Koreana Summer 2007 (French)

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Le<< mosi >>

étoffe de ramie

uand, au cœur de l'été, les femmes coréennes arborent

En raison de la complexité de sa fabrication exigeant dextérité

leurs tenues en toile de « mosi », la fibre de ramie, il s'en

autant que savoir-faire, le « mosi » est considéré com!:le un pro-

dégage une impression de grâce et d'élégance naturelle.

duit de luxe, notamment dans l'habillement. Si la Chine et le

D'une texture aérée procurant une sensation de fraîcheur au

Japon se consacrent également à une telle production, celle de

toucher, cette matière traditionnelle, également connue sous le

Corée se distingue par son exceptionnelle qualité, de l'avis même

nom de « jeomapo » ou « jeopo », fut longtemps très prisée à la

de ces pays voisins.

saison chaude. Elle s'obtient par tissage à la main de filaments

Selon les documents d'archives, c'est sous le royaume de Silla

extraits des fibres des tiges teillées de la ramie, une plante vivace

Unifié [668-935) que débuta une fabrication qui allait prendre son

de la famille des urticacées. Le textile ainsi obtenu a ceci de

essor pendant les dynasties de Goryeo [918-1392) et Joseon

remarquable que chaque lavage ne fait qu 'accroître une

[1392-191 O). au point que ce textile devint l'une des principales

blancheur et un éclat qui donnent aux articles vestimentaires leur

marchandises du commerce international.

aspect et leur contact frais.

Dans la province de Chungcheongnam-do , le village de

Tandis qu 'autrefois, cette étoffe servait principalement à la

Hansan constitue aujourd 'hui encore le centre de cette produc-

confection de la « chima » [robe) et du « jeogori » [veste) com-

tion, dont fait notamment la renommée le « semosi » , un tissu à la

posant le costume traditionnel dit « hanbok » , mais aussi d'un

légèreté aérienne, car réalisé à l'aide de très fines tiges, l'appella-

pardessus appelé « durumagi » , s'y ajoute aujourd'hui celle du

tion « Hansan mosi » consacrant en outre la qualité sans pareille

linge de maison, de la literie ou des rideau x, ainsi que de différents

des articles provenant de cette localité. t..t

tissus d'ameublement.


Koreana Arts et Culture de Corée

Vol.

a.

N ' 2 Été 2001

Pub licat ion trimestrielle de la

Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong , Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud www .kf .or.kr

ÉDITEUR Yim Sung-joon DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Park Joon K. REDACTRICE EN CHEF Choi Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Kim ln-sook DESIGNER So ng Hye-ra n RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Park Ok-soon, Yi Jun-sung COMITÉ DE RÉDACTION Choi Joon-s ik Han Kyung-koo , Han Myung-hee , Kim Hwa-young , Kim Moon - hwan ,

Kim Young-na . Rhee Jin-bae

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Corée 4 500 wons Abonnement et correspondance : Fondation de Corée 1376-1 Seocho 2-dong, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Su d Tél, 82-2-3463-5684 Fax, 82-2-3463-6086

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Marais côtiers coréens 8

IMPRIMÉ AU ÉTÉ 2007 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34. Seongsu-dong 2-ga , Seongdong-gu , Séou l, Corée du Sud Tél, 82-2-468- 0361/5 Fax, 82 -2-461 - 6798

Le marais, ventre nourricier du littoral Lee Ha-suk

Koreana sur Internet

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14 Spécificité et biodiversité des marais côtiers coréens Koh Chul-hwan

20

Des ressources naturelles

à profusion

Baik Yong-hae

26

Protection et aménagement des marais côtiers coréens Kim Kyung-won

© Fondation de Corée 2007 Tous droits réservés. Tou te reproduct ion intégra le , ou part ie lle , faite par quelque procé dé que ce soit sans le consentement de la Fonda tion de Corée, est illicite. Les opinions exp rimées so nt celles des auteurs et ne reflètent pas nécessai rement celles des édite urs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enreg is trée aup rès du Ministère de la Cu lture et du Tourisme (Autorisation n° Ba - 1033 du 8 août 19871. est aussi publiée en chi nois , anglais , espagnol, arabe, russe , japonais et a llemand.


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DOSSIER

Essor des centres culturels régionaux

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ENTRETIEN LEE HYUNG-KOO

Un Docteur Jekyll « posthumain »

Sur les façades occidentale et méridionale de la Corée. s 'étendent de vastes mara is côtiers abritant de précieuses ressources naturelles et des écosystèmes vitaux constitut ifs d'un riche milieu aquatique. tel celui de la baie de Suncheonman. premier répertorié par la convention internationale de Ramsar sur les zones humides. Photographie: Seo Heun -kang

42

I Lee oong-yeun

à Venise

I LimGeun-jun(akaMikka_L)

ARTISAN CHO DAE-YONG

Maître artisan du store traditionnel de bambou

48

I Lee Min-young

CHEFS-D'ŒUVRE

Sculptures bouddhistes du Temple de Gamsansa

52

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Des artistes coréens en vedette

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à l'ARCO 2007

1

Sung Ha-young

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE PHILIPPE Tl RAUL T

Grand admirateur de l'habitat traditionnel coréen

62

I KangWoo-bang

I LeesooJin

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Paik Kun-woo apporte un nouveau souffle au répertoire classique Jake T. Ryu

66

ESCAPADE

Changnyeong, région ancienne aux espoirs d'avenir

74

CUISINE

Des entremets frais de saison I

78

Chun Hui-jung

REGARD EXTÉRIEUR

La magie de la musique

80

I Bae Han-Bang

I FrédericdeRougement

VIE QUOTIDIENNE

Vacances coréennes, gage d'enrichissantes découvertes

83

I Ryu Min

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

LIM CHUL-WOO La violence idéologique sous la plume del' écrivain Au pays de mon père

I Kim Hyoung-joong

I Traduction: Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas




8 Koreana I Été 2007


Été 2007

J

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10 Koreana I Été 2007


Été 2007 1 Koreana

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12 Koreana I Été 2007


~

Il s'agit d'une grande étendue de terrain sablonneux r,, et sédimentaire situé en bordure de mer, de sorte ~ qu'elle est alternativement couverte et découverte ; en fonction de la marée. Au vocable coréen « gaetbeol », composé des mots « gaet » et« beol », qui signifient respectivement sédiments estuariens et vaste plaine, correspond le terme anglais , tidal fiat , se référant à de basses terres qu'enva hit ou dénude la marée. Renommées pour leur vaste superficie, celles qui bordent la Mer du Nord portent l'appellation de Mer des Wadden, c'est-à-dire« Wattenmeer » en allemand.

5.'

Immensité du marais côtier coréen Énorme sur le littoral occidental, la superficie des marais côtiers atteint 2 500 km' sur l'ensemble du territoire et près de 3 000 km/ en Corée du Nord, totalisant ainsi quelque 5 500 km' à l'éc~elle de la péninsule. À titre de comparaison, les surfaces respectives de ces terrains atteignent approximativement 6 000 et 3 000 km' en Allemagne et aux Pays-Bas. Premier marais côtier mondial par ses di- , mensions, la Mer des Wadden regroupe ceux du Danemark et de l'Allemagne, cette dernière se rapprochant plutôt de la Corée par la superficie et les , caractéristiques écologiques de ces zones.

Histoire des marais côtiers coréens En Corée, l'origine de tels terrains remonterait à huit millénaires et si elle paraît donc ancienne, il n'en est rien à l'échelle de l'histoire de la Terre, dont l'apparition daterait d'environ 4,5 milliards d'années et, si l'on considère cette durée comme un jour, alors celle de huit mille ans représente moins d'une seconde. Sachant qu'une quantité considérable de séd iments s'est déposée en bordure de vastes éte ndues marécageuses en un temps relativement court, on a peine à imaginer l'ampleur de l'érosion qu'a entraînée ce processus.

Été 2007 1 Koreana 13


14 Koreana I Été 2007


C

'est sur les bordures côtières que naissent les marais, dans les eaux peu profondes où se déposent les alluvions charriées par les cours d'eau, en raison d'une importante différence de hauteur entre les basse et pleine mers. Alors que le niveau moyen de la Mer Jaune atteint environ quarante-cinq mètres à l'ouest de la péninsule, la faible déclivité du plateau continental aux abords des côtes crée en effet des conditions adaptées à l'apparition de sols marécageux . La pente du terrain sous-marin varie ainsi de 1/550 à 1/1 000 dans les zones situées en haute mer telles que l'île de Ganghwado, au large d'Incheon, de 1/1 500 à 1/2 500 dans les baies presque fermées, à Garorimman, par exemple, dans la province de Chungcheongnam-do, voire plus dans celles qui le sont entièrement, comme à Hampyeong, dans la province de Jeollanam-do. Formation du marais côtier Sur le littoral des deux provinces occidentales de Jeolla, l'amplitude moyenne des marées s'accroît régulièrement au nord, atteignant respectivement 3,1, 5,3 et 7,3 mètres à Mokpo, Gunsan et Incheon. Au-delà, la hauteur de la pleine mer décline à l'approche de la Corée du Nord pour tomber à environ cinq mètres en aval de l'Amnokgang ou Yalu. Les marais côtiers de la planète se répartissent selon trois catégories en fonction de ce niveau moyen, qui peut être supérieur à quatre mètres, compris entre deux et quatre mètres ou inférieur à deux mètres, ceux de Corée appartenant à la première d'entre elles. Les dépôts sédimentaires résultant de l'apport annuel des cours d'eau s'élèvent respectivement à dix, six et cinq millions de tonnes pour le Hangang, le Geumgang et l'Amnokgang, leur volume cumulatif ne représentant que deux pour cent de ceux de l'immense Fleuve Jaune chinois. Il n'en demeure pas moins que les couches alluvionnaires de trois à cinq millimètres d'épaisseur qui s'accumuÉté 2007 1 Koreana

