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BEAUTÉS DE CORÉE
Escarpins brodés
L
e terme «suhye» désigne des escarpins de soie aux
Leu r fabrication consistait à recouvrir l'empeigne de
élégants motifs brodés également connus sous le
plusieurs couches de chanvre auxquelles se superposait
nom de «kkotsin » ou souliers fleuris. Très en vogue dans
une étoffe de soie r ouge ou bleue . A ces opérations
le royaume de Silla [57 av. J.-C. - 935 ap. J.-C.]. ils furent
succédait l a réalisation de gracieu x dessins de
aussi particulièrement prisés des Coréennes jusqu'à la
chrysanthèmes, pins, bambous et feuilles de vigne brodés
Dynastie Joseon [1392 -1910].
avec des fils de soie de couleur. Une paire de «suhye»
Portés par les femmes de la classe dirigeante dite
supe r bement décorés de la sorte représentait un acces-
«sadaebu», ils n'en étaient pas l'apanage puisque celles
soire indispensable pour les élégantes d'alors, certaines
du peuple avaient l'occasion de les chausser le jour de leur
exigeant même l'exécution du motif fleuri de leur choix. Une
mariage, ainsi qu 'en certaines circonstances ou lors de
fois les escarpins chaussés, les longues robes ondoyant à
sorties. Elles constituaient ainsi un article vestimentaire
chaque pas en laissaient discrètement entrevoir la pointe,
très apprécié des roturières.
expression du charme et de l'élégance des belles. 1.:.1
Koreana
Arts et Culture de Corée Vol. 6, N' 1 P r intemps 2005
,,
Forteresses coreennes 8
La Forteresse Hwaseong de Suwon Création coréenne de génie 1
Kim Dong-uk
Koreana sur Internet
http://www.koreana.or.kr
Beauté et originalité des forteresses coréennes 1
18
Cha Yong-geol
Forteresses de montagne, avant-postes de la défense nationale 1
Yu Jae-chun
Citadelles, lieux de refuge des populations 1
Hur Kyoung-jin
© Foundation de Corée 2005 Tous droits réservés. Toute reproduction intégrale, ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée, est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme (Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 1987), est aussi publiée en chinois, anglais, espagnol et arabe.
34
DOSSIER
2005, année de la Corée pour un rapprochement coréano-allemand 1
38
Kwon Young-min
ENTRETIEN
Kim Seok-chul ou l'urbanisme futuriste
I LeeSang - hae
ARTISANAT
Maître Jang Ju-won : toute une vie dédiée à la passion du jade 1
52
Ryu Min
Couverture : Les rois coréens et leurs sujets unirent leurs efforts pour émailler la péninsule de milliers de forteresses constituant autant de lieux de refuge sûrs. Construite en 1624, la Forteresse de Namhansanseong assu rait la défense du sud de Séoul.
Photo: Chai Jin-youn
CHEFS-D'ŒUVRE
Pagodes en pierre à trois étages du Temple Gameunsa 1
56
Kim Seung-hee
CHRONIQUE ARTISTIQUE Park Soo-Keun, premier peintre populaire coréen
Retour aux sources de son œuvre 1
60
Publication trimestrielle de la Fondation de Corée
Kwon Sung-ah
1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud
A LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE
La typographie métallique aux origines de la civilisation moderne 1
66
Kim Hong-yeong
ESCAPADE Jinhae
CO MITÉ DE RÉDACTION Choi Jaan -sik
I Chung ll-keun
VIE QUOTIDIENNE Les foules éclair
Une déclaration d'indépendance culturelle de la jeunesse 1
78
Joung Yoon-soo
SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Professeur Hwang Woo-su k
Han Kyung-koo, Han Myu ng-hee, Kim Hwa-ypung, Kim Moon-hwan, Kim Young-na , Rhee Jin-bae ABONNE MENTS
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Kim Hyeh-won
REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Chai Seang-su DESIGNER Hwang Dong-seok RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Chung Bo-young, Park Ok-soon
Bruissements d'avril près de la Mer du Sud 74
ÉDITEUR Kwan ln Hyuk DI RECTEUR DE LA RÉDACTIO N
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Le «seolleongtang», une invitation au partage
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85
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Jeong Gueoi-rhi IMPRIMÉ AU PRINTEMPS 2005 PAR
Quelques jours à Mujin
I
Traduction:KimJeong-yeonetSuzanneSalinas
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La Forteresse Hwaseong de Suwon Création coréenne de génie Fruit d'une rigoureuse conception scientifique, la Forteresse Hwaseong représente la quintessence de ce type d'architecture en Corée ainsi qu'un héritage tout à la fois imposant et gracieux. Kim Dong-uk Professeur d'architecture à L'Université Kyonggi Suh Jai-sik Photographe
·est en 1997 que l'UNESCO allait classer cette place forte au patrimoine culturel mondial et déclarer qu'elle constituait un «remarquable spécimen d'architecture militaire bénéficiant des avancées les plus importantes réalisées dans cette science tant en Orient qu'en Occident». Construite au XVIIIe siècle, elle constitue pour ainsi dire le dernier ouvrage fortifié d'un pays au passé millénaire et les experts y voient une remarquable percée technique et technologique dans le domaine de l'architecture. On ne saurait toutefois la réduire à sa fonction militaire car elle possède une dimension autrement plus profonde faite de piété filiale, valeur morale qui régit longtemps les coutumes et usages de la Corée. Elle est enfin le produit de l'école pragmatiste du XVIIIe siècle dite de «Silhak», dont les principes s'appliquèrent à la construction.
C
chant, à l'instar de l'école de Silhak et contrairement à des démarches purement théoriques, à apporter des progrès concrets dans la vie quotidienne, existèrent de tous temps et dans tous les pays, mais elles prirent un sens particulier dans la Corée du XVIIIe siècle. Tout occupés qu'ils étaient jusque là à débattre de philosophie confucéenne, les lettrés coréens s'intéressèrent alors aux modalités par lesquelles ils pouvaient mettre leurs théories en pratique pour améliorer l'ordinaire des gens du petit peuple. Dans toutes les sphères de la société apparurent des germes de changement et on salua dans la Forteresse Hwaseong le plus grandiose accomplissement de ce mouvement. La mise en œuvre par cet ouvrage de multiples expérimentations scientifiques sans précédent et de procédés technologiques des plus avancés procède en grande partie d'un tel pragmatisme, qui y concrétisa l'éthique de piété filiale et le mode de pensée «silhakien».
L'esprit des bâtisseurs
Si respect et gratitude envers les parents constituent des valeurs universelles, la Corée est l'un des rares pays où cette piété filiale s'instaure en norme dans la vie quotidienne, telle trne vertu cardinale profondément ancrée dans la société. Aujourd'hui encore, quand vient la récolte automnale, chacun délaisse son travail pour repartir dans sa région natale retrouver ses parents et rendre hommage à ses ancêtres, obéissant à une tradition qui représente le temps fort de l'année. C'est en découvrant les nombreuses tombes aménagées sur des collines d'où l'on a par ailleurs une excellente vue que les touristes étrangers réalisent à quel point les Coréens vénèrent leurs aïeux. Cette piété filiale indissociable de la coréanité a motivé dans une large mesure la construction de la Forteresse Hwaseong. Des approches architecturales pragmatistes cher8 Koreana I Printemps 2005
Naissance d'une cité nouvelle
La mise en chantier de la Forteresse H~ aseong fut ordonnée par le roi Jeongjo [r. 1776-1800]. vingt-deuxième de la Dynastie Joseon, pour y créer le site le plus adapté à recevoir la sépulture de son père, car si le pays en comptait déjà trois destinés à cet usage, deux d'entre eux abritaient déjà d'autres tombes royales, seul le dernier restant disponible et c· est à l'été 1789 que le monarque y fit élever le tombeau de son géniteur. Ce dernier, le prince héritier Janghyeon [1735-1762]. s'étant attiré les foudres paternelles, connut une fin tragique enfermé vivant dans un coffre à riz. Ce terrible châtiment aurait résulté d'intrigues ourd ies par des hauts fonctionnaires désireux de l'écarter du trône. Lorsque Jeongjo y succéda à son aïeul, il résolut, pour être en paix avec son âme, de faire édifier la tombe de son père,
Le Hwaseongseongyeokuigwe décrit par le détail les dispositifs défensifs dits «gong simdo n» qui dotent les ailes nord- est et nord -ouest de la forteresse. 2 Structure ovale à trois étages, le «gongsimd on» nord- est !tour de guet) constitue l'un des principaux attraits de la Forteresse Hwaseong . D'ét roites meurtrières ménagées au deuxième éta ge permettaient aux défenseurs de diriger leurs armes sur les envahisse urs, et un pavillon situé au troisième étage, de surveiller étroiteme nt les mouvements ennemis.
nommé à titre posthume Prince héritier Sado, à l'emplacement le plus propice qui soit. Comme le meilleur qui subsistât alors se situait sur un versant de colline, dans une localité du nom de Suwon, et non en montagne, il n'y avait d'autre choix que de déplacer la ville pour élever la tombe à l'e mplacement retenu. Cet été-là, le peuple de Suwon reçut ordre d'élire domicile dans une cité nouvelle établie plus au nord puisque la sépulture royale prendrait place sur les montagnes avoisinantes, ce qui fut fait aux confins de la vieille ville en application d'un édit royal, la Nouvelle Suwon surgissant aux pieds du Mont Paldalsan. Cette dernière fut dotée d'une administration locale et des quatre coins du pays, de nouveau x arrivants vinrent se joindre au x premiers habitants. Si un tel projet peut à première vue sembler le fruit de l'esprit dérangé d'un monarque puissant et tyrannique, il se fondait intégralement sur un raisonnement politique dont la logique n'apparaît pé;ls immédiatement. Lors de l'accession du roi au pouvoir, la Cour était en proie à des divisions factionnelles qui empêchaient ce dernier de régner comme il l'entendait, les mêmes qui auparavant avaient conduit son père à sa perte. Fermement résolu à mettre en place un système politique et à asseoir durablement son autorité, il lui fallait disposer de ressources économiques. Carrefour entre la capitale et la partie méridionale du pays, Suwon recevait les marchandises en provenance de celle-ci, mais les montagnes qui l'entouraient rendaient les transports difficiles. Le roi conçut donc l'idée de la déplacer dans une région de plaines pour y attirer marchands et hommes d'affaires et en faire ainsi la plateforme de son soutien économique à la Cour, où le projet ne manqua d'ailleurs pas de susciter les objections de cerPrintemps 2005 1Koreana 9
La forteresse Hwaseong fut révolutionnaire par sa structure affranchie des limitations que connaissaient les constructions antérieures. Son édil':ication fut possible sous l'effet conjugué du travail inlas~able d'un groupe de créateurs privilégiant des préoccupations concrètes et de l'ambition d'un roi cherchant à renforcer le pouvoir monarchique tout en faisant acte de piété filiale envers son père. tains officiers. Soucieux d'étouffer toute prostestation,
effectivement de toutes les constructions précédentes,
Jeongjo argua de sa piété filiale, qui aurait motivé sa
sans pour autant s'inscrire à l'opposé de toute tradition.
volonté sur le site le plus avantageux du pays et qui ne
Ses murailles s'élevant à flanc de rocher sur le Mont
souffrait aucune critique.
Paldalsan, à l'Ouest, et s'étendant en surfaces planes
Lorsque surgit la nouvelle cité, les premiers résidents
partout ailleurs, possédaient un pourtour ovale de 5,4
de Suwon s·y établirent, bientôt rejoints par de nouveaux
kilomètres ponctué d'entrées à chaque point cardinal et de
venus auxquels le monarque avait promis non seulement
quarante-huit ouvrages défensifs.
la prospérité, mais aussi l'attribution de nombreux pri-
Ces derniers comportaient postes de garde, case-
vilèges. La ville s'étendait donc rapidement et trois à qua-
mates pourvues de canons et tours de guet [«gongsimdon
tre années plus tard, sa population s'accrut au rythme de
»] permettant de surveiller les mouvements ennemis.
ses nouveaux quartiers. A la cinquième année, le roi
Nombre d'entre elles ne figuraient dans aucune autre
ordonna de faire ceindre la ville de la plus belle et plus
forteresse coréenne et les plus novatrices en étaient
solide des forteresses de Joseon, qui allait prendre le nom
indéniablement les postes de garde, tours de guet et
de Hwaseong, lançant ainsi le plus important chantier de
«oseongji», douves en forme de cinq étoiles placées à
cette Dynastie Joseon.
l'avant des remparts pour prévenir les incendies. D'une
Fruit du génie scientifique de Silhak c· est à Jeong Yak-yang [1762-1836]. alors conserva-
donc pas particulièrement hauts, étaient d'une construction très s·olide pour résister aux assauts d'artillerie, grâce
teur de la bibliothèque royale, que Jeongjo confia la tâche
à des sacs de sable empilés sur leur face intérieure pour
de concevoir la Forteresse et d'en organiser la construc-
amortir les chocs.
hauteur de quatre à sept mètres, ces murs, s'ils n'étaient
tion. L'homme ne possédait pourtant guère d'expérience
Elaborée au XVIIe siècle, cette technique de construc-
dans cet art, pas plus que dans celui de la stratégie mili-
tion, ainsi que les dispositifs défensifs anti-artillerie, cons-
taire, n'étant pas un guerrier, mais un savant prometteur
tituent l'une des particularités de Hwaseong. Par com-
qui avait passé avec succès les difficiles concours adminis-
paraison avec les ouvrages antérieurs co_mposés de
tratifs nationaux dits gwageo. Parce qu'il voulait que la
quelques remparts percés d'entrées et comptant quatre
place forte fût différente des autres, Jeongjo lui en confia
ou cinq casemates, cette place forte a marqué un tournant
cependant la réalisation et lui remit à cet effet les derniers
dans ce domaine de l'histoire architecturale coréenne en
traités rapportés de Chine, notamment sur les sciences et
ponctuant les remparts de dispositifs défensifs à intervalle
technologies occidentales décrites par un missionnaire
d'une centaine de mètres pour permettre l'installation
allemand. Ainsi commandité par le roi, Jeong Yak-yang
d'armes telles que canons et fusils .
entreprit alors l'étude approfondie de documents relatifs
La présence d'un dispositif aussi important s'explique
aux forteresses coréennes mais aussi chinoises, ainsi que
par la situation de la Corée en ce XVIIIe siècle. Les forte-
de plusieurs ouvrages portant sur les technologies occi-
resses se limitaient alors à de simples remparts édifiés
dentales avant de soumettre un projet de construction
sur des terrains montagneux très accidentés, les zones
particulièrement adapté à la ville nouvelle de Suwon.
peuplées s'étendant dans des plaines délimitées par des
L'édification allait débuter, conformément à ses
murailles, et lors d'invasions, elles se vidaient de leurs
plans, dès le printemps 1794 pour s'achever deux ans et
habitants, qui partaient guerroyer sur les premières. Il
demi plus tard, à l'automne 1796 et le résultat en différa
s'agissait d'une tactique militaire spécifiquement coréenne
10 Koreana I Printemps 2005
,1: 1 Le Suwonneunghaengdo est un e série de huit ta blea ux représenta nt la Forte resse Hwas eo ng.
Celui-ci évoque les festivités que donna le roi Jeongjo à Suwon pour le soixantiè me a nniversa ire de sa mè re !Musée d'a rt Leeum de Sa ms ungl. 2 Cette a utre scèn e du Suwonneunghaengdo est celle de manoeuvres militaires nocturnes réa lisées à l'ouest du poste de co mma nde me nt de la forteresse . 3 Ouvrage de référence , la chroniq ue dite Hwaseongseongyeokuigwe fo urnit des info rmatio ns très précises su r la construction de la Forte resse Hwaseong, ainsi que la chronolog ie des princi pa les étapes du projet, les no ms des age nts de l' Etat ven us s uivre so n déro uleme nt quotidi en et des illustrations détaillées des bâtisses et matériels de construction. 4 Nouveaux a ppareils, tel le «geojunggi », sorte de pouli e destin ée a u levage des pi erres, et matéria ux de constr uc tion améliorè rent considérab le me nt la productivité lors de la construction de la Forte resse de Hwaseon g.
qui avait été mise au point au fil des incursions chinoises
agglomération . Tel fut le principe sur lequ el reposa la
repoussées avec succès, ou de celles de tribus nomades
structure conçue par son architecte, à savoir qu· en temps
venues du nord . Avec la stabilité sociale et la prospérité qui
de guerre, il convenait que les habitants ne soient pas con-
caractérisèrent le XVIIe siècle, la population douta du bien-
traints de gagner la forteresse de montagne, mais au con-
fondé d'abandonner les villes en temps de guerre pour se
traire combattent l'ennemi de l'intérieur de la ville.
réfugier dans les fortins car l'essor urbain dissuadait des citadins toujours plus nombreux de le faire. Destinée dès ses origines à devenir zone d'activité
Il en résulta donc l'édification de remparts d'une hauteur adaptée à la défense et l'implantation, sur toute leur longueur, de divers dispositifs défensifs inexistants dans
économique, Hwaseong accueilli t de nombreu x
les forteresses précédentes et à cet égard, Hwaseong est
marchands qui créèrent toujours plus de richesse et la
bien le produit de son siècle . Bien qu'il ne fû t pas
réalisation de sa forteresse exigea it des techniques de
expé rimenté dans l'art militaire , Jeong , savant de l'école
construction évoluées à la hauteur d'une telle
pragmatiste, était au fait des évolutions en cours et donc Prin te mps 2005 1 Koreana 11
Reconstitution d'une séance d'exercices militaire à la Forteresse Hwaseong. 2 Des feux allumés successivement permettaient d'acheminer des messages vers les rég ions environnantes. 3 À l"ouest de la Forteresse Hwaseong, la porte de Hwaseomun présente un «ongseong», échauguette semi- circulaire en brique faisant saillie pour assurer une protection supplémentaire des accès. 4 La tour polygonale nord-est abrite un pavillon d'où l'on pouvait aussi bien surveiller les environs qu'en contempler tranquillement les paysages pittoresques. 5 Les noms des envoyés royaux préposés à la surveillance du chantier de Hwaseong furent gravés sur des tablettes de pierre.
en mesure de créer un ouvrage d'un type nouveau qui les reflète. De ce fait, Hwaseong représente bien l'aboutissement d'études visant une amélioration considérable de la vie quotidienne.
Technologies et matériaux nouveaux
c·est de brique que sont constituées des dispositifs défensifs tels que tours de guet et casemates, chose rare à une époque où la pierre ou la terre battue composaient les murs des places fortes coréennes. Si ce premier matériau fut couramment utilisé en Chine, tel ne fut pas le cas en Corée en raison du manque d'argile de bonne qualité nécessaire à leur fabrication. En revanche, des roches dures comme le granit étaient disponibles en abondance sur tout le territoire, d'où son emploi très fréquent dans l'édification de murs d'enceinte. Au XVIIIe siècle, certaines contraintes en limitaient
pour faciliter te chargement et le «nongno», autre poulie créée pour le seul transport des pierres.
toutefois l'utilisation, notamment les opérations d' extraction et de transport jusqu'aux chantiers, qui mobilisaient
Archétype de la forteresse coréenne
une nombreuse main-d'œuvre. Dans le cadre de grands
A l'automne 1795, la construction battant son plein, le
travaux, l'Etat imposait alors la rémunération journalière
roi Jeongjo effectua un voyage à Hwaseong en compagn ie
de la main-d'œuvre qualifiée ou non, alors que peu de
de sa mère dont il célébra le soixantième anniversaire par
fonds étaient disponibles pour couvrir de telles dépenses.
un grand banquet. L'espérance de vie moyenne étant alors
Toute corvée étant désormais bannie, il ne restait alors
beaucoup plus courte en Corée, cette fête acquérait une
d'autre option que de réduire la main-d'œuvre.
va l eur parti'culière et donna it lieu à des festins . Ces
Or, l 'emploi de briques exigeant moins de main-
derniers étant restés extrêmement rares durant les cinq
d' oeuvre que l'extraction et le transport du granit issu des
siècles de la Dynastie Joseon, celui qui se donna en
montagnes, un four fut installé sur le chantier pour y cuire
l'honneur de la reine douairière face au tombeau de son
des briques de dimensions régulières, sur les lieu x même
défunt mari allait revêtir une signification d'autant plus
où s· édifiaient les murs, ce qui permit de réduire efficace-
grande et fut aussi l 'express ion de la piété filiale de
ment les dépenses. Restait encore à produire des briques
Jeongjo.
de qualité et c·est là qu'intervinrent les savants de Silhak.
Hwaseong comporta de nombreux aspects originaux
En se fondant sur les traités de technologie chinoise, ils
par rapport au x constructions d'antan, innovations
allaient mettre au point un nouveau four et faire venir sur
résultant des efforts entrepris par les savants de Silhak
le chantier des techniciens qualifiés spécialisés dans
pour satisfaire au x demandes d'une époque en pleine
cette fabrication . C"est ainsi que ce matériau, absent des
évolution . Plus qu'une simple forteresse de pierre et de
forteresses précédentes, put faire son apparition à
brique, elle représente un ouvrage tout imprégné de la
Hwaseong.
piété filiale d'un monarque s'acquittant dûment de ses
L'emploi de machines améliorant la productivité du
obligations familiales ainsi que du génie des savants de
travail contribua aussi largement à la baisse des coûts.
