Koreana Winter 2005 (French)

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BEAUTÉS DE CORÉE

Le<< hwaro

>>

ou brasero

vant que la Corée ne se modernise, chacun

ce foyer. Tandis que grand-père y allumait ses cigarettes,

possédait à la maison son petit soleil à soi qu· était le

elle posait sur les charbons ardents le petit fer à repasser

« hwaro » remplaçant l'allumette ou le briquet pour

qui défripait cols et vêtements.

allumer un feu, mais aussi l'appareil de chauffage pour

Par les nuits d'hiver enneigées, l'aïeule y fa isait cuire

répandre la chaleur dans la maison . Cet article d'usage

châtaignes et patates douces en contant des histoires

courant dans les foyers rurau x répondait donc à des

d'autrefois à ses chers petits-enfants et en oubliant

besoins quotidiens tout en contribuant au confort du logis

l'obscurité qui se faisait plus épaisse. Dans les années

et en renforçant les liens familiaux.

1970, le brasero allait tomber en désuétude à l'apparition

À la première heure, la maîtresse de maison rassem-

du radiateur électrique et des installations de chauffage

blait la braise de l'âtre en l'additionnant de charbon incan-

modernes, mais il nous laisse le précieux souvenir de la

descent et de cendre du brasero afin qu'à leur retour du

chaleur bienfaisante et de l'intimité qu'il procurait lors de

travail, tous puissent trouver chaleur et détente autour de

maintes soirées hivernales. 1.11


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol . 6,

N ° 4 Hiver 2005

Le Musée nationa de Corée 8

Dispositif de gestion des musées nationaux coréens 1

12

Hwang Pyeong-woo

Aspects du nouveau Musée national de Corée 1 Yang Hee-kyung

16

Aux racines de l'architecture coréenne 1

J.S. Jahn

Koreana sur Internet http,//www.koreana.or.kr © Fondation de Corée 2005 Tous droits réservés. Toute r eproduction

24

Salles d'exposition et collections du nouveau Musée national de Corée 1 Kim Young-Won

intégrale. ou partielle, faite par quelq ue procédé que ce soit sans le consentement

de la Fondation de Corée, est illicite . Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflèten t pas nécessairement

celles des éditeurs de Koreana ou de la

Fondation de Corée. Koreana , revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du

Tourisme (Autorisa tion n° Ba-1033 du 8 août 19871. est aussi publ iée en chinois, anglais.

espagnol, arabe et russe.


30

DOSSIER

Dernières funérailles royales en Corée 1

34

Lee Kwang-pyo

ENTRETIEN Bae Bien-u

Photographe de l'âme et de l'esprit coréens 1

Couverture: Le Musée nationa l de Corée qui

Jin Dong-sun

ouvrait ses portes le 28 octobre dernier au lerme d·un chantier de dix ans va en fin

40

accomplir sa vocation de grand centre de culture et d'histoire évoquant le passé dans la pe rspec tive de l'époque contemporaine et à venir. Photographie: Ahn Hong-beom

ARTISAN Jung Jeong-whan

Quand fil et aiguille font des merveilles 1

46

Choi Tae-won

CHEFS-D' ŒUVRE

Deux encensoirs en céladon d'époque Goryeo 50

I

Jeon Seung-chang

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Rencontres mondiales des lettres en Corée 1

54

Kim Kwang-il

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE Les« angbuilgwi »et « jagyeongnu »

Prodigieux compteurs du temps joseonien 60

Publication trimestrielle de la Fonda tion de Corée 1376- 1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud

I Nam Moon-hyon

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Park You ng-seok

Premier vainqueur du« grand chelem» mondial de l'alpinisme 1

ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Kim Hyeh-won

REDACTRICE EN CHEF Choi Jung-wha DIRECTEUR ARTISTI QUE Choi Seong-su DESI GNER Hwang Oong-seok RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Chung Bo-young, Park Ok-soon COMITÉ DE RÉDACTION Cho, Joon-sik Han Kyung-koo, Han Myung-hee,

Han Peel-seok

Kim Hwa-young, Kim Moon-hwan.

Kim Young-na, Rhee Jin-bae

64

ESCAPADE Pyeongchang

Terre d'élection des sports d'hiver 72

I Chun Hui-jung

Elisabeth Chabanol

Hongik, un quartier universitaire en rupture avec la monotonie 83

Abon nement et corresponda nce : ÉTATS-UNIS ET CANADA

Yeong & Yeong Book Company 1368 Michelle Drive St. Paul, MN 55123- 1459 États-Unis Tél , 1-651-454-1358 Fax , 1-651-454-3519

VIE QUOTIDIENNE

1

ABONNEMENTS Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons Asie [par avion) 33 USD, autres régions (par avion ) 37 USD Prix du numéro en

Corée 4 500 wons

REGARD EXTERIEUR

« Seolla l 2003 » 78

YiGyeom

CUISINE Le« japchae »

Vermicelle sauté aux légumes 76

I

Lee Yeon-a

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

Son Chang-sop Ombres d'après-guerre I Song Ha-choon Rêve S éva nOU iS I Traduction : Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas

AUTRES PAYS DONT CORÉE La Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu. Séoul 137-863 Corée du Sud Tél, 82-2-3463-5684 Fax, 82 -2-3463-6086 PUBLICITÉ AD-Front 1588-8 Seocho-dong, Seocho-gu, Séoul Tél , 82-2-588-6016 Fax, 82-2-2057-0509 CONCEPTI ON ET MISE EN PAGE Kim's Communication Associates

118 Jangchung-dong 1-ga, Jung-gu, Séoul Té l , 82-2-2278-0202 Fax , 82-2-2278-2384

IMPRIMÉ EN HIVE R 2005 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34, Seongsu-dong 2-ga. Seongdong-gu. Séoul Tél 82-2-468-0361 / 5




La Corée compte aujourd'hui, répartis sur l'ensemble du

Il Il

national, aussi appelé Musée central, dont les collections

territoire, onze musées nationaux gravitant autour du

allaient être déplacées pas moins de six fois, un fait peu

Musée national de Corée situé à Séoul, un établissement

commun pour un établissement de ce type. À cet égard, il

d'avant-garde en matière de conservation de l'héritage

est heureux que son personnel ait possédé un haut niveau

culturel et de promotion de sa politique. Nous nous

d'expérience dans l'emballage et le transport d'œuvres cul-

intéressons ici

turelles et artistiques d'une valeur inestimable.

à la gestion qui y est mise en œuvre.

Hwang Pyeong-woo Directeur de l'Institut coréen de recherche sur la poli-

tique de l'hé ritage culturel

P

On ne saurait en conclure pour autant que l'Etat ne disposait jusqu'alors d'aucune politique d'aménagement et d'entretien d'un musée national. Sur une péninsule souvent

ar le passé, l'histoire et la culture coréennes n'ont

comparée à un gigantesque trésor archéologique aux ves-

pas bénéficié dans le monde d'une présentation aussi

tiges, parfois de cinq mille ans d'âge, répandus au gré de sa

valorisante que celles d'autres pays d'Asie. La raison en est,

géographie, ils· est attaché à doter individuellement chaque

pour la première, la désinformation dont s'accompagnèrent

grande région, d ' où la présence aujourd'hui de onze

les multiples invasions infligées au pays, depuis des temps

établissements d'envergure nationale destinés à la conser-

anciens jusqu'à l'époque contemporaine, par des voisins

vation et à l'exposition des artéfacts culturels mis au jour

tels que la Chine, la Mongolie et le Japon et aggravée par la

localement. À cela s'ajoutent un musée national où sont

passivité dans laquelle se cantonnèrent longtemps ses

conservés et exposés les objets provenant des palais royau x

dirigeants à cet égard. Par la suite, les Coréens allaient

et un musée maritime qu'est chargée de gérer l'Administra-

acquérir une conscience plus aiguë de leur histoire

tion nationale de l'héritage culturel.

nationale suite aux ravages perpétrés par le Japon

L 'appellation des onze premiers se compose du

impérialiste qui se livra notamment à un pillage

toponyme de la région correspondante associé au terme

systématique du patrimoine culturel. Lors même que le

« musée national » qui ne fait que conférer plus d'autorité

pays accédait à l'indépendance, en 1945, au terme de pas

aux installations tout en flattant l'amour-propre régional.

moins de trente-six ans de colonisation, allait survenir la

Tous de construction récente, les bâtiments mettent en

Guerre de Corée et ses trois années de violents combats

œuvre les techniques les plus avancées et font ressortir les

[1950-1953] qui mirent encore une fois le patrimoine

spécificités régionales et ce faisant, fournissent un panora-

culturel en grand danger d'être endommagé, voire

ma de l'histoire architecturale coréenne .

irrémédiablement perdu. Pour une gestion centralisée Onze musées nationaux répartis sur autant de régions

Eléments constitutifs d'un réseau national, les musées

Si la Corée a mené une action constante de sauvegarde

régionaux n'en présentent pas moins leurs particularités,

de ses trésors culturels en dépit de ces terribles épreuves,

notamment par une thématique culturelle et historique

ce n·est qu· en 1997 que les pouvoirs publics ont entrepris

spécifique. Si leur gestion dans le cadre d'un dispositif cen-

d'implanter le musée national dans un nouvel espace .

tralisé placé sous la responsabilité d'un établissement situé

Longtemps après son accession à l'indépendance, qui la

à Séoul peut sembler d'une opportunité contestable, ce

libéra de l'occupant japonais, la Corée fut dans l'impossi-

choix encourage la multiplication des échanges et exposi-

bilité d'installer une fois pour toutes à Séoul son Musée

tions au niveau interrégional et contribue à une meilleure

8 Korea na I Hive r 2005


circulation de l'information . Echanges de personnel et mesures d'affectation itinérante s'avèrent également très avantageux dans le domaine de l'archéologie et de l'histoire de l'art, dont les spécialistes recherchent constamment de nouveaux défis favorisant l'évolution de leur carrière. En matière de ressources humaines, cette interaction favorise en outre la mise en commun du savoir-faire technique relatif à la conservation scientifique. Pour ce qui est des expositions et programmes éducatifs, tout musée régional peut grâce à ce dispositif faire rapidement bénéficier les autres des projets d'exposition temporaire ou de vulgarisation qu'il élabore . Chacun dispose en outre d'un budget propre pour ses frais d'exploitation , un financement complémentaire pouvant intervenir pour mieux soutenir l'organisation de manifes tations exigeant des ressources financières et humaines supplémentaires. La

particularité

la

plus

intéressante du dispositif de gestion des ressources culturelles coréennes est la participation directe de l'Etat à la mise au jour et à la préservation des vestiges archéologiques, ainsi que le contrôle qu'il exerce tout au long de ce processus, jusqu'à leur transport dans le musée qui leur est affecté en vue Cérémonie d'inauguration du Musée national de Corée dans le hall« Rotunda

»,

le 28 octobre 2005.

d'y être inventoriés, conservés, étudiés et exposés. Hiver 2005 1Koreana 9


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Musée national de Jinju

10 Koreana I Hiver 2005


Le Musée national de Corée constitue un foyer d'activités

Ce nouveau musée s'installera dans l'arrondissement

éducatives et culturelles outre qu'il abrite des collections

de Yongsan longtemps mal aimé de la population pour avoir

d'artéfacts et reliques relatifs

à l'histoire et à la culture

accueilli le quartier général des forces armées de puis-

coréennes. Sa délimitation en zones fonctionnelles

sances étrangères, en l 'occurrence la Chine, le Japon et

consacrées aux expositions et

plus récemment les États-Unis.

à la formation figure parmi

ses points forts.

Situé en plein centre-ville , non loin du fleuve Hangang et de la trouée verte du Mont Namsan, Yongsan est délimité, sur la rive nord , par les cinq grands palais de la Dynastie

Des musées de renommée mondiale se sont vu vive-

Joseon et le Mémorial de Guerre, et au sud , par la

ment reprocher de s 'être exclusivement consacrés à

Bibliothèque nationale et le Centre des arts de Séoul. Après

l'acquisition de dons et à la collecte de fonds au détriment

la réunification, il remplira pleinement sa vocation de foyer

de la sauvegarde et de l'exposition d' œuvres culturelles et

de culture du peuple coréen, et ce, d'autant mieux en raison

artistiques, qui sont leur raison d'être. Conscients du rôle

de la facilité d'accès par le métro ou l'autobus qu'autorise

crucial du réseau des musées nationaux, les pouvoirs

sa situation dans le Parc familial du même nom, les terrains

publics coréens pourvoient entièrement à ses besoins

avoisinants devant être restitués à l'Etat coréen lors du

budgétaires, ce qui permet notamment aux musées et à

retrait des troupes américaines conformément au plan de

leur personnel de s'acquitter pleinement de leur tâche

délocalisation récemment adopté et dotant le musée d'un

première, qui est l'organisation d'expositions et la réalisa-

emplacement idéal.

tion de recherches y afférant.

Edifié sur un site de 307 227 mètres carrés, le nouveau Musée national de Corée possédera une superficie totale de

Un nouveau foyer de culture

137 089 m 2 qui en fera le sixième musée au monde. La

Le nouveau Musée National de Corée inauguré le 28

délimitation fonctionnelle des salles d'exposition et des

octobre dernier se classe au sixième rang mondial par son

installations éducatives destinées au grand public constitue

envergure et il est appelé à constituer un important lieu cul-

l'un des principaux atouts de ce nouvel établissément. En

turel assurant la pérennité de l'histoire millénaire de la

dépit du dimensionnement de ce complexe, il sera facile de

Corée et des racines de son peuple à l'aube d'une éventuelle

s'y déplacer entre les zones est et ouest respectivement

réunification de la péninsule.

consacrées aux espaces d'exposition d'une part, et aux ser-

Il bénéficiera des toutes dernières techniques d'exposi-

vices administratifs et installations publiques [bibliothèque,

tion pour permettre une meilleure compréhension des

musée pour enfants, installations éducatives et théâtre].

pièces présentées aux visiteurs et proposera différents pro-

d'autre part.

grammes éducatifs à l'intention du grand public tout en

Après avoir accueilli en 2004 le Conseil international

garantissant la réalisation d'études approfondies par ses

des Musées [ICOM] qui se déroulait pour la première fois en

chercheurs. L'ancien musée renaîtra ainsi sous forme d'un

Asie, la Corée disposera désormais, grâce à la création du

complexe culturel et éducatif proposant des découvertes

nouveau musée de Yongsan, d'un établissement d'enver-

exceptionnelles en matière d'histoire et de culture

gure nationale qui sera à la mesure de sa situation excep-

coréennes, sans limitation d'espace ni de temps, tout en

tionnelle sur le plan culturel et qu'elle pourra être fière de

favorisant l'enrichissement spirituel et la créativité.

présenter au monde entier.

L.!11

Hiver 2005 1 Koreana 11



Aspects du nouveau Musée national de Corée


L

e nouveau Musée national de Corée qui vient d'ouvrir

turelle coréenne.

ses portes non loin du parc familial de Yongsan se

Enfin, le Musée sera pourvu de quatre boutiques pro-

caractérise, contrairement à son prédécesseur qu'abritait

posant toute une gamme d'articles spécifiques à caractère

un bâtiment datant de l'occupation japonaise, par la mise en

culturel conçus comme produits à valeur ajoutée faisant

œuvre de ressources exclusivement coréennes dans sa

entrer dans la vie quotidienne les vestiges et représenta-

conception et sa construction. Il fait également appel à des

tions anciennes exposés au Musée. Entité indépendante, la

méthodes d'exposition nouvelles et joue le rôle de centre

Fondation culturelle du Musée national a été créée l'année

culturel où le public pourra visiter des expositions

dernière pour assurer la surveillance des installations à but

extrêmement variées, mais aussi assister à des

lucratif telles que théâtres, boutiques et restaurants.

représentations artistiques. Technologies de l'information: l'état de l'art Un authentique centre d'art et de culture

Le nouveau musée met en œuvre les technologies de

Les fonctions du nouveau musée s'étendent bien au-

l'information les plus avancées qui conviennent tout autant à

delà de celles, essentiellement rétrospectives, de conserva-

son important dimensionnement qu'à la place de premier

tion et d'exposition des reliques culturelles pour offrir un

plan qu'occupe aujourd'hui la Corée dans ce secteur. Ainsi ,

espace où les visiteurs font l'acquisition de connaissances

le couloir dit « Chemin de l'Histoire » relie le hall« Rotunda »

par une découverte active. Outre de nouvelles expositions, il

aux galeries entre des murs à inserts de verre et sous un

met à leur disposition tout un ensemble d'installations à

plafond aux dispositifs d'éclairage des plus récents. Des

caractère éducatif telles que salles de séminaire et de

détecteurs de haute technologie suivent automatiquement

conférence, théâtres et bibliothèques. Il comporte égale-

la course du soleil, à tout moment de la journée et en toute

ment un auditorium de 870 places proposant pièces de

saison, afin d'optimiser le rayonnement reçu pour assurer

théâtre et spectacles divers.

un éclairement intérieur naturel.

Cette salle du « Yong » [dragon) offrira une program-

Sur le plan architectural, la construction sismique du

mation de haute qualité dans des répertoires tant coréens

Musée est conçue pour assurer sa résistance à des trem-

qu'étrangers comportant ballets, musique classique, danse

blements de terre d'une intensité maximale de 6,0 sur

contemporaine, musique traditionnelle coréenne, jazz et

l'échelle Richter. La mise au point de fondations spéciales

musique de variétés, afin de satisfaire les spectateurs de

permet en outre l'amortissement des secousses sismiques

tous âges et les goûts les plus variés, ce qui fera aussi la

et l'adaptation de la structure aux glissements de terrain

renommée du musée dans le domaine des concerts et

pour assurer la protection des collections. Afin de fournir

spectacles.

des conditions d'ambiance agréables, un important système

Un amphithéâtre de quatre cents places doté d'instal-

d'aération régule en permanence la qualité de l'air au

lations d'interprétation simultanée en quatre langues

moyen de circuits de contrôle et d'épuration. Toutes les

accueillera séminaires et manifestations internationales. S'y

informations relatives à la sécurité comportent une trans-

ajouteront un second théâtre de deux cents places, trois

cription en Braille à l'intention des non-voyants et en cas

salles de conférence, des ateliers de céramique avec tours

d'incendie, un système d'alarme de type stroboscopique

de potier mécanisés, de teinture et de calligraphie, la hau-

réalise une illumination intermittente pour l'évacuation des

teur de plafond permettant dans ce dernier cas d'accrocher

mal-entendants. Les locaux sont équipés en tous points de

des œuvres de grande longueur et tous ces espaces assu-

rampes d'accès pour fauteuils roulants et bénéficient d'une

ra nt la réalisation d'un large éventail de programmes

conception d'ensemble tout particulièrement destinée à

éducatifs. Conscient de la vocation première du Musée en

faciliter le déplacement des handicapés et personnes âgées

matière de formation, le personnel administratif a organisé

dans l'enceinte du Musée.

un grand nombre de manifestations à l'intention des

Le nouveau Musée a pour autre particularité la locali-

familles, notamment des enfants, ainsi que des cours et

sation en surface de ses réserves, par opposition au stocka-

activités particulièrement destinés aux catégories sociales à

ge en sous-sol autrefois jugé d'autant plus sûr que la pro-

revenus modestes, afin de constituer les piliers de la vie cul-

fondeur était importante. L ' entreposage souterrain

14 Koreana I Hiver 2005


Les musées s'orientent aujourd'hui de plus en plus vers de nouvelles fonctions de formation, une tendance dans laquelle s'inscrit aussi le nouveau Musée national de Corée en proposant toute une gamme de manifestations

à l'intention des grands et petits, ainsi que des activités et programmes éducatifs s'adressant aux couches défavorisées de la population.

