Koreana Autumn 2005 (French)

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BEAUTÉS DE CORÉE

Les «japsang» Lee Kwang-pyo Journaliste au Dong-A llb o

D

e petites figurines humaines et animales com-

porc Zhu Bajie, furent disposés à l'avant-toit dans cet ordre

munément désignées par le vocable «japsang», qui

précis». En Corée, les statuettes ainsi perchées au faîte des

signifie figures de diverses formes, ornent souvent le toit

constructions anciennes figurent des êtres humains aux-

des édifices traditionnels coréens, notamment à caractère

quels font suite des singes, cet ordre n· étant pas toujours

royal ou aristocratique. Spécifiques du style architectural

observé et d'autres animaux faisant parfois leur apparition,

de la Dynastie chinoise des Song [960-1279]. elles se

tels le lion, le dragon, la girafe et le poisson.

répandent largement en Corée à partir du XVII" siècle.

L'élément le plus remarquable en est le visage qui,

Généralement composé d'un nombre impair de sujets

s'il peut sembler à première vue hideux et menaçant,

compris entre trois et onze, l'ensemble ainsi formé a pour

présente, à y regarder de plus près et plus souvent, une

vocation de protéger le bâtiment qu'il surmonte en

expression plutôt familière et comique. Leur charme est

éloignant de lui les mauvais esprits.

également rehaussé par l'élégante, mais simple

Ainsi Yu Mong-in [1559-1623) rapporte-t-il dans son

esthétique de leur support traditionnel, qu'elles en-

ouvrage intitulé Eouyadam que «les personnages principaux

richissent en retour d'une touche de raffinement con-

à

tribuant à la beauté de l'ensemble architectural et consti-

du Xiyouji [voyage

/3

/'ouest) de Wu Cheng 'en [d . 1582).

savoir le bonze Xuanzang, le singe Sun Wukong et l"homme-

tuant leur principal attrait.

t.;t


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol. 6,

N ' 3 Automne 2005

Dokdo 8

Formation et évolution géologiques de l'île de Dokdo 1 Sohn Young Kwan

14

Controverse de Dokdo l'état de la question 1

20

Kim Young-koo

Conflit de l'île de Dokdo et droit international 1 Lee Jang-hie

24

Image de Dokdo en Corée 1

Choi Tae-won

Koreana sur Intern et http://www.koreana.or.kr © Fondat ion de Corée 2005 Tous droits réservés. Toute reproduct ion intégrale, ou partielle, faite par quelq ue procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée. est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement

celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana , revue trimestrielle enregistrée auprès du Min istère de la Culture et du

Tourisme !Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 1987), est aussi publiée en chinois, anglais ,

espagnol, arabe et russe.


30

DOSSIER

La Corée à l'honneur à la Foire du livre de Francfort 1

34

Kwon Se-hoon

ENTRETIEN Kim Ki-duk

Un cinéaste face à l'ordre établi 1

40

Couverture: Beaucoup de Coréens

Kang Han- sup

se mobilisent pour Ookdo dans le conflit territorial qui oppose aujourd'hui leur pays au Japon. Si de nombreux doc uments

ARTISAN Won Kwang-sik

attestent l'appartenance de l'île au sol coréen depuis l'a n 512. on n' en perço it trop souvent que la valeur potentie lle.

Fondeur de cloches en bronze aux merveilleuses sonorités 1

46

Park Ok-soon

CHEFS-D'ŒUVRE Briques décorées de Baekje

Gravure en relief d'un paysage 50

I

KimJong-man

CHRONIQUE ARTISTIQUE 26•m• Festival de théâtre de Séou l

Un hommage aux arts du spectacle 56

I Kim Moon-hwan

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE Constru ction navale traditionn elle corée nne

Retour à ses origines

Publication trimestrielle de la Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu. Séoul 137-863 Corée du Sud ÉDITEUR Kwon ln Hyu k DIRECTEUR DE LA RÉDACTI ON

I Kim Sung-june et Hugh lhl

Kim Hyeh-wo n

62

Divine soprano 66

I

DESIGNER Hwang Oong-seok

ParkJung-jun

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Chung Bo-young. Park Ok-soon COMITÉ DE RÉDACTI ON Choi Joon-sik

ESCAPADE Cheongsong

Han Kyung -koo. Han Myung-hee,

Un havre de nature préservée de l'urbanisation 74

REDACTRICE EN CHEF Choi Jung-wha DIRECTEU R ARTISTIQUE Choi Seong-su

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Jo Sumi

I

Kim Hwa-yçung, Kim Moon -hwan. Kim Young-na, Rhee Jin-bae

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ABONN EMENTS Prix d'abonnement annue l: Corée 18 000 wons

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Corée 4 500 wons

Yoon Sook-ja Abonneme nt et co r res pondance :

ÉTATS- UNIS ET CANADA

78

REGARD EXTERIEUR

Yeong & Yeong Book Company

«Ma Corée» : premières impressions, premiers clichés 80

VI E QUOTIDIENNE Le quartier chinois d'lncheon

Un petit coin de Chine en Corée 85

I Kim Ok-lim

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

0 Chong-hui De la tragédie humaine I Hwang Do-kyung .JeUX nOCtU rneS I Traduction : Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas

1368 Michelle Drive

I Jean-LucMASLIN

St. Paul, MN 55123- 1459 États-Unis Tél, 1-651-454-1358 Fax, 1-651-454-3519 AUTRES PAYS DONT CORÉE La Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong . Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud Tél, 82-2-3463-5684 Fax , 82- 2-3463-6086 PUBLI CITÉ AD-Front

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,

-



Formation et évolution géologiques de l'ile de Dokdo Composée de deux îlots d'un diamètre inférieur à 500 mètres, Dokdo n'en revêt pas moins un intérêt considérable sur le plan géologique en tant qu'artéfact fournissant un précieux aperçu de l'évolution du relief sous-marin.

ma is rares sont ceux qui ont pu réaliser leur rêve de voyage en raison de sa difficulté d'accès. En outre, les chercheurs s'intéressent

Sohn Young Kwan Professe ur de sc iences de la Terre et de l" environnement

particulièrement à ses processus

à l'Université Nationale de Gyeongsang

géologiques et à son potentiel scientifique, les études n'ayant

S

ituée très au large du littoral de la Mer de l'Est et

toutefois véritablement commen cé qu'il y a une dizaine

voyant le soleil se lever avant toute autre région

d'années.

coréenne, l'île de Dokdo n'en constitue pas moins un éternel

En effet, on connaît depuis peu avec précision son ori-

emblème de souveraineté nationale. Malgré son

gine, sa formation et son évolution. Il m'a été donné par deux

éloignement et son exiguïté, elle séduit nombre de Coréens,

fois [1992 et 1993]. d'y effectuer un séjour d'un mois dans le


131° 52"

cadre d'études géologiques sur le terrain. Les données ainsi recueillies ont permis d'établir une carte géologique de l'île et une campagne d'essais analytiques d'une année a débouché sur la publication d'un article dans le Journal de la Société géologique de Corée (1994) et dans le Bulletin de vulcanologie régulièrement édité par l'Association internationale de vulcanologie (1995). Ce texte livre un certain nombre d'informations sur Dokdo. La datation de ses formations rocheuses situe son apparition au pliocène, c'est-à-dire entre 2,5 et 4,6 millions d'années, soit bien avant Jejudo et Ulleungdo, les deux principales îles volcaniques coréennes dont l'origine remonte à deux millions d'années. L'article souligne en outre la spécificité des processus de formation et d'évolution géologiques de l'île qui ont conduit la communauté vulcanologique internationale à la considérer importante. Parmi la myriade d'îles de ce

type que compte la planète, qu 'a donc Dokdo de particulier ? Afin de répondre à cette question, il convient de s'intéresser aux processus géologiques qui se sont déroulés sur cette île. Formation géologique

Voilà quelque 4,6 millions d'années, jaillit dans la Mer de l'Est, par deux mille mètres de profondeur, de la lave qui en se refroidissant rapidement au contact de l'eau froide produisit une élévation à structure dite en coussins (pillowlava : lave apparaissant lors d'une éruption sous-marine et formant un coussin) et à hyaloclastites [roches fragmentées par l'effet d'un contact brutal de la lave avec l'eau). Ce mont sous-marin, dont la formation s'étendit sur plusieurs millions d'années pour atteindre deux mille mètres d'altitude deux millions d'années plus tard, libéra le magma en rendant son dernier souffle, perçant ainsi un cratère vol-

La datation géologique du sol rocheux situe les origines de l'île entre 2,5 et 4,6 millions d'années.


canique à son sommet. Ainsi était née Ookdo.

Les fonds marins de Dokdo comportent une importante élévation atteignant deux mille mètres d'altitude et vingt à vingt-cinq kilomètres

Cette éruption s·accompagna de

de diamètre à sa base. Non Loin de Là, La recherche océanographique

projections, pareilles à des geysers,

a en outre permis de découvrir deux buttes à sommet plat.

de matériaux pyroclastiques (roches volcaniques fragmentées expulsées lors des activités explosives et constituant des pyroclastes]

nu et encore plus inhabituel de pouvoir observer les pro-

qui en retombant au sol se déposèrent en couches succes-

duits de phase intermédiaire car les pyroclastes apparais-

sives autour de l'orifice volcanique. Au fil du temps, la multi -

sant alors subissent généralement une érosion par les

plication des éruptions et l'accumulation de matière par

vagues ou se couvrent ultérieurement de lave. Ce

écoulement pyroclastique (mélange de matériau x vol-

phénomène ne s'offre donc à l'observation scientifique

caniques et de gaz chaud s'écoulant à grande vitesse au

qu'en de rares cas tel que celui de Ookdo, où apparaît

voisinage du sol] autour du cratère donna lieu à un cône vol-

l'ensemble de l'évolution géologique, notamment dans sa

canique.

phase intermédiaire bien préservée et qui présente donc un

Des fissures et tufs apparurent su r le cône pyroclas-

énorme intérêt à cet égard.

tique sous l'effet de puissantes explosions affleurant à la

Cela dit, quelle importance géologique la communauté

surface de l'eau et provoquant d'importantes coulées de

vulcanologique internationale accorde-t-elle à l'île de Ookdo?

lave, laquelle allait former la partie supérieure de Ookdo,

L'extrait suivant d'un article publié en 2002 par des vul-

que caractérisent des diaclases proéminentes. Cette effu-

canologues allemands de renom dans la revue International

sion de lave fut suivie de quelques éruptions de moindre

Journal of Earth Sciences (journal international des

ampleur et d'intrusions, mais il s'avérait évident que l'acti-

sciences de la Terre] illustre le point de vue des plus

vité volcanique était arrivée à son terme deux millions et

éminents spécialistes étrangers :

demi d'années avant notre ère. « ... Les volca ns qui se sont élevés et détac hés des

Richesse géologique

fon ds mari ns en émergeant à la su rface de l'ea u fourn issent

Pour quelle raison particulière la formation géologique

un aperçu de la structure intern e du re lief sous-marin. Leur

de l'île revêt-elle une importante signification ? En règle

coupe ne révèle généra lement pas de phase intermédiaire

générale, l'apparition d'un mont sous-marin se déroule

(entre le fo nd et la surface] car ce lle-ci est de fa ible volume

selon les étapes que sont la croissance subaquatique

par rapport à l'éd ifice entier et subit so uvent une érosion

marquée par la formation de lave en coussins et de hyalo-

sous l'action des vagues. En Corée, les îles surélevées de

clastites, une phase intermédiaire d'activités explosives à

To k (D okdo ] constituent à not re conna issa nce l'u nique

fleur d'eau et un développement subaérien lorsque le relief

exemple de vo lcans en mi lieu marin ayant conservé leur

émerge de l'eau pour constituer une île tandis que la lave

phase intermédiaire ... »

continue de s'écouler. L'intégralité de ce processus ne se réalise toutefois qu'en peu d'endroits du monde car la

Outre que des auteurs font état dans leurs publications

remontée des reliefs sous-marins au-dessus du niveau de

de l'importance géologique et de la spécificité de Dokdo, on

la mer est rarement suffisante pour laisser apparaître une

peut d'autant plus se réjouir que celles-ci soient attribuées à

coupe géologique transversale, et le cas échéant, il est

la Corée par des spécialistes de la communauté géologique

exceptionnel que ces diverses étapes soient visibles à l' œil

internationale.

10 Koreana I Automne 2005


131'52"

PLAT DE DOKDO

Île de Dokdo

La topographie sous-manne de l'îl , , e revele que cellerepose sur une ,

à sommet

c1

enorme butte , plat mesurant 25 ometres de d1amè , tre a sa base et 2 000 , d' metres altitude Sou Recherch r~e Institut de e et develo océanograph 1ques ppement 2 La carte géolo . fait apparaîtr gd1que de Dokdo , e ans la m asse continentale d lignes de failleer:o~breu,~es en gras. presentees kil

-

LÉGENDE Dyke de Trachyte

1111

lntrusi on d e trachyte 3 Trachyte 2 Tuf à la p1·u·1scoriacé (U 't, Trachyandésite n1 e P-3)

• • -

Tu f a'

-

lapilli (Unité P- 2) Tuf bréchique (Unité p 1) Trachyte

1

o·1scordance

Brèche de friction Frontière géolo , gique Faille

-- - - Faille cachée

Au tomne 2005 1Koreana 11


Réalisant le brassage de courants froids et chauds, les mers qui baignent Dokdo sont réputées offrir à la pêche d'abondantes réserves de faun e marine et d'a lgues. Source: Institut de recherc he et développement océanographiques

cents mètres de diamètre , un gigantesque mont sous marin d'une altitude supérieure à deu x mille mètres et d'une largeur de vingt à vingt-cinq kilomètres à sa base se

Topographie sous-marine

dresse sous la mer, comparable par sa taille à une mon-

Si j'ai été en mesure d'établir une datation approxima-

tagne telle que le Mont Hallasan, qui est le point culminant

tive de Dokdo et de démontrer sa spécificité géologique dans

de la Corée. Contrairement à d'autres hauteurs de ce type,

des articles publiés en 1994 et 1995, je ne disposais alors

le mont sous-marin de Dokdo est plat à son sommet, dont

d'aucune information sur son relief sous-marin, mais à la

la superficie équivaut environ à celle de dix mille terrains de

fin des années 1990, les études entreprises dans une zone

football, ce qui lui vaut l'appellation de butte à sommet plat

maritime proche de Dokdo par l'Institut coréen de géologie

ou guyot.

et des ressources minérales en collaboration avec l'Institut

repose Dokdo à deux cents mètres d'altitude, telle la partie

coréen de recherche et développement océanographique

émergée d'un l'iceberg.

allaient se concrétiser par une série de révélations étonnantes sur la configuration sous- marine de l'île.

c· est sur cette vaste plate-forme surélevée que

Non loin de cette hauteur, la recherche océanographique a permis de localiser deux autres buttes à som-

Bien que Dokdo soit apparemment composée de deux

met plat dénommées Donghae et Tamhae. La présence de

îlots s'étendant d'est en ouest sur une superficie de cinq

trois reliefs de ce type dans un périmètre aussi restreint

12 Korea na I Auto mne 2005


131 52"

--------

est d'une importante valeur géologique en soi, mais aussi

Comme toutes celles qui se situent en pleine mer, elle subit

pour les études à venir sur la formation de la Mer de l'Est.

les constants assauts des vagues et d'un climat rigoureux.

Une butte à sommet plat est généralement issue d'une île

En outre, fissures et tufs volcaniques n'offrent guère de

volcanique située au milieu de l'océan et dont l'usure pro-

résistance, tandis que les failles créées par l'effondrement

gressive se produit sous l'action des vagues jusqu'à ce

du cratère effritent sans cesse les rochers. Du fait de ces

que le sommet en soit aplani, puis submergé. Celle de

caractéristiques géologiques, le socle sur lequel repose

Dokdo, ainsi que les deux autres qui en sont voisines,

Dokdo s'avère beaucoup plus fragile que celui des autres

auraient ainsi été de dimensions importantes et il est

îles coréennes et sa masse continentale, soumise à une

même probable que plusieurs grandes îles aient existé

rapide érosion, ses roches volcaniques étant atteintes

dans cette partie de la Mer de l'Est, dont seule aurait sub-

d'usure depuis deux millions et demi d'années, ce qui est

sisté la première.

peu à l'éc helle des temps géologiques. Dokdo se rapprochant ainsi inexorablement de sa fin , ses visiteurs doivent rester conscients de son affaiblissement géologique

Perspectives futures

Si Dokdo représe nte la dernière de ces îles assises sur d'énormes buttes à sommet plat, quel peut être son avenir?

et être donc plus soucieux de la protection de son délicat environnement naturel. ~

Ecosystème de Dokdo

Flore

Faune

On recense sur l'île de Dokdo cinquante à soi-

On dénombre sur Dokdo vingt-deux espèces

Les principales espèces marines viva~t dans les

xante espèces végétales à l'état sauvage dont

d'oiseaux, notamment le goéland à queue noire

eaux de Dokdo sont le calmar, le maquereau, la

le pissenlit, l'oxalis jaune [Oxalis corniculata).

[Larus crassirostrisl. l'océa nite de Swinhoe

sériole à queue jaune [Seriola quinqueradiata).

['Arabis takesimana, le vulpin [Setaria viridis).

[Oceanodroma monorhis). le puffin leucomèle

le poisson-globe, l'a lose à museau court

l'armoise commune, le pourpier [Portulaca

[Calonectris leucome/as). le faucon crécerelle

[Cupanodon thrissa). le congre [Astroconger my-

oleracea). l'ansérine [Chenopodium album). le

[Falco tinnunculus interstinctus). le balbuzard

riasterl, le pleuronecte, le poisson des sables

Centrorubrum Makino et le plantain [Plantago

pêcheur [Pandion haliaetusl. la grive de

[Arctoscopus japonicus). la morue longue [Pleu-

asiatical. a insi que des essences d'arbre

Naumann [Turdus naumanni). la corneille noire

rogrammus azonus Jordan et Metz] et la sébaste

comme le pin maritime [Antipathes japonica).

et le rougequeue aurore [Phoenicurus auroreus).

noire à longues mâchoires [Sebastes schlegelil.

le chèvrefeuille [Lonicera insularis Nakai). la

auxquelles s'ajoutent trente-sept variétés

On y trouve aussi des mollusques et crustacés

ronce [Rubus phoenicolasius] et le camélia.

d'insectes comme la libellule, le /articule mari-

comme les ormeaux, conques et moules, de

Poissons

time [Anisolabis maritima). la sauterelle et la

même que plusieurs variétés d'algues telles que

cigale, ainsi que des coléoptères et papillons.

l'algue marine brune !Undaria pinnatifida). le va-

Hormis les chiens dom estiques introduits

rech [Laminaria japonical. l'amanoris, la mousse

ponctuellement sur l'île à partir du continent,

de Ceylan et l'algue fusiforme. Enfin, sont égale-

celle-ci n'abrite aucun autre mammifère.

ment présents l'holothurie, la crevette et le crabe des neiges. Automne 2005 1 Koreana 13


Controverse de Dokdo : l'état de la question T

niablement en territoire coréen, mais

À l'heure où le différend territorial portant sur l'île de Dokdo dégénère en un conflit diplomatique coréano-japonais, il convient de retracer l'histoire de cette possession coréenne, ainsi que l'origine et l'évolution de la controverse.

la souveraineté qui en résulte est

Kim Young- koo Ancien président de la Soc iété co réenne de dro it inte rnational

compromise par la politique tenace et

et président de l'Institut Rye Hae Source: Musée de Dokdo

otalisant une superficie de 0,2 km

2

,

les deux îlots rocheux qui

composent Dokdo se situent indé-

déterminée du Japon. L'ordonnance récente du Conseil de la Préfecture de Shimane déclarant le 22 février «Jour de Takeshima», du

Le roi Taejong décrète alors par voie d'ordonnance le

nom japonais de cette île , et intervenant dans le

déplacement de toute la population d'Ulleungdo sur le con-

prolongement de constantes revendications nippones sur

tinent, ainsi que l'envoi d'inspecteurs royaux portant le titre

celle-ci, a provoqué en Corée une nouvelle vague de

d'«inspecteurs accrédités d'Ulleungdo et des régions envi-

mécontentement, polémiques et préoccupations sur cette

ronnantes» et chargés de s'assurer de la bonne exécution

question.

de cette politique dans l'île, mais aussi à Dokdo, qui re-levait du district administratif d'Ulleungdo.

Rappel historique

Le 25 octobre 1900, le Daehanjeguk [grand empire

En Corée, l'appartenance de Dokdo au sol national est

coréen, nom donné à la Dynastie Joseon de 1897 à l'anne-

perçue comme telle dès l'époque Silla [57 av. J.-C. - 935 ap.

xion japonaise de 1910] proclame l'édit royal n° 41 par lequel

J.-C.] dont les «Annales royales» composant le quatrième

il renforce son autorité sur Ulleungdo et Dokdo et qui est

tome d'un texte historique de référence du XIIe siècle, le

consigné au journal officiel sous le titre «Changement de

Samguksagi [histoire des Trois Royaumes] rédigé par Kim

nom d'Ulleungdo devenant Uldo et prom otion du gou-

Bu-sik [1075-1151]. font état d'un royaume maritime ancien

verneur de l'île à la charge de magistrat de comté». Ce texte

du nom d'Usanguk qui comportait les îles d'Ulleungdo et de

stipule ce qui suit à son deuxième alinéa : «Le siège du

Dokdo et fut conquis par le général lsabu de Silla, puis

comté se situera à Daeha-dong et sa juridiction s'étendra à

annexé à ce royaume en 512.

l'ensemble des îles d'Ulleungdo, Jukdo [aujourd 'hui l'îlot de

Il est fait pour la première fois mention de leur appar-

Jukseodo situé à l'est d'Ulleungdo) et Seokdo», ce dernier

tenance géographique à la Corée dans le Goryeosa [histoire

correspondant à la transcription en idéogrammes chinois

de Goryeo] qui fut édité en 1441 et 1451 et par la suite, à pro-

du nom de Dokdo, lequel sign ifie «île des rochers » en

pos de Dokdo, dans les premières années de la dynastie

dialecte régional de la province de Jeolla-do.