Silhak et à ce t itre, occupe une place privilégiée dans
Après avoir longuement consulté les tra ités techniques
l ' histoire nationale . Une dimension qu ' elle conserve
occidentau x, Jeong conçut divers dispositifs adaptés à
aujourd 'hui encore dans l'ancienne configuration comme
l'emploi en Corée, dont le «geojunggi», sorte de poulie
dans la moderne et qui justifie pleinement de son classe-
destinée au levage des pierres, le «yuhyeongeo», chariot
ment au patrimoine culturel mondial par l'UNESCO. ~
de transport de matériau x possédant une faible hauteur Printemps 2005 1 Ko reana
13
Beauté et originalité ,, des forteresses coreennes Par leur intégration à l'environnement naturel, les forteresses coréennes mettent remarquablement en valeur cours d'eau et relief. Œuvres d'un pouvoir monarchique et d'un peuple forts, ces remparts de protection débordaient aussi d'une vie intense. Cha Yong-geol Professeur d'a rc héologi e histo rique coréenne à l'Université Nationale de Chungbuk Choi Jin-youn Photog raphe
n recense quelque 2 600 places fortes coréennes
toutes deux de l'Age du Bronze, elles allaient acquérir une
vieilles de près de trois millénaires dans une zone
spécialisation fonctionnelle, les premières assurant la
s'étendant de la Mandchourie à la Péninsule coréenne,
défense des régions où la population vaquait à ses activités
voire jusqu'aux confins occidentaux de l'Archipel nippon.
quotidiennes alors que les secondes permettaient d'entre-
Elles varient par leurs dimensions, qui dépassent vingt
poser munitions et provisions en temps ordinaire pour
kilomètres de circonférence pour les plus longs remparts à
offrir un refuge en temps de guerre ou d'invasion. C'est ce
moins de cent mètres pour les fortifications plus modestes.
dernier emploi qui illustre le mieux la tradition coréenne
0
C'est à l'époque des Trois Royaumes (l•r siècle av. J.-C.
car il tirait judicieusement parti des particularités
- VII· siècle ap. J.-C.) que leur construction connut le plus
géographiques des nombreuses montagnes, mettant ainsi
grand essor, ainsi qu'à celles de Silla unifié [676-935) et de
à profit la topographie naturelle.
Balhae [698-926). qui déployaient leurs territoires jusqu'à la
La réalisation d'ouvrages de fortification bénéficia
Mandchourie et à l'Extrême-Orient russe. De la Dynastie
surtout des luttes pour le pouvoir qui opposaient les trois
millénaire de Goryeo [918-1392) à celle de Joseon [1392-
royaumes .de Goguryeo, Baekje et Silla. Ceux des plaines
191 O). leur construction fut destinée à doter les monarques
se combinèrent alors avec les remparts d'altitude en de
de boucliers de protection, les villes de province d'ouvrages
nouvelles constructions constituées d'un bastion et d'une
défensifs et les frontières nationales de murs de sépara-
citadelle complétés de divers éléments tels que hauts
tion. Ce faisant, ces ouvrages allaient contribuer à la
murs fortifiés, portes en tous genres, pièces d'eau,
perpétuation et à la sauvegarde du peuple de Corée.
écluses, remparts ou redans et donjons. Les frontières se doublaient aussi de longues murailles ponctuées de casernes. Quand les combats fai-
Repères historiques Les premiers ouvrages fortifiés coréens remontent à
saient rage, la population des villes de province trouvait
l'Age du Bronze, sous forme de tertres entourés d'une
refuge dans la forteresse de montagne d'où elle pouvait
ceinture de cavernes ou de terrains plats creusés de
mieu x défendre ces agglomérations . Dès la fin du
fossés à intervalles réguliers, présents dès le
x•
siècle
deuxième siècle avant J.-C., les rois de Goguryeo [37 ans
avant J.-C. Cinq siècles plus tard furent découverts les
av. J.-C. - 668 ap. J.-C.) qui régnaient sur la partie septen-
vestiges d'une haie bordant des tranchées, auxquels
trionale de la péninsule et sur une partie de la
allaient succéder les murs de terre battue, puis les fortifi-
Mandchourie élevèrent d'imposantes forteresses en mon-
cations constituées de murailles de pierre.
tagne pour endiguer les incursions des armées chinoises
Les forteresses coréennes évoluèrent alors d'une
unifiées, ceu x de Silla [57 av. J.-C .-935 ap. J.-C.) et de
manière très spécifique. Elles se répartissaient en deux
Baekje [18 av. J.-C.- 660 ap. J.-C.) recourant aux mêmes
grandes catégories selon qu· elles étaient édifiées sur un
méthodes défensives. Dans l'ouest du Japon, les vestiges
terrain plat arrosé par un cours d'eau situé à l'avant ou sur
des forteresses édifiées par les exilés coréens qui s·y
une formation montagneuse dominant la plaine. Datant
installèrent après la chute de Baekje permettent
14 Korea na I Printemp s 2005
Edifiée à l'époqu e des Trois Royaumes, la forteresse de montagne Geumseongsanseong fut reconstruite en 1409. Ses murailles épo usent la topographie montagneuse pour s 'intègrer à l' environnement naturel.
d'apprécier l'ampleur de ces ouvrages et les techniques mises en oeuvre pour leur construction.
leur apparition sur les reliefs les plus escarpés. Tirant les enseignements de l'histoire, les fondateurs
A partir du Moyen-Age, les forteresses coréennes ne
de la Dynastie Joseon dotèrent Hanyang, la Séoul
vont cesser de s'agrandir et d'évoluer en fonction des
d'aujourd 'hui qu'ils avaient prise pour capitale, d'une
besoins. A la fin du
x• siècle,
qui vit l'invasion des Khitans
citadelle de style ancien, et firent de même dans les
de Liao, des ouvrages de grande envergure furent ainsi
grandes villes de l'intérieur et du littoral. Des fortifications
édifiés dans tous les lieux stratégiques situés tant en zone
délimitèrent les bassins fluviaux de Valu et Tumen alors
rurale que dans la capitale d'alors, Gaeseong. Vieille
que citadelles et remparts s'élevaient sur la côte méri-
forteresse et citadelles évoluèrent vers plus de fortifica-
dionale. Des barricades bordées d'étroits sentiers furent
tion. Dressée à la frontière nord, une importante muraille
dressées en des points stratégiques au creux des vallées et
du nom de «Cheollijangseong» permit d'écarter
ravins pour parer à tout échec militaire aux frontières.
envahisseurs Khitans et clans de Jurchi. Quand firent irruption les Mongols au XIII° siècle, les fonctionnaires de
Une beauté changeante
Goryeo furent envoyés construire et gérer des bastions aux
La Corée possède plusieurs sortes de forteresses
quatre coins du royaume et de vastes forteresses firent
dont celles de montagne, présentes sous les royaumes
Printemps 2005 1Koreana 15
Les lieux fortifiés sont des ouvrages empreints d'histoire dont la réalisation fut fonction des époques et des lieux. Témoins discrets des temps anciens, ils perdurent là où disparut souvent l'écrit, brûlé ou égaré. Datant du début de Baekje, la Forteresse en terre battue Mongchontoseong est ceinte d'une palissade en bois et de douves. 2 La Forteresse en pierre Namdoseokseong fut éd ifiée à l'époqu e des Trois Royaumes. Une rivière ca ptée en amo nt ap provisionnait en eau cette place forte, qui compte deux impressionnants ponts voûtés en plein ceintre. 3 La Forteresse de montag ne Gaksansa nseong remonte au roya ume de Goryeo. Da ns le loi ntain , ses murs bas forment sur le relief une lign e dont on aurait pein e à croire qu 'elle correspond à un tel site. 4 Construite au temps des Troi s Royaumes, la Forteresse de montagne Gyeonhwonsanseong met pleinement à profit la topogra phie naturelle. Dressés au faîte de parois roch euses, ses murs atteignent quatre à cinq mètres de hauteur.
successifs, se distinguent par leurs spécificités fonction-
délicieu x repas destinés à retarder sa fille dans ses
nelles et leurs matériaux. Contrairement au x ouvrages
travaux au profit de son fils. Ainsi, lorsque se jouait la vie
rectangulaires des plaines chinoises ou rectilignes et
des concurrents, la fille était-elle toujours vaincue.
angulaires, comme dans le Japon moderne, ceux de Corée
Si l'on attribuait plutôt une physionomie maternelle
possèdent un pourtour sinueux épousant les courbes.
aux forteresses de montagne, il arriva qu 'une «forteresse
Sans forme fixe, elles adaptent leur emplacement à la
vieillard » fît face à une «vieillarde». Chaque village dis-
topographie naturelle et leur exécution met en œuvre
posant de la protection d'un Dieu, ses habitants trouvaient
diverses techniques qui ont évolué avec le temps.
paix et réconfort dans les rites qu'ils accomplissaient pour
Leur construction est entourée d'innombrables
ces divinités tutélaires. Souvent élevées au sommet d'une
légendes mettant en scène une vieille mère et ses enfants
montagne, les forteresses rappellent un bandeau ceignant
rivau x. Le frère et la sœur y font ainsi le pari que l'une
le front d'un homme . Elles portent aussi le nom de
transportera des pierres jusqu'à un emplacement pour y
«sirume» fait de l'a,lliance des vocables «siru» désignant
édifier une forteresse et, que l'autre, chaussé de souliers
un vase en terre cuite percé de trous et «me» signifiant
de fer, se rendra à Séoul et en reviendra, le perdant étant
montagne . Elles évoquent ainsi l'image de ces jarres
puni de mort. Arbitre de cette joute, la mère prépare de
d'argile emplies de gâteaux de riz traditionnels que l'on
plaçait dans un chaudron , en comblant le vide séparant
temps et d'énergie pour escalader leurs versants mon-
ces deux récipients avec de la pâte de riz pour retenir la
tagneu x et quant il parvenait enfin sur place, il était
vapeur. Dans les régions de haute montagne, on appelait
accueilli par les jets de pierre de leurs occupants. Une
«forteresses de garde en acier» les places fortes qui se
telle conception réduisit ainsi au minimum les dommages
nichaient au plus profond des vallées.
occasionnés à l'environnement.
Foyers d'histoire
des techniques de construction faisant appel au sol, à
Les fouilles archéologiques attestent de l'avancement Dotées de murailles sinueuses épousant les contours
l'instar de la forteresse «Samnyeonsanseong», construite
des chaînes de montagnes, les forteresses coréennes for-
en 470, qui se dote de murailles constituées de cent cou-
ment au loin de minces lignes tracées sur le relief, dans
ches de pierres entassées comme des planches sur une
lesquelles on aurait peine à reconnaître un mur. Au gré de
hauteur de vingt mètres et une largeur de douze. Véritables
la topographie naturelle, ces parois tortueuses se confor-
nids d'aigles plantés sur d'abrupts pans de rochers ou
maient aux faîtes et falaises pour produire un ouvrage aux
perchés sur des pics rocheu x, ces grandioses remparts
excellentes qualités défensives qui, pour autant, ne com-
avaient de quoi dissuader tout assaut. La plupart de ceux de
portait pas beaucoup d'autres dispositifs. Les cours d"eau
la Dynastie Joseon furent cependant anéantis à force
qui les traversaient souvent permettaient à leurs nom-
d'invasions japonaises, ne laissant que quelques portes.
breux occupants d'y survivre longtemps. Leur édification
On aurait tort de n'y voir aujourd 'hui que le sanctuaire
sur des terrains escarpés et les écluses de leurs cours
de gloires et défaites passées, car il faut se souvenir
d'eau rendaient inutile la présence d'un corps de garde
qu 'elles constituent une mine d'informations précieuses
pour en défendre les portes. Sur leur face externe, les
portant sur des vérités historiques oubliées, alors que
murs se composaient d'un empilement de roches con-
seule subsiste une infime quantité de manusèrits his-
cassées alors qu'ils étaient lisses à l'intérieur et leurs
toriques après que la plupart d'entre eux furent brûlés ou
interstices, colmatés par de la terre et des gravats, limi-
détruits au cours de l'histoire. Un lointain passé sommeille
tant ainsi le recours à la main-d 'œuvre. Les vestiges de
donc en ces lieux.
quelques constructions de ce type subsistent au pied des
Constructions de pierre étagées qui ont résisté à
montagnes sous forme de piliers en pierre épars. Ainsi vus
l'usure du temps, les forteresses coréennes apparaissent
de l'extérieur, de tels ouvrages peuvent ne paraître guère
peut-être sous leur plus beau jour lorsqu'elles se couvrent
impressionnants et l'on douterait de leur efficacité à
d'une couche de neige. Dans leur enceinte souffle encore
défendre la vie et les biens de leurs habitants.
l'esprit et l'histoire du peuple coréen et leur beauté est à
Leur construction se fondait néanmoins sur des tech-
l'é gal de la culture coréenne, faite de discrétion, de calme
niques militaires permettant de contrer les dispositifs
et de persévérance, reflétant le dur labeur et la sagesse du
attaquants, mais leur principal trait spécifique et atout
peuple coréen . Derniers remparts de protection, leur
résidait dans le sol. Tirant le meilleur parti du cadre
charme tient aussi aux larmes inconnues qui y furent sou-
naturel, elles faisaient perdre à l'ennemi beaucoup de
vent versées. t.t Printemps 2005 I Korea na 17
défense de la porte opposée] » et mit en œuvre un génie
Royaumes ci-dessus poussa chacun d'entre eux à se doter
civil évolué. Par leur localisation idéale et leur technologie,
de systèmes défensifs de plus grande envergure et mieux
les forteresses de montagne de Goguryeo eurent une
organisés que ceu x des autres nations ou groupes en
influence décisive sur l'histoire architecturale.
présence, modifiant ainsi profondément la nature de la
Le Royaume Baekje [18 av. J.-C. - 660] se signale
guerre. D'une plus grande récurrence, celle-ci prit aussi
aussi par ses nombreuses constructions de montagne ,
plus d'ampleur en mobilisant des troupes toujours plus
dont la Forteresse Masuseong et les Palissades
nombreuses lors de fréquentes et importantes batailles
Byeongsanchaek réalisées en 11 av. J.-C. Datant du début
dont le corollaire fut l'extension, le renforcement et la
de la monarchie, ces ouvrages concentrés de part et
diversification des ouvrages défensifs. La construction de
d'autre du Fleuve Hangang allaient par la suite s'étendre
forteresses fut alors à son apogée en Corée, en particulier
jusqu 'à Ungjin et Sabi, plus tard capitales.
dans les régions montagneuses, à tous les points
Nombre de chroniques font aussi état de l'édification de forteresses sous le Royaume Silla [57 av. J.-C. - 935]
stratégiques et à toutes les fontières délimitant les différents royaumes.
telles celles de Gyeongseong, réalisée en 37 avant notre ère, de Geumseong et de Wolseong, à Gyeongju, aux-
Pierre angulaire du système défensif national
quelles s'ajoutent les palissades du Parc Dalseong de
Les premiers temps de la Dynastie Goryeo [918-1392],
Daegu, qui datent de la dynastie. La troisième abrita l'un
réalisatrice de l'unité nationale, virent la défense se recen-
des palais royau x et ses dépendances derrière une
trer sur la capitale, Gaeseong, dont la forteresse royale fut
enceinte fortifiée semi-circulaire.
réaménagée . La décennie suivante allait être marquée par
L 'exacerbation des antagonismes entre les trois 20
Kor ea na I Prin temps 2005
la construction, sous Goryeo, de la Grande Muraille de
1 La Forteresse de montagne Bukhansanseong se déploya sur les crêtes escarpées du Mont Bukhansan à l'époque de Baekje et subit des restaurations sous les dynasties de Goryeo et Joseon. 2 Si on ignore la date exacte à laquelle fut achevée la Forteresse de montagne Ondalsanseong, on affirme que le Général Ondal de Goguryeo l'aurait fait édifier pour se préserver des attaques de Silla. 3 Surplombant de manière stratégique le détroit de Ganghwa, la forteresse du ca p de Gapgot disposait d'importants moyens d'artillerie. De violen ts combats s·y déroulèrent lorsque la flotte française y accosta en 1866.
Les forteresses de montagne caractéristiques de la période de Goguryeo sont disséminées dans diverses régions de la Corée du Nord et de la Chine actuelles, à raison respectivement de plusieurs dizaines en Corée du Nord et d'une centaine dans les seules provinces de Jilin Sheng et Liaoning Sheng.
mille ri, qui s'étendait de l'embouchure du fleuve Yalu jusqu'à Yeongheung, à travers des zones montagneuses situées en aval du Cheongcheongang et du Daedonggang, à l'est. Par la suite, le royaume allait parsemer tout son territoire de tels ouvrages, en s'employant du mieux qu'il le put à les entretenir, reconstruire et restau-rer pour repousser les attaques étrangères et en dépêèhant des envoyés préposés à leur inspection. A son avènement, la Dynastie Joseon [1392-1910) prit pour capitale Hanyang, la Séoul d'aujourd'hui. Les Ming de Chine se trouvant alors en position de force au nord, Joseon réorganisa son système défensif pour s 'en prémunir, bâtissant les citadelles de Hanyang et restaurant les forteresses déjà existantes dans tout le pays. En butte aux incursions des pirates japonais et devant la montée en Asie du Nord-Est des tensions qu'alimentaient les Ming chinois par une pression constante sur les Tatars et les clans de Jurchi, le Roi Taejong, troisième souverain de Joseon, fit édifier des forteresses à des emplacements stratégiques, dans les zones montagneuses du nord, ainsi Printemps 2005 1 Koreana
21
©
Suh Jai-sik
que d'autres, plus massives , dans Les provinces de
© Choi Jin-youn
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Simong Photo Agency Jeon Seong -yeong
tagne sous La monarchie de Goguryeo, durant Laquelle
Gyeongsang-do et Jeolla-do respectivement situées au
ceu x-ci furent à Leur zénith. Si Les spécimens qui en sub-
sud-est et au sud-ouest.
sistent se trouvent surtout en Corée du Nord et en Chine, il
Le règne du Roi Sejong [r. 1418 - 1450] vit toutefois Les
est impossible de déterminer avec exactitude Le nombre
citadelles succéder aux fortifications de montagne au
de ceu x situés dans ce premier pays, qui en compterait
coeur du système défensif et ces dernières tombèrent en
une douzaine des plus célèbres, comme ceu x de
désuétude, Le pays n· en conservant plus que quarante et
Daeseongsanseong et Baengmasanseong à Pyeongyang.
une au milieu du XVI' siècle. Bien que construits en plaine,
C'est au milieu du Ill' siècle que fut entreprise La cons-
Les nouveaux ouvrages tenaient plus de forteresses trans-
truction de La forteresse de montagne Daeseongsan, qui
plantées, tout en n'en méritant pas Le nom, à l'instar de
s'étend à 270 mètres d'altitude et sur sept kilomètres de
ceu x de Chine ou de Japon. Ils procédaient en effet d'une
Longueur dans La ville de Pyeongyang . Elle allait acquérir
volonté d'adapter à L'architecture sur terrain plat Les avan-
une importance décisive sur Les plans politique et militaire
tages offerts par celle de montagne , à savoir La surveil-
Lorsque cette ville devint capitale en 427, mais tomber en
lance de L'ennemi pour s'en protéger et Les besoins assez
ruine postérieurement à Goguryeo, La porte, La fontaine,
faibles en main-d'œuvre Lors de La construction.
Les hangars à vivres, La caserne et L'arsenal demeurant
À son déclin, La dynastie Joseon fut secouée par de
aujourd 'hui encore. Situé au sud de La forteresse de mon-
vastes conflits, telles Les invasions japonaise, en 1592, et
tagne Daeseongsanseong, le Palais Anhakgung est une
mandchoue, en 1636, qui allaient radicalement remettre
résidence royale fortifiée d'une Longueur de 2 488 mètres
en cause Le système défensif d'alors . De vifs débats
construit en terrain plat. Cet ensemble d ' ouvrages
s·ensuivirent sur Le rôle des citadelles et sur l'entretien
défensifs succédait, à Pyeongyang, à ceu x de Gungnae-
des forteresses frontalières, dont celles de Namhan-
seong, L'ancienne capitale.
sanseong, Bukhansanseong, Tangchundaeseong et
La Forteresse Baengmasanseong se dresse, à 410
Hwaseong, à Suwon, allaient être reconstruites ou
mètres d'altitude, sur Le mont du même nom dans La
adaptées. La première Le fut en prévision d'une éventuelle
province nord-coréenne de Pyeonganbuk-do. Construite à
situation d'urgence où Le gouvernement, dont Le roi ,
L'époque de Goguryeo, elle allait rester en usage et subir
n'aurait Le temps de fuir ni dans L'ile de Ganghwado ni au
de constantes restaurations sous toute La dynastie Joseon .
sud du fleuve Hangang. Avec La montée des tensions
Elle se compose d'une double enceinte Longue de 2,6
provoquée par Les incursions de puissances occidentales à
kilomètres à L'intérieur et de 2,4 à L'extérieur, mesurant six
La fin du XIX' siècle, on assista à La remise en état des
mètres en hauteUr et dotée de part et d'autre de quatre
forteresses de montagne situées sur Le cordon Littoral,
portes cintrées. Situé à un emplacement d'une importance
notamment dans L'ile de Ganghwado.
stratégique à La frontière sino-coréenne, point de jonction avec L'Asie continentale, cet ouvrage fournissait en tous
Forteresses de montagne nord-coréennes et chinoises
sens une excellente vue et permettait donc d'observer par-
de Goguryeo
faitemen t Les mouvements ennemis ou de couper toute
Observons maintenant Les ouvrages édifiés en mon22 Koreana I Printemps 2005
retraite. Lorsque L'armée des Qing se Lança à son assaut
Construction de l'époque Joseon, La Forteresse Gwanmunseong située à Joryeong comprend trois portes se succédant du sud au nord dans La vallée et flanquées de part et d'autre d'un mur d'enceinte. 2 Elevée à l'époque de Baekje. La Forteresse de montagne Gongsanseong conserve aujourd 'hui son plan d'eau bordé d'un talus rectangulaire à gradins. 3 La Forteresse de montagne Onyeosanseong aurait été La première édifiée par Le patriarche de Goguryeo , Le roi Dongmyeong, après qu'il eut fondé La nation.