Dispositif sans fil pour visites guidées Le Musée bénéficie des hautes technologies de l'information dont dispose la Corée, par le biais d'un dispositif de commentaires innovant et de vitrines ultramodernes.

Théâtre Yong Avec ses 870 places, le théâtre Yang offre une programmation variée allant de la musique et du ballet classiques ou contemporains à des œuvres traditionnelles et populaires coréennes.

Boutiques du Musée Un large choix d'objets à caractère artistique reproduisent les pièces formant la collection du Musée et les images de la culture nationale traditionnelle.

présentant toutefois des difficultés d'aération ainsi que de

historiques, dons, œuvres d'art I et Il et reliques asiatiques

constants risques d'inondation, la tendance est aujourd'hui

et ce sont ainsi quelque 11 000 pièces, dont certaines

aux réserves en surface. En outre, le rehaussement du rez-

présentées au public pour la première fois, qui en feront

de-chaussée à quatre mètres au-dessus du sol permet de

l'objet. À cela s'ajoute un espace d'exposition pour enfants

prévenir les effets d'éventuelles inondations, même en cas

qui constitue une intéressante innovation. D'une superficie

de crue du fleuve Han.

totale de 1 123m2, les trois installations qui le composent

Le site internet du Musée constitue une mine d'infor-

permettent aux enfants de manipuler des objets figurant

mations accessibles en ligne notamment sous forme de

dans leurs manuels scolaires_tels que la poterie à motifs en

documents scientifiques relatifs aux pièces de ses collec-

dent de peigne ou des poignards de silex coudés, et ainsi de

tions, dont la présentation et la visibilité sont optimisées à

les découvrir par eux-mêmes afin de mieux les comprendre.

l'intention des visiteurs par des vitrines de haute technologie

Enfin, la section des expositions temporaires est des-

et des équipements sans fil de visite guidée. Ce dernier dis-

tinée à accueillir un grand nombre de pièces et manifesta-

positif leur permet, au moyen d'un assistant numérique per-

tions spécifiques à commencer, cette année, par l'exposition

sonnel ou d'un lecteur MP3 en location au Musée, de dis-

intitulée « Soixante ans d'existence du Musée national »,

poser en format audio/vidéo de commentaires précis por-

qui sera suivie l'année prochaine d'une autre organisée

tant sur les objets devant lesquels ils se tiennent grâce à

dans le cadre d'échanges avec le Musée du Louvre et le

une liaison infra-rouge assurée par un dispositif situé au-

Musée Guimet de France à l'occasion du cent vingtième

dessus de la vitrine correspondante. Cet équipement ultra-

anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques

moderne compte parmi les plus évolués au monde.

entre la France et la Corée. Le nouveau Musée national entend ainsi porter à la connaissance du public coréen les

Une découverte active

Les expositions permanentes sont répertoriées selon les six catégories des reliques archéologiques, documents

cultures du monde dans leur diversité tout en assurant la promotion de celle de la Corée à l'étranger par le biais d'expositions itinérantes.

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Hiver 2005 1 Koreana

15

Il Il

1


Il Aux racines de l'architecture corĂŠenne



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oute réalisation architecturale créant inévitablement des attentes quant au x expériences spatiales et technologies appliquées qu· elle est susceptible de proposer, la question se pose aujourd'hui de l'offre spécifique du nouveau Musée national de Corée. Seul le temps dira si celui-ci était à même de donner l'impulsion nécessaire pour que s 'élève le niveau de l'architecture contemporaine coréenne.

« Coréanité » de l'architecture À l'heure où l'architecture contemporaine coréenne traverse une crise générale, la création du nouveau complexe culturel revêt une importance particulière notamment du fait de l'achèvement en dix ans d'un projet d'une telle envergure à compter de la mise en concurrence des concepteurs. Si cette décennie a vu se succéder trois présidents de la République, le projet a su éviter les écueils de la politique pour ne pas s'enliser et poursuivre sans encombre sa réalisation, ma rquant ainsi une évolution très positive dans ce domaine. Placé sous la responsabilité d'une société d'architecture tout au long de son exécution, il est aujourd 'hui associé à la personne de l'architecte en chef Park Seung-hong, ce qui dénote également un important changement eu égard au x spécificités du milieu de l'architecture coréen, où l'homme de métier reste habituellement dans l'ombre des grands organismes auxquels il appartient. Près de quatre cent dix milliards de wons, soit environ trois cent soi xante-di x millions de dollars, ont été débloqués pour cette réalisation. Le volume toujours croissant des commandes attribuées par les pouvoirs publics et les entreprises au cours des di x dernières années est révélateur d'une croissance à peu près égale des agglomérations urbaines coréennes au cours de cette période. L'aspect le plus intéressant du chantier concerne la reprise du débat sur la « coréanité » qu'il a occa18 Koreana I Hiver 2005

Le Musée repren d certa ins aspects de l'a rchitecture traditionn elle coréenne en les ada ptant au s tyle conte mpora in.

sionnée avec plus de maturité après ce qu'il convient de considérer en substance comme une mise entre pa renthèses de di x ans. L'incontournable exigence de matérialisation architecturale du concept de coréanité apparaissait clairement dans les propositions des participants, tant coréens qu· étrangers, au concours international dont il faisait l'objet. Park Seung-hong, concepteur du projet

L'essor de l'architecture coréenne se fonde à l'origine


Appelé à occuper une position centrale dans l'espace urbain, le nouveau Musée national de Corée fournira un riche apport culturel et à cette fin , il importe aujourd'hui d'en parachever la réalisation matérielle par un travail de finition.

sur une topographie trés accidentée, villes et villages s'efforçant depuis toujours de réaliser une étroite union entre constructions et milieu naturel. La démarche adoptée a alors consisté, après avoir appréhendé la nature et l'esprit d'un site, à rechercher leur concrétisation architecturale, comme en attestent une multitude d'exemples à travers le temps . Auteur du projet du nouveau Musée national de Corée, Park Seung-hong en compare le thème de conception principal à un énergique coup de pinceau symbolisant les murs d' une forteresse : « J'ai voulu rendre le dynamisme coréen par la simplicité et la candeur d'un unique coup de pinceau». Elevé sur un site relativement plat, l'édifice épouse une forme linéaire par sa façade longue de quatre cents mètres et jusqu'à son entrée principale, l'aménagement de l'espace évoque celui d'un temple bouddhiste traditionnel coréen et plus précisément, à Buseoksa qui est l'un des plus anciens de Corée, l'allée menant en diagonale de la Tour de la cloche au pavillon Anyangnu . Recréant d'une certaine manière la vue sur la salle Muryangsujeon qui s'offre de l'espace ouvert situé à l'étage inférieur du pavillon Anyangnu, la cour ouverte du Musée, dite place Yeollin, se positionne de telle sorte que soient visibles en arrière-plan le pittoresque paysage du Mt. Namsan au x pentes gracieusement incurvées et la Tour de Séoul qui le surmonte, une révélation visuelle sans nul doute exceptionnelle pour les visiteurs faisant leur entrée dans ce musée d'envergure mondiale. Ce faisant, la place Yeollin redonne vie au concept traditionnel de portes se succédant pour mener à l'entrée, ces portes qui par leur forme, situation spatiale et fonction, ne sont rien moins qu·emblématiques de toute l'architecture coréenne. Délimitant une extrémité, elles prennent un sens différent selon leur rapport aux murs et l'aménagement d'un vaste espace ouvert face au long bâtiment rectiligne revient à créer une sorte d'embrasure traduisant un désir

d'expression de la coréanité de la part de l'architecte. Le Musée présente aussi quelques ré miniscences des ouvrages fortifiés coréens en offrant une évocation actualisée de leurs murs imposants . Dans ces structures de soutènement transparaît l'effort délibéré de l'architecte de représenter le dynamisme coréen par des éléments concrets. Park Seung-hong s 'en explique en ces termes: « L'architecture nous éveille au sens de la vie par sa beauté sublime transcendant temps et culture » et partant de cette définition, trouve son accomplissement personnel dans la poursuite de la vérité architecturale selon une approche rationnelle et réaliste supposant d'identifier ce que le coréen a d'universel, apte à une modernisation d'inspiration étrangère. L'h istorien et critique Christian Norberg-Schulz employait souvent les expressions « genus loci » ou « âme des lieux », qui allaient marquer l'esprit des architectes. Si l'architecture a pour mission de découvrir l'esprit qui soufflait sur un site antérieurement à son aménagement selon ses caractéristiques historiques et environnementales, alors la démarche qu'adopte Park Seung-hong pour donner forme aux caractéristiques typolog iques et au matérialisme de son architecture en respecte la définition. Multiples défis

La place Yeollin mène au centre du Musée, qu 'occupe le hall « Rotunda », par le « Chemin de ['Histoire », sorte de couloir, pour créer un espace évoquant le thème de la ville-rue, l'éclairage à commande automatique participant d'un lieu d'exposition à l'atmosphère urba ine et festive. Composé de panneau x en verre prismatiques et automatiquement éclairé, le « Chemin de l'histoire » suit continuellement le soleil dans sa course pour optimiser la pénétration de son rayonnement produisant un éclairage intérieur naturel et agréable. « Au fur et à mesure que les Hive r 2005 1 Koreana

19


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Park Seung-hong Architecte en chef du Musée national de Corée, Par k Seung-hong a constamment rec herché l'équilibre entre une conception spécifiquement co réenne et des aspects plus universels.

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20 Koreana I Hive r 2005

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1 Deva nt le Musée, la place Yeollin évoque le plancher recouvrant le sol de l'habitat traditionnel coréen. 2 Dès les premie rs pas, le visiteur est fra ppé par les importa ntes dimensions du hall« Rotunda ». 3 À partir du ha ll, un couloir dit « Che min de [' Histoire» mène aux principales galeries.

visiteurs entrent dans cette rotonde, puis s'avancent vers le « Chemin de l'histoire », l'intensité lumineuse diminue de 10 % à intervalles réguliers et permet ainsi une adaptation visuelle spontanée à l'environnement intérieur», note Park. Un tel souci du détail révèle le niveau d'excellence qualitative du Musée. Si la thématique extérieure semble renvoyer à l'architecture traditionnelle coréenne, celle de l'intérieur en diffère considérablement. Le concept de ville-rue reliant les espaces de la galerie d'exposition est réalisé en hauts murs de turquoise lui conférant un caractère assez ambigu, car remettant en question la coréanité sous-jacente du « Chemin de l'histoire » et créant une rupture de conception au niveau de l'ensemble. Se classant au sixième rang mondial par sa surface au sol, le nouveau Musée national de Corée présentera des collections et expositions dont la valeur sera jugée en fonction de l'attention apportée aux moindres détails, qui n'en sont pas moins importants et c'est à eux qu'il convient désormais de s'intéresser tout particulièrement, ainsi qu'au règlement des plus petits problèmes, après avoir fait porter jusqu'ici les efforts sur la réalisation d'une image d'ensemble. On s'attachera notamment à amortir le bruit des pas des nombreux visiteurs sur les planchers. Comme on l'a dit plus haut, le nouveau Musée national de Corée occupera une position centrale dans l'espace urbain et fournira un riche apport culturel. Il est aujourd'hui prématuré d'évaluer le succès de l'architecte dans sa quête de reconstitution de l'authentique sublimité de l'architecture coréenne. C'est aux visiteurs qu'il reviendra de le faire , par leurs réactions et commentaires qui seront recueillis par diverses voies après l'inauguration et alors seulement pourra commencer le débat sur la réussite architecturale éventuelle du Musée afin d'en tirer les enseignements. 1..1

Hiver 2005 1 Koreana 21


Salles d'exposition et collections du nouveau Musée national de Corée




L

e 28 octobre dernier était inauguré le nouveau Musée

cette dynastie et un style traditionnel propre à la Corée,

national de Corée dont la construction avait pris fin en

représentant la seule pagode de pierre modelée d'après une

à laquelle avaient succédé la réalisation des

structure de bois de Goryeo dont elle constitue l'ultime ves-

différentes galeries, puis l'installation des reliques et

tige, pour la dernière époque également illustrée par des

artéfacts. Ses diverses galeries possèdent une surface au sol

Bouddhas gravés. Ce monument aux élégantes proportions

de 26 781 m2. soit près de trois fois plus que celle qu· occupait

et délicates gravures fournit un précieux thème d'étude dans

son prédécesseur au sein du Palais Gyeongbokgung.

les domaines de l'histoire de l'architecture, de l'art et de la

2004 et

culture bouddhistes. Constitution des galeries

Le nouveau Musée national de Corée qui vient d'ouvrir

Galeries archéologique et historique

ses portes comprend plusieurs espaces destinés aux exposi-

S'étendant sur quelque 3 300 m 2. la galerie

tions temporaires, ainsi que le musée des enfants, qui vien-

archéologique présente des pièces datant de la période com-

nent s'ajouter aux galeries abritant les expositions perma-

prise entre le paléolithique et les royaumes de Silla Unifié

nentes réparties selon quatre grandes sections

[668-935) et de Balhae [698-926). Ces deux derniers volets

d'archéologie, d'histoire, des beaux-arts et des dons respec-

sont attenants afin que les visiteurs puissent confronter leurs

tivement situées du sud au nord de ses rez-de-chaussée et

contenus respectifs, notamment les pièces d'époque Balhae

premier étage, une galerie des arts d'Asie et une deuxième

prêtées par l'Université de Tokyo jusqu 'au mois de mai 2007.

galerie des beaux-arts se trouvant en outre au deuxième

Sont notamment à signaler des tuiles décorées

étage. Les visiteurs y remarqueront tout particulièrement les

provenant de temples ou palais royaux situés aux environs

sculptures exposées tant à l'intérieur que dans le jardin où

de Buyeo et richement gravées de motifs de paysages, mon-

elles composent toute une galerie à ciel ouvert.

tagnes ventrues, rochers au x formes insolites, arbres,

Par comparaison avec la précédente configuration, il

nuées, personnages et maisons accrochées au flanc des

convient de noter le réaménagement des galeries d'histoire,

montagnes, autant de figures raffinées qui, sur un support

des arts asiatiques et des dons, de même que la création du

exceptionnel, illustrent à merveille l'art ancien de la peinture

musée des enfants et de salles de calligraphie, de peinture

paysagère coréenne .

bouddhiste, d'objets artisanaux en bois, ainsi que d'art chinois, japonais, d'Asie centrale, de Balhae et de Nangnang .

L'attention du visiteur est aussi attirée par une couronne d'or à pendentifs [Geumgwanmitsuhasik, Trésor

Le Musée s'est non seulement déplacé et agrandi, mais

national n° 191) découverte dans la tombe royale de

aussi entièrement réorganisé. À leur entrée dans l'espace la Pagode de marbre à dix étages du temple Gyeongcheonsa

à Gyeongju, l'ancienne capitale de Silla, ainsi qu'un jeu de deux pièces de vaisselle à l'effigie d'un guerrier et de son valet à cheval [Dojegimainmulsang ,

[Trésor national n° 86]. qui s'élève majestueusement à

Trésor national n° 91) mis au jour dans la Tombe

l'extrémité d'une ample allée. Dérobée par le Japon pour

Geumnyeongchong, autre monument d'origine identique.

être restituée par la suite, cette oeuvre possède une grande

Tandis que les tuiles décorées mentionnées plus haut attes-

importance historique et culturelle. Si les caractères gravés

taient du style naïf et lyrique de Baekje [18 av. J.-C. - 660].

réservé aux galeries, les visiteurs découvrent en premier lieu

Hwangnamdaechong située

sur la face avant de son premier niveau révèlent, à l'instar

les céramiques et la couronne incarnent l'esthétique splen-

des indications figurant dans le Sejongsillokjiriji [véritable

dide et raffinée de Silla [57 av. J.-C. - 935).

rapport du roi Sejong]. que cette oeuvre a été réalisée par un

Avec ses quelque 3 000 m 2 de surface au sol, la nouvelle

artisan chinois sous le règne des Yuan [1271-1368]. celle-ci

galerie historique se distingue par la place exceptionnelle

réalise en fait une fusion entre l'influence des Lamas de

qu· elle consacre à l'histoire de Corée des origines à nos jours Hiver 2005 1Koreana 25


Le Musée national de Corée qui renaît sous sa forme actuelle occupera une place privilégiée en Asie du Nord-Est en faisant découvrir aux visiteurs des pièces provenant de Corée comme d'autres pays asiatiques au fil de ses quarantetrois galeries permanentes consacrées à l'histoire, aux antiquités, aux beaux-arts et aux œuvres données.

et la présentation inédite dont font ainsi l'objet la plupart de

salles consacrées à la calligraphie, à l'artisanat sur bois et à

ses pièces. Exceptionnelles par leur valeur historique plus

la peinture bouddhiste permettent de découvrir de nom-

que par les fouilles archéologiques dont elles procèdent ou

breuses pièces jusque là inconnues du public.

par les recherches en histoire de l'art auxquelles elles peu-

La salle de calligraphie présente d'importantes œuvres

vent donner lieu, elles comprennent des œuvres rédigées en

d'artistes coréens comme Kim Saeng [711-791]. qui vécut

alphabet coréen dit « hangeul », des imprimés, des textes

sous le royaume de Silla Unifié, Han Ho [1543-1605] et Kim

gravés sur la pierre ou le métal, des documents historiques

Jeong-hui [1786-1856]. plus connu sous son nom de plume Chusa à l'époque Joseon. Le« Bihaedangsosangpal-

et des cartes. Les visiteurs peuvent notamment admirer une stèle

gyeongsicheop » [recueil de poèmes sur huit vues des

commémorant la surveillance des frontières effectuée par le

fleuves Xiao et Xiang] datant de l'an 1442 et constituant le

roi Jinheung [534-576] sur le Mont Samgaksan

Trésor n° 1405 en raison de sa grande valeur culturelle

[Bukhansansillajinheungwangsunsubi, Trésor national n° 3]

puisqu'il comporte des peintures du Prince Anpyeong (1418-

à l'époque Silla, ainsi que le célèbre« Mugujeonggwang-

1453]. fils du quatrième souverain de Joseon, et de l'illustre

daedaranigyeong » ou Sutra Dharani de la lumière pure

monarque et artiste Sejong, ainsi que des œuvres poétiques

[Trésor national n° 126-6]. Datant de l'an 751, ce document

de Kim Jong-seo, Jeong ln-ji , Bak Paeng-nyeon et Seong

de type parchemin constitue un authentique trésor culturel

Sam-mun .

puisqu'il s'agit de la première xylographie etc·est en octobre

La salle de peinture a pour but de faire connaître les

1966 qu'il a été découvert dans une pagode de pierre à trois

techniques, procédés et matières spécifiques de cet art en

étages, au temple Bulguksa de Gyeongju, lors du démontage

Corée et représentés par des tableaux de différents genres

de celle-ci en vue de travaux de restauration.

comme le ·paysage, le portrait, les personnages en pied, les

Des ouvrages à reliure en or et jade remontant au

thèmes populaires, les motifs d'oiseaux et de fleurs ou

Grand Empire de Corée [1897-191 O] permettent une

d'oiseaux et d'animaux, ou encore ces« Quatre gentils-

meilleure compréhension de la culture et de l'histoire

hommes » aux fleurs de prunier, orchidées, chry-

coréennes, notamment de cette dernière, dans toute sa

santhèmes et bambous. On remarquera dans la seconde

richesse, dont les visiteurs peuvent avoir une vue d'ensemble

catégorie une œuvre de Kang Se-hwang (1713-1791].