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lent chaque année au bord de la Mer de l'Ouest forment un substrat propice à la formation de marais côtiers. En Chine, les sédiments transportés par la Mer Jaune produisent annuellement un milliard de tonnes d'alluvions au delta du Fleuve Jaune et cinq cents millions à celui du Yangtze, la Mer de Bohai drainant toutefois la plupart de l'apport de ce premier fleuve, dont seulement dix pour cent parvient à son estuaire. Brassés par la dérive maritime, les sédiments littoraux sont disséminés sur les fonds marins, puis entraînés en pleine mer où se produit une nouvelle sédimentation variant par son volume, selon la topographie, ainsi que par la composition de son mélange, alliant des sables assez denses à des particules sédimentaires boueuses souvent plus légères. En conséquence, aux côtes exposées à l'action de la mer, parfois par le biais d'un chenal, et parcourues de courants plus forts, correspondent des sols sableux, tandis qu'elles s'accroissent de dépôts boueux lorsqu'elles sont moins 16 Koreana I Été 2007

battues par les vagues. Il en résulte différentes compositions alluvionnaires du lit des marais côtiers, la boue littorale se mêlant à du sable, lorsque les eaux du large sont peu profondes, et le sable prédominant dans les zones situées en haute mer. Des sols sableux caractérisent ainsi les côtes peu abritées des courants océaniques, les boues se déposant au contraire dans celles qui échappent à l'action continue des vagues. Particularités régionales C'est dans la province de Gyeonggi-do que s'étend la partie la plus septentrionale des immenses marais côtiers de la Mer de l'Ouest, sur près de huit cent quarante kilomètres carrés, soit environ trente-cinq pour cent de la superficie totale de ceux que compte le territoire sud-coréen, les plus intéressants d'entre eux bordant les îles de Ganghwado, au sud, et de Yeongjongdo, au nord. Exposées à la haute mer, ces côtes se caractérisent par des sols sableux-boueux où prolifèrent quelque quatre-vingts espèces différentes d' une faune ben-

thique que dominent des annélides tels que les arénicoles. Quant à la province de Chungcheongnam-do, elle possède quelque trois cent quarante kilomètres carrés de marais côtiers, dont le plus remarquable se situe en Baie de Garorim et en comporte cent. Celle-ci se resserrant à son entrée sur une largeur d'à peine deux kilomètres, il en résulte une enclave partielle adaptée à la formati_on de fonds boueux accueillant près de soixante-dix espèces des grandes profondeurs, notamment des vers et escargots de mer présents en grand nombre, plus exactement à raison de cinquante spécimens au mètre carré. Sur une superficie d'environ quatre cents kilomètres carrés, qui constitue la plus importante du genre en Corée du Sud, la province de Jeollabuk-do est baignée par le célèbre marais côtier de Saemangeum, dont les sols alluvionnaires s'étendent à l'estuai re du Mangyeonggang et du Dongjingang. Leur encerclement par une immense digue de trente-trois kilomètres de long,


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au terme d'un chantier entrepris en 1992 et achevé en 2006, a pour objectif la mise en culture des terres ainsi gagnées sur l'eau. Sa faune benthique riche d'environ deux cent cinquante espèces, dont soixante-dix d'annélides, contribue en outre à la biomasse régionale par ses coquillages, à hauteur de quatre-vingt-dix pour cent. Les organismes vivants de ce biotope, dont la masse totale est estimée à cent grammes par mètre carré, comportent aussi une importante population de mactra veneriformis et mactra chinensis, dont la densité s'élève à cent par mètre carré. De nature sabloboueuse en raison de la configuration du littoral, ces sols côtiers fournissent un habitat favorab le à différentes espèces de mollusques, dont certaines myes. Enfin, la province de Jeollanam-do compte mille kilomètres carrés de marais côtiers, c'est-à-dire l'étentue la plus importante de toute la péninsule, tout au long d'un pittoresque littoral accidenté et bordé d'une myriade d'îles,

Espèc e prése nte dans presqu e tou s les marais côtiers co rée ns, la pa lourde de Mani lle se réco lt e en quanti tés touj ours plus faibles depuis les gigantesqu es travau x d'assèchem ent entrepri s dan s les ann ées quatre-vingt-di x. Recouvran t sur un milli er de kilomètres ca rrés les so ls côt iers de la province de Jeollanam-d o, les marai s renferme nt qu elqu e ce nt cin quante espèces benthiqu es di ffére ntes. notamm ent une cinquantaine de va rié tés de mollusq ues.

mais c'est au voisinage de l'île d'Imjado et de la Baie de Hampyeongman, que prédomine ce milieu en raison des .caractéristiques géographiques du littoral. On y a répertorié près de cent cinquante espèces benthiques différentes, dont une cinquantaine de mollusques parmi lesquels figurent en premier lieu la palourde de Manille ( ruditapes philippinarum) et la moule dite musculista senhausia. Trésors de l'océan Indispensable composante de l'alimentation benthique en environnement marécageux, la microalgue s'accommode de tout type de sol côtier, mais prospère plus particulièrement sur les fins sédiments boueux de la haute mer. Il s'agit pour la plupart de diatomées longues de dix à cent micromètres et tout au plus larges de dix à vingt micromètres. Principalement composée de silice transparente, la membrane cellulaire en favorise la photosynthèse et par sa porosité, permet une meilleure absorption de l'eau et des éléments nutritifs. L'implantation de cette plante aquatique dans le marais côtier coréen s'apparente à celle qui caractérise les sols marécageux de la Mer des Wadden. Les marais côtiers constituent un réservoir illimité d'espèces marines, notamment quantité de mollusques bivalves ou lamellibranches dont la population riveraine tire des ressources non négligeables et qu'elle extrait de la boue

à fleur d'eau au moyen d'une simple truelle lors d'une pêche dite pour cette raison « à main nue ». Les lamellibranches récoltés dans le marais côtier coréen se composent pour la plupart de palourdes de Manille, mactra veneriformis et couteaux à base desquels se prépare une délicieuse et désaltérante soupe servie avec des nouilles. Chez ces espèces, la ponte se déroule en général tout au long de l'été, les larves parviennent à l'âge adulte à l'automne et l'espérance de vie varie de quatre à cinq ans. Atteignant à peu près dix centimètres de longueur au terme de cette durée moyenne, les couteaux ont pour habitat de prédilection les épais sédiments boueux tapissant le fond des marais côtiers qui bordent les terres situées en haute mer, mais surtout les pentes basses des chenaux en V. Dans la province de Gyeonggi-do, des études ont montré que ceux du marais côtier de Hwaseong étaient présents à raison de cent à cent cinquante individus par mètre carré, cette densité conduisant à une production annuelle de 2,7 à 3,0 kilogrammes par mètre carré. Pareille abondance, conjuguée à des méthodes de ramassage assez simples, expliquent l'importance économique de ces espèces pour la région. La palourde de Manille est quant à elle caractéristique des marais côtiers à sols sableux ou sablo-boueux où elles s'implantent à l'âge adulte après être demeurées, à l'état larvaire, sur les fonds océaniques sab leux ou au bas des chenaux en pente, dont elle est parfois déplacée vers des terrains boueux pour accélérer sa croissance, un procédé qui pourrait relever de la conchyliculture s'il s'accompagnait d'une alimentation par l'homme. La densité de population de ce coquillage peut s'élever à trois cents individus par mètre carré et sa récolte annuelle, à 1,2 kilogramme par mètre carré. Espèce proche de la palourde de Manille, le mactra veneriformis prolifère sur le fond sableux ou sablo-boueux des Été 2007

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Korea na 17


Les marais côtiers tiennent leur inestimable valeur d'un paysage à la fois vaste et spécifique, mais aussi d'un écosystème naturel aux innombrables formes de vie. 2-5 Le marais côtier offre aux populations riveraines une manne de ressources naturelles qui leur apportent complément de revenus ou moyens de subsistance, tels les coquillages, dont les espèces les plus répandues sont la palourde de Manille, le mactra veneriformis et le couteau. 6 Sur les longs trajets migratoires, le marais côtier fournit l'abondance alimentaire et la sécurité qui en font une halte bienfaisante.

marais côtiers et sa population peut atteindre une densité d'environ deux cents individus par mètre carré, soit l'équivalent d'environ 0,6 kilogramme. Malgré cette présence moins nombreuse que celle du précédent mollusque, sa croissance plus rapide autorise un poids récolté d'approximativement 1,4 kilogramme par mètre carré. Les cours du couteau, de la palourde de Manille et du mactra veneriformis se classent par ordre de valeur décroissante selon leur rythme de reproduction, qui est le plus rapide chez ces derniers, et dans les années quatre-vingts, leur récolte annuelle allait respectivement atteindre ses niveaux maximaux de dix mille, vingt mille et mille tonnes pour la troisième, la deuxième et la P.remière de ces espèces. Pendant la seconde moitié de la décennie suivante et ultérieurement, la disparition catastrophique de marais côtiers asséchés dans le cadre de projets de grande envergure allait entraîner l'effondrement de la production.

Des stratégies de défense Les projets de drainage entrepris au tournant du siècle se différencient des précédents par une démarche accordant une plus large part à la protection de l'environnement. Tandis que les marais côtiers passaient autrefois pour des zones ingrates et stériles, opinion très répandue qui cautionnait ainsi leur 18 Koreana I Été 2007


assèchement pour libérer des terres arables, toute une série d'articles scientifiques publiés à partir de la seconde moitié des années quatre-vingts allait mettre en lumière l'importance de ce milieu naturel. Suite au désastre écologique d'opérations d'assèchement réalisées à grande échelle, notamment aux lacs de Sihwa et au marais de Saemangeum, allaient se succéder des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique à l'impératif de défense de la nature, la stratégie adoptée à cet effet sur le littoral de la Mer des Wadden tenant lieu d'exemple pour favoriser cette prise de conscience. Depuis près de dix ans, spécialistes de l'environnement, associations de riverains et organes de presse poursuivent auprès de la population cette action de promotion des marais côtiers que les pouvoirs publics ont fini par classer en zones protégées dans le cadre de l'aménagement du territoire. Tel est le cas du N akdonggang et du Hangang, dont les estuaires bénéficient respectivement de ce statut depuis 1999 et 2006 sur décision du ministère de l'Environnement, à l'instar des mesures adoptées par le Ministère des Affaires maritimes et de la Pêche en faveur de Muan (province de Jeollanam-do, 2001), Jindo (province de Jeollanam-do, 2002), Suncheonman et Boseong-Beolgyo (province de Jeollanam-do, 2003), Ongjin-J angbongdo (province de Gyeonggi-do, 2003) et Gomso (province de Jeollabuk-do, 2007). Au mois d'octobre 2006, ce même Ministère des Affaires maritimes et de la Pêche a élaboré un projet de loi portant diverses dispositions en vue de la protection et de la gestion des écosystèmes marins, de la préservation des espèces aquatiques et de la biodiversité, ainsi que de la régulation des ressources marines, autant de mesures qui devraient aboutir à un usage plus circonspect des marais côtiers coréens. L'efficacité d'une telle défense reste néanmoins subordonnée à une conscience accrue de l'exceptionnelle valeur

de ces écosystèmes uniques en leur genre, car leur classement en zones protégées a suscité bien des fois le mécontement des populations concernées. Ces mesures portent en réalité sur des étendues adjacentes d'assez faible superficie, alors qu'une véritable protection des écosystèmes marécageux voudrait que soient délimitées des sortes de ceintures, tandis que les zones plus vastes comporteraient des noyaux de protection renforcée. À cette fin, l'État pourrait tirer les enseignements qui s'imposent des zones de protection définies en matière d'espaces verts. Une défense systématique du marais côtier coréen exige d'en faire saisir toute l'importance et les différents avantages aux collectivités locales et riverains au moyen d'une formation adaptée. À cet égard, il serait souhaitable de multiplier les opérations menées sous forme de centres d'information et de divers aménagements en Baie de Suncheon et près des marais de Muan. Il convient aussi de proposer des cursus d'enseignement destinés aux jeunes et une documentation à l'intention du grand public afin de mieux faire connaître les marais côtiers, mais aussi des actions associant populations riveraines, organisations non gouvernementales et spécialistes de l'environnement aux décisions de politique relatives à ces précieuses zones, ainsi qu'à leur gestion. L;t

