Koreana Spring 2006 (French)

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BEAUTÉS DE CORÉE

LES << NORIGAE >>

L

e « norigae » est un ornement en passementerie

tiges datant de l'époque néolithique, où ils servaient

que les élégantes coréennes ont depuis fort

d'amulettes auxquelles on prêtait des vertus préservatrices

longtemps coutume d'accrocher à leur costume de

ou conjuratoires et par la suite, ils symbolisèrent en divers

cérémonie dit « hanbok ». Qu 'elles aient été reines,

temps l'aspiration au bonh eur et à l'épanouissement de

« yangban » [aristocrates] ou roturières, les femmes du

celle qui les portait. Selon leur forme, ils représentaient

temps jadis l'appréciaient tout autant. À la cour, il s'en

tantôt fertilité et abondance, comme dans le cas du pois-

portait d'extrêmement raffinés et de grandes dimensions

son, tantôt l'espoir d'une descendance mâle, comme dans

lors des célébrations et fêtes familiales comme de plus

celui de l'aubergine évocatrice de l'appareil génital et sus-

modestes en temps ordinaire. La tradition familiale

pendue aux sous-vêtements, ou d'une vie familiale paisible

aurait aussi voulu qu'il s'en lègue de belle-mère à belle-

et harmonieuse, illustrée par un motif de raisin, ou encore,

fille, tel un précieux gage de parenté.

sous l'emblème traditionnel de pu reté qu'est le lotus, un

Attestent de l'ancienneté de leurs origines des ves-

serment de droiture en toutes circonstances.

1.:.11


Koreana

LE ROYAUME DE 8

20

GAVA

Kim Tae-sik

GAYA, berceau d'une industrie métallurgique et céram ique florissante I ParkCheun-soo Le royaume de GAYA dans la légende 1

26

Vol. 7, N° 1 Printemps 2006

La juste place du royaume de GAYA dans l'histoire coréenne 1

12

Arts et Culture de Corée

Kim Doo-jin

Immuables sonorités musicales de GAYA 1

Song Hye-jin

Koreana sur Internet http://www.koreana.or.kr © Fondation de Corée 2006 Tous droits réservés. Toute reproduction intégrale, ou partielle, faite par quelque procédé que ce soi t sans le consentement de la Fondation de Corée, est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs

et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée.

Koreana. revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme

!Autorisa tion n° Ba-1033 du 8 août 19871. est aussi publiée en chinois. ang lais. espagnol, arabe. russe, japonais et allemand.


32

DOSSIER Le sommet de l'APEC de Busan

Pour l'avénement d'une communauté mondiale 1 Park Young-bae

36

ENTRETIEN Chung Byoung-kyoo

Pionnier du graphisme d'édition coréen 42

I

ChoiTai-won Couverture : L'ancien royaume coréen de Gaya développa une importante industrie métallurgique et céramique. Ce récipient de

ARTISAN Seo Han-kyu

Maître artisan du bambou

I

faïence en forme de cavalier fournit un précieux sujet de recherche sur les activités artistiques et militaires d'alors. Trésor national n° 275,

ParkOk-soon

Musée national de Gyeongju.

48

CHEFS-D'ŒUVRE Portrait du Roi Taejo

Vénéré fondateur de la Dynastie Joseon 1

52

Cholnsoo

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Festival international de danse de Séoul 2005

Publication trimestrielle de la Fondation de Corée

1 Elion Moon

1376- 1 Seocho 2-dong, Seocho-gu,

Séoul 137-863 Corée du Sud

58

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE La « Daedongnyeojido » de Kim Jeong-ho

Une carte géographique détaillée de Corée 64

ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉ DACTION

I OhSang-Hak

Kim Hyeh-won

REDACTR ICE EN CH EF Choi Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Choi Seong-su

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Kim Soon-kwon dit « Monsieur ma'is »

DESIGNER Hwang Oong-seok

Un combat contre la faim dans le monde

Chung Bo-young, Park Ok-soon

1

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT COMITÉ DE RÉDACTION Choi Joon-sik

Kim Moo-jeong

Han Kyung -koo, Han Myung-hee, Kim Hwa -young, Kim Moon-hwan, Kim Young-na, Rhee Jin-bae

68

ESCAPADE Suncheon

Sous le souffle de la nature et de l'histoire

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I

Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons

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76

CUISINE Le« dubu-jeongol »

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80

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REGARD EXTÉRIEUR

Vivre dans une maison coréenne traditionnelle

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82

Miroir aux alouettes ou gage de réussite? 87

La Fondation de Corée

VIE QUOTIDIENNE Le « gosi »

1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu,

1

Kang Hae-seung

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

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La juste place du Royaume de GAVA dans l'histoire coréenne Quels aspects précis de l'Etat de Gaya étaient-ils à incriminer pour justifier la curieuse réputation de« royaume disparu il a longtemps pâti dans l' histoire coréenne? Kim Tae-sik Professeur de pédagogie historique à l'Université Hongik

8 Koreana I Printemps 2006

»

dont


D récurrent

ans l'histoire coréenne, le mot « disparu

»

est

sation lui auraient alors valu d'être porté« disparu

»

?

à propos du royaume de Gaya, bien

que, partout ailleurs dans le monde, l'emploi de ce

, Disparu et non oublié

qualificatif ne repose que sur des mythes et légendes

L'Antiquité coréenne se situe principalement à

dont il ne subsiste que peu de traces. Il ne fait en

l'époque dite des Trois Royaumes, qui désigne les Etats

revanche aucun doute que cet Etat exista, notamment

de Goguryeo (37 av. J. -C.-668), Baekje (18 av. J. -C. -

par le renom de ses industries du fer et de la faïence,

660), ainsi que Sil la (57 av. J. -C.-935) et qui prit fin

ainsi que par la survivance dans la musique tradition-

lorsque ce dernier triompha des deux autres pour

nel le d'un important instrument à corde appelé

imposer son règne sur une péninsule unifiée. Sous la

« gayageum

Dynastie Goryeo (918-1392) qui succéda à celui-ci, un

».

Quels traits particuliers de son organi-

,

À Goryeong -eup. ville située dans la province de Gyeongsangbuk-do. les tumuli de Daegaya élevés très probablement à la fin de la première moitié du V siècle aux

abords de lisan-ri, témoignent de I" essor considérable atteint par le royaume de Gaya à la veille de sa disparition.

Printemps 2006 1 Koreana

9


ouvrage capital intitulé Samguksagi (Histoire des Trois

archéologues coréens entreprendront des fouilles dans

Royaumes) ne fit pas mention de l'histoire de Gaya

le bassin du fleuve Nakdonggang qui arrose la

pour la bonne raison qu'il fut rédigé selon le point de vue historique tendancieux de l'époque, ce qui était

province de Gyeongsang-do, ils mettront au jour de précieux artéfacts provenant des territoires de

déjà le cas durant celle de Silla. Malgré les annexions

l'ancienne Gaya. Leurs travaux inlassables, que

qui suivirent les victoires respectivement remportées en

compléteront trente autres années d'investigations,

562, 660 et 668 sur les Etats de Gaya, Baekje et

permettront de faire toute la lumière sur les particularités

Goguryeo, les chroniqueurs historiques de Sil la omirent

de cette ancienne culture.

le premier d'entre eux parce qu'il était considéré partie

Spécificités culturelles de Gaya

intégrante du territoire.

L'économie péninsulaire sous Gaya se caractérise par l'association de pratiques agricoles dans la partie

L'un des tumuli de Daejaya renfermait une couronne dont les riches ornements révèlent la haute maîtrise artisanale d'un royaume prospère.

méridionale et métallurgiques dans celle du nordouest. Lorsqu'en l'an 108 avant J.-C., Wiman Joseon céda dans cette dernière région à l'offensive lancée par

L'un des tumuli de Daegaya renfermait une

couronne dont les riches ornements révèlent la haute maîtrise artisanale d'un royaume prospère.

Au XVII' siècle, des savants de la Dynastie Joseon

l'empereur chinois Wudi sous la dynastie Han, la popu-

tels que Han Baek-gyeom allaient apporter un nouvel

lation prit la fuite pour gagner le littoral de la province

éclairage sur cette période historique en adjoignant un

de Gyeongsangnam-do et s'y installer définitivement.

quatrième royaume aux trois premiers, à savoir celui

Pour l'essentiel, subsistent de ce peuplement les ves-

de Gaya, lequel, deux siècles plus tard, allait être la

tiges découverts sur le site funéraire de Daho-ri, à

cible des visées expansionnistes du Japon, qui affirma

Changwon, notamment dans la Tombe n° 1 datant du

y avoir exercé une autorité administrative à l'époque

premier siècle avant J. -C., et dont le contenu est carac-

des Mimana Nihonfu. Sous le régime colonial qui

téristique de l'artisanat de Wiman Joseon, en particulier

s'ensuivit de 1910 à 1945, ce pays fit connaître ses prétentions au-delà de l'Asie, propageant dans le

par la forme des cercueils en bois et la facture des

monde l'image d'un royaume coréen« disparu

».

Quand, dans les années soixante-dix, les

objets en bronze ou en fer. Carrefour du commerce maritime avec l'Etat de Lelang, la culture de Gaya allait, au fil du temps, subir l'influence considérable de ces échanges. Bordant le nord-ouest de la péninsule au deuxième et troisième siècles , cet Etat s'adonna à ae nombreux échanges avec Gaya par voie maritime, tant à l'ouest qu'au sud de la péninsule, introduisant sa culture et ses produits raffinés par Gimhae, principale agglomération du royaume. Un miroir en bronze de style chinois , d'élégants colliers en

@

perles de verre et des bouil-

.f

loires en fonte figurant parmi

o.

les articles que renfermait la

r

0 0

3

tombe n° 162 de Yangdong-ri, sont

~

J 10 Koreana I Printemps 2006


autant de témoignages de ces nombreuses relations. En troisième lieu, il convient de souligner que les gens de Gaya étaient pour la plupart d'un naturel conservateur et modeste qui les différenciait de ceux de 1

Silla et Baekje, ainsi que du Japon ancien dit Wa. À cette réserve issue de l'influence culturelle longtemps exercée par Lelang, s'opposaient, d'une part, le pragmatisme et la frugalité plus marqués des sujets de Silla

' et, d'autre part, le raffinement exqui s de ceux de Baekje. Quant à la culture Wa qui, par sa proximité géographique, s'imprégnait fortement de celle de Gaya, elle se départit ensuite de ses aspects pratiques pour n'en conserver que la dimension rituelle et certaines caractéristiques extérieures, en les reproduisant à une plus grande échelle. Enfin, Gaya constitua aussi, pendant près de six siècles, une confédération s'étendant jusqu'aux confins occidentaux du bassin du fleuve Nakdonggang et

seule autorité centrale furent cependant anéanties par

Carte représentant

exerça une influence culturelle sur les régions de

la politique diplomatique de Baekje et Silla, qui

Goryeong, située dans la province de Gyeongsangbuk-

partagea le territoire du nord au sud, le second annex-

à la Confédération de Gay a à l'époque de son

do, ainsi que de Gimhae et Haman appartenant à celle

ant même la région en l'an 562.

de Gyeongsangnam-do. Le nombre de ses Etats oscilla entre sept ou huit et vingt-deux, selon les époques,

Du fait de sa situation géographique favorable à l'établissement de liaisons maritimes avec le Japon, le

royaumes voisins de Gog uryeo. D'une superficie plus réduite que ceux-ci, Gaya est

mais s'établit la plupart du temps à une douzaine.

royaume de Gaya a exercé une influence culturelle

aujourd'hui considérée

considérable sur ce pays à partir du début du I" siècle,

Quatrième royaume de I' Antiquité

1

jusqu'au VI'. Ne disposant toujours pas, à la fin du V',

c'est au deuxième siècle avant J.-C. que fut

d'outil industriel à des fins métallurgiques, le Wa allait

fondé, dans la ville de Gimhae, un petit royaume dont

importer de Gaya des produits tels que grandes haches

les premières influences culturelles allaient se faire sen-

et lingots de fer destinés à ses fabrications. c'est de

tir dès le siècle suivant et qui , par la suite, sous le nom

cette même Gaya qu'il acquit la maîtrise d'un artisanat

de Gaya ou Royaume de Geumgwangaya établi à

céramique aux productions aussi solides que raffinées

Gimhae, allait étendre sa suprématie sur de plus petits

répondant à l'appellation de Sueki, ainsi que la sellerie

Etats voisins pour se constituer en Confédération. Celle-

et la fabrication des casques et armures, autant d'ac-

ci allait connaître un grand essor dans la seconde

tivités qui contribuèrent largement à l'essor de la civili-

moitié du IV' siècle du fait qu'elle se situait à la

sation japonaise dans !'Antiquité.

charn ière entre le Royaume de Baekje et le Japon, mais

Au vu de ce qui précède, il est patent que la

fut défaite au début du V' siècle par la coalition des

confédération de Gaya ne constitua en aucune manière

forces de Goguryeo et Sil la.

un Etat insignifiant assujetti au pouvoir politique du

Durant la seconde moitié de ce même siècle, un

Japon ancien ou à une quelconque autre influence de

ancien État de Goryeong allait restaurer la confédération

celui-ci. S'il ne pesa pas du même poids historique que

de jadis, qui prit cette fois le nom de Royaume de

les royaumes plus connus de Goguryeo, Baekje et Silla,

Daegaya, c'est-à-dire du Grand Gaya et dont les sou-

il mérite amplement d'être reconnu comme un quatrième

verains furent ensevelis dans les tombes de )isan-ri. Les

royaume qui exerça sa souveraineté pendant près de

tentatives de reconstruction d'un État placé sous une

six siècles.

les territoires rattachés

apogée (fin V - début VI' siècles), ainsi que les

comme le quatrième royaume de I'Antiquité coréenne.

~

Printemps 2006 1 Koreana 11


GAVA, berceau d'une industrie

métalluryique et céramique florissante Métallurgie du fer et production de faïence jouèrent un rôle cap ital dans l'évolution socio-culturelle de Gaya, dont les technologies dans ce premier domaine, ainsi que pour les produits dérivés, parvinrent à un haut niveau autorisant une forte activité exportatrice qui représenta une large part des une large mesure des échanges commerciaux en Asie du Nord-Est. Park Cheun-soo Professeur d'archéologie et d'anthropologie à l'Université nationale de Kyungpook Kwon Tae·kyun Photographe

12 Korea na I Printemps 2006


L

'ouvrage chinois du 111' siècle dit Sanguo Zhi

(Archives des Trois Royaumes), dans un passage

sur les

«

dongyi », c'est-à-dire les barbares de l'est,

situé au tome qui s'intitule

tivement au sud et au nord de la péninsule, alors que celui des Wa habitait le Japon ancien. Le métal évoqué constituait alors une matière première indispensable à

Weishu » (histoire de

la fabrication d'outils et instruments agricoles contri-

Wei), fait mention de Byeonjin (l'un des Trois Hans)

buant à une meilleure productivité, mais aussi des

comme suit :

armes et armures à usage militaire.

«

«

Cette nation produit du fer que Han,

Wei et Wa viennent tous y chercher. Au marché, lors des transactions, ils emploient aussi le fer, tout comme en Chine on a recours à la monnaie, et en fournissent

Une riche métallur1ie c'est dans la région de Gimhae, où le fleuve Nakdonggang a son embouchure, que fut découvert le

noms Han et Wei désignant les peuples vivant respec-

plus grand nombre d'objets en fer datant de la

»,

Gaya antique, s'étend

une agglomération

les

aussi aux régions chinoises de Lelang et Daifang

Par -delà les tumuli de la

moderne qui abrite ses

descendants actuels. Si Sil la en triompha dans

des temps très reculés, le royaume survit par les riches vestiges d'un peuple et d 'une culture.

Printemps 2006 1 Koreana

13


son céramique au-delà des

1 200°C

requis pour la

poterie de style Sueki. Si la faïence ne constituait pas un produit de première nécessité, elle circulait tout autant que les personnes et les biens, par exemple les objets métalliques. Aussi témoigne-t-elle de manière tangible, par la variété de son style, du stade de développement socio-politique caractérisant le royaume aux différentes époques de son histoire, faute d'indications plus précises dans l'écrit. Foyer de la production et du commerce du fer dans la première période, la région de Gimhae est échancrée d'une large baie créant un port naturel qui en fit le carrefour du trafic et du commerce maritimes entre les côtes orientale et occidentale, ainsi qu'avec le Japon. Dans la vallée de Daho-ri située aux confins de la ville, un groupement de tumuli allait livrer quantité de miroirs, produits laqués et monnaies chinoises datant du I" siècle, ainsi qu'un grand nombre de hachesmarteaux en fer moulées, pinceaux à encre et articles de céramique pour le bain. Outre ces pièces de provenance chinoise, des armes en bronze et poteries japonaises Yayoi de Kyushu furent découvertes dans cette même région, attestant du dynamisme de Couronne en or déterrée dans le tum lus de Jisan-ri

première époque de Gaya, c'est-à-dire du Ill' siècle.

celle-ci dans le commerce du fer et d'autres produits

L'ensemble du commerce réalisé en Asie Orientale

d'usage quotidien avec plusieurs provinces chinoises

s'articulait donc autour de l'Etat de Geumgwangaya, qui

et japonaises.

se plaçait alors au centre du pouvoir confédéral et jusqu'au VI' siècle, le royaume de Gaya, en raison du haut

À l'ouest du bassin de Gimhae, un second

d'approvisionner le Japon en fer et de lui transférer les

groupement de tumuli , dit de Yangdong-ri, renfer-

technologies dont il n'avait pas encore la maîtrise. Parallèlement à cette activité, la fabrication de

mait quant à lui bouilloires en fer fabriquées au nord du pays, miroirs chinois et japonais, perles de verre

faïence fut un pilier de son économie. Les six principaux

dorées et flèches à pointe large, ainsi que de multiples

Etats confédérés disposant des moyens de produire une

instruments en forme de marteau, dont des haches,

faïence de qualité exceptionnelle, ses artisans allaient

autant d'artéfacts qui remontent à peu près au Il '

introduire leurs techniques nouvelles au Japon, car ce

siècle.

dernier, au IV' siècle, méconnaissait le procédé de cuis-

14

Korea na I Printemps 2006

Importance commerciale du fer

degré d'évolution atteint par sa métallurgie, fut en mesure

À la fin de la première moitié du Ill' siècle, les


tumuli de Daeseong-dong qui s'étendent au pied du

Diversité ré!ionale de la faïence

Mont Gujibong et la tombe du Roi Suro, deux noms

Caractérisée par un fini de surface gris-bleu et

figurant dans le mythe fondateur du royaume de Gaya,

une haute durabilité, la faïence de Gaya met en œuvre

furent dotés de sépultures royales royales dont les salles boisées surpassaient par leurs dimensions celles

pour sa fabrication un procédé de réduction en caisson exécuté à très haute température, c'est-à-dire à plus

de Yangdong-ri, les plus grandes de l'histoire

de 1 200°C, dans le but d'éliminer l'humidité de l'argile

coréenne. Il s'avéra lors des fouilles qu'elles abritaient

et d'obtenir une dureté maximale. c'est à la fin de la

d'innombrables bouilloires en bronze provenant du

première moitié du Ill ' siècle, époque des Trois

nord, miroirs, pièces en jade bleu de la région japon-

Royaumes, que serait apparu cet artisanat spécifique

aise de Kinai, ornements de boucliers et produits

dont les productions se répandirent largement à

métallurgiques, dont des lingots de fer, instruments

l'ouest du fleuve Nakdonggang tandis que celles de

agricoles, armes et armures. En outre, six serviteurs y

Silla dominaient à l'est.

avaient été enterrés vivants. Geumgwangaya exporta ses productions de lin-

Les particularités de ces différentes industries céramistes du sud-ouest coréen correspondaient aussi

Cette figure en faïence d ·un guerrier portant au dos des coupes en forme de cor témoigne d'une brillante production céramique.

gots et casques de fer, harnais et carquois pour flèches de bronze au Japon où ces objets furent ensevelis aux côtés des plus grands personnages, dans diverses régions dont celles, centrales de Nara et d'Osaka. Sous les monticules funéraires de Daeseong-dong, les pièces en provenance de Kinai laissent penser que de nombreux échanges se déroulèrent entre cet Etat et la région de Kinki, le premier mettant à profit ses relations avec les Japonais de Wa pour repousser l'envahisseur de Goguryeo (37 av. J.-C. -668) et de Silla (57 av. J. -C. 935), sans cesser de jauger la puissance d'Aragaya, un des plus importants Etats confédérés. Quant au pouvoir de Wa, c'est son hégémonie qu'il souhaitait affirmer sur son propre sol en apportant un soutien militaire accru à Geumgwangaya en contrepartie de l'importation de matières premières telles que le fer. Pour autant, les grands clans provinciaux du Japon n'en importaient pas moins ce même fer coréen, entre autres produits, de manière directe et non par le biais de leurs dirigeants. Il est donc malaisé de savoir quel monopole ces derniers conservaient sur les circuits d'importation de produits artisanaux de haute qualité ou de première nécessité en provenance de Corée et s'ils exerçaient de réelles contraintes sur les échanges avec les clans. Tout pousse donc à remettre en question l'argument historique japonais selon lequel ces souverains fournissaient un appui militaire à des Etats coréens tels que Gaya en vue d'avoir la mainmise sur les voies du commerce coréano-japonais et de renforcer leur pouvoir sur le territoire national.

