Koreana Autumn 2006 (French)

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répond au désir légitime de toute femme de prendre

Représentant une fleur, le socle de jade blanc en est

soin de sa beauté, comme à l'époque de la dynastie Joseon

serti de corail, agate , rubis et amazonite auxquels

(1392-1910] où elle sacrifiait, on le sait, beaucoup de temps

s'ajoutent quatre parures en forme de papillon, tandis

et d'effort à sa coiffure. Portant les cheveux tirés vers le

qu'éclats de corail et perles y sont accrochés avec des fils

haut de la tête, elle les fixait à une longue tresse postiche

d'argent. Au moindre mouvement de l'élégante, papillons

agrémentée de moult épingles dont les plus ornementées

et joyaux étincelants sous la lumière paraissaient virevolter

portaient le nom de« tteoljam ».

en tout sens, comme l'indique le terme « tteoljam » qui

Réservées aux cérémonies royales , ces dernières se

signifie « épingle voletante », ce gracieux balancement ne

plaçaient à l'extrémité supérieure de la natte et parfois

manquant pas d'attirer les regards. L'idée astucieuse de ce

de part et d'autre, ajoutant une touche de raffinement à

mouvement, ainsi que la conception élaborée et la minutie

la coiffure . La pièce figurant sur la photographie ci-

d'exécution de l'ensemble , révèlent l'extrême fierté que

dessus appartenait à la princesse Hwasun , fille du roi

tiraient les artisans coréens de leurs ouvrages. ~


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol. 7,

N° 3 Automne 2006

Le Festival international du film de

PUSAN 8 8

Un enthousiasme exceptionnel 1 Kim Ji-seok

12

Un festival toujours en quête de renouveau

Korea na sur Intern et http J/www.koreana.or.kr

1 Équipe Relations publiques du Festival international du film de Pusan © Fondat ion de Corée 2006

16

Dix points de vue sur le Pl FF

Tous dro its r éservés . Toute reprod ucti on

intégra le, ou partielle , fa ite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Co rée, est illicite.

1 Recueillis par Lee Young-jin et Kim Do-hun, journalistes à« Ciné 21 » Les opinions exprimées sont celles des auteurs

22

Busan, ville hôte d'un grand festival du film 1 Choi Hak-lim

et ne reflètent pas nécessa irement celles des édi teurs de Koreana ou de la Fonda tion de Corée.

Koreana, revue trimestrie lle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme [Autorisation n° Ba - 1033 du 8 août 19871. est aussi publiée en chinois, anglais , espagnol.

arabe, russe, japonais et allemand .


26

DOSSIER Réhabilitation du Cheonggyecheon

Entre projet d'urbanisme et gestion d'un cours d'eau 30

I KimSeok- chul

ENTRETIEN Shin Sun-hi

Scénographe et directrice du Théâtre national de Corée

I Kim Moon-hwan Couverture : Rendez-vous annuel

36

incontournable des cinéphiles et cinéastes

ARTISAN Chung Choon-mo

Continuateur de la chapellerie traditionnelle au crin de cheval 1

Choi Tae-won

d'Asie, le Festival international du film de Pusan [PIFF) fête cette année son onzième anniversaire. Outre une programmation plus large, il offre de nouvelles fonctions commerciales qui en font un lieu stratégique

pour la réalisation de projets de films. notamment en Corée.

40

Photographie : PIFF

CHEFS-D'ŒUVRE l'« lnwangjeseakdo »

Un paysage plus vrai que nature du peintre Jeong Sean 44

I

ChoeWan-soo

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Une autre vision de l'Asie, celle du Français Paul Jacoulet, artiste graveur SUr büiS I Cho Eun-jung 50

Publication trimestrielle de la Fondation de Co rée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud www.kf.or.kr

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE

La laque, un revêtement à base d'essences naturelles

I

Cliung Hae-cho

ÉDITEUR Kwon ln Hyuk DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Kim Hyeh-won

56

REDACTRICE EN CHEF Chai Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Chai Seang-su

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Kim Joo-won

DESIG NER Hwang Sang-mi

Sur les scènes du monde en quelques pirouettes

I JangGwang-ryul

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Park Ok-soon. Lee Ui-oak

COMITÉ DE RÉDACTION Chai Joan-sik Han Kyung-koo. Han Myung-hee.

60

Kim Hwa-young. Kim Moon-hwan ,

ESCAPADE

Kim Young-na, Rhee Jin-bae

Gyeongju: La Louxor coréenne

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VIE QUOTIDIENNE

La pratique du« tuning » comme forme d'affirmation de soi

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79

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

SHIN l(YONG-SUI(

Les voix du passé

I

Kim Dong-shik

QU and Viendra l' heUre ?

I Traduction : Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas

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mesure où peu de producteurs asiatiques étaient capables de se faire financer par des bailleurs de fonds, voire d'effectuer de simples présentations commerciales . Le PPP allait se charger de les y former aux fins de l'obtention d'un soutien financier, mais aussi pour en tirer le meilleur parti en termes de relations publiques. Par la suite, dans un contexte où le cinéma asiatique connaissait de plus en plus de succès depuis les années quatre-vingts, mais où il restait difficile d'obtenir des informations sur les créations et cinéastes

C

moins célèbres, le PPP s·est avéré ofréé sur le modèle de ses prestigieux prédéces-

frir un égal attrait pour les investisseurs étrangers

seurs européens, le Festival international du

en leur signalant les projets les plus valables et en

film de Pusan a cherché à marquer sa différence

leur faisant rencontrer des producteurs et réalisa-

pour s'orienter vers le soutien au développement de

teurs talentueux. Par ailleurs, ses nombreux

l'industrie cinématographique en Asie, et pour ce

séminaires et tables rondes ont contribué à une

faire, a été confronté au défi de se distinguer des

meilleure qualité de l'industrie cinématographique

manifestations équivalentes de Hongkong, Fukuoka

asiatique. En 2005, huitième année de son existence,

et Udine, cette dernière se spécialisant dans

le nombre des projets traités dans son cadre était

l'Extrême-Orient.

passé à vingt-sept, celui de ses participants, provenant de trois cent vingt sociétés et trente pays

Le marché du cinéma en Asie

Après plusieurs changements de cap spec-

différents, à mille cent, et celui de ses discussions exploratoires à six cents.

taculaires, le PIFF a trouvé sa voie en se définis-

Enfin, est également à mettre à l'actif du Festi-

sant comme un festival non compétitif ayant pour

val, en cette année 2006, la mise en place perma-

principale vocat ion de présenter au public des

nente d'un marché asiatique du cinéma qui, en asso-

films et nouveaux talents issus du continent asia-

ciation avec le PPP et le salon de l'industrie

tique, en particulier de Corée . Très comparable à

cinématographique organisé par la BIFCOM (Com-

ceux de Hongkong et Fukuoka, il ne s'en différen-

mission internationale du Film de Busanl, fournira

cie vraiment que par la chance qu'il offre aux jeunes

un espace multifonction jouant le rôle-d'un marché

réalisat eurs les plus prometteurs en les mettant

classique qui, au vu de la réussite passée de ces

en compétition dans le cadre de sa section intitulée

deux organismes, marquera un tournant dans l'his-

« Nouveaux courants ».

toire du cinéma en Asie.

Sa plus grande originalité réside toutefois dans la mise en œuvre d'une action de marketing dite PPP

Découvreur de talents

!Pusan Promotion Plan) et destinée à aider les

Vitrine du cinéma d'Asie et tremplin de son in-

cinéastes régionaux à surmonter la plus grande diffi-

d ust rie, le PIFF se fi xe aussi pour objectif de

culté à laquelle ils se heurtent pour réaliser leurs

rechercher les créateurs talentueux à l'échelle

projets, à savoir leur financement. Dès sa première

régionale au sein de son Académie du film asiatique

année d'existence , en 1999, le PPP a réuni des in-

!AFA) comparable aux ateliers« Programme Talent »

vestisseurs potentiels, producteurs et réalisateurs

et « Programme Campus » du Festival de Berlin .

lors de pas moins de cent quatre-vingts rencontres

Cet organisme, dont la création a eu lieu en 2005 à

ayant abouti à la négociation d'accords relatifs à

l'occasion du dixième anniversaire du Festival, a no-

seize projets de films asiatiques, ce qui constituait à

tamment proposé un cycle de formation de trois se-

8 Koreana I Automne 2006


taïwanais de renommée mondiale Hou Hsiao-hsien,

mode de vie qui séparaient ces participants issus

le Coréen Park Gi-yong, Nonzee Nimbutr, originaire

d'une région à la diversité sans pareille dans le

de Thaïlande, le Hongkongais Nelson Yu Lik-wai ain-

monde et ne facilitaient guère le dialogue entre eux,

si qu'un autre Coréen, Hwang Gi-seok, autant de

l'AFA leur a offert l'exceptionnelle possibilité de se

professionnels qui ont fait profiter de l'expérience de

tisser un réseau relationnel tout en acquérant une

toute une carrière les vingt-huit aspirants cinéastes

meilleure connaissance de l'Asie. Au plan régional,

sélectionnés sur l'ensemble du continent.

l'AFA est à l'industrie cinématographique

Automn e 2006 1Korea na 9


d'aujourd'hui ce que le PPP et son nouveau marché

priorité soit donnée aux cinéphiles. S'accordant pour la plupart à prévoir une partici-

sont au septième art de demain. Ainsi, le PIFF a su affirmer sa spécificité vis-à-

pation nettement en hausse des représentants de

vis des autres manifestations existantes par le biais

l'industrie cinématographique et des médias du fait

des trois principales fonctions que sont la projection

de la diversification et du succès croissants de ces

de films et leur promotion commerciale, la création

manifestations, les organisateurs de festivals sont

et l'intensification des liens interpersonnels dans la

contraints de limiter cette disponibilité. Si le PIFF

profession et la découverte de nouveaux talents, ainsi

s'inscrit lui aussi dans cette tendance, il s'est abstenu

que leur mise en relation. L'extraordinaire succès

d'adopter une telle mesure, proposant même des

que remporte le cinéma d'Asie dans le monde depuis

projections supplémentaires à l'intention des indus-

une dizaine d'années ne fait que s'accroître en

triels et des journalistes, la fidélisation constituant le

parallèle avec celui du Festival international du film

principal facteur du succès. La croissance qu'il enregistre sans discontinuer

de Pusan .

résulte aussi du soutien accru qu'entendent lui apporter les pouvoirs publics sans pour autant exercer

Les clés de la réussite

L'essor exceptionnel du PIFF s'explique avant

le moindre contrôle, chose inimaginable en Corée il y

tout par l'enthousiasme débordant et la fidélité d'un

a encore di x ans de cela, et qui vient s'ajouter à 'l'appui concret émanant des entreprises qui le par-

public hors pair plus jeune et dynamique, mais aussi mieux organisé que partout ailleurs. Ne disposant à

La ferveur

rainent, ainsi qu'au vif intérêt suscité dans les médias

ses débuts que d'un accès limité aux productions in-

débordante des

locaux par cette première manifestation d'envergure

ternationales, le PIFF a su répondre à la soif de nou-

spectateurs du

véritablement internationale.

veauté de ces cinéphiles en leur présentant les toutes

PIFF constitue

dernières œuvres étrangères et a fait alors figure

son principal

PIFF s'est déplacé de la fonction festivalière clas-

d'oasis de créativité.

atout par

sique à celle de composante vitale de l'industrie du

comparaison aux

cinéma d'Asie conformément au souhait de ses or-

La ville festivalière est devenue pour eux une

En dix ans d'existence, le centre de gravité du

terre d'adoption où ils reviennent immanquablement

autres manifesta-

ganisateurs d'en faire une manifestation d'impor-

chaque année, voire, pour les inconditionnels, une

tions du genre et

tance cruciale pour l'ensemble de la croissance in-

sorte de lieu de pèlerinage sur lequel ils se rendent

lui a valu d'être

selon la même périodicité. Liés par une égale passion

qualifié de

forçant ses dimensions commerciales et son rôle

du septième art, ils se distinguent aussi par certaines

<< Festival du film

culturel inhérent.

pratiques telles que l'échange d'informations sur le

le plus exaltant

festival ou l'attente durant des nuits entières pour

au monde >>.

obtenir les places les plus convoitées et la

. dustrielle asiatique et notamment coréenne en ren-

Dès lors, le PIFF entend s'acquitter avec un zèle accru de son rôle récréatif à l'intention du public, ainsi que de formation technique et de mise en œuvre de

spontanéité avec laquelle ils se portent volontaires

projets pour les cinéastes, investisseurs de l'industrie

pour participer aux débats avec le public dans le

du spectacle et futurs metteurs en scène afin qu'ils

cadre du « GV (Guest visit] » témoigne d'une respon-

puissent réaliser leurs rêves, une ambition à laquelle

sabilisation aux côtés des organisateurs. Cet engoue-

l'édification de l'immeuble qui abritera le futur Cen-

ment sans bornes constitue face aux autres manifes-

tre du Festival à compter de 2010 devrait apporter un

tations un précieux atout qui faisait même qualifier le

nouvel élan . i..t

PIFF par un journaliste de festival du film « le plus exaltant au monde ». C'est au prix de constants efforts que ce dernier a su s'attirer un aussi chaleureu x appui et renforcer l'esprit solidaire qui soude les producteurs de l'industrie aux consommateurs que sont les cinéphiles, notamment grâce au x initiatives à succès de la « GV » déjà mentionnée et du « DC » (Director' s choice, c'est-à-dire le choi x du réalisateur]. ainsi que par le maintien à un niveau constant du contingent de places destinées au grand public afin que

10 Korea na I Aut om ne 2006


Automne 2006 1 Koreana

11


12 'Koreana J Automne 2006


Automne 2006 1 Koreana

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14 Ko reana I Automne 2006


Automne 2006 1 Koreana

15


Dix points de vue sur le PIFF Recueillis par Lee Young-jin et Kim Do-hun, journalistes à« Cine 21 » Photographie: « Cine 21 »

·-

16 Koreana I Automne 2006


Nouveau trem-

plin du cinéma

asiatique

Diete r Kosslick Directeur général du Festival international du film de Berlin

En 1996, la première édition du Festival du film de Pusan n'avait accueilli qu'une poignée d'invités européens parmi lesquels figuraient toutefois quelques-uns de mes confrères du Festival du film de Berlin, telle Dorothee Wenner, qui nous revenait de cette ville remplie d' enthousiasme en rapportant ses films exubérants, ses spectateurs chaleureux et son atmosphère festive à la fièvre joyeuse. À peine quelques années plus tard, j'ai eu la chance de constater de mes propres yeux l'essor accompli par le Festival, l'animation qui régnait sur la Place du PIFF, dans le quartier de Nampodong, l'accueil chaleureux réservé aux invités internationaux, le tour passionné des débats se déroulant à l'Hôtel Commodore et l'acclamation des jeunes talents comme s'il s'agissait de vedettes. J'ai aussi fait la connaissance de celui qui, par son intuition et ses décisions opportunes, a transformé le Festival en un nouveau tremplin du cinéma asiatique, en la personne du génial et dynamique Kim Dong-ho. Epaulé par une équipe compétente, il a su mettre en place une manifestation d'envergure internationale tout en favorisant une meilleure diffusion mondiale du cinéma coréen. Aujourd'hui, des professionnels du monde entier accourent chaque automne par milliers à Busan et le Festival, dont le siège se situait d'abord au centre-ville, a pris ses quartiers sur la plage de Haeundae et poursuit toujours sa croissance. Il permet non seulement de faire connaître la production asiatique au public international, mais aussi de concevoir, financer et mettre en œuvre de nouveaux projets. C'est à partir de Busan que bien des réalisateurs et producteurs coréens ont fait leur chemin jusqu'à Berlin. Après une première projection dans le cadre des sec-

lions « Forum » et « Panorama » respectivement placées sous la direction de Christoph Terhechte et Wieland Speck, nombre de films coréens dont les« JSA » de Park Chan-wook, l'un des plus grands succès au box-office, et « Samaria » de Kim Ki-duk, lauréat en 2004 de l'Ours d'argent du meilleur metteur en scène, ont par la suite été présentés en compétition lors de festivals internationaux. Parmi les différentes manifestations du septième art, c'est à n'en pas douter la remise de l'Ours d'or d'honneur au maître coréen lm Kwontaek, en 2005, qui témoigne le mieux de l'amitié coréano-allemande dans ce domaine en rendant un véritable hommage au cinéma coréen. Au fil du temps, des liens toujours plus étroits ont uni le Festival de Berlin aux cinéastes coréens, à M. Kim Dong-ho et ses extraordinaires collaborateurs, ainsi qu'au Conseil cinématographique coréen. La présence dans sa programmation de titres coréens, de noms tels que ceux de l'actrice Lee Young-ae et du cinéaste Oh Jung-wan au sein de son jury et de conférenciers comme Park Chanwook à son atelier du Berlinale Talent Campus constituent autant d'exemples du rayonnement croissant de la Corée à Berlin. En tant que directeur du Festival de Berlin, le Prix du Cinéma coréen qui m'a été décerné l'année dernière à Busan représente l'un des plus grands honneurs qui pouvaient m'être faits. Persuadé que le Festival connaîtra un prestige grandissant, j'ai le grand plaisir, au nom de la Berlinale qui vient de fêter ses cinquante-six ans, de présenter toutes mes félicitations à Kim Dong-ho et à son festival dont c·est cette année le onzième anniversaire. Tous mes collègues de la Berlinale se joignent à moi pour vous souhaiter beaucoup d'heureux résultats et un avenir prospère.

Automne 20 06 1 Koreana

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Un nécessaire renouvellement Ahn Sung-ki Acteur et Directeur adjoint du Festival international du film de Pusan

J'ai aimé mon travail au Festival international du film de Pusan, mais je crains que ce ne soit plus le cas. Si j"en dis du bien, on pensera que je fa is valoir le rôle d"adjoint que j"y occupe depuis l'année dernière auprès de son directeur, Kim Dong-ho. Toutefois, il est tout aussi délicat de formuler des critiques, car nous devons au contraire rester unis . Ma position est donc incommode, puisque, quel que soit le parti que je prenne, je serai amené à formuler un avis négatif en jugeant mes propres actions. À mes yeu x, le Festival doit aujourd 'hui se renouveler. Nous ne pouvons plus nous contenter

de rabâcher qu'il accueille et présente toujours plus de films chaque année . Après la fuite en avant de ces dix dernières années, il est temps de s'accorder une pause bilan pour éviter l'essoufflement. Le Festival a pris beaucoup d'ampleur, mais nous ne devons pas privilégier cet aspect quantitatif au détriment de la qualité. Bien entendu, je ne suis pas le seul que cela préoccupe et les responsables de la programmation, de même que tout le personnel, travailleront sans relâche à mettre en œuvre des idées nouvelles. Quant à moi, je redoublera i d'efforts pour que l'édition qui vient ne s'écarte pas de ses objectifs premiers.