Joseon [1392-1910]. Compilé en 1416, le Taejongsillok

Si l'usage de ce dernier toponyme ne s'est répandu qu'à

[annales du Roi Taejong] établit la reconnaissance par la

la fin du XIX· siècle, la reconnaissance de son appartenance

Dynastie Joseon de l'îlot de Dokdo proche d'Ulleungdo et

géographique, ainsi que de celle d'Ulleungdo, n'en demeure

joint en annexe la requête du Vice-ministre des impôts Bak

pas moins constante, de toute évidence, dès l'avènement de

Seop visant à porter la question devant la Cour.

la Dynastie Joseon. Les dénominations successives d'Usando,

14 Koreana I Autom ne 2005


131°52"

Sambongdo et Gajido ne recouvrent en dépit de leur diversité

Takeshima, produit de l'impérialisme japonais

ni contradiction ni ambiguïté sur cette origine géographique,

Au Japon, l'adoption de l'appellation Takeshima n'est

mais apportent au contraire la preuve des nombreux liens

que très récente puisque c'est lors d'une réunion du conseil

unissant le peuple de Corée à Ulleungdo et Dokdo.

des ministres, le 28 janvier 1905, que celui-ci statua sur l'intégration au territoire japonais de Dokdo, jusqu 'alors dénommée «Ile de Liancourt » et aussi soudainement qu 'arbitrairement rebaptisée Takeshima. C'est entre les XVI ' et XVII ' siècles que le Japon procéda à la reconnais-

Cette reproduction de 1876 de la «Carte complète des Huit Provinces». que fit dresser en 1592 le Seigneur de la guerre Toyotomi Hideyosh i à la veille de lïnvasion de la Corée, fut au Japon la première à user du toponyme coréen Dokdo.

sance géographique des îles d'Ulleungdo et de Dokdo, qu'il

Automne 2005 1 Korean a

15


nomma respectivement Takeshima et Matsushima. À partir de 1840, ce dernier toponyme allait toutefois désigner la première et celui de Liancourt, la seconde. Outre son incohérence reflétant une méconnaissance par ce pays des particularités géographiques d'Ulleungdo et de Do kdo , la décision prise de manière soudaine et arbitraire par son gouvernement, le 28 janvier 1905, d'attribuer à Dokdo l'appellation de Takeshima précédemment donnée à Ulleungdo en vue d'intégrer la première au territoire national paraît artificielle, donc irrationnelle. Après la renaissance de l'Ere du Meiji, qui avait fait de lui une nation moderne, le Japon révélait en fait ses visées sur la

Sur cette carte du Commandement suprême des forces alliées indiquant la juridiction administrative des régions japonaises et coréennes en 1946, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le rattachement des îles d'Ulleungdo et de Ookdo [Takel à ces dernières apparaît clairement.

péninsule coréenne par l'adoption de mesures destinées à faciliter ses agressions imp é rialistes dont participait l'établissement d'une base avancée sur l'île d'Ulleungdo. La subite décision gouvernementale, en janvier 1905, d'attribuer à Dokdo le nom de Takeshima représente ainsi une première étape symbolique dans le choix de Dokdo comme cible désignée des agressions impérialistes nippones. D'incessantes prétentions

Les revendications illégitimes du Japon à cet égard ne sont pas chose nouvelle puisqu ·elles devancèrent la signa-

UANCHURIA

.u.,AHU(

AOIIINI ITIU,flvt lll[GIOHI J -&IDO 21 fl)OIU Sl Clf.ll,ON

2 Un phare en exploitation

•iwmi

depuis 1954, une unité de garde relevant de la police nationale et des installations de télécommunications comptent parmi les principales améliorations apportées sur l'île.

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PAC/F/C OCEAN

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16 Korea na I Automne 2005

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ture du Traité de Paix mettant officiellement fin à la Seconde guerre mondiale, qui fut conclu à San Francisco le 8 septembre 1951 et entra en vigueur l'année suivante. Le gouvernement du Premier ministre Shigeru Yoshida exerça alors une série de pressions sur le Commandement suprême des forces alliées pour que Takeshima soit reconnue territoire japonais. L'argumentation sur laquelle se fondent les revendications nippones se résume à deux points principaux, à savoir que le Japon a intégré Dokdo à son territoire en janvier 1905 et que cette île ne figurait pas sur la liste de celles C'est la délimitation des zones économiques exclusives respectives qu'il s'était engagé à restituer à la de la Corée et du Japon qui relance la polémique sur la question de Corée conformément au Traité de Paix Dokdo en 1994, ce dernier pays poursuivant une politique territoriale de 1952. agressive axée sur l'incessante réaffirmation de ses prétentions L'analyse de l'action entreprise territoriales sur cette île. par le gouvernement japonais en janvier 1905 pour réaliser l'intégration territoriale de Dokdo démontre à l'évidence, considérant que cette île était à l'époque légaleIl en va de même du Traité de Paix de 1952 entérinant ment soumise à l'autorité de la Dynastie Joseon, qu'il s'agisla fin de la Seconde Guerre mondiale entre les puissances sait d'une opération illicite au regard du droit international. alliées victorieuses et un Japon vaincu, cette convention Si la Corée n'émit à l'époque aucune protestation, c'est que stipulant que «le Japon, tout en reconnaissant l'indépenle Japon impérial l'avait habilement dépouillée de sa soudance de la Corée, renonce en faveur de la Corée à tout veraineté nationale en s'assurant la domination des droit, titre ou revendication, notamment sur les îles de autorités diplomatiques par le biais du Protocole coréanoQuelpart, Port Hamilton et Dagelet» [c'est-à-dire· respecjaponais du 23 février 1904 et du premier Accord coréanotivement aujourd'hui de Jejudo, Geomundo et Ulleungdo]. Alors que, dans un avant-projet du texte élaboré par les japonais du 21 août 1904. Ayant confisqué la totalité du pouvoir de Joseon, le forces alliées, l'île de Dokdo figurait parmi celles que le Japon Japon pouvait alors entreprendre de fondre dans son terrise devait de restituer à la Corée, le gouvernement conduit par toire une île de Dokdo à l'importance stratégique, ce qui le Premier ministre Yoshida Shigeru exerça d'importantes constitua le premier pas de ses menées impérialistes à des pressions sur les forces alliées pour que Dokdo soit confins expansionnistes. Tout en ayant à deux reprises, en 1699 sidérée japonaise dans le texte final. Il résulta de ces menées et 1877, reconnu l'appartenance de celle-ci au sol coréen, il nationales que Dokdo fut effectivement radiée de la nomens 'employa à en prendre possession par des manœuvres clature mentionnée plus haut, le gouvernement des ÉtatsUnis se bornant à constater dans un communiqué officiel que : secrètes qui échappèrent à la communauté internationale. À tous égards, cette manière de procéder s 'avère donc «Dokdo est déclarée territoire japonais du nom de Takeshimanifestement non conforme aux principes du droit ma», ce qui permet au Japon de se prévaloir de cette disposiinternational. tion pour alléguer la reconnaissance territoriale. Automne 2005 1 Koreana 17


---------

Un conflit sans issue

tian , il ne s'ensuit pas nécessairement par défaut qu'elle est

L'examen des dispositions dudit traité à la lumière du

japonaise. En conséquence, contrairement aux affirmations

droit international démontre toutefois clairement qu'il n'y

japonaises, le Traité de paix ne stipule aucunement l'exis-

est fait aucune mention explicite de l'appartenance de

tence d'une île du nom de Takeshima faisant partie du

Dokdo au territoire japonais et si l'île ne figure pas dans la

Japon .

version définitive de cette convention aux fins de la dévolu-

Ce dernier, lors de la conclusion en juin 1965 du Traité


131 S2

1 Vue de l'îlot ouest depuis celui de l'est Contre toute évidence et sur la base d'arguments contestables, le Japon remet constamment en question leur appartenance territoriale. 2 Etablie en 1785, cette carte dite des «Contrées attenantes aux Trois Royaumes» figurait dans le «Commentaire de la carte générale des Trois Royaumes» que rédigea Hayashi Sihei, le plus éminent géographe japonais de l'époque. Englobant l'ensemble des îles de la Mer de l' Est dans le territo ire coréen, cette projection vient corroborer les revendications coréennes sur Dokdo.

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sur les Relations de base entre le Japon et la République de Corée, tenta bien de faire état de cette question à titre de conflit territorial entre les deux pays, mais la clause correspondante finit par être supprimée suite aux objections de la Corée, dont l'ent ière souveraineté que celle-ci exerçait sur l'île n· en donna que plus de force à ses revendications. Lors de négociations ultérieures, les protago-

La Corée· pense manifestement que sa présence effec-

nistes allaient s'abstenir d'évoquer ce

tive sur Ookdo lui assure de facto des droits territoriaux sur

sujet de polémique et demeurer cha -

elle et que la continuité de cette situation dissipera tout

cun campés sur leur position, de sorte

naturellement les différends qui la concernent. Une telle

qu ·entre 1965 et 1996, un statu quo

position semble toutefois fragile et quelque peu inexplicable

s'instaura tacitement entre eux.

du point de vue du droit international, ce qui la place dans

Or, lorsqu'il leur incomba dans le

une position de fa iblesse à cet égard .

cadre de la Convention des Nations

De plus, alors qu'en vertu de l'Accord coréano~japonais

Unies sur le droit de la mer de 1994 de

sur la Pêche de 1999, Ookdo appartient à une zone provi-

désigner leurs zones économiques

soirement délimitée de la Mer de l'Est dans laquelle les par-

exclusives s·étendant sur 200 milles

ties doivent entreprendre une action commune en vue de la

marins à partir de leurs côtes respec-

préservation et de la gestion des ressources de la pêche, la

tives, le Japon se départit de sa pas-

Corée se refuse unilatéralement à promouvoir les mesures

sivité pour formuler des revendica-

régulatoires conjointes qui ont été arrêtées dans le cadre de

tions écrites et adopter une stratégie

cet accord pourtant en vigueur depuis déjà six ans. L..1

territoriale agressive en formulant publiquement et explicitement ses prétentions sur Ookdo. Les pouvoirs publics coréens réagirent alors il est vrai par le mutisme et feignirent d'ignorer ces déclarations belliqueuses. Automne 2005 1 Ko reana 19


Conflit de l'ile de Dokdo et droit international Le différend portant sur le rattachement territorial de l'île de Dokdo ne cesse de s'aggraver car ni la Corée ni le Japon ne parviennent à y apporter une solution acceptable. Un spécialiste du droit international estime les revendications japonaises manifestement incohérentes et sans fondement légal. Lee Jang-hie Professeur de droit

à l'Université Hankuk des études étrangères

entré en vigueur le 28 avril de cette même année, ne stipule pas explicitement sa restitution à la Corée, niant ainsi la décolonisation qu· entérina sa Capitulation inconditionnelle du 2 septembre 1945 pour faire porter sa domination jusqu'à l'application du

A

u vu de l'historique du problème, de l'invalidité des

Traité de Paix signé le 28 avril 1952. En raison de ses dispo-

prétentions japonaises, de la définition du statut

sitions essentielles sur la péninsule coréenne et son statut,

ter r itorial suite à la signature de l 'Accord de pêche

celui-ci constitue un texte de référence aux fins de la territo-

coréano-japonais [1999] et des circonstances actuelles en

rialité de Dokdo. S'il est vrai que son Article 2 ne fait pas fi -

Corée, l'indifférence affichée par cette dernière

gurer Dokdo sur la liste des îles devant être dévolues à la

conformément à son principe de «diplomatie douce »,

Corée , les prétentions japonaises n'en demeurent pas

semble avoir atteint ses limites et un plus grand dynamisme

moins illégitimes et irrecevables en droit international.

s'impose désormais. Examinons dans les lignes qui suivent les arguments qui sous-tendent les visées japonaises sur l'île de Dokdo pour en démontrer l'irrecevabilité en droit international.

Exigences infondées La notion de liens de «territorialité inhérents» n'est avant tout corroborée par aucun fait ·historique. Tout comme l'île d'Ulleungdo, Dokdo appartenait en effet à la Corée

Synthèse des revendications japonaises

depuis au moins l'an 512, et si les monarques de la Dynastie

Les principaux arguments mis en avant pour revendi -

Joseon ordonnèrent le transfert de sa population sur le con-

quer l'île sont au nombre de quatre. En premier lieu, le

tinent au début du '/;v· siècle, ce fut dans l'exercice de leur

Japon qualifie d'«inhérents» les liens unissant celle-ci à son

pouvoir souverain , et non dans une quelconque intention de

territoire . Il invoque en outre les mesures administratives

renoncer à cette possession.

adoptées par le Conseil de la Préfecture de région de

Dénommée Usando sous la dynastie Joseon, Dokdo se

Shimane et fondées sur l'intégration de Dokdo au territoire

rattachait alors administrativement, de même qu'Ulleung-

japonais le 22 février 1905, laquelle représente un fait

do, au canton d'Uljin-hyeon situé dans la province de

d'occupation avéré au regard du droit international. Le Japon

Gangwon-do. Suite à l'action entreprise par An Yong-bok, le

affirme par ailleurs avoir constamment exercé sur elle

Japon envoya en 1693 et 1696 des missives officielles par

l'autorité conférée par la souveraineté nationale au moyen

lesquelles il reconnaissait l'appartenance des deux îles au

de dispositions administratives diverses mises en œuvre

royaume de Joseon et s'engageait à interdire aux pêcheurs

suite au processus d'intégration. Pour terminer, il argue que

japonais de mener leurs activités à leurs alentours. Après

l'article 2 [al du Traité de Paix conclu avec les Forces alliées

que le Bakufu des Tokugawa eut été renversé par les guer-

en 1952 pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale et

riers et qu'eut débuté l'Ere du Meiji, le gouvernement japo-

20 Koreana I Automne 2005


131•sr

nais proclama à deux reprises, en 1869 et 1877 : «Dokdo est un territoire de Joseon qui n'intéresse aucunement le Japon». Enfin, ['Empereur Gojong [r. 1863-1907] promulgua le 25 octobre 1900 l'édit royal n° 41 en vertu duquel Ulleungdo s'appelait dorénavant Uldo, le gouverneur en exercice était élevé au rang de magistrat du comté et les îles d'Ulleungdo, de Jukdo et de Seokdo étaient placées sous la juridiction de ce dernier. L'invasion en force des Japonais dans une Ulleungdo évacuée de ses habitants coréens ne saurait être assimilée à une occupation de fait de Dokdo. De plus, les activités et escales effectuées par des pêcheurs ne peuvent être prises en compte sur le plan légal comme émanant d'un gouvernement. Enfin, la volonté japonaise d'intégrer Dokdo à son territoire en application de la Proclamation n° 40 de 1905 de la Préfecture de Shimane témoigne de l'inexistence d'un quelconque lien inhérent. Irrecevabilité de l'occupation

Avant que le Japon n'adopte une mesure visant à substituer le nom de Takeshima à celui de Dokdo et à annexer celle-ci à son territoire pour l'occuper le 28 janvier 1905, la Dynastie Joseon avait exercé sa souveraineté sur elle dans la paix et la continuité,

Outre son importance considérable sur les plans politique et diplomatiq ue, l'île de Dokdo possède un r iche m ilieu naturel. Les courants chauds et froi ds qui se brassent dans ses eaux y sont partic uli èrement prop ices à la prolifé ration d'algues subpolai res, tempérées et subtropica les ainsi qu'à toute une va riété de poissons.

perpétuant ainsi ses droits essentiels y afférant. L'argument de l'occupation avancé par le Japon s'avère donc irrecevable dans le cadre d'une procédure juridique fondée sur le droit international, et ce, pour les raisons ci-après. Ce dernier stipule le droit à l'acquisition territoriale attestée par la découverte d'une nouvelle «terra nullius» ou par un règne assez long, préalablement à toute autre nation, sur une région abandonnée par ses précédents sou-


verains, les régions polaires, dont l'Antarctique, faisant toutefois exception à cette règle . Selon qu'il a valeur subjective ou objective, le critère

Lors de la conclusion du Traité de Paix de 1952, le Japon ne put obtenir l'intégration à son territoire de l'île de Dokdo, dont l'appartenance coréenne fut en outre établie par la communauté internationale conformément à l'instruction SCAPIN n° 677.

d'occupation repose soit sur l'intention manifeste de s'emparer d'un territoire soit sur l'exercice réel et continu d'un règne par

force occupante se doit d'être une nation, et non une collec-

l'autorité nationale, le second étant considéré très pertinent

tivité locale autonome telle que la préfecture de Shimane.

pour garantir la réalisation du premier.

En troisième lieu, le Japon prétend que la Corée n'a

Contrairement aux nations, la communauté interna-

pas soulevé d'objection à la proclamation de la préfecture

tionale n'est pas dirigée par une autorité centralisée et il

de Shimane du 22 février 1905 portant mesu r es

importe donc que la souveraineté territoriale exclusive soit

d'intégration et d'occupation. Ce disant, il ne tient toutefois

perpétuée par une occupation de fait attestant une activité

pas compte du fait que la Corée n'était pas en mesure de

nationale stable et continue . La nation est la force occu-

protester officiellement contre l'intégration de Dokdo au

pante, dont le critère subjectif, à savoir l'intention de s· en

territoire japonais pu isqu'il l'avait privée de ses pouvoirs

emparer, s'exprime sous forme d'une déclaration d'anne-

diplomatiques par le Traité de Protectorat de 1905.

xion , de mesures législatives et administratives et d'une

Enfin, l'objet de l'occupation doit se constituer de terres

annonce solennelle aux diverses nations intéressées, mais

sans possesseur, tandis que Dokdo n· était pas historique-

on notera au passage que ce dernier point n'est la plupart

ment «terra nullius» en 1905 puisque la Corée la gouvernait

du temps pas considéré comme un critère d'occupation.

de fait, d'où l'illégitimité de son occupation. L'expression terres

Conformément aux critères définitoires de l'occupation

sans possesseur désigne soit une région ne relevant pas du

en droit international, l'allégation de celle-ci par le Japon

territoire d'une autre nation soit des terres à l'abandon sur

accuse les contradictions suivantes. Tout d'abord, celui-ci

lesquelles ne s'exerce donc plus de· gouvernement dans le

n'adressa pas la moindre annonce à la nation intéressée

cadre d'un territoire national. Un tel abandon suppose lui-

qu 'était la Corée lorsqu'il s 'appropria Dokdo en 1905.

même la réalisation de critères subjectifs et objectifs, à

Compte tenu du cas des îles Clipperton (1931] et Palmas

savoir respectivement l'intention d'abandonnèr ledit terri-

[1928]. il est légitime d'affirmer qu'en vertu du droit interna-

toire et le fait même de l'abandonner. Ne peut être con -

tional, une telle annonce s'imposait puisque la Corée mani-

sidérée abandon l'évacuation temporaire par une nation de

festait un intérêt évident pour l'île déserte de Dokdo, mais le

la population d'un territoire dans le cadre de sa politique

Japon affirme que l'obligation d'annonce n'était pas alors

nationale tant qu 'elle n'a pas expressément annoncé son

considérée comme un critère attestant l'occupation en droit

intention d'abandonner cette contrée. Sous la dynastie Joseon,

international.

les mesures de déplacement vers le continent des popula-

En outre, c·est par une «nation» que doit être annoncée

tions de Dokdo et d'Ulleungdo dans le but de les préserver

aux puissances étrangères l'intention d'effectuer une occu-

des fréquentes incursions des pillards japonais, suite aux

pation et non par une simple collectivité locale autonome,

invasions de 1592, ne revenait donc pas à un abandon de

comme ce fut le cas au Japon en 1905. Qui plus est, cette

territoire. Lors même qu'ils intensifièrent cette politique, les

proclamation aurait été adoptée secrètement, en toute hâte,

monarques d'alors continuèrent d'administrer ces îles en y

dans le cadre d'une stratégie militaire et il n'est en fait pas

dépêchant régulièrement des inspecteurs.

même certain qu 'elle ait réellement existé. Par ailleurs, la 22 Ko reana I Automne 2005

Les modalités de l'occupation japonaise portaient par


13

C:'l

Une soixantaine d'espèces végéta les exceptionne lles prospèrent sur le sol volcan ique de l'île, où viennent nicher goélands à queue noire, puffins leucomèles, océanites de Swinhoe et autres oiseaux marins .

contre atteinte au droit international puisque les mesures administratives prises par ce pays ne constituaient pas une occupation de fait justifiant de quelconques prétentions territoriales. Il ressort de ce qui précède que l'occupation de l'île de Dokdo par le Japon après la Seconde Guerre mondiale résulta purement et simplement d'une agression. Traité de Paix de 1952

En outre, l'argument du Japon selon lequel l'Article 2 [a) du Traité de Paix ne fait pas état de la restitution de Dokdo à la Corée révèle la fragilité de sa position. Il importe de savoir en tout premier lieu que l'adoption de cet article intervint suite aux pressions exercées par le Japon sur William J. Sebald, conseiller politique auprès du Commandement Suprême des Forces Alliées. Alors que les cinq premiers avant-projets de traité avaient proclamé Dokdo territoire coréen, Sebald s'employa à faire retirer Dokdo de la liste pour la placer sur celle du Japon. Il n'allait toutefois parvenir à rallier à ses vues ni la Grande-Bretagne ni les autres nations alliées, et les États-Unis se refusèrent à épouser la cause japonaise, pour finir par reconnaître la légitimité de l'instruction du Commandement Suprême des Forces Alliées [SCAPIN) n° 677 du 29 janvier 1946 par laquelle Dokdo était proclamée territoire coréen. Toute référence à Dokdo, en tant que territoire coréen ou japonais, allait toute-

fois disparaître des septième, huitième et neuvième ébauches élaborées par les États-Unis, ainsi que de l'avant-projet commun soumis par ces derniers et la Grande-Bretagne, et l'accord final qui fut ratifié par la suite n'en faisait lui non plus pas mention. Par ailleurs, le Japon n· étant pas parvenu à faire figurer Dokdo sur son territoire dans le cadre du Traité de Paix et l'instruction SCAPIN n° 677 restant en vigueur, Dokdo est bien possession coréenne aux yeux de la communauté internationale. La République de Corée a été proclamée le 15 août 1948, époque à laquelle ce texte demeurait valide, et s'est vu restituer l'intégralité de son territoire, dont l'île de Dokdo, par le gouvernement militaire américain. À supposer que le Japon ait réussi à inclure Dokdo dans son territoire aux fins du Traité de Paix, il lui aurait fallu tout de même s'assurer la ratification coréenne, car en tant que tierce partie à ce texte, le consentement de la Corée était indispensable pour que les dispositions la concernant lui soient applicables. En troisième lieu, l'instruction SCAPIN n° 677 ·stipule bien que Dokdo est territoire coréen et pour modifier en conséquence le Traité de Paix avec le Japon, il conviendrait d'y introduire des dispositions explicites d'agression, en se fondant notamment sur la politique territoriale menée par les Forces alliées lorsqu'elles ont occupé et administré le Japon. Enfin, ['Article 2 [a) du Traité de Paix avec le Japon ne mentionne parmi les îles devant être restituées par ce pays que les principales, omettant certaines qui sont aussi concernées en Corée, alors que le territoire de cette dernière ne se limite manifestement pas à celles de Jejudo, Geomundo et Ulleungdo, seules prises en compte dans le texte. t.t Automne 2005 1Ko re ana

23


Image de Dokdo en Corée A

renoncer à aucun prix car si le pays

Pour les Coréens, l'île de Dokdo représente bien davantage que l'extrémité la plus orientale de leur sol national, le sens particulier qu'elle revêt pour eux se traduisant par l'importante action de ceux qui la protègent et en prennent soin avec ferveur.

compte d'innombrables îles, celle-ci

Choi Tae-won Rédacteur occasionnel

ux yeux du peuple coréen, Dokdo représente un symbole de fierté

nationale auquel on ne saurait

suscite une forte polémique en raison des incessantes revendications territoriales du Japon à son propos. Il estime qu'elle ne relève pas, loin s'en faut, d'une simple

tae (www.dokdokorea.net]. cette chanson à succès a large-

question frontalière susceptible d'être réglée par des

ment contribué à sensibiliser le public à l'enjeu de Dokdo.

compromis politiques car ce lointain morceau de terre de la

Elle a aussi fait la renommée de son auteur inscrit

Mer de l'Est est cher à tous même s'ils n'ont pour la plupart

depuis 1999 au registre de l'état civil de Dokdo dont il allait

jamais eu l'occasion de s'en approcher.