Pri ntemps 2006 1 Korea na 15


, Armure de plaques montrant l'évolution considérable du travail des métaux sous le royaume de Gaya . 2

Motif du vent sur un bouclier en bronze.

Lingot de fer exporté par Gaya en Asie du Nord-Est. 4 Collerette d'armure destinée à mieux protéger le cou. 5 Ornement en fer d'un mât. 6 Pièce de vaisselle en faïence de Daegaya évasée vers le bas. Pièce de vaissel le en faïence d'Aragaya à couvercle à reliefs. © Musée national de G1mhae

8 Cette pièce de vaisselle en faïence représentant une maison provient d ·une tombe d'époque Gaya. 0Muséel'!at1onaldcCorée

9 Reproduction en faïence d'un navire sous Gaya . © Musée d'arl Lccum Samsung

10 Pièce de vaisselle en fa."1ence du V siècle en forme de roue . © ,.~usée nattonal de

11

16 Korea na I Printemps 2006

)lnJU

Cette pièce figurait parmi les faïences découvertes au lapon.


Printemps 2006 1 Koreana

17


au clivage des zones d'influence de Gaya et Silla, mais

Hwanggang, pour finir par atteindre tout le littoral

aussi d'autres Etats confédérés. Dans la première, les

méridional. Par ailleurs, allaient être mises au jour dans

différents styles sont fonction de l'origine de fabrica-

les préfectures japonaises de Nagasaki, plus

tion, tels ceux de Geumgwangaya issu de la région de

précisément sur l'île de Tsushima, Tottori, Shimane et

Gimhae, d'Aragaya produit au IV' siècle dans la contrée

Ehime, des pièces d'un genre analogue issues des fours

de Haman, d'Aragaya, ainsi que de Daegaya et So-

de Sueki, qui se trouve sur l'île de Shikoku.

gaya provenant respectivement de Goryeong et

En revanche, la faïence de Geumgwangaya

Goseong et datant du V' siècle pour cette dernière. Ces

n'étendra sa présence qu'en aval du fleuve

genres divers et variés allaient par la suite franchir les

Nakdonggang. Il est impossible d'affirmer que cet Etat

frontières de leurs régions natales.

chercha à exercer un monopole sur le commerce extérieur ou un quelconque pouvoir sur les autres Etats

Les Etats confédérés de Gay as' adonnèrent à la fabrication de faïence selon différents procédés, cette spécificité délimitant ainsi, en fonction des produits, les sphères d'influence respectives de ces diverses entités.

de Gaya, tandis qu'Aragaya s'employa de notoriété publique à mettre en place un réseau de relations choisies et à tisser des liens avec des partenaires étrangers. Il n'en demeure pas moins que les potiers de · Geumgwangaya jouèrent un rôle important en trans-

En

2005.

le Musée de

l'Universitë nationale de

Sunchon entreprenait des fouil les dans un groupe de tumuli d"époque Daegaya. Grâce aux recherches et chantiers

archéologiques. le voile est dësormais levë sur les secrets ancestraux de Gaya .

18 Korea na I Printemps 2006

Au cours de la première période dynastique, ce

mettant leur savoir-faire aux artisans japonais, comme

sont les productions de style Aragaya, dont la fabrica-

en témoignent les productions des fours d'Obadera et

tion se concentre dans la région de Haman, qui vont

Osaka où les premières pièces du genre furent réalisées

connaître la plus large diffusion nationale en par-

au Japon. Le rayonnement de ces terres cuites origi-

venant notamment jusqu'en amont du fleuve

naires de la région de Gimhae, à la glaçure d'un jaune

Nakdonggang en passant par sa partie centrale, ainsi

naturel et aux sinueux motifs ornementaux d'un raf-

que dans les bassins des fleuves Namgang et

finement exquis révèle le haut niveau d'évolution ar-

'


Daegaya, tandis qu'à peu près à la même époque,

' tistique qu'avait atteint Geumgwangaya. Si la poterie d'Aragaya était chose rare dans les bassins des fleuves Namgang et Hwanggang au début du V' siècle, celle de Sogaya se propagea jusqu'aux

celle-ci édifiait les tumuli de Jisan-ri dans la région de 1

Goryeong, créant un grandiose paysage aux énormes alignements funéraires.

régions du littoral méridional et au bassin du fleuve

Des tombes royales d'aussi grande envergure

Namgang, ainsi qu'en amont de ceux de Hwanggang

attestent du niveau d'évolution culturelle auquel était

Vestiges de dolmens

et Geumggang. En outre, les pièces de style Gaya qui

, parvenue Daegaya dans la dernière période du

s'élevant sur le Mont

furent découvertes sur Tsushima, dans la préfecture de

royayme, cet Etat régnant sur la région charnière de

Nagasaki, proviendraient en fait des fours de Sueki

Namwon en amont du fleuve Namgang, ainsi que sur

Gujibong où seraient descendus du ciel les six monarques fondateurs de Gaya.

situés dans celle de Fukuoka, ce qui démontre que le style Sogaya issu de Goseong supplanta par son influence celui d' Aragaya dans les relations avec le royaume de Baekje, ainsi que tout au long du bassin du fleuve Namgang et des côtes méridionales du Japon, notamment aux environs de Kyushu.

Poteries de Daejaya Aujourd'hui encore, il se trouve des savants japonais pour affirmer que les monarques de Wa firent capturer et emmener de force au Japon plusieurs potiers coréens dans le but de renforcer leur pouvoir, des enlèvements que Toyotomi Hideyoshi allait réitérer à l'époque Joseon lorsqu'il tenta d'envahir la Corée. Néanmoins, la production céramique japonaise du début de Sueki s'étant simultanément développée dans plusieurs régions entre la fin du IV' siècle et le début du V', il est vraisemblable que des artisans

Yeosu, Suncheon, Gwangyang et, sur la côte sud,

coréens se rendirent au Japon à l'invitation des

Hadong, ce qui la plaça en position dominante dans le

autorités provinciales dans le cadre de relations poli-

commerce avec Baekje et Wa, de même, par le fait,

tiques, et non qu'ils furent la proie de ravisseurs. En

qu'au niveau de la Confédération. Les artisans d'alors

conséquence, il paraît douteux que les souverains de

produisirent une vaisselle de terre cuite aux socles

Wa aient pu régenter les relations coréano-japonaises

ajourés et aux délicats ornements caractéristiques de la

dans la mesure où les clans régionaux effectuaient en

sublime esthétique de cette période finale de Gaya.

toute autonomie leurs échanges avec la Corée.

Lo rs des funérailles de personnages royaux ou

À la fin de la première moitié du V' siècle, les

dirigeants provinciaux de l'époque, ces pièces auraient

céramiques de Daegaya originaires de la région de

servi de vaisselle d'apparat dont les débris étaient

Goryeong évincèrent définitivement celles de Sogaya

ensuite répandus sur les sites mortuaires.

dans les bassins des fleuves Namgang et Hwanggang, ainsi qu'en amont de celui de Geumgang et sur les

Remontant à la fin de la première moitié du VI' siècle, la faïence royale de Daegaya témoigne brillam-

côtes méridionales, l'aire d'influence de Daegaya

ment du haut degré de raffinement qui caractérisa

s'étendant ainsi à l'ensemble de ces régions. Au cours

cette culture dans les derniers temps du royaume. Au

des cinquante années qui suivirent, les parures, har-

cours des cinquante années suivantes, elle allait céder

nais, armes et armures de style Daegaya firent leur

la place aux productions d'un royaume de Silla qui

apparition au Japon parallèlement aux faïences de

venait en 562 d'annexer celui de Gaya. ~

Printemps 2006 1 Koreana

19


Le royaume de GAVA dans la lé,ende Les premiers textes historiques relatifs à !'Antiquité et, en l'occurrence, au royaume de Gaya, faisant pour la plupart appel aux mythes et légendes, il convient de démêler l'écheveau complexe de ces récits afin de percer les énigmes de l'ancien royaume. Kim Doo-jin Professeur d'histoire de Corée à 1·université Kookmin Kwon Tae-kyun Photographe

20 Ko rea na I Printemps 2006


LGaya se trouvant dans l'ouvrage du XIII' siècle dit

a principale source d'information sur l'Etat de

Samgungnyusa (Souvenirs des Trois Royaumes), au chapitre intitulé « Rapport sur le Royaume Garak », qui en relate surtout les mythes et légendes, il est malaisé de retracer son histoire à partir de ces seules données. Toutefois, mythologie et réalité étant souvent inextricablement liées, l'analyse approfondie de ce document s'avère être le passage obligé de toute recherche en la matière, à savoir que la compréhension

des mythes fondateurs du royaume de Gaya est indispensable à la connaissance de son histoire.

L'entrelacs lé-Jendaire En des temps très anciens, lorsque les neuf chefs de tribu qui régnaient sur les contrées de Gaya se rassemblèrent au pied du Mont Gujibong pour accomplir une cérémonie, une voix céleste leur aurait appris,

À l'entrée de la tombe du Suro, qui fonda le royaume de Geumgwangaya. ces deux poissons peints apporte nt peut -être la clé de la mythologie de Gaya,

101

car une figure ana logue aurait existé au royaume

ind ien d'Ayodhya où naquit la reine Heo,

epouse du rot Suro.

selon la légende, qu'ils trouveraient un roi sachant les gouverner enfoui au sommet de la montagne .

Printemps 2006 1 Koreana 21


Parvenus à sa cime, ils entreprirent de creuser le sol en

Hwang-ok fût dépêchée en bateau jusqu'à Gaya pour

chantant et découvrirent six œufs dont naquirent Je

devenir reine de Suro. Les légendes du roi Suro et de la reine Heo s'allièrent ainsi en un mythe fondateur, celui

Dans une confédération en,tobant six ,rands clans, les mythes fondateurs des Etats correspondants dominaient en fonction du rapport de forces.

de Geumgwangaya. La Confédération ne pouvant réaliser l'union politique entre ses Etats constitutifs, la mythologie spécifique aux différents clans et cités-Etats fortifiées fondés lors de la transition des civilisations primitives

22 Koreana I Printemps 2006

lendemain des nourrissons mâles dont l'un devint, à

aux royaumes antiques se perpétuait dans ces

l'âge adulte, Je Roi Suro (r. 42-99 av. J.-C.), fondateur

différentes entités, d'où l'ensemble particulièrement

du Royaume Garak également appelé Geumgwangaya,

complexe qui en résulte au niveau de la Confédération.

alors que les autres allaient diriger les cinq clans

Dans sa structure, celui-ci réalise Je brassage des

restants de la Confédération. Suro n'ayant pas

mythes fondateurs des cités-Etats fortifiées. Il s'agit de

d'épouse, une intervention divine permit qu'une

légendes se rapportant à des êtres surnaturels ter-

princesse du royaume indien d' Ayodhya nommée Heo

restres, ou des esprits célestes comme Jbiga, dont


l'union avec l'esprit de la montagne Jeonggyeonmoju donna naissance aux rois de Daegaya et Geumgwangaya. Les mythes fondateurs de Gaya ne constituent cependant pas une simple juxtaposition de ceux de Daegaya et Geumgwangaya, car s'ils sont dans ce dernier cas étroitement liés aux légendes du roi Suro et de la reine Heo, s'y entremêlent aussi de manière complexe ceux des neuf chefs de tribu et cinq autres clans, ainsi que les légendes de Talhae, Yeonorang, Seonyeo, Cheonilchang et Arasa. Prince du royaume Wanha, Talhae prit la mer avec ses compagnons pour se lancer à la conquête de la région de Gaya, mais lorsque le roi Suro repoussa cette incursion, Talhae trouva refuge près du Mont Tohamsan, dans le royaume de Silla. Quant à Yeonorang et Seonyeo, qui demeuraient aux alentours de Yeongil, ils franchirent la mer en bondissant d'un rocher à l'autre jusqu'au Japon, où ils furent couronnés roi et reine. Enfin, les esprits des princes Cheonilchang de Silla et Arasa de Gaya, qui s'étaient embarqués pour le Japon afin d'y retrouver leurs conjointes en fuite, furent vénérés dans les sanctuaires shintoïstes.

Lé,endes de Suro et Heo À l'aube de l'époque Gaya, Geumgwangaya

impose sa suprématie sur la confédération et apporte ainsi la consécration de son mythe fondateur constitué de la légende du roi Suro qui naquit sous de célestes

vénérable clan permit-il d'y introduire des éléments de

À son départ du royaume

augures, ce récit reposant sur la croyance en des êtres

confucianisme chinois et de bouddhisme afin de

la reine Heo aurait emporté

surnaturels terrestres, ainsi que sur un culte de la

gagner en légitimité, les mythes fondateurs assimilant

la pagode en pierre de Pasa afin de voyager sur

tortue. L'élévation du clan Suro au statut de famille

volontiers ces deux apports pour mieux asseoir leur

une mer calme.

royale de Geumgwangaya allait par la suite en modi-

crédibilité. L'adaptation au premier d'entre eux fit

fier la trame. La légende de la reine Heo est marquée

appeler le roi Suro Cheongye et le situa dans la lignée

par des croyances analogues, comme en atteste le récit

directe de l'empereur chinois Soho Kimcheonssi, ce qui

de son arrivée en Corée, où elle se dévêtit de sa robe

ne pouvait qu'accroître le rayonnement de sa légende,

avant d'accomplir en l'honneur de l'esprit de la mon-

de même que celle de la reine Heo ressortait grandie du

tagne une cérémonie symbolisant la femme qui

titre princier de Heo Hwang-ok au royaume indien

enfante et élève ses enfants.

d'Ayodhya et du voyage qu'elle fit de celui-ci en

Contrairement aux autres légendes amalgamées par le mythe fondateur de la Confédération, celles de

indien d'Ayodhya.

emportant la pagode en pierre de Pasa, gage d'une consécration bouddhiste.

Suro et Heo s'enrichirent constamment de nouvelles

Les mythes fondateurs de Gaya et Silla ne

notions du sacré. Ainsi le récit des hauts faits d'un

diffèrent que par leur genèse. Dans un tel foison-

Printemps 2006 1 Koreana 23


' nement mythologique, il était naturel qu'une légende

l I Il

Fin d'une civilisation

bénéficiât d'une plus large diffusion que les autres si

Le royaume de Geumgwangaya qui s'instaura

elle était porteuse d'un thème potentiellement domi-

initialement dans la Confédération se perpétua par la

nant dans toute la confédération. Au royaume de Sil la,

-

pratique du mariage consanguin entre les clans de

ce sont avant tout celles du clan Kim qui imposèrent

Suro et Heo. En d'autres termes, les unions célébrées

~a;:e;:::~~~~~::~s~~~e~:~::~:: a~:r~:~:::::~

entre la famille royale et les descendants de parents de la reine permirent à Geumgwangaya de conserver son

gaya. Fruit de l'alli ·nce des clans {espectifs des deux

haut lignage. Sous le règne de Jwaji (r. 407-421),

·,ri monarqu? famille ro (a le fondatrice de I Geumgwanga.ya allait rég, ; r jusqu'au milieu de

sixième de la dynastie, Geumgwangaya entreprit de

d

24 Koreana I Printemps 2006

réaliser l'union nationale en se dotant d ' un Etat


cités-Etats fortifiées qui se rallièrent au fil du temps à la

que possède assurément Daegaya. Une légende

Confédération pour bénéficier de sa protection contre

contant la création d'une nation par la progéniture de

les envahisseurs de Silla et d'autres Etats voisins. Si la

l'esprit céleste lbiga et de l'esprit de la montagne

lignée aristocratique fut maintenue jusqu'à son

Jeonggyeonmoju fut attribuée à ce dernier Etat et

huitième monarque, Jilji Cr. 451-492), ce dernier n'allait

demeure à ce jour son mythe fondateur central, ce qui

pas achever l'œuvre centralisatrice visant à créer une

démontre que la Confédération fut centrée sur lui alors

puissante nation.

qu'une autre l'avait été antérieurement sur

Arrivée de la prmcesse indienne Heohwangok en

D'innombrables légendes participent des mythes

Geumgwangaya à partir du IV' siècle environ, pour être

fondateurs de la Confédération de Gaya, dont celui de

supplantée au V' par la première. Ainsi vécut la

Geumgwangaya est parvenu avec quelque cohérence

Confédération de Gaya jusqu'au VI' siècle et à son

prendre pour épouse.

jusqu'à l'époque contemporaine, contrairement à celui

annexion par Silla.

Kim Yoon-myong

1.1

Corée. où l'aurait accueillie le roi Suro avant de la Illustration:

..

Printemps 2006 1Ko reana 25


Immuables sonorités musicales de GAVA Produit culturel de la fin de la première moitié du VI' siècle, le

«

gayageum

»a

longtemps figuré

parmi les principaux instruments de musique à corde coréens et si le royaume de Gaya n'est plus, le son en résonne toujours dans les coeurs. Song Hye-j in Professeur de culture et arts traditionnels à l'Univers,té féminine de Sookmyung. critique de musique Phot~graphie Ahn Hong-beom, Seo Heun- kang

26

Ko rea na I Printemps 2006


V de Gaya, eut l'idée de créer« une nouvelle forme

siècle , les plus anciens qui soient, se trouvent

d'expression musicale qui ressusciterait les particulari-

aujourd ' hui encore dans un état de conservation

tés des dialectes et musiques propres à chaque contrée

»,

presque parfait, tant par leur structure que par leur

puis, apprenant l'existence d'un instrument chinois dit

aspect empreint de dignité. Si ces trois instruments,

« guzheng

oilà près de mille cinq cents ans, Gasil, souverain

initiale que lui donna Gasil , mais des spécimens du IX'

il s'inspira de sa structure, ainsi que

qui se trouvent dans la ville japonaise de Shosoin, une

d'autres instruments à corde traditionnels, pour en faire

mine de trésors anciens, furent produits deux ou trois

fabriquer un nouveau qui prit le nom de « gayageum

siècles après le règne de Gasil, ils assurent une impor-

»,

».

tante continuité entre l'original d'époque Gaya et ses

Les douze mélodies de Gaya Rien ne subsiste du « gayageum

versions modernes. Leur observation minutieuse per» sous

la forme

met tout de suite de se représenter les efforts

Cest par le ro i Gasil que fut créé le« gayageum », célèbre instrument de musique en paulownia et

à douze cordes de soie d ·époque Gay a pour lequel le musicien U Reuk allait composer douze oeuvres chantées.

Printe mps 2006 1Koreana

27


-Goh Heung-gon, un fabricant d'instruments de musique traditionnels coréens, a restauré ce(< pungnyu gayageum ». Par le biais de la musique, le« gayageum » fournit un précieux maillon culturel entre la Gaya antique et l'époque contemporaine.

considérables qu'exigea l'entreprise du roi Gasil.

Ces créations, dont la transcription se limite à un

Montés de cordes de soie soutenues par douze

texte descriptif, à l'exclusion de toute partition ou

chevalets situés au niveau de la cambrure, entre l'éclisse

enregistrement, apportent un précieux témoignage sur

et la caisse de résonance, mesurant de

cen-

les talents créatifs du monarque et du musicien qui

timètres de longueur sur 30 centimètres de largeur, ils

conçurent une forme d'expression unique en son genre,

possèdent certaines analogies avec l'actuel« pungnyu

toujours vivante un millénaire et demi plus tard. Il est à

Les motifs de feuilles d'arbre délicate-

regretter que n'existe nulle trace sonore de ces compo-

ment exécutés sur l'éclisse et les chevalets sont d'une

sitions en version originale qui pour la plupart ont pour

exceptionnelle qualité que les artisans d'aujourd'hui ne

titres des toponymes et des thèmes folkloriques de

parviendraient pas eux-mêmes à reproduire.

Gaya, telle la danse masquée au lion ou l'art de la jongle-

gayageum

».

150

à

160

Après avoir atteint l'harmonie faite des riches

rie. Lorsque le royaume Sil la (57 av. J.-C.-935) eut raison de celui de Gaya, la jeunesse de ce dernier se montra

Au cours des cinquante dernières années, l'art du « ,aya,eum 11 a évolué de manière spectaculaire, comme en témoi,nent les multiples emplois dont il a fait l'objet à l'époque contemporaine, notamment dans des airs des Beatles et le tan,o latino-américain.

critique vis-à-vis de ces mêmes œuvres qu'elle avait étudiées et dont elle soulignait maintenant le « style trop rustique

»

en s'employant à l'affiner pour qu'il

acquière plus de « distinction

».