Principales forteresses de montagne coréennes Forteresse Ondalsanseong Cet ouvrage en pierre s'étend sur 682 mètres au sommet du Mt. Seongsan, à Yeongchun-myeon, dans la ville de Danyang-gun située dans la province de Chungcheongbuk-do. Si on ignore la date exacte de sa construction, on affirme que le
en 1627, elle n'en vint pas à bout.
général Ondal de Goguryeo [?-590] l 'aurait entreprise pour se
En Chine, une centaine de forteresses de montagne
préserver des attaques de Silla. En se fondant sur les diverses
de l'époque Goguryeo subsistent à ce jour dans les seules
légendes qui l'entourent et sur la toponymie des régions avoisi-
provinces de Jilin Sheng et Liaoning Sheng, mais il en existerait beaucoup d'autres. Parmi les plus importantes figurent celles d'Onyeosanseong à Huanren, de Sanseong-
nantes, ainsi que sur les vestiges présents à ce jour, il est probable qu'elle fut bien édifiée à cette époque, puis assiégée et reconstruite sous Silla.
jasanseong, de Bonghwangsanseong et de Yeonjuseong,
Forteresse Gongsanseong à Gongju
d'ores et déjà célèbres en Corée du Sud.
Située dans le quartier de Sanseong-dong de la ville de Gongju,
La Forteresse Onyeosanseong aurait été la première
dans la province de Chungcheongnam-do, alors capitale de Baekje
édifiée par le patriarche de Goguryeo, le Roi Dongmyeong ,
sous le nom d'Ungjin, cette place forte fut construite sous l'ancien
après qu'il eut fondé la nation. Il est écrit sur le monument
Baekje et resta en usage à l'époque Joseon. Elle possède une
dédié au Roi Gwanggaeto que celui-ci «construisit une forteresse et fonda une cité sur le versant ouest de Holbon, dans la vallée de Biryugok», fait que mentionne
longueur de 2 200 mètres, dont 1 810 en pierre et 390 en terre battue, le premier tronçon datant bien de Baekje. Bordé d'un talus rectangulaire à gradins, son plan d'eau en est le plus célèbre vestige.
aussi le Samguksagi [Histoire des Trois Royaumes]. Ce lieu fortifié prend place à 820 mètres d'altitude sur un
Forteresse Gwanmunseong à Joryeong
vaste plateau long d'un kilomètre du nord au sud et de
Située à Mungyeong-eup, dans la ville de Mungyeong, dans la
trois cents mètres d'est en ouest, sur les contreforts du Mt. Onyeosan . Malgré sa situation élevée, il disposait de provisions alimentaires et en eau assez abondantes et,
province de Gyeongsangbuk- do, cette construction de l'époque Joseon comprend trois portes se succédant du sud au nord et flanquées de part et d'autre d'un mur d'enceinte. Elle s'étend au long d'une vallée finissant au Mt. Juheulsan, de 1 106 mètres d'altitude,
étant flanqué d'abruptes falaises sur trois côtés, on peut
à Mungyeong, ville qui jouxte à l'ouest celles de Chungju et_Goesan.
dire qu'il s'agissait d'une forteresse naturelle.
Cette forteresse naturelle ne possède aucune autre voie d'accès.
Connue sous le nom de Forteresse Baegamseong sous Goguryeo, la Forteresse Yeonjuseong fut édifiée en
Forteresse Bukhansanseong
montagne sur les rives du fleuve Taizihe, qu'elle jouxte à
Cet ouvrage fortifié se dresse sur le Mont Bukhansan, au x confins
l'est par un versant escarpé. Réputée pour ses impres-
de Séoul et de la ville de Goyang, dans la province de Gyeonggi-do.
sionnantes murailles et la taille de ses fortifications d'une
Construite à l'époque de Baekje et subissant des restaurations de Goguryeo à Joseon, elle mesure environ 8,4 kilomètres de long et
exécution élaborée, cette construction illustre à merveille
la hauteur de ses murs varie en fonc tion du relief, puisqu e les
le niveau d'évolution atteint à cette époque dans cette
zones escarpées limitent les besoins défensifs, s'adaptant ainsi de
architecture. En 645, elle fut le théâtre de violents combats
manière optimale à la topographie. Les éléments constitutifs en
avec les envahisseurs Tang dont le roi victorieux se lança à
sont une forteresse centrale, trois portes, dix poternes, un palais
l'attaque de la Forteresse Ansiseong, mais fut repoussé
temporaire, un poste de commandement, des entrepôts, 99 puits et
par les troupes de Goguryeo au terme d'une résistance de
26 plans d'eau .
trois mois. t..t
Pri ntemps 2005 1 Ko reana 23
L
e mot «forteresse» évoque des images de bastions,
résidence pour agents de l'Etat en mission [«gaeksa»J,
portes, soldats, armes et batailles qui s'appliquent
d'offices où trava i llaient les employés et de divers
bien dans le cas d'ouvrages édifiés en montagne et
bâtiments tels qu·entrepôts et prisons. La résidence com-
dépourvus d'habitat. La forme la plus courante en Corée
prenait une grande salle parquetée flanquée de part et
en était toutefois la citadelle, construction vouée à la
d'autre de deux chamb res pourvues d'une installation de
création d'espaces de vie plus qu'aux activités militaires.
chauffage par le sol [«ondol»] et de trois portes d'entrée. C'est là qu'étaient gardés les insignes royaux [«jeonpae»]
Brassage des gens du peuple et de guerre
auxquels le gouverneur et les agents d'Etat, t~urnés vers
Le mot «citadelle» a pour équ ivalent coréen «eup-
le palais, rendaient les honneurs au prem ier et au
seong», c· est-à-dire littéralement mur [«seong»J assurant
quinzième jour du mois. La conservation des emblèmes de
la protection d'une ville [«eup»l. L'idéog ramme chinois
la souveraineté conférait à ces lieux plus d'importance, à
correspondant à ce dernier vocable désignait lui-même
certains égards, que le siège même du gouverneur. Les
une telle construction, puisqu'il figurait à l'origine une
inspecteurs provinciaux qui y étaient de passage dans le
muraille. Souvent édifiés sur des dorsales montagneuses,
cadre d'une mission de contrôle y donnaient des banquets
ces ouvrages suivaient un tracé sinueux épousant la
et y présidaient aux concours administratifs locaux. Ils y
topographie. Ils étaient dotés de portes aux quatre points
croisaient parfois des savants régionaux en compagnie
cardinaux et d'une voie routière traversant la cité de part
desquels ils composaient des poèmes dont on accrochait
en part pour relier celles-ci d'ouest en est. Au nord, pre-
longtemps les meilleurs aux murs de la résidence.
naient place l'administration locale, et au sud, marché et habitations.
Les jours de marché constituaient un moment de · convivialité pour le peuple des citadelles. Ces foires d'une
La première se composait du siège du gouverneur
périodicité de cinq jours attiraient aussi ceux qu i, vivant
[«dongheon»J, de sa résidence privée [«naea »], d'une
hors les murs, venaient vendre ou acheter des produits,
26 Korea na I Printe mps 2005
mais on y accourait aussi tout simplement pour se retrouver, palabrer et boire.
La citadelle Naganeupseong est un spécimen de ville fortifiée construite au début de la dynastie Joseon sur une plaine entourée de petites collines basses s'étendant d'est en ouest en une configuration rectangulaire. Derrière ses murs assez bien conservés vit aujourd'hui une population de quelque deux cents âmes.
Toute citadelle possédait sa fontaine à laquelle on s'approvisionnait en eau potable pour les besoins de la vie quotidienne, mais aussi, lors des nombreux sièges, pour survivre jusqu'à l'arrivée de renforts. Cet aspect primordial
pour un approvisionnement continuel en eau fraîche et
explique que dans les descriptions de citadelles figurant
pour rester en bonne santé. La fontaine ne servait pas
dans les index géographiques locaux, il soit fait mention
seulement à la consommation pour boire ou fai ~e la cui-
non seulement de la hauteur et de la longueur de celles-ci,
sine, mais était aussi lieu de socialisation, car lorsqu·elles
mais aussi du nombre de fontaines qu'elles renfermaient.
venaient chercher l'eau ou laver leur riz, les villageoises
Tel est le cas de la citadelle de Nag·an, dont on rapporte
échangeaient des nouvelles et bavardaient. On y partageait
que ses villages de Dongnae-ri et Namnae-ri étaient dotés
événements heureux et malheureux entre voisins, en
de fontaines où s'abreuvaient les habitants et si elles ne
même temps que les commérages et les médisances et
dépassaient guère un mètre de profondeur, jamais elles
ainsi ces lieux, à l'instar des marchés, participaient-ils de
ne tarissaient, même lors de sécheresses et leur eau était
la convivialité.
d'un goût délicieux. On affirma aussi que celle de Namnae-
La construction des citadelles mobilisait aussi la po-
ri avait pour surnom «la grande fontaine» parce que le
pulation des régions et provinces avoisinantes, comme
gouverneur y faisait tirer de l'eau.
celle de Gochang, dans la province de Jeollabuk-do, qui
Le peuple la fêtait au troisième jour du premier mois
manda les hommes jeunes éligibles pour la conscription et
lunaire, et celui de Dongnae-ri, au quinzième, qui était le
les travaux obligatoires prescrits par la loi . Chaque com-
premier jour de pleine lune de l'année . Ces festivités
mune se voyait octroyer un tronçon de muraille dont la
étaient des offrandes sacrificielles par lesquelles on priait
longueur variait en fonction de l'abondance de la récolte Printemps 2005 1Koreana
27
Les citadelles tombèrent à l'abandon avec la modernisation du pays, l'extension du réseau routier exigeant la démolition des murailles pour ne laisser que les portes, comme autant de discrets témoins de l'évolution de ces ouvrages.
annuelle. La première pierre posée au début d'un chantier
et qu· en faisant deux fois le tour de la citadelle, on pourrait
rappelait le nom des bâtisseurs par des mentions telles
vivre vieux et en bonne santé, ou trois fois, que l'on irait au
que «Sunchang si» ou «Namwon si», à savoir respective-
paradis. Cette pratique avait ceci de particulier que les
ment «ici commencèrent les habitants de Sunchang» et
marcheurs portaient sur la tête des pierres de la grosseur
«là commencèrent les habitants de Namwon». Tout en
d'une main qu'ils entassaient après avoir effectué trois
commémorant le début d'un ouvrage, ces inscriptions
tours et être revenus à leur point de départ devant la porte.
rendaient les villageois responsables de tout vice
Quant aux femmes, elles auraient participé à l'édification
d'exécution dans les travau x en cas d'effondrement des
des murs en apportant poignées de terre ou pierres sur
murailles moins de cinq ans après l'achèvement de ceux-
leur tête et c·est le trépignement de toutes ces porteuses,
ci. Les nombreuses pierres gravées subsistant à
qu i par leur poids encore accru par celui des pierres,
l'extérieur des murs attestent ainsi de l'excellente qualité
aurait ainsi consolidé les murailles. Ces mêmes pierres
de ces réalisations.
auraient aussi pu s'avérer utiles en cas de siège en servant de projectiles. En outre, de telles marches effectuées des
Jeux et légendes des citadelles
heures entières à vingt pieds de hauteur avec un seul bras
On raconte que la citadelle de Gochang aurait été
pour tout balancier devait supposer un intense effort
bâtie par des femmes, les hommes s'étant chargés de
physique ayant un réel effet thérapeutique préventif. Cette
celle de Seosan car deux ouvrages devaient être simul-
coutume de «galoper» sur les murailles se perpétue
tanément édifiés dans la région . La concurrence fit rage
aujourd ' hui encore à Gochang une fois par an, au
entre les deux chantiers car celui qui finirait le premier
neuvième jour du neuvième mois lunaire, que l'on a
accorderait aux villageois l'honneur d'accueillir des ser-
déclaré Jour des Habitants de Gochang.
vices administratifs. Sous-évaluant les capacités de leurs rivales, les hommes passaient leur temps à boire et à
Des portes pour seul vestige
chanter alors que celles-ci, travaillant sans relâche, trans-
Passages obligés des périples effectués au départ et
portaient des pierres et élevaient des murs, de sorte que
à destination des citadelles, les portes se dressaient sou -
c'est Gochang qui termina d'abord les labeurs et qui abrita
vent en leurs quatre points cardinau x, dont elles portaient
les bureaux administratifs. Pour célébrer l'événement et
généralement le nom, ou encore celui des quatre vertus
immortaliser la légende, les femmes de Gochang défilent
confucéennes que sont le «in » [bienveillance), le «ui »
chaque année autour de la citadelle, lors d'une fête dite de
[droiture), le «ye» [bienséance) et le «ji» [sagesse) comme
la «galopade» sur la muraille, un rituel destiné à chasser
dans le cas des portes dites de Heunginjimun [augmenta-
les maladies, assurer une longue vie ou ouvrir les portes
tion de la bienveillance), Donuimun [rétablissement de la
du parad is, avec d'autant plus d'efficacité lorsqu'il est
droiture), Sungnyemun [vénération de la bienséance) et
accompli lors d'une année bissextile, car les portes de
Hongjimun [accroissement de la sagesse). Des combles à
l'enfer sont alors ouvertes.
deu x niveau x aménagés au-dessus de la porte servaient
On croyait jadis qu'il permettait de guérir les maladies 28 Koreana I Prin temps 2005
de tou r de guet ainsi que de caserne lorsque la citadelle se
Village folklorique de la citadelle Seongeupseong. Cinq cents ans ap rès sa fondation, cette dernière abrite toujours la préfecture de Jeongui-hyeon depuis 1423. Ses murs se composent de basalte provenant de l"île de Jejudo. 2 Edifiée sous la dynastie Joseon, la citadelle Haemieupseong présente un état de conservation exemplaire . Cet ouvrage en pierre au pourtour de 1,8 kilomètre s· étend en plaine.
La porte de Sungnyemun ou Namdaemun, c'est-à -dire du sud, illustr e bien L'architecture du réseau de citadelles de Séoul. Si La modernisation coréenne fit disparaître La plupart de ces constructions, nombre de Leurs portes subsistent aujourd'hui encore. 2 Construites sur terrain plat, de nombreuses citad elles séouliennes ont aujourd'hui cédé La place à des rues, mais des tronçons en ont été entretenus ou re staurés par endroits. 3 Vestiges de La Forteresse Tangchundaeseong, construite pour relier Le réseau de citadelles de Séoul à La forteresse Bukhansanseong. Sous La Dynastie Joseo n, une nouvelle place forte fut élevée à cet emplacement pour succéder à L'ancienne construction. 4 Le Doseongsamgunmunbungyejido est un e ca rte géographique indiquant L'emplacement, au sein des citadelles, des quartiers rés ervés aux troupes qui assuraient La défense de Séoul. Ces places fortes formaient un ce rcle concentrique au massif montagneux entourant La capitale. Impression sur planche de bois réalisée en 1751, propriété du Musée de L'Université féminine de Sungshin.
situait dans des marches. Les portes étant affectées à la défense d'une zone donnée, on retrouvait aussi cette fonction dans leurs appellations sous forme de vocables tels que «surveillance» ou «protection», à l'instar de celles de Jinnamnu [surveillance de la tour de guet sud) et de Suseongnu [protection de la tour de guet de la forteresse). Quand éclatait une guerre, ces tours faisaient office de postes de commandement des troupes, tandis qu'en temps de paix, le gouverneur y surveillait ses administrés en position dominante, même si agents gouvernementaux et habitants s'y côtoyaient par ailleurs librement. Lorsque l'inspecteur provincial se rendait dans une commune pour y effectuer des contrôles , il enquêtait sur les comptes de celle-ci, ainsi que sur divers documents pour s'assurer de la bonne administration des lieux. Il s'avérait toutefois plus rapide de le faire du haut d'une tour de guet puisque, les bâtiments de l'époque n'étant pas à étage, on pouvait y embrasser du regard l'ensemble de la ville. Après avoir ainsi scruté maisons et activités quotidiennes , embarcadères et ponts, chemins et rizières, plans d'eau et forêts , l'inspecteur partait retrouver le gouverneur de la commune pour traiter des affaires gouvernementales. Si nombre de citadelles disparurent avec l'essor du réseau routier qui marqua les débuts de la modernisation, bien des portes demeurèrent et constituèrent des points de repère pour nommer des quartiers selon qu'ils se situaient en deçà ou au-delà de leur seuil ou des murs d'origine. Dans les agglomérations fortement peuplées où subsistaient des portes, on construisit à leur proximité de nouvelles routes pour en détourner la circulation. Comme l'attestent les plus célèbres d'entre elles à Séoul, telles celles de Sungnyemun, également connue sous le nom de Namdaemun et classée Trésor national n° 1 ou de
Heunginjimun, dite aussi de Dongdaemun et déclarée
quant à elles à l'extérieur du village clanique. Les sites
Trésor n° 1, ces accès constituent souvent d'impression-
propices offrant une vue agréable étaient ainsi inexistants
nants ouvrages d'architecture ainsi que les témoins dis-
au sein des citadelles, ce qui permettait aussi de ne pas
crets de l'histoire des citadelles.
entrer en conflit avec le gouverneur.
Si de nombreuses habitations à toit de tuiles abri-
L'entrée des citadelles se pare souvent de stèles dites
taient des agents gouvernementau x dans la capitale,
du « bon gouvernement» («seonjeongbi » ), q·ui furent
comme on peut le constater sur les photographies datant
élevées par le peuple en reconnaissance de la gestion effi-
de la fin de la période Joseon, les villes de province se peu-
cace accomplie par leur gouverneur. Si tel était le cas,
plaient surtout de chaumières à l'intérieur de leurs murs,
quand celui-ci arrivait au terme de son mandat, on gravait
à l'exception des bâtiments administratifs. A la tête d'un
dans la pierre son nom et la liste de ses bienfaits. Pour
important patrimoine foncier, les nobles de la classe des
être bien en vue, ils se dressaient à proximité des routes
«yangban » préféraient vivre hors les murs dans les vil-
très fréquentées et des bâtiments administratifs, leur con-
lages rattachés à leur clan et attenants à leur domaine. Ils
struction étant parfois imposée par le gouverneur sortant,
y firent donc bâtir de vastes résidences à toits de tuile en
probablement avec l'argent extorqué au x plus pauvres.
conformité avec les principes de la géomancie, c·est-à-
Attestant elles aussi avec discrétion de l 'histoire des
dire sur des terrains bien ensoleillés, bordés de mon-
citadelles, ces stèles rappellent ainsi les vicissitudes des
tagnes à l'arrière et d'un cours d'eau à l'avant et situés à
vies qui se déroulaient sous l' œil bienveillant et protecteur
proximité des maisons des parents proches ou éloignés,
des citadelles. 1..1
les huttes à toits de chaume de leurs serfs se cantonnant Printemps 2005 1 Koreana 31
DOSSIER
2005, année de la Corée Pour un rapprochement coréano-allemand La Corée et l'Allemagne ont déclaré 2005 Année de la Corée, de nombreuses manifestations étant prévues dans ce cadre sur tout le territoire allemand pour y faire découvrir la culture du Pays du tviatin Calme. won Young-min A,Pt.ass, deur de C.oree er, A,tef'1 ine
A
près avoir été retenue comme pays vedette de la Semaine Asie-Pacifique qui se déroulera à Berlin en septembre prochain, la Corée s'est donc vu nommer invitée d'honneur de la Foire du Livre de Francfort, dont le coup d'envoi sera donné un mois plus tard. A cette occasion, il a été décidé de désigner 2005 Année de la Corée et de multiplier les actions correspondantes aux quatre coins de l'Allemagne. Ces deu x manifestations occupant une
34 Koreana I Prin temps 2005
place de premier plan dans la promotion des pays étrangers en Allemagne, une telle sélection concomitante offre une occasion rêvée à ne pas manquer. Une riche programmation s'étalant sur toute l'année et s'étendant à l'ensemble du territoire assurera donc une présentation exhaustive de la Corée, avec pour objectif de rehausser notablement et durablement l'image du Pays du Matin Calme tout en renforçant la coopération entre les deux pays.
1 La cérémonie d'ouverture de la Semaine Asie-Pacifique se tieniira au Konzerthaus iie Berlin. 2 Une affiche du prochain Festival du film coréen qui aura lieu au Musée d'histoire allemande 3 La Semaine Asie-Pacifique de Berlin comportera une exposition et un symposium international s ur les peintures murales des tumulus de Goguryeo, sous les auspices de la Fondation de Corée et de l'U niversité Lib re de Berlin [Freie Universitat Berlin). 4 Lors du Comité coréano-allemand de coopération culturelle qui se tenait à Berlin le 22 septembre 2004, les représentants des deux pays ont officiellement déclaré 2005 Année de la Corée.