être nommé gouverneur honoraire. Celui-ci a aussi enregistré dernièrement avec un second chanteur, Kim Heung-

Dokdo en chansons et dans l'art

kook, une création intitulée «Le papillon qui s'est envolé

L'annonce de la décision du conseil local de la

vers Dokdo». Le chanteur et compositeur Han Dol exprime

Préfecture de Shimane de déclarer le 22 février «Jour de

quant à lui une forte aspiration à l'unification dans ses chan-

Takeshima » a plongé à nouveau le pays dans le désarroi.

sons sur l'île, notamment «Hollo Arirang » dont les paroles

Outrés par cette provocation, les Coréens y ont vivement

commencent par «La seule île de la Mer de l'Est / frappée

réagi par des protestations tout en sachant garder raison et

aujourd'hui encore par les vents forts .... ». Par le biais de la

sang-froid sans montrer ni émotion ni indignation. Le conflit

culture de masse, les milieux artistiques ont c-ommencé de

territorial de Dokdo, dite Takeshima au Japon, demeure

s·y intéresser bien avant que le différend territorial ne donne

ainsi un dossier politique explosif, tel un volcan pouvant à

lieu à pareille controverse . Aux chansons populaires

tout moment entrer en éruption.

imprégnant l'esprit collectif de leur lyrisme, s'est ajouté le

Cela étant, qu'en est-il de la perception qu·a la population de ce trésor écologique classé Monument naturel n°

pinceau des peintres dont les toiles expriment le profond attachement à Dokdo.

336 en 1982 en tant qu'habitat d'oiseaux marins et de cet

Organisées par le Musée de l'Université Nationale de

emblème de dignité nationale? En premier lieu, son nom lui

Séoul, trois expositions consacrées à Dokdo apportent un

évoque immédiatement une chanson populaire contempo-

vibrant témoignage sur la vision que les artistes coréens ont

raine connue de presque tous, jeunes ou vieux pouvant en

de cette île. Sur les thèmes «Histoire et conscience : Dokdo

entonner le refrain éponyme du titre, «Dokdoneun uri ttang»

dans l'art contemporain » [2001]. «Histoire et conscience:

(Dokdo est notre terre]. et dont les premiers mots sont «Une

paysages de Ookdo» (2002) et «Histoire et conscience :

île solitaire / à 200 ri en mer, / au sud-est d"Ulleungdo/ le

paysages de Dokdo gravés sur bois» (2003]. ces trois impor-

pays natal des oiseaux ... ». Composée par Jeong Gwang-

tantes manifestations ont servi de tremplin à différentes

24 Korea na I Automne 2005


131°52"

actions artistiques et scientifiques consacrées à Dokdo, dont

défense de l'île et qui s· est déroulé sur le grand parvis du

l'importance ne se concevait auparavant que dans une

Centre multiculturel et artistique de cette ville.

perspective politico-économique. Suite à la proclamation du «Jour de Takeshima» par le

Le Musée de Dokdo

Japon, l'Institut culturel et artistique Sum a réalisé une

Il y a fort longtemps que la Corée exerce sa sou-

exposition itinérante intitulée «Dokdo Arirang » dans huit

veraineté sur l'île comme le réaffirma au x autorités japo-

villes coréennes, à commencer par Séoul. Au mois d'avril, c'était au tour de cent vingt artistes de la région dïncheon de mettre sur pied un festival destiné à promouvoir la

Interdite d'accès il y a encore peu, cette île classée Monument Naturel n° 336 est en partie ouverte au public depu is le 24 mars 2005 dans le cadre de nouvelles orientations politiques.

Automne 2005 1Ko reana 25


26 Koreana I Automne 2005


13

52'

L'.attachement et l'intérêt qu 'éprouvent les Coréens pour l'île de Dokdo se manifeste jusque sur l'Internet où fleurissent les sites qui la présentent et les cercles scientifiques qui mènent des recherches spécialisées sur le sujet.

Les expositions d'art consacrées à l'île permettent à des artistes coréens tel Lee Jong-sang de faire œuvre de créativité sur ce thème. 2 Exécutés selon une technique traditionnelle, les dessins à l'encre de Park Dae-sung évoquent une île d'aspect grandiose et vigoureux. 3 Selon un style et une vision qui leur sont propres, différents artistes ont représenté l'île qu'ils ont visitée, notamment Lee Wal-chong.

Automne 2005 1Ko rea na

27


naises un pêcheur coréen du nom d'An Yong-bok qu'elles

universitaires et archives gouvernementales murmurait à

avaient enlevé en 1696, 22e année du règne du roi Sukjong,

son arrivée: «Voilà Takeshima 1».

sous la Dynastie Joseon. Prenant sa relève, un groupe de volontaires dirigé par Hong Sun-chil [1929-1986] monta la garde sur l'île en 1953, après avoir eu vent d'une éventuelle incursion japonaise.

Informations en ligne

Depuis peu, l'Internet se fait aussi la voi x des préoccupations suscitées par Dokdo par le biais de sites tels que les

S'agissant de Dokdo, on ne saurait en outre omettre de

Milices de Dokdo [www.o-dokdo.com] et Dokdo Suhodae

citer Lee Jong-hak [1927-2002]. bibliographe qui a consacré

[www.tokdo .com] ou le club Dokdo Sarang [user.chol

sa vie à la recherche des cas de désinformation japonaise

lian.net/-zstokdo]. pour n'en citer que quelques-uns, ce qui

sur son histoire. Ce grand protecteur de l'île maintenant

révèle le rôle important que joue ce support dans la promo-

décédé fut le conservateur du Musée de Dokdo

tion du soutien populaire à l'île, notamment chez les jeunes.

[www.dokdomuseum.go.kr] dès l'inauguration en 1997 de

Contrairement à certains sites dont n'existe que le nom, celui de www.cyberdokdo .com, dirigé par un simple salarié, Kim Hyun-jung, se montre très actif grâce à un

1 Le Musée de Dokdo r·éunit et expose des pièces relatives à Dokdo et à la Mer de l'Est. 2 De jeunes participants à une manifestation organisée par le Musée de Dokdo sont fie rs des éventails qu'ils ont confectionnés.

important bénévolat, ce qui lui a valu de se voir décerner le prix du Club Dokdo par l'Assemblée nationale et d'être vivement recommandé à la jeunesse par le Comité gouvernemental d'information, de Communication et d'Ethique. Son fondateur s·est fortement intéressé à Dokdo en apprenant que la Mer de l'Est était connue de la communauté internationale sous le nom de «Mer du Japon». Il a alors entamé une réflexion qui l'a conduit à effectuer la recherche d'informations disponibles sur l'île, y consacrant même plusieurs nuits blanches et finissant par ouvrir son propre site Internet. Ce dernier comporte, outre de nombreÜses données sur l'environnement et l'histoire de Dokdo, une galerie d'art virtuelle sur le sujet et son créateur se déclare très heureux de répondre aux questions que lui posent les visiteurs étudiants. Nommé membre d'honneur de sa succursale de Dokdo par la Banque de Daegu, il fait part de ses préoccupations : «Ni le gouvernement ni les organismes privés

ce premier musée territorial coréen occupant 1 597 mètres

n'ont été en première ligne lors du traitement de la question

carrés dans le Parc Yaksu d'Ulleungdo. Connu de tous pour

de Dokdo». Alors que le Japon mettait en place les fonde-

son profond attachement à l'île, il fit don au musée de 555

ments juridiques de ses revendications par l'octroi de droits

cartes géographiques, documents et autres matériau x.

d'exploitation minière et l'élaboration de documents fiscau x,

Comme il se rendit plusieurs fois au Japon pour y

nul en Corée n'a pris l'initiative d'œuvrer à une gestion effi-

rechercher des ouvrages attestant l'appartenance coréenne

cace du dossier.

de Dokdo, on raconte que le personnel des bibliothèques 28 Koreana I Au tomne 2005

Monsieur Kim souligne en outre que si l'investissement


131 '52"

affectif personnel a son importance, il est impératif de l'étayer par une action mieux organisée et plus systématique. Aussi se réjouit-il de ce que l'Institut de Dokdo [www.dokdoinkorea.com] ait entrepris de démontrer le bienfondé des revendications coréennes au moyen de recherches scientifiques. Créé en mars 1996, l'Institut de Dokdo a organisé plusieurs séminaires consacrés à ce problème territorial et publié de nombreux articles dans la revue Ookdo Yeonguchongseo [études sur Dokdo). Témoin du rôle fédérateur du soutien populaire à

mes, cette société a mis à disposition, à compter du mois de

Dokdo qui est celui de l'Internet, Netpia, un fournisseur

mars 2005, les noms de domaine coréens «Dokdo» et

d'adresses Internet en alphabet coréen, a gracieusement

«Dokdo Sarang» destinés à remplacer leur équivalent

attribué l'une d'entre elles aux autorités de la province de

anglais [www.dok do.go.krl, facilitant ainsi l'accès des

Gyeongsangbuk-do à l'intention de Dokdo. En d'autres ter-

Coréens à l'île; ne serait-ce qu'en ligne.~

Sites internet relatifs à Dokdo -- ····--· J .- c, .,... ·-·

Q ,. · Q

•-' ~ Ll • . •·

U<O

Institut Dokdo

www.Cybertokdo.com

Créé en 1996 pour réaliser une recherche his-

Géré par le simple salarié qu'est Kim Hyun-

Créé en 1997 sur l'île d' Ulleungdo par Lee

torique sur l'appartenance coréenne de Dokdo

jung, ce site contient une mine d'informations

Jong-hak, bibliographe aujourd'hui décédé qui

et l'important enjeu qu'elle représente de ce fait,

historiques, ainsi que des photographies, arti-

se consacra sa vie durant à recueillir le

l'Institut de Dokdo a consacré plusieurs

cles et dossiers de presse variés. Il assure en

matériau d'une recherche essentiellement

séminaires à cette question, publiant quantité de

outre la diffusion d'émissions de radio portant

géologique et écologique, le Musée de Dokdo

résultats et données qui sont accessibles sur

sur l'île et d'une programmation vidéo intitulée

est unique en Corée par sa vocation territo-

son site Internet à l'adresse [www.dokdoinko-

«Simulation Dokdo».

riale [www.dokdomuseum.go.kr1.

Musée de Dokdo

rea.com].

Automne 2005 1Korea na 29


La Corée à l'honneur à la Foire du livre de Francfort Au mois d'octobre prochain débutera la Foire du livre de Francfort, grande manifestation à laquelle la Corée participe cette année en tant qu'invitée d'honneur, ce qui lui permettra de mieux faire connaître au monde sa culture et sa littérature par la présentation de «Cent livres coréens».

'

A

partir de l'invention de l'imprimerie par Gutenberg au XV·

siècle, la Foire du livre de Francfort va constituer le carrefour européen des échanges de productions écrites jusqu'à ce que Leipzig en reprenne l'organisation au XVIII·. Depuis sa réouverture dans les années 1950, au lendemain de la Seconde Guerre mon-

Kwon Se-hoon Directeur de La Division

di a le, l'année 2005 marque la

communication de L'Institut coréen

cinquante-septième édition de cette

de traduction Littéraire Ahn Hong-beom Photographe

manifestation qui se classe aujourd'hui parmi les premières du monde dans ce domaine.

Déroulement des sélections Depuis la création du titre d'invité d'honneur en 1988, la Corée est le troisi.ème pays auquel il a été accordé après le Japon et l'Inde. Outre l' exposition d'ouvrages et la négociation de droits d'auteur, la Foire du livre de Francfort assure la tenue de divers forums sur le cinéma, la télévision et les contenus numériques qui en accroissent encore l'intérêt. Ce salon qualifié d'«Olympiades de la culture» connaît une renaissance qui l'a trans-

Occupant une superficie de 2 500 m' à la Foire du livre de Francfort, le Hall de l'invité d'honneur comporte une présentation rétrospective des grands courants littéraires coréens, l'espace «Cent livres coréens», l'exposition «Le livre coréen aujourd'hui»

formé en un vaste marché du livre et

consacrée aux auteurs

ouvrages et proposé des manifesta~

contemporains et le Café e-Korea.

des contenus multimédia. Son édition de l'année 2004 avait permis à des éditeurs provenant de plus de cent pays d'y exposer 400 000


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tians et activités variées qui allaient attirer 350 000 visiteurs. Le titre d'invité d'honneur offre au pays auquel il est décerné la possibilité de faire découvrir sa culture par une large programmation comportant la présentation d'œuvres littéraires. L'occasion est donc d'autant plus précieuse pour cette «terra incognita» que demeure la Corée aux yeux de nombre d'Européens, dans l'ombre du Japon et de la Chine, d'une part de faire valoir sa spécificité culturelle tout en évaluant son potentiel d'interaction avec celle d'autres communautés du village planétaire, et d'autre part, d'affirmer son identité dans un environnement international en constante évolution. Dans le cadre de la Foire du livre de Francfort 2005, le projet «Cent livres coréens» entend soutenir la traduction et l'édition en anglais, allemand, français, espagnol, chinois et japonais d'ouvrages aptes à révéler au monde entier l'exceptionnelle richesse de la production culturelle coréenne. c·est l'Institut coréen de traduction littéraire qui est chargé de mettre en œuvre cette ambitieuse mesure dotée d'un budget de trois milliards de wons, soit environ 2,8 millions de dollars. À cet effet, un comité de sélection composé de vingtquatre spécialistes placés sous la présidence de Hwang Chi-woo, allait en janvier 2004 procéder à une lecture critique des quelque 3 500 œuvres portées à son attention par le mi-nistère de la Culture et du Tourisme, l'Institut coréen de traduction littéraire et les grandes maisons d'édition coréennes. Trois séances plénières et l'examen approfondi de chacun des domaines traités allaient permettre d'établir au mois de mars suivant la liste définitive des cent ouvrages répondant à des critères de qualité du contenu, de succès éventuel auprès de lecteurs étrangers, de traduisibilité, de potentiel publicitaire, d'aspect visuel et de compétitivité sur le marché mondial.

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1€" 0 p

Traduction en six langues

Les cent œuvres issues de la sélection portaient sur les huit domaines de la pensée et de la philosophie [91. de l'histoire-géographie [9]. de la religion, du folklore et de la langue [7), dés arts et de la culture [33]. des sciences sociales [61. des sciences et technologies [51. de la littérature coréenne [22] et de la littérature pour enfant [91. Leur répartition par langue de traduction était respectivement de quarante-six, vingt-deux, dix, huit, six et huit pour l'anglais, l'allemand, le français, l'espagnol, le chinois et le japonais. Tout en traitant d'un sujet spécifique, ces ouvrages fourniront un aperçu artistique et culturel qui contribuera à mieux faire comprendre la Corée et son peuple dans le monde. Ils e·mbrassent de ce fait une grande partie de l'histoire culturelle , de l'époque de la philosophie Zen enseignée par le moine Jinul [1158-1210] à celle des dessins et contes de fées du royaume de Goryeo. Ils ont été retenus pour les connaissances spécialisées qu'ils apportent dans un domaine donné ainsi que pour leur pouvoir d'attraction sur le grand public . Dans le domaine de la pensée et de la philosophie, il s'agit d'ouvrages traitant des idéologies représentatives de la Corée telles que le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme Zen [Sean]. alors qu 'en histoire et géographie, ils proposent un panorama complet de l'histoire coréenne, des cartes géographiques anciennes, un bilan des événements contemporains et une analyse de l'impact de l'identité nationale sur le mode de vie. En ce qui concerne les sciences sociales, les sujets abordés vont de la Guerre de Corée [1950-1953] à l'ère de Park Chung Hee, de son coup d'état de 1961 à son assassinat en 1979, en passant par la division de la péninsule coréenne. Les livres consacrés aux sciences et technologies en Corée présentent un bref rappel historique et les innovations les plus récentes. À la Automne 2005 1 Ko reana 31


Consacré

à la traduction et à l'édition, le projet

intitulé «Cent livres coréens» offre l'occasion exceptionnelle de dresser un bilan global des évolutions et tendances actuelles que connaît la Corée en matière d'entreprises littéraires et culturelles. Grâce

à cette initiative, s'ouvre ainsi

pour le pays un nouveau chapitre de sa présence littéraire sur la scène mondiale.

rubrique religion, folklore et langue figurent des essais

Un nouveau chapitre s'ouvre pour la Corée

traitant de théologie, des modes de vie et coutumes du

Suite à leur traduction par des professionnels

passé, des traditions populaires, de l'histoire de l'alphabet

chevronnés, les cent ouvrages seront mis sous presse au

coréen Hangeul et de grammaire coréenne.

mois de septembre, près de quatre-vingts d'entre eux étant

Le secteur artistique et culturel est représenté par de

directement destinés à une distribution mondiale par des

nombreux ouvrages englobant des thèmes aussi divers

éditeurs étrangers et les vingt autres au marché national,

que le théâtre de masques, les rituels chamans, les pote-

tout en étant aussi susceptibles de représenter la culture

ries et céramiques telles que le céladon , la porcelaine

coréenne dans le monde par diverses vojes de distribution.

blanche et les céramiques bleu-vert avec sous-glaçure

Fournissant une rare opportunité d'informer le

blanche, les motifs traditionnels, l'artisanat sur métal, le

monde entier, de manière exhaustive et systématique, des

costume traditionnel, les accessoires personnels, les

évolutions et tendances actuelles de la littérature et de la

jardins, les grottes, les fleurs, le kimchi, les beaux-arts et

culture coréennes, le projet «Cent livres coréens» favori-

l'architecture. D'autres encore s'intéressent à l'influence

sera dans une large mesure la pénétration des productions

de la culture occidentale sur la Corée, tel «Un siècle

coréennes sur le marché mondial de l'édition. En fin de

d'influence de Nietzsche sur la philosophie» et trois

compte, il ne vise pas seulement à développer l'exportation

albums de bandes dessinées. Enfin, la littérature coréenne

dans ce secteur, mais aussi à mettre en place un cadre

est présente à travers quatorze romans et huit recueils de

dans lequel écrivains et éditeurs coréens puissent réaliser

poésie régulièrement diffusés au cours des vingt dernières

des ouvrages destinés aux lecteurs étrangers et se mesu-

années et jugés dignes d'un public international, ainsi que

rer audacieusement aux principaux concurrents mondiaux.

neuf livres pour enfants ayant d'ores et déjà conquis des éditeurs étrangers. 32 Koreana I Automne 2005

Pour ce qui est du secteur coréen de l 'édition , jusqu 'alors impuissant à s'aventurer sur les marchés


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étrangers, il est manifestement impossible de répondre au plus vite à ces attentes et à cet égard, s'impose un soutien constant des pouvoirs publics. Des progrès en ce sens appellent toutefois, entre écrivains, éditeurs, traducteurs et sociétés d'auteurs, la poursuite d'une étroite collaboration qui soit tournée vers l'avenir afin de déboucher sur une production de qualité adaptée au marché mondial. Le projet «Cent livres coréens» ne représente ainsi qu'une première étape vers l'entrée de la Corée sur la scène littéraire internationale et à cet égard, l'Institut coréen de traduction littéraire a entrepris de prolonger cette initiative par celle des «Livres coréens 2005», qui prévoit la tra duction et l' édition en si x langues de quatre-vingt-seize autres titres. De plus amples informations sur la Foire du livre de Francfort et les manifestations concernant l'invitée d'honneur qu'est la Corée sont disponibles sur le site Internet de ce salon à l'adresse www.book-fair.com et sur la page d'accueil du Comité d'organisation coréen préparant sa participation en tant quïnvité d'honneur

Au Hall de l'invité d'honneur. la vis ite commence par un volet intitulé «Tu nnel temporel : histoire de la littérature coréenne». qui fournit une vaste chronologie de l'histoire de la littérature et de l' éd iti on coréen nes . 2 L'espace «Cent livres coréens» met en oeuvre les technologies de la téléphonie mobile, du numérique et du multimédia pour faire découvrir une sélection de cent oeuvres portant sur un large éventail de sujets. 3 L'expos ition «M ur des auteurs: écriva ins coréens contempora ins 12+6» fournit un panorama exhaustif de di x-huit grands

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écrivains coréens.