Cette évolution

démontre à quel point les créations d'U Reuk s'enracisonorités de l'éclisse en bois de paulownia et de celles,

naient dans la culture et les mentalités de ses gens.

lyriques, des douze cordes de soie, Gail fit appeler le musicien U Reuk pour lui présenter le nouvel instrument et lui faire part de sa réflexion sur la musique de Gaya.

28

Korea na

I Printemps 2006

La musique de Gaya à Silla L'invention royale d'un instrument adapté à la

Le virtuose composa alors douze œuvres originales inti-

musique de diverses régions, suivie de la composition à

tulées « Sanggarado », « Hagarado », « Bogi », « Dalgi »,

son intention d'œuvres chantées et dansées, ont été

« Samul », « Mulhye », « Hagimul », « Sajagi », « Geoyeol »,

relatées dans des chroniques où se rappellent vivement

« Sapalhye

et structurées de

à notre souvenir les scènes paisibles, romantiques d'un

telle sorte que leur interprétation puisse s'accompagner

âge d'or depuis longtemps révolu. À cette même

de chants et danses.

époque pourtant, sous le siège de Silla, le royaume

»,

« Isa

»

et « Sanggimul

»


chancelait, au bord de l'effondrement auquel assistait, impuissant, Gasil qui, tout à la création d' instruments et genres musicaux, négligeait de consolider la défense nationale. La défaite imminente, U Reuk prit la route en compagnie de l'un de ses disciples pour trouver refuge à Silla, emportant un

«

gayageum

»

dont se tournait ainsi une nouvelle

page d'histoire. Après avoir parcouru ce nouveau territoire, il fut introduit auprès du roi Jinheung (r. 540-576) venu inspecter les marches du royaume. Tombant sous le charme des sons mélodieux qu'U Reuk tirait de son instrument, le souverain en fit entreprendre l'étude par trois jeunes musiciens sous la conduite d'U Reuk afin

'

V Une page de l'histoire du<< gayageum

»

s'est tournée dans les années 1960 avec le passage

des douze cordes traditionnelles au nombre actuel, qui varie de quinze à vingt-cinq. Instruments à vingt-cinq et dix-huit cordes, respectivement ci -dessus et ci-dessous.

Printemps 2006 1 Ko reana 29


l'avis général, diffère des instruments à corde chinois, japonais et vietnamiens.

Un « 41aya41eum

»

actualisé

Une version adaptée cœxiste aujourd'hui à côté de l'instrument traditionnel, lequel comprenait d'une part, le « pungnyu gayageum

»

précité, conçu à

l'ident ique de l'original d'époque Gaya, et d'autre part, le « sanjo gayageum

» qui fit

son apparition à la

fin du XIX' siècle en même temps que la musique pour instrument solo dite « sanjo

».

Le prem ier était princi-

palement destiné à la musique de Cour jadis réservée à Première formation coréenne comprenant cet instrument, l'Ensemble pour(< kayageum

»

de

Sookmyung embrasse un riche répertoire allant d'œuvres traditionnelles à

des compositions occidentales classiques (en haut). Terre cuite d'époque Sil la représentant un joueur de « gayageum )> (Musée national de Gyeongju (en bas).

30

Ko rea na

I Printe mps 2006

que Silla l'adoptât. Hostiles à cette initiative, les

l'élite du royaume, tandis que le sec"ond convenait

officiers royaux s'opposèrent à la consécration officielle

surtout à la musi que folklorique, notamment aux

des créations musicales d'une nation conquise, mais le

chants et « sanjo

».

Autant la musique de Cour

monarque passa outre, arguant que la chute de Gaya

ménage entre les notes de longues pauses donnant

n'atténuait en rien la splendeur de sa musique. C'est

souvent un tempo lent, autant les compositions fol-

ainsi que le « gayageum

kloriques sont diverses et animées du fait d'extrêmes

»

et les œuvres qui s'y rat-

tachaient firent leur entrée dans la musique nationale. Ils allaient y conserver leur place, même après

variations qui en ponctuent la tonalité, l'exécution de

l'effondrement de Gaya, pour rejoindre aujourd'hui les

ces transitions rapides exigeant une exceptionnelle J. maîtrise technique. C'est devant le succès grandissant

principaux instruments à corde du répertoire tradition-

de la musique folklorique qu 'aurait été mis au point le

nel folklorique et de Cour. Par sa conception , ses qualités sonores comme par son usage, le « gayageum »

« sanjo gayageum

est l'âme d'un genre musical unique au monde et, de

musique dans les années soixante, le « gayageum

».

Dans le contexte des évolutions qui marquent la »

va


entrer dans une ère nouvelle, mettant un terme à une tradition vieille de mille cinq cents ans, celle du « gayageum à douze cordes

»,

tandis que, sur toute la péninsule, les

, musiciens délaissent les styles d'interprétation et tonalités d'autrefois pour donner au« gayageum

complétant de onze versions électriques. Cette spectaculaire évolution réalisée dans la seconde moitié du XX' siècle al lait se doubler de l'apparition de nouveaux courants musicaux dont les

une

interprètes, tendant vers une création qui soit con -

orientation entièrement nouvelle, celui-ci se dotant selon

forme aux goûts des auditeurs contemporains, coréens

les cas de quinze à vingt-cinq cordes.

comme étrangers, optent alternativement pour le

Au « gayageum

»

»

ancien accordé sur la gamme

« gayageum

»

traditionnel à douze cordes lorsqu'ils

traditionnelle coréenne à cinq notes, le musicien appuie

jouent de la musique moderne européenne et pour sa

sur les cordes et les pince pour produire une mélodie au

version à vingt-cinq cordes lorsqu'il s'agit de musique

gré de sa sensibilité, alors qu'avec le moderne à sept

populaire. Dorénavant, il n'est pas rare d'entendre

notes, il privilégie le raffinement harmonique plutôt

interpréter au « gayageum

que les tonalités mélodieuses. Ainsi le « gayageum » se

récentes comme celles des Beatles ou du tango

transforme-Hl sans cesse au cours du temps, substi-

argentin et c'est à juste titre que l'on peut s'interroger

tuant désormais pour ses cordes les fibres synthétiques

sur les nouvelles mutations que traversera l'univers

à la soie, qui contribua pourtant pendant des siècles

musical du « gayageum

aux riches sonorités propres à cet instrument, et se

répertoire allant du traditionnel au moderne. t.t

»,

»

des compositions

lequel couvre déjà un large

Principaux titres enreiistrés

1

Œuvres classiques au« yayayeum ", de Chony-ja Kim : ciel, Terre et méditation " Comme leur nom l'indique, ces deux disques de musique de Cour évoquent une paisible méditation au fil de leurs différents morceaux interprétés au« pungnyu gayageum » solo. Si la mélodie pourra en sembler monotone, voire fastidieuse, à l'oreille d'auditeurs plus habitués aux rythmes rapides et créations techniquement complexes, ces pièces permettront d'apprécier pleinement les tonalités musicales et modes d'interprétation du « pungnyu gayageum » d'époque Gaya, vieux de plus de mille cinq cents ans. On goûtera notamment la sensation de quiétude que procure le tempo lent, les pauses divisant la durée musicale et le charme délicieux de cet instrument. «

Compositions pour« kayayeum » » Soung Gumnyon, qui figurait parmi les plus grands virtuoses de cet instrument au XX' siècle, interprète notamment, en s'en accompagnant, son chant favori intitulé« Hyangsu » (nostalgie). Cet enregistrement d'une qualité exceptionnelle fournit un rare aperçu de l'art d'un maître du « gayageum » traditionnel. Produit par CU Music en 2002, il s'accompagne d'informations très détaillées en langue anglaise sur la musique de Cour interprétée au« gayageum » . «

Musique contemporaine mondiale pour yayayeum » : huitscènes. » Il s'agit d'un recueil de pièces pour « gayageum » émanant de compositeurs tant coréens qu'étrangers, à savoir japonais, chinois, mexicains et suisses. Précédemment interprétées lors de festivals internationaux de musique contemporaine, elles sont ici exécutées par l'artiste de renom Yi Ji-young. L'auditeur y découvrira avec ravissement les multiples sonorités du « gayageum » moderne. Cette production de CU Music en 2004 comporte une brève présentation en anglais. «

«

. .. L1 .

,

, •

« Ensemble pour« kayayeum » de Sookmyuny (Album n' 3): Le nouveau monde du « kayayeum » » ·Ce troisième album du premier ensemble musical coréen en son genre propose un large choix de morceaux, notamment des célèbres Beatles et « Le printemps » de Vivaldi interprétés au « gayageum » à vingt-cinq cordes, ainsi que différentes adaptations du répertoire traditionnel. Cette production qui fait autorité dans le domaine n'a cessé de se vendre depuis sa parution en 2003 chez Seoul Records. Elle contient des indications succinctes en anglais.

Printemps 2006 1 Koreana 31


DOSSIER

Le Sommet de l'APEC de Busan

Pour l'avènement d'une communauté mondiale

Le sommet de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique!. qui réunit les chefs d'Etat de cette région, s'est déroulé avec succès en novembre 2005 dans la ville portuaire de Busan, aboutissant à l'adoption de la Déclaration du même nom. Park Young-bae Éditorialiste au Korea Economie Dai/y Photographie : Yonhap News. Ahn Hong-beom

Comme le veut l°usage , les vingt et un chefs d'Etat de l'APEC avaient revêtu pour la séance de photos souvenirs le costume traditionnel de leur hôte, en l'occurrence un pardessus.

32 Koreana J Pri ntemps 2006


Pour la première fois, le sommet annuel de l'APEC se déroulait dans une ville coréenne, Busan, où les vingt et un dirigeants des pays membres ont participé à la session plénière dans le pavillon Nurimaru [sommet du monde! pour s·entretenir de question régionales et mondiales.

E

n novembre 1905, la Corée perdait sa souveraineté nationale en concluant le Traité de protectorat dit « eulsa joyak » entérinant son nouveau statut de territoire colonial japonais. C'est sous la coercition que les vieux ministres qui la représentaient ratifièrent le pacte, l'un d'entre eux mettant par la suite fin à ses jours pour assumer la responsabilité de ce déshonneur, tandis que dans les villages, les maîtres confucéens appelaient à la mobilisation contre les troupes d'occupation. Après un siècle révolu, les chefs d'Etat des vingt et un pays membres de l'APEC, parmi lesquels figurait le Premier ministre japonais Junichiro Koizumi, se sont retrouvés pour évoquer des questions d'intérêt commun dans le cadre du pavillon Nurimaru, c'est-à-dire« sommet du monde », situé sur l'îlot de Dongbaekseom , au large de la plage de Haeundae. La Déclaration de Busan

Hormis l'APEC, bien peu d'organisations au monde réunissent aussi régulièrement autant d'hommes d'Etat provenant notamment de grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine et la Russie et ajoutant à la portée de cette réunion d'ores et déjà très médiatisée. Si les sessions en sont d'une périodicité annuelle, la dernière fut quantitativement la plus importante puisqu'elle comptait la présence de plus de cinq mille participants, dont quelque mille hommes d'affaires aux côtés des responsables gouvernementaux. En outre, les réunions ministérielles et autres rencontres qui se tenaient en marge des pourparlers au sommet ont

apporté de nombreux et importants résultats, notamment la signature de plusieurs accords d'investissement et de coopération économique. La Corée allait quant à elle saisir cette occasion pour dresser un bilan de la situation politique péninsulaire et des dernières évolutions des pourparlers à six qu'elle mène avec la Corée du Nord, les États-Unis, la Russie, la Chine et le Japon pour régler le dossier nucléaire nord-coréen. Cette édition portant sur le thème des « Défis et changements pour une communauté mondiale » s'est conclue avec succès par l'adoption de la Déclaration de Busan dont les deux grands volets sont le soutien total aux négociations pour ['Agenda de Développement de Doha [DDA] en vue de mener celles-ci à bien dans le respect des échéances et la présentation de la feuille de route de Busan prévoyant des mesures concrètes pour atteindre, à l'horizon 2020, les objectifs de la Déclaration cfe Bogor proclamée par l'APEC en 1994. Cette feuille de route avait pour objectif d'indiquer avec précision l'action à suivre afin de favoriser l'essor du libre-échange et l'ouverture du marché dans le monde . Il convient de noter que la Déclaration préconise une coopération accrue en matière d'exploitation des ressources énergétiques, de lutte contre la corruption et le terrorisme, ainsi que des mesures préventives pour faire face aux menaces potentielles que représentent la pandémie de la grippe aviaire et les autres catastrophes naturelles. La Corée a quant à elle été gratifiée, en tant que pays organisateur, de résultats plus satisfaisants qu ·escompté, une première depuis la création de l'association voilà Printemps 2006 Ko reana 33 J


~

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• •

/Il. Le Sommet de Busan a offert à la Corée 1·occasion exceptionnelle de présenter ses dernières innovations

technologiques, dont le haut niveau a manifestement impressionné nombre de participants.

maintenant seize ans. Le président Roh Moo-hyun a par-

Cette manifestation lui aura aussi offert une possi-

ticipé, au x côtés de ses onze homologues, à des tête-à-tête

bilité décisive de faire connaître ses technologies

au sommet au cours desquels il s'est prononcé en faveur

avancées, qui ont produit une forte impression sur les par-

d'un développement constant des échanges multilatéraux

ticipants, notamment dans le domaine de l'information, lui

et s'est entretenu des moyens d'atténuer la bipolarisation

permettant ainsi d'engranger près de cinq cent millions de

croissante entre nations avancées et pays en développe-

dollars en investissements et pesant de tout leurs poids

ment.

dans la décision d'eBay, une entreprise d'électronique

34 Korea na I Printemps 2006


Le sommet de l'APEC aura permis de réaffirmer la progression inéluctable du libre-échange dans le monde, ainsi que la nécessité pour la Corée d'évaluer ses efforts d'ouverture commerciale et de jeter les bases d'une mondialisation accrue.

d'envergure mondiale, de situer le siège de ses établisse-

dirigeants, l'activité trop importante des syndicats et asso-

ments d Asie-Pacifique à Séoul.

ciations civiles, ainsi que l'interventionnisme du gouverne-

Enfin, la Corée a multiplié ses chances de coopération

ment, tout en conviant celui-ci à poursuivre sur la voie de la

régionale, notamment dans la perspective de l'évolution

déréglementation et de la transparence. Des progrès sont

que poursuivent résolument la Chine comme la Russie

d'autant plus impératifs dans ces domaines que la Corée est

vers l'instauration d'une économie de marché et vis-à-vis

l'un des premiers pays exportateurs mondiaux, le volume

de laquelle elle doit se positionner dans un avenir proche

total de ses échanges commerciaux ayant atteint cinq cent

afin de tirer pleinement parti d'une plus grande circulation

milliards de dollars en 2005. Mais les groupes incriminés

des biens et capitaux dans la région .

n'en continuent pas moins d'opposer une vigoureuse résistance à une plus grande ouverture de ses marchés, les

Quel choix pour La Corée à L'ère du Libre-échange ? Si la Corée est parvenue à donner d'elle-même

agences gouvernementales formulant parfois elles-mêmes des avis incohérents à cet égard.

l'image d'un pays libre et ouvert dans le cadre des ren-

Le sommet de Busan aura permis d'attester la pro-

contres économiques de l'APEC, nombre de défis complexes

gression inexorable du libre-échange dans le monde et

lui sont encore posés tels que l'absence de progrès dans

ses implications, notamment pour le gouvernement

la négociation d'accords de libre-échange [ALE). pourtant

coréen, qui doit démontrer sa ferme volonté d'assurer

un temps prioritaires au x yeu x de Séoul, avec les États-

l'adéquation du marché coréen à cette libéralisation en

Unis et le Japon . Dans le premier cas, c·est le maintien

adoptant une ligne politique cohérente qui jettera les

des quotas sur la projection d ' œuvres cinémato-

bases d'une économie plus mondialisée. Se trouvant

graphiques qui demeure la principale pierre d'achoppe-

aujourd ' hui à un tournant, la Corée est confrontée à

ment, alors que dans le second, les discussions se sont

l'alternative d'un libre-échange pleinement assumé ou

totalement interrompues en raison de la tension diplo-

d'une marginalisation face à ce processus, la di rection à

matique régnant entre Séoul et Tokyo du fait de

prendre semblant par trop évidente pour qu'arrive à bon

l'entêtement du Premier ministre Koizumi à effectuer

port le navire coréen.

des visites très critiquées au temple de Yasukuni . Il va

Dans ce pays spolié de sa souveraineté par le Japon

pourtant sans dire qu'un accroissement des échanges

avec l'aval de Washington voilà un siècle, les hasards de

commerciaux avec de grandes puissances telles que les

l'histoire ont voulu que ces deux grandes puissances se

États-Unis et le Japon ne peut être que très bénéfique à

retrouvent dans sa ville de Busan pour débattre des

la compétitivité des industries, ainsi qu 'à la consolidation

moyens d'assurer bien-être sur la péninsule coréenne et

de leur alliance en matière de sécurité .

expansion économique dans le monde. La Corée aura

La Corée se doit aussi d'être à l'écoute des appels que

quant à elle su tirer un précieu x atout de l'organisation du

lui lance la communauté internationale en vue de créer un

sommet de l'APEC, à savoir une confiance accrue dans

environnement plus favorable à l'investissement et d'ouvrir

son aptitude à contribuer à l'équilibre de la région du

plus encore son marché. Les milieux d'affaires étrangers

Nord - Est asiatique, mais aussi à figurer en bonne place

critiquent notamment avec force, par le biais de leurs

dans l'économie mondiale. t...1 Printe mp s 2006 1 Ko re ana

35


Pionnier du graphisme d' edition coreen Dans le domaine du graphisme éditorial, Chung Byoung-kyoo fait œuvre de défricheur en Corée, démontrant par une constante volonté d'innovation sa croyance que chaque livre, tout comme une personne, possède sa propre personnalité. Choi Tae-won Critiqu e de livres


Printemps 2006 1Koreana 37


e s1ec e ern1er a rusquemen confronté les lecteurs coréens à une production éditoriale d'apparence otalement différente de celle à laquelle ils étaient habitués et ainsi à une expérience culturelle inédite, comme cela s 'était produit dans le domaines culinaire et vestimentaire. Introduits par les Japonais, les livre occidentau x représentaient une éritable nouveauté, tant sur le fond que pa r la forme. Un siècle après cette mutation et les bouleverse ments qu 'elle a entraînés sur le plan culturel, quelles sont les dernière évolutions qui ont marqué le monde du livre et de l'édition en Corée ? Formation à l'étranger

En un laps de temps très court, le livre coréen a connu à diver égards de considérables transformaions au centre desquelles se place Chung Byoung-kyoo, graphist d'édition . Dans une Corée où la notion même de cette profession était inexisante, il allait brandir l'étendard du changement en se positionnant à contre -courant de l'usage selo n lequel les éditeurs monopolisaien l'ensemble du processus de concepion. En 1982, alors qu'il" est d'ores e déjà l'édi-teur le plus renommé d Corée, il va plonger le milieu culture dans la stupéfaction en prenant la


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Traduction coréenne de L'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera [Minumsa Co., Ltd., 19881. 2 La montagne vide, Kim Ji-ha [Sol Publishing Co., 1996]. 3 L 'écrivain, Kim Sang-ryeol [Minumsa Co., Ltd., 19821. 4 L'école des adultes, Lee Yun-gi [Minumsa Co., Ltd ., 19961.

5 Société et culture sous la Révolution russe, Association coréenne des études slaves [Minumsa Co., Ltd., 19881.

::-

.


