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ARTS ET CULTURE DE CORÉE
Vo L. 7, N° 2 Été 2 0 0 6
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BEAUTÉS DE CORÉE
Le
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tteoksal
>>
e
2 I
, C
r
L
es motifs ornementaux qui agrémentent les <<
tteok », ces gâteaux de riz si familiers
aux Coréens et si caractéristiques de leur sens esthétique, sont réalisés au moyen du « tteoksal »,
couple de canards mandarins ou de· chauvessouris, qui symbolisent respectivement le bonheur conjugal et la chance, correspondant à une union matrimoniale. Symboles de longévité, carpes et
ustensile datant de la dynastie Goryeo [918-1392] dont
tortues ornaient les pâtisseries lors du soixantième
l'empreinte vient marquer la pâte comme celle d'un tam-
anniversaire des aïeux, tandis que les emblèmes religieux,
pon ou d'un sceau.
notamment du lotus et du « man » [~] apparaissaient à
Hormis la simple fonction culinaire, cet objet
l'occasion des fêtes bouddhiques.
possédait jadis une signification plus forte car dès le pre-
Fidèles au dicton selon lequel : « Une part de« tteok »
mier coup d'œil, ses impressions en disaient long sur la
se doit de flatter agréablement la vue tout autant que le
vie familiale par leur valeur symbolique renvoyant à des
palais », les cuisinières exécutaient ces motifs avec
circonstances et événements divers.
patience et minutie, pour les investir d'un sens particulier,
Au centième jour suivant la naissance d'un enfant, convenait un décor de poissons ou bananiers, celui d'un
au moyen du « tteoksal », signe de raffinement, parmi tant d'autres, de l'art culinaire traditionnel coréen. t.t
Koreana
Arts et Culture de Corée Vol. 7, N' 2 Été 2006
Mers coréennes 8
Océan et hommes en Corée 1
12
Présence maritime coréenne 1
20
Na Gyung-soo
Youn Myung-chul
Des profondeurs océaniques débordant de vie 1
Kim Woong-seo
Koreana sur Internet http,//www.ko rea na.or.kr © Fondation de Corée 2006 Tous droits réservés. Toute reproduction
26
Prospection énergétique des fonds marins 1
28
de la Fondation de Corée . est illicite
Kim Hyun-tae
Mer aux ressources innombrables 1
intégrale , ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement
Nam Sung-suk
Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de
Corée. Koreana , revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme (Au torisation n° Ba-1033 du 8 août 1987). est aussi publiée en chinois, anglais, espagnol.
arabe, russe, japonais et allemand .
36
DOSSIER L'héritage du vidéaste Paik Nam Jun e
Pour une technologie utile à l'art 40
I LeeYongwoo
ENTRETIEN Le « samu lnori » de Kim Du k Soo
Un représentant de la Corée à l'étranger
I Hyun Kyung-chae Converture : Un village de pêcheurs de
46
ARTISAN Min Hon g-gyu
la province mérid ionale de Jeollanam-do,
Gardien des traditions sigillaires
culture coréennes s'imprègnent depuis toujours de l'influence des mers exubérantes
non loin de l'île de Dolsando. La vie et la
I ChoiTae-won
qui baignent la péninsu le. Tout aussi invincible
que périlleux pour l'Homme. ce t élémen t lu i
52
Symbole d'illumination 56
issues notamment de ses gisements
de gaz naturel.
I ShinYong-chul
Photographie : Time Space
CHRONIQUE ARTISTIQUE
Le Festival international de Daegu 62
fait aussi présent d"abondantes ressources
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SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Lee Chang-ho
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1
REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Chai Seang -su DESIGNER Ha Dang-hyun RÉDACTEU R EN CHEF ADJOINT
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Au cœur de la forêt coréenne
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Seongdong-gu. Séoul. Corée du Sud
Traduction: Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas
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8 Koreana I Été 2006
Océan et hommes en Corée Thème central d ' innombrables récits mythologiques, source d'inspiration de nombreuses œu vres d ' art, l' océan se situe aussi à l'origine de toute créature et son omniprésence dans l'histoire hmnaine de Corée remonte aux temps les plus anciens. Na Gyung-soo Professeur de pédagogie co réenne à l'Université nationale de Chonnam
A'
la pointe du littoral le plus méridional de l'ouest coréen, l'île de
unissent un peuple à son océan transparaît la figure
Gageodo, aussi dénommée Soheuksando, étend son magni-
prépondérante du Roi des dragons dans la pensée et la culture
fique paysage de falaises spectaculaires se mariant remarquablement avec la mer dont le bleu sombre vire presque au noir.
traditionnelles coréennes. Si cette divinité fut longtemps considérée créatrice de vie
Si sa beauté a de quoi fasciner ceux qui la découvrent, elle ne
dans les communes rurales vouées à l'agriculture et à la pêche,
saurait faire oublier l'âpre combat livré à la mer par des générations
elle s'est aussi manifestée, dans d'autres cultures et à
d'habitants qui en tirent leur subsistance, comme en témoigne le
différentes époques de l'histoire nationale, sous une multitude
« Toi, tu mourras, moi, je vivrai » d'une chanson traditionnelle
de formes dans lesquelles était vénérée la dimension symbolique
qu'entonnent les pêcheurs lorsqu'ils ramènent leurs filets et qui
d'une société idéale ou d'une vertu particulière.
résume bien l'incessante lutte pour la vie opposant l'homme au pois-
Dans le domaine littéraire, la principale expression en est un conte populaire intitulé Histoire de Sim Cheong, une jeune
son . L'issue de cette bataille ne semble jamais favorable au premier
fille vertueuse qui, en échange de trois cents sacs de riz
bien qu'il appelle de ses vœux une généreuse pêche, comme le ferait
présentés en offrande à Bouddha afin que son père recouvre la
un paysan tout en travaillant la terre en vue d'une bonne récolte.
vue, se livre à l 'équipage d'un bateau de commerce et sera
L'océan où il accomplit son labeur recèle maints périls car le Roi des
sacrifiée par les marins qui la précipitent dans les eaux de la
dragons qui règne sur les vagues et tempêtes peut emporter sa vie
Mer lndangsu pour se sauver. Des nombreux textes répertoriés
en sacrifice pour soulager l'âme des poissons qu'il capture.
de longue date en Corée sur le thème du sacrifice virginal au Roi des dragons, le plus remarquable est incontestablement cette
Auguste Roi des dragons
dernière légende où la déité n'incarne pas la concupiscence,
Du plus profond des mers, siège de son palais, le souverain
mais la compassion face à un acte ultime de piété filiale car elle
étend sa puissance sur tout l'océan. En atteste l'important legs
arrache la jeune fille à l'abysse en la déposant dans une fleur de
rituel et mythologique transmis par les travailleurs de l'océan
lotus qui la ramène saine et sauve à la surface. Selon un vieil
car les peuples côtiers, croyant en la toute-puissance du Roi des
adage, « La véritable dévotion peut apitoyer jusqu 'aux cieux», et
dragons sur leurs ressources comme sur leur vie, lui vouaient
dans le cas présent c'est le Roi des dragons qu'attendrit le
un culte fervent pour apaiser sa fureur. Au foyer, à bord de leurs
généreux amour de Sim Cheong pour son père, ce sentiment et
embarcations ou dans les temples, les pêcheurs lui font encore
l'action salvatrice qui s'ensuit l'élevant au statut de divinité
allégeance par des prières en vue de leur salut et de l 'abon-
céleste.
dance des prises, mais aussi au moyen de complexes et onéreux rituels qu'accomplissent régulièrement des prêtres shamans. Le Roi des dragons représente en Corée un dieu archétype
Entre mer et terre Sujet prédominant de nombreux récits mythologiques tels
du sentiment de l'océan et à ce titre, il importe d'en appréhender
que celui de Sim Cheong, le Roi des dragons, s'il met ainsi en
la signification pour aborder convenablement les différents
exergue la vertu première de la dévotion filiale considérée
aspects du psychisme collectif. À travers les liens puissants qui
comme telle depuis fort longtemps en Corée, ne_se réduit pas
toujours à cet idéa l mora l. Sous le règne de Seongdeok, roi de la dynastie Si lla [r. 707 -737). il aurait convoité et enlevé en son
Une ouverture sur l 'inconnu Sur cette immensité s'étendant entre les mondes connu et
pala is Sure, la plus be lle femme de Corée et l'épouse du
inconnu, les dieux de la mytholog ie ancienne naviguèrent jusqu'à
se igneur Sunjeong pou r céder quelque temps plus tard aux
la Corée, porteurs de nouve lles influences cu lturelles, à l'instar
menaces popula ires en la répud iant. Nés du très humain et
de Talhae [r. 57-80) qu i accéda au trône de Silla et inaugura l'Âge
éternel désir de posséder une sédu isante femme, ces fa its sous-
de fer, Heo Hwang-ok venue d'Inde pour épouser le roi Sure,
tendent avant tout l'accession de la beauté à une dimens ion
père de Gaya (r. 42-199). et qui répand it l e bouddhisme, ou
légendaire.
encore ces trois déesses femmes des trois pères de Tamna,
Dans les nombreux mythes fondateurs coréens, figuraient aux côtés des monarques bâtisseurs d'États, qu i pour la plupart
l 'actuelle île de Jejudo, où elles apportèrent des graines pour cultiver la terre.
descendaient de divin ités célestes, les enfants de Rois des dragons d ' égale grandeur par leur ascendance et leurs accomp lissements terrestres, à l 'instar de Gyeon Hwon [867-936). père du bas royaume de Baekje [892 -937). ainsi que l 'aïeule de Wang Geon [r. 918-943). prem ier souverain
Vecteur principa l de l'i ntroduction de
Archétype de déité expt·imant la vision co1·éenne de la met·, le Roi des dragons founlÎt une intéressante perspective sur le psychisme collectif et il impotte donc d'en comprendre le sens .
de la dynastie Goryeo. Il convient de noter
l'agriculture, de l'industrie du fer et de la re ligion, l'océan participe ainsi à divers titres de l'évolution historico-cu lturelle de la Corée en contribuant à l'essor des échanges avec le monde extérieur, ma is aussi en fourn issant une voie d'accès aux
pays
envahisseurs.
que l'ensemble mythologique faisant appel à de tels personnages
Lorsque Munmu, roi de la dynastie Silla (r. 661-
a pour orig ine le sud-ouest de la péninsu le coréenne, un lien
681 l ordonna en rendant son dernier souffle que sa dépouille
s 'expliquant selon toute vra isemblance par l'important
reposât au fond de l'eau, c'est un souhait de ré incarnation en
commerce maritime que pratiquait cette contrée avec la Chine et
dragon qu'il expr ima it en fa it, dans l 'espo ir de repousser
l'Asie du Sud -Est depuis les temps préhistoriques.
d'éventuelles tentatives d'invasion par la mer, un ardent désir de
Les archéologues ont par ailleurs constaté qu'il y avait
défendre la nation fondé sur la croyance collective d'alors selon
corrélation entre la prédom inance de ces mythes et la diversité
laquelle l'anima l mytholog ique éta it le protecteur des hommes.
des styles d'art funéraire dans cette région, car contrairement
Quant à Cheoyong, fils cadet du Roi des dragons qu i se porta au
aux autres formes d'expression culturelle, ce dern ier évolue peu
secours du monarque Heongang [r. 875-886). toujours à l'époque
en l'absence de nouveaux apports ethniques. Les nets change-
Silla, il accomplit, en chassant les mauvais esprits, une mission
ments qui s'y sont opérés, parallèlement à l'apparition de toute
de défense sacrée à l'égard du peuple et de la nation. L'océan
une mytholog ie relative à l'océan, confirment ainsi l' hypothèse de
alla it ainsi prés ider aux destinées du pays et à son évolut ion
mouvements de population dans cette zone et le fait que Jang
socio-culturelle, de même qu'il lui avait apporté la manne de ses
Bo-go [?-846). personnage historique surnommé le « dieu de la
ressources naturelles. 1..1
mer », en soit originaire ne doit rien au hasard.
1 2 3 4
Scène du rite dit Jeju Yeongde ung, par lequel est accueilli le Roi des dragons, une divinité emblématique du sentiment coréen de la mer. Chorégraphie adaptée du conte populaire Histoire de Sim Cheong et inte rprétée par la Compagnie Universal Ballet. Près d'Ulsan, ce festiva l célèb re la mémoire de Cheoyong, fils du Roi des dragons. Les habita nts de l'île de Wido hâlent une barque ritu elle en paille jusq u'à la mer où elle dérivera pour é loign er la malchance.
Présence maritime coréenne Véritable réseau unissant peuples et territoires, l'océan favorise aussi le brassage culturel avec de lointaines civilisations. Youn Myung-chul Professeur d'histoire à L'Université Dongguk Ahn Hong-beom Photographe Photographie en coopération avec Le Musée maritime national
Été 2006 1 Koreana
13
E
n règle générale, les Coréens envisagent leur histoire au
cours d'eau, pour prat iquer avec le Japon et la Ch ine le com -
sein de l'Asie de l'Est d'un point de vue terrestre alors que
merce de produ its tels que le fer.
la rég ion d'Extrême-Orient est baignée sur leur littoral, ainsi que
Les ressortissants péninsulaires arrivés en vagues succes-
ceu x de la Ch ine et de l'archipel japona is, par la vaste Mer de
sives dans ce premier pays par les routes maritimes reliant les
l'Est, l'étroite Mer du Sud , la Mer Jaune, fe rmée, et la Mer de
côtes sud-est à celles, septentriona le, de Kyushu et, méridionale,
Chine Orienta le formant un ensemble qua lifié de « Méd iterranée
de Honshu, se trouvent en grande partie à l'orig ine de la civilisa-
asiatique ». Du fa it de la situation centrale qu 'occupent dans ces
tion Yayoi qui fut florissante entre les tro isièmes siècles avant et
eaux la Corée et une partie de la Mandc hourie marquée par la
après J.-C .
présence historique de cel le-ci, les activités marit imes ont naturellement pris un grand essor autour de la péninsule.
Qui tient la mer, tient le monde
Des origines océaniques
fleuves jouxtant la Mandchourie, le Royaume de Goguryeo (37 av.
Voué dès son avèn ement à la navigation sur les grands Ni trop larges, ni trop exiguës, les mers bordées par les
J .- C.-668) va étendre son territoire au bass in du fleuve
côtes coréennes vo nt s'avérer propices au x échanges dès la
Amnokgang, à part ir duquel il acquerra une présence en Mer
préhistoire, les villes méridionales de Busan et Ulsan s·y livrant
Jaune en 233, et tisser des liens avec l'Etat des Wu (222-280)
avec diverses rég ions, notamment l'île japona ise de Tsushima,
dans le bassi n du fleuve Yangtze par l'envoi d'ém issa ires ma is
depuis environ sept mille ans. En témoignent les artéfacts mari-
aussi le commerce, notamment des chevaux. Sous le règne de
t imes découverts le long du littora l septentrional de la Mer de
Gwanggaeto (r. 391 - 413). il se lance à l'assaut de la baie de
l'Est, à l'estuaire du fle uve Amnokgang en Mer Jaune et sur la
Gyeonggiman par voie terrestre et marit ime, puis exerce sa
pén insule de Liaodo ng, ai nsi que les alignements de dolmens
dom ination , à l'époque du roi Jangsu (413-491). sur tout le nord
érigés par les prem iers colons sur les côtes de la Mer Jaune.
des Mers Jaune et de l'Est, à partir desquelles s'établiront des
Éba uche de nation coréenne , la Joseon Antique (2333-108 av. J.-C.) établit sa capita le à proximité du littora l nord de la Mer
relations diplomatiques et commerciales avec les dynasties ch inoises du nord et du sud .
Jau ne, d'où elle pratiquera un commerce dynam ique jusqu'à la
S'adonnant dès les débuts à sa vocat ion maritime, le
péninsule de Liaodong, la ba ie de Seohanman et l'embouchure
Royaume Baekje (18 av. J.-C .-660) verra son fondateur Onjo (r. 18
du fleuve Daedongga ng. Poursuivant son expansion économ ique
av. J.-C.-28) prendre pour capita le, antérieurement à Wiryeseong ,
vers l'est, la dynastie ch ino ise des Han (206 av. J.-C. -220) multi-
le port fluv ial méridiona l de Hanam et à l' aube du quatrième
plie à cette époque les incursions, que repousse tout aussitôt un
siècle, il mè nera contre les territo ires s· étendant au sud de
royaume de Wima n Joseon en plein essor, et s'ensuit alors un
Goguryeci une offensive qui lui ouvrira une voie maritime jusqu 'à
long affrontement terrestre et maritime entre Han et Joseon en
la Ch ine. Enf in, différe ntes îles situé es au sud de la Mer de
vue de conquérir cette zone maritime.
l'Ouest lui serviront de tremplin dans son ava nce vers l'archipel
À la po inte mé rid ionale de la péninsu le s'étendaient de
japona is. Si la conquête de la baie de Gyeonggiman par Goguryeo
petits états, dits des Trois Hans, dont les popu lations, selon des
mit un coup d'arrêt à cette expansion maritime, Baekje recouvra
découvertes archéo log iques et documents chinois te ls que le
par la su ite son hégémon ie en Mer du Sud et dans la pa rt ie
Rapport sur les Trois Royaumes ou Le livre du Bas Han, déve loppèrent bea ucoup le commerce marit ime et
méridiona le de la Mer·Jaune. D'i ntenses échanges avec les dynasties chi noises du sud permettr~nt à sa civilisa-
créèrent des cités - États stratégiquement situées
tion d'atteind re son âge d'or, tand is que sa présence
sur leurs côtes, en particu lier à l'embouchure des
au Japon jouera un rôle décisif dans l'apparition des
1
14 Koreana I Été 2006
États anciens de ce pays et dans l'introduction du bouddhisme.
ayant pour carrefour la ville de Dengzhou située sur la péninsule
Premier à se doter d'une base avancée sur l'archipel japo-
de Shandong. Produits textiles de haute qualité, or et argent
nais, le royaume de Gaya [42-562) se consacra également à des
s'exportèrent alors, tandis que tortues de mer, bois de Santal
activités maritimes de sa fondation à son effondrement, notam-
rouge, queues de paon et gemmes en provenance d'Asie du Sud-
ment par une politique très audacieuse à l'égard du Japon et de
Est étaient introduits par les Chinois. La dynastie Silla allait aussi
son peuple, comme en attestent les nombreux vestiges de sa
dominer le commerce avec le Japon en servant d'intermédiaire
présence dans ce pays, ainsi que des éléments de type
pour l'importation de denrées venues d'Asie du Sud-Est, de
mythologique.
Chine et d'Arabie.
Au royaume de Silla [57 av. J.-C. à 935). un certain isole-
Dans l'empire des Tang, où elle installa des comptoirs sur
ment géographique à l'extrémité sud-est de la péninsule, con-
les côtes et les rives du Grand Canal, notamment à Shandong,
jugué à des vents violents, des courants dangereux et l'absence
Jiangsu et Zhejiang, ses ressortissants vivaient principalement
de port naturel, fit obstacle à l'expans ion maritime, mais le
du commerce tout en accomplissant des fonctions diplomatiques
peuple de Silla n'en fut pas moins au contact de figures
qui allaient assurer au royaume sa domination maritime dans la
mythologiques japonaises telles que Susanoo et Cheonilchang,
région . Dûment mandaté par celui-ci, l'un de ses sujets nommé
comme en témoigne par exemple la découverte des reliques de
Jang Bo-go [?-846) y établit ainsi la base navale et le port de
ce dernier dans la région d'lzumo située au centre de l'île de
commerce de Cheonghaejin qui permirent d'acquérir la maîtrise
Honshu, sur l'autre rive des eaux territoriales de Silla. Au milieu
des principaux couloirs de navigation, ainsi que de coordonner
du sixième siècle, le royaume allait en outre tirer parti de sa
les activités marchandes en mer et au sol. Par ailleurs, il entre-
présence dans le bassin du fleuve Hangang et la baie de
prit systématiquement de relier nombre de citadelles à cette
Gyeonggiman pour s'avancer jusqu'à la Chine, faisant par la suite
agglomération, sans cesser d'exercer son autorité dans cette
usage des routes maritimes pour engager des négociations
zone, mais aussi au Japon et en Chine continentale, sur la popu-
diplomatiques secrètes afin de sceller son alliance avec les Tang
lation originaire de Silla afin d'asseoir la puissance royale de ce
contre Baekje et Goguryeo.
côté-ci de la « Méditerranée asiatique ».
C'est ce jeu d'influences territoriales et maritimes qui per-
Peu après sa naissance, le royaume de Balhae attaque par
met de comprendre le mieux l'état des relations internationales
mer, puis assiège avec succès la ville de Dengzhou, à partir de
en Asie orientale à l'époque des Trois Royaumes [1 " siècle av. J.-
laquelle il se livrera jusqu'à sa chute à un important commerce
C.-VI I' siècle). L'intrusion maritime de la Corée au Japon, où
avec les Tang, ses héritiers engageant quant à eux des échanges
celle-ci exerça son influence à l'aube de la formation nationale,
avec plusieurs dynasties, dont celle des Song, pour le compte de
permit le développement de liens diplomatiques entre ces deux
l'État enclavé des Liao, et s'avançant pour ce faire jusqu'au sud
pays, de même que Phéniciens et Grecs avaient tissé en leur
du bassin du Yangtze . Les souverains dépêcheront au Japon
temps des liens avec de lointains peuples au gré de leurs voyages
trente-trois émissaires accrédités auxquels succéderont au
de part et d'autre de la Méditerranée orienta le.
