans la profession sous la tutelle de son maître

Kim. Considéré comme le pionnier de l' adaptation des motifs de vigne aux oeuvres de nacre, ce dernier était en fait un perfectionniste qui ne tolérait pas la moindre erreur chez ses élèves. Lee Huyng-Man se souvient de ses débuts difficiles : «Ce souvenir est encore vivace dans mon esprit. J'étais en train de travailler sur une table d'un style analogue à celles des palais de Joseon. Je devais y appliquer de la nacre pour créer des motifs de chauve-souris. Pour ce faire, il fallait d'abord apposer un support de papier pour chaque pièce de nacre et ensuite recouvrir celle-ci de colle. On devait alors utiliser un fer à souder pour renforcer l'adhésion. Lors également complexes, et destinés à

pinceau fin, un travail exigeant une

du chauffage des pièces de nacre, la

rendre la surface de l'objet fabriqué

grande dextérité. Il ne faut surtout pas

colle avait dû fondre et les motifs de

aussi douce que la peau d'une jeune

trembler des mains ou hésiter. Mon

chauve-souris s'étaient légèrement

femme, que l'on peut enfin y

maître, Kim Bong-Ryong, était le

effacés. En fait, on ne remarquait

incruster la nacre.

meilleur dans ce domaine».

aucune différence après l'effacement

Cette opération, qui va donner

Mort en 1994, Kim Bong-Ryong

si l'on ne regardait pas les motifs de

naissance au motif souhaité, requiert

est un personnage de renom dans le

très près. » Le maître se rendait

une délicatesse et une sensibilité

monde de l'artisanat coréen. Il s'est

régulièrement à l'atelier et gardait tout

extrêmes. Voici ce que nous dit Lee

efforcé de perpétuer les traditions des

d'abord un mutisme absolu s'il y avait

Hyung-Man à ce sujet :

maîtres nacreurs de la dynastie Joseon.

une quelconque imperfection. C'est

«Bien entendu, chaque étape est

L'élève Lee Hyung-Man le rencontra

seulement quand les apprentis lui

difficile , mais le travail le plus

dans sa ville natale de Tong-yeong où

présentaient leurs produits finis en vue

astreignant concerne la réalisation

il s'était inscrit à une formation artis-

du contrôle que l'orage éclatait d'une

des dessins pour la nacre et ensuite le

tique de trois ans offerte par un

manière quelque peu originale. Maître

découpage des coquillages à la forme

collège provincial dont Kim Bong-

Kim chaussait ses lunettes, examinait

adéquate. J'esquisse mes motifs de

Ryong était de facto directeur. Sorti

attentivement chaque pièce pendant

vigne ou de chrysanthèmes au

premier de sa promotion, le jeune Lee

un long moment puis, sans dire un automne 2004 1Koreana

47


mot, sortait un couteau et tailladait

«Maintenant que j'y pense, c'est

eut appris que des objets laqués et

avec vigueur certaines des nacres

sûrement le miroitement irisé de la

nacrés se couvraient de poussière au

défectueuses. Le jeune élève Lee était

nacre dont je suis devenu fou et qui

musée du Vatican, il fit savoir qu'il ne

bien sûr choqué : «C'est comme s'il

m 'a obligé à faire ce métier. C 'est

tolérerait plus que ceux-ci fussent

m' avait porté un coup de couteau au

une irisation naturelle que l'homme

traités avec une telle indifférence et

visage. Mais après, j'ai pris l'habitude

ne pourra jamais reproduire. Si je

qu'il créerait la plus belle oeuvre qui

de toujours vérifier mon travail deux

devais l'exprimer par des mots, ce

soit pour l'offrir au pape. Il entreprit

ou trois fois

serait peut-être par des noms de

sans tarder de confectionner un coffret

couleurs de l'arc-en-ciel».

à documents que la mort l'empêcha

pour qu'il soit

irréprochable lors de l'inspection. Aujourd'hui, chaque fois que je ter-

Si la nacre la plus fine provient

malheureusement d'achever. Son dis-

mine un travail, je l'examine très

par

coquilles

ciple Lee en eut le coeur si serré qu'il

attentivement avant d'y apposer ma

d'ormeaux, Lee Hyung-Man emploie

se mit à son tour à travailler sur un tel

signature pour savoir si je suis digne

aussi celles des huîtres perlières pour

coffret. Après avoir longuement

d'en revendiquer la création ou si je

faire mieux ressortir la délicatesse des

réfléchi au choix du motif, il eut

n'essuierai pas de critiques dans mille

œuvres qu'il exécute avec un grand

l'idée d'associer des dessins de vigne

ans!»

talent. Le choix de coquillages de

à une rose de Sharon, fleur nationale

couleurs diverses vise aussi à donner

coréenne. Il consacra une année

Naissance d'une nouvelle tradi-

un effet de perspective au motif

entière à l'exécution et à la finition de

tion coréenne

représenté sur une surface plane. Le

cette pièce, qu 'il remit en mains pro-

A l'incrustation de nacre

travail artisanal de la nacre fait depuis

pres au souverain pontife. A ce pro-

succède le laquage réalisé en trois

longtemps appel à une grande variété

pos, il nous a fait part des réflexions

passes et suivi d' un ponçage qui doit

de figures qui, dans la tradition orien-

suivantes, suscitées par son voyage

laisser la surface parfaitement lisse.

tale, comprennent les dix symboles

dans la cité sainte.

C'est dans ce procédé que réside le

populaires de longévité que sont le

«J'étais vraiment ivre de joie

secret de la conservation de la laque,

soleil, les montagnes, l'eau, les pier-

quand j'ai remis moi-même ce coffret

comme en témoignent les fresques

res, les nuages, les pins, l'herbe de la

au pape, qui l'a choyé comme un

des tombes de Goguryeo et la pein-

jeunesse éternelle, les tortues , les

trésor de grande valeur ! Je pense

ture murale du Cheval céleste de

grues et les chevreuils, ou encore

avoir accompli dans les règles de l'art

Silla, restées intactes après plus de

vigne, fleurs, oiseaux, pivoines et

la dernière mission de mon maître».

mille cinq cents ans. Le dernier

chrysanthèmes. Notre artiste s'est

Lee Hyung-Man · a bien sûr

vernissage qui suit l'application

pour sa part spécialisé dans les roses

d'autres projets en tête. A l'instar de

d'une ultime couche de laque exige

de Sharon, un héritage qui lui vient de

Kim Seong-Su , qu'il considère

la main expérimentée d'un artisan

son maître Kim Byong-Ryong.

comme un autre maître, il s'intéresse

excellence

des

dévoué pour que soit mis en valeur

Et puisque nous reparlons de ce

aux techniques de peinture modernes

l'éclat naturel de la nacre, en l' occur-

dernier, citons cette autre anecdote.

qui mettent en œuvre la nacre. Il

rence, celle de Lee Hyung-Man.

Quand celui-ci, vers la fin de sa vie,

cherche aussi à créer des oeuvres pro-

L'élégance des objets en laque nacrée provient de l'application de plusieurs couches successives de ce vernis, opération exigeant un soin méticuleux et de multiples polissages fins. C'est grâce à ce procédé séculaire d'enrobage que les fresques des tombeaux de Goguryeo ou la peinture murale du Cheval céleste de Silla présentent un état de conservation aussi remarquable après plus d'un millier et demi d'années. 48

Koreana I automne 2004


<luisant un effet d'ensemble à partir d'un unique motif nacré au lieu d'en incruster plusieurs sur toute la surface. Il s'éloigne ainsi indiscutablement des fabrications traditionnelles laquées et nacrées, mais, mû par une prise de conscience aiguë vis-à-vis du devenir de l'art, il estime qu'il est de son devoir de se lancer dans de nouvelles directions pour s'adapter aux sensibilités actuelles du métier dans le respect des traditions fondamentales. «La formation des générations futures est une autre tâche importante à laquelle je dois me consacrer», confie-t-il. «J'enseigne actuellement à des étudiants de l'Université Paichai, et la salle de cours se remplit à chaque séance. Le regard ravi de mes étudiants, passionnés par l'apprentissage de cet art traditionnel qu'est le travail de la laque et de la nacre, est une énorme récompense et m'encourage à continuer». Le nom d'artisan de Kim BongRyong était Jlsa, ce qui signifie «grain de sable » en chinois. Il faut y voir une expression d'humilité, notre maître ayant voulu, par modestie, rester une personne ordinaire. Ce n ' est donc pas un hasard si Lee Hyung-Man signe quant à lui du pseudonyme d' Usa , lequel veut dire « un autre grain de sable». Il prend ainsi le parti de ne point s' enorgueillir des oeuvres qu'il crée et sa réputation s'en trouve rehaussée, à l'égal de 1. Application de laque à l'état brut pour protéger et stabiliser le bois. 2. Pose d'une couche de chanvre ou de ramie qui sera enduite d'un mélange de laque et de charbon ou de farine de riz. 3. Réalisation des motifs souhaités. 4. Fixation sur la nacre des modèles de papier pour y tailler les motifs de nacre. 5. Emploi d'une scie et de fils pour découper les motifs de nacre. 6. Encollage de la nacre et fixation de celle-ci sur la surface de bois avec un fer chauffé. 7. Second nacrage, puis polissage. 8. Suite à l'application d'une dernière couche de laque, nouveau polissage augmentant l'iridescence de la nacre.

la nacre qui miroite de son vif éclat lorsque, sur le fond noir qui lui tient lieu de support, on lui a appliqué maintes couches de laque pour la faire éternellement scintiller. 1...1 automne 2004 1Koreana

49


A Chungju, l'harmonieuse alliance du Lac de Chungju et des montagnes environnantes, tel le Mont Woraksan, crĂŠe un effet extrĂŞmement pittoresque.

50

Koreana I automne 2004


Les environs de la ville de Chungju présentent des paysages d'une exceptionnelle beauté faite de l'union du lac du même nom et du mont Woraksan. C'est aussi un haut lieu de l'histoire où sont conservés, ça et là, maints vestiges. Dans les lignes qui suivent, nous vous convions à un voyage au coeur de la Corée méridionale pour découvrir cette région et y entendre le murmure du passé reçu en héritage. Kim Woo-sun Poète, rédacteur en chef de la revue mensuelle Homme et montagne. Kim Nam-gon photographe

automne 2004 1Koreana

51


A

la tombée de la nuit, des automobiles circu-

forteresse de Jangmi, l'embarcadère

été élevé en ce lieu sous le règne du

de Mokgye et le musée folklorique

roi goguryen Munja (r. 491-519), fils

lent le long du lac qui

de Gaheungchang.

prend des teintes jaune

d'or. Bordée de beaux cerisiers, la

route nationale 36 a toujours son petit air pimpant en direction de la ville d'eau de Chungju, avant les destina-

du souverain Jangsu (r. 413-491), et que son texte faisait le récit d'une

En plein coeur de la Corée méridionale, la région de Chungju a su rester en prise avec l'histoire

guerre ayant opposé les royaumes de Goguryeo et de Silla, ce dernier s'étant allié à celui de Baekje, l'autre royaume du sud de la péninsule, pour

tions finales de Danyang et Jecheon.

Le village de Seondol doit son

Idéalement situées, pour les citadins

nom, qui signifie «pierre levée», à la

La ville de Jungwon, qui portait

friands de couleur locale, sur les rives

présence d'une pierre tombale datant

le nom de Gukwonseong du temps de

du lac de Chungju, ces deux localités

de la période des Trois Royaumes et

son appartenance au royaume de

ont été surnommées contrées du clair

placée ici voilà 1 500 ans, non loin

Goguryeo, fut assiégée avec succès

de lune et du vent frais (Cheongpung

du site de la ville antique de

par une armée de Silla. Le roi

Myeongwol).