1-

décision, à l'âge de 36 ans, de pour-

ment méritée de précurseur dans ce

seulement par son savoir-faire

suivre ses études en France.

domaine.

d'éditeur, mais aussi par les innom-

« Considérant que l'édition se compose de la relecture et de la mise

brables heures qu'il passa avec ses collaborateu r s à compa r er minu-

Une riche expérience éditoriale

en page, j'assumais une double fonc-

Si les années 1980 ont donc vu

tieus ement la vers ion coréenne à

cons écration

tion avant de choisir de me concentrer

sa

que

l'original, la qualité de traduction lais-

sur la seconde. Si je suis parti, c'est

graphiste, il en avait été de même, dix

sant beaucoup à désirer à l'époque. Il

pour m'immerger totalement dans le métier de « faiseur de livres» au sein

avait en outre mis sur pied une équipe 1

Après s'être senti « crouler sous le poids tangible de traditions séculaires » bien qu'ayant pressenti ce choc des cultures, il appréhendera , grâce au livre, l'intégralité de la culture occidentale pour parvenir à la conclusion suivante : « Dans tous les pays, le livre est un réceptacle dans lequel se conserve intacte la culture en vue de sa transmission », c'est-àdire à la prise de conscience aiguë de

de traducteurs des plus profession nels et consciencieux afin d'obtenir au

Fort d'une expérience diversifiée dans cette profession, Chung Byoung-kyoo compte aujourd'hui parmi les meilleurs graphistes d'édition coréens et voit dans son activité une seconde étape de création visant à doter chaque livre d'un aspect visuel adéquat.

radicalement par ses alphabets. »

sommes privés de tant de choses en

tant

l

d'un environnement culturel différant

ce que « nous [la Corée) nous

en

final un haut niveau de fiabilité. L'actuel premier ministre Lee Hae-chan en personne travailla au premier jet de traduct ion, tenant à remplacer le mot emphatique « existence » par celu i, plus courant, de « vie » dans le titre coréen initial « Possession ou exi stence ». En

outre, non seulement le grand romancier et traducteur Lee Yun - gi avait été sollicité pour comparer les versions coréenne et japonaise, mais Hwang Hieon-san, aujourd'hui pro -

1

1

fesseur à l ' Université Koryo, et

adoptant telle quelle une tradition

ans plus tôt, pour le métier d'éditeur,

l 'écrivain Kim Won-woo s'étaient

livresque dénaturée par le Japon, et

etc· est ce large acquis qui lui permet

joints au comité éditorial qui travail-

ce, sans nous poser la moindre

d'affirmer, aujourd 'hui encore, qu ·« un

la it tard dans la nuit pour sans cesse

succès de librairie ne l'est pas au

affiner le texte, qui réunissait ainsi

De retour au pays, en 1984, tout

départ, mais se fait ». Responsable

toute une constellation de célébrités

imprégné de cette vaste culture

d'édition de Hong Sung Sa Ltd . à

du monde littéraire coréen . Aucun

européenne par sa fréquentation de

l 'époque où le critère de réussite

effort ne fut épargné pour aboutir à

question. »

la bibliothèque du Centre Pompidou,

d'un livre était qu'il se vende à plus

un manuscrit dont la fiabilité était

Chung Byoung-kyoo va à lui seul

de trente mille exemplaires, il fut

inégalée à une époque où la qualité

ouvrir un nouveau chapitre du

pour beaucoup dans les trois cent

des œuvres traduites allait du

graphisme d'édition et son expérience,

mille ventes réalisées par l'Avoir ou

méd iocre à l 'épouvantable, les tra-

ainsi que ses réalisations ultérieures,

être d'Erich Fromm.

ducteurs ayant aussi été rémunérés

lui vaudront une réputation ample-

40 Koreana I Pri ntemps 2006

Un tel chiffre ne s'expliquait pas

au mieux pour encourager leur pro-


fessionnalisme.

d'édition en Corée. J 'ai la ferme

visuelle, en référence à cette

Toutefois, Chung Byoung-kyoo

conviction que celui-ci occupe au-

génération du « hangeul », c· est-à-

ne serait jamais parvenu au niveau le

jourd'hui une place importante dans

dire des Coréens nés après 1945, qui

plus élevé de sa profession en Corée

les arts visuels nationaux, car nous y

ont donc grandi dans un pays

sans sa passion de découvrir les

avons atteint un niveau très élevé,

affranchi du joug colonial japonais,

moindres aspects d'un livre et de son

l'outil de ce savoir-faire étant l'alpha-

pour qui le« hangeul » constitue

édition. Nombre d'ouvrages doivent

bet coréen « hangeul ». Au cours

donc une langue maternelle, et qui,

leur succès à son discernement

outre qu'ils peuvent de ce fait

d'éditeur se doublant d'une bonne

exprimer librement leurs sentiments

connaissance du marché sur le plan

propres, jouent un rôle important

commercial et d'un raffinement de

dans la profession. Ceci explique

goût propre au concepteur qu'il est

aussi que le graphisme coréen ait pu

aussi. Tous ceux qu'attire l'apprentissage du métier pourront tirer un précieux enseignement de son

11fittf·rPf°l youNG-KYOO BOOK DESIGN BY CHUNG B

expérience personnelle, à savoir que

constamment évoluer, à partir d'orientations commerciales telles que la publicité, vers des préoccupations plus culturelles.

sensibilité et compréhension appro-

Si, comme il le souligne, « la

fondie sont de loin plus importantes

renaissance du livre comme important élément constitutif de la commu-

que l'acquisition de techniques spécialisées pour réussir dans ce domaine, parce qu'elles seules peu-

Chung Byoung-kyoo. graphis te d'édition

évoque la carrière de celu i-ci [Saengagui Bada Pub lishing. 19961.

nication visuelle correspond à la tendance mondiale en ce début de XXI·

vent garantir qu'un livre soit apprécié

siècle », ceux qui s'engagent sur les

dans sa totalité.

traces de Chung Byoung-kyoo ne sauraient s'en tenir à l'état actuel des

L'alphabet« hangeul »,

des dix dernières années, d'énormes

choses car le graphisme d'édition par-

un élément clé du graphisme

progrès ont été réalisés dans l'aspect

ticipe pleinement de la création de

Ce sont plus de trois mille livres

visuel et le raffinement de ces carac-

ces réceptacles de culture indispensables à la conservation de celle-ci.

que Chung Byoung-kyoo a conçus à ce

tères, ce qui est surtout dû au x

jour, les agrémentant d'élégantes

efforts inlassables de la nouvelle

Après s'être dégagé de l'emprise

couvertures dont l'un des attraits est

génération, qui reste extrêmement

japonaise et américaine, le graphisme

leur réalisation à la main, et non sur

attachée à sa passion du livre en

d'édition coréen a résolument trouvé

ordinateur, mais que pense l'excellent

dépit des conditions peu favorables

sa propre voie dans un c·ontexte

graphiste qu'il est donc sans conteste

du métier. »

pourtant difficile et Kim Byoung-kyoo,

de la génération qui prendra la relève ?

Le graphiste souligne également

en exhortant à ne jamais céder à la

« Avant d'évoquer cette ques-

les possibilités qu'offre l'adoption de

médiocrité et à aimer toujours le

tion, il conviendrait plutôt d'aborder

l'écriture horizontale pour modifier la

monde merveilleux de l'écrit, a grande-

celle du niveau actuel du graphisme

structure de la commun ication

ment contribué à cette évolution . 1..11

Printemps 2006 1 Koreana 41


ARTISAN

1-SEO HAN-KYU

- ----==-----

--=t-+------

MAÎTRE ARTISAN DU BAMBOU Après une vie entière consacrée à l'art du bambou, la nomination de Seo Han-kyu au titre de Maître artisan n'a guère de quoi surprendre, pas plus que ses qualités de droiture et d'endurance, que l'on prêta aussi longtemps à ce matériau. Park Ok-soon Poète Seo Heun-kang Photographe

D

ans la province de Jeollanam-

Une carrière entamée dès seize ans

d'années de passion pour cette activité

do, la région de Oamyang tient

C'est à Damyang que naissait,

et en 1987, s'est vu classer par l 'Etat

son surnom de « forêt de bambou »

en 1930, ce second fils d'une famille

au n° 53 du Patrimoine culturel

coréenne de ce que cette plante y

d'agriculteurs. Arrivé au terme de

immatériel englobant aussi le titre de

pousse à profusion, faisant depuis tou-

ses études primaires en 1944, il n'ira

« Chaesangjang », à savoir maître de

jours sa renommée, et depuis les

pas plus loin et restera à la ferme pour

l'art du « chaesang », qui constitue la

temps anciens de la Dynastie Joseon

aider ses parents, conformément à la

plus haute distinction du domaine.

(1392-1910]. ses habitants s·adonnent

coutume qui voulait alors que seul le

au travail artisanal d'un matériau de

fils aîné poursuivît des études.

Le terme « chaesang » désigne un jeu de boîtes réalisées au moyen

haute qualité. Fort de plus d'un demi-

« J 'avais à peu près seize ans

siècle d'expérience dans la fabrication

quand j'ai réalisé ma première fabri-

intérieure semblables à un fin papier

d'objets en bambou et totalement

cation et j'ignorais ce que me

et représentant le summum du raf-

immergé dans cette végétation, le vil-

réservait l'avenir. Cependant, j'ima-

finement dans l'artisanat du bambou,

de

longues

lanières

d ' écorce

lage de Damyang est tout naturelle-

gine que je devais être prédisposé à

par la complexité des techniques et

ment devenu le berceau de cet art et

ce métier, ayant grandi au milieu

procédés mis en œuvre pour leur

nombre de ses habitants en acquièrent

d'objets en bambou que l'on produi-

exécution. Sous la Dynastie Joseon,

la maîtrise, à l'instar de Seo Han-kyu.

sait partout. Sur la centaine de foyers

les nobles épouses de« yang ban » y

Ce dernier s'est plus particulièrement

que comptait le village, plus de

déposaient vêtements , objets de

attaché à la réalisation de « chaesang »,

soixante-dix s·y consacraient en plus

valeur et accessoires nécessaires

des boîtes gigogne qui sont les plus

du travail de la terre ».

aux travaux domestiques tels que fil

spécifiques de cet artisanat et allaient

L'adolescent de seize ans qui fai-

et aiguilles . La possession d' un

lui valoir d'être élevé au titre de« chae-

sait alors ses premières

sangjang », c'est-à-dire Maître artisan

armes est aujourd'hui

de toute femme, les mères y

des « chaesang » , récompensant

un vieux monsieur qui

rangeaient aussi, à titre de

toute une vie de dévouement au travail

possède à son actif

dot, divers articles utiles en

du bambou.

une

vue du mariage.

soixantaine

« chaesang » étant le souhait




L'héritage familial

Tout en se demandant souvent

comme une mine d'or qui n'attend

Lorsque sa fabrication obéit aux

ce que serait sa vie sans cet artisanat

que d'être creusée , mais celui qui

règles de l'art, on a du mal à imagi-

de bambou, Seo Han-kyu a le sou-

entreprend de le faire en vit mal et je me rappelle m'être dit que cela

ner qu'un « chaesang » est consti-

venir d'avoir été tenté de tout laisser

tué de bambou, tant son aspect semble

tomber, plusieurs fois dans une

s'appliquait parfaitement à mon cas.

élégant et délicat. Il s'obtient partis-

même journée, lorsqu'il débutait

Sentant que je devais agir pour sur-

sage d'écorce intérieure qui peut être

dans le métier. Censé aux yeu x de

monter ce problème, j'ai alors décidé

teintée, de couleur naturelle ou les

tous revenir aux femmes, le travail

de me lancer dans une production de

deux ensemble comme c· est souvent

du bambou semblait alors des plus

haut de gamme et par la suite, me

le cas pour la réalisation des motifs

astreignants

ornant la boîte extérieure, l'absence

homme comme les autres,

à ce jeune

d'ornement faisant toutefois mieux

outre qu'il ne promettait

ressortir la fine texture du matériau.

guère de lui assurer

« De longues cannes convien-

nent le mieux aux « chaesang » ,

l'aisance matérielle et si par la suite il allait se

informe l'artisan en précisa nt

marier et pourvoir

qu· elles doivent être luisantes, tout à

comme il se doit à

la fois souples et fermes, l'idéal étant

l ' éducation de ses

qu· elles proviennent d'un arbuste de

sept enfants, de son

trois ans planté sur un sol fertile.

aveu

même,

Trop âgée, la canne s'avère raide et

éprouva des diffi-

très cassante, alors que dans le cas

cultés à subvenir

contraire, elle est peu résistante,

à ses besoins.

mais offre une bonne flexion . Les

« D'après un

coupes réalisées au solstice d'hiver

vieil adage, la forêt

sont particulièrement adaptées ».

de

bambou

il

est

~-;

Des « chaesang », chefs-d'oeuvre réalisés~. . . . . . . . . ., ~. . . par Seo Han-kyu. On a du mal à imaginer qu'ils sont faits de bambou, tant ils semblent élégants et délicats.


Pendant que Seo Han-kyu se charge de préparer les fines cannes de bambou, sa fille Shin-jeong effectue le tissage. Maître et adepte de cet artisanat pratiquent cette forme de division du travail en vue d'obtenir des pièces d'une grande perfection.

suis spécialisé dans les « chaesang » ».

au point d"un procédé optimal de

plus fines possible car de leur

Au début des années soixante-

fabrication des « chaesang » tradi-

qualité dépend, dans une grande

di x, la redécouverte fortuite d"un

tionnels relevait d'un véritable défi et

mesure, la finesse d'e xécution des

objet va changer irrémédiablement

si l'artisan s·est aujourd'hui imposé

pièces. Les « chaesang » compren-

le cours de sa vie . Il s·agissait d'un

en maître incontesté du travail du

nent pour la plupart trois , cinq ou

« chaesang » de petites dimensions

bambou, il s'émerveille encore de la

sept boîte s et sont respect ivement

qui avait appartenu à sa grand -mère

complexité d'exécution de l'objet de

dénommées « samhap », « ohap »

maternelle et que la famille s'était

son aïeule.

et « chilhap », mais ce nombre ne

transmis sur trois générations. Ne connaissant personne qui sache en

constituant pas une règle absolue, il

Les vertus du bambou

fabriquer de semblables, Seo Han-

Alors que par le passé, la tradi-

en existe auss i à neuf, voire onze boîtes , L' appellation étant alors

kyu étudia par le menu cet héritage

tion voulait que le « chaesang » soit

familial pour se former par tâton-

fabriqué en famille, le mari préparant

Un « chaesang » traditionnel

nements à son procédé particulier de

Les fines cannes de bambou et

consiste donc, comme on l'a vu plus

fabrication.

L" épouse effectuant Le tissag e, Seo

haut, en une série de boîtes dont la

« guhap » ou « sibilhap ».

En 1975, Kim Dong-yeon (1897-

Han-kyu s·est fait un devoir d'accomplir

taille permet qu'elles s·encastrent

1984] avait été le premier à recevoir

seul les différentes étapes de cette

l 'une dans l'autre et lorsqu'il n·en

le titre de « Chaesangjang », mais

production jusqu·en 1980, époque à

comprend que trois, il faut compter

comme, à l 'époque, il habitait un

laquelle sa seconde fille, prénom-

au moins quinze jours pour sa fabri-

autre qua rtier de Damyang, les deu x

mée Shin-jeong et alors âgée de

cation en raison de la complexité des

hommes n'avaient jamais eu l"occa-

vingt ans, commença à l 'aider au

procédés que celle-ci met en œuvre

sion de se rencontrer. Malgré cette

tissage.

et de son exécution entièrement

nomination, Seo Han-kyu décida

«

La préparation de la matière

manuelle, la machine ne pouvant intervenir à aucun moment.

pour sa part de poursuivre ses

première est une opération impor-

recherches afin d'acquérir son

tante pour la fabrication, l'essentiel

Seo Shin-jeong se charge de la

propre savoir-faire. Cela dit, la mise

étant de se munir des cannes les

coloration des cannes, ainsi que de La


conception chromatique et décorative, la créativité dont elle fait preuve dans ce dernier domaine donnant lieu aujourd'hui à une plus grande variété de motifs, alors que pour la première opération, elle met un point d'honneur à préférer les teintures naturelles aux synthétiques. L'action entreprise par ces deux artisans en vue de moderniser et populariser le travail du bambou a permis de faire apprécier dans le monde entier cet objet d'art typiquement coréen qu'est le « chaesang » au lieu qu'il ne soit qu 'une pièce de musée. Alors que, dans sa jeunesse, il aurait souhaité fuir le travail du bambou, ce dernier allait plus tard se convertir en un moyen de subsistance et lui valoir le titre amplement mérité de Maître Artisan en récompense d'une existence vouée à cette activité. Il semble fort naturel, dès lors, qu'il ait acquis ces vertus de droiture et souplesse qu'a longtemps symbolisées le bambou. 1..1

Fabrication à la main d'un

«

chaesang »

A Faire tremper les cannes de bambou dans l'eau pendant un jour, puis laisser sécher jusqu'à ce qu'elles se fragmentent en lanières. B Découper des lanières d'égale épaisseur et longueur. C Décorer à l'aide d'un colorant naturel tel que la cardamine, les graines de gardénia ou l'armoise vulgaire. D Réaliser des motifs en lanières tissées. E Exécuter aux dimensions exactes, le plus souvent sans décoration, la partie inférieure de la pièce afin qu 'elle s'emboîte parfaitement dans le co uvercle décoré. F Une fo is l'emboîtement réalisé, découper les surlongueurs de lanière. G Passer les rebords du couvercle au chiffon de soie. H Recouvrir le fond de deux couches de papier traditionnel coréen. Photographie : Institut national de recherche sur le patrimoine culturel


CH EFS-D'ŒUVRE

PORTRAIT DU ROI TAEJO Vénéré fondateur de la Dynastie Joseon

Le tableau montrant le Roi Taejo sur son trône fait remarquablement transparaître l'esprit indomptable de celui qui fonda la Dynastie Joseon outre qu'il donne de son apparence physique l'unique témoignage visuel subsistant à ce jour. Cho Insoo Professeur d'arts visuels à l'Université nationale des beaux-arts de Corée Kwon Tae-kyun Photographe

48 Koreana I Pri nte mps 2006



Dans la peinture d'époque Joseon, particulièrement appréciée pour un exceptionnel souci du détail dans la représentation des sujets d'alors, se distingue le portrait du Roi Taejo, œuvre des plus puissantes par le rendu de la physionomie du souverain, tout comme du plus profond de son être .

....

A

Jeonju, ville située dans la province de Jeollabuk-do,

détails d'une saisissante précision, tels le vêtement de soie

la Salle Gyeonggijeon fournit l'écrin qui abrite le portrait

brodé de fils d'or ou le tapis multicolore comme suspendu

de Yi Seong-gye [1335-1408). père de la Dynastie Joseon

au-dessus du sol. Exécuté en 1872 d'après une œuvre

[1392-1910) pendant laquelle il régna de 1392 à 1398 sous le

antérieure, mais restituant très fidèlement le style

nom de Taejo. Il y est représenté, assis sur un trône rouge

spécifique de la peinture du XIV· siècle, ce tableau con-

sous lequel est déroulé un tapis aux couleurs chatoyantes,

stitue tout à la fois l'un des deux seuls portraits royaux du

en homme d'âge moyen portant habit bleu et casque noir qui

début de l'époque Joseon qui demeurent en bon état de

regarde droit devant lui avec une expression déterminée.

conservation et l'unique témoignage visuel se rapportant

L'observation attentive révèle une multitude de 50 Koreana I Printemps 2006

au fondateur de cette dynastie.


L'art du portrait sous Joseon

Dans l'histoire de l'art coréen, les portraitistes de

du roi, le nouvel édifice prenant le nom de Gyeonggijeon en 1442.

Joseon se signalent par une exceptionnelle production à la

C'est là qu'est aujourd'hui encore exposé le portrait

richesse tant qualitative que quantitative, prenant pour

de Taejo, placé devant un paravent dont les panneaux

sujets les grands personnages détenteurs du pouvoir, tels

s·ornent du soleil, de la lune et des cinq sommets mon-

que le roi et la famille royale, les aristocrates de même que

tagneu x comme l'étaient les trônes royau x dans les

les dignitaires religieux. Ils étaient recrutés dans des ate-

palais de la Dynastie Joseon , témoignant ainsi au sou-

liers regroupant des artistes professionnels à la réputation

verain le même respect que s'il était encore au pouvoir.

talentueuse, ce qui explique la minutie et la finesse des

Celui-ci y est représenté vu de face, assis bien droit sur

techniques mises en œuvre sur leurs portraits, ainsi que

son trône, coiffé du casque royal d'apparat, l'« ikseon-

l'extraordinaire réalisme des détails qui y figurent.

gwan » noir et vêtu de l'habit bleu dit « gollyongpo » . Les

Le souverain étant le plus haut dignitaire du roy-

deux pièces faisant saillie à l 'arrière du casque

aume, la réalisation de son portait s'assortissait

représentant les ailes d'une cigale dont les stridulations

d'exigences considérables en termes de méticulosité et de

symbolisent l'accession à la plus haute dignité du royaume,

révérence vis-à-vis de son pouvoir suprême.

et la métamorphose, une renaissance. Au « gollyongpo »

Désignés pour la plupart par le terme « eojin », ces

porté quotidiennement par ce roi allait se substituer par la

portraits royaux auraient été conservés dans des locaux

suite un vêtement de couleur rouge caractéristique de

adéquats appelés« jinjeon » et lorsque l'un d'entre eux

Joseon et la présence du premier sur ce portrait atteste

était entrepris, un groupe d'inspection dit« dogam » était

certainement de l'influence toujours exercée par ceux de

nommé pour en superviser l'exécution. À l'achèvement de

Goryeo.

l'œuvre, celui-ci en soumettait le compte rendu précis qu'il avait consigné dans un« uigwe », c'est-à-dire un rapport

Parti pris d'individualité

de « dogam », lequel faisait également état des motifs de

Contrairement à la plupart de ceux de son époque, le

cette réalisation, du recrutement des artistes peintres, des

portrait du Roi Taejo présente la particularité d' une

matériaux employés et du nom de toutes les personnes

représentation de face selon une perspective droite qui

concernées.

avait pour but de singulariser le père fondateur de la

Si l'on ignore l'époque précise à laquelle apparut l'art

dynastie . Le visage en est dépeint avec sobriété, en

du portrait royal en Corée, il est communément admis

quelques lignes simples contrastant avec les menus

qu'il était de pratique courante dès avant la fin de la

détails et couleurs éclatantes des atours, du tapis et du

période des Trois Royaumes, en l'an 668 et qu'il connut un

trône royaux afin d'accentuer l'autorité et la dignité du

grand essor sous la Dynastie Goryeo [918-1392].

monarque régnant sur son peuple.

entraînant la construction de multiples « jinjeon » pour

Si rien ne permet de savoir quelle fut la véritable

les y exposer, le plus célèbre étant celui de Gyeongnyeong-

apparence du Roi Taejo, il apparaît ici doté de larges pom-

jeon, à Gaeseong, qui renferme plusieurs portraits de rois

mettes, de petits yeux, d'une petite bouche et de grandes

de cette époque.

oreilles, des traits que semblent confirmer les descrip-

Quand succéda la Dynastie Joseon à celle de Goryeo,

tions figurant dans les documents d'archive. La verrue qui

elle hérita de cette trad ition du portrait royal et assura

surmonte son sourcil droit procède du style réaliste propre

sa continuité par une abondante production . Le Roi Taejo

à l'art du portrait sous Joseon . Ce parti pris d'individualité

lui-même passa commande de nombreux portraits le

tant dans la représentation physique que dans l'expression

situant dans des décors différents relatifs à l'histoire de la

du caractère fait l'originalité de cet authentique chef-

fondation et au déplacement de la capitale. Six « jinjeon »

d' œuvre. Si les portraits royaux furent légion au cours de

furent alors édifiés en différents endroits du pays pour y

la Dynastie Joseon, aucun d'entre eux n· égale en subtilité

présenter ces œuvres, notamment à Hanseong, la Séoul

celui du Roi Taejo, comme on pourra aisément le constater

d'aujourd'hui et alors première ville du royaume, ainsi qu'à

en visitant la salle Gyeonggijeon qui abrite ce prototype de

Jeonju, qui fut longtemps le lieu de résidence des ancêtres

l'art du portrait royal sous la Dynastie Joseon.

