Koreana Winter 2006 (French)

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ARTS ET CULTURE DE CO RÉE

Vol. 7, N° 4 Hiver 2 0 0 6


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euble de petites dimensions et d'un usage très ancien

ble une brillance agréable à l'œil en même temps qu'un

en Corée, la « soban » réunit les fonctions d'une

revêtement protecteur.

table munie de pieds et d'un plateau permettant le transport

Mesurant en général une soixantaine de centimètres de

des plats, ce qui la rend bien adaptée aux intérieurs exigus

large, les « soban » de modèle courant se composent d'un

sans délimitation de l'espace entre chambre à coucher,

plateau

à rebord posé sur quatre pieds finement gravés pour

séjour et salle à manger. Servant tour à tour à prendre des

produire un effet d'élégance et dont les caractéristiques

à

définissent différents styles tels que l' « oedari soban » à

accomplir des cérémonies rituelles, elle offre ainsi une

pied unique ou le « samgakban » tripode, tandis que le

grande souplesse d'emploi.

« jukjeolban » semble reposer sur des cannes de bambou

repas, apporter boissons fraîches, thé ou collations, voire

Composé d'un bois tout aussi léger que résistant

liées entre elles, le « gaedarisoban », sur les pattes d'un

comme le gingko, le paulownia ou le pin, le plateau prend

chien, et le « hojokban », sur celles d'un tigre. Aujourd'hui

place sur quatre minces pieds en bois de feuillu souvent unis

encore, cet article essentiel du mobilier perpétue le mode de

entre eux pour mieux soutenir une lourde charge. Le mon-

vie d'antan caractérisé par l'exigence d'objets alliant grâce et

tage des éléments est suivi du laquage conférant à l'ensem-

utilité. t..t


Koreana

Arts et Culture de Corée Vol. 7, N ' 4 Hiver 2006

Oiseaux migrateurs de Corée s

Écologie et trajets migratoires ornithologiques en Corée 1 Chae Hui-yeong

12

Un imprenable point de vue sur les flux migratoires

Koreana sur Internet

1 Yoon Moo-boo

http,//www.koreana.or.kr

Protection des zones humides en faveur des Oiseaux migrateurs I KirnHae-chang

Tous droits réservés . Toute reproduction

L'.impératif de coopération internationale en vue de la protection des OiSeaUX migrateurs I PaeSeong-hwan

el ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée.

© Fondation de Corée 2006

24

intégrale . ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement

de la Fondation de Corée, est illicite . Les op inions exprimées sont celles des auteurs

28

Koreana , revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme

(Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 19871. est aussi publiée en chinois, ang lais , espagnol,

arabe. russe . japonais et allemand .


30

DOSSIER

Présence internationale de la danse coréenne 36

I JangGwang -ryul

ENTRETIEN

Park Seo-bo, un pionnier de l'art moderne coréen

I YooJae-kil Couvert ure : Dotée d 'un généreux

42

ARTISAN Lee Jae-man

Lee Jae-man et les beautés de la corne sur bois

I ChoiTae-won

environnement naturel, la péninsule coréenne procure chaque année une halte migratoire salutaire à quelque deux cent quatre-vingts espèces ornithologiques . dont le cygne chanteur Ici-dessus).

48

Photographie : Yoo Bum-joo

CHEFS-D'CEUVRE

Éternelle beauté du céladon de Goryeo 52

I

ChungYang- mo

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Àla déCOUVerte de la porcelaine d'époque JOSeOn 58

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ÉD ITEUR Kwon ln Hyuk

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Hong Hei-kyung

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Première chanteuse au Metropolitan Opera de New York

I chang 11bum

Kim Hyeh-won

REDACTRICE EN CHEF Cho1 Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Choi Seong-su DESIGNER Hwang Sang - mi

68

ESCAPADE

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT

Jangseong d'hier et de demain

COMITÉ DE. RÉDACTION Choi Joon-s1k

Park Ok- soon, Baik Seung -ji

I HaJi-kwon

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Han Kyung-koo, Han Myung-hee , Kim Hwa -young , Kim Moon-hwan. Kim Young-na . Rhee Jin-bae

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,

Ecologie et trajets ¡ migratoires ornithologiques en CorÊe


Si les grandes migrations d'oiseaux répondent avant tout à des impératifs alimentaires, elles constituent aussi une véritable odyssée pour de multiples espèces qui, en Asie du Nord-Est, sont plus particulièrement attirées par la péninsule coréenne tout au long de l'année. Chae Hui-yeong Directeur du Centre de recherche sur les o iseaux migrateurs affilié à !'Agence

coréenne des parcs natio naux Yoo Bum-joo Photographe

Quand vient l'hiver, les sarcelles élégantes évoluent dans le ciel par centaines de milliers et selon une merveilleuse chorégraphie qu'ornithologues et autres amoureux des oiseaux accourent admirer des quatre coins du monde, puisque la Corée est désormais le seul pays accueillant cette espèce.


Principaux itinéraires des oiseaux migrateur~ -~ d /

:??-

·--~

I

I

Canards et oies Aigles royaux

~

L

es espèces ornithologiques sédentaires, qui en Corée compren-

nent notamment le moineau, présentent la particularité de se re-

produire et de passer l'hiver en un même lieu, contrairement aux migrateurs, lesquels se divisent en espèces estivantes, hivernantes, de passage et vagabondes en fonction de leur comportement migratoire. Les premières d'entre elles, se rendant en hiver dans les zones méridionales qui bénéficient d'un climat plus clément, en particulier l'Asie du SudEst, s'arrêtent un temps sur la péninsule en vue de la reproduction, comme l'hirondelle, le coucou, le râle à crête et la bouscarle chanteuse. À l'inverse, les volatiles hivernants gagnent les régions plus froides de la

Sibérie ou de la Chine pour s'y reproduire tandis qu'ils conservent leur habitat coréen durant la période hivernale, et se composent de la grue, du canard et de l'oie. Quant aux migrateurs de passage, qui se reproduisent également dans des zones septentrionales telles que la Sibérie, ils se contentent d'un transit sur la péninsule avant de repartir plus au sud pour l'hiver, parfois jusqu'en Nouvelle-Zélande ou en Australie. Enfin, les oiseaux sont dits vagabonds lorsqu'ils ont été déviés de leur itinéraire, par exemple lors d'un typhon qui les a considérablement éloignés de leur habitat naturel, jusque dans un lieu inconnu.

Essor de la recherche ornithologique migratoire Venant du latin« migrare » qui signifie se déplacer, le terme migration désigne les déplacements qu'effectuent, périodiquement et en groupe, les individus de certaines espèces ornithologiques entre des sites de reproduction et d'hivernage. C'est le professeur danois Hans Mortensen qui le premier à consacré des travaux à ce phénomène, baguant des oiseaux afin d'en suivre le périple migratoire selon une méthode que l'ornithologue américain John James Audubon allait reprendre à sa suite pour localiser les sites d'hivernage de nombreux oiseaux, dont les hirondelles, ainsi que leurs sites de reproduction, et construire une base de données d'une valeur inestimable pour la recherche en matière migratoire. Les technologies de pointe ont permis de progresser considérablement dans l'étude de ces flux migratoires, notamment la détection radar et la transmission par satellite, qui ont livré des résultats fondamentaux, la première assurant un suivi efficace des groupes de grandes dimensions au moyen d'informations exactes quant à leur 10 Koreana I Hive r 2006

Au-dessus d'une étendue enneigée, déplacement en formation d'oies des moussons qui pour la plupart séjourneront à l'embouchure du Nakdonggang (ci-dessus à gauche). L'échasse blanche peut devenir sédentaire dans une zone de migration offrant des conditions propices, comme ce rare spécimen demeuré en Corée après s'y être égaré (ci-dessous). Brouillard parcouru d'un vol d'aigrettes, un estivant qui fait son apparition à la mi-avril au bord des fleuves, lacs artificiels et côtes aux eaux profondes (ci-contre).


position et leur vitesse, tandis que l'imagerie de précision produite par

l'hiver sur la péninsule, ainsi que la troisième, certaines espèces telles

la première fournit aux chercheurs la possibilité de visualiser les par-

que les grues moines et à cou blanc ne font que la traverser pour se fi-

cours individuels en tout point de la planète, mais aussi de connaître la

xer dans ce dernier pays. Enfin, les migrateurs de passage, notamment

durée des haltes migratoires et les habitats de prédilection de chaque

la bécassine des marais et le pluvier, transitent en règle générale par la

espèce sur son trajet.

Corée pour se rendre de Sibérie en Australie ou en Nouvelle-Zélande, tandis que les oiseaux de proie comme l'aigle et le faucon effectuent

Principaux flux migratoires

une halte sur les îles de la Mer de l'Ouest, Hongdo, Heuksando et

Les oiseaux effectuent leurs déplacements à la recherche de

Gageodo par exemple, avant de reprendre leur périple à destination de

régions offrant des conditions alimentaires et climatiques plus favo-

l'Asie du Sud-Est via la péninsule et la Chine continentale, les éperviers

rables, ce qui répond à un instinct naturel de survie. Capables de supporter les rigueurs hivernales tant qu'ils ont de quoi se nourrir en

longeant quant à eux le littoral occidental coréen au printemps ou doublant celui du sud en automone avant de survoler l'île de Tsushi-

abondance, ils partent vers de nouveaux horizons dès que ces

ma, puis de se diriger plein sud vers Okinawa ou l'Asie du Sud-Est.

ressources s'épuisent. Les espèces sédentaires se nourrissent principalement de graines ou sont omnivores, tel étant le cas respectivement des moineaux et corbeaux, alors que des migrateurs comme l'hirondelle, le

Une halte idéale

Les activités toujours plus nombreuses des adeptes de l'observa-

coucou, la bécassine des marais et le pluvier s'alimentent généralement

tion des oiseaux et de nouveaux organismes d'étude tels que le Centre

d'insectes capturés en vol, dans l'eau et les arbres. Parmi les plus

de Recherche sur les oiseaux migrateurs affilié à !'Agence coréenne des

grands volatiles, la bondrée orientale, insectivore, et la busautour à

parcs nationaux permettent de recueillir toujours plus de données sur

joues grises, mangeuse de reptiles, réalisent un déplacement par an,

les flux migratoires. En Extrême-Orient, la péninsule coréenne offre

tandis que l'aigle doré, prédateur de lièvres et rats des champs, est es-

un milieu naturel où les espèces migratrices revenant de l'hémisphère

sentiellement sédentaire, les comportements migratoires étant ainsi

Nord après la reproduction puisent une énergie nouvelle dans d'abon-

étroitement liés aux ressources et pratiques alimentaires. La population ornithologique répertoriée en Corée comprend

dantes ressources alimentaires avant de s'envoler pour l'Asie du SudEst ou l'hémisphère Sud. Bordé de vastes marécages, le littoral occi-

soixante-quinze espèces estivantes et cent dix-sept hivernantes, ainsi

dental s'avère particulièrement riche en éléments nutritifs pour des

que cent trente-trois de migrateurs de passage et cent quatorze de

migrateurs comme la bécassine ou le pluvier, tandis que la nuée d'îles

vagabonds. En raison de son emplacement privilégié sur les grandes

qui émaille celui de l'est constitue une importante étape où les oiseaux

routes migratoires d'Extrême-Orient, la péninsule abrite considérable-

trouvent refuge pour s'y accorder une brève pause avant de repartir

ment plus d'espèces migratrices que sédentaires, les premières effec-

pour la péninsule, la Chine et l'Asie du Sud-Est.

tuant pour la plupart leurs déplacements selon les directions suivantes.

Point crucial où s'effectuent les haltes migratoires or-

Les migrateurs estivants parmi lesquels figurent l'hirondelle, le

nithologiques en Extrême-Orient, la Corée se doit d'entreprendre le

coucou, le râle à crête, le tarier pâtre et le merle pâle empruntent un

recensement systématique des arrivées et départs d'oiseaux, ainsi que

itinéraire reliant l'Asie du Sud-Est à la péninsule en passant par le lit-

la surveillance de leur population et itinéraires, autant d'études qu'il

toral oriental chinois et les îles coréennes de la Mer de l'Ouest, réalisant le même parcours en sens inverse lorsqu'ils ne s'attardent pas dans le

serait malaisé de mener isolément et qui exigent donc la mise en œuvre d'une étroite coopération par-delà les frontières, en particulier

nord ou le sud du territoire. Les volatiles estivants que sont le canard,

dans le cadre de conventions internationales.

rai

l'oie et la grue survolent quant à eux la Sibérie, la Chine, voire la Corée pour atteindre le Japon, car si la deuxième passe le plus souvent Hive r 2006 1 Korea na 11


U n imprenable point de vue sur les flux migratoires ....

···"


Quelque deux cent quatre-vingts espèces ornithologiques transitent chaque année par la péninsule coréenne où marais et autres zones humides s'étendant à perte de vue les attendent comme autant de nids douillets. Yoon Moo-boo Ornithologue et ancien professeur de bi ologie de l'Université Kyunghee Yoo Bum-joo Phot ographe


Frontière artificielle déchirant en deux la péninsule et sa population, la zone démilitarisée (DMZ) étend entre nord et sud un« no man's land » qui, au fil du temps, est devenu le paradis d'espèces migratrices rares qu'un tel obstacle ne saurait arrêter.

14 Ko reana I Hiver 2006


Canards siffleurs d'Eurasie volant en une formation en V au centre de laquelle prennent place les individus les plus rĂŠsistants et exercĂŠs (ci-contre). Pyguarge Ă queue blanche planant dans les airs avec aisance. Il a pour zones d' hivernage le cordon littoral et ses deltas, ainsi que les rives de grands fleuves tels que l'lmjingang, le Hangang et le Nakdonggang (ci-dessus).

Hiver 2006 1 Koreana

15


Quittant le nord-est sibérien pour passer la saison froide sur le sol coréen, !'huîtrier pie s'établit à l'embouchure des fleuves ou dans les marais côtiers, où il se nourrit d'huîtres, palourdes, vers, poissons et crabes (ci-dessus). En Corée comme dans le reste du monde, la cigogne blanche est classée espèce protégée. Elle affectionne particulièrement les grandes étendues de roseaux ourlant la baie de Suncheonman (ci-dessous).

Côtes échancrées de deltas, lacs intérieurs et zones marécageuses sont l'habitat de prédilection des mouettes (ci-contre). La baie de Cheonsuman attire un nombre croissant de migrateurs tels que ces cygnes de Bewick offrant leur merveilleux spectacle au crépuscule (ci-contre).





À l'embouchure du Nakdonggang

monde.

activité humaine, allait permettre la reconsti-

À l'approche de la mer, le Nakdonggang

Toujours à cette époque, les principales

s'élargit en un vaste delta dont les bras enca-

espèces de passage dans la région compor-

Depuis lors, il s'est avéré que des espèces

drent l'île d'Eulsukdo entre l'agglomération de

taient le canard malard (1999-2005), le

Busan, à l'est, et les plaines de Gimhae,

goéland à queue noire (2002), le tadorne de

ornithologiques protégées au titre du patrimoine na tu rel, car rares, telles les grues à

l'ensemble de cette zone étant protégée depuis

Belon (2004-2005) et le goéland argenté

couronne rouge et à cou blanc, ont régulière-

1966. En amont de cet estuaire, le ruisselle-

(2005). Une étude portant sur les six années

ment hiverné dans la région, tandis que des bandes de grues moines y transitaient, après

tution de l'écosystème antérieur aux ravages.

ment des eaux fluviales et l'action des marées

de 1999 à 2004 a en outre révélé la présence

sont à l'origine d'une importante formation

de trois espèces en voie d'extinction, à savoir

avoir séjourné au Japon pendant la saison

dunaire.

le pygargue à queue blanche, l'aigle de mer

froide, pour s'envoler ensuite à destination de

de Steller ou mourine et le faucon pèlerin,

contrées plus septentrionales, et les pouvoirs

Entre les mois de novembre et mars, lorsque règnent des températures inférieures à

ainsi que les dix-sept espèces protégées que

publics ont alors décrété les lieux site classé n°

zéro degré dans le centre du pays, les migra-

sont le plongeon catmarin, les cygnes

245.

teurs hivernants se massent à cette em-

chanteur et de Bewick, les oies cygnoïde et des moussons, la bernache cravant, la sar-

l'Institut national de la recherche sur l'envi-

là que séjournent souvent à la saison froide

celle élégante, le balbuzard pêcheur, le milan

ronnement consacré aux migrations hiver-

des espèces animales protégées aussi rares que

noir, le busard Saint-Martin, la buse variable,

nales effectuées de 1999 à 2004, le nombre

la grue à cou blanc, ainsi qu'une modeste peu-

les grues moine et à cou blanc, !'huîtrier pie,

d'espèces recensées sur ce site variait de

plade de petites spatules, aigles et faucons

le courlis de Sibérie, les mouettes reliques et

trente-sept à quarante-huit selon les années

côtoyant une multitude de courlis de Sibérie,

de Saunders.

pour s'établir à quarante-trois par an en

roux, ou spatules et glaréoles d'Orient en

Dans la plaine de Cheorwon Théâtre

de la période considérée. À cette même

transit migratoire à destination du sud, au

de sanglants combats pendant la Guerre de

époque, 2 977 et 44 994 individus y ont effec-

nombre des cent quarante espèces qui y ont

Corée (1950-1953), la plaine de Cheorwon,

tué des migrations régulières, soit une

été répertoriées.

qui s'étend au sud de la Zone démilitarisée,

moyenne annuelle particulièrement élevée de

allait rester à l'abandon jusque dans les années soixante-dix, une épaisse végétation enva-

12 225 oiseaux.

bouchure, l'eau n'y gelant que rarement. C'est

moyenne et à soixante-quinze sur l'ensemble

barges rousses, bécasseaux variables, à col

Selon le recensement ornithologique annuel de l'Institut national de la recherche

Dans un rapport d'étude annuel de

La plaine de Cheorwon constitue la

sur l'environnement, ce chiffre aurait été

hissant rizières et autres champs, à l'exception

principale zone de transit migratoire des

compris entre quarante et quatre-vingt-dix

de quelques terrains déboisés à des fins

grues, comme permettent de le constater les

par an, c'est-à-dire cinquante-sept en

stratégiques. Située dans une région dont l'évacuation n'avait pas été ordonnée pour des

chiffres de 332 à 581 et de 377 à 488 individus respectivement dénombrés durant la même

moyenne annuelle, au cours de la période al-

des espèces à couronne rouge et à cou blanc

lant de 1999 à 2005, pour atteindre cent deux

raisons de sécurité et uniquement desservies

sur l'ensemble de celle-ci. À cette même

par des routes militaires parcourant de dan-

période. Tout aussi rares, le cygne chanteur,

époque, l'estuaire du Nakdonggang a accueilli

gereux champs de mines qui subsistent

l'oie des moussons, les busards Saint-Martin

de 11 420 à 44 781 individus selon les années,

aujourd'hui encore, cette dense forêt demeu-

et de Gould, l'autour de palombe, la buse

soit 22 816 par an en moyenne, ce qui en fait

rait d'un accès rigoureusement interdit à la

variable et le grand-duc d'Europe faisaient

l'une des grandes étapes migratoires du

population civile et en l'absence de toute

aussi l'objet de cette étude, ainsi que les aigles

20 Korea na I Hiver 2006


Canards à bec tacheté et grandes aigrettes affluent dans le vaste marais coréen en quête de repos et de nourriture (ci-contre, à gauche). Barge à queue noire picorant les grains de riz de son bec pointu (ci-contre, à droite). L'été venu, la rousserole turdoïde dépose un à cinq œufs dans le nid qu'elle construit en Corée (à droite).