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4 L'espace « Le livre coréen a ujourd 'hui» présente quelque 1 800 livres sur la Corée en provenance du monde entier.

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[www.enterkorea .net]. ~ Au tomne 2005 I Korl i ~ ~ t




lui demande de la préciser, il com-

guère plus aisé de suivre le fit de sa

seconde, qui s'intitulait Animaux

mence, avec une expression enjouée,

conversation que l'un quelconque de

manière de dire qu'il s'agit d'une

ses films vu pour la première fois, et

métaphore trop subtile pour que je la

ce, parce qu'il est un véritable intel-

comprenne : «Ce que je veu x dire,

lectuel, si acharné à dénoncer les

sauvages [1997] et j'irai jusqu'à affirmer que L ·auberge des cages aux oiseaux [1998] et Printemps, été, autom ne, hiver et printemps [2003]

c'est que ... », et touts' éclaire. Il appli-

maux et fléau x de ce monde qu'il ne

représentent des chefs-d'œuvre à

que la notion philosophique et éso-

connaît jamais le repos.

l'échelle tant nationale quïnterna-

térique «d'entité et d'élément» à son propre vécu concret et dynamique,

tionale. Hormis le caractère provocaUn cinéma prolétarien

teur et débordant de vie des créations,

ancré au fond de lui au terme de dix

En tant que critique spécialisé

j'estime par-dessus tout l'éthique et

années de travail sur douze films et

dans le cinéma coréen, je suis un ad-

la déontologie de l ' homme, qui

qu'il tente de rendre métaphorique-

mirateur inconditionnel de Kim Ki-

s' entête à les produire avec les

ment. On comprendra qu'il n'est

duk et de ses œuvres, si ce n'est de la

moyens dont il dispose.

3 Metteur en scène «prolétarien», Kim Ki-d uk recherche le li eu de tournage le mieux adapté à l 'i dée de départ de chaque fi lm, pu is entre prend sa réa li sat ion à l 'a ide des fo nds, éq uip ements et acteurs dont il dispose, ce qu i exp li que sa prod uction de douze œuvres en seuleme nt dix ans. 36 Koreana I Automne 2005


1 Sorti en sa lle en 2003, le film Printemps, été,

automne, hiver et printemps s'interroge su r Le se ns de la vie hum ain e en compara nt ce lles d'un enfa nt et d'un vieillar d bo nzes au fil des sa isons. 2 L' année dernièr e, Kim Ki-d uk s'est vu décern er Le Pr ix de La m ise en scè ne à deux des tro is fes tiva ls du fil m in ternationaux Les plu s prestigieux, notam m ent celui de Ven ise , pour so n

3-/ron.

Pour le cinéaste , «il existe en Corée deu x sortes de metteurs en scène, les bourgeois et les prolétaires. Quand un scénario est prêt, les premiers partent en quête d'éventuels investisseurs qui, si le projet leur plaît, subordonnent leur soutien à la participation de vedettes. Le réalisateur prend alors contact avec les imprésarios des acteurs afin de distribuer les rôles et apporte de constantes modifications au scénario pour obéir à leurs quatre volontés et respecter les échéances. Le cinéaste prolétarien, en revanche, commence par prospecter les lieux du tournage dès qu'il a en tête l'argument d'un film, puis entreprend de le réaliser à

péage d' autoroute. Parce qu'il

l'aide des fonds, matériels et inter-

chez lui par des lectures assidues et

s· efforce d'exploiter toutes les poten-

prètes dont il dispose».

observations accompagnées d' erran-

tialités de la pensée, l'image est ici

Contraint d'abandonner ses

ces sans but et s'il n'a rien de parti-

devenue idée pour donner 3-/ron,

études dès la fin du cours primaire

culier à faire, il affectionne la lecture

comme il le rappelle : «Un homme met

pour devenir ouvrier spécialisé, Kim

de magazines en bibliothèque et les

un prospectus sur une porte. S'il a dis-

Ki-duk appartient résolument à cette

balades au hasard des rues. Le tout

paru le lendemain, c'est que la maison

dernière catégorie . Ayant pu bé-

donne soudain naissance à l'argu-

est occupée et qu· elle est vide s'il est

néficier d'un enseignement· primaire

ment d'un film, comme son 3-/ron

toujours là». La trame ainsi constituée

qui en Corée est supérieur à tout

produit l'année dernière, qui est ins-

par l'arrivée d'un homme dans une

autre, et non de la fréquentation

piré de l'image d'un homme entrant

maison vide où une malheureuse est

d'universités à l'entrée desquelles ri-

dans une maison vide venue à l'esprit

retenue en captivité représente déjà

valise la jeunesse dorée, il a acqu is

de l 'auteur alors qu'il passait un

une bonne moitié de la réalisation.

Le processus créatif commence

une vision du monde axée sur la réalité et qui lui ferait dire par exemple qu 'une pastèque se compose à plus de 95 % d'eau non sans l'avoir auparavant coupée, alors qu ' un pseudo intellectuel déclarerait après en avoir léché l'écorce qu'il s'agit en anglais d'un «watermelon». Conscient de ce que la vie huAutomne 2005 1 Korea na

37


Pour Kim Ki-duk, les bons scénarios ne donnent pas forcément les meilleurs films, car ce n'est pas eux qui importent le plus, mais leur exécution, par laquelle se définit l'œuvre tout autant que par le produit fini.

maine consiste en une mystérieuse

outre, esprit et raison ne procèdent

indépendant sur le marché américain.

succession de faits fortuits qu'il ne

pas d'éléments tangibles, mais de

Par sa réussite, il incarne ainsi la pos-

nous est donné de vivre qu'une fois, il

simples réactions chimiques entre

sibilité d'accéder à une renommée

sait aussi que l'on ne devient pas plus

cellules nerveuses du cerveau .

internationale par les seules res-

sage en s'agenouillant et priant, ni en

Préférant aller de l'avant et agir

sources de son talent, une prouesse

exerçant et structurant son esprit,

de quelque manière que ce soit,

que n'apprécient pas à sa juste

mais à force de tentatives et d'échecs

plutôt que de se perdre en construc-

valeur des confrères pourtant moins

conduisant à la compréhension, un à

tions du monde et de s'en remettre à

expérimentés en continuant de

un, des problèmes universels de

la raison pour avoir des idées, Kim Ki-

douter de lui .

l'e xistence, cette démarche em-

duk opte pour l'empirisme, apprenant

pirique étant la seule qui vaille . À

par l'action au fil de son expérience.

Etern el insoumis

l'inverse, les cinéastes diplômés des

Plus concrètement, c'est par la réali-

N'hésitant pas à braver la cri-

universités tendent à transposer la

sation de films et le perfectionnement

tique, Kim Ki-duk semble ambition-

vie en abstractions sans lien aucun avec le réel, mais se fixent des objec-

sans relâche de son style particulier

ner une création allant à l'encontre

qu'il s'est formé en autodidacte,

des normes dominantes définies par

tifs de production rationnels en adap-

n'ayant jamais poursuivi d'études

celle-ci , ainsi que des valeurs et

tant leurs théories et méthodes pour

cinématographiques. Cette démarche

structures en place dans l'industrie

les atteindre . La rationalité est

se voit couronnée de succès par les

cinématographique coréenne. Alors

cependant une notion se rattachant

prix de mise en scène que le cinéaste

qu'il n'était pas encore célèbre, il a

spécifiquement à la philosophie

a ravis lors des plus prestigieu x festi-

adressé à un quotidien une lettre de

occidentale moderne et non un code

vals européens ainsi que par la voie

protestation intitulée « Larmes de

ins-crit dans les gènes humains. En

qui s'est ouverte grâce à lui au film

crocodile», dans laquelle il répondait

38 Korea na I Automne 200 5


1 Très souriant, Kim Ki-duk se vo it remettre le Prix de la mise en scène au 61 ''"' Festival du film de Venise en septembre 2004. 2 Douzième film de Kim Ki-duk, L"arc était projeté cette année dans la section «Un Certain Regard» du Festival du film de Cannes.

aux attaques des grands médias

culte, misogyne et coupable de dis-

contre ses films . Il refuse en outre

criminations sexuelles, tout en étant

d"accorder des entretiens aux revues

relégué à la périphérie du monde

de

cinématographique ?

cinéma

qui

dénigrent ses

créations et n·a que mépris pour

J'ai quant à moi découvert en lui

ceux qui lui manquent de respect. Il a

un homme d'une profonde compas-

même décidé cette année de

sion en voyant son premier film inti-

s'abstenir de présenter ses films en

tulé Crocodile et c'est précisément

vue d'une nomination à des festivals

ce sentiment qui l'incite à désespérer

coréens et de décliner toute distinc-

du monde réel, devant son injustice et

tion qui leur serait accordée. La sor-

ses calamités, et qu'il tente d'exprimer

tie en salle de son dernier film, L ·arc,

par une extrême violence. Les êtres

n'a pas comporté d'avant-première,

vraiment cruels, eux, ne daignent pas

le réalisateur se contentant de

recourir à l'insulte et se contentent

fournir une photographie à la presse

d'un sourire narquois. Le cinéaste

ser son esprit combatif. Si plusieurs

et déclarant que critiques et journal-

déclare ainsi : «La réalisation d'un

idées lui sont venues entre-temps,

istes n'avaient qu'à aller au cinéma et

film consiste pour moi à transformer

aucune n'a eu l'heur de lui plaire. Ce

payer leur place pour voir cette

un monde de malentendus en un

qui lui tient à cœur est de conter

œuvre. Comme on pouvait s'y atten-

autre fait de compréhension» et je

l'histoire de ces troupes coréennes

dre, nombre d'entre eux ont refusé

crois qu'il ne s'agit pas d'un simple

qui s· entraînèrent involontairement à

de se comporter en simples specta-

effet de langage, mais d'une évoca-

perpétrer un massacre durant le

teurs, le film ne réalisant dès lors

tion exacte de ses véritables convic-

soulèvement démocratique de Gwang-

que quelque 1 500 entrées et se sol-

tions. Contrairement à bien des intel-

j u, le 18 mai 1980 dans un film qui

dant ainsi par un échec au box-office.

lectuels, il ne se complaît pas dans le

pourrait avoir pour titre Poc/ain, du

Qu 'est-ce qui explique donc un tel

narcissisme du rationnel et de la

nom

parti pris de combativité?

sublimité éthique. Précipité de

d'engins de travaux pub l ics. Il a

d ' une

marque

française

Malgré sa renommée mondiale,

l 'école primaire dans la dure vie

même fait l'acquisition d'une pelle

Kim Ki-duk n'en demeure pas moins

ouvrière, il s· est montré rebelle dès

mécanique qui avait servi lors de la

marginal en Corée, notamment parce

sa jeunesse et a acquis au contact du

construction de son studio situé près

que ses films parlent des mauvais

monde la confiance en soi et la

de Yangpyeong. L'accompagnant

traitements et de l'impitoyable ex-

compréhension de mécanismes que

jusqu 'à chez lui dans son 4 x 4, je lui

ploitation auxquels les hommes

les intellectuels n 'appréhendent

ai demandé s'il n'aurait pas pu tout

soumettent les femmes, ou de la ter-

qu'après beaucoup de lectures

simplement le louer, ce à quoi il a

rible situation des plus démunis, inca-

philosophiques.

répliqué à sa manière si caractéristique : «Mais non , c'est trop amusant

pables qu'ils sont de conserver un regard critique par-delà cette condition,

Un prochain film

tout à leurs querelles et échanges

N'ayant pas encore décidé de

d'insultes. Le cinéaste lui-même ne

son prochain film, Kim Ki-duk s'au-

s'est-il pas vu qualifier d'ignorant, in-

torise un court repos destiné à apai-

d'en conduire un ! Vous ne croyez pas que c'est mieux de posséder quelque chose que de l'emprunter?»

L;.11

Automne 2005 1 Koreana 39



Les cloches bouddhiques se composent généralement d'un alliage de cuivre-étain dans une proportion de 8/2 qui optimise leur durabilité et leur résonance.

Automne 2005 1Koreana

41


simple, lui a été préféré. Si leur production relevait des principaux domaines de compétence de l'Etat, elle était aussi bien entendu étroitement liée à la situation régnant dans le pays, puisqu'une culture ne peut prospérer qu'en temps de paix et de stabilité économique. Ce constat s'impose si l'on pense que la plus grosse cloche coréenne, dite «divine» et classée Trésor national N° 29, fut réalisée pour le roi Seongdeok au terme de huit années de travail, sous les règnes successifs de deux rois.» C'est au début des années soixante que Won Kwang-sik fa it ses premiers pas d'artisan fondeur de cloches, à une époque où la recherche était particulièrement rare dans ce domaine. Formé par les soins du maître Won Guk-jin jusqu 'au décès de celui-ci en 1972 et bien que l'enseignement dispensé ne portât pas exclusivement sur les méthodes coréennes, l'élève acquit la capacité d'en continuer la tradition dans les quelques ateliers encore existants. Il reprit celui de-Sungjongsa Co ., Ltd à la mort de son professeur mais tout en Won Kwang-sik a entrepris de faire revivre la fabrication coréenne traditionnelle des cloches bouddhiques en bronze et possède à son actif quelque cinq mille créations .

exerçant son activité, il ne cessait , quelque part en luimême, d'éprouver déceptions et contrariétés. «Si le résultat était satisfaisant par l'aspect, je ne savais comment affiner le son pour le rendre plus pur et plus éclatant, ce qui me fâchait et m'attristait beaucoup,

nommé Won Kwang-sik et né en 1942 s'emploie à faire

car je voulais tout savoir des cloches coréennes, ce qui

revivre cette antique tradition spécifiquement coréenne.

représentait une tâche trop vaste pour un seul artisan».

«La technique classique de fonderie à la cire naturelle

Won Kwang-sik décide alors de solliciter l 'aide

d'abeille demeurait en usage quand commença l'époque

d'experts en la matière et en 1976, fonde avec quelques

Joseon et ce n'est qu'à son achèvement qu'intervint un

personnes partageant sa passion l'Association pour la

changement. Les cloches augmentant en dimensions, ce

recherche sur les cloches de temple. Celle-ci regroupe

procédé s'est avéré complexe, et celui des Chinois, plus

historiens, historiens d'art et acousticiens, mais aussi des

42 Koreana I Au tomne 2005



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Fabrication d'une cloche bouddhique en bronze

A B C 0 E F G H

Construction du support de cloche à l'aide de briques. Un mélange sable-argile permet de lisser la surface. Réalisation d'une empreinte de cloche à la c,re avec motifs graves en surface. Etalement d'argile amalgamée à du sable fin pour asssurer un séchage complet du moule. F1xat1on du moule pour éviter sa déformation. Dépôt sur le moule d'une épaisse couche d'argile et de sable rugueux. Après le séchage de cette enveloppe exteneure. chauffage destiné à faire fondre la cire du moule qu'elle recouvre. Pose de la pièce moulee en argile sur le support confectionné a cet effet et coulage de l'alliage cuivre-étain fondu dans la cavité. Après refroidissement et solidification du métal, réalisation des décors de surface et finition

Automne 2005 1 Koreana 45


Ces briques datant de l'apogée du royaume Baekje s·ornent de motifs gravés en relief selon une technique inspirée de la peinture et témoignent d'une riche culture.

46 Koreana I Automne 2005


CHEFS-D'CEUVRE

Briques décorées de Baekje Gravure en relief d'un paysage

Uniques en leur genre et d'une exécution élaborée aux décors variés en relief, les huit briques carrées [29cm x 29cm) de l'époque Baekje révèlent les inclinations naturalistes et utopistes de son peuple. Kim Jong-man Conservateur en chef du Musée national de Buyeo Photographi e : Musée National de Corée

C

omposées d'argile, les briques décorées de Baekje ont été conformées dans un cadre, puis cuites au four,

et l'ensemble résultant, mis au jour au lieu dit Oe-ri, dans la commune de Gyuam-myeon du canton de Buyeo-gun appartenant à la province de Chungcheongnam-do, a été classé Trésor n° 343 car il atteste particulièrement d'une longue production de briques et tuiles à motifs en Corée. Ses huit pièces sont chacune gravées à leur surface de scènes et motifs différents, à savoir des paysages avec phénix ou lutin appelés «dokkaebi », une fleur de lotus avec lutin, ainsi qu'un dragon, un phénix, une fleur de lotus et un nuage avec fleur de lotus. De forme carrée, elles mesurent vingt-neuf centimètres de côté sur environ quatre d'épaisseur. La surface en est décorée de gravures en relief inspirées des techniques de peinture et illustrant tout l'éclat de la culture de Baekje (18 av. J.-C. - 660 ap. J.-C.l. À leur découverte, en 1937, elles formaient un alignement orienté du nord au sud sur le sol de l'un des pavillons d'un temple datant de l'époque Baekje.

Alliance de bouddhisme et de taoïsme Les décors figurant un paysage seul ou avec phénix donnent une idée du niveau de raffinement artistique auquel s'était élevée la pe inture sous le royaume de Baekje. Le premier réunit montagnes, arbres, rochers, nuages et eau et il convient de noter l'exécution élaborée des trois sommets montagneux. Par rapport à son axe de Automne 2005 1 Koreana

47


symétrie horizontal, rochers et montagnes paraissent surplomber l'observateur pour rendre une impression de nature majestueuse. Au premier plan, sont présents divers éléments caractéristiques de la peinture paysagiste tels que l'eau, un temple de montagne et un bonze. Le motif de paysage et phénix situe cet oiseau mythologique dans un cadre paysager aux nuages de bon augure, reprenant ainsi des concepts bouddhistes et taoïstes en une harmonieuse alliance. Décor à phénix et paysage, varian te du paysage simple.

Des éléments paysagers de style Baekje apparaissent aussi sur une coupe en argent à pieds en bronze qui fut découverte dans la tombe du Roi Muryeong dite Muryeongwangneung, qui est d'origine antérieure, mais aussi sur le Bodhisattva d'époque Baekje présent dans le temple Horyuji et les artéfacts de pierre du Mont Sumeru conservés par le Musée d'histoire d'Asuka, au Japon, ce qui atteste de l'interaction culturelle de la Corée avec ce pays. Les décors à paysage et lutin ou fleur de lotus et lutin mettent l'accent sur ce petit être qui en Corée est appelé

Brique gravée d' une fleur de lotus hautement symbolique du bouddhisme, fondement spirituel de la société de Baekje.

«dokkaebi» et a pour mission d'éloigner les esprits démoniaques selon les croyances religieuses d'un peuple de Baekje aspirant à la paix, la longévité et la félicité dans l'au-delà, autant de notions qui se concrétisèrent sous les dynasties chinoises du Sud et du Nord [420-589). Les «dokkaebis» brillamment dépeints sur ces briques regardent droit devant eux, bras tendus et bouche grande ouverte découvrant leurs canines, une ceinture enserrant leurs larges hanches.

Rêve de paradis des gens de Baekje Sur les motifs à dragon et phénix, ces légendaires créatures cerclées de perles et représentées en plein envol Brique au motif à huit nuages et fleur de lotus, un quart de celle-ci assurant aussi un décor d'angle, comme sur la brique à lotus simple.

produisent un effet de rythme et de dynamisme. Les pièces comportent aux quatre coins un quart de fleur de lotus, de sorte que leur assemblage en carré reconstitue une fleur entière au centre de celui-ci. De même que le «girin», autre animal mythologique pourvu d'une seule corne, d'un corps de cerf, d'une queue de vache, de sabots et d'une crinière de cheval, la tortue, le dragon et le phénix étant considérés divins par les gens de Baekje, leur présence sur ces pièces témoigne de la volonté du peuple de Baekje de fa ire figurer de bons présages et de chasser les esprits démoniaques. La brique au lotus représente cette fleur éclose dans un halo de perles et dotée de dix pétales, d'un feuillage de chèvrefeuille et en son centre, d'une longue étamine sem-

Elégant motif de phénix cerclé de perles.

48 Ko reana I Auto mne 2005

blant illuminer le monde entier. Symbole bouddhique, le lotus incarna longtemps dans la société de Baekje des


idéaux fondés sur les préceptes de cette religion . L'ornement à lotus et nuages reproduit huit de ces derniers tournant dans le sens des aiguilles d'une montre et eux aussi sertis de perles, aux côtés d'une fleur de lotus à huit pétales se détachant d'eux par des contours appuyés. Quintessence de la flore aquatique, le lotus s· enveloppe ici de nuages qui semblent tout à la fois le protéger et rehausser sa valeur symbolique. Comme précédemment, les motifs à fleur de lotus seule et avec phén ix sont incrustés d'un quart de fleur en relief à tous leurs angles.

Ce décor de dragon en relief rend bie n l'impression de ryt hme et de dynamisme d'u n envol.