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rlfflfli

Pour un véritable cinéma indépendant Kim Dong-won Documentariste et Président de PURN

18 Korea na I Auto mne 2006

Lors de ses toutes premières éditions, le Festival international du film de Pusan a certes encou ragé les créateurs indépendants dans le cadre de sa section « Wide Angle », mais depuis lors, leur abondante production ne dispose toujours d'aucun espace de diffusion. À cet égard, le rôle capital du vice-président de son Comité exécutif, Lee Yong-kwan, et de sa responsable de la programmation, Hong Hyo-sook, est tout à fait digne d'éloges. La projection de films indépendants dans le volet« Wide Angle » permettait en outre d'atteindre un public international, le lien avec les grandes manifestations étrangères s'étant établi par le biais de la section « Forum des jeunes » du Festival de Berlin. Je ne suis pas le seul à apprécier le travail

accompli en faveur du cinéma indépendant et les créateurs eux-mêmes se sont catégoriquement prononcés pour une participation au Festival, surtout au sein de « Wide Angle », quitte à délaisser les autres . Il se dit qu e c'est le don généreux de deux millions de wons fait par un avocat qui aurait permis de mettre en place cet espace où les cinéastes peuvent enfin se retrouver pour boire un verre et s·exprimer en toute liberté. C'est cette atmosphère qui, pour une bonne part, a aujourd'hui disparu . Au stade actuel de croissance du Festival, les « authentiques » films indépendants sont maintenant chose rare et à « Wide Angle », leurs réalisateurs font plus figure d'invités que d'hôtes. Comment cette distances· est-elle créée ?


Des collaborateurs enthousiastes et un public sérieux Wisit Sasanatieng Cinéaste [Thaïlande)

Un vrai débat s'impose dans l'industrie du cinéma Chai Min-sik Acteur

Ouverture du marché du septième art en Asie Davide Cazzaro Journaliste de cinéma [Italie)

Tous mes vœux pour le onzième anniversaire du PIFF ! C'est le premier auquel j'ai assisté à mes débuts dans le septième art et j'y suis retourné à deux reprises, ce qui à chaque fois a été un enchantement ! Le PIFF est le fruit du travail de ses nombreux et fervents collaborateurs, qui

répondent à une exigence de sérieux vis-à-vis du public. En Asie, c' est là que j'aime le plus à présenter mes films et que je souhaite pouvoir revenir dans un avenir proche, alors encore une fois« Bon anniversaire ! ».

En tant qu'acteur, je ne suis pas en mesure de formuler un avis éclairé sur les festivals et notamment expliquer pourquoi celui-ci a mieux marché que d'autres, pas plus que je ne peux dire grand-chose de son évolution. Tout ce que je sais, c· est qu'il est devenu sans conteste le plus important d'Asie, certainement grâce aux efforts de son directeur Kim Dong-ho, ainsi que de ses responsables de programmation et autres collaborateurs. En revanche, si j'en attends pour ma part une chose cette année, c'est qu'en plus de sa fonction première consistant à présenter de nombreux films de qualité au public, il fournisse la possibilité d'un véritable forum sur l'industrie et la politique du cinéma . En ce qui concerne par

exemple la réduction des quotas cinématographiques attribués aux films coréens, pourquoi ne pas organiser de vrais séminaires pour expliquer aux cinéastes étrangers le contexte dans lequel intervient cette mesure ? Le Festival international du film de Jeonju s· est doté d'un projet en ce sens, mais c·est le temps qui fait défaut pour le mettre en place, alors j'espère vivement que le PIFF permettra d'aborder cette question. Le problème des quotas ne se limite pas à la Corée et à l'étranger, toute la profession en est consciente, des réalisateurs aux producteurs en passant par les critiques et autres spécialistes, alors il y a matière à entamer un débat fructueux.

En se penchant sur l'histoire du Festival international du film de Pusan [PIFFI. on a peine à croire qu ' elle n'est longue que de dix ans et qu'elle a débuté dans un contexte difficile marqué par des contraintes budgétaires et semé d'autres écueils tels que la censure. Il est aujourd'hui le seul dans le monde à avoir présenté, année après année, un aussi large éventail de films issus du Moyen-Orient, d'Extrême-Orient et d'Asie centrale et offrant la possibilité d'assister aux débuts de jeunes cinéastes asiatiques et au renouveau de créations plus anciennes. Bien peu de manifestations de ce type ont accompli autant en si peu de temps. La réussite du PIFF tient à la stabilité de ses structures où les membres fondateurs occupent toujours les mêmes postes, à son action en faveur du cinéma d'Asie, à la variété de sa sélection caractérisée par l'absence d'influence hollywoodienne, aux relations harmonieuses qu'il entretient avec la municipalité et à l 'excellent choix du lieu des manifestations. En outre, ce sont des critiques et des spécialistes qui en arrêtent les programmes, les géants

de l'industrie ayant quant à eux pris la sage décision d'organiser une manifestation dépourvue de compétition, de mettre l'accent sur l'Asie, notamment la Corée, de tirer de l ' oubli des créations anciennes et de projeter des films étrangers encore inédits ici, en particulier pour des raisons de censure ou de restriction des libertés politiques imposées par le passé. Par ailleurs, le Festival a considérableme at favorisé le succès des films sud-coréens, tant sur le territoire qu 'à l'étranger, ce qui leur a permis de s·élever au rang de productions internationales au lieu de se cantonner au rôle de simples observateurs. Qu 'en est-il de son avenir? L'horizon semble pour l'instant dégagé, même si l'ambitieuse création du Marché du cinéma asiatique semble confirmer les visées du PIFF en termes d'envergure et de prestige. Il est à espérer que les organisateurs se souviendront qu 'un long chemin reste à parcourir et ne chercheront pas à brûler les étapes.

Auto m ne 2006

1

Koreana

19


Aux origines du succès, un concept différencié Hwang Woo-hyun Producteur et Président de Tube Pictures

Que la fête commence, pleine de surprises et d'émotions! Lee Jae-yong Cinéaste

20 Korea na I Automn e 2006

Pour connaître un accueil favorable dans le public, il faut avant tout lui proposer un concept différencié. Dès sa création, le Festival international du film de Pusan a su se démarquer de tous ceux qui existaient déjà sur le continent. Pour promouvoir le cinéma asiatique, le PIFF a pris le parti d'en faire connaître les cinéastes et leurs oeuvres plutôt que de jouer sur la gloire d'une vedette le temps d'une cérémonie d'ouverture, un choix qui semble encore de rigueur aujourd'hui. Au fil des ans, j"ai toujours plus le sentiment qu'il s'agit d'un festival à part entière, qui fait toujours autant le bonheur des cinéastes. L" exceptionnelle affluence qu'il a connue dès les premières années s'explique parfaitement eu égard à l'absence d'autres manifestations de ce type dans la Corée d'alors.

Si le Festival a cessé d'être unique en son genre, il déplace pourtant toujours les foules, ce qui conduit à s'interroger sur son succès. Celui-ci est d'ordre conceptuel et n'a été possible que grâce aux professionnels qui ont su apprécier l'importance de ce facteur. Les organisateurs annoncent cette année la création d'un véritable marché du cinéma, mais s'il s'agit tout bonnement de prouver qu'il possède tout ce qu'il pourrait souhaiter, il serait illusoire, voire insensé, d'en attendre un succès énorme dès la première année. Encore une fois, c'est le concept qui importe le plus, c·est-à-dire la manière dont ce marché se démarquera des autres par sa gestion à un moment donné et qui constituera un défi tout en continuant de susciter l'enthousiasme.

Au cours de ces dix dernières années, le Festival international du film de Pusan a eu le mérite de permettre aux cinéastes coréens de nouer des relations interpersonnelles, l'ambiance festive de cette manifestation favorisant les liens d'amitié et la confiance mutuelle, car si la plupart de ces créateurs exercent leurs activités à Séoul, ils n'avaient jusqu 'alors guère l'occasion de débattre entre eux et de se regrouper sur des projets communs. Des années durant, ils sont demeurés à l 'écart des autres festivals internationaux auxquels ne participaient qu'une minorité de professionnels, jusqu'à ce que le Festival de Pusan vienne enfin leur offrir une chance en oeuvrant à l'avènement du cinéma coréen sur la scène mondiale. Dès lors que leur pays accueillait une manifestation internationale sur son sol, point n'était besoin d'accomplir un long périple jusqu 'en Eu-

rope pour y côtoyer les grands noms de la profession dans des Cannes ou Berlin, car cela était désormais possible à Busan. S'il est naturel pour tout festival international qui se respecte de mettre l'accent sur la qualité, il se doit aussi impérativement de proposer des possibilités de dialogue et de divertissement à nombre de cinéphiles et cinéastes. J'espère que nouveauté et diversité marqueront cette toute prochaine édition, notamment que ses manifestations habituelles et connues d'avance au fil de ces dix années se renouvelleront en privilégiant un aspect récréatif. Enfin, la ville de Busan contribuera elle-même à faire connaître la Corée à un public plus large par le biais de sa culture, mais aussi de sa gastronomie, tout en s'ouvrant à l'influence des autres cultures d'Asie, encore à la fois si proches et si lointaines.


Une exigence primordiale de diversité Jeong Tae -sung Directeur du marketing à Showbox

Le Cannes de l'Asie ltsuko Hirai Journaliste de cinéma au Japon

Il y a onze ans encore, nul ne prévoyait le spectaculaire succès qu'allait remporter le Festival international du film de Pusan en un très court laps de temps tout en atteignant son objectif de devenir le carrefour cinématographique de l'Asie. Si l'existence préalable de telles manifestations à Singapour, Tokyo et Hongkong a favorisé cette prouesse de manière exogène, celles-ci mettaient davantage l'accent sur l'aspect événementiel et un réel intérêt pour les films asiatiques existait par ailleurs dans le monde. Pour pallier l'absence de festival assurant la présentation de grandes œuvres régionales en un même lieu, la stratégie adoptée par le PIFF à consisté à faire porter ses efforts sur la programmation et les Coréens avides de culture ont accouru à Busan aux côtés des cinéphiles étrangers.

Dès sa troisième édition, la mise en œuvre du « Pusan Promotion Plan [PPP] » a contribué au relèvement de la qualité des œuvres tout en encourageant la production régionale par le biais de rencontres avec les investisseurs qui allaient engendrer un flux continu de création et le soutien ainsi apporté aux cinéastes allait également s'avérer être un investissement rentable pour le festival lui-même. Ce dernier, comme toute autre entité dans un quelconque domaine, est amené à connaître dans les dix années à venir quelques vicissitudes dont l'issue dépendra d'un principe qui valait déjà il y a une décennie, à savoir que tout progrès passe par la découverte de nouveaux talents et la présentation de films toujours plus variés.

Lorsque j'ai assisté au Festival international du film de Pusan, il y a quelques années de cela, j'ai été très impressionnée par la merveilleuse plage de Haeundae et mes collègues japonais se sont aussitôt écriés: « C'est le Cannes de l'Asie ! » Au fur et à mesure que j'ai découvert le PIFF et en voyant des personnalités internationales se promener sur la plage et discuter toute la nuit de cinéma, j'en suis vraiment venue à partager ce point de vue. Chose plus importante encore, j'y ai perçu l'incroyable enthousiame et la fierté de son public composé de Coréens moyens recherchant un cinéma de qualité. Encore une fois, oui ! On peut affirmer sans trop d'exagération que le PIFF est

le Cannes de l'Asie. À n'en pas douter, il a joué un rôle absolument décisif dans le succès international récent des films coréens, auquel-les jeunes cinéphiles ont tout particulièrement contribué. Malheureusement, des festivals tels que celui de Tokyo ont du mal à attirer ce type de spectateurs. Bien que n'ayant pas suivi le PIFF à chaque édition, j'ai la certitude qu'il évoluera d'année en année grâce à l'engouement sans limite des cinéphiles coréens et des personnalités étrangères. Pour ma part, je crois vraiment à l'apparition en Asie d' un nouveau marché, désormais nouveau facteur clé de croissance pour le Pl FF, dont le merveilleux public ne paraît jamais se lasser.

Automne 2006 1Ko reana

21


22 Korea na I Automne 2006


l!a réussite magistrale âu Festival international âu film âe Pusan ne pouvait que rejaillir. sur. la ville ciui l'accueille et qui, P.ar:-delà la zone d'activité de cette manifestation, offre quantité de loisirs et curiosités en son centre comme dans ses environs. Cho Halc-lim Directeur adjoint de la section culturelle du« Susan llbo » Ahn Hong-beom P.hotograptie

Automne 2006

1Koreana 23


24 Koreana I Au tomne 2006


l'automne, tandis que de grandioses falaises

aperçu, les arts du spectacle tels que musique, danse

sculptées par le travail incessant des vagues font de

et théâtre étant aussi à l'honneur aux Centres cul-

Taejongdae l'une des localités les plus prisées des

turel de Busan, Geumjeong et Eulsukdo, ainsi qu 'à la

touristes. Ceux-ci peuvent admirer sur la première

Salle municipale de Busan . Enfin, de nombreuses

de splendides aurores qui n'ont d'égal que les

manifestations culturelles immortalisent la lutte de

crépuscules sur celle de Dadaepo, aussi la ville de

la ville pour la démocratie au Parc démocratique de

Busan, tout au long de l'année, voit-elle le soleil se

Busan.

lever puis se coucher sur l'océan. S'élevant à l'horizon de Haeundae, pareille à la

Le marché de Jagalchi

Lorelei des bords du Rhin, la colline de Dalmaji fait

On ne saurait parler de Busan sans évoquer son

aussi le charme de Busan par ses sentiers offrant un

Marché aux poissons de Jagalchi renommé pour ses

magnifique et spectaculaire point de vue sur l'océan.

dynamiques marchandes dont on affirme souvent

Elle tient son nom, qui signifie « Colline du clair de

qu 'elles subviennent aux besoins de leur famille avec

lune » de l'inoubliable croissant répandant sa lueur

la seule recette de leur minuscule étal, qui suffit

argentée dans le ciel nocturne, mais répond aussi au

même à financer les études de leurs enfants à

nom de « Colline de l'art », car toutes les galeries

l'université. Chaque année, quand vient le Festival du

de la ville s'y regroupent. À Gwangalli, le Grand Pont

film, une manifestation intitulée« Oiso Boisa Saiso »,

à deux tabliers de Gwangan domine fièrement

c'est-à-dire en dialecte local« Venez, regardez,

l'océan sur 7,4 kilomètres de longueur, tel l'emblème

achetez !

monumental de la maîtrise de la nature par

galchi.

l'Homme.

»,

se déroule non loin du marché de Ja-

Enfin, qui dit gastronomie à Busan pense tout aussitôt au « hoe », un filet de poisson bien frais

Une vocation multiculturelle

émincé dans les règles de l'art et consommé cru

Carrefour montagneux et océanique, Busan est

avec des condiments. Très apprécié pour sa

aussi baignée par le premier fleuve sud-coréen, long

fraîcheur, le « hoe » de Busan passe en quelques

de 506, 17 kilomètres et dénommé le Nakdonggang,

heures du filet à la table des gourmets et se sert

dont le cours inférieur traverse la ville avant de se

dans tous les restaurants. Selon certains, nul ne

jeter dans la mer. À l'image de la Seine et de la

peut se flatter d'avoir visité la ville s'il n'a pas goûté à

Tamise, ce cours d'eau a imprimé sa marque à tous

ce poisson tout frais du marché de Jagalchi.

les grands moments de l'histoire coréenne. Le point

De Sanbokdoro, le promeneur découvrira une

culminant de la région ne dépasse pas 801 mètres

vue panoramique du port de Busan, de Yeongdo et de

d'altitude et se nomme le Mont Geumjeongsan. Ses

la côte proche, mais appréciera avant tout le paysage

larges versants offrent aux randonneurs un entrelacs

de maisonnettes accrochées au flanc des collines et

de sentiers d'où ils peuvent admirer les paysages

de venelles serpentant non loin de là en pente douce

coréens à l'état naturel. Lieu de loisirs pour les gens

car ces lieux qui accueillirent un flot ininterrompu de

de la région, la montagne offre aussi son écrin au

réfugiés à la recherche d'un abri sûr quand faisait

temple de Beomeosa, qui s'enorgueillit de ses mille

rage la Guerre de Corée témoignent encore des vicis-

cinq cents ans d'histoire et de ses multiples trésors

situdes que traversa alors la population. t..t

artistiques parmi lesquels figure une porte aux proportions hors du commun. L'origine paléolithique de la population de Busan est attestée par les vestiges exposés au Musée de Busan, tandis que celui de Bokcheon se spécialise dans les antiques Etats tribaux de Gaya [42-562). notamment celui de Geumgwangaya, qui connut la gloire en dominant l'ensemble de la confédération au début de l'Âge de Fer. La reconstitution d'une tombe d'époque se trouve sur une colline proche. Une halte au Musée d'art moderne, créé voilà quatre-vingts ans à Busan, fournit un intéressant

Automne 2006 1Koreana 25


DOSSIER

Réhabilitation du Cheonggyecheon, Entre projet d'urbanisme et gestion d'un cours d'eau Entrepris à l'été 2003, le projet de réhabilitation du Cheonggyecheon a permis, dès octobre 2005, de rendre à ce ruisseau la place qui était la sienne dans la longue histoire de la capitale coréenne et l'heure est donc venue d'en dresser un premier bilan en s'interrogeant sur sa teneur ainsi que sur son impact. Kim Seok-chul Architecte et professeur à l'Université Myo ngji Seo Heun-kang Photograph e

C

·est à si x siècles que remonte le cho ix de l'emplacement actuel de la capitale coréenne selon des

critères d'ordre topographique subordonnés à la géomancie, dite « pungsu » en coréen et « fengshui » en chinois, qui repose sur une coexistence harmonieuse de l'Homme avec la nature. Comme en témoignent les plans établis sous la dynastie Joseon [1392-191 O]. la ville fut en tous temps soumise à l'influence de son réseau hydrographique dont la population fut toujours tributaire pour sa vie quotidienne.