venant toujours plus nombreux de Mongolie,

qui se reproduisent et trouvent à profusion de

d'une route, sur quatre kilomètres, un lit de roseaux ondoyant au gré des vagues avec un

puisque de huit, en 1999, leur population est

quoi se nourrir à marée descendante sur les

passée à 475 en 2003, puis 386 en 2004, ce

îlots tout proches, déserts et inaccessibles aux

bruissement semblable à une voix toute

chiffre oscillant entre trois cents et cinq cents

curieux parce que situés à proximité de la

proche, plantes à la tige printanière verdâtre

selon les zones d'observation.

ligne de démarcation.

qui doivent subir les chaleurs estivales avant

Site de reproduction de la petite spatule,

de se parer de fleurs blanches en hiver. Ce lieu

Marais de Ganghwado Réalisée en pa-

le marais de Ganghwado représente, par sa

empreint de sérénité, dont artistes et écrivains

rallèle dans six pays d'Asie de l'Est et du Sud-

superficie de quatre cent cinquante kilomètres

romantiques ont particulièrement goûté

Est, dont la Corée et Taïwan, une étude en

carrés, la plus vaste zone classée au titre de la

l'atmosphère, a servi de décor à un grand nombre de romans.

date du mois de janvier 2000 révèle que seuls

protection d ' une espèce ornithologique

six cent soixante spécimens de petite spatule

donnée. S'étendant sur le littoral méridional

Sur le plan international, la baie de Sun-

subsistent encore sur la planète, notamment

de l'île de Ganghwado, jusqu'aux îlots envi-

cheonman attire actuellement l'attention en

en Corée où cette espèce en voie d'extinction

ronnants de Seongmodo et Boreumdo, elle

raison des réserves in épuisables d e son

a été classée n° 205 par les pouvoirs publics

offre un habitat particulièrement bien adapté

écosystème naturel. Zone d'hivernage exclu-

aux fins de leur protection. Après avoir

à la petite spatule, tout en constituant une im-

sive de la grue moine en Corée, elle a été

apposé des dispositifs de marquage sur quatre

portante étape migratoire pour de nom-

classée site n° 228, tandis que ses marais et lits

individus capturés à Hong Kong et Taïwan en

breuses espèces qui y transitent après s'être re-

de roseaux offrent un refuge à près de cent

janvier 1999, les chercheurs les ont libérés et

produites en Sibérie ou en Alaska et poursui-

quarante espèces migratoires également

en observant leur comportement migratoire

vent ensuite leur périple vers le Japon, l'Aus-

protégées pour certaines d'entre elles, telle la

par satellite, les ont localisés sur une partie du

tralie ou la Nouvelle Zélande.

petite spatule. Avantageusement située sur le trajet des grands flux bisannuel~ empruntés

littoral de la Mer Jaune interdite au public depuis avril 1999, émettant l'hypothèse que

En baie de Suncheonman Blottie entre

par divers oiseaux, elle fournit une halte salu-

leur zone de reproduction se situait sur les

les péninsules de Yeocheon et Goheung, la

taire à la bécassine, un scolopacidé migrant de

côtes coréennes. En corroborant la présence

baie de Suncheonman, au jusant, abrite ses

la Sibérie à l'Australie, puis l'hiver venu, grue

d'un tel site non loin de la commune de

eaux en un immense bassin de marée d'une

moine, goéland de Saunders, canard malard, sarcelle à ailes vertes et tardone de Belon y

Seodo-myeon, dans le canton de Ganghwa-

superficie de plusieurs millions de pyeong.

gun, les données recueillies en juillet de la

Bénéficiant en permanence de l'apport d'eau

font leur apparition. À la même époque, les

même année allaient en souligner l'impor-

douce des rivières attenantes, elle offre un lieu

grues moines y échappent par bandes entières

tance aux fins de la conservation de l'espèce et

de fraie d'ores et déjà protégé, mais qui suscite

aux rigueurs hivernales, tandis que petite

permettre, le 6 juin 2000, que soient classés en

actuellement un regain d'intérêt depuis la

spatule, cygne chanteur, goéland de Saunders,

zone protégée par l'Etat les marais par lesquels

déco uverte d'un habitat de cent quarante

échasses blanches et autres volatiles peu com-

la petite spatule effectue un transit en vue de

espèces ornithologiques différentes, notam-

muns affluent en grand nombre. Au retour

son alimentation et de sa reproduction.

ment la grue moine et la cigogne blanche,

du printemps et de l'automne, leur succéde-

Entre les mois de mai et octobre, les observateurs ont le loisir d'apercevoir sur les

toutes deux protégées à l'échelle tant coréenne

ront bécasseau variable, courlis corlieux et de

qu'internationale.

Sibérie, chevaliers aboyeur et bargette, parmi

côtes de l'île de Ganghwado non moins de

À la confluence du Dongcheon et de

soixante-dix à cent spécimens de cette espèce,

l'Isacheon située en amont, s'étale le long

les multiples espèces transitant d'ordinaire en ces lieux. Hive r 2006 1 Koreana 21


Gracieux battements d'ailes de la grande aigrette, un migrateur estivant présent sur l'ensemble du territoire.

Le paradis de Cheonsuman La société

le second. On a par ailleurs constaté un af-

l'expression de« Lac aux eaux miroitantes ».

Hyundai Engineering & Construction Co.,

flux plus important de cygnes de Bewick tant

Sur le cordon littoral, s'égrènent lagunes et

Ltd a aménagé, dans la province de

à l'estuaire du Nakdonggang qu'au lac artifi-

grands étangs côtiers offrant autant d'étapes

Chungcheongnam-do, une digue de huit

ciel de Junam, tandis que des espèces effec-

bienfaisantes, car régénératrices, sur les

kilomètres de long traversant les marais de

tuant des déplacements annuels, comme

grandes routes migratoires reliant notamment

Seosan-gun et Hongseong-gun, les terres ainsi

l'oie, séjournent en plus grand nombre sur la

la Sibérie à l'Australie.

conquises sur l'eau se couvrant aujourd'hui

rive occidentale de la baie de Cheonsuman,

d'une rizière si grande que semences ou

dont d'aucuns affirment qu'elle est appelée à

Au printemps et en automne, bécassine et pluvier en sont les hôtes, notamment une

engrais y sont répandus par un avion, tandis

devenir bientôt le nouveau jardin d'Eden des

quinzaine de variétés de la première, à l'époque de la fête des récoltes dite « Chuseok », de

que sur une vaste surperficie, s'est formé un

oiseaux migrateurs, une évolution que sui-

lac de faible profondeur et bordé de roseaux,

vent avec satisfaction et de très près les or-

même que les bécasseaux à col roux, variable,

milieu artificiel mais toutefois bien adapté aux

nithologues coréens.

maubèche et d'Anadyr, les chevaliers bargette

migrateurs de passage, puisque touristes et

ou gambette, la barge rousse, le tournepierre à

riverains de Seosan peuvent y observer pour la

Sur la côte Est Fréquenté par quantité de

collier et le courlis de Sibérie. Tout au long de

première fois un grand nombre d'espèces

touristes, le littoral oriental offre aussi un

l'année, hormis durant les mois d'été, s'y ren-

rares.

refuge aux espèces migratrices qui s'y rendent

contrent aussi divers pluviers, tel celui à col-

À la saison froide, ce plan d'eau créé

d'autant plus nombreuses qu'il n'existe pour

lier interrompu, ainsi que le petit gravelot et le vanneau huppé.

dans un milieu naturel déjà humide cons-

elles ni frais de transport ni passage de fron-

titue un véritable paradis pour les canards à

tières car sur ses rivages pittoresques, l'alter-

Entre novembre et février, les migra-

bec tacheté et plongeur, le plongeon cat-

nance de courants doux et froids réserve un

teurs donnent à voir le fantastique tableau de

marin, le grèbe australasien et plusieurs

accueil favorable à ces voyageurs qui, après

leur envol dans les cieux, compie sur les rives du lac de Cheongchoho, seul à réunir en un

variétés d'oies sauvages. Sur fond de soleil

avoir parcouru parfois plusieurs milliers de

levant ou couchant, un vol de sarcelles

kilomètres, y trouvent repos et nourriture

même lieu et au même moment toutes les

élégantes, ces canards de la plus petite et plus

jusqu'à la nouvelle saison où ils repartent vers

variétés de goélands représentées sur le sol

jolie espèce qui arrivent chaque année en Corée, offre l'un de ces magnifiques specta-

les sites de reproduction, de ponte et

coréen, en particulier ceux du type à queue

d'éclosion. Une halte d'une durée suffisante

noire et argenté, ainsi que les mouettes rieuse

cles dont Dame Nature a le secret. Si pas moins de deux milliers d'entre elles avaient

est en effet indispensable au bon déroulement

et tridactyle ou encore le sterne pierregarin.

été recensées l'année dernière sur les rives du

du cycle reproductif annuel. Les nombreux lacs de la bordure lit-

autres espèces rassemblant cygnes, canards et

Ce site attire également quatre-vingt-quatre

lac artificiel de Junam situé près de Chang-

torale pourvoient ainsi aux besoins alimen-

grèbes castagneux aux côtés d'un petit nom-

won, ville de la province de Gyeongsang-

taires de ces grands voyageurs, comme près de

bre de volatiles plus rares mais qui reviennent

nam-do, l' alliance des eaux lacustres et

la ville de Gangneung située dans la province

marécageuses de la baie de Cheonsuman

de Gangwon-do, où celui de Gyeongpoho as-

périodiquement sur les lieux, tels le cygne de Bewick, ]'huîtrier et le pygargue à queue

s'est avérée par la suite d'un attrait plus

socie eaux douce et de mer. Celles-ci

blanche respectivement classés espèces

irrésistible encore, puisque, l'hiver dernier,

fournirent longtemps un thème d'inspiration

protégées n° 202, 326 et 243, ou encore la pe-

ces volatiles n'étaient plus qu'une centaine

en poésie et en peinture par une limpidité et

tite spatule, le faucon pèlerin et l'échasse à

sur le premier, les autres ayant convergé sur

une immobilité qui donnèrent naissance à

manteau noir. 1..1

22 Koreana I Hive r 2006


Espèces ornithologiques rares réalisant un transit migratoire en Corée 1

Spatule blanche Cet hivernant assez peu commun

Petite spatule Espèce estivante peu représentée, la

d'une hauteur approximative de quatre-vingt-six cen-

petite spatule mesure près de quatre-vingt-six cen-

de la côte occidentale, l'aigrette de Chine possède une

timètres est présent sur le territpire dans les zones hu-

timètres. Tournant le bec de droite et de gauche, ·elle

taille approximative de soixante centimètres. L'UICN et le BirdLife International ou Conseil international pour la

Aigrette de Chine Présente dans les zones humides

mides littorales et riveraines, ainsi que les mares et

intercepte poissons d'eau douce, grenouilles ou têtards.

rizières où il se nourrit principalement de poissons,

Très craintive, elle fuit toute présence humaine en se

Préservation des Oiseaux (ICBP) ont d'un commun ac-

grenouilles et de coléoptères. Répartie entre le Japon, la Chine, la Sibérie orientale et la Mongolie, outre la

réfugiant sur les estuaires et lacs artificiels côtiers, d'où

cord déclaré ce volatile en voie d'extinction et appelé à

la difficulté de l'observer. C'est au Japon ou en Asie du Sud-Est qu'elle hiverne après s'être reproduite, à la fin

cipales zones de reproduction se situent en Chine et

du mois de juillet, sur des îles désertes situées aux envi-

sur les îlots avoisinant l'île de Daebudo, ainsi qu'à pro-

Corée qui l'a classée espèce protégée, sa population ne compte aujourd ' hui dans le monde que cent mille spécimens que la World Conservation Union (Union internationale pour la Conservation de la nature : UICN)

rons de la ligne de démarcation. Classée espèce protégée, sa population s'élèverait à moins de sept

a inscrits sur sa « Liste rouge des espèces menacées ».

cents individus dans le monde entier et elle est au-

Quand vient l'hiver, une trentaine d'entre elles ef-

jourd'hui considérée en voie d'extinction.

des mesures urgentes pour assurer sa défense. Ses prin-

ximité d'Ansan-si, ville de la province de Gyeonggi-do, et sur l'île de Ganghwado. Classée au titre de la protection des espèces, car seuls quelque mille huit cents spécimens en subsistent actuellement dans le monde, et

fectuent une halte en baie de Cheonsuman, près de

de ce fait fragile, elle disparaît à un rythme rapide en rai-

Seosan, dix autres, au lac artificiel de Junam et environ

son de la régression inexorable des marais et des

cinq sur l'île de Jindo.

réserves alimentaires que ceux-ci renferment.

Grue à cou blanc Hivernant chaque année à l'estuaire du Hangang et sur la plaine de Cheorvvon, la grue à

Grue moine Au printemps et en automne, cet échas-

Grue du Japon

sier hivernant transite par petites bandes comportant

quarante centimètres de hauteur, la grue du Japon est

Atteignant cent trente-six à cent

cou blanc présente une hauteur d'environ cent dix-neuf

au total jusqu'à quatre mille individus dans la commune

un hivernant aujourd'hui rare qui manifeste une

centimètres, pour cinquante-trois à soixante et un

coréenne de Haepyeong-myeon, située non loin de la

prédilection pour les marais aux abondants roseaux et

d'envergure, son poids variant entre cinq et six kilo-

ville de Gumi-si, sur le trajet de son hivernage au Japon.

vit par couples ou en solitaire. En vol, les bandes

grammes. Omnivore, elle se nourrit surtout de rafles de

D'une hauteur d'environ un mètre et d'une envergure

adoptent une formation en « V ». En Corée, les pre-

riz, mais aussi de poissons-castors. Sa reproduction se

de quarante-huit à cinquante-trois centimètres, il est

mières arrivées ont lieu au début du mois de novembre

déroule en Asie Orientale, notamment en Sibérie, sur

doté d'une queue de seize à dix-neuf centimètres de

et se poursuivent dans les régions du sud jusqu'à la fin

les berges de l'Ussuri, un fieuve russe, de même qu'en

long. Il a pour zone de reproduction le sud-est de la

décembre ou aux premiers jours de janvier, les départs

Mandchourie, puis l'oiseau passe la saison froide en

Sibérie, la Mandchourie et la Mongolie, et comme desti-

s'effectuant à la fin mai. On n'en recense plus au-

Corée, dans le sud du Japon ou le nord-est de la Chine.

nation d'hivernage, la Corée, le nord-est de la Chine et

jourd'hui dans le monde que 1 690 à 2 040 spécimens déclarés en voie d'extinction par l'UICN et de ce fait

Compris entre quatre mille neuf cents et cinq mille

le Japon. La planète n'en comporte plus aujourd'hui que

trois cents , le nombre de spécimens répertoriés sur la

neuf mille trois cents, la Corée ayant pour sa part

préservés à l'échelle internationale, comme cela est Je

planète est en diminution, d'où le classement de ce volalile en espèce protégée, car considérée fragile.

décidé de la classer parmi les espèces protégées en rai-

cas en Corée, où ils ont été classés parmi les espèces

son de sa fragilité.

protégées. Hiver 2006 1Koreana 23


········· ---~

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..-----------------------·

Protection des zones humides en faveur des oiseaux migrateurs


L'écosystème migratoire coréen fait toujours plus les frais de l'aménagement du territoire à des fins commerciales, qui fait disparaître comme peau de chagrin les zones humides et marécageuses offrant un précieux habitat à ces oiseaux. Kim Hae-chang Journaliste, spécialiste des questions d'environnement au « Kookje Shinmun »

Q

uand vient la fin de l'automne dans le sud péninsulaire,

et le bécasseau spatule se soldera non seulement par une forte diminu-

l'estuaire du Nakdonggang offre de ses berges sableuses le

tion del' effectif des individus, mais aussi par l'extinction d'espèces.

spectacle de centaines, voire de milliers d'oiseaux noirs et blancs

Entendant manifester leur opposition à ce projet sans toutefois

glissant sur l'eau avant de se poser, tels des avions sur la piste, au

obtenir gain de cause auprès de l'Etat, des prêtres, moines et autres per-

point que l'îlot d'Eulsukdo tout proche constituerait l' « aéroport

sonnalités des différentes confessions religieuses avaient effectué, en

international aviaire » de bandes entières de migrateurs hivernants

2003, une procession dite des « trois pas et du prosternement » consis-

parmi lesquels figurent l'oie sauvage et le cygne de Bewick. Au sud, à l'ouest et à l'est, les oiseaux ont instauré leur « république » dans

tant, comme son nom l'indique, à s'avancer, puis se courber jusqu'à terre, et ce, sur la distance de plusieurs centaines de kilomètres qui

les zones humides ourlant le cordon littoral, notamment la baie de

sépare le site de Saemangeum de la capitale. Au niveau local, des associa-

Cheonsuman, l'embouchure du Geumgang et l'île de Ganghwado,

tions écologistes opposées à cet aménagement, notamment un groupement de riverains de Buan et la Fédération coréenne des mouvements de

ainsi que Cheorwon, Upo et Seongsanpo, autant de haltes bénéfiques où ils peuvent goûter un repos bienfaisant avant de reprendre un long périple qui, pour certains, mène jusqu'à la

défense de l'environnement de la région de Jeonbuk, se sont également mobilisées, mais sans plus de succès, en appelant à des manifestations

Sibérie, l'Australie ou la Nouvelle Zélande. Aujourd'hui, ce havre

monstres.

des espèces migratrices est malheureusement menacé de disparaître.