Jang Bo-go et Cheonghaejin " À l'aube du royaume de Silla Unifié [668-935). s'amorcèrent avec la Chine des Tang de dynamiques activités commerciales
neuvième siècle des délégations comptant
Souvent considérés quantité négligeable au cours de l'histoire, les moyens maritimes représentent pourtant ru1 important inclicateur de la puissance des clifférentes nations car l'évaluation de leurs sphères d 'influence respectives à une époque donnée exige une bonne compréhension des forces en présence sur terre et sur me1·.
jusqu 'à une cenraine d'envoyés, la flotte civile ayant même transporté mille cent passagers jusqu'à ce pays. La situation géopolitique du royaume de Balhae _exigeant qu'il soit au fait des moindres intentions de celui de Silla, il s'efforça de cultiver ses relations
Jang Bo-go fut surn ommé le« Dieu de la mer » pou r avoi r établi des liaison s maritimes entre la Chine et le Japon depuis sa ville natale de Cheon ghaejin. Reconstitution de bateaux d'époqu e utili sés lors du tournage du feuilleton télévisé historique intitulé« Dieu de la mer » sur l"île de Wa ndo, anciennement Cheonghaejin Ici-contre à droite!. Portra it de Jang Bo-go Ici-contre à l" extrême droite! 16 Koreana I Été 2006
Routes maritimes du temps de Jang Bo-go
CHINE
Flotte de Jang Bo-go sillonnant les mers. -
Route centrale de Mer Jaune reliant Ch eonghaejin à Shidao et empruntée par le bonze japonais Yennin.
-
Route centrale de Mer Jaune entre Cheonghaejin et Yanyun.
-
Route de Mer de Chine orientale ralliant Zhou shanqundao en biais à partir de Cheonghaejin, ainsi que Dazaifu depuis l'île de Jejudo.
-
Route de Mer de Chine orientale au parcours en diagonale joignant Zhous hanqundao à Dazaifu et qu ·empruntèrent les sujets originaires du royaume de Silla à l'époque des Tang.
Été 2006 1Ko reana
17
avec son voisin japonais en recourant à la diplomatie par voie
entreprit à son tour sa conqu ête, le premier fit montre hardiment
maritime, mais lorsque la contrepartie s' en avéra peu avan-
de ses moyens navals en le chassant et en occupant l'île de
tageuse pour l'archipel, ce dernier imposa des restrictions quant
Tsushima .
au nombre et à l'ampleur de ces missions.
Le déclin de la puissance maritime coréenne marquera en revanche la dynastie Joseon [1392-1 91Dl. dont les monarques
Routes maritimes et terrestres Fondateur du royaume de Goryeo [918-1392). l'amiral Wang
favoris èrent exclusivement les échanges avec la Chine par voie terrestre au détriment du trafic maritime qui finit par se tarir,
Geon [r. 918-943) est aussi renommé pour ses prouesses
l'État renonçant à toute activité navale, prohibant le commerce
navales. Pour contrecarrer les visées de l'État de Liao créé par le
extérieur privé, et le royaume allait en conséquence se voir
peuple des Khitan, les dynasties de Goryeo et Song allaient
réléguer au statut de nation périphérique vivant dans l'ombre de
entretenir d'incessantes rela t ions commerciales et diploma-
la Chine.
tiques, notamment dans ce dernier domaine où le nombre de
Entre 1592 et 1598, il allait néanmoins repousser plusieurs
navires qu 'elles envoyèrent à tour de rôle allait respectivement
offensives militaires japonaises d'envergure, tant sur terre que
atteindre cinquante-sept et trente en un peu plus de cent soi-
sur mer, grâce au x héroïques exploits du légendaire amiral Yi
xante ans, à raison de cent à trois cents plénipotentiaires par
Sun-sin [1545-1598) lequel, à bord de son célèbre bateau-tortue,
vaisseau . Une activité soutenu e se déroulait dans le secteur
remporta l'intégralité des vingt-trois batailles navales qui firent
marchand privé, le royaume commerçant quant à lui avec les
passer sa force indomptable à la postérité. Suite à ces conflits, la
villes que sont aujourd'hui Fujian, Guangdong et Zhejiang , ainsi
dynastie ne. fut plus en mesure de réitérer de telles prouesses et,
qu'avec des négociants arabes.
cédant à la supériorité japonaise sur mer, se vit dans l'obligation
En 1274, le royaume de Goryeo se munit, en l'espace de
d'ouvrir ses ports.
quatre mois et demi, d'une flotte de neuf cents bâtiments au x fins
À l'époque moderne, la puissance maritime constituera un
d'une expédition coréano-mongole au Japon et lorsque le second
facteur décisif de l'équilibre des forces en présence au sein de
Les objets découverts à bord du Bateau de Sinan » comportaient égale ment des denrées du commerce d'alors, notamment vingt mille pièces en provenance de Chine, de Corée et du Japon, comme ce vase vernissé gris d'époque Kamakura . 2 Vase fleuri à oreilles d'époque Yuan 3 Pièce en céladon de Goryeo datant probablement des XII' ou XIII' s iècles. «
©
Musée national de Corée
4 Aiguière pisciforme à glaçure céladon d'époque Yuan, servant à délayer l'encre de Chine. 5 Tablettes en bois sur lesquelles figurent le nom du propriétaire, la date de chargement et le poids de la cargaison, autant d'indications précieuses concernant les échanges commerciaux réalisés sous la dynastie Yuan . ©
18 Koreana I Été 2006
Musée national de Corée
l'Asie orientale. La fin de la Seconde Guerre mondiale verra se
commerciau x et culturels. Une telle infrastructure, ainsi que
fermer les routes maritimes qui en desservaient les différents
l'assurance d'accéder au x grands couloirs de navigation interna-
pays et privera la « Méditerrannée asiatique » de son rôle de
tionau x, lui permettent désormais de tirer de ses moyens mari-
médiation. Au fil du temps, cette évolution allait redessiner glo-
times de prodigieu x gains sur les plans économique, diploma-
balement la carte de la région . Aujourd'hui encore, la Corée
tique et culturel. t..11
possède un réseau de transport maritime la reliant à l'ensemble des régions et nations est-asiatiques aux fins de ses échanges
Le port de Susan, carrefour maritime de l'Asie du Nord-Est
Leader mondial en construction navale La Corée se place sans conteste au premier rang mondial du secteur des chantiers navals, comme le révèlent les dom1ées recueillies par le Cabinet Clarkson, spécialiste des études de marché sur cette activité et celles de la marine marchande, puisque sa production dépassait en 2005 celle de tous les autres pays, avec un rendement de 14,5 millions de tonnes brutes compensées, contre sept millions en Chine et 6,2
savoir H yundai Heavy Industries Co., Ltd, Samsung Heavy Industries Co. , Ltd, Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering Co. , Ltd, Hyundai Samho Heavy Industries Co. , Ltd , Hyundai Mipo Dockyard Co., Ltd, STX Shipbuilding Co. , Ltd et Hanjin Heavy Industries & Construction Co.,Ltd.
Ouvert an trafic le 19 janvier 2006, le nouveau port de Busan entend devenir la plaque tournante du transport maritime en Asie du Nord-Est. Pourvu d 'installations qui lui permettent d ' accueillir sinmltanément trois n avires de cinquante mille tonnes et de manipuler neuf cent mille contenem·s par an , il ne compte pas moins de 172 équipements ultramodernes de type différent pour le traitement du fret, dont des grues assurant le chargement et déchargement de porte-conteneurs transportant jusqu' à douze mille unités . Si son aire de stockage d ' une largeur de 600 mètres est moins étendue que celle du port de Yangshan, à
Shanghai, son système
«
on-dock
»
hti permet de fournir tme gamme complète de prestations, opti.ntisant ainsi son rendement et ses coûts. Le Mitùstère des Affaires maritimes et de la pêche entend assurer la promotion du nouveau
port de Busan en mettant l'accent sur ses atouts géographiques naturels Cflll le prédisposent à devenir la plate-forme de distribution de l'Asie du Nord-Est. Par aillem·s, diver s proj ets visant à mettre en œ uvre w1 sys tè1ne de distribution centré sur les opérations portuaires tout en intégrant la totalité des services
terrestres, ferroviaires, mariti.Jnes et aériens autoriseront la
construction cl \me véritable « route de la soie », qui en ce XXI· siècle, r éunira par le biais de liaisons transsibériennes et transclùnoises les différents pays situés en bordure du Pacificflle et au-delà.
au Japon. Elle représentait 37 ,8 % du ca rnet de commandes mondial de cette industrie, arrivant ainsi en première position. Elle a acquis près de 76 % des parts du marché mondial des navires gaziers destinés au transport de GNL (gaz naturel liquéfié), réaffirmant ainsi sa supériorité teclmologique en construction navale. En matière de capacités de production mondiales, quatre des cinq premiers constructeurs sont coréens, ainsi que sept des dix chantiers navals les plus vastes, à
Été 2006
1
Koreana 19
Des pro ondeurs océaniques débordant de vie La péninsule coréenne est baignée à l'ouest, au sud et à l'est par des mers riches d'une faune et d'une flore dont les multiples espèces trouvent un habitat adapté dans ces différents milieux aquatiques. Kim Woong-seo Directeur de la recherche au Département des ressources marines de l'Institut coréen de recherche et développement océanographiques Lee Sun-myeong Photographe
0
rigine de toute vie sur Terre, la mer s·y est formée lorsque
Unis, de la Mer du Nord et du delta de l'Amazone. Favorisant la
celle-ci n· était encore qu'un désert totalement inhabité
prolifération des organismes marins, ces zones aux plaines allu-
qu'elle transforma peu à peu, tel un ventre nourricier, en une
viales fourmillant de vie font le ravissement des amateurs de
planète aux innombrables espèces végétales et animales. En
palourdes et autres coquillages, alors que poulpe, ombrine,
Corée, les hommes entretiennent un rapport particulier à cet
espadon , anchois et crabe bleu prospèrent dans les fonds
élément qui entoure la quasi-totalité de leur territoire et les dote
marins.
d'un extraordinaire environnement naturel dont ils lui sont rede-
S'enfonçant plus ou moins profondément selon les endroits,
vables pour les abondandes ressources alimentaires qu'ils y
mais en aucun cas au-delà de deux cents mètres, la Mer du Sud
prélèvent depuis les temps anciens. En témoignent les amon-
est loin d'atteindre les abysses de l'est. Ici, un littoral accidenté et
cellements de coquillages du littoral, ainsi que les gravures
une myriade d'îlots essaimés au large ont engendré un fantastique paysage sous-marin. Les marécages y
pariétales découvertes sur les rochers de
Peu profonde à l'ouest, la mer investit le littoral de vastes marécages, tandis qu'au large des côtes méridionales, ses eaux tièdes regorgent de poissons tropicaux et organismes en tous genres, les grands fonds de l'e.s t offrant parfois tm chemin migratoire aux baleines.
Bangudae , dans la commune de Daegok-ri située à proximité d'Ulsan, qui représentent des baleines et autres animaux marins indicateurs d'une importante pêche.
Marécages à l'ouest, abondance au sud Au sud, à l'est et à l'ouest, s'avance dans la mer la péninsule coréenne. Sur la façade occidentale, les eaux s'étendant jusqu'à la Chine, d'une profondeur moyenne
alternent avec des plages de sable et des falaises, offrant une diversité d'habitats propices à la vie. Sous l'influence des masses chaudes du courant du Kuroshio, des eaux à forte salinité y créent le milieu de prédilection de ces poissons multicolores propres aux zones tropicales ou subtropicales, ainsi que des maquereaux, maquereaux espagnols, chinchards, sérioles du Pacifique, anchois et toute une variété
d'espèces marines adaptées à un tel climat. Pure et limpide,
de quarante mètres, reçoivent des grands fleuves chinois et coréens des b·oues alluviales à forte teneur en sable jaune, dont
l'eau y favorise aussi l'ostréiculture, de même que la récolte
se colorent les eaux, à l'instar de la mer ainsi nommée.
d'ascidies et de laitues de mer.
Caractérisées sur cette partie du littoral par de fortes variations
C'est à Jejudo, principale île coréenne au littoral long
d'amplitude, les marées y ont créé de vastes étendues
d'environ 254 kilomètres, que cette beauté atteint son apogée.
marécageuses et leurs bassins figurent parmi les cinq plus
Célèbre pour son relief rocheux, elle s'entoure d'eaux foisonnant
amples du monde, aux côtés de ceux de l'est canadien, des États-
d'épaisses algues et ses fonds recèlent oursins, holothuries,
Principaux traités coréens d'ichtyologie
à observer la mer pour laquelle ils
dans un nom; d'aucuns affirment
aux données biologiques du livre.
se prirent d'une véritable passion
que la syllabe doit se prononcer
Le terine
qui leur fit consigner leurs
«
hyeon
»,
c'est-à-dire noir, le titre
«
uhae
»
constitutif du
titre est l 'tm des anciens noms de la
importantes découvertes dans ce
devenant alors Hyeonsaneobo.
ville de Jinbae. Malgré l'âge deux
qui allait devenir des ouvrages de
Le second traité, Uhaeieobo, décrit
fois centenaire de ces ouvrages,
Dans le domaine ichtyologique,
référence.
avec force détails les formes et
les descriptions en sont d 'mie telle
font surtout autorité en Corée les
Les eaux baignant le littoral sud des
caractéristiqnes de soixante-dix
vérité que les espèces sous-marines
ouvrages intittùés Jasaneobo
provinces de J eollanam-do et
espèces de poissons, coquillages et
semblent prendre vie sous les yeux
(Poissons des eaux de ]asando) de Jeong Yak-jeon (1760-1816) et Uhaeieobo (Poissons de la baie de ]inhae) de Kim Ryeo (1766-1821), ce dernier ayant été publié en 1803,
Gyeongsangnam-do abritent de
crabes, les entrées correspondantes
du lecteur.
nombreuses espèces sous-marines
s'accompagnant d'm1 poème
qui font sa renouunée et dont J eong
ajoutant tme dimension littéraire
soit onze ans avant le premier qui
Yak-jeon identifia certaines à Heuksando, mais sous diliérentes appellations et il entreprit alors de
est aujourd'hui le plus connu. Ils
rédiger un livre afin d'éclaircir ces
ont pour auteurs des savants qui
a1uhiguïtés, comme il l'expliqne
vécurent tous deux en exil,
dans la préface de celui-ci.
respectivement sur l'île de
Répertoriant qnelqne deux cents
Heuksando située dans la province
variétés de poissons, coquillages et
de J eollanam-do et à Jinhae, dans
algues, cet ouvrages 'intitule
celle de Gyeongsangnam-do. Dans
]asaneobo, composé de Jasan,
un désœuvrement complet, ils
l'autre toponyme de Heuksan, et le
passaient le plus clair de leur temps
vocable
24 Koreana I Été 2006
«
ja
»,
signifiant
«
noir
»
L' Uhaeieobo [Bibliothèque centrale de l'Université Yonsei)
Banc de rorquals communs évoluant en Mer de l'Est, où sont représentées plusieurs espèces de baleines.
anémones de mer, crabes et crevettes. Au large de la ville de
cachalot, l'épaulard, ainsi que les dauphins de Risso et à flancs
Seogwipo, les splendeurs sous-marines de l 'île de Munseom
blancs du Pacifique. Si certains de ces mammifères s'y éta ient un
attirent nombre de plongeurs qui y découvrent le spectacle tout
temps fait rares, ils sont en recrudescence depuis que s'applique
aussi sublime qu'indescreptible des bancs de corail parcourus de
plus rigoureusement l'interdiction de la chasse à la baleine
poissons rouge et bleu vif.
décrétée en 1985 et des dauphins apparaissent parfois dans le sillage des bateaux, semblant les escorter.
L'écrin de Dôkdo
Comme enchâssés dans ces eaux à l'extrémité orientale du
C'est en Mer de l ' Est que s'étendent, par quatre mille
territoire, se dressent, respectivement à l'est et à l'ouest, les îlots
mètres de profondeur, de grands gouffres marins où le brassage
de Dokdo et Seodo aux alentours parsemés de rochers. Leur
des courants chauds et froids garantit une pêche miraculeuse. À
paysage de grottes sculptées par l'incessant ressac y a composé
l'automne, lorsque ces derniers, en provenance de Corée du
d'étonnants tableaux sous-marins et leur faune mari ni:;, relative -
Nord, affleurent à la surface, des poissons d'eau froide comme le
ment bien préservée de la présence humaine, compte plus de
lieu jaune et la morue du Pacifique viennent y frayer en grand
cent espèces de poissons, dont le sébaste à longue mâchoire, la
nombre. Ils favorisent aussi la croissance d'algues telles que
scorpène, la girène à tête gonflée et la brème bordelière, ainsi
fougère des mers et varech, qui s·y trouvent à profusion. Quand
que les nombreux ormeaux et holothuries qui font la renommée
vient l'été, calmar, maquereau y sont à leur tour apportés par les
des lieux. Située à 37° 14' de latitude nord, mais exposée au x
courants chauds circulant depuis la façade est.
courants chauds issus de l'île de Tsushima, Dokdo bénéficie d'un
La Mer de l'Est est sillonnée par différentes espèces de
milieu marin de type subtropical qui favorise la prolifération
baleines, dont certaines sont prélevées, et qui comprennent la
d'espèces telles que le poisson néon évoluant en zone tropicale
baleine bleue, les rorquals commun et boréal, ains i que la
ou subtropicale, par exemp le aux abords de l'île de Jejudo, et
baleine de Bryde, le petit rorqual, les baleines à bosse et grise, le
remontant vers le nord en été. t,;t
Été 2006 1 Koreana
25
Prospection énergétique des fonds marins L'action engagée par la Corée en vue de l'exploitation de ses ressources énergétiques sous-marines allait porter ses fruits dès 2004 en lui permettant de se classer au quatre-vingt-quinzième rang mondial par sa production de gaz naturel extrait du gisement de Donghae-1, dans la Mer de l'Est. Kim Hyun-tae Directeur du Centre d'information et de recherche sur les ressources pétrolières affilié à l'Institut coréen des sciences de la Terre et des ressources minérales Photographie: Société nationale des pétroles de Corée
D
otée d'une forte compétitivité, la Corée a rejoint le groupe
la Korea National Oil Company (KNOC, société nationale des
des dix nations les plus industrialisées en cinquante ans à
pétroles de Corée). respectivement en 1978 et 1979. Par ailleurs,
peine, mais dans le domaine énergétique, elle demeure
la Corée va procéder, en collaboration avec le Japon, à une
dépendante de l'extérieur pour 50 % de son approvisionnement
évaluation des ressources situées à l'intérieur d'une zone
pétrolier malgré d'importants efforts entrepris pour chercher
d'exploitation commune longeant le plateau continental, et en
des sources de substitution. Sur les huit cent millions de barils
1983, la KNOC verra son rôle se renforcer dans l'exploration
par an auxquels s'élèvent en moyenne les besoins du secteur
pétrolière nationale en mer.
industriel, seuls quatre pour cent sont issus d'une production
Dans un premier temps, les recherches et forages sont
faisant appel à des technologies et capitaux coréens, le pays
réalisés par des compagnies étrangères avec la participation de
devant en conséquence importer les quatre-vingt-seize pour cent
techniciens coréens se formant à la technique, mais la création
restants auprès de divers pays fournisseurs. Sachant que le prix
en 1989 d'une équipe d'étude spécialisée au sein de l'Institut
de cette matière première représente le double des coûts de production, l'actuelle flambée des cours risque, si elle se pour-
coréen des sciences de la Terre et des ressources minérales (KIGAMl suscitera des initiatives au plan strictement national. En
suit, de trop lourdement grever les finances du pays.
1996, les chercheurs de cet organisme mettent notamment au
Le développement d' une industrie pétrolière sur le sol
point un navire d'exploration géophysique de deux mille tonnes
national ou à l'étranger permettrait en partie d'y faire face moyennant de lui consacrer des moyens considérables sur les
au moyen duquel la Corée va rapidement accroître la portée de ses prospections et acquérir le savoir-faire correspondant.
plans technologique et économique. Contrairement à nombre de
Par ailleurs, c'est grâce aux enseignements qu'a tirés la
pays où l'exploitation des gisements locaux a fourni un savoir-
KNOC de ses projets spécifiques, mais aussi de partenariats avec
faire technique mis à profit pour s'étendre hors des frontières, la
des compagnies étrangères pour l'exploration du plateau conti-
Corée se trouve pénalisée par une certaine pénurie de
nental, que le pays réalisera en 1997 différents développements
ressources pour l'acquisition de ces technologies et accuse de ce fait un retard important par rapport à ses autres industries. Ce handicap peut toutefois lui apporter la motivation nécessaire pour rehausser son potentiel technologique dans le domaine de l'é nergie.
technologiques relatifs à la géologie,
Les hydrates de gaz suscitent actuellement beaucoup d 'intér êt en raison de leur potentiel énergétique écophile, notamment en Corée où la recherche a permis de découvrir des gisements dans la Mer de l' Est et se pours1ùt en vue de leur exploitation cmmner ciale.