Un ruisseau populaire Dans les grandes civilisations de jadis, les cours d'eau remplissaient la double fonction d'infrastructures et de superstructures, à l'instar de la Tamise, de la Seine ou du Grand Canal, pour ne citer que quelques illustres exemples, tandis que le Cheonggyecheon de Séoul n'était qu 'un modeste ruisseau traversant en son centre une ville qui fut fortifiée sous la dynastie Joseon. Il importait donc que sa réhabilitation s'étende à l'ensemble de ses affluents afin que ceu x-ci assurent le drainage des eaux de pluie et de source vers ce ruisseau alors que ces dernières étaient jusque-là déviées les unes sur les autres pour en obtenir le ruissellement, selon une configuration des plus artificielles. En conséquence, la réalisation de l'objectif premier du projet était assujettie à la possibilité que ces flu x d'origine pluviale et phréatique 26 Korea na I Autom ne 2006

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issus de l'ancienne citadelle s'écoulent en suivant leur cours naturel.

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Pour lui donner de l'élan en le rendant plus attrayant

Cette restauration allait se doubler d'une profonde

et lui permettre d'atteindre ses objectifs déclarés, notam-

transformation des quartiers environnants qui, antérieure-

ment par la reconstitution du paysage urbain au temps des

ment au chantier, étaient voués au commerce de détail

citadelles, le projet avait initialement été doté d'un double

pratiqué par des échoppes dotées d'un capital très modi-

volet historique et géographique, le premier axé sur le

que mais contribuant avec dynamisme à l'économie locale

ruisseau urbain que constituait le tronçon intra-muros du

et d'aucuns s'émurent de ce que cette minuscule et ar-

Cheonggyecheon, dont le restant est situé en zone rurale

chaïque structure industrielle en vienne à disparaître pour

jusqu'au Hangang et grossi par quatorze affluents sur ses

céder la place à d'énormes immeubles commerciaux. Afin

dix kilomètres.

que soient respectées les grandes idées du projet, l'État

m

Histoire et milieu naturel de jadis

De même que la reconstitution de cette section ur-

allait faire l'acquisition des terrains concernés de manière

baine allait de pair avec la restauration des quartiers his-

à en écarter les intérêts privés et garantir ainsi l'utilité

toriques de la ville, la réhabilitation géographique devait

publique.

s'orienter non seulement vers le rétablissement de

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La réhabilitation du Cheonggyecheon s'inscrivait

à l'origine dans une

démarche destinée à redonner à Séoul son cachet historique et ses aspects naturels d'antan, tout en réaménageant un quartier longtemps en mal de rénovation, celui de Gangbuk, mais force est de constater qu'il s'est surtout limité à ses dimensions urbaine et environnementale.

l'ancien cours d'eau, mais aussi l'aménagement de ses

qu'avait inscrit la Biennale de Venise à son ordre du jour

berges , la mise en œuvre simultan ée de ces deu x

dont les principaux points étaient : 1] la réalisation d'une

démarches devait déboucher sur la création d'un centre

grande artère emblématique de Séoul pour relier la porte

urbain analogue à la cité de jadis, mais alliant avec bon-

de Sungnyemun au palais de Gyeongbokgung ; 2]

heur la modernité fonctionnelle à l'héritage historique et

l'aménagement du quartier de Bukchon, situé entre ce

au milieu naturel.

dernier et celui de Changdeokgung, en une zone à ca-

Déjà, en l'an 2000, c'est ce modèle urbanistique

28 Koreana I Au tomne 2006

ractère historique et culturel ; 3] la suppression des


routes et passerelles enjambant le Cheonggyecheon ; 4)

deuxième ou par l'incorporation du premier à l'espace ur-

la mise en place d'une « zone verte » dans les quartiers

bain en le reliant au fleuve, mesure qui rejaillirait sur

de Yulgongno et Toegyero ; 5) l'association du quartier

l'ensemble de la rénovation, ou encore par l'aménage -

commercial de Dongdaemun au x équipements culturels

ment d'un grand boulevard de Gangbuk qui franchirait le

de celui de Jangchungdan en une seule zone pourvue de

fleuve pour intégrer l'infrastructure urbaine au x

cette double vocation.

ressources culturelles de la ville et au cœur duquel se

Dans le cas de Manhattan, tout comme de Londres et

situerait le Cheonggyecheon .

de Pékin, c'est l'adoption de réglementations classant ces

Le remodelage entier de la capitale doit se fi xer pour

agglomérations en zones urbaines spéciales qui a doté

première priorité la définition d'un cadre spatial d'ensem-

celles-ci d'une importante dimension, la première en tant

ble apte à être bien compris du grand public et pour ce

x:t..· siècle,

faire, il est indispensable de recueillir toutes les données

la deu xième, à l'échelle d'un carrefour mondial des fi-

adéquates relatives à l'histoire, la géographie et la culture

nances à l'initiative de sa City et la troisième au niveau

locales, ainsi qu'aux modalités d'un urbanisme écophile.

d'une ville historique de renommée mondiale par la mise

Dès lors, tandis que les quartiers historiques intra-muros

en œuvre d'actions de conservation et de restauration .

formant ce qu'il est convenu d'appeler le vieux Séoul en-

qu'émanation architecturale de la civilisation du

Le zonage de Séoul devrait quant à lui s'aligner sur le pourtour des anciennes fortifications, qui délimite

globeraient le Cheonggyecheon, le Grand Séoul aux di x millions d'âmes se centrerait sur le Hangang.

d'ailleurs l'emplacement de la plupart des installations

Pourtant, tout comme ce premier cours d'eau n'a ja-

publiques et comporte, outre les murailles six fois cente-

mais fourni de superstructure à la vieille ville, le second,

naires, plusieurs portes et sept palais gardant leur archi-

qui devait assurer l'essentiel de cette fonction dans le futur

tecture d'origine. Outre qu 'elle assurera le maintien des

Grand Séoul, semble être appelé à ne demeurer qu'un

aspects historiques et naturels de l'ancienne cité, la nou-

élément du paysage urbain et à tomber ainsi le plus sou -

velle zone ainsi créée permettra le rétablissement du

vent dans l'oubli. Lorsque les ressources naturelles,

cours d'eau dans le centre-ville, ainsi que l'incorporation

géographiques et culturelles du Séoul d'autrefois auront

des Monts Bukhansan et Namsan en son sein.

retrouvé leur état d'origine au terme de la réhabilitation du Cheonggyecheon, il conviendra de faire porter les efforts

Création d'un « Grand Séoul » Parallèlement au projet de réhabilitation du Cheong-

sur l'aménagement du Hangang en un espace urbain situé au cœur du Grand Séoul.

gyecheon, devait être mis en œuvre un plan d'urbanisme

Le projet du Cheonggyecheon est indissociable de

concernant les quartiers situés au nord du Hangang et re-

l'aménagement du vieu x Séoul et du quartier de Gangbuk,

groupés sous le toponyme de Gangbuk. Si divers projets

ainsi que de la réorganisation du Grand Séoul en_vue de le

ont été soumis à cet effet, l'absence de véritable réforme

centre r sur le Hangang et si la teneur en est en soi impor-

structurelle en la matière et de mesures visant à accroître

tante, ses nécessaires mesures d'accompagnement, par

l'occupation des sols permettait difficilement de dépasser

nature plus complexes, seront d'une portée plus ample

le stade d'un simple plan d'aménagement portant sur la

encore. La réhabilitation de ce cours d'eau devrait s·éten-

densité d'un quartier résidentiel. L'action réalisée à ce jour

dre sur plus de trois ans afin de lui redonner véritablement

a donc essentiellement porté sur la réalisation intermit-

vie et, au-delà , d'en faire le tremplin d'un projet décennal

tente de chantiers hétéroclites substituant tours et barres

visant à revivifier le cœur historique de la capitale, en pa-

aux discrètes résidences aux côtés de grands immeubles

rallèle avec un autre, d'une durée de vingt ans, qui serait

commerciaux groupés autour de stations de métro.

destiné à la création du Grand Séoul.

t.;t

Mont Bukhansan, Hangang et cité ancienne confèrent au quartier de Gangbuk un important potentiel dont le plan d'aménagement se doit de tirer le meilleur parti, notamment par la création d'une « ceinture fluviale » où des affluents tels que le Cheonggyecheon se jetteraient dans le Automne 2006 1Koreana 29




Toute une carrière dans la

crocosme humain.

ma1ne.

Ne s'engageant pas de prime

Au terme de ses études , elle

À la question de savoir d'où elle

abord sur la voie de la scénographie,

s'inscrit en 1975 au « Lester Po -

tire tant d'énergie créatrice, Shin

car sa passion de la peinture l'attire

lakov Studio of Stage Design » afin

Sun - hi répond en invoquant sa nais-

vers l'étude des beaux-arts, elle doit

de s·y former à l'interprétation et à

sance dans une famille où l'art tenait

néanmoins entreprendre celle de

la production théâtrale en cinq

une grande place et qui lui a transmis

l'anglais conformément aux souhaits

années durant lesquelles le Pro-

elle-même celui de la danse et des

de ses parents, mais dès 1968, son

fesseur Polakov saura mettre en

percussions, la faisant aussi monter

entrée au Département d'art drama-

valeur ses capacités pour l'orienter

sur scène dès sa plus tendre enfance

tique de l'Université d'Hawaii en vue

vers la scénographie de style occi-

puisqu 'elle avait alors trois ans. Sa

de l'obtention d'une maîtrise va sus-

dental tout en l'encourageant à con-

vie dans les différentes rég ions où

citer en elle une vocation de dra-

server son identité orientale . Au-

elle résida au gré des affectations de

maturge. Après des premières diffi-

jourd 'hui encore, elle se souvient du

son père, alors militaire de carrière,

cultés liées à l'obstacle de la langue,

maître l 'écoutant patiemment se

enrichit d'autant plus son expérience

elle s'investira pleinement dans la

plaindre pendant des heures des dif-

au point qu'assistant un jour à un bal-

décoration scénique tout en suivant

ficultés que lui occasionnaient des

let moderne interprété par José

des cours de théâtre, marionnettes et

techn iques scéniques occid entales

Limon sur le Prélude de Bach, alors

danse dans le cadre du cursus d'une

particulièrement comple xes, mais

qu'elle se trouvait en troisième année

licence d'art dramatique, mais un

aussi de l'accueil enthousiaste qu'il

du collège, l'idée lui vint soudain que

professeur de design finira par

réserva à sa soudaine décision de

la scène n'était rien d'autre qu'un mi-

découvrir ses talents dans ce do-

renoncer à la scénographie pour se

scénographie

32 Korea na I Automne 2006


2 3 4 5

Créée par Shin Sun-hi , cette scène de« Yeonsan. personnage problématique » 11996] évoque l'image d'une masure abandonnée et les émotions éprouvées dans une forêt de bambou . Version actualisée des récits populaires d'exorcisme, le texte de« Bari » est dit par des jeunes filles d'aujourd'hui sur une scène qui fait date dans l'histoire des arts du spectacle coréens. Adaptation de ['oeuvre de Shakespeare du même titre, la comédie musicale« La Tempête » s'accompagne de mélodies du répertoire traditionnel coréen. Par sa circularité, la scène de« Bicyclette » rappelle d'innombrables tours de roue symboliques de la condition humaine. « Seodongyo » s'inspire d'un conte populaire coréen .

consacrer à la peinture en par-

jusqu'au niveau du cours secondaire

discernement des différentes at-

courant l'Europe.

L'ayant tenue éloignée de sa famille

tentes qu'ont à son égard Les ac-

pendant quatorze ans, elle s'est

teurs, producteurs, scénaristes, mu-

Racines culturelles coréennes

résolument Lancée dans La recherche

siciens et spectateurs, en partant

Après des débuts dans« His-

de ses origines culturelles coréennes

toujours du principe qu'il en va de la

toire de zoo », d'Edward Franklin Al-

et à cet égard, La révélation du monde

scénographie comme de La construc-

bee, Shin Sun-hi va mener de front,

en réduction que constitue La scène

tion navale, c'est-à-dire que ses

au cours du séjour qu· elle effectue à

théâtrale procédait, alors qu'elle

décors, comme les bateaux, doivent

New York de 1975 à 1982, une qua-

n'était encore qu'une collégienne,

remplir correctement Leurs fonc-

rantaine de projets faisant appel sous

d'une prise de conscience de ses

tions. Toujours désireuse d'appro-

différentes formes à La scénographie,

propres différences culturelles. Sa

fondir sa maîtrise des moindres as-

La peinture murale et La mode, ainsi

démarche professionnelle puisant

pects de la production, du moment

qu'aux arts textiles. De retour en

ainsi dans Les découvertes de

exact de l'entrée en scène de chaque

Corée, en revanche, elle s'adonnera

L'enfance, rien d'étonnant à ce que

acteur à celui de sa sortie, en pas-

exclusivement à La création drama-

L'aspirante dramaturge ait méticu-

sa nt

tique, mis à part son intervention en

leusement analysé chacun des

équipements de sonorisation, Les an-

1990 dans« Amorphe d'Ottenberg ».

scripts qui lui étaient proposés.

gles d'éclairage et Le champ de vision

par

l'emplacement

des

Si Shin Sun-hi s'est attaquée à

du public, elle relève elle-même Les

étapes les plus marquantes de sa

une œuvre théâtrale de la sorte, on

mesures de la scène et prend de

carrière ?

ne saurait en conclure que c· est dans

nombreuses photos de ses installa-

une volonté de domination, mais par

tions, y compris lorsqu'elle dispose

Dans ce contexte, quelles ont été Les

Sa scolarisation aux États-Unis

Automne 2006 1Korea na 33


Transcendant les barrières entre théâtre, musique et danse pour embrasser l'ensemble des arts du spectacle, Shin Sun-hi a toujours retenu l'attention du public par ses merveilleuses décorations scéniques.

déjà des plans architecturaux. Cette

cette œuvre à forte teneur spirituelle

couleurs et odeurs mêmes s'y impri-

analyse exhaustive des caractéris-

pour laquelle l'artiste s'est efforcée

ment profondément. La lecture d'un

tiques physiques de la scène confère

de réaliser un support scénique ca-

script m'évoque non des images con-

à l'art iste toute liberté dans une

pable d'évoquer le monde des esprits

crètes, mais de vifs souvenirs

création se nourrissant continuelle-

à un moment donné du spectacle et

soudain réapparus dont je ne prends

ment des scripts de ses divers spec-

seulement l'espace de quelques se-

jamais note tout de suite, car ce

tacles.

condes fugaces, dans le cadre de la

faisant, je me polariserais sur leur

nécessaire fonction d'interactivité en-

réalisation matérielle. Je me con-

Merveilleux décors scéniques

tre spectateurs et comédiens.

tente en fait de garder à l'esprit ces

À son retour en Corée, Shin

« Si le public ne prend cons-

fragments d'images tout en me lais-

Sun-hi commence par travailler sur

cience de l'e xistence d'une scène

sant porter par le fil de mes pensées

la scène de « Bicyclette » [1983). es-

qu 'après avoir laissé son esprit

et après en avoir assimilé le plus

pace qui se devait de représenter

s'ouvrir pour entrer dans l'univers

possible pendant environ deux mois,

avec réalisme le combat mené par

dramatique, celle-ci n'aura pas

j'en réalise la synthèse en deux jours,

une famille pour surmonter la

réalisé l'objectif qui était le sien et in-

puis je mets en place une nouvelle

tragédie qui la frappe depuis trois

versement, quand la scène révèle sa

variante scénique en y incorporant

générations et que l'artiste a conçu

présence au public, ce dernier

les éléments omis lors des pré-

sous forme circulaire pour rappeler

s'éloigne du champ dramatique·. Au-

cédentes créations, la confrontation

les innombrables tours d'une roue de

tant dire qu 'elle fait ici obstacle à

de ces deux versions successives

bicyclette. Fidèle à l'intention de son

l'art, alors qu'elle doit se contenter

débouchant sur le projet scénique

auteur, le dramaturge Oh Tae-seok,

d'attirer le public jusqu 'au monde

définitif. »

d'évoquer dans son œuvre le symbole

des esprits en ravivant ses lointains

du chemin, Shin Sun-hi a exprimé au

souvenirs. »

moyen de cette circularité les

Une telle conception de l'a-

La voie de l'enseignement

N'hésitant pas à af! irmer que

pensées qui passent par la tête du

ménagement scénique rejoignant

c· est le Tchèque Ladislav Vychodil qui

protagoniste tandis qu'il chemine.

celle du dramaturge et producteur

a le plus influencé son œuvre, Shin

Chez la scénographe, le monde ma-

Lee Youn-taek, le scénario a été mis

Sun-hi le présente comme le

gique de l'enfance apporte une com-

en œuvre en parallèle avec la scène

créateur d'espaces qui s'étendent à

posante mythique et féerique essen-

selon un processus que l 'artiste

perte de vue et où règne l'apesan-

tielle à la création de scènes propices

décrit en ces mots :

teur, lieux livrés à la vacuité et au si-

à la réflexion. Le concept scénographique de

« Tout en ne participant pas du

lence au sein d'un milieu naturel.

vécu immédiat, un souvenir donné

C'est à l'occasion d'un symposium

« Yeonsan, personnage probléma-

peut néanmoins temporellement

international d'art dramatique qu'elle

tique » [1996] est né de la vision d'une

coïncider avec des événements qui se

fait sa connaissance, lors d ' une

masure abandonnée et des émotions

déroulent au moment du spectacle

tournée de visites de deux ans qu 'elle

éprouvées dans une forêt de bam-

représenté sur scène. Les images qui

a entreprise en 1990 dans des

bou . Au souvenir de pareille atmos-

surg issent dans mon esprit sont par-

sociétés de production et des conser-

phère, voilà campé le décor idéal de

fois d'une intensité telle que leurs

vatoires en République Tchèque, Slo-

34 Koreana I Automne 2006


vaquie, Allemagne, Autriche, An-

pirées de contes traditionnels

gleterre, France, Italie et Grèce afin

coréens, certaines qui résultaient de

de s'initier aux pratiques scéno-

l'adaptation de pièces du répertoire

graphiques européennes . Pour

occidental, comme « La Tempête »

mieux s'imprégner de son art, elle

de Shakespeare, ou de réinter-

devient son élève car outre ses acti-

prétations de textes traditionnels

vités scénographiques, Ladislav Vy-

telles que « Bari », où un récit

chodil dispense aussi un enseigne-

d'exorcisme est dit par des jeunes

ment dans ce domaine.

