Koreana Summer 2006 (French)

Page 1

Version francaise •

ARTS ET CULTURE DE CORÉE

Vo L. 7, N° 2 Été 2 0 0 6


v1amonoh AIRBAG truck


Produced by Viamonoh Company Copyright Š 2006 by viamonoh Ltcl. Ail rights reserved.


nvest Korea Plaza

Foreign Enterprise Business Incubation Center Our aim at IKP is to make your transtion to doing business in Korea as easy as possible by offering state of the art facilities and services you need to make your investment successful. Choose IKP. You'II be glad you did.


BEAUTÉS DE CORÉE

Le

<<

tteoksal

>>

e

2 I

, C

r

L

es motifs ornementaux qui agrémentent les <<

tteok », ces gâteaux de riz si familiers

aux Coréens et si caractéristiques de leur sens esthétique, sont réalisés au moyen du « tteoksal »,

couple de canards mandarins ou de· chauvessouris, qui symbolisent respectivement le bonheur conjugal et la chance, correspondant à une union matrimoniale. Symboles de longévité, carpes et

ustensile datant de la dynastie Goryeo [918-1392] dont

tortues ornaient les pâtisseries lors du soixantième

l'empreinte vient marquer la pâte comme celle d'un tam-

anniversaire des aïeux, tandis que les emblèmes religieux,

pon ou d'un sceau.

notamment du lotus et du « man » [~] apparaissaient à

Hormis la simple fonction culinaire, cet objet

l'occasion des fêtes bouddhiques.

possédait jadis une signification plus forte car dès le pre-

Fidèles au dicton selon lequel : « Une part de« tteok »

mier coup d'œil, ses impressions en disaient long sur la

se doit de flatter agréablement la vue tout autant que le

vie familiale par leur valeur symbolique renvoyant à des

palais », les cuisinières exécutaient ces motifs avec

circonstances et événements divers.

patience et minutie, pour les investir d'un sens particulier,

Au centième jour suivant la naissance d'un enfant, convenait un décor de poissons ou bananiers, celui d'un

au moyen du « tteoksal », signe de raffinement, parmi tant d'autres, de l'art culinaire traditionnel coréen. t.t


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol. 7, N' 2 Été 2006

Mers coréennes 8

Océan et hommes en Corée 1

12

Présence maritime coréenne 1

20

Na Gyung-soo

Youn Myung-chul

Des profondeurs océaniques débordant de vie 1

Kim Woong-seo

Koreana sur Internet http,//www.ko rea na.or.kr © Fondation de Corée 2006 Tous droits réservés. Toute reproduction

26

Prospection énergétique des fonds marins 1

28

de la Fondation de Corée . est illicite

Kim Hyun-tae

Mer aux ressources innombrables 1

intégrale , ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement

Nam Sung-suk

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de

Corée. Koreana , revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme (Au torisation n° Ba-1033 du 8 août 1987). est aussi publiée en chinois, anglais, espagnol.

arabe, russe, japonais et allemand .


36

DOSSIER L'héritage du vidéaste Paik Nam Jun e

Pour une technologie utile à l'art 40

I LeeYongwoo

ENTRETIEN Le « samu lnori » de Kim Du k Soo

Un représentant de la Corée à l'étranger

I Hyun Kyung-chae Converture : Un village de pêcheurs de

46

ARTISAN Min Hon g-gyu

la province mérid ionale de Jeollanam-do,

Gardien des traditions sigillaires

culture coréennes s'imprègnent depuis toujours de l'influence des mers exubérantes

non loin de l'île de Dolsando. La vie et la

I ChoiTae-won

qui baignent la péninsu le. Tout aussi invincible

que périlleux pour l'Homme. ce t élémen t lu i

52

Symbole d'illumination 56

issues notamment de ses gisements

de gaz naturel.

I ShinYong-chul

Photographie : Time Space

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Le Festival international de Daegu 62

fait aussi présent d"abondantes ressources

CHEFS-D'ŒUVRE Sasaja Samcheung Seoktap

I Kim Moon-hwan Publication trimestrielle de la

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE

Fon dati on de Co r ée

Ingénieux mécanismes antivol de la serrurerie traditionnelle

1376- 1 Seocho 2-dong. Seocho-gu. Séou l 137-863 Corée du Sud www.kf.or.kr

Cheng Tong-chan ÉDITEUR Kwan ln Hyuk DIRECTEU R DE LA RÉDACTION

68

Kim Hyeh-won

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Lee Chang-ho

Lee Chang-ho ou le génie du « baduk »

1

REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Chai Seang -su DESIGNER Ha Dang-hyun RÉDACTEU R EN CHEF ADJOINT

ParkChi-moon

Park Ok-soon. Lee Ui -oak

72

COMITÉ DE RÉDACTI ON Chai Jaan-sik

ESCAPADE Pocheon

Han Kyung-koo. Han Myung-hee ,

Au cœur de la forêt coréenne

I

Kim Hwa -young. Kim Moon-hwan.

YiGyeom

Kim Young-na. Rhee Jin-bae

ABONNEMENTS

78

Prix d'abonnemen t annuel: Corée 18 000 won s

CUISI NE L'« imjasutang »

Asie (par avion] 33 USD. autres" régions

Un plat d'été au poulet et sésame blanc

(par avion) 37 USD Prix du numéro en

I ChunHui-jung

Corée 4 500 wons Abonnement et co r respondance :

82

REGARD EXTÉ RIEUR

Fondation de Corée

MO n « ta egeUkg i »

Séoul 137-863 Corée du Sud

1376- 1 Seocho 2-dong, Seocho-gu.

1 Anne-Marine Mauviel

Tél, 82-2-3463-5684 Fax, 82-2-3463-6086 PUBLI CITÉ

84

VIE QUOTIDIENNE

AD-Front

Succès de la télévision mobile en Corée

Seocho-g u, Séoul. Corée du Sud

1588-8 Seacha-dang,

I

Park Keon-hyung

Tél, 82-2-588-6016 Fax , 82-2-2057-0509 CO NCEPTION ET MISE EN PAGE

89

Kim's Communication Associates

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉE NNE

504 - 5 Munbal-ri. Gyoha - eup ,

Yun Dae-nyeong Une odyssée des sens au plus profond de l'existence

Paju, Gyeonggi-do , Corée du Sud

Tel, 82-31-955-7421 Fax, 82-31-955-7415 www.gegd.co.k r

I Chung Hye-kyung

IMPRIMÉ EN ÉTÉ 2006 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34. Seongsu-dong 2-ga,

Les progrès dU j OU r

I

Seongdong-gu. Séoul. Corée du Sud

Traduction: Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas

Tél, 82-2-468-0361/5 Fax, 82-2-461-6798




8 Koreana I Été 2006


Océan et hommes en Corée Thème central d ' innombrables récits mythologiques, source d'inspiration de nombreuses œu vres d ' art, l' océan se situe aussi à l'origine de toute créature et son omniprésence dans l'histoire hmnaine de Corée remonte aux temps les plus anciens. Na Gyung-soo Professeur de pédagogie co réenne à l'Université nationale de Chonnam


A'

la pointe du littoral le plus méridional de l'ouest coréen, l'île de

unissent un peuple à son océan transparaît la figure

Gageodo, aussi dénommée Soheuksando, étend son magni-

prépondérante du Roi des dragons dans la pensée et la culture

fique paysage de falaises spectaculaires se mariant remarquablement avec la mer dont le bleu sombre vire presque au noir.

traditionnelles coréennes. Si cette divinité fut longtemps considérée créatrice de vie

Si sa beauté a de quoi fasciner ceux qui la découvrent, elle ne

dans les communes rurales vouées à l'agriculture et à la pêche,

saurait faire oublier l'âpre combat livré à la mer par des générations

elle s'est aussi manifestée, dans d'autres cultures et à

d'habitants qui en tirent leur subsistance, comme en témoigne le

différentes époques de l'histoire nationale, sous une multitude

« Toi, tu mourras, moi, je vivrai » d'une chanson traditionnelle

de formes dans lesquelles était vénérée la dimension symbolique

qu'entonnent les pêcheurs lorsqu'ils ramènent leurs filets et qui

d'une société idéale ou d'une vertu particulière.

résume bien l'incessante lutte pour la vie opposant l'homme au pois-

Dans le domaine littéraire, la principale expression en est un conte populaire intitulé Histoire de Sim Cheong, une jeune

son . L'issue de cette bataille ne semble jamais favorable au premier

fille vertueuse qui, en échange de trois cents sacs de riz

bien qu'il appelle de ses vœux une généreuse pêche, comme le ferait

présentés en offrande à Bouddha afin que son père recouvre la

un paysan tout en travaillant la terre en vue d'une bonne récolte.

vue, se livre à l 'équipage d'un bateau de commerce et sera

L'océan où il accomplit son labeur recèle maints périls car le Roi des

sacrifiée par les marins qui la précipitent dans les eaux de la

dragons qui règne sur les vagues et tempêtes peut emporter sa vie

Mer lndangsu pour se sauver. Des nombreux textes répertoriés

en sacrifice pour soulager l'âme des poissons qu'il capture.

de longue date en Corée sur le thème du sacrifice virginal au Roi des dragons, le plus remarquable est incontestablement cette

Auguste Roi des dragons

dernière légende où la déité n'incarne pas la concupiscence,

Du plus profond des mers, siège de son palais, le souverain

mais la compassion face à un acte ultime de piété filiale car elle

étend sa puissance sur tout l'océan. En atteste l'important legs

arrache la jeune fille à l'abysse en la déposant dans une fleur de

rituel et mythologique transmis par les travailleurs de l'océan

lotus qui la ramène saine et sauve à la surface. Selon un vieil

car les peuples côtiers, croyant en la toute-puissance du Roi des

adage, « La véritable dévotion peut apitoyer jusqu 'aux cieux», et

dragons sur leurs ressources comme sur leur vie, lui vouaient

dans le cas présent c'est le Roi des dragons qu'attendrit le

un culte fervent pour apaiser sa fureur. Au foyer, à bord de leurs

généreux amour de Sim Cheong pour son père, ce sentiment et

embarcations ou dans les temples, les pêcheurs lui font encore

l'action salvatrice qui s'ensuit l'élevant au statut de divinité

allégeance par des prières en vue de leur salut et de l 'abon-

céleste.

dance des prises, mais aussi au moyen de complexes et onéreux rituels qu'accomplissent régulièrement des prêtres shamans. Le Roi des dragons représente en Corée un dieu archétype

Entre mer et terre Sujet prédominant de nombreux récits mythologiques tels

du sentiment de l'océan et à ce titre, il importe d'en appréhender

que celui de Sim Cheong, le Roi des dragons, s'il met ainsi en

la signification pour aborder convenablement les différents

exergue la vertu première de la dévotion filiale considérée

aspects du psychisme collectif. À travers les liens puissants qui

comme telle depuis fort longtemps en Corée, ne_se réduit pas


toujours à cet idéa l mora l. Sous le règne de Seongdeok, roi de la dynastie Si lla [r. 707 -737). il aurait convoité et enlevé en son

Une ouverture sur l 'inconnu Sur cette immensité s'étendant entre les mondes connu et

pala is Sure, la plus be lle femme de Corée et l'épouse du

inconnu, les dieux de la mytholog ie ancienne naviguèrent jusqu'à

se igneur Sunjeong pou r céder quelque temps plus tard aux

la Corée, porteurs de nouve lles influences cu lturelles, à l'instar

menaces popula ires en la répud iant. Nés du très humain et

de Talhae [r. 57-80) qu i accéda au trône de Silla et inaugura l'Âge

éternel désir de posséder une sédu isante femme, ces fa its sous-

de fer, Heo Hwang-ok venue d'Inde pour épouser le roi Sure,

tendent avant tout l'accession de la beauté à une dimens ion

père de Gaya (r. 42-199). et qui répand it l e bouddhisme, ou

légendaire.

encore ces trois déesses femmes des trois pères de Tamna,

Dans les nombreux mythes fondateurs coréens, figuraient aux côtés des monarques bâtisseurs d'États, qu i pour la plupart

l 'actuelle île de Jejudo, où elles apportèrent des graines pour cultiver la terre.

descendaient de divin ités célestes, les enfants de Rois des dragons d ' égale grandeur par leur ascendance et leurs accomp lissements terrestres, à l 'instar de Gyeon Hwon [867-936). père du bas royaume de Baekje [892 -937). ainsi que l 'aïeule de Wang Geon [r. 918-943). prem ier souverain

Vecteur principa l de l'i ntroduction de

Archétype de déité expt·imant la vision co1·éenne de la met·, le Roi des dragons founlÎt une intéressante perspective sur le psychisme collectif et il impotte donc d'en comprendre le sens .

de la dynastie Goryeo. Il convient de noter

l'agriculture, de l'industrie du fer et de la re ligion, l'océan participe ainsi à divers titres de l'évolution historico-cu lturelle de la Corée en contribuant à l'essor des échanges avec le monde extérieur, ma is aussi en fourn issant une voie d'accès aux

pays

envahisseurs.

que l'ensemble mythologique faisant appel à de tels personnages

Lorsque Munmu, roi de la dynastie Silla (r. 661-

a pour orig ine le sud-ouest de la péninsu le coréenne, un lien

681 l ordonna en rendant son dernier souffle que sa dépouille

s 'expliquant selon toute vra isemblance par l'important

reposât au fond de l'eau, c'est un souhait de ré incarnation en

commerce maritime que pratiquait cette contrée avec la Chine et

dragon qu'il expr ima it en fa it, dans l 'espo ir de repousser

l'Asie du Sud -Est depuis les temps préhistoriques.

d'éventuelles tentatives d'invasion par la mer, un ardent désir de

Les archéologues ont par ailleurs constaté qu'il y avait

défendre la nation fondé sur la croyance collective d'alors selon

corrélation entre la prédom inance de ces mythes et la diversité

laquelle l'anima l mytholog ique éta it le protecteur des hommes.

des styles d'art funéraire dans cette région, car contrairement

Quant à Cheoyong, fils cadet du Roi des dragons qu i se porta au

aux autres formes d'expression culturelle, ce dern ier évolue peu

secours du monarque Heongang [r. 875-886). toujours à l'époque

en l'absence de nouveaux apports ethniques. Les nets change-

Silla, il accomplit, en chassant les mauvais esprits, une mission

ments qui s'y sont opérés, parallèlement à l'apparition de toute

de défense sacrée à l'égard du peuple et de la nation. L'océan

une mytholog ie relative à l'océan, confirment ainsi l' hypothèse de

alla it ainsi prés ider aux destinées du pays et à son évolut ion

mouvements de population dans cette zone et le fait que Jang

socio-culturelle, de même qu'il lui avait apporté la manne de ses

Bo-go [?-846). personnage historique surnommé le « dieu de la

ressources naturelles. 1..1

mer », en soit originaire ne doit rien au hasard.

1 2 3 4

Scène du rite dit Jeju Yeongde ung, par lequel est accueilli le Roi des dragons, une divinité emblématique du sentiment coréen de la mer. Chorégraphie adaptée du conte populaire Histoire de Sim Cheong et inte rprétée par la Compagnie Universal Ballet. Près d'Ulsan, ce festiva l célèb re la mémoire de Cheoyong, fils du Roi des dragons. Les habita nts de l'île de Wido hâlent une barque ritu elle en paille jusq u'à la mer où elle dérivera pour é loign er la malchance.


Présence maritime coréenne Véritable réseau unissant peuples et territoires, l'océan favorise aussi le brassage culturel avec de lointaines civilisations. Youn Myung-chul Professeur d'histoire à L'Université Dongguk Ahn Hong-beom Photographe Photographie en coopération avec Le Musée maritime national


Été 2006 1 Koreana

13


E

n règle générale, les Coréens envisagent leur histoire au

cours d'eau, pour prat iquer avec le Japon et la Ch ine le com -

sein de l'Asie de l'Est d'un point de vue terrestre alors que

merce de produ its tels que le fer.

la rég ion d'Extrême-Orient est baignée sur leur littoral, ainsi que

Les ressortissants péninsulaires arrivés en vagues succes-

ceu x de la Ch ine et de l'archipel japona is, par la vaste Mer de

sives dans ce premier pays par les routes maritimes reliant les

l'Est, l'étroite Mer du Sud , la Mer Jaune, fe rmée, et la Mer de

côtes sud-est à celles, septentriona le, de Kyushu et, méridionale,

Chine Orienta le formant un ensemble qua lifié de « Méd iterranée

de Honshu, se trouvent en grande partie à l'orig ine de la civilisa-

asiatique ». Du fa it de la situation centrale qu 'occupent dans ces

tion Yayoi qui fut florissante entre les tro isièmes siècles avant et

eaux la Corée et une partie de la Mandc hourie marquée par la

après J.-C .

présence historique de cel le-ci, les activités marit imes ont naturellement pris un grand essor autour de la péninsule.

Qui tient la mer, tient le monde

Des origines océaniques

fleuves jouxtant la Mandchourie, le Royaume de Goguryeo (37 av.

Voué dès son avèn ement à la navigation sur les grands Ni trop larges, ni trop exiguës, les mers bordées par les

J .- C.-668) va étendre son territoire au bass in du fleuve

côtes coréennes vo nt s'avérer propices au x échanges dès la

Amnokgang, à part ir duquel il acquerra une présence en Mer

préhistoire, les villes méridionales de Busan et Ulsan s·y livrant

Jaune en 233, et tisser des liens avec l'Etat des Wu (222-280)

avec diverses rég ions, notamment l'île japona ise de Tsushima,

dans le bassi n du fleuve Yangtze par l'envoi d'ém issa ires ma is

depuis environ sept mille ans. En témoignent les artéfacts mari-

aussi le commerce, notamment des chevaux. Sous le règne de

t imes découverts le long du littora l septentrional de la Mer de

Gwanggaeto (r. 391 - 413). il se lance à l'assaut de la baie de

l'Est, à l'estuaire du fle uve Amnokgang en Mer Jaune et sur la

Gyeonggiman par voie terrestre et marit ime, puis exerce sa

pén insule de Liaodo ng, ai nsi que les alignements de dolmens

dom ination , à l'époque du roi Jangsu (413-491). sur tout le nord

érigés par les prem iers colons sur les côtes de la Mer Jaune.

des Mers Jaune et de l'Est, à partir desquelles s'établiront des

Éba uche de nation coréenne , la Joseon Antique (2333-108 av. J.-C.) établit sa capita le à proximité du littora l nord de la Mer

relations diplomatiques et commerciales avec les dynasties ch inoises du nord et du sud .

Jau ne, d'où elle pratiquera un commerce dynam ique jusqu'à la

S'adonnant dès les débuts à sa vocat ion maritime, le

péninsule de Liaodong, la ba ie de Seohanman et l'embouchure

Royaume Baekje (18 av. J.-C .-660) verra son fondateur Onjo (r. 18

du fleuve Daedongga ng. Poursuivant son expansion économ ique

av. J.-C.-28) prendre pour capita le, antérieurement à Wiryeseong ,

vers l'est, la dynastie ch ino ise des Han (206 av. J.-C. -220) multi-

le port fluv ial méridiona l de Hanam et à l' aube du quatrième

plie à cette époque les incursions, que repousse tout aussitôt un

siècle, il mè nera contre les territo ires s· étendant au sud de

royaume de Wima n Joseon en plein essor, et s'ensuit alors un

Goguryeci une offensive qui lui ouvrira une voie maritime jusqu 'à

long affrontement terrestre et maritime entre Han et Joseon en

la Ch ine. Enf in, différe ntes îles situé es au sud de la Mer de

vue de conquérir cette zone maritime.

l'Ouest lui serviront de tremplin dans son ava nce vers l'archipel

À la po inte mé rid ionale de la péninsu le s'étendaient de

japona is. Si la conquête de la baie de Gyeonggiman par Goguryeo

petits états, dits des Trois Hans, dont les popu lations, selon des

mit un coup d'arrêt à cette expansion maritime, Baekje recouvra

découvertes archéo log iques et documents chinois te ls que le

par la su ite son hégémon ie en Mer du Sud et dans la pa rt ie

Rapport sur les Trois Royaumes ou Le livre du Bas Han, déve loppèrent bea ucoup le commerce marit ime et

méridiona le de la Mer·Jaune. D'i ntenses échanges avec les dynasties chi noises du sud permettr~nt à sa civilisa-

créèrent des cités - États stratégiquement situées

tion d'atteind re son âge d'or, tand is que sa présence

sur leurs côtes, en particu lier à l'embouchure des

au Japon jouera un rôle décisif dans l'apparition des

1

14 Koreana I Été 2006



États anciens de ce pays et dans l'introduction du bouddhisme.

ayant pour carrefour la ville de Dengzhou située sur la péninsule

Premier à se doter d'une base avancée sur l'archipel japo-

de Shandong. Produits textiles de haute qualité, or et argent

nais, le royaume de Gaya [42-562) se consacra également à des

s'exportèrent alors, tandis que tortues de mer, bois de Santal

activités maritimes de sa fondation à son effondrement, notam-

rouge, queues de paon et gemmes en provenance d'Asie du Sud-

ment par une politique très audacieuse à l'égard du Japon et de

Est étaient introduits par les Chinois. La dynastie Silla allait aussi

son peuple, comme en attestent les nombreux vestiges de sa

dominer le commerce avec le Japon en servant d'intermédiaire

présence dans ce pays, ainsi que des éléments de type

pour l'importation de denrées venues d'Asie du Sud-Est, de

mythologique.

Chine et d'Arabie.

Au royaume de Silla [57 av. J.-C. à 935). un certain isole-

Dans l'empire des Tang, où elle installa des comptoirs sur

ment géographique à l'extrémité sud-est de la péninsule, con-

les côtes et les rives du Grand Canal, notamment à Shandong,

jugué à des vents violents, des courants dangereux et l'absence

Jiangsu et Zhejiang, ses ressortissants vivaient principalement

de port naturel, fit obstacle à l'expans ion maritime, mais le

du commerce tout en accomplissant des fonctions diplomatiques

peuple de Silla n'en fut pas moins au contact de figures

qui allaient assurer au royaume sa domination maritime dans la

mythologiques japonaises telles que Susanoo et Cheonilchang,

région . Dûment mandaté par celui-ci, l'un de ses sujets nommé

comme en témoigne par exemple la découverte des reliques de

Jang Bo-go [?-846) y établit ainsi la base navale et le port de

ce dernier dans la région d'lzumo située au centre de l'île de

commerce de Cheonghaejin qui permirent d'acquérir la maîtrise

Honshu, sur l'autre rive des eaux territoriales de Silla. Au milieu

des principaux couloirs de navigation, ainsi que de coordonner

du sixième siècle, le royaume allait en outre tirer parti de sa

les activités marchandes en mer et au sol. Par ailleurs, il entre-

présence dans le bassin du fleuve Hangang et la baie de

prit systématiquement de relier nombre de citadelles à cette

Gyeonggiman pour s'avancer jusqu'à la Chine, faisant par la suite

agglomération, sans cesser d'exercer son autorité dans cette

usage des routes maritimes pour engager des négociations

zone, mais aussi au Japon et en Chine continentale, sur la popu-

diplomatiques secrètes afin de sceller son alliance avec les Tang

lation originaire de Silla afin d'asseoir la puissance royale de ce

contre Baekje et Goguryeo.

côté-ci de la « Méditerranée asiatique ».