Promotion de l'image de la Corée
au projet afin qu'il soit couronné de succès. A la veille de
La signature du Traité coréano-allemand de 1883 sur
cette annonce of f icielle, la société de distribution
le commerce, l'amitié et la navigation a permis une multi-
cinématograph ique allemande 3L-Filmverleih avait déjà
plication des échanges conduisant progressivement à plus
importé dix films coréens dont Old Boy, Taegukgi : frater-
de compréhension et de confiance mutuelles entre deux
nité de la guerre et Silmido et entrepris, à compter de sep-
nations qu'unissent des affinités du fait de leur histoire
tembre 2004, de mettre à l'affiche de 150 salles, dans 71
semblablement marquée par la réussite économique en
villes différentes, un film par mois en ve rsion doublée .
dépit de leur partition .
Trois mois plus tard, un festival de musique coréenne
Malgré ces liens de solidarité anciens, les Allemands
classique et moderne proposant près de vingt spectacles
connaissent pour la plupart assez peu la culture et la
différents était organisé dans quatre villes. Ainsi débutait,
société coréennes et en réalité, amalgament encore le
avec un an d'avance, cette Année 2005 de la Corée.
pays avec des images négatives telles que la Guerre de
Cell e-ci allait auss i partic iper en tant qu'invité
Corée, la division nord-sud, les conflits sociaux ou la ques-
d'honneur, par le biais de la province de Gyeonggi-do et de
tion nucléaire nord -coréenne. Si l'organisation réussie de
l'O r gani sation nationale du tou r isme coréen , au Salon
la Coupe du Monde 2002 de la FIFA y a ajouté celle d'un
international Cara vane-moteurs-tourisme 2005 de
pays passionné par cette discipline sportive, la vision d'en-
Stu ttgart [Internationale Ausstellung für Garavan, Motor,
semble qui en résulte n'est pas pour autant très positive.
Touristik] qui avait lieu au mois de janvier dernier et la
La prépondérance de telles représentations ne peut
première allait également coorganiser avec l ' Etat de
qu'entraver le développement des relations bilatérales et
Baden-Wü rttemberg une réunion de consultation sur les
c· est précisément dans cette optique que se conçoit cette
exportations ainsi qu 'une Journée de l'économie coréenne.
année 2005 de la Corée , qui se destine à favoriser une
La Corée devait aussi être à l'honneur au Festival du film de
coopération concrète entre les deu x pays dans les
Berlin avec une rétrospective des oeuvres d'lm Kwon-taek.
domaines du commerce et de l'investissement, avec pour
Le mois d'avril prochain sera quant à lui marqué par un
condition préalable de diffuser une information fiable su r
concert réunissant l'Université Nationale de Séoul et la
la Corée et de résoudre ses problèmes d'image.
Mannh eim Musikschule, ainsi que par le Technomart Garavan qui se déroulera jusqu 'en mai à Dresde et dans
Echanges culturels C'est lors de la réunion du Comité coréano-allemand
d'autres villes à l'initiative de l'Institut coréen des technologies industrielles et de l'Institut de recherche Fraunhofer.
de coopération culturelle qui se tenait à Berlin le 22 sep-
A l'occa sion du bicentenaire de la mort de Ferdinand
tembre 2004 que les représentants des deux pays ont offi-
Canning Scott Schiller, toujours en mai , divers organismes
ciellement déclaré 2005 Année de la Corée et annoncé que
allemands proposeront des manifestations commémora-
leurs gouvernements respectifs apporteraient leur soutien
tives dans la ville de Weimar. Un festival coréen se trouve Printemps 2005 1 Korea na 35
aussi au programme des festivités du 816éme anniversaire de la création du port de Hamburg, ce même mois, et le suivant, trois croiseurs coréens participeront à la Kieler Woche pour gagner Hamburg et d'autres ports allemands, des manifestations culturelles étant prévues à chacune de leurs escales. Le Cebit de Hanovre, salon de l'informatique et des télécommunications, et celui de l'électronique grand public [IFA Berlin). le plus grand au monde dans ce domaine, offriront aux industries coréennes, respectivement en mai et septembre prochains, de nombreuses possibilités de renforcer leur présence et leur coopération avec les entreprises allemandes de haute technologie, favorisant ainsi les échanges bilatéraux. Enfin, un orchestre militaire coréen effectuera de septembre à octobre une tournée dans diverses localités allemandes pour exécuter des œuvres musicales traditionnelles et populaires.
Une abondante programmation culturelle Point d'orgue de cette Année 2005 de la Corée, la Semaine Asie-Pacifique de Berlin et la Foire du Livre de Francfort se dérouleront successivement en septembre et octobre . D'une périodicité bisannuelle, les premières offrent au pays qui en a l' honneur l'opportunité de présenter son héritage culturel dans la capitale allemande à travers plus de cent manifestations. Sa cérémonie d'ouverture se tiendra le 19 septembre 2005 au Konzerthaus de Berlin en présence du Président de la République fédérale et d'un millier d'invités de marque issus du monde politique, financier, culturel et des moyens de communication allemands, ainsi que de per36 Koreana I Printemps 2005
sonnalités étrangères. A cette occasion, sera donné un concert de gala dont la Corée aura la vedette en présentant un panorama de sa culture classique et moderne. Outre cette manifestation, qui aura lieu dans le Konzerthaus, des spectacles de rue du répertoire folklorique et populaire seront présentés par un orchestre militaire et un ensemble de percussions qui donneront aux spectateurs et médias allemands un avant-goût exotique de la culture coréenne. Après cette grandiose ouverture, le Théâtre national de Corée interprétera la composition Fantaisie coréenne suivie d'autres représentations tant à Berlin que dans d'autres villes allemandes dont Düsseldorf. La Semaine Asie-Pacifique comportera quant à elle une exposition et un symposium international sur les peintures murales de Goguryeo organisés sous les auspices de la Fondation de Corée et de l'Université Libre de Berlin [Frei~ Universitat Berlin). Figurent également au programme la cérémonie d'ouverture du Jardin de Séoul aménagé par cette municipalité dans son quartier de Marzahn, un concert de l'Orchestre de musique traditionnelle de la Ville de Séoul et des expositions de photographies retraçant l'histoire de la capitale sud-coréenne et du projet de réhabilitation du cours d'eau Cheonggyecheon, autant d'occasions de promouvoir la coopération entre les deu x capitales. Le ministère de l' Environnement et l'Agence coréenne de coopération internationale se sont par ailleurs joints à l'Agence allemande de coopération technique [GTZ) pour organiser une série de conférences économiques et commerciales sur l'environnement et la coopération scien-
1, 2 La société de distribution a llemande 3L-Filmve rle ih a importé di x films coré ens, dont Old Boy et Taegukgi : fra ternité de la guerre, à l'a ffi che de 150 salles da ns 71 villes a llemandes. 3 Article d'un journa l a llemand consacré à la artici ation de la Corée au CMT 2005 (Sa lon inte rn atio nal Ca rava ne -moteu rs -tourism e] en ta nt qu'invitée d'honn eur. 4, 5 Invitée d'honneu r à la Foire du livre de Fra ncfort, la Corée souhaite y te nir son ra ng de septiè me édi teu r mondia l e n prése nta nt cen t des plus gra nds chefs-d'oeuvre de s a littérature .
tifique, ainsi que divers échanges rassemblant des participants sud-coréens et allemands. Premier salon mondial du secteur de l'édition, la Foire du Livre de Francfort accueille nombre de manifestations qui lui ont valu le surnom d'Olympiades de la culture. Invitée d'honneur de cette exposition, la Corée y présentera les traductions d'une centaine de chefs-ci' oeuvre, justifiant de son classement au septième rang mondial dans ce domaine. Dans ce cadre, dix grandes oeuvres coréennes seront sélectionnées en vue d'une tournée qui, des mois de mars, lors de la Foire du Livre de Leipzig, à septembre, visera à faire découvrir tout le génie de cette littérature au moyen de symposiums et conférences scientifiques. Cette action mettra aussi en lumière l'alliance d'une culture traditionnelle toute en finesse avec le dynamisme de celle d'aujourd 'hui, qui fait appel aux hautes technologies. En dern ier lieu, la Commission scientifiqu è et technologique coréano-allemande, créée en 2003, tiendra sa troisième conférence au mois de novembre. Réaffirmant l'esprit de cette Année 2005 de la Corée, elle s'emploiera à rechercher, à l'intérieur de son aire de compétence, de nouvelles modalités de coopération entre les deux pays. Nul doute que la Corée saura tirer partie de cet ensemble de manifestations lancées le 1·' janvier dernier, ainsi que du statut de nation avancée que lui a accordé l'Etat allemand, pour présenter au pub l ic de ce pays l'image d'une «Corée propre et prospère, celle d'un peuple oriental tout de blanc vêtu » qui devrait avoir des incidences concrètes sur l'étendue et le volume des échanges commerciaux et des investissements directs. t..t Printem ps 2005 1 Ko reana 37
38 Koreana I Printemps 2005
Kim Seok-chul ou l'urbanisme futuriste
Kim Seok-chul, l'un des grands noms de l'architecture coréenne, mène depuis trente ans une activité centrée sur l'urbanisme. Celle-ci vise aujourd'hui à jeter les bases d'une communauté de la Mer de l'Ouest reposant sur ses projets d'Aquacité et dïCité respectivement conçus pour les villes chinoise et sudcoréenne de Qufu et dïncheon. Lee Sang-hae Professeur d'architecture à l'Université Sungkyunkwan
L
·architecture d'Asie orientale recherche le rap-
témoignent des réalisations qui jalonnent ces trente
prochement de l'Homme et de la Nature constitutive
dernières années, tels le plan d'aménagement de l'île de
de notre planète. Cette approche repose sur le concept
Yeoido à Séoul, en 1972, le Centre des Arts de Séoul, en
philosophique, fondamental dans cette région du monde,
1988, et des projets récents comme l'Aquacité de Qufu et
d'unité entre ciel et humanité. Elle y correspond à une
lïCité d'lncheon.
importante métaphysique selon laquelle Homme et
« Les projets d'Aquacité et d'iCité sont nés lors
Nature ne font qu'un, en harmonie et en relation avec le
d'ateliers de création que j'animais avec le Professeur Wu
cosmos et toute créature vivante, tout en conservant leur
Liangyong à l 'Université chinoise de Tsinghua, de l'idée
individualité au sein de cette entité fusionnelle . Une telle
que la Chine, la Corée et le Japon sont tous trois des pays
vision explique la spécificité organique de l'architecture
d'Extrême-Orient employant des signes d'écriture chinois
d'Asie orientale et son caractère indissociable de la
et possédant une culture et une civilisation fondées sur le
Nature, ce qui sous-entend que cette discipline ne cons-
confucianisme», explique Kim Seok-chul.
titue pas pour l'Homme un simple instrument de confort, mais un facteur d'éveil spirituel.
Depuis fort longtemps, ces trois pays entretiennent d'actives relations commerciales dans la zone qui s'étend du littoral est chinois au Golfe de Bohai et à la Mer de
Création d'une Communauté de la Mer de l'Ouest A partir d'une réflexion poussée sur les relations
l'Ouest et représente aussi un trait d'union culturel et civilisationnel. Le port de Qufu constitue la capitale spirituelle
homme-nature, Kim Seok-chul conçoit et planifie l'avenir
de ['Extrême-Orient, pour ainsi dire son Athènes ou sa
humain à travers l'architecture et l'urbanisme, comme en
Jérusalem, puisqu'il s'agit de la ville natale de Confucius, Printem ps 2005 1Korea na
39
Kim Seok-chul oriente sa réflexion vers une architecture représentative de l'aveni r humain, fondée sur un paradigme urbanistique novateur de fusion entre ville et architecture, infrastructure et milieu urbain.
2
3
4 5
L'iCité est une ville maritime ova le de 300 hectares reliée à l'aéroport international d'lncheon, qui occupe une position centrale en Mer de l'Ouest, par un pont de 12,3 kilomètres. Le projet d'iCité d' lncheo n prévoit d'ova li ser les digu es maritimes rectilignes situées au larg e de la Zone franche ind ustrielle de Songdo afin d'y insérer des terrains su pplémentaires. Le plan d'occupation des sols de l'i Cité intégrera le front de mer, l'i nfrastructure et les superstructures urbaines en une ville dont le génie civil, les in stallations et l'architecture seront numérisés. Le projet d'Aquacité de Qufu vise à resta urer et préserver le foyer d'histoire et de culture qu'est Qufu tout en lui ouvrant des perspectives au XX I' siècle. L'Aquacité de Qufu repose sur le principe des cinq éléments [métal, bois, feu, eau et terre) qui sont à la base de toute vie.
40 Koreana I Printemps 2005
et à ce titre, sans nul doute, un symbole spirituel de la région de la Mer de l'Ouest. Il se situe en outre sur l'artère routière menant aux deux grandes métropoles chinoises de Pékin et Shanghaï. «Les projets d'Aquacité et dïCité ont pour objectif la réalisation de centres urbains emblématiques des origines historiques et culturelles communes de la Chine et de la Corée. Ils reposent sur le concept de création d'une force centrifuge autour de laquelle s'instaurera le nouvel ordre extrême-oriental du 21 " siècle. Le premier prévoit, au nord du fleuve Yihe, le maintien des quartiers de Qufu qui cons-
titueront la cité historique, le sud étant dédié à l'aménage-
Nouveau paradigme urbanistique
ment de la ville nouvelle qui symbolisera la Communauté
Le projet iCité d'lncheon prévoit d'ovaliser les digues
de la Mer de l'Ouest. Au cœur de celle-ci, l'aéroport
maritimes rectilignes situées au large de la Zone franche
international d'lncheon constituera une plateforme de dis-
industrielle de Songdo afin d'y insérer des terrains
tribution aérienne, et l'iCité, un nœud mari-time reliant
supplémentaires. Là où une démarche urbanistique clas-
lncheon aux Provinces du Liaoning et du Shandong »,
sique aurait voulu que l'aménagement de tels espaces
déclare Kim Seok-chul.
précède l'implantation d'infrastructures, suivie de la con-
L'Aquacité et l'iCité se conçoivent donc comme des
ception et de la réalisation des constructions, Kim Seok-
maillons unissant ces deux régions chinoises à la côte
chul innove en effectuant cette première étape en
coréenne de la Mer de l'Ouest au sein d'une communauté
complément des infrastructures existantes afin d'assurer
économique.
une harmonieuse intégration de celles-ci dans le paysage
Printemps 2005 1 Koreana 41
urbain. Ce concept inédit s'inscrit donc résolument à contre-courant de la norme dominante de l'architecture moderne, à l'instar du nouveau paradigme urbanistique de son créateur, qui ambitionne une symbiose entre ville et architecture, milieu urbain et infrastructures. A cet effet, il prévoit d'adjoindre à la digue un pont qui s'incorporera aux équipements urbains pour redéfinir l'espace. Ville d'histoire et de culture fondée voilà plus de trois mille ans, Qufu a vu naître Confucius et constitue donc le berceau d'une philosophie représentant l'essence même de la pensée et de la spiritualité de l'Asie orientale. Le projet de l'Aquacité vise à lui conserver ce statut dans la vision qu'il en propose pour le 21 • siècle, puisque la ville ne constituera pas seulement la pierre angulaire de la futu re communauté de la Mer de l'Ouest, mais aussi un foyer de culture confucéenne et de géomancie, une agglomération centrée sur l'homme, emblématique de la richesse culturelle chinoise, et fondée sur un principe de développement durable susceptible de résoudre les problèmes d'une métropole moderne. «Nous projetons d'édifier au sud du fleuve Yihe un mur d'enceinte de 2,5 kilomètres de diamètre et de mettre en place un réseau de transport spécifique desservant la ville intra-muros par une liaison ferrov iaire à grande vitesse . L'Aquacité repose sur le principe des cinq éléments [métal, bois, feu, eau et terre] qui se situent à l'origine de toute vie puisque ce projet prévoit de drainer vers Qufu les eaux en provenance du nord pour qu'elles s 'écoulent en zone urbaine avant de se jeter dans la mer. En outre, des piles solaires placées sur les murs d'enceinte fourniront une source d'énergie renouvelable illustrant la volonté de créer une ville sans pollution, conçue pour ses habitants», indique Kim Seok-chul. La présentation de ces deux projets a eu lieu en 2004 à l'occasion de la 9•m• Biennale internationale d'architecture de Venise, dans le cadre de l'exposition «Cités sur l'Eau» et lors de cette manifestation, le jury a formulé visà-vis d'eux une appréciation très favorable en y percevant une démarche novatrice issue d'une coopération transfrontalière à l'échelle des deu x villes . Ces modèl es d'urban isme progressif appliqué à une agglomération aux structures tant historiques que contemporaines et mettant l'accent sur l'utilisation de l'eau se sont vu accorder la mention honorable par les jurés.
42
Koreana
I Printemps 2005
A Jeju, le Mu sée du Cinéma de Shinyoung paraît de nature organique avec ses co urb es ondulant librement dans le cadre d'un thème géométrique. 2 Vue panoramique du multiplex CineCity. La ville se mble s· étirer tout autour des baies de cette construction de quinze étages. 3 Les locaux de la maison d'édition Changbi constituent un exemple de fusion d'une construction dans la ville et inverseme nt.
Pri ntemps 2005 1Ko rea na
43
1 Le Centre des Arts de Séoul offre au sein d'un espace culturel et artistique d'envergure mondiale un opéra, une salle de concert, un musée d'art et un théâtre en plein air. 2, 3 Le Centre d'études Hanssem, version actua lisée de l'habitat traditionnel co rée n.
Convergences homme-nature
A Séoul, Kim Seok-chul se consacre en parallèle à un projet de réhabilitation urbaine portant sur le quartier
inversement, concept récurrent des productions de l'architecte, comme au Musée du cinéma de Shinyoung, sur l'île de Jeju, ou à l'atelier Hanssem Sihwa.
résidentiel de Bukchon, qui date de l'époque de la Dynastie
« La ville du XX· siècle était incompàtible avec
Joseon . Il s'agit d'en intégrer les habitations tradition-
l'homme et l'accent étant mis aujourd'hui sur la fonction-
nelles à toit de tuile dites «hanok» dans la ville moderne
nalité et la productivité, elle s'avère un échec et doit donc
en créant de nouveaux espaces urbains et à cet effet, de
évoluer au XXI· siècle. Il convient en particulier que celles
réinterpréter la venelle de Bukchon qui unit les palais de
des pays en développement rapide ne prennent pas en
Gyeongbokgung et Changdeokgung tout en cherchant à la
exemple de tels échecs», affirme le créateur. Sa pensée
réimaginer . L'architecte a déjà à son actif plusieurs
urbanistique s'exprime dans divers projets en cours de
réalisations individuelles alliant le contexte historique de
réalisation, notamment ceux de l'Aquacité de Qufu et de
Bukchon avec la modernité de Séoul, tels le Centre
réaménagement d'une autre ville chinoise, Chongqing .
d'études Hanssem (design au-delà de l'est et de l'ouest).
De constantes hausses de production axées sur le
siège de son cabinet d'architecte Archiban composé de
profit entraînent une consommation effrénée contribuant à
deux «hanok» réaménagées, et la maison d'édition
des dommages écologiques et à l'aggravation de la pollu-
Changbi . Ces projets constituent un exemple type de la
tion . Pour enrayer ce processus destructeur à l'aube du
possibilité de fusion des constructions dans la ville et
XXI· siècle, il importe de s'intéresser de près à l'homme et
44 Koreana I Printemps 2005
à son environnement naturel, de revaloriser une culture et une civilisation humaines que le siècle dernier avait reléguées au second plan. En Asie orientale, la conception de la Nature, selon laquelle celle-ci, l'Homme et toutes choses de cet Univers font partie intégrante d'une même entité , doit également évoluer afin de dépasser une création urbaine relevant de l'anthropocentrisme. La démarche urbanistique de Kim Seok-chul apporte à cet égard une solution alternative fondée sur la synthèse entre matière et esprit, le respect des réseaux relationnels reliant tout dans un monde où coexistence et symbiose sont possibles, ainsi que sur le refus de l'égocentrisme . Elle se veut annonciatrice d'une ère où toute région et tout autre lieu de la Terre occupent une position centrale, tout en reconnaissant le caractère individuel de chaque forme de vie. t;t
Maitre Jang Ju-won : toute une vie dédiée à la passion du jade Matériau noble aux délicates teintes, le jade ravit l'homme depuis des temps ancestraux, parfois à l'égal d'un trésor, comme en Orient. Jang Ju-won lui donne vie par de splendides créations artisanales reflétant une passion et un dévouement remarquables. Ryu Min Rédactrice occasionnelle Oh Jong-eun Photographe
46 Koreana I Printemps 2005
S
i l'or est tout aussi apprécié en Occident qu'en Orient, le jade est plus particulièrement lié à ce dernier, qui
lui accorde une grande valeur. L'aspect à la fois translucide et miroitant de cette pierre ne cesse d'enchanter ceux qui la portent, outre qu· on lui attribuait jadis une pureté immaculée symbolique des vertus prêtées au x grands lettrés confucéens ou «seonbi».