filles d'aujourd'hui, font date dans

De retour au pays, Shin Sun-hi

l'histoire des arts du spectacle

occupera une chaire à l'Institut des

coréens. Dans cette première

compli devant un autel dressé près

arts de Séoul pendant six ans, travail-

création, la scène de l'arbre sacré il-

d'un ruisseau de montagne. Shin

lant à la définition de lignes directri-

luminé pour la cérémonie nuptiale et

Sun-hi aime à rappeler que c'est le

ces à l'intention des académies des

dissipant les animosités fraternelles

Théâtre public Joseph Papp de New

arts du spectacle et de scénographie.

marquera longtemps les mémoires

York, où elle a travaillé cinq ans, qui a

Par ailleurs, ses fonctions au

de sa dimension magistrale.

fait connaître mondialement le pro-

Secrétariat général de l'Association coréenne des artistes de théâtre lui

ducteur Richard Schechner et que la Une inlassable quête de renouveau

comédie musicale de renommée in-

permettront de constater l'important

Nul ne peut augurer pour l'heure

ternationale « A Chorus Line » a été

retard existant en matière culturelle

de l'orientation qu'adoptera Shin Sun-

créée par étudiants dans un entrepôt,

dans le domaine des arts du specta-

hi dans la gestion du Théâtre national

prouesses qui n· ont été possibles que

cle. C'est son désir de remédier à de

de Corée, mais d'aucuns prévoient

parce que la Ville de New York avait

telles lacunes qui allait la conduire à

qu'en partenariat avec la Compagnie

confié la. gestion de ses sept théâtres

accepter le poste de Directrice

nationale d'art dramatique, la Com-

au célèbre metteur en scène et pro-

générale de la Compagnie des arts

pagnie nationale de Changgeuk et

ducteur Joseph Papp, un destin

du spectacle de Séoul, puis à prendre

l'Orchestre national de Corée, elle

qu· elle rêve aussi de connaître.

la tête du Théâtre national de Corée.

mettra sur pied plusieurs spectacles

Une chose est toutefois certaine ,

Tout en assurant la gestion des

d'« akgamu », sur des scènes à ciel

c'est que tant qu'elle ne renoncera

affaires courantes relatives à cette

ouvert de petites à grandes dimen-

pas à se chuchoter à elle-même qu'il

première fonction, elle allait aussi se

sions dont l'atmosphère éthérée lui

lui faut« continuer à bien travailler»,

consacrer à la création scéno-

permettra de demeurer en commu-

comme elle a coutume de le faire sur

graphique, ainsi qu'à la rédaction et à

nion avec son art.

scène, et à y rester toujours la

la production de scripts, mais aussi à

Il se pourrait aussi qu· elle modi-

dernière jusqu'au lever du rideau,

la mise en scène de chorégraphies

fie cette scène pour la transformer en

nous pouvons être assurés de

traditionnelles de type « akgamu »,

un « sandae » traditionnel, c· est-à-

l'importance de sa contribution future

qui consistent en spectacles réunis-

dire une scène temporaire destinée

au rayonnement des arts du specta-

sant chant, théâtre et danse. Si les

aux spectacles de « sandaenori »,

cle coréens. 1..1

œuvres en étaient pour la plupart ins-

représentation issue d'un rituel acAutomne 2006 1Ko reana 35


N

ARTISAN

Chung Choon-mo Continuateur de la chapellerie traditionnelle au crin de cheval

ombre de pays sont associés à une coiffure de style particulier, tel le melon anglais ou le sombrero

mexicain, tout comme l'antique « gat » coréen . Portant aussi le nom d'« ipja » ou « heungnip » lorsqu'il était de couleur noire, cet accessoire composé de crin de cheval appartenait à la tenue réglementaire des hauts fonctionnaires de la dynastie Joseon [1392-1910) dont elle était le signe le plus apparent d'appartenance à cette catégorie sociale.

L' œuvre d'une vie entière Comme tout autre chapeau, le « gat » se devait

Coiffure caractéristique de l'époque Joseon, le chapeau en crin de cheval possédait alors une valeur plus symbolique que fonctionnelle et s'il a aujourd'hui disparu de la vie quotidienne, l'ouvrier chapelier Chung Choon-mo n'en poursuit pas moins l'exercice de l'art qu'il a fait sien.

évidemment d'abriter des rayons de soleil le visage de

Choi Tae-won Rédacteur occasionnel Seo Heun-kang Photographe

que la hauteur de la calotte et la largeur des bords évo-

celui qui le portait, mais cette fonction se doublait aussi d'une signification hautement symbolique dans une société régie par le confucianisme, à savoir celle d'un signe de reconnaissance de l'élite au pouvoir ainsi que de respect des convenances vestimentaires d'alors. Tandis luaient au fil du temps, la qualité de la doublure en chanvre variait selon la position soci.ale de son propriétaire, mais au milieu de la dynastie, l'ensemble se figea en un style propre à représenter les dignitaires de l'élite sociale et intellectuelle des « yangban ». Aujourd 'hui, il est à déplorer que contrairement aux coiffures toujours en usage dans d'autres pays, le « gat » soit cantonné aux musées d'histoire ou feuilletons télévisés historiques et pour ainsi dire absent de la vie quotidienne. On imagine sans peine combien cet état de choses chagrine Chung Choon-mo, qui toute sa vie s'est consacré à la chapellerie de tradition . « Dans la vie moderne, les costumes de jadis ont cédé la place à des tenues à l'occidentale et les hommes ayant abandonné le chignon, le « gat » a disparu », rappelle-t-il. « Lorsque j'ai débuté dans le métier, une certaine demande existait encore. À Daegu, où j'étais entré au pensionnat après le collège, les maîtres chapeliers Go Jae-gu et Jean Deok-gi vivaient sous le même toit et fabri-

Sous la dynastie Joseon, le « gat » symbolisait l'érudition et le raffinement des gentilshommes.

quaient le « gat » de Tongyeong. J'ai d'abord effectué de petits travaux pour eux, ce qui m'a permis par la suite de faire mon apprentissage ».

Réalisation en trois étapes C'est à cette même coiffure , qui représente depuis toujours une des variantes les plus raffinées désignée du 36 Koreana I Automne 2006



nom de la ville voisine, que Chung Choon-mo a voué toute son énergie et si on l'interroge sur les raisons d'un tel succès, l'homme entame un long récit commençant au milieu de la dynastie Joseon, lorsque trois îles établirent dans cette région le quartier général de leurs forces navales, dit Samdosuguntongjeyeong . Afin de favoriser l'essor économique local, son premier commandant en chef, qui n'était autre que l'amiral Yi Sun-sin, développa l'artisanat sur l'île de Hansando dont douze ateliers se déplacèrent par la suite jusqu'au centre de l'agglomération de Tongyeong, notamment l' « ipjabang », le« somokbang » et le « yangjabang » où se fabriquaient respectivement les chapeaux en crin de cheval, les fournitures de bureau, le mobilier en bois et les pièces de fonderie. Les artisans y acquéraient tout un savoir-faire en produisant du matériel militaire et des articles ménagers destinés, pour l'un, à l'approvisionnement des armées et pour les autres, à celui de la population, ainsi qu'au versement du tribut au roi . Ainsi se forgea la renommée de qualité exceptionnelle du « gat » de Tongyeong . La fermeture de la commanderie navale allait entraîner un déclin artisanal touchant aussi la chapellerie, mais grâce à une poignée d'hommes du métier qui s'employèrent dès lors à en perpétuer la tradition, celle-ci allait, en 1964, être classée Important bien culturel immatériel n° 4, cette distinction revenant aussi à ses trois maîtres Go Jae-gu, pour la réalisation de la calotte en forme de verre inversé, Mo Man-hwan, pour celle des bords et Jean Deok-gi, pour l'ass·emblage de ces deu x éléments . Cette triple récompense s'e xpliquait par l'interven_tion d'un spécialiste correspondant à chaque étape de la fabrication, à savoir le tissage du crin prélevé sur la queue ou la crinière en une calotte appelée « chongmoja » , puis celui des lanières de bambou extrêmement fines composant les bords, les « yangtae », et enfin, le montage de la calotte et des bords que désigne le terme« ipja ». Ce procédé traditionnel se décompose en cinquante et une opérations minutieuses qui demandent tout autant de dextérité les unes que les autres, à raison de vingt-quatre pour l'exécution des bords, dix-sept pour celle de la couronne, puis les dix dernières pour la réunion de l'ensemble et si une égale méticulosité est requise à chaque étape, la réalisation des bords s'avère la plus longue et complexe des trois.

Emblème du gentilhomme Si la chapellerie traditionnelle au crin de cheval fait ainsi appel au savoir-faire de trois artisans différents, alors comment Chung Choon-mo peut-il exercer seul ? La raison en tient aux infortunes du « gat » par ces temps de modernité. Quand, au début des années

soixante-dix, s'amorce la baisse de son usage, l'artisan de la princi-


La fabrication traditionnelle d'un chapeau en crin de cheval exige une grande habileté tou au long de ses cinquante et une opération successives, notamment le tissage de la fibr et des fines lanières de bambou.

pale ville qui en faisait le commerce la quitte pour s'en revenir à Tongyeong et sous la direction de ses maîtres, se forme aux aspects les plus difficiles du métier. Alors que les ouvriers d'autrefois disparaissent un à un et que la jeune génération manifeste peu d'intérêt pour une profession

à l'avenir peu prometteur, le chapelier s'est vu contraint d'acquérir la maîtrise des cinquante et une opérations de fabrication afin de pouvoir exécuter l'ensemble du procédé et que se perpétue la tradition du « gat » de Tongyeong. « Il arrivait que les « yangban » de Joseon soient vêtus d'oripeaux, mais jamais ils n'auraient porté de vieux chapeau car c'était une question de dignité personnelle et la coiffure importait plus que le reste de l'habillement. Ces nobles se devaient par ailleurs de ne pas accueillir leurs visiteurs tête nue puisque l'élégant « gat » était symbole d'érudition et de raffinement », explique l'artisan. Ayant lui-même passé le plus clair de ses jours à cette fabrication au crin , il ne peut s· empêcher de s· émerveiller aujourd'hui encore devant les réalisations d'antan en se demandant comment la main de l'homme a pu donner le jour à d'aussi délicats chefs-d'œuvre où le tisseur mettait tout son cœur en vue d'une exécution parfaite tandis que le monteur veillait à chaque détail. À l'inverse, il va de soi qu'il éprouve une véritable aversion pour les pièces en matière plastique issues de la production de série et à propos de celles qui apparaissent dans les feuilletons historiques télévisés, il est de l'avis suivant:« Le« gat » n'a jamais été un symbole de luxe ni d'autorité et il a certes subi des modifications au cours du temps, mais à aucune 1, 2 Chung Choon-mo tisse des lanières de bambou extrêmement fines qui composeront les bords du «

3

4

gat

»

dits

«

yangtae

».

En raison de la complexité et de la minutie caractérisant la fabrication de ces « gats » entièrement faits main, Chung Choon-mo n'en produit aujourd'hui que dix par an. Sur ce tableau de mœurs du XIX' siècle intitulé « Coutumes de Gisan », les deux sujets assis au centre sont occupés à tisser un « gat ».

époque il n'a été aussi grand, car il n'aurait pas été d'un port agréable ». En raison de son caractère peu fonctionnel, le« gat » est tombé en désuétude et le maître ouvrier n'en fabrique qu'une dizaine par an, mais il importe de ne pas enfermer ce symbole de la fière dynastie Joseon dans une vitrine de musée.

L;t

Automne 2006 1Koreana 39


CHEFS-D'ŒUVRE

L'« INWANGJESEAKDO » UN PAYSAGE PLUS VRAI Q!JE NATURE DU PEINTRE JEONG SEON Modèle d'authenticité de la peinture paysagère, cette vue du Mont lnwangsan après la pluie rend admirablement le spectacle de la brume sur cette hauteur et sa vallée environnante. Choe Wan-soo Chercheur au Musée d'art Gansong

D

ans ce berceau spirituel de l'école de Yulgok qu·est

Sacheon, succédèrent de nouvelles générations avec pour

le quartier séoulien de Jang-dong délimité par les

chefs de file Jeong Sean et Jo Yeong-seok [1686-1761).

monts lnwangsan et Bugaksan, vécurent les érudits Song

Au sein de ce courant artistique, les liens d'amitiés qui

lk-pil [1534-1599) et Sin Eung-si [1532-1585). au bas du

unirent Yi Byeong-yeon, l'une des meilleures plumes en

versant sud de ce dernier, ainsi que Seong Hon [1535-

poésie, à Jeong Sean, maître incontesté de la peinture

1598). sur sa face ouest, tandis que grandit au pied du pre-

paysagère, firent déclarer qu'ils ne formaient qu'une seule

mier Jeong Cheol [1536-1593). natif du village d'Ogin-dong,

et même âme logée dans deux corps différents. C'est le 29

tous appartenant à la première génération d'artistes qui

mai 1751 que disparut le premier à l'âge de quatre-vingt-

adopta ce style et fut su ivi e d'une deu xième, puis d'une

un ans, laissant ici-bas le fidèle ami de cinq ans son cadet

troisième représentée par les frères Kim Sang-yang

dont la pùissante œuvre intitulée « lnwangjesaekdo »

[1561-1637). Kim Sang-heon [1570-1652). Cho Hui-il [1575-

[éclaircie au Mont lnwangsan après la pluie) allait traduire

1638) et Cho Bang-won [1608-16911. lesquels passèrent

le grand chagrin qu'en éprouva son auteur. Une inscription

également leur enfance sur les lieu x.

attribuée à ce dernier a permis de dater le tableau à la fin mai 1751, époque à laquelle se produisit le décès et laisse

L'EXPRESSION D'UNE PWNTE

penser qu'il souhaita l'achever avant celui-ci.

Du vivant de Jeong Sean, qui se faisait connaître sous

Le tableau dépeint le point de vue qu· offre du lointain

le pseudonyme de Gyeomjae [1676-1759). les disciples de

Mont lnwangsan un pont situé sur le Mont Bugaksan de

l'école ph ilosophique Yulgok, tout imprégnés de néo-con-

plus grande altitude et, par l'agrandissement du champ de

fucianisme, l'idéologie dominante sous la dynastie Joseon,

vision jusqu'à la demeure de Yi Byeong-yeon située au pied

s'appliquèrent à répandre un genre artistique spécifique-

du second, semble vouloir pérenniser le souvenir des mo-

ment coréen dit « jingyeong », c· est-à-dire, littéralement,

ments agréables que l'artiste y passa aux côtés de son

« vue authentique », dans les domaines de la poésie, de

ami.

la peinture paysagère du même nom et de la calligraphie

Celle du peintre lui-même y figure aussi, au bas du

de style « donggukjincheseo ». Aux précurseurs de cette

Mont lnwangsan , à l'inverse de quelques autres maisons

nouvelle forme d'expression culturelle que représentèrent

que comptait alors le quartier de Jang-dong et que dis-

Kim Chang-heup [1653-1722) et ses frères, ainsi que Yi

simule ici un voile de brume, discrète allusion à l 'affinité

Byeong-yeon [1671-1751). qui avait pour nom d'artiste

entre les deux hommes.

40 Koreana I Automne 2006


« lnwangjesaekdo » !Éclai rcie au Mont lnwangsan après la pluiel. Trésor national n° 216, Musée d'art Ho-Am. Ces reliefs accidentés en gran it blanc semble nt plus vrais que nature.

Automne 2006 1Koreana 41


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« Geumgangjeondo » [Vue panoramique du Mont Geumgangsan) réalisé en 1734.

Encre sur papier, 130,7 x 94,1 cm , Trésor national n° 217, Musée d'a rt Ho-Am. Dans ce tableau de maître, les cimes enneigées ont été rendues avec réa lisme au moyen de coups de pinceau verticaux.

42 Koreana I Automne 2006


Sur cette magnifique œuvre paysagère, le peintre Jeong Seon, par un jeu de perspectives, crée un effet de distance du haut en bas de la montagne et inversement, de proximité, l'observateur, comme projeté

à l'intérieur du tableau, ayant ainsi l'impression de

voir se dérouler le relief sous ses yeux.

À l'époque à laquelle il exécuta ce chef-d'œuvre avec la volonté de lui conférer pour partie une dimension sym-

l'humidité imprégnant la couverture végétale et la ligne de crête du Mt. lnwangsan après la pluie.

bolique de leur amitié, Jeong Seon avait atteint un haut

La postface du tableau étant conservée isolément, il

niveau de maîtrise du style « jingyeong » se manifestant

est à espérer qu· elle sera un jour réunie à celui-ci afin de

ici par un travail à petites touches rapides et témoignant

reconstituer l'ensemble qu'ils formaient à l'origine . Ce

du savoir-faire acquis tout au long de sa carrière, comme

texte, dont l'historien d'art Go Yu-seop (1905-1944] affir-

dans ces rochers de granit blanc d'lnwangsan entièrement

mait qu'il avait été adjoint à l' œuvre en 1802, à la mort de

exécutés à l'encre indienne avec tout autant de finesse que

Sim Hwan-ji (1730-1802]. plus connu sous le nom de Man-

de réalisme .

po, est rédigé comme suit : « Le Mont Samgaksan, ancienneme·nt Bukhansan, est détrempé par l 'averse

LA PEINTURE PAYSAG'RE DE STYLE « JINGYEONG » De son travail à Jang-dong, Jeong Seon avait appris

répandue par les nuages printaniers ; la verdure de di x mille pins enveloppe la maison dont l'occupant peint et écrit des poèmes, assis dans cette forêt brumeuse. »

par tâtonnements que la technique dite « swaechalbeop »,

Le collectionneur d'art Sim Hwan-ji éprouvait une

qui consiste à étaler le pinceau à longs traits sur une sur-

telle passion pour l' œuvre de Jeong Seon qu'il en avait ac-

face plane, permettait une restitution fidèle du granit des

quis les principales pièces pour la plus grande satisfaction

rochers et il allait mettre à profit ces procédés lentement

de l'artiste, ainsi qu'un album de peintures, le

</ Gyeong-

affinés pour réaliser une œuvre maîtresse dans l'espoir

gyomyeongseungcheop » aujourd 'hui exposé au Musée

d'en partager l'image avec son ami dévoué avant qu'il ne

d'Art Gansong. Un tel attachement au x créations de

quitte ce monde. Reliefs et forêts y sont dépeints assez

l'artiste explique ainsi la rédaction d'une postface que ses

succinctement en mettant plutôt l'accent sur les saillies

descendants allaient eux-mêmes conserver dans la sépul-

rocheuses de granit, ainsi que sur les pins et autres ar-

ture familiale et qui représentait vraisemblablement pour

bres, représentés avec force détails, qui bordent la maison

eux non tant une merveille de l'art calligraphique qu'un

de Yi Byeong-yeon, communément appelée Chwirokheon.