C'est ce jeu d'influences territoriales et maritimes qui per-

Peu après sa naissance, le royaume de Balhae attaque par

met de comprendre le mieux l'état des relations internationales

mer, puis assiège avec succès la ville de Dengzhou, à partir de

en Asie orientale à l'époque des Trois Royaumes [1 " siècle av. J.-

laquelle il se livrera jusqu'à sa chute à un important commerce

C.-VI I' siècle). L'intrusion maritime de la Corée au Japon, où

avec les Tang, ses héritiers engageant quant à eux des échanges

celle-ci exerça son influence à l'aube de la formation nationale,

avec plusieurs dynasties, dont celle des Song, pour le compte de

permit le développement de liens diplomatiques entre ces deux

l'État enclavé des Liao, et s'avançant pour ce faire jusqu'au sud

pays, de même que Phéniciens et Grecs avaient tissé en leur

du bassin du Yangtze . Les souverains dépêcheront au Japon

temps des liens avec de lointains peuples au gré de leurs voyages

trente-trois émissaires accrédités auxquels succéderont au

de part et d'autre de la Méditerranée orienta le.

Jang Bo-go et Cheonghaejin " À l'aube du royaume de Silla Unifié [668-935). s'amorcèrent avec la Chine des Tang de dynamiques activités commerciales

neuvième siècle des délégations comptant

Souvent considérés quantité négligeable au cours de l'histoire, les moyens maritimes représentent pourtant ru1 important inclicateur de la puissance des clifférentes nations car l'évaluation de leurs sphères d 'influence respectives à une époque donnée exige une bonne compréhension des forces en présence sur terre et sur me1·.

jusqu 'à une cenraine d'envoyés, la flotte civile ayant même transporté mille cent passagers jusqu'à ce pays. La situation géopolitique du royaume de Balhae _exigeant qu'il soit au fait des moindres intentions de celui de Silla, il s'efforça de cultiver ses relations

Jang Bo-go fut surn ommé le« Dieu de la mer » pou r avoi r établi des liaison s maritimes entre la Chine et le Japon depuis sa ville natale de Cheon ghaejin. Reconstitution de bateaux d'époqu e utili sés lors du tournage du feuilleton télévisé historique intitulé« Dieu de la mer » sur l"île de Wa ndo, anciennement Cheonghaejin Ici-contre à droite!. Portra it de Jang Bo-go Ici-contre à l" extrême droite! 16 Koreana I Été 2006


Routes maritimes du temps de Jang Bo-go

CHINE

Flotte de Jang Bo-go sillonnant les mers. -

Route centrale de Mer Jaune reliant Ch eonghaejin à Shidao et empruntée par le bonze japonais Yennin.

-

Route centrale de Mer Jaune entre Cheonghaejin et Yanyun.

-

Route de Mer de Chine orientale ralliant Zhou shanqundao en biais à partir de Cheonghaejin, ainsi que Dazaifu depuis l'île de Jejudo.

-

Route de Mer de Chine orientale au parcours en diagonale joignant Zhous hanqundao à Dazaifu et qu ·empruntèrent les sujets originaires du royaume de Silla à l'époque des Tang.

Été 2006 1Ko reana

17


avec son voisin japonais en recourant à la diplomatie par voie

entreprit à son tour sa conqu ête, le premier fit montre hardiment

maritime, mais lorsque la contrepartie s' en avéra peu avan-

de ses moyens navals en le chassant et en occupant l'île de

tageuse pour l'archipel, ce dernier imposa des restrictions quant

Tsushima .

au nombre et à l'ampleur de ces missions.

Le déclin de la puissance maritime coréenne marquera en revanche la dynastie Joseon [1392-1 91Dl. dont les monarques

Routes maritimes et terrestres Fondateur du royaume de Goryeo [918-1392). l'amiral Wang

favoris èrent exclusivement les échanges avec la Chine par voie terrestre au détriment du trafic maritime qui finit par se tarir,

Geon [r. 918-943) est aussi renommé pour ses prouesses

l'État renonçant à toute activité navale, prohibant le commerce

navales. Pour contrecarrer les visées de l'État de Liao créé par le

extérieur privé, et le royaume allait en conséquence se voir

peuple des Khitan, les dynasties de Goryeo et Song allaient

réléguer au statut de nation périphérique vivant dans l'ombre de

entretenir d'incessantes rela t ions commerciales et diploma-

la Chine.

tiques, notamment dans ce dernier domaine où le nombre de

Entre 1592 et 1598, il allait néanmoins repousser plusieurs

navires qu 'elles envoyèrent à tour de rôle allait respectivement

offensives militaires japonaises d'envergure, tant sur terre que

atteindre cinquante-sept et trente en un peu plus de cent soi-

sur mer, grâce au x héroïques exploits du légendaire amiral Yi

xante ans, à raison de cent à trois cents plénipotentiaires par

Sun-sin [1545-1598) lequel, à bord de son célèbre bateau-tortue,

vaisseau . Une activité soutenu e se déroulait dans le secteur

remporta l'intégralité des vingt-trois batailles navales qui firent

marchand privé, le royaume commerçant quant à lui avec les

passer sa force indomptable à la postérité. Suite à ces conflits, la

villes que sont aujourd'hui Fujian, Guangdong et Zhejiang , ainsi

dynastie ne. fut plus en mesure de réitérer de telles prouesses et,

qu'avec des négociants arabes.

cédant à la supériorité japonaise sur mer, se vit dans l'obligation

En 1274, le royaume de Goryeo se munit, en l'espace de

d'ouvrir ses ports.

quatre mois et demi, d'une flotte de neuf cents bâtiments au x fins

À l'époque moderne, la puissance maritime constituera un

d'une expédition coréano-mongole au Japon et lorsque le second

facteur décisif de l'équilibre des forces en présence au sein de

Les objets découverts à bord du Bateau de Sinan » comportaient égale ment des denrées du commerce d'alors, notamment vingt mille pièces en provenance de Chine, de Corée et du Japon, comme ce vase vernissé gris d'époque Kamakura . 2 Vase fleuri à oreilles d'époque Yuan 3 Pièce en céladon de Goryeo datant probablement des XII' ou XIII' s iècles. «

©

Musée national de Corée

4 Aiguière pisciforme à glaçure céladon d'époque Yuan, servant à délayer l'encre de Chine. 5 Tablettes en bois sur lesquelles figurent le nom du propriétaire, la date de chargement et le poids de la cargaison, autant d'indications précieuses concernant les échanges commerciaux réalisés sous la dynastie Yuan . ©

18 Koreana I Été 2006

Musée national de Corée


l'Asie orientale. La fin de la Seconde Guerre mondiale verra se

commerciau x et culturels. Une telle infrastructure, ainsi que

fermer les routes maritimes qui en desservaient les différents

l'assurance d'accéder au x grands couloirs de navigation interna-

pays et privera la « Méditerrannée asiatique » de son rôle de

tionau x, lui permettent désormais de tirer de ses moyens mari-

médiation. Au fil du temps, cette évolution allait redessiner glo-

times de prodigieu x gains sur les plans économique, diploma-

balement la carte de la région . Aujourd'hui encore, la Corée

tique et culturel. t..11

possède un réseau de transport maritime la reliant à l'ensemble des régions et nations est-asiatiques aux fins de ses échanges

Le port de Susan, carrefour maritime de l'Asie du Nord-Est

Leader mondial en construction navale La Corée se place sans conteste au premier rang mondial du secteur des chantiers navals, comme le révèlent les dom1ées recueillies par le Cabinet Clarkson, spécialiste des études de marché sur cette activité et celles de la marine marchande, puisque sa production dépassait en 2005 celle de tous les autres pays, avec un rendement de 14,5 millions de tonnes brutes compensées, contre sept millions en Chine et 6,2

savoir H yundai Heavy Industries Co., Ltd, Samsung Heavy Industries Co. , Ltd, Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering Co. , Ltd, Hyundai Samho Heavy Industries Co. , Ltd , Hyundai Mipo Dockyard Co., Ltd, STX Shipbuilding Co. , Ltd et Hanjin Heavy Industries & Construction Co.,Ltd.

Ouvert an trafic le 19 janvier 2006, le nouveau port de Busan entend devenir la plaque tournante du transport maritime en Asie du Nord-Est. Pourvu d 'installations qui lui permettent d ' accueillir sinmltanément trois n avires de cinquante mille tonnes et de manipuler neuf cent mille contenem·s par an , il ne compte pas moins de 172 équipements ultramodernes de type différent pour le traitement du fret, dont des grues assurant le chargement et déchargement de porte-conteneurs transportant jusqu' à douze mille unités . Si son aire de stockage d ' une largeur de 600 mètres est moins étendue que celle du port de Yangshan, à

Shanghai, son système

«

on-dock

»

hti permet de fournir tme gamme complète de prestations, opti.ntisant ainsi son rendement et ses coûts. Le Mitùstère des Affaires maritimes et de la pêche entend assurer la promotion du nouveau

port de Busan en mettant l'accent sur ses atouts géographiques naturels Cflll le prédisposent à devenir la plate-forme de distribution de l'Asie du Nord-Est. Par aillem·s, diver s proj ets visant à mettre en œ uvre w1 sys tè1ne de distribution centré sur les opérations portuaires tout en intégrant la totalité des services

terrestres, ferroviaires, mariti.Jnes et aériens autoriseront la

construction cl \me véritable « route de la soie », qui en ce XXI· siècle, r éunira par le biais de liaisons transsibériennes et transclùnoises les différents pays situés en bordure du Pacificflle et au-delà.

au Japon. Elle représentait 37 ,8 % du ca rnet de commandes mondial de cette industrie, arrivant ainsi en première position. Elle a acquis près de 76 % des parts du marché mondial des navires gaziers destinés au transport de GNL (gaz naturel liquéfié), réaffirmant ainsi sa supériorité teclmologique en construction navale. En matière de capacités de production mondiales, quatre des cinq premiers constructeurs sont coréens, ainsi que sept des dix chantiers navals les plus vastes, à

Été 2006

1

Koreana 19



Des pro ondeurs océaniques débordant de vie La péninsule coréenne est baignée à l'ouest, au sud et à l'est par des mers riches d'une faune et d'une flore dont les multiples espèces trouvent un habitat adapté dans ces différents milieux aquatiques. Kim Woong-seo Directeur de la recherche au Département des ressources marines de l'Institut coréen de recherche et développement océanographiques Lee Sun-myeong Photographe




0

rigine de toute vie sur Terre, la mer s·y est formée lorsque

Unis, de la Mer du Nord et du delta de l'Amazone. Favorisant la

celle-ci n· était encore qu'un désert totalement inhabité

prolifération des organismes marins, ces zones aux plaines allu-

qu'elle transforma peu à peu, tel un ventre nourricier, en une

viales fourmillant de vie font le ravissement des amateurs de

planète aux innombrables espèces végétales et animales. En

palourdes et autres coquillages, alors que poulpe, ombrine,

Corée, les hommes entretiennent un rapport particulier à cet

espadon , anchois et crabe bleu prospèrent dans les fonds

élément qui entoure la quasi-totalité de leur territoire et les dote

marins.

d'un extraordinaire environnement naturel dont ils lui sont rede-

S'enfonçant plus ou moins profondément selon les endroits,

vables pour les abondandes ressources alimentaires qu'ils y

mais en aucun cas au-delà de deux cents mètres, la Mer du Sud

prélèvent depuis les temps anciens. En témoignent les amon-

est loin d'atteindre les abysses de l'est. Ici, un littoral accidenté et

cellements de coquillages du littoral, ainsi que les gravures

une myriade d'îlots essaimés au large ont engendré un fantastique paysage sous-marin. Les marécages y

pariétales découvertes sur les rochers de

Peu profonde à l'ouest, la mer investit le littoral de vastes marécages, tandis qu'au large des côtes méridionales, ses eaux tièdes regorgent de poissons tropicaux et organismes en tous genres, les grands fonds de l'e.s t offrant parfois tm chemin migratoire aux baleines.

Bangudae , dans la commune de Daegok-ri située à proximité d'Ulsan, qui représentent des baleines et autres animaux marins indicateurs d'une importante pêche.

Marécages à l'ouest, abondance au sud Au sud, à l'est et à l'ouest, s'avance dans la mer la péninsule coréenne. Sur la façade occidentale, les eaux s'étendant jusqu'à la Chine, d'une profondeur moyenne

alternent avec des plages de sable et des falaises, offrant une diversité d'habitats propices à la vie. Sous l'influence des masses chaudes du courant du Kuroshio, des eaux à forte salinité y créent le milieu de prédilection de ces poissons multicolores propres aux zones tropicales ou subtropicales, ainsi que des maquereaux, maquereaux espagnols, chinchards, sérioles du Pacifique, anchois et toute une variété

d'espèces marines adaptées à un tel climat. Pure et limpide,

de quarante mètres, reçoivent des grands fleuves chinois et coréens des b·oues alluviales à forte teneur en sable jaune, dont

l'eau y favorise aussi l'ostréiculture, de même que la récolte

se colorent les eaux, à l'instar de la mer ainsi nommée.

d'ascidies et de laitues de mer.

Caractérisées sur cette partie du littoral par de fortes variations

C'est à Jejudo, principale île coréenne au littoral long

d'amplitude, les marées y ont créé de vastes étendues

d'environ 254 kilomètres, que cette beauté atteint son apogée.

marécageuses et leurs bassins figurent parmi les cinq plus

Célèbre pour son relief rocheux, elle s'entoure d'eaux foisonnant

amples du monde, aux côtés de ceux de l'est canadien, des États-

d'épaisses algues et ses fonds recèlent oursins, holothuries,

Principaux traités coréens d'ichtyologie

à observer la mer pour laquelle ils

dans un nom; d'aucuns affirment

aux données biologiques du livre.

se prirent d'une véritable passion

que la syllabe doit se prononcer

Le terine

qui leur fit consigner leurs

«

hyeon

»,

c'est-à-dire noir, le titre

«

uhae

»

constitutif du

titre est l 'tm des anciens noms de la

importantes découvertes dans ce

devenant alors Hyeonsaneobo.

ville de Jinbae. Malgré l'âge deux

qui allait devenir des ouvrages de

Le second traité, Uhaeieobo, décrit

fois centenaire de ces ouvrages,

Dans le domaine ichtyologique,

référence.

avec force détails les formes et

les descriptions en sont d 'mie telle

font surtout autorité en Corée les

Les eaux baignant le littoral sud des

caractéristiqnes de soixante-dix

vérité que les espèces sous-marines

ouvrages intittùés Jasaneobo

provinces de J eollanam-do et

espèces de poissons, coquillages et

semblent prendre vie sous les yeux

(Poissons des eaux de ]asando) de Jeong Yak-jeon (1760-1816) et Uhaeieobo (Poissons de la baie de ]inhae) de Kim Ryeo (1766-1821), ce dernier ayant été publié en 1803,

Gyeongsangnam-do abritent de

crabes, les entrées correspondantes

du lecteur.

nombreuses espèces sous-marines

s'accompagnant d'm1 poème

qui font sa renouunée et dont J eong

ajoutant tme dimension littéraire

soit onze ans avant le premier qui

Yak-jeon identifia certaines à Heuksando, mais sous diliérentes appellations et il entreprit alors de

est aujourd'hui le plus connu. Ils

rédiger un livre afin d'éclaircir ces

ont pour auteurs des savants qui

a1uhiguïtés, comme il l'expliqne

vécurent tous deux en exil,

dans la préface de celui-ci.

respectivement sur l'île de

Répertoriant qnelqne deux cents

Heuksando située dans la province

variétés de poissons, coquillages et

de J eollanam-do et à Jinhae, dans

algues, cet ouvrages 'intitule

celle de Gyeongsangnam-do. Dans

]asaneobo, composé de Jasan,

un désœuvrement complet, ils

l'autre toponyme de Heuksan, et le

passaient le plus clair de leur temps

vocable

24 Koreana I Été 2006

«

ja

»,

signifiant

«

noir

»

L' Uhaeieobo [Bibliothèque centrale de l'Université Yonsei)


Banc de rorquals communs évoluant en Mer de l'Est, où sont représentées plusieurs espèces de baleines.

anémones de mer, crabes et crevettes. Au large de la ville de

cachalot, l'épaulard, ainsi que les dauphins de Risso et à flancs

Seogwipo, les splendeurs sous-marines de l 'île de Munseom

blancs du Pacifique. Si certains de ces mammifères s'y éta ient un

attirent nombre de plongeurs qui y découvrent le spectacle tout

temps fait rares, ils sont en recrudescence depuis que s'applique

aussi sublime qu'indescreptible des bancs de corail parcourus de

plus rigoureusement l'interdiction de la chasse à la baleine

poissons rouge et bleu vif.

décrétée en 1985 et des dauphins apparaissent parfois dans le sillage des bateaux, semblant les escorter.

L'écrin de Dôkdo

Comme enchâssés dans ces eaux à l'extrémité orientale du

C'est en Mer de l ' Est que s'étendent, par quatre mille

territoire, se dressent, respectivement à l'est et à l'ouest, les îlots

mètres de profondeur, de grands gouffres marins où le brassage

de Dokdo et Seodo aux alentours parsemés de rochers. Leur

des courants chauds et froids garantit une pêche miraculeuse. À

paysage de grottes sculptées par l'incessant ressac y a composé

l'automne, lorsque ces derniers, en provenance de Corée du

d'étonnants tableaux sous-marins et leur faune mari ni:;, relative -

Nord, affleurent à la surface, des poissons d'eau froide comme le

ment bien préservée de la présence humaine, compte plus de

lieu jaune et la morue du Pacifique viennent y frayer en grand

cent espèces de poissons, dont le sébaste à longue mâchoire, la

nombre. Ils favorisent aussi la croissance d'algues telles que

scorpène, la girène à tête gonflée et la brème bordelière, ainsi

fougère des mers et varech, qui s·y trouvent à profusion. Quand

que les nombreux ormeaux et holothuries qui font la renommée

vient l'été, calmar, maquereau y sont à leur tour apportés par les

des lieux. Située à 37° 14' de latitude nord, mais exposée au x

courants chauds circulant depuis la façade est.

courants chauds issus de l'île de Tsushima, Dokdo bénéficie d'un

La Mer de l'Est est sillonnée par différentes espèces de

milieu marin de type subtropical qui favorise la prolifération

baleines, dont certaines sont prélevées, et qui comprennent la

d'espèces telles que le poisson néon évoluant en zone tropicale

baleine bleue, les rorquals commun et boréal, ains i que la

ou subtropicale, par exemp le aux abords de l'île de Jejudo, et

baleine de Bryde, le petit rorqual, les baleines à bosse et grise, le

remontant vers le nord en été. t,;t

Été 2006 1 Koreana

25


Prospection énergétique des fonds marins L'action engagée par la Corée en vue de l'exploitation de ses ressources énergétiques sous-marines allait porter ses fruits dès 2004 en lui permettant de se classer au quatre-vingt-quinzième rang mondial par sa production de gaz naturel extrait du gisement de Donghae-1, dans la Mer de l'Est. Kim Hyun-tae Directeur du Centre d'information et de recherche sur les ressources pétrolières affilié à l'Institut coréen des sciences de la Terre et des ressources minérales Photographie: Société nationale des pétroles de Corée

D

otée d'une forte compétitivité, la Corée a rejoint le groupe

la Korea National Oil Company (KNOC, société nationale des

des dix nations les plus industrialisées en cinquante ans à

pétroles de Corée). respectivement en 1978 et 1979. Par ailleurs,

peine, mais dans le domaine énergétique, elle demeure

la Corée va procéder, en collaboration avec le Japon, à une

dépendante de l'extérieur pour 50 % de son approvisionnement

évaluation des ressources situées à l'intérieur d'une zone

pétrolier malgré d'importants efforts entrepris pour chercher

d'exploitation commune longeant le plateau continental, et en

des sources de substitution. Sur les huit cent millions de barils

1983, la KNOC verra son rôle se renforcer dans l'exploration

par an auxquels s'élèvent en moyenne les besoins du secteur

pétrolière nationale en mer.

industriel, seuls quatre pour cent sont issus d'une production

Dans un premier temps, les recherches et forages sont

faisant appel à des technologies et capitaux coréens, le pays

réalisés par des compagnies étrangères avec la participation de

devant en conséquence importer les quatre-vingt-seize pour cent

techniciens coréens se formant à la technique, mais la création

restants auprès de divers pays fournisseurs. Sachant que le prix

en 1989 d'une équipe d'étude spécialisée au sein de l'Institut

de cette matière première représente le double des coûts de production, l'actuelle flambée des cours risque, si elle se pour-

coréen des sciences de la Terre et des ressources minérales (KIGAMl suscitera des initiatives au plan strictement national. En

suit, de trop lourdement grever les finances du pays.

1996, les chercheurs de cet organisme mettent notamment au

Le développement d' une industrie pétrolière sur le sol

point un navire d'exploration géophysique de deux mille tonnes

national ou à l'étranger permettrait en partie d'y faire face moyennant de lui consacrer des moyens considérables sur les

au moyen duquel la Corée va rapidement accroître la portée de ses prospections et acquérir le savoir-faire correspondant.

plans technologique et économique. Contrairement à nombre de

Par ailleurs, c'est grâce aux enseignements qu'a tirés la

pays où l'exploitation des gisements locaux a fourni un savoir-

KNOC de ses projets spécifiques, mais aussi de partenariats avec

faire technique mis à profit pour s'étendre hors des frontières, la

des compagnies étrangères pour l'exploration du plateau conti-

Corée se trouve pénalisée par une certaine pénurie de

nental, que le pays réalisera en 1997 différents développements

ressources pour l'acquisition de ces technologies et accuse de ce fait un retard important par rapport à ses autres industries. Ce handicap peut toutefois lui apporter la motivation nécessaire pour rehausser son potentiel technologique dans le domaine de l'é nergie.

technologiques relatifs à la géologie,

Les hydrates de gaz suscitent actuellement beaucoup d 'intér êt en raison de leur potentiel énergétique écophile, notamment en Corée où la recherche a permis de découvrir des gisements dans la Mer de l' Est et se pours1ùt en vue de leur exploitation cmmner ciale.