Gukwonseong. Jugé sans intérêt par-

Jinheung (r. 540-576) la transforma

Après avoir quitté l'autoroute

ticulier, ce monolithe n'attirait guère

alors en un poste avancé, sorte de

centrale de Jungbu par la sortie

les visiteurs. Jusqu'à cette journée du

seconde capitale aux fonctions politi-

Chungju nord, nous voici au pays de

25 février 1979 où les membres

co-militaires, pour y attirer nobles et

l'eau. Si nous ne poussons pas

d'une société archéologique de la

gens fortunés. Sous le règne de

jusqu'au centre-ville, c'est qu'en par-

ville de Yeseong, des passionnés

Gyeongdeok (r. 742-765), cette ville

courant encore cinq kilomètres et

d'histoire locale partis pour une sortie

prit le nom de Jungwongyeong, qui

demi sur la route régionale 520, nous

de découverte, en examinèrent de

en indiquait le statut de capitale

pourrons découvrir, juste avant un

plus près les inscriptions, pensant y

aujourd'hui disparue , mais d'où

carrefour de trois routes, une pierre

déchiffrer une antique écriture. Une

provient le toponyme de l'actuelle Chungju.

mieux combattre le premier.

tombale qui fut élevée à proximité

équipe de spécialistes dirigée par les

d'une ville, à l ' époque des Trois

professeurs Hwang Su-Young, de

La légende veut aussi que deux

Royaumes. Déclarée trésor national

l ' Université Dongkuk, et Jung

moines, respectivement venus du

numéro 205, elle se dresse en bordure

Young-Ho, de celle de Dankuk, se

nord et du sud, se soient rencontrés

du chemin menant au village de

rendit sur ce site en avril de la même

au bord de la rivière qui traversait la

Seondol.

année. Après avoir, avec un soin infi-

ville. Pendant qu'ils conversaient, ils

Mais ce n ' est pas tout. Aux

ni, débarrassé cette pierre de 1,35

se seraient rendu compte qu'ils

environs des bourgs de Tappyeong-ri,

mètre de la mousse qui la recouvrait

étaient partis le même jour et à la

Gaheung et Mokgye, en amont de la

entièrement, ils mirent au jour de

même heure, ce qui leur fit émettre

rive gauche du fleuve Hangang, les

nombreux caractères sino-coréens

l'hypothèse qu'ils avaient aussi cou-

paysages du pays chungjuien sont

aux contours incertains et d'origine

vert une même distance et que

d'une beauté particulièrement pit-

ancienne. En partie effacés par le

l'endroit où ils se trouvaient devait se

toresque, gracieuse et pastorale. La

temps, ceux-ci étaient à peine lisibles.

situer en plein coeur du pays. Pour

route régionale 520 est décidément

Après avoir déchiffré quelque 430

marquer cette découverte, ils firent

jalonnée de multiples curiosités his-

idéogrammes gravés dans un style

élever une pagode sur les lieux de

toriques et plus avant, on peut égale-

ornemental à la fois élégant et primi-

leur première rencontre. Aujourd'hui

ment admirer une pagode classée

tif, l'équipe parvint à la conclusion

connue sous le nom de Pagode cen-

trésor national numéro 6, ainsi que la

surprenante que le monolithe avait

trale ou Pagode de pierre à sept

52 Koreana I automne 2004


Un millénaire s'était écoulé après l'exil du dernier prince héritier de Silla, Maui quand un gigantesque plan d'eau naturel vit le jour au pied du mont Woraksan. Il s'agissait du lac de Chungju dont l'étendue, aussi vaste que celle d'une mer, fait la fierté des habitants de la région, à l'instar des reflets du pic Guksabong que l'on y voit par beau temps. Les prédictions du prince héritier se seraient-elles donc réalisées ?


étages de Tappyeong-ri, celle-ci est

membre de la Société royale de

considérée emblématique de la cité

Géographie d'Angleterre. C'est à

antique de Jungwon.

l'embarcadère de Mokgye qu'elle

De création récente, le Centre des biens culturels de Cheongpung abrite des biens culturels en provenance de cette région submergée à l'achèvement du barrage de Chungju (à gauche). Le nom du mont Woraksan, célèbre sommet de la région de Chungju, est attaché à la légende du Prince héritier Maui et de la princesse Deokju (à droite).

Elle présente, à l'avant, une

accosta, apprend-on dans . son

structure octogonale ornée de motifs

ouvrage intitulé Korea and Her

de lotus qui aurait servi de support à

Neighbors (La Corée et ses voisins).

des lanternes de pierre, ce qui laisse

Partie le 14 avril 1894 du lieudit

exacte, affirmant que cela faisait

supposer qu'elle se trouvait à l' orig-

Dumopo, au bas de l'actuel quartier

longtemps qu'il était ici et qu'ils

ine dans l'enceinte d'un temple boud-

d'ltaewon, à Séoul, elle remonta le

l'appelaient

dhiste ou non loin de celui-ci. A

fleuve Hangang sur une grande bar-

«l'endroit situé à mi-chemin».

proximité de la pagode, se trouve un

que en compagnie de deux rameurs.

Quelques amas de pierres placés

pavillon bâti en 1994, qui abrite

Longeant depuis Mahyeon la rive

entre des arbres me font penser qu'il

aujoud'hui une exposition de docu-

gauche du cours d'eau, visitant le

y eut ici un habitat assez important et

ments relatifs aux traditions popu-

temple Silleuksa de Yeoju, elle

au vu de sa forme, le site a très bien

laires de Jungwon.

parvint à la pagode de Tappyeongri

pu accueillir un temple bouddhiste.»

Si l' on prend la nationale 599

au huitième jour de son périple. Voici

pour continuer un peu au nord, on

la desciption qu'elle nous a laissée de

trouve la forteresse de Jangmi

cet édifice de pierre à sept étages :

perchée à 340 mètres d'altitude. De

tout

simplement

Bishop gagna ensuite Cheongpung en deux jours et poursuivit son voyage jusqu'à Yeongchün en passant

nombreuses forteresses se dressent

«Après avoir remonté le fleuve à

par Chungju et Danyang. Le 3 mai,

encore au voisinage de Chungju, qui,

partir de Séoul, pendant huit jours,

elle rebroussait chemin et redescendait

après les Trois Royaumes (Ier siècle

nous avons trouvé sur la rive gauche,

le fleuve pour regagner Séoul.

av. J.C. - VIIe siècle), fut le théâtre

qui forme à cet endroit un méandre,

De Gaheung, si l'on suit la

de plusieurs batailles mettant aux

les ruines d'une pagode faite de gros

nationale 38 sur six kilomètres, on

prises les envahisseurs successifs de

blocs de pierre très fissurés et

croise alors une autre route menant au

la région avec ses défenseurs.

s'élevant, solitaire, au beau milieu

centre-ville de Chungju. En chemin,

Une distance de cinq kilomètres

d'un terrain plat. Quand nous avons

on distinguera aisément le monticule

et demi sépare la pagode du bourg de

interrogé les autochtones pour

de Tangeumdae sur une falaise qui

Gaheung. Cette localité vit l'arrivée,

connaître la date d'édification de ce

surplombe cette même rive gauche du

à la fin du XIXe siècle, de la

monument, ces derniers ont été inca-

fleuve Hangang. Dominant l'endroit

géographe Isabella Bird Bishop,

pables de nous fournir une réponse

où le ruisseau Dalcheon se jette dans

54 Koreana I automne 2004


le fleuve, ce monticule aurait été le

ainsi que les chaises et les tables,

fondeur maximale de 100 mètres. Les

témoin d'un évènement singulier

étaient recouverts de poussière.»

merveilles ne s'arrêtent pas là. Doté

puisque c'est non loin de là que le

d'une piste d'atterrissage pour

général Shin Lip aurait trouvé la mort

Au départ de l' embarcadère de

hydravions, le parc d'attraction

en combattant les envahisseurs

Chungju, situé à un kilomètre du

Cheongpung Land comprend une

japonais à la fin du XVIe siècle. Un

barrage du même nom, une petite

base de saut à l'élastique, des rochers

second personnage avait fait la

croisière nous emmène à celui de

artificiels

renommée du lieu, mille ans avant

Cheongpung, situe à une halte à celui

d'escalade, ainsi qu'un puissant jet

l' acte de bravoure du général. Un

de Woraksan, après seulement une

d'eau s' élevant à 162 mètres . La

certain Ureuk, originaire de l' ancien

heure et dix minutes de navigation.

fierté légitime qu'éprouvaient les vil-

royaume Gaya, y aurait enseigné le

Deuxième de Corée par sa superficie

lageois d'antan, si bien décrite alors

gayageum, instrument à cordes tradi-

après celui de Soyang, qui se situe

par Bishop, leur a finalement été ren-

tionnel, durant le règne du roi Jinheung

dans la province de Gangwon-do, le

due et une vieille maxime est là pour

de la dynastie Silla, ce qui valut au

lac de Chungju est un magnifique plan

nous le rappeler : «Si l'on monte à

monticule le nom de «Tangeumdae»

d'eau d'une longueur de 51 km.

bord d'un bac à l'embarcadère de

désignant le lieu où l'on jouait de cet

Toutefois, la majeure partie de

Chungju et que l'on arrive à

instrument de musique.

Cheongpung, dont les villageois de

Choengpung, on perçoit alors la

jadis furent si fiers , est submergée

futilité des choses humaines.»

Le pays de l'eau : reflets du lac de Chungju Deux options s'offrent pour remonter plus loin le fleuve Hangang

pour

les

amateurs

depuis l'achèvement de la construc-

Et si l'on remonte encore un peu

tion du barrage en 1985, si bien que sa

plus en amont de l'embarcadère de

population a diminué d'un septième.

Cheongpung, on parvient à celui de

Le Centre des biens culturels de lesquels

Janghoe, à propos duquel notre

à partir de Chungju. La première est

Cheongpung ,

sont

géographe anglaise laissa ces lignes

la voie fluviale qu'emprunta Bishop

caractéristiques du patrimoine de la

sublimes : «Le lendemain de notre

voilà un siècle et la deuxième, la

zone submergée, a d'ailleurs vu le jour.

départ de Danyang, nous arrivâmes

nationale 36, puis la route de

Les habitants de Jecheon appellent les

au plus beau lieu du fleuve. Les traits

Danyang à Yeongwol qui passe par le

eaux de ces environs «lac de

irréguliers de grandes falaises de cal-

mont Woraksan. N'oublions pas que

Cheongpung», c'est-à-dire lac du vent

caire donnaient un aspect encore plus

Bishop mit cinq jours pour gagner

frais, s'enorgueillissant ainsi des

pittoresque au paysage. Celui-ci,

Danyang en partant de Chungju.

apparitions de la lune dans ce lieu au

composé de ravins aux nuances mys-

si joli nom. C'est aussi à Cheongpung

tiques, de pics et de chaînes de mon-

«Un voyage d'une dizaine de

que sont tournées de nombreuses

tagnes en partie boisées, disparaissait

jours nous a menés au village de

scènes des feuilletons télévisés des

presque sous le voile bleuâtre dressé

Cheongpung, à la fière population. Un

chaînes coréennes SBS et KBS, et ce

par un lointain pays de rêve.»

corps de temple jouxtait le bâtiment

n'est pas un hasard s'il est aujourd'hui

abritant l' administration locale. De

un site touristique réputé pour son fes-

hautes chaises blanches y entouraient

tival printanier des cerisiers en fleur.