éternel emblème du véritable amour que vouait leur

Sa façon particulière de retoucher une surface peinte de

ancêtre à ce chef-d' œuvre paysager plus vrai que nature

nombreu x coups de pinceau avant même que la première

dû au peintre Jeong Seon. t:.t

couche n'ait séché participait d'une subtile évocation de

Automne 2006 1 Koreana 43


CHRONIQUE ARTISTIQUE

Une autre vision de l'Asie, celle du Francais Paul Jacou let, artiste graveur sur bois I

Du 21 avril au 4 juin dernier s, le Musée national de Corée permettait de découvrir l'Asie sous de nouvelles couleurs dans une série d'estampes signées de Paul Jacoulet. Cho Eun-jung Professeur à l' Université des scie nces des entrepr ises et de l'i nfor mation de Séou l Ph otog rap hie: Mu sée national de Corée

44 Korean a I Automne 2006


C

·est au tournant du siècle, en 1899, que

pective de ['Occidental vis-à-vis du Japon et de

Frédéric Jacoulet s'embarque pour le

l'habitant de ce pays dans son rapport à

Japon en compagnie de son épouse Jeanne et

l'empire colonial d'Asie, c'est-à-dire que, d'un

de son fils Paul (1896-1960]. alors âgé de trois

certain point de vue orientaliste, il s'agissait à

ans, pour prendre possession de la chaire à

l'évidence d'un expatrié portant sur l'Orient le

laquelle il a été nommé à l'Université des

regard d'un Occidental et sur les autres pays de

Études étrangères de Tokyo, où ils séjourneront

la région, celui du résident de la superpuissance

plus longtemps que prévu. En se greffant à son

d'alors, une telle optique ne pouvant que pro-

identité française , la culture et l'histoire de ce

fondément marquer son œuvre.

pays façonneront la personnalité de l'enfant qui

L'étranger qu'il demeure néanmoins tra-

y grandit et acquiert une bonne maîtrise de la

versera une époque mouvementée lors de la

langue. Dès 1920, il occupe un poste à l'Ambas-

Seconde Guerre mondiale, mais à l'arrêt des

sade de France à Tokyo tout en poursuivant

hostilités, il pourra à nouveau monter une expo-

l'étude des beaux-arts qui formera son sens

sition par faveur de l'administration militaire

artistique. À la mort de Frédéric Jacoulet, en

placée sous l'autorité du Général Douglas

1921, sa veuve demeurera au Japon où elle

MacArthur, lequel fait ainsi la découverte de ses

épousera plus tard un médecin japonais qui en-

estampes, de même que le Général Matthew

seignera par la suite à l'Université impériale de

Bunker Ridgway et Sa Majesté la reine Elizabeth

Keijo, l'actuelle Université nationale de Séoul, et

Il d'Angleterre, contribuant ainsi à leur diffusion

sa femme le suivra dans cette ville, laissant

dans le monde occidental et non plus seule-

Paul à Tokyo.

ment auprès des étrangers en visite. Lorsque Paul Jacoulet succombe au diabète en 1960, il jouit déjà d'une grande renommée d'artiste

Un Occidental en Extrême-Orient

Effectuant cinq séjours à Séoul jusqu'au

graveur.

décès de sa mère, qui survient en 1940, et réalisant même une première exposition

Une production méthodique

d'estampes en 1936, Paul va ressentir un at-

Si le Musée national de Corée a fait l'acqui-

tachement croissant pour ce qui était alors une

sition des œuvres de Paul Jacou let dans ces cir-

colonie japonaise et dont la découverte cons-

constances, c· est parce que ce dernier avait pris

tituera une inépuisable source d'inspiration

à son service un r~ssortissant coréen vivant au

pour l'artiste graveur. Il partira aussi pour la Mi-

Japon pour le seconder dans la gestion de ses

cronésie à la recherche de nouveaux spécimens

activités et que, resté toute sa vie célibataire, il

de papillons, s'intéressant aussi à la vie des

en avait adopté la fille afin de lui léguer

populations

diffère

l'ensemble de ses biens, notamment les cent

considérablement, ainsi que son climat, de ceux

soixante estampes dont elle fit elle-même par

du Japon, de Corée et de Chine en dépit de la

la suite la donation. Dans le cadre des manifes-

situation orientale de cette région . Fils d'un uni-

tations proposées à l'occasion du cent vingtième

versitaire venu enseigner la langue et la civilisa-

anniversaire de l'établissement de ses relations

tion occidentales au Japon et résidant dans ce

diplomatiques avec la France, la Corée allait

pays dont il avait le statut de ressortissant, le jeu-

décider d'organiser une exposition offrant une

autochtones

qui

ne homme n'en explorait pas moins d'autres

rare possibilité d'admirer les œuvres d'un

régions d'Asie telles que la Corée alors colo-

artiste étranger à peine connu pour les voyages

nisée.

qu'il effectua occasionnellement dans le pays à

Sa nationalité française et son enfance passée au Japon lui confèrent la double pers-

l'ère moderne. Ayant manifesté un talent particulier dès Automne 2006

1Koreana 45


l'âge de onze ans, c'est à trente-cinq qu'il s'était initié à l 'art de la gravure auprès du grand maître Shizuya Fujikake, en 1931, pour voler de ses propres ailes deu x ans plus tard en fondant son« institut » qui n'était autre que l'atelier où il travailla sans relâche à des œuvres telles que la série des « Arcs-en-ciel » datant de 1934. Fruit d'un travail en équipe entre des artisans hautement qualifiés, la production y mettait en œuvre des procédés très méthodiques pour la réalisation des esquisses, la peinture à l'aquarelle, leur transformation en gravures multicolores et l'impression finale d'images alliant une parfaite exécution technique à une grande subtilité de couleurs. Cette organisation rationnelle voulait en outre que graveur et imprimeur inscrivent leur nom sur la tranche des planches à graver, ainsi que celui de tout autre intervenant. Le tracé et la finition des esquisses étaient suivis de la peinture à l'aquarelle dont Paul Jacoulet présentait le résultat au graveur ou« horishi » en vue de la fabrication des planches utilisées par le « surishi », à savoir l'imprimeur, pour les reproduire sur du papier. Chaque œuvre ainsi réalisée faisait l 'objet d'une inspection minutieuse à laquelle succédait un contrôle final de sa qualité par l'artiste, qui y apposait sa signature et son sceau en guise d'agrément. Tout en garantissant une haute qualité d'exécution technique, ces procédés se ressentaient des pratiques et mentalités extrêmement figées des graveurs et imprimeurs, dont Paul Jacoulet lui-même qui 1

Papillon tropical», 1939. Paul Jacoulet a passé la plus grande partie de sa vie en Asie. mais a aussi parcouru la Micronésie à la recherche de spécimens de papillons. 2 « Vent du Nord», 1953. Toutes les gravures de l 'a rtiste comportent des stéréotypes occidentaux de l'Orient tels que scènes exotiques . couleurs vives, motifs gracieux et su1ets en costume traditionnel «

avait été formé à l'art traditionnel japonais du « ukiyo-e » ainsi que les autres ouvriers participant à cette production. Il en résultait naturellement une esthétique spécifiquement japonaise dans ses lignes et son chromatisme concourant à des œuvres situées dans la continuité de ce style par leur procédé de gravure ou d'impression, mais en différant toutefois par une représentation des sujets humains asiatiques trahissant l'origine occidentale de leur auteur. Ainsi, la stricte supervision qu'il

46 Ko rea na I Au tomne 2006



Si l'œuvre gravée de Paul Jacoulet se caractérise par son originalité tant thématique que chromatique, sa représentation de la Corée et d'autres pays d'Asie dénote toujours l'orientalisme propre

à son époque.

« Bijoux » , 1940. L'affection particulière qu'éprouvait Paul . Jacoulet pour la Corée. où sa mère vécut après son second mariage, se traduit par la récurrence de cette figure nationale dans ses oeuvres. 2 « Danse d'Okesa », 1952. La production de Paul Jacoulet a fortement subi l'influence de l'art japonais de l'estampe. 3 Dernièrement. une exposition offra it la rare possibilité d'admirer les oeuvres d'un artiste dont on se souvenait à peine par ses origines étrangères et d'occasionnels voyages dans la Corée moderne.


s'imposa à toutes les étapes de la production

filial s'exprimant dans la correspo ndance des

ne put empêcher que ses origines influent sur

enfants avec leurs parents, de jolies femmes

celle-ci.

aux longues robes flottant dans le vent (« Vent du Nord, Corée » 1953) ou de paysans se re-

Une esthétique coréenne sous des dehors

posant allongés dans l 'herbe (« Tempête du

d'universalité

Cœur, Corée » 1948). autant de figures sans

Alors que les gravures de l'artiste se ca-

commune mesure avec la réalité puisqu 'elles

ractérisent par la présence d'éléments décou-

procèdent d'une vision japonaise du pays et de

lant de stéréotypes occidentaux de l'Orient tels

sa population .

que scènes exotiques, couleurs vives, motifs

Sur la carte postale en noir et blanc qui

gracieux et costumes traditionnels , elles n ·en

représente le couple ayant servi de modèle à

constituent pas moins une importante

la double composition intitulée « Le marié »

référence permettant une meilleure com-

et « La mariée », la femme qui y porte robe

préhension de l'art contemporain coréen, eu

et diadème de cérémonie est en réalité une

égard à la rareté des œuvres modernes abor-

« gisaeng », c'est-à-dire une courtisane

dant des thèmes nationaux par comparaison à

d'alors, comme en faisaient figurer les Japo-

ceu x de la Chine ou du Japon. Elles pêchent

na is sur les photograph ies de ce type et les af-

toutefois par une représentation peu fidèle des

fiches à vocation touristique .

physionomies traduisant manifestement un cer-

La réalisation d'une gravure sur ce modèle

tain manque d'observation qui peut surprendre

atteste d'une vision féminisée de la Corée sous

chez celui qui se rendit maintes fois en Corée et

l'influence des origines de l 'artiste dont les

qui en dépeint pourtant les habitants soit avec le

œuvres, aussi parfaites soient- elles sur le plan

long nez, les yeux enfoncés sous arcades et les

technique, font apparaître personnes âgées,

deux paupières supérieures du type caucasien,

femmes et jeunes campagnards sous les traits

soit à l'i mage de Japonais au visage étroit et aux

d'hab itants de l 'As ie du Sud-Est, cantonnant

yeux très bridés.

ainsi leur auteur à un orientalisme contempo-

Pour Paul Jacoulet, la Corée était le pays

rain, mais ne laissent pas de toucher le cœur

d'aimables vieillards nourrissant de jeunes hi -

des Coréens par leurs exquises compositions,

rondelles(« Le Nid, Corée » 1941). de l'amour

ainsi que leur débauche de détails et couleurs si typiques.

t.;t

Automne 2006 1 Koreana 49


ÀLADéCOUVERTEDELACORéE

La laque, un revêtement à base d'essences naturelles Suscitant actuellement un regain d'intérêt en raison de sa composition naturelle qui en fait un revêtement écophile sous forme de peinture ou vernis, la laque a engendré en Corée une riche tradition artisanale dont le savoir-faire ancestral a évolué au fil du temps. Chung Hae-cho Professeur à l·Université Pai Chai , spécialiste del°« otchi l » Directeur du Centre d·art de la laque décorative« otchil » Seo Heun-kang Photographe

L

·origine du « Toxicodendron Ver-

possédant un climat, un

niciflua », ce sumac ou arbre à

relief et un sol tout à fait

laque d'Extrême-Orient, a longtemps

propices à sa culture, cette

été entourée de mystère en Corée car l'époque et les circonstances de son introduction restent impossibles à déterminer, mais le succès de sa sève ne s'est pas démenti à

essence y pousse en abondance et produit une sève de grande qualité. Ses feuilles caduques changent

travers les âges, notamment dans l'artisanat où elle s'est

de couleur en automne et tombent en hiver,

prêtée à de remarquables fabrications après que les an-

la floraison se produisant en mai et juin, suivie

ciens eurent mis au point d'exceptionnels procédés dont le

de la fructification en octobre et novembre. À

riche apport allait participer de l'essor des arts et cultures

l'âge adulte, la cime de l'arbre culmine à plus

de Corée.

de vingt mètres et son tronc atteint un mèt~e de circonférence. Une préparation alcoolisée

Précieuse essence

où auront macéré ses fleurs jaune vert fournira

L'arbre à laque d'Extrême-Orient croît sur des sols

un excellent tonique tandis que les baies brunes

fertiles bénéficiant d'un généreu x ensoleillement, d'une

apparues à l'automne permettent de confec-

bonne oxygénation et d'un drainage adéquat. Il se multiplie

tionner plusieurs autres boissons et que la cire

à partir d'une graine devenant un arbrisseau qui, en vue de

qui revêt sa ramure sert à la fabrication de bou-

sa transplantation, peut soit fournir des boutures sous

gies, cosmétiques et médicaments.

forme de fragments de racines ou de pousses plantés en

Au printemps, vient le temps de la cueillette

terre, soit en recevoir des branches d'un arbre adulte pour

des pousses, qui se consomment comme frian-

mieux se développer, ces opérations étant réalisées, dans

dises. En outre, le feuillage renferme une teinture

la plupart des cas, un an après la germination. Au terme

naturelle et l'écorce, qui entre même dans la

d'une croissance rapide et bien maîtrisée de deux ou trois

composition de préparations culinaires à base de

années, il atteint déjà une taille qui permettra d'en récolter

poulet, peut servir de fourrage, une fois broyée .

la sève pas plus de cinq ou sept ans après. La Corée

Par sa légèreté et l'esthétique de ses motifs, enfin,

50 Korea na I Automne 2006



r 1 À chaque nouvelle couche, la laque acquiert un aspect toujours plus translucide. 2 Service à thé de Son Sun-joo, 700 x 120 x 73 mm 3 « Humain » de Lee Ki-sang, 200 x 120 x 270 mm 4 « Festival estival » de Jun Yong-bok. Par la translucidité et la vivacité de couleur qui lui sont propres, la laq ue a donné naissance à un nouvel art de la peinture.

le bois se prête bien à la fabrication des meubles, sa soli-

présentant alors comme une émulsion grisâtre au goût

dité et sa bonne étanchéité le destinant aussi à celle de

sucré mais astringent, qui, une fois à l'air libre, vire au

flotteurs destinés à la pêche.

brun puis se solidifie en séchant. Elle se compose pour

Merveilles de la sève

teneurs respectives sont d'environ 60 à 80%, 10 à 30%, 3 à

l'essentiel d'urushiol, d'eau, de résine et d'azote dont les Ce qui fait plus que tout apprécier le sumac, c· est son énigmatique sève dénommée « ot » en coréen, qui

8% et 1 à 3%, celle du premier étant essentielle à la qualité d'ensemble.

s'obtient en pratiquant dans l'écorce une incision d'où

La sève brute, que désigne le terme coréen « hwang-

s'écoule un latex d'aspect laiteux se solidifiant au contact

michil », contient aussi des impuretés telles que frag-

de l'air. Le produit ainsi récolté est bien adapté à des appli-

ments d'écorce et particules de poussière, outre que la

cations telles que la peinture ou le vernissage de nom-

consistance doit en être modifiée aux fins d'un durcisse-

breux objets, ainsi qu'à la fabrication de colle à bois, mais

ment adéquat, à savoir ni trop rapide, ni trop lent. À cet ef-

aussi à diverses préparations pharmaceutiques aux effets

fet, il lui faudra subir des opérations de raffinage la ren-

respectivement anti-hémorragiques, analgésiques pour

dant apte à l'emploi comme peinture ou vernis et permet-

soigner les douleurs menstruelles, anti-infectieux, anti-

tant l'obtention du produit dit« jeongjechil », « jeong-

cancéreux, anti-traumatiques et vermifuges contre l'anky-

jechil », lequel se décline en différentes qualités que sont

lostome.

le « saengchil », le « heukchil » et le « tumyeongchil »

C'est lorsque le sumac atteint huit ou dix ans et mesure environ dix centimètres de diamètre que la sève peut en être récoltée sur le tronc et les branches, se

52 Koreana I Automne 2006

respectivement naturel, noir et transparent, avec des dizaines de variantes adaptées à des emplois spécifiques. L'obtention du « saengchil » résulte de l'élimination


Automne 2006 1Koreana 53


Particulièrement appréciée pour sa souplesse d'emploi, la laque rehausse la beauté naturelle des objets et surfaces de bois qui en sont enduits par son aspect translucide et la délicatesse de ses coloris uniques en leur genre.

Revêtement naturel, écophile et non toxique doté d'une exceptionnelle ad hésivité, la laque est adaptée à l'usage sur tout type de support. 2 Laques divers démontrant la souplesse d'emploi d' un matériau qui embellit les objets de ses lueurs et touches de couleurs.


des impuretés présentes dans la sève brute, à laquelle fait

Grâce à un désinfectant naturel présent dans·la sève dont

suite l'épaississement de la consistance par évaporation

il est issu, les surfaces laquées sont exemptes de moisis-

de l'excès de liquide. Intervient alors un second raffinage,

sures et tiennent à l'écart papillons de nuit, termites et

suivi de l'adjonction des colorants, catalyseurs et autres

autres insectes, tout en s'avérant d'une grande durabilité.

additifs dans des proportions qui varient selon l'emploi

Les finitions ainsi réalisées présentent en outre une résis-

recherché et décident de l'aspect noir ou transparent des

tance élevée aux produits chimiques, à la chaleur, au feu, à

« heukchil » et« tumyeongchil ». D'une excellente

l'eau, au pourrissement du bois, à la salinité et à l' électri-

qualité, ce dernier permet la fabrication de peintures aux

cité statique. Agréable au toucher, la laque rehausse la

multiples coloris en association avec les pigments

beauté propre aux objets et surfaces des reflets translu-

adéquats. C'est le terme générique d'« otchil » qui en-

cides et délicats coloris qui sont ses signes distinctifs.

globe ces différents produits dont il convient de noter qu'il

C'est cette élégance tout à la fois recherchée et simple qui

s'agit de peintures entièrement naturelles, écophiles et

explique l'engouement suscité par les laques.

non toxiques, outre que leur parfaite adhérence les rend

De même qu·or, argent et diamants semblent bien

d'un emploi très souple en peinture, ainsi que pour le

ternes lorsqu'ils remontent des profondeurs du sol et ne

vernissage de matières et surfaces en tout genre. Enfin, ils

révèlent toute leur splendeur qu'après avoir été

comportent des conservateurs d'origine exclusivement

soigneusement raffinés et travaillés, la sève jaillissant du

naturelle et sont bien adaptés aux usages décoratifs par la

sumac d'Extrême-Orient n'est rien d'autre qu'une subs-

large gamme de tons qu'ils produisent moyennant

tance visqueuse tant que la main de l'homme ne l'a pas

l'adjonction des pigments correspondants.

transformée en un parfait revêtement par des procédés

Un matériau polyvalent

tradition artisanale brillant d'un éclat sans pareil.

ancestraux dont la variété se reflète en Corée dans une t;t

En Corée, nombreuses sont les applications de l' « otchil » non seulement en peinture, mais aussi dans la décoration murale et la fabrication d'objets artisanaux.