1.:.11

Printemps 2006 1 Koreana 51


CHRONIQUE ARTISTIQUE

Festival international de danse de Séoul 2005 Créé en 1998, le Festival international de danse de Séoul !SIDanceJ constitue aujourd ' hui la plus importante manifestation dans l'art du ballet coréen et y exerce une influence considérable. Etion Moon Critiqu e chorégraphique Photographie: Branche co rée nne du Conse il inte rnational de la danse de l'UNESCO



de la danse de l'UNESCO [CID-UNESCO]. Lee Jong-ho assure aussi la direction du festival SI Dance, le·quel bénéficie du soutien du Ministère de la Culture et du Tourisme, du

D

ès ses débuts, en 1998, le Festival international de

Conseil des Arts de Corée et de la Ville de Séoul, ainsi que de

danse de Séoul [SIDance] allait faire autorité dans

diverses ambassades, ce qui démontre qu'il accroît sans

l'art chorégraphique coréen en proposant non moins de

cesse son audience par la qualité constante de ses spec-

trois semaines de spectacles, mais aussi en cherchant à

tacles et une recherche de créativité thématique.

élargir les horizons du ballet contemporain coréen par des

Jusqu'à son apparition, la programmation choré-

échanges avec de grandes troupes étrangères au profit

graphique coréenne se polarisait sur les compagnies de

des interprètes comme du public auquel il allait permettre

danse classique étrangères les plus célèbres car elles

d'acquérir une vision globale du sens de la danse ainsi que

garantissaient les rentrées nécessaires à cette activité, tels

la faculté de mieu x en apprécier les spectacles.

le « Le Lac des Cygnes » ou « Don Quichotte » respectivement présentés par les ballets du Bolshoï et du Kirov

Première manifestation chorégraphique coréenne

Présidant la branche coréenne du Conseil international 54 Korean a I Printem ps 2006

sous le patronage des plus grands quotidiens coréens. Une évolution spectaculaire s 'est amorcée voilà quelques


Maurice Bejart, le Chinois Jin Xing, Jean-Claude Gallotta, Angelin Preljocaj, Philippe Decouflé , la Française Maguy années et le Centre des Arts LG, depuis son inauguration

Marin, le Britannique Akram Khan, le Suisse Gilles Jobin

en l 'an 2000, a fait venir tant d'artistes et de troupes

(Suisse]. la Japonaise Oshima Sakiko et le Néerlandais

renommés parmi lesquels Pina Bausch, Mats Ek, Sasha

Tom Wiggers.

Waltz, la compagnie belge Rosas, le groupe DV8 et le Britannique Matthew Bourne, qu'il a parfois rencontré des

Espace d'échange et d'expérimentation

difficultés pour gérer une telle diversité. Le Centre des arts

Placé sous le signe de la fusion entre arts tràditionnel

de Séoul et le Centre Sejong des arts du spectacle n'ont pas

et contemporain, le huitième Festival international de

été en reste , puisqu'ils ont proposé nombre de représenta-

danse de Séoul qui se déroulait simultanément au Centre

tions de troupes aussi importantes que le British Royal

des arts de Séoul et dans la Salle Ho-Am du 27 septembre

Ballet et la compagnie espagnole Nacho Ouata.

au 18 octobre 2005 proposait au total treize mises en

Le festival SIDance a le mérite d'avoir contribué à

scène, dont si x interprétées par des troupes étrangères,

élever le niveau de l'art chorégraphique en Corée et à y

trois, par des danseurs coréens, et quatre dans le cadre de

gagner en crédibilité par sa dimension internationale de

coproductions internationales.

premier plan qui offre un panorama de la création con-

Le spectacle d'ouverture était intitulé « Vue d'un

temporaine tant coréenne qu'étrangère. Sa première

bateau » et dansé par la troupe créée par Koike Hiroshi en

édition, qui eut lieu en 1998, proposait à l'affiche le Bremer

1982, Pappa Tarahumara , un nom me xicain signifiant

Tanztheater allemand dirigé par Susanne Linke, ainsi que

« terre de Tarahumara ». Il se voulait l'expression des

le Japonais Teshigawara Saburo, au xquels allaient

joies de la culture qui, dans la société d'aujourd'hui,

succéder lors des suivantes, d'aussi illustres artistes que

demeurent inaccessibles à la raison pure et tout en Printemps 2006

1Koreana 55


affichant une certaine indifférence aux techniques contemporaines de la danse, son chorégraphe et metteur en scène

Etaient

également

représentés

une

œuvre

emblématique de la danse contemporaine, le « Solo Evening »

Koike y parvenait magistralement, par une gestuelle très

du Finlandais Tero, au Théâtre Jayu situé au Centre des Arts

animée, à transcender la danse japonaise de style Butoh.

de Séoul, ainsi qu ·« Homme dans une salle », une choré-

La programmation s'honorait aussi de la présence de

graphie de Carolyn Carlson célèbre pour sa phrase « Je

la Compagnie française de Daniel Larrieu et de la troupe

suis la danse » et pour sa gestuelle aérienne inspirée de la

britannique Random Dance. La première y présentait sa

vie du peintre expressionniste américain Mark Rothko qui

composition de 2003 « N" oublie pas ce que tu devines »

mit fin

qui, dans une interaction de jeux de lumière et de couleurs,

classique, le corps maculé de peinture se fait vecteur

faisait largement appel

à la continuité du mouvement, non

à ses jours. Dans cette composition pourtant de style

d'expression des situations tout au long du spectacle.

pas tant pour mettre en valeur les techniques ou véhiculer

Tero Saarinen avait aussi chorégraphié l'extraordi-

tel ou tel message, mais dans le seul but de révéler la

naire « Chasse », version revue du « Sacre du· printemps »

beauté du mouvement à l"état pur.

de Stravinsky qu'il dansait seul. L'adaptation de cette

De son côté, Random Dance allait conjuguer technologie

œuvre classique mettait en œuvre les technologies mul-

avancée et techniques de danse élaborées que seule permet

timédia du XXI · siècle, avec notamment la projection de

d"exécuter une maîtrise parfaite des rudiments de la danse.

scènes de chasse sur le torse nu et le pagne blanc du

Créé, mis en scène et chorégraphié par Wayne McGregor, un

danseur, symbolisant peut-être état primitif et modernité,

ancien élève de José Limon, le spectacle « AtaXia » mettait

ou encore l'union de la nature et de la science.

l"accent sur la vitesse par des évolutions frénétiques et en

La Corée était aussi présente sur scène lors de mani-

dépit de son titre désignant un manque de coordination des

festations spécifiques qui alternaient danses contempo-

mouvements en raison de la défaillance du système nerveux,

raines et traditionnelles respectivement interprétées par

il en émanait un dynamisme, une énergie tout à fait

des artistes débutants ou confirmés . Les secondes allaient

envoûtants. Cette composition s'est avérée un succès par son

offrir l'occasion exceptionnelle d'apprécier la virtuosité des

expression empruntant un unique langage de danse, celui du

grands maîtres de la danse coréenne, tous au moins

dynamisme des corps se déplaçant avec vivacité.

octogénaires, parmi lesquels Lee Mae-bang intreprétait

56 Koreana I Printemps 2006


Par ses programmations associant le raffinement artistique avec une certaine vocation populaire, le festival SI Dance attire à chaque fois un public plus nombreux tout en répondant aux exigences de qualité des amateurs de danse.

une« Seungmu », cette danse

de cette composition intitulée « Femme Fatale » était dansé

du moine appartenant à la plus ancienne tradition boud-

par les Japonais, le deuxième par les Coréens, tandis que les

dhiste et classée au patrimoine culturel immatériel.

deux derniers réunissaient les deux nationalités. Dirigée par Ryohei Kondo, la troupe Condors se com-

Entre spectacle populaire et artistique

La programmation de l 'année passée a aussi été

pose d'interprètes masculins« n'ayant reçu aucune formation académique à la danse, mais possédant une forte per-

marquée par des coproductions telles que le Festival

sonnalité et une grande expérience de la vie ». À l'inverse, les

international Cervantino, la Sélection de danse du Japon et

jeunes danseurs de la compagnie que dirige Hong Hye-jeon

le réseau d'échange de la danse de petite Asie [« Little

bénéficient d'un haut niveau de maîtrise technique. Tandis

Asia Dance Exchange Network 2005 »] qui rassemblait

que l'anticonformisme et l'insouciance des interprètes japo-

des troupes singapouriennes, japonaises, taïwanaises,

nais créaient la drôlerie en maintes occasions, la dimension

coréennes et hongkongaises. On se souviendra aussi de

dramatique et technique provenait des artistes coréens.

l'échange de danseurs auquel ont procédé les

S'il est vrai que des manifestations nouvelles telles

chorégraphes Jean Mi-sook, de Corée, et Lourdes Luna,

que les festivals de danse moderne et des arts du specta-

du Mexique, la première étant doyenne de l'Ecole de danse

cle de Séoul sont venues, au cours de ces dernières

à l'Université nationale des beaux-arts de Corée, et la se-

années, enrichir de leur diversité le paysage choré-

conde, directrice artistique de la Compania de Danza

graphique coréen, le SJDance demeure au devant de la

Contemporanea del Estado de Yucatan . Des œuvres palpi-

scène par la constante élévation du niveau de sa program-

tantes, débordant d'originalité, sont nées de cette collabo-

mation en termes d'œuvres comme d'interprétation.

ration et ont été présentées tant à Séoul qu'à Mexico.

Après la démarche expérimentale retenue pour ses deux

En clôture du Festival, se donnait une œuvre

dernières éditions, SIDance vise aujourd'hui à imposer sa

chorégraphiée et interprétée, également en commun, par des

marque de fabrique en alliant spectacles populaires et raf-

danseurs de la Compagnie de danse coréenne Hong et de la

finement artistique, mais aussi à étendre toujours plus les

troupe japonaise Condors, qui la présenteront à nouveau lors

horizons de la danse coréenne tout en restant à l'écoute

de la Sélection de Danse du Japon. Le premier des trois actes

des dernières évolutions au plan international. 1..1 Pri nte m ps 2006 1 Korea na 57



·La << d·:aed:o ngnyeojido >~ I'

; de ~,i,m Jeong-hQ, une carte géQgraphique détaillée de Corée .


1 Contrairement aux cartes réalisées à la main lors des époques antérieures, la« daedongnyeojido» était imprimée à l'aide de blocs de bois. Un exemplaire en est conservé au Gyujanggak de l'Université nationale de Séoul. 2 Couverture et légende d'un exemplaire en couleurs de la« daedongnyeojido ». 3 Couverture d'un tirage sur blocs de bois de la « daedongnyeojido ».

D

es chaînes montagneuses s'éloignant en tous sens

de La Terre ne sont pas des entités physiques indépendantes

du nœud central qu 'est le Mont Baekdusan, tel un

mais des éléments intimement liés les uns aux autres, tout

oiseau prêt à prendre son envol, ai les largement

comme les organes d'un être humain. Ils voyaient ainsi la

déployées, des rivières et ruisseau x parcourant ces terres,

charpente osseuse et sa couverture musculaire dans les

pareils aux artères qui insufflent vie au corps humain, et

chaînes montagneuses figurées par l'envolée d'un dragon,

dans les huit provinces, des villages ancestrau x se blottis-

alors que Les cours d'eau représentés par des courbes

sant au creu x de montagnes et cours d'eau reliés par un

évoquaient la circulation du sang.

réseau arachnéen de routes et chem ins, voilà en quelques

Dans La société prémoderne, les zones montagneu-

mots le chef-d'œuvre immortel de Kim Jeong-ho qu'est la

ses formaient autant de boucliers isolant les régions les

« daedongnyeojido ».

unes des autres, alors que le réseau hydrographique fournissait entre elles des voies de transport pour les person-

Souplesse d'utilisation

nes et les marchandises. Ainsi, sont représentés sur la

Établie en 1861, dans les derniers temps de la

« daedongnyeojido » les installations militaires de mon-

Dynastie Joseon (1392-1910). la « daedongnyeojido » se

tagne servant à repousser l 'envahisseur ef Les embar-

compose de vingt-deu x planches qui représentent cha-

cad ères fluviau x accueillant les navires.

cune une portion du territoire péninsulaire de cent vingt

Également reproduit avec force détails, le réseau routier

« ri » du nord au sud (1 ri= environ 0,4 kilomètre) sur quatre-

qui desserva it tout le pays à partir de Hanyang, La Séoul

vingts d'est en ouest, l'ensemble qui en résulte possédant

d'aujourd'hui, permettait visiblement de gagner, sans excep-

une longueur de 6,6 mètres et une Largeur de quatre. Tels

tion, les villages Les plus isolés du royaume par l'une ou

les panneaux d'un paravent, ces feuillets sont, selon les

L'autre de ces voies de commun ication. Afin de le différencier

besoins, dépliables en vue de La consultation, et repliables

clairement de celui des cours d'. eau, il figurait, par opposition

pour plus de commodité et aux fins du transport, alors que

à Leurs courbes, sous forme de Lignes droites jalonnées à

par le passé ils étaient reliés en une Liasse volumineuse.

intervalles de dix « ri » pour simplifier le calcul des dis-

Plus encore, la « daedongnyeojido » illustre remar-

tances, l'utilisateur se contentant à cet effet d'additionner les

quablement les conceptions topographiques joseoniennes

points marqués aux repères sans avoir à se référer à une

si l'on songe que, dès l'Antiquité, les Coréens considéraient

échelle comme il en existe aujou rd'hu i. Les auberges et

que les fleuves, montagnes et autres éléments constitutifs

autres aménagements situés tout au Long du parcours

60 Koreana I Printemps 2006


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étaient également indiqués à l'intention des voyageurs.

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terrain dans les années 1910 au x fins de leur conquête coloniale de la Corée, les autorités japonaises auraient

Arpentage sur te terrain

même avoué s'être référées à la « daedongnyeojido ».

Contrairement au tracé manuel des cartes

Lorsque se pose la question de savoir comment Kim

antérieures, la « daedongnyeojido » fut imprimée à l"aide

Jeong-ho parvint à une telle justesse d'exécution, il s'avère

de blocs de bois, ce qui exigea la symbolisation de

qu'il existe fort peu d'informations concrètes sur cet

différents détails car cette technique ne permettait pas

exploit magist ral, voire pratiquement aucune sur l'enfance

d'insérer autant de texte que la première . Après s"être

et la jeunesse de son auteur d'origine modeste. La rumeur

longuement penché sur cette question, Kim Jeong-ho

veut qu 'il ait, à plusieurs reprises , effectué seul l'ascension

réalisa un « tableau de carte » qui, à l'instar de la« légende »

du Mont Baekdusan et consacré dix années à la réalisation

actuelle, recourait à un ensemble de symboles reprenant

de mesures sur l'ensemble du territoire avant d'exécuter

des indications cartographiques telles que centres

les blocs en bois de la « daedongnyeojido » .

administratifs, installations militaires, comptoirs de com-

De tels travaux n'auraient pu cependant lui permettre

merce, voies de communication et autorisant une impor-

à eux seuls de recueillir suffisamment de donnëes pour

tante réduction des informations textuelles, ce qui atteste

obtenir un document aussi détaillé s'il avait fait appel aux

de la supériorité de cette méthode d'impression du point

méthodes cartographiques traditionnelles. Pour l' essen-

de vue pratique.

tiel, ils étaient en outre réalisés à titre personnel et ne

L"exactitude caractérise avant tout la « daedongnyeo-

bénéficiaient de ce fait que d'un faible soutien gouverne-

jido » qui n'a rien à envier à cet égard aux cartes les plus

mental. Bien entendu conscient, plus que quiconque, de

récentes réalisées au moyen de sciences et techniques

ces contraintes, Kim Jeong-ho allait méthodiquement

avancées. Hormis pour une région septentrionale , ses

étudier et synthétiser les réalisations des meilleurs car-

contours détaillés et indications géographiques sont quasi-

tographes de la dynastie, tout en recherchant de nouvelles

ment les mêmes que sur les cartes actuelles car c·est

possibilités d'innovation dans ce domaine.

avec un extrême souci du détail que Kim Jeong-ho la dressa en 186 1, bien avant l'apparition de dispositifs

Création de la « daedongnyeojido »

d'arpentage évolués et des techniques du génie civil, ce qui

La « daedongnyeojido » de Kim Jeong-ho faisait

a de quoi surprendre. Après avoir mené des travaux sur le

suite à une multitude de cartes réalisées durant cette P ri ntemps 2006

1

Ko reana

61


La « daedongnyeojido » se compose de vingt-deu x feuillets qui se replient pour réduire l'encombrement. Une fois dépliée, ses dimensions hors tout sont de 6,6 mètres de longueur sur quatre de large. 2 La « doseongdo » , carte du centre de Séoul. 3 Carte de la région de Busan. 4 La « daedongnyeojido » fut largement tributaire pour son établissement de précieuses sources d'information telles que la « honilgangniyeokdaegukdojido » 114021. 62 Koreana I Printemps 2006


Se distinguant par des contours détaillés et indications géographiques égalant presque ceux des cartes actuelles de la péninsule, la« daedongnyeojido » étonne toujours par le soin et l'exactitude avec lesquels procéda Kim Jeong-ho en 1861, bien avant l'apparition des dispositifs d'arpentage et techniques modernes du génie civil.

même Dynastie Joseon, car celles-ci, tout comme

Avant cela, il avait en 1834 rédigé un traité de géogra-

d'autres documents géographiques, fournirent

phie intitulé « Cheonggudo » et suivi, la même année,

longtemps au gouvernement des bases légales essen-

d'une gravure de la carte de style occidental dite « jigu-

tielles. Ainsi la « honilgangniyeokdaegukdojido » établie

j eo n h u do », à La demande de Choe Han - gi. Afin de

en 1402 était-elle considérée , d'Orient en Occident,

systématiser l'apprentissage de la géographie péninsu-

comme la plus prodigieuse mappemonde et, toujours au

laire, il écrivit aussi nombre d'ouvrages de référence fon-

XV· siècle, diverses cartes du territoire national furent

damentaux, dont les « Dongyeodoji », « Yeodobiji » et

dressées à partir de l'étude des routes reliant Séoul aux

« Daedongjiji ». Les connaissances et le savoir-faire

provinces.

acquis dans ce cadre allaient enfin lui permettre d'élaborer

Le XVII° siècle, tout comme les suivants, seront

la prodigieuse« daedongnyeojido ».

marqués par une production régulière de cartes militaires

Tout en consolidant les précédents acquis de l'ère

et rég ionales, tandis que vers le milieu du XVIII· siècle,

Joseon dans la discipline, cette réalisation allait aussi y

Jeong Sang-gi décrira la plus grande partie des contours

apporter une part de réelle innovation. À l'image du

géographiques de la péninsule sur sa « donggukjido ».