Fatidique rencontre Classé n° 100 au patrimoine culturel immatériel, le maître artisan Jang Ju-won réalise des jades de toute beauté grâce à son talent artistique et au savoir-faire acquis au fil du temps. Ses ouvrages ont reçu un accueil dithyrambique, d'aucuns affirmant que, par son sens esthétique et le perfectionnement de sa technique, il surpassait ses prédécesseurs coréens mais aussi chinois, ces derniers ayant longtemps fait figure d'experts incontestés dans cet art. «L'art du jade possède des origines anciennes en Corée, comme en témoigne la découverte d'un site artisanal néolithique le long du bassin fluvial de Namgang à Gyeongju. De la période des Trois Royaumes à la Dynastie Joseon, les accessoires, bagues, boutons et breloques de
Encensoir en forme de Mont Bongnaesan !jade blanc, 200 x 260 x 700mm) : le corps du récipient. le dragon tenant un cintamani dans sa gueule et la chaîne double. tous gravés sur une pièce de jade unique .
jade étaient très appréciés des femmes de la haute société. Si la Corée parut alors en arrière de la Chine par ses procédés artisanaux, il n'en est rien aujourd 'hui. Je suis fier d'apporter la démonstration que ces techniques ont évolué, et je dirais même plus, que la Corée est actuellement le pays créateur par excellence dans ce domaine». Né en 1937 à Mokpo, dans la province de Jeollanamdo, Monsieur Jang a consacré la plus grande partie de sa vie d'adulte à l'art du jade après s'être découvert une véritable passion pour cette pierre et en accord avec sa famille. Comment s'explique cette fascination vieille de quarante-trois ans? «Le jade accepte tous mes défis sans la moindre réserve. Que je le taille finement ou l'incruste en profondeur, il se laisse façonner à ma guise. Sa beauté sereine est une source d'émerveillement sans cesse renouvelée». Joyau tout à la fois solaire, par son éclat diamantin, et lunaire, par son charme subtil empreint de dignité, il suscita une telle admiration chez Jang Ju-won, lorsqu'il le découvrit à l'âge de vingt ans, qu'il se sentit comme noyé dans un clair de lune. Déjà renommé dans le quartier Printemps 2005 1Koreana 4 7
séouljen de Jongno pour ses talents de joaillier, il reçut un jour la visite d'une pe rsonne qui, ayant eu vent de cette notoriété, venait le solliciter pour la restauration d'un encensoir de jade. Jang Ju -won se souvient encore très bien du vertige et des maux de tête qu'i l ressentit alors à force de chercher comment et par où il commencerait. Décidant par la suite de se consacrer à cet art et découvrant sans tarder que nul n'était en mesure de le lui enseigner, il résolut d'assurer autant que possible sa propre formation, laquelle allait l'emmener dans une centaine de pays, notamment Taïwan . Après l'établissement de relations diplomatiques entre la Corée et la Chine, ses voyages sur le continent chino is se firent plus fréquents. Dès qu'il butait sur un obstacle ou éprouvait le besoin de se renouveler, il repartait ainsi contempler les objets d'art ou d'artisanat en jade des musées ta·1wanais ou chinois et une fois nanti d'une nouvelle inspiration, rentrait en Corée. Quand surgissait une idée, il restait cloîtré dans son atelier au mépris du temps, passant des nuits blanches pour ne pas interrompre le fil conducteur de sa passion artistique, travaillant en chemisette dans son studio sans chauffage pour chasser la fatigue sans jamais ressentir le froid . «L'homme a une surprenante force d'esprit. On me 1 Encensoir au phénix ljade blanc, 150 x 150 x 220mm] : Parés d'ajours exquis, les encensoirs et récipients superbement exécutés par le maître Jang Ju-won sont aujourd'hui sans pareils . 2 Théière en forme de gourde ljade vert. 200 x 150 x 170mm]: Jang Ju-won aime particulièrement à réaliser ces motifs de cigales. dont il a appris l 'humilité. puisque ces insectes restent à l'état larvaire pendant sept années pour ne vivre qu·un été à l'âge adulte.
demande souvent pourquoi j'ai consacré ma vie au jade et la seule raison en est que je l'aime. Je ressens ce lien en prenant conscience que le jade s'allie en essence au vouloir de l ' homme pour produire un chef-d'oeuvre . Toutes les pièces sont différentes et j'y découvre fréquemment des fissures imprévues en effectuant une incrustation sur un grain irrégulier. Si je parviens à y passer outre pour réaliser un bel objet, j'ai l'impression qu'il se crée avec lui une certaine intimité».
Une ovation mondiale Suite à l'extraction du jade, il convient d'éviter toute exposition directe de celui - ci à la lumière du soleil car, de même que l'oeil humain a besoin de temps pour passer de l'obscurité à la lumière, cette pierre restée enfouie sous terre pendant des centaines de millions d'années nécessite aussi un temps d'adaptation à son nouvel envi ronnement en surface. Il faut en outre le placer dans un sac de boue jaune porté e à une température de 800 à
1 000° C pour prévenir les fissurations. Il présente un grain aux motifs variés et une couleur bleue, blanche, jaune ou marron clair en fonction de sa provenance. 48 Koreana I Pri ntemps 2005
Dès son tout premier ouvrage, le jade allait conquérir Jang Ju-won, éveillant en lui un inaltérable engouement. Lorsqu'il découvrait un beau morceau de pierre brute, il pouva it passer des mois, voire des années en admiration devant lui avant que ne prenne corps l'idée d'une composition.
3 Jang Ju-won contemplant son œuvre. L"exécution d"une pièce peut prendre un à deux ans. voire des décen ni es
Pri ntemps 2005 J Koreana
49
Jang Ju-won connaît une absolue extase lorsqu'il met la main sur un jade exceptionnel, puis des mois, voire des années, peuvent s· écouler avant qu'il ne décide de sa destination et ne lui fera franchir le seuil de son studio que pour entamer la réalisation de l'œuvre dûment conceptualisée. «En Chine, les artisans commencent souvent par tailler séparément les différentes pièces qu'ils assemblent ensuite. A l'inverse, j'ai pour habitude de partir d'une pièce unique d'où proviennent tous les éléments d'une même production, par exemple le récipient, le dragon incrusté, la perle qu'il tient dans sa gueule et les chaînes qui l'entravent». Jang Ju-won sculpte ses créations au moyen d'une scie de précision spéciale, cet outil de découpage étant fabriqué par dépôt de grains de sable d'une dureté de 8 ou 9 degrés sur un fin fil de soie. Pour percer un trou dans le jade, l'artisan y enfonce délicatement un cordon fi xé à une pointe afin d'obtenir la forme souhaitée . Enfin, il polit l'objet obtenu à l'aide d'une fine poudre d'oxyde de fer rouge. A chacune de ces étapes est ainsi réalisée une opération lente et minutieuse que l'on ne peut écourter en aucune manière et son exécutant se doit donc de faire preuve d'une infinie patience. Tel ouvrage entrepris par un père peut donc être repris par son fils, voire son petit-fils, pour mener à bien sa réalisation. S'efforçant toutefois de réduire ces temps d'exécution, mais aussi et surtout de mettre en valeur les subtils détails de ses créations, Jang Ju-won associe les techniques artisanales traditionnelles à des dispositifs modernes tels qu·outils à main et appareils motorisés. Il réalise des encensoirs et bouilloires parés d'ajours exquis que l'on dit sans pareils dans le monde, ainsi que des chaînes doubles taillées sans fissuration dans une même pièce, ce dont il a l 'exclusivité . Parmi ses productions récentes figure un flacon de parfum en forme de gourde et
à l'ouverture de la taille d'un trou d'épingle dont l'exécution a représenté une nouvelle prouesse. Une exposition qui se déroulait aux Etats-Unis en 2001 a permis de faire apprécier ces véritables chefs-d' œuvre de perfection artistique et d'élégance extrême, cet accueil élogieux consacrant la créativité et le dévouement ardent de leur auteur.
1 Au cours de ces quarante-trois dernières années, Jang Ju-won s·est à tel point dévoué au métier que l'on peut parler à Juste raison de fascination pour le jade. 2 Jang Ju-won s·attache aussi à populariser son art . le,. un pendentif traditionnel orné d'un flacon de parfum gravé selon une technique classique.
50 Ko reana I Printemps 2005
Une déontologie exemplaire
Souhaitant doter chacune de ses créations d'un contenu philosophique, Jang Ju-won orne la moindre bouilloire de motifs élaborés de feuilles de vigne entrelacées,
sauterelles, fourmis et abeilles. Il exprime ainsi toute une symbolique de la complexité des affaires de ce monde représentées par l'entrelacement de la vigne, de l'oisiveté totale, par les sauterelles, des durs labeurs, par les fourmis, et de l'intégration harmonieuse au sein d'une équipe, par les abeilles. Enseignant à l'Université de Kyonggi depuis 1999, il exhorte sans cesse ses étudiants à travailler avec zèle et assiduité. «Si je me trouve aux origines de l'art du jade coréen, il incombe à mes étudiants d'en inaugurer l'âge d'or. Pour exceller, il faut accomplir ce que d'autres n'ont pu faire, c'est-à-dire élaborer un art du jade spécifiquement coréen . A l'instar du «hwimori jangdan », ce cycle quadrimétrique rapide représentant les battements du coeur d'un sujet coréen, nous devons faire appel à notre passion et à notre sensibilité pour réaliser des ouvrages que le monde entier appréciera». Depuis ses premiers pas dans le métier, jamais il n'a oublié que l'art du jade procédait d'un combat contre soimême ni n'a cédé au besoin instinctif de manger, boire ou même se soulager au détriment d'une intense concentration tant sa fascination pour le jade est puissante. En dépit de sa réputation de meilleur artisan au monde dans ce domaine, son ardeur créatrice demeure intarissable, persuadé qu'il est, au terme de méditations métaphysiques sur l'univers, que ses travau x ne font qu'imiter les grandioses accomplissements du Créateur. «Je décore souvent mes jades de motifs de cigales, car celles-ci demeurent à l'état larvaire pendant sept années pour ne vivre qu'une saison, certaines y restant même paraît-il vingt-sept ans en Chine . Je trouve cela attristant et considère que mon travail n'est rien auprès de l'endurance de ces insectes». Le maître Jang s'attache actuellement à l'accomplissement des projets de toute une vie que sont la
Fantaisie coréenne à laquelle il travaille depuis vingt-trois ans et les 501 Figurines entrepris voilà dix-neuf ans. Le premier retrace, sur une pièce de jade unique pesant trois tonnes, toute l'histoire de la Corée de l'époque de Dangun, père fondateur légendaire de la nation, au x
Etapes de la réalisation d'un encensoir de jade A Déco upe de la pi èce de jade dans la masse au moyen d' une scie et de carbure de silicium . B Exécu tion du motif sur la p1ece de jade et gravure des lignes au poinço n. C Réa li sati on du pied à l'aide d'un ma rt eau tubulaire. D Taille du réc ipi ent à la m eule. E Taille et gravure à la m eule de l' in téri eur du cou vercle. F Ultime gravure au moye n d' une lam e de diam ant G Gravure des motifs sur le réc ipi ent. H Pi èce fini e. Photographies: Institut national de recherche sur l'héritage culturel
temps contemporains, alors que le second consiste en une sculpture représentant les cinq cent un personnages ayant contribué à infléchir le cours de l'histoire coréenne dans divers domaines, et parmi eu x, l'un des maîtres du jade à son atelier. ~ Printemps 2005 1 Koreana
51
~
s
ignifiant étymologiquement «entasser», le terme sanscrit
stupa allait désigner par la suite une sorte de tombe construite en terre ou en briques pour abriter les cendres du défunt. Lorsque le vénérable Sakyamuni quitta ce bas monde, le sens du vocable évolua considérablement. Selon les préceptes du Bouddha historique, de nombreuses tribus procédèrent à l'enchâssement de
sarira, ces restes calcifiés par l'incinération, dans les stupas édifiés
à pro ximité des temples voisins . Outre sa fonction funéraire, le stupa a valeur d'objet de culte symbolisant les enseignements de Bouddha et représente
a1ns1
une
figure
emblématique de l 'expansion du bouddhisme . C'est groupé·s autour d'elle que les fidèles méditaient sur la substance de l 'univers, tout en priant avec ferveur pour la réalisation de leurs souhaits. Sous sa forme la plus cou rante en Inde, le stupa évoque un empilement de jattes plac ées à l 'envers, mais la bouddhisation de la Chine en a altéré la conception dans la plastique comme dans les matériaux, conduisant communément à des structures à neuf ou treize gradins réalisées en bois ou en brique. Lors Printemps 2005 1Koreana
53
C'est lors du démontage de ces édifices réalisé en 1956 et 1996 en vue de leur entretien que furent successivement mises au jour deux reliques dites sarira. Ces vestiges, qui témoignent d'un haut niveau de savoir-faire et d'excellence dans l'art de la sculpture et dans l'exécution d'ouvrages métalliques, ne font qu'ajouter à la richesse du temple Gameunsa.
rocheuse s'enfonçant dans la Mer de l'Est. C'est sur le flanc de montagne menant à cette sépulture qu'allaient être édifiées, en l'an 682, les pagodes en pierre à trois étages du Temple Gameunsa. Construit parallèlement aux pagodes, le pavillon dit Geumdang fut équipé d'une canalisation d'eau placée au-dessous du parquet et débouchant à l'extérieur sous un mur de soutènement en pierre afin de permettre au souverain, réincarné en un dragon, de circuler aisément entre ce sanctuaire et le lieu où il 2
de leur apparition en Corée, ils
monarque Munmu [r. 661 - 6811,
reposait sous la mer. Pagodes en pierre coréennes
présentaient une exécution analogue
chercha à asseoir son autorité et à
Les pagodes de Gameunsa
qui évolua cependant par la suite vers
mettre en place une nouvelle forme
tirent leur renommée de l'exception-
des constructions plus élégantes et
de gouvernement. Il espérait avant
nelle valeur historique et artistique
simples, principalement en pierre et
tout réaliser l'unité idéologique du
qu· elles possèdent en Corée. C'est en
pays grâce au rayonnement du boud-
effet de leur construction, avant
à trois gradins.
dhisme qu'il s'efforçait de favoriser
laquelle chaque temple n'en compor-
pour gagner la confiance du peuple. Il
tait qu'une seule occupant une posi-
allait toutefois succomber avant
tion centrale parmi les différents
[Goguryeo, Baekje et Silla] et de
d'avoir vu se réaliser son rêve le plus
édifices, que date la pratique d'en
l'Antiquité coréenne, celui de Silla [57
cher grâce à son fils Sinmun [r. 681 -
élever deux
av. J.-C. - 935 ap. J.-C.] fit du boud-
692] qui, durant son règne, s'acquitta
enceinte. Si les raisons d'un tel
dhisme la religion d'Etat après avoir
de cette tâche en faisant élever le
changement demeurent inconnues, il
unifié avec succès la péninsule
Temple Gameunsa et ses pagodes en
se voulut certainement le symbole du
coréenne en 676 en expulsant ses
pierre à trois étages.
Quand le rêve devint réalité
Dernier des trois royaumes
dans
une
même
pouvoir monarchique centralisé et
anciens alliés les Tang. Désireux de
Conformément à ses souhaits,
des aspirations populaires. Les
consoler ses sujets de décennies de
le roi Munmu fut incinéré et ses cen-
pagodes de Gameunsa sont en outre
souffrances dues à la guerre, le
dres furent conservées sur une arête
le fruit d'une prouesse architecturale
54 Koreana I Printemps 2005
1, 2 Les récipients renfer ma nt les «sa r ira» découverts dans les pagodes de Ga meunsa se compose nt de coffrets intérieurs et exté ri eurs contenant des jarres . Ces reliqu es remarquables attestent de la splend eur de l'artisanat à l'époque de Silla Unifié (Institut national de recherche su r l'héritage cu lturel) . 3, 4 Les Quatre divin ités tutélaires figurant sur des récip ien ts r ituels et un coffre de bronze destin é à ab rite r les «sarira» furent déco uve rts lors du démontage des pa godes de Gameunsa en vue de leu r entretien (Musée national de Co rée!.
qu'attestent leurs proportions, ainsi que l'équilibre et l'harmonie de leurs structures appariées. Il conv ient en outre de noter qu 'elles occupent une place particulière dans l'histoire de l'art coréen puisqu'il s'agit des premiers édifices de ce type en pierre, dotés de formes
à la fois simples et majestueuses . Leur construction marque une r upture avec l'ancienne pratique consistant à adapter la pierre à la reproduction de structures de bois . L'abondance du maté r iau et l'allègement des structures autorisèrent
4
une rapide généralisation de tels dans des jarres de cristal logées
extrême atteints par la civilisation de
niveaux assurent stabilité structurale
dans un récipient de bronze doré en
Silla dans le trav.ail des métaux et la
et beauté des proportions propices à
forme de gourde, l'ensemble prenant
sculpture. La vitalité et la hardiesse
la piété.
place dans des palanquins ornés de
des hommes de Silla, qui réalisèrent
repr ésentations
mus1c1ens
l 'unité de la nation coréenne, sont
acquérir ainsi une dimension sacrée,
célestes et enfermés dans de grands
aujourd'hui encore source d'admira-
une pagode se doit de renfermer les
coffres en bronze doré à l'effigie des
tion, à l'instar de l'exquise beauté de
authentiques sarira de Bouddha sans
Quatre divinités tutélaires. La tradi-
ces reliquaires.
lesquelles elle ne saurait constituer
tion bouddhiste voulait alors que les
C'est une réplique de ceu x-ci qui
un stupa. La présence de ces ves-
sarira fussent répartis dans quatre
abrite actuellement les sarira, à
tiges en constitue donc l'essence
ou cinq récipients que l'on enchâssait
l'emplacement qui leur était réservé
même.
dans
à
dans les pagodes, les or i ginau x
l'intérieur du troisième gradin de
provenant des pagodes ouest et est
pagodes de Gameunsa, en 1956 et
chaque pagode, les sarira témoignent
étant respectivement exposés au
1996, pour en effectuer l'entretien,
ainsi d'une stricte observation des
Musée National de Corée et à celui
des sarira de Bouddha furent
pratiques funéraires bouddhiste s.
de Gyeongju . 1..1
découvertes dans chacune d'elles .
Ces différents réceptacles révèlent
Ces reliques avaient été déposées
aussi tout le savoir-faire et la finesse
édifices, dont les fondations sur deux
Pour devenir objet de culte et
Lorsque furent démontées les
le
st upa.
de
Découverts
Printemps 2005 1Koreana 55
CHRONIQUE ARTISTIQUE
Considéré sa vie durant comme le plus coréen des maîtres de la peinture de style occidental, Park SooKeun affectionne les scènes de la vie quotidienne des gens du commun. A l'occasion du deuxième anniversaire de son inauguration, le Musée Park Soo-Keun, situé dans la ville natale de l'artiste, lui consacre une exposition commémorative jusqu'au 31 mars 2005. Kwon Sung-ah Conservatrice du Musée Park Soo-Keun
anggu et ses hivers précoces évoquent les œuvres de
Y
ci le met en vedette pour en représenter avec virtuosité les
Park Soo-Keun [1914-1965) ou sont-ce plutôt ces
reflets brun-or selon une perspective qui permet de les
dernières qui s'imprègnent de cette morne saison ? Voilà
voir sous la meilleure lumière possible.
déjà deux ans que cette localité où naquit et grandit l'artiste abrite un musée qui lui est dédié.
Bien que la technique de la matière n'y soit pas évidente, le Chariot vide, situé en 1960, véhicule mieux
c· est en 1997 que se regroupent ses adeptes, animés
qu'aucune autre la qu iétude d'esprit qui inonde les œuvres
du seul désir d'honorer sa mémoire, pour mettre sur pied
de l'artiste. Représenté au moyen de lignes se composant
un projet. Fruit de six années d'efforts et de persévérance,
d' entailles exécutées avec un outil pointu sur des touches
le Musée Park Soo-Keun ouvrait ses portes le 25 octobre
brutes de couleur, ce Chariot vide suscite une sensation
2002 à Jeongnim-ri, agglomération de la ville natale de
d'exacerbation, de lassitude de la vie.
l'artiste, Yanggu-gun. Alors qu 'à l'inauguration, aucune
Tout comme l ' ensemble de son œuvre, ses
collecte de fonds n'avait encore été réalisée pour acquérir
aquarelles s'intéressent à des sujets ordinaires. Al' excep-
ses œuvres, deux années allaient suffire à se doter d'une
tion de quelques paysages, l'artiste privilégie la nature
collection de cent deux créations composées de peintures
morte où figurent des objets de la vie quotidienne tels que
à l'huile, aquarelles, pastels, estampes et croquis.
cartables d'enfants, escarpins brodés, -crayons et
De la matière à l'estampe
compositions très simples . Dans l'œuvre intitulée
gommes, peintures ou vases quelconques disposés en des Les peintures à l'huile exposées datent toutes des
Couleurs, deux pinceaux et des étuis ronds renfermant
années 1960, telle Deux hommes assis, réalisée en 1965,
une palette de douze gouaches de la marque «Nouveau
année du décès de l'auteur. Placés de dos, ces deux per-
cosmos » aujourd'hui disparue apparaissent en tant que
sonnages illustrent une technique de représentation des
tels, sans aucun repère de fond ou d'espace.
figures humaines qui est propre à l'artiste, dont les épais
S'il ne fut guère un graveur de génie, Park se passion-
coups de pinceau révèlent une maîtrise parfaite de sa
na pour la discipline au point de compter parmi les mem-
recherche sur la matière.
bres fondateurs de l'Association des graveurs de Corée
Parmi ses rares natures mortes figurent les
créée en 1958 et il devait laisser nombre d'estampes dont
Ombrines séchées [1962), où deux poissons sont disposés
le Musée a fait l'acquisition en presque totalité, c·est-à-
l'un sur l'autre sans que l'on sache où ils se situent. Ce
dire à raison de dix-sept, à l'exclusion des copies. Y sont
sujet est présent dans d'autres œuvres, mais seule celle-
également conservés trois originaux de ses plaques
56 Koreana I Printemps 2005
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Après avoir consacré sa carrière de peintre à la vie quotidienne des gens du commun, Park Soo-Keun est considéré comme le plus coréen des maîtres de la peinture de style occidental. Arbre et deux femmes. estampe sur blocs de bois, 26 x 19,5cm 2 Deux hommes assis [20,3 x 24,2cm, huile sur panneau dur, 1965) illustre parfaitement la technique de représentation des figures humaines propre à t·artiste.
