Koreana Summer 2005 (French)

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Fe

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BEAUTÉS DE CORÉE

Lépouse en bambou )

ombreux sont ceux qui peinent à s'endormir par les

et la chasteté féminine que symbolise souvent et depuis

nuits de canicule, mais jadis, on recourait en pareil

fort longtemps le bambou dans les pays de l'Asie du Nord-

cas à un accessoire que désignait le vocable «jukbuin» si-

Est, dont la Corée. Un conte intitulé «Jukbuinjeon» com-

gnifiant «épouse en bambou». Il se composait de cannes

pare même cet accessoire à une femme ayant su garder

d'environ cent dix centimètres de long sur soixante-six

sa vertu. La tradition en est aussi profondément ancrée en

centimètres de diamètre découpées en bandes que l'on

Chine, où il était dénommé «jukhee», du chinois «zhuji»,

courbait et faisait longuement sécher sur la braise d'un feu

sous la Dynastie des Song [960-12791. Le «jukbuin» demeu-

de bois de chêne. L'air circulant librement à travers cette

re avant tout l'une des plus ingénieuses inventions qu'aient

trame creuse procurait au dormeur une sensation de

mises au point nos ancêtres pour chasser la chaleur esti-

fraîcheur. Bras et jambes allongés sur cette agréable sur-

vale et trouver rapidement le sommeil. Si l'apparition du

face, ce dernier ne pouvait que s'assoupir doucement.

ventilateur, puis de la climatisation en ont sonné le glas, il

Par ailleurs, l'originalité d'un tel dispositif tient pour beaucoup à son appellation d'épouse. Or, c·est la droiture

fut pour les anciens le parfait instrument d'un paisible repos nocturne pendant les torrides mois d'été.

t;.t


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol. 6 , N' 2 Été 2005

Biennale mondiale de céramique 2005 a

Gwangju, ville céramiste 1

14

Biennale mondiale de céramique 2005 Céramique, culture et éveil des sens 1

18

Kang Kyung-sook

Kang Jae-young

Céramique coréenne, miroir de l'idée de nature 1

Jeon Seung-chang

Koreana sur Internet

http://www.koreana.or.kr © Fondation de Corée 2005 To us droits réservés. Toute reproducti on

intégrale. ou partielle. faile par quelque procédé que ce soit sans le consen tement de la Fondat ion de Corée, est illicite. Les op inions exp ri mées sont celles des auteurs

Tendances actuelles de la céramique coréenne 1

et ne reflètent pas nécessairement celles des édi teurs de Koreana ou de la Fondation de

Corée.

Park Mi-hwa Koreana. revue trimestrielle enregistrée auprès du Mi nistère de la Culture et du Tourisme !Autorisa tion n° Ba-1033 du 8 aoû t 19871. est aussi pu bliée en chinois, anglais. espagnol et arabe.


32

DOSSIER La déferlante coréenne au Japon

Les feuilletons à succès transforment le paysage culturel 1

36

Kim Ka-hee

ENTRETIEN Ahn Kyu-chul

Médiateur de l'identité langage-objet 42

I

Leeken-shu

ARTISAN Kim Hwan-kyung

Maître artisan, ou la modernité vue à travers la tradition 1

48

Ji Geun-hwa

CHEFS-D'ŒUVRE Casque en or de la Tombe Cheonmachong

Joyau artisanal de l'époque Silla 52

Couvertu re : La Bienna le mond ia le de céramique 2005 présente une va ri été d'expositions mettant l'accent sur la diversité de la culture de la cé ramique et Le rôle de celle-ci dans l'amé lioration de notre qualité de vie. (<Paysage arab le » de Sara Moorhouse , Grande - Bre tagne , 2004 ' Photog raphie: Seo Heun-kang

I Kim Seung-hee

CHRONIQUE ARTISTIQUE «Musée, danse moderne coréenne»

Une rétrospective de la danse contemporaine coréenne 1

58

Publication tri mestrielle de la

Kim Moon-hwan

Fo ndation de Corée 1376-1 Seocho 2-do ng, Seocho-gu , Séoul 137-863 Co rée du Sud

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE Savoir tinctorial

Des colorants végétaux mieux adaptés au corps humain 1

64

Kim Hyeh -won

Lee Jong-nam

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Le romancier Lee Chang-rae

Un Américain de Corée 68

I LeeYoung-oak

ESCAPADE Chuncheon

Jeune et romantique Ville des laCS 76

I YangYoung-hoon

CUISINE Le «hwachae»

Rafraîchissement du corps et de l'esprit 80

I YoonSook-ja

VIE QUOTIDIENNE Séjour au temple

LeXpérienCe Culturelle dU CŒUr 85

I

BarryJamesAnderson

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

Yi Mun-gu Une satire du quotidien 1

I

REDACTRICE EN CHEF Choi Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQU E Choi Seong -su DESIGNER Hwang Dong -seok RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Chung Bo-young . Park Ok-soon COMITÉ DE RÉ DACTION Choi Joon-sik Ha n Kyung -koo , Han Myung-hee . Kim Hwa-young , Kim Moon-hwan . Kim Young -na. Rhee Jin -bae ABONNEM ENTS Prix d·abon nement annuel: Corée 18 000 wons Asie (par avio n] 33 USD , a utres régions [par avion] 37 USD Prix du numéro en Corée 4 500 wons Abonn e ment et corres pondance : ETATS-UNIS ET CANADA Yeong & Yeon g Boo k Com pany 1368 Michelle Drive St. Paul, MN 55123- 1459 Etats-U ni s Tél, 1-651-454-1358 Faxe 1-651 -454-3519

AUTRES PAYS DONT CORÉE La Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-do ng, Seoc ho-gu , Séoul 137-863 Corée du Sud Tél , 82-2-3463-5684 Fax , 82-2-3463-6086 PUBLICITÉ AD-Front 1588-8 Seocho-dong, Seocho-gu, Séo ul Tél, 1021588-6016 Fax, 1021 2057-0509

Kim Seong-kon

Histoire de Kim Takbo

ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Traduction : KimJeong-yeonetSuzanneSalinas

CON CEPTION ET MISE EN PAGE Kim 's Comm unication Associ ates 11 8 Jangchung -dong 1-ga . J ung -gu . Séoul Tél , 10212278-0202 Fax , 1021 2278-2384 IMPRIMÉ EN ÉTÉ 2005 PAR Samsung Moonwha Printing Co . 274-34, Seongsu-dong 2-ga, Seongdong-gu , Séoul Tél , 1021 468-0361/5




Gwangju, 1ville céramiste La Biennale mondiale de céramique se tient en cette année 2005

à Gwangju, ville de

la province de Gyeonggi-do où se situaient autrefois les fours qui; sous la Dynastie Joseon, fournissaient le Palais royal en articles de céramique. Intéressons-nous dans les lignes qui suivent au contexte dans lequel furent aménagées ces installations au

xv• siècle,

ainsi qu'aux spécificités de ces fabrications régionales. Kang Kyung-sook Ancien professeur d'histoire de l'art à l'Université Nationale de Chungbuk Seo Heun-kang Photographe

Les débris de céramique découverts aux alentours de Gwangju, centre de production sous la Dynastie Joseon. donnent une idée de la splendeur de cet art en Corée.

8 Korea na I Été 2005

L

a province de Gyeonggi-do

Chine, où les fours se situaient à

organise depuis 2001

une

Weizhou, Lingxian , Liuzhou, Luo et

Biennale mondiale de céramique dans

Jingdezhen, villes respectivement

les villes de Gwangju, lcheon et Yeoju .

situées dans les provinces de

Située

Zhejiang, Shaanxi, Henan et Jiangxi.

dans

la

province

de

Gyeonggi-do, et non de Jeollanam-do,

À son avènement, en 1392, la

comme l'autre localité du même nom,

Dynastie Joseon assura la continuité

la première constituait autrefois un

de l'organisation mise en place par

site de production particulièrement

Goryeo dans les domaines politique,

important qui, durant les cinq siècles

social et culturel. Dans les arts

de la Dynastie Joseon [1392-1910),

céramiques, elle allait aussi perpétuer

approvisionna le Palais royal par sa

des traditions vieilles de quatorze

production de porcelaine blanche, qui

siècles tout en les enrichissant d'une

atteint alors son plus haut degré de

nouvelle technique dite de «bun-

perfection, établissant la notoriété de

cheongsagi» caractérisée par des

la ville dans ce domaine. En vue d'une

glaçures blanches sur fond bleu-vert.

meilleure compréhension de cette

L'authentique beauté de ces pièces ne

fabrication destinée à l'État, il convient

s'était toujours pas imposée en 1419,

de rappeler le contexte dans lequel

année du couronnement du Roi

furent construits les fours royaux au

Sejong [r. 1418-1450] et les céladons

XV· siècle, les circonstances de la

de Goryeo ou «cheongja» régnaient

découverte de ceux-ci , les caracté-

encore en maîtres quoique leur

ristiques de la production et son

qualité se fût amoindrie.

histoire au cours de cette période.

Un rapport rédigé en l'an 1421

Fabrication de vaisselle royale

administratif responsable de l'indus-

par le Bureau des travaux, service Les fours royaux s'inscrivaient

trie, du bâtiment et de la production

dans le cadre de la gestion qu· exerçait

céramique et métallurgique indique

l'État sur la production céramique et

ainsi : «Tous les articles de vaisselle

furent exploités à Gangjin, dans la

fournis à la famille royale et aux minis-

province de Jeollanam-do, sous la

tres étant fragiles, le nom des arti-

Dynastie Goryeo [918-1392). avant de

sans concernés devra désormais figu-

l'être à Gwangju . L'industrie était

rer au bas de chaque pièce afin que

structurée de manière analogue en

ceux-ci soient tenus responsables de


la qualité de leur travail.

En

nement de bouche du roi, montre que

17 d'Usan-ri, n° 1 de Dama-ri, n° 2 de

conséquence, les produits de mau -

l'État entenda it avoir la haute main

Geoneom-ri, n° 5 et 9 de Beoncheon-

vaise qualité seront retournés». S'il

sur ce secteur. En fait, la production

ri, n° 2 et 3 de Seondong- ri, n° 5 et 6

n'apparaît pas clairement que le mot

porcelainière des fours royaux de

de Songjeong-dong et n°2 de

« bas » se réfère ici à la partie

Gwangju est antérieure à 1469 ,

Bunwon-ri.

inférieure de la face intérieure d'un

comme en attestent les 210 pièces

Dans les fours n° 2 et 17 d'Usan-

récipient ou au pied de celui-ci, on

dont le roi Sejong fit présent en 1425 à

ri, ont été mis au jour des débris de

peut trancher, au vu des assiettes

Jen Tsung [r. 1424-1425]. empereur

céramique incrustés de caractères «à

incrustées de caractères qui furent

de la Dynastie chinoise des Ming . Le

usage interne», c'est-à -dire du palais

découvertes sur le site des fours à

savant Seong Hyeon [1439-1504]

et des «bureaux du gouvernement»,

«buncheongsagi » du district de

souligne en outre dans son recueil

qui témoignent du lien de ces installa-

Toechon-myeon , à Gwangju, et de

d'«Essais de Yongjae» que la vaisselle

tions avec l'Etat, même s'ils précèdent

celui d'Uidang-myeon, à Gongju, que

était toute de porcelaine au palais du

la création officielle de celles-ci. On a

ces lettres formaient effectivement

roi Sejong, témoignant ainsi de l'ori-

découvert dans le four n°1 de Doma-ri

des noms placés au bas de l'intérieur

gine ancienne de cette production à

des pièces élaborées en porcelaine

des récipients. La coutume d'inscrire

usage royal.

bleu-blanc ainsi que des morceaux

le nom de l'artisan sur les assiettes

sur lesquels est incrustée une indica-

s· explique par le fait que leur fourni-

Fours à porcelaine blanche de la

tion de date, à savoir le huitième mois

ture correspondait alors à un tribut.

région de Gwangju

de l'année Eulchuk [située en 1445 ou

L'ensemble du territoire comptait

Un inventaire statistique des sites

1505] ou l'inscription «ciel obscur et

alors 324 sites de production exploités

comportant d'anciens fours royau x à

terre jaune», ainsi qu'une assiette de

à cette fin à l'échelle locale, dont 135

porcelaine blanche, réalisé par le

porcelaine bleu-blanc ornée d'une

pour la porcelaine et 189 pour la

Musée provincial de Gyeonggi entre

peinture de la Constellation de la

faïence.

1998 et 2000 sur les six districts de

Grande Ourse visible à travers les

Gwangju, dans la province de

branches d'un pin, des objets qui

C'est en septembre 1469 que les fours royau x furent officiellement

Gyeonggi-do, en recense près de trois

témoignent du haut volume de pro-

établis à Gwangju en application d'un

cents . Ces installations furent

duction de cette installation .

décret gouvernemental réglementant

exploitées dès avant leur instauration

Les fouilles effectuées au four n°

la fabrication et le métier d'artisan

officielle et jusqu 'à leur privatisation

9 d'Usan-r i ont livré les débris d'un

céramiste. Si ces textes ne font pas

en 1884. Les sept sites découverts à

vase de porcelaine bleu-blanc décoré

explicitement mention des opérations

ce jour fournissent une vision

au pinceau d'un élégant motif de

concernées, le recrutement de 380

d'ensemble de leur histoire. Parmi

dragon ainsi qu'un fragment de

céramistes par le « Saongwon »,

eu x, ont fait l'objet de fouilles

céramique dont les incrustations

l'office responsable de l'approvision-

archéologiques les ouvrages n° 2, 9 et

révèlent la date de la fabrication. De Été 2005 1Ko rea na 9


Après cinq cents ans de suprématie incontestée de la porcelaine blanche de Gwangju, les fours royaux ont aujourd 'hui disparu et les héritiers de cet art tentent de faire renaître un passé glorieux en actualisant les techniques traditionnelles.

telles pièces nous renseignent sur la

cette technique étaient en usage au

pour le service du roi, de céladon pour

production d' un four royal sous le

Palais de l'Est, résidence des futurs

le prince héritier et de céramique

règne du roi Seongjong [r. 1469-1494].

souverains. Au nombre des cinq

peinte pour les convives.

Conservée au Musée de l'Université

couleurs directionnelles du néo-con-

Lors de la mise au jour des fours

Dongguk, une jarre en porcelaine

fucianisme, à savoir jaune, bleu, blanc,

royaux n° 5 et n° 9 de Beoncheon-ri ,

bleu-blanc réalisée en 1489 s·orne de

rouge et noir, la deuxième symbolise

les archéologues découvrirent des

pins et bambous évocateurs du style

l'est et, le palais du prince héritier se

débris de poterie en terre sur lesquels

dit Mahapa, une école de peinture de

trouvant toujours à droite de la

étaient incrustées des dates de fabri-

la Dynastie chinoise des Song du Sud

résidence royale, la vaisselle en était

cation révélant que ces installations

[1127-1279) dont procédaient notam-

aussi associée à ce point cardinal et

étaient toutes deux en exploitation au

ment les courants, respectivement en

exécutée en céladon pour la diffé-

milieu du XVI° siècle. Distant du n° 5

activité entre 1190 et 1224 et de 1180 à

rencier des porcelaines du roi.

d'environ 200 met de dimensions plus

1224, de Ma Yuan et de Xia Gui, du

En 1464, le Roi Sejo [r. 1455-

importantes, le n° 9 produisait des

nom de deux des plus célèbres pein-

1468), ayant mandé le Yejopanseo,

po rcelaines d'une meilleure qualité,

tres paysagistes de cour de l'époque.

chef du gouvernement responsable de

ce qui témoigne aussi du mode de

On peut ainsi en déduire que la pein-

la politique étrangère et des affaires

gestion de ces équipements.

ture sur céramique était alors

culturelles, le réprimanda pour avoir

exécutée par des artistes rattachés au

autorisé le Saongwon à associer vais-

Dohwaseo, l'administration chargée

selles royale et princière lors d'un

Au four de Seondong-ri, qui fonc-

de contrôler cet art sous la Dynastie

repas donné le jour précédent. En

tionna dix années durant à compter de

Joseon et que supervisaient à leur

vertu de la stricte réglementation

1640, furent découvertes des pièces

tour les fonctionnaires de l'Office du

édictée par l'Etat, un tel amalgame

réalisées en «cheolhwabaekja», une

Saongwon, ce que viennent corrobo-

constituait une grave erreur. Le roi

porcelaine blanche avec sous-glaçure

rer divers rapports écrits.

Sejo argua de l'obligation d'appliquer

de fer . Le four de Songjeong-dong

Les exemples qui précèdent por-

à la lettre les conventions relatives

allait lu i succéder en 1648 pour se

tent sur l'industrie porcelainière du

aux relations entr e pères et fils ou

consacrer une décennie durant à une

XV• siècle , mais , sous la Dynastie

entre gouverneur et administrés, ca-

production de terres cuites té-

Joseon, les fours mentionnés allaient

ractéristiques d'un peuple civilisé. Si

moignant de l'état de délabrement

aussi produire en petites quantités

aucune indication particulière ne fig-

dans lequel se trouvaient les finances

des céladons dénommés «baek-

ure sur les porcelaines et céladons, il

publiques au XVII· siècle suite aux

taecheongyu », dont le corps, exécuté

semble que le prince héritier employa

invas i ons

en céramique de qualité supérieure,

ceux-ci. Achevé en 1555, un ouvrage

multiplièrent de 1592 à 1598, ainsi

Déclin des foÙrs royaux

japonaises

qui

se

s·agrémentait d'une simple glaçure

intitulé «Gyeongguk daejeon juhae»

qu'aux incursions mongoles sur-

unie bleue. Des pièces réalisées selon

stipule l'usage de porcelaine blanche

venues en 1636 et 1637. Les fours

10 Koreana I Été 2005


furent alors principalement voués à la fabrication de « cheolhwabaekja » peints au pigment de fer rouge présent en abondance sur le sol coréen. Les fours royau x de Gwangju se déplacèrent à intervalles d'environ dix ans vers des sites aux forêts environnantes plus épaisses censées les alimenter en bois . Cependant, trois siècles d'une telle production ayant épuisé les ressources forestières des six districts de la région de Gwangju , des voix s·élevèrent pour réclamer le maintien des fours royau x à un emplacement donné et le transport du bois en provenance de la province de Gangwon-do par voie fluviale. En 1752, un site allait donc être retenu à titre permanent à l'actuel emplacement de l'école primaire de Bunwon et la production porcelainière s'y dérouler à l'exclusion de tout autre pendant les cen t trente ann ées qui suivirent. Partiellement mis au jour en 2001, il s'est avéré être une mine d'informations sur l'industrie céramique du XIX·

du territoire se cantonna au style

productions céramiques, Gwangju est

siècle.

bleu-blanc, qui devait prédominer

aujourd'hui confrontée au difficile

c· est en 1884 qu'il fut procédé à

jusqu'à la Guerre de Corée (1950-1953).

problème de la nécessaire actualisa-

la privatisation des fours royau x

Nombreux sont ceux qui s· effor-

tion de ses fabrications dans le

de Gwangju, laquelle allait sous peu

cent aujourd ' hui de faire revivre à

respect de la tradition. Souhaitons que

mettre un terme à l'histoire de ces

Gwangju le prestige qui entoura ses

cette Biennale mondiale de céra-

ouvrages de la Dynastie Joseon .

fours royaux. L'occidentalisation des

mique pu isse lui permettre d'y par-

Dorénavant sous influence japonaise,

modes de vie ayant toutefo is con-

venir ! 1...1

la production réalisée sur l'ensemble

sidérablement élargi l'éventail des Été 2005 1 Koreana 11


d'autres villes de la province de Gyeonggi-do spécialistes de cet art. Cette manifestation entend dresser un bilan des grandes tendances du secteur à l'échelle internationale et examiner la situation qu 'y occupe la Corée en tant que principal pays producteur. Kang Jae-young Chef de l'é quipe des expositions internationa l es à la Fondation des expositions de céra miqu e Seo Heun-kang Photographe


anifestation d'envergure alliant la dimension purement artistique à une recherche de popularité et de diffusion internationale, ainsi qu'à des objectifs de marketing, la Biennale mondiale de céramique de la province de Gyeonggi-do constitue le seul projet du secteur réalisé à une telle échelle. Inaugurée en 2001, sa première édition avait attiré si x millions de visiteurs, chiffre qui allait passer à quatre deux ans plus tard . À son succès désormais acquis parmi les Coréens, s 'ajoute maintenant une vocation internationale qui lui vaut d'attirer les spécialistes du monde entier. Réun issant à elles seules neuf cents fours de potiers, soit 60 % du parc national, les trois villes hôtes dïcheon, de Gwangju et de Yeoju, riches d'une longue tradition céramiste, représentent aujourd ' hui d'importants centres d'art, de culture et d'économie en Corée. Tandis que la deu xième est la principale héritière de la prospère industrie de la Dynastie Joseon, la première se trouve au cœur de la modernisation du secteur et la troisième se consacre à la production de série et à l'artisanat d'art, ces trois foyers formant le Triangle de la céramique coréenne, entre passé, présent et avenir. Tout le sens de la

Biennale réside dans ces trois foyers dont elle met en lumière l'histoire et les caractéristiques régionales tout en replaçant la Corée à l'avant-scène de la production. Céramique, vecteur de culture