J un Yon g- b o k

ouand l'artisa nat s'élève au ran 9 d'un art contemporain

Le mot« Japan » ne désigne pas

dans ce domaine, le Musée d'art lwayama Urushi situé da ~s la

seulement un pays voisin de la

préfecture dïwate, et son nom est souvent accompagné de

Corée, puisque le terme« japan-

mentions honorifiques telles que« le grand ». Si sa notoriété a

n in g » s'emploie en anglais

précédé celle qu'il connaît aujourd'hui dans son propre pays, il

dans le domaine de la laque,

ne s'enorgueillit pas moins d'être avant tout « artisan laqueur

dont cette nation est considérée

coréen » et le nom même de sa galerie associe ceux de la

terre d'élection. Riche de dix-

préfecture nippone et de sa ville natale de Susan, dont la se-

huit années d'expérience, le

conde syllabe « san », signifiant montagne, se lit « yama » en

Coréen Jun Yong-bok figure au-

japonais.

jourd'hui parmi les plus grands

Lors du sommet de l'APEC (Coopération économique Asie-

artisans laqueurs de ce pays aux traditions mondialement con-

Pacifique] qui se déroulait à Susan en novembre 2005, une ex-

nues.

position a été consacrée aux laques de Jun Yong-bok afin de

L'homme a acquis sa renommée lors de la restauration du

faire connaître cet aspect de la culture traditionnelle coréenne

Meguro Gajoen, une salle classée au nombre des Trésors na-

aux chefs d'Etat qui y assistaient. L'a rtiste a produit à ce jour

tionaux japonais par la richesse des laques qu'elle renferme,

quelque dix mille pièces et transmis son savoir-faire à plus de

ainsi que pour la création de la plus grande galerie au monde

deux mille quatre cents étudiants japonais.

Automne 2006 1 Koreana 55


À l'occasion du Gala 2006 des Benais de la danse, Kim Joo-won s'est vu décerner le Prix de la meilleure ballerine, une distinction souvent qualifiée d'Oscar de l'art chorégraphique et qui devrait lui servir de tremplin pour faire son entrée sur les scènes mondiales. Jang Gwang-ryul Critique de danse Photographie : Compagnie nationale de Ballet de Corée, Ahn Hong-beom

56 Korea na I Automn e 2006


R

appels en fin de rideau, évolution

tigieuse manifestation qui se déroule

représentait en soi un immense hon-

sous le puissant éclairage des

chaque année dans la capitale russe a

neur », confie-t-elle.

projecteurs et tempêtes ·d'applau-

pour vocation de récompenser les

dissements sont autant d'éloges grati-

danseurs des troupes de renommée

fiants ·pour une danseuse étoile, mais

mondiale par la remise d'« Oscars du

Si le monde du ballet coréen

la gloire a pour autre facette le com-

ballet », comme cela a été le cas

avait appelé de tous ses voeux la

Le feu sacré

bat acharné et incroyablement dur

cette fois de Kim Joo-won, lauréate

remise du prix des Benais à sa

que doit mener l'artiste contre lui-

ex-aequo avec Yekaterina Kondauro-

vedette Kim Joo-won, cet espoir était

même, à l'image de Kim Joo-won,

va, de la Compagnie de Ballet Mariin-

tempéré par une réalité qui ne lui of-

danseuse étoile depuis déjà dix ans au

sky, du Prix de la meilleure ballerine

frait que très peu de chances de

Ballet national de Corée où se sont

équivalant à celui de la meilleure ac-

· s'imposer à l'international, à savoir le

succédé quatre directeurs au cours

trice dans le septième art. Par-delà la

rayonnement pour le moins limité de

de la même période. S'il est un en-

réussite personnelle de la première

la danse coréenne et les spectacles

seignement qu'elle a tiré de ses in-

danseuse du Ballet national de Corée,

assez rares du Ballet national à l'étranger.

nombrables spectacles, c'est que la

ce véritable exploit rejaillit aussi, à

danse ne trompe pas car le succès y

l'échelle mondiale, sur l'art chorégra-

À la représentation intervenant

est directement lié au temps et aux

phique coréen, ainsi que sur ceux du

en amont du processus de nomina-

efforts consacrés à la préparation des

spectacle dans leur ensemble.

tion, l'artiste avait interprété devant le

différents rôles, ainsi qu'à d'inter-

Kim Joo-won renouvelle ainsi

jury le célèbre pas de deux du « Cor-

minables séances d'entraînement,

celui qu'une première danseuse

saire » avec pour partenaire Kim

animées d'un fervent désir de se sur-

coréenne, Kang Sue Jin du Ballet de

Hyun-woong, qui de l'avis général,

passer.

Stuttgart, avait accompli en 1999 et

possède le plus remarquable physique

qui lui avait valu par la suite d'être

de tous les danseurs coréens.

Fleuron de ta danse coréenne

sollicitée par les compagnies de bal-

« Comme je ne pensais pas décrocher

Vingt ans après avoir enfilé ses

let étrangères pour des spectacles de

ce prix, je me suis sentie tout à fait

premiers chaussons de danse et dix

gala, mais aussi des productions

détendue à cette occasion », se souvient-elle.

après avoir entamé sa carrière pro-

d'envergure. Ces marques de recon-

fessionnelle au terme d'études entre-

naissance témoignant d'un talent ex-

Nul doute que ce jour-là, à

prises dès le plus jeune âge en

ceptionnel ont incontestablement

Moscou, elle est apparue tout aussi

Russie, Kim Joo-won a connu cette

lancé la carrière professionnelle de

charmante qu'à son habitude et

année une consécration mondiale par

cette jeune danseuse dont les appari-

alors qu'elle n'avait aup_aravant

sa nomination au titre de meilleure

tions toujours plus nombreuses sur

presque jamais dansé à l'étranger,

ballerine lors du Gala des Benais de

les scènes étrangères allaient aussi

Yuri Grigorovich, alors membre du

la Danse dont se déroulait la qua-

rehausser le niveau de l'art chorégra-

jury et invité par le Ballet national de

torzième édition depuis sa création en

phique coréen.

Corée à chorégraphier les specta-

1991 par l'Association internationale

« J'ai encore peine à croire à ce

cles « Casse-Noisette » et « Spar-

de danse de Moscou en hommage à

qui m'est arrivé. La possibilité de

tacus », se rappelle parfaitement

l'oeuvre de l'artiste et père du ballet

côtoyer de grands artistes tels que

l'excellente prestation qu'elle a

moderne Jean-Georges Noverre

Natalia Makarova, lrek Mukhamedov

fournie dans ces deux oeuvres.

Contrairement aux

et Kang Sue Jin, pour lesquels

L'octroi du titre de meilleure danseuse

compétitions d'amateurs, cette pres-

j'éprouve une grande admiration,

représente l'aboutissement de la

(1727-181

Dl.

Automne 2006 1Korea na 57


En remportant cette année le Prix des Benais de la Danse, Kim Joo-won semble promise à suivre les traces de Kang Sue Jin et se classer ainsi parmi les grandes ballerines coréennes de renommée mondiale.

58 Koreana I Automne 2006


Le spectacle« Le Corsaire » a va lu à Kim Joo-wo n de se voir décerner le prix de la meilleure ballerine à l 'occasion du Ga la 2006 des Benais de la Da nse. 2, 3 « Don Quichotte » est un ballet particulièrement animé faisant appel à des rythmes de flam enco. Un fougueux et éléga nt duo dansé par Kim Joo-won dans le rô le de Kitri et Kim Hyun-woong, dans ce lui de Basile.

passion qu'elle a toujours nourrie

tinuer à danser tant que je le peux

les représentations suivantes se

pour la danse classique, travaillant

avant de me marier », explique-t-elle.

joueront à guichets fermés . Rien

sans répit à parfaire son art au prix de

D'un naturel direct, elle s'ex-

d'étonnant alors à ce qu'une artiste

longues heures d'entraînement tout

prime sans complexe sur des sujets

aussi talentueuse soit en mesure,

en menant de front plusieurs acti-

souvent délicats dans la professio'n :

après avoir assis sa renommée de

vités puisqu'elle s'avoue cinéphile et

« Je mange de tout, avec une préfé-

danseuse étoile en Corée, de pour-

ne manquerait sous aucun prétexte la

rence pour les sushis et gâteau x de

suivre bientôt dans la même voie à

sortie des tout derniers films, mais

riz . Depuis quelque temps, je con-

l'étranger.

aime aussi à lire en prenant un bon

somme aussi énormément de hari-

En effet, elle se trouve d'ores et

bain chaud qu· elle parfume différem-

cots, brocolis et patates douces

déjà en position avantageuse pour

ment à chaque fois. Films et littéra-

cuisinés par maman », précise-t-elle.

conquérir les cœurs dans le public in-

ture constituent ainsi une précieuse

Si elle estime n'avoir changé en

ternational, étant sollicitée de toutes

source d'inspiration propice à la

rien, une évolution semble toutefois

parts hors de Corée, ce qui devrait lui

créativité dans l'interprétation de tout

s'être produite, notamment par une

permettre d'accéder au niveau mon-

interprétation affinée dans le premier

dial qu'elle ambitionne. À vingt-neuf

rôle qu'elle s· est vu confier après sa

ans, la ballerine qui vit encore chez

nomination, celui de la Kitri du « Don

ses parents avec sa sœur aînée con-

nouveau rôle. Une vedette internationale

Née en 1977, elle se trouve au-

Quichotte » monté par le Ballet na-

naît aujourd'hui la gloire, à l'instar de

jourd ' hui à un âge où il convient

tional de Corée. Forte de sa confiance

la Britannique Margot Fonteyn, de la

d'accorder autant d'importance à la

retrouvée, elle a incarné ce person-

Russe Maya Plisetskaya et de la

vie personnelle, notamment dans la

nage en faisant preuve d'une extraor-

Française Sylvie Guillem qui font

perspective du mariage, qu'à la car-

dinaire présence et d'authentiques

toutes trois la fierté de leurs nations et

rière professionnelle. « Bien qu'ayant

émotions, un brio suscitant des

peuples respectifs. Pour Kim Joo-won,

atteint l'âge de connaître le grand

éloges qui se répandent comme une

le triomphe sur les scènes mondiales

amour, je souhaite pour l'instant con-

traînée de poudre, si bien que toutes

n'est qu'une affaire de temps. t;t Automne 2006 1Koreana 59



ESCAPADE

Gyeongju La Louxor coréenne Au fil des lignes suivantes, nous vous convions à une promenade dans Gyeongju, ancienne capitale du royaume millénaire de Silla classée dans l'Héritage culturel mondial par L'UNESCO et cité éternelle résonnant encore de L'histoire de L'antiquité coréenne, en espérant que cette excursion automnale s'avérera tout aussi agréable qu'intéressante. Kang Sok-kyong Romancière Yi Gyeom Photog ra phe

C

apitale de l'Etat de Silla de 57 avant Jésus-Christ à l'an 935,

c'est-à-dire pendant près d'un millier d'années, Gyeongju tout entière n'est que sites archéologiques et monuments où la méditation se mêle au souvenir des légendes d'antan. Frappant le regard du visiteur à son arrivée, un groupement de tombes royales dresse ses tertres rebondis au beau milieu de la ville et c'est à juste titre que celle-ci est appelée la « Louxor d'Asie » puisque ces sépultures y sont au nombre de cent cinquante-cinq. Semblant l'œuvre de la nature plus que celle de l 'Homme, les tumuli se sont voilà longtemps intégrés au paysage comme s'ils participaient de son cycle de vie et c·est bien celle-ci dans toute sa quintessence qui émane de ces lieu x paisibles. Après avoir découvert la ville, le romancier français Bernard Werber ne déclara-t-il pas que ses tumuli lui avaient fait une inoubliable impression?

Royales sépultures Composé d'une vingtaine de petits et grands tumuli, le site de Daereungwon donne une bonne idée de ce que fut la splendeur des tombeaux sous le royaume de Silla . Édifiées pendant plus de deux siècles, à savoir de 350 à Automne 2006 1 Koreana 61


550 après Jésus- Christ , ces tombes auraient abrit é la

de curiosités historiques tel le plus vieil observatoire as-

dépouille mortelle des monarques et descendants des dix-

tronomique d'Asie, le Cheomseongdae à la forme de

septième à vingt-deuxième générations du clan royal des

bouteille que l'on découvre en longeant la forteresse de

Kim. Deu x d'entre elles ont été mises au jour dans les

Banwolseong, autrefois résidence royale, ainsi que la forêt

années soi xante-di x, dont celle dite de Cheonmachong,

de Gyerim où naqu it le mythique Kim Alji [65 av. J.-C.- ?].

c'est-à-dire la tombe du cheval céleste, laquelle tient son

fondateur du clan royal des Kim reposant à Daereungwon .

nom de la selle illustrée d'un cheval prenant son envol ou

La légende veut qu'à Gyerim, toponyme signifiant

cheonma » qu'elle renfermait. Une reconstitution de

« Forêt aux poules », ait été découvert un coffret en or sus-

cette sépulture permet au x visiteurs d'apprécier les di-

pendu à une branche d'arbre sous laquelle chantait une

«

mensions d'une telle construction .

blanche poule et s·avérant dissimuler un joli et souriant

Haute de vingt-deux mètres, la Hwangnamdaechong

nourrisson qui fut aussitôt recueilli . Comme il faisait montre

fut élevée en l'honneur d'un couple de souverains qui y fut

d'intelligence, il reçut le prénom d'Alji et le nom de Kim qui

enseveli avec quelque vingt-cinq mille reliques comportant

signifient respectivement « sage » et « or

une couronne d'or très ornementée. Lors de sa décou-

Silla, les souverains issus de la lignée des Bak, Seok et Kim

verte, des dents et ossements semblant avoir été ceu x

se succédèrent sans interruption sur le trône. D'innom-

d'une jeune fille gisaient à proximité du cercueil royal, at-

brables objets en or furent mis au jour dans les tombes des

testant du recours à la pratique alors courante d'enterrer

rois appartenant à cette dernière, qui descendrait de tribus

les vivants au x côtés des morts. À la richesse archéo-

nomades d'Asie septentrionale comme en témoignent des

>;. À l'époque

logique locale dont témoignent ces tumuli s'ajoute le sen-

pratiques funéraires apparentées à celles de ces contrées

timent de sérénité que produisent leurs lignes doucement

par les tombes en coffre placées sur le sol et recouvertes de

arrondies, alors pourquoi ne pas profiter d'une visite noc-

pierres. Aujourd'hui encore, en se promenant parmi les ar-

turne à Daereungwon pour s'asseoir au pied de l ' un

bres majestueux qui créent un effet irréel, on croirait enten-

d'entre eu x et admirer un merveilleux ciel où un croissant

dre chanter au loin la poule de Gyerim.

de lune répandant sa lueur diaphane sur les tombes millénaires a de quoi attendrir le cœur le plus endurci . Au sud de Daereungwon s'étend une région émaillée 62 Koreana I Automne 2006

Splendeurs des ruines de Gyeongju Tandis que Daereungwon et sa forêt évoquent le clan


1 Ces tumuli datant du royaume de Silla font partie intégrante du paysage de Gyeongju depuis un millénaire. 2 Sur les hauteurs du Mont Namsan, cette gravure de Bouddha d'époque Silla figure parmi près de quatre-vingts représentations religieuses. 3 À cet emplacement, se dressait jadis le temple de Hwangnyongsa et sa pagode en bois à neuf étages qui furent détruits par l'envahisseur mongol en 1238.

Kim qui régna sur la Silla ancienne, c'est la Gyeongju moderne que représente la localité de Geocheon située à leurs confins. Sur tout le pourtour de la forteresse de Banwolseong, les berges de la rivière appelée Namcheon sont bordées d'un quartier aux modestes, mais dignes bâtisses traditionnelles où réside une population de niveau social moyen . Classée dans la catégorie des biens importants du patrimoine culturel populaire, « la maison du fortuné Choe » appartenait en revanche à une grande famille de la noblesse qui connut trois siècles d'opulence au milieu de la dynastie Joseon [1392-1910]. Faisant l'admiration de tous par leur mode de vie tout à la fois sobre et généreux, comme il sied à un esprit noble, jamais ses membres n'acceptèrent le moindre poste d'importance supérieure à celui de « jinsa », qui se situait au bas de la hiérarchie, pas plus qu'ils ne tirèrent profit des années de mauvaise récolte pour faire l'acquisition de terres ni ne laissèrent quiconque souffrir de la faim dans un rayon de quarante kilomètres. Ce sont leurs merveilleux vestiges qui font l'attrait des cités de jadis, à l'instar du temple de Hwangnyongsa dont ne subsistent aujourd 'hui que les fondations. Au sud de cet ensemble, devait être édifié un nouveau palais, mais le projet datant de l'an 563 en fut abandonné après la découverte d'un dragon jaune ou « hwangnyong » et dixse pt ans plus tard, lui succéda sur le même site le Automne 2006 1 Koreana 63


grandiose temple de Hwangnyongsa. Dans son enceinte, la

driques ne dépassant pas sept centimètres de diamètre.

reine Seondeok, deux ans avant la fin de son règne [632-

Ce dur et long labeur réa.tisé par la main de l'homme sur

647]. fit élever une pagode en bois à neuf étages mesurant

une superficie aussi vaste témoigne de la foi inébranlable

quatre-vingts mètres de hauteur dans l'espoir que sa

qui animait les bouddhistes de Silla .

dévotion bouddhiste préserverait Silla des neuf en -

Non loin de là, se tient un second sanctuaire réalisé à

vahisseurs parmi lesquels figuraient Chine et Japon, mais

l'initiative de la reine Seondeok, Bunhwangsa, qui selon les

en 1238, les Mongols l'incendièrent, ainsi que le sanctuaire,

archives aurait également compo rté une pagode à neuf

et l'on raconte que plusieurs semaines après, la fumée

étages en pierre de taille dont les éléments auraient eu la

des ruines obscurcissait encore le ciel de la ville.

dimension d'une brique et desquels ne restent aujourd'hui

Les fouilles faisant suite à la découverte de Hwang-

que les trois niveaux inférieurs. Au huitième jour du qua-

nyongsa, en 1990, ont permis de localiser l'emplacement

trième mois lunaire marquant la nativité de Bouddha, les

de la pagode et des pavillons constitutifs du site, lequel

croyants viennent y prier pour la prospérité familiale et

pourrait avoir été réalisé pour fixer les sols d'une zone

leur procession autour de cet édifice, à la lueur des

marécageuse car il comportait un remblai alternant

lanternes qu'ils ont apportées, crée un spectacle à la

couches de gravier et de terre sur une épaisseur de cinq

beauté intemporelle. Le visiteur qui se joint à leur oraison

mètres, ainsi que des traces résultant d'un damage

en foulant ces antiques fondations se sent comme trans-

systématique du terrain au moyen de poutrelles cylin -

porté aux temps de Silla.