à travers les diverses pièces exposées. La section d'histoire

écrivain et fonctionnaire gouvernemental dont l'exceptionnel

se décline en galeries thématiques aux titres tels que « Les

talent de peintre et calligraphe fit la renommée sous la

rois et leur règne »ou« Vie socio-économique », la

dynastie Joseon, ainsi que ces « Rivières et montagnes à

première retraçant par ses artéfacts la formation de

perte de vue » qui, sur 8,5 mètres de longueur, représentent

l'histoire coréenne tandis que le second fournit un aperçu de

un pittoresque paysage coréen plus vrai que nature.

la vie quotidienne

à travers les âges au moyen de diverses

Toutefois, ce sont peut-être les tableaux de mœurs de

pièces dont des plaques d'identité de l'époque Joseon et des

Kim Hong-do (1745- ?]. aujourd'hui classés Trésor n° 527,

documents relatifs à l'agriculture et aux impôts.

qui évoquent le mieux cette Corée de jadis en saisissant par de hardis coups de pinceau et une composition créative des

Oeuvres d'art anciennes

aspects de la vie quotidienne à l'époque Joseon.

La Galerie des Beaux-arts rassemble environ mille

Du rez-de-chaussée au deuxième étage, la salle de la

quatre cents pièces sur cinq mille six cents mètres carrés,

peinture bouddhiste présente des œuvres de dimensions

l'abondance de ces objets anciens raffinés et exclusivement

particulièrement importantes, puisque atteignant dix mètres

coréens apportant une mine d'informations dans les

de hauteur. Parvenus en haut des escaliers qui mènent à la

domaines historique, scientifique et artistique. Les nouvelles

salle des sculptures bouddhistes située au second, les visi-

26 Koreana I Hiver 2005


L'emplacement réservé à ce Bodh isattva pensif est propice à la méditation qu'inspire la sérén ité de cette œuvre imposante. 2 La cou ron ne d'or à pendentifs est un important chef-d'œuvre d'époque Silla. 3 Pièce unique au monde, cette assiette e n porcelai ne blanche à décor de fe uilles d'a rbre est exposée dans la salle Sinan. 4 Selon l'inscription gravée qu'elle comporte, cette statue très caractéristique de l'art bouddhique aurait été réalisée durant la septième année de l'ère Yeonga, c'est-à-dire en l'an 539.


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28 Korea na I Hive r 2005

Autoportrait de Yun Du-seo [Yundoseosang, Trésor national n° 240] 2 Les tableaux de mœurs de Kim Hong-do se distinguent par de hardis coups de pinceaux et une composition créative. 3 Extrait du« Recueil de poèmes sur huit vues des fleuves Xiao et Xiang » comportant un ensemble de peintures du Prince Anpyeong ainsi que des compositions des plus grands poètes de ["époque . 4 Vase octogonal en porcelaine blanche servant à delayer ["encre de Chine et orné en sous-glaçure bleu cobalt de huit vues des fleuves Xiao et Xiang . Des thèmes chers aux écrivains de ["époque sont représentés sur chacune de ses faces. 5 Brique à motif d"Oe-ri, Buyeo [Munyangjeon, trésor n° 343). Cette pièce sïnspire de la peinture paysagère tradi tionnelle.


teurs auront tout loisir de contempler la partie supérieure de

salles respectivement consacrées à l'Indonésie, l'Asie

ces tableau x bouddhistes trop hauts pour qu'elle soit visible

Centrale, la Chine, Nangnang et Sinan, ainsi qu'au Japon.

des niveau x inférieurs. Trois des murs de cette salle de

Elle a aussi pour vocation de favoriser les échanges culturels

sculpture sont entièrement vitrés afin d'optimiser l'éclairage

avec l'étranger en les facilitant.

naturel des statues . Le « Geumdongmireukbosalban-

La Galerie de Sinan présente en gr ande partie des

gasayusang » (Maitreya de bronze doré en méditation] qui

poteries chinoises remontées en 197 6 des fonds marins

constitue le Trésor national n° 83 est situé dans un espace

situés au large du canton de Sinan et comportant une pièce

propice au recueillement afin que les visiteurs puissent

unique au monde sous forme d'une assiette en porcelaine

s'imprégner pleinement de la sérénité atteinte par Bouddha.

blanche décorée d'un motif rouge et vert de feuilles d'arbre

Composées d'un vitrage anti-reflet protégeant les

peintes en relief. La salle des arts chinois expose quant à elle

objets exposés de la chaleur et des rayons ultra-violets, les

diverses pièces de bronze et de céramique trichromatique

vitrines du nouveau Musée national de Corée font apparaître

particulièrement appréciée sous la Dynastie Tang . Les

ceux-ci aussi nettement que si elles étaient absentes. Tel est

galeries suivantes renferment des peintu res d'Asie centrale

le cas d'un Bouddha debout en bronze (Yeongachilnyeon-

représentant les dieux et déesses créateurs du Ciel et de la

myeonggeumdongyeoraeipsang] daté par ses inscriptions à

Terre, des poteries peintes d'lmari, des objets de laque des-

la septième année de l'ère Yeonga, en l'occurrence l'an 539,

tinés au x cérémonies nuptiales et provenant du Musée

et témoignant ainsi de l'art bouddhiste de Goryeo à titre de

national de Tokyo, ainsi qu'une statue de Ganesa, le Dieu hin-

Trésornationaln°119.

dou de la sagesse, de l'apprentissage et du bonheur, prêt du

Par la reconstitution d'un quartier traditionnel réservé

Musée national de Jakarta.

au x hommes, la galerie d'artisanat sur bois propose une

Enfin, la galerie des dons rassemble sur ses trois mille

évocation de l'habitat raffiné des lettrés de l'époque Joseon

mètres carrés des œuvres cédées par des collectionneurs du

et de son mobilier fonctionnel, le visiteur pouvant même

nom desquels sont désignées les différentes salles et parmi

s'asseoir dans la véranda de cette construction pour en

lesquels figurent des donateurs japonais. Cet espace permet

admirer le parc par la fenêtre.

de découvrir des pièces orginaires de Corée et d'Asie du

Tout aussi prisés des Coréens que des amateurs de

Sud-Est, tels le casque en bronze remis au marathonien

céramique étrangers, céladon, « buncheong » et porcelaine

Sohn Kee-chung qui en 1936, remporta la médaille d'or de sa

blanche sont également présents dans différentes salles,

discipline aux Jeux Olympiques de Berlin et ces exquises

avec notamment ce vase en porcelaine blanche servant à

pièces de laque nacrée d'époque Joseon, ainsi qu'un ensem-

délayer l'encre de Chine et orné en sous-glaçure bleu cobalt

ble varié de Trésors et Trésors nationaux dans l 'art de la

des huit vues des fleuves Xiao et Xiang . Cet objet portant le

poterie.

nom de « Baekjacheonghwasosangpalgyeongmunpal-

Le nouveau Musée national de Corée renferme ainsi

gakyeonjeok » est classé Trésor n° 1329 par sa représenta-

une multitude d'œuvres inédites qui sont un enchantement

tion d'un des cadres naturels de prédilection des écrivains de

pour les yeu x et l'esprit. Le temps d'une courte promenade à

la période Joseon et se distingue par sa hauteur de 12,6 cen-

l'extérieur, son ravissant jardin agrémenté d'une pièce d'eau

timètres.

avec cascade permettra aussi au visiteur d'admirer les sculptures qui s'y élèvent ça et là, premier pas peut-être d'un

Galeries des arts d'Asie et des dons

Espace d'exposition de création entièrement récente, la

périple éclairé à entreprendre sur les chemins tumultueux de l'histoire de Corée. ~

Galerie des arts d'Asie regroupe quelque mille deux cents pièces sur près de deux mille trois cents mètres ca rrés et six Hive r 2005 1 Ko rea na 29



Dernières funérailles royales en Corée Le 24 juillet dernier, avaient Lieu les obsèques du dernier représentant

à

la troisième génération du Grand Empire des Han, selon un cérémonial royal dont l'ultime accomplissement en faisait un événement historique suscitànt une réflexion sur l'histoire coréenne moderne. Lee Kwang-pyo Journaliste au Dong-A /Ibo Seo Heun-kang Photograph e

C

·est au Palais Changdeokgung de Séoul que se déroulaient le 24 juillet dernier les funérailles de Lee Ku (1931-2005]. dernier descendant en ligne directe de ce qui fut le Grand Empire des Han selon la désignation en vigueur du 12 octobre 1897 au 29 août 1910, c· est-à-dire vers la fin de la Dynastie Joseon . Second fils de Lee Eun (1897-1970]. qui portait le titre royal de Yeongchinwang, et de son épouse japonaise Lee Bangja (1901-1989]. Lee Ku eut pour aïeul le Roi Gojong, vingtsixième de la Dynastie Joseon (r. 1863-1907]. Ce haut lignage issu d'une dynastie disparue allait intéresser un public nombreux à la mort et aux obsèques de ce descendant à la troisième génération qui connut, le plus souvent en exil, une existence tragique à mi-chemin entre les conditions de roturier et de monarque. Ses funérailles auront été les dernières à suivre le rituel en vigueur à la Cour royale de l'époque Joseon. Légataire d'une dynastie déchue

Dans la soirée du 18 juillet dernier, était annoncé à Séoul le décès de Lee Ku, découvert mort deux jours auparavant à l'hôtel Akasaka

Prince de Tokyo et au matin du 19, plusieurs membres de l'Organisation de la Famille Royale des Lee (Yi] de Jeonju, dont le président Lee Hwanui, se rendaient en toute hâte au Japon . Dans l'après-midi du 20 juillet, ils allaient accompagner le défunt jusqu'à sa sépulture située au palais Changdeokgung de Séoul, à la résidence dite Nakseonjae où demeuraient Yeongchinwang et Lee Bangja et où cette dernière, décédée en 1989, avait elle-même été honorée par une cérémonie sous la conduite de Lee Ku. Suite au décès, l'Organisation de la Famille Royale, en accord avec l'Administration du Patrimoine culturel, avait décrété la création d'un comité funéraire, l' ouverture d'une chapelle ardente le 20 juillet à Nakseonjae et l'organisation de neuf jours de funérailles dont la célébration serait réglée par l'ensemble des rites prescrits pour les obsèques d'un prince héritier de Joseon, ainsi que par certains de ceux observés pour la mère du défunt. Les membres du gouvernement, la famille des Lee de Jeonju et la population allaient présenter leurs condoléances dès le lendemain et le 22 juillet, l'Organisation de la Famille


Voilà des années que la Corée n'avait pas célébré d'inhumation en aussi grande pompe et cette dernière expression des traditions funéraires royales laisse bien des regrets, à l'instar de la personne de Lee (Yi) Ku, qui vécut et mourut dans des circonstances dramatiques.

Royale des Lee de Jeonju inscrivait au Registre de l'état civil un fils adoptif nommé Lee Won, petit-fils de Uichinwang (1877-1955] lui-même fils du Roi Gojong , et neveu de feu Lee Ku selon les dernières volontés de ce dernier, lequel était resté sans enfant et dont la mort mettait de facto un terme à la lignée légitime, quoique en déclin, des descendants du Grand Empire des Han . La postérité de celle-ci se trouvait cependant assurée par cette mesure d'adoption, ne serait-ce que symboliquement, et pour entériner l'ascendance impériale de Lee Won à la troisième génération, l'Organisation de la Famille Royale allait lui conférer le titre royal de « Sahwangson » , en qualité de quoi il devait mener le deuil lors des funérailles. Celles-ci débutaient le 24 juillet à 10h00 face au pavillon dit Huijeongdang du palais Changdeokgung, après que le cercueil y eut été transféré de la chapelle ardente de Nakseonjae, dès 9h30. Outre la famille des Lee de Jeonju, assistaient aux cérémonies le premier ministre Lee Haechan, le président de l'Organisation de la Famille Royale des Lee de Jeonju, Lee Hwanui, le président de l'Administration du Patrimoine culturel, Vou Hong-june, les parlementaires, les représentants de ['Ambassade du Japon en Corée et la famille impériale japonaise, auxquels s'étaient joints un millier de Séouliens. La présence du Japon s 'expliquait par l'ascendance impériale qui unissait Lee Bangja à ce pays, dont le pouvoir colonial avait contraint Yeongchinwang à prendre pour épouse une de ses sujettes dans le but d'interrompre la lignée du Grand Empire des Han. Dernier repos près des monarques d'antan

Au terme du cérémonial funéraire, la garde d'honneur des trois armes plaçait le cercueil sur le grand catafalque transporté par un véhicule modifié aux fins des funérailles nationales, puis à environ 11 hOO, le cortège quittait Donhwamun, la porte principale du palais Changdeokgung, pour gagner par Jongno 3-ga le sanctuaire royal de Jongmyo qui abrite les tablettes commémoratives des rois et reines de la Dynastie Joseon. Venait en tête un drapeau national coréen de grande taille précédant les unités d'infanterie qui tireraient plus tard la salve d'honneur et les « chwitadae » (musiciens 32 Koreana I Hiver 2005

de cour]. auxquels faisaient suite le catafalque, puis Lee Won, qui assurait la conduite du deuil, les parents du défunt et les membres de l'Organisation de la Famille royale des Lee de Jeonju, la marche étant fermée par la bannière du « manjang » sur laquelle figuraient des inscriptions à la mémoire du défunt. Ce cortège rassemblant près de six cents personnes et long d'une centaine de mètres parvenait à midi devant le sanctuaire de Jongmyo où était alors accompli un « noje », c· est-à-dire un rite de rue consistant en un hommage solennel aux anciens honorés par ce haut-lieu . Pour assister à son passage, quelque trois mille personnes avaient bravé des températures caniculaires de plus de 33 °C et pris place le long de son itinéraire, depuis Donhwamun, désireuses non seulement de rendre les derniers honneurs au défunt, mais aussi d'être témoins des dernières funérailles de la Dynastie Joseon en ces circonstances exceptionnelles qu'ils immortalisaient par d'incessantes photographies. Au rite du « noje » allait succéder l'installation du corps dans un corbillard noir orné à la manière de la calèche impériale appelée« eoga », qui allait l'emporter jusqu 'au tombeau situé sur le site de la sépulture Yeongwon de Yeongchinwang, dans le quartier dit Geumgok-dong de Namyangju-si, ville de la province de Gyeonggi-do. À proximité se trouvent les tombeaux de Hongneung où reposent le roi Gojong et la reine Myeongseong (1858-1895]. les termes« neung » désignant la sépulture d'un souverain ou d'une souveraine et « won » , celle d'un prince. Au terme d'une vie marquée par les lourdes contraintes de l'appartenance à une lignée déchue, Lee Ku pouvait enfin reposer en paix aux côtés de son père et de son grand-père. L'inhumation allait commencer à 14h30 pour s'achever quarante-cinq minutes plus tard. L'Organisation de la Famille royale des Lee de Jeonju allait procéder le 26 juillet au « jaeu » , deuxième série d'offrandes intervenant après les funérailles, et le 27, au « samujae » , c·est-àdire la troisième. Elle avait par ailleurs aménagé une salle de deuil à Nakseonjae, dans le palais Changdeokgung, puis décrété un deuil de deux ans prenant fin au mois de juillet 2007 et durant lequel les parents du défunt, ainsi


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que les membres de cette même organisation , se doivent

car révélateur du changement qui s'est opéré dans les

d'observer les rites funéraires traditionnels du « sang-

mentalités, à savoir l'absence de sentiment du devoir

mangjeon », un cérémonial ouvert au public qui consiste à

quant à l'exécution d'un rite destiné au descendant d'une

présenter au défunt nourriture et alcool au premier jour

dynastie depuis longtemps déchue. Les avis divergeaient à

[« sak »] et à la pleine lune [« mang »] de chaque mois du

cet égard, certains éprouvant le désir d'assister au x

calendrier lunaire. Le« sangsik » , enfin, lors duquel il est

cérémonies tandis que d'autres estimaient qu'elles con-

fait présent matin et soir de riz, soupe et fruits, succède

cernaient avant tout la famille des Lee de Jeonju.

pendant trois mois au « samujae », jusqu·au 27 octobre.

Par ailleurs, l'emploi d'un cercueil royal d'époque Joseon appelé « jaegung » dans ces circonstances a sus-

Une tradition se meurt

cité de vives polémiques. Construites en bois de pin jaune

Si le cérémonial funéraire royal de Joseon a été

appelé « hwangjangmok » et revêtues d'une diz.aine de

respecté, il a à certains égards été adapté pour des raisons

couches de laque noire, ces bières sont conservées au

pratiques à l'époque contemporaine dont il reprend

nombre de deu x au Palais Changdeokgung par l'Adminis-

quelques éléments tels que la fanfare militaire et la garde

tration du Patrimoine culturel, dont l'une a servi en 1989

d'honneur qui s'étaient jointes au cortège funèbre, ainsi

lors des funérailles de Lee Bangja , mère de Lee Ku, la

que le transport motorisé du catafalque au lieu d'hommes

seconde n· étant en revanche pas réquisitionnée . Cette

portant le cerceuil. En outre, quelques erreurs ont été à

pièce unique en son genre constituant un bien culturel

déplorer dans la conduite de cette procession funéraire et

d'une valeur inestimable, il a été convenu à l'issue de

dans le rite de rue, tandis que se dégageait une impression

discussions avec l'Organisation de la Famille Royale des

d'ensemble confuse et imprécise. Il est également regret-

Lee de Jeonju que le Musée national des palais d~ Corée

table que l'accomplissement du cérémonial n'ait pas été

en asssurerait la conservation à titre permanent.

fondé sur les recherches approfondies de spécialistes de la royauté et des pratiques funéraires traditionnelles.

Né en 1931 au Japon, Lee Ku allait aussi y mourir après avoir partagé sa vie entre ce pays, la Corée et les

La mort subite de Lee Ku explique naturellement que

États-Unis. Architecte et homme d'affaires, il avait épousé

ses funérailles aient dû être organisées en un court laps

une Américaine dont il n'eut pas d'enfant et divorça vingt-

de temps et sans le concours de personnes suffisamment

quatre ans plus tard. Son décès aura marqué l'ultime

versées dans les cérémoniau x des obsèques royales . Il

accomplissement d'un cérémonial funéraire royal datant

faut toutefois souligner un facteur plus important encore,

de l'époque Joseon.

L;.11

Hiver 2005 1 Koreana 33


Par une imagerie originale et épurée, Bae Bien-u cilévoile tout un univers d'impressions spécifiquement coréennes en se focralisant depuis ses débuts sur la nature et sa limpide réalité. Jin Dong-sun Cr itique photogra phiq ue

L

a route longeant la côte californienne en direction de la localité de Carmel mène au lieu dit

« Point Lobos » où d'extraordinaires formations

rocheuses et des pins majestueux s'unissent en un cadre grandiose. L'histoire veut d'ailleurs que la population autochtone ait conféré à celui - ci une telle valeur sacrée qu· elle ne se serait pas hasardée à en déplacer les moindres rochers ou arbres, pas plus qu'à contrarier les mouvements naturels de la mer et du vent. La ville allait ainsi conserver son aspect



Bae Bien-u fonde son expression sur la ligne qui, représentée à profusion, concourt à la création d'un monde s'alliant harmonieusement avec la lumière en dépassant la beauté conventionnelle pour atteindre à l'âme et à l'esprit et révéler une esthétique linéaire représentée par l'image du pin.


Sur l'île de Jejudo. les volcans parasites. tantôt appréciés pour la douceur de leurs courbes, tantôt évoquant le giron maternel. ont intrigué Bae Bien-u et lui ont inspiré la série« Cônes parasites ». 2 C'est le pin. thème de l'une de ses séries. qui pour Bae Bien-u est le plus emblématique du caractère national. 3 Dans la Serie « Falaise de Hyangiram » comme à travers toute son œuvre. Bae B1en-u s'attache à rendre la transparence de la nature par une dominante paysagère en noir et blanc.