La production pétrolière coréenne Au début des années soi xante, les progrès de l'industrialisation conduisent le pays à s'intéresser de plus près à la prospection et à l'exploitation pétrolières en mer pour répondre aux besoins énergétiques constants de son économie. Il jettera les bases de cette recherche en 1970 en délimitant sur le plateau continental bordant ses côtes sept secteurs comportant les zones à explorer et dès 1972, une compagnie ét rangère entreprendra les premiers travau x dans les eaux territoriales coréennes. Les chocs pétroliers qui interviennent dans les années suivantes entraîneront l'intensification de cette politique, notamment par la création du Ministère de l'Energie et des Ressources et de 26
Koreana
I Été 2006
l'exploitation et la production pétrolières , ainsi que gazières . L'année suivante, les prospecteurs de cette société découvriront ainsi sous le bassin d' Ulleung qui s· étend dans la Mer de l'Est le plus important gisement gazifère coréen, puisqu'il renferme quelque cinq millions de tonnes de gaz naturel liquéfié, ce qui lui vaudra d 'être
nommé Donghae-1 en l'an 2000 . À partir d'octobre 2004, l'installation d'équipements de production permettra de fournir du gaz naturel et du brut super léger au moyen de technologies et capitaux exclusivement coréens. En matière technologique, le pays avait ainsi assuré son autonomie à tous les stades d'exploitation, c'est-à-dire de l'exploration à la production et à cet égard, le gisement Donghae1 fait figure d'exemple car, alors que plusieurs grandes compagnies étrangères avaient prospecté en vain le plateau continental au large du littoral, la Corée allait y découvrir, à l'aide de sa seule technologie, des champs gazifères aptes à une production rentable et classant le pays au quatre-vingt-quinzième rang
Le gisement de gaz naturel Donghae- 1 revêt une importance capitale pour la Corée ca r il atteste de sa capacité à exploiter de manière rentable les ressources de son plateau continental au moyen de technolog ies et capitaux exclusivement nationaux, là où nombre de compagnies étrangères avaient échoué.
mondial dans ce secteur.
Dans le cadre d'un programme national de recherche et développement technologiques à des fins commerciales,
Respect de l'environnement Constitués d"hydrate de gaz, les gisements du bassin d"Ul-
l'Organisation de recherche et d'exploitation d'hydrate de gaz mise sur pied en 2005 par les pouvoirs publics évalue actuelle-
leung allaient faire l"objet de toutes les attentions au vu de
ment l'état et le volume des ressources naturelles disponibles en
l"énorme potentiel énergétique de ce composé de gaz naturel et
effectuant en parallèle des explorations et forages sur les fonds
d"eau à l"état solide d"un type nouveau se formant dans certaines
marins des zones potentielles d'extraction. En cas de succès, ces
conditions de haute pression et de basse température. Plus
travaux doteront la Corée d'un atout précieux, celui de figurer
écologique que le pétrole parce qu"émettant moins de gaz car-
parmi les rares nations détentrices d'un savoir-faire dans la pro-
bonique, il représente ainsi l"une des nouvelles sources d"énergie
duction d'hydrate de gaz. Dans l'éventualité où les gisements
du XXI' siècle. Dans les grands pays industriels que sont le Canada, le Japon et les États-Unis, les gisements d"hydrate de gaz déjà
d'Ulleung livreraient un gros volume de gaz naturel, la Corée approcherait à grands pas de l 'a utonomie qu'elle souhaite acquérir en matière énergétique.
découverts sur terre et en mer font actuellement l'objet d'études
D'ores et déjà, elle s'est engagée dans non moins de
de rentabilité. En Corée, où des recherches de grande envergure
cinquante-sept projets d'exploitation pétrolière et gazière mis en
ont eu lieu dans les eaux territoriales en 1996, les prospections
œuvre par vingt-quatre pays différents, ce qui n'est qu'un début,
entreprises cinq ans plus tard au puits n° 6-1 de la Mer de l'Est
car en poursuivant sur cette voie, elle atteindra une réelle
ont abouti à la localisation de vastes gisements d'hydrate dans le
indépendance énergétique, notamment pour plus de cinquante
bassin d'Ulleung, à une profondeur de mille mètres.
pour cent de ses besoins en pétrole brut. L.! Été 2006 1 Koreana 27
Mer aux ressources :innombrables Comme tout travailleur dépendant de la mer pour sa subsistance, le pêcheur doit faire preuve d ' une grande ténacité tout en sachant s'adapter à un élément tantôt déchaîné et cruel, tantôt aussi doux et protecteur que le giron maternel. Nam Sung- suk Rédacteur en chef du Kwangju Dai/y News Photographie: Kwon Tae-kyun, Ahn Hong-beom
L
e littoral qui s 'étend au sud, à l'est et à l'ouest de la péninsule coréenne présente des particularités influant sur
les modes de vie et de subsistance de sa population de pêcheurs. Simple et monotone sur une côte orientale dotée d'un réseau routier en assez bon état, cette existence est plus mouvementée sur les rives occidentale et méridionale, à l'image de leur relief accidenté, leurs routes pierreuses et leurs vastes marécages.
Spécificités de la culture maritime En milieu maritime, la vie des populations riveraines est faite d'épreuves, mais aussi d'espoir, car celui-ci subsiste toujours après la furie des vagues et malgré le risque permanent d'un raz-de-marée, sur ces eaux sans cesse changeantes . Au plus profond de son être, l'Homme perçoit la mer non comme une terrible menace, mais comme source de vie et objet de rêve. Alors que citadins et montagnards en apprécient les aspects esthétiques et romantiques synonymes d'émotion, ceux qui y trouvent leur pain quotidien doivent, pour l'affronter, faire preuve de force et de volonté. Dans les villages de pêcheurs, cette façon d'être se traduit par la survivance de certaines traditions, pratiques religieuses et divertissements constitutifs d'une culture caractéristique de leurs perpétuels combats, leur vécu et leur conception de la vie. Tel est le cas du rite qu'ils consacrent au dieu de la mer et qui représente une pratique culturelle spécifique résultant de certaines conditions géographiques conjuguées aux coutumes régionales. Désigné par le terme« byeolsingut », dont le suffixe« gut » dénote la nature chamaniste, il est accompli dans chaque localité par un prêtre de cette croyance à des fins propitiatoires, appelant les villageois à prier pour une pêche abondante, de même que pour la paix et le bien-être de la communauté. Des incantations sont adressées au dieu des dragons et à ceux de la montagne, ainsi qu'à la divinité tutélaire du village et à divers esprits d'importance mineure, les villageois leur présentant des offrandes. Les rituels du littoral méridional comportent le « yang-
Chez les gens de mer, celle-ci forge l'endurance et la ténacité. Au sud, le littoral bien abrité se prête à la 2 culture de l'amanoris, une variété d'algue, et à l'ostréiculture. 3, 4 Anchois et li eus jaunes sécha nt naturellement au soleil, dans un air salin. ·
30 Koreana I Été 2006
wanggut » destiné à apaiser la colère du Roi des dragons, divinité de la mer, et à lui rendre gloire. Au cours de la cérémonie
abondante. Expression de l'âme coréenne, ces cultes villageois révèlent
dite « ttibaennori », les villageois disposent une figurine et des
également une sensibilité culturelle distinctive car, outre les par-
cannes de bambou sur un bateau en paille qu'ils laissent
ticularités religieuses et historiques qui y sont profondément
emporter par le courant afin qu'il éloigne du village le malheur et
ancrées, ils procèdent plus globalement d'un mode de pensée et
la malchance . Il s'agissait autrefois d'un rite pacificateur à
d'une conception spécifiquement coréens. Ils participent d'une
l'intention du Roi des dragons supposé régner sur les mers. Il
culture autochtone primitive dont la richesse et la diversité sont
subsiste notamment dans les petites agglomérations côtières où
aujourd'hui appréciées à leur juste valeur dans le monde.
le chaman, grelot et éventail en main , exécute une danse tournante aux mouvements frénétiques. Plus au sud, le chaman
Exploitation ou conservation
invoque les esprits mineurs et ceux des pêcheurs morts, tout en
Sur ce littoral coréen qui mêle charme et tradition, ainsi que
priant le Roi des dragons pour une mer calme et une pêche
joies et peines, se manifestent aujourd'hui diverses tendances ·à
32 Koreana I Été 2006
3
Le projet Saemangeum, qui visait au drainage de quarante mille cent hectares de marécages, soit l'une des plus vastes étendues de ce type au monde, s'est déroulé sur quinze ans car il a subi d'importants retards en raison des procédures judiciaires intentées par les associations écologistes. 2 Le marécage constitue un milieu favorable à de nombreuses espèces aquatiques telles que la palourde et sert de filtre naturel éliminant les substances polluantes présentes dans l'eau de mer. 3 Dans la province de Chungcheongnam-do, la ville de Boryeong est renommée pour sa fabrication originale de cosmétiques et produits de toilette à base de boue issue des marécages environnants.
Été 2006 1 Koreana 33
Les« haenyeo », ces plongeuses sous-marines de l'île de Jejudo, figurent à n'en pas douter parmi les personnages les plus énergiques de Corée. Si nombre d'entre elles sont plus que sexagénaires, elles plongent jusqu'à quinze jours par mois si les conditions météorologiques l'autorisent. Une exceptionnelle capacité pulmonaire leur permet, sans le moindre équipement respiratoire, de desce ndre par vingt mètres de fond et de rama sser des coquillages pendant près de deux minutes.
34 Koreana I Été 2006
la modernisation qui ont enflammé les esprits, les entrepreneurs
endurance qui leur permet d'évoluer dans l'eau _plus de cinq
s'étant avisés de s'affronter aux forces de la nature que les mili-
heures d'affilée. Repoussant parfois les limites de cette
tants entendent au contraire protéger, notamment certaines
résistance physique, elles plongent encore et toujours malgré la
zones marécageuses actuellement menacées en dépit de leur
nausée que provoquent les tourbillons associés aux courants et
inestimable richesse.
contre laquelle tous les médicaments du monde ne peuvent rien .
Les marécages assurent la double fonction essentielle
Contrairement au x produits de l'agriculture tels que les
d'habitat propice à une multitude d'espèces aquatiques et de fil-
clémentines par exemple, ceu x de la pêche sont proposés à la
tre naturel pour l'eau de mer qu'ils débarrassent des substances
vente le jour même et leur achat réglé en espèces, apportant
polluantes apportées par les courants et les fleuves, d'où leur
ainsi au x« haenyeo » des recettes quodiennes.
appellation de « reins » de la Terre. Ils constituent un précieu x
Celles-ci dépendent largement de la capacité pulmonaire
milieu naturel à divers égards, notamment en termes de biodi-
des plongeuses, puisque proportionnelles au temps passé sous
versité, de purification de l'eau, de conservation de l'écosystème
l'eau. Une fois la « haenyeo » parvenue au fond, ce qui prend en
et de stabilisation climatiques, auxquelles s'ajoute l'attrait touris-
moyenne dix à quinze secondes, guère plus de trente
tique, leur préservation s'avérant donc indispensable à la survie
s'écouleront avant qu'elle n'aperçoive un ormeau ou un turbot et
de l'Homme.
vingt autres lui suffiront pour saisir ceux-ci parmi les rochers et
La seconde moitié des années quatre-vingts a toutefois vu
les placer dans un filet à provisions, la durée totale de cette
débuter à très grande échelle le drainage de ces zones dans le
plongée sous-marine ne dépassant donc pas une minute car au-
cadre de l'aménagement du territoire, sans la moindre considération de leur valeur et fonction
essentielles
et
avec
pour
conséquence, non seulement la création de vastes étendues dénudées, mais aussi l'apparition d'un grave risque de pollution à l 'encontre des ressources et écosystèmes marins par des eaux fluviales qui se jettent dorénavant dans la mer sans avoir subi d'épuration suffisante au préalable. Mise en œuvre dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingts, où elle
delà de certaines limites, interviennent les
Glanant les trésors de la mer par plus rie vingt mètres de profondeur. les plongeuses de l' île de J ejudo accomplissent leur dur labeur sans r ecourir au moù1dre équipement r espù·atoin·. r e qui exige une excellente condition physique de ces fenunes courageuses, tout aussi vi ves et 1·emuantes que le poisson qu 'elles 1·amènent sur la plage.
allait atteindre son paroxysme, cette poli-
complications respiratoires suivies de la noyade. En Corée comme à l'étranger, les « haenyeo » font figure d'énigme par leur volonté et leurs capacités physiques exceptionnelles, notamment sur le plan pulmonaire, puisqu'elles plongent par vingt mètres de fond, demeurant en apnée environ deux minutes dans l'eau parfois glacée en hiver. Cette prouesse a suscité l'intérêt de scientifiques étrangers dans le domaine de la recherche médicale au point que dans les
tique a entraîné à ce jour l'« assainissement » de quelque 620
années soixante, le Département d'État américain a mené des
km 2 de terrain équivalant à la superficie de la ville de Séoul, le
études sur ces plongeuses, ainsi que celles du Japon, dans le but
projet d'assèchement du Lac Sihwa en constituant le prolonge-
d'accroître l'efficacité de ses programmes sous-marins et les
ment au cours de la décennie suivante. Toujours plus nom-
performances du personnel de sa Marine nationale.
breuses, ces opérations se sont soldées, au cours des dix
Les « haenyeos » de Jejudo pratiquent la pêche sous-
dernières années, par une réduction de trente à quarante pour
marine à raison d'environ quinze jours par mois selon une
cent des zones marécageuses qui génèrent pourtant une
périodicité liée aux conditions saisonnières et _océaniques, mais
richesse économique cent fois supérieure à celle des terres
qui, ne serait-ce qu'à intervalles de deux jours, est tout à fait
arables, et quarante aux ressources du littoral. En conséquence,
étonnante d'un point de vue physiologique et médical. Avant un
il convient désormais de se soucier de leur conservation en
accouchement, elles vont encore ramasser les ormeaux jusqu 'au
favorisant l'intégration de l'Homme au milieu naturel.
tout dernier moment, pour y repartir trois ou quatre jours plus
Ténacité et endurance
seule condition physique, mais aussi d'une force de caractère
tard avec un acharnement incroyable qui ne résulte pas de leur Au sein de la population des côtes coréennes, les plongeuses sous-marines que l'on appelle « haenyeo », c·està-dire littéralement « femmes de la mer », font preuve d'un
leur permettant d'affronter les périls de la mer lors de toute nouvelle plongée. Rites villageois, plongeuses, marécages et pêcheurs au
courage hors pair. Affrontant sans cesse les dangers des fonds
cœur vaillant participent au même titre de ce milieu côtier où,
marins pour subvenir aux besoins de leur famille, elles
entre rires et larmes, se succèdent les générations luttant pour
représentent un cas exemplaire des rudes épreuves affrontées
leur existence auprès de la mer indomptable et tumultueuse. 1.11
par les femmes en Corée et sont renommées pour leur
Été 2006 1Koreana
35
DOSSIER
Pour une technologie utile à l'art lhéritage du vidéaste Pa·k Nam ne En cette année 2006, décédait Paik Nam June, pionnier de l'art vidéo et membre fondateur du groupe Fluxus. Nous évoquerons ici sa carrière empreinte d'un génie qui, par le biais d'expérimentations audacieuses, donna naissance
à des formes d'expression artistique entièrement nouvelles.
Lee Yongwoo Critique d'art des nouveaux médias Photographie: Lee Yongwoo, Wolganmisool
36 Koreana I Été 2006
Dans l 'œuvre « Deux maîtres » [19911, Pai k Nam June s·attacha it à exprimer son respec t envers Sin Jaedeok, pour lu i avoir appris le piano au collège , et John Cage, qu i le m it sur la voie de l 'i nsp irat ion tout en l'aidant à constru ire les fondements sp ir itue ls et conceptuels de sa carrière art istique .
P
armi les grands créateurs qui ont récemment dis-
son œuvre. C'est à juste raison qu'ils lui ont été appliqués,
paru et dont les œuvres ont marqué l'art contempo-
de même qu'il méritait amplement le qualificatif d'« inter-
rain de la deuxième moitié du XX' siècle, figurent Mario
disciplinaire » bien avant que celui-ci ne désigne un
Merz, maître se réclamant du mouvement « Arte Pavera »
artiste capable d'évoluer sans entrave parmi les différents
qui produit des images de l'histoire, de la nature et de la
arts visuels comprenant peinture et sculpture, arts des
vie quotidienne au moyen de matériaux simples tels que
installations, arts électroniques et arts du spectacle.
terre, bois, métal, béton et chiffons, Arman et Mimmo
Comme la plupart des créateurs des nouveaux
Rotela, adeptes du Nouveau Réalisme au cœur duquel se
médias réalisant la fusion de l'art avec les sciences et
trouvent peintres et sculpteurs parisiens, Pierre Restany,
technologies, Paik Nam June s'est longuement expliqué
théoricien du Nouveau Réalisme, et Paik Nam June [1932-
sur les raisons pour lesquelles les œuvres qui en
2006]. père de l'art vidéo et membre fondateur du mouve-
résultaient relevaient du premier des trois , et non des
ment Fluxus. Occupant une position d'avant-garde, ils ont
deux dernières, comme en témoignent leurs titres, dont
pour dénominateur commun d'avoir fait leurs premiers
il avait systématiquement exclu toute référence aux
pas à l'époque prospère des années soixante dont
machines dépourvues d ·humanité, privilégiant des expressions fantaisistes, aisément identifiables par le public au sens littéral. Un grand jardin aménagé dans une salle d'exposition et équipé de dizaines de téléviseurs devenait a1ns1 « Jardin des télévisions », de même que les plantes mises en terre dans ceux-ci, une fois vidés de leur contenu, se transformaient en « Plantes de télévision » . «
TV Bouddha
»,
qui rendit l' artiste célèbre en
1974, ava it déjà reçu un accue il triomphal en 1968,
lors d'une exposit ion à la su ite de laquelle, Jusque dans les années quatre-vingts, il ava it apporté diverses modifications p_e rmettant de décliner cette œuvre en plusieurs variations.
l'esthétique spécifique est aux racines de leur création, car
Ici, l'important n'est pas tant l'originalité artistique de
elle galvanise la recherche de l'innovation et les
la composition que le point de vue philosophique que son
expériences avancées, les plaçant ainsi à contre-courant
auteur cherche à exprimer au moyen d'un support de
des autres artistes du XX' siècle.
communication politique, à savoir le téléviseur. Il semble ainsi sous-entendre que cet appareil ne révèle sa dimen-
Artiste interdisciplinaire
sion organique que lorsque ses fonctions polico-commer-
Paik Nam June, qui s'est éteint le 29 janvier dernier,
ciales se fondent dans le décor naturel d'un jardin, par
demeurera dans les mémoires comme l'inspirateur d'un
exemple . Afin de s'acquitter positivement du rôle de
rapprochement direct entre science, technique et art, une
vecteur d'information qui est le sien, la télévision doit se
entreprise qui s' est avérée tout aussi complexe
chercher des racines et alors seulement, elle trouvera le
qu·enrichissante. Fondateur de l'art vidéo, philosophe de la
chemin de sa réhabilitation : tel est le message véhiculé
technologie, compositeur, poète, artiste de l'information
par l'évidement délibéré du châssis pour y disposer des
ou artiste behavioriste sont autant de titres à la mesure de
plantes.
ses accomplissements, mais aussi de la complexité de son
Par cette démarche, Paik Nam June a voulu exprimer
corpus artistique et du caractère multidimensionnel de
l'idée que la technologie, qui n'est pas forcément en elleÉté 2006 1Koreana
37
Biennale de Ven ise . Le créateur allait contribuer largement à la créat ion d'un pavillon consacré aux œuvres coréennes.
même d'une grande pertinence, permet une création
télévision au moyen de la technologie vidéo, mais
artistique à caractère organique en association avec
aussi en contraignant cette dernière, par le biais du
des éléments naturels qui la dotent de vie, car si elle
téléviseur, à une rencontre fatidique avec le div in
réalise aujourd'hui des prouesses, elle demeure un
semblant montrer la voie de l'émancipation de tout
support inerte.
aspect mécanique afin de le réhabiliter. L'œuvre de Paik Nam June procède d'une vision
Conjonction des arts, sciences et technologies Dans l'œuvre « TV Bouddha », qui a révélé
de la technologie qui est non réductrice, parce que reliant celle-ci à la pensée, par-delà les sciences
l'artiste, une statue fait face à un téléviseur sur lequel
physiques, pour l'investir du sens altruiste de sa mis-
un caméscope projette l'image de cette même sculp-
sion envers l'humanité. Son esthétique spécifique la
ture. Très sobre sur le plan technique, cette composi-
situe à l'origne de l'art vidéo en prenant pour postulat
tion nous incite toutefois à la réflexion par la création
que la télévision est support de communication
d'un effet inattendu en plongeant Bouddha, source de
préalablement à tout travail sur les caméscopes pro-
la pensée et de la méditation orientales, dans une
prement dits.
contemplation narcissique, révélatrice de l'instinct de
Elle se différencie par le parti-pris de ne pas
vie, de sa propre image exposée sur l'écran de
magnifier le pouvoir considérable que confère à ce
38
Koreana I Été 2006
média sa dimension commerciale, mais au contraire, de le priver de l'adulation populaire. Le créateur y traduit par son art une volonté de
«
Le tigre est en vie
»
associe un instrument de musique
traditionnel dénommé« wolgeum » à un violoncelle de style occidental emblématique de Charlotte Moorman. alter ego de Pa 1k Nam June sur le plan musical.
bouleverser l'ordre établi lorsqu'il est tyrannique et répressif en ébranlant ses idées et valeurs conceptuelles. Si sa production fut avant tout à vocation artistique, et non en convergence avec tel ou tel mouvement social, elle procédait à n'en pas douter, par ses fondements théoriques, d'une ferme démarche politique.