La Corée accueille la dixième session de la Conférence des parties contractantes de Ramsar C'est en Corée que se déroulera, l'année prochaine, la dixième session de la Conférence des parties contractantes de Ramsar ICOP81. Qualifiée d' « Olympiades de l'environnement », cette assemblée se tiendra du 28 octobre au 4 novembre 2008 dans la ville de Changnyeong, où se trouve l'une des zones humides d'importance internationale inscrites sur la Liste de Ramsar, le marais d'Upo. Près de deux mille participants y représenteront cent quarante-quatre nations, associations écologistes et organisations non gouvernementales. Adopté e en 1971 dans la ville iranienne de Ramsar, la Convention relative aux zones humides d'importance internationale a pour objectif de prévenir les empiètements sur les marais d'importance internationale, voire leur disparition, et de les sauvegarder en tant qu'habitais d'une faune caractéristique, notamment les oiseau x d'eau. Tout pays signataire de la Convention de Ramsar est engagé

à désigner au minimum une zone humide en vue de son inscription sur la liste de Ramsar, comme cela a été le cas successivement des marais côtiers coréens de Daeamsanyong, près d'lnje, et d'Upo. Lors de la COP8, la province de Gyeongsangnam-do proposera des circuits de visit'e qui permettront de découvrir les fonctions fondamentales de ces deux dernières étendues, ainsi que de celle qui se situe dans la zone démilitarisée IDMZ). tant du point de vue de leurs écosystèmes naturels que de leur interdépendance avec la vie régionale.

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léments clefs de l'équilibre des écosystèmes naturels, les marais assurent notamment la décomposition et l'épuration des déchets organiques d ' origine humaine par l'action des différents microorganismes qui y prolifèrent, mais renferment également d'inépuisables réserves alimentaires très prisées des Coréens. Rares sont les pays dont la gastronomie se distingue à un tel degré par des saveurs à dominante marine du fait d'un large usage d'espèces telles que la pieuvre, les coquillages divers, l'holothurie, ainsi que l'urechis unicinctus, sorte de gros ver de couleur rougeâtre long d'une dizaine de centimètres pour un diamètre en mesurant deux à quatre. Ce garde-manger qu'est le marais pourvoit ainsi à la subsistance des populations côtières tout en fournissant à celles de l'intérieur, notamment des villes, une alimentation aussi délicieuse et nutritive que peu onéreuse. Une vie au rythme des marées Pour les habitants du littoral, la connaissance des marées s'avère impérative puisque les vastes bassins marécageux qui le bordent ne se trouvent à découvert qu 'au jusant. Pareil à une horloge qui obéirait en outre à un cycle mensuel, ce phénomène périodique de flux et reflux parcourt l'océan deux fois par jour, avec un décalage d'environ une heure entre deux journées consécutives sous l'action gravitationnelle de la Lune, de sorte qu'à intervalle de quinze jours, la marée qui était basse le soir le sera tôt dans la matinée. En se conformant à ce mécanisme, la population côtière sait tirer parti des zones marécageuses dont elle recueille les trésors aux fins de l'économie familiale, de l'éducation, du mariage, voire de l'accession à la propriété. À chaque région, correspondent des espèces marines différentes dont la pêche constitue une activité saisonnière liées aux variations de l'offre et de la demande, lesquelles influent à leur tour sur le cours des produits, par opposition à un prélèvement constant susceptible d'incidences sur les réserves disponibles 22 Korea na I Été 2007

et l'économie locale. Quand souffle le vent du nord et tombe la neige à la saison froide, provoquant l'hibernation de nombre d'espèces terrestres, une créature surgie des fonds marins vient peupler les eaux superficielles des marais. Hautement appréciée pour ses qualités nutritionnelles, ce mollusque aujourd'hui hors de prix possède un aspect tout aussi insolite que son appellation commune de « gaebul » ( urechis unicinctu), par analogie avec l'appareil génital d ' un chien. Présentant la particularité d'une reproduction hivernale, cet animal pareil à un gros ver rouge appartient à la famille des phylum echiura et a pour nom « spoon worm » en langue anglaise. Séjournant tout l'été dans les zones océaniques de faible profondeur que jouxtent des terrains marécageux et atteignant l'âge adulte en hiver, il fréquente par la suite les eaux côtières peu profondes dont il creuse le lit sablonneux de cavités en forme de « U » qui abritent souvent des individus mâle et femelle, car principalement destinés à l'accouplement, et sont aisément reconnaissables aux monticules de sable qui en dissimulent l' entrée. Exclusivement pratiquée à la saison hivernale, la pêche du « gaebul » récompense largement les efforts qui lui sont consacrés par le prix onéreux auquel se vendent ses produits. De précieuses réserves alimentaires Aux côtés de l' urechis unicinctus, les coquillages procurent des revenus réguliers aux habitants de la bordure littorale. La plupart d'entre eux se consomment cuits, à quelques rares exceptions près, dont la praire (meretri.x lusoria) qui surpasse en outre tous ses congénères par une saveur et une odeur particulièrement agréables. C'est surtout en hiver qu'en sont appréciés au mieux la fermeté, l'arôme et le goût légèrement sucré, car leur exceptionnelle fraîcheur résultant des basses températures favorise alors leur dégustation à l'état cru, ce qui lui vaut d'être qualifiée de

2

Au prin temps , les marais côtiers se peuplent de nombreux mollusqu es arrivés à l'âge adu lte. Co nçus pour si llonner les étendues boueuses, les« batea ux des marais» transporten t leur cargai son de coqu illages.


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24 Koreana I Été 2007


1-2 Pour la population des environs, le marais côtier représente une importante source d'aliments nourrissants et de revenus, notamment sous forme de coquillages et autres fruits de me r tels que l' urechis unicinctus, dont la proli fé ration assure des gains réguliers aux pêche urs.

« palourde vivante » dans les provinces

de Jeolla où elle est fréquente. D'aucuns voient dans les coquillages le symbole des joies et peines éprouvées par le petit peuple. Dans la société à dominante agraire de jadis, l'arrivée du printemps intervenait dans un contexte de pénurie alimentaire générale en raison de l'épuisement des réserves céréalières engrangées pour l'hiver et, dans l'intérieur du pays, les familles en détresse en étaient souvent réduites à prélever pour leur consommation une partie de la précieuse semence destinée aux récoltes suivantes. Rien de tel ne se produisait dans les zones côtières dont les marais offraient, à la saison nouvelle, leur moisson de coquillages arrivés à maturité aux habitants munis d'un simple panier et échappant ainsi aux disettes printanières qui frappaient la plupart des autres contrées, d'où le dicton affirmant : « Point de mendiant sur la côte ». Des différents animaux aquatiques, c'est la mactre qui permit à cette population d'assouvir sa faim et que désigne parfois l'expression « coquillage du salut » en référence aux vies qu'elles a ainsi sauvées. Généreuse Mère Nature Les marais côtiers coréens recèlent également la précieuse holothurie, désignée d'un vocable qui signifie « ginseng de mer » en raison de ses effets bénéfiques contre différentes affections dans la médecine ancienne, au même

titre que la racine du même nom. Prospérant au creux de lointaines vallées et tout aussi estimé pour ses vertus médicinales, le ginseng sauvage renfermerait une énergie à« réveiller un mort». Cette panacée des montagnes se devait en toute logique d'avoir son pendant en milieu marin, ce qui fut chose faite grâce à l'holothurie, comme en atteste cet autre adage : « Ginseng sauvage en montagne, holothurie en mer ». Vivant sur le lit de sédiments qui tapisse le fond des marais, cette dernière constitue tout à la fois un aliment sain et un complément curatif. De toutes les espèces marines qui peuplent les marais coréens, la plus appréciée est sans conteste la pieuvre ordinaire (octopus variabilis), qui peut s'accommoder cuite à l'étouffée, frite, sautée ou étuvée et entre ainsi dans la composition de nombreux plats, mais c'est crue, accompagnée d'une sauce, qu'elle est de loin la plus prisée. Tandis que l'on répugne à en consommer dans nombre de pays, sa présence dans les marais en fait une partie intégrante de l'alimentation, mais aussi de la vie quotidienne, à l'instar du milieu naturel où elle évolue. Sachant que les marais coréens ont longtemps fourni une généreuse manne naturelle à leurs riverains pour suppléer aux denrées de première nécessité qui venaient à manquer à la saison critique du printemps, il apparaît d'autant plus naturel que la valeur inestimable en soit pleinement reconnue. i..t

Fête de la boue de Boryeong

Quand

vient

la

saison

chaude

et

qu·accouren.t les estivants dans les stations balnéaires, la provinc;e de Chungcheongnam-do accueille en sa ville de Boryeong, plus précisément sur la plage de Daecheon, une originale manifestation intitulée Fête de la boue. Sur cent trente-six kilomètres, cette partie du littoral est ourlée de marais à la surface boueuse dont il faut noter que l'analyse a révélé qu'elle était fortement émettrice dans l'infrarouge lointain et présentait une teneur élevée en minéraux naturels tels que le germanium et la bentonite, qui possèdent des vertus dermatologiques. Tirant parti de la qualité de ce matériau régional, des entreprises locales proposent toute une gamme de produits de beauté qui en sont constitués, la ville organisant en outre chaque année un ense·mble de festivités axées sur ce thème afin d'attirer les touristes et de promouvoir ce produit sans égal. Ces manifestations comportent un ensemble d'activités de détente telles que bains en piscine de grande taille, concours de modelage, massages faciaux ou corporels, parcours d'obstacles et glissades, les participants réfractaires étant mis en « prison ». Une formation militaire de base, un marathon parmi les marais côtiers et des courses sur boue figurent également au programme de ces quatre journées de fête qui, à la mi-juillet, séduisent toujours plus d'étrangers depuis leur édition inaugurale de 1998.