64 Korea na I Automne 2006



La quête du royaume de Bouddha

répondait au désir d'œuvrer à l'avènement du royaume de

Le temple de Bulguksa et la grotte Seokguram,

Bouddha sur terre etc· est à entrer dans son univers qu· est

anciennement dénommée Seokbulsa, représentent sans

convié le visiteur qui franchit les portes de Cheongungyo et

conteste les plus spectaculaires vestiges du royaume de

Baegungyo en oubliant toutes les vaines prèoccupations

Silla et exigèrent un chantier de vingt-trois années entre-

de ce monde. Semblant montrer la voie de l'illumination,

pris en l'an 751 . Illustrant avant tout le rayonnement et la

les pagodes de Dabotap et Seokgatap s·y dressent de part

pénétration de la pensée bouddhiste conjuguée au génie

et d'autre du pavillon central, symbolisant ce royaume au

artisanal, comme tout chef-d'œuvre, ils transcendent au-

mépris du temps à côté d'autres édifices en pierre, tandis

jourd'hui l'objectif qui présida à leur conception. La

que près de quatre-vingts constructions de bois furent

légende veut que Kim Daeseong (700-774]. ministre

détruites lors de l'invasion japonaise de 1593.

plénipotentiaire du royaume, se soit vu affronter en songe

De l'avis général, la statue qui orne la grotte Seokgu-

un ours qu'il avait tué à la chasse et qu'il ait fait édifier un

ram fournit une parfaite représentation du Bouddha

temple sur les lieux où il l'abattit pour apaiser l'âme de

Sakyamuni ayant atteint l'Eveil et elle constitue de fait non

l'animal, ainsi que celle de ses parents vivant en ce bas

seulement la plus belle œuvre d'art coréenne, mais aussi

monde, tandis que l'aménagement de Seokguram était

un monument d'une valeur artistique sans pareille dans le

dédié à leur vie antérieure.

monde. Telle une éblouissante lumière faite matière, cette

Pour le peuple de Silla, la construction du temple 66 Ko rea na I Automne 2006

figure à l'expression humble et bienveillante transcende


Le peuple de Silla œuvra à l'avènement du royaume de Bouddha sur Terre, comme en témoignent les magni-fiques vestiges religieux de Gyeongju, concrétisation de son ardente foi et de ses rêves.

1 Elevées en vis-à-vis non loin du grand pavillon du temple de Bulguksa, les pagodes de Dabotap et Seokgatap paraissent montrer la voie de l'Illumination . 2 Pâtisserie fourrée aux haricots ro uges, le « hwangnamppang » figure parmi les principales spécialités culinaires de Gyeongju.

l'essence même de la beauté, selon les mots d'un sculp-

rante qui provoqua la disparition de trop nombreuses tra-

teur qui chanta celle-ci, et un penseur occidental la quali-

ditions ancestrales, bien des aspects de la vie d'antan y ont

fia quant à lui de « Lumière de l'Asie » tant il fut ému par

survécu grâce à l'action entreprise par la ville pour con-

son ravissement serein.

server son riche patrimoine historique. Une flânerie dans

Sur les parois circulaires de la grotte, se trouvent des

le quartier de Hwangnam-dong, un ensemble d'habita-

gravures représentant plusieurs Bodhisattvas et dix disci-

tions traditionnelles situées au-delà de Daereungwon, per-

ples de Bouddha rassemblés pour écouter ses enseigne-

mettra de découvrir, autour de chaque maison, des jardins

ments . Placée sur une fleur de lotus et coiffée d'une

parsemés de rochers et objets en terre cuite, la maison

couronne à onze visages, la figure de Bodhisattva Ava-

d'un chaman avec sa longue canne de bambou plantée de-

lokitesvara possède une exquise beauté. Quant à l'habille-

vant la porte, quelques salons de thé où le promeneur se

ment de tous les personnages, il fut tracé avec tant de

verra convié à une cérémonie traditionnelle, ou encore les

réalisme que l'on croirait pouvoir soudain en palper

boutiques d'antiquaires situées à proximité des principaux

l'étoffe et que ceux qui l'admirent s'étonnent invariable-

lieux historiques.

ment qu'un travail aussi délicat ait pu être exécuté sur une

Par comparaison à d'autres villes coréennes,

rugueuse surface de granit. Selon une croyance populaire,

Gyeongju possède un nombre considérable de cliniques où

Bouddha serait descendu sur terre et y aurait créé la

exercent des spécialistes de la médecine orientale, à

grotte en une seule nuit pour remonter tout aussitôt au

l'instar de ['Hôpital oriental de Conmaul, qui propose des

ciel et il est vrai que cette superbe réalisation ne semble

séjours dans une élégante maison traditionnelle coréenne

guère l'œuvre de l'homme. Au pied du Mont Namsan, exis-

s'intégrant parfaitement au cadre historique de la ville par

tent çà et là divers autres vestiges bouddhiques importants

le biais de formules associant un hébergement d'une ou

d'époque Silla, dont une centaine de gravures.

deux nuits à un examen médical réalisé par des praticiens. Enfin, la ville est réputée pour la célèbre spécialité

Quand s'attarde l'histoire

culinaire appelée « hwangnamppang », une pâtisserie

Si Gyeongju, capitale d'un royaume qui figure parmi

coréenne traditionnelle fourrée de haricots rouges qui

les plus longs de l'histoire du monde, car s'étendant sur

éveille de nombreux souvenirs pour ses habitants, tandis

un millénaire, constitue une véritable réserve de vestiges

que le touriste qui la rapporte pour l'offrir en cadeau est si

funéraires et historiques, ses quartiers modernes présen-

assuré de son succès qu'il ne songerait en aucun cas à ne

tent aussi un intérêt. En dépit d'une industrialisation fulgu-

pas s'en munir. L..1 Automne 2006 1Koreana 67



E

n coréen, le vocable « daeha » désigne une crevette prenant une couleur rose rouge à la cuisson et

mesurant généralement de quinze à vingt centimètres de long, voire vingt-cinq pour certaines, tandis que celle dite « jungha » n'en dépasse pas dix . En raison de ses qualités gustatives et malgré sa petite taille, la deuxième entre dans la composition de plats cuits à l' étouffée, à la vapeur ou mijotés regroupés sous le nom de « jjim », ainsi que d'amuse-bouche sautés, les « jeon ». Le corps de la première comprend la tête, le thorax et l'abdomen se terminant par la queue. De belles dimensions, ce dernier en est bien sûr la partie la plus agréable au palais des gourmets, quoique les deux autres, que protège une épaisse carapace, s'avèrent tout aussi savoureuses cuites à la vapeur ou grillées toutes fraîches. Encore plus délectable en automne, la « daeha » présente en outre l'avantage d'une teneur forte en protéines et faible en matières grasses, ainsi qu'un taux élevé de chitosane, un complément alimentaire naturel très prisé, au niveau de la queue, laquelle se consomme de plus en plus pour cette raison , grillée. Depuis quelque temps, la crevette fait partie intégrante de la gastronomie traditionnelle coréenne sous forme de plats tels que le « daehajjim », le « daehajeon », mais aussi le « sàeusanjeok » et le « saeutwigim », les deux premiers y occupant une place de choix car ayant ce crustacé pour principal ingrédient. La grosse crevette rose se pêche _sur tout le pourtour de la péninsule coréenne et plus particulièrement en Mer Jaune. Il convient de souligner que la consommation ne s·en est généralisée qu'à l'aube de la modernisation_du pays, d'où sa rare présence dans les livres de cuisine traditionnels, voire son inexistence dans des traités faisant autant autorité que l'« Eumsikjimibang » et le« Siuijeonseo » respectivement édités en 1670 et 1765. Un autre ouvrage, le « Jeungbosallimgyeongje », décrit en revanche le procédé de préparation des crevettes en poudre, cuites à la vapeur , puis séchées, et en saumure, tandis que les recettes de « jjim », ces plats à

Automne 2006 1Koreana 69


La grosse crevette rose ou gamba constitue l'ingrédient de base des spécialités culinaires dites « daehajjim » et « daehajeon », une délicieuse sauce aux pignons venant agrémenter le crustacé dans la première d'entre elles, également connue sous le nom de « daehajatjeummuchim ».

i

l


l' étouffée, à la vapeur ou mijotés, et de « jeon », qui est

jeummuchim ». Il fut d'ailleurs le meilleur plat de

sauté, commencent à figurer dans les textes culinaires au

crevettes qui soit pour Han Hui-sun [1889-1972). cuisinière

tournant du siècle dernier, celles de « daehajjim » et

à la cour du roi et classée Bien culturel immatériel n° 38,

« daehajeon » n'étant donc vieilles que d'une centaine

et sa variante dans laquelle les crustacés, après avoir été

d'années.

cuisinés et émincés, sont réintroduits dans la carapace,

Servi sur maintes tables royales de la dynastie Joseon

puis garnis d'ingrédients aux couleurs différentes, est

[1392-1910). le« daehajjim » ne résultait pas d'une sim-

aujourd'hui très en vogue. Si les crevettes sont souvent

ple cuisson à la vapeur, mais d'une savante alchimie entre

décortiquées et enduites d'œuf battu avant de les faire

grosses crevettes roses, viande et légumes variés, le tout

sauter, cette dernière opération peut être précédée de la

assaisonné d'une sauce aux pignons et appelé« daehajat-

division de l'abdomen en deux. ~

« DAEHAJJIM »

« DAEHAJJIM »

« DAEHAJEON »

!Gambas à la vapeur en sauce aux pigno ns!

!Gambas farcies au bœuf et aux légumes braisés!

[Gambas sau tées!

I« Daehajatjeummuchim »J

Ingréd ie nts (pour qua tre pers on nes ) : 5 gambas, 70 grammes de bœuf, 70 grammes

Ingrédients (pour q uat r e pers onnes) : 4 gambas, 1 cuillerée à soup e de v in, 50

Ingréd ients (pour quatre per sonn es ) : 6 gambas ou 12 crevettes de taille moyenne , une pincée de sel et de poivre , 112 verre de farine , 2 œufs, 1 cuillerée à soupe d'huile

de pousses de bambou cuites à la vapeur, 112

grammes de chair de crevette , 112 cuillerée à

concombre , Une pincée de sel et de poivre blanc, 1 cu illerée à soupe d'huile

café de jus de gingembre, 1 cuillerée à ca fé de

Sauce aux pignons : 5-6 cuillerées à soupe de pignons en poudre, 3 cuillerées à soupe de bouillon de crevettes ou de bœuf, 1/2

blanc, 2 cuillerées à soupe de farine

sel, 50 grammes de tofu, une pincée de poivre

cuillerée à café de sel, 2 cuillerées à café

Garn iture : 3 lent ins ou Shiitake [« pyogo »). 3 champignons « manna lichen », 2 œufs, 50 grammes de persil [« minari ») ou de con-

d'h uile de sésame, une p incée de poivre

combre , 1 piment rouge , 4 noix de ginkgo

blanc

Sauce : 112 cuillerée à soupe de sauce de soja, 1 cuillerée à café de sucre, 1 cuillerée à café

Préparat ion 1 Nettoyer les gambas et retirer les intestins. Saler les gambas et faire cuire à la vapeur 7 à 8

de poireaux finement émincés , 1 cuillerée à café d'huile de sésame, une pincée de sel de

Sau ce de soja au vina igre : 1112 cuillerée à soupe de sauce de soja, 1 cuillerée à soupe de vinaigre, 1 cuillerée à soupe d'eau, 1/2 cuillerée à café de pignons en poudre Préparation 1 Nettoyer, étêter et décortiquer les gambas. 2 Inciser le dos avec un couteau pointu pour obtenir deux parties en forme d'ailes de papillon, puis retirer les intestins. 3 Faire mariner

sésame et de poivre

au sel et poivre blanc. Enduire de farine, à

étêter et équ euter les gambas, puis les trancher

Préparation

l'exception de la queue. 4 Plonger les gambas farinées dans les œufs battus et faire revenir.

dans le sens de la longueur. 2 Faire cuire le bœuf et le découper en morceaux d'un centimètre de

1 Nettoyer les gambas et les rincer à l'eau. Inciser le dos avec un couteau pointu pour

large et trois centimètres de long. 3 Diviser le concombre en deux dans le sens de la longueur,

obtenir deux parties en forme d'ailes de papil-

minutes. Réserver le bouillon . Décortiquer,

puis le plonger quelques minutes dans l'eau

Décorer avec une feuille de chrysanthème placée sur chaque crustacé. 5 Servir avec de la sauce de soja vinaigrée.

lon, puis retirer les intestins. 2 Rincer à l'eau légèrement salée. Émincer la chair et la

salée. Saisir une minute dans une sauteuse et

mélanger au tofu écrasé. Assaisonner de sel,

laisser refroidir. 4 Émincer les pousses de bambous déjà cuites et les faire revenir en

jus de gingembre et poivre. 3 Faire tremper les lentins dans l'eau, puis émincer. Assaisonner

salant et poivrant. Laisser refroidir. 5 Hacher finement les pignons et mouiller avec le bouillon

de sel et d'huile de sésame avant de faire

de gambas, puis ajouter sel, poivre et huile de

sauter. Rincer les champignons« manna lichen » et émincer. Faire frire les noix de

sésame pour confectionner une sauce. 6 Placer les gambas, le bœuf émincé, le concombre et

ginkgo, puis en peler l'intérieur. 4 Séparer le blanc d'œuf du jaune et faire frire séparément

les pousses de bambou dans un bol, saler et

en une fine couche . Ébouillanter les brins de

poivrer. Faire sauter avec la sauce aux pignons

persil et les couper en morceaux de 3 cm.

et servir.

Évider les piments rouges et les découper à la même longueur, puis les faire sauter et saler. 5 Enduire de farine les carapaces et les garnir de la chair assaisonnée. 6 Accompagner de divers ingrédients colorés et de noix de ginkgo. Faire cuire à la vapeur 5 à 10 minutes. Servir avec une sauce à la moutarde. Automne 2006 1 Koreana

71


l

l m'aura fallu revenir en Corée pour un deuxième séjour pour prendre la réelle mesure de l'extraordinaire richesse et de la singularité de sa culture. Il y a maintenant plus de dix ans. ma curiosité avait d'abord été piquée par la lecture de deu x œuvres qui m'avaient profondément touché tant elles exprimaient l'âme et le combat de ce pays. Historienne et géographe, mon épouse s'était en effet rapidement documentée sur notre pays d'accueil et investie dans son apprentissage. Elle avait ainsi eu la bonne idée de me recommander de lire, entre autres, Notre héros défiguré de Yi Munyol et Le piquet de ma mère de Pak Wanso ; deux romans à fort contenu autobiographique qui constituent à mes yeux une remarquable description naturaliste de la société coréenne et de sa douloureuse mutation . Leur charge émot ionnelle aura été un premier déclic. Au-delà de tout ce que l'on peut lire dans divers ouvrages consacrés à la culture coréenne, il en est ici comme dans beaucoup d'autres pays : les romans ou films réalistes restent souvent les meilleurs guides et en ce domaine, la production coréenne est particulièrement riche. L'abord n'est pas forcément aisé et je dois avouer, par exemple, que si je n'ava is pas eu la cha nce de voir « La chanteuse de Pansori », film magique et terriblement émouvant, je n'aurais sans doute pas été bien loin dans la découverte du Pansori. Ce chant fascinant, inscrit au patrimoine national, conte fables et légendes au rythme d'un seul tambour tenu généralement par un proche de la récitante. Il ne peut être apprécié par un nori initié que si l'on sait la dureté de l'apprentissage et la maîtrise qu'il suppose. Même si on ne connaît pas la langue, on vibre alors au tempo de la voix et on se prend facilement à ressentir chaque intonation et exclamation de l'accompagnateur. À la même période, le hasard aura aussi vou lu que lors d'un récital à l'opéra de Séoul, un ténor chanta « Arirang » devant une audience à l'attention quasi religieuse. Là encore, ce chant populaire qui est quasiment un deuxième hymne national a été une révélation d'abord par la douceur de sa mélodie puis par la mélancolie de son texte [que je m'étais fait traduire ensuite faute de parler la langue). Moi qui croyais que seul le « Toulouse » [mon pays d'origine] de Claude Nougaro pouvait me donner la chair de poule !

72 Koreana I Automne 2006


Cela pour dire qu'aborder la Corée et découvrir les secrets

part s'étonnent qu 'un banquier de passage puisse s'intéresser

qu'elle recèle suppose une démarche authentique, militante

ainsi à leur pays et à sa société et d'autre part souhaitent

d'une certaine façon et dénuée de préjugés.

ardemment voir ce même pays être mieux connu et reconnu par le« monde extérieur ». Charmant paradoxe.

Il y a plusieurs façons de faire. On peut s'attacher à lire guides et ouvrages savants qui expliquent le comment sans

Ooohh ! Vous conduisez à Séoul, ooohh vous conduisez en

révéler le pourquoi et développer de la sorte assez facilement

Corée !! Combien de fois cette exclamation m'a interloqué ou

une connaissance académique ; on peut aussi s'immerger autant

irrité tant je n'ai jamais compris ce qu'il pouvait y avoir d'extraor-

que possible et faire son propre apprentissage, à la dure parfois.

dinaire à conduire en Corée. Et lorsque je leur avoue que mon

Dans ce dernier cas, il n'y a pas d'équivoque, il est impératif de se

épouse a aussi sa voiture et conduit elle aussi avec courage, j'ai

rendre étanche à ses propres références culturelles ou sociales

parfois le sentiment que l'étranger qui conduit en Corée est

car c'est un monde très particulier voire unique que l'on va abor-

regardé comme un héros formé à l'école des commandos. Dia-

der. Inutile de chercher à comparer, que ce soit avec la Chine ou

ble, nous ne sommes pas handicapés et il faut avoir fait le tour de

le Japon, comme beaucoup seraient tentés de le faire. La Corée

l'Arc de Triomphe à Paris un soir d'affluence pour comprendre

est un sujet en soi et tant son histoire que la trame sociale que

que conduire à Séoul n'a rien d'un exploit et ne nécessite pas de

celle-ci a générée sont spécifiques.

qualités ou talents particuliers.