Avant la création du lac de Chungju, la partie nord du village de

des tables sur lesquelles étaient dis-

Les monts Geumsusan, Dongsan

Janghoe-ri, appelée Janghoetan et

posés des bougeoirs. Bien que cet

et Woraksan offrent aussi à la vue de

située dans le canton de Danyang-

édifice fût utilisé régulièrement

spectaculaires paysages dont les

eup, était baignée par des flots si

pour des cérémonies d'hommage et

formes gracieuses épousent celles du

impétueux que l'on était emporté par

d'offrande aux rois, le plancher,

lac de Cheongpung, d'une pro-

un vigoureux courant dès que l'on automne 2004 1Koreana 55


d'Okseonbong, dominant le cours

tion, ainsi que les promenades autour

d'eau, faisaient vite oublier les diffi-

du lac de Chungju, au pays de l'eau,

cultés de la navigation par leur beauté

mieux vaut ne pas poursuivre plus

exceptionnelle. Celle-ci fut mise en

avant en période de sécheresse, car

valeur par le lettré Lee Hwang (1501-

les bateaux ne peuvent alors remon-

cessait de ramer. C'est pourquoi le

1570) qui, au début du règne de

ter que jusqu 'à Sindanyang, en

fleuve était réputé être à cet endroit

Myeongjong, treizième roi de Joseon,

amont de l'embarcadère de Janghoe.

un lieu de passage difficile à

y écrivit un poème chaque fois qu'il

Berçant de toute sa profondeur la

négocier, obligeant les embarcations

atteignait un tan, c'est-à-dire un pic,

ville ancienne de Danyang, le lac n'en

qui s'y aventuraient à manoeuvrer

alors qu'il venait prendre ses fonc-

accueille pas moins comme il se doit

habilement par d'incessants va-et-

tions de gouverneur de Danyang.

et à bras ouve1ts les amateurs de grand

Au Temple de Deokjusa, un Bouddha fut taillé dans la roche à la demande de la Princesse Deokju, soeur du Prince Maui (à gauche). Élevé par le Prince Maui, le Maitreya debout du Temple de Mireuksa fait face au Bouddha de celui de Deokjusa (à droite).

vient. Mais les contours des sommets

Une fois achevée la remontée du

air qui s'y rendent, comme s'il allait

environnants de Gudambong et

fleuve Hangang jusqu'à cette destina-

engloutir jusqu'au pic de Dodam-

56

Koreana I automne 2004


Sambong. Quant à notre aventurière

tout imprégnée de la légende du

changement dynastique, Maui reprit

anglaise, sa dernière destination fut

prince héritier Maui et de la princesse

cependant courage et quitta les lieux

celle de Yeongchun.

Deokju, elle porte le nom de

en compagnie de sa soeur, la

Yeongbong. L'ensemble présente une

princesse Deokju. Arrivés au temple

grande variété d'aspects.

~ ireuksa au terme d'un périple qui

«La beauté du fleuve Hangang atteignit son apogée à Dodam, le plus

A la chute du royaume Silla, le

devait les conduire au faîte du

beau village de mon parcours, que je

prince héritier Maui fut si bouleversé

Hanuljae, situé dans le massif de

venais enfin de découvrir. [ ... ]

qu 'il délaissa la cité de Gyeong-ju

Baekdudaegan et aux confins des dis-

Comme nous n'avancions guère,

pour se retirer au mont Geumgangsan.

tricts de Mungyeong et Jungwon, ils

nous passâmes deux jours à combat-

Sur le chemin de l'exil, il s'arrêta au

firent édifier une pagode à cinq

tre les flots qui nous immobilisaient.

mont Woraksan, où il devait séjourner

étages (trésor national numéro 95) et

Le courant se montrait récalcitrant et

plusieurs années. Une fois parvenu au

élever une statue de bouddha

lorsque nous tombâmes sur des rapi-

sommet de Guksabong, rebaptisé par

Maitreya debout (bouddha dit de

des dangereux au bas de Yeongchun,

la suite Yeongbong, il aurait prononcé

l'avenir, trésor national numéro 96 ;

M. Kim, le barreur, finit par nous dire

les paroles suivantes :

10,6 mètres de hauteur) pour mani-

après plusieurs tentatives que nous ne

fester leur attachement au pays dis-

pouvions plus continuer. Pendant les

«Le pays renaîtra de ses cendres

paru ainsi que leur intention de le

autres saisons, il était possible de

lorsque Guksabong se reflètera dans

faire renaître. La princesse Deokju fit

pousser plus ou moins facilement

les eaux et que les bateaux navigueront

en outre construire le temple de

jusqu'à Yeongwol, qui se trouve

à nouveau librement.»

Deokjusa, dans le village du même

encore à vingt lieues d'ici. [ . .. ] A Yeongchun, nous étions à 64,4 km de la mer de l'Est.»

nom situé sur le mont Woraksan. Elle C'est en l'an 935, neuvième

demanda également que soit gravé

année du règne du roi Gyeongsun (r.

sur un rocher, à proximité du temple,

927-935), que le prince héritier quitta

un bouddha lui ressemblant (trésor

Le mont Woraksan, où survit la légende du dernier prince de Silla

Seorabeol, alors capitale de Silla, dès

national numéro 406). On dit aussi

que le roi et ses loyaux serviteurs

que le rocher et la grotte de

eurent décidé de chercher refuge dans

Bodeoksa, dans le canton de Susan-ri

Le tour du pays de l'eau étant

la partie septentrionale de l'ancien

se trouvant à l'extrémité nord de

bouclé, pourquoi ne pas partir ensuite

royaume de Goguryeo. Mille ans

Woraksan, auraient été honorés de la

en direction de celui des monts ? En

après cet événement, le lac de

visite du prince héritier.

suivant la route nationale 36 à partir

Chungju a réellement pris forme au

Rares sont en Corée les bouddhas

de Danyang, tout le long de la rive

pied du mont Woraksan, dont le point

de pierre qui regardent vers le nord,

gauche du fleuve Hangang, on

culminant dessine aussi sa silhouette

comme celui qui se tient sur le site du

parvient alors à Woraksan. Cette

dans les eaux du lac. La prophétie du

temple Mireuksa et fait face au

montagne, dont les cent derniers

prince héritier se serait-elle donc

bouddha gravé sur un rocher au

mètres sont tapissés d'abrupts pans

réalisée ? Baetjae est en effet devenue

village de Deokju, cette figure tour-

de rochers, est d'un accès difficile,

un port qui accueille aujourd' hui les

nant quant à elle les yeux vers le

même en empruntant les escaliers

bateaux de plaisance assurant la

sud. On dit même que les couleurs

métalliques installés par les services

navette entre Danyang et Chungju.

de l'arc-en-ciel les éclairent tous

responsables de la gestion et de

Réduit au désespoir par la dis-

deux, la nuit, chaque fois que

l'entretien du parc national que con-

parition de son royaume que supplan-

survient dans le pays quelque

stitue ce massif montagneux. Encore

ta celui de Goryo du fait d ' un

événement important. l.àt automne 2004 1Koreana 57



Si le mot «courge» a longtemps été synomyme de «laideron» en Corée, les qualités nutritionnelles et la facilité de préparation de ce légume en font aujourd'hui un ingrédient de prédilection de la cuisine diététique. Yoon Sook-ja Directrice de l'Institut de cuisine traditionnelle coréenne Bae Jae-hyung photographe Lee Kyung nutritionniste

L

a courge est une plante annuelle cultivée à tiges rampantes de la famille des cucurbitacées. Originaire des Antilles et du Pérou, on suppose qu'elle fut introduite en Corée après l'invasion japonaise de 1592. Largement plantée par les moines bouddhistes pour leur

consommation, elle s'intégra peu à peu à l'alimentation populaire pendant la Dynastie Joseon (1390-1910).

Un légume consommable en toute saison De couleur jaunâtre à maturité, d'une saveur agréable et délicate, la courge entre depuis longtemps dans la composition de nombreux plats. Riche en carotène, le précurseur de la vitamine A, le potiron possède des propriétés diurétiques bénéfiques au traitement de l' œdème. Il peut donc avoir des effets bienfaisants pour les femmes enceintes et les personnes souffrant de maladies rénales. Un dicton dit aussi : «Qui mange de la courge au solstice d'hiver peut échapper à la paralysie». Ce légume constitue donc tant une précieuse source de nutriments qu'un accompagnement du riz. Plus récemment, on a découvert ses bienfaits pour le traitement de l'obésité et du diabète, puisqu'il contient des glucides qui se digèrent et s'assimilent facilement. Particulièrement recommandé pour les personnes maigres ou à l'estomac faible, il est aussi adapté à l'alimentation des convalescents. Facilement conservable, le potiron se consommait autrefois tout au long de l'hiver, fournissant ainsi la vitamine A nécessaire en cette saison. Consommé en grande quantité, son important contenu vitaminique permet aux personnes contractant en hiver des affections respiratoires telles que la toux ou la grippe de consolider leur appareil respiratoire et d'accroître leur résistance à de telles ·maladies. Les graines de courge sont également riches en lécithine et en acides aminés essentiels, qui favorisent les capacités intellectuelles, ainsi qu'en protéase, qui empêche le développement des cellules cancéreuses.

De multiples usages en cuisine Les graines de potiron peuvent s'employer aussi bien pour décorer galettes et gâteaux de riz que pour préparer du sirop d'orgeat. Une fois épluchées, grillées et mélangées à du sirop, elles entrent aussi dans la composition de pâtisseries traditionnelles. Les feuilles de citrouille peuvent servir d'ingrédient pour des soupes ou être cuites à la vapeur pour envelopper des bouchées de riz. La chair de citrouille permet l'élaboration de nombreux plats : galettes de riz, sucre d'orge, crêpes traditionnelles, soupe aux petits carrés de pâte, légumes épicés, automne 2004 1Koreana

59


La courge tire sa valeur nutritive de son contenu glucidique qui, tout en lui donnant un goût sucré, est inférieur de 50% à celui des cèrérales et des pommes de terre. Elle constitue de ce fait un aliment peu calorique et riche en vitamines.

plats en sauce cuits à la vapeur, bouillie, boissons sucrées au riz fermenté, etc. Parmi les premières, on peut citer les galettes à la citrouille, celles de riz gluant à la citrouille ou de citrouille cuite à la vapeur, ainsi que le gâteau de riz à la citrouille cuit sur une couche d'aiguilles de pins. Ce dernier est confectionné avec des citrouilles de la récolte d'automne coupées en morceaux et séchées, puis réduites en poudre. On mélange celle-ci à de la farine de riz pour obtenir une pâte que l'on fourre de marron cuit à la vapeur ou de graines de sésame grillées. On fait ensuite cuire cette préparation à la vapeur sur un lit d'aiguilles de pins. De telles galettes sont agréables non seulement au palais, grâce à leur saveur délicate et suave, mais aussi à l' œil, puisqu'elles conservent la couleur du légume. Ces pâtisseries au jaune d'or d'une beauté si particulière sont tout aussi nutritives et délicieuses que les gâteaux de riz, de pomme de terre, d'armoise ou d'arrow-root. La boisson de riz fermentée à la citrouille se prépare avec une citrouille entière. Le jus qui en est extrait, après avoir macéré avec du malt et du gingembre, est très efficace contre les œdèmes provoqués par l'asthme. Quant au «gâteau-croissant», qui doit son nom à une forme de courge, il est confectionné en faisant griller des courgettes, du boeuf émincé et des champignons, puis en les mélangeant à une pâte fine de riz gluant. Le gimchi à la citrouille consiste en une marinade de citrouille, de feuilles de chou et de navets assaisonnés de piment en poudre et de poisson saumuré. La citrouille peut aussi se consommer sous forme de bouillie, ou tout simplement nature, cuite à la vapeur.

Recettes à base de courge Ingrédients -500 g de citrouille -1 verre (90 g) de poudre de riz gluant -7 verres (2100 g) d'eau -2 cuillerées à thé (30 g) de sel -6 cuillerées à thé (90 g) de sucre Préparation 1. Nettoyer la citrouille avec un chiffon propre, la couper en quatre morceaux, l'éplucher et enlever les graines avec une cuillère. 2. Couper la citrouille en petits morceaux. 3. Recouvrir la citrouille d'eau et faire cuire, en écrasant les morceaux avec une louche. Lorsque l'ensemble est bien cuit, le passer au tamis. 4. Ajouter la poudre de riz gluant à l'eau et mélanger sans faire de grumeaux. L'ensemble doit être suffisamment épais. Faire bouillir la citrouille passée au tamis dans une casserole, ajouter la poudre de riz gluant pour obtenir l'épaisseur souhaitée, saler et sucrer. 60

Koreana I automne 2004

La citrouille et le potiron conviennent tous deux à cette préparation et sont employés dans les mêmes proportions. A la première, on pourra ajouter du soja ou des haricots rouges. La citrouille se consomme plutôt en été et le potiron en ·hiver. Une

~

bouillie de citrouille, de couleur jaune, ne pèse pas

) 2

sur l'estomac et stimule l'appétit. On l'appréciera mieux chaude.