Disparition d'habitats naturels

ONG en lutte contre l'aménagement

construction d'un pont de 4,8 kilomètres de long à l'extrémité sud de

Non loin de Busan, à l'embouchure du fleuve Nakdonggang, la Se classant parmi les cinq plus grands bassins de marée du

l'île d'Eulsukdo, classée Monument naturel coréen n° 179, fait peser

monde avec leur quarante mille hectares de superficie, les célèbres

des menaces sur un autre marais de grandes dimensions, puisque oc-

marécages coréens de Saemangeum font aujourd'hui l'objet d'un vaste

cupant une superficie d'environ 109,3 kilomètres carrés. Déjà, la mul-

plan d'assainissement prioritaire à l'échelle nationale. En mars dernier, le Tribunal Suprême a débouté plusieurs organisations écologistes

tiplication de projets d'aménagement, à commencer par celui des berges en 1987, suivies d'une zone industrielle, puis de logements, ont

dans la procédure qu'elles avaient intentée en vue de l'arrêt du projet

mis à mal cette importante étape située sur le parcours des grands flux

et a donné son aval à la réalisation d'un dernier tronçon de digue long de trente-trois kilomètres. Entrepris en 1991 et devant s'achever à l'horizon 2011, ce chantier vise à l'aménagement d'un lac artificiel as-

migratoires d'Asie de l'Est et plusieurs associations de riverains regroupées sous la houlette du mouvement Marégages et oiseaux de Corée, aux côtés de Green Busan, mènent d'énergiques campagnes

surant la fourniture d'un milliard de tonnes d'eau douce en vue

d'information auprès du public afin de sauvergarder le fleuve

d'atteindre un rendement rizicole de 86 429 tonnes par an. Très critiqué par les experts qui arguent de sa non-rentabilité au

Nakdonggang en contraignant l'État à renoncer à cet ouvrage. Par ailleurs, il convient d'attirer l'attention sur de graves atteintes

regard de l'importance des énormes dommages occasionnés à l'envi-

au milieu naturel de la baie de Cheonsuman q~, à Seosan, constitue

ronnement, le projet Saemangeum risque également d'entraîner

une vaste réserve alimentaire pour les espèces migratrices en même

l'épuisement de la moitié des réserves de pêche, selon les conclusions

temps que le premier site coréen d'observation des oiseaux. Ces

d'un rapport interne portant sur une étude de faisabilité effectuée par

dernières années, la société Hyundai Asan Corporation a réalisé un

une commission paritaire composée de représentants des pouvoirs

plan d'assainissement auquel a succédé la vente de parcelles de terre

publics et du secteur privé. En outre, la destruction de l'habitat naturel d'oiseaux tels que le pluvier, la petite spatule, la mouette de Saunders

de vie normal des oiseaux. Afin d'éviter que les migrateurs ne soient

arable à des particuliers dont l'irruption a totalement perturbé le mode

Hiver 2006 1Korea na 25


chassés de leur paradis coréen, l'Association des riverains pour la

coréennes et étrangères, la Corée entendant à cette occasion faire

défense de la baie joint aujourd'hui ses efforts à ceux du Centre de

répertorier dans ce cadre quatre autres zones humides situées près de

recherche sur les zones humides de Cheonsuman dont la vocation de

Changwon.

protection de l'environnement se double à cet effet d'une action à caractère éducatif. Près de Gunsan, enfin, l'embouchure du Geumgang suscite les

Quand homme rime avec nature

plus vives inquiétudes suite à l'édification d'une plate-forme d'obser-

rizières tout en prévenant les inondations, le lac artificiel de Junam of-

Créé dans les années vingt à Changwon pour irriguer champs et

vation attestant d'une méconnaissance des règles qui régissent cette ac-

fre repos réparateur aux oiseaux et salle de cours d'écologie à ciel ou-

tivité, puisque cette construction trouble le comportement habituel

vert. En vue de la prochaine assemblée générale de Ramsar, la

des oiseaux, ainsi qu'à la perspective de travaux de drainage dont la

Fédération coréenne des mouvements écologistes de Masan-Chang-

réalisation est prévue autour de l'îlot de Yubudo, sachant que celui-ci

won joue un rôle de premier plan pour rassembler les synergies au

attire chaque hiver, le temps d'une halte, quelque trois mille huîtriers

niveau de la région et des pouvoirs publics. Près de Changwon, les

pie dont on ne dénombre aujourd'hui plus que dix mille dans le

marais d'Upo bordant la petite ville de Changnyeong et depuis tou-

monde. En conséquence, la Fédération coréenne des Mouvements de défense de l'environnement de Seocheon s'emploie à démontrer le

jours auréolés de mystère constituent une des principales zones humides coréennes à l'instar de ceux de Yong s'étendant dans le voisi-

bien-fondé de sa lutte contre un tel projet.

nage d'Inje et déjà pris en compte par la Convention de Ramsar. En

La Convention de Ramsar

écologique contribue activement à la protection des zones humides

partenariat avec l'association Green Upo, un Centre d'information Symbole d'une péninsule divisée, la Zone démilitarisée (DMZ)

régionales.

est en revanche terre de liberté pour les migrateurs dont l'observation

L'ouvrage que j'ai publié en 2002 sous le titre « Vous y trouverez

exige en ces lieux un laissez-passer, notamment les grues à cou blanc

des oiseaux » doit d'ores et déjà faire l'objet d'irnp01;:tantes mises à

pour lesquelles la région de Cheorwon constitue l'étape coréenne de leur périple entre la Sibérie et la ville japonaise d'Izumi, et les grues à

jour pour ajouter aux dix-huit grandes zones humides coréennes qui y sont décrites les marécages toujours plus nombreux que menacent des

couronne rouge qui en ont fait leur principal site d'hivernage. À Cheo-

projets d'assainissement car l'homme commet toujours la folie de

rwon, une antenne de l'Association coréenne de protection des

n'apprécier les choses qu'après leur disparition finale. Au vu de la des-

oiseaux pourvoit en partie à l'alimentation des migrateurs hivernants

truction aveugle dont sont victimes leurs marais, il est à espérer que les

en difficulté.

Coréens sauront redéfinir comme il se doit les priorités de leur vie

Fort heureusement, il est des zones humides qui échappent aux ravages d'un aménagement à tout crin, telle la baie de Suncheonman,

quotidienne.

aujourd'hui classée quatrième zone humide coréenne en vertu de la

Partant du principe selon lequel les frontières nationales séparent les hommes, non les oiseaux, et qu'en conséquence, des zones humides

Convention de Ramsar, un dispositif multilatéral destiné à protéger

telles que les marais de Saemangeum ou le bassin de marée de l'es-

l'écosystème des zones humides du monde, et où un écomusée par-

tuaire du Nakdonggang n'appartiennent pas seulement à la Corée,

ticipe avec dynamisme à l'essor de l'écotourisme. Du 28 octobre au 4 novembre 2008, c'est à Changwon, ville de la province de

tions écologistes coréennes convient tous ceux qui partagent ce point

mais à l'humanité entière, ainsi qu'à tous les êtres vivants, les associa-

Gyeongsangnam-do, que se déroulera la Dixième Convention de

de vue à faire part de leurs idées ou propositions à Terrains

Ramsar à laquelle participeront quelque deux mille représentants des

marécageux et Oiseaux de Corée (e-mail: wbknd@wbk.co.kr).

cent quarante-quatre États signataires en compagnie d'ONG 26 Korean a I Hiver 2006

1:.1


En Corée comme ailleurs, zones humides et marais renferment d'irremplaçables ressources naturelles jusqu'alors malheureusement exploitées à outrance par l'homme, lequel doit dès à présent opérer un total revirement dans ce domaine car il en va de sa survie à long terme et en harmonie avec la nature.

Une association protectrice des oiseaux rend sa liberté à un aigle dont elle a au préalable soigné les blessures infligées par des braconniers et autres agresseurs (ci-contre). Association écologiste nourrissant des oiseaux sur un site migratoire (ci~dessus).

Hive r 2006 1Koreana 27


L'impératif de coopération internationale en vue de la protection des oiseaux migrateurs

-······

Après s'être reproduite en Sibérie et en Mongolie, la grue à cou blanc hiverne en Corée, au JIIP.9n e s le sud-est de la Chine.

est désormais classé es

....

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Cofondateur et administrateur de la Fondation internationale de la grue, ardent défenseur des oiseaux migrateurs et amoureux de la nature coréenne, notamment en raison de la présence de cet échassier, le Professeur George Archibald se rend chaque année sur la péninsule. Pae Seong-hwan Chargé de recherche principal à l'Institut coréen de recherche et développement océanographiques

Pae Seong-hwan : Qu'est-ce qui vous attire tout particulièrement en Corée, puisque vous y avez déjà effectué plus de dix voyages ? George Archibald : Mes liens avec la

Corée remontent aux années soixante-dix, époque à laquelle, en compagnie des Professeurs Won Pyong-oh, de l'Université Kyunghee, et Kim Hon-kyu, de l'Université féminine d'Ewha, je réalisais des recherches sur l'hivernage des grues du Japon dont l'habitat s'étend, dans la Zone démilitarisée (DMZ), de la Sacheon et des plaines de Cheorwon entourant Panmunjeom jusqu'aux marécages du nord d'Incheon depuis lors assainis. Ces grues à cou blanc hivernent dans l'estuaire du Hangang, sur un site localisé entre Gimpo et Paju et aujourd'hui classé « Zone naturelle protégée ».

recherche. Telle est la mission que s'est donnée la Fondation internationale de la grue à sa création, en 1973, et dans les années qui ont suivi, elle a surtout mené ses activités au Japon, en Corée, en Afghanistan et en Inde, auxquels s'est ajoutée la Chine après 1980, suivie de la Russie et de divers pays d'Afrique au cours de la décennie suivante. Pae : Pourquoi la coopération internationale s'impose-t-elle en matière de protection des oiseaux migrateurs, comme vous l'avez toujours affirmé? George Archibald : S'il est vrai que ces

espèces proviennent d'une région donnée, leur dispersion en hiver dans un ou plusieurs pays voisins exige une mobilisation et une action concertée de ces derniers en vue de protéger les oiseaux et leur habitat.

Pae : Quelle est la vocation essentielle de

la Fondation internationale de la grue, dans le cadre de laquelle vous consacrez au moins six mois par an à des voyages d'études?

toutes les régions concernées auront reconnu la valeur inestimable que représentent les oiseaux migrateurs à l'échelle régionale et nationale. 1..1

Le Professeur Geo rge Archibald Cofondateur et administrateur de la Fondation internationale de la grue

Cofondateur de la Fondation internationale de la grue, le Professeur George Archibald effectue dans le

monde entier des recherches sur cette espèce depuis les quarante dernières années. C'est avec l'aide d'un

Pae : La coexistence de l'homme et des oiseaux migrateurs étant difficilement réalisable, quelles sont à votre avis les objectifs à atteindre dans l'immédiat ?

camarade de l'université Cornell, Ron Sauey, qu'il crée en 1973 cet organisme dont il assurera la direc-

tion au cours des vingt-sept années suivantes et qui a aujourd'hui entrepris la préservation des grues de la Zone démilitarisée coréenne, ainsi que des grues

sibériennes d'Asie occidentale. À la tête du Forum

George Archibald : Nous visitons de

George Archibald : La sauvegarde des

nombreux pays pour y observer la répartition géographique des différentes populations de grues, leur évolution, les caractéristiques de leur habitat et les éventuelles menaces qui pèsent sur elles, puis, en vue de leur préservation, nous élaborons des projets spécifiques et mettons en œuvre des programmes de

oiseaux migrateurs suppose que l'homme prenne conscience de leurs besoins et de l'importance de leur préservation, une action d'information incessante étant indispensable à mes yeux pour susciter cette réflexion. Nous estimerons avoir de quoi être très satisfaits, car ayant accompli un grand progrès, lorsque les habitants de

DMZ, le Professeur Archibald, rejoint par Ted T urner, l'ex-président de la chaîne télévisée CNN, et l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, entre autres personnalités, travaille sur un projet de

création d'un Parc naturel de la paix dans l'enceinte

de la Zone démilitarisée. Habitant une petite ferme située près du siège de la fondation, en compagnie de son épouse japonaise, il parcourt la planète six mois

sur douze pour défendre la cause des grues et de leur habitat.

_J Hiver 2006 1Koreana 29


A

u cours de la seule année 2005, la Corée a accueilli

crifices qu'exige le succès.

près d'une centaine de compagnies de ballet

étrangères dans le cadre de trois cents spectacles, une

Étoiles coréennes

évolution qui devrait se confirmer au terme de l'année en

La composition des corps de ballet les plus pres-

cours. Parmi ces véritables légions, figuraient souvent des

tigieux au monde présente un effectif croissant de

artistes coréens tels que Kang Sue Jin, première danseuse

danseurs coréens, telle Seo Hee, autre lauréate du Prix de

au Ballet de Stuttgart, lequel a donc bénéficié de la

Lausanne faisant suite à Kang Yena, première ballerine de

renommée mondiale de celle qui a remporté en 1985 les

l'Universal Ballet, et appartenant à l'American Ballet Thea-

plus hautes distinctions du Prix de Lausanne, un concours

ter, qui figure parmi les plus grandes troupes américaines

international pour jeunes danseurs, avant d'entrer en 1986

aux côtés du New York City Ballet.

dans cette compagnie dont elle était alors la benjamine,

Quant aux grands ballets russes du Kirov et du Bol-

puis se verra remettre en 1999 le Prix Benais de la Danse,

shoï, voilà une dizaine d'années qu'ils comptent respec-

une distinction équivalant dans son domaine aux Academy

tivement dans leurs rangs les ballerines Ryu Ji-yeon et

Awards. Aujourd'hui encore, beaucoup se souviennent

Bae Joo-youn, toutes deux anciennes élèves de l'Académie

d'un documentaire télévisé consacré à sa carrière dans

Vaganova dont l'entrée dans ces célèbres écoles au sortir

lequel elle exposait ses orteils déformés attestant des sa-

de leurs études allait immédiatement asseoir la

30 Koreana I Hiver 2006


renommée .

son envol au sein de ce corps où elle incarnera cette sai-

Les interprètes coréens s'illustrent également sur les

son Odette, premier rôle du « Lac des Cygnes », tandis

scènes d'Europe septentrionale et occidentale, telle Jun

que Lee So-la et Han Sang-yi œuvrent respectivement

Eun-sun, ancienne étoile de l'Universal Ballet et au-

dans les Ballets de l'Opéra de Lyon et Monte-Carlo.

jourd'hui membre du Ballet royal suédois, ainsi que Kim Seh-yun, qui après avoir aussi évolué dans ce premier

Interprètes contemporains

corps de ballet, a été engagée par celui de Zurich, le plus

Au nombre des exécutants masculins qui se

important de Suisse, pour s·y voir nommer l'année passée

détachent du paysage chorégraphique international, Kim

danseuse principale. Après s'être vu confier nombre de

Yong-geol a entrepris de subir des auditions pour effectuer

premiers rôles à la Compagnie nationale de ballet

son apprentissage à l'Opéra de Paris, aïeul de toutes les

coréenne, au milieu des années quatre-vingt-dix, Kim Ji-

institutions du domaine, et à cette fin, suivra une formation

young et Kim Yong-geol se sont à leur tour joints à de

de six mois tout en saisissant la moindre occasion de mon-

grandes troupes européennes, la première en tant que

ter sur les planches. Au terme d'un spectacle présenté en

soliste au Dutch National Ballet et le second également, à

concurrence avec cinquante talentueu x aspirants origi-

l'Opéra de Paris. Enfin, depuis son arrivée, en 2003, au

naires de différents pays, il verra retenir sa candidature.

Ballet de la ville d'Essen, Jang Yoo-jin a rapidement pris

Par la suite, son évolution de carrière, qui lui a permis Hive r 2006 1 Ko reana

31


dernièrement d'être promu soliste, va démontrer combien la scène chorégraphique coréenne est féconde en interprètes de stature internationale. Parmi ses compatriotes exerçant à l'étranger, figurent Seo Dong-hyun et Kwa k Kyu-dong, danseurs respectifs du Ballet national canadien et du Nevada Ballet Theater. Cette participation tend ces derniers temps à s'accroître dans le ballet contemporain mondial où s'illustrent notamment Kim Na-young, depuis dix ans déjà au célèbre Pina Baush Tanztheater de Wuppertal, ainsi que Jean Yeon-hee, au Saarbrücken Ballet, Kim Nam-jin, au Ballet C. de la B., la première troupe belge, Yeo Hyo-sung, à l'Ultima Vez, et Jean Young-ja , au Nederlands Dans Theater. Au firmament d'une brillante carrière, certains de ces artistes se sont dirigés vers des activités connexes 32 Koreana I Hiver 2006


d'enseignement ou de chorégraphie, à l'instar de Hur Yong-soon, qui a embrassé ces deux professions après ses excellentes représentations de danseuse prin d pale au x Ballets de Zurich et Düsseldorf, ainsi qu'à l'Ecole royale de Ballet de Monaco où elle a précédé Kang Sue Jin. Un talent d'exception

Depuis cette année 1986 où Kang Sue Jin apporta it la démonstration du niveau de qualité de la danse coréenne par son admission au Ballet de Stuttgart, d'autres artistes allaient r ivaliser d'efforts pour accéder aux plus grandes scènes, seule une poignée d'entre eu x atteignant une envergure internationale au milieu des années quatre-vingtdix. Cette tendance s· est tant accentuée au cours de ces dernières années qu'au nouveau m illénaire, nombreu x sont ceux qui appartiennent à des compagnies étrangères Hiver 2006 1 Koreana 33


où ils pratiquent leur art dans une gamme élargie de gen-

tions qui ont lieu sur leur sol ou des festivals interna-

res, leur effectif total s· élevant à cent vingt, dont plus de la

tionaux qui se déroulent en Corée. Enfin, les interprètes

moitié sont des professionnels qui, pour certains, dansent

eux-mêmes ont su donner toute la mesure dè leur savoir-

des premiers rôles au sein de prestigieux corps de ballets,

faire technique tout comme de leur sens artistique.

tandis que d'autres exercent dans des troupes plus modestes. Cette fulgurante réussite s'explique tout d'abord par

En récompense de leur talent, ces jeunes danseurs se voient souvent remettre les prix les plus prestigieux au terme de grandes épreuves internationales, comme celle

de plus nombreuses possibilités de prendre part aux con-

de la ville bulgare de Varna où cinq d'entre eux ont excellé

cours internationaux de danse, ainsi que par le succès

au mois de juillet dernier, parmi de nombreux participants

croissant des interprètes coréens au sein de grands spec-

de trente-deux nationalités différentes. Concourant dans

tacles internationaux. En outre, l'essor constant de l'inter-

la catégorie juniors, Choi Young-gyu s'est vu décerner la

net permet de disposer d'informations plus complètes sur

médaille d'argent et Hong Hyang-gi, de bronze, Lee

les auditions auxquelles procèdent les compagnies

Young-do et Park Seul-gi remportant aussi celle-ci chez

étrangères, les candidats coréens se sentant désormais

les seniors, tandis que Min Sue-kyung recevait le premier

plus confiants, le cas échéant, grâce aux échanges

prix de danse créative. Autant d'exploits résultant eux-

réalisés avec ces dernières à l'occasion des représenta-

mêmes de l'élan engendré par les quatre prix qu'avaient

34 Koreana I Hiver 2006


gagnés en 2005 les participants coréens au Prix de Lausanne. Lauréate du Concours international de danse américain en 2006, la jeune Park Sae-eun promet déjà de faire elle aussi irruption sur les grandes scènes mondiales. Ce haut degré d"accomplissement artistique s'est également traduit cette année par la remise du très convoité Prix du Benais de la Danse ex aequo à Kim Joo-won, danseuse étoile dix années durant à la Compagnie nationale de ballet coréenne , ainsi qu'à une grande ballerine russe. En se distinguant toujours plus lors de grandes manifestations internationales, les interprètes coréens renforceront constamment leur présence dans le monde et contribueront ainsi à rehausser le niveau de cet art dans leur pays natal tout en améliorant l'image de compétitivité de ce dernier en matière culturelle et artistique. t.t


r---ENTRETIEN

Park Seo-bo: un pionnier de fart moderne corĂŠen


c

·est assez tardivement, à savoir dans l'après-guerre de Corée (1950-1953). que l'art moderne est né dans ce pays sous sa forme abstraite en peinture,

mais sous l'effet d'une croissance économique fulgurante qualifiée de « miracle du fleuve Han » et résultant de l'industrialisation sur fond de stabilité politique et sociale, de grandes mutations allaient s·opérer dans tous les domaines, notamment artistique et culturel. Introduit par le monde occidental et se situant en réaction à la tradition, il allait dès lors connaître un essor rapide. Origines de la peinture abstraite

Né en 1931, le peintre Park Seo-bo s'est particulièrement illustré à l'aube de l'art moderne coréen en apportant à cette évolution une contribution décisive par une œuvre expérimentale sans pareille qui représentait un véritable défi lancé aux tenants de l'art établi, à l'instar de l'exposition dite des<< Quatre artistes modernes » de 1956, dans laquelle il joua un rôle central et qui présida à l'apparition d'un nouveau mouvement dans ce domaine. Il est à noter que ces peintres modernes allaient se démarquer de leurs prédécesseurs en s'inscrivant en fau x contre les manifestations commanditées par l'État et en présentant les premiers tableaux d'art informel abstrait ou conceptuel, qui allaient créer une onde de choc dans le public. Au nombre de ces œuvres, figurait la série intitulée « Protoplasme » considérée à l'origine de l'art abstrait coréen et où l'artiste exprimait l'idée que la peinture, par le biais de l'abstraction, permettait de sonder les profondeurs de l'âme humaine en pénétrant dans un univers sous-jacent intangible, la substance amorphe qu· est le protoplasme constitutif de la cellule vivante symbolisant douleur, liberté et énergie créative représentées selon un style inédit en peinture. Si, techniquement parlant, cette production des débuts se ressentait fortement de l'influence de l'art informel français et de l'expressionnisme abstrait américain, son auteur allait ultérieurement poursuivre son investigation jusqu'à l'essence même de toute chose, par-delà son aspect extérieur, pour s'affranchir des modes d'expression occidentaux en privilégiant l'achromatisme et les effets de matière. Vecteur de communication de l'expérience personnelle, cë « Protoplasme » se veut aussi vision artistique du conflit coréen et des bouleversements engendrés par celui-ci, car la dominante achromatique sombre des noir, gris et marron de la toile semble dénonciatrice des affres de la guerre, selon une démarche abstraite qui allait fortement interpeller le public. Cette série d'œuvres subira d'importantes modifications dans les années soixante-dix. Alors enseignant à la Faculté des beaux-arts où il exerçait une influence considérable sur les jeunes artistes, Park Seo-bo s· était rallié avec ferveur à la cause de l'art moderne en soutenant les nouveaux talents et organisant des expositions consacrées à l' École de Séoul, tant en province que dans la capitale. Il livrera lui-même une production abstraite unique en son genre, car en rupture totale avec le passé par son approche expérimentale. En se détournant aussi du modèle occidental, le peintre prend la tête d'un nouveau courant centré sur l'abstraction monochromatique et représenté par la Hiver 2006 1 Kore a na

37


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«Écriture» n> 051120. 195 x 130 cm. 2005, lv1atenaux divers et papier coréen sur toile.