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Printemps 2005 1 Korea na
57
Par un graphisme aux lignes et formes épurées, Park Soo-Keun s'attache à révéler l'esserce des obJets qu'il représente. Par un travail sur la matière, il produit de~ surfaces tactiles à la rugosité du gran·t pour extérioriser la sens1b1l1té du peuple coréen, engendrant ainsi ur sens archétypal de la beauté coréenne.
ces traits inlassablement retracés et effacés révèlent, dans l'optique de sa technique de travail, le soin et la méticulosité apportés à son œuvre, les lignes bien nettes conférant quant à elles une dimension plus imposante aux objets. Pauvre et d'un caractère casanier, nul doute qu'il pouvait difficilement disposer d'un important matériel et qu'il tendait naturellement à récupérer les bouts de crayon délaissés par les enfants. Il souffrit en outre longtemps de
gravées car en dépit d'une règle tacite voulant que les
la cataracte et perdit la vue d'un œil en 1963, sa vision ainsi
plaques soient détruites suite à l'impression d'un nombre
altérée ne lui permettant plus désormais de rendre rapi-
donné d'exemplaires, les supports originels de ses petites
dement ses impressions sur le papier. Ainsi, toutes choses
œuvres nous sont parvenus. Elles durent servir à
étant prises en considération, il est tout bonnement
imprimer les cartes du Nouvel An envoyées aux amis et
impensable que ses croquis n'aient constitué qu'une pro-
connaissances de l'artiste. fvfarchand d'huile, Arbre et
duction éphémère, fortuitement préservée et si des
deux femmes, Musique rurale, Vache allongée et Sur la
artistes prolifiques ont pu laisser des croquis assimilables
route sont des estampes présentant les mêmes thèmes et
à de simples ébauches ou sommaires gribouillages, les
compositions que ses peintures à l'huile. Représentant un
siens tiennent davantage d'œuvres d'art autonomes.
sujet en mouvement, la création intitulée Tigre constitue une exception dans l'œuvre de Park Soo-Keun.
Le Musée expose également les œuvres que Park réalisa pour ses enfants, sous forme d'illustrations des livres rédigés par son épouse Kim Bok-soon, ou de jour-
Une riche collection de croquis
naux et revues comme Le monde des cosmétiques,
Les croquis composent l'essentiel du fonds d'œuvres
Electricité de Corée, Transports et La gazette de l'industrie
conservé par le Musée. Bien que ceux-ci aient longtemps
minière, de la fin des années 1950 au début des années
été considérés comme une simple ébauche d'ouvrages en
1960, et que l'auteur allait lui-même reproduire dans un
préparation, fonction qu'ils continuent par ailleurs d'assu-
recueil intitulé Illustrations de Park Soo-Keun.
rer, le monde de l'art en est venu, depuis les années 1980,
L'exposition actuelle «Retour aux sources des œuvres
à reconnaître leur valeur intrinsèque en tant que manifes-
de Park Soo-Keun» se propose de présenter au public les
tations des talents improvisationnels de l'artiste, et donc
œuvres acquises par le Musée au cours des deux
comme des œuvres d'art à part entière.
dernières années. Elle constitue l'aboutissement des
De multiples traits effacés et réeffacés sont visibles
différentes étapes qu'ont. été la mise à disposition d'un
sur bon nombre de ces productions, l'auteur procédant
espace consacré à l'artiste dans son village natal, le don
par tracés assurés et énergiques, plutôt que légers.
d'œuvres soigneusement conservées par -ceux qui le
Maints d'entre eux s'apparentent à ses peintures à l'huile
chérissaient et les acquisitions réalisées par le musée. Les
et ont souvent été réalisés au crayon, facile à corriger, d'où
visiteurs pourront y découvrir les alentours du village qui
le déni du statut d'œuvre d'art qui leur est parfois opposé.
inspira tant ses ouvrages, ainsi que sa tombe, afin de
L'artiste les aurait-il vraiment conçus comme de purs avant-projets précédant l'exécution à l'huile ? Avant tout,
Park Soo-Keun et sa ville natale
mieux connaître ce créateur qui mena en ces lieux une existence simple, honnête et passionnée. t:.t
Né en 1914 dans l'agglomération de Jeongnim-ri située dans le canton de Yanggu-eup, à Yanggu-gun,
dans la province de Gangwon-do, Park Soo-Keun, après avoir manifesté des talents depuis sa plus tendre enfance, aurait décidé de devenir peintre suite à la forte impression que lui fit L 'Angélus de Millet à l'âge de douze ans. Plus tard, malgré des difficultés familiales qui le réduisirent à la pauvreté, il ne renonça pas pour autant à son rêve de rapporter la vie ordinaire des gens du peuple. c·est à Yanggu que prirent corps sa passion et ses projets de peintre, vocation à laquelle il allait consacrer toute une vie. La ville se fait omniprésente dans son abondante production de croquis figurant arbres, paysans occupés au labeur, femmes cueillant des légumes sauvages, lavoirs, et c·est pourquoi y a ouvert un musée à sa mémoire, en ce mois d'octobre de l'année 2002. 58 Korea na I Printemps 200 5
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Les oeuvres de Park Soo-Keun reproduise nt de mani ère simple et honnête la vie quotidienne des gens du peuple contemporains du peintre. Marchand d 'huile, 33 x 20,5c m, estampe sur bois. Park Soo-Keun procède ici en appliquant des touches brutes de couleur, puis en entaillant la su rfac e peinte au moyen d'un outil pointu. Ce chariot vide évoque un sentiment de lassitude suscité par la vie. Chariot vide, 21 x 30c m, huile sur pannea u dur, années 1960. Ombrines séchées [15,5 x 29cm, huile sur pann ea u dur, 1962) figure parmi les quelques natures mortes de l'artiste. Les nombreux croqu is réalisés au crayon sont appréciés en tant qu·oeuvres d'art à part enti ère. Trois marchandes de fruits, 9,6 x 17,5cm, crayon sur papier. Inauguré dans la ville nata le de l'a rti ste en octobre 2002, le Musée Park Soo-Keu n abrite cent deux peintures à l'huile, aquarelles, pastels, estampes et croquis.
Printemps 2005 1Koreana 59
S
uite au lancement, en 1984, du projet d'aménagement d'une zone résidentielle dans le quartier d'Uncheon-dong , à Cheongju, des fouilles réalisées l'année suivante pour déceler la présence éventuelle de biens culturels sur ce site mirent au jour les vestiges d'un temple construit au IX' siècle et entièrement détruit par un incendie au XV' . Ces recherches permirent la découverte d'un fragment de bronze sur lequel étaient inscrits les mots «Temple Heungdeoksa » corroborant l'idée qu'il s'agissait de l'édifice où fut imprimé le Buljojikjisimcheyojeol [Anthologie des enseignements bouddhistes des grands maîtres zen],
dont l'abréviation est Jikji, et conduisant à déclarer ce sanctuaire site historique n° 315. Quelle valeur possédait donc cet ouvrage pour que son lieu d'impression justifie d'un tel classement ? Pourquoi sa technique d'impression allait-elle influer sur l'évolution du monde et comment fut réalisé le
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moulage de ses caractères? Diversité
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typographie
métallique
La fabrication des caractères mobiles métalliques s· effectuait alors en Corée par l'un des trois procédés de moulage à la cire perdue, au sable et sur une seule surface respectivement en usage dans les temples, l'administration centrale de l'Etat et les fonderies privées. En dépit de ces variations, la production se déroulait toujours selon les sept étapes suivantes, à savoir la sélection du style et du mode de réalisation des caractères, la fi xation des formes de caractères, la réalisation des poinçons, la fabrication du moule, la coulée du métal fondu , le retrait des caractères métalliques et leur agencement. La technique de la fonderie à la cire perdue consiste à recouvrir la pièce moulée à la cire perdue de terre battue puis à la chauffer pour faire fondre la cire et à couler du
métal fondu dans le moule ainsi obtenu pour créer un caractère. Dans les temples, les bonzes taillaient les caractères en relief dans la cire perdue, recouvraient celle-ci qu'ils chauffaient pour produire un moule. Ils y coulaient ensuite le métal fondu, puis retiraient le caractère métallique une fois refroidi, pour effectuer sa taille et sa finition. Comme le poinçon de cire fond lors de la cuisson du moule, le caractère obtenu est à chaque fois différent, puisque produit séparé-ment. Adapté à la reproduction de formes et styles comple xes de ca-ractères, ce procédé convenait peu à la production de série. Durant la période de Joseon [1392-191 O]. c· est par la technique du moulage au sable que l'administration centrale de l'Etat faisait fabriquer des caractères mobiles métalliques. Une anthologie des écrits de Seong Hyeon comporte la description suivante : « Dans le moulage des caractères métalliques,
A LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE
La typographie métallique coréenne Origines de la civilisation moderne Si l'Allemagne a produit la fameuse Bible à 42 lignes, dite aussi Bible de Gutenberg, la Corée a donné naissance au Jikji, le plus ancien texte au monde imprimé à l'aide de caractères mobiles métalliques figurant parmi les grandes découvertes de l'histoire de l'humanité. Kim Hong-yeong Conservateur en chef du Musée de lï1nprimerie ancienne de CheongJu Lee Gyeom Photographe
60 Koreana I Printemps 2005
Joseon, le procédé de moulage sur une seule surface est exposé dans le Donggukhusaengsinnok : « On étale
l'arg ile de pottier sur des planches de bois encadrées au x quatre coins. On laisse la planche ainsi recouverte d 'argile sécher partiellement au soleil. On inscrit les caractères souhaités sur une fine feuille de papier , en plusieurs formats . On retourne celle-ci et on la dispose sur la planche pour servir de modèle, puis on taille les caractères dans l'argile . Lorsque les formes taillées sont sèches, on coule le métal fondu dans les moules et on le laisse refroidir et durcir, puis on retire le caractère métallique, alors amovi ceu x-c i sont tout d'abord taillés en
supérieure, on y coule du cuivre
ble ». Ce procédé d'une e xécution
relief dans du bois, puis recouverts
fondu pour obtenir un caractère ». Il
simple était jugé plus évolué que le
d' une fine couche d'argile d'origine
est à noter que cette méthode, d'une
moulage à la cire perdue car il per-
côtière. Si l'on applique sur celui-ci la
m ise en œuvre plus simple, permet-
mettait la fabrication de caractères
surface de bois sur laquelle ont été
tait la production de caractères plus
uniformes en plus grande quantité.
gravés à la main les caractères, il se
uniformes que la fonderie à la ci re
produit un creu x qui servira de
perdue employée dans les temples.
moule . Après avoir joint les deu x
Utilisées à des fins privées
moules perforés d'un trou à la partie
jusqu 'à l'achèvement de la période
Invention d'une importance capitale, la typographie métallique allait ouvrir la voie à la révolution de l'information et aux progrès de La civilisation moderne, jetant ainsi Les bases de L'actuelle ère de l'information fondée sur L'internet et Les technologies numériques.
1 A l"é poqu e J oseon, l' Etat fit réalise r des ca ractè res mobiles se lon la technique du moulage au sa ble . le i, un poinçon produi t par ce procédé.
Etapes de la fab rication de caractères mobiles métalliques par fonderie à la cire perdue Sé lecti on des types de caractè re et fixation à la cire.
A B C D
Fabrication des poinçons et insertion da ns le mo ule où est coulé le métal. Ret ra it du ca ractère mo bi le su ite à la s olidification du méta l. Triage et agen ceme nt des ca ractè res mobiles dans un e boîte.
62 Ko reana I Printemps 2005
Inscription au Registre Mémoire du Monde de l'UNESCO L'imprimerie à caractères
mobiles métalliques compte j procédé de fonderie au sable . Les véritablement parmi les trésors les f différences de fabrication de ces gyemi avec celle employée pour plus précieux qui soient. Les techniques de moulage de la période de l'impression du Jikji posait toutefois Goryeo [918 - 1392] sont dignes d'être ! problème et il s'ensuivit une longue polémique entre savants sur les connus partout dans le monde. Les questions relatives à ce procédé. Le débats concernant leur authenticité se sont apaisés depuis 2001, lorsque maître fondeur O Guk-jin, déclaré le Jikji a été déclaré être le texte le Bien culturel immatériel important n° 101, allait mettre un terme à ces plus ancien au monde imprimé à l'aide de caractères mobiles 1 controverses en reconstituant avec succès tous les caractères utilisés métalliques et inscrit au Registre Mémoire du Monde de l' UNESCO. pour l'impression du Jikji à l'aide du Dans ce contexte, que savons-nous procédé de moulage à la cire perdue. La Corée n'est malheureusede la réalisation de cet ouvrage ? La technique du moulage à la ment pas en possession de ce docu cire perdue est généralement 1 ment puisqu'au début des années évoquée, mais en réalité aucun sup1900, Collin de Plancy, chargé d'affaires français en Corée, en fit port écrit ne retrace l'origine de ce l'acquisition et l'emporta en France. procédé. Après l'impression du Jikji, en 1377, la typographie métallique C'est la Bibliothèque nationale de France qui en conserve un second faisait appel à des caractères appelés volume, unique en son genre, à la gyemi, du nom attribué à 1403, année de leur création. Vingt-six ans après division orientale de son département des Manuscrits. En Corée ; la l'impression de cet ouvrage, l' Etat population de Cheongju s 'est mofaisait mouler des caractères mobiles métalliques au moyen du bilisée pour mener des recherches
1
l
1
permettant d'en localiser d'autres exemplaires. Le Jikji et Gutenberg Par quoi les caractères mobiles métalliques coréens se différencientils de ceux de l'Allemand Johannes
Gutenberg ? L'élaboration de cette typographie est d'origine religieuse car bouddhisation et confucianisation engendrèrent d'énormes besoins en écrits imprimés aux fins de la transmission des textes sacrés et de l'enseignement des dogmes religieu x. De même la mise au point des techniques d'impression occidentales correspondit-elle à l'essor du christianisme. De part et d'autre, le développement de ces techniques autorisa aussi une large diffusion des connaissances et informations qui eut un fort impact sur la société et la culture des deux pays. L'invention de la typographie métallique permit l'impression des textes sacrés bouddhiques durant la Dynastie Goryeo, à raison seulement,
Pri nte mps 2005 1Ko rea na 63
I
Les techniques typographiques à ce stade de la technique, de moins coréennes et allemandes présende dix pages par composition . Plus tard , les monarques de Jeoseon taient plusieurs différences. Dans le premier cas, le moulage était réalisé prirent le confucianisme pour relisur du cuivre donnant un corps de gion officielle et persécutèrent les bouddhistes, ce qui explique lïmpor- 1 caractère assez fin et dans le second, ta nte production de textes ! du plomb produisant un type plus gros. Quant au papier coréen, confecconfucéens qui marqua leur tionné à parti r d'écorce de mûrier avènement. En parallèle, l'évolution [Broussonetia kazinoki]. il se cades techniques typographiques allait ractérisait tout à la fois par sa finesse porter à plusieurs dizaines le nombre et sa résistance, alors que le pard'imprimés réalisables à partir d'une même composition sous le règne du 1 chemin allemand éta it constitué de peau de mouton traitée. Roi Sejong [r. 1418-1450]. c· est dans Il résultait de ces différents une Allemagne médiévale où la lecture de la Bible, recueil de saintes matériaux des variations de taille de écritures exposant la doctrine 1 caractère et de procédé d'impreschrétienne centrée sur le Pape, était 1 sion. Afin de réaliser celle-ci sur pa rréservée aux membres du clergé et 1 chemin, les Allemands mettaient en œuvre de hautes pressions au xde la noblesse qu'éclata le mouvequelles seuls des caractères épais ment de la Réforme pour dénoncer la pouvaient résister. Par ailleurs, les corruption au sein de l'Eglise. Dans Coréens employaient un mélange ce contexte social, l'invention de la d'encre de Chine et d'huile, tandis typographie métallique contribua à la que les Allemands mêlaient celle-ci à progression de ce courant en milieu de l'encre occidentale . Enfin, les rural par la diffusion d'écrits méthodes de reliure différaient imprimés.
i
l
64 Ko reana I Printemps 2005
également, puisque celle-ci était réalisée en corde chez les Coréens et à l'aide d'adhésif en Allemagne. Contenu du Jikji
Cet ouvrage réalisé par typographie métallique se composait à l'origine de deux tomes dont seul le second subsiste aujourd ' hui , encore que sous forme incomplète, puisque la première page manquant, il n'en reste que trente-huit. En 1378, soit un an après sa première édition, il allait être réimprimé sur planche de bois au Temple Chwiamsa de Yeoju, dans la province de Gyeonggi-do. Les deux volumes de ce xylographe étant demeurés intacts, ils permettent de se faire une bonne idée de l'organisation et du contenu intégral de l'original, qui aurait comporté deux tomes, une préface et un épilogue. Ils sont l'œuvre du moine Baegun Hwasang, qui révisait des textes bouddhiques variés et les annotait souvent de ses propres commentaires . Plutôt que de
procéder par simple compilation d'extraits choisis dans des ouvrages antérieurs du genre, Baegunhwasang opéra une soigneuse sélection d' oeuvres accompagnées de ses propres pensées, exégèses et interprétations, dans l'espoir d'arien- 1 1 ter les nouveaux convertis. Le Jikji rapporte ainsi les paroles et actes de vénérables bonzes sous forme d'un dialogue portant sur l'enseignement et la méditation bouddhiques, auquel
l 1
s'ajoutent les louanges des hau t es 1 vertus de Bouddha. Les médias internationau x et d'éminents scientifiques s'accordent
à considérer que cette invention constitue un événement considérable qui a préludé à l'ère de l'information et a
capables de structurer et systémati -
désormais. Tout le mérite en revient
le plus largement contribué à la
ser ces pensées. La troisième allait
à
spectaculaire évolution de la culture
naître de l'invention de l'impression à
découverte la plus géniale de
humaine. Faisant suite à la première
caractères mobiles métalliques, en
l'histoire des civilisations et mère de
révolution de l'information qu 'a cons-
procurant les moyens d'une large dif-
l'ère moderne de l'information
tituée la découverte du langage en
fusion des connaissances et infor ma-
qu'incarne la cybertechnologie. 1.t
permettant aux hommes d'échanger
tions et en contribuant à des progrès
des idées, la deuxième a résulté de
culturels rapides, et c·est au seuil de
l'invention de l'écriture, qui les rendit
la quatrième que nous nous trouvons
la
typograph i e
métallique,
1 Le deuxième tome du Jikji, le plus ancien texte du monde reproduit par typogra phie métallique, encore
existant aujourd'hui. Il fut imprimé en 1377. soit 78 ans avant la Bib le à 42 lignes dite de Gutenbe rg. E Disposition des ca ra ctères mo biles sur la plaque dïmprimerie. F Fixatio n des ca ractè res mobiles da ns la cire pe rdue ramollie par la cha leur, puis nivè lement.