Si l'on ignore aujourd'hui encore quel fut l'usage des briques de Baekje, il est probable qu'elles prenaient place dans des cons t ructions d'importance pu isque des spécimens analogues en ont été retrouvés au Temple Wangheungsa de Buyeo ainsi que dans un ensemble de fours situés à Ssangbuk-ri et qu'en raison de leurs motifs, elles étaient conçues pour une disposition quatre à quatre en carré. C'est à l'occasi,on de travaux d'excavation qu'elles ont été découvertes,

D'élégants motifs en relief semblant presque peints témoignent du degré de raffinement atteint par la création artistique au temps de la fabrication des briques de Baekje et présentent toutes les caractéristiques picturales propres

à la

peinture paysagère asiatique.

pavant le sol d'un temple, mais à en juger par leur relative fragilité, ainsi que par la présence de motifs en relief et de rainu r es latérales , on peut raisonnablement supposer qu· elles étaient destinées à la décoration murale. Les briques à motifs d'Oe-ri remontent à l'âge d'or de la civilisation de Baekje et bien que l'influence de la Dynastie chinoise du Sud y soit manifeste, elles sont tout imprégnées de l'art exqu is de ce royaume coréen et de l 'ouverture d'esprit de ses sujets, notamment vis-à-vis du monde extérieur. On remarquera enfin certaines similitudes de conception avec l'encensoir de Baekje qui fut découvert sur le site

Scène dite «dokkaebi», c·est-à-dire à paysage et lutin, dont l'assoc iation éloignait les mauvais esprits pour le peuple de Baekje qui croya it à la réincarnation .

d'un temple situé à Neungsan-ri, près de la ville de Buyeo. Ces pièces ne peuvent qu 'être l'œuvr e d'artisans possédant une connaissance approfondie de la nature et de la philosophie. Si les motifs et scènes en sont gravés dans l'argile, ils s'apparentent fortement, par leur nature et leur composition, à ceux de dessins à l'encre sur papier. Ils se situent en outre à un niveau de transcendance qui n'est véritablement accessible qu'en étroite communion avec la nature. Les techniques de peinture magistralement mises en œuvre par ces briques décorées ont exercé leur influence tant sur l'artisanat coréen de Baekje que sur la civilisation japonaise d'Asuka. ~

Motif en relief à fleur de lotus et lutin .

Automne 2005 1 Ko rea na 49



L

e 26ème Festival de théâtre de Séoul avait lieu du 4 au 22 mai

dans le quartier de Dongsung-dong, plus précisément à Daehangno, c· est-à-dire «rue de l'université», lieu ainsi nommé en raison de la présence autrefois du Collège des arts libéraux et sciences, ainsi que de divers bâtiments administratifs de l'Université Nationale de Séoul, ce qui lui conférait une certaine valeur symbolique. S'étant jusqu 'alors déroulé sous l'égide de l'Association nationale des théâtres de Corée, cette manifestation était cette année dirigée par l'Association théâtrale de Séoul, de création récente, son com ité d' organisation se composant à titre provisoire d'un nombre égal de représentants de ces deux organismes dont le second se chargeait en outre des questions d'ordre pratique.

Joie de vivre ensemble Outre les huit pièces constituant la sélection effectuée sur la base du scénario et de la mise en scène, la participation était ouverte à dix-huit autres œuvres et trois spectacles de rue apportaient leur note festive. Lors de la cérémonie d'ouverture, le ministre de la Santé et du Bien-être, Kim Geun-tae, le président du Parti démoèrate du travail, Kim Hye-kyung, le député du Parti démocrate du millénaire, Sohn Bong-scuk, et le président de la Fondation de la culture et des arts de Corée, Hyun Kiyoung se sont vu nommer ambassadeurs culturels et chargés à ce

Automne 2005 1 Koreana 51


papillon quittant son cocon . Dans le contexte de la crise de Dokdo, c· est peut-être une certaine synergie avec la montée du sentiment anti-japonais qui explique la rigidité dont semblait souffrir la réalisation. Sur un scénario de Wie Ki-hoon et une mise en scène de Yim Su-taek, Shin Oongseop l'idiot se voulait une critique de l'arrogance qui règne dans les milieu x scientifiques et technologiques en raison de l'impact de leurs réalisations sur les hommes. Les efforts entrepris dans le cadre du «Projet d'amélioration de l'intelligence humaine» pour faire un enfant prodige d'un attardé mental provoque titre de présenter les œuvres de la

examinons de plus près l'ensemble

des troubles émotionnels parmi les

sélection et diverses manifestations

des pièces proposées.

sujets et se solde par un échec. Bien que l'auteur déclare s'être inspiré de

exceptionnelles, les premières étant, il faut le noter, d'une meilleure

Excès d'ambition

l'idée de la nouvelle américaine Les

qualité que celles de l 'année

Papillon : écrite, traduite et adap-

fleurs d'Algernon, de Daniel Keyes,

précédente et offrant une program-

tée par Kim Chung-mi, cette œuvre

sa pièce pâtit d'une faible dimension

mation plus équilibrée qui devrait

mise en scène par Bang Eun-mi portait

renforcer les attentes pour les

à sa création, en 1994, le titre F-emme

Festivals à venir.

de réconfort, traitant de celles qui

Quant au thème général intitulé

furent réduites à cette condition con-

«Joie de vivre ensemble» qu 'avait

tre leur gré, et fut jouée au x États-

retenu le Comité d'organisation, il se

Unis en un acte pour en comporter

voulait évocateur d'un impératif tout

plusieurs par la suite. La protagoniste

aussi important que l'aboutissement

en est, comme son titre l'indique,

de l'entreprise artistique, à savoir,

l 'une de ces Coréennes qui furent

l'harmonie avec le public. Il semble

mobilisées de force pour servir

cependant que la plupart des specta-

d'esclaves sexuelles à l 'armée

cles aient plutôt souligné la relative

impériale japonaise et vit retirée du

absence de cette «joie de vivre

monde aux États-Unis pour dis-

ensemble» dans la réalité et ce

simuler son passé. La rencontre de

faisant, conduit les audiences à

deu x compatriotes ayant connu le

douter de la possibilité d'éprouver un

même sort et subi ses affres va enfin

tel sentiment. En tout état de cause,

lui permettre de se libérer, tel un

52 Koreana I Au tomne 2005


philosophique qui ne lui permet pas

pièce, la présence de personnages et

d'approfondir son propos d'analyse

dialogues superflus ayant toutefois

critique des aspects inhumains des

desservi le propos en créant une

sciences et de la culture modernes.

impression de chaos. Une sonorisa-

L'intrigue particulièrement simpliste

tion médiocre nuisait en outre à la

se résume à la participation à un

bonne

extraordinaire projet d'un jeune han-

derniers, ainsi que du déroulement

compréhension

de

ces

dicapé mental abandonné par sa

de l'intrigue, qui bénéficiait en re-

mère en raison de sa déficience, dans

vanche d'une mise en scène et d'un

le but d'être accepté d'elle une fois

éclairage beaucoup plus efficaces,

devenu un génie, et de la déception

tout comme de l'exceptionnel talent

qu'il éprouve lorsque celle-ci contin-

des comédiens interprétant les rôles

ue de le fuir. Un texte pédant est en

principaux.

outre source de confusion malgré la simplicité du propos.

Banc vert devait ravir toutes les distinctions de cette édition 2005, à commencer par son grand prix, ainsi que ceux de la meilleure direction et de la meilleure interprétation. 2 o·un effet décousu, Toutes les minutes évoque les souvenirs du protagoniste par des retours en arrière successifs.

3 Scène de Papillon. Cette œuvre s'intéresse à celles qui furent "femmes de réconfort" pendant la Seconde Guerre mondiale, époque particulièrement douloureuse de l histoire moderne coréenne. 4 Formulant une vision critique de la société grâce à une direction efficace, au jeu talentueux des acteurs et à une excellente mise en scène, Getting Out a reçu un accueil favorable du public. 0

Ecrite et mise en scène par Jang Woo-jae, l'œuvre intitulée Toutes les

C'est l'excès d'ambition qu,

minutes péchait aussi manifestement

transparaissait dans Le piège-Une

par son effet décousu. Ses deux per-

méditation sur Hamlet, que l'on doit à

sonnages s'y remémoraient leur

Kim A-ra pour le scénario et la mise

passé depuis l'année 1991, par laps

en scène, par l'établissement d'un

de quatre ans, puis trois, trois encore

parallèle entre les comédiens subis-

et enfin six mois, les scènes corres-

sa nt une audition pour le rôle de

pondantes étant interprétées par

Hamlet et l'univers de cette même

différents comédiens. Si le dra-

Affiche du Festival de théâtre de Séoul, dont cette édition 2005 avait pour thème la «Joie de vivre ensemble».

Automne 2005 1 Koreana 53


1 Promenade retraçait la vie réelle d'un poète

coréen en parfaite concordance avec le thème du Festival, ce qui lui a valu une critique élogieuse. 2 Scène de Shin Oongseop l'idiot, qui formule une critique du progrès s~ie~tifique et technique en se plaçant d'un point èle vue éthique. 3 Le prix de la mise e1 s dJne devait revenir à l' oeuvre intitulée Le ï 1 -Méditation sur Ham/et.

Si le Festival avait cette année pour thème la «Joie de vivre ensemble», choix qui s'inscrit dans un effort de popularisation du théâtre, l'approche particulièrement hermétique des mises en scènes retenues semble avoir creusé davantage l'écart qui en éloigne les spectateurs potentiels.

maturge semble avoir voulu inciter le

évoquait aussi avec force le défi lancé

public à observer séparément les

aux valeurs catholiques par les reli-

événements à chaque étape de ces

gions africaines. En outre, le rendu

réminiscences, la technique employée

remarquable du comportement de

était peu convaincante, l'action

cinq sœurs confrontées à l'incons-

soudaine et inattendue tendant à

tance masculine traduisait à l'évi-

gêner la concentration et le jeu des

dence la sensibilité féminine de

acteurs s'avérant surchargé.

l'auteur, alors que les acteurs, par

Familles dysfonctionnelles

parvenaient pas à donner vie au

manque de professionnalisme, ne Danse à Lughnasa de Brian Friel, interprétée par Han Myung-hee

54 Koreana I Automne 2005

thème. La

perspective

féministe

sur une adaptation et une mise en

s'exprimait distinctement dans le

scène de Ha

Getting Out de Marsha Norman,

llho, cons-

traduit et mis en scène par Moon

tituait une im-

Sam-hwa. Victime des sévices se-

pressionnante

xuels de son père, négligée par sa

illustration de la

mère, bernée par les subterfuges de

technique dite de

son amant, une jeune fille en est

«construction de la mémoire».

réduite à la prostitution, ce qui lui

Elle contait la vie, dans l'Irlande

vaudra d'être emprisonnée alors

des années 1930, d'une famille de

qu'elle attend un enfant. Ayant été

six enfants, dont cinq filles et

séparée du nouveau-né, elle s'évade,

un fils aîné, prêtre voué

tuant accidentellement un homme, et

à la religion naturelle,

doit alors purger une no-uvelle peine

de l'amant volage de la

de huit ans au terme de laquelle, sous

benjamine et de leur bébé, en

l'influence de l'aumônier, elle entre-

explorant les profondeurs de la

prend de mener une vie nouvelle

nature humaine dissimulée sous le

après avoir changé de nom. Sou-

voile des apparences. Apportant une

haitant élever elle-même son enfant,

démonstration convaincante de la

elle part à la recherche de sa famille

décadence des valeurs traditionnelles

d'accueil pour découvrir que la

qu'entraîne la modernisation, elle

société n'a pas évolué durant sa


captivité, mais s'est au contraire

L'e xcellence des acteurs a ainsi

dégradée. Sur un plan technique, Les

assuré le renouvellement du _propos

retours

véhiculé par une mise en scène

occasionnels

sur des

épisodes d'enfance exacerbaient Les

datant déjà d'une décennie.

conflits vécus par la jeune fille tout en éclairant brillamment le thème .

Lourdeurs inutiles

L'excellente prestation des interprètes

D'étranges états d'âme constitu-

alliée à une mise en scène efficace,

aient aussi l'élément principal de

notamment par la direction de ceux-ci,

Promenade écrit par Kim Cheong-zo

a permis à cette pièce de transmettre

et mis en scène par Yang Jung-ung .

avec succès une vision critique de la

Si l'histoire du célèbre poète Chun

société.

Sang-byung a été traitée maintes fois

Le viol commis par un père sur

au théâtre, cette nouvelle version en

sa propre fille constituait aussi le

était peut-être bien la plus poétique.

thème principal de Banc vert, œuvre

Sur fond de chants évocateurs de

de Yu Miri mise en scène par Lee

musique de chambre et d'émouvants

Sung-youl. Ce rapport incestueu x

accompagnements musicau x, elle

suscite en outre la haine maternelle

s'attachait à suggérer que le com-

et l'amour de la jeune fille pour un

portement, certes excentrique, de cet

homme d'âge mûr. Trompée par son

écrivain ne s'avérait pas si anor mal

épou x, la première rejoint un autre

au vu de la répression exercée par le

homme qui la quittera à son tour et

régime militaire d'alors . La réelle

ce sera alors une liaison avec un

affection que prodiguaient ses amis et

troisième homme de l'âge de son

son épouse à cet innocent chantre

fils. Celui-ci, éprouvant un fort senti-

constituait une parfaite expression-de

ment de culpabilité suite à La mort

cette «Joie de vivre ensemble» chère

d'une mère qui le traitait en amant,

au Festival et une émotion parti-

se livre dès lors complètement à sa

culière se dégageait du jeu des

maîtresse, dont le fils nourrit lui-

comédiens.

même des pensées incestueuses envers sa sœur aînée.

Si le public a dans l'ensemble réagi favorablement à cette mani-

L'étude de relations anormales

festation, la démarche dramatique

unissant des personnages dysfonc-

empruntée par la plupart des œuvres,

tionnels a été menée à bien grâce à

à l'exception de Promenade, souffrait

une interprétation efficace permet-

d'inutiles lourdeurs et il est aussi à

tant la compréhension psychologique,

regretter que des éléments de

notamment par la visualisation

comédie propres au «th éâtre popu-

scénique particulièrement élaborée

La ire » en aient été notoirement

de l'état psychique d'une personne

absents car on ne saurait sans raison

venant de perpétrer un crime .

les exclure de la tragédie. t.t

Automne 2005 1 Koreana

55


À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE

Construction navale traditionnelle coréenne

etour à ses origines

Importante nation maritime, la Corée se classait fin 2004 au premier rang mondial du secteur des chantiers navals et au huitième par l'envergure de sa flotte commerciale, une prouesse qui, il faut le souligner, résulte d'une longue histoire et d'une riche tradition dans ce domaine. Kim Sung-june Chercheur au Musée maritime de l'Université Maritime de Corée Hugh lhl Professeur à l'Université maritime de Corée Sources Archives de Gyujanggak, Musée maritime de Corée

' A

la fin de l'année 2004, la Corée se plaçait respective-

des pirogues creusées dans la masse

ment dans le monde en première et en huitième

de troncs d'arbres, ce qui montre que

position pour la construction navale et le fret. Jusque dans

les Coréens se dotèrent de bateaux il

les années soixante, sa production annuelle atteignait

y a fort longtemps pour s'aventurer

toutefois difficilement le chiffre de 100 000 tonnes et il

en mer et chasser la baleine.

n'existait pas même sur le territoire de chantiers navals

Voilà près de deux mille ans, les

dignes de ce nom. Si le pays parvint à se hisser au plus haut

trois royaumes de Goguryeo, Baekje

niveau mondial en trente ans, c ' est par l'acquisition

et Silla qui gouvernèrent la péninsule

d'expérience et de la maîtrise technique requise car dans

coréenne et une partie de la

les temps anciens, les Coréens construisaient déjà des

Mandchourie respectivement de

baleiniers et des navires assurant les échanges

av. J.-C. à 668 ap. J.-C., 18 av. J.-C. à

commerciaux avec la Chine et le Japon voisins.

660 ap. J.-C. et 57 av. J.-C. à 935 ap.

37

J .-C, entreprirent une lutte pour Une technologie originale

l'hégémonie, chacun dépêchant des

La plus ancienne trace d'une activité navale est un

émissaires en Chine ou au Japon et

dessin gravé sur un rocher bordant le fleuve Taehwagang

engageant des offensives navales

qui traverse le canton d'Uljumyeon à Ulsan. Cette gravure

contre les Etats rivaux. En 396, le

dont la réalisation se situe entre le Néolithique et l'Âge du

souverain du premier, Gwanggaeto

fer représente divers animaux dont le tigre, le cerf et la

[r. 375-413] se lança ainsi par la mer

baleine, mais aussi quatre embarcations, plus exactement

à l'attaque du deuxième, qui entrete-

Le vaisseau à superstructure comprend deux ponts. 1nféneur et supérieur, où prenaient respectivement

place d'une part. les rameurs et de l'autre . les archers et artilleurs se lançant à l'attaque des navires ennemis. Source: Cahiers de croqws de navires coréens. recueil dïllustrat,ons navales de la Dynastie Joseon.

56

Koreana I Automne 2005


nait les plus étroites relations avec le Japon . Quant au

et les planches de sa cale ayant une épaisseur de 15 à 18

troisième, il ouvrit une Agence d'administration navale

centimètres. Destiné à la navigation de plaisance sur ce

chargée de superviser les navires de commerce et de con-

bassin, il consistait en trois rondins évidés joints côte à côte

tenir les attaques des pirates japonais. Autant de faits qui

et percés d'orifices latérau x, des cerceau x fi xés à un ma-

démontrent l ' existence d'activités de construction et

drier central et des chevilles de bois en guise de poutres

d'exploitation navale sous ces trois règnes.

transversales reliant entre elles les bordages de la coque,

En 1975 était découverte une pirogue dans le bassin

un procédé d'assemblage qui allait subsister par la suite et

d'Anapji se trouvant à Gyeongju, l'ancienne capitale de Silla .

qui témoigne d'innovations technologiques coréennes dans

Celui que l'on a coutume d'appeler «le bateau d'Anapji »

ce domaine dès les VII" ou JX• siècles.

mesure 5,5 mètres de longueur sur 0,6 mètre de large à la

En 1983 et 1984, fut mis au jour aux environs de l'île

proue et 1,3 à la poupe, sa profondeur étant de 0,36 mètre

de Wando située au large du sud-ouest coréen un navire

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--Automne 2005 1 Ko reana 57


Entre 1592 et 1598, la marine coréenne accomplit le prodigieux exploit de remporter l'ensemble des vingt-trois batailles navales qu'elle dut livrer contre l'envahisseur japonais. Ces hauts faits résultèrent d'un savoir-faire et d'une maîtrise technique exceptionnels en construction navale, comme en attestent les célèbres bateau-tortue et vaisseau à superstructure dit «panokseon». en bois, dit de Wando, dont en pense qu'il s'adonnait au

Dynastie Joseon, des navires de commerce auraient été

cabotage vers le XI· siècle et qu'il aurait coulé sous le poids

exclusivement affectés au transport du riz prélevé en guise

d'une cargaison de trente mille articles de céramique. Si

d'impôt, tandis qu'au milieu du

xv•, certains assuraient une

les parties avant et arrière du pont principal sont man-

double fonction marchande et militaire. S'il ne subsiste

quantes, des éléments des flancs et de la cale ont pu être

aujourd'hui aucun document permettant de savoir comment

retrouvés.

ils furent construits, sont disponibles des dessins représen-

Cette dernière se composait de cinq bordages placés

tant les vaisseaux à superstructure et bateaux-tortue qui

côte à côte, comportant des trous latéraux et réunis par de

constituèrent l'essentiel de la flotte de guerre de Joseon à

longues chevilles de bois et suite à son assemblage, étaient

partir du XVI° siècle, ainsi que celui qui convoyait le riz de

réalisés les flancs bâbord et tribord au moyen de cinq bor-

l'impôt et qui s'assimilait à un bâtiment de commerce.

dages solidarisés par des joints de râblure et une surface de

Ces trois types de navires différaient par leurs

mâchefer, puis étayés par de petites chevilles de bois.

aspects et fonctions, alors qu'ils présentaient à peu près

L'emploi de ces dernières à l'exclusion de clous métalliques

les mêmes technologies. Edités à la fin du XVIII· siècle, les

constitue l'une des particularités des navires traditionnels

Cahiers de croquis de navires coréens fournissent une description détaillée des vaisseaux à superstructure et des

coréens. Jaugeant dix tonneaux (port en lourd]. celui de Wando possède une profondeur d'environ neuf mètres, sur

navires de transport de riz . Les premiers semblent avoir

3,5 de largeur et 1,7 de profondeur en son centre.

été constitués d'une cale à quinze bordages, les flancs bâbord et tribord étant réunis par sept madriers reliés entre eux par des joints de râblure et une surface de

Vingt-trois batailles toutes remportées

À son avènement en 1392, la Dynastie Joseon dut

mâchefer, quatorze poutres transversales joignant les

s'attaquer simultanément aux deux tâches urgentes

éléments latéraux pour en assurer la stabilité. Alors que

qu'étaient à l'extérieur, l'arrêt des exactions des pirates

les quinze bordages de la cale présentaient des fixations

japonais, et entre les provinces et Séoul, le transport du riz

verticales, la poupe était redressée pour produire un effet

qui constituait la principale forme d'impôt national. Pour

plus imposant et protéger le gouvernail à marée haute.

vaincre les premiers, qui pillaient les côtes de la péninsule

Les vaisseaux à superstructure étaient quant à eux

depuis la fin de la Dynastie Goryeo, le roi Sejong lança 227

pourvus d'un pont inférieur occupé par les rameurs tandis

navires et 17 000 soldats à l'assaut de l'île de Tsushima,

que le supérieur accueillait canonniers et archers pour

réalisant sa conquête en 1419.

attaquer le navire ennemi. Lors des invasions japonaises

C'est au début du XV· siècle que les bâtiments de

de 1592 à 1598, c· est un tel bâtiment qui constitua le vais-

guerre furent répertoriés selon plusieurs catégories, à

seau amiral dirigé par l'Amiral Yi Sun-sin et qui lui assura

savoir de fort ou de moyen tonnage, de bataille et fortifiés,

une victoire intégrale dans les vingt-trois batailles livrées

cette classification ne semblant pas avoir été opérée selon la

au camp adverse, avec sa cale longue de vingt mètres, huit

technologie de construction, mais d'après les dimensions et

rames latérales de part et d'autre et une capacité de

l'application recherchée. Dans les premiers temps de la

transport d'environ cent soixante hommes d'équipage.