Refus des structures de pouvoir
c· est dans cette contestation artistique que
le créateur puise son inspiration et voit dans le caméscope moins un équipement qu'une sorte de pinceau permettant la production des images de son choix par un utilisateur quelconque, dans quelque pays que ce soit, persuadé qu'il était que cet usage détourné de la technologie lui insufflerait une dimension humaine afin de l'employer pour assurer le véritable bien-être des hommes. S'il n'est guère aisé d'en percevoir le sens, on ne peut qu'admirer à sa juste valeur l'héritage
coréenne car celle-ci ne correspond qu 'à un constant désir
artistique de Paik Nam June.
de plaire au grand public que bien peu d'artistes ont su
Né en Corée, le créateur passera cependant la plus
concrétiser.
grande partie de sa vie à l'étranger, notamment en
Voilà que ces mêmes technologies, notamment
Allemagne, aux États-Unis et au Japon, ce qui lui permettra
télévisuelles, que l'artiste s'efforçait de défier, semblent
Paik Nam June affirmait que l'artiste avait pour mission d'anticiper l'avenir, persuadé qu'il était que la substitution de la technologie au pinceau conférait
à celle-ci des vertus bienfaisantes pour l'humanité.
de s'affranchir du carcan intellectuel imposé par la langue
avoir envahi les moindres recoins de notre vie quotidienne
maternelle à la pensée et aux actes des artistes. On com-
pour en faire partie intégrante et que celles de l'informa-
prend d'autant mieux ses tendances philosophiques plus
tion, dont il cherchait à mettre en valeur les fonctions com-
démocratiques que nationalistes, et qu'il ait été moins
municantes, sont devenues une fin en soi à leur
soucieux de prendre le parti d'une nation ou d'une autre
avènement. La nécessaire remise en question des struc-
que de gagner son indépendance en donnant libre cours à
tures de pouvoir, sur laquelle il revint sans cesse tout au
son imagination créatrice. C'est à tort que l'on verrait un
long de son parcours artistique, n'en demeurera pas moins
penchant nationaliste dans sa quête d'une thématique
un précieux et intemporel enseignement.
t;t
Été 2006 1 Koreana 39
ENTRETIEN
Le~~ samulnori >> de Kim Duk Soo, un représentant de la Corée à l'étranger Le« samulnori » est une composition musicale pour quatre instruments à percussion coréens dénommés« kkwaenggwari », « janggo », « buk »et« jing », c'est-à-dire respectivement petit gong, tambour en forme de sablier, tambour cylindrique et grand gong qui évoquent tonnerre, pluie, nuages et vent. Virtuose infiniment épris de ce genre traditionnel rythmé, Kim Duk Soo met en valeur l'image de la Corée par ses spectacles débordants de passion. Hyun Kyung-chae Critique musical et membre du Conseil national des arts
L
e maître percussionniste coréen Kim Duk Soo se
cette harmonieuse alliance de battements secs, légers et
compare souvent lu i-même au « dokkaebi » , ce
cadencés des quatre instruments que sont le « buk », un
lutin des contes de mon enfance qui avait le pouvoir de
tambour cylindrique, le « janggo », un tambour en forme
fabriquer or, argent et autres richesses d'un seul coup de
d.e sablier, les « kkwaenggwari » et « jing » , petit et
son marteau magique. Comme lui, il fait subitement son
grand gongs. Dans les médias internationaux, Kim Duk
apparition, ici et ailleurs, recevant l'ovation des publics du
Soo est ainsi surnommé « Monsieur janggo » en raison
monde entier charmés par les sons du « janggo »
de ses interprétations endiablées sur le deuxième d'entre eux, diffusant de ce fait le dynamisme coréen dans le
Rythmes traditionnels coréens
monde.
Lorsque l'artiste accompli qu 'est Kim Duk Soo frappe
« Quand je joue du « janggo », je me trouve dans le
son instrument, tel un « dokkaebi » maniant le marteau
même état d'esprit qu 'un sprinter cherchant à battre son
magique, l'audience en est parcourue de frissons, car la fer-
propre record du cent mètres, ne serait-ce que d'un
veur avec laquelle il joue crée instantanément un lien avec
millième de seconde », explique-t-il. Avec quelque quatre
les spectateurs sous le charme des sonorités enivrantes de
mille représentations à son actif dans soixante pays
son orchestre. Ses représentations enflammées ont en
différents, c· est à juste titre qu'il est considéré le premier
outre permis à de nombreux pays et peuples du monde de
ambassadeur de la culture coréenne.
découvrir la Corée et sa culture. Nul ne résiste en effet à
40 Koreana I Été 2006
Il a atteint le sommet de l'art du « samÙlnori », une
L'audition du« salmunori » crée toujours un effet marquant dans le public étranger, contribuant à ce titre à mieux faire connaître la Corée et sa culture, comme l'ont permis le sommet de l'ASEM auprès de représentants des Nations Unies, ainsi que nombre de festivals culturels internationaux. composition instrumentale harmonisant éclairs, pluie,
le quartier de Shybuya à Tokyo et, dernièrement, dans la
nuages et vent au moyen des sonorités de ses percus-
ville irakienne d'Arbil, où est stationnée la division
sions qui lui ont acquis une renommée mondiale. C'est en
coréenne Zaytun.
1978, après avoir largement fait la démonstration de ses
« Le spectacle donné en février dernier pour la divi-
talents grâce aux encouragements prodigués par son
sion Zaytun n'a différé en rien des autres, c'est-à-dire que
père dès son plus jeune âge, qu'il a lui-même créé ce
nous avons accompli les rituels préalables à toute
genre musical destiné à la scène, mais aussi étroitement
représentation devant une tablette sur laquelle étaient
lié à celui des percussions populaires dites« pungmul »,
placées des bougies. Le commandant en chef des forces
dont on joue en plein air. Cette invention d'une importance
alliées, ainsi que les chefs d'état-major des armées
capitale pour la musique coréenne a valu à Kim Duk Soo
américaine, japonaise et australienne se sont tous
d'être classé par le quotidien Chosun /Ibo parmi les
inclinés avec respect, tandis que l'épouse du chef de la
cinquante Coréens ayant joué le rôle le plus considérable
division Zaytun montait elle-même sur scène pour pren-
en Corée depuis sa libération en 1945.
dre part au rituel et le spectacle n'a commencé qu'une
Elle représente en effet une évolution sans précédent
fois la cérémonie achevée.»
par la mise en œuvre de quatre instruments à percussion traditionnellement réservés au « nongak », c'est-à-dire
Le « Samulnorian », un cercle
la musique paysanne, faisant ainsi revivre un sens du
international d'enthousiastes
rythme ancestral, mais longtemps enfoui au fond de la
L'activité de Kim Duk Soo ne se résume pas à celle
mémoire collective. Enfin, elle contribue à la diffusion de
de la scène, mais comprend aussi des conférences musi-
cette forme musicale traditionnelle à l'étranger et ouvre
cales à caractère éducatif qui favorisent l'apparition
la porte à des échanges bilatéraux dans ce domaine.
d'orchestres de « samulnori » dans d'autres pays. Les
Après avoir conquis la scène nationale, l'ensemble
formations proposées aux enthousiastes sont dispensées
que dirige Kim Duk Soo s'est produit, dans la plus pure
sur les lieux mêmes des représentations données par
tradition coréenne, en des lieux et circonstances
Kim Duk Soo et son ensemble, comme c'était le cas de
extrêmement variés tels que l'Organisation des Nations
l'atelier qui se déroulait du 10 au 17 avril derniers à
Unies, le sommet de l'ASEM, le Mur des lamentations,
Berlin, où la formation allait d'ailleurs repartir pour par-
Central Park, l'entrepôt d'armes et munitions de Munich,
ticiper aux festivités de la Coupe du monde de football.
42 Koreana I Été 2006
Par son action, Kim Duk Soo a permis de faire découvrir la musique traditionnelle coréenne dans le monde tout en ouvrant la voie aux échanges bilatéraux entre artistes coréens et étrangers. 2 L"ensemble SamulNori en concert aux côtés de l"Orchestre municipal d"Ansan à la Maison de la culture et des arts de cette ville. 3 Fondé sur la rythmique trad1t1onnelle. le« samulnori » est auJourd"hu1 l"un des principaux genres musicaux du répertoire coréen.
Été 2006 1 Koreana 43
« Le moyen par lequel se transmettent les traditions est de la plus grande importance, c'est pourquoi nous projetons de créer en Allemagne un village culturel qui se
public de tous pays tombait en quelques minutes sous leur charme. » En Corée, le « samulnori » figure aujourd 'hui parmi
chargera d'organiser des festivals et représentations
les principaux genres musicaux traditionnels et y est tout
assurant la diffusion de la culture coréenne dans la conti -
aussi apprécié qu'à l'étranger par le biais des nom-
nuité. Bien sûr, nous jouerons aussi du « samulnori »
breuses émissions de télévision où se produisent les
pendant la Coupe du monde de football pour encourager
ensembles ainsi que des enregistrements à succès sur
l'équipe nationale à la man ière coréenne lors des mat-
disque compact. En outre, les écoles primaires possèdent
ches qui seront disputés dans les principales villes
presque toutes leur groupe ou club de « samulnori » et
allemandes.»
le nombre d'ensembles professionnels s'élève à près de
L'importante association Asia Society (Société
trois cents, au xquels s'ajoutent les deu x mille groupes
d'Asie). qui a pour vocation de promouvoir les cultures
amateurs, une telle assimilation à la vie quotidienne ayant
d'Asie auprès du public américain, a déjà invité cinq fois
de quoi surprendre moins de trente ans après l'apparition
Kim Duk Soo et sa troupe au x États-Unis et dérogé ainsi
de cet art.
exceptionnellement au principe qui est le sien de ne jamais inviter plus d'une fois le même groupe. Son
« Samulnori »
et mondialisation
responsable des arts du spectacle, Beate Gordon, con-
Dès sa création, l'ensemble de Kim Duk Soo a entre-
sidère la création du « samulnori » comme un grand
pris une collaboration dynamique avec des créateurs et
événement dans l'histoire de la musique, cet art dont
interprètes de genres divers tels que jazz, rock, musique
l'élément vital, le rythme, est porté à un tel paroxysme
populaire ou classique, occidentale comme coréenne, et
par Kim Duk Soo qu'il défie les battements du
danse moderne qui ont constitué autant d'apports nou-
métronome .
veau x. Ce faisant , il a partagé la scène avec nombre
À la question de savoir quel est le concert qui l'a le
d'artistes coréens et étrangers, multiplié ses spectacles
plus marqué à l'étranger, le musicien évoque une
au x quatre coins du monde et enregistré des disques
représentation donnée le 19 novembre 1982 lors de la
comptacts commercialisés à l'international.
Convention internationale des sociétés des arts de la per-
Musicien à l'esprit ouvert, Kim Duk Soo ne craint pas
cussion (PASIC-821. L ' un des membres du comité
de s'exposer au x influences de nombreu x genres et musi-
directeur, Morris Lang , s· était alors exprimé en ces ter-
ciens, tant occidentau x qu·orientau x, pour affiner sa sen-
mes au sujet de la troupe : « En écoutant les extraordi-
sibilité propre et diversifier son répertoire. Sa rencontre
naires sonorités que quatre hommes étaient capables à
avec le groupe de jazz int_ernational Red Sun composé de
eux seuls de produire, j'ai compris que j'avais besoin d'en
Wolfgang Puschnig au saxophone, à la clarinette et à la
savoir davantage sur la culture coréenne et pourquoi le
flûte, Rick lannacone à la guitare électrique, j amaaladeen
1 Le« kkwaenggwari » évoque le grondement du tonne rre. 2 Le« jing» rappelle le souffle du vent. 3 Le « buk » représente les nuages. 4 Le« janggo » crépite comme la pluie.
44
Koreana I Été 2006
Tacuma à la basse et de la chanteuse Linda Sharrock est de celles qui l'ont le plus marqué. Les échanges qui se sont ensuivis ont débouché sur des compositions d'un genre nouveau, mais aussi donné lieu à des représentations internationales en commun et à l'enregistrement de trois disques compacts intitués « Red Sun/Samulnori » . «
À l'avenir, j'aspire à offrir un spectacle complet,
c'est-à-dire dépassant l'actuel quatuor de percussions, pour absorber des formes traditionnelles telles que le « talchum », la danse des masques et les marionnettes.
J'ai espoir de me classer un jour parmi les ensembles les plus évolués de notre époque afin de révéler toute l'énergie culturelle dont déborde notre pays tout en sonorités. » Actuellement, Kim Duk Soo s'efforce d'adapter à la scène diverses formes de l'art traditionnel coréen dans le cadre d'un nouveau projet culturel et l'année prochaine, il entend célébrer le cinquantième anniversaire de ses débuts musicaux en publiant un livre consacré à sa carrière, ainsi qu'en donnant toute une série de représentations, notamment lors d'une grande tournée qui le mènera jusqu 'en Europe, au x États-Unis et en Amérique du Sud où il s'est déjà abondamment produit. Les résonances de Corée parviendront ainsi à l'autre bout du mor-ide grâce à sa ferveur sans bornes et à son action en faveur du rayonnement de la culture musicale coréenne. 1..1
L'activité de Kim Duk Soo ne se résume pas à celle de la scène, mais comprend aussi des conférences musicales qui favorisent l'apparition d'orchestres de" samulnori » dans d·autres pays.
4
Été 2006 1Koreana 45
MIN HONG-GYU
gardien des traditions sigillaires
Si le sceau royal, marque distinctive du pouvoir monarchique d'antan, est depuis longtemps dépourvu de tout caractère officiel, Min Hong-gyu en perpétue la fabrication complexe selon des procédés traditionnels. Choi Tae-won Ht'dact~ur occasi onnel Seo l-lem1-kang P hotogra phe
L
a moindre opération s'avère fastidieuse lorsqu'elle est reproduite à l'infini, mais quand la minutie du détail se met au service d'un des plus prestigieux insignes du pouvoir d' État, en l'occurrence le sceau royal, les résultats en sont gratifiants, notamment par la satisfaction qu'ils procurent à l'artisan. Né en 1954, Min Hong-gyu s·est attaché, au cours d'une carrière longue de quarante années dans la fabrication des sceaux, à faire revivre avec authenticité ces emblèmes d'État dénommés « oksae ». Quelle signification donn e r à ces objets aujourd'hui archaïques?
R eprésent ation du pouvoir étatique
Le nom apposé à la ma in sous forme de signature a certes supplanté presque partout le sceau traditionnel, mais voilà encore quelques décennies de cela, ce dernier permettait souvent de donner un caractère authentique à des documents. Plus répandu que le seing dit « sugyeol » alors aussi en usage, il représentait le pouvoir royal aux fins de la ratification des missives diplomatiques et actes dressés à la Cour. Le souverain montant sur le trône voyait la légitimation de sa puissance nouvellement acquise dans cet objet dont la présence à la tête des cortèges royaux en tant qu'emblème monarchique révèle toute la valeur et la
portée. Si le terme « oksae » signifiait à proprement parler un sceau royal constitué de jade, dont la version en or correspondait quant à elle au mot « geumbo », il en est venu à désigner l'un ou l'autre, tous deu x employés sous le règne de l'empereur Qin Shi Huang [r. 247-210 av. J.-C.]. dont les successeurs allaient se limiter au premier, tandis que seigneurs féodau x et famille royale recouraient au second. À quelle époque remonte donc l'i ntroduction du sceau roya l en Corée ? C'est au Ill' siècle, dans l'ouvrage chinois 5anguo Zhi [archives des Trois royaumes]. et plus précisément dans le tome « Weishu » [h istoire de Weil. au chapitre intitulé « Dongyi » [barbares de l'est]. qu'il est fait mention pour la première fois del' « oksae » à propos du sceau du roi Ye, auquel renvoient également les synonymes « gugin », « saebo », « eobo » et « daebo ». Ce texte révèle que dès le I" siècle av. J.-C., et jusqu'au VII', ce cachet de l'État figura sur les documents diplomatiques que la Corée des Trois Royaumes échangea avec la Chine. Sur toute la période qui s'étend de la Dynastie Goryeo [918-1392] à l'année 1894, dite de la Réforme de Gabo et qui vit arriver au pouvoir un Parti progressiste soucieux de modernisation sociale, le sceau royal à usage diplomatique allait être Été 2006 1 Ko reana 47
Sceau royal en bronze d ' époqu e Joseon r econstitué en l'an 2000, 122 x 122 mm. Symbole du pouvoir 1nonarchjque, ce cachet était en usage dans le ca dre de différentes fonction s administratives et céré1noniales.
délivré par la dynastie régnante
sceaux royau x ont requis en tous
de Chine, à l'exclusion de tous les
temps beaucoup de minutie pour
autres de fabrication coréenne. Ces derniers comportaient notamment le « simyeongj ibo » destiné pour
leur fabrication et leur reconstitution
à l'identique présente donc de grandes difficultés. De l'avis même de Min Hong-gyu,
l'essentiel au x proclamations et ordonnances royales à
« le matériel le plus moderne qui soit ne permet pas
l'intention d'anciens sujets, le« yuseojibo », sortes
d'atteindre aisément la perfection. Il en est des sceaux
d'attestations fixant les dates et lieux des entrevues
comme des poteries artisanales, à savoir que seuls les
avec de hauts fonctionnaires tels que les gouverneurs,
procédés traditionnels tels que le moulage leur confèrent
le « gwageojibo » apposé sur les avis officiels de con-
un véritable caractère. »
cours de la fonction publique ou « gwageo » et les « so-
Le sceau royal fait pour toujours irruption dans la vie
si nj i bo » figurant sur les actes diplomatiques ayant
de Min Hong-gyu lorsque son grand-père, qui pratique la
surtout trait au Japon.
calligraphie, le présente à celui qui sera so·n mentor, le
La fabrication et le contrôle de ces divers cachets
maître Jeong Gi-ho [1899-1989). Si le jeune garçon ne se
étaient confiés à un bureau administratif désigné à cet
passionne guère alors pour la fabrication de cet objet,
effet, le « Sangseowon ». Sous la Réforme de Gabo, qui
n'étant encore qu 'un collégien, il va par la suite en saisir
affranchirent la Corée du séculaire joug chinois, les sceaux
pleinement le sens et lui vouer dès lors un profond
allaient également évoluer en se dotant d'inscriptions
attachement. Loin de se résumer à l'exéc ution de certains
telles que « Sceau de l ' État du Grand Joseon » ou
procédés pour graver les caractères à la surface du sceau,
« Sceau du Grand Roi du Grand Joseon », suivies de celle
la réalisation de celui-ci exige une connaissance appro-
de« Sceau d'État du Grand Han », à compter du 12 octo-
fondie de la littérature chinoise et de l'astrologie orientale
bre 1897, date à laquelle fut instauré le Grand Empire des
afin d'éviter l'insertion malencontreuse d'éléments con-
Han jusqu'au 29 août 191 O.
traires aux caractéristiques astrologiques de l'utilisateur. Dès son adolescence, Min Hong-gyu se plonge dans
Quand l'effort surpasse le talent Eu égard à leur valeur emblématique suprême, les 48 Koreana I Été 2006
l'étude d'un ensemble de disciplines liées à cette fabrication sous la direction de Jeong Gi-ho, lequel lui recom-
Elément essentiel de la vie monarchique, le sceau royal mettait en œuvre un savoir-faire de fabrication pluridisciplinaire, puisque relatif aux sept spécialités que sont calligraphie, sculpture, peinture, gravure sigillaire, métallurgie, céramique et moulage.
Reconstitution réalisée en 2006 du sceau national du Samjogo en alliage argent-cuivre-étain-zinc-titan e ,
112 x 145 mm . Oiseau mythologique à trois pattes, le Samjogo fut une figure centrale des rites du ctùte rendu au Soleil dans !'Extrême-Orient de !'Antiquité.
mandera de s·y consacrer sans exercer
et le « Myeongdeokjibo », ainsi que de
d'emploi jusqu'à l'âge de quanrante
plus de la moitié des soixante-douze
ans. Soulignant l'importance capitale
sceaux royaux en usage dans les
du respect des traditions, mais égale-
derniers temps de la dynastie Joseon. Dans un ouvrage dont il est l'auteur, il
me nt inquiet des difficultés qui attendaient
l'élève
sur
cette
voie
rigoureuse, ce maître attentionné certifiera par écrit avoir transmis son savoir-faire professionnel en exclusivité
a en outre consigné par écrit les techniques de fabrication dont il est le dépositaire, par crainte qu'en l'absence de relève, la tradition plusieurs fois cente-
à ce dernier, qu'il appelle du nom professionnel de
naire ne s'en perde définitivement.« Tant d'aspects de la
Sebul lequel, transcrit en idéogrammes chinois, signifie
fabrication des sceaux royaux ne sont transmissibles ni
« homme qui n'est pas de ce monde. »
par la parole ni par l'écriture ! Certains, comme la
L'artisan croit maintenant savoir pourquoi Jeong Gi-
température d'un chaudron par exemple, ne peuvent être
ho craignait qu'il ne meure prématurément en révélant
perçus et assimilés qu'après des années d'expérience »,
trop tôt ses talents et se rappelle encore l'impression
déplore+il.
puissante que produisirent ses œuvres sur l'adolescent
Celles-ci l'ont malheureusement aussi placé au con-
qu'il était lorsqu'il les découvrit à son atelier de Busan.
tact prolongé du mercure, dont il conserve une déforma-
Aujourd'hui encore, il reste émerveillé par le sommet de
tion nasale . Toujours fidèle à son idéal de « devenir un
l'art atteint par le maître:« Sans qu'il fasse étalage de
artisan capable de plaire à un public plus large par une
sa technique, ses œuvres la révélaient avec force et
sensibilité plus moderne sans chercher à démontrer son
dynamisme. ». En outre, il se souviendra à jamais que
savoir-faire», il entend désormais diversifier sa
« le savoir-faire et l'orgueil ne peuvent rien accomplir à
thématique et s'adapter aux tendances étrangères, tout en
eux seuls. »
continuant à faire revivre les sceaux royaux de jadis au moyen de procédés traditionnels. Lors de mon passage à
La voie difficile du véritable artisanat Min Hong-gyu possède à son actif la reconstitution de plusieurs sceaux historiques, tels le« Joseongugwangjiin »
son atelier en vue du présent entretien, il travaillait déjà à la préparation des expositions qui lui seront consacrées à Jeonju et Séoul.