G Dépôt d"une co uche d"encre s ur les caractères. puis appui d"une feuille de papier. Printemps 2005 1 Koreana 65
s¡ les voyage>
permettent d d
qu lr r,1 oi de ceux qu l s hab nature c;t belle
CO
onnaissez-vous Jinhae ? En parcourant des yeu x le littoral méridional sur une carte de Corée, on la trouve aisément à 128°50'34" de longitude Est, comme la ville chinoise de Harbin, et 35°10'34" de latitude Nord, à hauteur d'Oklahoma City et de Tokyo. La péninsule coréenne est baignée par les Mers de l'Est et de l'Ouest, entre lesquelles le soleil décrit sa course, et celle du Sud, aux eaux émeraude . Si les Coréens associent la première aux mythes, dont les plus illustres la prirent pour décor, et la deuxième aux larmes, puisqu'elle inspira les plus merveilleuses ballades, qu'en est-il de la troisième ? Toujours elle vous accueille, pareille à un jardin au sortir de la maison, et c'est pourquoi on la baptise aussi «Mer de l'Homme». Débordante de vie, d'activité, d'amour et de saveurs, Jinhae s·étend le long de cet hospitalier jardin. y
Trains et autobus desservent la ville, que l'on peut aussi gagner plus aisément, au départ de Séoul, par un vol à destination de l'aéroport international de Gimhae, près de Busan, d'où une navette vous conduira dans la ville par son entrée est. Sur le trajet unissant ces deu x agglomérations, se situe le petit village de pêcheurs de Yongwon, dont la visite s'impose en raison de la merveilleuse légende qui s·y attache. En l'an 48 avant Jésus-Christ, y aurait débarqué, en provenance d'Inde, une jeune fille de 16 ans prénommée Heo qui allait plus tard régner sur une mosaïque de petits territoires regroupés sous l'appelation de Gaya (42 - 562 av. J.-C.l. Après avoir sillonné mers et océans, cette demoiselle fut en effet prise pour épouse par le Roi Suro de Gaya (r. 42-99). prodigieux personnage né d'un oeuf qui tomba du ciel. Di x enfants naquirent de cette première union internationale célébrée en terre coréenne. Suro fut à Gimhae le patriarche du clan des Kim, l'un des patronymes coréens les plus répandus. Deux de ses enfants allaient néanmoins prendre le nom de leur mère, véritable prouesse dans une société éminemment patriarcale où prédominait le nom du père. Ainsi vit le jour le clan des Heo de Gimhae , avec lequel toute alliance est aujourd'hui encore proscrite avec celui des Kim . Le littoral de Yongwon est ainsi tout imprégné de
1 Passants flânant sous de spectaculaires voû tes de cerisiers en fleur. Aujourd'hui deve nu une importante ma nifestation culturelle, le Fest iva l portuaire et nava l attire chaque année to ujours plus de touristes étrangers. 2 Les festivi tés se po ursuivent jusque dans la nuit, le marché proposant une gran de va r iété de produits. 3 Les visiteu rs acco urent des quatre coin s du pays pour admirer le spectacle des ce ri siers en fleur de Jinhae.
Printemps 2005 1Ko reana
69
légende. L'accostage même d'un bateau venu d'Inde laisse penser que la ville se situait sur la Route de la Soie et on avait alors déduit sa provenance de la présence à son bord d'une pagode faite d'une pierre inexistante en Corée, qui s'avéra en effet issue de ce pays et corrobora ainsi les faits . A
1 L'Acad émie Navale coréenne qui fo rme les héritie rs du légendaire amira l Yi Sun-sin constitu e l'une des différentes fa cettes de Ji nhae. Ici, une reproduction du célèbre navire tortue de ce héros. 2 Elèves offi ciers receva nt des instruc tions à l'Acadé mie nava le. 3 Fri nga nte marche à l'Acad émie navale su r fon d de port.
70 Ko reana I Printemps 2005
Guère plus de vingt-six kilomètres séparent Yongwon du centre-ville de Jinhae et si vous partez pour cette dernière entre la fin mars et le début avril, vous y découvrirez un festival de fleurs . Jinhae constitue à ce titre une capitale dont toutes les artères se bordent de ces arbres, d'ailleurs présents partout ailleurs au point que l'on en dénombre près de 300 000, soit deux fois plus que la population. Sur les quelque deux cents variétés de cerisiers qui pousseraient dans le monde à l'état naturel, celle de Jinhae donne la plus splendide floraison, outre qu·elle est d'origine non pas japonaise, comme on tend généralement à le croire de ces arbres, mais authentiquement coréenne, puisqu ·elle s'implanta sur l'île de Jejudo. Dans ce domaine, l'histoire locale remonte à l'annexion de la Corée au Japon et à la création d'un port militaire qui en résulta . Quand le pays secoua le joug colonial, en 1945, la population entreprit d'abattre les cerisiers, comme autant de vestiges de l'impérialisme , mais lorsqu'il s'avéra qu'ils provenaient de Jejudo, elle y renonça et se mit à les chérir, la Corée redevenant ainsi le pays d'origine de ces arbres dont s 'enorgueillit tant le Japon . D'une durée de dix jours, la fête du port militaire de Jinhae, qui coïncide avec leur floraison, se déroule ainsi entre les mois de mars et d'avril. Cette manifestation se tient à intervalles réguliers depuis sa première édition de 1963 dans le cadre de cérémonies commémoratives en l'honneur du héros de la marine coréenne, l'Amiral Yi Sunsin (1545-1598]. Par son patriotisme inébranlable et son génie de la stratégie, il repoussa les invasions japonaises de la fin du seizième siècle et prit ainsi place parmi les grandes figures héroïques nationales. Il allait en effet neutraliser la flotte dépêchée par le premier unificateur du Japon, Toyotomi Hideyoshi, et si les Japonais furent les constructeurs de la cité moderne de Jinhae, c'est le vainqueur de
'
leur oppression que célèbrent les festivités d'aujourd'hui.
Naissa cc e
ma ·ne oréen e
Si la voûte fleurie des cerisiers offre au mois d'avril un
Elevée en bronze en 1952, la statue d'Yi Sun-sin qui
spectacle fascinant, d'une beauté à couper le souffle, le
se dresse sur le rond point de Bogweon fut la toute
spectacle est tout aussi merveilleux lorsque tombent leurs
première en son genre en Corée. La ville s'associe étroite-
pétales. Pareils à des flocons de neige flottant dans le vent,
ment à la personne de l'amiral, puisque c'est sur ses côtes
ils créent l'impression d'un Noël en plein avril.
qu'il prit la tête de la marine de Joseon pour chasser
Né à Jinhae, j'ai grandi à l'ombre de ces arbres dont
l'envahisseur. Aujourd 'hui fief de la marine, elle-abrite le
je suis tombé amoureux à leur floraison et c'est appuyé
camp d'entraînement des nouvelles recrues ainsi que
sur leur tronc que j'ai donné mon premier baiser. J'aimais
l'Académie où sont formés les officiers et accueille un port
leurs jeunes feuilles, d'un vert tendre, qui perçaient après
militaire où stationnent les bâtiments de guerre du pays.
la chute des fleurs et jamais je n'oublierai ces douces
Les héritiers du grand amiral y reçoivent une formation
c·est la seule ville du
mains, agréablement vertes, s'ouvrant au monde pour la
rigoureuse à la défense nationale.
première fois . Que s'épanouissent les fleurs ou que
pays où se rencontrent un peu partout des marins en uni-
poussent les feuilles nouvelles, j'entendais sans cesse ce
forme et avec un peu de chance, on pourra prendre un
bruissement d'arbres qui fit de moi un poète.
verre en compagnie des successeurs de Yi Sun-sin.
Ces derniers ne nous charment pas seulement en
L'un de mes poèmes comparait Jinhae à une «mer
avril, car l 'été, c'est leur épais feuillage vert qui vous
sur une assiette», car toujours les eaux y sont paisibles et
accueille, l'automne, leurs feuilles colorées et l'hiver, leurs
même frappées de plein fouet par un typhon , ne s'agitent
troncs aussi lisses que le crâne d'un bonze. De tout leur
pas pour autant grâce au bouclier qu'opposent au vent
être, ils tiennent aussi d'un recueil de poèmes lyriques.
leurs nombreuses îles. Printemps 2005 1 Koreana 71
La mer, ici, n'en compte en effet pas moins de vingtsix qui, alliées au paysage maritime et montagneux, font vraiment de la ville un lieu béni des dieux. Sur près de 107 kilomètres, la côte aux eaux pures et limpides y épouse aussi une forme accidentée de type ria . Ce littoral est tel un jardin offrant ses plaisirs tout au long de l'année, puisque la température moyenne y oscille l'hiver entre 2,3 et 4,7°C. Garante de fraîcheur estivale et de douceur hivernale, omniprésente dans la ville, la mer, si transparente que l'on en voit le fond, accueille perpétuellement le visiteur.
Je suis né à Jinhae et c'est aussi là que j'ai rencontré ma femme et que je suis devenu poète. Si je les ai quittés à l'âge d'environ trente ans, je retourne en ces lieux exceptionnels chaque fois que l'occasion m'en est donnée et me suis réservé le plaisir de les présenter en dernier lieu. Jungwon se situe au carrefour de huit routes et à cette croisée des chemins, l' œil est toujours attiré par un groupe de bâtisses de style russe et d'immeubles datant de l'ère coloniale au nombre desquels se trouve le «Café noir et blanc». Ouvert en 1955, cet établissement assurant la diffusion de musique classique figure parmi les hauts lieux de Jinhae depuis voilà cinquante ans et fut inauguré par un peintre dont la fille en assure aujourd'hui la gestion. Aujourd'hui lieu de rencontre incontournable du monde des arts, il réunit tout ce que Jinhae compte de poètes, compositeurs, peintres et acteurs et en alimente
Esca liers menant au so mmet du Mont Sirubong qui offre une vue d'ensemble de la ville et de l'océan. 2 Le «Café noir et blanc», rendez-vous des arti stes locaux depui s cinquante ans. 3 Le rond point de Jungwon est de ceux qui furent construits sous l'occupation japonaise.
les rêveries. Âgé de vingt ans, j'y passai aussi des moments qui me furent précieux et c'est non sans soulagement que je retrouve aujourd'hui, tel qu'en luimême, ce sanctuaire où chérir d'aussi merveilleux sou-
municipal de Jinhae, à l'adresse www.jinhae.go.kr, que
venirs.
vous parliez anglais, japonais ou chinois.
Je recommanderai tout particulièrement à ceux qui
Si les voyages permettent d'admirer des lieux ma-
s·y rendent d'y faire jouer la symphonie numéro 5 en ut
gnifiques, ces derniers ne sont souvent que le miroir de
mineur de Beethoven dite « Le destin». Et peut-être
ceux qui les habitent et ce «Café noir et blanc» est l'un
lorsqu'en retentiront les premières mesures, les célèbres
d'eux, qui vous convie à la rencontre de ses créateurs, car
«tta-tta-tta-ttam» qui feront battre nos cœurs, aurons-
à Jinhae, l'homme est aussi bon que la nature est belle.
nous la joie de nous y retrouver grâce à la destinée ! On y
Soyez tous heureux
I t;.t
peut aussi sinon découvrir quelques jeunes artistes en proie aux tourments de la création, du moins en percevoir l'essence. Bien d'autres lieux méritent aussi la visite, comme vous pourrez le découvrir sur le site internet du Conseil Printemps 2005 1 Koreana 73
VIE QUOTIDIENNE
Les foules éclair Une déclaration d'indépendance culturelle de la jeunesse
Les foules éclair, traduction de l'anglais «flashmob», constituent un nouveau divertissement issu de l'internet et font aussi de nombreux adeptes parmi les jeunes Coréens. Tentons d'identifier les facteurs sous-jacents qui ont déterminé l'apparition de ce nouveau phénomène social. Joung Yoon -soo Editorialiste à OhmyNews Choi Hang-young Photographe
P
ar une soirée d'automne 2002, très exactement à
qu i éclataient avaient pris la place du ballon rond . Ces
20h00, plusieurs dizaines de jeunes gens portant le
tenues et cris d'encourag ement identiques avaient suffi à
T-shirt des supporteurs de l'équipe de football coréenne,
réveiller la fièvre qui avait enflammé la Corée entière à
les «Démons rouges», se rassemblaient spontanément
cette époque, sous le regard perplexe des flâneurs et gar-
devant le COEX Mall, l'un des centres commerciau x les
diens d'immeubles accourus sur les lieux. Un coup de sif-
plus fréquentés et les plus en vogue du cossu quartier
flet allait donner le signal de dispersion de cette foule,
séoulien de Gangnam. Pour la plupart des passants, il
qui disparut aussi rapidement qu 'elle s'était rassemblée,
s'agissait à l'évidence d'une commémoration de la Coupe
car elle constituait un attroupement éphémère de type
du Monde qui venait d'avoir lieu, même si les baudruches
«flashmob».
74 Koreana I Printemps 2005
En vog ue dans le monde entier, les foules éclair font aussi des adeptes au centre-vi lle de Séoul, comme à Daehangno où font irruption des jeunes coiffés de bonnets de Père Noël en entonnant des chants de Noë l. 2 L'univers num érique de l'internet rep rése nte pour la jeune génération coréenne un support prévilégié de comm unication culturelle. A cet égard, le phénomène des «foules écla ir» est un exemple d'activités hors ligne nées de technolog ies en ligne. J Mini-sites personnels et blogs sont aux yeux des jeunes autant d' oasis où se réfugier pour fuir l'impersonnalité du milieu urbain actuel.
3
Signe de dynamisme culturel
Contraction des termes «flash crowd », qui désigne une situation d'affluence soudaine sur un site internet, et «smart mob» ou foule intelligente, qui se réfère à un large public partageant des points de vue analogues sur un sujet donné, le vocable « flashmob» correspond à un phénomène public par lequel un grand nombre d'internautes non spécialisés se rassemblent en un lieu et à une heure précis· pour exécuter des actions communes dont les participants sont prévenus par courriel ou SMS. Cette pratique rencontre un succès croissant chez les jeunes Séouliens et revêt une dimension ludique inédite et vivante. Rendez-vous aux objectifs fugaces, actions brèves et loufoques et appels .à participation pourraient bien relever d'un art du spectacle ou d'une activité culturelle èollectifs. Bien qu 'elles ne constituent guère plus qu'un divertissement instantané aux yeux de leurs jeunes adeptes, ces pratiques ludiques d'un nouveau genre n'ont rien de commun avec des passe-temps d'autrefois tels que toupie et «ciseaux- rocher-papier». Pour découvrir les composantes occultes de ce jeu insolite, il faut s'intéresser à l'histoire coréenne contemporaine et à la culture jeune qui y plonge ses raclnes. L'analyse des foules éclair ne saurait se limiter à la question de savoir si elles représentent une forme d'art particulier ou tout simplement un nouveau divertissement, dans la mesure où elles ne sont pas ancrées dans la culture coréenne traditionnelle et ne revêtent pas un aspect Printe mps 2005 1Korea na
75
culturel inédit dans l'histoire. Toute manifestation du type
défiance, à l'agitation et à l'espoir, seuls avaient leur place
«jeune homme en colère » procède de sentiments
des divertissements au x finalités purement ludiques, les
d'oppression et d'agressivité envers les aînés, ainsi que de
lieu x publics cessant alors d'être de simples espaces
déceptions et refus des prérequis coutumiers et sociaux,
ouverts pour se transformer en arènes dotées de leurs
ou encore d'ébauches de défi ou de fuite face à l'ordre
dynamiques culturelles et historiques propres.
établi. Provocation, expérimentation, ambition et destruction caractérisent les dynamiques culturelles engendrées
L'ère des communications individuelles
par une telle jeunesse et incompréhensibles pour l'an-
Tel est le cas aujourd'hui encore, comme en témoigne
cienne génération qui recherche la sécurité dans les
la
normes sociales et usages préétablis. Il apparaît d'ailleurs
Manifestations originales attirant nombre de jeunes inter-
que les manifestations antérieures de ce type s·opposaient
nautes, les foules éclair sont perçues dans les pays occi-
nouvelle
génération
d'activistes
en
herbe .
à l'ordre coercitif et répressif que leur imposaient les
dentaux où elles sont nées comme un simple divertisse-
générations précédentes.
ment, certes un peu excentrique, qui vise à révéler «le
Confrontée aux défis de l'histoi re contemporaine, la
sens de l'i nsignifiant» alors qu'elles ont acquis en Corée
péninsule coréenne a généré un ensemble de synergies
une dimension innovatrice dans le cadre des échanges
culturelles. Ebranlée par les bouleversements successifs
culturels et sociaux.
de la division et de l'affrontement idéologique qu'ont sup-
L'industrie numérique, qui y connaît un essor rapide
posés la Guerre de Corée et la dictature contre la
depuis quelques années, offre à la jeune génération un
démocratie , ainsi que par une fulguran t e croissance
champ de création illimité. Au-delà des technologies de
économique, la jeunesse coréenne a tenté de tirer le
l'information, le cyberespace numérique lui permet de
meilleur parti des dynamiques culturelles au sein
donner libre cours à ses besoins de communication cul-
desquelles elle évoluait. Dans un environnement en proie
turelle. Pour ces jeunes Coréens soumis à des emplois du
au x changements et au x résistances, au x défis et à la
temps scolaires draconiens et à de strictes règles de con-
76 Koreana I Printemps 2005
L'internet fournit
à la jeune génération un forum favorisant Les échanges culturels par Le bia is de supports
de communication individuels tels que mini-sites personnels et blogs. Dans ce cadre, les foules éclair Lui permettent de réaffirmer son droit
à des moyens de distraction non conventionnels.
Les quelque vingt mille cybercafés que compte la Coré e sont assidûm ent fréquentés par la jeunesse.
duite dans leur vie quotidienne, l'univers virtuel oppose
samment de temps libre pour jouer avec leurs amis et
peu de barrières à une libre expression dans les multiples
réaliser des activités en famille. Or, ils consacrent
modes qui s'offrent à leur choix.
aujourd 'hui le plus clair de leur temps à l'étude en institut
De telles tendances se manifestent également par le
ou en bibliothèque, isolés au sein d'une vaste conurbation.
succès du téléphone portable, puisque la Corée se classe
Si l'on sait combien il est difficile de mener une existence
au premier rang mondial par le nombre de ses usagers. Il
dépourvue de communication inte r personnelle et
en va de même pour les cybercafés, omniprésents dans le
d'échanges, la téléphonie mobile et l'i nternet n'auraient
pays. Comment s'explique une croissance aussi rapide ?
jamais remp0rté un tel succès et permis une telle mobilité
Elle est due en grande partie, d'un point de vue commer-
en Corée si la vie quotidienne y avait été moins fortement
cial, à la politique de soutien constant des pouvoirs publics
structurée et les enfants, plus libres de jouer avec leurs
à l'industrie des technologies de l'information et de la
amis après l'école, de pratiquer des activités extérieures,
communication, conjuguée aux efforts de développement
de faire du camping ou du sport le week-end .
du secteur privé et à une perpétuelle expansion du
En un mot, la limitation des dialogues et échanges
marché. Elle résulte en outre, sur le plan culturel, du désir
humains imposée par l'impersonnalité du milieu urbain
insatiable de communication qui se manifeste dans
cantonne les jeunes dans diverses formes de m·onologue
l'ensemble de la population et plus particulièrement chez
destinées à rompre l'isolement du quotidien . C'est là
les jeunes.
qu 'i nterviennent les supports de communication indivi-
L'attrait de supports individuels tels que sites personnels et blogs (journaux intimes sur internet] constituerait
duels, tels des oasis à l'intérieur desquels ils peuvent s·exprimer.
un facteur supplémentaire de cette expansion. Ils fourni-
Les foules éclair résultent ainsi d'un détournement des
raient des moyens d'expression individuelle constructifs et
technologies en ligne vers une interaction hors ligne et sont
tournés vers l'avenir en permettant au x internautes de
à ce titre de nature essentiellement ludique. Contrairement
faire part à autrui de leur expérience et de leurs réflexions,
à l'art, qui se fonde sur des principes complexes, de tels jeux
mais à y regarder de plus près, ils n'offrent rien de plus
n'e xigent ni tension ni effort de st ructuration, ma is
que la possibilité d'un monologue.
représentent l'affirmation d'un «droit au divertissement»
Les enfants devraient grandir dans un environnement
dans un conte xte où les jeunes n'ont d'autre choi x que
qui leur offre la possibilité d'une communication plus
d'affronter et surmonter les difficultés qu'ils rencontrent, ce
intime et plus personnelle avec les autres ainsi que suffi-
qui laisse fort peu de place aux loisirs.
i.;t
Printemps 2005 ·I Koreana 77
d'être le premier à extraire des cellules souches d'un embryon humain. Ce petit garçon , qui occupe aujourd'hui une chaire de médecine vétérinaire à l'Université Nationale de Séoul, n'est autre que le Professeur Hwang Woo-suk. L'espoir renaît face aux pathologies graves
Implantation d'un noyau de cellule somatiqu e dans un ovule humain . Quatre à cinq jours après ce tte opérati on, l 'ovule est cultivé en éprouve tte afi n d'obtenir des cellules sou ches emb ryonnaires hu maines.
T
out co~mence à Daejeon, où vit un petit garçon vouant une affection particulière aux vaches . Alors qu'il achève ses études au lycée de la ville et bien qu'un de ses professeurs souhaite l'orienter vers la médecine, il décide de s'inscrire au département des sciences vété-
78 Korea na I Prin te mps 2005
rinaires de l'Université Nationale de Séoul. Près de vingt-huit ans plus tard, il réalise une première en Corée avec le clonage de la vache Younglong et il poursuivra sur cette voie en se distinguant par ses recherches sur le clonage, qui lui permettront, grâce à une véritable prouesse,
La revue médicale de renommée mondiale Science, dans son numéro spécial du 17 décembre 2004, fait figurer en tro isième place au classement des di x principales avancées scientifiques de l'année passée le prélèvement de cellules souches à partir d'embryons humains, juste après la découverte de traces d'eau sur Mars et la mise au jour du plus petit fossile humain. Elle consacre ainsi pour la première fois une réalisation scientifique
coréenne au plus haut niveau
prélevé avec succès des cellules
personnes atteintes de pathologies
puisque le professeur Hwang, après
souches sur un embryon clon é en
jusqu 'alors incurables reprennent
avoir créé une vache immunisée con-
implantant des cellules somatiques
alors espoir grâce au professeur
tre ['Encéphalopathie Spongiforme
dans un ovule humain . Cet exploit
Hwang .