1 Le navire qui apportait le riz de lïmpôt à !°Etat était un vaisseau marchand ca ractéristique de la Dynastie Joseon. Source : Cahiers de croquis de navires coréens 2 Maquette d'u n navire tra nsportant le riz prélevé à titre fiscal j usq u'a ux entrepôts du go uverneme nt. Ce bâtiment datant du XVI II' siècle possédait une capacité d'environ cent tonneaux. 3 Maquette d'un imposant bateau-tortue qui. aux côtés des vaisseaux à superst r ucture. joua un rôle décisif. vers 1590. dans la victoire contre l'envahisseur japonais.

58

Koreana I Automne 2005


Automne 2005 1 Koreana 59


d'y manœuvrer les voiles tandis que des piques empêchaient l'ennemi de monter à l'abordage. La proue du vaisseau s·ornait d'une tête de démon, qui outre son symbolisme assurait la fonction d'éperon sur un navire qui prenait les devants de la flotte. Enfin, les tôles qui, selon des sources japonaises, revêtaient partiellement ses flancs et sa couverture faisaient de lui un ancêtre du cuirassé. Aujourd'hui encore, les chercheurs s'accordent à penser que le bateau-tortue était du type à double pont avec pont principal et revêtement formant superstructure, ce qui suppose que rameurs et guerriers se tenaient à un même emplacement et que l'efficacité de leur action s'en trouvait diminuée. Cette hypothèse lève certes le doute sur l' existence d'une structure à double pont, tout en n· étant corroborée par aucun vestige, et toutes les maquettes de réalisation récente possèdent une telle architecture. Sur un dessin de la Dynastie Joseon présenté au public en 2004 figure un bateau-tortue à triple pont, rameurs et artillerie se Le bateau-tortue, premier cuirassé

partageant les deux premiers surmontés d'un revêtement

Aux côtés des vaisseaux à superstructure, le célèbre

qui forme superstructure. Des documents anciens décrivent

bateau-tortue coréen joua un rôle clé dans les défaites

un bateau-tortue possédant une longueur hors tout de 34

infligées à la flotte de l'envahisseur japonais . Si ses

mètres, une longueur et une largeur de cale atteignant

principes de conception semblent remonter aux débuts de

respectivement 19,6 et 4,4 mètres, un pont principal compris

l'époque Joseon, ils allaient subir des modifications pour

entre 9, 1 et 9,7 mètres, une hauteur de 6 à 6,5 mètres et une

les batailles navales livrées par l'admiral Yi Sun-sin et son

capacité ue transport de 160 hommes, dont cent rameurs,

second, Na Dae-yong. Les deux plans de bateau-tortue fi-

cinquante artilleurs et archers, ainsi que dix nautoniers.

gurant dans l' Histoire complète de /'Amiral Yi parue en

Quant aux navires qui apportaient le riz de l'impôt à

1795, près de deux siècles après ces faits, permettent de

l'Etat, ils étaient essentiellement de même conception que

constater que cale et flancs étaient identiques à ceux des

les bâtiments de guerre, à quelques différences près,

vaisseaux à superstructure, seule différant leurs

notamment leurs madriers horizontaux par rapport à la

revêtements extérieurs.

proue et leurs quatre poutres transversales, alors que les

Alors que les vaisseaux à superstructure présentaient

seconds en possédaient quatorze reliant les ·flancs et que

un pont de conception complexe, les bateaux-tortue

leurs madriers étaient verticaux par rapport à la proue afin

étaient pourvus d'un revêtement de bois destiné à protéger

de limiter au maximum le nombre de poutres transversales

le pont supérieur. Les canons pouvaient en être tirés par

susceptibles de gêner le chargement et le déchargement

les deux flancs et une tête de dragon dotée d'un sabord

des céréales. Leurs dimensions étaient au XVIII" siècle de

diffusait de la fumée dissimulant le navire à l'assaillant. En

17 mètres de longueur sur 3,9 mètres de largeur de cale et

outre, une ouverture cruciforme ménagée dans la couver-

3,3 mètres de profondeur, pour une capacité d'environ cent

ture de bois permettait à l'équipage d'accéder au pont et

tonneaux .

60 Koreana I Au tom ne 2005


Particularités de conception

madrier, plusieurs d'entre eux étant fi xés par des clous

Les navires coréens ont acquis leurs spécificités

métalliques, et ce, uniquement lorsqu'un seul n'était pas

d'une tradition longue de deux millénaires. En premier lieu,

assez large. Enfin, alors que les vaisseaux coréens se cons-

ils substituent à la quille une cale plane composée d'un

tituaient d'épais bordages, ceux de Chine et du Japon

bordé, la proue et la poupe étant presque plates, et effilées,

employaient uh bordé beaucoup plus mince.

par comparaison à celles des navires européens. De plus,

En Corée, les navires surent adapter leurs carac-

ils ne comportent ni membrure ni cloison transversale,

téristiques structurelles au x spécificités maritimes de la

mais sont tributaires de poutres transversales pour leur

péninsule. Le littoral sud-ouest se caractérisant notamment

stabilité latérale et leurs flancs sont réunis par des joints de

par un important différentiel entre flux et reflux, le fond plat

râblure spécifiques et une surface de type mâchefer.

des navires leur permettait, à marée descendante, de

Dépourvus, comme leurs homologues coréens, d'une

s'immobiliser sur le fond océanique sans basculer. Comme

charpente à nervure, les navires chinois et japonais

ils se composaient en outre d'épais bordages réunis par des

possèdent toutefois des caractéristiques distinctives. Afin

chevilles ou des cales de bois, l'échange et la réparation de

d'accroître leur stabilité latérale, les premiers recourent à

ces derniers s'avéraient aisés en cas de putréfaction ou

des cloisons transversales, tandis que les seconds se

d'endommagement du bois. Ces navires se distinguaient

dotent d'une sorte de pont appelé «hunabari». En outre, le

enfin par leur excellente flottabilité résultant de leur archi-

procédé de fi xation des bordages latéraux exigeait, en

tecture en radeau. Fruit de la créativité coréenne, ces

Chine, l'emploi de clous métalliques alors qu'au Japon, le

antiques vaisseaux présentaient ainsi une bonne adaptation

flanc se composait généralement d'un seul et large

d'ensemble à la configuration du littoral coréen .

t.;t

1 Maquette d'un navire d1plomat1que sur lequel voyagèrent les messagers de Joseon jusqu·au Japon. Sa somptueuse ornementation et ses drapeaux d·apparat lui conféraient une apparence grandiose. 2 Ulsan est le berceau de la construction navale coréenne, qu, se place aujourd·hui au premier rang mondial. Chantier naval de Geoie vu de l'une des principales entreprises du secteur. Hyundai Heavy Industries Co., Ltd. Automne 2005 1 Koreana

61



C

·est à l'hiver 1986 que Jo Sumi fait la rencontre

l 'Orchestre philharmonique de Vienne, elle acquit une

d'Herbert von Karajan, lequel, après l'avoir écoutée

renommée mondiale grâce à l'enregistrement de ce spec-

chanter, ne peut cacher sa stupéfaction et l'interroge sur

tacle. Après le décès de Karajan , qui devait survenir en 1989,

sa formation. Comme elle mentionne le Conservatoire de

Jo Sumi continua de se produire sur les plus grandes

Musique de Santa Cecilia, à Rome, le maestro souhaite en

scènes du monde, notamment la Scala de Milan [1988], le

savoir davantage.

New York Metropolitan Opera [1989], le Covent Garden de

«Je lui ai répondu que j'avais étudié à Séoul», se sou-

Londres [1991] et l'Opéra Bastille de Paris [1993].

vient-elle, «ce qui l'a d'autant plus surpris. Ce sont les pro-

En parallèle, elle allait faire son retour en Corée à

fesseurs Yoo Byung-moo, du Lycée d'art Sunhwa , et Lee

l'occasion du concert commémoratif des Jeux Olympiques

Kyung-sook, de l'Université Nationale de Séoul, qui perfec-

de Séoul de 1988 où ses compatriotes, f i ers de sa

tionnèrent mes premiers acquis techniques, ce dont je leur

renommée mondiale, l'accueillirent par un tonnerre

serai éternellement redevable .»

d'applaudissements. Elle effectua une seconde visite en 1994, année de la mort du dirigeant nord-coréen Kim ll-

Une voix d'exception

sung et d'un été particulièrement caniculaire, pour un

Avide de changement, la jeune étudiante de deuxième

spectacle de chant coréen donné au Centre des arts de

année de l 'Université Nationale de Séoul s'envole pour

Séoul qui consacra son statut de soprano au niveau natio-

l'Italie au début des années 1980, que marque une impor-

nal.

tante agitation politique . Elle y accomplira, au sein du

son art et en tant que première soprano mondiale, elle

célèbre Conservatoire romain, un cursus de deux ans nor-

n· eut alors à cet égard plus rien à envier à personne.

c· est à cette époque qu· elle devait atteindre le faîte de

malement prévu sur cinq et poursuivra sur cette voie en remportant le premier prix au concours «Arena di Verona» ainsi que dans diverses autres compétitions.

Passion musicale

À l'aube du nouveau millénaire, Jo Sumi jouit d'une

Déjà l'un des grands noms de la musique classique et

audience toujours plus grande en Corée. Une chaîne de

alors à la tête de l'Orchestre philharmonique de Berlin,

télévision consacre un film documentaire à sa carrière et

Karajan fit l'éloge de cette «voix divine», comme on n· en

son premier ·album de crossover intitulé On/y Love se

entend «peut-être qu ' une fois par siècle» . Une telle

vend à un million d'exemplaires. Elle participe en outre à

révélation allait rapidement mener la jeune artiste au

diverses manifestations internationales telles que le festi-

sommet de sa discipline et quand le grand maître la fit

val culturel des Jeu x Olympiques de Sydney, en l'an 2 000,

monter sur scène aux côtés de Placido Domingo pour le

et la cérémonie de remise du Prix Nobel. Elle va aussi allier

Balla in Maschera [bal masqué] de Verdi interprété par

sa voix à celles de grands chanteurs du répertoire populaire

1 Découverte par l'illustre chef d'orchestre Herbert von Karajan. Jo Sumi, ici avec le ténor Andrea Bocelli. s· est produite dans les plus prestigieuses salles du monde . 2 C'est la passion de la musique et un constant esprit de défi qui ont conduit Jo Sumi au sommet de son art, mais elle poursuit son travail sans relâche.

Automne 2005 1 Ko reana 63


Constamment animée du feu sacré de la musique, Jo Sumi est toujours en quête de nouveauté et nourrit un idéal de modestie inspirée de ses maîtres dont elle a appris que seule la fraîcheur d'esprit peut séduire le public.


et se joindre à une représentation à Séoul de l'Orchestre

spécialité et dans les concerts et réc itals, j'ai surtout

national nord - coréen de Chosun . En 2002, un public non

chanté des œuvres françaises et allemandes, notamment

averti en matière de musique classique accourut entendre

de Mozart, mais je souhaite aujourd'hui travailler le

cette artiste d'envergure mondiale lorsqu· elle interpréta la

répertoire russe et baroque», explique-t-elle.

mélodie d'un célèbre feuilleton télévisé et l'hymne de la

Maîtrisant parfaitement l' italien, le français et l'anglais, elle comprend aussi l'espagnol et l'allemand, ce

Coupe du Monde de la FIFA. «Je me consacre à la musique classique depuis mon

qu'elle estime naturel puisqu'elle chante dans ces

enfance et je dispose donc de peu de temps pour la chan-

langues, au xquelles s'ajoute ma intenant le russe en vue

son de variétés. Il y a tant de nouveau x domaines à

de son nouveau répertoire . À la question qui clôturait notre

découvrir et tant de choses à apprendre ! Je comprends

bref entretien, à savoir ce que lui ont appris exactement de

que les gens très pris n'écoutent pas de musique clas-

grands maîtres tels que Karajan, elle a déclaré :

sique et je me sens donc investie de la mission de les y

«J'ai travaillé en étroite collaboration avec ces maes-

intéresser», avoue-t-elle. «Mon suprême objectif est de

tros, entre répétitions et plaisanteries, ce qui m'a permis

perfectionner ma voix et ma technique, ainsi que de diver-

de constater qu'il leur arrivait aussi de commettre des

sifier mon répertoire. Bien des artistes vivent sur leurs

erreurs et de se mettre en colère, mais que tous

acquis et se privent ainsi de toute possibilité d'évolution. Je

posséda ient une grande fraîcheur d'esprit. Aujourd'hui

rêve de pouvoir me renouveler constamment et de savoir

encore, le souvenir de leur regard m'évoque ces esprits

rester modeste dans l'exercice de mon art.»

intègres incapables des moindres calculs ou artifices

À tous ceu x qui l'ont interviewée, elle est apparue

mondains, n'ayant en tête que la musique. J'ai ainsi com-

sympathique, pleine de vivacité et d'ouverture d'esprit.

pris que c·est une telle pureté qui touche réellement le

Aimant plaisanter, elle cultive l'art de la conversation et

cœur du public et j'espère que les jeunes chanteurs s'en

étonne par sa perspicacité. Elle est de ces rares person-

souviendront eux aussi».

nes dont les propos peuvent être intégralement transcrits

S'il était donné à tout un chacun de vivre soixante-dix

sans paraître empruntés car elle sait aussi bien écrire

ans, cette durée serait-elle la même pour tous ? Si cer-

qu· elle parle, contrairement à beaucoup d'interprètes.

tains répondront oui, à l'évidence, puisque le temps est

«Je me suis essayée à la musique de variétés et à la

absolu, d'autres affirmeront au contraire que tout est fonc-

comédie musicale, mais aussi à beaucoup d'autres gen-

tion de la manière dont on remplit sa vie et il est indéniable

res, afin de me diversifier largement, et j'en conclus que

à cet égard que la chanteuse à l'immense talent qu'est Jo

c·est la chanson russe et le style baroque qui sont les plus

Sumi vit aujourd'hui la sienne dans toute sa plénitude et

difficiles à interpréter. Le bel canto est naturellement ma

mérite encore une fois tous nos applaudissements. 1.1

Discographie principale

1. La flûte enchantée (Decca) Son interprétation de la Reine de la nuit dans Oie Zauberfli:ite !La flûte enchantée) de Mozart lui a valu sa consécration mondiale de soprano colorature. Il s'ag it du second album où elle chante dans ce rôle sous la direction de Sir Georg Solti, exécutant à la perfection l'air de la Reine de la nuit.

2. Carnaval (Decca) Cet album en solo des premières années présente une sélection thématique des morceaux fréquemment interprétés par l'artiste. Il constitue la référence incontournable pour tous ceux qui souhaitent découvrir sa merveilleuse voix et révèle l'important travail accompli par l'artiste pour acquérir une diction aussi irréprochable en français.

3. Jo Sumi chante Mozart (Erato) Chantant également en solo, elle livre ici sa production la plus célèbre du réperto ire classique et apporte la démonstration de son excellence dans celui de Mozart, notamment dans l'air de la Reine de la nuit, avec un timbre et un e maîtrise technique si exceptionnels que l'on qualifie cet album de fasc inant.

4. Bel Canto (Erato) Jo Sumi révèle toute sa virtuosité de soprano du bel canto par exellence dans des airs de Rossini, Bellini, Verd i et Donizetti dans cet album qui fut jugé «tout à fait étonnant» en Italie, berceau de l' art lyrique occidental.

Automne 2005 1Ko reana 65




R

etranché aux confins occidentaux de la province de

Le Mont Juwangsan

Gyeongsangbuk-do, Cheongsong a longtemps souf-

Le canton de Cheongsong-gun fut longtemps réputé

fert d'une pénurie d'échanges avec les autres régions,

pour son enclavement à l'intérieur des terres, au point que

mais l'urbanisation constante de la ville voisine d'Andong

dans sa commune de Bunam-myeon, le quartier de

s·y fait aujourd'hui de plus en plus sentir. Si cette dernière

Gucheon-dong fut surnommé «île du continent» et le

constitue un passage obligé pour y accéder, la route

minuscule et solitaire hameau de Naewon, «village sans

emprunte dès sa sortie un étroit parcours sinueux, voire

électricité » . Blotti au fin fond du Parc National de

vertigineux rendant Cheongsong difficilement accessible,

Juwangsan, celui-ci ne compte que quinze habitants

mais l'ayant par là même préservée du développement

répartis sur neuf familles qui, privées d'alimentation

urbain en lui conservant un milieu naturel à l'état parti-

électrique, sont tributaires de groupes électrogènes fonc-

culièrement virginal.

tionnant à l'énergie solaire. La présence de régions aussi

68 Koreana I Automne 2005


1 Le temple Oaejeonsa se niche au bas du Mont Juwangsa n, particulièrement admiré pour son magnifique cadre naturel évocateur du légendaire mont nord-coréen Geumgangsan . • 2 Avec leur coloration blanche naturelle, les rochers de Baekseoktan rappellent une chaîne de sommets enne ig és.

virginales dont l'homme n'a pas encore troublé la paix

d'importance que sont le Taehangsan (933 mètres]. le

ajoute encore au côté impressionnant du cadre naturel de

Muposan (7 17 mètres] et le Juwangsan [720 mètres]. ce

Naewon , aux dires mêmes de la population du canton.

dernier étant particulièrement admiré pour ses fabuleu x

Celui-ci se compose à quatre-vingts pour cent de

paysages qu i se parent à chaque saison de nouveau x

forêts ou plaines et à moins de vingt pour cent de terres

atours. Ce sommet au cadre naturel évocateur du

cultivées, les rizières étant peu nombreuses et toutes

légendaire mont nord-coréen Geumgangsan porte

sortes de cultures se pratiquant sur les parcelles ainsi

d'ailleurs le surnom de Sogeumgang signifiant petit

disponibles, notamment les pommes et piments qui cons-

Geumgang . Délimitant du nord au sud arrière-pays et lit-

tituent les principales productions. La fleur de pommier

toral, telle une frontière naturelle, le Mont Juwangsan

est d'ailleurs le symbole du canton.

compte douze pics d'une altitude minimale de si x cents

Cheongsong-gun est fier de ses trois hauteurs

mètres et dont les versants escarpés, en forme de paAutomne 2005 1 Koreana 69


Datant de près de trois siècles et aujourd'hui encore en usage, Le Lac artificiel de Jusanji se situe dans un cadre d'une exceptionnelle et célèbre beauté que Les mots ne suffisent pas à décrire.

ravents, leur vaut d'être appelés Seokbyeongsan, c·est-à-

drapeau qui se dresse ju ste à l'arrière semblant monter la

dire monts des paravents de pierre.

garde sur la cour . L'intérieur comprend l'autel de

Le toponyme de Juwangsan remonte à la Dynastie

Bogwangjeon orné de statuettes d'Ami tabha et Bodhi-

chinoise des Tang (618-907). sous laquelle un personnage

sattvas, ainsi que des peintures murales et représenta-

répondant au nom de Judo, après s' être proclamé

tions de Bouddha d'aspect vétuste, comme cela est sou-

«Empereur de post-Zhou», leva une armée qu'il lança à

vent le cas dans les sanctuaires bouddhistes. Les symbo-

l'attaque du souverain. Ayant essuyé une défaite, celle-ci

les et motifs animaliers de bon augure décorant les murs et

dut se replier jusqu'à cette montagne et s'y réfugier, d'où

plafonds présentent en revanche des teintes plus foncées et

les nombreuses légendes portant sur les pics ou grottes

contours plus appuyés que dans d'autres temples.

de la région et associées de près ou de loin au Roi de Zhou (Juwang].

À droite de Bogwangjeon se dresse Sansingak, haut lieu de l'Esprit des Montagnes au charme subtil, bien que

Juwangsan se flatte de la diversité de ses reliefs,

de construction récente . Après avoir gravi quelques degrés

petits et grands, ainsi que de formations rocheuses telles

de pierre, on découvre une harmon ieuse représentation

que le massif du Rocher drapeau semblant jaillir du sol à

peinte d'un Dieu de la montagne à la longue barbe blanche

l'arrière du temple Daejeonsa. À l'entrée de la vallée toute

au x côtés d'un pin et d'un tigre semblant avoir surgi de

proche se jette sur trente mètres de hauteur une cascade

nulle part . Certains aspects des croyances indigènes

où la légende veut que se soient abreuvés les soldats du

furent ainsi conservés dans les sanctuaires qui apparurent

Roi Zhou, suivie du pic Yeonhwabong en forme de fleur de

à la naissance du bouddhisme en Corée.

lotus et de la grotte Juwang où le monarque alla trouver refuge. En un parfait alignement, trois autres chutes d'eau jalonnent encore quatre kilomètres de vallée. S'ils décla-

Jusanji, centre d'attraction du canton Entrepris en 1720 pou r s'achever un an plus tard,

rent avec modestie au x touristes que leur région ne

l'aménagement du lac artificiel de Jusanji allait permettre

présente guère d'intérêt, les habitants de Cheongsong ont

de reteni r les eau x s'écoulant du Mont Juwangsan dans

bien des histoires à conter dès qu'il s'agit de Juwangsan.

cet important bassin afin d'irriguer les cultures environ-

Deux hypothèses sont émises quant aux origines du

nantes, comme cela est le cas aujourd'hui encore. On dit

temple de Daejeonsa niché au bas de la montagne, à

ses réserves inépuisables puisque l 'eau n'y a jamais

savoir qu'il fut édifié soit en 672 par le célèbre bonze

manqué, pas même lors de fortes sécheresses. Atteignant

Uisang daesa, soit en 912 par le bonze supérieur Bojo

presque cent mètres de longueur sur cinquante de large, il

guksa, aucun document n'en démontrant toutefois l'exac-

possède plus de huit mètres de profondeur.

titude. Suite à un incendie qui détruisit les locaux d'or igine

En trois siècles d'histo ire , une harmonie naturelle

au milieu de la Dynastie Joseon (1392-191 Ol. la plupart des

s· est créée entre lac et montagne, des saules faisant leur

pavillons durent être reconstruits sous leur forme

apparition au beau milieu du premier et les touristes

actuelle, mais ce qui reste d'un puits de grandes dimen-

accourant chaque année plus nombreu x pour admirer ce

sions dans le jardin situé à droite de l'enceinte atteste de

mystérieu x et fascinant paysage. Aujourd 'hu i symboles

l'envergure passée de l'ensemble.

des lieux, ces arbres, alli és aux reflets de lune de l'aurore

Occupant une position centrale, le pavillon

et à l'air fra is du ciel bleuté où disparaissent les étoiles,

Bogwangjeon se subdivise en trois salles avant et trois

acquièrent une énigmatique beauté, puis se forme un

latérales surmontées chacune d'un toit brisé, le Rocher

épais brouillard sur l'eau et lorsque pointent les premiers

70 Koreana I Automne 2005



1 Le temple Daejeonsa abrite des Amitabhas et Bodhisattvas de petites dimensions. 2 Cinq jours durant, au marché traditionnel de Cheongsong, les marchandages vont bon train entre de sympathiques vendeurs et leurs clients, pour le plus grand plaisir de ces derniers.

rayons de soleil, commence une splendide farandole de gouttes cristallines, en autant d'indescriptibles et inoubliables images ! Eaux miraculeuses Les nombreuses vallées que compte le canton, et plus particulièrement celle de Sinseong, sont constellées de fantastiques formations rocheuses et de ruisseaux à l'onde limpide très prisée. Une route encaissée dans ce passage s'étend sur huit kilomètres et tout en y conduisant avec l'extrême prudence qu'exige son danger, on ne pourra s'empêcher d'en admirer les magnifiques paysages. Devant cette vallée s'élève un pavillon de bois dit Banghojeong, que fit construire en 1619 un habitant de Cheongsong-gun appelé Jo Jun-do, ou Bangho de son nom de plume, en l'honneur de sa défunte mère. Ce site incarnant- hautement l'idéal de piété filiale ou «pungnyu» exalté par les lettrés de Joseon accueille désormais les vacanciers pendant la saison estivale, les eaux claires de son ruisseau se prêtant tout aussi bien au rafraîchissement du corps qu'à une sereine contemplation. En repartant de Banghojeong, on gagne en vingt minutes le quartier de Gowa-dong et ses rochers de Baekseoktan dont l'aspect neigeux évoqu è un tableau montagnard. On dit que celui qui porte l'inscription «Sesimdae» purifie l'esprit de quiconque s·y tient debout et que s'évanouissent toutes les vaines préoccupations lorsque le regard se pose sur les alignements de blanches roches, dans le murmure des ruisseaux parcourant la vallée.