Comme l'indique le thème «Céramique, vecteur de culture» de cette troisième Biennale mondiale, la céramique ne constitue pas seulement un important support de transmission de cultures passées, mais aussi une icône de celle d'aujoud'hui. Ainsi, le brassage culturel se traduit par l'apparition de formes nouvelles et par l'élargissement du champ de la création. Cette manifestation se veut une découverte de la pensée et de la culture dont procède une riche production mondiale, des évôlutions actuelles et du nouvel épanouissement que connaît en ce moment cet art. La thématique retenue pour cette édition révèle ainsi les possibilités illimitées de la céramique en tant que vecteur de culture. Ses trois volets sont les expositions principales, spéciales et à ciel ouvert, qui analysent le phénomène de la céramique moderne et réexami nent les divers concepts que celle-ci englobe pour soumettre un nouveau parad igme d'avenir. Elles s'interroÉté 2005 1 Koreana

13


La présentation d'œuvres internationales se double cette année de plusieurs expositions spéciales porteuses d'idées nouvelles pour l'activité, notamment sur le rôle des productions, par-delà celle de simples récipients fonctionnels, dans les domaines architectural et paysager, ainsi que sur les espaces publics.

gent en outre sur l ' extension du

vent abolies, sa toile de fond régionale

Grand pri x avec «Bols en forme de

champ de la création et sur l'associa-

et historique s'étend au quotidien,

visage », douze autres artistes re-

tion de médias différents. Invoquant à

ainsi qu'à l'ensemble du paysage cul-

présentant vingt-sept pays ayant également été récompensés.

la fois les sens de la vue, de l'ouïe et

turel. L'exposition «Art trans-

du toucher, elles abordent les

céramique >> présente les œuvres

À travers ses deux parties inti-

expériences correspondantes par une

d'artistes contemporains qui font ainsi

tulées «Céramique du quotidien » et

approche alliant aspects ludiques et

reculer les limites de leur art du point

«Céramique, moyen d'expression »,

explications simples avec une

de vue de son expression. Elle réinter-

elle permet de découvir des œuvres

présentation technique faisant large-

prète traditions et cultures, con-

mettant en valeur l'originalité et la

ment appel à des technologies

frontant traditionnel et expérimental,

fonctionnalité de la céramique et

numériques de haut niveau.

fond et forme artistiques contempo-

d'autres qui explorent les diverses

rains qui transcendent désormais les

possibilités des arts appliqués con-

Des expositions principales

frontières temporelles et spatiales, au

temporains. Le Concours internatio-

parcourant passé, présent et avenir

travers des genres.

nal de la Biennale mondiale de

Le thème «Céramique contem-

L'exposition intitulée «Troisième

Céramique, dont c'est cette année la

poraine mondiale : art trans-

concours international» qu'abrite le

troisième édition, figure désormais

céramique » présenté au premier

rez-de-chaussée du Centre de

parmi

étage du Centre de céramique mon-

céramique mondiale d'lcheon entend

compétitions de niveau international

diale d'lcheon propose une rétrospec-

faire découvrir les jeunes espoirs et

aux côtés du Concours international

tive centrée sur le dynamisme et la

apporter un soutien à leur création. Il

des arts céramiques de Faenza, en

diversification des arts céramiques

s'agit non seulement d'une mise en

Italie, et du Festival international de

depuis les années 1990 pour en

concurrence internationale, ma is

céramique de Mino, au Japon .

appréhender les tendances futures. Il

aussi d'un forum d'expérimentation

En point d'orgue de cette mani-

s'intéresse à trente artistes dont les

où rivalisent artistes du monde entier.

festation, l'exposition «Céladons du

œuvres repoussent toujours plus loin

Enfin, elle est destinée à servir de

monde: couleurs et formes» proposée

les frontières de l'art, notamment

tremplin au x artistes coréens qui

au premier étage du Musée des fours

Antony Gormley, Piet Stockmans et

souhaitent faire leur entrée sur une

royau x de Joseon réunit pour la

Liu Jianhua respectivement orginaires

scène internationale qui parut un

première fois des céladons de Chine

d'Europe, d'Amérique et de Corée.

temps inaccessible, ainsi qu'à assurer

et de Corée, qui sont les deux princi-

La céramique contemporaine

la promotio n et le rayonnement

paux producteurs dans ce domaine.

réalise un brassage de divers styles et

d'artistes du monde entier. L'exposi-

C'est en Chine, au terme de deux mille

techniques, un métissage et une

tion présente une sélection de 190

ans de recherches, qu'en fut mis au

intégration des genres. Les frontières

œuvres, dont celles du Suisse Phillipe

point le procédé, qui relève d'une

conventionnelles de cet art s·en trou-

Barde qui a remporté cette année le

forme d'art unique ainsi que de la

14 Koreana I Été 2005

les

plus

prestigieuses


«Installation 188». œuvre en aluminium. argile et sable provenant de 188 pays, Neil Tetkowski. États-Unis. 2005 2 «Bol et lumière» . installation de Miwa Kazuhiko. Japon. 2005 3 «McOonalcl's - Chine». de Li Lihong. Chine. 2004 4 «Houx». une installation de Michael Shernll. États-Unis, 2005

Été 2005 1 Ko rea na

15



«Tension». Kim Ha-yoon. Corée, 2003 «Vase soudé en matériaux variés et kaolin coloré» . Watara1 Yasuh1ro. Japon. 2004 3 «Demi-tasse». Arman Fernandez, France 4 «Perce-neige», Anna Sofia Maag, Suède 5 «Ombre et lumière». lto Shinichi. Japon, 2004 6 «Prisonnier», John Albert Murphy, Etats- Unis, 2004 7 «Sans titre», Kata Tomona n . Japon, 2004 8 «Nature morte», Lau Kua1y1ng . Chine, 2004 9 «Théière», Ricky Maldonado. États-Unis. 2004-2005 10 «Installation murale», Piet Stockmans, Belgique. 2005 11 «Senes de ceram1ques polychromes Souvenirs obsessionnels», Liu J1anhua, Chine, 2005 12 «Séries de traces de Tanami 11-03». P1ppin Drysdale, Australie, 2003 13 «21 bustes». Elise Siegel, États Unis 14 Œuvres de céramique exposees en plein air au Cent1·e mondial de céramique d'lcheon 15 «Eté à Long Beach», Yuh Sun-koo, Corée . 2004 16 «P1a1llement d'o iseau à tête bleue». Annette Corcoran, États-Unis 17 «Complexe 2». Eva H1ld Suède, 2004 18 «Fossiles 2005 ap. J -C.», Claus Domine Hansen, Danemark 19 «Unicité», ldo Masanobu, Japon, 2004 20 «Le lit», Lee Kyong JU, Corée 2

sc ience et de l'industrie. La Corée allait pour sa part le mettre en oeuvre au x IX· et x· siècles, après l'avoi r acqu is de la Chine où la production atteignait alors son apogée . Son emploi devait rapidement évoluer au cours des deu x siècles suivants de même que sous la Dynastie Goryeo [918 - 1392). débouchant su r des produits d'une telle qualité que les Chinois eu x-mêmes en firent l'éloge en les jugeant les plus beau x du monde. L'e xposition présente des pièces caractéristiques de st-yle chinois et coréen dont elle analyse scientifiquement l' argile et les glaçures. Aux fins de la comparaison, ces oeuvres sont exposées par ordre chronologique ainsi que par région et par type de récipient. La «Maison de céramique Il » se veut une illustration de l'emploi de la céramique au quotidie n. Occupant l'ensemble de l'espace imparti, elle témoigne de la possibilité d'inventer un nouveau mode de vie contemporain au moyen de la céramique. Sur le thème «Fusion», différents lieux de vie allant de la chambre à coucher au théâtre à domicile se remplissent d'oeuvres d'art, meubles et accessoires en céramique qui conjuguent trad ition et modernité orientales et occidentales . Cette présentation

futuriste formule un concept de «néobien-être » fondé sur la céramique, matériau naturel et non toxique. Expositions spéciales : un champ de création élargi

L'e xposition «Céramiques et architecture», qu'abrite le Centre de recherche céramique du Pavillon Toya dïcheo n, présente diverses applications de la céramique à l'architecture, à commencer par son emploi sous forme de tu iles, inventées voilà plus de huit mille ans, pour finir par le rôle clé qu· elle joue en tant que matériau contempora in. Parmi les objets exposés figurent donc la tuile, ainsi que la brique et d'autres produits de cu isson. Une présentation audiovi suelle permet de découvrir de tels emplois de la céramique en· architecture , exemples de constructions à l'appui . Par ailleurs, la production réalisée par le Centre de recherche céramique illust re les possibilités d'applications concrètes du matériau dans le bâtiment dans le but de valoriser les spécificités et qualités pratiques de la céramique et de promouvoir son utilisation en architecture. Située au rez-de -chaussée du Musée des fours royau x de Joseon, l'exposition «Céramique traditionnelle coréenne : céramique dans la nature» Été 2005 1 Koreana 17


2

3 4

5

6

7

«Bols en forme de visage». de Philippe Barde, lauréat du Grand Prix du Concours International 2005, a été primé pour sa d1mens1on de métaphore philosophique s· aioutant aux formes et fonctions du réc1p1ent. L'exposition «Théières du monde» présentait des creat1ons ingenieuses et fantaisistes révélant une onginale vision du monde de la théière et de la culture du thé. «Selon les circonstances». Liiona Romule Des maisons de céramique grandeur nature illustra ient les multiples possibibilités et la souplesse d\1tilisat1on de la céramique dans la vie quotidienne Les assiettes exposées dans la cuisine d'une des maisons de céramique constituaient un exemple parmi tant d'autres des différentes formes et fonctionnalités de ce matériau. L' expos1t1on «Céladons du monde» offrait une rare occasion de comparer les céladons de Chine et Corée. les deux principaux producteurs dans ce domaine. Les divers sites de la Biennale mondiale de céramique proposaient de multiples activités. notamment la confection par les visiteurs de pote1·ies de leur création

• •

5


aborde la thématique de la nature

haut niveau artistique exécutées avec

essentielle à l'artisanat traditionnel

créativité par des artistes contempo-

coréen dont elle vise à faire apprécier

rains ou de produits du design indus-

la beauté. Y sont présentées des

triel.

œuvres d'artistes contemporains s'inscrivant dans la tradition du céladon, de la porcelaine blanche et

Expositions à ciel ouvert L'exposition

«Paysage

et

du «buncheong» tout en la réactua-

céramique» s'intéresse aux possi-

lisant pour l'adapter à l'expression

bilités de la sculpture sur céramique

contemporaine. Selon diverses pers-

en environnement naturel, selon

pectives, l'art céramique est rattaché

l'optique d'un art public. Dans le cadre

à des techniques artisanales telles

d'un parc, elle présente des œuvres

que la papeterie, la menuiserie, la

de grandes dimensions créées en

teinture et la peinture, ce qui permet

Corée par dix artistes du monde entier

aux visiteurs d'éprouver l'impression

et côtoyant des figurines emblé-

de céramique mondiale du quotidien,

de bien-être et de détente que procure

matiques de la Terre, de l'eau et du

des œuvres environnementales ayant

un environnement naturel, tout en

feu, fondements même de l'esprit de

pour thème le Hangeul, élément clé

ayant une meilleure connaissance de

la céramique.

du patrimoine coréen, dont une pièce

la culture traditionnelle coréenne,

Située dans le parc du Musée des

de grandes dimensions composée de

fours royaux de Joseon, l'exposition

voyelles et consonnes de cet alphabet.

Au rez-de-chaussée de la Galerie

«Chemins de la céramique» comporte

Elle fournit ainsi au visiteur ·un forum

internationale de céramique du quoti-

des routes pavées de tessons, des

éducatif destiné à lui permettre

dien, l'exposition «Théières du monde

poteries, briques, tuiles et chemins

d'acquérir une plus large com-

unique en son genre.

: théières enchantées» offre un

parsemés de lettres de l'alphabet

préhension des traditions et de l'envi-

panorama insolite de l'artisanat de la

coréen, le Hangeul. Sentiers et allées

ronnement coréens, ainsi que de

théière, objet tout aussi beau que

ainsi ornés de céramique dans un

l'histoire et de la signification du

fonctionnel.

cadre naturel créent un espace

Hangeul.

Fruit d'un labeur manuel et

écologique et sont bordés d'œuvres

créatif, celle-ci est constitutive, aux

sur lesquelles sont gravées des

côtés de la cérémonie du thé, d'une

poèmes à la gloire de la céramique

culture originale tant en Orient qu· en

traditionnelle coréenne.

Occident. Il en est présenté des exem-

Enfin, l'exposition intitulée

plaires aux styles et formes très

«Céramique environnementale et

variés, qu'il s'agisse de pièces d'un

Hangeul» présente, devant la Galerie

1.:.11

Été 2005 1 Ko reana

19


Céramique coréenne, 1miroir de l'idée de nature À partir des IX· et x· siècles, la Corée s'est dotée d'un art céramique spécifique dont l'élégant céladon de Goryeo, l'insolite «buncheong» et la sobre porcelaine blanche de la Dynastie Joseon constituent les principaux spécimens. Jeon Seung-chang Conservateur en chef du Musée d'art Le eum Sam sung

A

près ses premiers balbutiements, l'artisanat chinois du céladon atteignant au x VII° et VIII ' siècles un niveau de qualité comparable à celui de la porcelaine, le secteur connaît un essor rapide. La Corée entreprendra à son tour une telle fabrication aux IX' et X' siècles, c· est-à-dire sous le règne des souverains de Silla [57 av. J.-C. 935 ap. J.-C.) et de Goryeo [918-1 392). puis, à l'époque de la Dynastie Joseon [1392-191 Dl. et, ayant acquis une totale maîtrise des techniques de la porcelaine blanche, produira des œuvres d'une qualité exceptionnelle. Sous l'influence de cet art, son voisin japonais n'effectuera ses propres fabrications qu 'au XVII' siècle et c'est au XVIII° que les Allemands de Meissen en posséderont le savoir-faire et verront ainsi évoluer leur artisanat. L'histoire de la céramique révèle donc une transition du céladon à la porcelaine blanche, hormis dans les pays passés directement de la terre cuite à cette dernière, sans produire de céladon, parce que venus tard ivement à la poterie. Mystiques coloris du céladon de Goryeo

Jusqu 'au XIV· siècle et partout dans le monde, le céladon allait régner en maître sur les arts 20 Koreana I Été 2005

céramiques. Alors que les pays limitrophes de la Chine n'en possédaient pas pour la plupart les techniques et devaient donc se résoudre à l'importation de produits finis, la Corée se singularisait par ses fabrications. Dès les IX' et X' siècles, plusieurs foyers de production de série apparus au sud-ouest du territoire employaient les procédés des fours potiers de Yaozhou, ville de la province de Zhejiang et berceau de la céramique orientale de l'époque. Dès lo rs , de constantes évolutions allaient marquer styles de vaisselle, techniques de fabr ication, motifs de décoration et teintes des glaçures et c'est grâce à leur efforts que les artisans de Goryeo allaient mettre au point un céladon d'une teinte vert jade et d'une beauté uniques . Celui-ci se ca ractérisait, outre l'élégance de ses formes, par une lègère et translucide glaçure bleu-vert lui conférant l'aspect d'un bijou et contrastant vivement avec l'opacité du céladon chinois . Ces teintes si délicates furent d'ailleurs appréciées en Chine sous la dynastie Song [960-1279]. qui les jugeait les plus belles du monde alors que la production y avait atteint son apogée dans ce domaine. Les célado ns de Goryeo connaîtront à nouveau la gloire au


«Maebyeong» !vase au prunier) de céladon avec motifs incrustés de nuage, grue , pivoine et chrysanthème. Cet objet figure parmi les chefs-d'œuvre du céladon coréen admiré pour ses élégantes formes et exquises couleurs. Dynastie Goryeo , XI II e siècle . Hauteur: 31 ,2 cm. Trésor n° 558. Musée d'art Leeum Samsung.

XIII' siècle avec l'ajout de motifs

plusieurs égards de

incrustés («sanggam cheongja»]. Ce

celle-ci ainsi que du

procédé ornemental dit «Sanggam»

céladon. Elle con-

et propre au céladon de Goryeo con-

sistait,

sistait en l'incrustation à la surface

avoir

des pièces d'argile de deux couleurs

l'argile,

différentes à laquelle se superposait

recouvrir la sur-

une glaçure claire . Agrémentés de

face d'une couche

motifs tels que grues en vol sur fond

blanche

de ciel bleu ou de nuages, ces objets

laquelle était griffé

étaient d'une beauté sans pareille

ou incrusté le motif.

dans le monde. L'application d'oxyde

Ces

de cuivre, en guise de pigment rouge,

lyrisme spontané, tant

se pratiquait aussi pour la décoration.

par le thème que par la

Autant d'évolutions et inventions qui

composition, semblent

allaient enrichir l'art du céladon et le

souvent annonciatrices de

différencier résolument de celui de la

l'art abstrait.

Chine.

après modelé

à en

pièces

sur

au

En matière de décoration comme de thématique, de

Insolite beauté des pièces

nettes différences apparaissent

de Buncheong

entre régions. Ainsi, la province de

Figurant parmi les plus originales de la céramique coréenne, la tech-

Gyeongsang-do recourait principalement à la technique du

nique dite de «buncheong» se dis-

poinçonage [«inhwa »l des motifs à la

tingue par sa coloration bleu-vert que

surface, suivi de l'application d'une

recouvre une couche d'enduit. C'est au

couche blanche, tandis que celle de

'/Y' siècle, sous la dynastie Joseon, que

Chungcheong-do préférait la sous-

se développa cet art, tan.dis que le

glaçure fer-marron («cheolhwa»)

céladon de Goryeo connaissait une

pour peindre les motifs sur un fond

série de mutations en matière décora-

d'enduit blanc et celle de Jeolla-do, le

tive et thématique. Leur production

sgraffite («johwa») selon lequel, après

s'échelonne sur les '/Y' et '/YI' siècles,

application d'une couche blanche, les

parallèlement à la porcelaine blan-

motifs étaient gravés à la surface, ce

ches, mais en se démarquant à

qui convenait à des décorations sim-


S'il est vrai que les productions coréennes, chinoises et japonaises ont exercé des influences réciproques, elles n'en différaient pas moins pour autant par leur esthétique. Contrairement au style très ornementé des deux dernières, les premières se caractérisent par leur représentation de l'idée de la nature et de la pensée humaine.

ples, notamment florales. La mise en œuvre de ces différentes techniques allait contribuer à l'enrichissement et à la diversification des productions céramiques coréennes. Inspiré de la vie du peuple sous la Dynastie Joseon, le «buncheong » s·est acquis une renommée mondiale. Surpassant par son esthétique originale l'élégant céladon de Goryeo et la porcelaine blanche tout. en sobriété et retenue, il est emblématique d'un nouvel art céramique spécifiquement coréen. Sobriété et retenue des porcelaines blanches de Joseon

La porcelaine blanche coréenne, fruit d' une magnifique production artistique sous la Dynastie Joseon, se distingue résolument de ses homologues chinoise, japonaise et européenne par ses formes, décorations et significations. Ainsi, alors que partout dans le monde prédominait la porcelaine peinte de différents pigments de couleur, celle de Corée n'en présentait généralement qu'une sorte et les principaux types en étaient les porcelaines bleu-blanc [«cheonghwa baekja »J, peinte avec sous-glaçure fermarron [«cheolhwa baekja »J et blanche peinte avec sous-glaçure rouge-cuivre [«donghwa baekja »].

mais ce ne sont pas tant ses spécificités techniques que ses fondements esthétiques et philosophiques qui la distinguaient des autres productions. La Corée produisit en parallèle céladon et porcelaine blanche à partir des IX· et x• siècles, cette dernière prenant au XV· une forme plus élaborée. Enfin, la porcelaine bleublanc se fabriquait déjà dans les années 1450, époque à laquelle la Cour commença à employer exclusivement la porcelaine blanche. Dans un souci d'amélioration des procédés et de rationalisation de la gestion, le gouvernement de Joseon établit des fours à Gwangju, ville de la province de Gyeonggi-do, où fut désormais fabriquée la porcelaine blanche à usage royal. Cette mesure eut pour effet de diversifier les formes et tèchniques de décoration correspondantes, ainsi que de faire rapidement évoluer les procédés de fabrication et d'améliorer sa qualité. c·est à cette époque que les formes et motifs de la porcelaine bleu-blanc commencèrent à influencer la porcelaine blanche de la Dynastie Ming [1368-1644). tendance à laquelle allaient toutefois bientôt mettre un terme les évolutions survenues dans les formes, toujours plus précises, et l'apparition d'un nouveau style de porcelaine blanche aux motifs


1 Jarre de porcelaine bleu-blanc avec motifs de prunier et bambou. Ce type de récipient apparaît souvent dans la peinture de la Dynastie Joseon. XV' siècle, hauteur: 41 cm. Trésor national n° 219. Musée d"art Leeum Samsung. 2 «Baekjacheolhwapodomunho» [jarre de porcelaine blanche avec motifs de rais ins sur glaçure de fer]. Dynastie Joseon, hauteur : 30,8 cm, Trésor national n° 93, Musée national de Corée

d'inspiration populaire très prisés

cette dynastie. Il donnera d'ex-

sous la dynastie Joseon. La porcelaine

quises créations où toute une

blanche se dotait ce faisant de formes,

esthétique de la modestie et de

décorations et compositions originales

la frugalité s'exprime par des

et spécifiques.

formes sobres et une décoration minimaliste. Le principal exem-

Une vaisselle à l'image de la nature

ple en est la porcelaine blanche

et de l'homme

de Geumsari qui fut produite à

Entre 1592 et 1598, les invasions

Gwangju au XVIIIe siècle. Le style dit

japonaises et leurs ravages vont con-

de la «jarre de la pleine lune», en rai-

sidérablement affaiblir la production

son de sa forme ronde, est représen-

porcelainière blanche, à l'instar de

tatif de cette esthétique de fin de

l'ensemble de la société et de

dynastie ainsi que des mentalités

l'économie. Massacrant ou enlevant

coréennes.

les potiers coréens par centaines,

En Corée, la tendance est alors à

l'envahisseur japonais va en tirer parti

une importante ornementation qui

2

pour développer sa propre industrie.

contraste totalement avec les produc-

motifs tantôt abstraits et fantaisistes,

Le secteur coréen s· en trouvera par

tions chinoise et japonaise. Toutefois,

tantôt raffinés et ornementaux, les

contre très amoindri, d'où une simplifi-

l'expansionnisme politique et écono-

Coréens optèrent pour des formes

cation des motifs peints et une altération

mique des puissances impérialistes

d'expression radicalement différentes.

des belles teintes de la glaçure.

en cette fin de XIXesiècle va perturber

Les spécificités de cettë produc-

Eprouvant une antipathie crois-

l'esthétique de la porcelaine blanche

tion sont illustrées par les céladons

sante pour la Chine des Ching, les

et, dans la province de Gyeonggi-do,

de Goryeo nappés d'une glaçure à la

potiers coréens se refusent alors à

les fours de Gwangju, après avoir

teinte étrange, les «buncheong» aux

suivre la vogue croissante des porce-

perpétué la tradition porcelainière

décorations modernes et les porce-

laines colorées, opérant un retour aux

cinq cents ans durant, vont être

laines blanches de Joseon d'une

sources de la porcelaine blanche et se

détruits, et avec eux, l'essence même

esthétique sobre, faite de simplicité

centrant sur cette spécialité. C'est

de cet art.

dans ses formes et couleurs, con-

dans l'esprit des valeurs de modestie

Si la Corée, la Chine et le Japon

formément à l'idéal confucianiste.

et de frugalité, chères au confucia-

réalisèrent des fabrications spé-

Reflet de l'idée de nature et de la

nisme omniprésent dans les classes

cifiques et s'influencèrent mutuelle-

pensée humaine , la céramique

dirigeantes et chez les érudits de

ment, ce fut chaque fois avec un sens

coréenne affirme en cela des traits

Jciseon, que se dessine le contexte de

esthétique différent. Tandis que

disctinctifs face à celle de Chine ou du

l'unification de l'art porcelainier de

Japonais et Chinois apprécièrent les

Japon.