38 Koreana I Hiver 2006

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Hi ver 2006 1 Koreana

39


série intitulée « Écriture » qu'il compose au milieu des années soixante-dix. En Corée, cet ensemble d'œuvres, dont l'enrichissement se poursuit aujourd'hui encore, correspond à la naissance de la peinture abstraite monochrome en tant qu ·expression de l'identité artistique nationale. Il traduit un questionnement d'ordre spirituel en se libérant des contraintes de style et d'apparence, c·est-àdire en s'efforçant, au moyen de l'abstraction, d'assimiler l'essence même de l'artiste à sa technique. La série « Écriture »

De l'aveu de l'artiste, celui-ci a voulu « représenter un bonze en méditation dans un jardin Zen » par cette œuvre qui, en fin de compte, constitue non pas tant une forme d'expression graphique sur support unidimensionnel que celle d'un art conceptuel« conviant le public à la méditation » et par-delà, permettant à l'art moderne coréen de se trouver une nouvelle voie en affirmant son identité. Sur un fond uniformément blanc, les premières créations se strient d'une multitude de droites créant un effet sculptural sur la surface plane changée de ce fait en un espace spirituel à trois, voire quatre dimensions offrant un « domaine de méditation ». L'artiste s'exprime en ces termes : « J'ai souhaité avant tout mettre en valeur le vide, et non le plein, par un tracé envahissant la toile, l'art ne consistant plus dès lors à remplir mais à vider et supposant qu'il nous faut aussi nous jeter nous-mêmes. À mes yeux, l'art ne doit plus écraser l'homme, mais le rendre plus fort, lui apporter la guérison en se vidant de sa substance pour la renouveler aussitôt. » Le monochrome blanc, gris ou jaune pâle libère une place appelant à l'insertion du vide et tandis que celui de l'art abstrait occidental a trait au x attributs de la matière et à l'expansion de l'univers, la blanche étendue d'« Écriture » figure un lieu spirituel exempt de matière et offrant un « domaine de méditation » autonome, mais révélant aussi une identité artistique moderne qui s·écarte de ses sources occidentales. En trente années d'existence, la série « Écriture » a fait l'objet d' évolu-


tians stylistiques dont certaines sont toujours en cours. Exécutés au crayon sur fond blanc, ses premiers tableaux se sont depuis lors doublés d'une dimension spirituelle par l'adjonction des effets de matière créés par le papier traditionnel coréen, tandis que le mouvement accentue la représentation métaphysique du temporel et du matériel. Texture de la matière et alternance des couleurs attirent l'observateur vers un nouveau« domaine de méditation ». L'alliance d'une action dépourvue de finalité aux variations des matières et couleurs superficielles renvoie à l'immatérialité de l'accumulation d'objets, alors que la densification spatiale va de pair avec la matérialité et l'harmonie de l'être.

« Art de guérison » Park Seo-bo entend aujourd 'hui porter à l'attention de ses contemporains cet « art de guérison » dont traite la série « Écriture », déclarant à ce propos : « L'art ne doit plus créer de malaise dans le public. En ce XXI ' siècle qui marque l'avènement de l'ère de l'information, il ne doit plus s'imposer, mais apai ser. Dans l'optique de cet « art de guérison », l'encre que je répands sur le papier à dessin rep résente l'harmonie entre matériel et immatériel à laquelle j'aspire ». Ses œuvres les plus récentes voient les couleurs primaires céder la place à des tons plus éteints tels que roses et bleus pâles, aux côtés de gris qui constituent selon lui des « nuances neutres et délicates puisées au plus profond de la vie », doux tons monochromes dont l'absence d'éclat et d'intensité apaise les tourments de notre existence moderne. Reprenant ce concept de guérison en association avec celui de vide, ses dernières créations comportent des éléments sculpturaux apportant le soulagement et suscitent la participation du public en exigeant une observation à la fois frontale et latérale en vue d'apprécier tout changement formatif. Tout en satisfaisant aux critères essentiels de l'œuvre peinte, Park Seo-bo incite à la découverte tactile par des variations de couleur et de forme destinées à produire un effet sculptural sur le plan de la toile, ces réactions sensorielles participant d'une impression d'aise et de bien-être et le public comblant ainsi le vide afin d'entrer dans un domaine de méditation où il puisse soigner les blessures du cœur. L'artiste nous fait part de cette intéressante réfle xion : « Mes mains étaient autrefois des outils se limitant à servi r une fin, les œuvres qui en étaient tributaires se transformant parfois en objets artisanau x ou décoratifs. Aujourd'hui, c'est la vie que je souhaite communiquer par leur entremise ». Pionnier de l'art moderne coréen, Park Seo-bo travaille ainsi inlassablement à cette « Écriture », tout à la fois expression de son âme artistique et de cet « art de guérison » permettant de s'astreindre aux contraintes du XXI ' siècle. t;t

Hive r 2006 I Korea na 41



Spécifiquement coréen et souvent méconnu, le« hwagak », c'est-à-dire l'artisanat de la corne de bœuf sur bois, consiste à décorer divers articles en y collant de fines tranches de cartilage translucide décoré de motifs aux couleurs délicates qui créent un ornement des plus originaux. Choi Tae-won Réda cteur occasionne l Seo Heun-kang Photographe

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i le brasero allumé qu'il toucha par mégarde dans son

« Après le décès de l'épouse de mon maître, c·est moi

jeune âge lui occasionna un handicap définitif, ce

qui me suis chargé de toutes les tâches ménagères, cui-

dernier n'allait nullement altérer une vocation artistique

sine et lessive y comprises. J'étais au service de mon

qui devait valoir à l'homme de se voir classer bien n° 109

maître , non· de mes parents, et même lorsque je me

du patrimoine culturel immatériel dans le domaine de

joignais à eux pour les fêtes principales, maman me ren-

l'artisanat de la corne sur bois. Des dessins d'une telle fi-

voyait bien vite chez lui pour faire à dîner. Je me souviens

nesse ont-ils pu naître de cette main blessée ou seraient-

encore combien j'étais déçu, car je n'étais qu 'un jeune

ils l'œuvre de Dieu?

homme, mais j'ai compris depuis que c'était dans mon intérêt. »

Art obscur du « hwagak »

C'est le maître artisan Eum ll-cheon , servi avec

Le choix du métier d'artisan n'a guère de quoi sur-

dévouement par son apprenti, qui choisit pour ce -dernier le

prendre chez un homme dont la mère excellait dans celui

pseudonyme de Wonseok, nom signifiant « la plus belle

de brodeuse, le grand-père, de charpentier et le père, de

pierre », en guise d'encouragement à ne jamais relâcher

peintre de « dancheong », ces motifs colorés ornant le

son effort, mais au contraire à en redoubler. En quoi con-

bois des bâtisses traditionnelles.

siste donc ce « hwagak » à la voie si ardue? Il s'agit d'une

Demeurant à lncheon où il établit son atelier voilà vingt

technique par laquelle le cartilage de corne de bœuf est

ans déjà, il est originaire de Séoul et c'est dans cette ville

découpé en minces lamelles que l'on aplanit pour y

qu'il rencontra son maître Eum ll-cheon, lequel y exerça

déposer des pigments de couleurs vives et que l'on colle

lui-même jusqu'à sa mort survenue au début des années

sur des meubles et autres éléments d'intérieur, le terme

quatre-vingts. Avant que de s'initier à l'art du « hwagak »,

désignant aussi, par extension, les objets décorés de la

il se destinait à celui du dessin, dont la vocation lui était ap-

sorte, notamment des accessoires féminins comme

parue dès sa plus tendre enfance, mais le destin allait le

nécessaires de couture et boîtes à bijoux, ou encore des

précipiter dans l'univers d'un artisanat qui se muerait plus

secrétaires.

tard en une véritable passion .

Parmi les motifs les plus appréciés de cette forme Hive r 2006 1Ko reana 43


44 Koreana I Hiver 2006

1 Le « hwagak » consiste à découper du cartilage de corne de bœuf en minces couches que l'on aplanit pour y créer des décors en déposant des pigments de couleurs vives selon un procédé extrêmement délicat qui exige sens esthétique et souci du détail à chaque étape de son exécution. 2 Coffrets à bijoux ornés de motifs en « hwagak » . Lee Jae-man met en œuvre différents procédés sur des objets tels qu 'étuis de cartes de visite, coffrets à bijoux et armoires. 3 Armoire à trois tiroirs dont l'exécution complexe exige près d'une année, notamment pour la peinture et la pose de multiples fragments de corne de bœuf.


Désormais seul à exercer en Corée l'artisanat de la corne sur bois ou« hwagak », Lee Jae-man s'exprime

à ce propos en

ces termes : « Dans le monde actuel, la tendance est au brassage des cultures, y compris en matière artisanale. Certes, on ne saurait jeter dans l'oubli les procédés et matériaux traditionnels, mais il ne suffit plus de s'agripper à ses acquis pour attirer la clientèle étrangère. Aussi, je recherche aujourd'hui une façon d'adapter la technique de ce métier ancien

à des goûts plus universels ».

2

d'art décoratif, figurent les « sipjangsaeng », qui sont les

suite de photographier et restaurer après en avoir sollicité

dix symboles de longévité, des scènes de mœurs, fleurs et

l'autorisation auprès du conservateur. Convaincu que ces

oiseaux, ainsi que quatre idéogrammes chinois représen-

pièces d'antiquité constituent une source intarissable pour

ta nt la longévité, le bonheur, la santé et la prospérité

la création, celle-ci résultant pour l'essentiel, à ses yeux,

réalisés au moyen de pigments naturels rouges, bleus,

d'une évolution des méthodes traditionnelles, l'artisan

jaunes, verts et blancs. Composés de minces pellicules de

effectue leur remise en état au prix d'un temps et d'un travail

cartilage, ces décors d'une grande fragilité n'ont guère

considérables.

résisté à l'usure du temps sur les pièces les plus ancien-

L'un des problèmes qui le préoccupent le plus porte

nes, à quelques exceptions près datant de l'époque colo-

sur le caractère particulièrement onéreux du « hwagak »

niale [1910-1945]. les autres s'accommodant sans doute de

qui résulte de la minutie requise à chaque étape de son

matière plastique en lieu et place de la corne authentique,

exécution et qui rend le « hwagak » tout à fait inàbordable

dont le grain de surface noirâtre semble miroitant.

pour le consommateur moyen . Ainsi, la fixation des lamelles de cartilage peint sur les objets en bois est

Évolution des traditions

réalisée au moyen d'une colle naturelle extraite de la

« Aujourd'hui, ne subsiste qu'un très petit nombre

vésicule du poisson-tambour en la portant à ébullition, à

d'objets réalisés selon ce procédé exclusivement coréen.

raison de soixante-quinze kilogrammes pour deux bols de

Ils appartiennent pour la plupart à des particuliers

colle, d'où le travail que réalise actuellement Lee Jae-man

réticents à les faire découvrir au public et je m 'efforce

pour mettre au point des matières d'un prix moins exorbi-

donc de les convaincre de me laisser les examiner pour

tant.

les restaurer à mes frais. »

À ce propos, il apporte les précisions suivantes : « Is-

Au nombre des multiples objets d'art composant la

sus de la peinture populaire traditionnelle , les motifs les

collection du Musée national des arts asiatiques Guimet,

plus appréciés conviennent surtout à des tons d'intensité

Lee Jae-man allait avoir la surprise de pouvoir en admirer

moyenne. Sachant que plus de quarante d'entre eux peu-

un exécuté en « hwagak » et qu'il entreprendra par la

vent s· obtenir à partir des cinq couleurs primaires jaune, Hiver 2006 1 Koreana

45



1, 2 Parmi les motifs les plus appréciés, figurent les thèmes réalistes, à forte dominante colorée, des dix symboles de longévité et de scènes de mœurs où les animaux sont souvent dépeints avec cocasserie. 3, 4 Lee Jae-man cherche à adapter les techniques du « hwagak » aux objets artisanaux contemporains, tel ce plat trad itionnel divisé en neuf compartiments, un « gujeolpan » à l'ornementation élaborée, ou encore ce ma nche d'éventail pliable.

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bleu, blanc, rouge et noir, le « hwagak » ne gagnerait-il

destinée à la finition des pièces et le soin amoureux avec

pas en charme si ses couleurs se diversifiaient pour plaire

lequel il exécute les moind res détails du « baekgol », ce

aux acheteurs étrangers ? »

cadre soutenant les objets en bois à décorer et à laquer,

Pour l'heure, le travail du « hwagak » est en train de

relève du plus haut savoir-faire artisanal.

se perdre au fur et à mesure du développement de l'habitat

Dans son atelier situé en sous-sol, s'amassent des

moderne. « Les nouveaux appartements n'assurant pas la

« baekgol » vieux de cinq à dix ans et plus, pièces mises

circulation d'air naturelle qu'autorisaient les maisons tradi-

au rebut au mo indre défaut d'exécution apparaissant

tionnelles coréennes de par leur conception, le « hwagak »

après pose et séchage, une fissure par exemple. L'artisan

ne peut plus respirer dans pa reille atmosphère. Rien ne

ne sera pleinement satisfait de son travail qu'après en

sert de poursuivre des fabrications de qualité sans de

avoir accompli lui-même toutes les opérations , de la

bonnes conditions d'usage et lorsqu'un client passe com-

découpe des tranches de cartilage au façonnag ë du mo-

mande, je me rends toujours au préalable chez lui pour

bilier, en passant par la pose de serrures, cette exigence

choisir l'emplacement idéal de l'objet car la durée de vie de

lui venant d'un enseignement tiré des conseils de son

celui -ci sera d'autant plus longue qu'il bénéficie d'une lu-

maître : « En n'effectuant qu'un tiers du travail, tu ne peux

minosité naturelle et d'une aération ad équate . Certains

juger de sa qualité car, pour ce fai r e, tu dois maît riser

vont jusqu 'à placer leur précieu x « hwaga k » sous une

l'ensemble de sa réalisation ».

cloche de verre qui malheureusement n'en permet pas la ventilation », précise-t-il.

Lee Jae-man aime à dire qu'il ne vend pas, mais loue ses oeuvres, se considérant avant tout comme un homme de métie r ayant su perpétuer les procédés trad itionnels, tout en faisant part de ses inquiétudes quant à la survie fu -

Toute une vie de travail Le soin minutieu x qu 'apporte Lee Jae-man à la

ture de ceux-ci en l'absence d'ouvriers prêts à consenti r

restauration comme à la création témoigne, à l'évidence,

de tels sacrifices pour d'aussi maigres rétributions, puis

de la véritable fierté que celui-ci tire de son art, puisqu'il a

son travail r eprend le dessus, dissipant le doute dans

lui-même planté des suma cs pour en récolter la laque

l'action . 1...11 Hiver 2006 1Koreana 47


CHEFS-D'ŒUVRE

ÉrERNELLE BEAUTÉ DU CELADON DE GORYEO Composé d'un bol à couvercle, soucoupe et cuiller, cet ensemble en porcelaine céladon d'époque Goryeo fait l'admiration de tous par son exécution et sa beauté parfaites. Chung Yang-mo Membre du Comité du patrimoine culturel Photographie: Musée d'Art Leeum Samsung

L

a porcelaine céladon d'époque Goryeo se caractérise

tandis que ses bords s'incurvent vers l'extérieur. Par

principalement par une originale coloration ,

ailleurs, l 'anse du couvercle s·agrémente d'un dragon

d'élégantes lignes et l'incrustation de motifs picturaux aux

sculpté, alors qu'une fleur de lotus en bouton figurait sur ce

détails minutieux. Après avoir atteint son apogée au milieu

type de récipient jusqu'à ce qu'il atteigne des dimensions

du XII° siècle, le style à glaçure vert jade amorce son déclin

plus importantes au XIII · siècle, se dotant en même temps

après les invasions mongoles, puis connaît un bref regain

d'anses zoomorphiques représentant dragons, phénix ou

sous le règne du roi Chungryeol (r. 1274-1308]. le temps

singes. Ce couvercle présente aussi la particularité d'être

de raviver l'éclat de ses couleurs, une évolution que sui-

pe rcé d'un orifice de forme carrée recevant une cuiller.

vront en parallèle les produits du type à incrustations sans

Selon toute vraisemblance, le présent ensemble daterait de

toutefois retrouver leur gloire du siècle passé .

la période suivant immédiatement les invasions mongoles,

L'esthétique particulière des lignes et motifs ayant fait son

qui fut marquée par une certaine stabilisation de

renom au XII" siècle avait à jamais disparu, cédant la place

l'économie et du pouvoir royal, outre qu'elle atteste à

à de nouvelles formes, décorations et incrustations à partir

l'évidence de l'existence d'échanges avec la Chine, l'Asie

de cette seconde période.

centrale et l'Occident par le biais des Mongols.