Hiver 2005 1Koreana 37


nalité qu'elle est devenue, à l'instar de l'artiste , la plus représentative du domaine en Corée. L'auteur y met au jour une esthétique propre à son peuple pour la doter d'une sensibilité universelle. Recréant la pureté et la simplicité de la peinture à l'encre traditionnelle, il s'intéresse aux paysages dans une perspective lyrique pour en fa ire ressortir par la suite tout le contenu spirituel, une démarche qui sous-tend l'ensemble des séries « Marado », « Pins », « Mer de Jeju », « Cônes parasites », ces cônes volcaniques secondaires constellant l'île de Jejudo, et « Falaise Hyangiram ». Emerveillé par les paysages depuis ses premiers pas dans l'art photographique, il ne s'est fourvoyé à aucun moment et se centre résolument sur la nature dont il cherche à rendre la beauté sans prétention en évoquant le noir et blanc des peintures à l'encre coréennes. « Mon premier souvenir d'image est celui d'un dessin au crayon de couleur affiché sur un mur noir de la classe alors que j'étais au cours primaire, en deuxième année. Il représentait une maison basse blottie sous un grand arbre, à l'abri d'une colline derrière laquelle on apercevait la mer. Il doit être resté toute ma vie gravé dans ma mémoire et c'est peut-être lui qui explique ma prédilection pour des sujets tels que mer, pins, rochers et cônes se-

condaires. Après être entré à la faculté des beaux-arts, j'ai effectué un périple dans les îles du littoral sud, armé d'un vieux Nikon-F et d'un double objectif Mamiya. Sans aller jusqu 'à dire que les photos prises à ce jour portent toutes sur ce qui fait l'identité ou l'âme et l'esprit coréens, je crois ne jamais les avoir dissociées de cette image de ma petite classe, qui montrait un paysage coréen, mais en même temps mon cœur ». Esthétique linéaire

Que ce soit en noir et blanc ou en couleurs, Bae Bienu saisit admirablement le charme sobre des paysages coréens en de merveilleuses images traduisant une sensibilité spécifiquement coréenne et s'il a atteint un tel niveau dans son art, c· est aussi parce qu'il a beaucoup appris des autres . De ses maîtres Laszlo Moholy-Nagy et Edward Weston , il a acquis un précieu x discernement dans le traitement spécifique de la lumière et de la nature. À cela s'ajoutent les pins qui ont croisé son chemin lors d'excursions sur les monts Taebaeksanmaek formant l'épine dorsale de la péninsule coréenne et par lesquels en fin de compte lui a été révélée la lumière dans toute sa splendeur, l'omniprésence du paysage et la transcendance des lignes coréennes.

Se situant pour Bae Bien-u à l'origine de toute forme de vie et de toute chose. la mer fait t·objet de t·une de ses séries.


« À la cime des pins se profilant à l'horizon, j'ai soudain discerné un motif d'une spiritualité, d'une senti-

cadre esthétique susceptible d'illuminer l'âme, l'esprit et Le moi.

mentalité absolues et Leurs silhouettes enchevêtrées me

Cette esthétique acquiert en outre une portée uni-

sont apparues le parfait symbole de L'âme et de l'esprit

verselle que l'artiste révèlent quel que soit le sujet pho-

coréens. Cette linéarité spirituelle trouvait son prolonge-

tographié, l'artiste mettant en évidence une sensibilité

ment dans l'horizontalité de la Mer de Jeju, les courbes

aussi bien coréenne qu'universelle comme en témoignent

des cônes secondaires de l'île et La verticalité des falaises

bien ses séries de« Tahiti ». En dépit de son exotisme, le

de Hyangiram. Ni longues ni courtes, sans douceur ni

paysage de cette île obéit à une esthétique tant coréenne

aspérité, ces lignes peuvent être qualifiées de modestes et

qu'universelle, sa représentation révélant La disparition de

c'est à travers elles que j'ai voulu montrer L'esthétique

toute problématique spatiale. Par le point de vue, la dis-

spécifiquement coréenne. »

tance et La démarche selon Lesquels sont envisagés un

L'artiste opte en effet pour une représentation

sujet, Les photographies d'un pays ou d'un paysage expri-

linéaire en parfaite osmose avec La lumière et atteignant

ment les impressions de l'auteur sous forme de lignes et

au spirituel, très au-delà d'une esthétique traditionnelle.

tonalités.

À Gyeongju encore, Les pins fournissent autant de points

Il faut enfin noter que ces productions procèdent tout

de repère, de norme d'expression de La linéarité

autant d'une critique esthétique que du sens artistique.

coréenne. Les droites au ferme tracé figurent l'identité du

Les vues panoramiques à caractère onirique suscitent de

peuple coréen, toute en dignité et détermination, celles

subtiles sensations et sont un ravissement pour les yeux

qui s'élancent avec grâce symbolisant sa combativité face

comme Le cœur, tout en incitant L'observateur à entrepren-

aux turbulences de l'histoire. Bae Bien-u a entrevu dans

dre une quête de L'âme et de l'esprit au-delà des limites de

ces lignes L'essence même du caractère national, tout

la beauté conventionnelle, par Le biais de Lignes, formes et

comme Le risque fatal d'enlisement auquel est confrontée

tonalités exclusivement naturelles, c· est-à-dire qui cons-

cette solide et résistante nation et c'est bien elles qui

tituent l'essence profonde de La nature tout en exerçant un

confèrent à son œuvre un motif récurrent ainsi qu 'un

attrait universel par leur transcendance. i.t

Hormi s leu r indénibale exotisme . les paysages tahitiens présentent une composante esthétique tout à la fois coréenne et universelle. comme dans cette série éponyme .


ARTISAN

Jung Jeong-whari a recréé et actualisé le « noui », tenue habituelle des princesses héritières sous la Dynastie Joseon .

40 Korea na I Hiver 2005


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Jung Jeong-whan Quand fil et aiguille font des merveilles Jrt l ort en l 1 trac • c)l t

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Jung Jeong-whan incarne toute l'action entreprise pour perpétuer la couture traditionnelle coréenne.

Hiver 2005 1 Koreana

41


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a couture a longtemps fait parti e intégrante des

Royaumes (1 °' siècle av. J.-C . - VII· siècle]. Cet art de

activités féminines quotid iennes et quand le prêt-à-

coudre mondialement appréci é est incarné par l'élégant

porter n'existait pas encore, il incombait à chaque femme

« hanbok », dont la réalisation exige, pour qu'il épouse gra-

au foyer de veiller à l'habillement de toute la famille, ce

cieusement la silhouette de celui ou celle qui le porte, la

savoir-faire traditionnel étant ainsi profondément ancré

mise en œuvre d'un ensemble de coupons d'étoffe au x

dans la vie familiale. Le vêtement répondant à un besoin

cou leurs éclatantes et d'accessoires parmi lesquels on

essentiel de protection du corps humain depuis les temps

peut citer fil et aiguille, cannettes, dés, ciseau x, fers à

préhistoriques, l'ensemble des opérations de confection

repasser et appareils de mesure. Soie, coton, ramie et

qui s'y rattachent et que désigne en coréen le vocable

chanvre constituent les principaux tissus en usage dont la

« chimseon » figure parmi l es plus anciens travau x

qualité, couleur et épaisseur dictent elles-mêmes le choix

ménagers aux côtés de l'art culinaire.

du fil, le plus souvent de coton ou extrait du coupon destiné au vêtement, et devant être parfaitement repassé et lissé.

Tradition ancestrale

Les divers procédés mis en œuvre dans la confection

Les aiguilles retrouvées parmi les vestiges du royau-

d'un « hanbok » comprennent le « gamchimjil » (reprise

me Silla (57 av. J.-C. - 935] témoign ent de la longue his-

coutu r e simple], « homjil » (couture à grands points],

toire de la couture coréenne et de ses coutumes, ce que

« bageumjil » (point de piqûre]. « sangchimjil » (piqûre sel-

corroborent les peintures murales et documents attestant

lie r pour l'ornement ou le renfort des assemblages],

de l'existence d'un tel savoir-faire dès l'époque des Trois

« hwigapchig i » (fine couture en lisière pour empêcher

42 Koreana I Hiver 2005


1 l '« obang jumeoni », bourse de femme aux couleurs simples ma is lumineuses . 2 Les broderies de ce costume princier d'apparat dit « sagyusam » symbolisent longévité et prospérité. 3 Le« jobawi » était une coiffure féminine d'hiver en vogue à la fin de l'époque Joseon. 4 La confection du« nubi jeogori >> met en œuvre des techniques raffinées pour dissimuler les points d'aiguille. 5 Malgré son âge avanc é, Jung Jeong-whan poursuit son travail de transmission de ses connaissances et d'exposition de ses oeuvres.

l'effilochage), « satteugi » [assemblage des pièces d'étoffe, souvent à des fins de décoration ou de renfort] et « gonggeureugi » [couture de fin ition pour coulisse ou boutonnière l. S 'y ajoutent les techniques propres au x différentes parties et utilisations d'un même habit, le piqué bordant les assemblages étant par exemple simple sur les tenues d'été et double sur celles du printemps et de l'automne, alors que celles d'hiver se composent pour la plupart d'étoffe épaisse matelassée de coton ou de laine, le choix de la plus adaptée étant avant tout subordonné à l'obtention d'un article confortable. Longtemps, l'art de la couture traditionnelle coréenne s'est transmis de génération en génération au sein des familles, mais l'apparition de la machine à coudre et la fabrication vestimentaire de série ayant mis fi n à cette pratiqu e, sauf dans de rares foyers, sa survivance est entre les mains de quelques maîtresses-artisans dévouées à sa préservation.

Déclarée meilleure artisan-couturiè re et classée n° 89 au titre du patrimoine culturel immatériel, Jung Jeongwhan sera l'élément moteur de l'action entreprise pour perpétuer ces travaux d'aiguille trad itionnels. Fille aînée de Jung ln-bo, un lettré de la fin de l'époque Joseo n [1392191 O] et mariée à un descendant de « gwangpyeong daegun » alors qu'elle étudiait à l'école Jinmyeongyeohagwon, c'est en tenant un ménage aux nombreu x membres qu· elle allait développer ses talents. Détentrice d'un savoir-faire étroitement lié à la classe aristocratique des « yang ban », elle deviendra maîtressecouturière à l'âge de 77 ans et continuera, en dépit de son âge avancé, de se consacrer à sa mission formatrice ainsi qu'à la présentation de ses chefs-d 'œuvre, réalisant en 1985 une robe de ram ie entièrement faite main à la demande du Musée national d'ethnologie d'Osaka et exposant un ensemble de tenues traditionnelles dont des costumes de mariage. Hive r 2005 1 Korea na 43


coréenne. Avouant posséder quelques connaissances en

Maîtresse et élève Le talent de Jung Jeong-whan était tel qu'un coup

matière de « hanbok », que sa mère confectionnait pour

d' œil exercé lui suffisait pour prendre les mesures de son

elle dans sa jeunesse, elle se remémore les exigences

beau-père et confectionner un vêtement lui allant à la per-

draconiennes de sa belle-mère. À la question de savoir ce

fection . Caractérisées par une exécution très raffinée et un

qui différencie l'art de coudre occidental et coréen, elle

sens aigu du confort et de l'élégance, ses réalisations pri-

apporte la réponse suivante : « Ces méthodes présentent

vilégient l'aspect fonctionnel tout en comportant des

beaucoup de similitudes à divers égards, mais tandis que

éléments décoratifs adaptés au cadre traditionnel, mais

la couture de style occidental garde les points apparents

c'est le flamboiement des couleurs qui suscite le plus

des fins décoratives, cela n'est jamais le cas en Corée. »

à

d'admiration . Il s'y manifeste une exceptionnelle capacité à

À l'instar du vieil adage coréen d'après lequel « les

créer une opulente élégance par la seule variation des

habits célestes ne laissent rien paraître du travail à l'ai-

teintes de l'étoffe destinée aux« jeogori » [veste), jupes,

guille », les vêtements traditionnels sont en Corée exempts

pantalons et« daenim » [bandage pour les chevilles].

de toute trace de couture en raison de la mise en œuvre

Aujourd 'hui, son âge avancé ne lui permet malheureuse-

de techniques raffinées et précises. C'est, selon ses dires,

ment plus de poursuivre ses travaux.

grâce à la formation rigoureuse que lui a dispensée sa

Seule son adepte de longue date, première de ses

belle-mère, femme douce mais stricte dans son

belle-filles et héritière présomptive Koo Hye-ja ,

enseignement, que Koo Hye-ja est aujourd 'hui capable de

représente dorénavant l'avenir de la couture traditionnelle

relier entre eux différents assemblages sans avoir à pren-

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Kore ana I Hive r 2005

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dre de mesures.

tionnelles coréennes réside dans l'équilibre qu'elles

Prenant la relève de sa belle-mère aujourd'hui trop âgée, elle enseigne dans plusieurs universités et instituts

réalisent entre leur effet d'harmonie et le flou de leurs contours.

culturels tout en préparant elle-même ses expositions,

« Alors que certains vêtements sont empreints de

comme ce défilé qui présentait cinquante« hanbok » de

dignité, d'autres donnent une impression de frivolité, ce

style différent le 1er octobre dernier aux États-Unis. « Bien

qui dépend entièrement de l'esprit du créateur. La beauté

que j'aie longtemps pratiqué la couture, j'éprouve toujours

du « hanbok » tient à ce que, tout en étant de coupe nette

de la peur et même de l'angoisse chaque fois que j'entre-

et simple, il procure une sensation de confort. Autant que

prends un nouveau travail car la confection d'un vêtement

faire se peut, je souhaite créer des habits qui offrent

pour quelqu'un exige une attention de tous les instants.»

fraîcheur et nouveauté dans le respect des traditions,

Elle avoue aussi l'immense fierté qu'elle ressent en voyant porter l'une de ses créations. Pas moins de deux

sachant qu'ils ne pourront en aucun cas égaler ceux que confectionnait ma belle-mère. »

semaines de travail lui sont nécessaires pour réaliser cha-

La maîtresse-artisan Jung Jeong-whan et sa belle-

cun de ses « hanbok » qui sont ainsi le fruit d'efforts con-

fille Koo Hye-ja, qui a entrepris de suivre sa voie, ont toutes

sidérables, ce qui leur vaut un accueil élogieux tant en

deux démontré leur maîtrise de la couture coréenne en

Corée qu'à l'étranger. Reconnaissant passer désormais

véritables femmes de métier tout entières dévouées à la

plus de temps à dispenser des cours qu'à exercer la cou-

préservation de cette tradition . 1.:.11

ture, Koo Hye-ja affirme que la beauté des tenues tradi-

1 Ici représentées par une veste traditionne lle de Jeune fille , les créat ions de Jung Jeong -whan se caractérisent par une élégance pratique en droite ligne des traditions ainsi que par l'éclat rema r quab le des couleurs . 2 La simple va ri ation des couleurs m ises en contraste pr odu it un effet sp lendide . 3 Pou r plus de commodité. ces pantalons d'enfant comportent une ouverture à l'entrejambe .

3

2

Hiver 2005

1Koreana 45


CH EFS-D'ŒUVRE

Deux encensoirs en céladon

d'époque Goryeo Les siècles ont passé, mais les deux élégants encensoirs de céladon qui avaient retenu l'attention d'un émissaire chinois sous le royaume suzerain des Song diffusent encore comme un léger parfum du temps jadis. Jeon Seung-chang Conservateur en chef du Musée d'art Leeum Samsung Photographie : Musée d'art Leeum Samsung

S

ous les royaumes successifs de Goryeo [918-1392] va se développer une large production de céladons comprenant, outre les assiettes, bols et autres articles à usage quotidien, tout

un ensemble de pièces cultuelles bouddhistes ou taoïstes dont la valeur a été certifiée par divers spécialistes et qui comportent notamment des urnes funéraires, encensoirs, carafes à eau, statuettes de Bouddha, Bodhisattvas et autres figures du panthéon bouddhique, ainsi que divers articles religieux dont des cloches. De ces différents produits, l'encensoir était le plus communément en usage. C'est au sein de temples bouddhistes et taoïstes, mais aussi dans de modestes intérieurs que l'on retrouve cet article fabriqué sans discontinuer durant la dynastie Goryeo avec seulement quelques évolutions dans ses modèles, formes et ornements conformes aux grandes tendances de l'époque, notamment sous l'influence des céramistes chinois pour ces deux derniers aspects, quelques-uns empruntant même leurs motifs à des produits métalliques. L'ensemble de cette production fournit autant d'illustrations différentes de la grâce et de l'incomparable éclat qui font le céladon de Goryeo. Finesse des gravures et teintes indéfinissables

Selon leur conception extérieure et leur ornementation, les encensoirs en céladon de Goryeo se répartissent en quatre catégories dont les plus courantes se caractérisent par un corps soit sphérique avec motifs d'animaux ou autres créatures, tels le dragon, le canard ou le lion, soit carré ou rectangulaire à l'image des encensoirs métalliques, mais leur spécificité réside avant tout dans une glaçure qui tient du joyau par son opalescence et dans leurs parements d'inspiration naturelle. 46 Koreana I Hiver 2005


Encensoir tripode à décor de tortue-dragon. XII' siècle, hauteur: 10,2 cm, diamètre d. ouverture : 10,2 cm, diamètre à la base: 13,1 cm, largeur: 18,3 cm, Trésor n° 1027


Classés Trésors n° 1026 et 1027, les deux encensoirs de G oryeo témoignent du brillant artisanat d'alors par leurs délicates ciselures et leur sublime glaçure opalescente.