À Sinchon-r i, la source de Jinbo-myeon est réputée pour ses vertus curatives depuis que l'un des derniers gouvernements de Joseon la proclama d'un goût exceptionnel après avoir recensé toutes les eaux thermales du pays. La nouvelle se répandit alors qu· elle possédait des propriétés efficaces contre les troubles gastriques et les maladies de peau, ce qui entraîna une affluence toujours 72 Koreana I Automne 2005


plus grande. Présentant une teinte rougeâtre carac-

Le mystère des Rochers aux fleurs

téristique en raison de sa teneur en fer, elle laisse un résidu de cette couleur sur toute surface avec laquelle elle entre en contact . Cette eau aux bienfaisants pouvoirs enchante les curistes par sa saveur et son arôme ton i-

L"origine des rochers dits «aux fleurs» de Cheongsong demeure

à ce jour une énigme. Si l"on croit le plus souvent que

leurs formes extraordinaires résultent d"un lent processus de réactions chimiques et de changements physiques déclenchés

fiants, que beaucoup comparent à ceu x d"une boisson

par une violente explosion de magma, d"aucuns pensent que

gazeuse.

["absence d"explication scientifiquement établie signifie tout bonnement quïl s·agit d"un exemple, parmi tant d"autres, des prod iges inexplicables de la nature. Non moins de soixante

Marchés de cinq jours

Cheongsong accueille régulièrement des marchés du style traditionnel de l'époque Joseon et d'une durée de cinq jours, tels ceux de Cheongsongjang et d'Andeokjang,

rochers

à la morpho logie évocatrice de tournesols, pivoines,

roses, dahlias et œillets ont surgi des lits naturels rocheux de Sinchon-ri, à Jinbo-myeon.

qui se tiennent tous les jours du mois se terminant par 4 ou 9 [les 4, 9, 14 et 19, par exemple]. de Dopyeongjang, aux dates finissant par 5 ou 10, de Bunamjang et Jinbojang,

à celles finissant par 3 ou 8, et de Hwamokjang, les jours terminés par 1 ou 6. Il résulte d'un tel calendrier qu'un ou deux marchés ont lieu à tout moment et lorsque je me suis moi-même rendu à Cheongsong , j'ai fait une halte à celui de Dopyeongjang, où tous les 30 du mois les marchands s'affairent à dresser les comptes de fin de mois, et y suis en outre retourné le lendemain puisqu'il restait ouvert. Situé tout au sud de Cheongsong, le quartier de Dopyeong est proche des côtes et dispose donc de poisson et fruits de mer en abondance. Tout en détaillant, pour le plaisir de l'œil, les étals qui s'égrènent en bordure de route, j'a i fait la connaissance d'honnêtes gens que n'intéressait nullement la recherche du profit et dont la compagnie m 'a paru d'autant plus agréable et vivifiante. Les marchands conversaient avec animation comme si l'échange humain importait plus que la vente de leurs produits disposés au hasard et limités aux besoins quotidiens de l'alimentation de base en milieu rural. C'est le maintien de ce côté humain, à l'instar de la pureté de sa source, qui fait toute la valeur de Cheongsong.

t;.t

«Rocher aux fleurs» A Rassembler les dalles de pierre d'un lit naturel rocheux. B Découper ces dalles à l'aide d'une grande scie. C Rechercher les formes pouvant ressembler à des fleurs. D Tailler la surface pour accentuer ces formes. E Polir la surface et fixer la pierre sur un support .


CUISINE

Le ~~tteokbokki>>

(sauté de rondelles de pâte de riz), un aliment évolutif Composé de rondelles de pâte de riz à la consistance ferme, de boeuf et de légumes frais, le «teokbokk1» constitue certainement l'en-cas préféré des Coréens de tous âges.


Composé de rondelles

à la farine de riz sautées et assaisonnées de concentré

de piment rouge, le «tteokbokki» fournit en Corée un en-cas des plus appréciés, même si la recette ancienne s'en est considérablement modifiée. Comment cette spécialité culinaire jadis réservée aux tables royales s'est-elle transformée en une collation très prisée du Coréen moyen ? Yoon Sook-ja Directrice de l'Institut de gastronom ie trad itionnelle coréenne Bae Jae-hyung Photographe Lee Kyung Nutritionniste

L

a saveur épicée et la consistance ferme du «tteokbokki» en font l'un des en-cas favoris des Coréens, sa couleur rouge vif côtoyant les «eomuk», sorte de bâtonnets de pâte de poisson,

dans les nombreuses échoppes où se pressent grands et petits. Sous sa forme contemporaine, il diffère toutefois considérablement de la préparation traditionnelle puisque celle-ci, autrefois dénommée «gungjung tteokbokki», se destinait à la cour du roi et relevait donc spécifiquement de la haute gastronomie. Il se composait alors de pâte de riz blanc dite «huintteok» agrémentée de viande, morceaux d'écorce de courge séchée ou «bagogari», pousses de haricot mung, persil, champignons shiitake, carottes et oignons, le tout sauté et assaisonné de sauce de soja. Ce dernier ingrédient, auquel se substitue aujourd'hui le concentré de piment rouge, possédait une saveur légère tandis que la fermeté de la pâte s'harmonisait parfaitement avec la fraîcheur des légumes. Outre qu'elle reprenait les cinq couleurs rouge, jaune, blanche, noire et bleue emblématiques de l'esthétique coréenne , cette recette de «gungjung tteokbokki» fournissait de par sa composition variée un repas très équilibré et donc tout à fait bénéfique pour la santé.

De la Cour au peuple Un ouvrage du début du XIX' siècle intitulé «Siui jeonseo» fait ainsi mention du «tteokbokki»: «Si sa préparation est identique à celle des plats cuits à l'étouffée, elle exige aussi de découper la pâte de riz en petits morceaux que l'on fera rapidement sauter. Elle emploie pour le reste les mêmes ingrédients que ces plats, à l'exception de farine additionnée à l'eau». Ces propos semblent indiquer que le «tteokbokki» fut à l'origine destiné à la cuisson à l'étouffée, c'est-à-dire assaisonné et lentement porté à ébullition dans l'eau, et non sauté à l'huile, un procédé qui s'apparente à celui du «tteokjjim». Rédigé en 1934, le traité de cuisine «Ganpyeon Joseon yori jebeop» comporte les reëettes de «tteokbokki» et «tteokbokki byeolbeop». Les variantes en sont alors plus nombreuses et mettent en œuvre des ingrédients plus raffinés, tels pâte de riz, bœuf, porc, champignons shiitake et «seogi», oeuf, oignon, poireau, persil, carotte, noix et noix de gingko relevés de sauce de soja, huile et sel de sésame. Si ces plats furent traditionnellement réservés à des classes dominantes désireuses d'une grande variété d'ingrédients, comment en sont-ils arrivés à leur version actuelle à base de concentré de piment rouge ?

c· est en

1613, dans le «Jibongnyuseol» d'Yi Su-gwang, qu'apparaît la première

référence notoire à l'introduction dans le sud de la Corée d'un piment rouge et piquant au palais dont l'emploi fut d'abord déconseillé, car jugé toxique, à une époque où étaient utilisés le poivre en grain de Szechuan, le poivre moulu, la moutarde et le poireau pour mettre en valeur les saveurs épicées des préparations. Son usage allait néanmoins bientôt se répandre dans tout le pays pour s'ajouter aux principaux ingrédients de la gastronomie coréenne en influençant considérablement ses caractéristiques gustatives et chromatiques. Autom ne 2005 1 Korea na 75


Le piment rouge entra dans la composition de toute une gamme de préparations culinaires, à commencer non seulement, en tant que condiment de base, par le «kimchi», mais aussi par le traditionnel concentré de piment rouge ou «gochujang», dont le rouge éclatant et l'appétissante saveur suffisent à stimuler l'appétit et dont Il y a cinquante ans tout au plus que le «tteokbokki» ag rémenté de concentré de piment rouge se consomme dans les foyers coréens. Avec l'évo lution des goûts cu li na ires, sa version «fus ionn elle» figu re désormais en bonne place dans la cu isine qu'affectionnent les j eunes.

les Coréens, toujours friands d'aliments savoureux et relevés, allaient faire un usage croissant. Une croyance ancienne prêtant au rouge le pouvoir d'éloigner les mauvais esprits, on pensa que celui du

piment pouvait désenvoûter un corps possédé par le diable. Le piment servait également d'antidote en cas d'empoisonnement. En 1850, l' «Ojuyeonmunjangjeonsango» prodigue un précieux conseil : «Si l'on doit entreprendre un voyage au beau milieu de l'hiver, on se munira d'une ceinture dont la pochette sera garnie de piment rouge, que l'on placera aussi dans ses «beoseon» (chaussettes traditionelles] avant de se mettre en route. L'action stimulante de ce légume sur la circulation du sang combat la grippe. Le piment peut aussi constituer une arme, comme dans un canon à poivre». C'est ainsi que le piment allait devenir en Corée une partie intégrante de la vie quotidienne en même temps qu'un ingrédient culinaire essentiel. En l'absence de données historiques établies sur la substitution du concentré de piment rouge à la sauce de soja dans l'actuel «tteokbokki», il semble que les Coréens y aient naturellement recouru dès l'introduction du piment rouge , sa disponibilité en grandes quantités ayant depuis lors assuré son emploi dans presque toutes les préparations.

Évolution culinaire

c· est un

petit restaurant du quartier séoulien de Sindang-dong qui fut le premier à proposer, après la Guerre de

Corée [1950-1953]. un «tteokbokki» composé de fines rondelles de pâte et assaisonné au concentré de piment rouge. Dans cette après-guerre, sévissait une telle pénurie alimentaire, notamment de riz, que les Coréens eurent à se contenter de cette modeste préparation de farine sautée et relevée de concentré de piment rouge en lieu et place du riz. Néanmoins, sa couleur d'un rouge intense aux vertus apéritives, sa forte saveur et la fermeté de sa pâte allaient conquérir le public, qui y vit une collation savoureuse autant qu· économique en ces temps difficiles où il dut surmonter de dures épreuves. Au fil du temps, cette recette allait s· enrichir d'ingrédients tels que les «eomuk», «ra men», «mandu» [sorte de raviolis coréens] et les œufs. Pour s'adapter aux goûts actuels, elle se décline désormais en plusieurs variantes que sont le «haemul tteokbokki» aux légumes et fruits de mer [«haemul»] tels que homard, crevettes, turbot et moules ou le «japchae tteokbokki» mêlant pâte de riz, vermicelle et légumes. Sous l'influence de la cuisine de fusion, de nouvelles recettes au fromage et au curry ont su séduire les jeunes et de futures créations sont prévisibles pour satisfaire les goûts aujourd'hui très changeants des Coréens. t.t

76 Koreana I Automne 2005


Le «tteokbokki» offre entre autres avantages celui de se marier aisément avec des aliments variés tels que les fruits de mer ou le curry, voire le fromage et sa version «fusionnelle» est considérée très «branchée» par les jeunes d'aujourd'hui.

«Tteokbokki» royal Ingrédients: pâte de riz, 50 grammes de viande, 2 champignons shiitake, 50 grammes de carottes, 1/4 concombre, 1/4 oignon, 1 œuf Sauce: sauce de soja (4 grandes cuillerées]. sucre (1 grande cuillerée]. poireau émincé (2 grandes cuillerées]. ail émincé (1 grande cuillerée]. graines de sésame (1 petite cuillerée]. huile de sésame (1 petite cuillerée]. poivre (1/2 petite cuillerée]

Préparation 1. Découper le cylindre de pâte de riz en morceaux de 4 centimètres et subdiviser en 4 dans le sens de la longueur. 2. Ebouillanter les morceaux de pâte de riz, rincer à l'eau froide et badigeonner d'huile de sésame. 3. Couper en fines tranches la viande, le concombre et l'oignon, dans le sens de la longueur. 4. Laisser tremper les champignons shiitake dans l'eau, retirer la racine, puis émincer dans le sens de la longueur. 5. Assaisonner viande et champignons avec la sauce de soja, le sucre, l'huile de sésa me, le poivre et les graines de sésame. 6. Préparer la sauce en mélangeant sauce de soja, sucre, poireau, ail, huile, graines de sésame et poivre. 7. Faire sauter dans une poêle la viande avec les champignons, les rondelles de pâte, les carottes, l'oignon et le concombre, ajouter la sauce, puis faire mijoter jusqu'à la cu isson complète des ingrédients.

8. Servir avec un œuf frit émincé.

«Tteokbokki» au concentré de piment rouge Ingrédients: gâteau de riz (200 grammes]. «eomuk» (40 grammes]. chou, poireau et autres légumes Bouillon : anchois (20 grammes]. varech (10 grammes]. 1 gousse de gingembre, 3 gousses d'ail, 4 verres d'eau Sauce: concentré de piment rouge (2 grandes cuillerées]. sucre (1 grande cuillerée]. sauce de soja (1 petite cuillerée] Préparation

1. Faire rapidement sauter les anchois pour réduire le goût de poisson. Ajouter varech, gingembre, ail et eau et faire bouillir pendant 20-30 minutes. Ecumer le bouillon. 2. Ebouillanter les morceaux de pâte de riz. 3. Couper les «eomuk» en bouchées. 4. Ajouter au bouillon la sauce au concentré de piment rouge, puis les rondelles de pâte et l'«eomuk», et faire mijoter à basse température. On pourra utiliser d'autres légumes à son gré.

Automne 2005 1 Koreana 77


REGARD EXTERIEUR

L

e phénomène est connu. Lorsqu'on vous demande vos premières impressions d'un pays que l'on découvre,

c'est surtout de soi que l'on parle. Comment pourrais-je échapper

à la règle, moi qui ne suis à Séoul que depuis 9

mois, dans l'enceinte protégée de l'ambassade de France? Sous couvert d'exotisme, c'est surtout de la France sous la Régence que traitaient les Lettres persanes. La Corée vaut bien qu'on se réfère à Montesquieu. Mes premières impressions vous paraîtront donc bien françaises. C'est par l'enfance que je suis rentré pour la première

<<Ma Corée>> : .,

prem1eres • • 1mpress1ons, • premiers

clichés

La Corée, j'en suis sûr, ne peut pas laisser indifférent et ne me laisse pas indifférent. On ne peut que l'aimer ou la détester, ou, mieux encore, les deux en même temps. N'en est-il pas de même pour la France ? Jean-Luc Maslin Conseiller Culturel à ['Ambassade de France et Directeur de l'Institut Français de Séoul

fois en Corée, en feuilletant un album de collages réalisé par mon père lorsqu'il était lui-même très jeune et qu'il collectionnait ces images que l'on trouvait autrefois dans les tablettes de chocolat. Dans la série des «peuples du monde», la vignette montrant des Coréens en habit immaculé et coiffés d'une sorte de haut-de-forme me fascinait particulièrement. Sa singularité était renforcée par les représentations de Chinois et de Japonais qui l'encadraient, bien plus familières à mes yeux.

À l'issue de cette première année d'expatriation, je crois pouvoir le dire : j'aime la Corée. J'aime la Corée parce que j'aime la France. Comme mon pays, la Corée est un pays de passion, d'engouement, de panache. Ici, on ne calcule pas, on ne se calfeutre pas, on se lance, on plonge sans hésiter, la tête la première. Vite, vite, "ppalli, ppalli" . Pour ma mission, promouvoir l'image de la France en Corée, intéresser les Coréens à la France, leur donner plus d'envie de France, c'est le rêve. Une coopération scientifique avec la France vous intéresse

?

Oui, répondent mes

partenaires coréens et nous le prouvons en millions de dollars. Cela donne l'Institut Pasteur de Corée, ouvert en

-

moins de deux ans et appelé à devenir. l'un des principaux centres de recherche en biotechnologies d'Asie. «Qui aime ne compte pas» dit un proverbe français. Les Coréens ne comptent pas. C'est ainsi dans tous les domaines et c· est ce qui rend passionnantes les perspectives de la coopération franco-coréenne, actuellement en plein essor, tant scientifique et technologique qu'artistique et culturelle. Les collaborations qui en résultent sont portées par un dynamisme et un développement économique qui forcent l'admiration et qui ont permis à la

78 Koreana I Autumne 2005


Corée de devenir en quelques décennies une grande puis-

un peu avec ces éternels changements d'avis, ce wlte de la

sance économique ainsi qu'un pays «à la mode», non

hiérarchie qu'on attribue un peu trop facilement au confucia-

seulement en Asie mais aussi en Europe et en France.

nisme et ces sempiternelles querelles locales. La plus petite

En France, il faut bien l'avouer, nous aimons

compagnie, la plus amicale association d'anciens étudiants,

l'emphase, le grandiose, le grandiloquent. À ce titre, les

la moindre organisation possède son président tout puis-

Coréens sont presque plus français que les Français. Ici,

sant, ses intrigues compliquées et ses ennem is mortels.

tout est gigantesque ou aspire à l'être : l'étendue de Séoul,

Plus qu'une perte de temps et d'énergie, quel obstacle au

la largeur des autoroutes, la longueur de ses embouteil-

talent et à l'innovation et quelle prime au conformisme

lages, les forêts d'«appate», les marbres d'lncheon airport.

1

On parle souvent de l'arrogance française et on n'a pas

Le sentiment est roi . Le Coréen parle fort, hurle, rit ou

tort du tout. Mais le Coréen n'a t-il pas également toujours rai-

chante à tue-tête. S'il aime, il adore, il adule. S'il n'aime

son, même quand il a tort? Si votre avis diffère, c'est que vous

pas, il hait, il manifeste, il brûle en effigie. Le cinéma coréen

ne comprenez pas, c·est à cause de la différence culturelle.

qui n'a pas mis 4 ans pour conquérir Paris déborde de ces

Et le téléphone portable : une chance ou une malédic-

excès. On y est follement heureux, monstrueusement mal-

tion pour la Corée? Très prochainement, j'imagine qu 'en

heureux et quand on y meurt, c·est forcément l'apocalypse.

France et dans le monde on ne dira plus «un portable»,

À New-York ou à Paris, une balle suffit pour abattre son

mais un «Samsl.mg». Et c'est tant mieux pour l'économie

adversaire. Sur les écrans coréens, il faut des rafales de

coréenne . Mais la vie en société, que va-t-elle devenir ?

mitraillettes, l'agonie dure 10 minutes et s'achève dans des

Tous les jeunes sont déjà contaminés et le mal gagne les

litres d'hémoglobine.

adultes, les entrepreneurs, les professeurs et les «adju-

On dit que les Coréens trouvaient les Français

mas». Pas de réunion amicale, professionnelle ou solen-

bavards. C'est possible : ils savent de quoi ils parlent. Y a-

nelle qui ne soit troublée par une sonnerie intempestive. Et

t-il plus beaux parleurs, plus ergoteurs, plus sentencieux

celui qui appelle est toujours beaucoup plus important que

qu'une bande d'amis coréens réunis autour d'un "soju", bien

vous. Le jour viendra-t-il où les collègues de bureau, les

à l'abri d'un "pojang matcha" ? Tout y passe, dans les cris,

parents avec leurs enfants ou les amants entre eux ne

les larmes et les rires : le monde contemporain, forcément

pourront se parler que par portable ?

cruel, les jeunes, évidemment sans respect, la corruption,

Je vais m'arrêter là . Mon message est clair, je pense.

tragiquement omniprésente et l 'amitié, seule valeur qui

La Corée, j'en suis sûr, ne peut pas laisser indifférent et ne

compte. En France aussi on aime bien ces «vérités de

me laisse pas indifférent. On ne peut que l'aimer ou la

comptoir», ces «conversations d'après boire». C'est en dis-

détester, ou, mieux encore, les deux en même temps. N'en

cutant, en débattant encore et toujours qu 'on arrive à la

est-il pas de même pour la Fran.c e?

démocratie. La Corée ne me dépayse pas.