Un charme intemporel

ainsi autant de réelles innovations avant le XI 11° siècle, à

Forme, couvercle et anse de la pièce constituaient Authentique chef-d"œuvre de l'art de Goryeo, ce bol

l'i nstar de la soucoupe qui l'accompagne, car les petits

datant probablement du temps du roi Chungryeol, c·est-à-

récipients de porcelaine dits « baraegi » ne comportèrent

dire de la deuxième moitié du XIII · siècle, était réservé à la

ce dernier élément que jusqu'à la première moitié du XII°,

soupe, et non au riz, bien que pourvu d'un couvercle et

seules les tasses en étant munies jusqu'au début du XIV·.

d'une soucoupe qui le dest inaient normalement à ce

Quant aux petits verres à alcool, ils se complétaient

dernier aliment, les deux pièces qui l'accompagnent

d'une soucoupe possédant le plus souvent un bord re-

possédant en outre une forme inhabituelle pour l'époque,

courbé et une partie circulaire légèrement surélevée qui

48 Korea na I Hiver 2006


Bol en céladon à couvercle et soucoupe. XIII' siècle; hauteur [hors tout) : 19,3 cm ; bol: hauteur: 14,9 cm; diamètre d'ouverture: 18,5 cm, diamètre de base: 6,8 cm; cuiller: longueur: 28,0 cm, Trésor national n° 220, Musée d'art Leeum Samsung

Hiver 2006 1 Koreana 49


50 Koreana I Hive r 2006


S'ornant d'un gracieux décor à multiples motifs d'inspiration populaire, ce bol et sa soucoupe auraient appartenu à la vaisselle royale.

recevait le récipient, tandis que d'autres, épousant la

fleurs de lotus sont gravées sur le restant de ce récipient de

forme de ce dernier, se divisaient en deux catégories selon

faible profondeur. Exécutés au poinçon, les motifs secon-

que la section en était ouverte ou fermée . En revanche,

daires sont ·apparus dans la deuxième moitié du XIII "

celle du modèle étudié s'avère avoir été sans équivalent

siècle.

dans toute la production de l'époque, puisque le corps en

Sur le bol, les dragons, phénix, nuages, grues,

est creusé d'une dépression peu profonde, tel un verre, et

pivoines, fleurs de lotus, fougères, svastikas bouddhiques,

s'appuie sur un pied, de larges bords s'aplanissant autour

éclairs et arabesques ont tantôt été poinçonnés en sur-

de ce bassin. Cet accessoire de conception nouvelle date

face, tantôt incrustés sur celle-ci. Les parois intérieure et

du XIII° siècle.

extérieure de cette pièce se couvrent de nombreux éléments graphiques caractéristiques de leur époque qui

Particularités des décors

se superposent en strates créant un effet assez apprêté et

La pièce de vaisselle décrite dans cet article se

surchargé. Marque de fabrique du céladon, la glaçure vert

démarque résolument des fabrications antérieures par les

jade distille sa sérénité sublime à laquelle concourent aus-

décors qui se répartissent à sa surface interne et externe

si des motifs primaires à l'exécution raffinée. Enfin, l'har-

en motifs primaires ou secondaires, ces derniers consti-

monieuse alliance de courbes gracieuses, larges bords

tués c:te sept bandes, dont quatre sur le couvercle et trois

plans et lignes verticales constitutifs du bol, lequel

sur le bol, tandis que les premiers se composent d'un

tiendrait presque d'une tasse, participent de l'esthétique

dragon, de phénix et nuages représentés sur le couvercle,

de ce véritable joyau de l'art dont l'excellent état de

ainsi que d'arabesques et pivoines figurant sur le bol. Ces

préservation a de quoi surprendre, puisqu'il a traversé les

deux groupes pictoriaux, à l'exception des nuages, par-

siècles sans mal jusqu'à notre époque, depuis ce lointain

ticipent d'un style novateur, les seconds occupant une

royaume de Goryeo dont il constitua l'un des chefs-

bonne partie de la surface des objets. Tandis que dragon,

d'œuvre en même temps quïl fit fonction de prototype

phénix et nuages enjolivent les bords de la soucoupe, des

pour la production ultérieure de céladon. i.t Hiver 2006 1 Koreana 51


CHRONIQUE ARTISTIQUE

'

,

A la decouverte de la porcelaine d'époque Joseon

' A

la vue d'une porcelaine blanche d'époque Joseon [1392-1910), me vient toujours à l'esprit, depuis je ne

sais quand, l'image d'une timide dame toute de blanc vêtue qui s· évanouit sans laisser de trace dès qu 'on tente d'attraper sa jolie menotte. Si conservateurs de musée et collectionneurs en ont jalousement conservé les secrets de beauté, ceux-ci sont aujourd 'hui dévoilés au grand pu blic grâce à Koo Bohnchang , qu i, de ses mains expertes, les a pour la première fois révélés sur du papier sensible.

L'âme coréenne Figu r ant aujourd 'hui parmi les plus grands photographes coréens et jouissant d'une certaine renommée au Japon, Koo Bohnchang naît en 1953 à Séoul, mais c·est en Allemagne, où il poursuit des études, que lui viendra sa vocation. Dès son retour en Corée, dans les années quatre-vingts, il s·y imposera en véritable artiste par une production composée non de simples images, mais d'œuvres qui produisent un effet marquant à chaque exposition, y compris sur la place de New York et Paris. Pour ma part, j'allais le découvrir en 2003 par la série de personnages masqués intitulée « Hysteric Nine >> qu'il avait réalisée pour l'une des annonces publicitaires d'un maga zine et à la vue de ce visage camouflé au regard trouble, j'avais éprouvé un tel malaise que j'avais dû en détourner les yeux. Près de deux ans plus tard, au printemps pour être plus précis, l'auteur de cet inquiétant cliché m 'avait contacté en personne pour solliciter du Musée Goryeo de Kyoto, afin de les photographier, diver« Vase». 154 x 123 cm . 2005. Musée d'Art Leeum Samsung. Séoul


Éclatante de simplicité au premier regard, mais dégageant une impression de force indéfinissable, la porcelaine blanche livre ses mystères à la photographie de Koo Bohnchang. Katayama Mabi Conservateur du Musée municipal de céramique orientale d'Osaka

ses porcelaines d'époque Joseon, aux côtés d'autres ap-

la musique, pour prendre aussitôt conscience de l'ineptie

partenant aux collections des Musées d'art Leeum Sam-

de mon idée. Les tirages Polaroïd exécutés par l'artiste al-

sung et Guimet. Les prises de vue étant susceptibles

laient s'avérer d'une telle qualité qu'ils semblaient révéler

d'occasionner des dégradations aux pièces qui en font

la vision de ces « dames » dont j'avais jusqu 'alors con-

l'objet et qui, dans cette éventualité, exigent la mise en

servé le secret.

œuvre de traitements spéciaux, j'éprouve d'ordinaire une

Par la suite, Koo Bohnchang poursuivra la réalisation

certaine réticence à les confier à des inconnus, mais j'ai

de son projet dans de grands établissements coréens et

cette fois accepté de le faire, sensible au professionna-

étrangers tels que les Musées national de Corée, d'arti-

lisme de Koo Bohnchang et gagné par son engouement.

sanat populaire japonais et m étropolitain de New York .

Ces personnages masqués, qui avaient suscité en moi une

Sachant combien il est difficile d'obtenir l'autorisation d'y

réelle gêne par le profond mal de vivre qu'ils exhalaient,

photographier des pièces, y compris pour le personnel, on

traduisaient un état d'âme foncièrement coréen.

imagine aisément tous les écueils qu 'allait devoir surmon-

Koo Bohnchang ne vise pas une représentation ex-

ter un photographe indépendant pour ce faire . Alors, à

plicite des traditions coréennes et si les masques, tout

l'annonce de l'exposition qui réunirait enfin le produit de ce

comme la porcelaine blanche, sont longtemps demeurés

dur labeur en ce mois de juillet, à la Galerie Kukje de

emblématiques de la Corée, car la vitalité presque palpa-

Séoul, j'avais pris le premier avion pour Séoul avec de

ble émanant des danses qui les emploient s'enracine pro-

grandes espérances.

fondément dans la coutume et l'âme coréennes, l'impact visuel d'ensemble en est atténué par leur caractère dis-

Énergie créatrice

parate. Sans céder à ce dynamisme de surface, Koo Bohn-

À l'entrée de la galerie, m 'attenda it un objet rectangu-

chang parvient à extraire la quintessence de la tradition

laire enveloppé dans une étoffe et donc tout à fait

coréenne du calme extérieur sous lequel elle est pro-

mystérieux, mais qui devait être en porcelaine, au vu des

fondément enfouie, d'où le sentiment de confiance auquel

autres pièces qui l'entouraient, sans qu'il puisse s'agir

allait faire place la gêne tout d'abord éprouvée.

pour autant d'un simple article de vaisselle. Point n'est

Lors de notre première séance de travail, effectuée

besoin d'évoquer les œuvres d'illustres peintres comme

par une très chaude journée d'été, j'avais proposé au pho-

Paul Cézanne ou Giorgio Morandi pour rappeler lïmpor-

tographe d'examiner lui-même les pièces entreposées

ta nce des formes, en l'occurence celle de récipients

avant d'y braquer son objectif, ignorant que j'étais encore

représentés sur un support à deu x dimensions, mais

du caractère temporel propre à la photographie, ainsi qu'à

celles de Koo Bohnchang se détachent le plus possible des Hiver 2006 1 Koreana 53



Composée de six jarres en forme de lune, cette série de Koo Bohnchang intitulée« Jarres de lune » évoque un clair de lune voilé de nuages [100 x 80 cm, 2005) et ses éléments proviennent respectivem ent, de gauche à droite, des musées nationa l de Corée, de Séoul, Guim et, de Paris, de céramique orientale, d'Osaka, d'art Leeum Samsu ng, de Séoul et d'artisanat populaire japonais de Tokyo, pour les deux derniers. 2 « Vase», 79 x 116 cm, 2005, British Museum de Londres 3 «Vase», 90 x 180 cm , 2005, Musée de céramique orientale d'Osaka 4 « Vase», 90 x 180 cm, 2005, Musée d'Art Leeum Samsung de Séoul


Sur un cliché photographique, les dames de porcelaine blanche au charme évanescent ne semblent se figer que l'espace d'un instant, mais par sa démarche originale, Koo Bohnchang révèle leurs élégantes silhouettes fugacement captées.

formes et du concret perceptibles tantôt en décentrant

cite la réminiscence de l'imposant autoportrait de Yun Du-

une jarre, tantôt par un flou délibéré de l'image ou le

seo [1668-1715], ce peintre de la dynastie Joseon qui en-

grossissement disproportionné d'un détail, les différents

treprit de représenter l'existence humaine de manière

éléments de l'ensemble semblant interconnectés tout en

concrète. Une série en noir et blanc lui succède, rappelant

n'apparaissant qu'en partie à l'image.

les préoccupations passées de l'artiste et annonçant ses

Immergé dans cette vision onirique d'un paradis en-

orientations à venir. Évolutive, l'imagerie semble centrée

chanteur, l'observateur en oublie tout sens de la perspec-

sur ce concept de forme qui s·est manifesté dans les pre-

tive et de la réalité. Dans ce rose Jardin d'Eden, jouent à

mières séries de porcelaines blanches pour en révéler par

cache-cache les dames, éphémères figures aux sourires

la suite l'esthétique contemporaine minimaliste et mettre

gracieux brièvement révélées avant de s'estomper, car si

en valeur leur dimension de discrétion. Il convient de si-

l'image s'en est nettement impressionnée sur le support,

gnaler un ensemble de jarres en porcelaine datant du XVIII '

la réalité des formes et couleurs de ces porcelaines n'est

siècle et communément appelées « jarres de lune », dont

pas destinée à se perpétuer, seuls étant appelés à subsis-

l'agencement particulier évoque un clair de lune que

ter les effets produits tels qu'un sens des sonorités issues

voilent des nuages, par un trait d'humeur fantasque

de l'énergie du « gi » et des sentiments de charme, so-

comme on en prête souvent à l'art céramique de Joseon,

briété ou solitude. À l'instar de ces pièces, femmes fatales

auquel s'ajoute la suggestion de l'éventu ël thème des

représentant une menace pour l'homme, les photogra-

travaux futurs .

phies de Koo Bohnchang ne se limitent pas à la représentation de la beauté, fidèles au vieil adage selon lequel celui qui a connu un paradis de plaisirs retombera en ce bas

Nature intrinsèque

M'en retournant de Séoul par un jour de pluie, je

monde, transformé en un vieillard aux cheveux blanchis.

réfléchissais aux propos que l'on entend formuler de nos

De même, j'éprouve une sensation d'émerveillement inac-

jours dans les galeries d'art, notamment que photographie

cessible au regard en admirant ces sublimes créations de

et céramique constituent des formes désuètes de la

jadis.

création artistique. Il est manifeste que la seconde offre in-

Beautés de porcelaine blanche

comment pourrait-il en être autrement lorsque des visi-

suffisamment d'attrait dans le cadre d'une exposition et Délaissant ces charmantes dames, j'entre dans

teurs étrangers, japonais par exemple, découvrent ces

l'univers solennel du savoir recréé au deuxième étage.

pièces anciennes dans l'espace confiné d'une salle ne per-

L'image d'une bouteille évoquant un corps masculin sus-

mettant pas d'en apprécier toute la subtilité ? À cet égard,

56 Ko reana I Hive r 2006


1 « Vase», 63 x 50 cm, 2005 , Musée de céramique ori enta le d'Osaka 2 « Vase», 106 x 85 cm, 2005, Musée de cé ramiqu e ori entale d'Osaka

la photographie de Koo Bohnchang semble apporter des éléments de réponse puisqu'elle transcende formes et couleurs pour révéler la réalité cachée qu 'est l'essence même de la porcelaine. Ce réel tant intérieur qu·extérieur se révèle ainsi entre les mains d'un photographe dont l'œuvre, n'ayant jamais recours à de quelconques procédés fantaisistes ou technologiques, s'en tient à la plus stricte convention tout en mettant en évidence les aspects les plus intéressants du sujet. Cette démarche axée sur la nature intrinsèque de l'art coréen apparaît particulière ment digne d'éloges à un visiteur étranger. Les couleurs vives et sujets attrayants de l'art chinois ou japonais rendent celui-ci relativement accessible, comme en attestent les nombreuses collections conservées en Occident, mais il en va autrement de celui de la Corée, plus hermétique au regard étranger parce que son « gi » rayonné demeure imperceptible à travers une vitrine et que ses dames effarouchées préfèrent chercher refuge dans l 'obscurité. Si les porcelaines d'époque Joseon ont par ailleurs été minutieusement décrites et fi xées sur la pellicule, il reste difficile d'en transmettre la réalité, tant intérieurement qu· extérieurement, une entreprise que mène avec passion Koo Bohncha ng et qui permettra au x visiteurs de découvrir ces œuvres dans toute leur quintessence. Par cette exp ression de son talent, l'artiste démontre que photographie et céramique, loin d'appartenir à des temps révolus, offrent aujourd'hui encore de larges perspectives. 1.11

Hiver 2006 1Koreana 57


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Quand le Cheotnseongdae livre ses secrets Précieux legs d'un passé où les sciences astronomiques avaient atteint un haut degré d'évolution, le Cheomseongdae recèle encore, près de mille quatre cents ans plus tard, des mystères qui semblent défier toute explication définitive quant

à son édification et son usage.

Park Seong- Rae Pro fesseur ém érite d'histoire des sci ences coréenn es à l'Université Hankuk des études étrang ères Choi Hang-young Ph otograph e

L

e nom de Cheomseongdae désigne littéralement une

de l'ancien royaume de Silla [57 av. J.-C. à 935] qui occu-

plate-forme ou une tour destinée à l'observation

pait le sud-est de la Corée, quelques-uns d'entre eu x

stellaire, comme l'indique le terme « star gazing tower »

émettant des doutes quant à l'exactitude d'observations

par lequel il est souvent traduit en anglais. Édifiée voilà

réalisées mille quatre cents ans plus tôt, à une hauteur de

près de mille quatre cents ans, cette construction de

dix mètres et au moyen d'une sphère ar millaire se limitant

pierre en excellent état de conservation peut à juste titre

à déterminer les positions et mouvements des corps

être considérée, en son genre, comme le plus ancien ob-

célestes, tandis que d'autres opposaient diverses explica-

servatoire astronomique au monde, mais n'allait être

tions à un tel scepticisme.

appréciée au sens moderne du terme qu'il y a une cen-

D'aucuns avançaient la thèse d'un observatoire de

taine d'années, avec la modernisation de la Corée, sa

type moderne, à l'instar du météorologiste japonais Wada

valeur scientifique étant restée longtemps méconnue.

Yuji qui, voilà près d'un siècle, était parvenu à la conclusion que cet édifice, par son seul aspect, répondait déjà à des

Remise en question

critères récents. En ce s temps d'occupation coloniale

Dans les années soixante-dix, les scientifiques se sont

japonaise [1910-1945]. cette opinion reçut un accueil favo-

posé une série de questions essentielles sur cet édifice as-

rable chez les intellectuels d'un pays déchu de sa sou-

sez modeste par sa hauteur d'environ dix mètres et cons-

veraineté en leur fourn issant enfin un motif d'orgueil na-

truit en terrain plat au centre-ville de Gyeongju, la capitale

tional car elle supposait que des sujets de Silla avaient su

58

Ko reana

I Hiver

2006




1 À environ 4,16 mètres de hauteur, l'édifice est percé sur un mètre carré d'une ouverture où aurait été fixée une échelle reposant au sol. 2 Au niveau des dix-neuvième, vingtième, vingt-cinquième et vingt-sixième blocs, s'entrecroisent

deux piliers de soutènement en pierre.

mettre au point un observatoire astronomique pourvu à cet

reine Seondeok [r. 632 - 646]. Négligé des historiens , le

effet de dispositifs tels que la sphère armillaire. Ce prodige

Cheomseongdae figurera dans plusieurs relevés

de la science ancienne allait par la suite être salué comme

géographiques effectués durant la dynastie Joseon [1392-

il se doit par l'ensemble de la population.

1910] et fournissant un premier descriptif de ses fonc -

Qu ' en est-il alors de la qualité d 'observations

tions, à savoir l'observation céleste. Il inspira en outre la

réalisées à dix mètres de hauteur sur un relief peu acci-

composition de divers poèmes par Jeong Mong-ju [1337-

denté ? Suscitant d'autant plus d'interrogations en

1392]. un illustre lettré qui vécut dans les derniers temps

l'absence de réponse précise, ce point d'importance capi-

de la dynastie Goryeo [918- 1392] et plusieurs érud its du

tale allait donner lieu à de multiples hypothèses, certains

début de l'époque Joseon. L'absence de données précises

affirmant que le Cheomseongdae aurait constitué en

sur ce bâtiment dans la documentation historique de

réalité un autel dédié au culte du Mont Sumeru, un haut

référence conduit à s'interroger sur sa nature même.

lieu spirituel du bouddhisme alors en plein essor, d'autres

Comment, en ces conditions, distinguer le mythe de la

y voyant un cadran solaire ou spéculant sur sa complexité

réalité ? Si l'on peut difficilement affirmer avec -certitude

géométrique censée témoigner d'un haut niveau de con -

où se situe cette frontière, il s'avère en revanche manifeste

naissances dans ce domaine.

que l'astronomie avait d'ores et déjà atteint un haut degré d'évolution sous les Trois Royaumes, desquels Silla avait

Développement de l'astronomie sous Silla

entrepris de s'assurer par les armes l'hégémonie sur

Il convient par ailleurs de noter qu'il n'est fait nulle-

Goguryeo [37 av. J.-C.-668] et Baekje [18 avant J.-C.-660].

ment mention de cet édifice dans le Samguksagi [Histoire

À preuve, les multiples précisions qu'apporte le « Sam-

des Trois Royaumes] publié en 1145, une carence qui ali-

guksagi » à propos de l'observation de phénomènes na-

mente d'autant plus les doutes que, de tous les traités

turels liés à des événements astronomiques dans près de

d'histoire portant sur cette époque, celui-ci faisait autorité

la moitié des cas tels qu'éclipses sola ires , passage de

plus que tout autre, notamment par son exactitude . À

comètes ou visibilité de plan ètes, ainsi que des anomalies

peine le Samgungnyusa [Vestiges des Trois Royaumes].

relatives aux corps célestes, et ce, plus particulièrement

un document connexe datant de 1281, indique-t-il au pas-

dans l'État de Silla, futur vainqueur et fondateur du royau-

sage que l'édifice de pierre fut érigé sous le règne de la

me de Silla Unifié en l'an 668. Hiver 2006 1 Korean a 61


Une reconstitution révèle le mode d'accès a u Cheomseongdae. Selon toute vraisemblance, une première échelle pa rta nt du rez-de-chaussée menait à l'entrée, où une seconde permettait de monter au niveau supérieur pour y effectuer l'observation.