Été 2007 1 Ko reana

25


26 Ko reana I Été 2007


C

es dernières années ont vu se produire une importante évolution dans la perception du rôle des marais côtiers par l'opinion publique et dans l'action entreprise pour en freiner l'exploitation commerciale. Le tollé général soulevé par différents projets d'assainissement s'est amplifié suite aux graves problèmes de pollution qui se posent, dans la province de Gyeonggido, au lac artificiel de Sihwa adjacent aux villes satellites de Séoul que sont Ansan, Siheung et Hwaseong. La colère allait encore gronder à l'annonce par les pouvoirs publics de la mise en œuvre du projet de poldérisation dit de Saemangeum, une vaste entreprise d'aménagement de la zone du Delta du Mangyeong et du Dongjin qui allait s'avérer sujette à controverse. Les dossiers du Saemangeum et du Lac de Sihwa apportent un nouvel éclairage sur l'origine du conflit opposant milieux écologistes et adeptes de l'urbanisme quant à l'avenir des marais côtiers coréens, ainsi que sur le consensus social qui s'est instauré selon ce clivage au cours des dix dernières années, comme vient encore de le prouver la polémique que provoque aujourd'hui un projet d'assèchement des sols marécageux de Janghang. Une politique forcenée Zone de transition entre les écosystèmes marin et terrestre, les marais côtiers , par leurs fonctions écologiques comme par leur formation, jouent un rôle capital dans le maintien de l'équilibre mutuel de ces deux milieux. Véritable trésor de l'écosystème naturel, ils renferment des ressources tout aussi précieuses pour l'homme que respectueuses de l'environnement. Outre qu'elles offrent une halte réparatrice aux oiseaux migrant entre Asie de l'Est et Océanie, ces étendues constituent la zone de reproduction de différentes espèces marines locales, ainsi qu'un milieu favorisant la riche biodiversité des côtes. Comptant par son Été 2007 1 Koreana 27


2

Par les importantes dégradati ons qu'ils on t occasionnées au milieu natu rel, des projets d'assècheme nt à grande échelle susc itent dans l' opi nion publique un intérêt croissa nt et un large co nsensu s quant à la protectio n des ma rai s côt iers. Aujourd' hui encore, la polémique fai t rage en tre pa rti sans de l' aménage ment du territoire et défe nseu rs de zon es hu mide s telles que les marais côti ers. Riverai ns rapportant le produ it de la réco lte , de retour du marais.

étendue parmi les cinq premières du monde, la bordure marécageuse présente sur le pourtour de la Mer Jaune, jusqu'au littoral oriental chinois et à la baie de Bohai, fait l'objet d'une protection et d'une gestion rigoureuses dans l'intérêt de l'humanité tout entière. Malheureusement, ce n'est qu'après son aménagement que ce site a été apprécié à sa juste valeur, lorsque les opérations de drainage en avaient asséché et épuisé les sols. À l'heure actuelle, le dilemme environnemental se pose à nouveau au sujet du Lac de Sihwa et de l'assainissement des sols environnants suite à la détection, voilà déjà dix ans de cela, d'un fort taux de pollution aquatique. Comme il s'avérait impossible de relever la qualité des eaux lacustres, l'État n'a eu d'autre recours que de faire procéder à l'ouverture des vannes pour provoquer un afflux d'eau de mer, s'avouant en quelque sorte incapable d'apporter une solution constructive à ce problème de pollution et renonçant de ce fait à son objectif premier de créer un réservoir d'eau douce à l'intention de l'agriculture et de l'industrie. Sur les rives drainées du lac, les opérations d'aménagement n'ont pas cessé pour autant, les pouvoirs publics entendant désormais permettre l'exploitation des sols ainsi asséchés à des fins agricoles, urbanistiques ou commerciales, notamment par la construction d'installations de recherche ultramodernes. Les entrées d'eau de mer 28 Korea na I Été 2007

s'avérant aléatoires en dépit de la mesure évoquée plus haut, une centrale marémotrice en cours de construction devrait permettre de réguler ces flux océaniques tout en fournissant la plus forte puissance électrique au monde par ce procédé. Par ses incidences catastrophiques sur l'environnement, cette poldérisation géante divise l'opinion d'une région qui continue de pâtir de l'incurie des planificateurs et engloutit aujourd'hui encore un énorme montant d'investissements publics. Quant au Lac de Hwaseong auenant à celui de Sihwa, il allait à son tour subir des opérations d'assèchement en mars 2002, en dépit des difficultés rencontrées sur ce dernier site et, alors que cinq années se sont écoulées après la réitération de l'échec total par lequel s'est soldée cette autre tentative d'irriguer les cultures avoisinantes, les travaux d'aménagement se poursuivent au prétexte de consolider les digues et d'exploiter les terres asséchées. Un précieux milieu naturel Alors qu'elle se poursuivait depuis fort longtemps, la polémique soulevée par le Projet de poldérisation du Saemangeum a pris fin avec une aberrante soudaineté . Par ses aspects tant économiques qu'écologiques, qui ont mobilisé militants et dirigeants religieux lors des célèbres longues marches dites des « trois pas en avant et une prosternation » deux mois durant, ainsi qu'une interminable procédure judiciaire ren-

voyée devant la Cour Suprême, ce dossier a mis en évidence l'existence d'un véritable clivage entre partisans de l'aménagement et de la protection de l'environnement. Toutefois, il a également abouti à l'instauration d' un consensus social tacite sur l'importance écologique des marais et leur nécessaire conservation, les Coréens ayant désormais la conviction que de tels aménagements ne doivent être entrepris qu'en toute connaissance de leurs répercussions sur le milieu naturel, ce qui n'allait nullement dissuader l'État, en avril 2006, d'annoncer sa volonté de mener à leur terme les travaux d 'assèchement du Saemangeum. À la question de savoir pourquoi les pouvoirs publics s'entêtent de la sorte à poursùivre un tel projet jusqu'au bout, au mépris des inquiétudes _que celui-ci éveille dans le public quant à la sauvegarde des écosystèmes marécageux, la seule réponse possible est que la politique de l'État coréen continue d'obéir aux impératifs de développement hérités des années soixante et soixante-dix et qui se justifiaient alors pour stimuler la croissance économique. Les facteurs sous-jacents au projet du Saemangeum procèdent ainsi de ceux qui favorisèrent la croissance et la modernisation de la Corée en quelques décennies, par une politique de grands travaux et d'essor du secteur du bâtiment. C'est à cette même époque, où développement et progrès économiques


paraissaient indissociables, que des projets analogues furent élaborés et mis en œuvre pour la première fois en vue d'assécher des marais situés sur les domaines de l'État, la réalisation de leur phase finale par des entrepreneurs privés déclenchant une importante spéculation immobilière à leur voisinage et sacrifiant ainsi de précieux écosystèmes naturels sur l'autel de la promotion immobilière et de la rentabilité économique. En ce qui concerne la pollution environnementale, notamment aquatique, le drainage des eaux lacustres de Sihwa et Hwaseong, puis marines, du Saemangeum, a provoqué entre les promoteurs et associations écologistes un farouche conflit qui devait avoir pour résultat positif de sensibiliser davantage l'opinion publique à la valeur écologique des marais, ce souci de défense environnementale demeurant secondaire, dans tout projet, au regard des impératifs économiques prioritaires d'une politique axée sur le développement. Suite à l'opposition qu'a suscitée leur plan d'assèchement des marais de Janghang, les pouvoirs publics ont renoncé à faire réaliser des drainages susceptibles de nuire aux écosystèmes marécageux, décision à laquelle n'ont pas toujours fait bon accueil des collectivités locales soucieuses de récolter les profits de futurs aménagements et qui ont exprimé leur mécontentement d'être exclues de ceux-ci. Au vu du développement économique et de l'industrialisation qu'a connus la Corée au cours de ces dernières décennies, on ne saurait être surpris que le clan des bâtisseurs l'ait emporté sur celui des défenseurs de l'environnement.

par différentes régions répond une importante action de défense et réhabilitation des zones concernées, jusqu'aux pouvoirs publics, qui, après avoir porté haut le flambeau de tels projets, proposent aujourd'hui de mettre en œuvre des mesures conservatoires pour ce qui subsiste encore du marais coréen. Pardelà le débat stérile qui oppose partisans de l'aménagement et de la protection de l'environnement, apparaît ainsi un nouveau terrain d'entente rassemblant largement l'opinion publique sur la nécessaire intensification des efforts de conservation de ces ressources naturelles d'une valeur inestimable. Il aura donc fallu payer un lourd tribut environnemental aux projets du Lac Sihwa et du marais de Saemangeum pour que les Coréens saisissent toute l'importance de protéger leurs marais et d'évoluer dans leurs mentalités. Pour des raisons évidentes, un pays à la

géographie péninsulaire ne pouvait qu'être fortement tributaire tout autant de ces zones que de l'océan, comme l'ont été des décennies durant nombre de ses habitants, qui aujourd'hui se trouvent privés de moyens de subsistance par la concession de terrains autrefois publics à des particuliers aux fins d'aménagements caractéristiques d'une croissance et d'une modernisation effrénées qui entraînent ainsi des conséquences dramatiques. Le dialogue s'instaure aujourd'hui entre défenseurs de la nature et tenants de l'aménagement du territoire maintenant plus inquiets du sort réservé aux marais, mais dans la mesure où de tels projets se poursuivent et malgré l'action des associations écologistes, c'est à l'opinion publique qu'il incombera désormais de prendre la défense de ressources naturelles aussi irremplaçables. i..t

Aménagement ou conservation Les différents conflits et polémiques relatifs aux dangers que fait peser l'aménagement du territoire sur les écosystèmes marécageux s'engagent aujourd'hui dans une nouvelle phase et aux opérations de drainage entreprises Été 2007

1Koreana 29


DOSSIER

Essor des centres culturels régionaux À l'échelle régionale , les centres culturels qui se créent çà et là depuis quelques années s'avèrent bien adaptés aux particularités de la demande locale et attestent d'une saine décentralisation de lei vie culturelle autrefois trop axée sur Séoul. Lee Dong-yeun Professeur à l' Ecole des beaux-arts traditionne ls corée ns de l' Université nati ona le des arts

i J l1 1 ll


Situé dans le nord de la provi nce de Gyeo nggi- do , le Centre des arts d'Uijeong bu ente nd offrir au public un e programmation variée et de qua lité. 2 Rep résentation de « Cendrillon » do nnée en ao ût 2006 par le Ballet s ur gla ce de SaintPetersbourg . 3 Jo Sumi in te rpréta nt la « Valse de printe mps » aux côtés de l'Orchestre Jo hann Stra uss, au mois d' avril 2007.

D

epuis la reconnaissance, en 1995, d'une certaine autonomie des collectivités locales, celles-ci rivalisent d'efforts pour acquérir installations culturelles ou salles de spectacle polyvalentes et ce sont plus d' une centaine d'entre elles, qui, sous l'appellation de « centres culturels et artistiques » ou « centres d'art», ont ouvert leurs portes à ce jour. Symbole par excellence de la surenchère régionale en matière de capacités d'accueil, ces locaux n'en présentent pas moins l'avantage d'un meilleur accès à la vie culturelle, dont le public provincial a trop longtemps été privé pour cause de centralisation.