1.:.11
Été 2006 1 Koreana
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CHEFS-D'ŒUVRE
SASAJA SAMCHEUNG SEOKTAP symbole d'illumination Flanquée de quatre lions sculptés dans la pierre, la pagode à trois étages du temple de Hwaeomsa s'orne intérieurement de la statue d'un bonze, tandis qu'au-dehors, est paisiblement agenouillée, sous le socle d'une lanterne en pierre, celle d'un personnage qui constitue l'un des plus hauts symboles du bouddhisme. Shin Yong-chul Conservateur-en-chef au M usée Tongdosa Seo Heun-kang Photographe
L
a dénomination d'un temple permet immédiatement
statue située à l'intérieur de l'édifice, sa mère vers laquelle
d'en comprendre l'origine, comme celle de
le fils dévoué se tourne et dépose du thé en offrande pour
Hwaeomsa renvoyant au « Hwaeomgyeong » [Sutra
honorer son souvenir. C'est cette légende qui a inspiré le
Avatamsaka). texte bouddhique coréen essentiel par son
toponyme de« hyodae »signifiant« tertre filial ».
évocation puissante du monde de Bouddha.
Loi de causalité universelle Élégance des formes
Le huitième siècle a été marqué en Corée par
Se distinguant par la grâce exceptionnelle de sa
l'avènement de la philosophie bouddhiste Mahayana ou
structure, la pagode en pierre du temple de Hwaeomsa
Hwaeom, nom provenant du mot « huayan » qui désigne
s'élève sur un tertre situé à l'arrière du principal édifice de
une guirlande de fleurs et équivaut à « Avatamsaka ».
l'enceinte, plutôt qu'en son centre. Elle présente aussi la
Alors que ce pays est souvent apparenté à la Chine et au
particularité de posséder trois étages surmontés d'un toit
Japon sur le plan culturel, lui seul va manifester un intérêt
de pierre et reposant sur un soubassement à deux
réel pour cette doctrine et en acquérir, dès l'époque de
niveaux. Au bas de ce dernier, trois êtres célestes sont
Silla unifié [668-935). une meilleure compré liension qu 'en
finement gravées sur les faces, tandis qu'au centre se
Chine, ainsi que les moyens techniques de la représenter
dresse une statue de bonze prenant place sur une fleur de
sous des formes artistiques sublimes.
lotus et entourée de quatre lions. Cette figure humaine ne
Dans le texte bouddhique intitulé Hwaeomgyeong
parvenant pas jusqu'au niveau supérieur du soubasse-
[Huayanjing, Sütra Avatamsaka]. sont consignés les
ment. ce sont les quatre fauves qui soutiennent l'ensemble
préceptes du Prince Siddhartha qui, après avoir atteint
de la construction . Au centre du premier étage est
l'Éveil, devint le Bouddha Vairocana . Si ce dernier
représentée une porte, tandis que figurent sur sa face
n'informe pas les adeptes sur la manière de parvenir à
ouest la divinité Vajrapani , sur celles du sud et du nord, les
l'état d'illumination, il a enseigné par ailleurs qu'il n'était
Quatre Rois Gardiens, et à l'est les dieux Indra et Brahma.
accessible que par la méditation parfaite menant au
Face à la pagode, la lanterne en pierre consacrée au
« sammae » ou « samâdhi », les mots étant impuissants
culte commémoratif retient d'autant plus l'attention que d'après la légende, la figure à genoux qui en compose le
à révéler la vérité. Éclairé par le« sammae », après avoir atteint l'Éveil, Samantabhadra allait être à son tour en
socle serait celle du créateur des lieux, Yeongijosa, et la
mesure d'énoncer les enseignements relatifs au Yeongi
52 Koreana I Été 2006
Emblème du bouddhi sme Ma hayana professant que l'ill umination peut toucher tous les êtres, cette pagode en pierre qui accueille les visiteurs à l'entrée du temple leur révèle ainsi la voie d'un monde de lumière.
Sasang ou Pratïtyasamutpada, c'est-à-dire le principe d'origine interdépendante ou la loi de causalité universelle, à la suite du Bouddha Vairocana. Le terme« sammae » désigne la concentration spirituelle dont le plus haut degré, condition préalable de l'illumination selon le chapitre du Hwaeomgyeong qui s'intitule « Gandavyuha », est dit « sajabinsin sammae », équivalent coréen de l'e xpression sanscrite « sin:ihavijrmbhitahita-samadhi ». Les vocables « sit11ha » , « vijrmbhitahita » et « samadhi » constitutifs de celle-ci correspondent respectivement àu lion, à une position ouverte de la bouche traduisant une dignité extrême et à l'état de« sammae » ainsi présenté comme l'aboutissement de la bravoure incarnée par cet an imal. Aussi le monde de Bouddha n'est-il véritablement perceptible qu'une fois atteint l'état de « sammae » , le mot et la forme ne pouvant ni appréhender ni transmettre l'illumination, laquelle n'est accessible qu'en s'astreignant à une pratique rigoureuse d'exercices méditatifs. Le lion du « Sutra Gandavyuha » représentant la demeure où séjourne Bouddha, ainsi que, par son caractère intrépide, l'effort requis pour parvenir à l'état de « sammae », les quatre fauves encadrant le soubassement de la pagode pour étayer celle - ci symbolisent le « sajabinsin sammae » réalisé par Bouddha. La révélation de la vérité empruntant l'enveloppe charnelle de ce dernier, la pagode matérialise ses enseignements et c'est
1 Dans la pagode aux quatre lions, une statue représente un bonze qui aurait figuré parmi les cinquante-trois Kalyamitra recherchés par Seonj aedongja. 2 Face à la pagode, une lanterne de pierre surmonte une figure agenouillée qui serait celle de Seonjaedongja.
donc à cet édifice de pierre soutenu par quatre statues
corps de bâtiments, et ce, par référence au « Gandavyuha »
léonines que remontent les origines de l'extraordinaire
qui dépeint Bouddha répandant la lumière de l'espoir ou
Hwaeomgyeong (Sutra Avatamsakal. l'esprit et l'art se
« Boju » sur le monde des Hommes pour que celui-ci
rejoignant de manière exceptionnelle et propre au boud-
devienne celui de Hwaeom. Le temple de Hwaeomsa
dhisme coréen.
représente à ce titre le principal lieu de déroulement du « Gandavyuha » rassemblant l'ensemble des Bouddhas,
La voie de l'illumination
bodhisattvas, ·disciples et adeptes.
La pagode de Hwaeomsa donne ainsi forme au
Dès l'instant où le Siddhartha humain devient
monde de Hwaeom tel que le décrit le Hwaeomgyeong au
Bouddha Vairocana, il se trouve dans un état d'illumination
chapitre « Gandavyuha » évoquant le personnage de
immuable, car dénué de toute existence physique, bien
Seonjaedongja (Sudhanal. qui recherche la vérité sur la
qu·accessible à tout Homme. Vairocana symbolise la
naissance, la confirmation et la réalisation du désir d'illu-
lumière éclairant le monde à l'image du Soleil, mais
mination. En racontant comment Seonjaedongja fut ins-
délimitant aussi l'origine et l'achèvement du monde de
truit des principes du bouddhisme par les cinquante-trois
Hwaeom. Sa projection sur la multitude, afin què celle-ci
Kalyamitra et parvint enfin à l'Éveil, ce texte permet une
trouve la voie menant au monde de Bouddha, représente
meilleure compréhension du monde complexe de
l'objectif suprême du bouddhisme Mahayana. Bouddha
Hwaeom. C'est l'un de ces sages que représente vraisem-
enseignant que l'état d'illumination est accessible par le
blablement la statue de bonze de Hwaeomsa, la figure
biais du « sajabinsin sammae » , dont la lumière
agenouillée sous la lanterne en pierre étant à n'en pas
représente les préceptes bouddhiques et le monde de
douter celle de Seonjaedongja . L'édifice concrétise ainsi
Hwaeom, c'est à entrer dans cet univers éclairé que se voit
les principes fondamentaux exposés par le« Gandavyuha »,
convié le visiteur au seuil du temple de Hwaeomsa.
L;t
notamment la croyance selon laquelle l'illumination n'est réalisable que par la méditation, la connaissance et la maîtrise de soi . Sa symbolique réside également dans son emplacement, puisqu'au lieu de se situer au centre de l"enceinte, elle surmonte un tertre permettant de surveiller tout le
Erratum Le Portrai t du Roi Taejo faisant l'objet de la présente rubrique dans le numéro du printemps 2006 de Koreana n'est pas celui qui a été peint e n 1872, comme cela a é té indiqu é par erreur, mais une reproduction réalisée e n 1999 à partir de ce de rnie r.
Été 2006 1 Koreana 55
CHRONIQUE ARTISTIQUE
Le Festival international de Daegu,importante initiative dans la promotion des arts du spectacle Par son impressionnante programmation, le Festival international des spectacles musicaux de Daegu, qui parvenait au terme de ses deux mois d'activités le 31 mars dernier, a révélé au sein du public un intérêt grandissant et des attentes certa ines dans ce secteur qui se classe d'ores et déjà parmi les plus novateurs de l'industrie culturelle et artistique coréenne. Kim Moon-hwan Professeur d'esthétique à l'Université nationale de Séoul et critique de théâtre Photographie: Secrétariat du Fest ival des spectacles musicaux de Oaegu
L
ongtemps métropole de l'industrie coréenne de la
huit représentations. Un an plus tard, c'était au tour de
mode, Daegu se veut aujourd'hui technopole , mais
« Cats » d'atteindre le chiffre inégalé de trente-huit mille
aussi cité de la culture et des arts, une ambition qui s'est
spectateurs en trente et une séances, rappels compris, et
concrétisée, en 2006, par la création de « zones de specta-
le suivant, du « Cabaret » de Broadway qui allait mieux se
cles spéciales » visant, aux côtés d'autres actions, à pro-
classer au box-office qu'à Séoul.
mouvoir la vocation musicale de la ville . Avec la participa-
Outre de tels spectacles, le théâtre compte de nom-
tion du secteur privé, la municipalité a affecté un site de
breux amateurs à Daegu et selon les données du site de
115 000 m 2 à la réalisation, d'ici à 2012, d'une infrastruc-
réservation en ligne Ticketlink, le nombre de mises en
ture ultramoderne destinée au x représentations musi-
scène qui y sont proposées est passé de 124 à 314 entre
cales et comptant trois auditoriums, un conservatoire et
2003 et 2005, et les ventes, de 1,97 milliard à 6,69 milliards
des ateliers de fabrication d'accessoires. Il est prévu de
de wons, soit le triple, au cours de la même période .
coordonner ces activités avec celles des grandes installa-
Principal lieu de représentation, l'Opéra consacrait au x
tions déjà existantes comme l'Opéra, la Maison de la cul-
comédies musicales 67,1 % de sa programmation en 2005,
ture et les théâtres universitaires de Daegu afin de
contre 13,9 % l'année précédente.
répondre au mieux, tout au long de l'année, à la demande locale de spectacles coréens et étrangers.
D'aussi remarquables résultats s'expliquent notamment par la présence à ces spectacles de nombreux habitants des alentours, ce qui était le cas de 45 % du public de
Daegu, foyer d'art et de culture
« Mamma Mia ! » . Dotée de s ix grands lieu x de
Ces projets grandioses sont nés de l'énorme succès
représentations dépassant mille places chacun , Daegu
remporté en 2004 par la comédie musicale « Mamma
est, à l'exception de Séoul, la seule métropole coréenne
Mia 1 » quia tenu l'affiche plus de deux mois, alors que les
qui dispose d'un public régulier, non dissuadé par des prix
spectacles de ce type n'y restent que rarement jusqu 'à dix
souvent élerés, ainsi que d'un financement potentiel par
jours hors Séoul, et dont les cinquante-sept représenta-
des entreprises souhaitant en contrepartie se voir
tions ont totalisé un auditoire de soixante-quatre mille per-
attribuer des places pour leurs clients les plus importants.
sonnes, un exploit des plus rares hors de la capitale qui
Comme le soulignait Seol Do-yun, l'un des organisa-
s'est doublé de ventes record sur six semaines. En 2002,
teurs du Festival, la main-d'oeuvre représente plus de
une autre comédie musicale, « Chicago », qui se donnait
soixante pour cent des coûts de production dans l'industrie
dans sa version londonienne à Daegu et nulle part ailleurs
du spectacle, qui s ' avère donc fortement créatrice
en province, avait rempli la salle à plus de 85 % lors de ses
d'emplois. C'est cet impact économique qu'allait prendre
56
Korea na I Été 2006
en considération la Ville de Da egu en mettant sur pied son
dans le rôle principa l.
Festival international des spectacles musicaux dont cette
Évocat ion des intrigues de deu x producteurs de
année a vu l 'avant-premi ère et qui se fixe pour objectif
coméd ies musicales, « The Producers » atteint actuelle-
d'équivaloir par son enve r gure à celu i de Busan dans le
ment à Broadway de nouveaux sommets d'audience qui y
domaine du cinéma tout en transformant l'agglomération
confirmer:it une réussite sans précédent également con-
en un « carrefour musical de l 'Asie ».
sacrée en 200 1 par l'attribution de dou ze Tony Awards, véritable prouesse dans le domaine musical. Ce spectacle,
Une riche programmation Dans le cadre du Festival qui se déroulait du 2 février
que les Coréens avaient hâte de découvrir en raison de son succès et de ses hautes qualités artist iques, a englouti
au 31 mars derniers, principalement à l'Opéra de Daegu ,
pour sa mise en scène un énorme budget d'environ dix
étaient présentés les spectacles« Rent », « Dr Jekyll & Mr
milliards de wons, soit à peu près dix millions de dollars,
Hyde » et « The Producers » , le premie r bénéficiant
tout en maintenant telle quelle la d istr ibution de
notamment de la distribution d' origine proposée à
Broadway.
Broadway et constituant une adaptation contemporaine de
Étaient également représentés les spectacles fam i-
l'opéra « La Bohème », de Puccini qui exprimait une cer-
liaux avec « Casse - noisette », « CATS Fo r ever », « Fan
taine vision de la jeunesse américaine des années quatre-
Yang ·s Bubble Show », « Maria Maria » et « Chrysalide ».
vingt-di x en recourant à divers genres musicaux dont le
Ce dernier était interprété par des artistes professionnels
rock'n roll, le tango , les ballades, ainsi que le gospel, et
issus de la Société d'art dramatique et des associations
dont l'actrice-chanteuse vedette, la Hongkongaise Karen
musicales et chorégraphiques de Daegu, qui œuvrent à
Mok nommée ambassadrice de bonne volonté à l'occasion
rehausser le niveau de la création artistique locale tout en
de la tournée asiatique de « Rent », avait accepté de ren-
démontrant les capacités de promotion qui existent dans
contrer ses admirateurs de Daegu. Quant au « Dr Jekyll &
ce domain e. Se signalant par son professionnalisme dans
Mr Hyde », déjà à l'affiche en 2004 à Daegu, il a permis à
l'ensemble de la production musicale de Daegu, cette
ceu x qui ne connaissaient pas encore Jo Seungu, l'un des
composition qui , sur fond de divertissement musical, se
plus grands acteurs coréens , d'apprécier tout son talent
fait l'expr ession des privations, luttes et énormes efforts
58 Korea na I Été 2006
de volonté des handicapés dans une société dont ils sont
autres à Daejeon, où les représentations, pourtant
pour la plupart exclus, méritent amplement le Grand Prix
antérieures à celles de Daegu, n'ont rempli les salles qu 'à
de musique qui lui a été décerné.
cinquante pour cent de leur capacité. Dans ses universités,
Cette programmation se complétait de diverses mani-
cette dernière possède en outre nombre de départements
festations telles que séminaires, ateliers, projections de
dispensant une formation aux arts musicaux du spectacle
films, ainsi qu'une exposition d'objets propres à la profes-
très prometteuse quant aux possibilités d'évolution de la
sion, une conférence internationale et des rencontres avec
région en une réserve de ressources humaines assurant
des vedettes à l'intention du public. En point d'orgue, une
une continuité de croissance du secteur.
remise de prix a eu lieu lors de la cérémonie de clôture qui réunissait grands acteurs et professionnels coréens de l'industrie musicale. C'est le spectacle « The Producers » donné le 15
Un marché musical florissant C'est dans les mégalopàles que prospère l'industrie du spectacle, des New-York ou Lond r es dont les quartiers
mars en soirée, c'est-à-dire au quatrième jour du festival,
de théâtres respectifs de Broadway et du West End attirent
qui a draîné la plus grande audience en vendant mille qua-
en masse des touristes apportant chaque année plusieurs
tre cents places sur mille cinq cents. Une telle expression
milliards de dollars de recettes. Cependant, des pays qui
d'enthousiasme et d'appétit culturel venait ainsi corrobo-
voilà encore peu n'étaient guère renommés pour leur tra-
rer une petite phrase qui ci r cule depuis peu dans les
dition musicale sont aujourd 'hui pris d'une véritable fer-
milieux du théâtre : « Daegu est l'espoir de notre industrie
veur pour cet art et les retombées économiques de
du spectacle». Avant même d'être portées à la scène, les
l'industrie du spectacle ne cessent de s'accroître . En
huit rep r ésentations de « The Producers » faisaient déjà
Corée, près de cent millions de spectateurs ont ainsi
salle comble et en se fondant sur les ventes du 15 mars,
assisté aux représentations du « Fantôme de l'Opéra » et
qui s'éleva ient en moyenne à soixante-cinq pour cent des
occasionné ce faisant des ventes de cinq milliards de dol-
places disponibles, l'agent de production Seol & Company
lars. Son producteur, le Britannique RUG a su en outre
a prévu que ce chiffre atteindrait aisément soi xante-di x
opt imiser ses gains par une stratégie de diversification
pour cent le 31, jour de la dernière. Les résultats sont tout
horizontale fondée sur la création de six filiales, dont une Été 2006 1 Koreana 59
La diversité est source de rayonnement culturel et le Festival international de Daegu, encore à ses premiers pas, n'en démontre pas moins tout le potentiel que représente la création régionale lorsqu'elle s'enrichit d'influences mondiales.
compagnie de théâtre, un studio d'enregistrement et une
dernière impératrice », les spectacles sont pour la plupart
entreprise cinématographique, ainsi que la commerciali-
importés en raison d'un défaut de compétitivité dans la
sation de produits sous licence et de souvenirs sur les
production nationale . Les critiques estiment que les
lieu x de représentation .
œuvres récentes pèchent par leur lourdeur et l eur
Alors que son chiffre d'affaires avoisinait en 2001 quatre-vingts milliards de wons, soit quatre-vingts millions de
banalité, voire leur monotoni e, ainsi que par un certain manque de subtilité.
dollars , le marché coréen des arts du spectacle a été
Fort heureusement, les sociétés CJ Entertainment et
relancé par les 240 000 entrées réalisées par la comédie
Kyyk Musicals, de même que le centre des arts de LG, ont
musicale « Fantôme de l'Opéra » et le passage en 2006 du
eu cette année l'initiative d'une deu xi ème « vitrine musi-
cap des un million, qui n'est qu 'une question de temps,
cale », un espace de rencontre permettant la présentation
devrait se traduire l'année prochaine par des gains de
de projets artistiques en vue d'atti rer les investissements
deux cent milliards de wons. Un tel rythme de croissance
nécessaires à leur production et mise en scène, ce qui
fera bientôt du marché des arts du spectacle une com-
s'avère indispensable dans le cas de spectacles à gros
posante de l'industrie des loisirs tout aussi rentable que le
budget tels que le « Fantôme de l'Opéra » afin d'en évaluer
cinéma. Pour ce qui est des ressources humaines, le
la rentabilité ainsi que les réactions des investisseurs
secteur en est fortement demandeur, car il faut savoir
potentiels.
qu'une grande production exige la participation directe
Organisée en 2005 sur le thème « Investir dans les
d'environ deu x cents artistes, musiciens, producteurs,
spectacles musicau x », la premi ère « vitrine » avait, au
techniciens, responsables et agents commerciaux et, si
terme d'une sélection initiale, mis en lice vingt-quatre
l'on ajoute à cela le personnel sous-traitant, ce sont mille
groupes sur lesquels allaient être retenus cinq finalistes .
personnes qui unissent leurs efforts pendant plusieurs
Ces derniers avaient alors fait l 'objet d'une audition de
mois.
vingt minutes afin d'interpréter les principaux passages de leurs œuvres devant des universitaires et professionnels
Problèmes à résoudre Si le marché coréen des spectacles musicaux a connu
concernés par l'industrie du spectacle, ainsi que des producteurs et investisseurs en puissance. Des créations sus-
une croissance phénoménale au cours de ces dernières
ceptibles de plaire au public ont pu ainsi bénéficier d'un
années, il n'en demeure pas moins qu'il souffre encore de
soutien financier et accéder au x circuits de production
ne pas être reconnu en tant quïndustrie culturelle à part
commerciau x. Les « vitrines » ont également permis à
entière. Hormis des créations coréennes telles que « La
nombre de spectacles nouveaux offrant des perspectives
60 Koreana I Été 2006
commerciales d'êtres adaptés en vue de leur représentation sur les petites scènes. Cependant, une absence totale de salles adaptées est d'autant plus à déplorer à Séoul que les spectacles en question doivent rester longtemps à l'affiche pour s'avérer rentables. Après l 'ovation qui a salué « Mamma Mia
! » l'année dernière, l'Opéra du Centre des
Arts de Séoul a décidé de réserver un accueil de trois mois à chaque spectacle musical afin d'apporter une solution satisfaisante à cette pénurie de locaux. En outre, dans le cas de grands spectacles, comme l'élaboration d'un projet peut prendre jusqu'à deux ou trois ans avant qu'une société n'entreprenne sa production et que la location des salles n'est possible qu'une année à l'avance, la représentation des œuvres doit intervenir dès que possible pour respecter les échéances. Il importe donc avant tout d'instaurer plus de souplesse dans les procédures de location afin d'accorder suffisamment de temps aux préparatifs de la production en vue d'une mise en scène plus professionnelle. Si l'industrie coréenne des arts du spectacle se trouve encore en gestation, elle suit la bonne voie, comme en attestent des manifestations à succès telles que le Festival de musique proposé par le Centre des Arts de la ville d'Uijeongbu et le Festival international des spectacles musicaux de Daegu lequel, malgré sa portée et ses ambitions encore limitées, a déjà laissé entrevoir l'apport qu'il pouvait représenter pour l'avenir du spectacle musical en Corée.