De par ses fondements astrologiques, une telle cu-

Un site d'astrologie

recherche scientifique moderne et attribuait au moindre

À la question de savoir quelle fonction exacte remplissait cet édifice, ma réponse s'oriente à l'évidence vers

phénomène anormal le sens d'un message adressé par

l'observation astronomique, dans son accep tion la plus

riosité était naturellement sans commune mesure avec la

les puissances célestes aux rois et ministres qui se

large, au vu des hypothèses formulées par les chercheurs

tenaient sur leur expectative avant de procéder au x

et dont le bien-fondé à été avéré. Les chroniques d'histoire

réformes gouvernementales. À t itre divers , les Trois

comportent plusieurs occurrences du nom de Cheom-

Royaumes faisaient appel à des astronomes qui réalisaient

seongdae désignant plusieurs établissements situés en

des observations aux fins de la surveillance de ces

des lieux distincts et qui associaient un rôle astrolog ique à

événements et de leur bonne compréhension, notamment

celui de l'observation céleste, la dynastie de Goryeo édi-

dans le cadre de l'Office des horloges à eau de Silla,

fiant par la suite le sien propre dans sa capitale de Gae-

auquel font pour la première fois référence des docu-

seong, comme en témoignent les nombreuses données

ments d'archive datant de l'an 718 et qui assurait l'ensem-

disponibles à ce sujet.

ble des activités astronomiques, dont la reconnaissance

En outre, l'ouvrage intitulé Chroniques du Japon [720)

officielle était donc antérieure, comme en attestent les

évoque l'existence, dans l'Antiquité, d'établissements as-

précédents comptes rendus du domaine.

tronomiques à caractère astrologique dénommés Jeomseongdae et aujourd'hui disparus, tandis que le Cheom-

62

Koreana I Hiver 2006


Poursuivant une vocation plus astrologique qu'astronomique, l'observatoire de Cheomseongdae servait principalement à localiser les astres et leurs constellations plutôt qu'à observer ces corps célestes à des fins scientifiques. seongdae de Silla est demeuré en excellent état jusqu'à

nombre à vingt-huit, vingt-neuf et trente, qui passent en

l'époque actuelle. La transcription de ces noms japonais et

réalité à celui d'environ trois cent soixante-deu x si l'on

coréen en idéogrammes chinois ne diffère que par une syl-

tient compte de la présence d' éléments au x formes

labe, la prononciation et le sens en étant quant à eux très

irr égulières . Il ressort donc successivement de ces

v01s1ns.

chiffres que le Cheomseongdae représente les douze mois

Il résulte de ce qui précède qu ·en dépit de son incon-

et trois cent soi xante-cinq jours de l'année, ainsi que les

testable spécificité en tant que premier observatoire as-

vingt-neuf ou trente jours du mois et les vingt-huit constel-

tronomique de l'époque, le Cheomseongdae, en raison de

lations principalement connues à son époque, mais aussi

circonstances historiques, s'est prêté à des applications

la personne de la reine Seondeok, vingt-septième sou-

d'une nature plus astrologique qu ·astronomique et de

veraine de la dynastie Silla qui fit édifier cet établissement.

recherche . Aussi la signification en tient-elle davantage à

Enfin, il semble qu'à sa proximité se trouvaient aussi

ses morphologie et situation qu'à ses qualités en matière

les locaux de l'office gouvernemental chargé de l'obser-

d'observation céleste , son histoire s'avérant donc indisso-

vation astronomique et de la mesure du temps, ae même

ciable de celle du bouddhisme et du Mont Sumeru, comme

que l 'emplacement antérieur supposé d'un autel con-

d'aucuns l'avaient supposé.

sacré aux rites qui s'accomplissaient, dans les premiers temps du royaume Silla, à l'intention de l'esprit des

Un symbolisme ancien

constellations et de la divinité de l'agriculture. Le Sam-

Le Cheomseongdae fournit de précieuses informa-

guksagi relate ainsi que, le printemps venu, les sujets de

tions par sa construction même, laquelle représenta it

ce royaume préparaient à cet effet des offrandes. À la dis-

symboliquement Ciel et Terre par la forme arrondie de sa

parition de cette pratique cultuelle, y aurait fait suite

tour, d'une part, et les plaques carrées figurant à son som-

l'édification d'un observatoire astronomique qui par sa vo-

met et sa base, d'autre part. Elle est percée d'une ouver-

cation présentait une analogie naturelle avec l'esprit des

ture latérale reposant sur trois blocs de pierre auxquels

constellations , corps célestes adorés dans le cadre de ces

s'ajoutent douze autres qui soutiennent les parties

rites, le site de Cheomseongdae se vouant alors

supérieure et inférieure, soit au total vingt-sept, les trois

intégra le ment à l'observation astronomique pour

ou quatre plaques carrées portant respectivement ce

l'ensemble du royaume de Silla . 1.t Hiver 2006 1 Ko reana 63


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Hong Hei-kyung Première chanteuse au Metropolitan Opera de New York Première chanteuse d'Asie à se voir régulièrement confier de grands rôles au Metropolitan Opera de New York, la soprano Hong Hei-kyung enchante les publics du monde par son exceptionnelle voix lyrique. Chang llbum Critique musical Lee Eun-joo Photographe

E

n cette soirée du samed i 26 juillet 2003, l'enthousiame des spectateurs avait eu raison de la chaleur du soleil à l'Arena di Verona, où se donnait

l'opéra « Turandot », de Giacomo Puccini et où figuraient parmi les interprètes Jose Cura, Giovanna Casolla et Hong Hei-kyung incarnant respectivement les personnages du prince Calaf, de la princesse Turandot et de Liu, l'infortunée jeune esclave amoureuse du premier. Chantant sans microphone dans ces arènes à ciel ouvert, cette dernière avait fourni une prestation admirable de pureté, résonance et beauté mélodique plongeant son auditoire entier dans le ravissement.

Priorités familiales Lors des rappels au rideau, la plus belle ovation était allée à Hong Heikyung pour son interprétation de Liu, et non aux rôles vedettes de Turandot et du prince Calaf. Mettant fin à ses jours en raison de son amour pour le prince Calaf, un sentiment que lui interdit sa position sociale, la première se supprime dans une scène dont le tragique, ici accru par une création particulièrement émouvante de l'artiste, allait susciter la compassion du public. Ce jour-là, pour les amoureux et conna isseurs du bel canto, l'artiste n'avait pas démenti la réputation élogieuse qui la précédait. Après avoir retrouvé celle-ci dans sa loge à une heure du matin, soit environ une heure après le spectacle, je l'avais quant à moi accompagnée dans un café situé non loin de l'Arena afin d'y poursuivre notre conversation. Son imposante présence, notamment en raison de sa haute stature égalant, voire surpassant, celle des chanteuses occidentales, ainsi que par son caractère ouvert et son allure empreinte de dignité, concourent à en faire la personnalité féminine coréenne la plus marquante du monde. Néanmoins, c'est sur sa vie de fam ille qu'elle avait avant tout mis l'accent, contant en guise d'anecdote qu 'ayant un jour été invitée à interpréter « La Traviata » de Verdi au Festival de l'Opéra de l'Arena di Verona, en 2004, après 64 Koreana I Hive r 2006


Chanteuse d'opéra mondialement célèbre, Hong Hei-kyung s'est souvent produite au sein d'orchestres tout auss i réputés.

Hiver 2006 1Koreana 65


avoir longuement hésité et malgré tout son désir de chanter le grand répertoire, elle avait dû décliner cette offre afin de passer l'été auprès de sa famille chérie, ce qu'il ne lui est donné de faire qu'à ce moment de l'année. Cette capacité de concilier les exigences de sa carrière professionnelle avec ses propres priorités lui a permis de se distinguer dans sa discipline, tout en fondant avec succès une famille, dont l'importance se ressentait d'ailleurs nettement à tout moment de notre conversation .

La diva du Metropolitan Hong Hei-kyung affirme avoir appris le chant avant même de parler, ses qualités vocales acquises dès la plus tendre enfance l'amenant à poursuivre ses études dans un collège américain, puis, grâce à une bourse d'études dont elle bénéficie dès l'âge de seize ans à la Juilliard School, de chanter dans de nombreuses salles d'opéra dans le cadre du cursus de ce prestigieu x établissement. Remportant en 1982 les plus hautes distinctions au Concours du Metropolitan 66 Koreana I Hiver 2006


Cantatrice de renom régnant depuis dix-sept ans sur de prestigieuses scènes internationales telles que le Metropolitan Opera, Hong Hei-kyung poursuit une brillante carrière artistique valorisée par l'élégance de son timbre de voix, la ferveur de son interprétation et sa présence toute en finesse sur scène.

Opera , elle fait ses débuts sur cette scène, deu x années plus tard, dans une œuvre de Mozart intitulée « La clemenza di Tito », sous la direction de James Levi ne. Au fil des dix-sept années qui suivront, elle se haussera au rang des plus grandes vedettes sur cette scène, multipliant les premiers rôles . Au nombre de ces interprétations figurent lïlia d' « ldomeneo », aux côtés de Placido Domingo, la Pamina de « La flûte enchantée » dans une mise en scène créée à l'occasion du deu x centième anniversaire de la mort du compositeur, la comtesse Almaviva et Susanna dans « Les noces de Figaro » , Juliette dans « Roméo et Juliette », Mimi dans « La bohème », Micaëla dans « Carmen », Gilda dans « Rigoletto », avec pour partenaire Luciano Pavarotti, ainsi que les Liu de« Turandot » et Zerlina de « Don Giovanni ».

À cet impressionnant palmarès du théâtre lyrique, s'ajoutent des prestations au sein des plus grands orchestres du monde comme l'Orchestre philharmonique de Los Angeles, avec à la baguette André Prévin , pour lïnteprétation du « Requiem » de Brahms et de la « Symphonie n° 4 en Sol Majeur » de Mahler, ainsi que sous la direction de l'illustre chef d'orchestre James Levine lors de la représentation des « Carmina Bura na » de Carl Orff.

Une professionnelle accomplie Hong Hei-kyung a aussi livré des enregistrements très appréciés sur le marché mondial, comme cet album d'arias, en collaboration avec l'Orchestre de chambre Saint-Luke, qui allait remporter un succès immédiat, ou ces duos d'opéra réunis sous le titre « Bel Canto », où elle chante aux côtés de la mezzosoprano Jennifer Lamore. Sont aussi disponibles par ailleurs une interprétation du rôle de Julieta dans l'œuvre « 1Capulettie e i Montecchi » composée par Vincenzo Bellini et un disque de chants coréens enregistré en collaboration avec l'Ensemble orchestral de Paris, sous la direction de Kim Duck-ki. Enfin, à tous ceu x qu'intéressent plus particulièrement ses représentations sur les scènes européennes, je recommanderai une compilation sur DVD de ses plus grands rôles d'opéra, au nombre desquels la Musetta de « La bohème » donne toute la mesure de son talent absolu dans une interprétation donnée au Théâtre de la Scala de Milan, salle mythique où tout chanteur d'opéra rêve de se produire . Dans une mise en scène de Franco Zeffirelli et sous la direction de Bruno Bartoletti, elle y chante cet émouvant rôle avec tant de passion qu 'à l'écouter et à la regarder donner la réplique au ténor Marcelo Alva rez et au baryton Roberto Serville, je ne peux qu· éprouver une grande fierté . t.;t Hiver 2006 1Korea na 67


Jangseong d'hier et de demain Dans une géographie péninsulaire au relief septentrional montagneux, les hauteurs déclinent peu à peu en de basses plaines encadrées de placides collines, comme il s'en trouve dans le canton de Jangseong, destination de notre voyage en ce prélude hivernal clément. Ha Ji-kwon Photographe !texte et photographie)


, P

our nombre de Coréens, le toponyme de Jangseong

n° 153, vestige d'un vaste bois qui aurait

évoque en tout premier lieu le temple de Baegyangsa

comporté au XIII° siècle non moins de

dont l'édifice à étage, ni trop grand, ni trop somptueux, s'y

cinq mille arbres plantés par les

élève depuis l'an 632 dans un merveilleux écrin naturel, au

bonzes pour leurs fruits qu'ils offraient aux

bout d'une route où s'alignent des arbres d'égal âge sur

villageois, ainsi que pour leur puissant effet

les deux bords et qui longe à sa gauche un ruisseau aux

insecticide. Aujourd'hui encore, cet arbre

paisibles eaux ondoyantes, l'ensemble composant un

majestueux rehausse la beauté du paysage

paysage réellement enchanteur.

sylvestre.

Le temple de la chèvre blanche

cette magnifique exubérance végétale à la confluence de

t

l

Jangseong

• 1<J.../

Le gracieux pavillon de Ssanggyeru vient interrompre Le sanctuaire se dresse au cœur d'une épaisse forêt

deux ruisseaux dont il tient son nom et si cet édifice con-

dont les différentes essences comprennent un spécimen

serve en toute saison sa beauté, nombreux sont ceux qui

de torreya du Japon aujourd'hui classé monument naturel

jugent celle-ci à son comble en automne, le promeneur


pouvant y goûter quelques instants de repos dans un ma-

soutra, une chèvre descendue de la montagne vint

gnifique cadre naturel aux éclatantes couleurs. Hasui, le

s'agenouiller à ses pieds pour l'écouter attentivement, puis

grand maître japonais de l'estampe, tomba sous le charme

qu'il la revit en songe quelques mois plus tard et qu· elle lui

des lieux , lesquels lui inspirèrent ses« Huit vues de

témoigna sa reconnaissance en ces termes : « Ayant at-

Joseon », une chronique de ses voyages en Corée qui, au

teint l'illumination à l'écoute du soutra, je me réincarnerai

nombre des principaux attraits du pays, chanta leur beauté

plus tard en être humain, ce dont je te remercie beaucoup »,

lyrique, tout en évoquant avec authenticité le spectacle

avant de s'incliner pour disparaître aussitôt. Au matin, il

inoubliable du pavillon se reflétant dans les eaux qui ruis-

découvrit le cadavre d'une chèvre blanche qui allait donner

selaient en contrebas.

son nom au sanctuaire en ce jour de l'année 1574.

Passé le Ssanggyeru, s· offre aux regards des visiteurs

C'est en assistant à l'une de ses cérémonies que l'on

l'enceinte du Baegyangsa ou « Temple de la chèvre

s'imprégnera au mieux de l'atmosphère d'un temple

blanche », ainsi nommé car la légende veut que, comme

bouddhiste coréen tel que Baegyangsa, où ce rituel est no-

le bonze Hwanyang psalmodiait le Saddharma-pundarika

tamment accompli en soirée, à dix-huit heures. Quand le

70 Koreana I Hive r 2006


Conserva nt l'aspect d'une loca li té rura le d'avant la modernisati o n, Geumgok, village du cinéma, fo urnit un lieu de to urnage à de no mbreuses scènes d'ex térieur destinées aux grand et petit écrans.

2 Dans cette reconstitution de la maison de H ong C il-dong, une statue grandeur nature représente ce dern ier, dans son jeune âge, fa isant ses adieux à so n père da ns la co ur d u logis fam il ial.

soleil décline à l'horizon, les sonorités profondes des

Pays natal de Hong Gil-dong

soutras parvienn ent du pavillon principal de Daeungjeon

Au cours des cinq dernières années, le paisible can-

tandis que de Beomjonggak, tout alentour résonne des

ton méridional de Jangseong allait acquérir une certaine

battements de tambourins, cloches et gongs. L'eau d'une

notoriété après que des recherches scientifiques et études

mare jou xtant les salles de méditation renvoie l'image

diverses portant sur des textes anciens, tels le Joseon-

ondoyante du Mont Baegamsan et sur les tuiles formant la

wangjosi/lok [annales de la dynastie Joseon] et le Jung-

bordure du toit, des visages gravés adressent un affable

jongsillok [annales du roi Jungjongl. eurent corroboré

sourire . Autant de motifs d'émerveillemen t, en cette

l'hypothèse se lon laquelle le personnage prétendument

tombée du soir sur Baegyangsa, face à l'exceptionnel sens

légendaire de Hong Gil-dong, sorte de Robin des Bois

esthétique dont firent preuve les Coréens anciens en con-

aurait réellement existé et serait né à Jangseong .

cevant l'idée d'un bassin réfléchissant la montagne et de

Tout Coréen en a lu les exploits sur les pages de ses

tuiles à l'effigie de visages enfantins à l 'expression aussi

livres de classe, ainsi que dans le premier roman imprimé

aimable que candide.

en alphabet « hangeul » sous le titre Hong Gildongjeon. Hiver 2006 1 Korea na 71


Datant du XVII ' siècle, cet ouvrage situe au XV' la vie de son

grandeu r nature du jeune héros tombé aux genoux de son

héros qui, en butte à de constantes humiliations, car né

père avant de lui faire ses adieux, on a peine à imaginer

d'une concubine dans une famille de nobles « yangban »,

que ce garçonnet allait prendre la tête d'une association

allait fuir la demeure familiale pour mener l'existence d'un

de malfrats rendant eu x-mêmes la justice.

malandrin détroussant les nantis au bénéfice des pauvres

Pourchassé par les forces de l'ordre, le célèbre ban-

et des opprimés, en s'attaquant tout particulièrement aux

dit leur échappera pour fonder l'île-État de Yuldoguk, dont

fonctionnaires malhonnêtes.

certains affirment qu'il s'agissait de l'actuelle Okinawa

« Pour les habitants d'autres régions, Hong Gil-dong

puisque, au Japon même, divers récits font mention d'un

représente un personnage de fiction, alors que ceu x de

certain Hong Gaw ara qui ne serait autre que Hong Gil-

Jangseong ont depuis toujours la ferme conviction qu'il

dong désigné par son patronyme japonisé, et qu 'un monu-

s'agit bel et bien d'une personne réelle », explique la pro-

ment commémoratif figure également parmi différents

priétaire d'un petit restaurant faisant face à la gare de

vestiges . Afin de promouvoir l'essor économique de la

Baegyangsa, une dame d'une cinquantaine d'années,

région, les collectivités locales multiplient les initiatives

ajoutant que le lieu exact de sa naissance, Achisil

pour assurer la diffusion de produits touristiques con-

[Achagokl, est connu de tous les enfants.

sacrés à ce célèbre personnage d'extraction populaire.

C'est dans la commune de Hwangnyong-myeon qu'a

Le canton de Jangseong compte au nombre de ses

été reconstituée sa maison familiale à partir d'éléments

attraits le Village du cinéma qu 'est Geumgok, situé dans

chronologiques transmis par la tradition orale et qui ont

l'arrondissement de Munam-ri de la commune de Bugil-

permis d'en localiser l'emplacement, où subsistaient des

myeon et prêtant souvent son cadre au tournage de

vestiges de poutres et de murs. En apercevant la statue

scènes d'extérieur, notamment pour le film « Les Monts

Académie confucéenne créée sous la dynastie Joseon, Pira m Seowon propose divers cycles de « formation continue » , tel ce cours de calligraphie auquel assistent des pensionnaires porta nt le costume traditionnel des lettrés de Joseon.


Hiver 2006 1Koreana 73


On ne saurait évoquer le canton de Jangseong sans y associer le temple millénaire de Baegyangsa, ainsi que Hong Gil-dong, ce personnage de la mythologie populaire que prit pour héros le premier roman rédigé en alphabet coréen ou « hangeul ».

1 Au temple de Baegyangsa, le spectacle des arbres aux éclatantes couleurs de l'automne est particulièrement

visible du pavillon de Ssanggyeru . 2 Les Coréens anciens semblent avoir été dotés d' un optimisme à to ute épreuve qu'exprime non sans humour ce « visage heureux » ornant l'extrémité d'une tu ile.