Ils présentent pour la plupart la forme sphéroïde superposée à trois pieds courts et ornée de ciselures, la face intérieure de ce corps étant plane à sa partie supérieu re et recevant l'encens qui se consume et dont la fumée s'élève alors vers le haut surmonté d'un couvercle à décor animalier conçu pour que cette émanation s'échappe par la gueule de l'animal, comme si celui-ci diffusait un parfum . L'encensoir tripode à tortue-dragon en offre un remarquable spécimen, de sorte qu'il constitue le Trésor n° 1027. Il s'orne au sommet de son couvercle d'une grande figure de tortuedragon composée d'une carapace symbolisant le corps de la première alors que le second est représenté par une tête à cornes, à la longue barbe flottant dans le vent et à la gueule grande ouverte dans un rugissement tandis que les yeux semblent rivés sur le ciel. En outre, des motifs gravés d'éclair et de nuages joufflus composent respectivement le décor du couvercle et du corps. Quant au trépied qui soutient cet ensemble, il est orné de têtes monstrueuses symbolisant le pouvoir propre à la tortue-dragon de chasser les esprits démoniaques et nappé d'une glaçure à l'éclat laiteux semblable au jade et qualifiée de vert céladon. Tout à la fois dynamique, fascinante et empreinte de dignité, cette pièce compte de l'avis général au nombre des chefs-d'œuvre du céladon de Goryeo en raison de ce décor gravé. Quant au Trésor n° 1026, il se compose d'un encensoir rectangulaire à motifs de créature mythologique en relief et comprend à sa partie supérieure, de part et d'autre du corps, deux poignées rectangula ires pourvues de dentelures décalées laissant penser qu'il possédait un couvercle malheureusement disparu aujourd'hui. Le corps s·orne à sa surface extérieure d'un motif récurrent de cercles formant un tourbillon concentrique ainsi que de motifs géométriques et à sa partie inférieure, d'une créature mythologique en relief sur fond d'éclairs dite « docheol » qui symbolise la cupidité et décorait les vaisselles cultuelles pour mettre en garde les croyants contre les effets néfastes de la cupidité. Le décor d'ensemble en est constitué d'un entrelacs subtil et particulièrement complexe se mariant parfaitement avec la transparence du céladon. Louanges chinoises

Le traité chinois intitulé « Xuanhe Fengshi Gaoli Tujing », qui décrit par le détail la culture de Goryeo, fait une présentation particulièrement élogieuse des encensoirs en céladon de cette époque. Dépêché dans ce royaume par les souverains de Chine en 1123, Xu Jing rédigera dès son retour cet ouvrage pour le présenter l'année suivante à l'empereur Huizong [r. 1100-1125]. Ce traité rassemble des indications relatives aux différentes œuvres découvertes par l'auteur lors de son périple, notamment celles réalisées en céladon, métal et laque. Parmi les premières, les encensoirs à décors gravés sont le plus fréquemment mentionnés, en particu48 Koreana I Hive r 2005


En censoir de céladon rectangulaire à décor en relief de créature mythologique. XI I' siècle, hauteur : 11,8 cm, ouverture: 17,5 cm x 4,9 cm , base : 12,5 cm x 9.4 cm, Trésor n° 1026

lier une pièce figurant un lion foulant des fleurs de lotus que l'auteur décrit minutieusement en en exaltant les particularités décoratives et la magnifique glaçure. Dans une Chine produisant ellemême à l'époque un céladon réputé, le raffinement des ciselures et couleurs des encensoirs coréens n'en fascina pas moins Xu Jing, qui s'attacha à rendre compte de leur parfaite beauté. En ce XII ' siècle qui marque l 'apogée du céladon de Goryeo, la technique en est caractérisée par la diversité des formes, la complexité du décor et la glaçure au vert subtil pareille à un bijou . C'est durant ce même âge d'or que Xu Jing aura l'occasion d'admirer les encensoirs à tortue-dragon et rectangulaire en céladon de Goryeo qui enchanteront les yeux et les cœurs de tous par leur sublime opalescence et que Taiping Laoren, autre contemporain de la Chine des Song allait juger les plus raffinés du monde dans son ouvrage intitué « Xiuzhongjin ». 1.11

Hiver 2005 1 Koreana 49


Cérémonie de remise du Prix Manhae 2005 lors âu Festival t

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: - -

••

Rencontres mondiales des lettres en Corée L'année 2005 aura été particulièrement féconde en échanges intellectuels entre la Corée et l'étranger, notamment par le biais du Forum international de littérature de Séoul et du Festival international de poésie pour la paix mondiale. Kim Kwang-i l Journaliste au service culturel du Chosun /Ibo Jun Key- byong Reporter photographe au Chosun /Ibo

N

ombre de lauréats du Prix Nobel de la Paix ont fait une expérience douloureuse de la guerre dans leur pays, soit que celui-ci ait été au bord d'un conflit soit qu'il y ait déjà été engagé et il peut sembler paradoxal que des intellectuels venus du monde entier aient choisi de se retrouver sur cette péninsule coréenne à l'horizon assombri par de constantes menaces pour y engager un débat sur la paix mondiale. Décernée pour récompenser une action résolue accomplie en faveur de la paix, cette distinction traduit également le fervent désir de son comité de la voir s'instaurer dans le monde. La zone démilitarisée divise la péninsule coréenne en deux Etats situés au sud et au nord. De part et d'autre de cette frontière, ont récemment eu lieu d'importantes rencontres mondiales d'hommes de lettres telles que le Forum international de littérature de Séoul, en mai dernier, ainsi que, trois mois plus tard, le Festival Manhae et le Festival international de poésie pour la paix mondiale. Ces manifestations se sont fait l'expression de la réelle volonté qu'ont les peuples de Corée et d'ailleurs de chasser les nuages de sinistre augure pour ouvrir la voie à un avenir plus radieux. 50 Ko rea na I Hiver 2005


Ecrire pour la paix Le Forum international de littérature de Séoul qui se déroulait au Centre Sejong des arts du spectacle de Séoul sur le thème « Ecrire pour la paix » comptait parmi ses participants des écrivains aussi mondialement célèbres que Oe Kenzaburo (Japon]. Luis Sepulveda [Chili], Bei Dao [Chine]. Mo Yan [Chine]. Jean-Marie Gustave Le Clézio [France], Orhan Pamuk [Turquie], Tibor Meray [Hongrie]. Gary Snyder [États-Unis]. Robert Hass [États-Unis] et Ngugi Wa Thiongo [Kenya], une pléiade qui permettait de le qualifier sans exagération d' « Olympiades de la littérature ». Un certain nombre d'écrivains coréens prenaient également part à cette manifestation à titre de conférenciers, tels Kim Uchang, Paik Nak-chung, Yu Jong-ho, Ko Un, Hwang Tong-gyu, 0 Chong-hui, Hwang Ji-woo, Choi Yun, Kim Kwang-kyu et Gong Sun-ok, alors que Kim Byung-ik, Jo Chong-rae, Kim ln-hwan, Lee ln-sung, Sung Suk-je et Gong Ji-young intervenaient en qualité de discutants, des critiques littéraires comme Kim Yun-shik, Kim Hwa-young, Lee Nam-ho et Oh Saeng-keun animant quant à eux les débats. L'objectif premier de ces « Olympiades de la littérature » organisées sur le thème de la paix mondiale par la Fondation Daesan en collaboration avec la Fondation coréenne pour la culture et les arts, allait clairement apparaître dans le discours inaugural prononcé le 23 mai à l'Hôtel Plaza par le président de la Fondation Daesan, Shin Chang-jae, quis· exprimait ainsi : « Avec la poursuite des guerres, actes de terrorisme, violences et conflits dans le monde, l'humanité entière éprouve toujours un espoir de paix et de prospérité partagée, de compréhension et de tolérance , de réconciliation et de dialogue, d'où le titre« Ecrire pour la paix » que nous avons pris pour thème de ce forum afin de mettre en œuvre un dialogue propice à l'avènement d'une paix véritable fondée sur la notion de prospérité partagée.» Hyun Gi-young, ex-président de la Fondation coréenne pour la culture et les arts, c'est-à-dire l'actuel Conseil des arts coréen, allait pour sa part adresser ces


mots de bienvenue traduisant une volonté encore plus ferme, notamment en matière de participation : « Ce forum revêt une importante signification à l'heure où l'affrontement entre politique et littérature s'accentue toujours plus, en permettant au x intellectuels du monde entier de débattre ensemble du problème de la guerre et de la paix, ainsi que de la sauvegarde de la communauté humaine. Si la tonalité résolument critique de nos écrits nous a valu d'être ta xés de non-littéraires ou anti littéraires, nous restons conscients de notre devoir de critiquer ce qui doit l'être au nom de la paix et de la liberté. » Dès la partition de la péninsule et encore tout récemment, les deux Corées se sont enfermées dans une alternance sans fin d'affrontements et réconciliations de

œuvres dans lesquelles ils manifestaient leur sincère

part et d'autre du mur de barbelés de leur zone démili-

aspiration à la paix mondiale . Les présents allaient par-

tarisée , faisant souvent dire au x médias étrangers que

ticip er à la cérémonie inaugurale du « Mur des poèmes

celle-ci constituait « un lieu d'affrontements tragiques » ,

pour la paix mondiale » dédié par la Fondation Manhae à

expression qui ne semble plus de mise à l'heure où la ten-

l'exposition des manuscrits de poèmes portant sur ce

dance est au rapprochement.

thème et situé à proximité du temple Baekdamsa dans le

Une excursion dans cette zone avait d'ailleurs été

villag e du même nom . Ils se sont par la suite rendus en

organisée à l'intention des participants au forum parmi

autobus au Mont nord-cor~en Geumgangsan pour y pren-

lesquels figurait Tibo r Me r ay, qui en 1950, pendant la

dre part au x manifestations organi sées à cette occasion,

Guerre de Corée, s· était rendu sur le front, côté nord, en

notamment un récital poétique.

tant que journaliste et qui propose aujourd'hui l'adoption d'une « Déclaration de la Paix de Séoul » .

À l'origine, le Festival prévoyait la participation d'une trentain e de poètes nord-coréens, mais ce projet ne pouvant se réaliser en raison de circonstances politiqu es

Festival international de poésie pour

imprévues, il s'est limité au x po èt es sud-coréens et

la paix mondiale

étrangers, dont le Français Alain Duault qui allait évoquer

Trois mois après la tenue du Forum international de

de mani ère saisissante la tragédie de la guerre : « Cette

I

littérature de Séoul avaient simultanément lieu le Festival

obscure ivresse du sang q_ ui monte dans la bouche, c·est

Manhae et le Festival international de poésie pour la paix

Un poème hurlé quand il faut se taire/ Cette lente et inter-

mondiale qui se déroulaient respectivement au temple

minable déchirure qui continue de partager ( Le temps et

Baekdamsa, dans la province sud-coréenne de Gangwon -

le monde entre ceux qui tuent et ceux qui pleurent. »

do et près du Mont Geumgangsan en Corée du Nord. Plus

Auparavant, la Polonaise Agni eszka Zulawska-Um eda

connu sous le nom de plume de Manhae et l'un des plus

avait ouvert le récital par un poème exprimant son espoir

distingués poètes coréens de l'époque, le bonze Han Yong-

de pai x, intitulé « Dialogue sur les collines de Tepeya c » ,

un [1879-1944) allait se consacrer sa vie durant à

auquel allait s'ajouter en sous-titre « En mémoire de Han

l'indépendance nationale et un festival commémore

Yang-un ». « Venez maintenant. Tout de suite. Restez à

chaque année sa vie et son œuvre admirables au Temple

mes côtés. Le soleil se couche et l'obscurité s'installe .

Baekdamsa où il fut bonze.

Hormis « nim », tout m'est inconnu ». Le mot « nim »

Cette année faisait coïncider ce festival avec celui de la poésie pour la paix mondiale, avec la participation de

renvoi e ici à l'idée force d'un poème de Han Yang-un et signifie tantôt amant, tantôt libération et paix nationale.

trente-trois poètes de renommée mondiale, les trente

Des spectacles traditionn els coréens comportant des

autres qui ne pouvaient y assister pour des raison s

représentations de « gayageum sanjo » , ces mélodies

indépendantes de leur volonté ayant fait parvenir des

in te rprétées sur une cithare à douze cordes, de l'art

52

Korea na I Hiver 2005


À travers des manifestations distinctes, le Forum international de littérature de Séoul et le Festival international de poésie pour la paix mondiale ont constitué un apport tout aussi important au mouvement pacifiste et en récitant des œuvres poétiques consacrées à ce thème, les participants ont dit leur aspiration sincère à la fin des conflits humains.

lyrique coréen du « pansori », dont le « Chunhyangga » ou chant de la fidèle Chunhyang, se déroulaient entre les lectures poétiques et si les participants étrangers n'étaient pas en mesure d'en comprendre parfaitement la significa-

Le philosophe français Jean Baudril lard comptait parmi les participa nts au Forum inte rn atio nal de l ittérat ure.

tian, ils n'en ont pas moins apprécié le rythme et la musique mélodieuse, tout comme la passion que laissaient transparaître les exécutants. Le Thaïlandais Naowarat Pongpaiboon allait en outre jouer une composition sur un instrument de musique traditionnel de son pays. La Sud-Africaine Diana Ferrus a, quant à elle, raconté comment elle avait persuadé un sénateur français de faire ramener dans son pays natal les cendres d'une femme africaine qui, contrainte à se prostituer pour assurer sa survie à Londres, était décédée plus tard à Paris. Le poème écrit par Diana Ferrus pour la paix de son âme allait toucher le cœur d'un sénateur français qui, entendant ce message de compassion, allait ordonner le transport des cendres de la défunte jusqu· en Afrique du Sud . C'est ce même texte, intitulé« Un poème sans prétention ... Pour la paix », que l'auteur allait réciter au Mont Geumgangsan : « Si je devais mourir foudroyée par les balles, les bombes ou les obus, je voudrais rendre l'âme en vous regardant dans les yeux. Je voudrais mourir en paix, pour la paix, en la donnant et en l'aimant... Mon dernier souffle vous appartient. Pour qu'il vous inspire l'abandon de

tous vos mensonges quand vous vous réveillerez». Rêve de paix véritable Lors d'une cérémonie qui se déroulait au temple Baekdamsa, le Prix Manhae de littérature 2005 allait être remis au Nigérian Wole Soyinka, lauréat en 1986 du Prix Nobel de littérature. Dans le discours plein de sincérité qu'il devait prononcer en acceptant cette distinction, il a eu cette émouvante remarque : « Ce que je vois devant moi, ce sont des mineurs venus en nombre du monde entier, des poètes qui ont tenté de faire percer la lumière en allant piocher dans·les montagnes périlleuses pour y mettre au jour une petite pépite d'or au prix de leurs efforts». Quant au Prix Manhae de la paix 2005, il allait être décerné au Dalaï Lama en l'absence de ce dernier, qui n'avait pu effectuer le déplacement en raison de pressions diplomatiques exercées par la Chine, mais qui avait tenu à faire parvenir en remerciement un message empreint de bienveillance .: « Par ce Prix Manhae de la paix dont vous honorez le modeste bonze que je suis, vous me rendez espoir, ainsi qu'à l'ensemble du peuple tibétain, car il signifie que notre nation, le Tibet, n'est pas oubliée de la commu-

nauté internationale sans avoir recouru à la violence.» Cet hommage dithyrambique rendu à la paix mondiale par la communauté internationale intervient dans le contexte particulier où se trouve aujourd'hui la péninsule coréenne et Le romancier kenyan Ngugi Wa Th,ong·o qui justifie plus que tout autre que s· élèvent des voix aussi éloquentes pour affirmer l'impératif de paix et d'arrêt des conflits humains dans le monde, un vœu dont les poètes coréens et étrangers ont été unanimes à souhaiter qu'il devienne dès que possible superflu. 1.;.11 Hiver 2005 1Koreana

53


À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE

Les << angbuilgwi >> et << jagyeongnu >> Prodigieux compteurs du temps joseonien Au X V siècle, la Corée mettait au point une horloge dotée d'un dispositif de signal horaire numérique unique en mn genre dans toute l'Asie de l'Est et se plaçait ainsi à l'avant-garde des techniques d'horlogerie. Nam Moon - hyon Professeur à l'Université Konkuk et pré sident de l'Institut de recherche Jagyeongnu

D

ès ['Antiquité, les Etats d'Asie de l'Est sont confrontés à la tâche cruciale, par

ses incidences politiques, d'observer les corps célestes au moyen de dispositifs et installations astronomiques pour recueillir les informations nécessaires à l'établissement du calendrier, fondement de l'identité et de l'indépendance nationales. À peine s'était-il écoulé trois ans depuis l'avènement en 1395 de la Dynastie Joseon [1392-1910]. que le Roi Taejo [r. 13921398) fit dresser sa carte systématique du ciel astronomique, le « Cheonsangnyeolchabunyajido ». L'élaboration du calendrier incombait exclusivement au« Gwansanggafn », c·est-àdire le bureau d'astronomie compétent pour traiter toute question relative à cette science, ainsi qu'au x calendriers, à la cartographie et aux clepsydres, ce qui conférait à son responsable l'importance d'un Premier ministre actuel. Le calendrier constituait alors une précieuse source d'information pour déterminer la position astrométrique des astres et rédiger l'almanach de l'année à venir comportant des ind ications sur les fêtes et époques importantes d'un point de vue pratique, notamment dans les activités agricoles. À chaque solstice d'hiver, jour le plus court de l'année qui 54 Koreana I Hiver 2005


1 C'est Jang Yeong-sil qui mit au point une horloge à ea u annonçant l'heure au moyen d'un automate et dite« jagyeongnu » !photog ra phie : Musée nationa l des traditions populaires coréennes). 2 Le traité intitulé« Chiljeongsan Naepyeon » que r édige le roi Sejong en 1444 expose un procédé inédit de division du temps !archives Gyujanggak)

correspond au 22 décembre sur le calendrier solaire, le nouvel almanach était distribué au x fonctionnaires du gouvernement et aux sujets du royaume. Calendrier aux constellations de sept étoiles

C'est à l'époque des Trois Royaumes [I" s. av. J.-C. VII· siècle] que la Corée instaure le calendrier chinois faute de disposer du sien propre, à l'instar du roi Chungseon (r. 1308-1313] qui, pendant la dynastie Goryeo (918-1392]. adoptera le Shoushi dressé par Guo Shoujing (1231-1316] sous le règne des Yuan. Celui-ci était alors le plus évolué qui soit car reposant sur un calcul précis de l'heure et de la position de la Terre à partir du solstice d'hiver, point de référence par rapport auquel la durée d'une année était fi xée à 365,2425 jours et celle d'un mois à 29,530593 jours. Conçu dans la Chine des Yuan, ce système s'avérera inadapté à l'époque Joseon et le roi Sejong [r. 1418-1450]. conscient de cette carence, fera édifier l'observatoire royal dans l'enceinte du palais en vue de réaliser des études astronomiques permettant d'établir un calendrier déterminant la latitude exacte de la capitale, Hanyang, la Séoul d'aujourd'hui, et ordonnant aux savants Yi Sun-ji (?1465] et Kim Dam (1414-1464] de prendre celle-ci comme référence pour y adapter le Shoushi-Li. Le monarque allait ainsi instituer un système régissant une nouvelle division du temps, le « Chiljeongsan Naepyeon », c'est-à -dire le calendrier aux constellations de sept étoiles, les termes

« Chiljeong » ou « Chiryo » désignant sept corps célestes constitués du Soleil, de la Lune et de cinq étoiles. Il chargea en parallèle l'horloger Jang Yeong-sil de mettre au point la clepsydre « Jagyeongnu » un mécanisme donnant l'heure à intervalles réguliers. Installée dans le Pavillon Borugak du Palais Gyeongbokgung au premier jour du septième mois lunaire en l'an 1434, cette horloge à eau allait fournir à la Corée son heure de référence, ses signaux horaires étant transmis, de jour, jusqu'à la porte Gwanghwamun pour sonner midi, ainsi qu 'au crépuscule et à l'aube, jusqu'au pavillon de la Cloche Jongnu sur la rue de Jongno, pour annoncer l'ouverture et la fermeture des portes de la ville respectivement par vingt-huit coups marquant le couvre-feu et trente-trois indiquant la levée de celui-ci. Un système horaire intégré

Le calendrier aux constellations de sept étoiles fi xait la durée du jour de son commencement à minuit au lendemain à la même heure et divisait cette période en douze unités pour obtenir l'heure double. Celle-ci était à son tour subdivisée en un début et un centre respectivement nommés « cho » et « jeong » , équivalait à deux heures actuelles de soixante minutes et portait le nom de l'un des douze animaux du zodiaque oriental, à savoir rat, bœuf, tigre, lièvre, dragon, serpent, cheval, agneau, singe, poule, chien ou cochon. Au système de l'heure double s 'ajoutait celui des « cinq divisions nocturnes », qui délimitait la nuit Hive r 2005 1 Koreana

55


par le coucher du soleil et son lever suivant et la fractionnait en « ogyeong », c'est-à-dire cinq divisions nocturnes dont chacune se composait elle-même de « sous-divisions nocturnes » ou « ojeom ». Divisions et sous-divisions nocturnes se comptant de une [première] à cinq, les heures se lisaient« première division nocturne, sous-division initiale », puis « première division nocturne, seconde sous-division » et ainsi de suite jusqu 'à « cinquième division nocturne, cinquième sous-d ivision » . La durée de la nuit n'étant pas la même toute l'année, elle faisait l'objet d'un calcul saisonnier effectué à l'aide du « Nujutongui » , un traité sur le fonctionnement de

l'hor loge à eau ou clepsydre fondé sur le calendrier aux constellations de sept étoiles et sur l'application des divisions et sous-divisions nocturnes ainsi quë des douze heures doubles et cent intervalles égaux. Par ailleurs, les troupes cantonnées dans des régions isolées et en zone rurale ne pouvant lire l'heure la nuit au moyen d'horloges à eau, elles recouraient à des observations méridiennes des étoiles pour calculer l 'heure au fil des vingt-huit étapes de la course du Soleil dans le zodiaque, saison après saison.