Je suis très heureux d'être en Corée pour encore au

Très familier, aussi : ce goût de la bonne chère. Un

moins trois années supplémentaires qui me permettront

peuple qui aime tant boire et manger ne peut qu'être un

d'approfondir ma connaissance de ce pays passionnant et

peuple ami. Je ne dis pas qu'un bon vin, un fromage fait à

de ses habitants, sans à priori . D'ores et déjà, amis

cœur ou un civet de lièvre ne me manque pas de temps à

coréens, sincèrement, je crois que nous sommes frères. Et

autre. Mais je serais infiniment plus malheureux si, comme

nous le montrerons tout au long de l'an née prochaine au

dans certains pays, manger n'était qu'une nécessité physio-

cours de la célébration officielle du 12o•me anniversaire des

logique à satisfaire à coup de hamburgers, de sodas et de

relations entre nos deux pays, en y présentant une série

vaisselle en carton. En Corée, au moins, on sait bien vivre.

d'événements marquants qui compteront notamment

Donc, j'aime la Corée. Mais qui aime bien châtie bien et j'avouerai que, comme la France, la Corée, parfois, m'agace

plusieurs coproductions franco-coréennes de grande qualité. 111

Autumne 2005 1Koreana 79


VIE QUOTIDIENNE

Le quartier chinois d'lncheon

Un petit coin de Chine en Corée

En bordure de la Mer Jaune, la «petite Chine» du port d'lncheon accueille depuis plus d'un siècle toute une communauté et sa culture qui semblent y avoir été transplantées du continent. Kim Ok-lim Rédactrice occasionnelle Ahn Hong-beom Photographe

A

u matin du 18 septembre 1899, à 9h00

Par la suite, l ' octroi aux sujets de la

précises, retentissait un sifflement de

Dynastie Oing d'une partie de la ville où résider

train dans le Matin Calme coréen, marquant la

tout en jouissant de droits extraterritoriaux allait

mise en service d'une nouvelle liaison ferro-

accélérer l'afflux d'immigrants dans ce quartier

viaire reliant le quartier séoulien de Noryangjin

dénommé Seonrin-dong au mode de vie typi-

à Jemulpo, l'actuelle lncheon, et annonçant de

quement ch inois, qui deviendrait plus tard celui

manière insolite le début des temps modernes.

que nous connaissons aujourd'hui. Faisant face à la gare et suffisamment proche d'elle pour s'y

Implantation chinoise en Corée En cette fin de XIX· siècle, l'avènement de

rendre rapidement à pied depuis les quais, il est aujourd ' hui de dimensions modestes et

la modernisation coréenne se traduisit par la

présente les signes d'un déclin qui s'est accru

création d'un réseau ferré dont le tronçon occi-

au fil du temps même s'il est concevable qu'il

dental s'étendait de Séoul à lncheon. Celle-ci

connut un temps l 'opulence. Cent vingt ans

compta longtemps parmi les villes portuaires

après sa création, quelque cinq cents Sino-

les plus prospères et dynamiques du pays,

Coréens de deu xième et troisième générations

abritant une activité sans commune mesure

y demeurent encore.

avec celle d'aujourd'hui . Elle constitua par

Aux confins de la place de la gare débute

ailleurs une passerelle avec le monde occiden-

une rue sur laquelle se dresse une magnifique

tal puisqu'elle fut en 1883 le troisième port

porte traditionnelle de style chinois dite

coréen à s'ouvrir aux échanges extérieurs qui

«pailou» ou «paeru» en coréen . Composée de

se développèrent dans un premier temps avec

quatre piliers rouges et d'un toit multicolore

la Chine et le Japon, des ressortissants de ce

s'élevant à onze mètres de hauteur sur dix-sept

premier pays commençant alors à s'établir

de large, elle porte l'inscription «junghwaga »,

dans la ville .

c· est-à-dire avenue chinoise et représente non

80 Koreana I Automne 2005



seulement le symbole du quartier, mais aussi un lien spirituel rattachant la diaspora chinoise au continent. C'est la ville de Weihai située dans la province de Shandong qui fit don de la construction d'origine située devant la gare en commémoration de son jumelage avec l'arrondissement de Jung-gu, ce qui constitue à ma connaissance le premier cas d'une telle donation par une collectivité locale ou par l'Etat

1 L'école de Jungsan, unique lycée-collège chinois d'lncheon. 2 Portrait de Guan Yu (?-219). illustre général du Royaume de Shu. 3 Femme vêtue d'une robe traditionnelle chinoise. Les restaurants chinois s'alignent sur toute la rue.

chinois sans exiger de contrepartie financière et témoigne d'étroites relations bilatérales à l'échelle nationale et locale. Le quartier chinois se flatte de posséder deux autres «pailou» placés l'un, devant le Centre culturel sinocoréen et l 'autre, à l'entrée du Parc de la Liberté par lequel on peut accéder à cette partie de la ville. Les documents d'archives attestent de l'apparition en 1884 d'un quartier chinois peuplé pour l'essentiel de nouveaux arrivants originaires du Shandong, ainsi que d'autres provinces telles que celles d'Hebei, Jiangsu, Fujian et Guangdongsheng . La plÜpart d'entre eux s'adonnaient au commerce de denrées alimentaires, notamment du sel et des céréales \

importés de Chine à l'intention des Coréens, auxquels ils achetaient des paillettes d'or pour les revendre, afin d'élargir leurs activités, aux marchands de leur pays. La Guerre sino-japonaise qui éclata en juillet 1937 et dans laquelle fut plongé le continent entier allait cependant donner un coup d'arrêt à ce négoce, contraignant une partie de la population chinoise à partir pour Taïwan, les États-Unis ou l'Asie du Sud-Est, le restant . devant adopter des métiers tels que restaura-


L'intensification des échanges sino-coréens qui s'est amorcée voilà quelques années contribue dans une large mesure au regain d'activité du quartier chinois dïncheon. Il convient alors de s'interroger sur le rôle que jouera désormais sa communauté dans les relations bilatérales après s'être trouvée au cœur de celles-ci pendant près de cent vingt ans.

teur, épicier ou débardeur pour assurer sa subsistance. La première génération des Chinois qui se fixèrent en Corée demeurait très attachée à ses traditions tout en subvenant à ses besoins par les activités qu· elle menait à

les restaurants les plus luxueux jusque dans les années 1960 pour devenir par la suite le plat favori des jeunes et moins jeunes mangeant en famille au restaurant. Pour autant, nul ne sait quand et par qui en fut créée

lncheon. Quand venait le premier mois du calendrier

la recette, si ce n'est que le restaurant Gonghwachun qui

lunaire, le quartier s'animait des festivités du Nouvel An et,

ouvrit ses portes en 1905 fut le premier à en offrir à son

au quinzième jour, de celles de la première pleine lune.

menu et le succès croissant qu'il remportait encouragea

Alors, on inscrivait ses vœux de bonheur et chance sur des

l'ouverture d'autres établissements dans le quartier qui

morceaux de papier rouge que l'on accrochait à la maison,

attira dorénavant les gourmets de Séoul et des environs en

on illuminait les rues de lanternes aux couleurs vives et au

quête de gastronomie chinoise. Le Gonghwachun ayant

coucher du soleil, on suspendait des pétards par centaines

malheureusement fermé en 1981, l'authentique saveur

à de hauts mâts à la grande joie des passants, autant de

des «jajangmyeon» s· en est allée avec lui et seul subsiste

pittoresques coutumes qui pour la plupart appartiennent

un immeuble désaffecté et silencieux évocateur de splen-

aujourd'hui au passé. En vue de développer la vocation

deurs passées. Désireux de conserver son héritage, un

touristique du quartier, la Ville dïncheon prévoit d'assurer

groupements·est constitué en octobre 2003 pour ouvrir en

des liaisons entre l'aéroport international dïncheon, le

franchise la soèiété de Gonghwachun et se consacrer à la

Parc de la Liberté et la rue de la Culture de l'île de

renaissance de cet établissement qui servit longtemps de

Weolmido, nombre d'immeubles vétustes étant

lieu de ralliement à la communauté chinoise de Corée.

aujourd'hui en cours de rénovation ou de reconstruction

Situé non loin de l'ancien Gonghwachun et lui aussi

aux fins de ce projet.

spécialisé dans la cuisine traditionnelle chinoise, le

Lieu de gastronomie et berceau des «jajangmyeon»

générations un établissement familial qui attire une

Daechangbanjeom est depuis les trois dernières L'évocation du quartier chinois dïncheon ne saurait en omettre la cuisine et le premier mot qui vient à l'esprit

clientèle d'habitués tant chinois que coréens par l'authenticité de ses préparations et son agréable ambiance.

d'un Coréen à ce propos est celui de «jajangmyeon». S'il est naturel que ce dernier y ait vu le jour, on notera qu'il

Héritage culturel

s'agit en réalité d'une recette chinoise adaptée au goût

En remontant la venelle de Daechangbanjeom, vous

coréen et dont l 'appellation d'origine était «chaojiang-

trouverez à sa gauche le lycée-collège de Jungsan, unique

mian» désignant des nouilles à la sauce de soja noire ou

en son genre à lncheon et dont le bâtiment, qui abritait à

«chunjang» laquelle se compose de pâte de soja fermentée

l'origine le Consulat de la Dynastie Qing, fut affecté à la

selon un procédé chinois et mélangée à de la farine .

scolarisation des enfants chinois en 1934. Bien que rénové

Pour mieu x flatter les palais coréens, les Chinois

à plusieurs reprises, il présente encore des particularités

dïncheon allaient toutefois modifier cette préparation en

de l'architecture traditionnelle chinoise et le charmant

l'agrémentant de légumes et viande mêlés à la sauce de

babil de ses élèves s'exprimant aussi bien en chinois qu'en

soja. Aujourd'hui extrêmement répandues et d'un prix

coréen témoigne de l'harmonie naturelle existant entre les

abordable, les «jajangmyeon» n· étaient proposées que par

peuples et cultures des deu x pays. Automne 2005 1Koreana 83


-----·-

-

. -- -- - -

cette lointaine époque où il était flanqué de construct ions chinoises à sa gauche et japonaises à sa droite. Au bas de ses marches se dresse la statue de Confucius, dont le peuple chinois ne cessa d'observer les enseignements tout en vivant sur · un sol étranger, ce qui laisse au visiteur un profond sentiment d'admiration en quittant les lieux. Gravissant à nouveau les degrés, il découvre à leur sommet une unique rue, dite «Samgukji Geori» ou «Sanguo Yanyi», et les soixante-dix-sept scènes extraites du célèbre roman historique chinois Sanguo Yanyi [roman des Trois Royaumes]. qui en ornent de part et d'autre les murs. C'est en novembre 2004 que les autorités de l'arrondissement de Jung-gu aménagèrent cette voie pour symboliser l'amitié coréano-chinoise car la renommée du

Sanguo Yanyi se perpétua longtemps dans les 1 Premier restaurant dïncheon à avoir proposé du «jajangmyeon» à son menu, Gonghwachun attirait de nombreux clients jusqu 'à sa fermeture en 1981. 2 Le Centre culturel sino-coréen du quartier chinois d'lncheon témoigne de l'action engagée pour renforcer les échanges culturels entre les deux pays.

deux pays , ce qui explique peut-être que ces peintures murales suscitent un sentiment aussi familier. Cette œuvr e avait ainsi .jeté un pont entre les deux pays et leurs peuples que des échanges cultu r els toujours plus variés et

En s· éloignant du deuxième «pailou» pour se diriger vers le Parc de la Liberté, on aperçoit

rapprocher.

le « Cheong-il Jogyeji Gyeonggye Gyedan»,

Des renseignements supplémentaires sur

escalier délimitant la zone chinoise des Qing et

le quartier chinois d'lncheon sont disponibles

celle des Japonais . Après la venue de ces

sur son site internet à l'adresse www.ichina

derniers dans le quartier, en 1883, date à la-

town.or.kr, ainsi que sur celui de l'arrondisse-

quelle les premiers commencèrent aussi à s'y

ment de Jung-gu de la ville d'lncheon

installer, il allait servir de démarcation entre les

[www.icjg.or.kr]. ou encore en téléphonant au

deux communautés, à partir de 1884, et si seuls

Centre culturel sino-co r éen [+82-32] 760-

de rares vestiges en demeurent aujourd'hui, on

7860-5].

peut aisément imaginer des scènes de la vie de 84 Ko reana I Automne 2005

dynamiques continueront sans nul doute de

1..11



CRITIQUE

agédie humaine Hwang Do-kyung Critique littéraire

N

ée en 1947, c'est en 1968 qu·o Chang-hui fait son

images et atmosphères sensorielles.

entrée en littérature avec une première nouvelle

L'expression raffinée et l'imagerie sen-

intitulée La femme du magasin de jouets, qui obtiendra la

suelle par lesquelles prennent forme ces concepts sont

plus haute distinction dans un concours destiné à promou-

appréciés à leur juste valeur. En nous plongeant malgré

voir les jeunes talents à l'initiative du quotidien JoongAng

nous dans l'abîme existentiel, en nous communiquant la

/Ibo. Alors modeste étudiante de l'Université Sorabol,

«terrible sublimité» et cet «amour à glacer le sang», une

l'actuelle Chung-Ang, elle allait produire par la suite

puissante description s'impose par le texte, rapportée aux

nombre d'œuvres majeures, dont Rivière de feu, Jardin

événements et pensées de tous les jours. Les œuvres des

d'enfance, Feux d'artifice, Le vieux puits et la présente

débuts recourent au x métaphores de l'eau, du feu, des

nouvelle, Jeux nocturnes, qui lui vaudra de se voir

cadavres en décomposition de chats et de chiens, de per-

décerner le Pri x !sang en 1979, ainsi que Le miroir de

version sexuelle et de la déformation du corps dans la

bronze, récompensé en 1982 par le Prix Dong in.

représentation symbolique des déviances du désir, d'un

Son œuvre oppose vie et mort, ombre et

instinct de mort profondément ancré et de l'altération de

lumière, pour révéler la tragédie humaine qui leur est

la réalité. Dans la littérature coréenne, cette production à

sous-jacente. Elle se singularise par la contemplation d'un

ainsi valeur de référence en matière de signification du

obscur univers humain échappant à toute analyse

langage et de sensualité de l'écrit.

rationnelle. L'auteur juge l'Homme incapable de toute

La narration se compose d'incessantes

explication, prédiction ou planification de sa propre exis-

allées et venues entre une vie quotidienne soumise au

tence, laquelle se résume à une longue succession

poids des contraintes et obligations, de l'ennui et de la las-

d'actes, incidents et sentiments entremêlés et

situde, d'une part, et de l'autre, les soudains emporte-

interdépendants, de sorte qu'il est en mesure de

ments de l'angoisse, de la peur et de l'obscurité s'infiltrant

l'appréhender non sous forme de faits donnés et intelligi-

dans les fissures du réel. La condition de femme qui est

bles, mais confusément, par le jeu de sentiments com-

celle de l'auteur nous livre une importante clé pour la

plexes et subtils, de vagues réminiscences et de reliquats

compréhension de te xtes qui traitent de l'inhérente

sensoriels présents dans son organisme. Ainsi ses romans

dimension tragique de la vie humaine à travers le para-

et nouvelles n'évoquent-ils pas seulement des

doxe de la futilité et de la mort projetées telles des ombres

événements et anecdotes particuliers , mais aussi des

sur notre vie quotidienne, parce que les femmes y font fi-

86 Koreana I Automne 2005


gure d'individus vivant ce drame de manière plus tran-

centre de prière, un frère fugueur, la débauche d'un père

scendantale. Les héroïnes campées par O Chang-hui dans

antérieurement à ces événements et la mésentente conju-

ses romans et nouvelles représentent l'essence même de

gale. Autant d'éléments concourant à une mise en scène

la cellule familiale et leur existence concrète, ces ombres

fausse et perverse, à l'image de ce jeu aux cartes déjà con-

de futilité et de mort indissociables de toute vie humaine.

nues. Exaspéré par cette mystification, l'aîné quitte le

Pour l'auteur, c·est la femme qui fait l'expérience la plus

domicile tandis que la cadette continue de s·y prêter

concrète des mystères et tragédies de la vie puisque de

moyennant des rencontres nocturnes avec un étranger

son ventre est conçue et donnée celle-ci, de cet espace

auquel elle se donne pour de l'argent, telle une prostituée,

occulte où commencent et finissent l'existence, et elle

dans un logement en construction . Ce faisant, elle accom-

incarne de ce fait tout à la fois plaisir et douleur, vie et

plit tout à la fois une tentative d'évasion d'un foyer où

mort, souffrance et maturité.

règne l'hypocrisie et une révolte contre un quotidien cloîtré

Dans Jeux nocturnes, le personnage prin-

derrière le mur du silence. Néanmoins, ces escapades ont

cipal vit en compagnie de son père et, chaque soir après

pour seule issue le retour au domicile familial où le père

dîner, joue avec lui aux cartes. S'il s'agit donc à première

tire éternellement les cartes pour savoir ce que demain lui

vue du récit d'un jour comme les autres, les scènes les

réserve et où tous deux reprendront inexorablement leurs

plus marquantes sont celles qui révèlent l'envers du décor

parties dès la nuit suivante.

par le biais de la pénombre ambiante, des propos acerbes

Le récit nous renvoie à nos vies s'écoulant

des protagonistes, de leurs interminables parties malgré

dans l'ignorance de la folie, de la mort et de l'acceptation

leur connaissance du dessous des cartes, des pleurs

de la violence, idée que véhicule plus fortement la symbo-

incessants d'un enfant à l'étage au-dessus et des

lique féminine. Aussi se conclut-il sur les rires et soupirs

berceuses de sa mère, des jeunes pensionnaires de la

de la protagoniste qui, en relevant sa jupe à so ri retour,

maison de correction entrevus à la fenêtre de la cuisine et

exprime l'amour de la vie dans un contexte sensuel et dont

de l'incendie d'un orphelinat.

le corps, tout comme celui de sa mère, dévoile le sens pro-

Le jeu sans cesse recommencé symbolise

fond de l'existence, incarnant ses drames sous-jacents et

le quotidien sous lequel gisent profondément enfouies des

son déroulement cyclique. Bien au-delà de la seule ques-

scènes de mort et de violence telles qu'un décès infantile,

tion féminine, Jeux nocturnes touche ainsi au plus profond

une mère frappée et emmenée contre son gré dans un

de ces thèmes fondamentaux. i.t

Automne 2005 1Koreana 87


Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger

The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

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La Fondation de Corée offre des aides financières à des universités, instituts de recherche, bibliothèques et particuliers étrangers pour soutenir les efforts qu'ils consacrent à l'étude de thèmes sur la Corée dans le domaine des sciences humaines et sociales ou dans celui de l'art. Nous vous invitons à vous référer aux programmes suivants et vous à adresser au service concerné de la Fondation : Service des études coréennes

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@ Bourses pour les cours de langue coréenne. @ Bourses pour la recherche de haut niveau. @ Bourses pour les études de 2ème et 3ème cycles.

documents de référence.

@ Envois sur demande. Tél : 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Mél : publication@kf.or.kr

@ Programmes d'aide à la publication. @ Aides à la constitution de matériel pédagogique. Tél: 82-2-3463-5614 Fax: 82-2-3463-6075 Mél : fellow@kf.or.kr

Pour toute demande concernant nos· programmes d'aide ou pour de plus amples informations, merci de contacter les sections concernées ou de visiter le site web de la fondation : www.kf.or.kr

Période de réception des demandes Intitulés des services rendus

Périodes durant lesquelles toute demande doit être faite

Service à contacter

- Aides en faveur des études coréennes. - Aides en faveur des instituts de recherche.

A partir du 31 juillet de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu. A partir du 30 septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu.

Service des subventions pour les études coréennes Tél : 82-2-3463-5612 Fax : 82-2-3463-6025 Mél : studies@kf.or.kr

- Bourses pour la recherche en Corée. - Bourses pour les cours de langue coréenne. - Bourses post-doctorales. - Bourses pour la recherche de haut niveau. - Bourses pour les études de 2ème et de 3ème cycles. - Programmes d'aide à la publication - Aides à la constitution de matériel pédagogique.

A partir du 31 juillet de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu. Jusqu'au 15 janvier de l'année au cours de laquelle le projet est prévu. Jusqu'au 31 janvier de l'année au cours de laquelle le projet est prévu Demander directement. Jusqu'aux 31 mars et 30 septembre de l'année concernée. Jusqu'aux 31 mars et 30 septembre de l'année concernée

Service des bourses Tél: 82-2-3463-5614 Fax : 82-2-3463-6075 Mél : fellow@kf.or.kr Les formulaires de demande accompagnés des informations nécessaires sont disponibles en ligne sur internet. Les demandes sont étudiées 2 fois par an pour les aides à la publication et à la constitution de matériel pédagogique.

- Distribution régulière de documents de référence. - Envois sur demande.

Les documents sont remis à jour pour chaque 31 juillet. Tout au long de l'année.

Service des médias Tél : 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Mél : publication@kf.or.kr Formulaires disponibles en ligne.


posco We move the world in silence

www.posco.com

Fireworks Festivals

We sponsor one of Korea 1s largest light and sound extravaganzas each June in Pahang

Campus Concerts We sponsor concerts by Nanse Gum and the Euro-Asian Philharmonie Orchestra at major universities

Art Exhibitions

We showcase contemporary works at the POSCO Center Museum and Pahang Works Gallery

Monthly Concerts We invite top artists from all genres to perform at POSCO Center in Seoul


Ill. Korea has realized its long-cherished dream of becoming a petroleum producer! Forty years of exploration have at last led to Korea achieving oil-producing-country status. By our own efforts, our own technology and our own investment finally we have succeeded in realizing our dream to join the ranks of the oil producing nations. Now, we launch ourselves boldly towards our next goalto become an energy independent country. •

Korea National Oil Corporation


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