Ingrédients - 1 citrouille (500 g) - 30 g de poudre de pignons

Préparation 1. Nettoyer la citrouille et la couper en huit morceaux après avoir enlevé les graines. 2. Faire cuire pendant 15 à 20 minutes dans une marmite à vapeur, en plaçant la peau vers le haut. 3. Lorsque la vapeur commence à s'échapper, saupoudrer les morceaux de citrouille de pignons en poudre.

Pour une cuisson à la vapeur, il convient que la citrouille soit propre, sa chair dense et sa peau dure, lisse et sans aucune égratignure. Elle doit de préférence être jaune et suinter une fois coupée. Le goût suave et sucré de la citrouille à la vapeur est apprécié de tous. Ce légume est particulièrement adapté aux régimes alimentaires et au goûter des enfants. Les courges sont très prisées des jeunes femmes pour leurs qualités diététiques, étant deux fois moins caloriques que les céréales ou les pommes de terre, mais sucrées grâce à leurs glucides. Elles contiennent également du carotène, précurseur de la vitamine A, ainsi que des vitamines B et C, en moindre quantité. Essentielles à la formation du tissu musculaire, les vitamines du groupe B ont des effets hématopoïétiques et sont utilisées comme médicament anti-anémique. A l'heure où nous accordons une importance croissante à notre santé, un vent de bien-être souffle sur nos tables. Alors, que diriez-vous de quelques plats à base de courge pour votre dîner ? L.t automne 2004 1Koreana

61



Quand vient la fête des récoltes, les départs en masse des Coréens vers leur région natale causent une aggravation des encombrements et un allongement de la durée des trajets qui ne semblent pourtant guère dissuasifs. Pourquoi? Lim Jae-hae Professeur d'études coréennes à l'Université d'Andong

C

huseok, fête des récoltes,

sur l'ensemble du territ9ire un exode,

compte parmi les princi-

essentiellement citadin puisque les

pales célébrations tradi-

ruraux sont aujourd'hui en faible

tionnelles de la Corée.

nombre, qui mène au mythique pays

Tombant le quinzième jour du

natal pour y rendre hommage aux

huitième mois lunaire, lorsque le riz

ancêtres. Ces déplacements sont sou-

est d'ordinaire mûr, elle marque la fin

vent synonymes de difficultés de cir-

de la saison chaude, avec sa moisson

culation résultant de la congestion du

de fruits et céréales prêts à être

réseau routier, ce qui fait aussi dire

dégustés. Quoique nous en fassions

aujourd'hui : «Sois semblable aux

la récolte à la sueur de notre front, il

jours ordinaires, ni plus ni moins». Le

serait ingrat d'y goûter avant que nos

message est clair: et si l'on s'efforçait

ancêtres en aient apprécié la saveur.

de rendre la circulation beaucoup plus

C'est dans cet esprit que nous leur

fluide le jour de Chuseok ?

tendons notre offrande composée des

Trois raisons peuvent expliquer

prémices de la récolte lorsque nous

les traditionnels embouteillages liés à

allons nous recueillir sur leur tombe,

cette fête des récoltes.

munis de fruits fraîchement cueillis,

Tout d'abord, comme cela vient

de galettes et d'alcool de riz nouveau.

d'être dit, elle est pour les Coréens

Un vieux proverbe coréen, que l'on

l'occasion de se rendre au lieu de

pourrait traduire par «Sois pareil à la

sépulture de leurs ancêtres afin d'y

fête des récoltes, ni plus ni moins»,

accomplir un rite familial. S'ils ont

ne nous dit-il pas, en des termes

certes la possibilité d'effectuer leurs

réinterprétés, que l'abondance de

offrandes en d'autres endroits,

l'automne se reflète parfaitement

comme à leur domicile, ils ne peu-

dans les mets préparés pour Chuseok

vent se recueillir sur les tombes de

en guise d'offrandes aux aïeux?

leurs ancêtres que dans leur région natale, où ceux-ci sont généralement

Les grands départs et leur interminable cortège d'automobiles sont synonymes de cette «circulation infernale» si redoutée.

L'i nterm i na ble cortège des retours au pays

tous enterrés sur un terrain appar-

Il en va tout autrement main-

ments s'avèrent donc inévitables

tenant que l'abondance alimentaire

étant donné que la majeure partie de

nous permet de consommer presque

la population prend la route le même

tout, riz et fruits compris, à tout

jour.

tenant à la famille. Les encombre-

moment et en toute saison, alors que

En outre, l'industrialisation

voilà encore peu, il fallait attendre

ayant conduit les Sud-Coréens à

l'automne pour savourer les céréales

vivre majoritairement en zone

nouvelles. La fête des récoltes a donc

urbaine, c'est à une véritable «guerre

perdu le sens des festivités tradition-

de la circulation» que nous avons

nelles marquées par une soudaine

affaire quand les citadins prennent

profusion d'aliments. Pour autant,

de concert le chemin du pays natal.

lorsqu'arrive Chuseok, il se produit

Enfin, la croissance économique automne 2004 1Koreana

63


La fête des récoltes est un jour férié à l'occasion duquel la plupart des Coréens vont se recueillir sur la tombe de leurs ancêtres, y déposer des offrandes et en arracher l'herbe. A l'époque industrielle, ce retour au pays est devenu une pratique annuelle presque incontournable pour l'ensemble de la population. de ces dernières années a engendré

Avant les années 1970 , les

physique sur place, sans oublier la

une augmentation considérable du

déplacements liés à ces pratiques ne

crainte que l'entourage se réserve le

nombre d'automobiles en circulation.

posaient pas véritablement de

droit de vérifier si le travail a été

Alors qu'au début de l'industrialisa-

problème de circulation automobile,

exécuté correctement, alors que les

tion, les moyens de transport en com-

puisqu'une grande partie de la popu-

offrandes sont confectionnées en

mun tels que train et autobus étaient

lation habitait sur place, en zone

famille, à la maison.

plus souvent utilisés, presque tous les

rurale. De plus, la tradition n'était pas

Traditionnellement, les tombes

ménages possèdent aujourd'hui un

seulement respectée durant la fête des

coréennes sont dispersées au gré des

véhicule, ce qui ne fait qu'aggraver

récoltes, mais aussi à d'autres

collines et montagnes afin de trouver

les embouteillages.

moments de l'année lunaire : l'herbe

un emplacement idéal selon la

pouvait être coupée au mois de juil-

géomancie, si bien qu'il est plus pra-

L'i n f I u en ce d'une c u Itu r e funéraire particulière

let, les offrandes présentées en août et

tique de s'y rendre en voiture. Il n'est

le rite des ancêtres accompli en octo-

donc pas exagéré de comparer ce

Avec son histoire longue de plus

bre. Dans certaines régions , les

défilé de familles se lançant sur

de deux mille ans, la fête des récoltes

offrandes étaient déposées au

l'asphalte à l'assaut des tombes

représente l'une des traditions les

neuvième jour du neuvième mois

ancestrales à un véritable départ à la

plus anciennes d'Asie. Le principe

lunaire, et non au moment de

guerre . Une circulation fluide

des offrandes aux ancêtres provient

Chuseok . On comprend alors

s'établit en revanche dans les grandes

de l'éducation confucéenne qui se

pourquoi les déplacements, pour la

villes désertées par la majorité des

caractérise par la vénération des

fête des récoltes, étaient de faible

automobilistes qui, sur d'étroits

aïeux. Par ailleurs , le devoir de

envergure à l'échelle nationale.

chemins de campagne, sont immo-

rècueillement sur les tombes ances-

Avec les débuts de l'urbanisa-

trales participe d'une tradition

tion, vers la fin des années 1960, le

embouteillages et éprouvent mille

funéraire spécifique profondément

calendrier solaire a vu son emploi se

difficultés à trouver des places de sta-

enracinée dans la société coréenne.

généraliser et le jour de la fête des

ti o nn emen t. Non loin des zones

Aujourd'hui encore, on a ainsi pour

récoltes a été décrété férié. La

tombales, en secteur montagneux, on

habitude de disposer les tombes à des

cérémonie des offrandes, le recueille-

découvre rapidement le spectacle des

emplacements favorables répondant

ment sur les tombes et le fauchage de

files de voitures s'étendant jusque

aux critères de la géomancie. De

l'herbe ont alors été réunis dans le

dans les vallées.

même, si l'on omet régulièrement de

temps, le retour au pays natal prenant

couper l'herbe à l'endroit où repose

l'allure d'un événement annuel con-

le défunt ou tout simplement de s'y

cernant l'ensemble de la population.

bilisés

dans

de

monstrueux

Industrialisation et civilisation automobile

rendre, on s'expose à de vives cri-

En réalité, ces deux dernières

Dans les pays voisins de la

tiques de la part de son entourage

pratiques sont susceptibles de poser

Corée, les cimetières sont des sortes de

direct, ce qui fournit une bonne rai-

plus de problèmes que la première,

parcs aménagés à proximité des zones

son de respecter les us et coutumes.

puisqu'elles exigent une présence

d'habitation, ce qui permet aux

64

Koreana I automne 2004


familles de s'y rendre à tout moment

recouvert d'une pelouse nécessitant

de l'année et ne nécessite donc pas de

un entretien régulier et justifiant la

jour férié particulier. On peut ainsi dire

ruée annuelle des descendants pleins

que la «guerre de la circulation» est un

de reconnaissance à l'égard de leurs

alors que celui des automobilistes n' a

fait propre à la Corée, le jour de

chers disparus.

cessé d'augmenter, d'où une aggrava-

A l'occasion de Chuseok, la tradition veut que les familles coréennes se réunissent pour se rendre sur les tombes familiales et les entretenir.

Chuseok. Au Japon, les morts sont

C'est depuis l'industrialisation à

incinérés et leurs cendres conservées

marche forcée des années 1980 que le

dans des urnes au sein de cimetières

phénomène migratoire observé lors de

Alors qu'approche, comme

municipaux construits en pierre et en

Chuseok s'est amplifié, l'utilisation

chaque année, le grand remue-

béton et où l'herbe ne pousse donc pas.

généralisée de la voiture, conséquence

ménage de Chuseok, les Coréens

Aujourd' hui encore, bon nombre

du développement économique, y

s' estiment toutefois heureux que cette

de Coréens attachent une importance

contribuant largement dans un pays où

fête existe car elle est synonyme de

particulière à la géomancie , qui

posséder une automobile est un sym-

réjouissances collectives lors des

impose de rechercher un emplace-

bole de richesse et de réussite qui peut

retrouvailles familiales, qui réunis-

ment propice au repos en paix de

également contribuer à la piété filiale.

sent aussi amis et anciennes connais-

l'âme du défunt. Bien souvent, la tra-

Dans les années 1990, le nombre

sances, à un moment où les senti-

dition funéraire exige en outre que

d'usagers des moyens de transport en

ments humains font défaut dans les

l'on élève un haut tumulus en terre

commun a considérablement diminué,

grands centres urbains.

tion des problèmes de circufation sur le réseau routier.

~

automne 2004 1Koreana

65


A LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE Le palais Changdeokgung

Quand nature et palais ne font qu'un 66

Koreana I automne 2004


Aujourd'hui encore, le palais Changdeokgung se marie harmonieusement avec son environnement naturel.

Harmonieusement intégré à son environnement naturel, le palais Changdeokgung est considéré comme un modèle du genre en Extrême-Orient pour la symbiose qu'il réalise entre lignes architecturales et jardins. Son cadre intérieur, imprégné d'une histoire et d'une philosophie particulières, se pare des vestiges de la dynastie Joseon. Hong Soon-min Professeur d'histoire de Corée au Centre des arts libéraux et pour la promotion de l'instruction de l'Université Myongji. Seo Jai-sik, Lee Gab-cheol Photographes


C

entre géographique de la péninsule coréenne,

«Palais de l'Est».