Français d'Anville, capable d'établir une carte dû monde

Enfin, le « Sinjeungdonggungnyeojiseungnam », entre

remarquablement précise sans avoir procédé à de vérita-

autres documents géographiques rédigés à la fin de

bles mesures, Kim Jeong-ho prit modèle sur d'illustres

l'époque Joseon et témoignant du rayonnement d'une

réalisations qu'il enrichit de son propre génie créatif pour

dynastie plusieurs fois centenaire dans le domaine des

concevoir une œuvre qui soit beaucoup plus que le simple

sciences humaines, participèrent du contexte dans lequel

aboutissement d'études sur le terrain, la « daedongnyeo-

apparut la« daedongnyeojido ».

jido » .

Ayant accès à ces diver:s supports cartographiques et

Réalisée en noir et blanc selon la technique d'impres-

documentaires que conservaient les autorités avec l'aide

sion traditionnelle sur blocs de bois, celle-ci offre le délicat

d'un officier royal haut gradé, Sin Heon, et étudiant auprès

reflet de la péninsule coréenne, mais par sa dimension

de Choe Han-gi, un ami versé dans les sciences occiden-

sublime, d'un grand éclat scientifique et artistique, elle est

tales, Kim Jeong-ho s'appuya sur de sloides bases pour se

avant tout le fruit de la passion d'un homme pour la car-

consacrer pleinement à son entreprise, bien qu'à titre per-

tographie. t..t

sonnel. Pri ntemps 2006 1 Koreana

63


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

KIM SOON - KWON

DIT

« MON SIEUR MAÏS »

Un combat contre la faim dans le monde L'agronome de renommée mondiale qu'est Kim Soon-kwon mérite amplement ses surnoms de « Monsieur maïs » et de « Révolutionnaire vert » que lui a valu son action en faveur des peuples d'Afrique, où ses recherches ont permis d'accroître prodigieusement la production de cette céréale. Kim Moo-jeong Journaliste au Kukminilbo Photographie: Choi Hang-young, Fondation internationale du maïs

C

onnu sous le sobriquet de

sement de travau x poussés et d'un

lequel il ne cache pas son admiration

« Monsieur maïs » partout en

sens du devoir l'incitant à tout faire

et dont les gros et délicieu x grains

pour secourir les affamés.

offrent un rendement de plus de 30%

Corée, mais également surnommé le « Révolutionnaire vert » en Afrique

Au terme d'un cursus secondaire

supérieur à celui des variétés

pour ses importantes réalisations,

effectué au Lycée agricole d'Ulsan et

coréennes. Les abondantes données

quatre fois nominé pour le Prix Nobel,

alors que les moyens financiers de sa

qu'il recueille au fil d'une vingtaine de

Kim Soon-kwon s'est vu décerner

famille ne lui permettent guère

cultures expérimentales éveillent

quantité de distinctions par des orga-

d'entrer à l'université, il apprend

alors l'intérêt des horticulteurs et

nismes internationaux en récompense

l'e xistence d'une bourse d'études

producteurs de semences.

d'innovations scientifiques ayant

complète et se distingue d'entre les

Ces derniers, qui sont au nombre

contribué à développer considérable-

dix candidats qui concourent pour une

d"une cinquantaine au x États-Unis,

ment récoltes et réserves alimentaires.

unique place qu'il obtiendra ainsi à la

injecteront des fonds considérables

Aujourd'hui encore, on le trouve dans

Faculté d'agronomie et des sciences

dans les travaux visant à obtenir des

les champs de maïs de l'Université

de la vie de l'Université nationale de

grains de haute qualité, en tout pre-

nationale de Kyungpook où il enseigne,

Kyungpook. Donnant des cours parti-

mier lieu pour le maïs.

marchant en tous sens, manches

culiers à ses débuts d'étudiant, il se

« M. Kim, vous ê1es un cher-

retroussées, tout à la sélection d"une

destine à la profession d'ingénieur

cheur vraiment exceptionnel. Nous

nouvelle variété supérieure de maïs,

agronome dans le but de mettre au

sommes étonnés que vous ayez

ou dans son laboratoire qui reste jour

point des variétés supérieures de

atteint de tels résultats en si peu de

et nuit allumé. Son ascension au sommet de la recherche mondiale dans ce domaine

maïs et de se consacrer à aider ceux

temps. Que diriez-vous de travailler

qui, en Corée, souffrent de cette faim

pour nous ? Nous pouvons vous

qu'il a connue dans son enfance.

payer vingt fois plus que ce que vous pouvez gagner en Corée ! » propo-

ne doit rien au hasard si l'on sait que, jeune homme né dans une famille

Les germes de la recherche

saient ces entreprises.

d'agriculteurs pauvres vivant dans

Poursuivant ses études à

une vallée, il tra vaillait déjà sans

l'étranger, Kim Soon-kwon obtiendra

Professeur Kim, dûment diplômé,

relâche à la récolte familiale. Elle est

un doctorat à l'Université d"Hawaii où

décide alors de rentrer au pays où il

le fruit d"efforts motivés par un

il entreprend des recherches appro-

se lance sans plus tarder dans la

immense dévouement, de l'aboutis-

fondies sur le maïs américain pour

sélection des variétés de maïs les

64 Koreana I Printemps 2006

Déclinant

leurs offres , le


plus adaptées à la topographie et à l'environnement locaux. Ses efforts aboutiront à la mise au point des variétés Suwon n° 18, 19 et 20 dont se couvriront bientôt les champs de la province de Gangwon-do et dont les tiges, à maturité, ploieront sous le poids de gros et lourds épis pareils à ceux qu'avait vus Kim aux États-Unis, donnant de généreuses récoltes pour la plus grande satisfaction des exploitants de la province. Il s'agissait

recherche agronomique à but non

ses recherches sur la mise au point

alors d'un véritable exploit puisque, en

lucratif qui bénéficient du soutien de

d'une variété de maïs hybride

seulement cinq ans, le professeur

l'Organisation des Nations Unies pour

adaptée à l'environnement africain,

était parvenu à produire un maïs

l'alimentation et l'agriculture [FAO] et

acquérant très vite la réputation de

hybride que les États-Unis avaient mis

de la Banque internationale pour la

bourreau de travail au sein. duper-

cinquante-cinq ans à créer et dont la

reconstruction et le développement

sonnel de l'Institut.

mise en culture allait bouleverser une

(BIRD]. Le maïs jouant un rôle décisif

L'idée reçue, fort répandue à

agriculture coréenne jusqu "alors

pour apporter une solution au x

l'époque, selon laquelle il était

incapable de dépasser le stade des

carences alimentaires touchant près

impossible de cultiver des variétés

variétés à pollinisation ouverte.

de cinq cent millions d'Africains, je

hybrides en Afrique centrale et occi-

recevais tous les jours des télécopies

dentale n'allait pas pour autant dis-

sollicitant mon aide. »

suader le chercheur. Figurant parmi

Cultures miraculeuses en Afrique « Fondé en 1967 par les deux

Après s'être juré d'aider les po-

les trois premières cultures de base

associations caritatives américaines

pulations de Corée et d'ailleurs à com-

au monde aux côtés du riz et du blé,

que sont les Fondations Ford et

battre la famine, le Professeur Kim

le maïs et ses sous-produits offrent

Rockefeller, l 'Institut international

allait bientôt s· envoler pour l"Afrique,

les plus grandes possibilités, avec

d'agriculture tropicale (IITA] intervient

plus précisément le Nigéria, où se

plus de 2 500 utilisations différentes.

notamment dans les centres de

situe le siège de l'IITA et où il centrera

Le Professeur Kim va alors faire Printemps 2006 1Koreana 65


Kim Soon-kwon n'a jamais détourné son regard du cloaque où vivent ceux qui souffrent de la faim car, en scientifique visant dans sa recherche l'innovation tout comme les applications concrètes, il représente avant tout le parfait exemple d'un travailleur humanitaire œuvrant de toutes ses forces à l'avènement d'un monde meilleur.

Dans des pays souffrant d'une sous-alimentation chronique tels que le Vietnam, le Laos, le Myanmar et le Cambodge, le Professseur Kim Soon-kwon prône avant tout l'autonomie qu'autorise par sa souplesse la culture du maïs.

porter ses efforts sur trois objectifs principaux, à savoir, premièrement, la mise au point de variétés permettant une hausse de la production et, à l'échelle mondiale, la lutte contre la faim chez les pauvres, ainsi que dans les catégories sociales modestes, deuxièmement, celle de variétés à haut rendement et résistantes aux maladies, et troisièmement, la réalisation des recherches sur les lieux mêmes des cultures et non dans le périmètre fermé d'un centre de recherche. Il parviendra tout aussitôt à créer un maïs hybride spécifiquement africain dont les performances feront dire à l'équipe d'évaluation de l'IITA : « Un maïs miraculeux est né en Afrique centrale et occidentale », comme en atteste le cas du Nigéria, aujourd 'hui indépendant pour l'appro66 Koreana I Printemps 2006

visionnement de cette céréale alors qu'il devait autrefois l'importer à raison d'un million de tonnes par an . Chaque jour ou presque, les médias africains vont alors consacrer des articles de fond au Professeur Kim et à ses travaux décisifs et des pièces de monnaie commémoreront son précieux apport. C'est alors que le scientifique, probablement lors de ses incessantes observations dans les champs, contracte la malaria dont il sera gravement malade à cinq reprises pour fort heureusement en guérir, sans que sa passion du travail ne lui ait à aucun moment fait défaut, cette volonté d'accroître les réserves alimentaires qui lui aurait fait parcourir près d'un million de kilomètres dans cette région de l'Afrique. « Ma plus grande réalisation en Afrique a été de créer une variété de maïs capable de résister à la Striga, une plante nuisible appelée « herbe du démon ». Voilà pourquoi ma candidature au Prix Nobel a souvent été évoquée. Les scientifiques occidentaux avaient renoncé à l'éradiquer

après avoir tenté de le faire pendant plus de cent ans. » On estime à environ sept milliards de dollars les dommages infligés chaque année aux récoltes sur le continent africain par cette plante apparemment indestructible et plutôt que de chercher à la supprimer, le Professeur Kim s·est efforcé de développer une variété de maïs qui lui soit compatible, ce qu'il parviendra à faire en assurant les conditions d'une coexistence symbiotique et l'obtention de bons rendements. Les pertes agricoles vont de ce fait considérablement diminuer, passant d'un naut niveau de destruction de 73% à moins de 5%. En outre, cette méthode d'élimination des mauvaises herbes convient non seulement au maïs mais aussi, entre autres cultures, au sorg ho, au millet et au riz, ce qui permet d'espérer des économies supplémentaires de 1,2 milliard de dollars par an en matière de protection des récoltes. Il faut enfin noter qu'un procédé aussi révolutionnaire intéresse d'autant plus les agriculteurs du monde entier qu'il est éga le-


ment bien adapté pour combattre

ducteurs de semences et centres de

retour au pays natal, il crée en mars

l'Orobanche, autre espèce pa rasite

recherche renommés qui l'invitent à

1998 la Fondation internationale dont

sévissant sur le pourtour méditer-

faire partie de leur personnel,

il prend la direction et bénéficiant

ranéen, en Espagne, en Europe orien-

préférant poursuivre ses travau x à

d'importants soutiens, reprend

tale et en Russie.

l'IITA, mais la nouvelle de la famine

résolument ses recherches pour

qui frappait la Corée du Nord à la

aider la Corée du Nord, mais aussi

Véritable action humanitaire

Cette importante recherche a valu au Professeur Kim d'être le pre-

suite d'une inondation dévastatrice

d'autres nations du Tiers Monde. Par

l'amène à remettre ses choi x en

ses travau x continuels -dans la

question.

recherche, il s'est imposé comme un

mier à se voir accorder par le Nigéria

« Je me suis alors demandé si

authentique et exceptionnel tra-

la citoyenneté d ' honneur dite

j e devais continuer mon travail en

vailleur humanitaire tout entier tendu

Mayegun, mot signifiant « celui

Afrique pendant que mes compatrio-

vers l'avènement d'un monde

qui nourrit les pauvres » . Le Pri x

tes mouraient de faim et me suis dit

meilleur pour l'humanité.

international de la recherche agro-

que l'augmentation des réserves ali-

Auj ourd 'hui encore, il se fait le

nomique lui sera aussi décerné en

mentaires de la Corée du Nord ouvri-

même serment : « Me voici devenu

1986 par le roi des Belges, ainsi que

rait la porte à la réunification . »

horticulteur aidant à développer avec

ceu x de la recherche, par l 'Asso-

En vérité, ce ne fut pas chose

confiance les réserves alimenta ires

ciation internationale d'Afrique, et du

facile que d'accepter à l'Université

par mes rêves, projets et efforts. Je

développement technologique , pa r

nationale de Kyungpook , où il avait

poursuivrai mes recherches le

l'Italie . Par la suite, il déclinera les

étudié, un poste rétribué à 25% de

restant de ma vie afin de contribuer à

propositions de plusieurs gros pro-

ses émoluments de l'IITA . À son

un meilleur bien-être humain. » li.1 Printemps 2006 1 Koreana

67


ESCAPADE

Suncheon Sous le souffle de la nature et de l'histoire En empruntant Le sentier des temples anciens et murailles remarquablement conservées, ainsi que de La Baie de Suncheon, véritable trésor de diversité naturelle, Le promeneur découvrira Les r ichesses maritimes et terrestres de La région du même nom. Yi Gyeom Photograp he [texte et photograph ies}

Les vastes marécages qui bordent la ba ie de Suncheonman so nt, en Corée , les premiers à avoir été classés en zone marécageuse n° 1594 par la Convention internationale des marécages RAMSAR Ici-dessus!. Bateaux de plaisance franchissant les lits de roseaux de la baie de Suncheonman Ici-contre).

68 Koreana I Printemps 2006


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Printemps 2006 1 Koreana 69



S

ituée au sud-ouest de la péninsule coréenne, la province de Jeollanam-do comprend, à son extrémité sud -est, la ville de Suncheon qui se blottit au creu x des monts Sobaeksanmaek et domine fièrement sa bordure côtière. De ses champs environnants avantageusement irrigués par un fleuve aux eaux claires et profondes à ses vastes zones marécageuses ourlant le littoral, Suncheon tire parti des précieuses ressources de la terre comme de la mer. Parcours d'un citadin

Quand la ville frissonne encore dans la fraîcheur nocturne, il est temps de se lever pour découvrir sur le port la lente progression des premières lueurs qui remplissent de sérénité à l"aube du matin calme. Si les levers de soleil peuvent y paraître plus ternes que sur la côte orientale, la boule de feu semblant avoir perdu à ["horizon quelque peu de sa force et de son gé nie, l'aurore qui les précède pour se répandre inexorablement comme de l'eau imbibant une feuille de papier coréen artisanal, est tout en subtilité et délicatesse, à l'image des gens du pays. Ainsi débute la journée, dans le bleu de la laisse déposée par l'océan en offrande et contrastant avec la rouge ligne ténue du lointain . C'est dans cette ville où terre et mer se rencontrent que ['écrivain Kim Sung-ok, né en 1941, planta le décor de sa nouvelle intitulée « Quelques jours à Mujin », du nom de la rue qui s ' étend à perte de vue à partir du débarcadère . Omniprésent sur le littoral, le brouillard désigne métaphoriquement les concessions d'un intellectuel à une réalité marquée par le nihilisme et les incertitudes de la jeunesse. Tout au moins le parti pris matérialiste candidement adopté par le protagoniste s·accompagne-t-il d'un sentiment de culpabilité, tandis que tous l'embrassent aujourd'hui sans vergogne dans un capitalisme régnant sans partage . Issu d'un monde où ce même capital étend en tous sens sa puissance, tel le bambou ses racines, le citadin qu'il est va, le temps de quelques pas dans la rue , s'apercevoir bien vite qu'en dépit du temps qui passe, rien ici n'en diffère. Je m'éloigne moi-

1 Au printemps. une débauche de magnolias blancs accueille le visiteur au temple Seonamsa. 2 Le temple Seonamsa est riche d'une histoire de presque mille cinq cents ans. puisque sa première construction date de l'an 528, et nombre d'éminents religieux en ont franchi les portes. 3 Accrochée à l'avant-toit du temple, cette petite cloche au battant en forme de poisson produit un son cristallin en se balançant sous la brise.

même à pas rapides de cette artère pour dissiper l'impression de malaise qu· elle distille. Né dans une ville, f avoue tout ignorer de l'incessant vaet-vient des hautes et basses mers, sans parler des cycles de vive et morte eau correspondant respectivement à une forte ou faible amplitude entre flot et jusant. Dans un coin du débarcadère, le calendrier des marées affiché à un petit Pri ntemps 2006 1 Koreana 71


Le village folklorique de Naganeupseong présente un réel intérêt sur le plan culturel car il permet aux visiteurs de se faire eux-mêmes une idée de la vie quotidienne au temps jadis, l'accueil sincère et chaleureux de ses dynamiques habitants donnant charme et caractère à cette visite. guichet rongé par l'érosion fournit ses précieuses indications

marécageuse n° 1594 par la convention de RAMSAR sur

aux villageois tributaires de la mer pour leur subsistance.

les zones humides. Celle qui relie ces deux sites s'étend

Somme toute, dans l'univers pavé et bétonné des citadins,

sur une superficie totale de trente-cinq kilomètres carrés

la circulation automobile aux heures creuses et de pointe

pour former, par-delà les limites administratives, un seul

ne reproduirait-elle pas ces mouvements alternatifs ?

et unique ensemble marécageux.

Abritant la ville en son centre et encadrée des

Sur le petit bateau à bord duquel j'ai embarqué, la

péninsules de Goheung, à l'ouest, et Yeosu, à l'est, la baie

curiosité piquée, je ressens un indicible émoi en franchissant

de Suncheon tiendrait presque d'un immense lac. Les

la couverture de roseau x vers la mer, assis à la proue où

importants marécages qui s'étalent tout au long de sa

j'effleure des doigts les denses tiges plus grandes qu'un

côte, dont le pittoresque paysage laisse entrevoir au large

homme. La trentaine de minutes que dure cette balade en

îles et îlots, se couvrent de vastes étendues de roseaux, les

baie de Suncheon ne me paraîtra que trop courte

plus grandes du territoire selon certains, entre celle-ci et les montagnes visibles au loin. C'est en octobre, affirme+

L'apaisement de Seonamsa

on ici, que cette étonnante beauté est à son apothéose, les

« Vous n'avez qu'à vous changer», m'avait informé le

sablines rouges ou « suaeda japonica » teintant les eaux

bonze au · seuil de la Salle Oaeungjeon, en revenant d'une

côtières d'une lueur rougeâtre. Par ailleurs, un grand

promenade au jardin du temple, et quand j'avais protesté :

nombre d'espèces ornithologiques rares seraient

« Mais, je suis marié ! », il avait répliqué : « Je le suis

présentes au passage des aigrettes de Chine, mouettes de

moi aussi, comme le fut Bouddha lui-même». Je m'étais

Saunders, grues moines et cigognes blanches. N'appre-

alors souvenu que Siddhartha était en effet marié lorsqu'il

nait-on pas, le 20 janvier dernier, la nouvelle heureuse et

entra dans la prêtrise bouddhique à l'âge de vingt-neuf ans

inédite en Corée du classement de la Baie de Suncheon et

et qu'il lui avait fallu atteindre celui de trente-cinq pour

des bancs de sable de la région de Boseong en zone

recevoir sa révélation, mais quoi qu'il en soif, l'excuse de ma situation familiale n'était guère convaincante. Cette anecdote qui date déjà de l'année dernière ressurgit du plus profond de ma mémoire à chaque visite de Seonamsa. Chaque chose à sa place, affirme le dicton, et après bien des voyages, j'en suis arrivé à croire que c· est à Seonamsa que je me trouvais à la mienne. Ce temple et celui de Songgwangsa s'élèvent, chacun à leur manière, sur les deux versants du Mont Jogyesan, le second évoquant un élégant gentilhomme au port altier, tandis que le premier tiendrait du jardin de la fermière au grand cœur. L'heure de la prière y est annoncée au son du « beopgo », ce tambour rituel du bouddhisme, du « mogeo », un instrument à percussion de bois en forme de carpe évidée

72 Koreana I Printemps 2006


Devant l'entrée de la forteresse de Naganeupseong , les marchands de la région proposent un choix de graines. 2 Les toits de chaume du village folklorique de Naganeupseong sont en parfaite harmonie avec le doux arrondi des collines environnantes. 3 La forteresse de Naganeupseong s·entoure d'un mur d'enceinte en pierre formant un rectangle d'une longueur de 1384 mètres et fournissant un point de vue pittoresque sur le village de son chemin de ronde.

Printemps 2006 1Kore ana 73


a un jour déclaré qu'ils étaient les plus vastes et belles de tout le pays . Aménagées en forme de T, leur entrée s'incurve en une voûte tandis qu'un plancher au x larges lattes procure une agréable sensation au pied. Réparties en cabinets distincts pour hommes et femmes, pourvues de cloisons latérales arrivant à hauteur de poitrine, leur porte ne monte pas jusqu 'au plafond. Au bas des murs, se trouvent des ouvertures grillagées assurant la ventilation et laissant filtrer la lumière naturelle, comme pour encourager à la purification des corps et des âmes.