Bovine et un porc destiné à fournir
plonge dans la stupeur toute la com-
L ' équipe que dirige le pro-
des organes de transplantation, a
munauté scientifique, qui en grande
fesseur Hwang a administré à seize
pris la tête de la recherche mondiale
partie jugeait une telle opéra t ion
femmes donneuses non rémunérées
irréalisable à partir d'embryons de
des hormones qui leur ont permis de
L' œuf fécondé issu de la fusion
primates humains ou non . Les
fournir 242 ovules, ce qui est con -
d' un ovule et d' un spermatozoïde
médias internationaux s'en saisissent
sidérable. Après avoir énucléé ces
s'engage dans un processus conti-
à leur tour en le qualifiant de «percée
derniers, les chercheurs y ont
sur le clonage.
nuel de division cellulaire qui permet
historique apportant une première
implanté les cellules somatiques des
la formation des organes internes
confirmation du potentiel du clonage
donneuses afin de produire des
tels que le coeur et le foie, ainsi que
d ·embryons humains à des fins
embryons contenant les nouveau x
des os. Les cellules souches sont à
thérapeutiques ». Les nombreuses
gènes . Les embryons ainsi clonés
l ' origine de tous les tissus biologiques et voi là plusieurs décennies, les scientifiques ont démontré qu· elles avaient la faculté de produire 210 types cellulaires constitutifs du corps humain. Facteur clé du traitement des maladies graves, la division des cellules souches entraîne inévitablement la dest r uction des cellules atteintes et permet ainsi d' enrayer la dégénérescence de diverses pathologies. Elle peut ainsi permettre le renouvellement des cellules nerveuses chez les patients souffrant des maladies d'Alzheimer et de Parkinson, des tissus cardiaques des personnes sujettes au x troubles coronaires et des globules rouges des leucémiques. C'est lors d'une conférence de presse qui se tient le 13 février 2004 à Seattle que le professeur Hwang et son équipe annoncent qu'ils ont
Les travaux menés par l'équipe du professeur Hwang ont relancé les débats sur la bioéthique, un embryon cloné pouvant être réimplanté dans un utérus humain en vue de la reproduction, ce que le scien tifique coréen juge toutefois techniquement infaisable.
allaient par la suite atteindre le stade
Professeur Hwang, qui a en outre
Le scientifique écarte quant à lui
de développement auquel apparais-
mis au point un nouveau procédé de
cette éventualité, arguant que les
sent les cellules souches, dont on a
retrait du noyau de l'ovule. Ce
expérimentations animales ont
alors effectué le prélèvement.
dernier, étant pourvu chez l'homme
démontré la non-faisabilité d' une
L"e xtraordinaire nouveauté du
d'une surface extérieure visqueuse,
telle opération sur l'homme.
procédé résidait dans la possibilité de
peut à tout moment éclater lors de
Son équipe allait d'ailleurs
réimplanter ces dernières dans
l'insertion d'une pipette de verre pour
annoncer, le 20 octobre 2003 , la
l'organisme des donneuses sans le
l'énucléer. L'équipe du professeur
reprise des recherches qu· elle avait
moindre risque de rejet immunitaire
Hwang a résolu ce problème en
entreprises sur les cellules souches
puisque prélevées sur elles.
perçant un trou microscopique dans
embryonnaires humaines, puis provi-
l'ovule, puis en y exerçant une pres-
soirement suspendues en raison du
sion suffisante pour expulser le
débat sur la bioéthique. Elle se pro-
Si nombre de scientifiques ont
noyau, comme un grain de raisin
posait alors d'employer un grand
implanté des cellules somatiques
hors de sa peau. De l 'avis du
nombre d'ovules afin de réaliser une
humaines dans des ovules animaux,
Professeur Gerald Schatten, un
campagne d'essais visant à définir
Impossibilité du clonage humain
le professeur Hwang est le premier
spécialiste du clonage de l'Université
les conditions de faisabilité du clo-
qui a mené à bien cette opération
de Pittsburgh : «Un procédé original
nage embryonnaire, tandis que l'ob-
dans un ovule humain . S'il est vrai
d'énucléation de l ' ovule et la
jectif est aujourd 'hui de le réduire
qu'avant lui, le Docteur José Cibelli,
réimplantation des cellules soma-
afin d'accroître le rendement des cel-
de l'entreprise américaine Advanced
tiques des donneuses dans leurs
lules souches.
Cel/ Technology (ACT]. avait déjà
propres ovules ont permis ce
cloné avec succès un embryon
succès».
Il convient de rappeler que le clonage embryonnaire ainsi réalisé
Les travaux du Professeur
l'a été à partir des cellules soma-
parvenu au stade d'apparition des
Hwang font toutefois l'objet d'une
tiques des différentes donneuses et
cellules souches.
vive polémique relative aux questions
qu'il s'avère de ce fait impossible de
La disponibilité d'une importante
éthiques entourant le clonage et
traiter quiconque autre que celles-ci.
quantité d'ovules et la culture
notamment aux inquiétudes que sus-
En
humain en 2001, celui-ci n'était pas
conséquence,
l'équipe
de
indépendante du fluide nutritif des-
cite nt les possibilités de clonage
chercheurs s'attache désormais à
tiné à ces derniers ont joué un rôle
reproductif par implantation d'un
produire des cellules souches utili-
capital
embryon cloné dans l'utérus humain.
sables sur des tierces personnes.
dans
la
80 Koreana I Prin te mps 2005
réuss ite
du
Vers une nouvelle révolution
Selon le Professeur Hwang, il doit être possible d'obtenir des oeufs fécondés à partir de cellules somatiques pour prélever sur ceux-ci des cellules souches sans recourir au x techniques de clonage. Tel est bien évidemment l'objectif de recherche qu'il s·est fixé.
Il prévoit toutefois que la réalisation des applications thérapeutiques des cellules souches n'interviendra pas avant une dizaine d'années et les chercheurs poursuiven t donc sans relâche leurs travaux en laboratoire. La journée commence, avant l'aube, par la collecte d'ovules frais de vaches et truies sur les marchés à bestiaux
de Garak-dong . Quoique la vie de vétérinaire praticien eût été plus facile, les membres de l'équipe ont préféré se consacrer à la recherche sur le clonage et cette motivation leur vaut toute la sympathie du Professeur Hwang. Ce dernier se passionne telleme nt pour ses recherches qu'il affirme en avoir fait son passetemps, mais c'est la vulgarisation scientifique à l'intention du grand public qui suscite en lui le plus d'enthousiasme. Tout scientifique se doit d'encourager les vocations dans ce domaine chez les étudiants et d'assurer une bonne assimilation des connaissances de base par le grand public, telle est son intime conviction. A ceu x qui \ui demandent s'il ne pécherait pas par excès de dynamisme, il rétorque : «La promotion des sciences dans la population revêt autant d'importance que la publication d'articles dans une revue scientifique». C'est donc avec impatience qu ·est attendue la prochaine révolution biotechnologique à laquelle travaille l'équipe du Professeur Hwang, _ce petit garçon de Daejeon qui aimait tant les vaches. 1.t
Le professeur Hwang et son équipe de chercheurs au trava il dans leur la boratoire. Le professeur Hwang Woo-su k. en parvenant pour la premi ère foi s au monde à extraire des ce llules souches à parti r d'e mbryons hum ain s clon és. fait figure de bienfaiteur aux ye ux des pe rsonn es atteintes de ma ladies diffi cilement guérissables.
Printemps 2005 1 Koreana
81
Spécialité culinaire séoulienne composée d'un bouilli de bœuf exigeant une très lente cuisson, le «seolleongtang» a gagné les faveurs de tous les Coréens par ses qualités nutritionnelles et sa rapidité de consommation. Yoon Sook-ja Directrice de l'Institut de gastronomie traditionnelle coréenne
L
a pause déjeuner marque un moment de détente privilég ié qui permet de refaire le plein d'énergie après une dure matinée de travail. Un bol de «seolleongtang » peut alors s'avérer tout aussi bénéfique qu 'un grand festin par sa richesse en éléments nutritifs, outre qu'il fournit un repas à plat unique adapté à une consommation rapide. Sa préparation consiste à faire très longuement mijoter dans de l'eau portée à ébullition divers morceaux de bœuf tels que l'os éthmoïde, les pieds, la tête, les côtes, le jarret et les intestins . Il en résulte un important apport de protéines et de calcium, puisqu'un bol de «seolleongtang» représente 540 kilocalories, 25 grammes de protéines, 12 grammes de matière grasse, 28 grammes d'hydrate de carbone, 57 U.1. de vitamine A, 11 milligrammes de vitamine Cet 45 milligrammes de calcium. Sachant que les besoins nutritionnels quotidiens d'un Coréen moyen s 'élèvent à 2 500 kilocalories et 75 grammes de protéines, force est de constater qu'une portion de cet aliment satisfait à un tiers des exigences quotidiennes d'un sujet adulte en bonne santé. Un peu d'histoire culinaire
Plus savoureux dans les restaurants dont il est la spécialité qu'en cuisine domestique, parce que devant être confectionné en grande quantité et mijoter longtemps, le «seolleongtang» voit ses qualités gustatives et sa teneur en nutriments accrues pa r la décomposition des protéines en acides aminés libres et en hexane dans l'eau portée à ébullition. Il s'avère donc plus succulent dans la cuisine de
restauration par la possibilité d'une préparation abondante destin ée au partage. Quelle est donc l'origine de ce mets et de son appellation ? Lors de la fête de Sangsin, au deuxième mois du calendrier lunaire, les monarques de la Dynastie Joseon (1392-1910] se rendaient devant le Seonnongdan , autel dédié aux illustres pères chinois de la civilisation qui, entre 2800 et 2600 av. J .-C., inventèrent l'agriculture et le mercantilisme, tel Shennong, la chasse, la pêche et l'écriture, comme Fu His. Là, dans le quartier séoulien de Dongdaemun, ils demandaient par leurs prières que l'année à venir soit propice aux récoltes et, au terme d'une cérémonie rituelle mettant en oeuvre riz cru, millet, boeuf et viande de porc, le souverain travaillait lui-même la terre sur une parcelle royale dite «jeokjeon ». Suite à l'accomplissement de ce rite, on faisait cuire riz et millet dans une grande marmite, le boeuf servant à la confection de la soupe, et le porc, du «pyeonyuk», c·està-dire un plat de viande étuvée et émincée. Le roi conviait souvent à sa table le bouvier qui avait conduit l'animal de labour ainsi que les personnes âgées de plus de soixante ans choisies dans l'assistance. La soupe au riz se servait dans un large bol ou «ttukbaegi », accompagnée de poireaux, faute de «kimchi » et substituant le sel à la sauce de soja, l'usage moderne de ces deux derniers ing rédients remontant donc à cette époque . Son appellation allait évoluer de celle de «seonnogtang », qu'elle porta tout d'abord par analogie avec la soupe rituelle, au vocable «seolleongtang » d'une prononciation plus aisée. Printemps 2005 1Koreana
83
Le secret du «seolleongtang» réside dans l'alliance savoureuse d'un épais bouillon blanc généralement accompagné d'un «kimchi» de radis l«kkakdugi»J, croquant sous la dent, qui chasse les relents de viande de l'haleine et facilite la digestion.
Un goûteux bouillonnement
bœuf, dans une seconde marmite emplie d'eau froide pro-
Composé d'eau dans laquelle on cuit os de boeuf,
pre que L'on fera aussi bouillir. On assaisonne le tout d'ail,
poulet ou poisson ainsi que légumes et épices, le bouillon
de gingembre et de poireaux pour supprimer tout effluve
de type occidental est considéré le plus savoureu x pour
désagréable de La viande, pu is on dégraisse et on écume.
relever soupes et sauces. Exclusivement à base d'os, il est
En fin de cuisson, retirer les os et émincer la viande, puis
dit blanc, et brun, quand on a préalablement fait griller
verser la soupe dans un bol avec Le riz et La viande. Servir
ceux-ci. Si ces deux fonds de soupe ont pour dénominateur
les poireau x finement coupés accompagnés de piment
commun une lente cuisson, leur emploi diffère radicale-
rouge en poudre, poivre noir et sel.
ment car, tandis que La soupe coréenne se consomme
Plus il cuira Longtemps, plus Le «seolleongtang »
seule, Le bouillon occidental s·agrémente de divers
s'avérera délicieux et nutritif, l'idéal étant donc de le lais-
ingrédients pour confectionner sauces et soupes. Tel est Le
ser doucement mijoter suite à l'ébullition. Il convient par
cas , parmi ces dernières, des soupes au x pommes de
ailleurs de doser L'eau correctement au départ car tout
terre et à L'oignon où ces deux légumes sont respective-
ajout ultérieur gâterait la saveur et produirait une odeur de
ment ajoutés au bouillon .
rance . Le secret de La recette réside donc dans un dosage
En règle générale, et à l'instar du seo/leongtang, La
adéquat de L'eau et dans un bon réglage de La température
soupe coréenne appelée «guk» contient généralement du
de cuisson . L'ajout de poireau x, d'ail et de-gingembre
riz contrairement à son équivalent occidental qui est suivi
chassera d'autant plus efficacement L'arrière-goût
d'autres plats.
déplaisant de La viande qu'il interviendra après que les
Une longue ébullition permet l'obtention d'un liquide
protéines coagulées auront été retirées du bouillon.
opaque, de couleur blanchâtre, à base de moelle, le
Enfin, on prendra soin de présenter aux convives un
seo/leongtang comportant plus d'os que le «gomtang »,
«kimchi » de radis coupés en dés et bien fermentés dit
autre soupe de boeuf devant bouillir plus longtemps
«kkakdugi » car celui-ci débarrassera la soupe de tout
encore. On y ajoute sel ou épices juste avant de le con-
fumet âcre tout en apportant une consistance croquante,
sommer.
outre qu'il renferme divers enzymes facilitant La digestion
Examinons maintenant de plus près Les étapes de sa
des protéines et graisses présentes en quantité dans Le
préparation. Après avoir porté de l'eau à ébullition dans
«seolleongtang ». Consommé en nombreuse compagnie,
une grande marmite, on y ajoutera Les os et la tête de
L'ensemble ainsi obtenu sera garant de bonne santé et
boeuf préalablement nettoyés, que l'on retira suite à la
chassera la fatigue du printemps. t.t
cuisson à point pour les placer, avec les côtes et jarrets de 84 Koreana I Print emps 2005
APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE
Kim Sung-ok
Printemps 2005 1Koreana 85
CRITIQUE
Genèse de la sensibilité et des illusions chez le sujet moderne L'œuvre de Kim Sung-ok occupe une place particulière dans la littérature coréenne. Elle se caractérise par un sens aigu de l'observation, une rigoureuse construction de l'intrigue, la mise en parallèle de mouvements de sensibilisation et un registre sensoriel qui, de l'avis général, ont «révolutionné la sensibilité» et prennent valeur de norme dans le roman coréen contemporain. Jeong Gueoi-rhi Professe ur de langue et litté rature coréennes à l'Unive rs ité Yon sei
N
é en 1941, Kim Sung-ok figure parmi les principaux écrivains de cette génération dite «du 19 avril» qui, en 1960, joua un rôle capital dans l'effondrement du régime dictatorial de Rhee Syngman. Elle prit ainsi le nom de la révolte étudiante qui fit prendre conscience au x Coréens qu'ils pouvaient être maîtres de leur destin et, par-delà, mener une existence autonome douée de «subjectivité créative». Un «rétablissement du soi qui », en littérature, se traduisit par l'emploi d'une langue réellement novatrice. Pour le critique littéraire Kim Hyun, la génération du 19 avril se compose de ceux dont «l'éducation, la réflexion et l'écriture se firent en langue coréenne». La langue maternelle devenait ainsi vecteur de culture, ainsi que moyen de découvrir la vie et développer les perceptions. Ne se limitant pas à un outil de communication, elle fournit aussi le cadre dans lequel s'expriment les aspirations et sentiments du peuple coréen. De même que l'oeuvre de Marivau x témoigna de l'apparition de l'individualisme dans la littérature française, celle de Kim Sung-ok introduisit l'idée d'autonomie de l'homme. A l'instar du jugement porté par Georges Poulet sur l' écrivain français, elle annonça une «naissance de la sensibilité» en Corée, avec des expressions, jusque là inédites, comme «les rayons du soleil automnal se tortillent à la pointe de mes escarpins vernis [Répétition de la vie) ». Comme le 19 avril ma rqua une révolution pour la démocratie , de tels écrits en représentèrent une pour la sensibilité. Par l'apport de celle-ci dans la langue, ils 86 Koreana I Printemps 2005
contribuèrent à l'esprit d'indépendance des Coréens modernes. En se situant à l'intérieur de ce qu'il appelle le «monde du soi», l'auteur en recherche le sens et en révèle la futilité, procédé qu'illustre particulièrement la nouvelle Quelques jours à Mujin. Comme l'indique le nom de la ville, qui signifie «baie dans le brouillard», l'ensemble du texte est plongé dans une atmosphère brumeuse représentant le désespoir et le dégoût de soi d'exclus de la société, l'ambition et les complots de ceux qui s'agitent pour la dominer, ainsi qu'une amertume faite de sentiments pénibles, tenaces et désespérés nés de l'échec d'intrigues. C'est dans une telle brume qu· évoluait le na rrateur et protagoniste de la nouvelle, mais il a fui Mujin pour s'installer à Séoul, où il s'est marié avantageusement avec la fille du patron d'un laboratoire pharmaceutique dont il est devenu cadre supérieur. C'est toujours là cependant qu'il va se réfugier pour «fuir Séoul suite à un revers de fortune ou s'apprêter à quelque nouveau départ». Et cette fois encore, le voilà reparti se «détendre » à Mujin, sur les conseils de sa femme et de son beau-père, dans l'attente d'une promotion au poste de directeur général. Il y retrouve un ami d'enfance, Cho, aujourd'hui directeur des impôts, ainsi qu'une enseignante venue de Séoul, Hah ln-sook, et un second ami d'enfance, Pa rk, amoureux de cette dernière. Ces trois personnages ne font que renvoyer l'image complexe de Mujin . Pour le premier, sa ville n'est guère différente de Séoul. Il y a fait ses études, poursuit une brillante carrière et figure parmi les notables. Mademoiselle Hah y voit en revanche un repaire de marginau x, elle-·
même ayant été mutée de Séoul suite à son limogeage. Elle entreprend alors, pour se tirer d'affaire, de se faire épouser par Cho, puis de séduire le narrateur, dont elle vient de faire la rencontre, afin de retourner à Séoul. Park représente quant à lui la léthargie de cette ville provinciale où il est né et a obtenu un certificat pour entrer dans l'enseignement, mais dans l'établissement où il professe, les diplômés de l'unive-rsité lui font constamment ombrage, tandis qu'à l'extérieur, Cho exerce sur lui une domination qui l'empêche d'avouer son amour à Hah. Les déux hommes encadrent le narrateur, et personnifient les raisons pour lesquelles ce dernier ne pouvait que fuir la ville, à savoir respectivement que celle-ci n'est qu 'une pâle imitation de la capitale et qu'un monde sépare ces lieux. Mademoiselle Hah, enfin, alter ego de celui que fut le protagoniste, est prête à tout pour quitter les lieux, mais a sa propre conduite en horreur. Au fil de lamentables épisodes, l'auteur évoque tant la vie quotidienne du Coréen moyen des années 1960 que la condition humaine moderne. Demeurent cependant quelques interrogations, notamment sur les raisons qui , dans l'adversité, poussent le protagoniste à revenir. Après avoir lutté si désespérément, mais avec succès, pour s·en évader, n'aurait-il donc plus aucun motif de retour ? Si sa femme et son beau-frère y voient un havre, Séoul ne serait-elle alors qu'un tumultueux champ de bataille ? La question se pose de manière plus complexe pour le narrateur puisque, loin de trouver le moindre répit à Mujin, il ressent le besoin de fuir toujours plus loin . Pourquoi alors revenir, si ce n'est pour raviver cet
ardent désir de fuite, même si la ville le renvoie à cette évidence confusément pressentie par sa femme qu'à Séoul la concurrence est farouche et le combat sans fin ? En outre, malgré la distance, Mujin n'est-elle pas une reproduction de la capitale à échelle réduite ? Dès lors, en y affrontant une version condensée et simplifiée de l'ambition qui règne à Séoul, le protagoniste se prépare au x batailles à mener dans la grande cité, comme on s'inoculerait un vaccin . Par ailleu rs, transparaissent dans ses relations avec les autres personnages toute la futilité des ambitions personnelles ~t fau x-fuyants. Car si l'on fuit Séoul tout autant que Mujin, où donc aller vivre ? La première permet certes de s'élever dans la hiéra rchie sodale, mais quel est l'aboutissement d'une telle. ascens ion ? La présidence d'une grande firme pharmaceutique, peut-être, voire plus? Il ressort du propos, concrétisé par les vies des principaux personnages, que tout fuyard est fatalement voué à faire de son évasion l'objet même d'une perpétuelle poursuite ne le menant nulle part; et que nonobstant l'ampleur de sa réussite, son besoin de parfaire celle-ci demeurera inassouvi. L'auteur présente un bref état des lieux de la Corée des années 1960, caractérisée par l'affirmation de la volonté d'autonomie et l'apport des influences universelles de la modernité. Dans Quelques jours à Mujin, cette importante thématique est formulée en une langue où la sensibilité se mue en réflexion, c'est-à-dire dans une écriture véhiculant avec vitalité l'authentique nature de la société coréenne. t.t
Printemps 2005 1 Koreana 87
Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger
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