Séoul en constitue également le carrefour

Gyeongbokgung, Changdeokgung et Changgyeonggung

politique et administratif. Les rois de la dynas-

allaient disparaître dans les flammes lors de l'invasion

tie Joseon y élirent domicile alors qu'elle était

japonaise de la fin du XVIe siècle, mais seuls les deux

déjà capitale de Corée. Elément distinctif de toute capitale

derniers furent reconstruits au siècle suivant, sous le règne

digne de ce nom, le palais se définissait précisément

de Gwanghaegun (r. 1608-1623), pour constituer ensem-

comme le lieu de résidence du monarque, qui non seule-

ble le palais principal. Un second, bâti au pied du mont

ment y passait le plus clair de son temps, mais y exerçait

Inwangsan, prit le nom de Gyeongdeokgung pour être

aussi le pouvoir dont il était détenteur. Une multitude de

rebaptisé sous Yeongjo (r. 1724-1776) Gyeonghuigung, ou

courtisanes, d'eunuques, de fonctionnaires royaux et de

encore Palais de l'Ouest, et être utilisé comme résidence

domestiques y était placée sous ses ordres ainsi qu'au ser-

secondaire. Ce n'est qu'au début du règne de Gojong (r.

vice de toute la famille royale, pour les nécessités de la vie

1863-1907) que Gyeongbokgung allait renaître de ses cen-

quotidienne, et il s'y ajoutait les nombreux lettrés qui

dres et retrouver son rôle de palais principal, le palais de

assistaient le souverain dans l'exercice de ses fonctions. En

l'Est devenant alors secondaire et celui de Gyeonghuigung

conséquence, le palais se devait d'être doté de toutes les

voyant ses fonctions suspendues.

habitations nécessaires à l'accueil et à l'hébergement de

En 1897, le roi Gojong, provisoirement réfugié à la

cette nombreuse suite. Au début du XXe siècle, plus de

légation de Russie, fit édifier un nouveau palais du nom de

mille personnes travaillaient ainsi dans un palais comme

Gyeongungung et s'y installa. Celui-ci allait alors devenir

celui de Changdeokgung et prenaient leurs quartiers dans

le centre de décision du pays, qui avait maintenant pour

quelque trois cents corps de bâtiments possédant chacun

nouvelle dénomination Empire Daehan (1897-1905).

leur nom. Une telle infrastructure s'imposait à ce poumon

Lorsqu'en 1907 l'empereur Gojong fut déchu de son titre

vital de la nation qu'était le palais.

par l'occupant japonais, le palais ne joua plus qu'un rôle subalterne de simple résidence , prenant le nom de

Les cinq palais de Séoul Il fallait donc que Séoul possédât au moins deux

Deoksugung. Sunjong (r. 1907-1910), qui succèda à

palais de ce genre, l'un, principal, destiné aux séjours de

d'accepter l'annexion de la Corée par le Japon.

Gojong, élut domicile à Changdeokgung où il fut contraint

plus ou moins longue durée alors qu'un autre, secondaire, servirait de centre d'accueil ou de refuge en cas d'incendie et de nécessaire rénovation, d'épidémie, de guerre, de trou-

Classement au patrimoine mondial de l'UNESCO Séoul a donc compté jusqu'à cinq palais royaux,

bles intérieurs ou tout simplement sur ordre du roi ou en

parmi lesquels Changdeokgung est celui cjui a le plus

raison des circonstances politiques du moment.

longtemps servi de résidence royale, ce qui explique que

Gyeongbokgung fut construit le premier, sous le règne de Taejo (r. 1392-1408), premier monarque de la dynastie

l'on y trouve aujourd'hui le plus de vestiges de l'époque Joseon.

Joseon. Il servit dès lors de palais principal au cours de la

Lorsque le pays se libéra du joug colonial nippon, il

première partie de la dynastie et à la fin de cette dernière.

ne subsistait que des ruines de la plupart des bâtiments du

Le palais secondaire de Changdeokgung vit quant à lui le

palais Gyeongbokgung, dont le site avait été laissé à

jour sous le règne du roi Taejong, troisième souverain de

l'abandon après que le gouverneur général japonais eut

Joseon (r. 1400-1418) et fut agrandi par le neuvième,

établi sa résidence dans le jardin-arrière, Huwon, au pied

Seong-jong (r. 1469-1494), qui ordonna la construction

du mont Baekaksan. L'habitat actuel est une reproduction

d'un troisième palais, Changgyeonggung, séparé du

de celui qu'avait édifié Gojong au début de son règne,

deuxième par une sorte de haie, si bien que ces deux

dans la deuxième moitié du XIXe siècle et qui, par com-

entités distinctes formèrent en réalité un ensemble appelé

paraison à celui des époques précédentes, se caractérisait

68

Koreana I Autumn 2004


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Pavillon central du palais de Changdeokgung, lnjeongjeon était réservé aux manifestations officielles, notamment à l'accueil des émissaires étrangers et aux cérémonies.

par des pièces plus vastes et plus luxueuses.

ment voir disparaître plus des quatre cinquièmes de leurs

Quant à Gyeonghuigung, qui avait été résidence

bâtiments pendant la première moitié du XXe siècle, le

royale secondaire depuis la fin du XVIe siècle pour perdre

peu qui en subsistait subissant par la suite destructions et

le statut de palais suite à la reconstruction de

transformations. Toutefois, leur meilleur état de conserva-

Gyeongbokgung, au commencement du règne de Gojeong,

tion que les autres et le maintien de la quasi-totalité de leur

il allait voir s'installer dans son enceinte, à l'époque colo-

emplacement initial nous mènent à les considérer comme

niale, un collège japonais qui modifia entièrement son

les palais les plus représentatifs de la Dynastie.

aspect initial et le déposséda de maints bâtiments anciens.

Les éléments de la dernière dynastie coréenne

Il en advint de même de Gyeonghuigung, dont subsiste

présents en plus grand nombre dans le premier lui

une partie des constructions d'origine, mais qui fut amputé

confèrent, nous l'avons vu, un caractère jeosonien par

des deux tiers de son site.

excellence. Un concours de circonstances allait par ailleurs

Changdeokgung et Changgyeonggung allaient égale-

en faire le palais actuel le plus caractéristique de la période automne 2004 1Koreana

69


Les cinq ensembles de palais construits durant la Dynastie Joseon sont représentés sur le Doseongdo, un antique plan de Séoul (à gauche). Jardin arrière de Changdeokgung, Huwon abrite le Gyujanggak, qui accueillit des mouvements de renaissance de la culture et de la société de Joseon (ci-contre).

Changdeokgung, ou l'union avec la nature Dans la pensée traditionnelle coréenne, le territoire national se définissait comme le produit d'un heureux mariage entre monts et rivières. La chaîne de montagnes qui traverse la péninsule coréenne du nord au sud, c'est-àdire entre les monts Baekdusan et Jirisan, a pour nom Baekdudaegan. Les massifs qui s'articulent autour d'elle s'étendent Joseon. Outre ses vestiges historiques, il présente en effet

telles les branches d'un arbre et s'appellent en coréen

la particularité non négligeable d'entretenir des liens har-

jeongmaek, ce qui signifie veines. Au nombre des treize

monieux avec son voisinage immédiat. Cette symbiose

que compte le pays, celui qui nous intéresse est le Hanbuk

entre le naturel et l'artificiel en termes d'emplacement et

jeongmaek, qui se situe au centre de la péninsule, aux con-

d'aménagement de l'espace lui octroie ainsi une identité

fins du fleuve Imjingang et au nord du fleuve Hangang. A

typiquement coréenne et allait lui valoir, le 3 décembre

l'extrémité sud de ce massif se trouve le mont Bukhansan

1997, d'être inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO

d'où partent plusieurs autres montagnes de moindre alti-

au titre de l'héritage culturel. La perfection de ses lignes,

tude qui forment les cimes du mont Baekaksan. Elles se

épousant un environnement naturel omniprésent et con-

déploient à leur tour vers l'est et finissent avec le pic

sacrant une harmonieuse alliance entre habitat et jardins,

Ungbong. Toujours plus à l'est, ce dernier cède la place au

en fait un modèle du genre en Extrême-Orient.

mont Taraksan. La hauteur qui s'élève à l'ouest des cimes

Les principes qui régirent la construction des palais de

du Baekaksan est celle d'Inwangsan, dont la progression

l'époque Joseon sont d' origine chinoise. Au centre, se

est stoppée au sud par le Mongmyeoksan. Sur une figure

trouvent les quartiers du roi et de la reine, à l'avant, des

humaine , Baekaksan correspondrait au sein droit,

espaces destinés à l'accueil des sujets par le roi et à

Ungbong, au gauche, Taraksan, au bras gauche et

l'arrière, ceux où les occupants des lieux vaquaient à leurs

Inwangsan, au droit. Quant au Mongmyeoksan, il serait

activités quotidiennes. Si on les observe de plus près, ces

comparable à une table dissimulant légèrement l'avant du

palais jeosoniens présentent toutefois des particularités par

corps décrit pour donner naissance à la cuvette qu'est

rapport à ceux de la Chine. En règle générale de forme rec-

Séoul et à l'intérieur de laquelle coule le ruisseau appelé

tangulaire et construits sur un terrain plat, ces derniers se

Cheonggyecheon.

caractérisent par une constitution imposante et uniforme

Enfant unique, le palais Gyeongbokgung se blottit

alors que les palais coréens se situent toujours en repli

contre le sein nourricier droit de Séoul. Au pied du versant

derrière une rivière, accolés à une montagne ou à une

méridional des cimes du Baekaksan, s'étend une plaine

colline. En d'autres termes, pour construire et décorer

ancienne qui lui procure une assise droite et ordonnée.

l'édifice artificiel que constitue un palais, l'accent était mis

Construit à l'extrémité occidentale du mont Inwangsan, le

sur l'harmonie avec la nature, les architectes oeuvrant au

bras droit de Séoul, Gyeonghuigung se situe à un emplace-

mieux pour parfaire l'ensemble. Or, Changdeokgung con-

ment peu propice et présente une forme quelque peu

stitue l'illustration parfaite de ce trait essentiel.

irrégulière et exiguë. Quant au palais Gyeongungung, qui

70 Koreana I automne 2004


Le palais Changdeokgung dresse son ensemble compact d'édifices à l'endroit où la montagne s'esquive prestement pour céder la place à la plaine, pareil au bourgeon s'épanouissant à l'extrémité d'une branche.

servit de refuge lors de l'invasion japonaise, à la fin du

sein droit. Ce dernier décline longuement pour mourir en

XVIe siècle, il se dresse en plein coeur de la ville et ne

une vaste forêt qui atteignait jadis le centre de la capi-

bénéficie de la protection d'aucune montagne à l'arrière et

tale. C'est donc au bas du versant ouest de ce pic qu'ont

à l'avant, ni d'aucune rivière pouvant dissuader l'ennemi

été bâtis Changdeokgung et Changgyeonggung, de sorte

de le prendre d'assaut. Son environnement immédiat ab1ita

qu'ils se complètent et s' harmonisent entre eux. Ce

des légations étrangères dans les années 1880, ce qui lui

dernier, situé à l' est du premier, constitue un haut lieu

donne une forme encore plus désordonnée et étroite que

historique où sont conservées les tablettes funéraires des

celle de Gyeonghuigung.

rois et reines anciens. Au nord de Changdeokgung et de

En revanche, le palais de l'Est, constitué en réalité

Changgyeonggung, que sépare un haut talus boisé, tel

de deux entités, s'adosse confortablement en contrebas

une haie géante au bas de la montagne voisine, s' ouvre

du pic Ungbong, ce sein gauche de Séoul, dont l'altitude

le jardin commun aux deux entités, lequel est dénommé

est moitié moins élevée que celle du mont Baekaksan, le

Huwon. L'extrémité méridionale de l'ensemble jardinautomne 2004 1Koreana

71


palais débouche sur une dépression créant l'effet d' un espace à l'abri des regards indiscrets. Enfin, pour repren-

Une beauté sobre La maison coréenne traditionnelle présente une

dre l'image de l'arbre, Changgyeonggung est semblable

structure ouverte, à l'intérieur, sur une cour et au-delà,

à une petite fleur accrochée tout au bout d'une branche.