Charme de Naganeupseong Quand si x heures sonnent, je m 'accorde un temps d'arrêt au village folklorique de Naganeupseong . Entrant dans un restaurant, je m'assieds et commande de quoi me restaurer à une femme à l'accent méridional tr ès prononcé. Comme je m'informe d'un logement pour la nuit, elle me présente à un aubergiste qui m'adresse une Le village folklorique de Naganeupseong présente un réel intérêt culturel car ses deux cent trente habitants y vivent encore à la manière traditionnelle du temps jadis.

salutation familière et s'inquiète de ce que j'aie mangé . Tout en me déchaussant, j'aperçois du coin de l'œil un mouvement qui s'avère être celui d'un chiot si minuscule

par le bas et de l'« unpan », un gong en bronze qui rap-

que je ne l'avais pas immédiatement vu et dont mon hôte

pelle un nuage, auxquels succède le timbre du « beomjong »,

m'appre nd qu'il l'a nourri au lait dè vache après la mort de

c'est-à-dire la cloche du temple, chacun interrompant

la chienne. Remuant la queue comme s'il se réjouissait de

alors ses activités pour se recueillir en silence . Je me

ma présence, ce petit animal me paraît tout à fait sympa-

pénètre pour ma part de ces sonorités, qui demeurent un

thique . Dénommée Hwangtobang , cette paisible chau-

moment enfouies en moi et me procurent une impression

mière qui abrite mère , fille et gendre fournira une halte

de sécurité, comme si j'étais à la maison. À la vue de l'étole

idéale après cette épuisante journée.

de cérémonie de couleur bordeau x, d'où son nom de

La forteresse de Naganeupseong s'entoure d'un mur

« robe de sang », dont les bonzes vêtus de gris s'envelop-

d'enceinte en pierre formant un rectangle d'une longueur

pent les épaules, je me sens envahi d'un sentiment de

de 1 384 mètres et fournissant un excellent point de vue

tristesse et de solitude, comme en suscite le spectacle

sur le village de son chemin de ronde . Le doux galbe de

mélancolique des camélias fanés inclinant tristement leurs

ses maisonnettes de chaume aux toits en roseau ou paille

tiges après avoir perdu tout éclat. Cependant, pourquoi me

de riz évoque un tendre giron maternel et par la

plaindre, puisque j'avais choisi d'être seul ?

récurrence de ces formes, il émane du village folklorique

À Seonamsa, il est prescrit que les pèlerins, pour

de Naganeupseong une sensation de chaleur « palpable »,

apaiser leurs anxiétés, prennent le temps de se rendre à

tandis qu 'au matin, le périmètre des remparts offre une

leur « haeuso », c'est-à-dire les lieu x d'aisance ou toi-

promenade rafraîchissante.

lettes d'un temple, dont le célèbre architecte Kim Su-geun 74 Korea na I Printemps 2006

Au pied des murailles, une flânerie me fait découvrir


les ruelles dont le charme pittoresque m'apporte la

nullement perturbé . Au-delà des murailles, se tient un

quiétude. Les murs de boue séchée s'élevant à hauteur

groupe de marchandes proposant, sur une natte étendue

des yeu x m'intriguent quant à ce qui peut bien se trouver

au sol, différentes graines dans des sachets de plastique

derrière et je me fais à moi-même la remarque que le

sur lesquels ces vieilles dames ont griffonné l'origine des

résident qui regarde au dehors ne doit guère entrevoir que

produits dans une orthographe appro ximative qui ne

les têtes en mouvement des passants . Quant à ces

manque pas de saveur.

derniers, ils parviendront à voir dedans le mur en vis-à-vis

Du sage arrondi des chaumières aux ruelles

en se haussant sur la pointe des pieds ou en se juchant sur

émouvantes et arbres centenaires, tout à Naganeupseong

une pierre. Passé l'âge de trente ans, on n'en devient pas

concourt sereinement au charme paisible de cette région

pour autant moins curieux et jetant un regard à la dérobée

champêtre attirant les visiteurs non seulement par ses

à l'intérieur, me viennent soudain à l 'esprit les murs

gracieu x paysages, mais aussi par la merveilleuse

derrière lesquels on se barricade en ville.

fraîcheur d'esprit de sa population. Ce village ne se

Débouchant de la venelle, je me trouve face à un tau-

résume pas à un lieu touristique dépourvu de vraie vie,

reau broutant placidement son foin tout en me regardant

comme fossilisé ou naturalisé, ma is résonne au contraire

de ses grands yeux doux, sans la moindre animosité et si

de cette joyeuse vie campagnarde dont semble nostal-

j'avoue en être quelque peu surpris, l'animal ne semble

gique le citadin moderne.

1.;1

lm Chae-ji, artisan pailleur Le village folklorique de Naganeupseong abrite de petits ateliers d"artisanat perpétuant les techniques traditionnelles pour fabriquer notamment des objets de pa ille, véritab le spécialité régionale. Dans l'un d'eux exerce lm Chae-ji qui, à soixante-neuf ans, porte toujou rs le costume traditionnel et le chignon qu'adoptaient habituellement les hommes de jadis. ce qui donne l'impression de se trouver sous la Dynastie Joseon. « Je fais ce travail depuis une vingtaine d'années, mais dans les temps anciens, tous les villageois travaillaient la paille » explique-t-il, sans que ses mains cessent de s·activer. dans le petit atelier regorgeant de ses créations. Cette fabrication commence par le filage de la paille de riz séchée en cordelettes qui seront à leur tour assemblées de diverses façons en vue d'obtenir la forme souhaitée. Ces opérations n'exigeant qu·un petit nombre d'out ils simples, la qualité du produ it fini est entièrement subordonnée au savoir-faire des artisans. Il se dégage de to us les articles réali sés par lm Chae-ji cette forte nostalgie propre aux gens de la campagne . Son atelier renferme quantité de « samtaegi », ces chaussures en pa ille ressemblant

à de grands paniers comme leur nom l'indique, de

« dorongi », qui

sont des vêtements de pluie en paille, de nattes de sol appelées« meongseok » ainsi que divers récipients et autres articles dont les plus remarquables sont les masques des douze animaux du zod iaque de l'Asie orientale. Nul doute que ces dernières pièces, dont le créateur précise que chacune exige plus de dix journées de trava il pour son exécution, auront la faveur de sa clientèle.

Afin de célébrer l'année 2006 placée en Asie du Nord-Est sous le signe du zodiaque du chien, lm Chae-ji a confectionné un masque en paille de riz représentant la tête de cet animal.

Printemps 2006 1Koreana 75


CUISINE

Le<< dubu-jeongol >>

Spécialité traditionnelle aux pâtés de soja et lé Mêlant légumes verts et pâtés de soja, que l'on appelle également tofu ou« dubu » en Corée où ils sont extrêmement appréciés pour leurs vertus diététiques, le « dubu-jeongol » tire aussi son nom du récipient dit « jeongol » où s'effectue sa préparation. Chun Hui-jung Professeur de gastronomie coréenne à l'Université féminine de Sookmyun Bae Jae-hyung Photographe


C

omposé d'un bouillon très nourrissant de légumes variés et pâtés de soja, le « dubu-jeongol » compte vraisemblablement par mi les meilleures spécialités

coréennes à base de ce dernier ingrédient et présente l'avantage de pouvoir se servir en plat unique. De même que le tofu, la viande qui entre dans sa composition en fait un plat goûteux et riche en protéines à ne pas confondre avec le « dubu-jjigae », c'est-à-d ire le ragoût aux pâtés de soja, même si nombre de restaurants ne s'embarrassent guère de cette distinction, ce qui est regrettable car il s'agit de recettes tout à fait différentes malgré leur base de bouillon et ingrédients communs. Alors que dans le second les pâtés de soja sont accommodés avec du piment rouge en poudre ou sous forme de concentré, dans le premier, on les fait revenir à la poêle avant de les accompagner de viande, légumes, champignons et œufs pour confectionner un bouillon d'une grande valeur nutritive à consommer tel quel dans le plat de service avec d'éventuels ajouts d'ingrédients. Rappel historique

C'est dans le traité dit Mogeunjip, qui fut rédigé à l'époque de la Dynastie Goryeo [918-1392) par Yi Saek [1328-1396) sous le pseudonyme de Mogeun, qu'il est fait pour la première fois référence aux pâtés de soja, sous forme d'un poème vantant leur saveur exquise lorsqu'ils sont bien frais . Par la suite, Gwon Geun et un lettré de la Dynastie Joseon nommé Heo Gyun [1569-1618) en évoqueront respectivement, dans les ouvrages intitulés Yangchonjip et Domundaejak, le mode de préparation et la consistance douce, onctueuse de ceux qu· offraient les colporteurs de la Porte Changuimun. Enfin, un passage du Sejongsillok [chronique du règne du Roi Sejong) rapporte qu'un empereur de la Dynastie Ming fit l'éloge des talents culinaires des femmes de Joseon pour la confection de plats succulents parmi lesquels il tenait ceux à base de tofu pour les plus délicieux. Au vu de données historiques, il semblerait que cet aliment ait été d'usage courant à partir de la Dynastie Goryeo. Certains auteurs affirment à ce propos que dans la mesure où les peuples de la Corée ancienne pratiquaient le nomadisme et où le soja doit avoir été introduit de Mandchourie, c'est vraisemblablement la tribu barbare orientale des Dongyi, ancêtres directs des Coréens modernes, qui la première se livra à la fabrication de pâtés de soja . Néanmoins, il s'en trouve d'autres pour situer cette production dans la province chinoise d'Anhui, plus précisément à Huainan qui, aujourd'hui encore, organise chaque année une fête du soja. Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que les Coréens ont acquis de longue date des connaissances culinaires sur l'art d'accommoder le soja, ce qui allait leur permettre de produire aussi nombre d'aliments dérivés du soja fermenté, dont la sauce et la pâte de soja. Création du « dubu-jeongol »

Les différentes recettes de « jeongol » se sont longtemps transmises au fil des générations, et cependant nulle mention n'en est faite dans le plus ancien traité de cuisine d'époque Joseon, l' Eumsik jimibang [c. 16 70). Il faudra attendre pour cela la publication en l'an 1868 du Sinseonuigwe relatif à la cuisine royale et auquel fera suite un ouvrage consacré aux goûts culinaires des aristocrates ou « yangban » Printemps 2006 1Koreana 77


ces plats. Si les hypothèses ne manquent pas sur l'origine de ce récipient, on cite souvent un extrait du Manguksamulgiwonyeoksa selon lequel

les combattants de jadis, sur le champ de bataille, confectionnaient soupes et ragoûts dans leurs casques de fer faute d'ustensiles adéquats . Dès lors, la marmite se se r ait largement imposée pour la préparation d'un grand nombre de plats à base de viande et légumes. Si les Coréens sont parfois nommés « tang minjok », c·est-àdire les mangeurs de soupe, c'est sans doute que leur cuisine abonde en recettes variées de ce plat. Selon l'usage, tout repas se doit en outre d'avoir pour plat principal une soupe agrémentée de quelques accompagn ements. Les nombreux objets en céramique mis au jour sur les sites néolithiques semblent avoir servi à la confection de plats à base de céréales, légumes et fruits de mer. La découverte de résidus de céréales très diverses, dont le millet, millet de ri zi ère, millet d'oiseaux et sorgho, ainsi que de ha ricots, atteste en outre d'une agriculture florissante dès 1000 av. J.-C. en Corée, mais laisse aussi penser que la préparation de telles céréales non glutineuses mettait en œuvre des ustensiles et méthodes particuliers. Selon des ann ées 1800, le Siuijeonseo, qui dans le premier de

toute vraisemblance, c'est la consommation de tels ali-

ses deu x tomes évoque le « dubu-jeongol » , dont

ments qui expliquerait l'usage de la cuillère en Corée près

l'histoire serait en conséquence vieille d'au moins deu x

d'un millénaire avant qu'elle n'apparût en Occident,

siècles.

comme le révèle la mise au jour de vestiges en os datant

En règle générale, le terme « jeongol » s'adjoint au

des VJ• ou VJJ • siècles avant J.-C., ainsi que d'autres plus

nom de l'ingrédient principal auquel il est associé pour

récents en bronze. L'importante quantité de cet ustensile,

donner celui de la préparation correspondante, tels les

à l'instar du bol se substituant à l'assiette dans la vaisselle,

« domi (daurade] jeongol » , « nakji (poulpe] jeongol » et

résulte principalement de la place prépondérante

« songi (champignon de pin] jeongol » . À l'origine, ce mot

qu 'occupe la soupe dans la gastronomie coréenne et de

désignait avant tout la marmite qui servait à la cuisson de

l'essor des traditions qui s·y associent. 1.1

78 Korea na I Print emps 2006


S'il fut à ses origines, qui remonteraient à environ deux siècles, un mets de choix rése rvé à quelqu es privilégiés, le« dubu-jeongol » figure aujourd'hui en bonne place au menu de tous les foyers.

« Dubu-jeongol » Ingrédients: 1 bloc de« dubu » [compter 400 à 450 grammesl, sel, huile, viande émincée, 100 grammes de pousses de soja, 150 grammes de navet, 80 grammes d'oignon, 100 grammes de persil, 100 grammes de viande , 3 champignons shi itake, 3 champignons « manna lichen », 50 grammes d'ail rocambole , 100 grammes de carotte, 2 œufs, pignons, 2 verres de bouillon, 1 cuillerée à café de sauce de soja claire, 1/2 cuillerée à café de sel.

Sauces:

A: 1 cuillerée à café de sauce de soja épaisse, 1 cuillerée à café de sel, 1 cuillerée à café de sucre,. 1 cuillerée à café de poireau émincé, 2 cuillerées à café d'ail émincé, 1 cuillerée à café de sel de sésame, 1 cuillerée à café d'huile de sésame B: 1 cuillerée à café de sauce de soja épaisse, 1/ 8 cuillerée à café de sel, 2 cuillerées à café de poireau émincé, 2 cuillerées à café d'ail émincé, 1/8 cuillerée à café de poivre noir, 1 cuillerée à café d'huile de sésame C: 1/2 cu illerée à café de sauce de soja claire , 1/3 cuillerée à café de sel, 1 cuillerée à café de poireau émincé, 1 cuillerée à café d'ail émincé, 1/2 cuillerée à café de sucre, 1 cuillerée

à café d'huile de sésame

Préparation Découper le« dubu » en cubes de 4 centimètres de longueur, 3 centimètres de largeur et 5 millimètres d'épaisseur et les percer délicatement au centre. Saler légèrement et sécher en tapotant sans déformer, puis faire revenir dans une poêle. • Avec les brins de persil blanchis à l'eau salée, lier deux à deux les cubes de « dubu »frits. Façonner les boulettes de viande, les tremper dans la farine et les œufs, puis les faire frire. • Emincer la viande et l'assaisonner avec la sauce B. • Rincer les pousses de soja et faire revenir avec le navet haché finement. Couper les oignons et mélanger le tout

à la sauce C. Ajouter la à « jeongol ». •

viande préparée ci-dessus, les oignons, et placer l'ensemble dans la marmite

Découper les champignons shiitake et « manna lichen » en tranches de 4 centimètres de longueur et 1,5 centimètre de largeur. Séparer les jaunes d'œuf des blancs, puis les faire revenir et les découper aux dimensions des champignons. Laver les carottes et l'ail rocambole et les découper aux mêmes dimensions. • Placer les morceaux de « dubu » dans la marmite en les regroupant, puis y disposer soigneusement les champignons shiitake, les carottes, les champig nons « manna lichen », les blancs et jaunes d'œuf fr'its, le persil et l'ail rocambole dans l'ordre souhaité, puis, pour finir, les boulettes de viande. • Garnir le bouillon où ont pré§lablement cuit les pignons et servir dans des bols individuels, ou consommer directement dans la marmite.

Prin tem ps 2006 1 Koreana 79


Vivre dans • une, maison coreenne traditionnelle Tradition et modernité peuvent faire bon ménage. Quand on médite devant la petite cour avec ses bambous et son pin nain mais septuagénaire, on oublie qu'on est au cœur d'une ville immense et ultra-

C

onsternation de mes amis coréens ! J'allais troquer ma lu xueuse maison de Sungbukdong , une maison

de 158 pyong, pour une maison traditionnelle coréenne [un Hanok) de 29 pyeong .. . Incompréhensible ! Peut-être avais-je des difficultés financières ... On me parla des problèmes de chauffage. Allaisje utiliser des briquettes de charbon [yeongtan) ? On évoqua les courants d'air au travers des portes et des cloisons recouvertes de papier [hanjil. Bien sûr l'été, j'aurai à subir les assauts des moustiques car ils passent par les interstices des portes ... Et comment ferai-je pour le parking de ma voiture ? Car il est certain qu'il n'y aura pas de garage ... En dépit de tout cela et des opinions franchement négatives, ma décision était prise ! C'est un rêve vieux de vingt ans qui avait largement eu le temps de mûrir. Initialement, les étrangers ne pouvaient pas acheter de

moderne, loin de l'agitation permanente,

terrains en Corée . Les lois ont changé, mais les

de la pollution et des embouteillages.

développements désordonnés de Séoul rendaient l'achat

Philippe Tirault Ass oci é aî né de Cli e nt Ko rn / Fe rry International

d'un Hanok vraiment périlleux, car invariablement la maison se trouvait rapidement entourée d'immeubles ... Enfin on a célébré le 21 • siècle par la création de la zone protégée de Bukchon et cela change tout. Bukchon [le village du nord comme indiqué sur les vieilles cartes coréennes) se trouve entre les deux palais de Gyeongbokgung et de Changdeokgung . Initialement c'est là qu'habitaient les familles nobles et les officiels servant l'administration coréenne . Après la chute de la dynastie Joseon, et avec la domination japonaise, le quartier a été transformé. La plupart des grandes propriétés ont été morcelées et des lotissements sont apparus à leur place. Cela explique la consistance du style de construction et le fait que les parcelles soient de taille presque identique. Cela crée en fait l'harmonie du quartier qu'on admire aujourd'hui. L'après-guerre a vu le quartier tomber en désuétude. Petit à petit les habitants l'ont quitté pour aller vivre dans des immeubles modernes, très souvent au sud du fleuve . Cette désaffection du quartier est probablement à l' origine de sa sauvegarde ... Le quartier n'a pas souffert de la spéculation immobilière et les nouveaux habitants, sou-

80 Koreana I Printemps 2006


vent d'origine modeste, n'étaient pas préoccupés par la

coréenne pour les générations futures, le Hanok doit con-

modernité.

tinuer à rester un lieu de vie et s'adapter aux conditions de

Il est inespéré de trouver une telle concentration de

vie moderne !

maisons coréennes traditionnelles au cœur même de

L'architecture, et en particulier les lignes et les volu-

Séoul ! Cela a fort heureusement fini par attirer l'attention

mes, doivent garder leur pureté et leur caractère pure-

des autorités de la ville qui ont décidé de sauver cette zone

ment coréens . Les matériaux doivent rester nobles et

de l'envahissement du béton et des gratte-ciel. Un

naturels [bois de pin, argile essentiellement). Mais le

recensement des Hanok de cette zone avait été fait dans

chauffage par le sol doit être au gaz. Les papiers des cloi-

les années 90 et on dénombrait alors un peu plus de mille

sons et des portes se doublent de verre, préservant l'ap-

maisons traditionnelles. Malheureusement, à cause de la

parence mais assurant l'isolation. La cuisine est moderne

crise asiatique, le programme de préservation n'a pas pu

et la salle de bains est intégrée à l'ensemble [et non plus à

être mis en place avant l'an 2000. Il ne restait alors que

l'extérieur!.

quelque 500 maisons dignes d'être préservées ... Il était grand temps !

Tradition et modernité peuvent faire bon ménage. La rénovation a été un vrai plaisir. Il existe encore des arti -

Le programme de sauvegarde est mené avec beau-

sans qui travaillent à l'ancienne et le programme de

coup de courage et de bon sens : interdiction de démolir

préservation du quartier a attiré de jeunes architectes

des maisons traditionnelles, et si on ne peut pas faire

talentueux qui se spécialisent dans la rénovation des

autrement, reconstruction en style traditionnel, aide à la

maisons coréennes traditionnelles. Les discussions sur le

rénovation et à la maintenance, impôts réduits et même

chantier ont toujours été intéressantes, en dépit de mon

priorité pour les parkings. Voilà de quoi aider les bonnes

coréen très basique .. . Mes conseils ont été écoutés et

volontés ! La ville de Séoul achète même les maisons

assez souvent adoptés. Le chantier devait durer trois

délaissées et en péril de disparaître. Elle les rénove et les

semaines. Il a duré trois mois! Mais quelle importance?

loue à des artisans ou à des artistes. Certaines rues ont

Le résultat est fantastique et la maison est très

même bénéficié d'un asphalte couleur de terre et les

agréable à vivre . On se sent bien dans ces pièces au x

lignes électriques avec leurs pylônes de béton ont disparu

volumes simples. Quand on médite devant la petite cour

en terre sous la chaussée. On peut seulement regretter

avec ses bambous et son pin nain mais septuagénaire, on

que ces rues ultraprotégées soient si peu nombreuses.

oublie qu'on est au cœur d'une ville immense ët ultra-

Le résultat est une transformation radicale du quartier. La

moderne. On est loin de l'agitation permanente, de la pol-

rue de Gahoe-dong, qui coupe Bukchon en deux, est

lution et des embouteillages. Même le ciel d'hiver paraît

bordée de superbes pins rouges, et attire artisans ,

plus bleu lorsqu'il tranche sur le gris foncé des tuiles tra-

maisons de thé, un centre de méditation et des restau-

ditionnelles.

rants traditionnels. Il y a même un musée qui organise des expositions d'art asiatique.