1..11 Été 2006 1 Koreana 61
ÀLAD~COUVERTEDELACOR~E
Ingénieux mécanismes antivol de la serrurerie traditionnelle Si elles font figure d'antiquités au regard des hautes technologies mises en œuvre sur les dispositifs de sécurité actuels, les serrures traditionnelles résultaient en leur temps d'une savante conception qui les rendait infaillibles pour empêcher le vol et restant d'un accès difficile aux procédés les plus modernes, elles recèlent des secrets d'autant plus précieux. Chong Tong-chan Conservateur-en-chef au Département des expositions scientifiques et techniques du Musée national des sciences Seo Heun-kang Photographe
C
·est en l'an 668, sous les Trois Royaumes, qu'appa-
support. Ces changements se sont doublés de l'emploi
raissent des dispositifs permettant de fermer au
d'autres matériaux, puisque au fer ordinairement en usage
moyen d'un clé des éléments du mobilier tels que garde-
sur les fermetures anciennes, comme celles du Royaume
robes et coffres à riz, ainsi que les garde-meubles et autres
Baekje [18 av.J.-C.-660 ap. J.-C.] qui furent découvertes
locaux destinés au gardiennage des objets de valeur.
dans la forteresse Busosanseong de Buyeo, allait se sub-
Tandis que leurs successeurs se dotent aujourd'hui de
stituer le laiton, alliage de cuivre et zinc, jusqu'à la fin de la
procédés ultramodernes de reconnaissance vocale et
dynastie Joseon [1392-1910]. époque à laquelle apparut le
d'empreintes digitales, ainsi que de détection de la chaleur
cupronickel. Par la suite, l'impératif de solidité auquel
corporelle, ces serrures traditionnelles à la mise au point
devaient répondre ces mécanismes à des fins de sécurité
rigoureuse alliaient leurs fonctions de sécurité à celles
conduisit à améliorer constamment les caractéristiques
d'accessoires décoratifs prenant place sur les meubles
de durabilité des nouveaux métaux, qui équivalent à ce
artisanaux.
titre, ainsi que par leurs performances d'exploitation, aux laitons et cupronickels d'autrefois.
Symbiose esthétique et fonctionnelle
Une serrure traditionnelle se composait des trois
Le terme « jamulsoe » désignant en coréen une ser-
éléments que sont le boîtier, la bride et la clé, le premier
rure est formé du verbe « jamul » et du nom « soe » qui
en constituant le corps, tandis que le deuxième, mobile,
signifient respectivement verrouiller et métal, soulignant
assurait la fixation à l'objet support. Ils concouraient tous
ainsi l'aspect fonctionnel de cet objet métallique par une
deux à la réalisation du verrouillage puisque c· est l'inser-
connotation de protection ou de conservation.
tion d'un ressort conique souple situé sur une tige consti-
La serrurerie coré.enne a su constamment évoluer
tutive de la bride qui provoquait le verrouillage et dont la
dans ses formes et structures afin de s'adapter à de nou-
forme, ainsi que les dimensions, déterminaient très
veaux usages car les transformations intervenant dans les
exactement celles de la clé correspondante.
lignes ou fonctions du mobilier, garde-robes et coffres à
Il importait avant tout que le ressort conique soit
riz par exemple, ont influé sur sa conception technico-
d'une grande souplesse, un peu comme un plongeoir, afin
esthétique, notamment avec l'apparition de motifs de
qu'il recouvre sa position de départ après de nombreux
croissants, soucoupes et animaux divers s'intégrant au
verrouillages et déverrouillages successifs à l'aide de la
62 Koreana I Été 2006
clé, une condition que permettait de réaliser, par marte-
une série de serrures traditionnelles et les clés corres-
lage, l'optimisation des caractéristiques de densité,
pondantes dans le cadre d'une étude, cinquante sont par-
élasticité et durabilité. Afin d'accroître cette dernière par-
venus à ouvrir les dispositifs comportant un mécanisme en
ti cula rité en vue de la remise en place, un ruban
trois temps après une durée moyenne de cinq minutes qui
métallique situé à la partie inférieure du ressort et com-
est passée à vingt dans le cas de dispositifs à six temps, et
portant en son centre une dépression assurait la fonction
seul l'un d'entre eux a su déverrouiller ceux à huit. Le
de l'actuel ressort à lames.
niveau de sécurité d'une serrure traditionnelle s'avère donc supérieur à celui des mécanismes modernes acces-
Une structure à la complexité labyrinthique
sibles au moyen d'un simple double de clé.
Les serrures traditionnelles présentaient une grande
Par ailleurs, ces ouvrages constituaient des produits
diversité de conception allant, pour les plus rudimentaires,
artisanaux dont la fabrication mettait en œuvre un ensem-
de l'ouverture rectiligne effectuée en une seule étape à
ble d'outils, équipements, matériels et techniques de tra-
des dispositifs d'une grande complexité technique où le
vail des métaux, notamment des procédés de moulage ou
déverrouillage était exécuté en réalisant une certaine
de chaudronnerie. Il s'agissait, dans le premier cas, de
séquence d'opérations, comme on procéderait, pas à pas,
couler le métal en fusion dans un moule en sable placé à
sur le parcours d'un labyrinthe. Mettant en œuvre un
l'intérieur d'un coffrage de bois, une pratique d'usage
procédé d'ouverture complexe constitué par l 'action
répandu pour la réalisation des serrures en acier ou laiton
d'enfoncer, tirer et tourner successivement la clé , ces
à motifs animaliers, et dans le second, réservé aux
derniers mécanismes s'apparentaient donc à une sorte de
modèles ordinaires, de réunir entre elles différentes
puzzle qui ne comprenait que deux éléments, mais jusqu'à
feuilles de tôle pour former le boîtier.
huit manipulations différentes . Si l'ouverture s'obtient
C'est à ces fabrications traditionnelles que se con-
sans effort d'intelligence, en glissant la clé dans le trou
sacre Pak Munyeol, artisan serrurier né en 1950 et qui
d'une serrure ordinaire, la même opération procède d'une
s'est vu déclarer bien culturel immatériel en récompense
démarche spatiale contre-intuitive lorsqu'il faut localiser
de son activité. Après s'être initié, dès l'âge de 15 ans, à la
d'abord le second, parce que dissimulé, ou retirer la
quincaillerie d'ameublement, c'est-à-dire les éléments
première après l'avoir engagée.
métalliques décoratifs fixés sur les meubles, ainsi qu 'au
Sur les cent participants au xquels avait été remise 64 Koreana I Été 2006
travail artisanal du métal, il allait acquérir une maîtrise
1, 2 Spécialisé dans la serrurerie de tradition, Pak Munyeol a reconstitué en 2002, avec l'aide du Musée national des sciences, une serrure à huit temps telle qu'il en existait sous la dynastie Joseon. 3 Mode d'ouverture d' une serrure traditionnelle à huit temps: (1) Abaisser la partie gauche du boîtier. (2) Extraire partiellement la bride. (3) Actionner le bouton situé sur la face supérieure du boîtier. (4) Faire pivoter la platine à droite pour découvrir le premier trou de serrure. (5) Appuyer sur le serre-joint situé à la partie supérieure et le faire pivoter à gauche pour découvrir le second trou de serrure. (6) Insérer l'extrémité de la clé dans le trou de serrure selon un angle de 45°. (7) Tourner la clé de 90° à droite pour la placer en position horizontale. (8) Enfoncer la clé au fond pour dégager la bride et ouvrir la serrure.
3
Pièces d'une serrure traditionnelle à huit temps
Corps (boîtier)
Été 2006 1Korea na 65
Une serrure traditionnelle tient à la fois du labyrinthe et du puzzle, car afin d'en obtenir l'ouverture, il est une marche à smvrc complexe pour 1 enfoncer et tourner la clé, puis pour l'en retirer.
totale des méthodes d'exécution, du maniement des outils,
Pièces de serrurerie exécutées à la main par Pak M unyeol. De gauche à droite : Serrures en forme de dragon, de poisson et hémisphérique.
sur des secrets plus que millénaires.
de la gravure et du soudage. Tandis que tous ses anciens
Cette fabrication représente pour le moins une
compagnons entreprenaient la production de tels articles
semaine de travail en raison de toute la complexité
par des procédés mécaniques et à des fins commerciales,
d'implanter un schéma de conception sur un espace guère
Pak Munyeol n'éprouve de satisfaction qu'à les confection-
plus grand que la paume de la main et que ne permet pas
ner à la main à l'aide de techniques et matériaux tradition-
de deviner l'objet par son aspect plutôt simple et banal.
nels.
Les règles de l'art en sont donc extrêmement rigoureuses, « La rentabilité est essentielle », concède-t-il, « mais
pour se lancer dans la fabrication, il importe avant tout
et les mécanismes, si ingénieux, que le seul repérage du trou de serrure a de quoi déconcerter l'usager moyen.
d'apprendre convenablement le métier et d'en respecter
L'observateur attentif ne peut que s'émerveiller
les règles. Il faut passer par bien des échecs et épreuves
devant l'esprit d'innovation et la maîtrise technique des
avant de créer une véritable œuvre d'art ». Avec le temps,
artisans de jadis, ainsi que leur capacité à mettre en appli-
sa propre activité lui permet d'apprécier toujours davan-
cation ce savoir-faire sous des formes variées dorit ils pou-
tage la maîtrise technique dont ont fait preuve ses
vaient s'enorgueillir à juste raison, comme en témoignent
prédécesseurs et c'est en alliant judicieusement des
les noms élégamment gravés sur les brides de leurs magni-
éléments contemporains à ce savoir-faire ancestral qu'il
fiques ouvrages.
s·est imposé en tant que maître artisan serrurier.
L'art ancestral de la serrurerie se perpétue à l'époque contemporaine, l'association de la technologie
Tradition et modernité La serrurerie est un artisanat de haute précision qui
moderne avec les procédés de fabrication traditionnels ouvrant de nouvelles perspectives de conception, notam-
exige une totale adéquation entre des opérations
ment par l'adaptation des qualités décoratives des pro-
manuelles et mentales, la moindre erreur ou distraction
duits d'autrefois aux exigences des dispositifs actuels. Une
se soldant par la production d'une pièce de rebut. Le
telle alliance présenterait à n'en pas douter des attraits
façonnage manuel du métal brut se déroule selon
fonctionnels et esthétiques, un gage de réussite qu· offrent
plusieurs étapes complexes demandant une attention de
les innombrables possibilités d'actualisation de tous les
tous les instants pour obtenir un dispositif parfait reposant
produits issus de la tradition. 1...1 Été 2006 1 Koreana
67
Lee Chang-ho affronte le joueur chinois Luo Xihe en finale de la Coupe mondiale Samsung de« baduk ».
F
orme de divertissement très
systématique des champions, dont
l'homme prend en pension Lee
ancienne en Orient, puisque
l'habileté allait s'affirmer dans les
Chang-ho, alors âgé de neuf ans, qui
apparue il y a de cela cinq siècles en
années quarante avec l'organisation
s'avère toutefois décevant par la
Chine, le jeu de société dit « baduk »
de tournois professionnels financés
lenteur de ses progrès. Alors qu'au
ou de go se joue sur une tablette, où
par les grands quotidiens de la presse
même âge, le premier avait déjà
s· entrecroisent dix-neuf lignes verti-
et assortis de prix en espèces d'un
atteint un niveau professionnel et
cales et horizontales en trois cent
montant considérable. La Corée ayant
pouvait mémoriser trois jeux entiers,
soixante et un points, à l'aide de
longtemps relégué ce jeu au rôle
le second n'est même pas en mesure
pions noirs et blancs qui s'affrontent
d'agréable passe-temps réservé à la
de rejouer à l'identique une partie
en des stratégies rivalisant de ruse et
bourgeoisie et accusé de ce fait un
venant de s'achever. Pourtant, il ne
d'ingéniosité. D' un nombre quasi-
certain retard dans sa maîtrise par
faudra pas longtemps au maître pour
ment infini, ses différentes manœu-
rapport à son voisin, elle allait s'initier
comprendre qu'il a trouvé la perle
vres relèvent de tactiques si com-
aux techniques de ce dernier au
rare et que derrière une apparente
plexes que d'aucuns y voient une
moyen de publications faisant office
lenteur se cachait un fort potentiel.
sorte d'art mystique. À l'heure où le
de manuels. C'est alors qu'entre en
En 1986, Lee Chang-ho passe
superordinateur parvient à battre
scène Lee Chang-ho, qui va boule-
avec succès une épreuve qui lui per-
jusqu'aux champions internationaux
verser le classement compétitif en
met de prendre le statut de joueur
d'échecs, rien de tel n'est possible
permettant à la Corée de se hisser au
professionnel et deux ans plus tard, il
contre les maîtres du « baduk », le
sommet de la discipline.
accomplit la prouesse de remporter
Le champion né en 1975 dans
soixante-quinze victoires pour seule-
une famille aisée de Jeonju, ville de
ment dix défaites, enregistrant ainsi
la province de Jeollabuk-do, apprend
un taux de réussite de 88%, le
avec son grand-père le jeu de
meilleur de l'année. Son mentor va
Si le jeu de « baduk » se pratique
« baduk » dans lequel il se plonge,
quant à lui sortir vainqueur du
dans soixante-cinq pays, dont trente
plus intellectuel de tous les jeux du monde, aux dires des Occidentaux. La perle rare
malgré son jeune âge, telle Alice tra-
Championnat mondial de Singapour
sur le seul continent européen, c· est
versant le miroir qui conduit au Pays
en 1989 et remporter de ce fait un
en Asie
du Nord-Est et plus
des Merveilles. En Corée, le maître
prix de quatre cent mille dollars,
précisément en Corée, en Chine et au
incontesté de cet art est à cette
puis, la même année, Lee réalise le
Japon qu'il domine numériquement
époque Cho Hun-hyun, dont la
rare exploit de gagner un petit
au niveau national. Dans ce dernier
renommée s'étend jusqu·au Japon
tournoi professionnel coréen à l'âge
pays, les gouvernements successifs,
où il a vécu lors de ses études, ce qui
de quatorze ans.
dès l'époque des shogunats [1192-
lui permet de dominer aisément la
1867). n'ont cessé de promouvoir
compétition locale.
l'activité par un entraînement
Afin d'assurer sa formation,
Génie invicible
Alors que le « baduk » s'inspire Été 2006 1 Koreana 69
Un remarquable taux de réussite annuel de 88% à l'âge de treize ans, un nombre record de parties remportées consécutivement, à savoir quarante et une, à celui de quinze, l'obtention du titre de plus jeune champion mondial, à dix-sept, la série victorieuse la plus longue de l'année, puisqu'elle s'élève à quatre- vingt-d ix succès, un an après: voilà quelques-unes des prouesses à l'actif de Lee Chang-ho l'invincible, qui fait désormais son entrée dans la légende.
de la stratégie militaire où la rapidité
Rinhaifon, précéd ent détenteur du
Sans précipitation, il fait face au x
de réaction joue un rôle vital,
titre, et en 1993, il engrangera qua-
coups les plus astucieux comme aux
exigeant des manœuvres aussi
tre-vingt-di x nouvelles victoires,
replis défensifs, attendant le moment
promptes qu·assurées, le jeu de Lee
chiffre tout aussi inégalé en l'espace
venu avec une patience qui semble
Chang-ho se caractérise au contraire
d'une année.
sans fin, tel un joueur chevronné, en
par la lenteur de son rythme, à
En Extrême- Orient, le « baduk »
même temps vieu x et jeune. Tandis
l'instar de ses paroles et de ses
se conçoit depuis toujours comme un
que ceu x qui sont passés maîtres
gestes . Pour la qualifier, vient à
microcosme de la société des
dans cet art recourent pour la plupart
l'esprit le mot « duteoum » que les
hommes car il se fonde sur des
à de comple xes et spectaculaires
joueurs occidentau x traduisent par
dichotomies du type opposition ou
stratagèmes pour s'assurer la vic-
« density », c'est-à-dire la densité ,
concession, pouvoir ou liberté, excès
toire, ce jeune homme d'une ving-
mais qui en réalité ne correspond pas
ou modération . Ainsi, audace et
taine d'années s'en tient à un long et
à cette dernière au sens où on
imagination doivent se doubler de
difficile pa rcours fait d'innombrables
l'entend en anglais, par exemple ,
sang-froid et de présence d'esprit
manœuvres en elles-mêmes assez
puisqu'il s'agit d'une notion abstraite
pour se garder de prendre trop, et
élémentaires . Peu importe que
se référant à la particularité de se
trop tôt. En l'absence de cas compa-
l'adversaire soit fort ou faible à celui
briser difficilement ou de lever
rable au sien, il était jusqu 'alors com-
qui poursuit sa progression lente,
comme la pâte à pain.
munément admis au Japon qu'un
mais ine xorable, comme un fleuve
Le principal atout du joueur est
maître devait être âgé d'au moins
malgré ses méandres.
sa capacité d'analyse exceptionnelle,
quarante ans, mais le génie de Lee
C'est en restant fidèle à son
grâce à laquelle il peut évaluer dans
Chang-ho a démenti cette croyance
style que l'homme a évincé ses con-
un même temps l'état d'avancement
et l'homme a mérité son surnom de
currents coréens. Au x côtés du grand
de la partie, les avantages respectifs
« maître réincarné » par ses capa-
joueur de talent qu'est aussi son
des adversaires et les différentes
cités , qui surpassent de très loin
maître Cho Hun-hyun, il a porté le jeu
évolutions possibles. C' este Cette fa-
celles propres à son jeune âge.
culté qui a permis à Lee Chang-ho de surmonter le handicap de sa lenteur
à sa perfection et assuré la domination coréenne sur le Japon et la
Le « baduk » porté à la perfection
Chine. Berceau du « baduk », celle-ci
tout en améliorant continuellement
Le champion donnant rarement
ses perfo r mances par la mise en
le coup de grâce à l'adversaire et ce
éléments nationau x qui devront
pratique du « duteoum ».
dernier se retrouvant ainsi vaincu
toutefois se mesurer au x stratégies
En 1990, année de ses quinze
avant de s'en apercevoir, il est aussi
de génie d'un Lee Chang-ho .
ans, Lee Chang-ho va atteindre le
surnommé« gourdin de velours ».