Mon apprentissage volontaire et passionné sous la direction

Sillonner le pays en long, en large et en travers est un réel

éclairée de mon épouse m'a conduit à faire tomber bien des

plaisir et une façon ludique de se fabriquer sa Corée . C'est un

préjugés ou clichés.

moyen bien naturel pour aller au devant du pays et des gens et qui ne demande pas grand effort. Ceux qui pensent que sortir de

La Corée n'est pas un pays de cocagne exempt de

Séoul le week-end est une épreuve insurmontable ont terrible-

reproches et de défauts, loin s'en faut. C'est un pays rude, moins

ment tort. Ce n'est pas toujours facile certes, mais encore une

qu'autrefois bien sûr et dont le peuple est aussi conscient de son

fois pas plus difficile qu'ailleurs en veillant à partir au bon

ego que timide lorsqu'il doit s'extérioriser. Cependant, pour avoir

moment et en choisissant son parcours. Le reste n'est que mau-

saisi toutes occasions de rencontrer des Coréens, j'ai été

vaise légende. Je ne saurais trop encourager ceux que l'envie ti-

récompensé. Il est vrai qu 'au terme de mon premier séjour et

tille de se lancer et d'aller en toute saison découvrir les parcs

sans doute sous l'influence de contingences professionnelles,

nationaux par exemple, les innombrables temples qui s'éparpil-

j'étais resté sur ma faim et avais développé peu de relations per-

lent dans les campagnes, les abords des torrents ~t autres

sonnelles solides. Et pourtant, à mon retour, un seul coup de fil à

trésors de toute nature qui n'attendent que d'être vus, telles les

quelques-uns et immédiatement un accueil chaleureux s'orga-

montagnes de Songnisan ou la douce campagne du Chollanam

nise. À l'identique, il aura suffi à mon épouse de téléphoner ou

Do .

d'envoyer un courriel pour que ses amies coréennes reprennent

Plus que du spectaculaire, c'est à une ambiance très parti-

place auprès d'elle immédiatement et lui manifestent leur

culière et très authentique que cela permet de s'exposer si on en

attachement. En fait, rien d'exceptionnel en cela car, au-delà

a la curiosité bien sûr et si on accepte bien souvent la rusticité

d'une attitude ou d'un protocole roides et parfois surprenants, les

des infrastructures hôtelières locales dont la débauche architec-

Coréens sont réellement très chaleureux, accueillants et surtout

turale si pittoresque et colorée ne doit être regardée qu'avec un

indulgents.

oeil« local » et donc indulgent.

Il est vrai qu'il peut être difficile de percevoir cela au travers de relations professionnelles où l'affrontement est souvent

« Corée à cœur ! » proclame le slogan du 12o•m• anniver-

la règle, et c'est sans doute ce que j'avais manqué il y a 10 ans.

saire des relations diplomatiques France-Corée. Oui, certaine-

Alors, depuis, je m'amuse aux réactions de mes amis qui d'une

ment en ce qui me concerne. 1.11

Automne 2006 1 Koreana

73


VIE QUOTIDIENNE

La pratique du ~ tuning >> comme forme d'affirmation de soi Aujourd'hui, posséder un téléphone portable, une paire de baskets ou une voiture comme les autres ne suffit plus et le« tuning » fait rage dans la jeune génération coréenne car il permet de personnaliser des articles de consommation courante pour plus d'originalité. Pa r k Hyun-sook Rédactrice occasionnelle Photographie : Ahn Hong-beom, Lee Joon-hyuk

S

i l'expression« Pays du matin calme » attribuée au

sommation en fonction des goûts et préférences person-

poète indien Tagor désigne usuellement la Corée, le

nelles . Au milieu des années quatre-vingt-dix, de telles

slogan gouvernemental« Dynamic Korea » semble

adaptations allaient prendre de l'ampleur dans le domaine

aujourd'hui plus proche de la réalité si l'on pense que ce

de l'automobile et de l'informatique pour s'étendre par la

pays constitue le marché témoin des tout derniers

suite à d'innombrables objets de la vie quotidienne avec

équipements numériques des firmes multinationales en

l'actuelle· tendance à plus d'individualisme conjuguée à

raison de la grande réactivité de ses consommateurs dont

une plus grande aisance matérielle des consommateurs.

les goûts sont en constante évolution. Pour définir leurs

Le « tuning » porte donc sur les caractéristiques tech-

stratégies de marketing en Asie comme dans le reste du

niques ou l'aspect, à titre décoratif, d'équipements tels que

monde, les constructeurs s'intéressent de plus près au

voitures, ordinateurs et téléphones portables, tandis que

comportement des jeunes, car ces derniers se montrent

dans le cas de baskets, jeans et autres articles, il se limite

particulièrement sensibles au changement, recherchant

à la seconde catégorie.

sans cesse la nouveauté et débordant eux-mêmes d'imagination en matière technologique.

Un mode d'expression personnel

Faisant toujours bon accueil à l'innovation, la nouvelle

C'est aux pilotes automobiles professionnels que l'on

génération a ainsi fait sienne la pratique du « tuning », qui

doit l'invention du « tuning » , après quoi, au début des

consiste en une personnalisation de l'apparence

années quatre-vingt-dix, la commercialisation de modèles

extérieure et/ou du fonctionnement de produits de con-

de sport comme la Scoop de Hyundai Motor, allait faire de

74 Koreana I Au tomn e 2006


Visant à apporter un cachet personnel à la décoration extérieure et/ou intérieure d'un véhicule, le « tuning » ornemental l'emporte sur celui de type technique, qui porte s ur l'amélioration des caractéristiques de fonctionnement, notamment la puissance du moteur et les organes mécaniques.

Automne 2006 1Koreana 75


Partout présent, le« tuning » traduit, chez un nombre croissant d'individus, la volonté d'échapper au conformisme et à l'uniformisation en affirmant leur personnalité.

1, 2 Le« tuning » des chaussures suscite l'engouement chez les adolescents, qui peignent notamment leurs baskets ou les agrémentent d'accessoires. 3 Écrans LCD montés sur une porte de réfrigérateur.

76

Koreana I Au tomne 2006


nombreux adeptes dans la tranche des vingt à quarante

procédés nouveaux tels que la mise en contraste des

ans. Ces inconditionnels pour lesquels ["automobile, au-

couleurs du clavier numérique ou l'adjonction de dessins à

delà du simple moyen de transport, permet d'exprimer sa

choisir sur l'écran, mais surtout la mise en place

personnalité et relève d'un choix de vie, s'informent avec

d'éclairages spéciaux. Si cette personnalisation est le plus

enthousiasme de toutes les dernières tendances sur

souvent réalisée dans le commerce, les propriétaires sont

l'internet ou dans leurs clubs.

de plus en plus nombreux à s'en charger d'après les

Certains sont prêts à engager une dépense cent fois

instructions disponibles à cet effet sur l'internet, quand ils

supérieure à la normale pour acquérir telle ou telle

ne réalisent pas eux-mêmes le montage du combiné. Le

voiture, alors qu'ils pourraient acheter pour le même prix

site de « tuning » OOPS regroupe ainsi plus de deux cent

de luxueux modèles d'importation, d'autant plus que les

mille membres à l'adresse cafe.daum.net/onlyonephone.

sommes consacrées par la suite à personnaliser leur

Quant aux mordus de « tuning » informatique, ils sont

précieuse acquisition atteignent des dizaines de milliers de

collectivement surnommés « tribu du haut débit » en rai-

dollars. Le nombre d'automobilistes effectuant de telles

son des adaptations matérielles qu 'i ls effectuent sous

adaptations a nettement progressé en parallèle avec le

forme d'augmentations de capacité ou d'adjonctions

parc automobile et le « tuning » représente aujourd'hui un

d'accessoires visant à accroître la vitesse de traitement de

marché d'un milliard de wons, avec une prédominance de

l'unité centrale. Plus sensibles à l'esthétique, d'autres

la décoration sur la technique, la première permettant

modifient l'inévitable rectangle des écrans et châssis pour

d'apporter plus d'originalité à la conception intérieure

leur donner la forme de voitures de sport, chaînes stéréo,

et/ou extérieure· du véhicule tandis que la seconde con-

porte-avions ou bateaux-tortue dans lesquels on a tout

cerne l'amélioration des performances au volant réalisée

d'abord peine à reconnaître un ordinateur tant le change-

par gonflage du moteur et développement des organes

ment est grand. Leurs réalisations entraînent d'ailleurs

mécaniques. Dans la seule région de Séoul, un bon millier

des évolutions chez les constructeurs qui mettent sur le

d'entreprises proposent aujourd'hui toute une gamme de

marché de nouveaux dispositifs permettant aux consom-

prestations dans ce domaine.

mateurs d'effectuer les adaptations de leur

Le « tuning » intéresse aussi tou-

choix sur des équipements électro-

jours plus d'usagers de téléphones

niques qui jusqu'alors restaient

portables dont l'aspect visuel, notam-

à l'état de produits finis. Les nou-

ment les couleurs, mais aussi les son-

veaux services proposés dans ce

neries et fonctionnalités, peuvent être

domaine comprennent l'échange de

« customisés » par des boutiques

châssis, le montage d'écrans LCD sur

spécialisées qui se multiplient actuelle-

des climatiseurs ou des réfrigérateurs

ment. Alors qu'il se limitait dans les pre-

et l'implantation de mémoires vives

miers temps à la décoration graphique du

destinées à l'affichage vidéo.

boîtier des combinés, il représente souvent aujourd'hui la possibilité d'enrichir leur fonctionnement par divers

Ferveur adolescente Le« tuning » connaît bien sûr un

Automne 2006 1 Koreana 77


f

,,

énorme succès auprès des très jeunes gens et

originalité sont beaucoup plus appréciées que des

si leurs aînés peuvent se permettre de person-

modèles de marques coûteuses », remarque une

naliser des équipements coûteux tels qu·auto-

jeune Séoulienne, révélant par là que les

mobiles et ordinateurs, ils ont eux aussi la pos-

jeunes recourent à ce « tuning » pour la for-

sibilité d'afficher leur identité avec un budget

mation de leur Moi.

modique. Stylos, sacs à dos, baskets, tenues de sport et cartes de transport, sans oublier les

Fonction et dysfonction

incontournables cahiers et manuels scolaires,

La vogue du « tuning » gagne aujourd 'hui

figurent parmi les nombreux supports à person-

tous les aspects de la vie quotidienne et personne

naliser. Le portail internet Daum (www.daum.net)

ne s'étonne plus à la vue d'un jeune homme

permet ainsi d'accéder à une vingtaine de sites

arborant une cravate retouchée au pinceau ou

traitant de la « customisation » d'articles divers,

décorée de cubes de zirconium, sans parler de

comme stylos ou porte-mines, et comptant chacun

ce récent concours de la plus belle poussette

plusieurs centaines de milliers de membres actifs.

« customisée ». Un accès aisé à une véritable

Ces adaptations consistent dans la plupart des cas

mine d'informations par l'internet, les con-

à échanger le corps de ces objets ou encore à

stants progrès de la technologie et l'évolution

façonner les branches d'une pince en forme

des mentalités dans le sens d'une plus grande tolérance des différences et particularités de cha-

d'ailes. Les chaussures, notamment les baskets, sont aussi la marotte de ces « tuners » en herbe, qui les peignent et accessoirisent à leur gré et il suffit à

fl

cun constituent autant de facteurs propices à

0'<J

'<}V'-~

une vedette de série télévisée d'arborer des baskets personnalisées par ses soins pour que sa popularité

l'essor du « tuning » et à son ancrage dans les mœurs. D'un point de vue psycho-soci~l, l'i r ruption

de l'individual ité dans un conte xte d'abondance matérielle ne peut que donner lieu à tous les moyens

monte immédiatement en flèche. Les modèles simples en

d'expression concevables, mais il ne faut pas en perdre

étoffe unie sont plus particulièrement appréciés des

de vue la part d'ombre. Trop d'engouement pour cette

« ados » pour y tracer leurs dessins ou les orner de per-

pratique ne manquerait pas d'entraîner des effets per-

les et colifichets, voire de confiseries, aucune limite n' exis-

vers tels que le repli sur soi par accoutumance à l'internet

tant en la matière et les marchands de chaussures ven-

ou au x jeu x vidéo , modération et équilibre demeurant

dant différents produits à cet effet. « Au lycée, des chaus-

donc les maîtres mots pour éviter toute dérive

sures de sport « customisées » qui se distinguent par leur

ir rémédiable.

78 Koreana I Automne 2006

t;t



Quand viendra l' heure ?

S

hin Kyong-suk naît en 1963 dans un village de la province de Jeollabuk-do dénommé Jeongeup, localité caractéristique du monde rural corée n qui ne bénéficiera de la desserte électrique qu· en 1974. c· est à l'âge de quinze ans qu'elle s'installe à Séoul où elle fréquentera un lycée tec hnologique, alternant l'étude en soirée avec le travail de jour sur une chaîne de montage de magnétoscopes. Les difficultés de cette nouvelle existence la conduisant à manquer les cours pendant plusieurs jours, son professeur exige qu 'elle lui fournisse un mot d'excuse et c'est à la lecture de la demi-page rédig ée à cet effet qu'il l'exhortera à s· engager dans la voie littérai re. La perspective d'une tout autre carrière s·ouvre alors à la fillette passionnée de lecture et d'écriture qui, après un cursus universitaire en création littéra ire, sera engagée chez un éditeur, puis un organisme de radiodiffusion dont elle réalise les scripts et c'est en 1985 qu'elle accomplit ses débuts de romancière pour se hisser, dans les années quatre-vingt-dix, au rang des plus grands écrivains que compte le pays. Si, pour reprendre la définition du philosophe et critique d'art Lucien Goldmann, la fiction littérai re revient à une quête de vertu dans et par l'immoralité, alors l'écriture se fait, chez Shin Kyong-suk, vecteur d'un retour à un temps antérieur à la mort où celle-ci est omniprésente. Ses te xtes donnent la parole à ceux qu i font œuvre de mémoire pour les petits riens et petites gens à la survie précaire, proches de l'auteur, parents auxquels un accident ou une maladie ont enlevé un enfant, conjoints réduits à la solitude par le veuvage, êtres meurtris par la violence du monde, autant d'oubliés que l'auteur fait ~éentendre et revoir pour redonner un sens à leur existence. La nouvelle intitulée « Quand viendra l'heure ? » illustre bien la démarche originale de l'écrivain, l'intrigue se développant à partir de la proposition que fait à la protagoniste son beau-frère veuf, lors d'un appel passé à l'aube, de se rendre avec elle au Namdaecheon, un ru isseau où

CRITIQUE

Les voix du passé Kim Dong-shik Professe ur de langue et littérature coréennes à l'Université Inha

80 Korea na I Autom ne 2006

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Quand viendra l'heure ?

remontent les saumons et où ont été répandues les cendres de la défunte, une ancienne comédienne de théâtre reléguée à des rôles secondaires et qui s'est donné la mort par empoisonnement. En route vers cette destination, la première apprend à la lecture du journal intime rédigé par la seconde que celle-ci était atteinte d'un cancer des poumons. Si son décès a horriblement meurtri ses proches, elle a souffert elle-même les affres de l'agonie et de la solitude dont l'héroïne prend ainsi to ute la mesure. Le voyage opère ici comme un rappe l, aussi bref soit-il, de la trépassée au monde des vivants, en même temps qu'une répétition du rite funéraire par les survivants. Quant à la symbolique du saumon parti vivre trois ou quatre ans dans les eaux océaniques pour un jour remonter sa rivière natale et y déposer des œufs, elle évoque par ce cycle le périlleux retour aux origines pour procréer, à la jonction de la vie et de la mort, du ventre maternel et de la tombe, mais aussi, de ce fait, l'auteure elle-même, puisque celle-ci voit dans sa création une possibilité de revenir en arrière, jusqu'à l'époque d'avant la mort, afin de provoquer une résurrection. À travers son œuvre, elle fait ainsi renaître la vie au gré de rencontres inattendues, chagrins oubliés, phénomènes surnaturels , faits indicibles, existences obscures inconnues de tous, du spectre de la mort planant en tous lieux et des choses qu i ne sont plus dans l'espoir de retenir pour toujours ces instants. La métapho re du ventre maternel fournit à cet effet le thème central de ses écrits, l'auteure réunissant en lui les êtres fragiles pour y réécri re l'h istoire de leur vie au fil de l'intrigue en ressuscitant leur passé. Défunts anonymes et créatures inanimées auxquelles est confisquée la parole y préparent leur mo rt au sein d'un « éternel présent » dont le désir traduit pour l' écrivain une quête de la mère. « La création littéraire tend pour moi vers le suprême objectif de la plus étroite communion spirituelle possible avec la mère, d'un absolu sentiment maternel

étendu tout à la fois aux êtres brisés, séparés, laids, victimes d'injustices, trop tôt disparus et loqueteu x à l'air louche », explique-t-elle . « Si la fiction littéraire me fascine , c'est par l'éclat particulier dont elle semble faire briller les choses les plus insignifiantes » [extrait de la préface de « Tintements de cloche », Munhakdongnae Publishing, 2003). 1.1

Œuvrcs et prix littéraires Au nombre des œuvres de Shin Kyong-suk figurent des recueils de nouvelles tels que fü/Jle d'hiver ( l 990), Là où se trouvait /ï1am1oni11m ( 1993), Quand je q1tittai la maison, l'Oi!à lo,Ïgtemps ( 1996), jusqu'à ce q1te coule la riuière ( 1998 ), Cha111J,s de frmses (2000) et Ti11te111e11ts de cloche (2003 ), ainsi q ue des romans comme U11 profond chagri11 ( 1994 ), L1 chaml,re désolée ( l 995), Le lrain pari à Sl'/)t /mires ( 1999) et Violette (200 l ). Les nombreuses distinctions qui couronnent ses écrits comprennrnt les prix littéraires du H,1nkook ]Ibo, du jeune talem de l'année, de littérature contemporaine, Manhac, Dongin, de littérature d u 2 l' siècle, Yisang et Oh Young-soo .

Automne 2006 1 Ko reana 81


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