Et mes amis coréens ? Je les ai gardés et même convertis I Ils ont tout de suite été séduits. Le confort moderne

Bien sûr les gens qui maintenant s'intéressent au

avec le charme et la tradition en plus ... Certains vont même

quartier et viennent acheter et rénover des Hanok sont des

devenir des voisins et quitter leur tour de béton de Gangnam

gens pour la plupart aisés. Beaucoup utilisent leur maison

au sud du fleuve pour s'installer dans le quartier!

comme résidence de week-end sans y habiter de manière

Quant à moi, j'ai décidé que l'aventure devait continuer.

permanente. Le danger est de faire de Bukchon un village

J'ai acheté un second Hanok et le rénove avec enthousiasme,

vide ou un troisième village folklorique ... Pour survivre au

très fier de contribuer modestement à la préservation du

passage du temps et rester un témoignage de la culture

patrimoine coréen !

1.;.11

Printemps 2006

1

Koreana

81


VIE QUOTIDIENNE

051 ~

Miroir aux alouettes ou gage de réussite ? À l'heure où le fort chômage qui frappe les jeunes ne semble pas près de régresser, ceux-ci fondent tous leurs espoirs sur le concours national de la fonction publique dit« gosi », ce qui vaut à la Corée d'être parfois appelée « République du gosi », mais qui engendre aussi un mode de pensée particulier qui influence jeunes et moins jeunes à divers égards. Kang Hae-seung Journaliste au Seau/ Shin mun Choi Hang-young Ph otographe

U Si le concours d'Etat

dit

« gosi » a toujours

été très co té, il prend depuis quelq ues années des proportions sans précédent.

nique au monde et profondément ancré

Coréens. Dans une conjoncture où l'économie

dans les traditions , le concours national

n'est plus en mesure d'assurer une création

du « gosi » , par la possibilité qu'il offre

d'emplois suffisante, cette institution se perçoit

d'accéder aux divers corps de la fonction

d'autant plus comme la voie royale d'une bril-

publique, ainsi qu 'à certaines professions,

lante carrière professionnelle ëonditionnant

focalise tous les espoirs de réussite sociale des

l'ascension sociale.

Plus de cent candidats pour un poste On situe entre quatre cent et cinq cent mille le nombre de personnes préparant les différents « gosi », dont les plus cotés ouvrent, dans les filières juridique, aux professions de juge, procureur ou avocat, administrative, à des postes de hauts fonctionnaires, et dans celle des affaires étrangères, à la carrière diplomatique, d'autres encore donnant accès à des professions telles qu·e xpert-comptable, avocat spécialiste du droit de la propriété intellectuelle 82

Koreana I Printemps 2006


ou consultant en gestion du personnel. À cela

confortables, tout bonnement dans la perspec-

s'ajoutent depuis peu les examens menant au x

tive de la sécurité de l'emploi .

postes subalternes de la fonction publique, qui a

Dans le secteur privé, la crise financière et

mis en compétition cette année plus de deux

monétaire qu'a connue la Corée en 1997 et 1998,

cent mille candidats à raison de plus de cent

avec les plans de restructuration draconiens qui

pour un poste et si l'on prend aussi en compte

se sont ensuivis, a eu raison de la notion

ceu x qui se déroulent au niveau régional,

d'emploi à vie selon laquelle l'obtention d'un tra-

l'effectif total de cet examen dépasse largement

vail suffisait à le conserver pour toujours. Une

toute estimation.

telle sécurité n'étant plus garantie que dans la

Si l'attrait qu'exerce le« gosi » n'a rien

fonction publique et sachant combien est pres-

d'une nouveauté, il prend depuis quelques

tigieu x le statut de fonctionnaire en Corée, on

années des proportions démesurées, notam-

comprend aisément qu'il soit aussi convo ité en

ment pour celui de la fonction publique, de loin

dépit de la forte concurrence qu'il suscite.

Tout candidat au « gosl » doit se

préparer à une redoutable concurrence en tre plus de cent aspirants pour un po~te.

le plus prisé . Un poste dans cette dernière représente un choix de carrière optimal au sor-

Toute une culture

tir de l'université, les personnels des entreprises

Autour de l'institution du « gosi » sont

étudiant aussi à cet effet après leur journée de

apparus des sortes de « villages » ou « com-

travail malgré leurs rémunérations des plus

munautés » composés d'une foule de candiPri ntemps 2006 1 Koreana

83


Salles d'étude d'un institut de" gosi » de Sillim-dong fournissant aux étudiants logement et préparation aux concours de droit. Les postulants séjournent dans ces « villages » de six mois

à plusieurs années, dans

certains cas. 2 En raison de la sécurité du travail garantie par l'administration, les concours de la fonction publique sont aujourd'hui les plus recherchés chez les canditats. 3 Déjeuner au restaurant dans le village du« gosi » de Noryangjin. La préparation aux concours crée un environnement où coexistent l'amitié née de la poursuite d'un objectif commun et la rivalité que celui-ci suppose, les candidats demeurant unis par des liens de dépendance.

84 Koreana I Printemps 2006


Si le concours national que l'on nomme« gosi » offre d'indéniables débouchés professionnels

à ses lauréats, on ne saurait faire abstraction de la cohorte grandissante de ses candidats malheureux et des conséquences néfastes qui découlent de ces échecs sur le plan social, un tel anachronisme ne pouvant aisément trouver de solution dans l'immédiat.

dats, mais aussi des instituts et académies qui

nelles gratifiantes, il existe comme en tout un

assurent leur préparation . Rappelant parfois

revers de la médaille, en l'occurrence un

["environnement universitaire, ils n'en sont pas

dévoiement par rapport à l 'enseignement

moins totalement distincts par leurs établisse-

supérieur qui se manifeste avec plus d'acuité

ments privés qui ont pour vocation de satisfaire

encore dans l'actuel état de choses.

aux besoins de leurs élèves en optimisant leurs

Cette préparation aux « gosi » se démarque

chances de succès et dont la fréquentation est

en effet résolument de celle des universités et

donc jugée incontournable . À de rares excep-

un étudiant en droit n'hésitera pas par exemple

tions près, il ne viendrait à l'esprit d'aucun can-

à manquer le cours dispensé par un éminent

didat de tenter le moindre concours sans y avoir

professeur pour courir suivre celui d'un simple

au préalable suivi une préparation minimale de

formateur dans un institut privé, persuadé que

six mois durant laquelle il est logé dans l'un de

l'institution universitaire n'est pas à même de

ces villages .

lui assurer un succès que sont censés garantir

À Séoul, les principau x d'entre eu x se situent dans les quartiers de Sillim-dong et

les instituts par l'acquisition du « savoir-faire » requis .

Noryangjin, le premier regroupant les instituts

Il en résulte notamment que toujours plus

et candidats au concours juridique, tandis que le

d'étudiants délaissent les campus quand il s'agit

second abrite librairies et logements destinés

de se préparer aux « gosi » , car outre ceux en

aux aspirants à la fonction publique. Si le choi x

droit, nombre d'autres des disciplines scien-

de s'installer dans l'un d'eux représente parfois

tifiques, ainsi que de diplômés, aspirent à tenter

de gros sacrifices, il permet sans conteste de se

les concours juridiques ou ceux de la fonction

consacrer pleinement au travail tout en disposant à pro xi mité de toutes les facilités et installations nécessaires . En outre, dans ce cadre de vie unique en son genre, les postulants se prodiguent mutuellement réconfort et encouragements alternant l'amitié dans leur poursuite d'un objectif commun avec la rivalité que celui-ci suppose, mais toujours unis par des liens de dépendance. Incidences sociales

Si de telles communautés et leurs instituts ont, au cours du temps, permis d'innombrables réussites menant à des carrières professionPrintemps 2006 1 Koreana

85


1 Village du « gosi » de Noryangjin préparant surtout aux concours de la fonction publ iq ue. Aux abords de la gare de Noryangjin, les panneaux d'innombrables instituts accrochent les regards. 2 Au village du « gosi » de Noryangjin, fleurissent les enseignes comme celles-ci, où les instituts privés rivalisent de formateurs « vedettes » pour attirer toujours plus d'étudiants.

publique. L'autorité dont jouissait jusqu'alors

exiger une réforme de l'institution du « gosi » et

l'université en la matière s'en trouve de ce fait

dans cette optique, les pouvoirs publics prévoient

considérablement amoindrie voire ébranlée, son

une modification des modalités du concours

statut se trouvant rabaissé à celui d'écoles pro-

national de la fonction publique, une restructura-

fessionnelles ou d'instituts à« gosi ».

tion des professions juridiques ainsi que la sup-

Pose également problème la horde sans

pression du concours qui prépare à celles-ci. À

cesse croissante de ceux que l'on appelle les

compter de l'année 2008, la Corée devrait se

ratés du « gosi », c'est-à-dire qui après avoir à

doter d'un ensemble d'écoles de droit analogues

plusieurs reprises échoué à ces examens, se

à celles des États-Unis ou du Japon, les examens

retrouvent chômeurs et n'ont d'autre choix que

actuels disparaissant alors en 2012.

d'en poursuivre la préparation à long terme,

En vue de normaliser l'enseignement

vivant parfois en village cinq, voire dix ans sans

supérieur, l'entrée dans ces établissements

interruption dans ce but auquel seuls quelques-

sera accordée sur dossier, lequel ·sera dûment

uns parviendront, le gros de l'effectif, soit

pris en considération, ainsi que sur concours

quelque cinquante mille selon les estimations

dans la limite de trois tentatives. Dans la fonc-

officielles, s· enfermant dans un cercle vicieux

tion publique, les filières de sélection devraient

de préparation et d'échec . Avec la baisse de

se compléter d'un test d'aptitude d'un nouveau

population active qui est prévue dans un proche

genre faisant moins appel à la mémorisation

avenir, il sera difficile de compenser une telle

des connaissances et accordant plus de place

perte de ressources humaines dans la tranche

aux entretiens personnels.

d'âge des vingt à quarante ans.

Si personne ne conteste qu'il est impératif de résoudre les divers problèmes liés à l'institu-

Mesures envisagées

86 Koreana I Pr intemps 2006

tion du « gosi », il semble évident qu'un réel

Face à un phénomène qui ne fait qu 'enfler

traitement d'un non-sens social aussi énorme

pour prendre les proportions d' un grave

et tenace exigera beaucoup de temps et

problème social, des voix se sont élevées pour

d'efforts.

t,;t


KIM YOUNG- HA

C'est dans la deuxième moitié des années 1990 que Kim Young-ha a acquis ses titres de noblesse dans l'univers littéraire coréen. Son imagination débordante l'affranchit de toute contrainte pour passer constamment du rêve à la réalité dont il restitue par l'écriture la prosaïque routine constitutive de l'expérience humaine.

'

'


La chute du Mur de Berlin, en 1989, fut suivie, à l'hiver

CRITIQUE

1.,,

'

1991 de l'effondrement de l'ex-Union Soviétique, bastion

Le cynisine aux confins du rêve et de la réalité

du communisme. Plus encore que dans beaucoup d'autres pays, ces commotions eurent une importance décisive pour la Corée, donnant un coup d'arrêt aux avancées qui s'étaient lentement amorcées. Le pays allait s'étourdir de changements en tous genres sous un label commun de « nouveauté ». Après avoir fait l'objet de poursuites judiciaires sous Roh Tae-woo, Kim Young-ha fut contraint de reconnaître que le monde changeait, prise de conscience

Hong Gi <lon

l

r,t , 1 u

t ,

tr,

qui fut le facteur déclenchant de son entrée en littérature.

c· est dans ce contexte que ses écrits allaient s'imprégner d'un fort cynisme et déterminer l'évolution de son œuvre. Lors de la remise du premier prix des jeunes écrivains par la maison d'édition Munhakdongnae pour

son roman Je suis en droit de me détruire (Mort à demi-

N

mot/, l'auteur eut ce commentaire : « Des catégories telles é en 1968, Kim Young-ha se distingue par le regard

qu· « histoire » et « peuple » sont des anachronismes

empreint de cynisme qu'il porte sur le monde car il

impropres à décrire le monde contemporain . Il importe

ne fonde guère d'espoirs sur une évolution favorable de ce

donc de chercher à caractériser autrement les modes de

dernier, une hauteur de jugement qui peut s· expliquer par

vie nouveaux à l'heure où sont rejetées ces notions domi-

l'époque qu'a connue sa génération. L'auteur n'a-t-il pas,

nantes des années quatre-vingts . C'est pourquoi je

en 1987, aidé à convoyer de l'Université Yonsei à l'Hôtel de

m'inscris en faux contre toute réminiscence et tout

Ville , la dépouille funèbre du militant étudiant Lee Han-

réalisme littéraires. »

yeol qui avait trouvé la mort lors d'une violente manifestation contre le régime militaire d'alors ?

Dans le parti pris de sous-culture illustré par son recueil de nouvelles Hochul [Radiomessagesl et

La candidature à la présidence de la République de

Qu'est devenu l 'homme coincé dans /'ascenseur ?, ainsi

l'ancien général d'armée Roh Tae-woo sur décision du

que par le roman Je suis en droit de me détruire (Mort à

gouvernement militaire sortant n'avait fait qu'exacerber un

demi-mot}, tout comme dans le cynisme opposé à la

mouvement populaire déjà virulent. Si cet incident

réalité et dans l'idée de mort, s· exprime sa vision critique

contraignit Roh à s· engager, dans sa déclaration du 29 juin

du monde, voire son refus en bloc de celui-ci. Une telle

1987, à plus de démocratie par le biais d'élections directes,

démarche allait profondément boulevers·er le monde

les aspirations au changement furent réduites à néant par

littéraire coréen, notamment par des récits comme Je suis

la compétition à trois qui s· ensuivit, divisant l'opposition et

en droit de me détruire (Mort à demi-mot} où l'auteur

assurant la victoire au candidat Roh. Les sacrifices

s'exprime en ces termes:« Pour atteindre au divin à une

consentis par des jeunes tels que Kim Young-ha

époque comme la nôtre, seuls sont possibles la création

s'avéraient donc vains et la mort de Lee Han-yeol devenait

ou le crime ». Par essence, sa conception du monde

l'étendard des luttes pour la démocratie dans un climat

explique parfaitement son choix de s'en distancier dans les

où allaient se reproduire de tels événements.

œuvres précitées, qui feront de lui l'un des écrivains clés

88 Koreana I Printemps 2006


de la fin des années quatre-vingt-dix.

peut intéresser le spectateur puisqu'il est soustrait à son

La décennie suivante verra la parution d'un recueil

regard et de ce fait, ignoré car inaperçu . Si l'on considère

de nouvelles intitulé Oppaga Oorawatta [Grand frère est

l'impact grandissant acquis par l'audiovisuel dans

revenu]. ainsi que des romans Arangeun oe [Pourquoi

les années quatre-vingt-dix, la portée de la nouvelle

Arang] et Geomeun Kkot [Fleur noire]. Récusant la simple

s'impose immédiatement à notre esprit dans ce contexte

narration, le premier de ceux-ci révèle les limites du sar-

particulier.

casme et de l'amertume lorsqu'ils tombent dans le

Les souffrances intérieures, muettes, sont sans

maniérisme et débouchent sur une absence de création .

intérêt pour l'auteur car celui-ci considère que pour

L'auteur rectifiera ces travers dans la production sui-

changer le monde, rien ne sert de dévoiler des peines de la

vante, Fleur noire, par laquelle il transcende son refus

vie si profondément enfouies. Par ailleurs, il ne se plonge

instinctif du monde. Une patiente recherche de sources

pas davantage dans l'univers des images, mais observe

documentaires et autres informations, complétée par

le monde avec le froid réalisme du marginal. C' est

plusieurs voyages instructifs en Amérique latine ont

précisément à la lisière de la réalité et de ce monde

fourni de solides fondements au roman. Si Fleur noire

d'images que ce situe le récit de Radiomessages, tout le

pèche parfois par des démonstrations moins convain-

talent littéraire de l'écrivain s·y exprimant plus parti-

cantes , ainsi que par certaines distanciations dans la nar-

culièrement dans les passages suivants, dans lesquels on

ration, elle accomplit sans conteste un progrès sur les

appréciera que le quartier de Chungmuro constitue le

écrits précédents en sortant du domaine de l'intuitif. Dans

berceau de l'industrie cinématographique coréenne.

sa dimension fondamentale de défi lancé à l'État-nation,

« Il était environ quinze heures

à la station de métro

elle assure aussi la continuité du cynisme latent de

Chungmuro et je faisais les cent pas en longeant la ligne

l'auteur, incitant le lecteur à s'interroger sur l'orientation

jaune évoquée par l'avertissement : « Le train va entrer en

future de son œuvre.

gare. Pour votre sécurité, veuillez vous tenir derrière la

Appartenant au premier recueil de nouvelles du

ligne jaune ». Étais-je ou non en sécurité ? Les cas limites

même titre, la nouvelle Radiomessages se caractérise par

font toujours mon ravissement, notamment entre rêve et

la relative simplicité de son propos. Un homme confie son

réalité, car je vois tantôt le premier dans la seconde, tantôt

récepteur de radiomessagerie à une séduisante jeune

l'inverse, ce qui ne m 'occasionne en fait nulle difficulté

femme rencontrée dans le métro, ou tout au moins croit-il

d'importance. Comme au cinéma, je pars à la découverte

l'avoir fait. La narration s'échafaude alors sur les fan-

du monde onirique de ma création dans les limites d'un

tasmes que fait naître en lui celle qu'il se propose d'appeler.

cadre temporel bien déterminé ».

L'alternative entre appeler et l'être n'est en fait qu'une

Parvenu au dénouement, l'auteur se pose plusieurs

variation sur le thème central du recueil, à savoir la possi-

questions auxquelles il répond lui-même : « Que se serait-

bilité de voir ou d'être vu. Secrets et blessures constitutifs

il passé si j'avais effectivement remis l'apparëil? Peu

de l'expérience personnelle des parties en communication

importe 'C'est le rêve qui grisait, non la réalité ... » . Que le

demeurent réciproquement méconnus de celles-ci,

rêve constitue ou non une source d'émerveillement, il

puisqu'elles ne sont obnubilées que par l'image qu'elles

n'est guère qu 'une illusion s'il ne permet pas de briser la

donnent d'elles-mêmes à l'autre . Le doublage de

monotonie quotidienne. Oscillant constamment entre les

célébrités qu'assure le personnage féminin dans des

termes de ce dilemme, Radiomessages offre une synthèse

scènes d'amour filmées en est une manifestation criante.

des diverses perspectives d'évolution qui s'offrent à

Ainsi , tout lieu échappant aux cadrages de la caméra ne

l'auteur. 1.11

Printemps 2006 1 Ko reana 89


Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger

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POSCO is preserving the locomotive al Jangdhan Station (Modern Cultural Property No. 78) through the Cultural Hernage Admin~lratioris OCHOS program.

When we care for our past, it fills tomorrow with hope. At POSCO, we're preserving steel artifacts from Korea's past like the steam locomotive at Jangdhan Station in the DMZ through the One Cultural Heritage to One Supporter program.

as we stoke hope in our steel heritage !

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ore

ry

hen, his legend has been highly reg as the epitome of the pioneering spirit. Like King Gwang-Gae-to the Great, KNOC intends to be a pioneer in the field of energy exploration. Wherever there 's oil , we' ll be there! KNOC, which has made Korea an oil producing country through its natural gas venture in the East Sea, will enhance Korea's production capacity by exploring adjacent areas with high hydrocarbon potential. KNOC plans to produce 230 thousand barrels of oil overseas to meet 10% of Korea's demand by 2008.

We 'll make Korea the petroleum logistics hub in Northeast Asia! KNOC currently operates stockpile facilities that hold sufficient oil for 56 days' domestic consumption,and plans to stockpile 141 million barrels of oil by 2008, thereby making Korea a logistics hub for petroleum in Northeast Asia.

As a leading oil exploration and production company in Korea , KNOC strives to become the leading oil company in the world. KNOC's strong capital assets, cutting-edge technology, extensive overseas exploration networks, and accumulated experience in the field aims not only to sec ure the national oil supply, but also to be ranked as a world-leading state-run oil company .

•

Korea National Oil Corporation ~


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