Sous la Dynastie Joseon, le dispositif astronomique dénommé « ilseongjeong siui » assurait le comptage des heures diurnes et nocturnes [Musée national des traditions populaires coréennes) 2, 3 Ces deux cartes astronomiques d'époque Joseon divisaient la sphère céleste en douze zones permettant de localiser les étoiles [En haut : collection privée Jean Sang-woon; en bas : Musée national des tradition s populaires coréennes)

[t;,'ili l•j :J;

.

1:t;i 'ir .,"'\ ~

tian, peinaient à lire l'heure, j'ai fait confectionner, pour que cela leur fût plus aisé, deux cadrans solaires ornés sur

,&f) !-1,'

,i", Jt.d.

leur face intérieure de figures représentant les douze heures doubles et les ai fait disposer à côté du pont Hyejeonggyo et au sud de la rue de Jongmyo, haut lieu ancestral de la royauté ». Ainsi étaient nées les premières horloges conçues et exposées à l'usage du public pour lui inculquer la connaissance importante de l'heure. Ces appareils étaient aussi connus sous le nom d' « amok » désignant un cadran solaire concave universel consistant en une sphère céleste évidée de sa mo itié supérieure à partir de l'équateur pour former une cuvette et y tracer des lignes horizontales et verticales sur la paroi interne. Au-dessous des douze premières, qui marquaient l'heure, figuraient les douze signes du zodiaque et aux six autres, gravées de haut en bas de part et d'autre de l'équateur, s'ajoutaient les vingt-quatre subdivisions correspondant aux saisons et sur lesquelles une tige ou gnomon se dressant au Pôle Sud portait une ombre dont la position indiquait l'heure selon la saison. Au XVIII· siècle, vont se multiplier les cadrans solaires conçus selon le principe « intégral des vingt-quatre quarts d'heure» et d'après une méthode occidentale de calcul de l'heure rapportée à la latitude de Hanyang , c'est-à-dire 37 degrés, 39 minutes et 15 secondes Nord tels que les appareils de précision fixes ou portatifs que fabriquait la maison Gang Yun et dont la renommée allait s'étendre jusqu 'à la Chine à la fin du XIX· siècle. Les gens du peuple Hive r 2005 1 Ko reana 57


1 Cadran solaire de type universel, l'«angbuilgwi» indique l'heure, selo n la saison, par l'ombre se déplaçant sur un e grille. 2 Cadran solaire portatif réalisé par Gang Yun à la fin du XIX siècle [Musée national de Corée] 3 La fabrication , en 1669, de ce tte horloge à sphère armillaire est attribuée à Song 1-yeo ng [Mu sée de l'Un iversité Koryol. 0

appréciaient tout

double correspondante. Les cinq divisions et sous-divi-

autant les premiers que les seconds, qui

sions nocturnes étaient données par

se présentaient sous

un mécanisme numérique composé de

forme de pendentifs

figurines battant respectivement un

appelés« seonchu » et donnaient à la fois l'heure et l'orientation .

tambour ou un gong et actionné par la chute d'une boule provoquée par le fonctionnement de l'horloge hydraulique. Un tel dispositif peut être considéré comme l'un des précurseurs du

Le

«

jagyeongnu », gardien de l'heure légale

compteur numérique moderne et au XV' siècle, le

C'est en 1434 que le maître horloger Jang Yeong-sil

« jagyeongnu » était le seul qui en soit doté dans toute

crée le « jagyeongnu », qui allait par la suite devenir la plus

l'Asie de l'Est.

célèbre horloge hydraulique coréenne et dont le

La clepsydre de Jang Yeong-sil présentant des simili-

mécanisme horaire comportait une partie analogique, la

tudes avec celle construite par ['Empereur Shundi pour

clepsydre à triangle flottant, et une autre, numérique, indi-

son palais pendant la Dynastie Yuan chinoise, [e roi Sejong

quant les espaces horaires selon la méthode des douze

la fit nommer « jagyeonggungnu », c·est-à-dire l'horloge

heures doubles, cinq divisions et sous-divisions nocturnes.

mécanique du palais, d'où l'appellation de « jagyeongnu » .

Ces trois unités étaient représentées par des signaux

Selon l'éminent historien britannique Joseph Needham

horaires sonores émis par des figurines de bois venant

[1900-1995]. l'idée de la boule chutant pour actionner le

sonner une cloche à chaque heure double ou frapper un

dispositif de signal horaire naquit de l'Horloge éléphant,

tambour à chaque division nocturne et un gong

quatrième horloge à eau décrite dans le

d'un son de cloche résonnant douze fois par

Traité des connaissances relatives aux dispositifs mécaniques ingénieux,

jour et de douze statuettes de bois figurant

rédigé en 1206 par le savant

les animaux du zodiaque qui apparais-

arabe Al-Jazari et introduit

à chaque sous-division . L'indication des heures doubles empruntait ainsi la forme

saient à la fenêtre à chaque sonnerie et portaient une tablette marquée de l'heure 58

Koreana I Hiver 2005

en Corée par les Chinois de la Dynastie Yuan.


L'invention du << jagyeongnu » représente une étape décisive dans l'histoire de l'industrie horlogère en Asie de l'Est et révèle le haut degré d'évolution atteint par la dynastie Joseon dans les domaines politique, philosophique, scientifique, technique, rebgieux et artistique.

En 1536, le pavillon Borugak allait se doter d'un «jagyeongnu » amélioré, la « nouvelle horloge à eau de Borugak » dont l'automate annoncerait le début du couvre-feu et sa levée jusqu'aux invasions japonaises de 1592 à

1598 qui provoquèrent sa destruction, mais dont subsistent les vestiges dits de « l'horloge à eau à automate de Borugak » qui se limitent aux récipients de la clepsydre, le dispositif de signal horaire ayant disparu. C'est cette pièce classée Trésor national n°

229 qui figure sur le billet de banque coréen de

10 000 wons en commémoration d'un héritage

3

technique et scientifique qui possède une importante valeur sur le plan mondial et fait toujours la fierté des Coréens.

l'Est, le « jagyeongnu » avait tiré partie des importantes

En l'an 1438, vingtième du règne du roi Sejong, Jang

réalisations de la Dynastie Joseon dans les domaines poli-

Yeong-sil mettait au point une seconde horloge portant

tique, philosophique, scientifique, technologique, religieux

l'appellation d'« horloge à eau à automate de

et artistique. Ce compteur de temps, que Joseph Needham

Heumgyeonggak » ou « horloge céleste » et reprenant le

allait qualifier de « clepsydre qui bat » [the striking clepsy-

principe du « jagyeongnu » pour l ' appliquer à la

dral et qui relevait d'une véritable prouesse technique,

représentation des phénomènes astronomiques. Par la

allait devenir le gardien de l'heure légale de Joseon en

suite, la fabrication traditionnelle des « jagyeongnu » allait

même temps que le témoin de l'ingéniosité de ses sujets,

être perpétuée par l'astronome Song 1-yeong sous le

en ouvrant la voie à l'innovation en matière d'automa-

règne du roi Hyeonjong [r. 1659-1674], lequel allait lui-

tismes préfigurant la robotique. La restauration dont il fait

même créer en 1669 une sphère armillaire qui demeure

aujourd'hui l'objet permettra de revivre les heures de

aujourd 'hui en tant que Trésor national n° 230.

gloire de son invention par Jang Yeong-sil et du règne du

Invention capitale pour l'industrie horlogère d'Asie de

roi Sejong. t.t Hiver 2005 1Koreana 59


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Park Young-seok Premier vainqueur du « grand chelem » mondial de l'alpinisme

Les alpinistes du monde entier se sont passionnés cette année pour les exploits de Park Young-seok lequel, non content d'avoir fait l'ascension des quatorze sommets himalayens d'une altitude supérieure à huit mille mètres, ainsi que de l'ensemble des points culminants de nos sept continents, a effectué des expéditions à pied aux Pôles Nord et Sud. Han Peel-seok Journ aliste au mensuel La Montagne, Ph otographi e: La Mon tagne

60

Korea na J Hiver 2005


L

e 30 avril 2005 à 19h45, l'alpiniste Park Young-seok

nonyme d'échec. Au fur et à mesure qu'il va redoubler

réalisait dans sa discipline une première mondiale en

d'efforts, les notes qu'il prend dans son journal de route se

gagnant le Pôle Nord, par 90 degrés de latitude nord, au

font alors plus longues et détaillées, car il éprouve davan-

terme du périple le plus long et difficile qu i soit sur la

tage le besoin de consigner des informations, mais en ce

planète, puisqu'il comportait l'escalade des quatorze som-

30 avril qui marque son arrivée , elles se réduisent à la

mets himalayens dépassant huit mille mètres et des plus

phrase suivante : « J'aurai au moins attrapé la dernière

grands sommets sur les sept continents, ainsi qu'un voyage

étoile. »

dans l'Arctique et l'Antarctique. Sa deuxième excursion au Pôle Nord se voyait ainsi

Un « risque-tout »

couronnée de succès, la première ayant échoué en 2003 car

Né en 1963, Park Young -seok fait suite à quatre filles

entreprise sans véritable préparation en raison de l'excès

et son père, inquiet des incidences qui peuvent en résulter

d'assurance acquis après avoir franchi ['Himalaya. Par com-

sur son identité masculine, va désormais tout faire pour

paraison avec son parcours sur le toit du monde, où la

l'encourager à des activités physiques. Au printemps 1980,

moindre erreur aurait pu lui être fatale, celui de l'Arctique

alors qu 'il est en classe de première au lycée, il passe

lui semblait principalement une affaire d'endurance dans

devant la Mairie de Séoul, ce qui va changer le cours de sa

des conditions de froid et de vent extrêmes.

vie de manière décisive . Voyant passer au milieu d'une

Ces hypothèses a

--

·• t tout de suite se démentir et

.. glace ralentissant sa pr , • sion, de

•· • dès le départ, quïl ,s'aai.ë;se

d'énormes amas

a~

températures inférieures à -40 ° C, de • lizzards l'empêchant de se tenir debout et de marcher droit, ou encore d'une telle absence de visibilité qu'il lui était impossible de voir à un pas devant, sans parler des deu x gigantesques pans de glace qui en se heurtant et en s'effondrant, avaient formé de vastes étendues au re lief

fo4~ de spectateurs enthousiastes un cortège de voitures

. 1

transportant des membres du club alpin de l'Université Dongguk, qui venaient juste d'effectuer avec succès

l'ascension du Mont Manaslu (8 163 ml. dans ~ imalaya, t l'idée saugrenue ql)e pour devenir u~ omme il rè alpiniste.

-

armais, il se consacrera tout entier à la réalisation

rêve et bien qu'il ait été admis d;~ fù n\ çles

meilleures universités, il préférera ne pas saisi r cette

§ICCidenté. C'est l'une d'elles qui allait le contraindre à

chance pour repasser ses examens l'année suivante et

l' bandon, à quelque deu x cents kilomètres de son but.

entrer en 1983 à l 'Université Dongguk, où il ad ~

ra

Qu ·gue amèrement déçu, il s'était alors juré, avant

bientôt au prestigieux club alpin . Riche de l'expérience et

r, qu'il ne renoncerait jamais tant que subsis-

du savoir-faire technique qu'il acquiert dans ce cadre au

moindre chance de succès. Cette détermination

cours de multiples escalades de haut niveau, il réalisera à

allait par la suite motiver une seconde tentative durant

l'hiver 1989 urie première ascension du mont himalayen

laquelle il s'est maintes fo is senti à deu x doigts d'une

Langtang Ri (7 205 ml. sur un si maigre budget qu'il doit

nouvelle capitulation . Au tout début, sa lassitude était telle

demander à sa fiancée de lui payer son billet d'avion, ce

qu 'en son for intérieur, il avait résolu de ne jamais recom-

qui ne fera que le motiver davantage. S'attaquant pour la

mencer, puis il avait serré un

u plus les poings, con-

prem ière fois en 1991 à celle du toit du monde, le Mont

scient que le seul fait d'envisager l'abandon était sy-

Everest (8 848 ml. il fait une chute de cent cinquante Hiver 2005 1 Korea na 61

r

..


Premier vai nq ueur du grand chelem » mondial de l'alpinisme, Parn Young -seok aff1rll"e que est c~ntr lu1-meme q,, 1l eu a livrer le plus ternbl l s ·ombats. 2 Park Young-• eok et ,es coéquipiers en ac ion, qui ont atte1~t le Pole l'<ord au terme d'un audacieux per ple de c nquante-quat e Jours su· les immensités gla,:ees de l'Arctique. <•

-

-

- --

-- -

~:::--32- -

- - -:=: .-r.

62 Koreana I Hiver 2005


Avec Park Young-seok, s'ouvre un nouveau chapitre de l'histoire mondiale de l'alpinisme et des expéditions. Ce sportif fait preuve d'un tel acharnement à tenter l'impossible que l'on se demande quelles prouesses lui resteront à accomplir plus tard.

mètres alors qu'il évoluait sur un pan rocheu x situé à sept

Jusqu 'au bout, la mort le suivra comme une ombre . En

mille mètres d'altitude, se fracturant les os des pom -

2001, arrivé au faîte du dernier des quatorze monts, le K2

mettes et souffrant de multiples contusions. Il n'en repar-

[8 611 ml, il y pose six plaques commémoratives, tout à sa

ti ra pas moins pour autant à l 'assaut dès 1993 pour

douleur, mais lors de la descente, un de ses compagnons

devenir, et rester encore à ce jour, le seul alpiniste coréen

meurt tragiquement dans un vertigineux précipice.

à avoir franchi ce sommet sans apport d'oxygène. L'année suivante, ce sera le tour du Mont Cho Oyu [8 201 ml, dans cette même chaîne.

L'aventure continue

D'aucuns pensaient que Park, ayant eu raison des

Après cela, il se cantonne à une certaine inactivité et

quatorze géants au pri x de si rudes épreuves, n'éprou-

ne parvient à se distinguer ni dans sa discipline sportive,

verait plus le besoin de poursuivre ses expéditions auda-

ni sur le plan professionnel, au point d'avoir honte de ne

cieuses au péril de sa vie . Loin s'en faut, car ses rêves

pas mieu x donner l'exemple à ses deu x fils. Alors que

r epoussent toujours plus loin les limites et l'homme

l'alpinisme et la conquête des plus hauts sommets

entend aujourd'hui conquérir des crêtes plus aériennes

avaient avant tout représenté pour lui un moyen

encore, afin de servir de modèle non seulement à ses

d'affirmer sa virilité, il allait dorénavant se fixer pour

deu x fils, mais aussi à la jeune génération dans son

objectif de devenir le plus grand alpiniste du monde ainsi

ensemble . Il s'est en effet donné pour but d'effectuer le

que la fierté de ses fils .

premier « grand chelem » au monde dans le domaine

Il va alors escalader un à un les qua t orze monts

de l'alpinisme.

himalayens qui se dressent à une altitude minimale de huit

Ne s'entretenant jamais de ce sport avec ceux qui n'y

mille mètre s , côtoyant la mort à chacune de ces

sont nullement liés de crainte que, par manque de con-

expéditions. En 1995, pris dans une tempête de neige sur

naissances, ils ne jugent qu'il tire gloire de ses aventures

le Mont Everest, il se fracture les côtes, puis en 1997,

ou les enjolive considérablement, il s·efforce en outre de

tombe dans une crevasse restée cachée sur le Dhaulagiri

ne pas se complaire dans l'existence facile qu'il. pourrait

[8 167 ml et ce n'est qu'avec l'aid e de ses compagnons de

mener en se contentant de prononcer des conférences qui

cord ée qu'il s'en tirera sain et sauf, confiant par la suite

lui rapporteraient de confortables honoraires. Après son

qu'il avait vécu de terribles moments à l'idée que son

exploit himalayen de 2001, quand l'Université Dongguk

heure avait sonné.

l'invita à exercer dans son alma mater, il déclina poliment

Cette conquête des quatorze géants himalayens allait

cette offre généreuse car il brûlait encore du désir de se

coûter la vi e à pas moins de sept des membres de

lancer dans d'aventureuses expéditions, mais peut-être

l'expédition . En 1993, au cours de l'ascension du Mont

aussi parce qu'il est de ceu x qui ne peuvent jamais se faire

Everest sans oxygène, ce sont deu x d'entre eux qui trou-

à la routine. Après son succès himalayen , il ambitionnait le

vent la mort dans des cascades, puis un troisième lors de

« grand chelem », qu'il a aussi réalisé, et déjà il songe à de

celle du Pic Broad [8 047 ml réalisée conjointement en

nouveau x défis, puisqu 'au printemps prochain, il entre-

1999. Dans une tempête de neige sur le Mont Everest, en

prendra de franchir le Mont Everest par la face nord.

1995, c'est un premier sherpa qui succombe, puis un se-

Jusqu'où ira donc son rêve de ravi r à la nature un peu de

cond , avec lequel il était très lié , au Makalu [8 463 ml.

sa majesté?

1.;t

Hiver 2005 1Koreana 63




S

ituée dans la province de Gangwon-do, Pyeongchang

par la Fédération Internationale de Ski (FIS) et exploite

s·élève à haute altitude et les hivers y sont de ce fait

quinze téléskis de même qu'un téléphérique couvrant une

plus précoces, rigoureu x et longs que partout ailleurs,

distance de 3,7 kilomètres. Du chalet suisse à deux étages

puisque après les premiers froids d'octobre, il arrive qu'ils

qui se dresse à 1 458 m sur le Mont Barwangsan, l'observa-

se poursuivent jusqu'au mois d'avril suivant. La ville se

teur découvre un paysage hivernal à couper le souffle, ainsi

trouve au point de divergence des axes montagneux de

qu'un inoubliable point de vue du soleil couchant sur le Mont

Taebaeksan et Charyeongsan s'étendant du nord au sud,

Odaesan et la région de Gyeongpodae située près de

aussi son arrondissement de Pyeongchang-gun comporte-

Gangneung. Yongpyong offre également deux parcours de

t-il plus de reliefs que de plaine. La région bénéficie dans

golf de dix-huit trous et un troisième de neuf, une piscine et

l'ensemble d'un climat de type continental, les

un hébergement hôtelier de catégorie supérieure.

températures enregistrées sur les hauteurs de Hoenggye

Plus loin, la station de Phoeni x Park se flatte de

ne dépassant guère 6, 1 °C en moyenne annuelle. D'une alti-

posséder douze pentes homologuées par la FIS, huit téléskis

tude moyenne supérieure à cinq cents mètres,

destinés aux débutants et des remonte-pentes constitués de

Pyeongchang-gun se caractérise sur 78,9 % de sa superficie

wagonnets transportant chacun huit passagers. Elle com-

totale par un relief et un climat montagnards qui limitent son

porte aussi le « Parc de surf des neiges », zone exclusive-

secteur primaire à l'agriculture et à l'élevage de montagne.

ment réservée à cette discipline sportive qui remporte un

L'exploitation de Daegwallyeong se consacre ainsi à

succès croissant depuis quelques années, comme en attes-

l'élevage extensif sur près de vingt kilomètres carrés et à

tait encore récemment l'augmentation du nombre de ses

une altitude comprise entre 850 et 1 470 mètres. Datant de

adeptes. Quinze pistes sillonnent au total les pentes du Mont

1972, elle résulte du remembrement de parcelles sur

Taegisan à partir d'une base de loisirs de 500 mètres de

lesquelles des agriculteurs itinérants pratiquaient le brûlis

largeur, d'une conception spécifique et visible en tout point.

pour cultiver la pomme de terre et le maïs. Elle est flanquée

Riche de ces différentes ressou·rces, Pyeongchang s'est

à l'est d'une énorme vigie qui fournit une vue de la ferme et

portée candidate en l'an 2000 à l'organisation des Jeu x

de ses environs jusqu'à la Mer de l'Est.