L;1

Été 2005 1 Koreana 23


Tendances actuelles 1de la céramique coréenne Après avoir atteint leur apogée sous la dynastie Joseon, les arts céramiques coréens allaient péricliter au début du

xx• siècle sous

l'effet de l'agression perpétrée par le Japon, mais un renouveau allait s'amorcer à la fin des années 1960. C'est à l'évolution récente d'une activité désormais centrée sur quelques grands potiers que nous nous intéresserons dans les lignes qui suivent. Park Mi-hwa Conservatrice du Musée national

d'art contemporain Photographie : Musée national d'art contemporain, Fondation coréenne pour la culture et les arts

R

évélatrice du niveau d'avance-

lesquels se flattent de maîtriser cet

ment économique et culturel

art au plus haut degré dans le monde,

d'un pays, voire de son ident ité

ainsi que des États-Unis, qui s'y sont

nationale, la céramique ne peut

fait une place de premier plan.

prospérer qu'en période de stabilité sociale, de croissance économique et

Naissance de la céramique moderne

d'épanouissement culturel. Ce constat

dans les années 1960

s'applique non seulement au cas de la

Depuis des temps anciens, l'âge

Chine ou de la Grèce , mais aussi à

d'or des arts céramiques coréens

ceux de l'Allemagne et du Japon,

accompagne les dynasties les plus florissantes. Terres cuites de Silla [57 av. J.-C. - 935 ap. J.-C.], céladons de Goryeo [918-1392] et porcelaine blanche de Jose on [ 1392-1910] ont acquis une renommée mondiale grâce à leur beauté. Au début du XX· siècle, cette production dont s'enorgueillit la Corêe fut néanmoins près de disparaître sous la domination coloniale japonaise, ne survivant qu'au ralenti jusque dans des ànnées 1950 agitées de remous sociaux, culturels et politiques.

c· est à la fin

de la dé-

cennie suivante qu'allaient apparaître les premiers frémissements de la reprise grâce à l'enseignement de cette discipline qui débutait alors à l'université. Comme dans cette œuvre intitulée «Danse en groupe » 11980), Kwon Soon-hyung fa it preuve de talent et de créativité dans des motifs abstraits gravés su r de la porcelaine de style traditionnel.

24

Koreana I Été 2005

Cette décennie, ainsi que la suivante, allaient être marquées par l'essor de cet art sous une grande variété de formes allant de la reproduction traditionnelle du céladon de Goryeo et des porcelaines de Joseon


aux sculptures sur céramique mêlant

Œuvre maîtresse des ann ées 1980,

quotid ienne. C'est ce même support

poterie et art dans des créations

«Va isselles de feu » se compose de

que fait aujourd'hui revivre Kim Suk-

fondées sur la tradition . Les nom-

deux pièces également marquées par

whan, par une création dont l'expres-

breux artistes qui furent productifs à

cette quête de cohésion entre forme

sion audacieuse révèle la beauté

l'époque ont présidé à la formation du

et couleur. Si l 'aspect fonctionnel

sobre et unique en son genre en

principal courant constitutif de l'art

prime indéniablement chez ce créa -

Corée. Destinées à renfermer et con-

céramique contemporain qu'ils trans-

teur, l'harmonie chromatique alliée à

server les aliments fermentés , ses

mette nt aujourd ' hui à leurs suc-

des formes épurées produit un effet

pièces varient par leurs formes et

cesseurs. Parmi eux figurent notam-

d'immersion dans un paysage oriental

dimensions en fonction de leurs

ment Kwon Soon - hyung, Won Dai-

estival à la rafraîchissante verdure.

emplois spécifiques, mais procèdent

chung, Kim Suk-whan, Hwang Jong-

Tandis que Kwon Soon-hyung

aussi d'un formal isme esthétique

ku, Kim Yik-yung, Yoon Kwang - cho,

révèle une sensibilité propre par un

naturel. Elles comportent notamment

Shin Sang-ho et Kang Suk-young dont

graphisme abstrait sur porcelaine ou

des jarres dénommées «hangari»,

les œuvres, envisagées de manière

céladon, Kim Suk-whan réactualise la

récipients arrondis au col court d'une

comparative, permettent de mieu x

terre cuite traditionnelle coréenne non

hauteur de 30 à 50 centimètres, des

appréhender l'état de l'art actuel.

vernie dite «onggi», dont il poursuit la

ustensiles de cuisine, des couvercles

valeur intrinsèque pour la chanter. On

de cheminées en forme de maison et

n'a souvent voulu voir dans l'histoire

des lampes à huile. Les femmes qui

Né en 1929, Kwon Soon - hyung

de la poterie coréenne que les terres

s·en servaient pour tirer l'eau du puits

est l'un des précurseurs des arts

cuites de Silla, le céladon de Goryeo et

et la transporter ou y stocker des ali -

Une tradition réinventée

céramiques modernes. Dotées d'une

la po r celaine de Joseon, ma is il se

ments voyaient en elles un ètre fami-

expressivité éminemment orientale,

produit aujourd 'hui une renaissance

lier. Portées à une température de

ses œuvres tiennent de la peinture

de la terre cuite non émaillée et du

cuisson de 1200 ° C, ces pièces

paysagiste où l'artiste, tantôt au

«buncheongsagi», style prédominant

restaient poreuses grâce à leur forte

pinceau de calligraphie , tantôt en

de 1392 à environ 1590 et caractérisé

teneur en sable qui assurait l'entrée

entremêlant les couleurs, recherche

par une coloration bleu-vert pâle ainsi

d'air. Produit d'un savoir-faire quoti-

une harmon ie entre te chniques

que par une décoration sur fond

dien concrétisé sous diverses formes

naturelles et motifs. Inlassablement, il

d'engobe blanche, cette évolut ion

selon leur finalité, les terres cuites

s'attache à réaliser un parfait équili-

élargissant encore le champ des tra-

non vernies ont leur place dans le pa-

bre des formes et couleurs sur le sup-

ditions.

trimoine culturel coréen.

port céramique, ces deux éléments ne

Chez les Coréens, l'usage de ter-

Contrairement à celle d'autres

faisant qu'un à ses yeu x, et fait en

res cuites non vernies fut garant de

artistes, la production en terre cuite

sorte qu'aucun d'entre eux ne soit trop

bonne santé des millénaires durant

non vernie de Kim Suk-whan s'inspire

ostentatoire vis-à-vis de l 'autre.

ainsi qu'une partie intégrante de la vie

d' un modèle à la beauté sobre Été 2005 1Korea na 25


L:évolution actuelle de la céramique coréenne répond à des préoccupations tant fonctionnelles qu'esthétiques. La profession remet au goût du jour le «buncheongsagi» et la terre cuite non émaillée en tant que formes d'art spécifiquement coréennes, mettant tout en œuvre pour que change la place de la porcelaine au quotidien.

spécifiquement coréenne, à la force virile, bien que l'artiste soit une femme, et à la forte personnalité, comme cette terre dont elle est faite. Comprendre le sens des jarres et cruches entreposées sur les terrasses des arrière-cours coréennes, c'est concevoir celui de la Corée tout entière, et saisir celui des terres non vernies de Kim Suk-whan, c'est sentir l'histoire de son peuple. Seconde génération de potiers

Autodidactes, pionniers de la céramique coréenne moderne des années 1960 et 1970, Kwon Soonhyung

et

Kim

Suk-whan

sont

représentatifs de cette première génération qui

reproduisit

les

céladons de Goryeo et la porcelaine de Joseon ou préserva les ·techniques traditionnelles de travail au tour de potier, de la cuisson à haute température et du vernissage en y ajoutant leur touche de créativité. Allait lui succéder une nouvelle école à laquelle appartiennent Kim Yikyung, Yoon Kwang-cho et Shin Sangha, détenteurs d'une formation universitaire classique et fortement influencés par leurs aînés mais qui, par des expérimentations et innovations audacieuses à tous égards, c·est-àdire tant dans leur technique que dans 26 Koreana I Été 2005


Yoon Kwang-cho crée une forme unique de «buncheongsagi» dont la surface s'orne de divers caractères et textes gravés à l'eau forte. à l'instar de ce «Sutra du cœur» [20011. 2 Pour mettre en valeur une blancheur immaculée tout en produ isant un puissant effet de forme, Kim Yik-yung affectionne un style dépouillé, sans aucun élément superflu . à la manière de cette «Vaisselle» [20041. 3 Kim Suk-whan a réactualisé et remis en vogue la poterie traditionnelle non vern ie, telle cette pièce des années 1990.

l'orientation de leur art, allaient progressivement imposer un style caractéristique. Respectivement nés en 1935, 1946 et 1947, ces artistes de seconde génération que sont Kim Yik-yung, Yoon Kwang-cho et Shin Sang-ho sont aujourd'hui de grands potiers coréens qui ont su tous trois adapter à la sensibilité moderne les formes traditionnelles des porcelaines de Joseon, pour le premier, et du «buncheongsagi», pour les deuxième et troisième. Après avoir étudié aux États-Unis dans les années 1960, Kim Yik-yung a, de retour en Corée , réalisé des créations mêlant modernité et tradition porcelainière coréenne . Elle reconnaît elle-même le grand impact qu'ont eu sur elle les propos prononcés par le potier et théoricien Bernard Leach lors d'un séminaire aux États-Unis, à savoir : «La porcela ine de Joseon nous enseigne l'esthétique que nous devons adopter en cette ère moderne». Caractérisée par des formes puissantes, sa production s'inspire de la sculpture africaine découverte dans les musées américains . Si façonnage des formes et incrustation des motifs sont considérés comme les deux étapes de la création céramique, Kim Yik-yung n'exécute pas cette dernière opération

3

Été 2005 1 Koreana 27


suite à la première, et ce, en vue

a lui-même mis au point pour parvenir

À la différence des artistes

d'optimiser la sensation de blancheur

à une création pleine de liberté et

précédemment cités, Shin Sang-ho,

virginale et de mettre en relief la plas-

d'humour. Travaillant sur des ma-

figure emblématique de la sculpture

tique, d'où il résulte une esthétique

tériaux naturels tels que brins de

sur céramique, s'affranchit de toute

dépouillée, sans aucun superflu. Elle

paille ou pinceau x de bambou, il

fonctionnalité . Exclusivement vouée

produit ainsi un large éventail

esquisse parfois des lignes impro-

d'œuvres englobant vaisselle, objets

visées à la surface ou égratigne celle-

à la forme , sa discipline occupe une place à part entière dans l'histoire

d'art, piédestaux rituels et récipients à

ci pour évoquer des éléments naturels

contemporaine des arts cérami-

couvercle, ces derniers représentant

comme montagnes et vent. La «vallée

ques. Procédant par adaptation

un lien entre mondes réel et idéal.

des vents» [Baramgol] de Gyeongju où

des techniques trad itionnelles du

Visant la simplicité par l'ellipse hardie,

il vit actuellement constitue la thé-

«buncheongsagi », il sculpte depuis

elle confère à ses créations une puis-

matique de son œuvre.

les années 1990 des bustes hu-

sance virile évocatrice des terres cuites non vernies de Kim Suk-whan.

c· est dans les années 1990 que

mains et des poitrails d'animaux, les

Yoon Kwang-cho fuit le vacarme

premiers évoquant des singes

citadin pour s'installer à Baramgol où

anthropoïdes et les seconds épousant

Permanence de la tradition

il mène au contact de la nature une vie

des formes très impressionnantes,

du «buncheongsagi»

agréable et consacrée à la poterie .

à mi -chemin entre cheval et cerf. Une

Chez Yoon Kwang-cho, créateur

Vivant un temps conformément aux

fois réalisées, ces pièces subissent

de «buncheongsagi» aux formes origi-

préceptes du Bouddhisme Zen, il pro-

une première cuisson à basse

nales, c'est la féminité qui se mani-

duit alors des «buncheongsagi» large-

température, avant vernissage ,

feste au contraire par une plastique

ment inspirés de cette philosophie ,

après quoi elles sont r·evêtues de

délicate et le recours à la gravure.

laquelle figure en bonne place dans le

l ' engobe , cu ites avec glaçure et

S'interdisant de se placer sur un plan

«Sutra du cœur» réalisé en 2001, sur

enfin décorées de motifs librement

purement technique dans les années

les quatres côtés duquel il a gravé des

improvisés et c'est la répétition de

1980, il renonce au façonnage sur tour

lignes du Sutra Prajnaparamita.

cette opération qui permettra de

pour former ses poteries au moyen de

L'incrustation de textes sur poterie ne

parvenir au raffinement du «bun-

méthodes telles que la formation sur

permettant pas de correction a poste-

cheongsagi ». Sur son fond blanc

plaques d'argile et le boudinage, qui

rio ri , le processus de création se

«buncheongsagi » de prédilect ion,

cons iste à enrouler l'argile sur un

change en une sorte de méditation

l'artiste applique les couleurs pri-

long brin et à lui donner une forme

pour l'artiste. Pour celui-ci, la céramique

maires en transparence sur les

cylindrique pour obtenir le corps .

est vie et la seconde s· exprime par le

différentes parties de l'œuvre, ma-

Après avoir formé un récipient par

biais de la première. L'homme pour-

nifestant ainsi sa volonté de fusion

l'union de deux plaques d'argile ou

suit son parcours de potier accompli,

des composantes graphiques et

plus, il le grave selon un procédé qu'il

ne négligeant aucun aspect de son art.

plastiques de celle-ci.

28 Koreana I Été 2005


Par- delà de la tradition, tout un univers créatif

Les arts céramiques étant aussi utilitaires pour l'homme, on ne saurait faire abstraction de cet aspect. Par ailleurs, ceux qui se sont développés parallèlement aux grandes cultures de l'histoire nous éblouissent par leur qualité artistique. En Corée, ces arts présentent aujourd 'hui des aspects très divers axés tant sur la forme que sur la fonction et après le marasme du début du siècle dernier, ils prospèrent grâce aux efforts de nombreux artistes qui leur ont fait retrouver leur gloire d'antan. Dépassant la simple reproduction de formes traditionnelles , ils réinventent celles-ci avec créativité , contribuant ainsi avec dynamisme à la découverte de cet art dans le monde entier . Des créateurs comme Yoon Kwang -cho et Shin Sang-ho y apportent en outre la dimension d'humour et de liberté du «buncheongsagi» de la dynastie Joseon, tel un nouveau prolongement, tandis que Kim Sukwhan redonne vie aux terres cuites non vernies, forme d'expression caractéristique de l'âme coréenne. Enfin, des artistes comme Kwon Soon hyung et Kim Yik-yung confèrent une nouvelle place à la porcelaine de Joseon dans la vie moderne. 1.1 Été 2005 1Korea na 29




DOSSIER

La déferla

au Japo

,

e co eenne

Les feuilletons à succès transforment le paysage culturel Le phénomène de mode de la culture de masse coréenne, qui inondait déjà l'Asie du Sud-Est depuis la fin des années 1990, a désormais fait son entrée sur l'archipel nippon. Découvrez-la à votre tour! Kim Ka-hee Journaliste à la section culturelle du Yonhap News

T

out commence par un programme lancé par l'Etat et

télévisée «Sonate d'hiver» sur la chaîne N HK. Selon une

les associations civiles pour mieux faire connaître la

enquête d'opinion effectuée par l'Institut de recherche sur

Corée, puis par la diffusion en Asie du Sud-Est de séries

la culture audiovisuelle de la chaîne NHK et publiée

télévisées à faible coût qui vont éveiller l'intérêt du public.

récemment en Corée, pas moins de 38% de la population

L'irruption massive de ces productions à l'autre bout du con-

japonaise a vu ce feuilleton rediffusé à trois reprises

tinent et l'accueil enthousiaste qu· elles y reçoivent vont

depuis 2003.

s'avérer extrêmement bénéfiques pour la Corée tant en ter-

L'audience de telles productions est pour l'instant loin

mes de croissance économique que d'exportation culturelle.

de décliner et dans son édition de mars, le rapport de l'Institut coréen de l'audiovisuel intitulé «Informations sur l'audiovisuel mondial» signale que les chaînes hertziennes japonaises n'en diffusent régulièrement pas moins de qua-

La forte présence de feuilletons coréens dans les pro-

tre. Nihon TV inclut même dans sa programmation une

grammes vietnamiens, malaisiens et indonésiens, notam-

émission spéciale qui a pour titre «Spectaculaire vague

ment, familiarise les téléspectateurs avec leurs acteurs

coréenne» tandis que Fuji TV fournit le programme des

dont certains, tels Kim Nam-ju, Jang Dong-gun et An Jae-

émissions coréennes. Soixante-trois chaînes "hertziennes

wook vont jouir d'une énorme popularité dès la fin des

locales totalisent jusqu'à soixante-dix séries proposées à

années 1990, en particulier au Vietnam et dans les pays

intervalles réguliers . Des feuilletons ayant remporté un

voisins. Les milieux culturels coréens ne s'intéressent alors

immense succès en Corée, tels «Daejanggeum», «Les

guère au phénomène pour lequel ils n'éprouvent en fait

escaliers du paradis», «Les amants de Paris» et «Vitrail»

aucun attrait. L'énorme succès remporté par les séries

sont également proposés au Japon.

coréennes à Ta·1wan va toutefois laisser entrevoir d'importantes possibilités commerciales, les grandes chaînes, dont GTV, s'arrachant l'importation et la diffusion de ces produits et les hissant au rang des meilleures ventes étrangères.

La diffusion de «Sonate d'hiver» a radicalement modi-

Les milieux du spectacle coréens ne vont cependant

fié la manière de voir la Corée au Japon. Dans un sondage

modifier leur stratégie qu'à l'arrivée au Japon de la «vague

réalisé auprès des téléspectateurs par l'Institut de

coréenne», qui va déferler en 2003 sur ce géant

recherche de NHK mentionné plus haut, 26% des person-

économique de l'Asie suite à la diffusion de la série

nes interrogées ont répondu que leur perception de la

32 Koreana I Été 2005


L'importance de la «vague coréenne» est manifeste dans la presse , notamm ent les magazines, dont de nombreu x acteurs font la co uverture, et les nouveaux mensuels spécialisés dans la culture et le cin éma co réen.