Renouveau des infrastructures Au nombre des salles créées depuis l'an 2000, figurent les Centres culturels et artistiques de Daejeon et d'Ansan, ainsi que les Centres des arts de Cheongju, Uijeongbu et Seongnam, qui ont largement remédié à une situation de pénurie en la matière, tout en enrichissant la scène de l'art locale, à l'instar du Centre des arts d' Uijeongbu, qui propose désormais chaque année un Festival de théâtre musical mettant en scène un choix de spectacles de rue représentés en salle et en plein air, ou de celui de Seongnam, qui est en passe de devenir bientôt un nouveau carrefour culturel aux côtés

de Séoul puisqu'il attire , depuis son ouverture, près d'un million de personnes par période de quinze mois. Pour que l'action culturelle régionale atteigne ses objectifs, ces installations ultramodernes doivent en permanence se doubler d'une programmation de qualité, susciter la fréquentation constante du public et, dans tous les domaines des arts du spectacle, pourvoir à la formation de ressources humaines spécialisées. De même que ces centres multifonction représentent en quelque sorte le matériel indispensable à l'essor des infrastructures culturelles régionales, programmes, professionnels qualifiés et Été 2007 1 Koreana 31


audience en composent quant à eux le

Une planification stratégique

turels et artistiques régionaux doivent

Par ailleurs, la mise en place de dis-

s'adjoindre les services de spécialistes

Quant à la démarche qu'il convient

positifs de planification stratégique per-

hautement capables de concevoir une

d'adopter, dans les circonstances

mettra de rendre les centres culturels

programmation tout aussi indépendante

actuelles, pour faire du centre culturel le

régionaux plus concurrentiels et de pro-

qu·attrayante, dont la spécificité ne fera

logiciel.

point de convergence des activités cul-

poser des programmations correspon-

que renforcer leur impact sur le public,

turelles et artistiques de la région, elle

dant aux préférences du public . En

ainsi que leur fréquentation par ce dernier.

repose avant tout sur la prise en compte

province, les centres culturels se limitent

des spécificités culturelles locales car les

souvent à opter pour des spectacles à

En outre, ces centres régionau x

établissements de ce type se sont trop

gros budget déjà couronnés de succès à

doivent être à même de proposer tout un

souvent contentés de reprendre en subs-

l 'étranger, voire, dans bien des cas , à

ensemble d'activités éducatives satis-

tance les spectacles et programmations

reprendre purement et simplement les

faisant aux besoins de la population et

proposés par les municipalités de

mises en scènes proposées antérieure-

dont celle-ci puisse tirer fierté . Les ser-

grandes villes comme Séoul. En matière

ment à Séoul.

vices culturels régionaux s'avèrent la plu-

de politique culturelle, une rapide évolu-

Pour s'inscrire en rupture avec de

part du temps d'un accès difficile, alors

tion des mentalités s'impose en vue de

telles politiques et cesser, ce faisant, de

que public et artistes devraient pouvoir en

favoriser innovation et créativité, tout en

se cantonner au rôle secondaire de sim-

faire aisément usage puisqu'il s'agit

tirant les enseignements des cas

ple relais des initiatives prises par Séoul

d'établissements publics, la région pou-

préalables de centres gérés avec succès.

ou d'autres métropoles, les centres cul-

vant ainsi encourager les élèves des

2

3

4

En jui n 2006, la Compa gnie Montalvo -H ervieu se prod uisait au Centre des arts de Seo ngnam. Dan s la banlieue séo uli enn e. le Cent re des arts de Seo ngna m est un nouveau ce ntre culturel à la croissa nce rap ide. Au se in du Stuttgart Ballet, Kang Sue Jin danse « The Tam ing of the Shrew » !La m égère app rivoisée ) dans le cadre des fe stivi tés marqua nt le prem ier anniversaire du Ce ntre des arts de Seong nam. L'ann ée derni ère, se déroulait le Premi er Festival de danse sur le thème de l'« environnement et la danse».

32 Koreana I Été 2007


Été 2007 1 Korea na 33


Le gro up e de claquettes de ren omm ée mo ndiale« Tap Dogs » s ur la scè ne du Centre des arts et de la culture d'Ansa n, en déce mb re 2005. 2 Depuis sa création vo ilà deux ans de ce la, le Centre des arts et de la culture d'Ansan se situ e à l'avant-ga rd e de l'inn ovatio n culturelle régi ona le. 3 L'Orchestre philharmonique d'Oradea [Rou ma ni e]. lo rs de sa représe ntatio n de ma i 2006 au Centre des arts et de la culture de Daejeo n. 4 De nombreux spe ctacles et festivals artisti qu es so nt à mettre à l' acti f du Centre des arts et de la culture de Da ejeon dep uis sa création , en 2003.

cours primaire et secondaire, ainsi que les adhérents des associations artistiques

Indépendamment de la qualité de ses

et culturelles, à se produire sur ces

installations et de sa programmation, tout

scènes dans le cadre de spectacles

centre régional a l'obligation de rester à

variés.

l'écoute des besoins de la population sous

En dernier lieu, il importe que les

peine de se priver d'un réel succès et bien

habitants des régions concernées se sen-

que cet impératif semble aller de soi , il

tent non seulement consommateurs,

est à se demander si les grands établis-

mais aussi acteurs de la vie culturelle

sements de ce type qui font depuis peu

animée par leurs centres, à l'image de

leur apparition en tiennent suffisamment

celui de Seongnam, qui voit son tau x

compte au vu des nombreuses manifes-

d'occupation et sa fréquentation pro-

tations de qualité discutable qu'ils pro-

gresser constamment grâce à des actions

posent avec pour objectif affiché de satis-

d'information concertées sur les specta-

faire à de telles exigences. Par manque

cles qu'il propose, tout en fidélisant tou-

de réflexion, beaucoup d'entre eux choi-

jours plus le public par des formules

sissent en outre de mettre à l'affiche des

d'abonnement.

spectacles déjà présentés à Séoul ou

C'est en proposant cette dernière

34 Koreana I Été 2007

À la confluence de la culture régionale

entreprennent des projets insuffisam-

possibilité de manière intelligemment

ment élaborés en termes publicitaires et

conçue, mais aussi par des stratégies

de marketing.

créatives destinées à attirer un plus large

En règle générale, les nouveaux cen-

public, ainsi que par des actions de mar-

tres régionaux commencent par offrir une

keting et de promotion plus dynamiques,

qualité de spectacle propre à séduire le

que les centres régionaux devront élever

public local, pour ensuite laisser se

leur niveau de fréquentation si tant est

détériorer la programmation, tant sur le

qu'il souhaitent s'imposer et accroître

fond que sur la forme, le constat de ces

leur prestige en tant que véritables foyers

péripéties démontrant à l'évidence la prio-

de culture régionale, avec le soutien de la

rité actuellement accordée aux grosses

population .

productions. Si ces spectacles bénéficiant


d'une diffusion internationale ont naturellement leur place sur les scènes régionales, il importe que la sélection en soit opérée avec rigueur, faute de quoi les centres régionaux risquent de se voir relégués au second plan pour s ' être limités à reprendre les formules à succès appliquées par Séoul et d'autres villes du monde. Tout centre culturel régional désireux de s 'engager dans la mondialisation et de se transformer en un véritable foyer de culture a le devoir d'offrir, outre des spectacles de qualité, toute une gamme d'activités éducatives susceptibles d'alimenter la vie artistique et culturelle locale, mais aussi d'améliorer considérablement l'infrastructure déjà existante dans le secteur régional des spectacles, même si le volet de la mise en scène prime sur tous les autres par la chance exceptionnelle qu'il offre à chaque spectateur d'aller à la découverte de l'art et de la culture.

i..t

Été 2007 1 Koreana 35


ENTRETIEN

Lee Hyungkoo Un Docteur Jekyll « posthumain » à Venise À l'édition 2007 de la Biennale de Venise, la Corée innovera en consacrant exclusivement à un artiste, en l'occurrence Lee Hyungkoo, l'intégralité du pavillon dont elle dispose depuis 1995 dans cette manifestation. Lim Geun-jun (aka Mikka_L) Critique d'art et de design Ahn Hong-beum Photographe

L

a cinquante-deuxième Biennale de Venise, qui ouvrira ses portes au mois de juin prochain, verra pour La première fois un artiste de trente-huit ans, Lee Hyungkoo, occuper à Lui

seul Le pavillon qui a été attribué à La Corée en 1995, suite à vingtquatre autres pays, grâce à L'action menée par Paik Nam June (1932-

2006). Célèbre par ses espaces à L'atmosphère mystérieuse évoquant de secrètes expériences sur L'homme au moyen d'instruments et appareils optiques tout aussi variés qu'étonnants, Lee Hyungkoo nous fait aujourd'hui découvrir une nouvelle série qui, sous Le titre« Homo Animatus ». présente des personnages de bande dessinée sous forme de sympathiques et surprenants squelettes. Les esprits Les plus imperméables à L'art contemporain ne peuvent que tomber sous Le charme de ses œuvres. Des courts-métrages en vidéo montrent L'artiste arpentant avec nonchalance Les rues de New York, coiffé d'un « casque optique » qui fait paraître sa tête démesurément grosse et ricaner Les passants avec L'air de penser: « Quel bouffon ! » . Dans La ville, Les visages Les plus fermés s'égayent d'un sourire fugace à La vue du jeune artiste à L'humour noir, chose rare dans Le domaine de L'art d'avant-garde, qui s'attache à analyser en profondeur Les thèmes culturels contemporains. Ses structures squelettiques à L'élaboration savante, aux formes étranges, semblent des fossiles que L'on aurait déterrés et font souvent revenir sur Les sites de discussion des questions ou réflexions telles que : « Les personnages de bandes dessinées ont-ils disparu ? », « Les détails 36 Koreana I Été 2007



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A0 1 » [20051. crayon, encre , ma rqu eur et acrylique su r pa pie r. 109 x 79 cm. 2 « Anas Anim atus D » [2006). rés in e, aluminium, câble en ac ier in oxydab le, ressorts et huile, 52 x 30,5 x 33 cm . 3 « Lepus An ima tu s » [20 05- 2006). rés ine, alumi niu m, câ ble en acier in oxyda ble, ressorts et huile, 111 x 60 x 70 cm. «

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hyperréalistes sont surprenants ! »,«C'est mignon et horrible à la fois ! Intéressant, mais ça donne la chair de poule ! ». La réalisation de tels fossiles virtuels a beau être récupérée par la culture pop, elle exige en réalité de longues heures d'un travail rigoureux et repose sur une démarche artistique complexe que résume la question de savoir, à l'heure actuelle, dans quelles dimensions culturelles le corps humain peut se restructurer. » Dans l'entretien qui suit, cet artiste au charme si particulier, en usant d'une pseudoscience, apporte à ses adeptes des

\

réponses absolument claires.