La production pétrolière coréenne Au début des années soi xante, les progrès de l'industrialisation conduisent le pays à s'intéresser de plus près à la prospection et à l'exploitation pétrolières en mer pour répondre aux besoins énergétiques constants de son économie. Il jettera les bases de cette recherche en 1970 en délimitant sur le plateau continental bordant ses côtes sept secteurs comportant les zones à explorer et dès 1972, une compagnie ét rangère entreprendra les premiers travau x dans les eaux territoriales coréennes. Les chocs pétroliers qui interviennent dans les années suivantes entraîneront l'intensification de cette politique, notamment par la création du Ministère de l'Energie et des Ressources et de 26

Koreana

I Été 2006

l'exploitation et la production pétrolières , ainsi que gazières . L'année suivante, les prospecteurs de cette société découvriront ainsi sous le bassin d' Ulleung qui s· étend dans la Mer de l'Est le plus important gisement gazifère coréen, puisqu'il renferme quelque cinq millions de tonnes de gaz naturel liquéfié, ce qui lui vaudra d 'être

nommé Donghae-1 en l'an 2000 . À partir d'octobre 2004, l'installation d'équipements de production permettra de fournir du gaz naturel et du brut super léger au moyen de technologies et capitaux exclusivement coréens. En matière technologique, le pays avait ainsi assuré son autonomie à tous les stades d'exploitation, c'est-à-dire de l'exploration à la production et à cet égard, le gisement Donghae1 fait figure d'exemple car, alors que plusieurs grandes compagnies étrangères avaient prospecté en vain le plateau continental au large du littoral, la Corée allait y découvrir, à l'aide de sa seule technologie, des champs gazifères aptes à une production rentable et classant le pays au quatre-vingt-quinzième rang


Le gisement de gaz naturel Donghae- 1 revêt une importance capitale pour la Corée ca r il atteste de sa capacité à exploiter de manière rentable les ressources de son plateau continental au moyen de technolog ies et capitaux exclusivement nationaux, là où nombre de compagnies étrangères avaient échoué.

mondial dans ce secteur.

Dans le cadre d'un programme national de recherche et développement technologiques à des fins commerciales,

Respect de l'environnement Constitués d"hydrate de gaz, les gisements du bassin d"Ul-

l'Organisation de recherche et d'exploitation d'hydrate de gaz mise sur pied en 2005 par les pouvoirs publics évalue actuelle-

leung allaient faire l"objet de toutes les attentions au vu de

ment l'état et le volume des ressources naturelles disponibles en

l"énorme potentiel énergétique de ce composé de gaz naturel et

effectuant en parallèle des explorations et forages sur les fonds

d"eau à l"état solide d"un type nouveau se formant dans certaines

marins des zones potentielles d'extraction. En cas de succès, ces

conditions de haute pression et de basse température. Plus

travaux doteront la Corée d'un atout précieux, celui de figurer

écologique que le pétrole parce qu"émettant moins de gaz car-

parmi les rares nations détentrices d'un savoir-faire dans la pro-

bonique, il représente ainsi l"une des nouvelles sources d"énergie

duction d'hydrate de gaz. Dans l'éventualité où les gisements

du XXI' siècle. Dans les grands pays industriels que sont le Canada, le Japon et les États-Unis, les gisements d"hydrate de gaz déjà

d'Ulleung livreraient un gros volume de gaz naturel, la Corée approcherait à grands pas de l 'a utonomie qu'elle souhaite acquérir en matière énergétique.

découverts sur terre et en mer font actuellement l'objet d'études

D'ores et déjà, elle s'est engagée dans non moins de

de rentabilité. En Corée, où des recherches de grande envergure

cinquante-sept projets d'exploitation pétrolière et gazière mis en

ont eu lieu dans les eaux territoriales en 1996, les prospections

œuvre par vingt-quatre pays différents, ce qui n'est qu'un début,

entreprises cinq ans plus tard au puits n° 6-1 de la Mer de l'Est

car en poursuivant sur cette voie, elle atteindra une réelle

ont abouti à la localisation de vastes gisements d'hydrate dans le

indépendance énergétique, notamment pour plus de cinquante

bassin d'Ulleung, à une profondeur de mille mètres.

pour cent de ses besoins en pétrole brut. L.! Été 2006 1 Koreana 27



Mer aux ressources :innombrables Comme tout travailleur dépendant de la mer pour sa subsistance, le pêcheur doit faire preuve d ' une grande ténacité tout en sachant s'adapter à un élément tantôt déchaîné et cruel, tantôt aussi doux et protecteur que le giron maternel. Nam Sung- suk Rédacteur en chef du Kwangju Dai/y News Photographie: Kwon Tae-kyun, Ahn Hong-beom


L

e littoral qui s 'étend au sud, à l'est et à l'ouest de la péninsule coréenne présente des particularités influant sur

les modes de vie et de subsistance de sa population de pêcheurs. Simple et monotone sur une côte orientale dotée d'un réseau routier en assez bon état, cette existence est plus mouvementée sur les rives occidentale et méridionale, à l'image de leur relief accidenté, leurs routes pierreuses et leurs vastes marécages.

Spécificités de la culture maritime En milieu maritime, la vie des populations riveraines est faite d'épreuves, mais aussi d'espoir, car celui-ci subsiste toujours après la furie des vagues et malgré le risque permanent d'un raz-de-marée, sur ces eaux sans cesse changeantes . Au plus profond de son être, l'Homme perçoit la mer non comme une terrible menace, mais comme source de vie et objet de rêve. Alors que citadins et montagnards en apprécient les aspects esthétiques et romantiques synonymes d'émotion, ceux qui y trouvent leur pain quotidien doivent, pour l'affronter, faire preuve de force et de volonté. Dans les villages de pêcheurs, cette façon d'être se traduit par la survivance de certaines traditions, pratiques religieuses et divertissements constitutifs d'une culture caractéristique de leurs perpétuels combats, leur vécu et leur conception de la vie. Tel est le cas du rite qu'ils consacrent au dieu de la mer et qui représente une pratique culturelle spécifique résultant de certaines conditions géographiques conjuguées aux coutumes régionales. Désigné par le terme« byeolsingut », dont le suffixe« gut » dénote la nature chamaniste, il est accompli dans chaque localité par un prêtre de cette croyance à des fins propitiatoires, appelant les villageois à prier pour une pêche abondante, de même que pour la paix et le bien-être de la communauté. Des incantations sont adressées au dieu des dragons et à ceux de la montagne, ainsi qu'à la divinité tutélaire du village et à divers esprits d'importance mineure, les villageois leur présentant des offrandes. Les rituels du littoral méridional comportent le « yang-

Chez les gens de mer, celle-ci forge l'endurance et la ténacité. Au sud, le littoral bien abrité se prête à la 2 culture de l'amanoris, une variété d'algue, et à l'ostréiculture. 3, 4 Anchois et li eus jaunes sécha nt naturellement au soleil, dans un air salin. ·

30 Koreana I Été 2006



wanggut » destiné à apaiser la colère du Roi des dragons, divinité de la mer, et à lui rendre gloire. Au cours de la cérémonie

abondante. Expression de l'âme coréenne, ces cultes villageois révèlent

dite « ttibaennori », les villageois disposent une figurine et des

également une sensibilité culturelle distinctive car, outre les par-

cannes de bambou sur un bateau en paille qu'ils laissent

ticularités religieuses et historiques qui y sont profondément

emporter par le courant afin qu'il éloigne du village le malheur et

ancrées, ils procèdent plus globalement d'un mode de pensée et

la malchance . Il s'agissait autrefois d'un rite pacificateur à

d'une conception spécifiquement coréens. Ils participent d'une

l'intention du Roi des dragons supposé régner sur les mers. Il

culture autochtone primitive dont la richesse et la diversité sont

subsiste notamment dans les petites agglomérations côtières où

aujourd'hui appréciées à leur juste valeur dans le monde.

le chaman, grelot et éventail en main , exécute une danse tournante aux mouvements frénétiques. Plus au sud, le chaman

Exploitation ou conservation

invoque les esprits mineurs et ceux des pêcheurs morts, tout en

Sur ce littoral coréen qui mêle charme et tradition, ainsi que

priant le Roi des dragons pour une mer calme et une pêche

joies et peines, se manifestent aujourd'hui diverses tendances ·à

32 Koreana I Été 2006


3

Le projet Saemangeum, qui visait au drainage de quarante mille cent hectares de marécages, soit l'une des plus vastes étendues de ce type au monde, s'est déroulé sur quinze ans car il a subi d'importants retards en raison des procédures judiciaires intentées par les associations écologistes. 2 Le marécage constitue un milieu favorable à de nombreuses espèces aquatiques telles que la palourde et sert de filtre naturel éliminant les substances polluantes présentes dans l'eau de mer. 3 Dans la province de Chungcheongnam-do, la ville de Boryeong est renommée pour sa fabrication originale de cosmétiques et produits de toilette à base de boue issue des marécages environnants.

Été 2006 1 Koreana 33


Les« haenyeo », ces plongeuses sous-marines de l'île de Jejudo, figurent à n'en pas douter parmi les personnages les plus énergiques de Corée. Si nombre d'entre elles sont plus que sexagénaires, elles plongent jusqu'à quinze jours par mois si les conditions météorologiques l'autorisent. Une exceptionnelle capacité pulmonaire leur permet, sans le moindre équipement respiratoire, de desce ndre par vingt mètres de fond et de rama sser des coquillages pendant près de deux minutes.

34 Koreana I Été 2006


la modernisation qui ont enflammé les esprits, les entrepreneurs

endurance qui leur permet d'évoluer dans l'eau _plus de cinq

s'étant avisés de s'affronter aux forces de la nature que les mili-

heures d'affilée. Repoussant parfois les limites de cette

tants entendent au contraire protéger, notamment certaines

résistance physique, elles plongent encore et toujours malgré la

zones marécageuses actuellement menacées en dépit de leur

nausée que provoquent les tourbillons associés aux courants et

inestimable richesse.

contre laquelle tous les médicaments du monde ne peuvent rien .

Les marécages assurent la double fonction essentielle

Contrairement au x produits de l'agriculture tels que les

d'habitat propice à une multitude d'espèces aquatiques et de fil-

clémentines par exemple, ceu x de la pêche sont proposés à la

tre naturel pour l'eau de mer qu'ils débarrassent des substances

vente le jour même et leur achat réglé en espèces, apportant

polluantes apportées par les courants et les fleuves, d'où leur

ainsi au x« haenyeo » des recettes quodiennes.

appellation de « reins » de la Terre. Ils constituent un précieu x

Celles-ci dépendent largement de la capacité pulmonaire

milieu naturel à divers égards, notamment en termes de biodi-

des plongeuses, puisque proportionnelles au temps passé sous

versité, de purification de l'eau, de conservation de l'écosystème

l'eau. Une fois la « haenyeo » parvenue au fond, ce qui prend en

et de stabilisation climatiques, auxquelles s'ajoute l'attrait touris-

moyenne dix à quinze secondes, guère plus de trente

tique, leur préservation s'avérant donc indispensable à la survie

s'écouleront avant qu'elle n'aperçoive un ormeau ou un turbot et

de l'Homme.

vingt autres lui suffiront pour saisir ceux-ci parmi les rochers et

La seconde moitié des années quatre-vingts a toutefois vu

les placer dans un filet à provisions, la durée totale de cette

débuter à très grande échelle le drainage de ces zones dans le

plongée sous-marine ne dépassant donc pas une minute car au-

cadre de l'aménagement du territoire, sans la moindre considération de leur valeur et fonction

essentielles

et

avec

pour

conséquence, non seulement la création de vastes étendues dénudées, mais aussi l'apparition d'un grave risque de pollution à l 'encontre des ressources et écosystèmes marins par des eaux fluviales qui se jettent dorénavant dans la mer sans avoir subi d'épuration suffisante au préalable. Mise en œuvre dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingts, où elle

delà de certaines limites, interviennent les

Glanant les trésors de la mer par plus rie vingt mètres de profondeur. les plongeuses de l' île de J ejudo accomplissent leur dur labeur sans r ecourir au moù1dre équipement r espù·atoin·. r e qui exige une excellente condition physique de ces fenunes courageuses, tout aussi vi ves et 1·emuantes que le poisson qu 'elles 1·amènent sur la plage.

allait atteindre son paroxysme, cette poli-

complications respiratoires suivies de la noyade. En Corée comme à l'étranger, les « haenyeo » font figure d'énigme par leur volonté et leurs capacités physiques exceptionnelles, notamment sur le plan pulmonaire, puisqu'elles plongent par vingt mètres de fond, demeurant en apnée environ deux minutes dans l'eau parfois glacée en hiver. Cette prouesse a suscité l'intérêt de scientifiques étrangers dans le domaine de la recherche médicale au point que dans les

tique a entraîné à ce jour l'« assainissement » de quelque 620

années soixante, le Département d'État américain a mené des

km 2 de terrain équivalant à la superficie de la ville de Séoul, le

études sur ces plongeuses, ainsi que celles du Japon, dans le but

projet d'assèchement du Lac Sihwa en constituant le prolonge-

d'accroître l'efficacité de ses programmes sous-marins et les

ment au cours de la décennie suivante. Toujours plus nom-

performances du personnel de sa Marine nationale.

breuses, ces opérations se sont soldées, au cours des dix

Les « haenyeos » de Jejudo pratiquent la pêche sous-

dernières années, par une réduction de trente à quarante pour

marine à raison d'environ quinze jours par mois selon une

cent des zones marécageuses qui génèrent pourtant une

périodicité liée aux conditions saisonnières et _océaniques, mais

richesse économique cent fois supérieure à celle des terres

qui, ne serait-ce qu'à intervalles de deux jours, est tout à fait

arables, et quarante aux ressources du littoral. En conséquence,

étonnante d'un point de vue physiologique et médical. Avant un

il convient désormais de se soucier de leur conservation en

accouchement, elles vont encore ramasser les ormeaux jusqu 'au

favorisant l'intégration de l'Homme au milieu naturel.

tout dernier moment, pour y repartir trois ou quatre jours plus

Ténacité et endurance

seule condition physique, mais aussi d'une force de caractère

tard avec un acharnement incroyable qui ne résulte pas de leur Au sein de la population des côtes coréennes, les plongeuses sous-marines que l'on appelle « haenyeo », c·està-dire littéralement « femmes de la mer », font preuve d'un

leur permettant d'affronter les périls de la mer lors de toute nouvelle plongée. Rites villageois, plongeuses, marécages et pêcheurs au

courage hors pair. Affrontant sans cesse les dangers des fonds

cœur vaillant participent au même titre de ce milieu côtier où,

marins pour subvenir aux besoins de leur famille, elles

entre rires et larmes, se succèdent les générations luttant pour

représentent un cas exemplaire des rudes épreuves affrontées

leur existence auprès de la mer indomptable et tumultueuse. 1.11

par les femmes en Corée et sont renommées pour leur

Été 2006 1Koreana

35


DOSSIER

Pour une technologie utile à l'art lhéritage du vidéaste Pa·k Nam ne En cette année 2006, décédait Paik Nam June, pionnier de l'art vidéo et membre fondateur du groupe Fluxus. Nous évoquerons ici sa carrière empreinte d'un génie qui, par le biais d'expérimentations audacieuses, donna naissance

à des formes d'expression artistique entièrement nouvelles.

Lee Yongwoo Critique d'art des nouveaux médias Photographie: Lee Yongwoo, Wolganmisool

36 Koreana I Été 2006

Dans l 'œuvre « Deux maîtres » [19911, Pai k Nam June s·attacha it à exprimer son respec t envers Sin Jaedeok, pour lu i avoir appris le piano au collège , et John Cage, qu i le m it sur la voie de l 'i nsp irat ion tout en l'aidant à constru ire les fondements sp ir itue ls et conceptuels de sa carrière art istique .


P

armi les grands créateurs qui ont récemment dis-

son œuvre. C'est à juste raison qu'ils lui ont été appliqués,

paru et dont les œuvres ont marqué l'art contempo-

de même qu'il méritait amplement le qualificatif d'« inter-

rain de la deuxième moitié du XX' siècle, figurent Mario

disciplinaire » bien avant que celui-ci ne désigne un

Merz, maître se réclamant du mouvement « Arte Pavera »

artiste capable d'évoluer sans entrave parmi les différents

qui produit des images de l'histoire, de la nature et de la

arts visuels comprenant peinture et sculpture, arts des

vie quotidienne au moyen de matériaux simples tels que

installations, arts électroniques et arts du spectacle.

terre, bois, métal, béton et chiffons, Arman et Mimmo

Comme la plupart des créateurs des nouveaux

Rotela, adeptes du Nouveau Réalisme au cœur duquel se

médias réalisant la fusion de l'art avec les sciences et

trouvent peintres et sculpteurs parisiens, Pierre Restany,

technologies, Paik Nam June s'est longuement expliqué

théoricien du Nouveau Réalisme, et Paik Nam June [1932-

sur les raisons pour lesquelles les œuvres qui en

2006]. père de l'art vidéo et membre fondateur du mouve-

résultaient relevaient du premier des trois , et non des

ment Fluxus. Occupant une position d'avant-garde, ils ont

deux dernières, comme en témoignent leurs titres, dont

pour dénominateur commun d'avoir fait leurs premiers

il avait systématiquement exclu toute référence aux

pas à l'époque prospère des années soixante dont

machines dépourvues d ·humanité, privilégiant des expressions fantaisistes, aisément identifiables par le public au sens littéral. Un grand jardin aménagé dans une salle d'exposition et équipé de dizaines de téléviseurs devenait a1ns1 « Jardin des télévisions », de même que les plantes mises en terre dans ceux-ci, une fois vidés de leur contenu, se transformaient en « Plantes de télévision » . «

TV Bouddha

»,

qui rendit l' artiste célèbre en

1974, ava it déjà reçu un accue il triomphal en 1968,

lors d'une exposit ion à la su ite de laquelle, Jusque dans les années quatre-vingts, il ava it apporté diverses modifications p_e rmettant de décliner cette œuvre en plusieurs variations.

l'esthétique spécifique est aux racines de leur création, car

Ici, l'important n'est pas tant l'originalité artistique de

elle galvanise la recherche de l'innovation et les

la composition que le point de vue philosophique que son

expériences avancées, les plaçant ainsi à contre-courant

auteur cherche à exprimer au moyen d'un support de

des autres artistes du XX' siècle.

communication politique, à savoir le téléviseur. Il semble ainsi sous-entendre que cet appareil ne révèle sa dimen-

Artiste interdisciplinaire

sion organique que lorsque ses fonctions polico-commer-

Paik Nam June, qui s'est éteint le 29 janvier dernier,

ciales se fondent dans le décor naturel d'un jardin, par

demeurera dans les mémoires comme l'inspirateur d'un

exemple . Afin de s'acquitter positivement du rôle de

rapprochement direct entre science, technique et art, une

vecteur d'information qui est le sien, la télévision doit se

entreprise qui s' est avérée tout aussi complexe

chercher des racines et alors seulement, elle trouvera le

qu·enrichissante. Fondateur de l'art vidéo, philosophe de la

chemin de sa réhabilitation : tel est le message véhiculé

technologie, compositeur, poète, artiste de l'information

par l'évidement délibéré du châssis pour y disposer des

ou artiste behavioriste sont autant de titres à la mesure de

plantes.

ses accomplissements, mais aussi de la complexité de son

Par cette démarche, Paik Nam June a voulu exprimer

corpus artistique et du caractère multidimensionnel de

l'idée que la technologie, qui n'est pas forcément en elleÉté 2006 1Koreana

37


Biennale de Ven ise . Le créateur allait contribuer largement à la créat ion d'un pavillon consacré aux œuvres coréennes.

même d'une grande pertinence, permet une création

télévision au moyen de la technologie vidéo, mais

artistique à caractère organique en association avec

aussi en contraignant cette dernière, par le biais du

des éléments naturels qui la dotent de vie, car si elle

téléviseur, à une rencontre fatidique avec le div in

réalise aujourd'hui des prouesses, elle demeure un

semblant montrer la voie de l'émancipation de tout

support inerte.

aspect mécanique afin de le réhabiliter. L'œuvre de Paik Nam June procède d'une vision

Conjonction des arts, sciences et technologies Dans l'œuvre « TV Bouddha », qui a révélé

de la technologie qui est non réductrice, parce que reliant celle-ci à la pensée, par-delà les sciences

l'artiste, une statue fait face à un téléviseur sur lequel

physiques, pour l'investir du sens altruiste de sa mis-

un caméscope projette l'image de cette même sculp-

sion envers l'humanité. Son esthétique spécifique la

ture. Très sobre sur le plan technique, cette composi-

situe à l'origne de l'art vidéo en prenant pour postulat

tion nous incite toutefois à la réflexion par la création

que la télévision est support de communication

d'un effet inattendu en plongeant Bouddha, source de

préalablement à tout travail sur les caméscopes pro-

la pensée et de la méditation orientales, dans une

prement dits.

contemplation narcissique, révélatrice de l'instinct de

Elle se différencie par le parti-pris de ne pas

vie, de sa propre image exposée sur l'écran de

magnifier le pouvoir considérable que confère à ce

38

Koreana I Été 2006


média sa dimension commerciale, mais au contraire, de le priver de l'adulation populaire. Le créateur y traduit par son art une volonté de

«

Le tigre est en vie

»

associe un instrument de musique

traditionnel dénommé« wolgeum » à un violoncelle de style occidental emblématique de Charlotte Moorman. alter ego de Pa 1k Nam June sur le plan musical.

bouleverser l'ordre établi lorsqu'il est tyrannique et répressif en ébranlant ses idées et valeurs conceptuelles. Si sa production fut avant tout à vocation artistique, et non en convergence avec tel ou tel mouvement social, elle procédait à n'en pas douter, par ses fondements théoriques, d'une ferme démarche politique.