Corée avait évolué et 22%, qu 'elles s'intéressaient main-

raison pour laquelle la culture populaire coréenne a pu

tenant davantage à ce pays, réagissant ainsi positivement.

atteindre une telle popularité au Japon est l'uniformisation

L'engouement croissant des Japona is pour cette culture

cultu r elle croissante des deu x pays. Ce dernier voit en

de masse possède aussi un impact économique

celle-ci un ensemble de produits de consommation cul-

considérable. Le 10 décembre 2004, le Centre d'études

turels divers, à l'instar du cinéma hongkongais».

économiques de la Compagnie d'assurance Daiichi révélait

Dans un article publié l'année dernière par l'Asso-

que les répercussions économiques de «Sonate d'hiver»

ciated Press, une femme sans profession de 51 ans

se chiffraient à 2 300 milliards de wons, Corée et Japon

déclarait : «J'ai été très impressionnée de voir à quel point

confondus. Les lieux de tournage de ces feuilletons sont

les jeunes Coréens respectaient leur parents dans

c·est très appréciable car toutes

par ailleurs devenus des destinations touristiques très

«Sonate d'hiver».

prisées, le nombre de visiteurs japonais en Corée ayant

valeurs traditionnelles ont disparu au Japon». Bien des

les

ainsi augmenté de 187 000 entre avril et octobre par rap-

hypothèses ont été formulées dans ce pays sur les raisons

port à l'année précédente à la même époque.

pour lesquelles des femmes d'âge mûr sont devenues

L'essor de la «vague coréenne» a ainsi des incidences

admiratrices de Bae Yong -joon, la star de «Sonate d'hiver»

considérables sur le plan économique et lorsque les stars

et le gratifient du nom de «Yonsama » [très vénérable Yon).

coréennes entreprennent des actions de marketing, c· est

La principale en est l'attendrissement que suscite l'amour

l'ensemble de l'Asie qu'elles ont en vue, notamment le

sincère éprouvé par son personnage pour une femme et

Japon. À cet égard, Sin Hyeon-jun, che r cheur à temps

relève donc d'une réaction psychologique contre les

plein à l'Institut de recherche sur l'Asie Orientale de

valeurs traditionnelles japonaises qui soumettent les

l'Université Sungkonghoe, effectue l'analyse suivante : «La

femmes à la volonté des hommes. Quant à la popularité de Été 2005 1Koreana 33


Le produit culturel qu'il est convenu d'appeler

«Sonate d'hiver» a considérablement baissé, passant de

«vague coréenne» a incontestablement permis

1,2 milliard à 200 millions de yens [soit respectivement de

à la Corée de se construire une image favorable

12 à 2 milliards de wons] entre mai et décembre 2004. La

également génératrice de valeur marchande.

question des droits d'auteur afférents aux œuvres musi-

Certains soulignent cependant

cales coréennes constitue aussi un facteur négatif. Alors

à juste titre que

rien n'est éternel et qu'il faut se renouveler.

que la Société japonaise des Droits d'auteur des compositeurs et éditeurs [JASRAC] avait l'exclusivité de leur gestion , l'Association asiatique des droits d'auteur [ACA] a acqu is celle-ci pour 2 800 compositions, ce qui n'a pas été sans poser des problèmes. Le directeur du Centre culturel japonais de Séoul, Osawa Tsutomu écrivait dans le numéro de mars des

Chai Ji-woo, la protagoniste féminine de ce feu illeton, son

Nouvelles du Japon qu'édite cet établissement : «Il est très

précédent agent artistique l'explique comme suit : «Je

révélateur que les Japonaises d'âge moyen, qui ne mani-

pense que les téléspectatrices ont ressenti une satisfac-

festaient guère d'intérêt pour la Corée, se tournent

tion indirecte en s'identifiant à ce personnage qui, sous une

aujourd 'hui vers elle. Toutefo is, il est probable que l'on

apparence douce, refuse de céder à son premier amour».

n'assistera pas longtemps encore au spectacle de ces

Bae Yong-joon et Chai Ji-woo, vedettes de «Sonate

femmes d'âge mûr prenant d'assaut les célébrités

d'hiver», ont vu exploser leur succès au Japon, où ils sont

coréennes dans les aéroports à chacune de leurs visites

respectivement nommés «Yonsama » et «Jiwoohime», le

car les productions de la culture de masse coréenne ne

vocable «hime» signifiant «princesse». Le «Chiezo 2005»,

remportent pas toujours au Japon un succès aussi fulgu-

encyclopédie des termes de l'actualité éditée par le quoti-

rant que celui de «Sonate d'hiver».

dien «Asahi Shimbun », a retenu cette année celui de

Un numéro r écent de Nikkei Business révélait la

«Yonsama ». Bae Yong -joon arrive par ailleurs en huitième

présence de «signes indiquant que la «vague coréenne»

position sur la «Liste des dix premiers produits et thèmes

avait déjà ·atteint son apogée au Japon». Le journaliste Yi

à succès de 2004» dressée par Dentsu Advertis ings, la

Su-hyang du Kyodo News lançait quant à lui la mise en

«vague coréenne » se classant également au huitième

garde suivante : «Le moment est venu de viser un objectif

rang des dix plus grands événements survenus au Japon

à plus long terme au lieu de ne s'intéresser qu 'aux profits

aux yeu x des lecteurs du quotidien «Yomiuri Shimbun ».

immédiats. Nous devons analyser judicieusement les

Enfin, le public japonais adule non seulement des acteurs

mécanismes de l'industrie japonaise des loisirs et prendre

comme Lee Byung-hun, Kwon Sang-woo, Won Bin, Jang

des mesures efficaces». Un représentant d'une société de

Dong-gun et Park Yang-ha, mais aussi des chanteurs tels

presse japonaise affirmait enfin : «La presse japonaise ose

Rain, Seven et BoA.

maintenant cr itiquer les stars nées de la «vague coréenne » », témoignant ainsi de la jalousie et de l'envie

Pour combien de ten:ips encore ?

··

que suscite celle-ci au Japon. Le principal objectif est aujourd'hui d'assurer la conti-

La question qui est aujourd'hui sur toutes les lèvres

nuité du phénomène culturel de la «vague coréenne » en

est celle de l'avenir de cette «vague coréenne» et il con-

évitant de survaloriser le marché japonais et de ne pas

vient alors d'examiner plus avant ce phénomène qui a pris

chercher à engranger trop rapidement des recettes. Les

de l'essor en seulement un an, puisque l'année dernière,

stars de l'industrie du spectacle et leurs agents artistiques

les importations japonaises de films coréens avaient triplé

doivent mener leur activité en ayant conscience de leur

par rapport à 2003 pour atteindre 4,24 milliards de yens

rôle d'acteurs culturels, l'État devant quant à lui faire

[42,4 milliards de wons!. La consommation de produits

porter ses efforts sur la mise en place de structures qui

culturels coréens est toutefois sujette à d'importantes

permettent une expansion continuelle de la valeur éco-

évolutions de tendances. Le chiffre d'affaires dégagé par

nomique générée par la culture de masse coréenne. i.t

34 Koreana I Été 2005


L'acteur Bae Yong-joon, objet du syndrome de «Yonsama» depuis sa participation au feuillleton télévisé à succès «Sonate d'hiver», répond d'un signe de main à la foule d'admirateurs accourus le saluer à l'aéroport de Narita. 2 Les articles touristiques témoignent du succès de Bae Yong-joon, grande vedette de la «vague coréenne», tel ce collier «Sonate d'hiver» et ce tapis de souris à son effigie. 3 Chai Ji-woo et Lee Byeong-heon, déclarés représentants officiels de la Corée dans le domaine touristique. La «vague coréenne» génère une valeur économique estimée à 14 000 milliards de wo ns.

Été 2005 1Koreana 35


Ahn Kyu-chul Médiateur de l'identité

·

langage-objet Fondée sur la langue et les objets de la vie quotidienne, la création d'Ahn Kyu-chul relève de l'art conceptuel, mais présente une telle diversité qu'il est malaisé de la rattacher exclusivement à un genre donné. Lee Ken-shu Rédacteur en chef au «Wolganmisool» Photographie : Chai Hang-young, Gallerie Rodin


37


F

igurant parmi les plus grands artistes conceptuels

unique de la création à celui du signe et du langage

depuis les années 80, Ahn Kyu-chul réalise une

vecteurs de communication. Ajoutez à cela une énonciation

production alliant photographie, dessin et écriture dans un

critique et l'art cesse de se cantonner au matériel pour

univers créatif procédant d'une vision critique de la réalité

devenir grammaire applicable au discours et à l'écrit.

et d'une conceptualisation du langage, deux éléments qui

La sculpture ne peut jamais entièrement s'affranchir

semblent a priori inconciliables. Ses œuvres limitent le

du rapport de l'objet au langage, étant tout à la fois

domaine du visuel pour susciter les associations d'idées,

éminemment matérielle et poétique. De ce fait, quel artiste

exposent les paradoxes de la société par les finesses

coréen autre qu'Ahn Kyu-chul serait à même de trans-

d'expression et la fusion d'objets dotés d'un pouvoir

former le langage prosaïque des objets du quotidien en un

d'illusion minimal.

discours intérieur poétique tout en parvenant à dépasser l'abstraction destructrice de forme pour créer un langage

Un interprète de l'objet

«Je mets constamment en doute mon art, et ce,

véritablement conceptuel? Cet artiste qualifié de «sculpteur pensant» et d'«inter-

même en le produisant. En tant que créateur d'images

prète de l'objet» a tenu l'année passée une importante

artisanales, je ressens une certaine impuissance face au

exposition à la Galerie Rodin du 5 mars au 25 avril, c·est-à-

pouvoir considérable de celles qui nous inondent et suis

dire pendant près de deux mois. Il s'agissait d'une sorte de

aujourd'hui sceptique quant à la place de l'art dans un

mini-rétrospective présentant trois installations

monde dominé par le capital et l'économie. Tout en travail-

antérieures composées de textes et d'objets d'art, «Le sac

lant sur ce support, j'en perçois la nature ambiguë gom-

de cet homme», «Chapeau » et «Personne ayant disparu

mant la réalité et la déformant» confie-t-il.

dans une boîte», ainsi que trois plus récentes intitulées

«Salle n'oscillant pas» 2004, 660 x 570 x 380cm. Cette œ uvre exprime le paradoxe de l'attac heme nt a ux choses vou ées à disparaître en les re liant soit entre e lles soit même à des structures.

Envisager l'art par-delà la sensibilité, comme un simple questionnement dialectique appréhendé non au moyen

«Salle n·oscillant pas», «Salle sans plancher» et «Salle à 112 portes».

des yeux et des mains, mais intellectuellement, sous forme d'objet et de langage, telle est la direction dans

Quand les objets se mettent à parler

laquelle s'oriente et doit s'orienter l'art contemporain .

Ceux qui connaissent les débuts d'Ahn Kyu-chul et sa

L'amour éthéré de l'intemporel que propose l'art con-

façon de travailler auraient pu se demander l 'année

ceptuel transforme l'œuvre d'art pour passer du statut

dernière comment il occuperait un espace aussi vaste et

38 Koreana I Été 200 5


me centrer sur les objets fabriqués

« Si j'emprunte

très humblement à travailler sur du papier-mâché,

par celui-ci . Un tournant s·est alors

parfois leur forme

matériau «populaire» léger et peu onéreux plutôt employé

opéré lorsque je me suis concentré

à des objets tout

par les enfants et les femmes apprenant les travau x

sur l'idée que les objets du quotidien

faits, je ne cherche

manuels.

reflétaient les pensées et rapports

nullement à la

formel que la Galerie Rodin. L'artiste commença en effet

«Dans les années 80, j'ai commencé à réaliser des

humains. De macroscopique, ma pers-

modifier pour en

œuvres dites «sculptures dotées d'histoire» ou «sculp-

pective est devenue microscopique

faire des œuvres

tures paysagères». De 1983 à 1986, j'ai ainsi produit une

pour envisager les relations «entre

d'a rt rares et

série de figurines de la taille d'un doigt, dont la disposition

l es choses » plutôt qu· «entre les

précieuses. En les

évoquant une scène de théâtre se voulait une satire de

gens» et je m· oriente maintenant vers

recréant tels

l'actualité politique ou autre. Si je l'ai fait, c·est en réaction

l'implicite et le paradoxal plutôt que

quels, je m'efforce

aux œuvres d'alors qui, en recherchant la perfection artis-

vers la description narrative d'une si-

au contraire de les

tique , se plongeaient dans le discours de l'art pur et fer-

tua t ion . Le mode d'énonciation de

dépouiller de leur

maient les yeux sur les contradictions du monde extérieur.

mes œuvres est passé de la forme

aura, voire de les

Par ces «sculptures dotées d'histoire» en papier-mâché

narrative fondée sur le «faire » à

en éloigner».

ou en plâtre, j'ai voulu créer des pièces «légères» limitant

l'interrogation du «pourquoi faire ?»

le plus possible l'effort physique de l'artiste et le caractère matériel de la sculpture dominante. Si, d'un cer-

Matérialisation du discours

tain point de vue, ces productions correspondaient bien à

L'évolution des œuvres d'Ahn Kyu -chul a suivi quatre

l'esprit de l'art populaire d'alors, je ne pouvais que me dis-

principales étapes, à savoir la sculpture dans le style de

tancer de la rigueur morale qui présidait aux évolutions de

l'illustration narrative, l'ana lyse des relations entre dis-

cet art populaire, tout comme d'une démarche centrée sur

cours et objets, la production d'œuvres imaginatives

l'artiste», explique le créateur.

s'inspirant de contes de fées ou de bandes dessinées et les

Ce double recul s'avérera manifeste dans une exposi-

séries de salles et maisons remplissant de vastes espaces.

tion exclusivement consacrée à l'artiste en 1992 à son

L'ensemble de ses productions a pour dénominateur com-

retour d'Allemagne où il poursuivait des études. Les mem-

mun le refus de la composante spectaculaire de la sculp-

bres du Cercle artistique populaire «Réalité et énoncia-

ture actuelle, le minimalisme et l'énonciation surréaliste

tion » ajouteront leurs critiques à celles d'autres confrères

de l'imagination qui en résulte, transformant la création en

qui voient dans ses œuvres des «objets philosophiques»

une mise en scène ou une «sculpture de théâtre».

d' «inspiration allemande», tandis que les sculpteurs con-

«Mes œuvres du début des années 90 constituaient

ventionnels jugent qu'elles ne constituent pas un «art for-

l'aboutissement de tels changements. Elles avaient pour

matif mais un jeu conceptuel». Il est toutefois intéressant

motifs caractéristiques des portes, vestes, ch àussures,

de constater qu'il reçut alors un accueil favorable, voire

lunettes, nappes, tableaux et chaises, ainsi que l'outil de

élogieux, de la jeune critique, son exposition faisant sensa-

destruction qu· est le marteau représenté sous le signe de

tion et déclenchant une rapide évolution de l'artiste.

l'amour, ou encore une brosse à chaussures personnifiée

«Mes œuvres ont considérablement changé lorsque

qui, pourvue de conscience, se repent de ses «péchés», et

je me trouvais à l'étranger [1987-1995). Je craignais forte-

la peinture s'imprègne tant d'elle-m ême qu'elle récuse sa

ment qu· elles ne constituent guère plus que des bandes

fonction originelle de tableau. Dans cette démarche, les

dessinées de journaux en version tridimensionelle. J'ai

lettres interviennent en tant que parties constitutives des

compris que j'avais atteint mes limites dans la recherche

objets et des éléments de bandes dessinées apparaissent

de cadres pour certaines compositions sculpturales ainsi

dans des œuvres telles que «Chapeau » [1994] et «La

que dans la représentation descriptive des objets. Tout en

chambre de cet homme»».

remettant en question la matérialité et la tridimension-

Ahn Kyu-chul a une amusante manière d'inverser la

nalité qui sont à la base de la sculpture, j'ai cessé de

strat égie de l 'artiste frança is Marcel Duchamp, qui

m'intéresser à l'environnement social de l'homme pour

présente ses objets tous faits comme des créations artiÉté 2005 J Koreana 39


j

.r t J

ti ti

'. «Chapeau» 1994, 1,200 x 380cm. Cette œuvre décrit la cruauté des relations humaines régies par la loi de la jungle poussant les individus à s· entredévorer. Seul reste alors un chapeau . 2 «Salle sans plancher» 2004, 540 x 360 x 122cm. Lïnstabilité d'une vie qui semble à la dérive sans but précis ni racines est représentée par cette salle sans plancher. 3 «Salle à 112 portes», 2003-2004, 760 x 760 x 230cm. Cette salle n'est pas parfaitement fermée puisque toutes les portes y donnent accès aux intrus. Celles-ci n'opposent pas de barrière entre lïntérieur et l'extérieur, nombre d'entre elles permettant à diverses menaces potentielles d'entrer sans difficulté.

2

40 Koreana I Été 2005


sanales, alors que le premier réalise l'opération inverse. «Les producteurs d'art ont l'obsession du travail manuel. Pour ma part, je ne m'attache pas à construire des portes ou des piliers, mais un espace vide, le néa nt, qui disparaît certes à la fin de l'exposition, mais demeure dans l'esprit des visiteurs. Si j'emprunte parfois leur forme à des objets tous faits, je ne cherche nullement à la modifier pou r en faire des œuvres d'art rares et précieuses. En les recréant tels quels, je m'efforce au contraire de les dépouiller de leur aura, voire de les en éloigner. Je n'ai pas en vue une simple disposition d'objets préfabriqués, mais le néant». L'artiste s'emploie ainsi à accommoder les divers éléments de son langage formatif, se concentrant sur une élaboration dont le principal ingrédient est l'objet luimême. Il adopte un style neutre à l'instar de l'écriture idéale telle que la décriva it Roland Barthes dans «Le degré zéro de l'écriture», forme d'expression du nouveau roman.

Chaque pièce sculptée est tout à la fois objet et langage. Son existence physique ne peut aisément transcender sa structure linguistique et son contexte de communication. Toutefois, le langage étant galvaudé et outrancier, la finalité de l'artiste se centre su r la façon dont il peut «rétablir la pureté du langage» et il prend finalement conscience que la suppression de ce qu 'i l y a de plus matériel revient à sublimer ce qui est le plus spirituel. La sublimation de l'art maté r iel, la transformation de l'art en idéologie et sa transcendance constituent les leitmotive de l'art conceptuel, dont l'ouverture confè re l'autorité et la possibilité de combattre ou satiriser une réalité absurde. Vu et connu, lourdeur et légèreté, thèmes critiques et imagination surrée lle, langue maternelle et langues étrangères de l'art, autant d'éléments entre lesquels peu d'artistes, hormis Ahn Kyu-chul, tentent d'établir un équilibre. Nul doute alors que ce faisant, il établit solidement et durablement son art. 1.t

Ét é 2005

1

Korea na 41


ARTISAN

Kim Hwan-kyung, maitre artisan, ou la modernité vue à travers la tradition Après avoir longtemps fait partie intégrante de la vie coréenne, les objets d'artisanat dits «chaehwachilgi», qui associent la laque avec différents pigments, seraient aujourd'hui supplantés par une production de série faisant appel à des vernis synthétiques à bas prix si Kim Hwan-kyung n'avait pas résolu d'en perpétuer la tradition. Allons à la rencontre de ce maître artisan. Ji Geun-hwa Écrivain en free-lance Oh Jong-eun Photographe

Boîte à bijoux ornée d'un magnolia en fleur [pin rouge, laqu e, laque noire, «chaehwachil»I 42 Koreana I Été 2005


L

a pivoine éclose à la splendeur éblouissante côtoie le

motifs différents selon les objets. Ils réservèrent ainsi le

beau, mais modeste chrysanthème et l'orgueilleux

«chaehwachilgi» aux récipients à usage alimentaire, au

magnolia à l'élégante et noble silhouette, ainsi que

mobilier spécifiquement féminin ou aux boîtes de pierre à

l'orchidée, dont le long feuillage représenté en entrelacs

encre des aristocrates.

allie douceur et force de caractère. Si le pinceau d'un seul

Kim Hwan-kyung, qui fut nommé en 2004 bien cultu-

et même artiste a donné naissance à cette végétation, les

rel immatériel par la Ville de Séoul, explique à ce propos :

divers motifs floraux ainsi exécutés sur des récipients de

«Le «chaehwachilgi» existe depuis plus longtemps que le

bois possèdent tous leur personnalité propre et leurs

«najeonchilgi» [laque nacrée). Sa fabrication remonte aux

teintes aussi subtiles que chatoyantes expliquent la forte

temps anciens de Gojoseon [2333-108 av. J .-C.), État

impression qu'ils produisent sur l'observateur.

coréen orig inel. Le premier, dont les dessins étaient à l'époque réalisés à la main, était d'une utilisation plus

Des laques toujours plus miroitantes

courante que le second pour produire différents objets.»

Les motifs gaiement colorés de fleurs, papillons ou caractères ornant les laques peintes que sont les «chae-

Légataire d'une tradition

hwachil» ne révèlent leur exacte teinte qu'au bout de trois

Le «chaehwachilgi» est riche d'une longue histoire

ans au moins du fait que les pigments qui forment celle-ci

dans la vie quotidienne coréenne, la présence de nom-

sont mêlés à la laque . Cette révélation naturelle des

breux arbres à laque de grande qualité expliquant son

couleurs, au fil du temps, est qualifiée d'«épanouisse-

apparition. Un retour sur le passé révèle l'existence d'une

ment» en référence aux fleurs. La pièce réalisée paraît de

production dynamique dès l'époque des Trois Royaumes

ce fait différente à chaque regard car ses délicates teintes

(Ier siècle av. J.-C. - VIIe siècle ap . J.-C.l. comme en

ne cessent de se transformer et s'étendre avec le temps.

témoignent les restes découverts dans les tombes de

Préparée avec la résine de l'arbre à laque, cette dernière a

Cheonmachong et Geumgwanchong d'époque Silla [57 av.

longtemps servi à enduire récipients en bois ou en métal.