Figurant d ' ores et déjà au pal-
nombre record de quarante et une
accroît son soutien au x meilleurs
Toutefois, sa qualité principale est une
marè s mondial de la discipline
victoires consécutives, ce qui lui vau-
expression imperturbable qui ne trahit
grâce à son style propre empreint
dra dès lors d'être qualifié de prodige
pas la moindre réaction aux ruses et
de « duteoum » et à sa dynamique
invicible . Il remporte deu x ans plus
assauts de l'ennemi, à l'i mage d'une
gagnante, ce joueur de légende est
tard le Championnat du monde après
balance en perpétuel équilibre ou d'un
appel é à s'imposer en maître
avoir mis en échec le Japonais
moine en méditation.
absolu du « baduk ». t..t Été 2006 1 Koreana 71
ESCAPADE
Pocheon
Au cœur de la forêt coréenne
Pour chasser peines et ennui, rien de tel qu'une marche parmi les murmures d'une forêt profonde, comme il s'en trouve de magnifiques à Pocheon, et dont on sort l'esprit, l'âme et le corps purifiés par un véritable élixir de jouvence. Yi Gyeom Écrivain-voyageur [texte et photographies)
L
a ville de Pocheon se retranche derrière un rempart
d'enserrer de ses bras le tronc d ' un arbre pour
montagneux qui l'a longtemps maintenue dans un
s'imprégner de sa chaleur? J'ai pourtant la certitude que
certain isolement tout en la préservant souvent des rava-
celui-ci serait ravi de cet élan de tendresse dont l'auteur
ges de l'urbanisation. Aujourd'hui encore, ses habitants au
éprouverait quant à lui joie et exaltation au souvenir de
caractère fort, mais intègre, évoluent dans un milieu
moments depuis longtemps oubliés.
naturel intact et, à bien des égards, conforme à leur
La vue du feuillage transpercé de rayons de soleil
image. Cette localité est ainsi demeurée fidèle à ses ori-
m'évoque celui de mon enfance, à la saison d'automne,
gines et si son manque de communication l'a incitée à se
et cette idée souvent entendue que certaines personnes
développer, c'est au creux des lointaines vallées que se
ont une telle aptitude à assimiler les cycles naturels à
trouvent ses plus grandes richesses.
leur existence qu'elles en deviennent comparables aux feuilles tombant des arbres pour retourner finalement à
Merveilles de la forêt
À Pocheon, comme partout ailleurs en montagne,
la terre . Mes jeunes années, et ma passion d'alors pour Scott et Hellen Nearing, sont pour moi inoubliables,
l'aube est sans commune mesure avec celles des villes.
alors, la prochaine fois que vous serez en .forêt, sou-
Sans y penser, comme d'instinct, on y inspire plus pro-
venez-vous aussi des vôtres le temps d'une halte parmi
fondément, peut-être du seul fait que l'on a conscience de
les arbres.
se trouver en forêt, mais il n'en reste pas moins vrai que le
Les cours d'eau qui ont creusé leur lit dans les
corps y absorbe plus profondément l'air vif et pur. Quoi de
superbes vallées du Mont Jugyeopsan, par si x cent un
plus nécessaire en effet que cet élément que l'organisme
mètres d'altitude, sont particulièrement limpides et abon-
inhale à raison de dix-neuf mille litres par jour, dont près
dantes même à la saison sèche, de sorte que leur pro-
de quatre mille d'oxygène, ce gaz qui pénètre en lui par
fondeur permet d'y faire trempette, comme aujourd 'hui
tous ses alvéoles pulmonaires et n'est rien moins que
où , assis sur un rocher, je laisse mes pieds se balancer
l'essence même de la vie ?
dans l'onde paisible. Sans cesser d'admirer le magnifique
L'écosystème sylvestre repose sur un équilibre et une
panorama des montagnes environnantes, j'échange avec
harmonie créés par différentes strates de formation
mon compagnon de route quelques banalités sur la vie
végétale qui interagissent, y compris dans les milieux à
quotidienne, et ce faisant, aperçois sous mes pieds une
forte pousse dont l'aspect est d'autant plus exubérant.
accumulation de feuilles décomposées dont ne subsistent
Celles-ci sont au nombre de quatre et se composent
guère que les nervures qui suscitent en moi comme un
d'herbe, de broussailles, du sous-étage et des arbres, dont
sentiment de solitude. Cependant, par leur altération
la hauteur de pousse s'élève respectivement à moins de
même, ces matières fournissent l'élément nutritif des
0,4 mètre, 0,4 à 2 mètres, 2 à 8 mètres et plus de 8 mètres.
espèces aquatiques qui prolifèrent dans le ruisseau , selon
Elles abritent chacune une faune et une flore variées qui
les éternelles et merveilleuses lois de la nature toujours
s'équilibrent entre elles et se partagent l'espace par la
recommencée.
concurrence vitale.
Les forêts et vallées riantes de Pocheon ont jadis
Si certains n'accordent qu'un regard distrait à ces
charmé nombre de poètes, calligraphes et peintres. Une
futaies qui procurent pourtant paix et sérénité, plus rares
feuille d'arbre pourrie m'inspire quelques vers sur mes
encore étant ceux qui prennent la peine d'effleurer du
perceptions à fleur d'eau car, tout en étant le plus grand
doigt les tendres et odorantes aigu illes de sapin ou d'en
artiste, le poète ne peut produire sans arrêt des chefs-
respirer le parfum , qui accomplirait aujourd'hui le geste
d'œuvres, et à l'inverse, tout un chacun peut s'essayer à
74 Koreana I Été 2006
Destination très prisée des week -ends en famille, le lac Sanjeong figure parmi les hauts lieux de Pocheon . 2 Gouttes de rosée suspendues aux tendres aiguilles d'un de ces jeunes sapins qui peupleront un jour une épaisse forêt. 3 Espèce rare spécifique d'un milieu sylvestre dense. le satyre voilé ou « dictyophora indusiata » semble paré de dentelle jaune . 4 En avril, la floraison des " magnolia stellata » précède de peu le bourgeonnement vert des forêts.
Le lac Sanjeong allie de nombreuses activités de loisirs aux merveilles de son paysage. 2 Délicieuse spécialité culinaire composée de côte de boeuf marinée à la sauce de soja. 1·« idong galbi » de Pocheon figure au menu d'un grand nombre de restaurants ayant pour pionnier le « Neutinamu Galbijip » qui a ouvert ses portes au début des années soixante . 3 « !dong makgeolli », vin de riz traditionnel de Pocheon réputé pour sa saveur corsée.
la poésie, voire composer remarquablement dans des circonstances exceptionnelles, tant il est vrai que la création est source de satisfaction pour qui ne recherche pas la gloire. Parce qu'il l'aura lui-même rédigé, cet écrit lui donnera plus de contentement que s'il provenait d'un quelconque autre auteur. Je m'attelle sur-le-champ à la tâche tout en examinant le squelette de feuille, dans l'espoir que si un jour rien ne subsiste de ma poésie, le cours du ruisseau n'en sera pas troublé, car elle ne doit que flotter à la surface, comme un écheveau au x fils démêlés. 76 Korea na I Été 2006
Origines des forêts coréennes
Pocheon se flatte d'abriter l'Arboretum national de Corée qui s'étend sur une superficie de quelque mille cent dix-huit hectares comprenant des espaces où l'homme n'a jamais pénétré, de même que les forêts de Gwangneung, où reposent le roi Sejo [r. 1455-1468] et la reine Jeonghee, ainsi que des jardins paysagers et naturels occupant respectivement cent et mille dix-huit hectares sur lesquels poussent 1 863 plantes arborées et 1 481 herbacées. Les jardins paysagers se répartissent en quinze secteurs différents en fonction des caractéristiques, emplois et
l:équilibre et l'harmonie de l'écosystème sylvestre résultent de l'interaction de différentes strates de formation végétale, y compris dans les milieux à forte pousse dont l'aspect est d'autant plus exubérant.
fonctions des arbres et arbustes concernés.
découvrir deux cent douze variétés de plantes dont la lysi-
Aménagé à l'intention des non-voyants, le « Jardin
maque ou « Lythrum anceps », le pétasite officinal et l'iris
des arômes et du toucher» retient particulièrement
versicolore. Dans l'écosystème marécageux, la coexis-
l"attention et au beau milieu de ['Arboretum, le Musée de
tence de diverses espèces biologiques résultant d'états
la Forêt retrace l"histoire et l'industrie forestières
aquatiques différents tels que circulation ou stagnation
coréennes à travers diverses expositions qui évoquent
permet d'établir un équilibre parfait entre production et
aussi la situation actuelle et les projets d'avenir du
consommation . Ce milieu fournit un habitat à une multi-
secteur. Jouxtant cet établissement, le Jardin botanique
tude d'organismes qui participent de l'équilibre naturel,
coréen réunit cent dix mille espèces végétales, mais aussi
outre quïl constitue une ligne de partage des eaux permet-
animales et non biologiques issues de la forêt coréenne.
tant leur accumulation et infiltration dans le sous-sol. De
Un Jardin aquatique aux contours évocateurs de la
manière générale, il s·avère propice à un grand nombre
péninsule coréenne abrite deux cent quatre espèces
d'espèces en raison du maintien à un niveau relativement
telles que nénuphars, « Typha orientalis » et « Trapa
constant de sa température et de sa profondeur, y compris
Japon1ca ».
à la saison sèche, contribuant ainsi largement à une riche
À sa suite, le Jardin des marécages permet de
Garde f Ore St i e r
biodiversité.
1.;<1
Kwon Eun-oh Directeur général de ['Arbo retum national de Corée
À quoi peuvent bien penser
instants pour réfléchir à mon travail, tout en chassant fatigue et
ceux qui prennent soin du devenir
stress. Les arbres nous apprennent tant de choses que les
de nos précieuses forêts
C'est
Hommes devraient s'inspirer de lèurs qualités. puisqu'ils font
d'un air jovial et d'une poignée
don de tout ce qu'ils possèdent à leur environnement avaot de
?
de main ferme. mais rassurante.
retourner à la terre. La forêt coréenne représente un chiffre
que nous accueille Kwon Eun-
d'affaires approximatif de cinquante-huit mille milliards de
oh. le Directeur général de
wons. c'est-à-dire soixante milliards de dollars. mais en réalité.
l 'Arboretum national. Comme il
ce sont les enseignements tirés de la nature qui importent le
convient
docteur ès
plus. Il faut mener une réflexion approfondie afin d'assurer une
agronomie, ses connaissances en botanique et horticulture sont
coexistence harmonieuse entre arbres et forêts. faune, flore et
à un
inépuisables. Ne dit-on pas que l'on en vient tout naturellement
êtres humains. Avez-vous déjà vu des arbres qui soient mauvais
à aimer ce que l'on connaît bien ? Aujourd'hui encore. l'homme
pour les autres
trahit son attachement à la forêt au moindre coup d'œil furtif
font tous partie intégrante de la forêt. »
sur les arbres et plantes qui l'entourent. « J'ai pour habitude d'observer attentivement la terre, les
?
Même s'ils y jouent des rôles différents, ils
Lorsqu'elle vise à détériorer et exploiter la nature. toute entreprise humaine est non seulement vaine. mais cause de
arbres et les fleurs au cours de mes rondes quotidiennes de
grands malheurs. La vie des Hommes étant inférieure en durée
quatre-vingt-dix minutes en forêt. Je m'efforce de le faire en
à celle d'un arbre ou d"un ruisseau, ils seraient bien orgueilleux
me mettant à la place d'un visiteur et profite aussi de ces
de chercher à faire usage de la nature pour leur seul profit.
Été 2006
1
Koreana
77
CUISINE
L' « IMJAS UT_AN G » , un plat d'été au poulet et sésame blanc Dans la forte chaleur de l'été coréen, quand l'organisme s'affaiblit et que l'appétit manque, l' « imjasutang
»
remédie
parfaitement à cet état par ses vertus hydratantes, nutritives et gustatives qui en font alors un plat très apprécié. Chun Hui-jung Professeur à l'Institut de gastronomie coréenne de l'Université féminine de Sookmyung Bae Jae-hyung Photographe
S
ervi froid, l'« imjasutang » consiste en un bouillon de poulet additionné de morceaux bouillis de cette volaille, ainsi que de boulettes de viande, œufs, con-
combres et champignons shiitake que viennent assaisonner des graines de sésame moulues, auxquelles se réfèrent tous deux les vocables« imja » et « sutang », c·està-dire respectivement sésame blanc et soupe au sésame. Un autre terme, « kkaeguktang » désigne aussi de manière générique un certain bouillon de sésame, mais tandis que ce dernier appartient à la cuisine populaire, le premier fut jadis un mets de choix consommé en été par la famille royale ou les aristocrates dits« yangban » et tandis que l'un avait pour ingrédients de l'eau, du sésame blanc et des nouilles, l'autre s·agrémentait de poulet et d'une garniture variée. S'ils ont pour point commun le sésame, l'« imjasutang » était autrefois considéré supérieur par ses qualités nutritionnelles, sa saveur et son aspect appétissant.
Merveilles du sésame L'introduction du sésame sur la péninsule coréenne se situerait avant le IV
0
siècle, époque à laquelle se mettent en place des pratiques culinaires faisant usage du sésame sous forme de graines et d'huile. Si ce dernier est à l'origine une plante de la savane africaine, selon les chercheurs, il aurait été cultivé dès le troisième millénaire avant Jésus-Christ dans plusieurs Etats anciens de l'Asie, où il était très prisé comme assaisonnement, mais aussi pour ses vertus médicinales. Le traité de pharmacie chinoise intitulé Bencao gangmu, c'est-à-dire pharmacopée, fait mention du sésame, lequel fut anciennement décommé « huma » et très vraisemblablement introduit par Zhang Qian (?-113 av. J.-C.l des pays occidentaux. Toutefois, les vestiges attestant de son emploi, dès la formation d'un art culinaire en Asie, semblent indiquer que sa présence sur le continent est beaucoup plus ancienne.
À Huabei et en Mandchourie, la Chine cultivait abondamment les plantes qui lui parvenaient des zones témpérées par la Route de la Soie, notamment le sésame dont l'arôme et la saveur très particuliers avaient fait le succès au point d'en faire un ingrédient de base de la gastronomie locale. Après avoir sillonné ce pays, ainsi que d'autres nations d'Asie, lors d'un périple de près de dix-sept années, l'auteur des célèbres Voyages de Marco Polo évoquera sa découverte de cette graine et le goût qu'il prit à la consommer. Une fois parvenue sur le sol péninsulaire, celle-ci deviendra rapidement d'un emploi répandu, notamment pour en extraire l'huile dite « chamgireum » . Les essais intitulés Xuanhe Fengshi Gaoli Tujing (Voyage en Corée] et Hyangyakgugeupbang (Plantes autochtones à prescrire en cas d'urgence] rapportent que les Coréens
tiraient parti de diverses manières du sésame et de son huile. Selon le Singnyochanyo (1460]. ouvrage de référence sur les pratiques alimentaires qui remonte aux premiers temps de la Dynastie Joseon (1392-191 Dl. le sésame noir était adapté au traitement des attaques cérébrales et états paralytiques. À la même époque, le traité de cuisine Eumsikjimibang (1670] décrit la recette du« kkaejuk » et du « kkaetguk », qui sont
Été 2006 1 Korea na
79
respectivement une bouillie de riz aux graines de sésame et un potage de poulet aux graines de sésame grillées, le deu xième étant présenté comme un plat d'été. Enfin, le traité d'agronomie intitulé Jeungbosallimgyeongje (1765). précisant que la soupe de sésame peut adoucir jusqu'au goût épicé de la moutarde, explique de manière détaillée comment confectionner toute une variété d'en-cas à base de sésame, ainsi que la façon d'exprimer l'huile. Deux siè cles d'histoire
Si des incertitudes demeurent quant à l'époque à laquelle fut introduite la poule sur la péninsule coréenne, le mythe fondateur de Silla (57 avant J.-C. - 935] s'appuie sur le texte intitulé Samgungnyusa (Souvenirs des Trois Royaumes] qui relate divers faits concernant ce volatile et fournit des détails sur l'usage décoratif de ses plumes. Cet oiseau de basse-cour étant lié aux sociétés agricoles, il aurait été introduit de Chine à l'époque du développement de la péninsule coréenne dans ce domaine. Certains scientifiques affirment en revanche que la présence de la poule dans le mythe fondateur de Silla, ainsi que l'apparition de rituels s·y rapportant dans ce même royaume et la
80 Koreana I Été 2006
légende de Gaya relative à l'arrivée en Corée de la reine indienne que prit pour épouse le monarque Suro permettent d'en conclure que ces gallinacés furent apportés de l'Asie du Sud, contrairement à d'autres animaux domestiques. D'origine étrangère, le poulet allait néanmoins bénéficier en Corée de diverses améliorations de ses caractéristiques gustatives et physiologiques, ainsi que de ses propriétés curatives, avant d' être réexporté en Chine. Des documents d'époque Joseon tels que le Gaeboboncho et le Oogyeongboncho citent des cas d'efficacité avérée du poulet dans le traitement des maladies. Alors que la Chine ajouta le canard et l'oie à sa production avicole, la Corée ne possédait que des poulets, mais en si grand nombre qu 'elle fut appelée« Gyerim », c·est-à-dire la forêt des poules. Si les croyances et dictons qui s·y rapportent varient d'une région à l'autre , l'offrande d'un coq et d'une poule se pratique toujours lors des cérémonies de mariage traditionnelles. Présentant les us et coutumes joseoniens en 1849, le Dongguksesigi consacre un texte au « baekmajatang », plat estival composé de courgettes et poulet bouilli dans du « kkaetguktang » , celui-ci apparaissant aussi , au x côtés de l' « imjasutang » , dans l'encyclopéd ie Gy uhapchongseo, ainsi que dans le livre de cuisine Siuijeonseo. Par ailleurs, de nombreux autres documents décrivent longuement la consommation de soupe de poulet au sésame pendant les grosses chaleurs de l'été et laissent donc supposer que celle de l' « imjasutang » date pour le moins de deu x siècles. Des plats relevés tels que le « yukgaejang », un ragoût de viande épicé, ou le bouillon de pou let au riz et ginseng dit « baeksuk » figuraient également parmi les plats estivaux de prédilection destinés à rendre plus supportables chaleur torride et forte humid ité, en raison notamment de leur effet rafraîchissant suite à leur dégraissage, lequel était d'autant plus aisé à réaliser sur une préparation froide telle que l'« imjasutang » que l'excès de matière grasse en remonte naturellement à la surface. ~
L' « imjasutang
»
se compose cl'tm bouillon cle poulet froid s'avérant agréablement
léger, parce qu'auparavant dégraissé, et auquel s'ajoutent volaille et légumes émincés, le tout relevé de graines de sésame moulues.
« lmjasutang » Ingrédients (pour quatre personnes) : 1/.2 poulet. 1 morceau de gingembre, 1/.2 verre de sésame blanc. 6 verres de bouillon de poulet. 1 concombre, 3 champignons shiitake, 3 œufs, champignons« manna lichen
»,
persil italien [100 grammes). 1/.2 carotte. viande [100 grammes).« dubu
»
[tofu) [30
grammes) Assaisonnement des boulettes :1/.2 cuillerée à café de sauce de soja, 1/.2 cuillerée à café de poireau émincé, 1/4 cuillerée à café d'ail écrasé. 1/.2 cuillerée à café d'huile de sésame. sel, sucre, sel de sésame
Préparation 1 Laver le poulet et le faire bouillir avec le gingembre, puis enlever la peau, désosser et émincer. 2 Laisser refroidir le bouillon de poulet, puis dégraisser. 3 Rincer les graines de sésame, les faire brunir à la poêle et les moudre. Ajouter au bouillon de poulet, passer au tamis et saler. 4 Couper la carotte en morceaux de deux centimètres de largeur, quatre centimètres de longueur et trois millimètres d'épaisseur que l'on blanchit. Peler le concombre, l'épépiner, le découper aux dimensions de la carotte, ajouter l'amidon et blanchir. 5 Mettre les champignons shiitake à tremper dans de l'eau chaude, puis les couper en morceaux de la mêm e taille, que l'on fera revenir avec du sel ou de la sauce de soja. 6 Attacher les brins de persil italien avec des cure dents, les tremper dans la farine et les œufs battus, puis les faire frire. 7 Faire tremper les champignons« manna lichen » dans l'eau chaude, puis les couper en morceaux que l'on mélangera avec les blancs d'œuf, avant de les faire frire. Couper en morceau x de même dimension que le reste de la garniture. [Nota : l'emploi de champignons « manna lichen » est facultatif). 8 Séparer le blanc du jaune d'un œuf, faire frire les deux séparément en une couche fine que l'on découpera en lanières de deux centimètres de largeur et quatre centimètres de longueur. 9 Émincer le bœuf et le« dubu », puis mélanger avec l'assaisonnement des boulettes. Façonner des boulettes de 1,5 centimètre de diamètre. Enduire les boulettes de farine et d'œuf battu, puis les faire frire. 10 Placer les morceau x de poulet dans un bol, ajouter la garniture en foncti.on des couleurs, puis recouvrir avec les boulettes. 11 Verser le bouillon froid dans un bol et servir.
Été 2006 1 Koreana 81
Mon ~ taegeukgi >> Le drapeau national coréen ne cesse d'éveiller en moi des questions, toujours à propos de ses couleurs et de ses motifs. Puis-je le comprendre ? Puis-je, grâce à lui, découvrir un peu mieux ce pays et son histoire ? Anne-Marine Mauviel Professe ur à l'École d'interprétation et de Traduction de l'Université Hankuk des études étrangères
P
ays étranger, drapeau étrange : petite, je m'interrogeais déjà sur ce que pouvait bien être ce pays, la
Corée du Sud, pour avoir un drapeau si original. Que pouvaient bien représenter les mot ifs ... le schéma d'une dynamo, un rotor tournant sans fin entre ses quatre aimants ? Quant au yin-yang central, il m'évoquait surtout deux serpents se dévorant sans fin, quelque chose de profondément instable. L'aspect qu i m'interrogeait le plus était ce fond blanc, ce vide à remplir, ce qui faisait des motifs qui l'ornaient quelque chose de très circonscrit dans l'espace . Au contraire, les autres drapeaux nationau x possédaient des couleurs étalées à fond perdu, qui appelaient à se répandre en-dehors de leurs limites.
À présent que je vis ici, j'apprends à comprendre le « taegeukgi ». On ne dit pas yin-yang mais « taegeuk », ou « eumyang », et il symbolise l'équilibre des forces cosmiques. Les trigrammes [ou « sague
»l sont tirés du
Livre
des mutations chinois [Yi jing]. qui sert à préd ire l'avenir, et dont Confucius aurait rédigé des commentaires. Quant au fond blanc, il rappelle le caractère pacifiste des Coréens. Pourtant, le drapeau national coréen ne cesse d'éveiller en moi des questions, toujours à propos de ses couleurs et de ses motifs. Puis-je le comprendre ? Puis-je, grâce à lui, découvrir un peu mieux ce pays et son histoire? Je ne suis pas la seule à m'inter roger sur ce drapeau. Les Coréens le remettent parfois en question, arguant du fait que ses motifs, yin-yang et trigrammes divinatoires, font plutôt penser à la Chine, et que sa conception n'est pas purement coréenne. Pourtant par son histoire et son dessin, ce drapeau incarne pleinement le destin national. La nécessité de le créer apparut lorsque le Japon réclama au roi Gojong une bannière pour son pays au début des années 1880. Afin de demander conseil, la Corée envoya des émissaires en Chine, dont elle était la vassale. Un dragon à quatre griffes sur fond bleu lui fut proposé, en référence au dragon impérial à cinq griffes sur fond jaune [le jaune étant la couleur du centre et donc de l'Empire du milieu, et le bleu celle de l'Est.] Devant le refus du roi, qui voulait quelque chose de plus simple [ou qui aspirait à un peu plus d'autonomie]. les lettrés chinois proposèrent 82 Koreana I Été 2006
alors un yin-yang rouge et bleu, encadré des huit tri-
trouver ici étant donné l'origine du drapeau. Il s'agit d'un
grammes fondamentaux, huit comme les huit provinces
rouge plus léger, qui tire sur l'orangé. Il appartient à la
coréennes , argumentèrent-ils. Lorsque la délégation
palette des artistes coréens, qui préféraient les couleurs
coréenne parée de son tout nouvel emblème prit la mer
douces des teintures vég étales de leur pays, et que l'on
pour le Japon à bord d'un vaisseau anglais, le capitaine
retrouve dans leurs peintures.
britannique conseilla de supprimer la moitié des trigrammes, pour des raisons de clarté.