Refus des structures de pouvoir

c· est dans cette contestation artistique que

le créateur puise son inspiration et voit dans le caméscope moins un équipement qu'une sorte de pinceau permettant la production des images de son choix par un utilisateur quelconque, dans quelque pays que ce soit, persuadé qu'il était que cet usage détourné de la technologie lui insufflerait une dimension humaine afin de l'employer pour assurer le véritable bien-être des hommes. S'il n'est guère aisé d'en percevoir le sens, on ne peut qu'admirer à sa juste valeur l'héritage

coréenne car celle-ci ne correspond qu 'à un constant désir

artistique de Paik Nam June.

de plaire au grand public que bien peu d'artistes ont su

Né en Corée, le créateur passera cependant la plus

concrétiser.

grande partie de sa vie à l'étranger, notamment en

Voilà que ces mêmes technologies, notamment

Allemagne, aux États-Unis et au Japon, ce qui lui permettra

télévisuelles, que l'artiste s'efforçait de défier, semblent

Paik Nam June affirmait que l'artiste avait pour mission d'anticiper l'avenir, persuadé qu'il était que la substitution de la technologie au pinceau conférait

à celle-ci des vertus bienfaisantes pour l'humanité.

de s'affranchir du carcan intellectuel imposé par la langue

avoir envahi les moindres recoins de notre vie quotidienne

maternelle à la pensée et aux actes des artistes. On com-

pour en faire partie intégrante et que celles de l'informa-

prend d'autant mieux ses tendances philosophiques plus

tion, dont il cherchait à mettre en valeur les fonctions com-

démocratiques que nationalistes, et qu'il ait été moins

municantes, sont devenues une fin en soi à leur

soucieux de prendre le parti d'une nation ou d'une autre

avènement. La nécessaire remise en question des struc-

que de gagner son indépendance en donnant libre cours à

tures de pouvoir, sur laquelle il revint sans cesse tout au

son imagination créatrice. C'est à tort que l'on verrait un

long de son parcours artistique, n'en demeurera pas moins

penchant nationaliste dans sa quête d'une thématique

un précieux et intemporel enseignement.

t;t

Été 2006 1 Koreana 39


ENTRETIEN

Le~~ samulnori >> de Kim Duk Soo, un représentant de la Corée à l'étranger Le« samulnori » est une composition musicale pour quatre instruments à percussion coréens dénommés« kkwaenggwari », « janggo », « buk »et« jing », c'est-à-dire respectivement petit gong, tambour en forme de sablier, tambour cylindrique et grand gong qui évoquent tonnerre, pluie, nuages et vent. Virtuose infiniment épris de ce genre traditionnel rythmé, Kim Duk Soo met en valeur l'image de la Corée par ses spectacles débordants de passion. Hyun Kyung-chae Critique musical et membre du Conseil national des arts

L

e maître percussionniste coréen Kim Duk Soo se

cette harmonieuse alliance de battements secs, légers et

compare souvent lu i-même au « dokkaebi » , ce

cadencés des quatre instruments que sont le « buk », un

lutin des contes de mon enfance qui avait le pouvoir de

tambour cylindrique, le « janggo », un tambour en forme

fabriquer or, argent et autres richesses d'un seul coup de

d.e sablier, les « kkwaenggwari » et « jing » , petit et

son marteau magique. Comme lui, il fait subitement son

grand gongs. Dans les médias internationaux, Kim Duk

apparition, ici et ailleurs, recevant l'ovation des publics du

Soo est ainsi surnommé « Monsieur janggo » en raison

monde entier charmés par les sons du « janggo »

de ses interprétations endiablées sur le deuxième d'entre eux, diffusant de ce fait le dynamisme coréen dans le

Rythmes traditionnels coréens

monde.

Lorsque l'artiste accompli qu 'est Kim Duk Soo frappe

« Quand je joue du « janggo », je me trouve dans le

son instrument, tel un « dokkaebi » maniant le marteau

même état d'esprit qu 'un sprinter cherchant à battre son

magique, l'audience en est parcourue de frissons, car la fer-

propre record du cent mètres, ne serait-ce que d'un

veur avec laquelle il joue crée instantanément un lien avec

millième de seconde », explique-t-il. Avec quelque quatre

les spectateurs sous le charme des sonorités enivrantes de

mille représentations à son actif dans soixante pays

son orchestre. Ses représentations enflammées ont en

différents, c· est à juste titre qu'il est considéré le premier

outre permis à de nombreux pays et peuples du monde de

ambassadeur de la culture coréenne.

découvrir la Corée et sa culture. Nul ne résiste en effet à

40 Koreana I Été 2006

Il a atteint le sommet de l'art du « samÙlnori », une



L'audition du« salmunori » crée toujours un effet marquant dans le public étranger, contribuant à ce titre à mieux faire connaître la Corée et sa culture, comme l'ont permis le sommet de l'ASEM auprès de représentants des Nations Unies, ainsi que nombre de festivals culturels internationaux. composition instrumentale harmonisant éclairs, pluie,

le quartier de Shybuya à Tokyo et, dernièrement, dans la

nuages et vent au moyen des sonorités de ses percus-

ville irakienne d'Arbil, où est stationnée la division

sions qui lui ont acquis une renommée mondiale. C'est en

coréenne Zaytun.

1978, après avoir largement fait la démonstration de ses

« Le spectacle donné en février dernier pour la divi-

talents grâce aux encouragements prodigués par son

sion Zaytun n'a différé en rien des autres, c'est-à-dire que

père dès son plus jeune âge, qu'il a lui-même créé ce

nous avons accompli les rituels préalables à toute

genre musical destiné à la scène, mais aussi étroitement

représentation devant une tablette sur laquelle étaient

lié à celui des percussions populaires dites« pungmul »,

placées des bougies. Le commandant en chef des forces

dont on joue en plein air. Cette invention d'une importance

alliées, ainsi que les chefs d'état-major des armées

capitale pour la musique coréenne a valu à Kim Duk Soo

américaine, japonaise et australienne se sont tous

d'être classé par le quotidien Chosun /Ibo parmi les

inclinés avec respect, tandis que l'épouse du chef de la

cinquante Coréens ayant joué le rôle le plus considérable

division Zaytun montait elle-même sur scène pour pren-

en Corée depuis sa libération en 1945.

dre part au rituel et le spectacle n'a commencé qu'une

Elle représente en effet une évolution sans précédent

fois la cérémonie achevée.»

par la mise en œuvre de quatre instruments à percussion traditionnellement réservés au « nongak », c'est-à-dire

Le « Samulnorian », un cercle

la musique paysanne, faisant ainsi revivre un sens du

international d'enthousiastes

rythme ancestral, mais longtemps enfoui au fond de la

L'activité de Kim Duk Soo ne se résume pas à celle

mémoire collective. Enfin, elle contribue à la diffusion de

de la scène, mais comprend aussi des conférences musi-

cette forme musicale traditionnelle à l'étranger et ouvre

cales à caractère éducatif qui favorisent l'apparition

la porte à des échanges bilatéraux dans ce domaine.

d'orchestres de « samulnori » dans d'autres pays. Les

Après avoir conquis la scène nationale, l'ensemble

formations proposées aux enthousiastes sont dispensées

que dirige Kim Duk Soo s'est produit, dans la plus pure

sur les lieux mêmes des représentations données par

tradition coréenne, en des lieux et circonstances

Kim Duk Soo et son ensemble, comme c'était le cas de

extrêmement variés tels que l'Organisation des Nations

l'atelier qui se déroulait du 10 au 17 avril derniers à

Unies, le sommet de l'ASEM, le Mur des lamentations,

Berlin, où la formation allait d'ailleurs repartir pour par-

Central Park, l'entrepôt d'armes et munitions de Munich,

ticiper aux festivités de la Coupe du monde de football.

42 Koreana I Été 2006


Par son action, Kim Duk Soo a permis de faire découvrir la musique traditionnelle coréenne dans le monde tout en ouvrant la voie aux échanges bilatéraux entre artistes coréens et étrangers. 2 L"ensemble SamulNori en concert aux côtés de l"Orchestre municipal d"Ansan à la Maison de la culture et des arts de cette ville. 3 Fondé sur la rythmique trad1t1onnelle. le« samulnori » est auJourd"hu1 l"un des principaux genres musicaux du répertoire coréen.

Été 2006 1 Koreana 43


« Le moyen par lequel se transmettent les traditions est de la plus grande importance, c'est pourquoi nous projetons de créer en Allemagne un village culturel qui se

public de tous pays tombait en quelques minutes sous leur charme. » En Corée, le « samulnori » figure aujourd 'hui parmi

chargera d'organiser des festivals et représentations

les principaux genres musicaux traditionnels et y est tout

assurant la diffusion de la culture coréenne dans la conti -

aussi apprécié qu'à l'étranger par le biais des nom-

nuité. Bien sûr, nous jouerons aussi du « samulnori »

breuses émissions de télévision où se produisent les

pendant la Coupe du monde de football pour encourager

ensembles ainsi que des enregistrements à succès sur

l'équipe nationale à la man ière coréenne lors des mat-

disque compact. En outre, les écoles primaires possèdent

ches qui seront disputés dans les principales villes

presque toutes leur groupe ou club de « samulnori » et

allemandes.»

le nombre d'ensembles professionnels s'élève à près de

L'importante association Asia Society (Société

trois cents, au xquels s'ajoutent les deu x mille groupes

d'Asie). qui a pour vocation de promouvoir les cultures

amateurs, une telle assimilation à la vie quotidienne ayant

d'Asie auprès du public américain, a déjà invité cinq fois

de quoi surprendre moins de trente ans après l'apparition

Kim Duk Soo et sa troupe au x États-Unis et dérogé ainsi

de cet art.

exceptionnellement au principe qui est le sien de ne jamais inviter plus d'une fois le même groupe. Son

« Samulnori »

et mondialisation

responsable des arts du spectacle, Beate Gordon, con-

Dès sa création, l'ensemble de Kim Duk Soo a entre-

sidère la création du « samulnori » comme un grand

pris une collaboration dynamique avec des créateurs et

événement dans l'histoire de la musique, cet art dont

interprètes de genres divers tels que jazz, rock, musique

l'élément vital, le rythme, est porté à un tel paroxysme

populaire ou classique, occidentale comme coréenne, et

par Kim Duk Soo qu'il défie les battements du

danse moderne qui ont constitué autant d'apports nou-

métronome .

veau x. Ce faisant , il a partagé la scène avec nombre

À la question de savoir quel est le concert qui l'a le

d'artistes coréens et étrangers, multiplié ses spectacles

plus marqué à l'étranger, le musicien évoque une

au x quatre coins du monde et enregistré des disques

représentation donnée le 19 novembre 1982 lors de la

comptacts commercialisés à l'international.

Convention internationale des sociétés des arts de la per-

Musicien à l'esprit ouvert, Kim Duk Soo ne craint pas

cussion (PASIC-821. L ' un des membres du comité

de s'exposer au x influences de nombreu x genres et musi-

directeur, Morris Lang , s· était alors exprimé en ces ter-

ciens, tant occidentau x qu·orientau x, pour affiner sa sen-

mes au sujet de la troupe : « En écoutant les extraordi-

sibilité propre et diversifier son répertoire. Sa rencontre

naires sonorités que quatre hommes étaient capables à

avec le groupe de jazz int_ernational Red Sun composé de

eux seuls de produire, j'ai compris que j'avais besoin d'en

Wolfgang Puschnig au saxophone, à la clarinette et à la

savoir davantage sur la culture coréenne et pourquoi le

flûte, Rick lannacone à la guitare électrique, j amaaladeen

1 Le« kkwaenggwari » évoque le grondement du tonne rre. 2 Le« jing» rappelle le souffle du vent. 3 Le « buk » représente les nuages. 4 Le« janggo » crépite comme la pluie.

44

Koreana I Été 2006


Tacuma à la basse et de la chanteuse Linda Sharrock est de celles qui l'ont le plus marqué. Les échanges qui se sont ensuivis ont débouché sur des compositions d'un genre nouveau, mais aussi donné lieu à des représentations internationales en commun et à l'enregistrement de trois disques compacts intitués « Red Sun/Samulnori » . «

À l'avenir, j'aspire à offrir un spectacle complet,

c'est-à-dire dépassant l'actuel quatuor de percussions, pour absorber des formes traditionnelles telles que le « talchum », la danse des masques et les marionnettes.

J'ai espoir de me classer un jour parmi les ensembles les plus évolués de notre époque afin de révéler toute l'énergie culturelle dont déborde notre pays tout en sonorités. » Actuellement, Kim Duk Soo s'efforce d'adapter à la scène diverses formes de l'art traditionnel coréen dans le cadre d'un nouveau projet culturel et l'année prochaine, il entend célébrer le cinquantième anniversaire de ses débuts musicaux en publiant un livre consacré à sa carrière, ainsi qu'en donnant toute une série de représentations, notamment lors d'une grande tournée qui le mènera jusqu 'en Europe, au x États-Unis et en Amérique du Sud où il s'est déjà abondamment produit. Les résonances de Corée parviendront ainsi à l'autre bout du mor-ide grâce à sa ferveur sans bornes et à son action en faveur du rayonnement de la culture musicale coréenne. 1..1

L'activité de Kim Duk Soo ne se résume pas à celle de la scène, mais comprend aussi des conférences musicales qui favorisent l'apparition d'orchestres de" samulnori » dans d·autres pays.

4

Été 2006 1Koreana 45



MIN HONG-GYU

gardien des traditions sigillaires

Si le sceau royal, marque distinctive du pouvoir monarchique d'antan, est depuis longtemps dépourvu de tout caractère officiel, Min Hong-gyu en perpétue la fabrication complexe selon des procédés traditionnels. Choi Tae-won Ht'dact~ur occasi onnel Seo l-lem1-kang P hotogra phe

L

a moindre opération s'avère fastidieuse lorsqu'elle est reproduite à l'infini, mais quand la minutie du détail se met au service d'un des plus prestigieux insignes du pouvoir d' État, en l'occurrence le sceau royal, les résultats en sont gratifiants, notamment par la satisfaction qu'ils procurent à l'artisan. Né en 1954, Min Hong-gyu s·est attaché, au cours d'une carrière longue de quarante années dans la fabrication des sceaux, à faire revivre avec authenticité ces emblèmes d'État dénommés « oksae ». Quelle signification donn e r à ces objets aujourd'hui archaïques?

R eprésent ation du pouvoir étatique

Le nom apposé à la ma in sous forme de signature a certes supplanté presque partout le sceau traditionnel, mais voilà encore quelques décennies de cela, ce dernier permettait souvent de donner un caractère authentique à des documents. Plus répandu que le seing dit « sugyeol » alors aussi en usage, il représentait le pouvoir royal aux fins de la ratification des missives diplomatiques et actes dressés à la Cour. Le souverain montant sur le trône voyait la légitimation de sa puissance nouvellement acquise dans cet objet dont la présence à la tête des cortèges royaux en tant qu'emblème monarchique révèle toute la valeur et la

portée. Si le terme « oksae » signifiait à proprement parler un sceau royal constitué de jade, dont la version en or correspondait quant à elle au mot « geumbo », il en est venu à désigner l'un ou l'autre, tous deu x employés sous le règne de l'empereur Qin Shi Huang [r. 247-210 av. J.-C.]. dont les successeurs allaient se limiter au premier, tandis que seigneurs féodau x et famille royale recouraient au second. À quelle époque remonte donc l'i ntroduction du sceau roya l en Corée ? C'est au Ill' siècle, dans l'ouvrage chinois 5anguo Zhi [archives des Trois royaumes]. et plus précisément dans le tome « Weishu » [h istoire de Weil. au chapitre intitulé « Dongyi » [barbares de l'est]. qu'il est fait mention pour la première fois del' « oksae » à propos du sceau du roi Ye, auquel renvoient également les synonymes « gugin », « saebo », « eobo » et « daebo ». Ce texte révèle que dès le I" siècle av. J.-C., et jusqu'au VII', ce cachet de l'État figura sur les documents diplomatiques que la Corée des Trois Royaumes échangea avec la Chine. Sur toute la période qui s'étend de la Dynastie Goryeo [918-1392] à l'année 1894, dite de la Réforme de Gabo et qui vit arriver au pouvoir un Parti progressiste soucieux de modernisation sociale, le sceau royal à usage diplomatique allait être Été 2006 1 Ko reana 47


Sceau royal en bronze d ' époqu e Joseon r econstitué en l'an 2000, 122 x 122 mm. Symbole du pouvoir 1nonarchjque, ce cachet était en usage dans le ca dre de différentes fonction s administratives et céré1noniales.

délivré par la dynastie régnante

sceaux royau x ont requis en tous

de Chine, à l'exclusion de tous les

temps beaucoup de minutie pour

autres de fabrication coréenne. Ces derniers comportaient notamment le « simyeongj ibo » destiné pour

leur fabrication et leur reconstitution

à l'identique présente donc de grandes difficultés. De l'avis même de Min Hong-gyu,

l'essentiel au x proclamations et ordonnances royales à

« le matériel le plus moderne qui soit ne permet pas

l'intention d'anciens sujets, le« yuseojibo », sortes

d'atteindre aisément la perfection. Il en est des sceaux

d'attestations fixant les dates et lieux des entrevues

comme des poteries artisanales, à savoir que seuls les

avec de hauts fonctionnaires tels que les gouverneurs,

procédés traditionnels tels que le moulage leur confèrent

le « gwageojibo » apposé sur les avis officiels de con-

un véritable caractère. »

cours de la fonction publique ou « gwageo » et les « so-

Le sceau royal fait pour toujours irruption dans la vie

si nj i bo » figurant sur les actes diplomatiques ayant

de Min Hong-gyu lorsque son grand-père, qui pratique la

surtout trait au Japon.

calligraphie, le présente à celui qui sera so·n mentor, le

La fabrication et le contrôle de ces divers cachets

maître Jeong Gi-ho [1899-1989). Si le jeune garçon ne se

étaient confiés à un bureau administratif désigné à cet

passionne guère alors pour la fabrication de cet objet,

effet, le « Sangseowon ». Sous la Réforme de Gabo, qui

n'étant encore qu 'un collégien, il va par la suite en saisir

affranchirent la Corée du séculaire joug chinois, les sceaux

pleinement le sens et lui vouer dès lors un profond

allaient également évoluer en se dotant d'inscriptions

attachement. Loin de se résumer à l'exéc ution de certains

telles que « Sceau de l ' État du Grand Joseon » ou

procédés pour graver les caractères à la surface du sceau,

« Sceau du Grand Roi du Grand Joseon », suivies de celle

la réalisation de celui-ci exige une connaissance appro-

de« Sceau d'État du Grand Han », à compter du 12 octo-

fondie de la littérature chinoise et de l'astrologie orientale

bre 1897, date à laquelle fut instauré le Grand Empire des

afin d'éviter l'insertion malencontreuse d'éléments con-

Han jusqu'au 29 août 191 O.

traires aux caractéristiques astrologiques de l'utilisateur. Dès son adolescence, Min Hong-gyu se plonge dans

Quand l'effort surpasse le talent Eu égard à leur valeur emblématique suprême, les 48 Koreana I Été 2006

l'étude d'un ensemble de disciplines liées à cette fabrication sous la direction de Jeong Gi-ho, lequel lui recom-



Elément essentiel de la vie monarchique, le sceau royal mettait en œuvre un savoir-faire de fabrication pluridisciplinaire, puisque relatif aux sept spécialités que sont calligraphie, sculpture, peinture, gravure sigillaire, métallurgie, céramique et moulage.


Reconstitution réalisée en 2006 du sceau national du Samjogo en alliage argent-cuivre-étain-zinc-titan e ,

112 x 145 mm . Oiseau mythologique à trois pattes, le Samjogo fut une figure centrale des rites du ctùte rendu au Soleil dans !'Extrême-Orient de !'Antiquité.

mandera de s·y consacrer sans exercer

et le « Myeongdeokjibo », ainsi que de

d'emploi jusqu'à l'âge de quanrante

plus de la moitié des soixante-douze

ans. Soulignant l'importance capitale

sceaux royaux en usage dans les

du respect des traditions, mais égale-

derniers temps de la dynastie Joseon. Dans un ouvrage dont il est l'auteur, il

me nt inquiet des difficultés qui attendaient

l'élève

sur

cette

voie

rigoureuse, ce maître attentionné certifiera par écrit avoir transmis son savoir-faire professionnel en exclusivité

a en outre consigné par écrit les techniques de fabrication dont il est le dépositaire, par crainte qu'en l'absence de relève, la tradition plusieurs fois cente-

à ce dernier, qu'il appelle du nom professionnel de

naire ne s'en perde définitivement.« Tant d'aspects de la

Sebul lequel, transcrit en idéogrammes chinois, signifie

fabrication des sceaux royaux ne sont transmissibles ni

« homme qui n'est pas de ce monde. »

par la parole ni par l'écriture ! Certains, comme la

L'artisan croit maintenant savoir pourquoi Jeong Gi-

température d'un chaudron par exemple, ne peuvent être

ho craignait qu'il ne meure prématurément en révélant

perçus et assimilés qu'après des années d'expérience »,

trop tôt ses talents et se rappelle encore l'impression

déplore+il.

puissante que produisirent ses œuvres sur l'adolescent

Celles-ci l'ont malheureusement aussi placé au con-

qu'il était lorsqu'il les découvrit à son atelier de Busan.

tact prolongé du mercure, dont il conserve une déforma-

Aujourd'hui encore, il reste émerveillé par le sommet de

tion nasale . Toujours fidèle à son idéal de « devenir un

l'art atteint par le maître:« Sans qu'il fasse étalage de

artisan capable de plaire à un public plus large par une

sa technique, ses œuvres la révélaient avec force et

sensibilité plus moderne sans chercher à démontrer son

dynamisme. ». En outre, il se souviendra à jamais que

savoir-faire», il entend désormais diversifier sa

« le savoir-faire et l'orgueil ne peuvent rien accomplir à

thématique et s'adapter aux tendances étrangères, tout en

eux seuls. »

continuant à faire revivre les sceaux royaux de jadis au moyen de procédés traditionnels. Lors de mon passage à

La voie difficile du véritable artisanat Min Hong-gyu possède à son actif la reconstitution de plusieurs sceaux historiques, tels le« Joseongugwangjiin »

son atelier en vue du présent entretien, il travaillait déjà à la préparation des expositions qui lui seront consacrées à Jeonju et Séoul.