débouchant souvent sur la nature environnante. En parti-

De par son implantation ni trop régulière, ni trop

culier, l'architecture des palais se voulait uneï nvitation à

désordonnée, ni trop exiguë et s'adossant à la nature

la nature toute proche, mais aussi aux sujets qui n'y

sans la détruire ni sans être écrasé par elle, mais en

avaient point demeure. Lieu de résidence du roi et de sa

l'épousant, il est l'essence même de l'architecture

famille, le palais était aussi endroit de travail pour les fonc-

coréenne.

tionnaires royaux. Un grand nombre d'entre eux s'y affai-

Outre cet aspect naturel, la composition et l'agence-

raient au traitement des dossiers concernant au plus près le

ment de ses bâtiments furent un atout supplémentaire qui

souverain. On y trouvait également des administrateurs et

permit jadis à ses résidents de tout rang, du roi à ses

responsables politiques du plus haut rang travaillant en

serviteurs, d 'ass umer leurs fonctions sans se gêner

étroite relation avec le monarque. Le palais constituait

mutuellement. Cette perfection s'est depuis lors con-

donc le niveau suprême du pouvoir.

sidérablement altérée, ne serait-ce qu 'en raison de son

Le roi était alors tenu de rendre publics ses moindres

inutilité, mais la grandiose image du palais de l'Est

actes et discours, qu'un huissier rapportait par le menu sur

demeure.

un registre officiel pour les transmettre à la postérité. Les

72 Koreana I automne 2004


Nakseonjae illustre la conception du palais Changdeokgung en accord avec son environnement naturel, auquel s'intègrent les différentes structures ( à gauche). Deux des piliers du pavillon sur pilotis Buyongjeong (à droite).

sujets étaient autorisés à critiquer, dans certaines limites,

constater une sobre décoration. Ses colonnes rectangu-

les faits et gestes de leur souverain, lequel se devait en tout

laires, soutenant l'ossature, produisent un effet moins

temps d'incarner les valeurs de l'éducation confucianiste

élégant que si elles avaient été rondes. D' aspect solide, la

et dont on attendait en retour qu ' il fasse preuve d'une

charpente qui supporte le poids de l'avant-toit, présente

grande dignité et d'une extrême frugalité, puisqu'il trônait

quant à elle une décoration simple et uniforme choisie au

au sommet de la hiérarchie sociale. De telles vertus trou-

détriment d'un style pluriforme certes plus splendide, mais

vaient naturellement leur expression dans les demeures

d'une composition plus complexe. Le nom même de la

royales. Changdeokgung ne dérogea pas à la règle et ne

demeure royale ne comporte pas le terme Jean désignant

manifesta aucun excès au temps de sa splendeur en dépit

l'extrême qualité, mais celui de dang, dont le degré est

de son aspect majestueux. En l'occurrence, la délicatesse

moindre. Incarné par l'ensemble du palais, cet esprit de

d'exécution du bâtiment dit Huijeongdang, où résidait le

frugalité constitue l'un des éléments sous-jacents de la

roi, est toute relative et le visiteur ne s'étonnera pas d' y

dynastie Joseon. automne 2004 1Koreana

73



Au Soyoam de Huwon, l'eau provenant de la vallée du Pic Eungbong s'écoule en un petit ruisseau sur cette formation rocheuse (à gauche). Seul bâtiment à toit de chaume du palais, le pavillon Cheonguijeong symbolise la frugalité du roi. Celui-ci aurait lui-même cultivé la rizière du palais, dans laquelle auraient été cueillies les tiges ayant servi à la fabrication de ce toit (à droite). Construit en 1828 dans le jardin arrière du palais de Changdeokgung, Yeongyeongdang emprunte son style aux demeures aristocratiques de la période Joseon.11 fournit des informations d'une valeur inestimable pour la recherche sur l'habitat de la fin de cette dynastie (ci-contre).

Un espace multifonctionnel

contempler de l' extérieur, mais installez-vous dedans et

Changdeokgung se caractérise donc par l'excellence

observez-en les alentours. Vous sentirez le paysage vous

d'une forme en parfaite harmonie avec la nature envi-

inonder et vous vous fondrez en lui pour faire partie

ronnante, un trait qui s'affirme avec plus de force encore

intégrante de la nature !

à l'entrée du jardin Huwon . Celui-ci représente à lui seul

Toutefois, le jardin n'est pas seulement un lieu où

300 000 des 462 OOOm qu 'occupe au total le palais. Les

vous pourrez être au contact de la nature et vous détendre.

quelque 290 000 arbres qui ombragent l'ensemble sont

Il vous fera également remonter le temps. Dans cet espace

représentatifs de ceux qui s'y trouvaient autrefois. A

multifonctionnel autrefois indispensable à la continuité du

cela s'ajoute une cinquantaine d'espèces différentes

pouvoir royal, on tirait à l'arc et on faisait passer des con-

d'oiseaux qui peuplaient l'écosystème naturel d ' alors.

cours nationaux pour recruter les fonctionnaires royaux.

Mais l'intérêt d'une visite en ce jardin ne s'arrête pas à

On y trouvait une cour d'entraînement où se tenaient de

une promenade sur les sentiers boisés où a été recréé

temps à autres des parades militaires ainsi que lès assem-

l 'écosystème de Joeson. Nous pouvons également y

blées de la famille royale ou des conseillers du roi. Une

découvrir des oeuvres plastiques représentant divers

rizière s'y trouvait aussi à l'intention de ce dernier, qui la

aspects de la nature. En Chine, l'architecture paysagère

cultivait lui-même pour s'assurer de la qualité de la

se caractérise par la création, à une échelle réduite, de

précieuse céréale. Il y avait en outre le pavillon

montagnes et mers artificielles placées à l'arrière du

Gyujanggak qui faisait office de bibliothèque royale, un

palais ou sur ses côtés. Au Japon, elle s'attache à repro-

centre de recherche et une maison d'édition chargée de la

duire la nature par un décor exécuté avec art et

promotion culturelle des oeuvres littéraires de la dynastie,

délicatesse alors qu'en Corée, elle se distingue par la

au XVille siècle, sous la houlette du roi Jeongjo (r. 1776-

complémentarité du naturel et de l'artificiel. Si cette

1800). Ce bâtiment et l'étang situé en regard témoignent

description

immédiatement

aujourd'hui encore de la splendeur de Changdeokgung et

compréhensible, pourquoi ne pas admirer sur place les

du jardin Huwon, qui forment à eux deux le berceau de

pavillons de Huwon ? Ne vous contentez pas alors de les

l' histoire et de la culture de l'époque Joseon.

2

ne

vous

est

pas

~

automne 2004 1Koreana

75


CHEFS-D'OEUVRE Grand encensoir de Baekje

Le parfum millénaire de l'art du royaume Baekje Chef-d'oeuvre de bronze incrusté d'or, le Grand encensoir de Baekje réalise une synthèse de ta religion, de la pensée et de ta florissante culture artisanale de ce royaume. Son phénix aux ailes largement déployées et son dragon surmonté d'un support à fleurs de lotus semblent sur le point de prendre vie. Kim Seung-hee Conservatrice du Musée national de Gyeongju

L

e Grand encensoir de Baekje fut mis au jour en 1993 sur le site d'un temple bouddhiste se trouvant à Neungsanri, non loin de Buyeo, la dernière capitale du royaume Baekje. Ce lieu

abrite sept tombes dont l'origine supposée royale se

situerait entre le milieu du VIe siècle et celui du VIIe. Au nombre de ces sépultures figurerait celle du roi Seong (r. 523-554) qui déplaça la capitale du Royaume de Gongju à Buyeo. Une relique de pierre avec inscription (Trésor national numéro 288) fut également découverte à cet emplacement en 1995, là où se dressait le stupa central. 76

Koreana I Autumn 2004


Baekje, première moitié du VIIe siècle, Diamètre maximal : 19 cm, Hauteur : 64 cm, Musée National de Buyeo, Trésor National numéro 287.

Elle remonterait à l'an 567 et il y serait inscrit le nom du

A première vue, cette composition repose sur l' oppo-

Chang-wang, autre appellation du roi Wi-deok qui succéda

sition entre dragon et phénix symbolisant respectivement

à son père le Roi Seong de 554 à 598. D'après l'inscription

le Yin et le Yang. Cependant, une observation plus atten-

que porte la relique, celle-ci aurait été réalisée en 567 à la

tive révèle que des fleurs de lotus emblématiques de la

demande de la fille du Roi Seong et sœur de roi Chang. On

Terre jaillissent de la gueule du dragon, animal

peut donc supposer que la princesse, sœur du roi Wi-deok,

représentatif de l' univers aquatique, mais qui s'élance vers

fit construire à Neungsanri le tombeau de son défunt père,

le monde céleste de l'oiseau phénix en passant, pour y

et y fit adjoindre un temple bouddhiste qui aurait été le

accéder, par la condition de l'ermite renonçant aux biens

premier du royaume.

de ce monde.

L' encensoir de Baekje se compose d'un couvercle et

Cet ensemble englobe donc philosophie taoïste et

d'une partie formant corps, le premier comprenant une

pensée bouddhiste. Selon le Tao, qui aspire à la jeunesse

poignée et la seconde reposant sur un socle. Ces quatre

éternelle, au beau milieu de la mer existerait un lieu

éléments furent réalisés séparément et assemblés par

dénommé «Boshan» où vivraient ermites taoïstes et ani-

soudage.

maux de bon augure. Après la période des Royaumes com-

Sur la poignée se trouve un phénix qui porte autour du

battants chinois, des encensoirs de type Boshan furent

cou un cintamani et tente vigoureusement de prendre son

fabriqués en grand nombre. Au début des IVe et Ve siècles,

envol en ouvrant grand ses ailes. Le poitrail de cet imposant

le rite consistant à faire brûler de l'encens devant Bouddha

oiseau est percé de deux trous où l' on peut imaginer que

se répandit largement et l'utilisation de l'encensoir se

brûlait l'encens.

généraHsa dans les temples. Le Grand encensoir associe

Le couvercle représente une chaîne de montagnes

donc harmonieusement une pièce renvoyant au désir

dont les trente-trois sommets sont parcourus par seize per-

incarné par le Boshan de rejoindre le monde des taoïstes

sonnes, notamment un chasseur à cheval, des pêcheurs et

de haute vertu à des éléments bouddhiques tels que la

un taoïste en méditation, ainsi que trente-neuf animaux

fleur de lotus.

comprenant des espèces réelles telles que les cerfs et d'autres imaginaires. Un ermite jouant d'un instrument de

Fruit d'une longue tradition et alliance d'une grande

musique et une oie sauvage au cou dressé sont également

variété d'éléments, le Grand encensoir de Baekje aurait été

représentés sur l ' un de ces sommets. Plusieurs trous ,

réalisé sous les auspices royaux par le plus grand artisan de

adjoints ultérieurement afin d'accroître l'émission de

la première moitié du Vile siècle. Etant donné l'impor-

fumée, sont situés à l'opposé de ces motifs, de sorte qu' ils

tance des rites cultuels bouddhistes faisant usage d'encens,

ne sont pas apparents.

l'auteur de cette pièce se sentit honoré d'accomplir son

Sur le corps de l'encensoir, les pétales de fleur de

devoir en rendant hommage aux âmes des monarques

lotus sont groupés par huit et alternent avec deux figures

défunts. Quelle joie singulière éprouve-t-on à l'évocation

humaines, un poisson, des grues et vingt-six autres ani-

de l'encens se consumant à profusion parmi les monts

maux non identifiés. Enfin, sur le pied se tient un dragon

représentés sur l'encensoir et de la fumée s'échappant de

redressant la tête d' un mouvement si vif qu'il semble prêt

la poitrine du phénix tandis que des rites majestueux et

à s'envoler dans les cieux d'un moment à l'autre.

splendides se déroulaient devant Bouddha! l,;.t automne 2004 J Koreana 77


CHRONIQUE ARTISTIQUE Festival international de musique de Tongyeong

Festival de musique dans la ville natale d'un virtuose Le Festival international de musique de Tongyeong, ville natale d'un virtuose de la musique contemporaine, Yun 1-Sang, constitue désormais un rendezvous d'envergure internationale. Il se décline depuis cette année en plusieurs programmes saisonniers. Kim Moon-hwan Professeur d'esthétique à l'Université Nationale de Séoul

78

Koreana I automne 2004


P

our bien comprendre ce qu'est le Festival international de musique de Tongyeong, il faut d'abord connaître la situation de la ville ainsi que la personnalité de Yun 1-Sang, musicien de

renommée internationale qui a vu le jour en Corée et dont

le nom marquera à jamais le contenu de cette manifestation. Tongyeong est une ville portuaire située dans le sud de la péninsule coréenne. Son toponyme, tout comme celui de Chung-mu auquel il s'est récemment substitué, est étroitément lié à la personne de l'amiral coréen Yi Sun-Sin, qui repoussa sur mer l'invasion japonaise de la fin du XVIe siècle. Tongyeong est l'abréviation de Tongjeyeong, nom qui fut donné au quartier général qu'installa ce héros national sur l'île de Yun 1-Sang, non loin de la côte. Les monuments historiques commémorant sa victoire suscitent toujours l'admiration et l'intérêt des visiteurs et le paysage environnant attire nombre de touristes, tant coréens qu'étrangers. Cette zone maritime, qui compte 41 îles habitées et 110 îlots sans habitations permanentes, connaît davantage de journées ensoleillées que de jours de mauvais temps. Un climat doux, rarement neigeux, y règne tout au long de l'année. Le relief a subi une érosion progressive et l'on ne trouve ni grand fleuve, ni haute montagne. Tantôt escarpé, tantôt bordé d'accueillantes plages de sable fin, le littoral possède en revanche une beauté particulière qui a séduit maints artistes, dont Yun 1-Sang.