Olympiques d'hiver de 2010 et celle-ci ayant été attribuée à Vancouver, elle se prépare aujourd'hui à sou mettre à nou-

Paradis des sports d'hiver

veau une offre pour l'édition 2014. Pyeongchang a par ailleurs

La station de Yongpyong, qui se trouve dans la com-

été retenue pour accueillir cette année même la Coupe du

mune de Doam-myeon appartenant à ce même arrondisse-

monde de Surf des neiges et la compétition internationale de

ment, s· étend sur dix-sept kilomètres carrés et possède de

biathlon, ainsi que la Coupe du monde de ski alpin et la Coupe

longue date une excellente renommée en matière de sports

du monde de ski pour handicapés en 2006, la Coupe du

d'hiver. Depuis son ouverture en 1975 qui a fait d'elle la

monde de biathlon en 2008, le Championnat mondial de surf

première station hivernale du pays, Yongpyong jouit d'une

des neiges et le Championnat mondial de biathlon en 2009.

renommée qui s'étend au-delà des frontières et allait

Outre l'organisation de nombreux séjours pour la jeunesse,

organiser avec succès les Jeux Asiatiques d'hiver de 1999

Pyeongchang a déjà démontré ses capacités d'accueil en se

ainsi que les épreuves finales de la Coupe du Monde de ski,

faisant l'hôte de plusieurs manifestations internationales

en 1998 et 2000. Elle est dotée de trente et une pentes con-

d'envergure et si se réalise son souhait d'y ajouter les Jeux

formes à différentes normes et mesurant dans tous les cas

Olympiques d'hiver de 2014, elle attirera encore une fois les

180 mètres de largeur, six d'entre elles étant homologuées

regards dans le monde entier.

66 Korea na I Hiver 2005


Bénéficiant d'une longue saison hivernale, Pyeongchang propose toute une série de manifestations, notamment son Festival de neige de Daegwallyeong. 2 Véritable paradis des sports d'hiver, Pyeongchang et ses stations de ski attirent irrésistiblement adeptes du ski et du surf des neiges quand ouvrent ses pentes neigeuses. 3 Un enneigement annuel moyen de 250 centimètres permet de skier printemps comme hiver.



1 Possédant à près de 65 % un reli ef de montagnes atteig nant plus de sept cents mètres, Pyeongchang s'attache à préserver so n milieu naturel dans le cadre de l'opération« Happy 700 ». 2 Niché sur les pentes du Mont Odaesan, le célèbre temp le Woljeongsa émerge de la couverture neigeuse.

Festivals et manifestations Pyeongchang possède à près de 65 % un relief de montagnes atteignant plus de sept cents mètres, la convergence de hautes et basses pressions qui se produit à cette altitude créant des conditions atmosphériques tout aussi adaptées à l'homme qu'à la faune et à la flore. En coupant l'accès aux régions limitrophes, ce bouclier montagneux a permis la conservation d'un cadre naturel exempt de pollution, que Pyeongchang s'attache également à protéger dans le cadre de l' opération « Happy 700 ». La saison froide y étant longue, ce site réunit ainsi toutes les conditions requises pour de grandes fêtes d'hiver telles que le Festival de neige de Daekwallyeong. Cette manifestation d'une périodicité annuelle se déroule à la mi-janvier à proximité de la commune de Doam-myeon . Créée et perpétuée par la population, elle vise à faire découvrir les spécificités de la vie d'un village de montagne et c· est sa treizième édition qui se tient cette année après un constant développement de ses activités et programmes, ainsi que du nombre de ses participants et visiteurs . Une exposition de sculptures sur glace et sur neige réalisées par de véritables artistes, des glissades sur glace pour amateurs de sensations fortes, des randonnées en luge traditionnelle, le Marathon international torse nu de Daegwallyeong, des randonnées sur neige et des· séjours chez les éleveurs constituent autant d'attractions et activités offertes par ce festival.

À deux pas de son site, le Musée du ski de Daegwallyeong mérite une visite car sur ses deux étages, il abrite quelque 300 photographies rares aux côtés de luges traditionnelles et d'une trentaine de paires de skis datant des années trente, ainsi que de médailles et trophées décernés dans cette discipline, les premières, vieilles de plus de cent ans éveillant peut-être le plus d'intérêt et constituant en fait des sortes de skis alors que vient plutôt à l'esprit l'image d'un petit traîneau pour enfant. Selon Kim Young-gyo, conservateur du Musée du ski de Daegwallyeong, le vocable coréen « sseolmae » Hiver 2005 1Koreana 69


1 Devant le temple Woljeongsa s· étend une allée aux majestueux sapins cente naires de trente mètres de ha ute ur. 2 La température a nnuelle moyenne ne dépassa nt guère 6.1 °C, la région de Pyeongchang est vo uée à l'agriculture de montagne. 3 La cloche en bronze du te mple de Sa ngwonsa, la plus ancien ne du gen re en Corée , s·orne d'un délicat reli ef gravé représentant quatre personnages aux instrumen ts de musique traditionnels.

Pyeongchang propose toute une gamme d'activités récréatives pour l'épanouissement du corps et de l'esprit car outre ses installations de ski et surf des neiges de niveau international, les paisibles temples qui l'environnent offrent un lieu de recueillement intérieur. désignant une luge provient de celui de « sseolma » qui, en sino-coréen, signifie littéralement « cheval de neige » . Cette image du cheval se frayant un chemin dans la neige produit un certain effet lyrique en parfaite harmonie avec le pays de l 'hiver qu'est Pyeongchang . Généralement constituées d'érable peint très résistant à l'humidité, ces luges étaient pourvues d'une tige en frêne [« fraxinus rhynchophylla

»l

assurant une bonne maniabilité. Le Musée en expose dix spécimens plus que centenaires et si, au fil du temps, de nombreuses améliorations ont été apportées à ce moyen de transport pour se substituer aux accessoires d'origine, les bonnes vieilles raquettes sont aujourd'hui encore en usage.

Attraits du Mont Odaesan Culminant à 1 563 mètres, le Mont Odaesan se dresse majestueusement aux confins des arrondissements de Pyeongchang-gun et Hongcheon-gun, ainsi que de la ville de Gangneung. Son point culminant, le Birobong, appartient à la chaîne de Baekdudaegan située dans l'axe du Mont Seoraksan et s'y ajoutent le Sangwangbong, le Durobong, le Horyeongbong et le Dongdaebong disposés en un cirque où s'élèvent des collines

à l'ouest, au sud, au nord et au centre

avec notamment le Jungdae ou colline du Milieu. Sur les pentes du Mont Odaesan, la confluence des ruisseaux de Woljeongcheon et de Naerincheon donne naissance

à celui

d'Odaecheon, qui s'écoule au sud jusqu'au fleuve Namhangang. Le Mont Odaesan se couvre des zones boisées les mieux préservées de Corée et abritant des espèces animales au nombre de dix-sept pour les mammifères, trentecinq pour les oiseaux, 474 pour les insectes et vingt pour les poissons d'eau douce . Il faut aussi noter, au temple Woljeongsa, la présence du bassin Geumgangyeon où vivent truites lenok, poissons-chats et anguilles, et qui a été classé réserve naturelle spéciale pour ses poissons. C'est aussi au Mont Odaesan qu'a été découvert l'« iris odaesanensis », plante exclusivement coréenne, tout comme s'y trouvent à profusion d'autres fleurs aux noms délicieusement évoca-


teurs tels que le lis « disporum ovale Ohwi », la campanu-

dant La dynastie Silla, ce temple s'enorgueillit de la Cloche

lacée « Hanabusaya asiatica Nakai », les « anemone rad-

en bronze de Sangwonsa qui constitue Le Trésor national n°

deana Regel » et les hépatiques [« hepatica asiatica Nakai »].

36. Celle-ci comporte à sa partie supérieure une figure

Déclarée parc national en 1975, la région du Mont Odaesan

sculptée de dragon tandis que son corps s'orne d'un bas-

compte parmi les plus illustres reliefs coréens aux côtés

relief représentant quatre musiciens qui jouent de leurs

des monts Geumgangsan, Jirisan et Hallasan.

instruments avec une grâce telle qu'ils semblent défiler

Quelque 800 000 visiteurs y accourent chaque année

Lentement comme sur un nuage. IL s'agit du spécimen le

pour en admirer les attraits et ressources naturelles dont

plus ancien et Le plus caractéristique des cloches de temple

des forêts de sapins comptant parmi les plus impression-

réalisées dans La tradition coréenne. Réputées pour leurs

nantes du pays. Sur une longueur de sept à huit cents

résonances divines qui constituent une sorte d'offrande des

mètres, les cimes de ces arbres centenaires s"élèvent

hommes d'ici-bas aux créatures célestes, elles symbolisent

jusqu'à trente mètres de hauteur. Au temple Woljeongsa, un

aussi puissamment Le bouddhisme en èontribuant à diffuser

épais rideau de sapins surplombe de son faîte l'lljumun,

son enseignement à tous les êtres vivants sur terre, dans

c'est-à-dire la première porte, puis mène aux pavillons en

L'eau et Le ciel.

une large allée. Le promeneur qui y chemine tout en

Si vous séjournez un temps à Pyeongchang et

inhalant l'air pur des montagnes et leurs senteurs boisées

échangez quelques mots avec ses habitants, ils vous con-

bénéficiera des bienfaits d'un véritable élixir de jouvence.

teront inlassablement histoires et Légendes colorées de

Fondé en 634, le temple Woljeongsa comporte, entre

jadis. Si les obstacles de La géographie ont par le passé

autres points d'intérêt, une pagode octogonale à neuf étages

restreint Leurs possibilités de communication avec Le monde

[Trésor national n° 48) et une Statue de bodhisattva assis en

extérieur, ils auront aussi permis de préserver l'environ-

pierre [Trésor n° 139) ce dernier présentant la particularité

nement naturel tout autant que la pureté des cœurs de La

d'une position inhabituellement agenouillée en direction de

population. La fleur de sarrasin qui pousse en abondance à

La pagode comme pour faire une offrande. Est également à

Bongpyeong-myeon allait inspirer à l'écrivain Lee Hyo-seok

signaler un porte-sarira réalisé par le moine Jajang [590-

[1907-1942) sa nouvelle intitulée « Quand fleurit Le sarrasin »,

658) pour y enchâsser une relique du Bouddha Sakyamuni.

chef-d'œuvre Littéraire régional et émanation d'un splendide

Autre haut Lieu du Mont Odaesan, le temple Sangwonsa s'élève sur la Colline du Milieu dite Jungdae. Construit en

cadre naturel. Ainsi, parfums de Littérature et traditions anciennes demeurent intacts à Pyeongchang . 1.;.t

l'an 705 sous Le règne du roi Seongdeok [r. 702-737). penHive r 2005 1Ko rea na

71



E

Lément incontournable, car particulièrement apprécié, de La gastronomie coréenne et notamment

de La cuisine familiale, Le « japchae » séduit petits et grands dans toutes les régions . Composé des vocables « jap »et« chae », c'est-à-dire respectivement« mélange» et « Légumes », son nom peut ainsi être traduit par « mélange de légumes variés ». Ceux-ci, sous forme de cinq variétés différentes apportant leurs notes de couleur, constituent en effet avec boeuf, oeufs et nouilles chinoises [« dangmyeon »] les principaux ingrédients de La recette actuelle, qu'agrémente un assaisonnement de sauce de soja, sel et huile de sésame. Outre ses qualités nutritionnelles, puisqu'il rassemble les cinq principales substances alimentaires, il permet une préparation facile pour le plaisir des yeux et du palais. Des recettes toujours renouvelées

Si ce plat est, sans conteste, on ne peut plus coréen, il résulte de plusieurs évolutions de ses ingrédients, modes de préparation et saveurs à travers le temps . Dans un traité de cuisine datant du XVII° siècle, Le Eumsikjimibang, il est dit qu'il se compose de crudités telles que concombre, radis, panus rudis, champignons noirs [auriculaires oreille-de-Judas]. shiitake, champignons de pin, pousses de haricots verts, le tout aromatisé avec de la campanule, de La bourse à pasteur, du persil, du poireau, des jeunes pousses de fatsia et de fougère, ainsi que des épinards et aubergines cuits à la vapeur et émincés. Il est aussi fait mention d'un assaisonnement de sauce de soja, huile, gingembre, poivre noir et de Sichuan. Tout au long des XVI ' et XVII ' siècles, la viande demeurera absente de cette préparation, qui· se limite alors à un assortiment de légumes émincés, crus ou sautés, et arrosés de« jus» au moment de servir, différant en cela de sa variante actuelle aux légumes toujours sautés ou frits. Le mélange des Légumes crus précédait à cette époque la cuisson à la vapeur et l'adjonction d'une épaisse sauce, ce qui avait pour effet de produire un aspect et un goût différents de ceux d'aujourd'hui. On se référera

Hiver 2005 1Koreana 73


à ce propos au traité gastronomique Eumsikbo dont l'édition remonte au XVII" siècle. Un ouvrage intitulé Gyugonyodam allait proposer en 1896 une nouvelle recette introduisant pousses de haricot, persil et poireau tout en stipulant que ces légumes devaient être sautés avec de la tripe de bœuf, puis mêlés à du jaune d'œuf frit et saupoudrés de pignon de pin pour être enfin relevés de moutarde. Les nouilles sont toujours absentes de cette préparation car leur introduction et leur commercialisation par les Chinois ne remontent qu ·au début du XX· siècle où elles allaient dès lors compléter l'ensemble. Il faudra attendre les années vingt pour qu 'apparaisse cet ingrédient dans les livres de cuisine, dont le Joseonmussang sinsik yorijebeop rédigé en 1924 par Yi Yong~gi, qui décrit une variante de « japchae » au x campanules, brins de persil, champignons noirs (auriculaires oreille-de-Judas). hémérocalles, shiitake, poireau x cuits et additionnés de jaune d'œuf frit Cette préparat ion simple est un enchantement pour l' oeil et le palais

et émincé, pignons de pin et piment coupé finement. Cet ouvrage précise en outre que l'emplo i d' holothurie séchée et d'ormeau cuit permet de

relever la préparation, mais déconseille un accompagnement de nouilles chinoises. Par la suite, un noble (« yang ban »] du nom de Jo Ja-ho, qui avait acquis une grande connaissance de la gastronomie, écrivit dans son Joseonyoribeop (1938] que les nouilles chinoises devaient impérativement figurer au nombre des principau x ingrédients du « japchae », ce qui atteste de l'origine déjà centenaire du plat dans sa version actuelle si prisée des Coréens. Toute une palette d'ingrédients

Les recettes de « japchae » se différencient par la dominante de sa composition, qui peut être à base de champignons ou de fruits de mer, et notamment pour ces derniers d'ormeau x, d'holothurie ou de crevettes. En Chine et en Asie du SudEst, existent des préparations analogues substituant pour la plupart légumes, porc et fruits de mer au bœuf et aux nouilles de riz de différents calibres. Si elles s'accompagnent parfois d'une épaisse sauce, elles n'en demeurent pas moins extrêmement différentes par leur aspect et leur saveur. En lieu et place des shiitake, champignons noirs (auriculaires oreille-de-Judas). carottes, oignons et morceaux de bœuf, on pourra opter pour d'autres ingrédients selon les goûts et possibilités de chacun, par exemple des variétés de champignons moins onéreuses que le shiitake, de même que le céleri, le persil, la citrouille, le cresson de fontaine, les haricots verts ou la courgette pourront remplacer épinards ou concombre. L'emploi de campanule est aussi facultatif, tout comme celui du bœuf, auquel on pourra préférer agneau, porc ou poulet, la viande disparaissant même complètement dans diverses formules à l'intention des végétariens et toute huile végétale autre que celle de sésame faisant aussi l'affaire. Enfin, plutôt que de simplement mélanger les ingrédients dans une grande jatte, on obtiendra un plat plus appétissant et savoureux en les disposant agréablement par couleurs avant d'ajouter le jaune d'œuf frit et les pignons émincés.

74 Korea na I Hive r 2005

L;.t


Le« japchae » se définit avant tout par un ingrédient dominant tel que champignons ou fruits de mer.

« Japchae » Ingrédients: 3 shiitake de taille moyenne. 10 grammes de champignons noirs launcula1res oreilles-de-J udas). 100 grammes de carottes,

100 grammes de poireau, 100 grammes d'épinards ou de concombre. 80 grammes de campanules, 100 grammes de bœuf, 1 œuf, 50 à 1DO grammes de nouilles chinoises

Assaisonnement des légumes : 3 cuillerées à café de poireau émincé, une cuillerée à cafe d'ail émincé, deux cuille1·ées à café d'huile de sésame, une pincée de poivre noi1· selon le goût

Assaisonnement de la viande et des champignons: 2 cuillerées à soupe de sauce de soia, une cuillerée a soupe de sucre, L, cuillerées à café de poireau émincé, 2 cuillerées à café d'ail émincé. 2 cu illerées à café d'huile de sésame,

3 cuillerées à café de sel de sésame, pincées de poivre noir

Assaisonnement des nouilles chinoises: une cuillerée à soupe de sauce de soia, une cuillerée à soupe de sucre, une cuillerée

à soupe d'huile de sésame, une cuillerée à café de pignons

Préparation Émincer le bœuf en fines lanières de 5 à 6 centimètres • Faire tremper dans l'eau les shiitake et les champignons noirs (auriculaires oreilles-de-Judas]. puis émincer. Assaisonner la viande et les champignons, les faire sauter à l'huile. puis laisser refroidir • Découper les carottes en lamelles de 4 centimètres de longueur, les faire revenir

à l'huile, saler et poivrer • Émincer les oignons, les faire revenir à l'huile,

saler et poivrer. Émincer les campanules, les rincer à l'eau salée et faire sauter le tout après l'avoir assaisonné • Couper les épinards cuits à la vapeur en morceaux de 5 centimètres et faire revenir brièvement. Ajouter éventuellement le concombre découpé en lamelles de 4 centimètres de longueur, faire tremper à l'eau salée, sécher et faire revenir brièvement • Séparer les blancs d'œufs des jaunes, faire frire séparément, puis émincer • Faire cuire les nouilles jusqu'à obtention d'une consistance tendre. Égoutter, couper

à une longueur de 7 à 8 centimètres, puis

assaisonner. Pour plus de fermeté et de transparence, faire sauter brièvement • Mélanger légumes, champignons, bœuf et nouilles sautés dans une grande jatte. Garnir avec l'œuf émincé et les pignons.

• Hiver 2005 1 Korea na

75


Seollal

6

h du matin. Il faut se lever. Partir à l'aéroport. Il fait encore froid, 15

·c

au-dessous de zéro peut-être. J'ai l'impression que jamais plus mon

2003

corps ne se réchauffera.

Entre le pays des matins

c'est« Eumnyeok seol », le premier janvier lunaire. Ou si vous préférez

vides et le pays des matins frénétiques il n'y a qu'une ligne. Une ligne épaisse qui déchire la terre et s'enfonce même au-delà,

Dehors, pas de lumière. Pas de néons. Pas de couleurs. Du gris. Pourtant « Seollal ». Pas de bruit, un silence accablé. Si l'on parle, on chuchote et si l'on marche, c'est d'un pas feutré. Pas de foule, presque personne. Uniquement des silhouettes. Pas de voitures. Un tram, en panne, qui se cramponne au milieu de la rue et attend. Un agent de circulation, habillé de bleu roi, qui agite les bras et tourne sur lui-même comme une poupée mécanique. Pour qui ? Pourquoi ?

dans la mer.

Le dénuement, juste avant le RIEN,

Cette ligne qui sépare

Il y a ça là-bas.

deux pays autrefois un

Indescriptible.

seul, deux extrêmes sur un même sol, sous

Au même instant, ailleurs .. . si près

un même ciel, à

Du bruit. Trop de bruit. De la· musique. Qui hurle

l'intérieur d'une même

Trop de voitures, trop de taxis, et des bus qui vont à vive allure.

péninsule.