1.:.11

Été 2006 1 Koreana

51


CHEFS-D'ŒUVRE

SASAJA SAMCHEUNG SEOKTAP symbole d'illumination Flanquée de quatre lions sculptés dans la pierre, la pagode à trois étages du temple de Hwaeomsa s'orne intérieurement de la statue d'un bonze, tandis qu'au-dehors, est paisiblement agenouillée, sous le socle d'une lanterne en pierre, celle d'un personnage qui constitue l'un des plus hauts symboles du bouddhisme. Shin Yong-chul Conservateur-en-chef au M usée Tongdosa Seo Heun-kang Photographe

L

a dénomination d'un temple permet immédiatement

statue située à l'intérieur de l'édifice, sa mère vers laquelle

d'en comprendre l'origine, comme celle de

le fils dévoué se tourne et dépose du thé en offrande pour

Hwaeomsa renvoyant au « Hwaeomgyeong » [Sutra

honorer son souvenir. C'est cette légende qui a inspiré le

Avatamsaka). texte bouddhique coréen essentiel par son

toponyme de« hyodae »signifiant« tertre filial ».

évocation puissante du monde de Bouddha.

Loi de causalité universelle Élégance des formes

Le huitième siècle a été marqué en Corée par

Se distinguant par la grâce exceptionnelle de sa

l'avènement de la philosophie bouddhiste Mahayana ou

structure, la pagode en pierre du temple de Hwaeomsa

Hwaeom, nom provenant du mot « huayan » qui désigne

s'élève sur un tertre situé à l'arrière du principal édifice de

une guirlande de fleurs et équivaut à « Avatamsaka ».

l'enceinte, plutôt qu'en son centre. Elle présente aussi la

Alors que ce pays est souvent apparenté à la Chine et au

particularité de posséder trois étages surmontés d'un toit

Japon sur le plan culturel, lui seul va manifester un intérêt

de pierre et reposant sur un soubassement à deux

réel pour cette doctrine et en acquérir, dès l'époque de

niveaux. Au bas de ce dernier, trois êtres célestes sont

Silla unifié [668-935). une meilleure compré liension qu 'en

finement gravées sur les faces, tandis qu'au centre se

Chine, ainsi que les moyens techniques de la représenter

dresse une statue de bonze prenant place sur une fleur de

sous des formes artistiques sublimes.

lotus et entourée de quatre lions. Cette figure humaine ne

Dans le texte bouddhique intitulé Hwaeomgyeong

parvenant pas jusqu'au niveau supérieur du soubasse-

[Huayanjing, Sütra Avatamsaka]. sont consignés les

ment. ce sont les quatre fauves qui soutiennent l'ensemble

préceptes du Prince Siddhartha qui, après avoir atteint

de la construction . Au centre du premier étage est

l'Éveil, devint le Bouddha Vairocana . Si ce dernier

représentée une porte, tandis que figurent sur sa face

n'informe pas les adeptes sur la manière de parvenir à

ouest la divinité Vajrapani , sur celles du sud et du nord, les

l'état d'illumination, il a enseigné par ailleurs qu'il n'était

Quatre Rois Gardiens, et à l'est les dieux Indra et Brahma.

accessible que par la méditation parfaite menant au

Face à la pagode, la lanterne en pierre consacrée au

« sammae » ou « samâdhi », les mots étant impuissants

culte commémoratif retient d'autant plus l'attention que d'après la légende, la figure à genoux qui en compose le

à révéler la vérité. Éclairé par le« sammae », après avoir atteint l'Éveil, Samantabhadra allait être à son tour en

socle serait celle du créateur des lieux, Yeongijosa, et la

mesure d'énoncer les enseignements relatifs au Yeongi

52 Koreana I Été 2006



Emblème du bouddhi sme Ma hayana professant que l'ill umination peut toucher tous les êtres, cette pagode en pierre qui accueille les visiteurs à l'entrée du temple leur révèle ainsi la voie d'un monde de lumière.

Sasang ou Pratïtyasamutpada, c'est-à-dire le principe d'origine interdépendante ou la loi de causalité universelle, à la suite du Bouddha Vairocana. Le terme« sammae » désigne la concentration spirituelle dont le plus haut degré, condition préalable de l'illumination selon le chapitre du Hwaeomgyeong qui s'intitule « Gandavyuha », est dit « sajabinsin sammae », équivalent coréen de l'e xpression sanscrite « sin:ihavijrmbhitahita-samadhi ». Les vocables « sit11ha » , « vijrmbhitahita » et « samadhi » constitutifs de celle-ci correspondent respectivement àu lion, à une position ouverte de la bouche traduisant une dignité extrême et à l'état de« sammae » ainsi présenté comme l'aboutissement de la bravoure incarnée par cet an imal. Aussi le monde de Bouddha n'est-il véritablement perceptible qu'une fois atteint l'état de « sammae » , le mot et la forme ne pouvant ni appréhender ni transmettre l'illumination, laquelle n'est accessible qu'en s'astreignant à une pratique rigoureuse d'exercices méditatifs. Le lion du « Sutra Gandavyuha » représentant la demeure où séjourne Bouddha, ainsi que, par son caractère intrépide, l'effort requis pour parvenir à l'état de « sammae », les quatre fauves encadrant le soubassement de la pagode pour étayer celle - ci symbolisent le « sajabinsin sammae » réalisé par Bouddha. La révélation de la vérité empruntant l'enveloppe charnelle de ce dernier, la pagode matérialise ses enseignements et c'est


1 Dans la pagode aux quatre lions, une statue représente un bonze qui aurait figuré parmi les cinquante-trois Kalyamitra recherchés par Seonj aedongja. 2 Face à la pagode, une lanterne de pierre surmonte une figure agenouillée qui serait celle de Seonjaedongja.

donc à cet édifice de pierre soutenu par quatre statues

corps de bâtiments, et ce, par référence au « Gandavyuha »

léonines que remontent les origines de l'extraordinaire

qui dépeint Bouddha répandant la lumière de l'espoir ou

Hwaeomgyeong (Sutra Avatamsakal. l'esprit et l'art se

« Boju » sur le monde des Hommes pour que celui-ci

rejoignant de manière exceptionnelle et propre au boud-

devienne celui de Hwaeom. Le temple de Hwaeomsa

dhisme coréen.

représente à ce titre le principal lieu de déroulement du « Gandavyuha » rassemblant l'ensemble des Bouddhas,

La voie de l'illumination

bodhisattvas, ·disciples et adeptes.

La pagode de Hwaeomsa donne ainsi forme au

Dès l'instant où le Siddhartha humain devient

monde de Hwaeom tel que le décrit le Hwaeomgyeong au

Bouddha Vairocana, il se trouve dans un état d'illumination

chapitre « Gandavyuha » évoquant le personnage de

immuable, car dénué de toute existence physique, bien

Seonjaedongja (Sudhanal. qui recherche la vérité sur la

qu·accessible à tout Homme. Vairocana symbolise la

naissance, la confirmation et la réalisation du désir d'illu-

lumière éclairant le monde à l'image du Soleil, mais

mination. En racontant comment Seonjaedongja fut ins-

délimitant aussi l'origine et l'achèvement du monde de

truit des principes du bouddhisme par les cinquante-trois

Hwaeom. Sa projection sur la multitude, afin què celle-ci

Kalyamitra et parvint enfin à l'Éveil, ce texte permet une

trouve la voie menant au monde de Bouddha, représente

meilleure compréhension du monde complexe de

l'objectif suprême du bouddhisme Mahayana. Bouddha

Hwaeom. C'est l'un de ces sages que représente vraisem-

enseignant que l'état d'illumination est accessible par le

blablement la statue de bonze de Hwaeomsa, la figure

biais du « sajabinsin sammae » , dont la lumière

agenouillée sous la lanterne en pierre étant à n'en pas

représente les préceptes bouddhiques et le monde de

douter celle de Seonjaedongja . L'édifice concrétise ainsi

Hwaeom, c'est à entrer dans cet univers éclairé que se voit

les principes fondamentaux exposés par le« Gandavyuha »,

convié le visiteur au seuil du temple de Hwaeomsa.

L;t

notamment la croyance selon laquelle l'illumination n'est réalisable que par la méditation, la connaissance et la maîtrise de soi . Sa symbolique réside également dans son emplacement, puisqu'au lieu de se situer au centre de l"enceinte, elle surmonte un tertre permettant de surveiller tout le

Erratum Le Portrai t du Roi Taejo faisant l'objet de la présente rubrique dans le numéro du printemps 2006 de Koreana n'est pas celui qui a été peint e n 1872, comme cela a é té indiqu é par erreur, mais une reproduction réalisée e n 1999 à partir de ce de rnie r.

Été 2006 1 Koreana 55


CHRONIQUE ARTISTIQUE

Le Festival international de Daegu,importante initiative dans la promotion des arts du spectacle Par son impressionnante programmation, le Festival international des spectacles musicaux de Daegu, qui parvenait au terme de ses deux mois d'activités le 31 mars dernier, a révélé au sein du public un intérêt grandissant et des attentes certa ines dans ce secteur qui se classe d'ores et déjà parmi les plus novateurs de l'industrie culturelle et artistique coréenne. Kim Moon-hwan Professeur d'esthétique à l'Université nationale de Séoul et critique de théâtre Photographie: Secrétariat du Fest ival des spectacles musicaux de Oaegu

L

ongtemps métropole de l'industrie coréenne de la

huit représentations. Un an plus tard, c'était au tour de

mode, Daegu se veut aujourd'hui technopole , mais

« Cats » d'atteindre le chiffre inégalé de trente-huit mille

aussi cité de la culture et des arts, une ambition qui s'est

spectateurs en trente et une séances, rappels compris, et

concrétisée, en 2006, par la création de « zones de specta-

le suivant, du « Cabaret » de Broadway qui allait mieux se

cles spéciales » visant, aux côtés d'autres actions, à pro-

classer au box-office qu'à Séoul.

mouvoir la vocation musicale de la ville . Avec la participa-

Outre de tels spectacles, le théâtre compte de nom-

tion du secteur privé, la municipalité a affecté un site de

breux amateurs à Daegu et selon les données du site de

115 000 m 2 à la réalisation, d'ici à 2012, d'une infrastruc-

réservation en ligne Ticketlink, le nombre de mises en

ture ultramoderne destinée au x représentations musi-

scène qui y sont proposées est passé de 124 à 314 entre

cales et comptant trois auditoriums, un conservatoire et

2003 et 2005, et les ventes, de 1,97 milliard à 6,69 milliards

des ateliers de fabrication d'accessoires. Il est prévu de

de wons, soit le triple, au cours de la même période .

coordonner ces activités avec celles des grandes installa-

Principal lieu de représentation, l'Opéra consacrait au x

tions déjà existantes comme l'Opéra, la Maison de la cul-

comédies musicales 67,1 % de sa programmation en 2005,

ture et les théâtres universitaires de Daegu afin de

contre 13,9 % l'année précédente.

répondre au mieux, tout au long de l'année, à la demande locale de spectacles coréens et étrangers.

D'aussi remarquables résultats s'expliquent notamment par la présence à ces spectacles de nombreux habitants des alentours, ce qui était le cas de 45 % du public de

Daegu, foyer d'art et de culture

« Mamma Mia ! » . Dotée de s ix grands lieu x de

Ces projets grandioses sont nés de l'énorme succès

représentations dépassant mille places chacun , Daegu

remporté en 2004 par la comédie musicale « Mamma

est, à l'exception de Séoul, la seule métropole coréenne

Mia 1 » quia tenu l'affiche plus de deux mois, alors que les

qui dispose d'un public régulier, non dissuadé par des prix

spectacles de ce type n'y restent que rarement jusqu 'à dix

souvent élerés, ainsi que d'un financement potentiel par

jours hors Séoul, et dont les cinquante-sept représenta-

des entreprises souhaitant en contrepartie se voir

tions ont totalisé un auditoire de soixante-quatre mille per-

attribuer des places pour leurs clients les plus importants.

sonnes, un exploit des plus rares hors de la capitale qui

Comme le soulignait Seol Do-yun, l'un des organisa-

s'est doublé de ventes record sur six semaines. En 2002,

teurs du Festival, la main-d'oeuvre représente plus de

une autre comédie musicale, « Chicago », qui se donnait

soixante pour cent des coûts de production dans l'industrie

dans sa version londonienne à Daegu et nulle part ailleurs

du spectacle, qui s ' avère donc fortement créatrice

en province, avait rempli la salle à plus de 85 % lors de ses

d'emplois. C'est cet impact économique qu'allait prendre

56

Korea na I Été 2006



en considération la Ville de Da egu en mettant sur pied son

dans le rôle principa l.

Festival international des spectacles musicaux dont cette

Évocat ion des intrigues de deu x producteurs de

année a vu l 'avant-premi ère et qui se fixe pour objectif

coméd ies musicales, « The Producers » atteint actuelle-

d'équivaloir par son enve r gure à celu i de Busan dans le

ment à Broadway de nouveaux sommets d'audience qui y

domaine du cinéma tout en transformant l'agglomération

confirmer:it une réussite sans précédent également con-

en un « carrefour musical de l 'Asie ».

sacrée en 200 1 par l'attribution de dou ze Tony Awards, véritable prouesse dans le domaine musical. Ce spectacle,

Une riche programmation Dans le cadre du Festival qui se déroulait du 2 février

que les Coréens avaient hâte de découvrir en raison de son succès et de ses hautes qualités artist iques, a englouti

au 31 mars derniers, principalement à l'Opéra de Daegu ,

pour sa mise en scène un énorme budget d'environ dix

étaient présentés les spectacles« Rent », « Dr Jekyll & Mr

milliards de wons, soit à peu près dix millions de dollars,

Hyde » et « The Producers » , le premie r bénéficiant

tout en maintenant telle quelle la d istr ibution de

notamment de la distribution d' origine proposée à

Broadway.

Broadway et constituant une adaptation contemporaine de

Étaient également représentés les spectacles fam i-

l'opéra « La Bohème », de Puccini qui exprimait une cer-

liaux avec « Casse - noisette », « CATS Fo r ever », « Fan

taine vision de la jeunesse américaine des années quatre-

Yang ·s Bubble Show », « Maria Maria » et « Chrysalide ».

vingt-di x en recourant à divers genres musicaux dont le

Ce dernier était interprété par des artistes professionnels

rock'n roll, le tango , les ballades, ainsi que le gospel, et

issus de la Société d'art dramatique et des associations

dont l'actrice-chanteuse vedette, la Hongkongaise Karen

musicales et chorégraphiques de Daegu, qui œuvrent à

Mok nommée ambassadrice de bonne volonté à l'occasion

rehausser le niveau de la création artistique locale tout en

de la tournée asiatique de « Rent », avait accepté de ren-

démontrant les capacités de promotion qui existent dans

contrer ses admirateurs de Daegu. Quant au « Dr Jekyll &

ce domain e. Se signalant par son professionnalisme dans

Mr Hyde », déjà à l'affiche en 2004 à Daegu, il a permis à

l'ensemble de la production musicale de Daegu, cette

ceu x qui ne connaissaient pas encore Jo Seungu, l'un des

composition qui , sur fond de divertissement musical, se

plus grands acteurs coréens , d'apprécier tout son talent

fait l'expr ession des privations, luttes et énormes efforts

58 Korea na I Été 2006


de volonté des handicapés dans une société dont ils sont

autres à Daejeon, où les représentations, pourtant

pour la plupart exclus, méritent amplement le Grand Prix

antérieures à celles de Daegu, n'ont rempli les salles qu 'à

de musique qui lui a été décerné.

cinquante pour cent de leur capacité. Dans ses universités,

Cette programmation se complétait de diverses mani-

cette dernière possède en outre nombre de départements

festations telles que séminaires, ateliers, projections de

dispensant une formation aux arts musicaux du spectacle

films, ainsi qu'une exposition d'objets propres à la profes-

très prometteuse quant aux possibilités d'évolution de la

sion, une conférence internationale et des rencontres avec

région en une réserve de ressources humaines assurant

des vedettes à l'intention du public. En point d'orgue, une

une continuité de croissance du secteur.

remise de prix a eu lieu lors de la cérémonie de clôture qui réunissait grands acteurs et professionnels coréens de l'industrie musicale. C'est le spectacle « The Producers » donné le 15

Un marché musical florissant C'est dans les mégalopàles que prospère l'industrie du spectacle, des New-York ou Lond r es dont les quartiers

mars en soirée, c'est-à-dire au quatrième jour du festival,

de théâtres respectifs de Broadway et du West End attirent

qui a draîné la plus grande audience en vendant mille qua-

en masse des touristes apportant chaque année plusieurs

tre cents places sur mille cinq cents. Une telle expression

milliards de dollars de recettes. Cependant, des pays qui

d'enthousiasme et d'appétit culturel venait ainsi corrobo-

voilà encore peu n'étaient guère renommés pour leur tra-

rer une petite phrase qui ci r cule depuis peu dans les

dition musicale sont aujourd 'hui pris d'une véritable fer-

milieux du théâtre : « Daegu est l'espoir de notre industrie

veur pour cet art et les retombées économiques de

du spectacle». Avant même d'être portées à la scène, les

l'industrie du spectacle ne cessent de s'accroître . En

huit rep r ésentations de « The Producers » faisaient déjà

Corée, près de cent millions de spectateurs ont ainsi

salle comble et en se fondant sur les ventes du 15 mars,

assisté aux représentations du « Fantôme de l'Opéra » et

qui s'éleva ient en moyenne à soixante-cinq pour cent des

occasionné ce faisant des ventes de cinq milliards de dol-

places disponibles, l'agent de production Seol & Company

lars. Son producteur, le Britannique RUG a su en outre

a prévu que ce chiffre atteindrait aisément soi xante-di x

opt imiser ses gains par une stratégie de diversification

pour cent le 31, jour de la dernière. Les résultats sont tout

horizontale fondée sur la création de six filiales, dont une Été 2006 1 Koreana 59


La diversité est source de rayonnement culturel et le Festival international de Daegu, encore à ses premiers pas, n'en démontre pas moins tout le potentiel que représente la création régionale lorsqu'elle s'enrichit d'influences mondiales.

compagnie de théâtre, un studio d'enregistrement et une

dernière impératrice », les spectacles sont pour la plupart

entreprise cinématographique, ainsi que la commerciali-

importés en raison d'un défaut de compétitivité dans la

sation de produits sous licence et de souvenirs sur les

production nationale . Les critiques estiment que les

lieu x de représentation .

œuvres récentes pèchent par leur lourdeur et l eur

Alors que son chiffre d'affaires avoisinait en 2001 quatre-vingts milliards de wons, soit quatre-vingts millions de

banalité, voire leur monotoni e, ainsi que par un certain manque de subtilité.

dollars , le marché coréen des arts du spectacle a été

Fort heureusement, les sociétés CJ Entertainment et

relancé par les 240 000 entrées réalisées par la comédie

Kyyk Musicals, de même que le centre des arts de LG, ont

musicale « Fantôme de l'Opéra » et le passage en 2006 du

eu cette année l'initiative d'une deu xi ème « vitrine musi-

cap des un million, qui n'est qu 'une question de temps,

cale », un espace de rencontre permettant la présentation

devrait se traduire l'année prochaine par des gains de

de projets artistiques en vue d'atti rer les investissements

deux cent milliards de wons. Un tel rythme de croissance

nécessaires à leur production et mise en scène, ce qui

fera bientôt du marché des arts du spectacle une com-

s'avère indispensable dans le cas de spectacles à gros

posante de l'industrie des loisirs tout aussi rentable que le

budget tels que le « Fantôme de l'Opéra » afin d'en évaluer

cinéma. Pour ce qui est des ressources humaines, le

la rentabilité ainsi que les réactions des investisseurs

secteur en est fortement demandeur, car il faut savoir

potentiels.

qu'une grande production exige la participation directe

Organisée en 2005 sur le thème « Investir dans les

d'environ deu x cents artistes, musiciens, producteurs,

spectacles musicau x », la premi ère « vitrine » avait, au

techniciens, responsables et agents commerciaux et, si

terme d'une sélection initiale, mis en lice vingt-quatre

l'on ajoute à cela le personnel sous-traitant, ce sont mille

groupes sur lesquels allaient être retenus cinq finalistes .

personnes qui unissent leurs efforts pendant plusieurs

Ces derniers avaient alors fait l 'objet d'une audition de

mois.

vingt minutes afin d'interpréter les principaux passages de leurs œuvres devant des universitaires et professionnels

Problèmes à résoudre Si le marché coréen des spectacles musicaux a connu

concernés par l'industrie du spectacle, ainsi que des producteurs et investisseurs en puissance. Des créations sus-

une croissance phénoménale au cours de ces dernières

ceptibles de plaire au public ont pu ainsi bénéficier d'un

années, il n'en demeure pas moins qu'il souffre encore de

soutien financier et accéder au x circuits de production

ne pas être reconnu en tant quïndustrie culturelle à part

commerciau x. Les « vitrines » ont également permis à

entière. Hormis des créations coréennes telles que « La

nombre de spectacles nouveaux offrant des perspectives

60 Koreana I Été 2006


commerciales d'êtres adaptés en vue de leur représentation sur les petites scènes. Cependant, une absence totale de salles adaptées est d'autant plus à déplorer à Séoul que les spectacles en question doivent rester longtemps à l'affiche pour s'avérer rentables. Après l 'ovation qui a salué « Mamma Mia

! » l'année dernière, l'Opéra du Centre des

Arts de Séoul a décidé de réserver un accueil de trois mois à chaque spectacle musical afin d'apporter une solution satisfaisante à cette pénurie de locaux. En outre, dans le cas de grands spectacles, comme l'élaboration d'un projet peut prendre jusqu'à deux ou trois ans avant qu'une société n'entreprenne sa production et que la location des salles n'est possible qu'une année à l'avance, la représentation des œuvres doit intervenir dès que possible pour respecter les échéances. Il importe donc avant tout d'instaurer plus de souplesse dans les procédures de location afin d'accorder suffisamment de temps aux préparatifs de la production en vue d'une mise en scène plus professionnelle. Si l'industrie coréenne des arts du spectacle se trouve encore en gestation, elle suit la bonne voie, comme en attestent des manifestations à succès telles que le Festival de musique proposé par le Centre des Arts de la ville d'Uijeongbu et le Festival international des spectacles musicaux de Daegu lequel, malgré sa portée et ses ambitions encore limitées, a déjà laissé entrevoir l'apport qu'il pouvait représenter pour l'avenir du spectacle musical en Corée.