Tongyeong, ville natale de Yun 1-Sang «Ma musique est née de la tradition artistique, philosophique et esthétique de ma patrie, qui a· été pour moi une source précieuse et intarissable d'inspiration créatrice. Révolté par le destin malheureux de la Corée, la destruction de l'ordre établi et la tyrannie, je me suis efforcé de parler le plus souvent possible une langue expressive, dans la limite de la pureté et de la finesse que se doit d'avoir la musique». Ainsi s'exprimait il y a peu le compositeur Yun 1-Sang, désormais considéré comme l'un des cinq plus grands virtuoses de la musique contemporaine, mais aussi comme celui qui a ouvert de nouvelles perspectives à la musique actuelle en exprimant l'esprit oriental dans ses mélodies particulières . Orient et Occident coexistent ainsi dans son automne 2004 1Koreana 79


univers musical que caractérise une quête d'harmonie entre

Festival international de musique de Tongyeong, il faut

la nature, l'homme et l'ensemble du monde.

remonter à 1982, année marquée par la première

Né en 1917 à Tongyeong, dans la province de

représentation d' Exemplwn in Memoriam Gwang-ju! dans

Gyeongsangnam-do, il reçoit en Corée et au Japon une

le cadre du Festival annuel de musique nord-coréen de

éducation musicale associant théorie, composition et étude

Yun 1-sang, puis, pendant deux jours en septembre de la

du violoncelle . A partir de 1948 , il se consacre à

même année, par celle de la Nuit Yun !-Sang de la

l'enseignement de la musique à Tongyeong et à Busan.

Composition lors du 7e Festival de musique sud-coréen,

Après son mariage, célébré en 1950, il s' installe en Europe

qui préfigurait l'actuel Festival international de musique

pour étudier au Conservatoire de musique de Paris, puis

de Séoul. C'est indéniablement cette Nuit de la

parachever ses études de composition et de théorie musi-

Composition, une manifestation hors pair, qui révéla au

cales à la faculté de musique de l'Université de Berlin-Est.

public le monde musical de Yun 1-Sang, jusqu'alors tou-

En 1959, au festival de musique de Darmstadt, son Air

jours méconnu pour des raisons politiques et du fait de sa

pour sept instruments, arborant les couleurs de la musique

distanciation des critères musicaux qui prévalaient au Sud.

traditionnelle coréenne, lui a valu l'attention particulière

Par la suite, grâce à sa Nuit des chants coréens organisée

des mélomanes européens. Il s'installe alors en Allemagne

sous les auspices de la Fondation Culturelle de Tongyeong

et s'adonne pleinement à sa passion pour la musique. Il y

en 1999 et rebaptisée Festival de musique contemporaine

composera en 1972 l'opéra Simcheong, qui fut joué lors

de Tongyeong l'année suivante, le compositeur, à titre

du spectacle de bienvenue de la cérémonie d'ouverture des

posthume, allait être à l'honneur dans cette manifestation

Jeux Olympiques de Munich. En 1985, il se voit décerner

durant trois années consécutives, c'est-à-dire jusqu'en

un doctorat honoris causa par l'université de Tubingen. En

2001. Il incarne aujourd'hui l'innovation musicale, non

1987, M. Weizsaecker, alors président de la République

seulement en Corée, mais aussi dans toute l'Asie et en

fédérale d'Allemagne, lui remet la prestigieuse Croix de

Occident. Dans cette optique, en vue d'une meilleure

l'Ordre du Mérite pour Services distingués. C'est dans ce

compréhension de la musique contemporaine, le Festival

même pays qu'il rendra son dernier souffle, sans revoir sa

propose à l'intention des mélomanes et musiciens pro-

patrie qui lui était si chère, impliqué qu'il était dans les

fessionnels, coréens comme étrangers, une programmation

divers mouvements de démocratisation en Corée du Sud.

composée de séminaires et cours dispensés par les compositeurs invités.

Naissance du Festival international de musique Pour obtenir un aperçu historique complet du 80 Koreana I automne 2004

C'est en 2002 qu'il a finalement pris le nom de Festival international de musique de Tongyeong, la stature


Le Festival international de musique de Tongyeong est dédié à la mémoire du grand compositeur coréen de musique moderne Yun 1-Sang (à gauche). La violoniste Sarah Chang et l'Orchestre philharmonique de Vienne ont interprété des oeuvres sous la direction de Zubin Mehta en clôture du Festival international de musique de Tongyeong 2003 ( au centre). Un concert saisonnier accueillait le Trio Chung (Chung Kyung-Hwa, Chung Myung-Hwa et Chung Myung-Whun) au mois d'août dernier (à droite).

pour hautbois de Heinz Holliger, ami du défunt artiste comptant parmi les meilleurs interprètes de hautbois et qui a dirigé l'Ensemble Moderne d'Allemagne. N'oublions pas enfin la cérémonie de clôture, qui a vu se produire en duo les virtuoses Zubin Mehta et Sarah Chang. La Cappella de Saint-Pétersbourg, composée d'une soixantaine de musiciens, et le quatuor à cordes Hugo Wolf, formondiale de cette manifestation, à laquelle assistent plus

mation de la jeune génération viennoise, ont aussi honoré

de 30 000 personnes, justifiant pleinement son qualificatif.

cette manifestation de leur présence avec un répertoire de

Lors de cette édition, il a rassemblé plus de deux mille

haut niveau. L'opéra de chambre Rêve de Yun !-Sang a

interprètes provenant de quatorze pays, notamment au sein

quant à lui été donné pour la première fois dans son pays

de l' Orchestre philharmonique de France qui, sous la

natal. En outre, un spectacle de la Troupe de musique clas-

direction du célèbre Chung Myung-Whun, a exécuté des

sique et traditionnelle de l'Institut national de musique tra-

compositions de divers genres musicaux, du contemporain

ditionnelle de Corée ainsi que l'interprétation de composi-

au classique en passant par le jazz.

tions musicales accompagnant les rites exorcistes des

Il comportait également un volet expérimental invitant

régions du sud ont éclairé les esprits sur les liens qui unis-

l'ensemble du public à une participation spontanée en dehors

sent la religion à la musique. Ainsi, alors que l'édition 2002

des représentations officielles. A noter également le succès

avait proposé des oeuvres à portée sociale, celle de 2003

d'un projet novateur de design environnemental qui avait

aura plutôt mis l' accent sur des sélections classiques et

pour objectif de mettre à l'honneur la localité de Tongyeong

modernes à caractère religieux.

et d'établir des modèles d'occupation de l'espace propres à ce festival afin de remettre en valeur les particularités locales

Le défi d'une manifestation saisonnière

et de doter l'événement d'une identité spécifique. Toute la

Aux fins de son édition 2004, le festival s'est doté

ville de Tongyeong a bien sûr été décorée selon des critères

d'un cycle saisonnier. Pour répondre à des problèmes

qui visaient à mettre en valeur comme il se doit la tenue du

d'organisation et à des contraintes budgétaires qui avaient

festival, donnant une allure grandiose non seulement au

jusqu'alors limité sa durée à dix jours par an, des manifes-

Centre culturel municipal, appelé à jouer un rôle clé, mais

tations musicales annuelles, concerts et concours interna-

aussi à la Maison du Festival, bâtiment-hôte des activités

tionaux seront désormais proposés au public et aux musi-

expérimentales, ainsi qu'à la rue Yun I-Sang, située dans le

ciens du monde entier sous la bannière de Tong-yeong ou

quartier de Docheon-dong.

du Festival international de musique de Tong-yeong

L'édition 2003 a eu l'honneur d'accueillir l'Orchestre

(TIMF), englobant les musiques contemporaine et mod-

philharmonique de Vienne, constituant ainsi une première

erne. L'événement renaîtra également sous forme d' un fes-

musicale au plan régional et confirmant le potentiel de

tival international élargi et d'une entité dont la gestion sera

développement du Festival. Mentionnons encore la

confiée au nouveau conservatoire de musique qui sera

représentation d'ouverture au cours de laquelle a été inter-

prochainement créé à Tongyeong.

prétée une composition dédiée à Yun !-Sang, le Concerto

Ce changement traduit l'ambition qu'a l'actuelle automne 2004 1Koreana 81


Fondation du Festival international de musique de

engagés pour doter la ville d'une authentique manifestation

Tongyeong de donner un nouveau souffle à une industrie

internationale, peut se résumer aux quatre orientations

coréenne du spectacle aujourd'hui en pleine récession et

suivantes. Il s'agira en premier lieu de privilégier l'aspect

de faire de Tongyeong une ville mondiale de la musique.

artistique en élargissant les bases actuelles de la culture

En d'autres termes, ville et festival sont appelés à devenir

musicale et en favorisant mieux l'essor artistique et culturel

un modèle représentatif de la zone Asie dans le domaine

national par un recentrage plus prononcé sur l'univers du

des spectacles de musique classique, fournissant ainsi aux

célèbre compositeur Yun 1-Sang. Il conviendra aussi de ne

jeunes talents locaux des débouchés sur le marché étranger

pas négliger la dimension internationale du festival afin d'en

au moyen de concours musicaux. Une telle évolution don-

faire un carrefour mondial de la musique où tradition

nerait aussi un élan décisif au monde du spectacle coréen,

coréenne et modernité occidentale se rencontreront par le

qui souffre d'être méconnu et ne satisfait la demande du

biais de coopérations et d'échanges entre musiciens coréens

marché extérieur que par le biais de relations unilatérales

et étrangers. On s'emploiera en outre à ne pas sous-estimer

avec des artistes étrangers et des sociétés gestionnaires au

le caractère culturel de l' événement : en misant sur les

bénéfice de ces derniers.

valeurs et le potentiel de la culture traditionnelle, les

Dans ce contexte, les manifestations saisonnières du

organisateurs souhaitent dynamiser la culture locale et

Festival 2004 pourraient s'entendre comme une étape tran-

développer l'esprit artistique de la population. Enfin, les

sitoire vers l'objectif ultime de la célébrité universelle.

retombées économiques devront être multiples. La venue

Le Festival Open, qui s'est tenu du 22 au 27 mars,

de touristes coréens et étrangers devra profiter pleinement

affichait au total quinze représentations, dont, pour n'en

à l'économie régionale ainsi qu'à l'image de marque et

citer que quelques-unes, l'opéra Geisterliebe, le concert de

aux attraits de la ville de Tongyeong.

violoncelle qui réunissait Natalie Clein, Matt Haimovitz et

Si le Festival international de musique de Tongyeong

Baek Na-young, la prestation de la State Symphonie

a une histoire relativement courte marquée par la tenue de

Cappella russe, l'interprétation de Water Passion par Tan

trois festivals locaux de musique contemporaine, de 1999

Dun, le concert de flûte à bec donné par Tosiya Suzuki et

à 2001, et de trois festivals internationaux de musique, de

l'apparition du Trio Ahn. Les concerts saisonniers se

2002 à 2004, il connaît toutefois un essor considérable au

seront finalement succédé d'avril à août, avec, en avril,

regard d'autres manifestations musicales d'envergure

celui de !'Orchestre philharmonique municipal de

internationale, tant du point de vue du budget et des partici-

Changwon, qui a interprété le Gurrelieder de Schonberg,

pants que de celui des interprètes ainsi que des niveaux

en juin, le concert en duo de Micha Maisky et Paik Hae-

quantitatif et qualitatif de sa programmation. Peut-on alors

sun, et en août, le spectacle du Trio Chung. Enfin, l'année

espérer que Tongyeong deviendra bientôt un· carrefour de

2004 aura eu pour point d'orgue la représentation de

la musique classique en Asie et que le public coréen de

!' Orchestre philharmonique de Berlin, lequel, par un

chacun de ses festivals atteindra le chiffre de 50 000 per-

curieux concours de circonstances, s'est produit à Séoul,

sonnes ? L'avenir nous le dira.

mais toujours dans le cadre du Festival international de musique de Tongyeong.