3 Sur des terres ravagées il y a encore peu, l'un des projets de re boisement les plus importants a permis de fa ire revivre avec succès la forêt de Chungnyeongsan.

Taebaek » réalisé par le cinéaste de renommée mondiale

d'une communauté rurale type antérieurement à la moder-

Lim Kwon-taek, lui-même originaire du canton de

nisation du pays.

Jangseong, ainsi que d'autres longs métrages intitulés « Parfum d'amour » et « L'harmonium de ma mémoire », ou encore le feuilleton télévisé « The Boss ».

Tradition et nouveauté Le canton de Jangseong a le mérite d'avoir su con-

Pour l'industrie du cinéma, le choix de Geumgok

server ses traditions tout en les réactualisant, notamment

s'explique par le généreux ensoleillement et le calme dont

dans le cas de l'institut confucéen Piram Seowon créé

bénéfie cette localité où l'apparition d'activités commer-

pour perpétuer l'œuvre du lettré Kim ln-hu [1510-1560] et

ciales participe d'une certaine vision de la campagne

qui conserve intacts les témoignages de la pensée et de

coréenne dans les années cinquante . Le promeneur y

l'activité des savants confucianistes vivant sous la dynastie

découvrira au hasard des rues dolmens, norias actionnées

Joseon . Comme cela est souligné en ces lieux, celle-ci

par des animaux, chaumières et monceaux de grains de riz

avait mis en place sur tout le territoire de tels établisse-

entier donnant une idée assez réaliste de la vie quotidienne

ments publics dits« seowon » afin d'y accomplir les rites

74 Ko reana I Hive r 2006


commémoratifs en l'honneur de ces sages et d'y former

d'hiver, l'enseignement y étant exclusivement assuré par

des hommes d'un caractère élevé.

des professionnels, car l'amateurisme n'a pas ici sa place»,

À l'entrée de cette vénérable institution qui remonte à

précise l'un des distingués participants âgé d'environ

l'an 1590, se dresse le pavillon de Hwagyeonnu dont le

cinquante ans, en insistant haut et fort sur le haut niveau

premier étage abrite un vestibule et le second, la salle où

du cursus. L'établissement propose des formules en se-

se rassemblaient les érudits, cette noble bâtisse attestant

maine et en week-end, car c'est le samedi que les adeptes

tout entière de l'importance que revêtaient l'acquisition du

retrouveront le plus l'atmosphère d'antan, après avoir

savoir et la recherche de la vérité auxquelles s'adonnaient

revêtu l'habit traditionnel des savants de Joseon.

sans relâche ses occupants. Tandis que d'ordinaire une

Quant à l'avenir du canton de Jangseong, il repose

porte unique assure l'accès à l'entrée et à la sortie d'un

désormais sur cette forêt de Chungnyeongsan que l'un des

édifice, celui de Hwagyeonnu en comporte à cet effet deux

plus importants projets nationaux de reboisement a per-

situées respectivement à droite et à gauche, peut-être

mis de créer avec un succès tout aussi inégalé, ce qui a valu

dans l'intention de symboliser l'humilité tout aussi néces-

à celle-ci de remporter le Grand prix du premier « Con-

saire à l'apprentissage qu'à un bon usage du savoir.

cours national des forêts » dans la catégorie « Belles

Le visiteur qui s·y rend pour la première fois prendra

forêts à protéger pour le XXII° siècle », une telle échéance

la peine de consulter la tablette dont les inscriptions furent

pouvant sembler des plus lointaines à ceux qui s'attardent

gravées par un éminent savant de l'époque, Song Si-yeol

trop sur l'actuel début de millénaire. Sur ces terres autre-

[1607-1689]. Aujourd'hui, l'institut de Piram Seowon as-

fois ravagées par la politique forestière de l'État, les acti-

sure la gestion du Centre confucéen Seonbi Hakdang, qui

vités sylvicoles entreprises en 1956 ont donné vie à la forêt

dispense des cycles de formation continue et où j'ai con-

de Chungnyeongsan où abondent faux cyprès Hinoki,

staté, lors de mon passage, qu'une quinzaine d'étudiants

cèdres du Japon et chênes d'Orient qui en font l'une des

transcrivaient des préceptes au pinceau et à l'encre sur les

destinations de prédilection des touristes japonais très

lieux même qu'occupaient les lettrés de jadis.

friands de longues randonnées dans les futaies. t;.t

« Ouvert voilà trois ans, le Centre accueille des ap-

prenants tout au long de l'année, hors congés d'été et Hiver 2006

1Koreana 75


CUISINE

Le~~ galbijjim >> et le~~ galbigui >>, deux grandes préparations de la côte de bœuf Très appréciées des Coréens, ainsi que des étrangers, les recettes du « Galbijjim » et du « galbigui » allient le goût savoureux de la côte de bœuf à d'excellentes qualités nutritives. Chun Hui-jung Professeur à l'In stitut de gastron omi e coréenne de l'Unive rsité féminin e de Soo knryung Bae Jae- hyung Photograph e

L

es principales fêtes qui rythment la vie coréenne ne

méthodes et pratiques permettant d'éviter le moindre

seraient plus tout à fait ce qu'elles sont si « galbijjim »

gaspillage. Aussi les habitants des régions à climat froid

et « galbigui » venaient à manquer sur les tables. À ces

n'ôteront-ils pas le gras de la viande avant la cuisson du

deux vocables ont fait respectivement place ceux, plus

« galbijjim », afin que celui-ci soit plus nourrissant. Les

anciens, de « garijjim » et « garigui », d'une prononcia-

variantes locales qui font connaître leurs particularités se

tion jugée plus agréable à l'oreille. Transcrit par«

~m

»

distinguent par l'appellation correspondante qui leur est

» dans les manuscrits anciens calligraphiés en

associée, Suwon ou !dong par exemple. Dans la recette du

idéogrammes chinois, le mot « galbi » désigne quant à lui

« tteok galbi », le cuisinier sépare la viande de l'os pour la

la côte, c' est-à-dire une mince pièce de boucherie

faire mariner avant de la remettre en place sur celui-ci et

attachée au x treize premières côtes du thorax à partir du

de la passer au gril alors que celle du « Suwon galbi »,

collier. Aujourd'hui, la recette du « galbijjim » l'emporte

qui tient son nom d'un célèbre restaurant situé à deux pas

sur celle du « galbigui » pour les gourmets coréens.

de la porte Paldalmun, dans cette même ville, emploie de

ou « ~

préférence les côtes les plus longues et sous son autre

Des plats festifs

dénomination de « wang galbi » se pose aujourd'hui

Si « galbijjim » et« galbigui » se consomment

encore en modèle de préparation de la côte de bœuf. À

aujourd'hui en toute occasion, il en allait autrement dans

l'inverse, dans l'« !dong galbi » originaire de la commune

la vieille Corée agraire, dont les habitants vivaient pour la

dïdong-myeon du canton de Pocheon-gun, la côte est net-

plupart chichement, réservant ces plats aux jours de fêtes

tement plus petite et sa chair, incisée pour en faciliter la

usuels et autres réjouissances . Pour tout foyer rural,

consommation une fois grillée, celle-ci exigeant le plus

posséder une vache, voire deu x ou trois chez les plus

souvent de se « salir » les mains.

chanceux, représentait à cette époque la richesse par excellence et seuls les plus fortunés pourvoyaient à

Aux temps des Trois royaumes

l'opulence de leur table en y servant du bœuf. Quant aux

Différents éléments d'information permettent de

plus modestes, il ne leur était donné de s·en délecter que

retracer l'histoire du « galbijjim » et du « galbigui ».

lors des banquets villageois. Cet animal bovin constituant

Dans l'Empire du Milieu, les sujets de Goguryeo qui

le bien le plus précieux des familles paysannes, il importait

s'implantaient au Nord-Est de la Chine ou au nord de la

d'en destiner aux préparations culinaires toutes les parties

péninsule étaient désignés par l'expression « maekjok »

du corps sans exception par la mise en œuvre de

signifiant « peuple mangeur de viande grillée » et si ces

76 Ko reana I Hiver 2006



La côte de bœuf grillée, dite « galbigui » , est tout aussi appréciée des Coréens que des étrangers.

« Galbijjim » 1pe1i1escô1esàl'é1out1ée1

moulu, 2 cu illerées à café d·huile de sésame, 2

peaux en deux ou quatre morceaux. 3 Peler les

cuillerées à café de vin de riz

châtaignes, dénoyauter les jujubes et décorti-

Ingrédients : 800 grammes de côte de bœuf, 5

quer les noi x de ginkgo, puis passer rapide-

jujubes, 300 grammes de rad is bla ncs, 10 noi x

Préparation:

ment celles-ci sur le gril avant d'en ôter la pel-

de ginkgo, 200 gra m mes de carotte, Une

1 Couper les côtes en morceaux de cinq cen-

licule intérieure. Préparer les œufs en séparant

cuillerée à soupe de pignons, 5 champignons

timètres. Dégraisser, puis faire baigner la

les blancs des jaunes. Battre les blancs en

shii take secs, Un œuf, 1/6 poire co réenne, 10

viande dans l 'eau froide pour en extraire le

neige et les faire revenir dans la poêle en fine

châta ignes, 2 1/2 verres d'eau

sang. Pratiquer des incisions. Placer les côtes

couche, puis une fois refroidie, découper celle-

Sauce: 3 cuillerées à soupe de sa uce de soja, 3

dans une casserole et les recouvrir d'eau, puis

ci en petits losanges. Effectuer les mêmes

cui llerées à sou pe de sucre, 2 cuillerées à

porter à ébullition et laisser cuire quelques

opérations sur les jaunes. 4 Exprimer le jus de

soupe de poireau émincé, 1 cu illerée à soupe

instants. 2 Découper radis et carottes en dés

poire et additionner aux autres ingrédients pour

d'a il émincé, 2 cui llerées à soupe de graines

correspondant à une bouchée. Mettre à trem-

confectionner la sauce. Immerger les côtes aux

de sésame gr illées , r édu ites en poudre et

per les champignons shiitake pour les atten-

deu x tiers dans cette préparation où elles

sa l ées , 1/2 cuille rée à café de poivr e noir

drir, puis retirer les pieds et découper les cha-

marineront une heure et demie, puis les placer

78

Korea na I Hiver 2006


pratiques alimentaires, ainsi que l'art de découper et

de ces ingrédients tout aussi agréables à l'œil qu'à

d'accommoder la viande, furent proscrits après l'introduc-

l'odorat, ainsi qu'un apport nutritionnel répondant avant

tion du Bouddhisme à l'époque de Goryeo, elles firent leur

l'heure à des exigences diététiques . Une mosaïque de

réapparition lorsque Goryeo fit allégeance à la dynastie

couleurs apparaît tandis que s'ajoutent radis blancs,

des Yuan. Dès la fin du XVI · siècle, il était à nouveau

carottes orangées, jujubes rouges, châtaignes jaunes et

d'usage de faire rôtir sur le gril côte de bœuf et autres

noix de ginkgo grillées d'un vert jade qui affermissent

pièces de cette viande, ainsi que l'estomac, comme en font

délicieusement la consistance du tout. En Corée; ce dernier ingrédient entre dans la compo-

état les chroniques d'alors. Datant de l'an 1766, le traité culinaire intitulé Jeung-

sition d'un grand nombre de préparations à raison d'une

bosallimgyeongje décrit les procédés employés pour faire

dizaine de baies par personne, celles-ci se teintant

griller ou cuire à la vapeur les viandes, tandis que l' extrac-

agréablement lors de la cuisson. À l'instar des multiples

tion de celles-ci, en vue de les faire mariner préalable-

plantes médicinales et aromatiques aux qualités

ment à la cuisson, fut préconisée dans le Siuijeonseo,

diététiques de la cuisine coréenne, la noix de ginkgo

ouvrage remontant à la fin du XVIII · siècle. Enfin, nombre

possède des effets antitussifs bien connus qui en font l'un

de textes rédigés dans ce domaine à partir du XIX· siècle

des ingrédients de plats très nutritifs tels que le« jeongol »

font mention des recettes du « galbijjim » et« galbigui »,

cuit à l'étouffée ou la soupe dite« sinseollo », mijotée au

attestant donc amplement de leur intégration à la gas-

feu de bois. En dépit des aspects bienfaisants de la noix de

tronomie coréenne depuis l'époque des Trois Royaumes.

ginkgo, on ne saurait en aucun cas la consommer en grande quantité, à savoir, au-delà de vingt pour les enfants et une centaine pour les adultes, en raison de sa forte

La noix de ginkgo Composé de goûteuses côtes de bœuf agrémentées de légumes et champignons, le « galbijjim » offre aussi

teneur en amygdaline, laquelle peut s'avérer toxique à haute dose. 1..11

l'attrait de l'harmonieuse alliance des couleurs et arômes

dans une casserole en ajoutant radis, carottes,

poire coréenne, 2 cuillerées à soupe d'huile de

2 Comprimer fortement les faces supérieure

champignons et eau. Faire mijoter à température

sésame, 2 cuillerées à soupe de gra in es de

et inférieure de morceaux de viande pour les

moyenne. 5 Lorsque l'eau a réduit de moitié,

sésame, grillées, réduites en poudre et salées,

aplanir, puis les frapper à plusieurs reprises

ajouter jujubes et noix de ginkgo, puis répandre

5 cu illerées à soupe de sucre, 2 c.uillerées à

avec le bord non tranchant du couteau pour

uniformément le restant de la sauce sur la

soupe de poireau émincé, 2 cuillerées à soupe

l'attendrir. 3 Bien mélanger avec l'assaison-

viande et les légumes. 6 Juste avant que l'eau

d'ail émincé, quelques pincées de poivre noir

nement. 4 Recouvrir avec la sauce les

ne s'évapore complètement, éteindre le feu.

moulu

« Galbigui » 1pe1i1escô1esdebœu1g,illées1

morceaux de viande préparés à l'identique et laisser reposer une heure et demie. 5 Quand la

Garnir d'œuf et de pignons.

Préparation: 1 Faire baigner les côtes de bœuf dans l'eau

viande a suffisamment mariné, la faire frire à

froide pour en extraire le sang et découper la

feu vif, puis, lorsqu'elle est bien cuite sur les deux faces, retirer du feu et servir.

Ingrédients: 1,2 kilogramme de côte de bœuf

viande en petits morceau x de 5 à 7 centi-

Assaisonnement : 6 cuillerées à soupe de

mètres. Dégraisser. retirer les parties dures et

sauce de soja, 5 cui llerées à soupe de jus de

creuser avec le couteau jusqu 'à atteindre l'os.

la poêle ou griller sur une plaque chauffante à

Hive r 2006 1 Koreana 79


1 Nouveaux territoires : Nous vivons dans un monde sans frontières sous l'effet de la globalisation et de la mondialisation : c'est une évidence. Mais dans le même temps de nouvelles frontières se créent : « les nouvelles frontières d'un monde sans frontières » et naissent de« nouveaux territoires ». Leur espace de référence n'est plus l'espace continu du territoire mais un ensemble de systèmes relationnels. Deux notions sont fondamentales dans les modes de production de ces nouveaux territoires: la mobilité et l'interface. Le problème n'est plus tant la quête de l'information que le surplus d'information. La pertinence consiste à créer un système relationnel cohérent en sélectionnant les informations qui appartiennent à des systèmes cognitifs différents. Ces réflexions sont indissociables de mon travail. Il s'agit pour moi à chaque fois d'identifier le territoire d'inscription d'un

Dans la logique d'une architecture de l'interface aux couches multiples, l'architecture coréenne pourrait trouver

projet pour lui donner du sens et une identité.

2 La culture comme ingénierie d'interface : La « world culture » voudrait faire table rase du passé.

une réponse à sa préoccupation essentielle : articuler modernité et tradition.

L'héritage est un élément du passé qui pèse et conditionne pour

David-Pierre JALICON, Architecte DPLG/Présid ent de

une part le présent et le futur. Mais il ne peut perdurer que par

OPJ&Partn ers, Ltd

sa capacité d'adaptation ou plutôt ne prend de sens que lorsque

Mais notre vécu est fait d'héritages et on vit sur ces héritages.

les hommes qui l'habitent et l'animent dans la succession des générations, des systèmes de société, sont capables d'intégration. C'est pourquoi la réponse fondatrice, à la globalisation est certainement dans le renforcement des univers symboliques et culturels hérités.

3 La mobilité comme nouveau champ sémantique : Dans quel paysage vivons-nous, dans quel contexte devons-nous, architectes, inscrire nos bâtiment s ? Autrefois mon paysage quotidien était celui de mon quartier, de ma rue, la vue depuis ma fenêtre. Mais aujourd'hui où je peux être le matin à Séoul, le soir à Paris, où je peux appréhender autant que faire se peut un paysage sur 400 kms en 2 heures, la somme de ces espaces devient mon environnement tout en étant discontinue. Grâce aux écrans de télévisions, à l'Internet je peux également avoir accès à tous types d'informations quels que soient son époque et son lieu. Alors ne peut-on pas considérer que cette vision du monde est un paysage? Face à cette [rlévolution, le rôle de l'architecte sera de plus en plus de construire des architectures d'interface, son principal travail consistant à identifier les composantes qui constituent l'environnement matériel et immatériel d'un projet et construire les mises en« interrelations».

80 Koreana I Hiver 2006


4 Au delà, de l'espace et de la forme, l'essence de l'architecture coréenne :

- Une logique confucéenne 1' 1 : Autrefois, les maisons incluaient plusieurs pavillons qui correspondent aux différents

Mes projets réalisés en Corée et à Séoul ont été d'excel-

composants générationnels de la famille. Ici le terrain étant

lents terrains de validation de cette approche puisqu'ils me

limité en surface, ils se retrouvent superposés : les parents

coupaient de mes référents contextuels et culturels habituels.

vivent au rez de chaussée, et le premier fils, avec sa famille, à l'étage.

J'ai toujours été fasciné par l'architecture asiatique parce

- Dans la logique géomancienne, la forme des construc-

qu'à la forme construite sont associés un certain nombre de

tions est convexe au sommet de la colline, là où l'énergie doit

signes et symboles qui me racontent des « histoires », me pro-

émerger, par contre la forme des constructions doit être con-

jettent une conception de l'univers [le TA0 111 l, un paysage global

cave à flanc de colline afin de conserver le cheminement de

[la géomancie 11J). Malheureusement, cette capacité de l'archi-

l'énergie. C'est ce que nous avons respecté dans ce cas de fi-

tecture à raconter des « histoires », à définir de multiples

gure.

niveaux d'entrées [Input ou Access) semble être la cause perdue de ce siècle et de la« modernité ».

Autre exemple, la passerelle « Aqua Art Bridge », située à coté du Séoul Art Center, exprime un point de sortie d'énergie

Modestement, en réaction à cette situation, j'essaye de

de la montagne Woomyong à travers sa structure en anneau .

produire une architecture qui se remet à parler, utilisant signes,

La tradition veut que l'énergie « Feu » de la montagne

symboles, sens cachés. Ils renvoient aux environnements cul-

Woomyong soit trop développée, entraînant un risque

turel, patrimonial et philosophique particuliers à chaque projet.

d'incendie sur la ville, c·est pourquoi nous avons implanté une

Ils ne sont pas une fin en soi puisqu'ils sont associés à l'ensem-

lame d'eau au centre de l'anneau, afin de tempérer le flux

ble des données qui constituent le système cognitif du projet.