1..11 Été 2006 1 Koreana 61


ÀLAD~COUVERTEDELACOR~E

Ingénieux mécanismes antivol de la serrurerie traditionnelle Si elles font figure d'antiquités au regard des hautes technologies mises en œuvre sur les dispositifs de sécurité actuels, les serrures traditionnelles résultaient en leur temps d'une savante conception qui les rendait infaillibles pour empêcher le vol et restant d'un accès difficile aux procédés les plus modernes, elles recèlent des secrets d'autant plus précieux. Chong Tong-chan Conservateur-en-chef au Département des expositions scientifiques et techniques du Musée national des sciences Seo Heun-kang Photographe

C

·est en l'an 668, sous les Trois Royaumes, qu'appa-

support. Ces changements se sont doublés de l'emploi

raissent des dispositifs permettant de fermer au

d'autres matériaux, puisque au fer ordinairement en usage

moyen d'un clé des éléments du mobilier tels que garde-

sur les fermetures anciennes, comme celles du Royaume

robes et coffres à riz, ainsi que les garde-meubles et autres

Baekje [18 av.J.-C.-660 ap. J.-C.] qui furent découvertes

locaux destinés au gardiennage des objets de valeur.

dans la forteresse Busosanseong de Buyeo, allait se sub-

Tandis que leurs successeurs se dotent aujourd'hui de

stituer le laiton, alliage de cuivre et zinc, jusqu'à la fin de la

procédés ultramodernes de reconnaissance vocale et

dynastie Joseon [1392-1910]. époque à laquelle apparut le

d'empreintes digitales, ainsi que de détection de la chaleur

cupronickel. Par la suite, l'impératif de solidité auquel

corporelle, ces serrures traditionnelles à la mise au point

devaient répondre ces mécanismes à des fins de sécurité

rigoureuse alliaient leurs fonctions de sécurité à celles

conduisit à améliorer constamment les caractéristiques

d'accessoires décoratifs prenant place sur les meubles

de durabilité des nouveaux métaux, qui équivalent à ce

artisanaux.

titre, ainsi que par leurs performances d'exploitation, aux laitons et cupronickels d'autrefois.

Symbiose esthétique et fonctionnelle

Une serrure traditionnelle se composait des trois

Le terme « jamulsoe » désignant en coréen une ser-

éléments que sont le boîtier, la bride et la clé, le premier

rure est formé du verbe « jamul » et du nom « soe » qui

en constituant le corps, tandis que le deuxième, mobile,

signifient respectivement verrouiller et métal, soulignant

assurait la fixation à l'objet support. Ils concouraient tous

ainsi l'aspect fonctionnel de cet objet métallique par une

deux à la réalisation du verrouillage puisque c· est l'inser-

connotation de protection ou de conservation.

tion d'un ressort conique souple situé sur une tige consti-

La serrurerie coré.enne a su constamment évoluer

tutive de la bride qui provoquait le verrouillage et dont la

dans ses formes et structures afin de s'adapter à de nou-

forme, ainsi que les dimensions, déterminaient très

veaux usages car les transformations intervenant dans les

exactement celles de la clé correspondante.

lignes ou fonctions du mobilier, garde-robes et coffres à

Il importait avant tout que le ressort conique soit

riz par exemple, ont influé sur sa conception technico-

d'une grande souplesse, un peu comme un plongeoir, afin

esthétique, notamment avec l'apparition de motifs de

qu'il recouvre sa position de départ après de nombreux

croissants, soucoupes et animaux divers s'intégrant au

verrouillages et déverrouillages successifs à l'aide de la

62 Koreana I Été 2006



clé, une condition que permettait de réaliser, par marte-

une série de serrures traditionnelles et les clés corres-

lage, l'optimisation des caractéristiques de densité,

pondantes dans le cadre d'une étude, cinquante sont par-

élasticité et durabilité. Afin d'accroître cette dernière par-

venus à ouvrir les dispositifs comportant un mécanisme en

ti cula rité en vue de la remise en place, un ruban

trois temps après une durée moyenne de cinq minutes qui

métallique situé à la partie inférieure du ressort et com-

est passée à vingt dans le cas de dispositifs à six temps, et

portant en son centre une dépression assurait la fonction

seul l'un d'entre eux a su déverrouiller ceux à huit. Le

de l'actuel ressort à lames.

niveau de sécurité d'une serrure traditionnelle s'avère donc supérieur à celui des mécanismes modernes acces-

Une structure à la complexité labyrinthique

sibles au moyen d'un simple double de clé.

Les serrures traditionnelles présentaient une grande

Par ailleurs, ces ouvrages constituaient des produits

diversité de conception allant, pour les plus rudimentaires,

artisanaux dont la fabrication mettait en œuvre un ensem-

de l'ouverture rectiligne effectuée en une seule étape à

ble d'outils, équipements, matériels et techniques de tra-

des dispositifs d'une grande complexité technique où le

vail des métaux, notamment des procédés de moulage ou

déverrouillage était exécuté en réalisant une certaine

de chaudronnerie. Il s'agissait, dans le premier cas, de

séquence d'opérations, comme on procéderait, pas à pas,

couler le métal en fusion dans un moule en sable placé à

sur le parcours d'un labyrinthe. Mettant en œuvre un

l'intérieur d'un coffrage de bois, une pratique d'usage

procédé d'ouverture complexe constitué par l 'action

répandu pour la réalisation des serrures en acier ou laiton

d'enfoncer, tirer et tourner successivement la clé , ces

à motifs animaliers, et dans le second, réservé aux

derniers mécanismes s'apparentaient donc à une sorte de

modèles ordinaires, de réunir entre elles différentes

puzzle qui ne comprenait que deux éléments, mais jusqu'à

feuilles de tôle pour former le boîtier.

huit manipulations différentes . Si l'ouverture s'obtient

C'est à ces fabrications traditionnelles que se con-

sans effort d'intelligence, en glissant la clé dans le trou

sacre Pak Munyeol, artisan serrurier né en 1950 et qui

d'une serrure ordinaire, la même opération procède d'une

s'est vu déclarer bien culturel immatériel en récompense

démarche spatiale contre-intuitive lorsqu'il faut localiser

de son activité. Après s'être initié, dès l'âge de 15 ans, à la

d'abord le second, parce que dissimulé, ou retirer la

quincaillerie d'ameublement, c'est-à-dire les éléments

première après l'avoir engagée.

métalliques décoratifs fixés sur les meubles, ainsi qu 'au

Sur les cent participants au xquels avait été remise 64 Koreana I Été 2006

travail artisanal du métal, il allait acquérir une maîtrise


1, 2 Spécialisé dans la serrurerie de tradition, Pak Munyeol a reconstitué en 2002, avec l'aide du Musée national des sciences, une serrure à huit temps telle qu'il en existait sous la dynastie Joseon. 3 Mode d'ouverture d' une serrure traditionnelle à huit temps: (1) Abaisser la partie gauche du boîtier. (2) Extraire partiellement la bride. (3) Actionner le bouton situé sur la face supérieure du boîtier. (4) Faire pivoter la platine à droite pour découvrir le premier trou de serrure. (5) Appuyer sur le serre-joint situé à la partie supérieure et le faire pivoter à gauche pour découvrir le second trou de serrure. (6) Insérer l'extrémité de la clé dans le trou de serrure selon un angle de 45°. (7) Tourner la clé de 90° à droite pour la placer en position horizontale. (8) Enfoncer la clé au fond pour dégager la bride et ouvrir la serrure.

3

Pièces d'une serrure traditionnelle à huit temps

Corps (boîtier)

Été 2006 1Korea na 65



Une serrure traditionnelle tient à la fois du labyrinthe et du puzzle, car afin d'en obtenir l'ouverture, il est une marche à smvrc complexe pour 1 enfoncer et tourner la clé, puis pour l'en retirer.

totale des méthodes d'exécution, du maniement des outils,

Pièces de serrurerie exécutées à la main par Pak M unyeol. De gauche à droite : Serrures en forme de dragon, de poisson et hémisphérique.

sur des secrets plus que millénaires.

de la gravure et du soudage. Tandis que tous ses anciens

Cette fabrication représente pour le moins une

compagnons entreprenaient la production de tels articles

semaine de travail en raison de toute la complexité

par des procédés mécaniques et à des fins commerciales,

d'implanter un schéma de conception sur un espace guère

Pak Munyeol n'éprouve de satisfaction qu'à les confection-

plus grand que la paume de la main et que ne permet pas

ner à la main à l'aide de techniques et matériaux tradition-

de deviner l'objet par son aspect plutôt simple et banal.

nels.

Les règles de l'art en sont donc extrêmement rigoureuses, « La rentabilité est essentielle », concède-t-il, « mais

pour se lancer dans la fabrication, il importe avant tout

et les mécanismes, si ingénieux, que le seul repérage du trou de serrure a de quoi déconcerter l'usager moyen.

d'apprendre convenablement le métier et d'en respecter

L'observateur attentif ne peut que s'émerveiller

les règles. Il faut passer par bien des échecs et épreuves

devant l'esprit d'innovation et la maîtrise technique des

avant de créer une véritable œuvre d'art ». Avec le temps,

artisans de jadis, ainsi que leur capacité à mettre en appli-

sa propre activité lui permet d'apprécier toujours davan-

cation ce savoir-faire sous des formes variées dorit ils pou-

tage la maîtrise technique dont ont fait preuve ses

vaient s'enorgueillir à juste raison, comme en témoignent

prédécesseurs et c'est en alliant judicieusement des

les noms élégamment gravés sur les brides de leurs magni-

éléments contemporains à ce savoir-faire ancestral qu'il

fiques ouvrages.

s·est imposé en tant que maître artisan serrurier.

L'art ancestral de la serrurerie se perpétue à l'époque contemporaine, l'association de la technologie

Tradition et modernité La serrurerie est un artisanat de haute précision qui

moderne avec les procédés de fabrication traditionnels ouvrant de nouvelles perspectives de conception, notam-

exige une totale adéquation entre des opérations

ment par l'adaptation des qualités décoratives des pro-

manuelles et mentales, la moindre erreur ou distraction

duits d'autrefois aux exigences des dispositifs actuels. Une

se soldant par la production d'une pièce de rebut. Le

telle alliance présenterait à n'en pas douter des attraits

façonnage manuel du métal brut se déroule selon

fonctionnels et esthétiques, un gage de réussite qu· offrent

plusieurs étapes complexes demandant une attention de

les innombrables possibilités d'actualisation de tous les

tous les instants pour obtenir un dispositif parfait reposant

produits issus de la tradition. 1...1 Été 2006 1 Koreana

67



Lee Chang-ho affronte le joueur chinois Luo Xihe en finale de la Coupe mondiale Samsung de« baduk ».

F

orme de divertissement très

systématique des champions, dont

l'homme prend en pension Lee

ancienne en Orient, puisque

l'habileté allait s'affirmer dans les

Chang-ho, alors âgé de neuf ans, qui

apparue il y a de cela cinq siècles en

années quarante avec l'organisation

s'avère toutefois décevant par la

Chine, le jeu de société dit « baduk »

de tournois professionnels financés

lenteur de ses progrès. Alors qu'au

ou de go se joue sur une tablette, où

par les grands quotidiens de la presse

même âge, le premier avait déjà

s· entrecroisent dix-neuf lignes verti-

et assortis de prix en espèces d'un

atteint un niveau professionnel et

cales et horizontales en trois cent

montant considérable. La Corée ayant

pouvait mémoriser trois jeux entiers,

soixante et un points, à l'aide de

longtemps relégué ce jeu au rôle

le second n'est même pas en mesure

pions noirs et blancs qui s'affrontent

d'agréable passe-temps réservé à la

de rejouer à l'identique une partie

en des stratégies rivalisant de ruse et

bourgeoisie et accusé de ce fait un

venant de s'achever. Pourtant, il ne

d'ingéniosité. D' un nombre quasi-

certain retard dans sa maîtrise par

faudra pas longtemps au maître pour

ment infini, ses différentes manœu-

rapport à son voisin, elle allait s'initier

comprendre qu'il a trouvé la perle

vres relèvent de tactiques si com-

aux techniques de ce dernier au

rare et que derrière une apparente

plexes que d'aucuns y voient une

moyen de publications faisant office

lenteur se cachait un fort potentiel.

sorte d'art mystique. À l'heure où le

de manuels. C'est alors qu'entre en

En 1986, Lee Chang-ho passe

superordinateur parvient à battre

scène Lee Chang-ho, qui va boule-

avec succès une épreuve qui lui per-

jusqu'aux champions internationaux

verser le classement compétitif en

met de prendre le statut de joueur

d'échecs, rien de tel n'est possible

permettant à la Corée de se hisser au

professionnel et deux ans plus tard, il

contre les maîtres du « baduk », le

sommet de la discipline.

accomplit la prouesse de remporter

Le champion né en 1975 dans

soixante-quinze victoires pour seule-

une famille aisée de Jeonju, ville de

ment dix défaites, enregistrant ainsi

la province de Jeollabuk-do, apprend

un taux de réussite de 88%, le

avec son grand-père le jeu de

meilleur de l'année. Son mentor va

Si le jeu de « baduk » se pratique

« baduk » dans lequel il se plonge,

quant à lui sortir vainqueur du

dans soixante-cinq pays, dont trente

plus intellectuel de tous les jeux du monde, aux dires des Occidentaux. La perle rare

malgré son jeune âge, telle Alice tra-

Championnat mondial de Singapour

sur le seul continent européen, c· est

versant le miroir qui conduit au Pays

en 1989 et remporter de ce fait un

en Asie

du Nord-Est et plus

des Merveilles. En Corée, le maître

prix de quatre cent mille dollars,

précisément en Corée, en Chine et au

incontesté de cet art est à cette

puis, la même année, Lee réalise le

Japon qu'il domine numériquement

époque Cho Hun-hyun, dont la

rare exploit de gagner un petit

au niveau national. Dans ce dernier

renommée s'étend jusqu·au Japon

tournoi professionnel coréen à l'âge

pays, les gouvernements successifs,

où il a vécu lors de ses études, ce qui

de quatorze ans.

dès l'époque des shogunats [1192-

lui permet de dominer aisément la

1867). n'ont cessé de promouvoir

compétition locale.

l'activité par un entraînement

Afin d'assurer sa formation,

Génie invicible

Alors que le « baduk » s'inspire Été 2006 1 Koreana 69



Un remarquable taux de réussite annuel de 88% à l'âge de treize ans, un nombre record de parties remportées consécutivement, à savoir quarante et une, à celui de quinze, l'obtention du titre de plus jeune champion mondial, à dix-sept, la série victorieuse la plus longue de l'année, puisqu'elle s'élève à quatre- vingt-d ix succès, un an après: voilà quelques-unes des prouesses à l'actif de Lee Chang-ho l'invincible, qui fait désormais son entrée dans la légende.

de la stratégie militaire où la rapidité

Rinhaifon, précéd ent détenteur du

Sans précipitation, il fait face au x

de réaction joue un rôle vital,

titre, et en 1993, il engrangera qua-

coups les plus astucieux comme aux

exigeant des manœuvres aussi

tre-vingt-di x nouvelles victoires,

replis défensifs, attendant le moment

promptes qu·assurées, le jeu de Lee

chiffre tout aussi inégalé en l'espace

venu avec une patience qui semble

Chang-ho se caractérise au contraire

d'une année.

sans fin, tel un joueur chevronné, en

par la lenteur de son rythme, à

En Extrême- Orient, le « baduk »

même temps vieu x et jeune. Tandis

l'instar de ses paroles et de ses

se conçoit depuis toujours comme un

que ceu x qui sont passés maîtres

gestes . Pour la qualifier, vient à

microcosme de la société des

dans cet art recourent pour la plupart

l'esprit le mot « duteoum » que les

hommes car il se fonde sur des

à de comple xes et spectaculaires

joueurs occidentau x traduisent par

dichotomies du type opposition ou

stratagèmes pour s'assurer la vic-

« density », c'est-à-dire la densité ,

concession, pouvoir ou liberté, excès

toire, ce jeune homme d'une ving-

mais qui en réalité ne correspond pas

ou modération . Ainsi, audace et

taine d'années s'en tient à un long et

à cette dernière au sens où on

imagination doivent se doubler de

difficile pa rcours fait d'innombrables

l'entend en anglais, par exemple ,

sang-froid et de présence d'esprit

manœuvres en elles-mêmes assez

puisqu'il s'agit d'une notion abstraite

pour se garder de prendre trop, et

élémentaires . Peu importe que

se référant à la particularité de se

trop tôt. En l'absence de cas compa-

l'adversaire soit fort ou faible à celui

briser difficilement ou de lever

rable au sien, il était jusqu 'alors com-

qui poursuit sa progression lente,

comme la pâte à pain.

munément admis au Japon qu'un

mais ine xorable, comme un fleuve

Le principal atout du joueur est

maître devait être âgé d'au moins

malgré ses méandres.

sa capacité d'analyse exceptionnelle,

quarante ans, mais le génie de Lee

C'est en restant fidèle à son

grâce à laquelle il peut évaluer dans

Chang-ho a démenti cette croyance

style que l'homme a évincé ses con-

un même temps l'état d'avancement

et l'homme a mérité son surnom de

currents coréens. Au x côtés du grand

de la partie, les avantages respectifs

« maître réincarné » par ses capa-

joueur de talent qu'est aussi son

des adversaires et les différentes

cités , qui surpassent de très loin

maître Cho Hun-hyun, il a porté le jeu

évolutions possibles. C' este Cette fa-

celles propres à son jeune âge.

culté qui a permis à Lee Chang-ho de surmonter le handicap de sa lenteur

à sa perfection et assuré la domination coréenne sur le Japon et la

Le « baduk » porté à la perfection

Chine. Berceau du « baduk », celle-ci

tout en améliorant continuellement

Le champion donnant rarement

ses perfo r mances par la mise en

le coup de grâce à l'adversaire et ce

éléments nationau x qui devront

pratique du « duteoum ».

dernier se retrouvant ainsi vaincu

toutefois se mesurer au x stratégies

En 1990, année de ses quinze

avant de s'en apercevoir, il est aussi

de génie d'un Lee Chang-ho .

ans, Lee Chang-ho va atteindre le

surnommé« gourdin de velours ».

Figurant d ' ores et déjà au pal-

nombre record de quarante et une

accroît son soutien au x meilleurs

Toutefois, sa qualité principale est une

marè s mondial de la discipline

victoires consécutives, ce qui lui vau-

expression imperturbable qui ne trahit

grâce à son style propre empreint

dra dès lors d'être qualifié de prodige

pas la moindre réaction aux ruses et

de « duteoum » et à sa dynamique

invicible . Il remporte deu x ans plus

assauts de l'ennemi, à l'i mage d'une

gagnante, ce joueur de légende est

tard le Championnat du monde après

balance en perpétuel équilibre ou d'un

appel é à s'imposer en maître

avoir mis en échec le Japonais

moine en méditation.

absolu du « baduk ». t..t Été 2006 1 Koreana 71


ESCAPADE

Pocheon

Au cœur de la forêt coréenne


Pour chasser peines et ennui, rien de tel qu'une marche parmi les murmures d'une forêt profonde, comme il s'en trouve de magnifiques à Pocheon, et dont on sort l'esprit, l'âme et le corps purifiés par un véritable élixir de jouvence. Yi Gyeom Écrivain-voyageur [texte et photographies)


L

a ville de Pocheon se retranche derrière un rempart

d'enserrer de ses bras le tronc d ' un arbre pour

montagneux qui l'a longtemps maintenue dans un

s'imprégner de sa chaleur? J'ai pourtant la certitude que

certain isolement tout en la préservant souvent des rava-

celui-ci serait ravi de cet élan de tendresse dont l'auteur

ges de l'urbanisation. Aujourd'hui encore, ses habitants au

éprouverait quant à lui joie et exaltation au souvenir de

caractère fort, mais intègre, évoluent dans un milieu

moments depuis longtemps oubliés.

naturel intact et, à bien des égards, conforme à leur

La vue du feuillage transpercé de rayons de soleil

image. Cette localité est ainsi demeurée fidèle à ses ori-

m'évoque celui de mon enfance, à la saison d'automne,

gines et si son manque de communication l'a incitée à se

et cette idée souvent entendue que certaines personnes

développer, c'est au creux des lointaines vallées que se

ont une telle aptitude à assimiler les cycles naturels à

trouvent ses plus grandes richesses.

leur existence qu'elles en deviennent comparables aux feuilles tombant des arbres pour retourner finalement à

Merveilles de la forêt

À Pocheon, comme partout ailleurs en montagne,

la terre . Mes jeunes années, et ma passion d'alors pour Scott et Hellen Nearing, sont pour moi inoubliables,

l'aube est sans commune mesure avec celles des villes.

alors, la prochaine fois que vous serez en .forêt, sou-

Sans y penser, comme d'instinct, on y inspire plus pro-

venez-vous aussi des vôtres le temps d'une halte parmi

fondément, peut-être du seul fait que l'on a conscience de

les arbres.

se trouver en forêt, mais il n'en reste pas moins vrai que le

Les cours d'eau qui ont creusé leur lit dans les

corps y absorbe plus profondément l'air vif et pur. Quoi de

superbes vallées du Mont Jugyeopsan, par si x cent un

plus nécessaire en effet que cet élément que l'organisme

mètres d'altitude, sont particulièrement limpides et abon-

inhale à raison de dix-neuf mille litres par jour, dont près

dantes même à la saison sèche, de sorte que leur pro-

de quatre mille d'oxygène, ce gaz qui pénètre en lui par

fondeur permet d'y faire trempette, comme aujourd 'hui

tous ses alvéoles pulmonaires et n'est rien moins que

où , assis sur un rocher, je laisse mes pieds se balancer

l'essence même de la vie ?

dans l'onde paisible. Sans cesser d'admirer le magnifique

L'écosystème sylvestre repose sur un équilibre et une

panorama des montagnes environnantes, j'échange avec

harmonie créés par différentes strates de formation

mon compagnon de route quelques banalités sur la vie

végétale qui interagissent, y compris dans les milieux à

quotidienne, et ce faisant, aperçois sous mes pieds une

forte pousse dont l'aspect est d'autant plus exubérant.

accumulation de feuilles décomposées dont ne subsistent

Celles-ci sont au nombre de quatre et se composent

guère que les nervures qui suscitent en moi comme un

d'herbe, de broussailles, du sous-étage et des arbres, dont

sentiment de solitude. Cependant, par leur altération

la hauteur de pousse s'élève respectivement à moins de

même, ces matières fournissent l'élément nutritif des

0,4 mètre, 0,4 à 2 mètres, 2 à 8 mètres et plus de 8 mètres.

espèces aquatiques qui prolifèrent dans le ruisseau , selon

Elles abritent chacune une faune et une flore variées qui

les éternelles et merveilleuses lois de la nature toujours

s'équilibrent entre elles et se partagent l'espace par la

recommencée.

concurrence vitale.