J.-C. - 935 ap. J.-C.) à Gyeongju , ainsi que dans celles du

Tout d'abord translucide, elle acquiert, après avoir été

roi Muryeong [r. 501-523) et de Baekje [18 av. J.-C. - 660

appliquée sur du bois ou du métal, un aspect miroitant et

ap. J.-C.l à Gongju. Sous cette première dynastie existait

une teinte brun foncé dont elle ne se départira pas avec les

même un bureau, dit «chiljeon», chargé de contrôler la

années. Ces caractéristiques expliquent son emploi, en

profession d'artisan laqueur.

association avec divers pigments, pour recouvrir de nom-

Le «cheahwachilgi» n· était alors guère accessible au

breux articles, autant de «peintures vivantes» dont le

grand public en raison des difficultés d'approvisionnement

temps révèle l'éclat.

en matière première. À l'époque des Trois Royaumes,

En Corée, les artisans peintres sur bois préférèrent à

ainsi que sous la dynastie Goryeo [918-1392). le «chae-

la simple application de laque des décors aux couleurs et

hwachilgi» se destinait aux articles en usage courant au Été 2005 1Korean a 43


palais royal, de même qu'aux accessoires utilisés par l'aristocratie.» Kim Hwan-kyung rappelle que c'est à cette époque, ainsi qu'à celle de Joseon [1392-1910]. que s'amorça un déclin dans l'emploi du «chaehwachilgi» suite à l'avénement du «najeonchilgi», plus luxueux. La supervision qu· exerçait en outre l'État de Joseon sur la fabrication et la fourniture de laque joua aussi en défaveur de ce matériau aux yeux du peuple. L'actuelle réalisation d'une production de série recourant à des vernis synthétiques, d'une mise en œuvre plus simple et moins coûteuse, constitue le principal facteur ayant accéléré la disparition du «chaehwachilgi». Le maître artisan Kim Hwan-kyung, depuis ses débuts dans cet art, en 197 6, s·emploie à en susciter le renouveau . Après avoir commencé par la fabrication de «baekgol», des objets de bois non laqués, il va s'initier à la technique du laquage auprès de Kim Jin-gap, alors grand maître incontesté du «chilgi » qui lui a été présenté par le gendre de ce dernier, Baek Tae-won. La véritable entrée du «chaehwachilgi» dans sa vie se situe toutefois très précisément lors du voyage qu'il effectua au Japon en 1979 en tant que membre de la délégation de l'Association pour la promotion du «najeongchilgi» coréen. Le «najeonchilgi» n· était alors pas particulièrement apprécié dans ce pays. La production traditionnelle qui y était représentée consistait au contraire pour l'essentiel en «chaehwachilgi», lequel recourt à diverses peintures. Je me souviens avoir trouvé combien cela était bizar re. Les documents et ouvrages historiques nous apprennent que le «chaehwachilgi» constitue au départ une tradition indigène . L'art du laquage de Lolang fut introduit sous 44 Korea na I Été 200 5


1 Vue d'ensemble et détail d' une boîte à bijoux lpin rouge, laque, laque noire, chaehwachill 2 Une pièce de «chaehwachil» est changeante car ses subtils reflets et couleurs évoluent dans le temps. Vue d'ensemble et détail d'une assiette à neuf compartim ents l«guj eolpan») lpin rouge , laque, laque noire, «chaehwachil» en poudre)

Goguryeo [37 av. J.-C. - 668 ap. J.-.C.] et sous Baekje, avant d'être transmis au Japon. J 'ai ressenti un choc en réalisant que la Corée, qui se situe au x origines du laquage, méconnaît totalement la technique du «chaehwachilgi», tandis que le Japon a favorisé l'essor de celleci à l'échelle nationale. Alors, je n"ai pas pu m'empêcher de penser que cela ne pouvait pas continuer ainsi.» Kim Hwan-kyung entreprend aussitôt de faire revivre cette tradition coréenne. Aujourd'hui, il se souvient avoir éprouvé une profonde tristesse en constatant le retard accumulé par la Corée par rapport à d'autres pays où les techniques du «chaehwachilgi » étaient d' un emploi courant, notamment en Chine, au Vietnam et au Japon, lequel avait pourtant hérité du savoir-faire coréen en l'adaptant à sa façon . De retour au pays, Kim se consacre à l'étude de l'histoire du laquage traditionnel coréen et à la remise en œuvre de ses techniques. Il découvre alors que le véritable secret du «chaehwachilgi» réside dans la production d'une grande variété de couleurs et pour apprendre comment la réaliser, il analyse te xtes et traités anciens et recherche des procédés de mélange de laque à des produits locaux tels que l'orpiment, l'étain, la mousse et les fruits secs. Un souffle de modernité dans la vaisselle traditionnelle

Trente ans se sont écoulés depuis que Kim Hwankyung a décidé de se vouer au «chaehwachilgi» et si ses réalisations dans ce domaine en disent long, l'étiquette d'«étranger» continue de lui coller à la peau. «L'idée préconçue selon laquelle les biens culturels immatériels ou les maîtres doivent faire allégeance à la tradition prévaut toujours. C'est pourquoi il m'a été très Été 2005 1Koreana

45


1 Après une première cuisson, les pièces en céramique de type «chaehwachilgi» sont nappées de laque et décorées, puis recuites à une température de 400 à 500° C, ce qui permet d'obtenir une toute nouvelle forme. 2 Intitulée «Hyeonmu», cette réalisation de Kim Hwan-kyung emploie une peinture mêlant laque, «chaehwachil» et «chaehwachil» en poudre. Le style de l'artiste est comparé au pointillisme du néo-impressionniste Georges-Pierre Seurat.

difficile de devenir bien culturel immatériel. Je persiste toutefois à penser que l'on doit faire entrer du moderne dans l'ancien.» C'est cet esprit de modernité que Kim Hwankyung s'attache à insuffler aux produits traditionnels, tout en convenant que certains de leurs aspects doivent rester inchangés, car la réactualisation de telles fabrications est indispensable à leur plus grande diffusion dans le public, laquelle conditionne à son tour leur survie. Cette nécessité motive chez lui la production d'une large gamme de «chaehwachilgi». Si ceux qui sont réfractaires à toute évolution peuvent le taxer d'hétérodoxie, il n'en continue pas moins pour autant de croire à l'importance d'une démarche créative pour que se perpétue la tradition. Kim Hwan-kyung a su élargir l'univers du «chaehwachilgi» aux objets en bois, ainsi qu'à la céramique et à la peinture. Dans ce dernier domaine, ses créations s'apparentent souvent aux techniques pointillistes de peintres néo-impressionnistes français comme Georges-Pierre Seurat et sont tout imprégnées de modernité. En 1992, il allait exposer des œuvres réalisées selon cette technique à partir de dessins du peintre coréen Kim Ki-chang, dans le cadre d'une expérimentation menée à l'initiative de ce dernier. Des œuvres de peintres célèbres, tels Park Sookeun et Park Rae-hyun, se parent de neuf grâce au «chaehwachilgi», que le maître artisan met aussi en œuvre sur la céramique. Celle-ci, cuite à l'état brut puis recouverte de laque et décorations variées pour repasser ensuite au four, à une température comprise entre 400 et 500°C, possède une esthétique totalement différente des productions habituelles. 46 Koreana I Été 2005


Les créations de Kim Hwan-kyung se caractérisent par leur diversité et un étonnant esprit d'innovation né de la conviction que l'artisanat traditionnel se doit d'évoluer pour se populariser et, à long terme, assurer sa propre pérennité.

Kim Hwan-kyung affectionne dans ses œuvres la peinture de moeurs et d'inspiration populaire, mais aussi les formes géométriques et les caractères alphabétiques. L'alliance de tradition et de modernité qu'il réalise suppose que les objets qu'il sélectionne dans ce cadre transcendent tant la simple tradition que la modernité. Parmi ses œuvres les plus magistrales, la grande fresque ornant le hall de l'Hôtel Lotte, sur l'île de Jejudo, témoigne de sa soif d'expérimentation. «Les produits laqués ont, entre autres particularités, celle de devoir sécher à un endroit où l'humidité est de 85 à 90%, c· est-à-dire sur une longue durée. En contrepartie, le temps révèlera leurs délicates et chatoyantes teintes», explique Kim Hwan-kyung. La sereine beauté de ces nuances, que le maître artisan qualifie lui-même de douce et profonde, tient plus au mélange laqué qu'à la couleur originale. La grâce et le raffinement du «chaehwachilgi» procèdent aussi d'un sentiment de quiétude spécifiquement coréen. 1...1

Exécution d'une pièce de «chaehwachil» A Préparation des éléments de bois et polissage des surfaces avant applicatio n de la laque B Premier laquage et séchage pendant environ cinq heures C Mélange de la laque à du riz gluant dans une proportion de 3 pour 7 et application su r la pièce à l'aide d'une spatule D Sablage des surfaces laquées E Préparation d~s pigments F Second laquage G Séchage pendant 24 heures avec une hygrométrie de 85 à 90% H Dessin des motifs et décoration au «chaehwachil»

Été 2005 1 Ko reana 47


Casque en or de la tombe «Cheonmachong»; Trésor national n°189; hauteur: 19 cm ; longueur à la base: 19cm ; largeur à la b;ise: 5, 1 cm


CHEFS-D'ŒUVRE

Casque en or de la Tombe Cheonmachong Joyau artisanal de l'époque Silla Sous le règne des monarques de Silla, le travail des métaux atteignit un niveau de savoir-faire exceptionnel dont offrent une illustration concrète les merveilleux casques, couronne et parements d'or découverts dans la tombe supposée d'un roi de Silla, dite de Cheonmachong. Kim Seung-hee Conservatrice du Musée national de Gyeongj u Photographie : Musée national de Gyeongju

S

ituée dans le sud-est de la Corée, Gyeong-

et de terre permettant d'obtenir un tumulus

ju fut capitale du royaume de Silla de 57

plern et préservant son contenu du pillage et du

avant J.-C. à 935 après J.-C., c'est-à-dire pen-

vandalisme. Les tombes de ce type avaient pour

dant près d'un millier d'années et aujourd'hui

dénominateur commun le grand nombre

encore, demeurent dans la ville de grands

d' objets funéraires qui accompagnaient le

tumulus, tertres arrondis élevés pour la plupart

défunt et pas moins de quinze mille furent ainsi

aux V' et VI' siècles. Les fouilles qui y ont été

découverts à «Cheo_nmachong », dont une selle

réalisées ont livré une multitude d'artéfacts

ornée d'un «cheonma», cheval céleste qui

intéressants comprenant des casques en or,

donna son nom à cette tombe.

des couronnes somptueuses et des parures destinées à ces dernières. Parmi les sépultures

Casque en or

de cette époque figure l'énorme «Cheonma-

La tombe dite «dolmujideonneol mudeom»

chong », qui mesure 12,7 mètres de hauteur et

est d' une architecture semblable à celles

47 mètres de diamètre à la base.

qu· édifiaient les tribus nomades qui sillonnaient

Les archéologues désignent les gigan-

à cheval les régions septentrionales de la

tesques tombeaux datant de cette période par

Sibérie, de l'Altaï et de la Mongolie. Les scien-

l'appellation «dolmujideonneol mudeom» qui

tifiques y voient la preuve de relations avec les

signifie «tombes de pierres empilées à salle

peuples nordiques et leur culture en formation,

boisée ». Dans ces sépulcres , le cercueil , le

hypothèse que vient étayer la couronne

mobilier funéraire et les possessions du défunt

découverte dans la tombe de « Cheongma-

sont disposées dans une salle mortuaire boisée

ch.ong ». Cette pièce présente des ornements en

recouverte d'une importante quantité de pierres

forme de ramure s'étendant de part et d'autre Été 2005 1Koreana

49


La qu~stion s'est posée de savoir si la couronne, pièce aux formes complexes et élégantes, était vraiment conçue pour être portée et l'hypothèse de l'objet funéraire destiné à prendre place dans la tombe du défunt a récemment été émise. Ce dernier aurait en revanche coiffé le casque en or de son vivant.

1 Couronne à parure en ailes

de papillon retrouvée avec le casque d'or de la tombe Cheonmachong. Ces deux éléments se portaient ensemble. 2 Couronne en or mise au jour dans la tombe Cheonmachong. Malgré sa forme élaborée, on ignore si elle était vraiment destinée à l'usage 3 Parure de couronne en ailes de papillon coiffée avec le casque de la- tombe Cheonmachong. On pense qu'elle était réservée aux grandes cérémonies de la cour, entre autres circonstances.


de la partie centrale sur laquelle figure, tel un point focal,

ment déployées en disaient long sur l'importance du per-

le caractère chinois chu/ (tl:l I évoquant un arbre, tandis que

sonnage qui le coiffait.

la face interne de la couronne rappelle le bouleau argenté, sacré chez les peuples du nord .

Vestiges culturels nordiques

Dès avant le Ve siècle, les Coréens vénéraient les

Les casques en or se composaient de plusieurs

arbres en qui ils voyaient le lien entre Ciel, Terre et

plaques métalliques solidaires dont les riches ajours

Homme conformément à la notion d'«ujusu », c'est-à-dire

étaient exécutés par percement de la surface . Celui de

«arbre de l'univers». Les parures surplombant les bords

«Cheonmachong », en dôme, est constitué de deux plaques

de la couronne consistent en représentations stylisées

dont la surface s·orne délicatement d'orifices semi-circu-

d' «ujusu» et de ramures pareilles à des antennes. La

laires et les bords, de points estampés formant un motif à

couronne forme ainsi un casque richement décoré dont on

claire-voie, l'ensemble étant maintenu par un large ban-

ne sait au juste s'il a jamais été coiffé. Selon des

deau. À la partie inférieure se trouvent des plaques avant

hypothèses récentes, il pourrait s'agir d'un objet funéraire

et arrière percées de trous ronds formant un T. Deu x

destiné à prendre place dans la tombe du défunt. Lors de

autres plaques complétant ces dernières sont respective-

la mise au jour de celle-ci, la couronne se trouvait sur la

ment ajourées de losanges et de motifs de fougères. Il en

tête du défunt, ce qui semble exclure une éventuelle

résulte une coiffe élargie à la base et aux bords recourbés

fonction d'objet rituel ou de signe de statut social, le

vers le bas pour s'adapter de part et d'autre au crâne.

casque en or ayant en revanche été utilisé du vivant de la

Amples, ces derniers sont percés d'innombrables trous

personne.

qui doivent avoir procuré une sensation de confort lorsque

Le casque en or s'apparente à celui que portent les émissaires de Silla représentés sur les peintures murales

le casque se portait au sommet de la tête, noué sous le menton par une cordelette.

découvertes dans la tombe du Prince héritier Zhanghuai Li

À quels personnages une aussi magnifique parure

Xian (654-684] de la Dynastie chinoise des Tang (618-9071.

pouvait-elle être destinée dans la société de Silla? Les

Par comparaison avec la frêle structure et les splendides

chercheurs s'accordent à la faire remonter avant les

parements d'une couronne dont le poids dépasse pourtant

Naemul Maripgan (356 -402), fondateurs de Silla appar-

le kilogramme, le casque en or, plus petit et robuste, est

tenant à la famille royale des Kim. L'époque de l'édification

pourvu à la partie supérieure d'une visière qui en facilite le

des tombes «dolmujideonneol mudeom», située aux Ve et

port. Si ses faibles dimensions semblent avoir dû rendre

VIe siècles, est dite des «Maripgan» et le «gan» (-,=.] y cons-

ce dernier malaisé, il n'en était rien grâce à l'emploi d'une

tituait alors un titre conféré aux monarques suprêmes des

cordelette fi xée latéralement et nouée sous le menton,

zones septentrionales de savane. Sur la péninsule

comme sur la fresque tombale de Li Xian.

coréenne, les souverains d'alors semblent avoir fortement

L'avant du casque devait posséder un parement de

subi l'influence de ces régions nordiques. Le long de la

type couronne, c'est-à-dire en forme d'ailes d'oiseau ou de

«Route de la steppe», celle-ci s· étendait à des empires

longue plume, à l'instar de la fresque tombale mentionnée

aussi lointains que celui de Rome et il n'est donc pas for-

ci-dessus. «Cheongmachong» a livré deux ornements bien

tuit que divers aspects culturels se soient retrouvés au

conservés de ce style, l'un aux longues ailes d'oiseau et

temps de Silla. La découverte de nombreuses pièces de

l'autre en forme de papillon. D'aspect statique, le premier

verrerie romaine dans les tombes de cette époque atteste

peut avoir été réservé à des cérémoniaux, tandis que le

de tels échanges culturels.

second, d'allure plus dynamique, semble plus adapté à

Les objets multiples et variés qu ' ont livrés les

l'usage quotidien. Tel l'homme moderne sélectionant une

«dolmujideonneol mudeom» ont ceci de commun qu'il en

cravate , l'occupant de la tombe de «Cheonmachong »

émane une impression d'éclat et d' exubérance, un

devait tour à tour opter pour un casque à ailes d'oiseau ou

dynamisme nordique qui permit à n'en pas douter la diffu-

de papillon selon les convenances propres à chaque occa-

sion de cette culture jusqu'au royaume de Silla et qui

sion. On imagine aisément que l'ensemble ainsi formé par

demeure une composante fondamentale de celle

le casque en or et ses parements aux ailes orgueilleuse-

d'aujourd'hui. 1..1 Été 2005 1 Korea na 51


52 Koreana I Été 2005


~

p

résenté du 28 février au 9 mars

qu'il fit son apparition en Corée sous

derniers dans les petit et grand

le nom de «sinmuyong», c'est-à-dire

théâtres de la Fondation coréene

danse nouvelle. L'éminent savant

pour la culture et les arts, «Musée,

japonais Tsubouchi Shoyo [1859-

danse moderne coréenne» proposait

1935] préconisa l'emploi du terme

une série de quarante-cinq specta-

«muyo» [«muyong» en coréen) pour

cles contemporains dirigés par de

s·y référer. Par la suite, celui de

grands chorégraphes coréens se

«sinmuyong» entra dans l'usage

succédant comme dans une course

pour désigner toute danse repré-

de relais ininterrompue. Cette mani-

sentant des tendances nouvelles,

festation comportait également

sans considérat ion d'éventuelles

divers colloques scientifiques ·et

influences japonaises ou occiden-

expositions

photographies

tales, ainsi que, peu après, les

de

présentant les grands danseurs

formes naissantes de la nouvelle

coréens et leurs carrières respec-

danse

tives. L'ouvrage intitulé «Vedettes de

démarquant radicalement de l'art

la danse moderne coréenne» portant

traditionnel du «kabuki». Leur in-

sur plus de deux cent cinquante

fluence se traduira en Corée par la

danseurs et trente compagnies de

généralisation de termes fels que

ballet sortait à cette occasion.

«yangchum» [danse occidentale).

classique japonaise

se

«sinsikchum» [danse de style nouOrigines de la danse contempo-

vea ul et «changjakchum» [danse

raine coréenne

créative). D'aucuns pensent néan-

Création du professeur Yook

moins que l'actuelle définition du

Wan-soon, «Musée, danse moderne

«sinmuyong» est superficielle et ne

coréenne» se veut un bilan historique

repose sur aucune analyse appro-

de cet art, ainsi qu'une recherche de

fondie de la danse traditionnelle.

nouvelles orientations visant à assu-

Si le «sinmuyong» est perçu

rer sa continuité. Les points de vue

comme un apport étranger en Corée,

divergent toutefois sur la situation de

les ballets que présenta lshii Baku

sa période formative. C'est sous

[1887-962) durant trois jours, à partir

l'occupation japonaise [1910-1945)

du 21 mars 1926, étaient en revanche Été 2005 1 Korea na

53


Des colloques scientifiques ont été consacrés au débat sur la «coréanisation» ou la «décoréanisation» de la danse contemporaine. L'adaptation des arts chorégraphiques occidentaux y a suscité des discussions

d'un genre inédit dans la mesure où

elle se verra contrainte à l'exil suite à

ils amenèrent le public coréen à con-

l'entrée en dissidence de son mari et

sidérer la danse comme un art, alors

à la répression qui s'ensuivra à son

que les disciples de l'artiste, Choi

encontre. Comme permet de le cons-

Seung-hee (1911-1969] et Cho

tater sa création scénique, qui com-

Taek-won (1907-1976]. étaient aux

prend diverses danses traditionnelles

yeux de tous les pionniers du

coréennes telles que le «seungmu»,

«sinmuyong» coréen. Tout en

dansé en solo par les moines boudayant

dhistes, le «kalchum», le «buchae-

réalisé des créations

chum» et le «gamyeonchum», mots

scéniques mêlant danse tradition-

désignant respectivement les danses

nelle et occidentale, la première a

aux épées, aux éventails et masquée,

largement contribué au dé-

Choi affectionnait l'association

veloppement de la danse con-

d'éléments traditionnels avec des

temporaine de style coréen . Sa

chorégraphies modernes de sa com-

renommée a franchi les fron-

position, dont on peut ainsi affirmer

tières nationales et celles du

que la danse contemporaine co-

Japon pour gagner la scène

réenne y plonge ses racines, tant

internationale où elle fut ova-

directement quïndirectement.

tionnée en Europe, au x États-Unis

54 Koreana I Été 2005

et en Amérique latine. En 1946,

Yook Wan-soon, mère de la danse

année de bouleversements politiques

contemporaine coréenne

qui provoquèrent la partition du pays,

Autre pionnière de cet art en

elle fera défection en .compagnie de

Corée, au même titre que Choi

son mari, An Mak, pour rejoindre la

Seung-hee, la danseuse Bak Oe-seon

Corée du Nord. Dans les premières

se forma elle aussi à l'ère coloniale.

années du nouveau régime de

Après plusieurs représentations à

Pyeongyang, les nombreu x specta-

succès données en 1936, elle entre-

cles qu 'elle y donne, ainsi qu 'en

prend une tournée qui la conduira au

Chine, vont lui valoir le surnom

Japon, en Chine, à Taïwan et en

d' « lnminbaewoo», c'est-à-dire la

Mandchourie. Enseignante à l'Uni-

danseuse du peuple, mais en 1967,

versité féminine d'Ewha à partir de


1 Le s pectacle «Jésus Christ Superstar» chorégraphié pa r Yook Wan-soon, cons id érée comme la mère de la danse moderne co réenn e 2 «M usée, danse moderne coréenne» s·est distingué pa r l'hommage rendu aux qu ara nte a nnées de carrière de la danseuse Yook Wa n-soo n.