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Lim Geun-jun Le Pavillon coréen est réputé présenter des difficultés dans les expositions . Qu'en pensez-vous? Lee Hyungkoo Ce n'est un secret pour personne. Avant tout, il ne dispose pas d'un bon emplacement. En outre, il est petit, mais la construction en est surtout inadaptée. [Rires)

Lim

Quel est celui que vous préférez ?

Lee

L'allemand et le britannique.

Lim

Contrairement aux affirmations selon lesquelles les commissaires ne souhaitent pas regrouper plusieurs artistes dans ce même pavillon, c'est ce qu'ils n'ont pas hésité à faire année après année et, de ce fait, les milieux artistiques coréens ont été a·gréablement surpris de la décision de Madame Ahn SoYeon de n'en choisir qu'un seul. Quand avez-vous été informé de cette décision?

Lee

Je l'ai apprise au début du mois d'octobre, par voie détournée.

Lim Aussi bien pour vous que pour Madame la commissaire, cette exposition doit être très différente des autres ! Lee

C'est exact. En 1997, alors que j'étais étudiant, je suis allé à la Biennale en tant qu'assistant d'un artiste exposant au pavillon coréen. À l'époque, la commissaire Ahn SoYeon était conservatrice de l'Exposition temporaire d'art contemporain coréen« Queue du tigre» qui avait été mise sur pied en 1995, année de la création du pavillon coréen .

Lim Si l'adjonction d'un pavillon coréen que souhaitait Paik Nam June ne s'est pas encore concrétisée, d'aucuns pensent, dans le monde de l'art coréen , que cette réalisation passerait par la conservatrice Ahn SoYeon . [Rires) D'autres vous imaginent revenir en vainqueur du prix 38 Kore a na I Été 200 7


spécial du pavillon ... Lee

Lee

de quatrième année et par la suite, j'en ai donné divers,

d" exposition, mais je ne nie pas qu'un prix fasse plaisir.

notamment en 2004, à la Résidence Ssamzie, où j'ai pour la

[Rires)

première fois joué, en costume, le rôle d'un scientifique. Je

Lim Vous projetteriez d'exposer la série« Objectuels », qui se compose d'instruments optiques permettant de modifier

me produis aussi lors de grandes expositions.

Lim

spectacles d'inspiration scientifique qui ne soient pas pour-

série« Homo Animatus » aux formes squelettiques

ta nt de la science-fiction ou des intrigues médico-

comme autant de pseudo vestiges archéologiques.

policières ? Lee

En fait, je plaisante lorsque j'affirme que mon travail n'est que du « yamae » [un terme désignant des malversations

J'ai l'intention de réunir les deux séries en une afin de donner l'impression d'ensemble d'un laboratoire en mutation.

le plus souvent commises dans l'achat ou la vente d'arti-

Pour l'ouverture, je pense à une mise en scène où je

cles, ainsi que dans l'obtention d'informations). [Rires)

porterai mon casque optique« WR » et j'espère donc avoir

Lim « Yamae » vient du mot japonais« yami », c'est-à-dire « obscurité », n'est-ce pas ? [Rires) Combien de pièces

suffisamment d'énergie jusqu· à la fin de l'exposition.

Lim

N'est-ce pas curieux que le public ait envie de voir des

visiblement les proportions du corps humain, ainsi que la représentant des personnages de bandes dessinées Lee

Le premier spectacle a eu lieu à l'université, dans un cours

Les artistes se satisfont de leurs activités de création et

avez-vous réalisées à ce jour pour la série « Homo Anima-

Le Docteur Jekyll « posthumain » partirait donc pour Venise en emportant son laboratoire ?

tus »? J'imagine qu 'un tel travail exige du temps, même si

Lee

Je compte y ouvrir une succursale. [Rires)

je crois savoir que vous avez eu beaucoup d'aide.

Lim

Lorsque vous étiez étudiant, avez-vous participé à des pro-

Lee

Lee

Recherches préliminaires non comprises et à partir des

jets de ce type ?

pièces présentées au Musée national d'art contemporain

Je me suis toujours intéressé aux transformations du

dans le cadre de l'exposition « Quête de jeunesse 2004 »,

corps humain, aux mutations, à la physionomie, à la

ce sont au total quatorze pièces qui se répartissent sur

phrénologie ... C'était le prolongement logique de mes

neuf séries et la réalisation de chacune d'entre elles a pris

recherches et expérimentations.

de sept à huit mois, voire une année, pendant lesquels je

Lim Quand avez-vous donné votre première représentation ?

suis passé par de difficiles moments. Mes assistants


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1-3 « HK LAB-WR Performance» [20041. Installation Project Space Zip, Séoul. 4 « Altering Facial Features with Pink-H 1 » [2003). impression numérique, 120 x 150 cm.

4

Lim

Lee

m'apportent beaucoup parce que mon travail exige une

orbites créent une superposition des yeux. En deuxième

grande attention, mais actuellement, je travaille avec dix

lieu, le problème le plus délicat est celui de la colonne

d'entre eux tout au plus, et au minimum avec cinq, dont

vertébrale, car les personnages de bandes dessinées

trois m'accompagneront à Venise. Sans le soutien de

subissent, entre autres transformations, des déformations

l'Arario Gallery, il m'aurait été extrêmement difficile de tra-

de la tête, par exemple, qui peut varier par sa taille d'un

vailler dans de telles conditions.

tiers à un quart de l'ensemble du corps, ce qui vaut égale-

Pour en venir à des considérations plus concrètes, quel

ment pour des quadrupèdes représentés en station

type de matériau avez-vous employé pour créer ces

debout. Il en résulte donc un grand nombre de modifica-

squelettes ? Ils imitent l'aspect de véritables os de façon

tions.

très réaliste et les artistes qui les ont vus auraient été tout

Les articulations des mains et pieds peuvent aussi être

à fait impressionnés par la minutie des détails, notamment

trompeuses, en particulier lorsqu'il s'agit de transformer

par les minuscules trous perçant le cuir chevelu.

une patte antérieure en main dotée de phalanges plus

J'ai utilisé une matière plastique constituée de

courtes, et les adaptations sont aussi plus importantes. Les

polyuréthane dur, mais je suis à la recherche d'autres

mammifères ont pour particularité intéressante de

éléments. Au début, j'ai même ajouté de la poudre d'os

posséder cinq orteils aux pattes avant et quatre, aux pattes

pour apporter au tout un peu de magie, ce qui ne changeait

arrière, tandis que les rongeurs en cint pour la plupart cinq

rien, sauf dans ma tête [Rires). En définitive, les tentatives

aux deux et, de toute façon, les représentations simplistes

de création aboutissent à un résultat virtuel situé à mi-

suppriment souvent un dOigt ou un orteil, dont il ne reste

chemin entre l'os humain et animal, impossible dans la

donc respectivement que quatre et trois, voire deux, curieusement, pour le Jerry de« Tom & Jerry».

réalité, mais possible en pensée. Quant aux petits trous, ils s· obtiennent en produisant de minuscules bulles, ce

Lim

« Dieu prévoit jusqu'aux moindres détails»?

Lim Lee

Étonnant ! Après ce dernier personnage, travaillez-vous sur une suite à la série« Homo Animatus »?

qui représente un énorme travail, mais ne dit-on pas que

Lee

Pas encore, car celle-ci se trouve à sa première phase, qui

Lorsque vous procédez à ces adaptations, j'imagine que

met en œuvre les techniques acquises au fil du temps et

vous recourez à quelques artifices ...

débouchera sur une version intermédiaire que j'espère

Bien sûr ! Pour autant que l'on étudie un personnage de

exposer à la Biennale de Venise. Quand j'en aurai effectué

bande dessinée, il est impossible de calculer l'emplace-

la synthèse, je la présenterai aux côtés de l'« Homo sapiens».

ment précis de tous les os du squelette, d'où la part d'improvisation que comporte obligatoirement chaque

Lim

création. Les dimensions physiques changent non seule-

exposer ces séries dans un musée d'histoire naturelle de

ment selon la saison, mais souvent aussi, d'une scène à l'autre, tout comme les gens, finalement.

Ne serait-il pas extraordinaire que vous puissiez un jour style victorien ?

Lee

Si j'en avais l'occasion, j'aimerais les exposer au Musée

Lim

Quels sont, d'après vous, leurs traits les plus grotesques?

d'histoire naturelle Peabody de l'Université de Yale car, en

Lee

C'est le globe de l'œil, là où le trait est en général le plus

fin de compte, de tels établissements ne sont-ils pas indis-

forcé, et se confond avec le squelette. En se rejoignant, les

sociables des arts du spectacle ? t..t Été 2007

1

Koreana 41



Cho Dae-yong Maître artisan du store traditionnel de bambou En fidèle héritier de son arrière-grand-père, Cho Dae-yong réalise, à l'aide d'un grand nombre de minces lanières de bambou, le tissage à la main de stores traditionnels qui représentent l'aboutissement de toute une vie de patient labeur inspirée par l'amour du métier. Lee Min-young Rédacteur occasionnel I Joo Byoung-Soo Photographe

oilà près d'un siècle et demi, sous le règne de Cheoljong

dans leur logis, ces précieux rideau x permettaient d'entrevoir le

[r. 1831-1863). vingt-cinquième souverain de la dynastie

monde extérieur tout en laissant filtrer la lumière dans les

Joseon, un habitant de Tongyeong, ville de la province de

intérieurs. Ces accessoires faisaient ainsi partie intégrante de la

Gyeongsangnam-do, fit présent à ce dernier de stores de bam-

vie quotidienne du monarque et de ses sujets, comme le rappelle

bou quïl avait confectionnés dans l'attente de son affectation au

Cho Dae-yong .

poste d'officier, après avoir subi avec succès les épreuves du

« Les stores de bambou n'étaient pas entièrement réservés à

concours national. Émerveillé par ce don, le roi en marqua

un usage domestique, servant parfois de paravents derrière

généreusement sa reconnaissance et combla de joie la famille,

lesquels les ministres du roi s'adressaient à la reine, ainsi que de

qui allait dès lors se consacrer de père en fils à cet artisanat.

rideau x soustrayant aux regard s le roi ou la mariée lors de leur

Le protagoniste de ce récit n'était autre que l'arrière-grand-

transport en palanquin, mais aussi de parasols ou _cloisons à

père de Cho Dae-yong , maître artisan du store traditionnel de

l'abri desquels les érudits prenaient du repos dans les pavillons »,

bambou qui naquit en 1950 et possède aujourd'hui le titre

explique l'artisan.

d'important Bien culturel immatériel n° 114. C'est dans le

Au nombre de différents produits artisanau x de première

respect des méthodes mises en oeuvre par cette activité ances-

nécessité, le store de bambou se répandra largement sous la

trale quïl procède à la sélection des cannes de bambou, au

dynastie Joseon [1392-1910) en raison de la présence à

découpage des lanières et au tissage à la main de tous les arti-

Tongyeong du Samdosuguntongjeyeong, c'est-à-dire le com-

cles sans exception .