La profusion du béton, du néon, des biens de consommation est là qui

Elisabeth Chabanol Maître de Conférences à l' Ecole Française d'Extrême-Orient

m'assaille. Trop d'agitation, la vie explose dans une frénésie de développement. Trop de tout : des enseignes clinquantes, des odeurs entêtantes. Trop de foule, on se bouscule dans la cohue des rues, des magasins, du métro, partout on manque d'espace. Trop de technique, la vie s'emballe, elle a perdu son charme. Où est l'âme ? Pourtant entre le pays des matins vides et le pays des matins frénétiques il n'y a qu'une ligne. Une ligne épaisse qui déchire la terre et s'enfonce même au-delà, dans la mer. Cette ligne qui sépare deux pays autrefois un seul, deux extrêmes sur un même sol, sous un même ciel, à l'intérieur d'une même péninsule. Je me suis réveillée à Pyongyang, je m'endors à Séoul et je me sens mal et je pleure. A qui pourrais-je expliquer mon désarroi, cette panique devant l'incompréhensible, l'impensable, l'indicible

?

J'appelle mes proches. Ceux du Chungchong du Sud, mon second pays natal. Ils me répondent sans hésiter : c· est de leur faute, que peut-on faire ?

76 Koreana I Hiver 2005


Peut-être avec le temps ... Ils répondent politique : ils ne répondent pas. Tous se ferment à mes émotions. Vais-je oser faire partager mon désarroi à la personne qui m'est la plus proche, celle qui ne voulait pas que j'aille là-bas : « Pourquoi faire ? As-tu vraiment besoin d'y aller?». Lui, ses parents viennent de là-bas, il m· écoute, il me laisse dire mon bouleversement, la tragédie de ce pays disséqué vivant et dont j'ai la douleur en moi . Les larmes me viennent plus que les mots. « Là, tu vois, tu as compris», répond-il à mes flots de paroles. « Par cette souffrance ressentie, tu es devenue Coréenne ... » L'impensable est possible, et ce qu'il y a de pire encore est de l'ignorer volontairement. Moi-même, pendant quinze ans, pour me protéger sans doute, par peur de la réalité, j'ai refusé d'aller sur la DMZ. Je connaissais les camps militaires abritant des batteries de canons, au nord de Euijongbu, mais pas« la ligne ». Je ne voulais pas la voir. On en parlait certes, mais cela restait irréel. De l'Histoire

I

Autre chose est d'entrer dans la zone et de constater la

brûlure que représente cette cicatrice dans l'âme coréenne. Si l'on y rentre par le Nord, on n'en ressortira que par le Nord. Si l'on y rentre par le Sud, on n'en ressortira que par le Sud : on ne traverse pas. tière, parce qu'une frontière, ça se passe.

c· est pire qu'une fron-

c· est une rupture dans la continu-

ité du sol, qui crée un espace vide e_ntre deux mondes. Il y a ceux qui semblent vouloir l'occulter pour vivre tout simplement, il y a ceux qui veulent en parler parce qu'elle a bouleversé leur vie : à chacun de mes retours de Gaeseong, le grand professeur Jin, directeur du musée éponyme avant la guerre, me demande des nouvelles de sa ville. Qu'en reste-t-il ? Qu'est devenu le musée ? En reste-t-il des traces ? Il ne rêve que d'y retourner, de passer cette« zone ». Mais combien sont-ils ces hommes qui se souviennent encore? Qu'adviendrat-il quand il n'y en aura plus, ceux dont les souvenirs et les plaies sont encore à vif? Les futures générations de femmes et d'hommes, au-delà du souvenir d'un pays uni, auront-elles la force d'édifier sa réunification ? En eux est l'espoir. La Corée est une, quoi qu'en ait décidé l'histoire du XX· siècle, elle doit le redevenir. 1.11

Hiver 2005 1Koreana 77


Hongik, un quartier universitaire en rupture avec la monotonie Les ru es adjacentes à l'Université Hong ik délimitent un quart ier communément appelé Hongdae où abondent cafés, clubs, galeri es d'a rt et ma isons d'édition participant d'une intense vie cu lturelle. Refuge des plus jeunes en mal de nouveauté, il exerce aussi son pouvo ir d'attraction sur les artistes à la créativité débordante. Lee Yeon-a Réd actric e indép endante Choi Hang-young Photographe

78 Koreana I Hiver 2005


S

i la vie d'une agglomération telle que Séoul, qui rassemble dix millions d'habitants sur une superficie

inférieure à 1 % du territoire national, ne peut qu 'engen-

1 Grâce aux groupes qui optent résolument pour un genre musical do nné enve rs et contre tout impé ratif commercial, le quartier de Hongdae constitue de longue date un foyer d'activités culturelles indépendantes. • 2 Paradis culturel, synonyme de diversité et de libre choix. tel est le quartier de l'Université Hong ik.

drer monotonie et banalité, l'un de ses quartiers a le mérite d'échapper à la grisaille ambiante. Il peut sembler

s'ils étaient au paradis sur terre. Si l'on se laisse entraîner

à première vue comme les autres, mais si l'on y regarde

par cette multitude, on arrive presque toujours, le dernier

de plus près, le dynamisme de sa jeunesse ne peut que

vendredi du mois, à la porte d'une boîte de nuit où

sauter aux yeu x. Ce lieu à l'ambiance enfiévrée, résonnant

s'allonge une file d'attente et jusque dans la rue, on se

de musiques en tout genre et regorgeant de créativité est

trémousse sur les rythmes qui parviennent de l'intérieur.

connu sous le nom de Hongdae, c·est-à-dire l'Université Hongik sous sa forme abrégée en coréen .

Quand la musique envahit la rue

Sur la ligne 2, les passagers qui descendent en foule

Dans le local, s'agitent de nombreu x et énergiques

du métro à la station « Université Hongik » s·engouffrent

danseurs, tout en sueur et si envoûtés par la musique et la

dans les escaliers de la sortie n° 6 et lorsqu'ils parviennent

danse qu'ils semblent à peine conscients de ce qui les

en haut des degrés, la joie se lit sur leur visage comme

entoure. Ici pourtant, nulle obligation de danser et quoi que Hiver 2005 1 Koreana 79


Les boîtes de nuit de Hongik offrent, entre autres possibilités, celle de décider de son moyen de distraction favori , leurs nombreux groupes et orc hestres interprétant un répertoire des plus variés convenant aux goûts et humeurs de chacun. 2 Le Festival Off de Séoul, qui rend hommage aux cultures et arts en marge, se tenait pour la huitième année en août dern ier dans une vingtaine d'endroits différents aux environs de l'Université Hongik. 3 Jaurim offre l'exemple du passage réussi d'un groupe indépenda nt« underground» se produisant à ses débu ts dans les boîtes de nuit du quartier de Hongdae à un style« aboveground » co nsacré par son succès commercial.

80 Korea na I Hiver 2005


Foisonnant d'activités artist iques telles que danse, mus ique et chanson dont la diversité est source de création, le quartier de l'Université Hongik incarne toute une culture contemporaine en pleine évolution.

l'on fasse, les autres n'y prêtent aucune attention, qui,

« groupes indé » s· exprimant en toute liberté par le biais

dégustant une bière debout dans un coin, qui observant la

de leur musique sont l'essence même de l'atmosphère

piste de danse en dodelinant de la tête, ou fermant tout

« live » et quelques-uns ont fini par constituer de véritables

simplement les yeux, gagnés par la musique et l'atmos-

courants musicaux couronnés d'un succès commercial,

phère des lieux. Libre à chacun de se divertir comme il

tels Crying Nut, Jaurim et No Brain qui ont effectué la

l'entend, ce qui fait le charme de ce type d'établissement.

transition del'« underground» à l'« aboveground ».

La vingtaine de boîtes de nuit qui émaillent le quartier

Aujourd'hui, les établissements de ce genre cèdent

diffèrent par leurs dimensions et ambiances, chacune cor-

malheureusement la place aux boîtes de nuit classiques,

respondant à un genre musical donné tel que house music,

qui accordent plus d'importance à la danse qu'à l'inter-

hip-hop, reggae, techno ou rock et il ne tient qu'au client de

prétation en public et attirent la clientèle par la possibilité

choisir celu i qui convient le mieux à ses goûts. Avec un peu

qu'ils offrent à des prix raisonnables de danser sur une

de chance, il pou r ra même être témoin des mixages

musique de qualité correcte, plus particulièrement les

expérimentaux et endiablés de « dise jockeys » de renom.

étudiants coréens ayant séjourné à l'étranger où ils ont

Le dernier vendredi du mois, décrété jour des boîtes de

pris goût aux discothèques de type occidental. Envers et

nuit, la fête bat son plein en raison de réductions de tarifs

contre tout, de nombreux groupes continuent pourtant de

qui, depuis le début de cette opération au mois de mars

se produire en public pour que survive la musique

2001, ont attiré à ce jour plus de dix mille personnes, l'achat

« underground » et les scènes qui en proposent.

d'une unique entrée à 15 000 wons donnant accès à dix établissements du quartier. En allant de l'un à l'autre, on passera alors toute la nuit à s'amuser, sans manquer de

Tremplin des nouvelles tendances

Pour qui souhaite s'accorder quelque ré pit après

goûter à tous les rythmes et de participer à toutes les liba-

s'être déchaîné dans l'un de ces établissements de nuit, il

tions. Pour les amateurs de ce type de distractions, cette

suffira de faire quelques pas dehors pour y respirer l'air du

manifestation mensuelle garantit un total défoulement.

soir et admirer le spectacle de la rue. C'est la diversité

À l'intention des amoureux de musique jouée en pu-

vestimentaire qui frappe alors l'attention car à Hongdae,

blic, une dizaine d'établissements accueillent pas moins

nul besoin de faire acte d'allégeance à la mode, le quartier

de cinq cents formations différentes d'artistes interprétant

semblant exercer un pouvoir magnétique sur ceux qui

pratiquement tout le répertoire actuel, du hard core dont

privilégient liberté personnelle et choix individuels.

les rythmes trépidants font s'agiter les têtes aux lénifiantes mélodies improvisées du jazz.

Si une telle frénésie s'est emparée des lieux, c'est principalement sous l'influence de la Faculté des Beaux-

En prenant le parti de se consacrer au style musical

arts de l'Université toute proche. Voilà une vingtaine

de leur choix plutôt que de sacrifier à des intérêts com-

d'années encore, la présence de nombreux ateliers à lo-

merciaux, ces ensembles, depuis déjà longtemps, font du

yers modérés avait fait du quartier une pépinière de jeunes

quartier le berceau d'une culture indépendante. Les

artistes qui, en se rendant mutuellement visite pour conHiver 2005 1 Ko reana 81


fronter leurs techniques et les affiner, contribuaient à l'essor de la vie culturelle de telle sorte qu'au début des années quatre-vingt-di x, l'artère débutant à l'Université était devenue une succession de cafés, galeries et écoles d'art qui lui valaient le surnom de « rue Picasso ». Si la flambée des pri x de l'immobilier a aujourd'hui chassé ces jeunes créateurs dans la banlieue séoulienne, le quartier constitue toujours un champ d'expérimentation des dernières tendances artistiques. En face du campus, se tiennent chaque après-mid i de week-end deux marchés animés où s'expose une jeune création d'art et d'artisanat d'une grande vitalité, le premier, dit « libre » rassemblant les œuvres d'art à proprement parler alors que celui de « l'espoir » s'apparente plutôt à un marché au x puces. Quant à leurs participants, il ne s'agit nullement de marchands des rues habituels, mais d'artistes habitant le quartier ou d'étudiants de l'université et un rapide coup d'œil à leurs productions permet aussitôt d'y déceler tout le dévouement et l'effort qu'ils ont apportés à la création de ces pièces uniques. Enfin, le quartier universitaire de Hongik accueille diverses manifestations artistiques telles que le Festival Off, qui rend chaque année hommage aux cultures en marge, ainsi que des expositions de rue, la chaussée 1 Chaq ue week -end, de jeunes créateurs mettent en vente objets d'art et d'artisanat uniques en leur genre sur les deux marchés en plein air du quartier. 2 Les sculptures et peintures murales d'avant- garde qui bordent les r ues perm etten t d'apprécier le ta lent des artistes issus de la Facu lté des Beaux-Arts de l'Université Hongik.

d'ordinaire livrée aux embarras de la circulation se faisant un temps scène où se donnent concerts joués en public, expositions et présentations de livres, toutes manifestations qui concourent à la création artistique expérimentale et à l'apparition de nouveaux concepts. C'est cette fonction de tremplin de la production culturelle et artistique contemporaine que le quartier se doit de conserver et d'enrichir pour évoluer au-delà du simple lieu de vie nocturne qui fait depuis peu sa renommée . 1..1

82 Koreana I Hive r 2005



L

es récits de Son Chang-sop [1922- ?] s· emploient à

étudié un temps à l'Université Nihon, mais il ne s'agit

dresser l'état des lieux du pays dans la période qui

aujourd'hui encore que d'hypothèses. En 1961, il publie un

suit la Guerre de Corée [1950-1953] dont les réfugiés qu'ils

curieux roman autobiographique intitulé « Sinui Hijak »

prennent pour protagonistes sont des êtres à la dérive

!comédie divine]. œuvre étrange, voire surprenante

dépourvus de tout objectif et incapables de revenir à une

d'autodérision qui évoque l'enfant illégitime né d'une mère

vie normale, l'auteur se laissant dans une certaine mesure

prostituée dans un quartier de maisons closes où il

subsumer par ces déracinés.

passera une enfance durant laquelle il lui arrive fréquem-

L'état de privation caractérise leur existence, notam-

ment de mouiller son lit. Ainsi va-t-il grandir dans l'igno-

ment sur les plans pécuniaire et affectif qui constituent les

rance de toute notion de famille, sans amour à recevoir ou

deux pôles d'attraction d'un monde à la cupidité viscérale.

à donner, ce qui fera de lui un être misanthrope et explique

Mangeant parce qu'il faut vivre, s'aimant parce qu'il se

le profond mépris qu'il voue à l'humanité, ainsi que l'ironie

trouve qu'ils vivent, il ne se pose pas pour eux d'alternative

dont il fait preuve envers lui-même, s'enfermant dans un

entre civilisation et barbarie, car ils ne se perdent pas à

comportement autistique et portant un regard empreint de

tout propos en considérations sur le bien et le mal,

sarcasme sur les autres et leurs relations.

respirent par simple réflexe vital et survivent aux limites de l'humain. D'emblée, l'auteur exclut de son champ d'étude

Sa première œuvre intitulée Gonghyuil [jour de congé] paraît en 1952, c'est-à-dire en pleine Guerre de Corée, mais c'est l'année suivante qu'il fera ses véritables débuts

valeurs humaines, éthique et normes sociales jugés hors

littéraires avec Sayeongi. Au fil de sa production, qui com-

de propos et étrangers à ses préoccupations ainsi qu'à

porte entre autres Saenghwaljeok [cible de vie]. Hyeolseo

toute problématique susceptible d'un règlement, donc

[en lettres de sang]. Mihaegyeolui jang [chapitre inachevé].

sans intérêt. Il opte pour une satire de l'après-guerre où

lngandongmulwoncho [zoo humain], Yusilmong [rêves

évoluent des personnages caricaturaux émanant d'une

évanouis]. Seoljunghaeng [une promenade dàns la neige].

vision très caustique de l'Homme.

lngyeo lngan [parasites]. Nakseojok [tribu aux graffitis]

L'écrivain lui-même est une figure énigmatique dont

et Pomalui uiji [volonté d'écume]. il va dès lors attirer un

la vie resta longtemps méconnue. On situe sa naissance

public toujours plus nombreux pour finir par s'imposer

en 1922 à Pyeongyang, et selon divers témoignages, il

comme l'un des plus grands hommes de lettres de

aurait vécu enfant en Mandchourie, puis au Japon où il

l'après-guerre.

aurait fréquenté un collège tout en gagnant sa vie et même

Ces récits ont pour dénominateur commun une vision


satirique et caricaturale de l'univers foncièrement pervers

axée sur ces deu x seules préoccupations, le jeune homme

de cette époque. À aucun moment l'auteur n'y traite de

connaît naturellement un sort tout aussi affligeant.

rapports humains « possibles » , les anomalies en tout

L'auteur tend à observer toute chose à travers le

genre abondant par contre sous forme de handicaps men-

prisme des privations qui révèlent le désir charnel dans

taux ou physiques qui interdisent toute relation normale

toute sa vulgarité. Vivre dans la réalité suppose pour lui

entre les personnages. Aucun lien du sang n'y unit les

une prise de conscience de l'état de crise de l'humanité,

familles dont le mode de vie dépasse l'imagination, une

une problématique qui se posait à la génération de l'après-

même pièce réunissant des inconnus en un lieu de vie

guerre face à des conditions d'existence particulièrement

commun et une communauté hétéroclite où l'individu

désespérantes. Rescapés d'un conflit des plus absurdes,

poursuit sa quête d'harmonie dans une totale cacophonie.

les personnages évoqués ne doivent leur survie qu'à leur

La discordance constitue en effet le thème central dont

bonne fortune. Ils ne mènent pas la vie qu'ils ont choisie,

procède l'ensemble de cette œuvre où des familles

mais celle qu'il leur a été donné de garder. Leur situation

séparées côtoient des personnes tout à fait étrangères les

de réfugiés, dont ils n'avaient pas conscience pendant la

unes aux autres et pourtant liées entre elles plus étroite-

guerre, leur apparaît une fois celle-ci terminée.

ment que par la lignée . Si leur situation résulte de la

Des scènes évidemment pénibles décrivant un per-

guerre, elle révèle là encore les conceptions personnelles

sonnage impotent ressort cependant une vision compatis-

de l'auteur sur la nature humaine.

sante de cette condition également récurrente dans

La cellule familiale de Rêves évanouis (Yusilmong] en

l'œuvre de l'auteur, qui ne recherche à aucun moment la

apporte particulièrement l'illustration . Un jeune homme,

perfection puisque carences et handicaps sont

sa sœur aînée, son beau-frère et leur enfant composent

omniprésents sous forme économique, mentale ou

cette famille certes pas comme les autres, mais comme il

physique. Si une image pervertie se dégage de ceux souf-

en existait beaucoup chez les réfugiés d'alors. Le couple

frant de telles privations, c· est l'humanité dans· toute sa

n'y est pas uni par l'amour, mais par la cupidité que sus-

diversité ordinaire que l'auteur tente non sans audace de

cite l'argent et par les conflits qui en résultent, l'homme

révéler au lecteur. Son univers fictionnel définit les li-

s'affrontant à la femme pour lui extorquer la somme

mites du supportable et du gérable pour une survie

qu'elle défend bec et ongles. Conflits exceptés, leur vie

s'appuyant sur de plus forts liens que le sang. Au final, cet

n'est que désir sexuel, lequel provoque finalement un

enchevêtrement effréné de vies que tout semblait séparer

autre affrontement. Contraint de partager une existence

est emblématique de l'humanité dans sa quintessence.

t;t


Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger

The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

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La Fondation de Corée offre des aides financières à des universités, instituts de recherche, bibliothèques et particuliers étrangers pour soutenir les efforts qu'ils consacrent à l'étude de thèmes sur la Corée dans le domaine des sciences humaines et sociales ou dans celui de l'art. Nous vous invitons à vous référer aux programmes suivants et vous à adresser au service concerné de la Fondation : Service des études coréennes

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Monthly Concerts

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,,~ Korea has realized its long-cherished dream of becoming a petroleum producer!

~

~

Forty years of exploration have at last led to Korea achieving oil-producing-country status. By our own efforts, our own technology and our own investment finally we have succeeded in realizing our dream to join the ranks of the oil producing nations. Now, we launch ourselves boldly towards our next goal to become an energy independent country. Korea National Oil Corporation


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