1953, elle y œuvrera à la création du premier département de danse coréen, qui verra le jour en 1963. Cinq ans plus tard, elle partira au x États-Unis faire une série de conférences à [' École de danse de Caroline du Nord et dispenser des cours de danse au Centre Martha Graham, ainsi qu 'à la Compagnie Merce Cunningham. Elle fit alors une illustre adepte en la personne de Yook Wan-soon. Alors qu 'elle poursu iva it ses études aux États-Unis, cette dernière s·était initiée au ballet contemporain durant deux ans, à partir de 1961, avec pour maîtres Martha Graham et Jose Limon . Dès 1963 , elle produira en Corée les premières représentations contemporaines de style américain, puis sera nommée professeur à l'Université féminine d' Ewha et s'acheminera désormais sur la voie du succès, qui allait faire d'elle la mère de la danse contemporaine coréenne. Le spectacle «Musée, danse moderne coréenne » se double ainsi d' une importante commémoration des quaran te années de carrière de cette danseuse qui demeure aujourd'hui encore une étoile et a formé la plupart des professeurs d'université coréens

de cette discipline. On ne saurait manquer de citer ici les réalisations à l'actif de la Compagnie coréenne de danse contemporaine créée par Yook Wansoon en 1975. Celle-ci déclarait dans le discours qu 'elle prononça à l' occasion du quinzième anniversaire de la compagnie, en 1990 : «La création de la Compagnie coréenne de danse contemporaine a représenté en Corée une victo ire de la danse créative, ainsi qu'un tournant dans l'histoire de cette discipline . À une époque où le public ignorait tout de cet art et où la grâce des mouvements possédait à elle seule la plus grande valeur esthétique dans ce domaine, l'affirmation de l'esprit avancé de la compagnie équivalait ici à une révolution douce sur le plan culturel». L'action engagée par la troupe pour revaloriser le statut de son art allait aboutir à des résultats concrets dans les années 1970. Aux yeux du critiqu e Kim Taewon, rares sont ceux qui réalisèrent un travail systématique de promotion de la danse contemporaine, même si, dans l'histoire, il s 'est trouvé des danseurs pour introduire le ballet occidental en Corée, à l'instar de Choi

Seung-hee, Cho Taek-won, Song Bearn et Bak Oe-seon, à partir des années 1930. En outre, l'hégémonie culturelle coloniale, l'expérience de la Guerre de Corée [1950-1953] et l'archaïsme qui prévalait alors furent autant d'obstacles à franchir pour que la danse contemporaine devienne un art et une institution à part entière. Les lignes qui suivent sont extraites d'un essai de Kim Tae-won : «Depuis les années 1960, c'està-dire à l'avènement de Yook Wansoon, et surtout après la création de la Compagnie coréenne de danse contemporaine en 1975, la discipline a commencé de s'imposer comme genre artistique et institution légitimes. On peut donc co nsidérer que jusqu'aux années 1960, furent menées des tentatives de diversification des thèmes et du contenu de la danse contemporaine, ainsi que d'expression de l'âme coréenne, au moyen des techniques de la danse contemporaine . À cet égard , la réalisation par Yook Wan-soon d'une mise en musique de ses spectacles alliant lyrisme et instruments traditionnels coréens, comme dans «Chohon» [invocation des esprits]. en 1963 et «Forêts», en 1971 , ont constiÉté 2005 1 Koreana 55


actif de la danse dans la réalité et de

années 1980. Les années 1990 virent

Chai Seung-hee et Cho Taek-won ont

sa capacité à révéler le sens profond

ensuite la mise en œuvre de multi-

cherché à moderniser les styles de

d'un phénomène.

ples manifestations et échanges avec

tué une évolution décisive. Alors que

danse et aspects traditionnels coréens

Les danseurs post-modernes

d'autres pays, la montée en puis-

après avoir acquis les techniques de la

ont ainsi accru l'étendue et le poten-

sance de chorégraphes âgés d'une

danse contemporaine, Yook Wan-soon

tiel de leur art en préconisant l'aban-

trentaine d'années et la création de

s·est centrée sur les fondements de

don des techniques existantes, en

nouvelles compagnies.

celle-ci. Le ballet contemporain et les

considérant fond et forme comme

techniques auxquelles la forma

ses indispensables éléments struc-

Martha Graham tenaient pour elle en

turels, en se gardant d'une gestuelle

Décliné en plusieurs spectacles

quelque sorte de la religion.

excessivement émotionnelle et dra-

évoquant au mieux l'évolution de la

matique, en recourant à des formes

danse contemporaine coréenne,

Influence de la danse post-moderne

d'expression et médias publics

«Musée, danse moderne coréenne»

Coréanisation et décoréanisation

Si la manifestation qui s'est

variés, en intégrant leur interaction

s'est résolument tourné vers

récemment déroulée comportait

directe à la chorégraphie et en jetant

l'avenir, fournissant un tremplin à

dans son titre l'appellation de «danse

un pont entre danseurs et public .

l'internationalisation de la danse

moderne», l'impact d'un courant

Autant d'aspects qui trouvent une

coréenne. Lors des colloques qui

post-moderniste s· est fait sentir dès

vivante illustration dans «Musée,

l'accompagnaient, s'est fréquem-

les années 1960. On entend par

danse moderne coréenne».

ment posée la problémàtique de la

danse post-moderne un art du spec-

C'est à partir des années 1980

coréanisation, incontournable en

tacle essentiel et simple, une cro-

que le ballet contemporain coréen

matière de danse moderne, et de ses

yance fondée sur le principe que tout

s'est largement imposé au sein de la

avancées sur les scènes du monde.

mouvement humain peut se changer

danse coréenne . Le choc artistique

Ce thème est perçu comme une

en danse laquelle ne détient pas une

provoqué par les spectacles de Hong

question de conscience eu égard à la

absolue valeur en matière de beauté

Sin-cha à son retour en Corée, les

transmission de coutumes et tradi-

du mouvement, l'idée que chacun est

techniques chorégraphiques de Chai

tions au fil des générations dans une

capable de danser et que tout

Chung-ja, la danse géométrique de

région donnée, ainsi qu'à l'expression

danseur possède sa propre person-

Nam Jung-ho et le travail de coréa-

de l ' âme coréenne au moyen de

nalité, une conception de l'exécution

nisation de la danse contemporaine

l'interprétation créative du danseur.

de la danse non seulement dans un

réalisé par Kim Bok-hee et Kim Hwa-

Le thème du «style coréen» a aussi

théâtre, mais aussi en tout autre lieu

soo k allaient déboucher sur une

été abordé, puisqu'en raison des

et enfin, le concept d'engagement

diversification de cet art dans les

origines européennes et américaines

56 Koreana I Été 2005


de la danse moderne ou contemporaine, il est impératif que se constitue une école de la danse moderne et contemporaine reflétant la conscience que les Coréens d'aujourd'hui ont d'eux-mêmes. Cette finalité peut supposer la mise en œuvre des traditions et de l'affect coréens, des héros nationaux, de la poésie et de la mythologie en tant que thématique chorégraphique, des danses traditionnelles, du taekwondo et d'autres aspects traditionnels, de la musique créative conjuguant mélodies traditionnelles avec les rythmes et instruments de musique modernes , ainsi que des costumes folkloriques, mais peut aussi associer de tels éléments à une composante plus importante de modernité.

À l'opposé, il convient également d'envisager une «décoréanisation » privilégiant l'universalité au détriment du caractère national, sujet abondamment traité dans le cadre de l'entreprise authentiquement révolution na ire qu 'a constitué « Musée, danse moderne co réenne». t.t

Été 2005 1Koreana 57




L

·emploi de pigments végétaux permet

abondance dans l'environnement, c'est cette

l'obtention de teintures tout à la fois léni-

dernière catégorie de couleur qui est la plus ré-

fiantes et agréables à l' oeil, mais ces colorants

pandue au monde dans le domaine de la teinture.

écophiles sont aussi bénéfiques pour la santé et la lutte cont r e la pollution. Partout dans le

Elaboration de colorants naturels

monde, les entreprises recourent donc aux tein-

À quelques exceptions près, les teintures

tures naturelles pou r assurer une production

végétales s'obtiennent en faisant bouillir des

respectueuse de l'environnement. La prise de

plantes dans l'eau . Pour une te inture jaune à

conscience accrue de l'aggravation de la pollu-

base de gardénias, le procédé employé consiste

tion de l'eau dans le monde se traduit par un naturelles de composition organique.

à broyer finement les fruits issus de cette fleur puis à les plonger dans trois fois leur hauteur d'eau que l'on chauffe. Quand celle-ci arrive à

Origines des teintures natur elles

vingt minutes . On passe ensuite le liquide

spectaculaire renouveau

des teintures

ébullition, on réduit le feu pour laisser mijoter

1 Les pigments naturels se présentent sous forme organique. La teinture bleue s"obtient à partir d"un extrait végétal dïndigo. 2 La teinte jaune peut provenir du fruit de gardénia séché. 3 Les teintures minérales emploient la terre rouge, l"ocre jaune ou violette. 4 La teinte rouge s·obtient de la cochenille, insecte vivant sur les cactus.

Les colorants naturels proviennent

obtenu au tamis, puis on fait tremper le textile

d'éléments organiques présents dans les

dans cette décoction pendant vingt minutes en

arbres, les fleurs, l'herbe, les fruits, les racines,

s'assurant qu'il en est uniformément imbibé. On

la terre colorée et la pierre, mais aussi chez les

le rincera six ou sept fois à l'eau claire avant de

insectes. Si toute matière naturelle possède

l'étendre dehors dans un endroit bien aéré et

ainsi une certaine teneur en pigments, il con-

ombragé pour le faire sécher.

vient d'en extraire divers corps en nombre limité

Les teintures bleues se composent

pour la rendre agissante, car les substances co-

d'indigo, lequel s'obtient de plusieurs manières

lorantes doivent présenter une structure chi-

dont la plus simple consiste à presser les

mique stable pour résister à l'exposition au

épaisses feuilles de cette plante poussant en

soleil, à l'usure ou à la déchirure. Celles-ci peuvent

.juin et juillet pour en extraire la sève que l'on

être d'origine animale, minérale ou végétale.

ner de la pourpre en ajoutant de l'eau chaude à

telles que le sang d'animaux, les sécrétions de

des racines de grémil que l'on gratte ensu ite à

coquillages , l'encre de calmar, les restes

la main pour en extraire les pigments. Au prin-

d'insectes vivant sur des sumacs ou de coche-

temps, époque de la montée de la sève, on peut

nilles des cactus. Les deuxièmes sont issues de

aussi obtenir une charmante couleur orange en

matières présentes dans la terre, la pierre ou le

faisant bouillir de l'écorce intérieure· de pin.

métal et leurs pigments servent principalement

La qualité de ces colorants naturels

à la fabrication de couleurs pour artistes pein-

résultant d'une ébullition ou de l'extraction de

tres, dont l'ocre jaune, la terre rouge ou noire, le

sève dépend largement du type d'eau employé,

blanc, le bleu et le violet des argiles ainsi que le

celle de source ou de rivière contenant des ions

vert du cuivre. Ce type de pigment se retrouve

métalliques qui déterminent dans une grande

sur les peintures pariétales du paléolithique, sur

mesure l'obtention d'une teinte particulière.

les fresques murales italiennes de Pompei et

Son oxygène est aussi indispensable au

chinoises de Dunhuang, de même que sur les

développement de la teinture tandis que ses

peintures tombales coréennes des tumulus du

éléments minéraux agissent sur la tonalité des

Royaume de Goguryeo [37 av. J.-C. - 668 ap. J.-C.l.

couleurs. Une forte teneur en fer, cuivre ou

Enfin, les colorants végétaux sont extraits des

chrome produira ainsi des nuances sombres,

feuilles, fleurs et fruits ainsi que des écorces, du

alors que l'aluminium les avivera.

duramen et des racines d'arbres. Disponible en 60 Koreana I Été 2005

rafraîchit avec de la glace. On peut confection-

Les premières proviennent de matières

La teneur en oxygène et minéraux, ainsi


que le type de ces derniers, influant sur la teinture

est assimilée à l'est, c'est-à-dire au levant, et les rayons

naturelle et un même colorant pouvant ainsi produire

de soleil sont porteurs d'une énergie susceptible

différentes te intes et nuances en fonction des

d' allonger la vie. C' est ce qui ex plique -l' emploi

caractéristiques del' eau, celle-ci a toujours été un sujet de

systématique de lanternes de gaze bleues et rouges lors

préoccupation dans le domaine de la teinture. Ont aussi un

des cérémonies de mariage, ainsi que la présence

impact les liquides obtenues en versant de l'eau bouillante

d'accessoires ornementaux bleus sur la robe de mariée.

sur les cendres de la combustion de plantes ou de bois

Le jaune représentait quant à lui les sources de vie que

pour produire divers ions métalliques et dont l'adjonction

sont la lumière et la terre et figurait donc sur les habits

permet de diversifier les teintes à partir d'un même

impériaux. Outre les cinq couleurs directionnelles bleue,

colorant.

blanc, jaune, noire et rouge, il existait toute une palette de couleurs composées dont le vert pâle, le vert prairie et

Création de couleurs composites

l'orange.

Dans la Corée antique, les couleurs revêtaient une

La production de telles nuances s'assortit de con-

importante signification dans les cérémonies, rites

sidé rations physiques et chimiques inexistantes dans la

funéraires et chamans . Ainsi attribuait-on au bleu le pou-

teinture synthétique moderne. Ainsi, le blanc ne consti-

voir de chasser les esprits démoniaques car cette couleur

tuant pas à proprement parler une couleur, il est aisément Été 2005 1 Korea na

61


associable à toute autre teinte, tandis que le noir est une

décoctions propre à la médecine chinoise a-_t-il souvent été

combi naison de couleurs dépourvues de leur teinte d'ori-

lié à la découverte de teintures naturelles végétales.

gine et n'admettant aucun autre complément. Il convient

Celles-ci étant pour la plupart en relation étroite avec les

donc, lors d'un mélange, de commencer par la teinte la

plantes médicinales traditionnelles, elles conviennent bien

plus proche du blanc, car si l'on met en premier une

aux étoffes directement en contact avec la pea u, comme

couleur proche du noir, on n'obtiendra pas une coloration

c'est le cas des sous-vêtements, des vêtements pour

composé'\ mais une décoloration.

enfants, de la literie et des couches-culottes, notamment

S'il est vrai , comme chacun le sait, que le rouge et le

si les éléments tinctoriaux s'accordent avec l'utilisation

bleu produisent ensemble du violet, en teinture naturelle,

finale du produit. Les sous-vêtements teints à l'armoise

l'application de rouge, puis de bleu sur un textile ne per-

vulgaire sont par exemple très indiqués pour les femmes,

met pas d'obtenir cette couleur.

puisque cette plante possède des vertus antibactériennes

c·est au contraire en pas-

sant du bleu indigo au rouge cardamine que l'on verra

et calorifuges, alors que l'indigo est conseillé aux hommes

apparaître une magnifique couleur pourpre. La teinture

pour ses effets rafraîchissants. Dans le cas des enfants,

indigo étant alcaline, si on l'emploie sur des étoffes déjà

une teinture à la racine d'épine-vinette permet d'éliminer

colorées en rouge, la teneur alcaline neutralisera la teinte

micro-organ ismes et insectes, tandis que chez les per-

rouge et on n'obtiendra pas le pourpre souhaité. Lors de la

sonnes âgées, ca rdamine et grémil stimulent la circulation

création de couleurs composées à l'aide de teinture

du sang .

naturelle, il importe donc de procéder selon la succession

Dans les temps anc iens où n'e x istaient pas

des cinq couleurs directionnelles du yin et du yang, à

d'équipements de haute technologie destinés aux analyses

savoir blanc, bleu , jaune, rouge et noir.

scientifiques, les Coréens surent percer le secret des pro-

Avantages de la teinture naturelle

empirique et déductive pour parvenir à des applications qui

priétés chimiques des substances naturelles de man ière Les produits écologiques sont actuellement très

ont encore cours aujourd'hui, les vertus médicinales des

appréc iés dans le monde entier car les colorants de

textiles teints permettant par exemple le traitement des

synthèse peuvent comporter des substances cancérigènes

affections.dermatologiques. Par la suite, avec l'emploi sans

et s'avérer donc tout aussi nocifs pour l'homme que pour

discernement de colorants synthétiques dans de nom-

son environnement. Les chercheurs s'intéressent ainsi à la

breux domaines, les inoffensives teintures naturelles aux

solution de remplacement que peuvent apporter les tein-

teintes subtiles allaient être délaissées, les procédés tradi-

tures naturelles, dont le champ d'application s'étend

tionnels étant jugés non scientifiques et rudimentaires.

aujourd'hui, par-delà les textiles, à des usages quotidiens

Ces teintures naturelles produisent néanmoins des

dans l'habillement, l'alimentation, le logement ou la

coloris d'une élégance exceptionnelle que ne peuvent

médecine, entre autres. Dans le premier, les colorants

égaler les colorants chimiques, outre qu 'ellés apportent

naturels sont parfaitement adaptés aux sous-vêtements et

une solution aux problèmes de pollution, de traitement des

à la lingerie de nuit, ainsi qu'à la literie. Dans la deuxième,

eau x usées et de nocivité que peuvent poser les subs-

ils ajoutent une touche de couleur à la vaisselle ordinaire et

tances chimiques. D'abord destinées à des usages textiles,

en variante alimentaire agrémentent sans danger biscuits,

elles peuvent aussi jouer un grand rôle dans la défense de

pain, bonbons et crèmes glacées. Enfin, dans les troisième

l'environnement et la mise au point de nouveaux médica-

et quatrième secteurs, ils s'emploient d'une part sur les

ments, de colorants et arômes alimentaires naturels. Ces

bois, métaux, papiers-peints et planchers, et d'autre part,

nouvelles applications d'ordre commercial autoriseront

sur les pansement et la gaze . En effet, les teintures

ainsi une amélioration considérable de la qualité de vie et

naturelles sont d'une telle souplesse d'utilisation qu· elles

une réduction du phénomène aujourd 'hui endémique de la

peuvent même convenir aujourd'hui à la construction auto-

pollution. 1..1

mobile. Les textiles teints naturellement peuvent en outre avoir des pouvoirs médicinaux. Ainsi l'emploi de sève ou de 62 Koreana I Été 2005


1

3

Etoffe à coloration naturelle 2 Carré de tissu, pendentifs et portefeuille teints naturellement 3 La légèreté de ce gilet en ramie teint à la cardamine procure une sensation de bien-être. Été 2005 1Korea na 63



Le roman «Native Speaker» (locuteur natif!. première œuvre du remarquable écrivain américain d'origine coréenne Lee Chang-rae a valu à celui-ci une moisson de grands prix littéraires et l'a rapidement élevé au rang des principaux auteurs américains. Lee Young-oak retrace ici sa formation et sa production. Lee Young-oak Professeur de langue et littérature anglaises à l"Univers,té Sungkyunkwan Photographie: Choi Hang-young, La Fondation Oaesan

L

a Corée est riche d'une longue histoire et d'un magnifique environnement naturel dont elle peut légitimement se flatter. Elle demeure néanmoins méconnue des publics internationaux en dépit de ses réalisations culturelles de haute qualité . Ainsi, nombreux sont ceux qui méconnaissent totalement la Corée ou s· en font une idée fausse en raison des problèmes posés par la traduction. L'avènement littéraire de Lee Chang-rae aux États-Unis constitue donc une excellente nouvelle, car sa création contribue à y faire mieu x connaître la culture et la pensée coréennes. Dès lors, la révélation de ses origines ne peut qu'honorer et ravir la Corée. Naissance d'un écrivain

La production littéraire coréanoaméricaine antérieure à Lee Changrae avait déjà produit un certain impact dans les années 30 et 60, de même que l'ensemble de la création littéraire des minorités ethniques . Les jalons en furent posés par des œuvres telles que «Le toit de paille» [1931) et «L'est va vers l'ouest » [1937) de Kang Young-hill [19031972). ainsi que «La gourde» [1962)

de Kim Yong-ik [1920-1995). ou encore « Le Martyr» [1964) et «L'innocent » [1968] de Richard E. Kim [né en 1932). Aucune de ces œuvres ne suscite alors toutefois l'extraordina ire intérêt dont fait l'objet le jeune écr ivain Lee Chang-rae dans le monde littéraire américain . Au nombre des différents prix et distinctions qu'il se voit décerner figurent le prestigieux Prix Hemingway du Pen Club américain, le Prix des nouvelles voix de QPE, le Pri x de la découverte de nouveaux grands écrivains de Barnes & Noble, le Prix du livre américain-de la Fondation Before Columbus, le Prix du livre de l'Oregon, ainsi que le titre de meilleure œuvre de l'année décerné par l'Association de la littérature américaine, qui rassemble des professeurs d'université et autres lettrés américains. «The New Yorke r» a quant à lui classé Lee Chang-rae parmi les vingt meilleurs écrivains américains de moins de quarante ans, et, dernièrement, le magazine «Time », parmi les «si x grands livres que vous auriez pu manquer». Le génie littéraire de Lee Chang-rae s ' avère donc incontestablement et largement apprécié.