mandement des forces navales des trois provinces de Chungcheong-do, Jeolla-do et Gyeongsang-do, entre les années

Souplesse et facilité d'emploi

1603 et 1895. Cette ville constituant un centre de ravitaillement

Désignés en coréen par le vocable « bal », les stores tradi-

militaire, elle connaissait une importante demande en articles

tionnels sont tissés à l'aide de lanières de bambou appelées

divers tels que laques à incrustations de nacre , chapeau x

« daeori » ou de filaments provenant de l'écorce de certaines

coniques dits « gat » et stores de bambou , Cho Dae-yong

variétés de roseau x. Leur fi xation sur les portes et fenêtres

précisant que si ces derniers se fabriquaient également en Chine

assure un obscurcissement et une circulation d'air des plus

et au Japon, la qualité en était toute différente.

appréciables à la saison chaude, tandis que pour les dames du

« Par comparaison à leurs équivalents chinois et japonais, les

temps jadis, qui vivaient le plus clair de leur temps confinées

stores coréens sont d'un aspect plus fin et aérien en raison de la Été 2007 1 Koreana

43


44 Koreana I Été 2007


Fabrication d'un store traditionnel en bambou

2

3 4

5

Frac ti onne ment de la canne en qua tre tronço ns, re tra it de l'éco rce , raclage de la surface inté rieure, pu is stockage en plein air pend ant un mo is pour fa ire séc her la matière, qui acquie rt sa co loration défini tive. À l'aid e du « gomusoe » qu 'il a créé lui - même , Ch o Dae-yong découpe le bambou en fi nes lani ères qu'il insè re dan s des ori fices de diffé rentes ta illes afin d'obte nir un e épaisse ur uni forme de 0, 1 à 0,7 millimètre. À l'apprêt des lani ères, succède la mi se en place du châssis destin é au tissage. Composé d'argile ou de plom b, cet élément constitutif de tout châssis est recouve rt de« hanji », ce pap ier tra ditionnel en fib re de mûrier. La fab ri cation d'un store tradition nel de bambou peut exiger l'assemblage de deux mille fines lani ères et, en règ le générale, trois mois pleins de travail [1 85 x 135 cm].

5

minceur des lanières employées, mais aussi de la réalisation des

les spécimens plus courts, oblige aujourd 'hui à employer les

motifs de surface en cours de tissage », indique l'homme. Au

épaisses cannes du phyllostachys bambusoides, qui peuvent

Japon, le matériau a la grosseur et la rigidité d'une baguette, tan-

atteindre vingt mètres de hauteur sur pied et, si leur aptitude au

dis qu'il se présente en Chine sous forme de fils sur lesquels les

tissage exige une longue préparation, elle·s présentent aussi des

dessins sont peints ultérieurement, et non tissés dans la masse.

avantages tels qu'une belle couleur », déclare le spécialiste.

Patience et longueur de temps

le retrait de leur écorce, ainsi que le raclage de le_ur surface

Au fractionnement de la canne en quatre tronçons, succède Fils et petit-fils de maîtres artisans, Cho Dae-yong grandira

intérieure, puis leur stockage en plein air pendant un mois afin

dans l'univers du bambou et des produits qui s'y rattachent, mais

que l 'alternance de rosée et de soleil les colore de ce jaune

c'est à l 'âge de vingt ans que changera radicalement la vision

splendide . À l'issue de ces opérations, une fois sèches et

qu'il en a, lorsqu'en cette année 1971, se sentant le cœur lourd à

découpées en lanières minces, les cannes sont propres au tis-

quelques jours de son départ sous les drapeaux, il se saisit d'une

sage de stores dont la couleur ne brunira ni ne s'éclaircira.

poignée de lanières à l'aide desquelles il va tisser un store en un

« J'effectue le découpage au moyen du « gomusœ », un outil

rien de temps, puis, en vue de le mettre en vente, s'en aller au

constitué d'une lame d'acier inoxydable percée d'orifices de

marché où un acheteur enthousiaste vantera cet article, de sorte

différents calibres», commence l'artisan.« Sous l'action de cette

qu 'une fois libéré des obligations militaires, il décidera aussitôt

lame, une pièce de bambou épaisse d'un centimètre se divise en

d'embrasser le métier. Outre la confection proprement dite, d'une grande complexité, l'apprêt de la matière première exige aussi des précautions,

lanières toujours plus minces, trois ou quatre passes permettant de les porter à une épaisseur comprise entre 0,5 et 0,7 centimètre ».

notamment par la réalisation de la récolte annuelle en décembre

La réalisation des lanières est suivie de la mise en place

et janvier, afin d'éviter l'infestation. « Alors que les variétés de

d'une sorte de bobine appelée « godeure » et reliée à du fil, ainsi

très petite taille servaient autrefois à la fabrication de pipes ou

que d'un châssis en bambou, le « sijakdae », sur lequel viennent

archets, l'usage croissant des herbicides, en faisant disparaître

se fi xer les lanières en vue de leur tissage au moyen de fil de Été 2007

1

Koreana 45


soie. Un modèle de grandes dimensions peut comporter jusqu 'à

l'achèvement de chaque pièce ainsi ornementée.

deux mille lanières et nécessiter trois mois de travail, sans

Ce fabuleux savoir-faire lui a valu de se voir décerner nombre

compter l'apprêt de la matière première, exigeant ainsi patience

de prestigieuses distinctions, dont les Pri x du Ministère de la Cul-

et longueur de temps tout au long de son exécution.

ture qu'a remportés son store de bambou à motifs en écailles de tortue, en 1990, et de la Présidence de la République, pour des

Pour l'amour de l'art

pièces alliant ce même thème graphique au caractère du bon-

Sans jamais pour autant prétendre au statut de maître arti-

heur, en 1995, ainsi que, en 2001, le titre de maître artisan du

san, Cho Dae-yong n'a cessé d'éprouver envers son art une

store de bambou et le classement au patrimoine culturel

véritable passion qui se manifeste lors de l'exécution de chacune

immatériel.

de ses œuvres, mais l'a aussi conduit à mettre lui-même au point

« Naguère, tout un chacun pouvait fabriquer des stores de

son « gomusœ » tranchant, après avoir essayé différentes

bambou car il s'agissait d'indispensables articles ménagers.

méthodes afin de parvenir à des lanières aussi fines que possible.

Aujourd 'hui, les logements sont conçus différemment, les grands

Se lançant sans cesse de nouveaux défis, il crée des motifs de

ensembles s'étendent à perte de vue et les stores de bambou se

tissage toujours plus complexes, alors qu'il exécutait auparavant

font malheureusement rares ... », déplore l'artisan, en dépit de

ceux-ci à partir de modèles réalisés à la peinture à l'huile. À par-

quoi et malgré la voie difficile qu'il a suivie sa vie durant, il ne peut

tir de simples décors à écailles de tortue ou calligraphiés d'un

aujourd'hui que se réjouir de la décision qu'a prise son fils cadet

unique idéogramme chinois tel que« su » [~ ] ou« bok » [~il. qui

Cho Yeong, à l'âge de 29 ans, de prendre la relève de cette fabri-

signifient respectivement la vie et la fortune , il est passé à des

cation familiale de produits traditionnels en bambou .

phrases entières, comme « Sowonseongchwi.» ou « Subok-

Si le store de bambou traditionnel, de même que les autres

gangnyeong. »,c'est-à-dire« Que vos souhaits se réalisent. » et«

survivances du passé, trouvent difficilement leur place dans la

Que longévité, bonheur et santé vous accompagnent ». Si cette

vie moderne, Cho Dae-yong a espoir que cet élégant objet con-

multiplication des caractères a rendu le tissage plus complexe et

fectionné à la main puisse encore faire apprécier le raffinement

la production, plus longue, l'artisan a découvert dans ces écueils

de la Corée d'autrefois à ceux qui sauront en prendre le

supplémentaires une nouvelle source de satisfaction à

temps. t.t

Si la réalisation de ces motifs d'écailles de tortue par tissage dans la matière nécessite deux ou trois jours de labeur supplémentaires, la satisfaction finale est à la mesure des efforts accomplis.

46 Korea na I Été 2007



i l'introduction du bouddhisme en Corée remonte à la fin du quatrième siècle, la production d'une statuaire sacrée n'y débutera qu'un siècle et demi plus tard, témoignant de l'accession progressive de ce culte au statut de religion d'État. Aux premières œuvres coulées en bronze ou façonnées dans la terre cuite, allaient rapidement succéder des pièces en granit, la Corée présentant un relief plus gréseux et calcaire que l'Inde ou la Chine, ce qui porte à croire tout naturellement qu'il s'agissait du seul matériau disponible en quantité suffisante pour une telle production, mais explique également l'absence de temples dans les grottes. Peu adapté à l'exécution des détails les plus minutieux par une dureté et une texture grenue qui font de lùi un matériau peu apprécié des sculpteurs, le granit s'est imposé dans l'art bouddhiste en raison des spécificités du relief. En frappant les grains qui composent sa structure, la lumière y crée des reflets aux multiples cou leurs évoquant l'aspect des tableaux pointillistes issus de l'impressionnisme français. Dans leur travail du granit, les maîtres de l'art bouddhiste de Silla se sont attachés à rehausser la brillance naturelle de cette roche exempte de toute coloration artificielle.

Chefs-d'œuvre de la sculpture bouddhiste Contrairement aux premières statues de Bouddha exécutées sous le royaume de Silla Unifié (668-935), les deux pièces en pierre qui furent mises au jour à l'extrémité sud de l'emplacement d'un ancien palais de Gyeongju, la capitale d'alors, comptent parmi les rares spécimens à comporter, au dos de leur auréole, l'inscription d'une date de réalisation qui concorde avec les données figurant dans les archives de l'époque. Il s'agit de statues de Maitreya Bodhisattva et du Bouddha Amitabha provenant d'un site où se dressait jadis le Temple de Gamsansa, dans cette même ville. Sur la première d'entre elles, figurent vingt-deux lignes composées de 381 idéogrammes chinois qui fournissent de précieuses indications sur les conditions de sa création, mais aussi sur son environnement socio-culturel. Cet écrit en situe la commande à l'année 719, dix-huitième du règne du souverain Seongdeok, sous la direction de Kim Ji-seong (652- ?), personnage qui assumait la charge de « sirang », c·est-à-dire d'officier supérieur de la Chancellerie (Jipsa-seongl équivalant à un actuel Vice-premier ministre, et qui, en hommage à ses parents, allait superviser la réalisation des deux statues et dédier celle de Maitreya Bodhisattva à sa mère. Tout en révérant les puissances de la nature, Kim Ji-seong vouait aussi une grande admiration aux philosophes taoïstes chi nois Laozi et Zhuangzi pour leur esprit transcendant et leur détachement des choses de ce bas monde. Après avoir 48 Koreana I Été 2007


Maitreya Bodhisattva, Hauteur: 270 cm, Trésor national n° 81, Musée national de Corée.