Le bleu de la moitié inférieure représentait le peuple coréen, car il était logique, aux yeux des Chinois, que les
C'est ainsi que le drapeau trouva sa forme définitive. Il
habitants situés à l'est de leur pays se vêtissent de la
fallut toutes ces interventions pour que la Corée trouve
couleur dévolue à ce point cardinal. Dans l' « eumyang », le
l'emblème qui allait désormais la représenter : en ces
bleu du peuple se loge naturellement sous le rouge royal.
débuts d'une mondialisation à laquelle elle n'était pas
Est-ce à cause de cette signification que l'on a pu trouver,
préparée, il lui fallut accepter l'influence des puissances
après la disparition de la fam ille régnante, des « taegeukgi »
étrangères pour se trouver un symbole . Par la suite, le
dont l' eumyang central avait basculé sur son axe, et où le
drapeau accompagna tous les grands moments du pays : il
bleu s'élevait peu à peu au-dessus du rouge ?
fut brandi lors du mouvement pacifiste de révolte contre
Pourtant, en dépit des recommandations de l'Empire
l'occupant japonais en 1919 ; il fut également pendant un
du milieu, les Coréens étaient plutôt connus comme le
certain temps le drapeau de la Corée du Nord, entre la fin
« peuple vêtu de blanc ». Cette préférence vestimentaire
de l'occupation japonaise et la Guerre de Corée .. . Bref, il
est peut-être un héritage culturel des peuples mongols ...
représenta pleinement le peuple coréen, qui se reconnut
En effet, des études avancent que dans cette société de
en lui .
cavaliers, un culte était rendu au x chevau x blancs. Cette
Mais, ce qui est vraiment étrange dans ce drapeau, et
couleur aurait été pour eu x la couleur du soleil - à la
en fait pour moi l'image tristement parfaite de la Corée,
différence de la plupart des autres sociétés, où le soleil est
est peut-être dû, qui sait ?, à l'utilisation de symboles divi-
vu jaune [par exemple, en Chine]. Dans ce contexte, le
natoires ... En effet, en le contemplant, je ne peu x me
blanc n'est pas une non-couleur, il n'est pas non plus le
départir de l'impression qu'il synthétise admirablement la
simple emblème d'une pureté virginale, il est la couleur
situation géopolitique actuelle du pays. Un Nord rouge
éclatante et majestueuse du soleil dans toute sa splen-
communiste, un Sud bleu capitaliste, et qui cherchent à se
deur, la maîtresse-couleur, telle qu'on la retro üve sur le
pénétrer l'un l'autre. Au x quatre coins de l'horizon, quatre
fond du drapeau national.
yeux noirs qui observent cette situation et la circonscrivent
Ainsi , bien que le « taegeu kgi » puisse être parfois
dans un océan de blancheur : la Russie, la Chine, le Japon,
controversé , et bien qu'il puisse apparaître étrange aux
les États-Unis. Comment oublier les tensions auxquelles
yeux d'une « œgugin » telle que moi, en faisant l"effort de
est aujourd'hui confrontée la Corée du Sud ? Et comment
le décrire et d'en dresser en quelque sorte le « blason », je
ne pas espérer que la situation trouve un jour une issue
peux mieux le comprendre et l'accepter. Afin de faire un
favorable, quand on a l'impression d'en voir le résumé sur
peu plus miens ce pays où j'ai choisi de vivre, ainsi que sa
l'emblème national. ..
culture .. . 1...1
Le choix des couleurs du « taegeukgi » transmet lui aussi une histoire typiquement coréenne. Par exemple, le rouge de la partie supérieure de l'« eumyang » représentait le roi. Mais ce rouge n'est pas le rouge chinois , sombre et éclatant, que l'on s'attendrait à
So urces : de ux articles d' Eli zabeth Pyon, « Q uell e est l'o rigine du d rapea u coréen ? ", « Le taegeugk i, symbole de l'identité des Co rée ns » ; Choi Yong-shik , « Les mystères de la culture coréenne 12. La mode d u blanc » , tous issus de la ve rsion fra nçaise du Korea H erald, 18/1 2/200 1. Été 2006 1Koreana 83
VIE QUOTIDIENNE
Succès de la télévision mobile en Corée En Corée, les nouveaux services de diffusion multimédia (Digital Multimedia Broadcasting-DMB) permettent d'ores et déjà de regarder la télévision sur un récepteur qui tient dans la main grâce aux technologies numériques que les jeunes sont particulièrement prompts à adopter, comme on pourra le constater en empruntant le métro. Park Keon-hyung Journaliste au Digital Times Choi Hang-young Photogra phe
S
uccédant dès l'an 2000 au x journau x et livres de
Désormais chose courante, l'emploi de cet appareil pour
poche que feu illetaient les usagers du métro dans les
l'envoi et la réception de messages courts dits textos ou
années quatre-vingt-dix, lorsqu'ils n'y dormaient pas, le
SMS, ainsi que la pratique des jeu x vidéo, se doublent
lecteur MP3 correspondait à une nouvelle pratique se
aujourd'hui d'une hausse des abonnements au x services
déma rquant de l'écoute passive d'émissions de radio ou
de diffusion numérique multimédia (0MB]. Les experts des
de disques compacts vendus dans le commerce par celle
technologies de l'information s'accordent à considérer que
d'enregistrements musicau x de leur choix et se classant
les différents équipements numériques sont appelés à se
ainsi parmi les équipements de divertissement personnel.
combiner en un seul et même dispositif multifonctions au cœur duquel se situera le téléphone mobile.
La téléphonie mobile, élément clef du numérique
En constante évolution du fait de sa situation à la
Appareils photo, assistants personnels et lecteurs
pointe des télécommunications depuis la mise au point par
multimédia numériques ont beau constituer autant de pro-
la Corée, en 1996, des premiers postes numériques sans
du its de divertissement personnel dont l'usage connaît
fil au monde, le téléphone mobile a réalisé ses plus impor-
une véritable explosion chez les jeunes générations ,
tantes avancées au cours des dix dernières années. À la
jusqu 'à la tranche d'âge des trentenaires, le facteur clef du
transmission de la parole allait s'ajouter s·ur ce même
développement de ce nouveau secteur des loisirs n'est
support celle du texte par le biais de SMS, l'intégration de
autre que le téléphone mobile à en juger par l'air absorbé
l'appareil photo numérique et du lecteur MP3, ainsi que de
des voyageurs du métro penchés sur leur combiné .
jeux vidéo et autres fonctions parachevant sa mutation en
84 Korea na I Été 2006
Les infrastr uctures ultramodernes dont dispose la Corée dans le domaine des technologies de l'information et de la communication lu i permettent de fourn ir des services de télévision mob iles donnant accès à ce moyen audiovisuel à tout moment et en tout l ieu .
--- -- ....
- - - -Été 2006 1Koreana 85
Les analystes expliquent la« fièvre du 0MB » qui s'empare aujourd'hui des Coréens par le haut niveau de savoir-faire de leur pays dans une technologie qui satisfait tout à fait leur penchant pour l'innovation.
Les sociétés LG Electron ics et Samsung Electron ics proposent des modèles de téléphones mobiles dotés de la technologie 0MB et répondant , entre autres produ its , à une importante demande des consommateu rs en équipements de télécommun ications de pointe .
Les passagers d'une automobile peuvent regarder la télévision et lire en temps réel des informations sur l'état des routes [à gauche). Le secteur coréen des technologies de lïnformation et de la communication travaille à réaliser la convergence des fonctionnalités vers un dispositif unique centré sur le téléphone mobile de l'abonné (à droite!.
86 Koreana I Été 2006
un véritable terminal multimédia.
combiné portable ou un quelconque type de terminal,
Apparus l'année dernière sur le marché coréen, les
comme en Corée, où coexistent T-DMB et S-DMB qui se
services de diffusion multimédia numérique contribuent
répandent à vive allure parmi les consommateurs situés
fortement à l'essor inexorable de la téléphonie mobile.
dans la tranche d'âge comprise entre l'adolescence et la
Malgré l'absence de normalisation en la matière, cette
trentaine, à raison de trois cent mille nouveaux abonnés en
« télévision qui tient dans la main » pour être visible en
un mois pour le second, au prix de treize mille wons par
tout lieu et à tout moment sous forme d'émissions corres-
mois, soit environ treize dollars, et de deux cent mille pour
pondant aux goûts de chacun suppose un changement
le premier au cours de la même période.
considérable des modes de vie quotidiens.
Les analystes soulignent quant à eux que la vague du DMB qui déferle actuellement sur le pays a aussi pour
Ère de la télévision sur mobile Il existe actuellement quatre grandes technologies de
origine une qualité de service répondant parfaitement aux attentes des consommateurs. Malgré des débuts tardifs et
télévision sur les mobiles qui sont le DVB-H [Digital Video
néanmoins favorisés par les acquis du marché coréen, des
Broadcasting-Handheld : vidéodiffusion numérique
fabricants tels que Samsung Electronics et LG Electronics
mobile]. le DMB terrestre [T-DMB]. le DMB par satellite
se trouvent aujourd'hui en mesure de concurrencer avan-
[S-DMB] et le FLO [Media Forward Link Only-Media FLO].
tage use me nt des constructeurs bénéficiant d'une
respectivement mis au point par le principal constructeur
présence antérieure sur le marché mondial, notamment
mondial, Nokia, la Corée pour les deuxième et troisième et
Nokia et Motorola . En Corée, le consommateur fait bon
QualComm . De l'avis des spécialistes, le module DVB-H,
accueil à toute évolution de l'offre de services et exige qu'il
dont la commercialisation devrait intervenir d'ici à la fin du
soit immédiatement remédié à la moindre défaillance.
semestre dans vingt pays différents, et le T-DMB proposé
Il se montre d'autant plus ouvert à la télévision mobile
depuis l'année dernière aux consommateurs coréens, puis
que, depuis quelques années, il a déjà largement accès à
exporté avec dynamisme en Europe ainsi qu'en Chine, se
la transm ission d'images vidéo sur son combiné mobile,
détacheront de ce groupe et entreront en concurrence
alors que ses homonymes américain et européen se can-
pour ravir le marché de la télévision mobile.
tonnent à l'application téléphonique. Tous les trois à six
Cet enjeu ne passionne guère l'usager de base dans
mois, il fait l'acquisition d'un nouvel appareil qui lui coûte
la mesure où les deux normes rivales lui permettent au
plusieurs centaines de milliers de wons et exprime son
même titre de recevoir des chaînes de télévision sur un
avis en ligne sur la gamme de produits. Disposant d'un
Été 2006 1Koreana 87
pouvoir d'achat assez limité, les étudiants trouvent sur des
en temps réel, par les canaux de données, des informa -
sites d'enchères comme E-Bay ou G-Market les appareils
tions plus précises et utiles que celles que fournirait un
que d'« enthousiastes adaptateurs » mettent en vente
système de positionnement mondial.
pour financer un nouvel achat. Dans un pays qui se flatte
D'aucuns pensent que la Coupe du monde de football,
de posséder le premier taux de raccordement à l'internet
dont l'Allemagne donnait le coup d'envoi en ce mois de
au monde, les services à haut débit permettent depuis déjà
juin, contribuera à un fort développement de la télévision
aux consommateurs de formuler des exigences et
sur mobile, cette manifestation ayant déjà provoqué par le
réclamations auxquelles les entreprises s'intéressent de
passé une frénésie d'abonnements aux nouveaux services
près pour améliorer leurs produits et prestations.
de radiodiffusion et d'achats de produits électroniques. Celle qu 'ava ient organisée conjointement la Corée et le
Nouveaux modes de vie Le marché coréen permet de constater l'influence considérable de la télévision mobile sur la vie quoti-
Japon en 2002 alla it ainsi faire exploser les ventes de téléviseurs à écrans LCD et plasma dont les prix assez élevés avaient jusqu'alors dissuadé les consommateurs.
dienne. Dans le métro, les passagers n'ont plus à emporter
Dans le secteur de la téléphonie mobile, les construc-
journaux et livres pour se distraire le temps d'un trajet car
teurs coréens ont récemment lancé leurs campagnes
il leur suffit de disposer de l'indispensable accessoire
publicitaires et actions promotionnelles de marketing à
qu'est aujourd 'hui le téléphone portable en Corée pour
l'occasion de la prochaine Coupe du monde, parallèlement
accéder aux nombreuses chaînes vidéo et émissions que
à des opérations commerciales portant sur les services et
leur proposent des dizaines de radiodiffuseurs de services
équipements de téléphonie mobile . Ailleurs dans le
DMB . Cette offre ne se limite pas au x divertissements,
monde, on assiste à des initiatives analogues, comme en
puisque les étudiants peuvent suivre les cours proposés
Allemagne et en Italie, pays passionnés de football qui
par des émissions éducatives pour mieux préparer leurs
viennent de commercialiser des services de télévision
examens, tandis que les automobilistes peuvent recevoir
mobile en vue de la télédiffusion de cette manifestation . Ainsi, la télévision mobile ne relevant plus désormais de la science-fiction puisqu 'elle permet de recevoir partout et à tout instant des émissions sur lesquelles peut aussitôt être formulée une critique, un nombre croissant d'usagers des réseaux de transports métropolitains fera bientôt usage de ce service en cours de trajet. t.t
Des équipements de« divertissement personnel » assurent l'accès distant au son , à lïmage et aux données, ainsi qu·aux services de la 0MB.
88 Koreana I Été 2006
YUN DAE-NYEONG
Plus que toute autre, l'œuvre de Yun Dae-nyeong rend avec authenticité l'atmosphère de ces années quatre-vingt-dix où la littérature coréenne, en quête de sa grandeur perdue, poursuivait une démarche qualitative et explorait les profondeurs de l'existence humaine dans d'audacieuses i constructions rehaussées d'un style exceptionnel. { ·
CRITIQUE
Une odyssée des sens au plus profo d de l'existence Chung Hyc-kyung ( rit1que lirn.-r 11r et protl'...,,cur -1 l'l 1ni\ l''"\Jte ~oonLhunhy 11
N
:...;
é en 1962, Yun Dae-nyeong se situe à l'avant-scène
vie urbaine des années quatre-vingt-dix. Menant à première
littéraire des années quatre-vingt-dix, dans le
vue l'existence routinière d'un petit-bourgeois, le narrateur
bouillonnement qui succède à une décennie que l'idéal
découvre, au hasard des rencontres, un monde très
d'abolition des exclusions et d'avènement de la paix avait
étranger au sien. Si la recherche de « la femme inconnue »
plongée dans le désarroi . Afin que s'amorce un nouveau
contribue à la fluidité du récit en lui apportant une dimen-
départ, un fort besoin d'innovation se fit alors sentir pour
sion de mystère, cette quête revient à un passage de l'autre
suppléer la confiance en l'ordre établi, et ce, en l'absence
côté du miroir, un parcours débouchant sur l'univers incons-
de toute orientation précise. C'est dans ce contexte que
cient de l'auteur, et non sur celui que peut appréhender la
l'auteur publie un premier recueil de nouvelles intitulé
raison .
Mémorandum des petits poissons argentés [ 1995). dont
Un jour qu'il chemine sur la route, le narrateur a la
l'écriture sensuelle, atteignant au plus secret des tourments
révélation des souffrances auxquelles est vouée son exis-
de l'âme, va tout aussitôt fasciner le lecteur.
tence et la femme qu'il y croise ravive anciennes blessures
Ceux des tout débuts, qui remontent à l'année 1990,
et ambitions déçues qui gisaient ensevelies dans sa
comportent par ailleurs Regardez les escaliers sud, Toutes
mémoire. Cette rencontre s'apparente donc à la concrétisa-
ces étoiles ont conflué au loin et Quelqu'un s 'en est allé,
tion d'un second moi. Rompu à la monotonie et à l'impos-
ainsi que des romans comme Je suis allé voir un vieux film,
ture du quotidien, le na r rateur entreprend un labeur tout
Très loin dans ma mémoire, Horizon lunaire, Voyageur dans
aussi douloureux qu· exaltant en cherchant à percer la cara-
la neige, Pourquoi le tigre marcha jusqu 'à la mer et Miran.
pace qui recouvre sa vie afin d'explorer en profondeur cette
En insérant des éléments poétiques dans le récit de fiction,
dernière. L'évocation de cette démarche, au moyen d'une
['écrivain a su lu i ouvrir de nouvelles perspectives et
originale énonciation à la première personne, allait donner
plusieurs pri x importants honoreront cette prouesse
une nouvelle orientation à la création littéraire coréenne.
révélatrice d'un talent littéraire hors du commun, tels le
L'écriture de Yun Dae-nyeong se caractérise par une
Prix des espoirs [1994). le Prix littéraire Yisang [1996). le
expression poétique tout en finesse et en fluidité. Les
Prix de littérature contemporaine [1998] et le Prix de
images pleines de fraîcheur dont elle s'émaille, notamment
littérature Lee Hyo-seok [2003].
sous forme de couleurs tour à tour éclatantes et ternes,
Ses œuvres ont pour personnages types des êtres
confèrent une puissante tonalité onirique à l'itinéraire initia-
solitaires occupant de minuscules appartements dans des
tique du narrateur. Cet univers exerce sur nombre de
cités trépidantes.
lecteurs un attrait et une fascination tels qu'ils en vouent
c·est cette condition humaine d'isolement
extrême qu'entend exposer l'auteur par une peinture de la 90 Koreana I Été 2006
presque un culte à son créateur.
Leitmotiv des toutes premières œuvres et réminiscent
enfin venu jetait quelques touches d'ombre dans la
dans les écrits récents sous forme de motifs de petits pois-
débauche des couleurs explosant avec panache dans notre
sons argentés et fleurs, le blanc représente la fragile
cour en bouts de crayons pastel retombés de ci, de là, et
flamme de la vie au seuil de la mort. Couronnée en 1998
chassant l'espace d'un instant le bruit et la fureur du jour».
par le Pri x de littérature contemporaine, la nouvelle inti-
L'auteur opte ainsi pour une évocation sensorielle et haute
tulée Les progrès du jour sonde le néant existentiel à l'aide
en couleurs de la condition humaine.
de ce même blanc devenu lumière en mouvement.
La tension dramatique est accentuée par le mono-
Située au début de l'été, l'intrigue se déroule sur une
logue, comme lorsqu'il s'écrie: « et... oh' de ta bouche ver-
tranche de vie diurne d'une famille dans sa maison orientée
meille ! » à propos de sa sœur cadette, telle la chenille
au sud . Sortie depuis peu d'un hôpital, la mère souffrante
recluse à l'intérieur de son cocon . Le narrateur opère un
est alitée dans la chambre du centre , alors que celles de
transfert de cette image sur la Susan de l'hôtel Bali
l'est et de l'ouest abritent respectivement la sœur cadette
Summer de Kuta, objet de tous ses désirs. La petite sœur
se remettant d'un accouchement et l'aînée divorcée qui
incarne aussi ses rêveries et dès lors qu'il passe au
prend soin de la malade, tandis que dans le jardin, marche
tutoiement, il rompt tout lien avec le réel pour la transposer
le père à pas précautionneux.
dans son univers onirique.
À travers leur seule description, transparaît l'isole-
La pivoine cueillie par la « vieille demoiselle » fournit
ment intérieur de ces êtres . Chambre au x tournesols,
un signe prémonitoire du décès imminent de la mère,
pivoines rouge sang, rêve de centaines de briquettes de
lequel importe moins en lui-même que la façon dont il est
charbon réduites en cendres par un incendie, « Impression
perçu . La vision mystique du temps qui passe au gré des
: lever du soleil » de Monet, Hôtel Bali Summer, tofu,
« progrès du jour » n'est pas source de souffrance, pas
tennis blancs et chaussures en caoutchouc blanc cons-
plus qu'elle ne sous-entend la mort comme une langueur
tituent autant de références littéraires destinées à exposer
douloureuse. Placées au chevet de la défunte, les chaus-
à la lumière vie et mort tout à la fois . L'existence familiale
sures en caoutchouc blanc apportent à sa disparition un
n'est que souffrances, mais dans cet « univers en réduc-
certain éclat que seuls perçoivent, par leurs efforts, les
tion », cette « planète solitaire », on ne gémit pas de douleur.
êtres qui se conforment à son sens profond, comme à
Ici, le temps n'est pas représenté par sa mesure, mais
celui de la vie, pour découvrir toute la richesse de la souf-
par le déplacement de la lumière parcourant l'étendue de
france humaine. ~
la tragédie humaine pour illuminer la vérité qui s·y dissimule et la mi-journée est perçue comme suit : « Midi Été 2006 1 Ko rea na
91
Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger
The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684
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