Portraits de périphéries

Ayant quitté la Corée à l'âge de trois ans, Lee Chang-rae sera élevé à l'américaine et poursuit ses études dans de prestigieux établissements d'enseignement supérieur, telles l'Académie Phillips Exeter et l'Université de Yale, puis, comme de nombreu x jeunes Américains, part faire fortune à Wall Street. Ayant cependant le désir d'écrire, il décide d'embrasser la carrière littéraire. Contre l'avis de ses parents, venus assurer la réussite et le bonheur de leurs enfants aux États-Unis, il s'inscrit à un cours de création littéraire de l'Université d'Oregon qui constituera la toile de fond de son œuvre première, «Native Speaker» [1995). Sous l'influence de sa mère, qui insistait pour continuer à parler coréen, il éprouve vite un profond intérêt pour les langues. sa· nouvelle « Le vague écho de notre langue » révèle à quel point l'emploi de langues différentes, à savoir l'anglais et le coréen, que mère et fils emploient pour échanger idées et sentiments, ont une incidence sur leurs relations. Lee affirme ainsi que la communication linguistique a joué un rôle déterminant dans sa décision

Été 2005 1 Koreana

65


Problèmes d'identité et différences culturelles constituent les thèmes centraux des romans de Lee Chang-rae, à l'instar de l'exposé que nous fait celui-ci de ses débuts dans «Native Speaker», ainsi que des paradoxes culturels et sociaux, mais aussi linguistiques, inhérents à la vie sur un sol étranger.

de devenir écrivain, et ses œuvres

vie de gestes, 1999). Alors que

ce sa pensée et ses actes au point de

expriment ses continuelles réflexions

«Native Speaker» se centrait sur les

déterminer le cours de sa vie.

sur les langues.

langues et la culture, «A Gesture

Près de quatre ans s· écouleront

« Native Speaker» représente

Life» s'intéresse à l'histoire et au x

entre «A Gesture Life» et la sortie du

l'expression littéraire des vicissitudes

souffrances du passé . Le héros en

troisième grand roman de l'auteur

et interrogations de l'étranger qu· est

est un citoyen nippa-américain

intitulé «Aloft» (En haut, 2004). Si au

l'auteur. Celles-ci procèdent du

d'origine coréenne dénommé Hata

premier abord, cette œuvre semble

malaise psychologique et de l'anxiété

qui, pendant la Seconde Guerre mon-

relater une toute autre histoire, en ce

que ressentent les immigrés sur le

dia le, dénonce l'esclavage se xuel

que le héros en est un Blanc, elle

sol américain et que ceux-ci lèguent

auquel sont réduites des femmes

appréhende encore une fois la

à leur descendance de génération en

coréennes par les militaires japonais,

problématique de l'étranger. À

génération . Si certains Amérasiens

mais demeure dans l'impossibilité

l'instar du

n'ont conservé aucun lien avec le

d'agir en accord avec ses idées. Ne

Speaker» et du Hata de «A Gesture

lointain pays de leurs ancêtres , la

parvenant pas à sauver une jeune

Life » , ce nouveau personnage

Henry de

« Native

première question que leur pose un

femme d'une épouvantable mort, le

répondant au nom de Jerry Battle

Américain blanc reste en effet : «De

souvenir de cet échec reste pro-

traverse soixante années de son exis-

quel pays venez-vous ?» À moins que

fondément gravé dans sa mémoire

tence en spectateur de la vie. Tout

les États-Unis ne deviennent en-

telle l'ombre d'un passé douloureu x

comme les deu x prem iers ont

tièrement pluriethniques, ce statut

assombrissant sa vie . Par ailleurs,

ressenti, en tant qu'Amérasiens,

« d'éternel étranger» ne peut que

son fort désir d'acculturation influen-

l'écart qui les séparait d'une société

persister dans l'esprit des Amérasiens. Le titre du roman renvoie à des aspects tant socioculturels que langagiers rappelant qu'un étranger ne peut jamais devenir un «native speaker» dans la culture d'accueil. Quatre ans après ses débuts littéraires, l'auteur se penche à nouveau sur les problèmes d'identité et d'intégration à une culture extrêmement différente dans son second roman intitulé «A Gesture Life» (une

66

Koreana I Été 2005

• '?s]!.I : 2003. 5. 20 . .2ljé: 4!.I / May 20 , 2003. 4 p.m

• ~.± · ~

[H'f:!§ / Main Aud1tonum m Kyobo Lite Bldg.


1 Invité en Corée par la Fondation Daesa n, Lee Chang -rae prononce une conférence à laq uelle participait éga lement le professeur Lee Young-oak. 2 L"œuvre de Lee Chang-rae co mprend, de gauche à droite, le roman de ses débuts, «Native Spea ker» !locuteur natif). s uivi de «A Gesture Lite» lune vie de gestes) et «Aloft» len haut). tous acclamés par la critiqu e.

principalement dirigée par les

tachent tous trois leur auteur à la

et de l'assimilation

Blancs, le survol de Long Island par

démarche des plus grands écrivains.

essentielles et intrinsèques à

aux questions

Jerry à bord d'un petit avion symbo-

Lee Chang-rae s'attache à

l'Homme, démontrant ainsi que ses

lise sa situation d'observateur à

présenter au lecteur différents types

œuvres sont représentatives des

distance de la réalité, à la seule diffé-

humains, à savoir un Américain

préoccupations spécificiques de la

rence qu'il a lui-même opté pour ce

d'origine coréenne dans le premier,

littérature de l'émigration tout en

statut de spectateur.

Une quête de la nature humaine

un Américain ayant changé de

consacrant son statut d' écrivain

nationalité par deu x fois dans le

d'envergure mondiale. C'est proba-

deuxième et un Américain blanc

blement au vu d'un tel potentiel qu 'en 2002, alors qu'il n'avait encore

Conscient de son rôle d'écrivain,

d'origine italienne dans le troisième,

Lee Chang-rae, dans l'espace imparti

«Aloft». Il ne s'agit pas dans tous les

publié que deux romans, que le jeune

par le roman, s'intéresse au x

cas

auteur

conséquences que peuvent entraîner

généralement, soit d'étrangers et

Programme des sciences humaines

divers incidents ou événements

autres êtres souffrant d'un dilemme

de l'Université Princeton, qui compte

d'Amérasiens,

mais

plus

allait

être

admis

au

bouleversants . Appelant à témoins

culturel , soit de personnes con-

également la participation de Joyce

ceux pour qui la vie c"ontinue malgré

frontées à des problèmes d'identité

Carol Oates, plusieurs fois pressenti

les catastrophes, il dresse le constat

culturelle et tourmentées par leur

pour le Prix Nobel et lauréate du Prix

de la prodigieuse force de caractère

adaptation à la culture d'accueil.

Nobel Toni Morrison . 1.11

de l'Homme. À l'instar de l'ensemble

La thématique de l ' auteur

de la littérature américaine, pour

s'étend donc de la quête d'identité

laquelle la nature humaine est une thématique centrale, les trois romans de Lee Chang-rae ont pour point commun la vision positive qu'en offrent leurs personnages en dépit des moments sombres, difficiles, qu'ils ont connus et par là même l'idée que la vie mérite d'être vécue, aussi dure soit-elle . Dans leur fin esquissant un geste conciliant au terme de conflits, malgré les préjudices occasionnés , ils rat-

Été 2005 1 Koreana 67



.....

-


C

apitale de la province de Gangwon-do et respectivement bordée aux confins de son centre-ville, à l'est et à l'ouest par les lacs de Uiamho, Soyangho et Chuncheonho, Chuncheon semble émerger d'une vaste

étendue d'eau . A tous ceu x pour qui lacs, océans et rivières constituent un spectacle merveilleusement apaisant, cette ville et ses environs offrent la destination idéale. La route nationale et la liaison ferroviaire Séoul-Chuncheon s'étendent de part et d'autre du Bukhangang, fleuve au cours paisible annonciateur d'une telle quiétude.

Les charmes d'un voyage en train Aux yeux des jeunes Coréens désireux de fuir un quotidien routinier, Chuncheon tiendrait presque d'un paradis . Lassés de leur trépidante vie citadine ou en mal d'énergie nouvelle, ils partent pour la gare séoulienne de Cheongnyangni et montent dans le premier train à destination de Chuncheon. Qu'ils y aient ou non un but de visite ou quelqu'un à rencontrer, le seul fait de pouvoir rompre la monotonie leur assure détente physique et mentale. Contemplant les eaux calmes du Bukhangang ou goûtant le repos près de celles, agitées d'une légère brise, du lac Uiamho, il sentent alors rapidement disparaître le stress qu'ils avaient accumulé. On ne saurait donc s· étonner que jeunes et moins jeunes fassent le voyage, les uns pour se remémorer un passé dont ils sont nostalgiques et les autres pour y vivre une inoubliable expérience. A près de trois kilomètres de la gare de Gapyeong, le train marque un premier arrêt pour l'île fluviale de Namiseom dont les pittoresques paysages aux allées abondamment bordées de chênes, méta-séquoias, sapins et ginkgos attirent une multitude de touristes. Le nombre de ceux de pays voisins tels que Japon, Chine et Taïwan dépasse maintenant celui des Coréens depuis le tournage sur les lieux d'un feuilleton télévisé intitulé «Sonate d'hiver», qui a été diffusé dans presque toute l'Asie et a remporté un énorme succès. La prochaine étape est Gangchon-ri, village riverain tout aussi débordant d'une exubérante jeunesse. Il offre en effet tout ce dont peuvent rêver des jeunes gens aventureux et enthousiastes en matière de beaux paysages, de facilité d'accès, de cafés à l'ambiance sympathique, d'hébergement, de restauration et d'installations de loisir. La cascade de Gugok, très prisée des amoureux d'escalade sur glacier, jaillit au creu x d'une vallée située no·n loin du village. Autant de jeunes visiteurs qui, à la morte saison, font vibrer le village de leur passion. Environ dix minutes plus tard, le train fait son entrée dans la gare de Kimyoujeong, antérieurement dite de Sinnam, mais rebaptisée dernièrement en l'honneur de ['écrivain du même nom (1908-1937]. natif du village proche de Sille et important auteur de récits et nouvelles des années 1930, notamment «Les camélias» et «Printemps, printemps». Il s'agit de la seule gare de chemin de fer coréenne portant un patronyme. Les visiteurs peuvent y faire une halte pour visiter la Maison de Kim You -jeong . Encore une dizaine de minutes et l'on arrive à la gare de Chuncheon, terminus de cet itinéraire. Dès la descente du train, on perçoit tout le dynamisme et l'énergie qui l'animent car la ville est riche d'une histoire étonnamment longue. Son peuplement remonte aux temps préhistoriques et de Hupyeong-dong, on distingue sur un versant du Mt. Bonguisan une grotte artificielle qui abrita de lointains ancêtres. Située sur le lac de Uiamho, l'île de Jungdo comporte un site de l'Âge du fer où ont été découverts divers objets de terre cuite . Jadis, Chuncheon fut aussi capitale de Maek, l'un des états-nations établis sur la péninsule coréenne .

70 Koreana I Été 2005


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Temple de Cheongpyeongsa Ce sanctuaire dont la construction date de 973, c'est-à-dire de l'époque Goryeo, constitue le plus célèbre monument historique de Chuncheon. Bien peu d'édifices semblables, d'une histoire plus que millénaire, ont été conservés à ce jour en leur état d'origine, la plupart ayant été détruits pendant la Guerre de Corée. Y font exception la Porte Hoejeonmun (Trésor n° 164) et une partie des murailles, seules structures ayant subsisté jusqu'à la construction de plusieurs bâtiments dans cette enceinte. La découverte des légendes anciennes qui s·y rapportent et une promenade sur le chemin de ronde n'en sont que plus impressionnantes, au regard du temple lui-même. Un bateau partant de l'embarcadaire de Cheongpyeongsa, près du barrage de Soyanggang, permet de se rendre sur ce site, mais cette traversée , dont la perspective peut enchanter, se fait en seulement vingt minutes 72 Koreana I Été 200 5


Au cœur d'une région de lacs évoquant de petites mers intérieures, Chuncheon offre une dynamique culture locale et les rives allongées de ses paysages. À cela s'ajoutent de délicieuses spécialités culinaires telles que grillades de poulet aux épices et nouilles froides au sarrasin, qui constituent autant d'attraits pour le visiteur.

et à peine a-t-on commencé à goûter au splendide paysage du lac Soyangho et à son exquise harmonie avec les montagnes environnantes, que déjà on arrive à destination. Une bonne demi-heure de marche conduit alors au temple par un étroit sentier de vallée , au charme indéfinissable, qui longe le Mont Obongsan [779 mètres] en passant par la chute d'eau de Gusong, c'est-à-dire des «Neuf sons» que l'on dit pouvoir y entendre. Toute la vallée était autrefois le jardin du temple et Yi Ja - hyeon [1061-1125]. qui reconstruisit celui-ci sous la dynastie Goryeo [918-1392]. l 'aménagea ainsi dans le prolongement du paysage naturel. Cet espace dit Munsuwon est représentatif des jardins d'époque Goryeo dont il est le plus ancien en Corée. Créé sur un vaste emplacement s'étendant sur près de trois kilomètres entre la cascade de Gusong, en contrebas du temple, et la cime du Mont Obongsan, ce jardin comporte un aqueduc amenant l'eau de la vallée au temple, le bassin Yeongji dans lequel se reflète la montagne, ainsi qu 'un moulin à eau. Cette étendue d'eau dite «aux reflets» est ainsi nommée parce qu'elle fut expressément créée à cet effet. Le jardin d'origine, de style Goryeo, comprenait les secteurs nord, est, ouest et central, ce dernier abritant aujourd'hui encore le bassin Yeongji .

1 Au temple Cheongpyeongsa. la porte Hoe;eonmun peut constituer un su;et ou un arrière-plan tout aussi excellents pour le photographe 2 Pour la ;eune génération. Chuncheon est un vé ritable paradis, comme en attestent les graffitis de la gare de Gangchon, qui en sunt 1· expression culturelle 3 L~s méta-sequo1as bordant ces allees sont l"embleme de 1·1te de Namiseon, rendue célèbre par le tournage de la série télévisée cuit Sonate d'hiver» diffusée dans .oute Asie


Les eaux de la source de Jangsusaem s'écoulent au long d'une allée que l'on emprunte à l'entrée des murs d'enceinte. La légende veut que ceux qui s·y abreuvaient aient vu leur vie prolongée d'autant par chaque goutte d'eau . À celle de Tujeonji, qui se trouve aussi sur le site, le visiteur adroit qui parvient à lancer une pièce de monnaie dans la jarre située en son centre verra ses vœu x se réaliser.

Ville de festivals culturels Même en quittant tôt Séoul, le voyageur arrive à Cheongpyeongsa au coucher du soleil et s'il décide alors de passer la nuit à Chuncheon, il se devra d'admirer le spectacle nocturne des mille reflets colorés et dansants de l'eau. La nuit embellit encore le cadre naturel des rives du lac Uiamho, à proximité desquelles se trouvent parcs et sentiers de promenade. Cette zone regroupe aussi les principaux lieux touristiques de Chuncheon, dont l'île de Jungdo, le ruisseau Gongjicheon et l'île de Wido , ainsi que l'emplacement des principaux festivals organisés par la Ville. Parmi ces derniers, figurent le Festival international de pantomime, d'une grande importance en Asie, le Festival de ma rionnettes rassemblant des artistes du monde entier, le Festival Ma kguksu consacré à la spécialité des nouilles froides au sarrasin et le Festival de Soyanggang, qui allie harmonieusement tradition et modernité. Toujours aux alentours de cet agréable lac, sont également situés le Musée folklorique de Hyeonam, qui expose divers artéfacts coréens , le Musée de la marionnette particulièrement apprécié des enfants et celui, unique en Corée, du film d'animation coréen. Une telle vie culturelle ne peut que conférer dynamisme et poésie

à ce site. Spécialités culinaires Deux des mets favoris des Coréens font la renommée de Chuncheon, à savoir le «dakgalbi», une grillade de poulet au x épices, et le «makguksu » composé de nouilles froides au sarrasin. Si ces plats figurent aujou rd'hui au menu de la plupart des restaurants coréens, il est rare qu'ils égalent en saveur la vér itable 74 Korea na I Été 2005


1 À proximité de Chuncheon. de vastes lacs offrent la possib1lite 'le pratiquer des sports nau•1ques en tout genre. 2 Spécialité culinaire de Ct uncheon, e «dakgalb1» es1 une gr,'.,ade de poulet mariné accompagné de .égumes variés. 3 Le ac u1amho et les mo, !agnes environnantes offrert une splendide vue out au long de année

recette de Chuncheon. Ici, le «dakgalbi» est un tel régal que certains déclarent : «Qui n'a pas goûté au «dakgalbi» de Chuncheon n'a pas vraiment été dans cette ville». Il se compose de poulet que l'on a fait mariner, puis griller en petits morceau x accompagnés de légumes variés. Cette préparation à la saveur épicée et légèrement sucrée est d'un prix assez abordable pour être aussi copieuse, d'où son succès, toutes générations confondues. Ce «galbi», mot qui désigne une côtelette, est également dit «de l'étudiant» ou «du peuple» et l'on affirme qu'il fut introduit il y a mille cinq cents ans, sous la dynastie Silla [57 av. J.-C. - 935 ap. J.-C.]. sans toutefois que l'on dispose de preuves concrètes à l'appui . Selon des recherches effectuées récemment par la Ville, c· est en 1960 que sont apparus des établissements proposant cette spécialité, après qu'un restaurant de la rue Jungang-ro eut servi pour la première foi du poulet assaisonné à la manière de côtelettes de porc. À Myeong-dong, opulent quartier situé non loin de l'Hôtel de Ville, vous découvrirez la «ruelle du dakgalbi» regroupant une vingtaine de restaurants spécialisés qui contribuent au pouvoir d'attraction qu'exerce ce secteur sur les gourmets coréens mais aussi étrangers. Autre spécialité de Chuncheon, les nouilles de sarrasin ou «makguksu », autrefois réservées au x soirs d'hiver, sont aujourd'hui si appréciées que l'on en consomme aussi en été, servies froides. Outre l 'agréable saveur des pâtes elles-mêmes, celle de l'assaisonnement et du bouillon qui les agrémentent est d'une importance capitale. Grâce aux 12 à 14% de protéines du sarrasin, soit beaucoup plus que les autres céréales, le bol de «makguksu» que vous consommerez avec délectation suffira aussi à vous rassasier. 1..1



Particulièrement apprécié en été pour ses qualités désaltérantes, le «hwachae» est une boisson fraîche traditionnelle à laquelle on prête également des effets bienfaisants sur la santé. Cette préparation sucrée s'obtient en laissant tremper des pétales de fleurs ou des morceaux de fruits soit dans une infusion d' «omija», c'est-à-dire le fruit du magnolia de Chine, soit dans de l'eau miellée. Yoon Sook-ja Directrice de l'Institut de gastronomie traditionnelle coréenne Bae Jae-hyung Photographe Lee Kyung Nutritionniste

V

oilà longtemps que les Coréens savent affronter les fortes chaleurs estivales en consommant des boissons fraîches fruitées qui, l'espace d'un moment, procurent plaisir et rafraîchissement

instantané aux esprits alanguis, tout en hydratant les corps.

l' «omija», élément clé du «hwachae» Trente recettes conformes à la tradition ont été répertoriées pour la préparation du «hwachae» sous forme soit de liquide additionné de miel soit d'infusion d'«omija». Les variantes de cette dernière sont légion, tels les «hwachae» d'azalée, où flottent des pétales, de lotus, au goût aigre et parfumé, ou encore le «changmyeon», à base d'amidon de lentille verte et le «borisudan» aux boulettes d'orge, agrémenté de pignons. Quant aux recettes employant l'eau miellée ou sucrée, elles comprennent le «wonsobyeong» fait de boulettes de riz gluant, le «hwachae» au citron, dans lequel flottent des morceaux de l'écorce de cet agrume, ainsi que de grenade, et celui à la pêche, où l'on trouve de la pulpe marinée dans l'eau miellée ou sucrée. Ainsi, cette boisson s·agrémente des fruits de saison .