Les forêts et vallées riantes de Pocheon ont jadis

Si certains n'accordent qu'un regard distrait à ces

charmé nombre de poètes, calligraphes et peintres. Une

futaies qui procurent pourtant paix et sérénité, plus rares

feuille d'arbre pourrie m'inspire quelques vers sur mes

encore étant ceux qui prennent la peine d'effleurer du

perceptions à fleur d'eau car, tout en étant le plus grand

doigt les tendres et odorantes aigu illes de sapin ou d'en

artiste, le poète ne peut produire sans arrêt des chefs-

respirer le parfum , qui accomplirait aujourd'hui le geste

d'œuvres, et à l'inverse, tout un chacun peut s'essayer à

74 Koreana I Été 2006


Destination très prisée des week -ends en famille, le lac Sanjeong figure parmi les hauts lieux de Pocheon . 2 Gouttes de rosée suspendues aux tendres aiguilles d'un de ces jeunes sapins qui peupleront un jour une épaisse forêt. 3 Espèce rare spécifique d'un milieu sylvestre dense. le satyre voilé ou « dictyophora indusiata » semble paré de dentelle jaune . 4 En avril, la floraison des " magnolia stellata » précède de peu le bourgeonnement vert des forêts.


Le lac Sanjeong allie de nombreuses activités de loisirs aux merveilles de son paysage. 2 Délicieuse spécialité culinaire composée de côte de boeuf marinée à la sauce de soja. 1·« idong galbi » de Pocheon figure au menu d'un grand nombre de restaurants ayant pour pionnier le « Neutinamu Galbijip » qui a ouvert ses portes au début des années soixante . 3 « !dong makgeolli », vin de riz traditionnel de Pocheon réputé pour sa saveur corsée.

la poésie, voire composer remarquablement dans des circonstances exceptionnelles, tant il est vrai que la création est source de satisfaction pour qui ne recherche pas la gloire. Parce qu'il l'aura lui-même rédigé, cet écrit lui donnera plus de contentement que s'il provenait d'un quelconque autre auteur. Je m'attelle sur-le-champ à la tâche tout en examinant le squelette de feuille, dans l'espoir que si un jour rien ne subsiste de ma poésie, le cours du ruisseau n'en sera pas troublé, car elle ne doit que flotter à la surface, comme un écheveau au x fils démêlés. 76 Korea na I Été 2006

Origines des forêts coréennes

Pocheon se flatte d'abriter l'Arboretum national de Corée qui s'étend sur une superficie de quelque mille cent dix-huit hectares comprenant des espaces où l'homme n'a jamais pénétré, de même que les forêts de Gwangneung, où reposent le roi Sejo [r. 1455-1468] et la reine Jeonghee, ainsi que des jardins paysagers et naturels occupant respectivement cent et mille dix-huit hectares sur lesquels poussent 1 863 plantes arborées et 1 481 herbacées. Les jardins paysagers se répartissent en quinze secteurs différents en fonction des caractéristiques, emplois et


l:équilibre et l'harmonie de l'écosystème sylvestre résultent de l'interaction de différentes strates de formation végétale, y compris dans les milieux à forte pousse dont l'aspect est d'autant plus exubérant.

fonctions des arbres et arbustes concernés.

découvrir deux cent douze variétés de plantes dont la lysi-

Aménagé à l'intention des non-voyants, le « Jardin

maque ou « Lythrum anceps », le pétasite officinal et l'iris

des arômes et du toucher» retient particulièrement

versicolore. Dans l'écosystème marécageux, la coexis-

l"attention et au beau milieu de ['Arboretum, le Musée de

tence de diverses espèces biologiques résultant d'états

la Forêt retrace l"histoire et l'industrie forestières

aquatiques différents tels que circulation ou stagnation

coréennes à travers diverses expositions qui évoquent

permet d'établir un équilibre parfait entre production et

aussi la situation actuelle et les projets d'avenir du

consommation . Ce milieu fournit un habitat à une multi-

secteur. Jouxtant cet établissement, le Jardin botanique

tude d'organismes qui participent de l'équilibre naturel,

coréen réunit cent dix mille espèces végétales, mais aussi

outre quïl constitue une ligne de partage des eaux permet-

animales et non biologiques issues de la forêt coréenne.

tant leur accumulation et infiltration dans le sous-sol. De

Un Jardin aquatique aux contours évocateurs de la

manière générale, il s·avère propice à un grand nombre

péninsule coréenne abrite deux cent quatre espèces

d'espèces en raison du maintien à un niveau relativement

telles que nénuphars, « Typha orientalis » et « Trapa

constant de sa température et de sa profondeur, y compris

Japon1ca ».

à la saison sèche, contribuant ainsi largement à une riche

À sa suite, le Jardin des marécages permet de

Garde f Ore St i e r

biodiversité.

1.;<1

Kwon Eun-oh Directeur général de ['Arbo retum national de Corée

À quoi peuvent bien penser

instants pour réfléchir à mon travail, tout en chassant fatigue et

ceux qui prennent soin du devenir

stress. Les arbres nous apprennent tant de choses que les

de nos précieuses forêts

C'est

Hommes devraient s'inspirer de lèurs qualités. puisqu'ils font

d'un air jovial et d'une poignée

don de tout ce qu'ils possèdent à leur environnement avaot de

?

de main ferme. mais rassurante.

retourner à la terre. La forêt coréenne représente un chiffre

que nous accueille Kwon Eun-

d'affaires approximatif de cinquante-huit mille milliards de

oh. le Directeur général de

wons. c'est-à-dire soixante milliards de dollars. mais en réalité.

l 'Arboretum national. Comme il

ce sont les enseignements tirés de la nature qui importent le

convient

docteur ès

plus. Il faut mener une réflexion approfondie afin d'assurer une

agronomie, ses connaissances en botanique et horticulture sont

coexistence harmonieuse entre arbres et forêts. faune, flore et

à un

inépuisables. Ne dit-on pas que l'on en vient tout naturellement

êtres humains. Avez-vous déjà vu des arbres qui soient mauvais

à aimer ce que l'on connaît bien ? Aujourd'hui encore. l'homme

pour les autres

trahit son attachement à la forêt au moindre coup d'œil furtif

font tous partie intégrante de la forêt. »

sur les arbres et plantes qui l'entourent. « J'ai pour habitude d'observer attentivement la terre, les

?

Même s'ils y jouent des rôles différents, ils

Lorsqu'elle vise à détériorer et exploiter la nature. toute entreprise humaine est non seulement vaine. mais cause de

arbres et les fleurs au cours de mes rondes quotidiennes de

grands malheurs. La vie des Hommes étant inférieure en durée

quatre-vingt-dix minutes en forêt. Je m'efforce de le faire en

à celle d'un arbre ou d"un ruisseau, ils seraient bien orgueilleux

me mettant à la place d'un visiteur et profite aussi de ces

de chercher à faire usage de la nature pour leur seul profit.

Été 2006

1

Koreana

77


CUISINE

L' « IMJAS UT_AN G » , un plat d'été au poulet et sésame blanc Dans la forte chaleur de l'été coréen, quand l'organisme s'affaiblit et que l'appétit manque, l' « imjasutang

»

remédie

parfaitement à cet état par ses vertus hydratantes, nutritives et gustatives qui en font alors un plat très apprécié. Chun Hui-jung Professeur à l'Institut de gastronomie coréenne de l'Université féminine de Sookmyung Bae Jae-hyung Photographe


S

ervi froid, l'« imjasutang » consiste en un bouillon de poulet additionné de morceaux bouillis de cette volaille, ainsi que de boulettes de viande, œufs, con-

combres et champignons shiitake que viennent assaisonner des graines de sésame moulues, auxquelles se réfèrent tous deux les vocables« imja » et « sutang », c·està-dire respectivement sésame blanc et soupe au sésame. Un autre terme, « kkaeguktang » désigne aussi de manière générique un certain bouillon de sésame, mais tandis que ce dernier appartient à la cuisine populaire, le premier fut jadis un mets de choix consommé en été par la famille royale ou les aristocrates dits« yangban » et tandis que l'un avait pour ingrédients de l'eau, du sésame blanc et des nouilles, l'autre s·agrémentait de poulet et d'une garniture variée. S'ils ont pour point commun le sésame, l'« imjasutang » était autrefois considéré supérieur par ses qualités nutritionnelles, sa saveur et son aspect appétissant.

Merveilles du sésame L'introduction du sésame sur la péninsule coréenne se situerait avant le IV

0

siècle, époque à laquelle se mettent en place des pratiques culinaires faisant usage du sésame sous forme de graines et d'huile. Si ce dernier est à l'origine une plante de la savane africaine, selon les chercheurs, il aurait été cultivé dès le troisième millénaire avant Jésus-Christ dans plusieurs Etats anciens de l'Asie, où il était très prisé comme assaisonnement, mais aussi pour ses vertus médicinales. Le traité de pharmacie chinoise intitulé Bencao gangmu, c'est-à-dire pharmacopée, fait mention du sésame, lequel fut anciennement décommé « huma » et très vraisemblablement introduit par Zhang Qian (?-113 av. J.-C.l des pays occidentaux. Toutefois, les vestiges attestant de son emploi, dès la formation d'un art culinaire en Asie, semblent indiquer que sa présence sur le continent est beaucoup plus ancienne.

À Huabei et en Mandchourie, la Chine cultivait abondamment les plantes qui lui parvenaient des zones témpérées par la Route de la Soie, notamment le sésame dont l'arôme et la saveur très particuliers avaient fait le succès au point d'en faire un ingrédient de base de la gastronomie locale. Après avoir sillonné ce pays, ainsi que d'autres nations d'Asie, lors d'un périple de près de dix-sept années, l'auteur des célèbres Voyages de Marco Polo évoquera sa découverte de cette graine et le goût qu'il prit à la consommer. Une fois parvenue sur le sol péninsulaire, celle-ci deviendra rapidement d'un emploi répandu, notamment pour en extraire l'huile dite « chamgireum » . Les essais intitulés Xuanhe Fengshi Gaoli Tujing (Voyage en Corée] et Hyangyakgugeupbang (Plantes autochtones à prescrire en cas d'urgence] rapportent que les Coréens

tiraient parti de diverses manières du sésame et de son huile. Selon le Singnyochanyo (1460]. ouvrage de référence sur les pratiques alimentaires qui remonte aux premiers temps de la Dynastie Joseon (1392-191 Dl. le sésame noir était adapté au traitement des attaques cérébrales et états paralytiques. À la même époque, le traité de cuisine Eumsikjimibang (1670] décrit la recette du« kkaejuk » et du « kkaetguk », qui sont

Été 2006 1 Korea na

79


respectivement une bouillie de riz aux graines de sésame et un potage de poulet aux graines de sésame grillées, le deu xième étant présenté comme un plat d'été. Enfin, le traité d'agronomie intitulé Jeungbosallimgyeongje (1765). précisant que la soupe de sésame peut adoucir jusqu'au goût épicé de la moutarde, explique de manière détaillée comment confectionner toute une variété d'en-cas à base de sésame, ainsi que la façon d'exprimer l'huile. Deux siè cles d'histoire

Si des incertitudes demeurent quant à l'époque à laquelle fut introduite la poule sur la péninsule coréenne, le mythe fondateur de Silla (57 avant J.-C. - 935] s'appuie sur le texte intitulé Samgungnyusa (Souvenirs des Trois Royaumes] qui relate divers faits concernant ce volatile et fournit des détails sur l'usage décoratif de ses plumes. Cet oiseau de basse-cour étant lié aux sociétés agricoles, il aurait été introduit de Chine à l'époque du développement de la péninsule coréenne dans ce domaine. Certains scientifiques affirment en revanche que la présence de la poule dans le mythe fondateur de Silla, ainsi que l'apparition de rituels s·y rapportant dans ce même royaume et la

80 Koreana I Été 2006

légende de Gaya relative à l'arrivée en Corée de la reine indienne que prit pour épouse le monarque Suro permettent d'en conclure que ces gallinacés furent apportés de l'Asie du Sud, contrairement à d'autres animaux domestiques. D'origine étrangère, le poulet allait néanmoins bénéficier en Corée de diverses améliorations de ses caractéristiques gustatives et physiologiques, ainsi que de ses propriétés curatives, avant d' être réexporté en Chine. Des documents d'époque Joseon tels que le Gaeboboncho et le Oogyeongboncho citent des cas d'efficacité avérée du poulet dans le traitement des maladies. Alors que la Chine ajouta le canard et l'oie à sa production avicole, la Corée ne possédait que des poulets, mais en si grand nombre qu 'elle fut appelée« Gyerim », c·est-à-dire la forêt des poules. Si les croyances et dictons qui s·y rapportent varient d'une région à l'autre , l'offrande d'un coq et d'une poule se pratique toujours lors des cérémonies de mariage traditionnelles. Présentant les us et coutumes joseoniens en 1849, le Dongguksesigi consacre un texte au « baekmajatang », plat estival composé de courgettes et poulet bouilli dans du « kkaetguktang » , celui-ci apparaissant aussi , au x côtés de l' « imjasutang » , dans l'encyclopéd ie Gy uhapchongseo, ainsi que dans le livre de cuisine Siuijeonseo. Par ailleurs, de nombreux autres documents décrivent longuement la consommation de soupe de poulet au sésame pendant les grosses chaleurs de l'été et laissent donc supposer que celle de l' « imjasutang » date pour le moins de deu x siècles. Des plats relevés tels que le « yukgaejang », un ragoût de viande épicé, ou le bouillon de pou let au riz et ginseng dit « baeksuk » figuraient également parmi les plats estivaux de prédilection destinés à rendre plus supportables chaleur torride et forte humid ité, en raison notamment de leur effet rafraîchissant suite à leur dégraissage, lequel était d'autant plus aisé à réaliser sur une préparation froide telle que l'« imjasutang » que l'excès de matière grasse en remonte naturellement à la surface. ~


L' « imjasutang

»

se compose cl'tm bouillon cle poulet froid s'avérant agréablement

léger, parce qu'auparavant dégraissé, et auquel s'ajoutent volaille et légumes émincés, le tout relevé de graines de sésame moulues.

« lmjasutang » Ingrédients (pour quatre personnes) : 1/.2 poulet. 1 morceau de gingembre, 1/.2 verre de sésame blanc. 6 verres de bouillon de poulet. 1 concombre, 3 champignons shiitake, 3 œufs, champignons« manna lichen

»,

persil italien [100 grammes). 1/.2 carotte. viande [100 grammes).« dubu

»

[tofu) [30

grammes) Assaisonnement des boulettes :1/.2 cuillerée à café de sauce de soja, 1/.2 cuillerée à café de poireau émincé, 1/4 cuillerée à café d'ail écrasé. 1/.2 cuillerée à café d'huile de sésame. sel, sucre, sel de sésame

Préparation 1 Laver le poulet et le faire bouillir avec le gingembre, puis enlever la peau, désosser et émincer. 2 Laisser refroidir le bouillon de poulet, puis dégraisser. 3 Rincer les graines de sésame, les faire brunir à la poêle et les moudre. Ajouter au bouillon de poulet, passer au tamis et saler. 4 Couper la carotte en morceaux de deux centimètres de largeur, quatre centimètres de longueur et trois millimètres d'épaisseur que l'on blanchit. Peler le concombre, l'épépiner, le découper aux dimensions de la carotte, ajouter l'amidon et blanchir. 5 Mettre les champignons shiitake à tremper dans de l'eau chaude, puis les couper en morceaux de la mêm e taille, que l'on fera revenir avec du sel ou de la sauce de soja. 6 Attacher les brins de persil italien avec des cure dents, les tremper dans la farine et les œufs battus, puis les faire frire. 7 Faire tremper les champignons« manna lichen » dans l'eau chaude, puis les couper en morceaux que l'on mélangera avec les blancs d'œuf, avant de les faire frire. Couper en morceau x de même dimension que le reste de la garniture. [Nota : l'emploi de champignons « manna lichen » est facultatif). 8 Séparer le blanc du jaune d'un œuf, faire frire les deux séparément en une couche fine que l'on découpera en lanières de deux centimètres de largeur et quatre centimètres de longueur. 9 Émincer le bœuf et le« dubu », puis mélanger avec l'assaisonnement des boulettes. Façonner des boulettes de 1,5 centimètre de diamètre. Enduire les boulettes de farine et d'œuf battu, puis les faire frire. 10 Placer les morceau x de poulet dans un bol, ajouter la garniture en foncti.on des couleurs, puis recouvrir avec les boulettes. 11 Verser le bouillon froid dans un bol et servir.

Été 2006 1 Koreana 81


Mon ~ taegeukgi >> Le drapeau national coréen ne cesse d'éveiller en moi des questions, toujours à propos de ses couleurs et de ses motifs. Puis-je le comprendre ? Puis-je, grâce à lui, découvrir un peu mieux ce pays et son histoire ? Anne-Marine Mauviel Professe ur à l'École d'interprétation et de Traduction de l'Université Hankuk des études étrangères

P

ays étranger, drapeau étrange : petite, je m'interrogeais déjà sur ce que pouvait bien être ce pays, la

Corée du Sud, pour avoir un drapeau si original. Que pouvaient bien représenter les mot ifs ... le schéma d'une dynamo, un rotor tournant sans fin entre ses quatre aimants ? Quant au yin-yang central, il m'évoquait surtout deux serpents se dévorant sans fin, quelque chose de profondément instable. L'aspect qu i m'interrogeait le plus était ce fond blanc, ce vide à remplir, ce qui faisait des motifs qui l'ornaient quelque chose de très circonscrit dans l'espace . Au contraire, les autres drapeaux nationau x possédaient des couleurs étalées à fond perdu, qui appelaient à se répandre en-dehors de leurs limites.

À présent que je vis ici, j'apprends à comprendre le « taegeukgi ». On ne dit pas yin-yang mais « taegeuk », ou « eumyang », et il symbolise l'équilibre des forces cosmiques. Les trigrammes [ou « sague

»l sont tirés du

Livre

des mutations chinois [Yi jing]. qui sert à préd ire l'avenir, et dont Confucius aurait rédigé des commentaires. Quant au fond blanc, il rappelle le caractère pacifiste des Coréens. Pourtant, le drapeau national coréen ne cesse d'éveiller en moi des questions, toujours à propos de ses couleurs et de ses motifs. Puis-je le comprendre ? Puis-je, grâce à lui, découvrir un peu mieux ce pays et son histoire? Je ne suis pas la seule à m'inter roger sur ce drapeau. Les Coréens le remettent parfois en question, arguant du fait que ses motifs, yin-yang et trigrammes divinatoires, font plutôt penser à la Chine, et que sa conception n'est pas purement coréenne. Pourtant par son histoire et son dessin, ce drapeau incarne pleinement le destin national. La nécessité de le créer apparut lorsque le Japon réclama au roi Gojong une bannière pour son pays au début des années 1880. Afin de demander conseil, la Corée envoya des émissaires en Chine, dont elle était la vassale. Un dragon à quatre griffes sur fond bleu lui fut proposé, en référence au dragon impérial à cinq griffes sur fond jaune [le jaune étant la couleur du centre et donc de l'Empire du milieu, et le bleu celle de l'Est.] Devant le refus du roi, qui voulait quelque chose de plus simple [ou qui aspirait à un peu plus d'autonomie]. les lettrés chinois proposèrent 82 Koreana I Été 2006


alors un yin-yang rouge et bleu, encadré des huit tri-

trouver ici étant donné l'origine du drapeau. Il s'agit d'un

grammes fondamentaux, huit comme les huit provinces

rouge plus léger, qui tire sur l'orangé. Il appartient à la

coréennes , argumentèrent-ils. Lorsque la délégation

palette des artistes coréens, qui préféraient les couleurs

coréenne parée de son tout nouvel emblème prit la mer

douces des teintures vég étales de leur pays, et que l'on

pour le Japon à bord d'un vaisseau anglais, le capitaine

retrouve dans leurs peintures.

britannique conseilla de supprimer la moitié des trigrammes, pour des raisons de clarté.