énergétique qui en émane. Dans le même temps, cette structure est une réponse

Ainsi au Lycée Français de Séoul, l'écran de façade est

technique, puisqu'elle permet, à partir d'un système d'ancrage,

animé de petits percements. Il s'agit en effet de symboles issus

de transférer les charges directement au flanc de la colline et

de la Pa-Koua[3], ici celui de l'Est. Ils symbolisent l'énergie de

non dans l'espace du trottoir ou de la rue.

cette direction, là où les contraintes urbaines, le bruit. interdisaient toutes ouvertures physiques. Cette rupture de l'énergie

Ces projets sont l'illustration d'une architecture qui offre

de l'Est était d'autant plus regrettable que dans le TAO, elle

de multiples niveaux de lecture et d'appréciation, mariant

symbolise l'enfance et la croissance, et qu'il convient de la mar-

espaces réels et espaces de projection symbolique, exprimant

quer dans les écoles traditionnelles coréennes. L'utilisation de

mobilité et mixité des références culturelles.

ces symboles est là pour récréer symboliquement ce flu x énergétique.

c· est

dans cette logique d'une architecture de l'interface

Dans le même temps, la forme circulaire du bâtiment,

aux couches multiples, que l'architecture coréenne pourrait

elle, participe des qualités reconnues à l ' enseignement

trouver une réponse à sa préoccupation essentielle :· articuler

français, éveil, ouverture, mouvement, interdisciplinarité,

modernité et tradition .

li.t

dynamisme. Toutes ces différences qui peuvent apparaître très spécifiques par rapport au modèle coréen se développent, protégées et discrètes, derrière le dispositif Ecran + Rampe de la façade principale qui fait oeuvre ainsi d'interface physique et culturelle.

1' 1 TAO : -philo,ophic cosmogo111quc qui tend ,1 considé-rer l'espace. le, choses, les ~trcs huma ms, les 1dces et l'u111wrs comme un tour s\11thét1quc ou regnenr 'i11rcrdépc11da11cc et l'harmonie.

Cette approche se traduit parfois par un résultat spatial beaucoup plus direct.

121 Ccom.111(1<'. conceprion gloh.1lc de l'espace qui rend a considcrcr une l'ncrg1L tlTrl'strL \ d111..:uicL p,1r

Jc1ns

Par exemple, la maison Hyung située à Nyungpyong-ri, bien que d'aspect très moderne, elle met en jeu deux éléments de la tradition :

les ch~1î11<..'s 1.k

1nont.1~nL""> et

le...,

cour, d't·.rn qu'il connenr de capter, de 111.1irn,cr cr d'accorder tOllh2\ llltL'l"Yt'11tlOtl ....

t 3J /\1-/,011l1 :

11~1y,~1gère\ (Hl dt:

COll",(fllLtÎon.

ensemble de symhoks graphiques qui illustrcnr les

wsrèmcs de c·<nicordancc·s rn sc·111 du T:.\O. 141 C,mfi1c,.1111s111, : Philosophie qui régir les rcLlrHllh sociale, entre les erres hu111.1i11s d'c1près ( ·011hic1 tts. Hiver 2006 1 Ko reana

81


VIE QUOTIDIENNE

Succès international des ~ B-boys ~ coréens Par leur capacité à conquérir un large public international alors que les autres « danseurs de rue » ne séduisent d'ordinaire que les jeunes adeptes de leur genre musical, les 8-boys coréens étendent constamment leur audience tout en donnant un nouvel élan à la mode dite de la« vague coréenne ». Park Ju-yeon Journaliste au« Kyunghyang Shinmun » Pyun Do-jin Photographe

B

erceau séoulien de la culture jeune, Dae-

s'ajoutent parfois d'anciens escrimeurs ou

hang no offre souvent le spectacle de

cuisiniers, et qui après avoir exercé leurs

danseurs de « break dance », adolescents aux

talents dans la rue par simple plaisir, viennent

T-shirts et pantalons trop grands évoluant en

aujourd'hui grossir la « vague coréenne » de la

petits groupes avec une gestuelle et des figures

culture de masse déferlant aujourd'hui sur

parfois complexes saluées par les cris d'admi-

l'Asie.

ration des passants et amis. Haletant et

Produit de la sous-culture marginale

trempés de sueur sous l'effort qu 'exigent ces

générée dans les années soixante-dix par les

mouvements acrobatiques, c'est aussi de satis-

jeunes Afro-Américains et Hispano-Américains

faction que le rouge leur monte aux joues. Dans

des rues mal famées de New York, la « break-

les cours de récréation, stations de métro et

dance » a été lancée en Corée près de dix ans

autres lieux publics municipaux, comme sur la

plus tard par la chaîne télévisée des forces mili-

place de l'Hôtel de Ville, ces jeunes« mordus »

taires américaines en Corée, l'AFKN [American

de la danse sont toujours plus nombreux à pra-

Forces in Korea Network] devenue aujourd'hui

tiquer celle-ci selon les toutes dernières ten-

l'AFN. Tout d'abord associée au genre musical

dances, les plus passionnés sacrifiant à un long

du « hip-hop », elle était pratiquée par des

et difficile entraînement par tous les temps et

danseurs de rue ou autres amateurs, le terme

en tout lieu pour affiner leur style.

« B-boys » ne devenant d'usage courant qu'en 1997, avec la révélation du groupe Expression .

Origines des « 8-boys »

Si les« breakers » coréens ont depuis

Les« breakers » accomplissent de vérita-

lors su s'adapter à une pratique plus interna-

bles acrobaties telles que le tour sur la tête

tionale de cet art, leur pays ne semble pas pour

[« head spin »] pratiqué tête en bas et corps à

autant à même d'en accueillir dès à présent les

la verticale, ou la coupole [« windmill »], un

plus célèbres interprètres. Après avoir séduit le

tour sur le dos effectué rapidement à la seule

public national, les premiers se produisent en

force des muscles pectoraux, jambes écartées

revanche sur des scènes étrangères, inspirant

et en l'air. Il s'agit pour l'essentiel d'adolescents

un respect mêlé d'envie chez les plus épris de

ayant arrêté leurs études secondaires pour se

cette danse internationale et allant jusqu'à

consacrer exclusivement à la danse, auxquels

réexporter une gestuelle spécifique et créative

82 Koreana I Hiver 2006


Après avoir dansé dans la rue, les 8-boys rejoignent en renfort la« vague coréenne» et une

centaine d'entre eux compose chacune des dix formations aujourd'hui les plus célèbres.


Tour sur la tête!« head spin ») et coupole!« windmill ») comptent parmi les figures les plus spectaculaires qu'exécutent les 8-boys coréens avec beaucoup d'aisance et de style, un talent exceptionnel que d'aucuns attribuent curieusement au goût ancestral des Coréens pour les plaisirs de la musique et de la danse.

Spectacles de scène et émissions télévisées sont toujours plus nombreux à faire appel aux 8-boys, notamment cette « La Ballerine et le 8-boy » représentée en exclusivité pendant près d'un an dans la même salle.

84

Koreana I Hiver 2006


aux États-Unis, qui en sont le pays natal. Leur

Autre création digne d'intérêt dans ce genre

prodigieux savoir-faire prend valeur de « norme

musical, Le divertissement « Marionnette » met

internationale » à laquelle aspirent à se con-

en contraste La vitalité physique et sonore pro-

former les danseurs du monde entier, toujours

pre à la « break-dance » avec Les mouvements

plus nombreux à faire le voyage en Corée pour

mécaniques de figurines articulées. Interprété

l'acquérir au mieux.

par Le groupe Expression et vainqueur de la « Battle of the Year » allemande de l'année

À la conquête du monde

2002, ce spectacle à l'atmosphère surréaliste

Les B-boys ont fait irruption dans le monde

allie des rythmes trépidants à ceu x de La

du spectacle coréen Lorsque Leur exceptionnel ta-

musique classique . Enfin, Paek Hyang-ju, fer-

lent a été couronné de succès dans diverses

vent défenseur de La danse folklorique coréenne

compétitions internationales telles que la « Battle

en Corée du Sud et du Nord, ainsi qu'au Japon,

of the Year » allemande, « nec plus ultra » des

vient de mettre en scène « The Code », une

épreuves du domaine qu'ils ont remportée en

composition unique en son genre par L'associa-

2002, 2004 et 2005, s'imposant également Lors

tion de figures de « break-dance » à d'autres

des « B-boy Championships » britanniques de

formes chorégraphiques.

2004, ainsi qu 'en 2005, année où ils sont également arrivés en deuxième place au « Redbull

Toute une gamme de spectacles

BC One » . La Corée compte actuellement

Sous le titre « Over the Rainbow » , un

quelque trois mille « B-boys » en activité au

mini-feuilleton télévisé réunit La participation

sein de cent formations de danse dont di x

des célèbres « B-boys » que sont Poppin Hyun

rassemblent une centaine de danseurs effec-

Joon et Shin Yong-sok, tandis qu'une chaîne

tuant une carrière internationale, notamment

télévisée par câble a proposé une émission docu -

Rivers, Expression, Gambler, Last for One,

mentaire consacrée à La vie quotidienne de

Extreme Crew et T.I.P. [Teamwork is Perfect).

divers « breakers ». Créateur du spectacle non

Cet irrésistible succès s'accompagne d'une

verbal « Nanta » dont Les représentations se

importante commercialisation dans le cadre de

déroulent depuis dix-huit mois dans Le quartier

La production des spectacles et de feuilletons

« Off-Broadway » de New-York, PMC Produc-

télévisés auxquels participent ces artistes, mais

tion s'apprête à monter, en cette fin d'année, un

aussi de ludiciels mettant en scène leurs épous-

deuxième divertissement intitulé « Beat and B-

toufla nt es chorégraphies. Depuis décembre

boys » .

2005 et jusqu 'à l'année prochaine, la comédie

Quant à Yegam .lnc, après avoir produit le

musicale intitulée « La ballerine et Le B-boy »

spectacle non verbal « Jump » qu 'a ovationné

se joue à guichets fermés dans

Le public de l' « Edinburgh Fringe Festival » lors

La même salle où se presse

/

de ses deux dernières éditions annuelles, il pro-

un public toujours enthousiaste et en partie étranger. ~

jette aujourd'hui de faire monter sur

te,-,

scène des B-boys à partir

Hiver 2006 1 Koreana 85


d'avril 2007, tandis que Hanmar u Communication travaille à l'organisation d'une tournée internationale qui, l'année prochaine, conduira les trente meilleurs « B-boys » coréens au x États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France . Prenant la mesure du phénomène, les pouvoirs publics ont pris l'initiative de soutenir l'activité des « breakers » dans le cadre d ' un ultime assaut de la « vague

.,

coréenne » . L'accession de ces artistes à un haut degré de savoir-faire en dépit de débuts assez tardifs tient en grande partie au caractère national d'un

les années quatre-vingt-dix, tout ce qui est

peuple qui excelle de longue date en musique,

coréen connaît une vogue en Asie, de la

chant et danse. « Les B-boys coréens exécu-

musique dansée au cinéma, en passant par les

tent brillamment les figures les plus comple-

feuilletons télévisés. Étant donné la place

xes, qui exigent un sens inné du rythme et de la

importante qu 'occupe la danse dans la vie des

technique », explique Han Sang-min, le leader

adolescents, il se pourrait fort que des « brea-

du groupe Able, non sans ajouter : « Comme

kers » coréens parviennent au premier rang

l'a démontré par sa pugnacité, en 2002, le club

dans le monde » .

de supporteurs des Diables Rouges au cours de

Par leur haut niveau de qualité à l'échelon

la Coupe du monde de football, les Coréens

international, les services de l'internet à haut

n'abandonnent jamais et sont toujours résolus à

débit jouent également un rôle décisif, puisque

mener à bien ce qu'ils ont entrepris » . Quant à

tout un chacun peut aujourd'hui télécharger un

Song Seung-hwan , président adjoint de PMC

manuel de « break-dance » en vidéo afin de le

Production, il formule l'opinion suivante : « Les

lire et de s'entraîner sans l'aide d'un professeur.

Coréens anciens appréciaient les

Désormais, rien ne saurait plus arrêter les « B-

distractions, particulièrement

boys » dans leur course vers la

la musique et la danse . Depuis

consécration mondiale. t.t

86 Koreana I Hiver 2006

Les B-boys coréens exécutent souvent les figures les plus co mplexes avec un style et une aisa nce proprement déconcertants.



Cell e d'à côté

CRITIQUE

P

Un besoin éperdu de compréhension '

récipitée dès 1990 au cœur de la tourmente mondiale provoquée par l'effondrement du communisme face au capitalisme américain triomphant, la Corée se trouve ellemême en pleine mutation sous l'effet conjugué de l'instauration d'un gouvernement civil et de différentes évolutions culturelles, notamment en littérature. Dans ce dernier domaine,

,.

les bouleversements en cours suscitent des interrogations sur la raison d'être d'une « littérature nationale » de type

Jin Jeong-seok Critique littéraire

réaliste car les centres d'intérêt se sont désormais déplacés vers des thèmes tels que les dérives du militantisme dont l'endoctrinement étouffe l'expression des désirs humains. De plus, dans les dichotomies désir et idéologie, quotidien et histoire, rêve et réalité, ce sont toujours les premiers de ces attributs que l'homme défend le plus jalousement. À cet égard, les années quatre-vingt-dix se situent en rupture avec les grands courants littéraires de la décennie précédente, ce désaveu entraînant leur disparition au profit des nouveaux. Cinq ans plus tard, la littérature coréenne franchira une autre étape en s'avançant en terrain inconnu pour approfondir divers thèmes superposés à celui du conflit, traité quant à lui sans innovation, au sein d'un mouvement dont prennent notamment la tête Ha Seong-nan et Cho Gyeongran et que perpétueront plus tard des femmes écrivains telles que Cheon Woon-young, Yoon Sung-hee, Kang Young-sook et Pyeon Hye-yeong se signalant par un point de vue individualiste et une puissante écriture qui en font les piliers de la production littéraire en ce début de millénaire. Sans suivre de direction précise ni se constituer en nouvelle école, ces auteurs se démarquent résolument de leurs aînés par les particularités de leur style, mais aussi par des thématiques spécifiques, ainsi que par leur techniques ef conceptions littéraires. Cette nouvelle démarche n· est pas sans rappeler celle du roman introspectif apparu dix ans plus tôt, puisqu·elle privilégie les désirs intimes au détriment des aspirations du groupe social à la portée pourtant supérieure, mais tandis que le second mettait la sensibilité poétique au service du romantisme, pour en prendre vigoureusement la défense en mettant l'accent sur la vie intérieure, sous la plume d'auteurs tels que Shin Kyong-suk et Yoon Dae-nyeong, la première revendique un penchant naturaliste par ses minutieuses descriptions semblant émaner d'un observateur extérieur, car tenant du compte rendu détaillé. Tout comme le romantisme a cédé le pas au naturalisme dans la littérature occidentale moderne, les nouveaux écrivains coréens sont nés sur les ruines de l'idéalisme des années quatre-vingts et du 88 Koreana I Hiver 2006

2


Celle d'à cô té

d'énonciation du récit à la première personne par une protagoniste atteinte de troubles de la mémoire et dont le cours nécessairement perturbé de la pensée va à son tour semer la confusion dans l'esprit du lecteur. Si la narratrice dit vrai, c'est à tort qu·elle se voit qualifier de malade mentale et elle devient alors victime d'une machination tramée par son mari avec l'aide de « celle d'à côté » . À l'inverse, le récit peut se limiter à un froid compte rendu des déficiences d'une personne soupçonnant indument époux et voisine tous deux innocents. Voisine attentionnée ou dangereuse aventurière ? Perte de mémoire ordinaire ou névrose obsessionnelle ? Volonté éperdue d'être comprise ou simple accoutumance à d'interminables monologues? Tandis que le dénouement ne fournit aucune réponse, l'ambiguïté narrative participe de l'évocation de l'isolement du

désenchantement qu'allait connaître le monde dix ans plus tard, mais dans une autre perspective, leur œuvre s'avère aussi représenter une audacieuse forme d'expression et un important travail de recherche sur les techniques littéraires à l'heure où tout idéal semble voué à disparaître. De ces différents auteurs, Ha Seong-nan semble avoir pris toute la mesure des mutations en cours pour mieu x les faire siennes dès son premier recueil de nouvelles intitulé Rubineui Su/jan [Le verre de Rubinl. Par ses descriptions d'une sensibilité et d'une précision dignes d'éloges, cette œuvre s'inscrit en faux contre l'écriture conventionnelle où la minutie du détail est jugée superflue pour élever celle-ci au rang d'entité fictionnelle . Si l'exactitude du texte descriptif constitue avec la vraisemblance narrative les deux principaux éléments de l' œuvre de fiction , la première n· est le plus souvent pas considérée telle isolément, mais plutôt en tant qu'apport à la crédibilité d'ensemble. Ce postulat émane du

citadin et de la perte d'identité qui le guette sans cesse, ainsi que de la volonté d'être traité avec compréhension par autrui . Certes, les thèmes évoqués ne présentent en tant que tels aucune nouveauté, mais cette dernière qualité tenant davantage, en littérature, aux techniques narratives qu'au contenu du récit lui-même, nul doute que Celle d'à côté rejoindra les grandes œuvres littéraires coréennes qui ne se bornent pas à une scrupuleuse « description » des quêtes du citadin ordinaire d'aujourd'hui. t.t

réalisme littéraire coréen, lequel ne fait usage de descriptions que pour donner vie à un personnage ou une situation en leur déniant toute valeur esthétique intrinsèque, selon une hiérarchie fictionnelle profondément ancrée dans la tradition et que Ha Seong-nan remet en question par la multiplication de passages descriptifs indépendants du récit. Partant du principe énoncé par l'un de ses personnages, à savoir que : « Toute existence se manifeste par des phénomènes », elle dépeint objets et scènes quotidiens sous un angle original, semblant découvrir tantôt l'odeur nauséabonde d'un sac poubelle, tantôt l'impression d'ennui éprouvée à la vue d'un homme errant sur un terrain vague . Ces textes ne visent évidemment pas à fournir une reproduction parfaite de la réalité, objectif tout aussi inaccessible quïnadapté au travail sur le langage, mais procèdent, par leur obsessionnel souci du détail, d'une tentative de se déshabituer d'une écriture vouant l'insignifiant à l'oubli et par cette nouvelle hiérarchisation des éléments fictionnels, de modifier la perception de la réalité . Construite sur le thème de la vie d'une femme au foyer, la nouvelle Yeopjip Yeoja [ Celle d'à côté] élargit ses perspectives, à partir d'une observation minutieuse de la réalité, sur

Prix littéraires Née à Séoul en 1967, Ha Seo ng-nan fa it ses débuts littéraires en 1996 après des études à l'In stitut des Arts de Séo ul. Au cours des dix a nnées qui suivront, elle publiera q uarre recueils de nouvelles intitulés Le verre de Rubin, Celle d'à coti, La première femme à la barbe bleue er

l 'analyse de la vie quotidienne contemporaine en milieu urbain. L'auteur y exerce à merveille son art tout en finesse de rendre les perceptions visuelles par la description précise des objets et gestes de tous les jours formant une trame où viennent se superposer des éléments d'intrigue oscillant entre rêve et réalité. Son principal intérêt réside dans un original système

Gaufi-ettes, ainsi que trois roman s : La ioie de manger, L "Auherge de Sapporo er Le héros de mon film . Son œuvre à éré récompensée par plusieurs di srincrion s prestigieuses, donr les Pri x Dongin de lirrérarure, du « Hankook llbo » er Isu, qui lui ont respectivement été remis en 1999, 2000 et 2004.

3

Hiver 2006 1Korea na 89


Subventions accordées aux programmes d'études sur la Corée à l'étranger

The Korea Foundation Seocho P.O. Box 227 137-863 Séoul, République de Corée Tél : 82-2-3463-5684

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