À la question de savoir pourquoi l'«omija» constitue le principal ingrédient du «hwachae», on répondra que son jus est bénéfique pour la santé et que sa couleur d'azalée est d'une grande qualité esthétique. Poussant au bas des versants rocheux des montagnes, l'«omija» donne à l'automne des fruits que l'on récolte pour les faire sécher et ceux-ci possèdent alors une consistance visqueuse et une teinte rougeâtre. Ce dernier aspect est essentiel à la préparation du «hwachae>; car il est la garantie d'un goût à la fois sucré, acide, amer, âpre et épicé et colore l'infusion obtenue d'un rose magnifique. L'«omija» entre aussi dans la composition de remèdes qui, en médicine orientale, ont un effet rajeunissant sur le corps et l'esprit, mais aussi anti-diarrhéique et anti-transpirant. Il s·avèrë en outre particulièrement efficace pour calmer la toux et étancher la soif.

Une boisson saine et désaltérante Chez les Anciens , la préparation des boissons suivait le rythme des saisons. C'est ainsi qu 'au printemps se préparaient les «hwachae» de fleurs de prunier ou d'azalée, par exemple, et en été, ceux de fruits tels que pastèque, pêche ou raisin qui aidaient à supporter la chaleur suffocante et à conserver une bonne santé. L'automne était propice à la consommation d'un «hwachae» agrémenté de fruits de saison, comme la poire ou le citron, tandis que l'hiver exigeait celles de préparations assurant la conservation de l'énergie, telles le «sikhye», un punch de riz à la vapeur fermenté dans du malt liquide, ou encore le «sujeonggwa», aux kakis baignant dans une décoction à l'eau de gingembre et de canelle, ainsi qu'une variante de «hwachae» à base de noix ou de fleurs. Si ces boissons ont été appréciées des Coréens de tout temps et tout au long de l'année, elles le sont tout particulièrement en été, comme c'est surtout le cas du «hwachae» à la pastèque. Outre qu'il Été 2005 1Koreana 77


IL existe pas moins de trente variantes de la recette traditionnelle du «hwachae» généralement composée d'un punch d'«omija». Ce fruit

à la saveur à la fois sucrée, acide, âpre, amère et épicée est excellent pour

la santé. Mis à infuser, il produit une attrayante teinte rosée.

possède un pouvoir désaltérant et diurétique grâce à sa forte teneur en eau et en glucides, ce fruit permet de traiter avec efficacité les affections rénales, a des effets sédatifs et aide à surmonter la fatigue ainsi qu'à faire baisser la fièvre. En cas , de perte d'appétit ou de baisse d'énergie provoquées par une forte transpiration dans la chaleur torride et humide de l'été, la fraîche pastèque du «hwachae» s'avère apaisante et revitalisante. Mandarine, pêche et framboises parfument aussi ces boissons d'été. Principalement récoltées en cette saison, les premières, une fois pelées et après avoir mariné dans une solution sucrée, sont ajoutées à une infusion d' «omija» ou de miel parsemée de pignons. Par son important apport en vitamine C et en carotène, le «hwachae» de mandarine aide à vaincre la fatigue inhérente aux fortes chaleurs del' été. Celui de pêche consiste, selon la recette traditionnelle, en morceaux de ce fruit plongés dans une solution sucrée ou miellée mais se prépare aussi aujourd'hui avec du melon ou Particulièrement apprécié l'été, le «hwachae» à la pastèque constitue un délicieux rafraîchissement tonifiant.

de la pastèque. Enfin, un mélange de jus de framboise, sucre, miel, eau et pignons figure aussi parmi les recettes traditionnelles. Arrivant généralement à maturité en juillet ou en août, ce fruit à la couleur rouge violacé est bien adapté à la préparation du «hwachae» et grâce au calcium, au fer et aux acides organiques qui y sont présents en abondance, ouvre l'appétit et purifie le sang. Les boissons traditionnelles coréennes que sont les «hwachae» d'«omija», riche en acides organiques naturels, de mandarine contenant beaucoup de vitamine C, de framboise aux vertus apéritives et de pastèque au pouvoir hydratant assurent une fonction non seulement désaltérante mais aussi régulatrice de l'état émotionnel. Passons donc agréablement ce nouvel été grâce aux boissons traditionnelles coréennes qui sauront rafraîchir et puririfer notre corps et notre esprit. l.t

78

Koreana

I Été 2005


«Hwachae» d' «omija» Ingrédients: 1 verre d'«omija», 12 verres d'eau bouillie froide, 1 verre de miel, 2/3 verre de sirop, 1 poire, 1 cuillerée à café de pignons.

Recette

11 Nettoyer l'«omija». Laisser infuser une nuit dans douze verres d'eau bouillie froide. Passer au tamis cette préparation couleur azalée.

21 Additionner de miel et de sirop pour améliorer les qualités visuelles et gustatives de ce punch. 31 Couper la poire en forme de pétales et décorer de pignons. 4] Servir le punch froid dans un bol ainsi agrémenté de poire et de pignons, ou d'autres fruits selon la saison.

«Hwachae» de pastèque Ingrédients: 1 pastèque, 1/2 verre de sucre, glaçons

Recette 1] Couper la partie supérieure de la pastèque selon une forme dentée. 2] Extraire la pulpe à l'aide d'une cuillère. 3] Enrober ces morceaux dans du sucre en poudre. 4] Placer les morceaux dans un bol et ajouter les glaçons, ainsi que de l'eau minérale si le jus de pastèque n· est pas en quantité suffisante.

Été 2005 1 Koreana

79




C

·est par le plus grand des hasards que m'est tombé

au fil du temps à préférer chaque jour davantage le son du

entre les mains un dépliant sur le temple Musangsa,

gong des bonzes à celui de mon réveil familier. Après la

lors d'une session Dharma d'un mois et de séances heb-

toilette, la journée débutait par cent huit prosternations

domadaires de méditation bouddhique se tenant au centre

devant Bouddha, qui, les deux premiers jours, m'ont

international de méditation du temple de Hwagyesa, dans

semblé interminables, mais auxquelles j'ai fini par prendre

le nord de Séoul. Les vacances approchaient et j'avais déjà

goût. Ce sont toutefois les prières psalmodiées matin et

retenu un billet d'avion pour le Canada, mon pays natal.

soir que j'ai le plus appréciées. Est-ce parce que j'avais

L'escapade tombait donc à point nommé, mais quand

alors rarement l'occasion de parler ou parce que j'y pui-

j'appris qu'elle durait une semaine, je me demandai si

sais de la force que ces chants m'impressionnaient ?

mon dos et mes genoux la supporteraient. J'en conclus

Pour ce qui est de la cuisine, j'ai d'abord cr u ne jamais

toutefois que c'était le moment où jamais et réservai une

pouvoir l'avaler. Présentés dans des récipients possédant

place sur-le-champ.

chacun une signification et une fonction particulières,

Musangsa allait répondre assez bien à mon besoin de

petits déjeuners et déjeuners revêtaient un aspect très

m'éloigner du bruit et de la fureur de Séoul. Calme et

solennel. Cependant, ces prem ières réticences ont pro-

sérénité régnaient dans ce temple accroché au flanc du

gressivement disparu et je me suis rendu compte à quel

Mont Gyeryongsa, d'où l'on a une vue panoramique des

point ces plats étaient délicieux et sains. Le repas était un

rizières et fermes alentour. Après une indispensable

moment de calme qui me permettait de me concentrer sur

séance d'orientation, nous nous sommes vu remettre la

ce que je mangeais plutôt que d'engloutir les aliments

robe de bonze grise que nous allions porter tout au long de

l'esprit ailleurs, entièrement absorbé par la télévision ou la

notre séjour. Sans que je m 'en rende compte, la vie au

lecture des journaux.

temple avait déjà commencé.

En outre, il était de règle de ne rien laisser dans son

Si, dans les premiers temps, il m'a paru extrêmement

assiette. De telles pratiques obéissent à une simple rela-

pénible de me lever à trois heures du matin, j'en suis venu

tion de cause à effet, car tout excès alimentaire ne peut

82 Koreana I Été 2005


1 Les activités de la vie quot1d1enne commencement au son du tambour. 2 Des relations se nouent autour d"une tasse de thé. Un séjour au temple permet à ses participants de se faire de nouveaux amis et d"é largrr leurs horizons. 3 Levés à l "aube, bonzes et visiteurs commencent la Journée par des prosternations devant Bouddha .

Assis bien droit, les participants en méditation sentent leur esprit s'enrichir au fur et à mesure qu'il se libère. Plus tard, ils se dérobent à l'obsession du quotidien pour une balade paisible en forêt ou nouent de précieuses relations autour d'un bol de thé. que provoquer des souffrances. Un constat certes enfantin,

pour disparaître aussitôt. Lorsque j'ai demandé au bonze

mais qui montre bien les conséquences fâcheuses que

supérieur ce qu'il convenait de faire quand on ne parvenait

peut avoir, dans la vie quotidienne, la répétition de mêmes

pas à chasser ses pensées, il m'a fait une réponse fort

comportements sans en tirer les leçons.

simple, à savoir que le «moi » véritable ou originel, quel

Hormis les prosternations, prières à Bouddha et

que soit le nom que l'on lui donne, est pareil à un ciel bleu

repas , ainsi qu ' une heure de labeur quotidienne , la

lumineu x que couvrent nos désirs et pensées, l els des

majeure partie du temps est consacrée à la méditation

nuages. Ces derniers peuvent être plus ou moins nom-

dans la Salle du Dharma . Ces séances se déroulent à

breux, mais si l'on persévère et que l'on se contente de les

intervalles de deux ou trois heures et alternent positions

regarder sans tenter de les dissiper d'un seul coup, la situa-

assise et debout par séquences de trente à quarante minu-

tion peut d'emblée s'améliorer. Une explication que j'ai

tes, suivies de dix minutes de déambulation. Je me suis

volontiers acceptée pour passer le reste de mon séjour à

alors rendu compte de la difficulté de me détacher des

«regarder les nuages».

maintes distractions que je n'avais cessé d'entretenir pen-

Le programme de celui-ci comprenait aussi un entre-

dant ces vingt-cinq premières années de ma vie . En

ti en avec le bonze Musim et la réunion Dharma du

m'asseyant sur un coussin, face au mur blanc, j'éprouvais,

dimanche. Alors que j'avais appréhendé le premier, je me

impuissant, toute sorte d'impressions et de tensions sur-

suis senti rassuré par la douce expression du moine, un

gissant avec force du fond de mon cœur. Un mélange de

Américain qui avait suivi son maître Seungsan en Corée.

désirs, de sentiments et d'idées allant de mes projets de

Après nous avoir accueillis d' une manière à la fois

voyage au menu du prochain dîner me venait à l'esprit

chaleureuse et placide, ce religieu x a répondu de bonne Été 2005 1 Korea na 83


Daegwa ngboJeon (pavillon pri nc ipal de Bouddha] du temple Magoksa abri tant des séjou rs de deux jou rn ées ré gulièrement proposés aux visiteurs étrangers. 2 Les séances de méd itation zen libèrent les participants de leurs tracas quotidiens pou r par tir en quête d·eux-mêmes.

grâce à presque toutes nos questions.

c· est un

bonze

résidant au temple qui conduisait la réunion dominicale du Dharma, Musim nous fournissant des informations. À passer le plus clair de la journée assis en tailleur, on com-

Qu'est-ce qu'un séjour au temple? Proposée depuis l'époque de la Coupe du Monde 2002, cette formu le

prend l'effet bienfaisant que peuvent avoir de simples

offre aux visiteurs étrangers l'occasion de s'intégrer totalement à la

paroles. Toutefois, le principal atout du séjour réside dans

vie d'un temple tout en leur fournissant une forme or iginale

son emploi du temps fixe grâce auquel nous n'avions qu'à vivre pleinement chaque situation, fournir des efforts et nous montrer patients. Cette session de méditation intensive allait être suivie dans mon cas de trois autres séjours au temple Musangsa, lesquels m'ont permis de vivre une expérience à chaque fois différente. Les bonzes comme les employés y ont toujours été d'une grande gentillesse, s'efforçant de nous informer du mieux qu'ils le pouvaient sur les réservations, soins médicaux, expériences de méditation et autres questions. Je leur en suis très reconnaissant pour ces moments passés au temple et recommande vivement d'y séjourner pour la possibilité qu'il offre d'un contact direct tant avec la beauté de la nature coréenne qu'avec les traditions bouddhiques ancestrales du pays. 1.t

84 Koreana I Été 2005

d'hébergement. Trente-tro is temples l'avaient ainsi proposée lors de cette manifestation sportive et, en 2005, ce chiffre est passé

à qua -

rante-quatre . Les sanctuaires .de Jagwangsa, Musangsa, Magoksa, Golgulsa et de Mihwangsa, ainsi que le Centre internationa l de méditation des lanternes du lotus de Ganghwa , offrent en permanence ce programme. Frais de participation (pour deux jours et une nuit) Visiteurs étrangers : Participation de 80 000 wons (80 $US] Les frais peuvent varier en fonction des temples et des programmes.

Réservation : Il est recommandé aux étrangers susceptibles de rencontrer des problèmes de langue d'effectuer leur réservation auprès du Secrétariat des séjours au temple. Disposant d'informations sur l'ensemble des temples. ce dern ier offre des conseils personnalisés. Les visiteurs coréens sont invités à réserver leur séjour en s·adressant directement au temple après avoir consulté les calendriers figurant sur leur site internet.

Contact Contact pour les visiteurs étrangers : Jeong Hyun-jeong Tél : 82-2- 732-9925 ts2002@buddhism.or.kr/ www.templestaykorea.com


APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

un-

Éminent dialectologue, Yi Mun-gu demeure aussi le plus grand styliste de la littérature coréenne. Ce conteur de génie présente des tranches de vie débordant d'humour et d'humanité où alternent joies et douleurs des gens du peuple.


CRITIQUE

Une satire du quotidien Kim Seong-kon Critique littéraire et profess eur de langue et littérature anglaises à l'Univers ité Nationale de Séoul

N

é à Boryeong, dans la province de Chungcheongnam-

normes et modèles de la culture dominante et il importe

do, Yi Mun-gu [1941-2003] perd son père et son frère

peu de ce fait qu'il soit propre à telle région ou à telle autre.

aîné lors de la Guerre de Corée [1950-1953). qui le laisse

Au-delà du simple auteur provincial aux œuvres fortement

ainsi orphelin à l'âge de quinze ans. À partir de 1961, il

teintées de couleur locale, il figure parmi les grands

poursuit des études à l'Université Seorabeol des Beaux-

écrivains coréens qui se dressèrent contre l'hégémonie cul-

Arts sous la tutelle du romancier Kim Dong-ni [1913-1995].

turelle incarnée par le discours normalisé et pour la

puis, muni d'une lettre de recommandation de ce dernier,

défense des sous-cultures menacées de disparition .

se lance sur la voie qui fera de lui un écrivain. Frappé par

S'attachant à ridiculiser le conformisme et la rigidité

l'originalité de son écriture, l'auteur de ce document affir-

de l'ordre établi, ses œuvres s'imprègnent naturellement

mait notamment : «La littérature coréenne a trouvé en lui

d'une tonalité satirique. Avec un raffinement d'ironie, il

le plus exceptionnel des stylistes».

stigmatise l'opportunisme et la bureaucratie opprimant et

Par son incomparable expression, ce maître incon-

bafouant les faibles. Ces attaques n'ont pas pour unique

testé de la dialectologie coréenne rend à merveille le

cible la culture dominante, mais dénoncent aussi avec

rythme et la saveur si particuliers de la langue coréenne.

finesse, sans complaisance ni animosité, la veulerie des

Débordantes d'une verve populaire tour à tour empreinte

gens du peuple qui s'abaissent en cédant au pouvoir en

de tristesse et de gaieté, ses œuvres éveillent avec vivacité

place et au matérialisme superficiel de la société.

la nostalgie d' un monde qui n'est plus. Malgré le lourd

Ses principaux écrits comportent «Journal de

tribut familial qu'il paya à la politique et aux idéologies, qui

Gwanchon», «Mon voisinage» et «Je suis resté debout ou

le conduisirent lui-même à la censure et à l'arrestation

j'ai marché trop longtemps». Dans le premier, Yi évoque

sous la dictature militaire, Yi revient sur le passé avec

en un contraste saisissant d'u ne part les peines, joies et

noblesse d'esprit, sans amertume ni souffrance, dans la

nostalgies de la vie rurale et du pays natal anéantis par

seule quête d'une beauté révolue .

l'industrialisation des années 60 et 70, et de l'autre,

Ses récits dépeignent sans exception la vie de gens du

l'austérité de la vie moderne . Dans le deuxième, il

peuple, marginaux et exclus qui , tel l'arbre, sont néanmoins

témoigne des conflits et de l'isolement vécus par la popu-

capables de force et vitalité. Manié à la perfection, le

lation rurale à cette même époque, tandis que dans le

dialecte représente donc ici une culture et un discours

troisième, il compare les prosaïques habitants de cam-

allogènes participant d'une stratégie de rupture avec les

pagnes désolées à différentes essences d'arbres en une

86 Koreana I Été 2005


satire pleine de couleur locale.

Enfin, la nouvelle intitulée «Histoire de Kim Takbo»

Le thème dominant et symbolique de cette dernière

est animée du même esprit. Kim Takbo, un bon à rien

œuvre est bel et bien l'arbre, au fil de sept récits et d'une

alcoolique, et sa seconde femme Yeokmaldaek sont les

nouvelle représentant les divers aspects de la vie humaine

rescapés de vicissitudes morales, économiques et

par autant d'arbres différents. L'auteur ne sïntéressè

naturelles. Après avoir vendu sa première femme, qui a

guère aux arbres grands, forts et droits comme sapins ou

commis l'adultère avec un dénommé Yeom seobang [le

mélèzes, mais aux espèces les plus humbles et insigni-

titre «seobang» accompagnant ce nom désignait autrefois

fiantes telles l'églantier ou le noisetier, manifestant par là

ceux qui n'occupaient pas de poste officiel au gouverne-

l'attention particulière qu'il porte à la vie «en déclin» des

ment). Kim Takbo a sombré dans l'alcool et le regret de sa

ruraux, marginalisés mais non moins importants que ceux

conjointe perdue. La marchande de sel Yeokmaldaek doit

qui réussissent dans la vie «en plein essor» des cités.

échapper à la fois au percepteur, qui finit par l'attraper et

Comme le souligne judicieusement l'auteur, la raison en

se faire payer, et à son ivrogne de mari qui met lui aussi la

est que «si leur existence peut aisément passer inaperçue,

main sur ses économies. Malgré la réelle dimension tra-

ces gens sans argent ni pouvoir sont pareils à des plantes_

gique de ces deux personnages, Yi Mun-gu fournit à tra-

annuelles qui constituent autant d'éléments indispen-

vers la satire un rendu humoristique de leur existence. Cet

sables à la forêt».

humour chaleureux et humain émane des merveilleuses

Dans cette optique du monde assimilé à une forêt composée d'une grande variété d'essences, ses œuvres

tournures dialectales qui émaillent leur dialogue dans la scène du déluge et de l'effrondrement de leur logis.

possèdent pour ainsi dire une orientation écologique car

Si la littérature repose principalement sur l'art de la

en comparant les vies de gens du peuple à des arbres, il

narration, Yi Mun-gu est à n'en pas douter un maître du

entrevoit la possibilité de restaurer la forêt dévastée. Les

récit capable d'adoucir les souffrances morales du

récits du recueil «Je suis resté debout ou j'ai marché trop

lecteur. À cet égard , il est révélateur que les malheureux

longtemps » se conjuguent en un drame épique sur

arbres récurrents dans ses récits possèdent tous des ver-

l'histoire populaire moderne. Avec un tel thème et une

tus curatives à l'intention des grands blessés en attente de

pareille structure narrative, le livre présente des analogies

guérison, tels Kim Takbo et Yeokmaldaek, d'où l'expres-

avec le «Winesburg, Ohio» où Sherwood Anderson décrit

sion de « médecin littéraire » employée au sujet de

la vie de populations rurales selon diverses perspectives.

l'auteur. t..t

Été 2005 1Koreana 87


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The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

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Global brand ambassador-at-large In the world of international relations, patient and persistent behind-the-scenes diplomacy is crucial to success. And there are perhaps no better unofficial ambassadors a nation can have than its global brands. At Samsung, we are passionate about bringing the world the best for consumers. And the world is noticing . In 2003, we were the fastest rising brand on BusinessWeek and Interbrand's annual scorecard of the top _100 global brands for a second straight year. And we will be working even harder in the years ahead to share our vision of the digital future with the world's six billion consumers as Korea's best-known brand ambassador-at-large.

Global SAMSUNG

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