Le bleu de la moitié inférieure représentait le peuple coréen, car il était logique, aux yeux des Chinois, que les

C'est ainsi que le drapeau trouva sa forme définitive. Il

habitants situés à l'est de leur pays se vêtissent de la

fallut toutes ces interventions pour que la Corée trouve

couleur dévolue à ce point cardinal. Dans l' « eumyang », le

l'emblème qui allait désormais la représenter : en ces

bleu du peuple se loge naturellement sous le rouge royal.

débuts d'une mondialisation à laquelle elle n'était pas

Est-ce à cause de cette signification que l'on a pu trouver,

préparée, il lui fallut accepter l'influence des puissances

après la disparition de la fam ille régnante, des « taegeukgi »

étrangères pour se trouver un symbole . Par la suite, le

dont l' eumyang central avait basculé sur son axe, et où le

drapeau accompagna tous les grands moments du pays : il

bleu s'élevait peu à peu au-dessus du rouge ?

fut brandi lors du mouvement pacifiste de révolte contre

Pourtant, en dépit des recommandations de l'Empire

l'occupant japonais en 1919 ; il fut également pendant un

du milieu, les Coréens étaient plutôt connus comme le

certain temps le drapeau de la Corée du Nord, entre la fin

« peuple vêtu de blanc ». Cette préférence vestimentaire

de l'occupation japonaise et la Guerre de Corée .. . Bref, il

est peut-être un héritage culturel des peuples mongols ...

représenta pleinement le peuple coréen, qui se reconnut

En effet, des études avancent que dans cette société de

en lui .

cavaliers, un culte était rendu au x chevau x blancs. Cette

Mais, ce qui est vraiment étrange dans ce drapeau, et

couleur aurait été pour eu x la couleur du soleil - à la

en fait pour moi l'image tristement parfaite de la Corée,

différence de la plupart des autres sociétés, où le soleil est

est peut-être dû, qui sait ?, à l'utilisation de symboles divi-

vu jaune [par exemple, en Chine]. Dans ce contexte, le

natoires ... En effet, en le contemplant, je ne peu x me

blanc n'est pas une non-couleur, il n'est pas non plus le

départir de l'impression qu'il synthétise admirablement la

simple emblème d'une pureté virginale, il est la couleur

situation géopolitique actuelle du pays. Un Nord rouge

éclatante et majestueuse du soleil dans toute sa splen-

communiste, un Sud bleu capitaliste, et qui cherchent à se

deur, la maîtresse-couleur, telle qu'on la retro üve sur le

pénétrer l'un l'autre. Au x quatre coins de l'horizon, quatre

fond du drapeau national.

yeux noirs qui observent cette situation et la circonscrivent

Ainsi , bien que le « taegeu kgi » puisse être parfois

dans un océan de blancheur : la Russie, la Chine, le Japon,

controversé , et bien qu'il puisse apparaître étrange aux

les États-Unis. Comment oublier les tensions auxquelles

yeux d'une « œgugin » telle que moi, en faisant l"effort de

est aujourd'hui confrontée la Corée du Sud ? Et comment

le décrire et d'en dresser en quelque sorte le « blason », je

ne pas espérer que la situation trouve un jour une issue

peux mieux le comprendre et l'accepter. Afin de faire un

favorable, quand on a l'impression d'en voir le résumé sur

peu plus miens ce pays où j'ai choisi de vivre, ainsi que sa

l'emblème national. ..

culture .. . 1...1

Le choix des couleurs du « taegeukgi » transmet lui aussi une histoire typiquement coréenne. Par exemple, le rouge de la partie supérieure de l'« eumyang » représentait le roi. Mais ce rouge n'est pas le rouge chinois , sombre et éclatant, que l'on s'attendrait à

So urces : de ux articles d' Eli zabeth Pyon, « Q uell e est l'o rigine du d rapea u coréen ? ", « Le taegeugk i, symbole de l'identité des Co rée ns » ; Choi Yong-shik , « Les mystères de la culture coréenne 12. La mode d u blanc » , tous issus de la ve rsion fra nçaise du Korea H erald, 18/1 2/200 1. Été 2006 1Koreana 83


VIE QUOTIDIENNE

Succès de la télévision mobile en Corée En Corée, les nouveaux services de diffusion multimédia (Digital Multimedia Broadcasting-DMB) permettent d'ores et déjà de regarder la télévision sur un récepteur qui tient dans la main grâce aux technologies numériques que les jeunes sont particulièrement prompts à adopter, comme on pourra le constater en empruntant le métro. Park Keon-hyung Journaliste au Digital Times Choi Hang-young Photogra phe

S

uccédant dès l'an 2000 au x journau x et livres de

Désormais chose courante, l'emploi de cet appareil pour

poche que feu illetaient les usagers du métro dans les

l'envoi et la réception de messages courts dits textos ou

années quatre-vingt-dix, lorsqu'ils n'y dormaient pas, le

SMS, ainsi que la pratique des jeu x vidéo, se doublent

lecteur MP3 correspondait à une nouvelle pratique se

aujourd'hui d'une hausse des abonnements au x services

déma rquant de l'écoute passive d'émissions de radio ou

de diffusion numérique multimédia (0MB]. Les experts des

de disques compacts vendus dans le commerce par celle

technologies de l'information s'accordent à considérer que

d'enregistrements musicau x de leur choix et se classant

les différents équipements numériques sont appelés à se

ainsi parmi les équipements de divertissement personnel.

combiner en un seul et même dispositif multifonctions au cœur duquel se situera le téléphone mobile.

La téléphonie mobile, élément clef du numérique

En constante évolution du fait de sa situation à la

Appareils photo, assistants personnels et lecteurs

pointe des télécommunications depuis la mise au point par

multimédia numériques ont beau constituer autant de pro-

la Corée, en 1996, des premiers postes numériques sans

du its de divertissement personnel dont l'usage connaît

fil au monde, le téléphone mobile a réalisé ses plus impor-

une véritable explosion chez les jeunes générations ,

tantes avancées au cours des dix dernières années. À la

jusqu 'à la tranche d'âge des trentenaires, le facteur clef du

transmission de la parole allait s'ajouter s·ur ce même

développement de ce nouveau secteur des loisirs n'est

support celle du texte par le biais de SMS, l'intégration de

autre que le téléphone mobile à en juger par l'air absorbé

l'appareil photo numérique et du lecteur MP3, ainsi que de

des voyageurs du métro penchés sur leur combiné .

jeux vidéo et autres fonctions parachevant sa mutation en

84 Korea na I Été 2006


Les infrastr uctures ultramodernes dont dispose la Corée dans le domaine des technologies de l'information et de la communication lu i permettent de fourn ir des services de télévision mob iles donnant accès à ce moyen audiovisuel à tout moment et en tout l ieu .

--- -- ....

- - - -Été 2006 1Koreana 85


Les analystes expliquent la« fièvre du 0MB » qui s'empare aujourd'hui des Coréens par le haut niveau de savoir-faire de leur pays dans une technologie qui satisfait tout à fait leur penchant pour l'innovation.

Les sociétés LG Electron ics et Samsung Electron ics proposent des modèles de téléphones mobiles dotés de la technologie 0MB et répondant , entre autres produ its , à une importante demande des consommateu rs en équipements de télécommun ications de pointe .

Les passagers d'une automobile peuvent regarder la télévision et lire en temps réel des informations sur l'état des routes [à gauche). Le secteur coréen des technologies de lïnformation et de la communication travaille à réaliser la convergence des fonctionnalités vers un dispositif unique centré sur le téléphone mobile de l'abonné (à droite!.

86 Koreana I Été 2006


un véritable terminal multimédia.

combiné portable ou un quelconque type de terminal,

Apparus l'année dernière sur le marché coréen, les

comme en Corée, où coexistent T-DMB et S-DMB qui se

services de diffusion multimédia numérique contribuent

répandent à vive allure parmi les consommateurs situés

fortement à l'essor inexorable de la téléphonie mobile.

dans la tranche d'âge comprise entre l'adolescence et la

Malgré l'absence de normalisation en la matière, cette

trentaine, à raison de trois cent mille nouveaux abonnés en

« télévision qui tient dans la main » pour être visible en

un mois pour le second, au prix de treize mille wons par

tout lieu et à tout moment sous forme d'émissions corres-

mois, soit environ treize dollars, et de deux cent mille pour

pondant aux goûts de chacun suppose un changement

le premier au cours de la même période.

considérable des modes de vie quotidiens.

Les analystes soulignent quant à eux que la vague du DMB qui déferle actuellement sur le pays a aussi pour

Ère de la télévision sur mobile Il existe actuellement quatre grandes technologies de

origine une qualité de service répondant parfaitement aux attentes des consommateurs. Malgré des débuts tardifs et

télévision sur les mobiles qui sont le DVB-H [Digital Video

néanmoins favorisés par les acquis du marché coréen, des

Broadcasting-Handheld : vidéodiffusion numérique

fabricants tels que Samsung Electronics et LG Electronics

mobile]. le DMB terrestre [T-DMB]. le DMB par satellite

se trouvent aujourd'hui en mesure de concurrencer avan-

[S-DMB] et le FLO [Media Forward Link Only-Media FLO].

tage use me nt des constructeurs bénéficiant d'une

respectivement mis au point par le principal constructeur

présence antérieure sur le marché mondial, notamment

mondial, Nokia, la Corée pour les deuxième et troisième et

Nokia et Motorola . En Corée, le consommateur fait bon

QualComm . De l'avis des spécialistes, le module DVB-H,

accueil à toute évolution de l'offre de services et exige qu'il

dont la commercialisation devrait intervenir d'ici à la fin du

soit immédiatement remédié à la moindre défaillance.

semestre dans vingt pays différents, et le T-DMB proposé

Il se montre d'autant plus ouvert à la télévision mobile

depuis l'année dernière aux consommateurs coréens, puis

que, depuis quelques années, il a déjà largement accès à

exporté avec dynamisme en Europe ainsi qu'en Chine, se

la transm ission d'images vidéo sur son combiné mobile,

détacheront de ce groupe et entreront en concurrence

alors que ses homonymes américain et européen se can-

pour ravir le marché de la télévision mobile.

tonnent à l'application téléphonique. Tous les trois à six

Cet enjeu ne passionne guère l'usager de base dans

mois, il fait l'acquisition d'un nouvel appareil qui lui coûte

la mesure où les deux normes rivales lui permettent au

plusieurs centaines de milliers de wons et exprime son

même titre de recevoir des chaînes de télévision sur un

avis en ligne sur la gamme de produits. Disposant d'un

Été 2006 1Koreana 87


pouvoir d'achat assez limité, les étudiants trouvent sur des

en temps réel, par les canaux de données, des informa -

sites d'enchères comme E-Bay ou G-Market les appareils

tions plus précises et utiles que celles que fournirait un

que d'« enthousiastes adaptateurs » mettent en vente

système de positionnement mondial.

pour financer un nouvel achat. Dans un pays qui se flatte

D'aucuns pensent que la Coupe du monde de football,

de posséder le premier taux de raccordement à l'internet

dont l'Allemagne donnait le coup d'envoi en ce mois de

au monde, les services à haut débit permettent depuis déjà

juin, contribuera à un fort développement de la télévision

aux consommateurs de formuler des exigences et

sur mobile, cette manifestation ayant déjà provoqué par le

réclamations auxquelles les entreprises s'intéressent de

passé une frénésie d'abonnements aux nouveaux services

près pour améliorer leurs produits et prestations.

de radiodiffusion et d'achats de produits électroniques. Celle qu 'ava ient organisée conjointement la Corée et le

Nouveaux modes de vie Le marché coréen permet de constater l'influence considérable de la télévision mobile sur la vie quoti-

Japon en 2002 alla it ainsi faire exploser les ventes de téléviseurs à écrans LCD et plasma dont les prix assez élevés avaient jusqu'alors dissuadé les consommateurs.

dienne. Dans le métro, les passagers n'ont plus à emporter

Dans le secteur de la téléphonie mobile, les construc-

journaux et livres pour se distraire le temps d'un trajet car

teurs coréens ont récemment lancé leurs campagnes

il leur suffit de disposer de l'indispensable accessoire

publicitaires et actions promotionnelles de marketing à

qu'est aujourd 'hui le téléphone portable en Corée pour

l'occasion de la prochaine Coupe du monde, parallèlement

accéder aux nombreuses chaînes vidéo et émissions que

à des opérations commerciales portant sur les services et

leur proposent des dizaines de radiodiffuseurs de services

équipements de téléphonie mobile . Ailleurs dans le

DMB . Cette offre ne se limite pas au x divertissements,

monde, on assiste à des initiatives analogues, comme en

puisque les étudiants peuvent suivre les cours proposés

Allemagne et en Italie, pays passionnés de football qui

par des émissions éducatives pour mieux préparer leurs

viennent de commercialiser des services de télévision

examens, tandis que les automobilistes peuvent recevoir

mobile en vue de la télédiffusion de cette manifestation . Ainsi, la télévision mobile ne relevant plus désormais de la science-fiction puisqu 'elle permet de recevoir partout et à tout instant des émissions sur lesquelles peut aussitôt être formulée une critique, un nombre croissant d'usagers des réseaux de transports métropolitains fera bientôt usage de ce service en cours de trajet. t.t

Des équipements de« divertissement personnel » assurent l'accès distant au son , à lïmage et aux données, ainsi qu·aux services de la 0MB.

88 Koreana I Été 2006


YUN DAE-NYEONG

Plus que toute autre, l'œuvre de Yun Dae-nyeong rend avec authenticité l'atmosphère de ces années quatre-vingt-dix où la littérature coréenne, en quête de sa grandeur perdue, poursuivait une démarche qualitative et explorait les profondeurs de l'existence humaine dans d'audacieuses i constructions rehaussées d'un style exceptionnel. { ·


CRITIQUE

Une odyssée des sens au plus profo d de l'existence Chung Hyc-kyung ( rit1que lirn.-r 11r et protl'...,,cur -1 l'l 1ni\ l''"\Jte ~oonLhunhy 11

N

:...;

é en 1962, Yun Dae-nyeong se situe à l'avant-scène

vie urbaine des années quatre-vingt-dix. Menant à première

littéraire des années quatre-vingt-dix, dans le

vue l'existence routinière d'un petit-bourgeois, le narrateur

bouillonnement qui succède à une décennie que l'idéal

découvre, au hasard des rencontres, un monde très

d'abolition des exclusions et d'avènement de la paix avait

étranger au sien. Si la recherche de « la femme inconnue »

plongée dans le désarroi . Afin que s'amorce un nouveau

contribue à la fluidité du récit en lui apportant une dimen-

départ, un fort besoin d'innovation se fit alors sentir pour

sion de mystère, cette quête revient à un passage de l'autre

suppléer la confiance en l'ordre établi, et ce, en l'absence

côté du miroir, un parcours débouchant sur l'univers incons-

de toute orientation précise. C'est dans ce contexte que

cient de l'auteur, et non sur celui que peut appréhender la

l'auteur publie un premier recueil de nouvelles intitulé

raison .

Mémorandum des petits poissons argentés [ 1995). dont

Un jour qu'il chemine sur la route, le narrateur a la

l'écriture sensuelle, atteignant au plus secret des tourments

révélation des souffrances auxquelles est vouée son exis-

de l'âme, va tout aussitôt fasciner le lecteur.

tence et la femme qu'il y croise ravive anciennes blessures

Ceux des tout débuts, qui remontent à l'année 1990,

et ambitions déçues qui gisaient ensevelies dans sa

comportent par ailleurs Regardez les escaliers sud, Toutes

mémoire. Cette rencontre s'apparente donc à la concrétisa-

ces étoiles ont conflué au loin et Quelqu'un s 'en est allé,

tion d'un second moi. Rompu à la monotonie et à l'impos-

ainsi que des romans comme Je suis allé voir un vieux film,

ture du quotidien, le na r rateur entreprend un labeur tout

Très loin dans ma mémoire, Horizon lunaire, Voyageur dans

aussi douloureux qu· exaltant en cherchant à percer la cara-

la neige, Pourquoi le tigre marcha jusqu 'à la mer et Miran.

pace qui recouvre sa vie afin d'explorer en profondeur cette

En insérant des éléments poétiques dans le récit de fiction,

dernière. L'évocation de cette démarche, au moyen d'une

['écrivain a su lu i ouvrir de nouvelles perspectives et

originale énonciation à la première personne, allait donner

plusieurs pri x importants honoreront cette prouesse

une nouvelle orientation à la création littéraire coréenne.

révélatrice d'un talent littéraire hors du commun, tels le

L'écriture de Yun Dae-nyeong se caractérise par une

Prix des espoirs [1994). le Prix littéraire Yisang [1996). le

expression poétique tout en finesse et en fluidité. Les

Prix de littérature contemporaine [1998] et le Prix de

images pleines de fraîcheur dont elle s'émaille, notamment

littérature Lee Hyo-seok [2003].

sous forme de couleurs tour à tour éclatantes et ternes,

Ses œuvres ont pour personnages types des êtres

confèrent une puissante tonalité onirique à l'itinéraire initia-

solitaires occupant de minuscules appartements dans des

tique du narrateur. Cet univers exerce sur nombre de

cités trépidantes.

lecteurs un attrait et une fascination tels qu'ils en vouent

c·est cette condition humaine d'isolement

extrême qu'entend exposer l'auteur par une peinture de la 90 Koreana I Été 2006

presque un culte à son créateur.


Leitmotiv des toutes premières œuvres et réminiscent

enfin venu jetait quelques touches d'ombre dans la

dans les écrits récents sous forme de motifs de petits pois-

débauche des couleurs explosant avec panache dans notre

sons argentés et fleurs, le blanc représente la fragile

cour en bouts de crayons pastel retombés de ci, de là, et

flamme de la vie au seuil de la mort. Couronnée en 1998

chassant l'espace d'un instant le bruit et la fureur du jour».

par le Pri x de littérature contemporaine, la nouvelle inti-

L'auteur opte ainsi pour une évocation sensorielle et haute

tulée Les progrès du jour sonde le néant existentiel à l'aide

en couleurs de la condition humaine.

de ce même blanc devenu lumière en mouvement.

La tension dramatique est accentuée par le mono-

Située au début de l'été, l'intrigue se déroule sur une

logue, comme lorsqu'il s'écrie: « et... oh' de ta bouche ver-

tranche de vie diurne d'une famille dans sa maison orientée

meille ! » à propos de sa sœur cadette, telle la chenille

au sud . Sortie depuis peu d'un hôpital, la mère souffrante

recluse à l'intérieur de son cocon . Le narrateur opère un

est alitée dans la chambre du centre , alors que celles de

transfert de cette image sur la Susan de l'hôtel Bali

l'est et de l'ouest abritent respectivement la sœur cadette

Summer de Kuta, objet de tous ses désirs. La petite sœur

se remettant d'un accouchement et l'aînée divorcée qui

incarne aussi ses rêveries et dès lors qu'il passe au

prend soin de la malade, tandis que dans le jardin, marche

tutoiement, il rompt tout lien avec le réel pour la transposer

le père à pas précautionneux.

dans son univers onirique.

À travers leur seule description, transparaît l'isole-

La pivoine cueillie par la « vieille demoiselle » fournit

ment intérieur de ces êtres . Chambre au x tournesols,

un signe prémonitoire du décès imminent de la mère,

pivoines rouge sang, rêve de centaines de briquettes de

lequel importe moins en lui-même que la façon dont il est

charbon réduites en cendres par un incendie, « Impression

perçu . La vision mystique du temps qui passe au gré des

: lever du soleil » de Monet, Hôtel Bali Summer, tofu,

« progrès du jour » n'est pas source de souffrance, pas

tennis blancs et chaussures en caoutchouc blanc cons-

plus qu'elle ne sous-entend la mort comme une langueur

tituent autant de références littéraires destinées à exposer

douloureuse. Placées au chevet de la défunte, les chaus-

à la lumière vie et mort tout à la fois . L'existence familiale

sures en caoutchouc blanc apportent à sa disparition un

n'est que souffrances, mais dans cet « univers en réduc-

certain éclat que seuls perçoivent, par leurs efforts, les

tion », cette « planète solitaire », on ne gémit pas de douleur.

êtres qui se conforment à son sens profond, comme à

Ici, le temps n'est pas représenté par sa mesure, mais

celui de la vie, pour découvrir toute la richesse de la souf-

par le déplacement de la lumière parcourant l'étendue de

france humaine. ~

la tragédie humaine pour illuminer la vérité qui s·y dissimule et la mi-journée est perçue comme suit : « Midi Été 2006 1 Ko rea na

91


Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger

The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

Fax: 82-2-3463-6086

La Fondation de Corée offre des aides financières à des universités , instituts de recherche, bibliothèques et particuliers étrangers pour soutenir les efforts qu'ils consacrent à l'étude de thèmes sur la Corée dans le domaine des sciences humaines et sociales ou dans celui de l'art. Nous vous invitons à vous référer aux programmes suivants et vous à adresser au service concerné de la Fondation : Service des études coréennes

Service des bourses

Service des médias

@ Aides en faveur des programmes d'études coréennes.

@ Bourses pour la recherche en Corée @ Bourses pour les cours de langue coréenne.

@ Publication et distribution régulières de documents de référence.

@ Aides en faveur des instituts de recherche.

@ Bourses post-doctorales.

@ Envois sur demande.

Tél: 82-2-3463-5612 Fax: 82-2-3463-6025 Mél : studies@kf.or.kr

@ Bourses pour la recherche de haut niveau. @ Bourses pour les études de 2ème et 3ème cycles.

Tél : 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Mél : publication@kf.or.kr

@ Programmes d'aide à la publication. @ Aides à la constitution de matériel pédagogique. Tél: 82-2-3463-5614 Fax: 82-2-3463-6075 Mél : fellow@kf.or.kr

Pour toute demande concernant nos programmes d'aide ou pour de plus amples informations, merci de contacter les sections concernées ou de visiter le site web de la fondation : www.kf.or.kr

Période de réception des demandes Intitulés des services rendus

Périodes durant lesquelles toute demande doit être faite

Service à contacter

- Aides en faveur des études coréennes. - Aides en faveur des instituts de recherche.

A partir du 31 juillet de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu. A partir du 30 septembre de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu.

Service des subventions pour les études coréennes Tél : 82-2-3463-5612 Fax : 82-2-3463-6025 Mél : studies@kf.or.kr

- Bourses pour la recherche en Corée. - Bourses pour les cours de langue coréenne. - Bourses post-doctorales. - Bourses pour la recherche de haut niveau. - Bourses pour les études de 2ème et de 3ème cycles. - Programmes d'aide à la publication - Aides à la constitution de matériel pédagogique.

A partir du 31 juillet de l'année précédant celle au cours de laquelle le projet est prévu. Jusqu'au 15 janvier de l'année au cours de laquelle le projet est prévu. Jusqu'au 31 janvier de l'année au cours de laquelle le projet est prévu Demander directement. Jusqu'aux 31 mars et 30 septembre de l'année concernée. Jusqu'aux 31 mars et 30 septembre de l'année concernée

Service des bourses Tél : 82-2-3463-5614 Fax : 82-2-3463-6075 Mél : fellow@kf.or.kr Les formulaires de demande accompagnés des informations nécessaires sont disponibles en ligne sur internet. Les demandes sont étudiées 2 fois par an pour les aides à la publication et à la constitution de matériel pédagogique.

- Distribution régulière de documents de référence. - Envois sur demande.

Les documents sont remis à jour pour chaque 31 juillet. Tout au long de l'année.

Service des médias Tél: 82-2-3463-5684 Fax: 82-2-3463-6086 Mél : publication@kf.or.kr Formulaires disponibles en ligne.


with hope into tomorrow...

POSCO is preserving the locomotive al Jangdhan Station (Modern Cultural Property No. 781 through the Cultural Hernage Adminstration¡s OCHOS program.

When we care for our past, it fills tomorrow with hope. At POSCO, we're preserving steel artifacts from Korea's past like the steam locomotive at Jangdhan Station in the DMZ through the One Cultural Heritage to One Supporter program.

as we stoke hope in our steel heritage !

posco We move the wortd in silence

www.posco.com


ŠSamsung Electronics Co. Ltd.

The Bluetooth word mark and logos are owned by the Bluetooth SIG, Inc. and any use of such marks by Samsung Electronics is under license. Other lrademarks and !rade names are !hase of their respective owners.

Hold a Samsung Mobile, and you're holding the whole world Today, you can have the world in your hands anytime,

collection anywhere with the i310 , the

anywhere with Samsung Mobile.

world's first 8GB HDD music phone. Enjoy

New innovations, like the slim Z560 with HSDPA, allow you

stereo sound wirelessly through BluetoothÂŽ

to download your favorite entertainment at lightning -fast

tec hnology or aloud through external speakers. Either way, it sounds great.

speeds and enjoy it on a brilliant 2.3-inch colour display. The P900, a compact mobile TV phone with a twisting

2560

P900

Ali three phones bring you and

cinema-like screen, is an entertainment

your world closer together in ways you could

center right in the palm of your hand.

only imagine until now. Samsung Mobile - the

Listen to, and carry your entire music

world at your fingertips. i310

tt:1:':fJi Ill ;p


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.