Partout dans le monde sont organisées des manifestations dont la célébrité égale celle des artistes invités. Au pays natal du compositeur Yun 1-Sang, tel est bien l'objec-

Pour une ville mondiale de la musique

tif que se sont fixé les organisateurs du Festival internation-

Tongyeong aspire à devenir un centre d' activités musi-

al de musique de Tongyeong et rien ne sera laissé de côté

cales de haut niveau au plan international avec pour voca-

pour que la cité du regretté artiste n' ait plus rien à envier,

tion première d' accueillir de nombreux musiciens, touristes

dans un proche avenir, à ces villes qui, en d'autres contrées

et étudiants du monde entier. L'objectif que poursuit la

de la planète, ont aujourd' hui une ou plusieurs longueurs

municipalité de Tongyeong, à travers les efforts qu'elle a

d'avance dans la tenue de manifestations musicales. i...t

82 Ko reana I automne 2004


automne 2004 1Koreana

83


L épopée du nomade 1

Kim Young-ha écrit des romans par lesquels il ambitionne de sympathiser avec un public mondial tout en surmontant la difficulté que représente le caractère régional, et donc de portée limitée, de la littérature coréenne. Présentes dans ses oeuvres, les expériences de l'auteur, toujours en quête de nouveauté, attestent bien de ce désir. Kim Dong-shik Critique littéraire et chargé de cours à l'Université Nationale de Séoul

C

A dix ans, il est victime d' un grave accident à la suite

'es t au milieu des années 1990 que Kim Young-ha devient un écrivain représentatif de

duquel il est frappé d'amnésie, les souvenirs accumulés

la littérature coréenne. Après avoir fait ses

jusqu'alors s'effaçant totalement de sa mémoire. Lors d'un

débuts littéraires en publiant, en 1995, une

interview accordé à un journal, en 1999, il affirmait être

nouvelle intitulée Méditation sur le miroir, il va signer

parvenu à reconstituer la plupart de ceux-ci sur la base de

maints écrits de sa plume, notamment des recueils com-

ceux relatés par son entourage familial et des rares photos

prenant ces autres nouvelles que sont Appel (1997), Qu 'est

ayant subsisté, un matériau toutefois très fragile. En des

devenu l'homme coincé dans l'ascenseur? (1999) ainsi

termes plus crus, nous dirons qu'il s'agit de souvenirs

que Grand frère est revenu (2004), ou encore les romans

d'origine textuelle.

l'ai le droit de me détruire (1996), Pourquoi Arang? (2001) et Fleur noire (2003).

L'absence de références à tout souvenir d'enfance ou à un quelconque pays natal peut certes être considérée

Dans les recueils d ' essais intitulés Pêche aux

comme un malheur personnel, mais elle constitue d'autre

ombrines séchées (2000) et Post-it (2002), il fait aussi

part une clé très importante pour comprendre l'univers

clairement la preuve de ses talents d'essayiste, et dans

littéraire de !'écrivain. Nombreux sont ceux qui constatent

Histoires du cinéma, ouvrage sur lequel il travaille con-

l'important rapport qu'entretient la littérature coréenne au

jointement avec l'auteur de bandes dessinées Lee Woo-il,

sentiment romantique de nostalgie du pays natal et aux

il se plaît à dépeindre une rencontre particulière entre la

traumatismes de l'enfance. Kim Young-ha échappe pour-

littérature et le septième art.

tant à cette tendance générale, sans doute parce que l'image

Né à Hwacheon en 1968, Kim Young-ha a étudié la

du pays natal est chez lui inexistante et les souvenirs

gestion à l'université. Ce qui retiendra l'attention est

d'enfance, immergés dans l'espace de l'oubli. A parler plus

l'absence de toute référence à un quelconque pays natal

simplement, les romans de Kim Young-ha conjuguent une

lorsqu'il évoque son enfance. Il dut en effet déménager

narration ayant pour point de départ l'absence de souvenirs

chaque année pour suivre son père, un militaire de carrière.

à une épopée nomade sans pays natal où retourner.

D'ailleurs, ne dit-il pas souvent lui-même qu'il n'y a pas

La nouvelle intitulée Le déménagement est ainsi

un seul lieu dont il puisse prétendre qu'il s'y sentait des

imprégnée de cette insouciance nomade propre à

racines étant enfant ?

l' écrivain. Dans cette oeuvre, la poterie de Gaya, du nom

84

Koreana I automne 2004


de ce royaume qui eut pour berceau le sud de la péninsule

image qui n'est pas unique et cohérente, mais morcelée, où

coréenne voilà mille cinq ceµts ans, symbolise ce pays natal

coexistent désir et oppression, fantasme et réalité, ordre et

où l'on ne peut aller et d'où l'on ne peut revenir. Le sable

chaos. Ses nouvelles évoquent de façon saisissante les

jaune dont il est question au fil des pages représente l'incer-

multiples symptômes nés du conflit entre le corps, prenant

titude des origines puisque l'on ne sait s'il provient de

l'apparence d' un puzzle, et le monde réel, lorsque le pre-

Takla-makan ou d'ailleurs. Le déménagement est donc une

mier se détache du second.

expérience «incompréhensible» qui arrache des souvenirs à

Cette idée du changement de corps ne se limite pas à la

l'inconscient en relation avec l'absence de pays natal. Tout

thématique du roman, mais s'étend à la constitution même de

ce dont est sûr Jin-su, le personnage principal du livre, c'est

ce dernier. Pourquoi Arang est une oeuvre dans laquelle les

qu'il s'endormira à un endroit tout à fait autre que celui de

limites séparant l'histoire de la fiction deviennent inopérantes

la veille. Il s'agit en d'autres termes d'une réaffirmation du

à travers une écriture révisionnaire de la légende d' Arang,

destin nomade par le biais des mouvements métonymiques

bien connue des Coréens. Ce conte prémodeme, réactualisé

du déménagement. Et si l'on pouvait comparer le roman au

dans un premier temps en roman policier, prend ensuite la

voyage, celui de Kim Young-ha serait un itinéraire qui

fo1me d'une fantaisie futuriste, le tout dans un cadre où tech-

n'aurait rien à voir avec l'origine ou le pays natal ou encore

niques de méta-fiction et roman interactif se complètent.

avec un trajet où l'éternel voyageur part à la recherche de souvenirs qui se sont éteints dans sa mémoire.

Fleur noire conte l'histoire de Coréens qui, pattis en Amérique centrale en 1905, tentent de bâtir une ville dans la

Une œuvre des débuts, Méditation sur le miroir, ainsi

jungle du Guatemala aussitôt après la colonisation de la

que le premier roman, J'ai le droit de me détruire, relatent

Corée par le Japon. Ce roman a pour protagonistes non des

parfaitement la problématique de Kim Young-ha. Si le

héros, mais des personnes ordinaires, la grammaire tradi-

miroir peut être perçu comme une source d'identité reflétant

tionnelle des romans historiques s'en trouvant altérée : la

une métaphore de la réalité, Méditation sur le miroir montre

première partie de !'oeuvre relate la venue au monde d'indi-

que cette identité et cette réalité qui nous sont renvoyées ne

vidus «contemporains» et, dans la seconde partie, nous pou-

peuvent en fin de compte se maintenir que par la fiction et

vons suivre le destin particulier de chacun d'entre eux.

le fantasme. Par ailleurs, dans J'ai le droit de me détruire,

Dans un contexte coréen où la littérature se marginalise,

le « moi », qui est en droit de s'anéantir, est aussi celui à

Kim Young-ha est, on peut le dire, un écrivain qui a

qui il est permis de se forger une nouvelle identité. C'est la

entamé une profonde réflexion sur l'autre destin qu ' est

fiction, et non la réalité, que Kim Young-ha observe dans le

celui de la littérature. Comme il l'affirmait dernièrement,

miroir, métaphore privilégiée du réalisme. Il aspire en outre

son rêve n'est pas de recevoir un prix littéraire ·en Corée,

à une nouvelle identité, par le biais d'un personnage fictif,

mais de voir ses livres se vendre avec succès dans les prin-

annihilant celle qui le caractérise déjà.

cipales librairies de New York et de Paris. Aspirerait-il

Dans ce contexte, quelle nouvelle identité souhaiterait-

donc à une véritable envergure internationale? Pas

il obtenir en s' autodétruisant? Celle-ci ne peut que reposer

forcément. Il serait plus sage d'avancer qu'il désire avant

sur le fantasme et la soumission du corps au désir. Pour

tout sortir la littérature coréenne de son statut régional

employer une image, il s'agit d'un corps qui va et vient, à

puisque la diffusion de celle-ci se limite à ce jour au seul

la recherche de ses propres limites, ou se métamorphose.

Nord-Est asiatique. Ou bien Kim Young-ha rêve-t-il tout

L' oeuvre véhiculant le mieux cette démarche est Le lézard,

simplement de doter la littérature du Pays du Matin calme

du nom de ce reptile devenu ici objet de fantasme, entrant

d' une nouvelle 01igine? En guise de réponse, si quelqu'un

dans le corps pour réveiller et stimuler des désirs

me questionnait sur l'état actuel et le devenir de la

jusqu'alors oubliés, murmurant qu'il faut changer celui-ci.

littérature coréenne, je lui mettrais entre les mains les oeu-

Dans les romans de Kim Young-ha, le corps représente une

vres de Kim Young-ha! ~

Sommaire 2004 1automne

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Chères lectrices et chers lecteurs de Koreana,

The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-072 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

Fax : 82-2-3463-6086

Avec ce numéro d'automne 2004, la Fondation de Corée est heureuse de rééditer la version française de Koreana, publication trimestrielle présentant les arts et la culture coréens et dont cette édition avait dû s'interrompre en 1998 pour des raisons financières. Nous souhaitons vivement que sa parution permette aux lecteurs francophones de retrouver leurs repères dans l'histoire et la société du pays du Matin calme. Depuis sa création, en 1992, la Fondation de Corée participe activement à divers échanges scientifiques et culturels dans le but de mieux faire connaître le pays dans la communauté internationale et d'oeuvrer à l'amitié entre les peuples. Publiée en français, anglais, chinois et espagnol, Koreana est une prestigieuse revue diffusée dans les bibliothèques, musées, universités et instituts de recherche de cent cinquante pays. La Fondation de Corée s'engage à faire tout son possible pour vous apporter des informations aussi abondantes qu'utiles sur la Corée. Libre à vous de nous livrer vos impressions, auxquelles nous réserverons le meilleur accueil! Septembre 2004, La Fondation de Corée

Veuillez écrire à l'adresse suivante pour toute demande ou résiliation d'abonnement, ainsi que pour signaler un changement d'adresse: Publication & Media Department, Korea Foundation, Seocho P.O. Box 227 137-072 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Adresse électronique : publication@kf.or.kr

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