Été 2007 1 Korean a 49


L'air de dignité virile du Bouddha Amitabha forme un contraste avec la sensualité exacerbée d'un Maitreya Bodhisattva à caractère féminin, ces deux figures n'en présentant pas moins des traits communs.

50 Koreana I Été 2007

·~

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. . . . 4.-

-


découvert la dimension philosophique de la pensée bouddhiste, il allait se consacrer à la recherche de la vérité sans le moindre intérêt pour les biens matériels, comme en atteste le mode de vie simple qu'il adopta à son départ de la fonction publique, alors qu'il avait soixante-sept ans et lorsqu'il fut rappelé dans l'administration, il ne se départit pas pour autant de son désintéressement, allant jusqu'à engager ses avoirs pour financer l'édification du Temple de Gamsansa. Ce faisant, il accomplissait un acte de charité tout en réalisant son souhait d'inciter les souverains et leurs sujets à se convertir au bouddhisme en quête d'illumination . Finesse et grandeur Surmontée d'une ample auréole épousant la forme d'une fleur de lotus exécutée en haut relief, la statue de Maitreya Bodhisattva repose sur un piédestal gravé, lui-même soutenu par une dalle de granit. Elle est coiffée d'une couronne de grandes dimensions, parée de joyaux et très ornementée, d'où émerge une minuscule effigie de Bouddha incluse dans une mèche de cheveux. À ses oreilles, pendent de larges boucles aux motifs élaborés, son cou et ses bras s·agrémentant de divers bijoux, plusieurs rangs de perles lui couvrant aussi le corps jusqu'aux genoux. Un bandeau ornemental ceint le thorax, tandis que les bras, de même que la partie inférieure du corps, se drapent dans une tunique dont l'ourlet est gravé en relief du même motif que l'auréole et dont les plis ajustés mettent en valeur les formes, dessinant le galbe net des jambes et tombant en bandes horizontales qui forment un entrecroisement à l'entrejambe avec un inéniable effet ornemental. Largeur et rondeur caractérisent le corps et le visage à l'expression sensuelle et enveloppés de halos composés chacun de trois cercles concentriques enrichis d'images propitiatoires symbolisant l'énergie qui émane de l'esprit et du corps du Bodhisattva. Par le haut degré d'élaboration et la sensualité qui résultent de l'adjonction de nombreux motifs ornementaux d'aspect exotique, cette œuvre semble avoir subi l'influence du style indien dit de Gupta, qui se développa aux v• et VII" siècles. Outre son caractère exceptionnel sous le Royaume de Silla Unifié, l'indication précise de l'époque de réalisation de cette statue en pierre de Bouddha revêt une valeur inestimable aux fins de la recherche sur l'histoire de la sculpture bouddhiste coréenne. Une dignité simple Quant à la statue du Bouddha Amitabha, elle comporte vingt et une lignes de 391 idéogrammes chinois d'un sens analogue aux indications figurant sur le Maitreya Bodhisattva, mais auxquelles s'ajoute une ligne sur laquelle il est précisé que Kim Ji-seong en ordonna l'édification sur son lit de mort, en l'an 720. Le recoupement de ces deux écrits permet de supposer qu'après avoir fait exécuter le Maitreya Bodhisattva en 719, en l'honneur de sa mère, l'homme demanda la réalisation du Bouddha Amitabha en souvenir de son père, mais disparut au cours de cette dernière, dont le fruit allait lui être également dédié à titre posthume dès son achèvement. Il se dégage une impression de solennité méditative de cette statue à la main droite levée dont le pouce et l'index se réunissent en un geste circulaire dit d'Abhayamudra, c'est-à-dire la position de prédication, par référence à celle qu 'adopta Bouddha en prononçant son premier sermon. Une parure de cérémonie enveloppe l'ensemble de la figure, y compris les épaules, et son drapé suggère la corpulence de la silhouette, selon un style inspiré d'images indiennes d'époque Gupta . Contrairement au Bodhisattva paré de riches atours, ce Bouddha se caractérise par une certaine austérlté en dépit d'une auréole à l'exécution plus élaborée. Sur la tête et le corps, les halos s'enjolivent de plusieurs cercles dont les interstices sont ornés de motifs florau x bordés de nuages à vocation propitiatoire. Datant de l'an 720, les statues bouddhistes du Temple de Gamsansa constituent des pièces monumentales d'une grande valeur artistique car elles témoignent de l'activité philosophique et culturelle de leur époque. S'il est à déplorer que leurs inscriptions ne fassent pas figurer le nom de leurs auteurs, ces œuvres attestent du haut degré technique qu'avait atteint la sculpture sur granit au VIII" siècle et qui allait jeter les bases de l'édification de la grotte de Seokguram, chefd'œuvre absolu en ce milieu du huitième siècle. Édifiée par l'homme, cette dernière abrite le Bouddha Sakyamuni qu'entourent trente-neuf gravures finement exécutées et représentant notamment des bodhisattvas et disciples de Bouddha, ainsi que les quatre divinités gardiennes. Considérée comme le summum de l'art sculptural à l'apogée du royaume de Silla, cette œuvre, ainsi que le Temple de Bul-

Été 2007

1

Ko reana 51


CHRONIQUE ARTISTIQUE

[A nl

l.f !!J - ~

Des artistes coréens en vedette a

l'ARCO 2007 La foire internationale d'art contemporain ARCO 2007 qui se déroulait à Madrid du 15 au 19 février dernier, compte parmi les cinq plus grandes manifestations mondiales du genre. Sung Ha-young Journaliste au « Wolganmisool » !texte et photographie )


« Run Run Run », Kwo n Ki-Soo, installation,

2007. 2

« Error », Gwo n Osa ng, 138 x 118 x 185 cm,

3

« For t he Wors hipper s », Noh Sa ng Kyoo n,

2005- 2006. insta llation, 2007.


« Va ri eta l Urba nu s Fema le », Choe U- Ram,

suppo rts dive rs, 197 x 216 x 142 cm , 2005-2006. 2

Stand de la Ga lerie es pag nole Lui s Ade lantado à la section gé néra le de l'ARCO

3

« Mu ta nt », Ji Ya ng- Ho, pn eu , bo is, mousse

2007. de polystyrène re nfo rcé, 125 x 11 0 x 110 cm, 2000.


P

ays du Greco, de Francisco Goya, Pablo Picasso et Joan

plus particulièrement dans les expositions intitulées « Projet » et

Miro, mais aussi du grand musée du Prado, l'Espagne

« Boîte noire », le comité d'organisation ayant, pour la première,

propose chaque année à Madrid sa « Feria lnternacional

répertorié les collections de neuf musées américains et

de Arte Contemporrâneo » [Foire internationale d'art contempo-

européens afin de découvrir, dans le domaine de l'art des

rain), une manifestation également connue sous le nom d'ARCO

médias, les créateurs les plus prometteurs qu 'exposent une

qui figure parmi les cinq premiers salons d'art mondiaux aux

quarantaine de galeries du monde. Cette même présentation

côtés de l'Art Basel suisse, du Frieze Art Fair britannique, de la

comportait également les œuvres européennes les plus récentes

FIAC française et de l'Armory Show new-yorkais. Sa vingt-

en matière d'art vidéo et interactif.

si xième édition, qui a attiré quelque deu x cent mille visiteurs, résonnait de l'enthousiasme et des sonorités caractéristiques de

Une ovation aux artistes coréens

l'action culturelle espagnole à laquelle le roi Juan Carlos avait

Les galeries coréennes présentes à l'ARCO 2007 ayant fondé

tenu à participer en personne en assurant la présidence de la

beaucoup d'espoirs sur les créations de leurs jeunes artistes,

cérémonie d'ouverture.

ceux-ci ont pleinement répondu à ces attentes, lorsqu'ils ne les

La Corée était présente à cette manifestation en qualité

ont pas surpassées. Présentes au nombre de quatre au sein du

d'invité d'honneur, ce qui constituait une première en Asie et

volet principal de cette manifestation et respectivement

offrait à la création artistique nationale l'occasion exceptionnelle

dénommées Gana Art Gallery, Kukje Gallery, Duru Art Space et

de se faire connaître du public européen tout en contribuant

Arario Gallery, elles ne côtoyaient pas moins de quatorze autres

fortement à l'essor des échanges culturels coréano-espagnols.

représentantes de l'invité d'honneur. Cette importante participa-

Le roi Juan Carlos, ainsi que le président Roh Moo-hyun, alors en

tion s'est traduite par la réalisation du plus gros chiffre d'affaires

visite d'État en compagnie de la première dame du pays, avaient

brut jamais enregistré au cours d'un seul salon, puisqu'il s'est

honoré de leur présence la cérémonie inaugurale qui rassem-

élevé à 2,4 milliards de wons, soit environ 2,6 millions de dollars,

blait nombre de personnalités, le 14 février, et à laquelle avait

pour la vente de trois cent vingt œuvres émanant de quatre-

accouru la presse internationale.

vingt-dix artistes exposés dans quinze galeries. Dès l'ouverture de la foire, c'est-à-dire le 14 février, collectionneurs d'art et

Une stratégie d'innovation L'ARCO, qui rassemblait cette année 271 galeries issues de

directeurs de galeries venus des quatre coins du monde ont témoigné tout l'intérêt qu'ils portaient à la création coréenne.

vingt-neuf pays différents, sert de tremplin aux artistes his-

La Sun Gallery, la Gallery Simon et la Gana Art Gallery

panophones contemporains qui souhaitent faire leur entrée sur

allaient ainsi respectivement céder une série de figures

le marché de l'art américain et européen . La nomination de

mélancoliques sculptées par Chun Sung-Myung, pour 50 000

Lourdes Fernandez à la direction de cette manifestation a

euros [60 millions de wons], l'œuvre de Noh Sang-Kyoon intitulée

bouleversé celle-ci dans la mesure où sa nouvelle directrice s'est

« Pour les adorateurs », pour 65 000 euros [80 millions de wons)

fi xé pour objectif prioritaire de découvrir et encourager les jeunes

et si x photographies de la série des pins réalisée par Bae Bien U,

talents en leur permettant d'accéder sans difficulté aux exposi-

au pri x unitaire de 60 000 euros [75 millions de wons).

tions. Si cette dernière édition a compté une participation limitée

Quant aux créations sur papier de Ham Sup [Galerie Bhakl,

de grandes galeries internationales, elle a su conserver un haut

tout comme aux œuvres de l'hyperréaliste Ahn Sung-Ha [Gana

niveau de qualité artistique tout en axant ses efforts sur la

Art Gallery], ou encore de Ji Yang-Ho [Gana Art Ga ~lery) et de

révélation de nouvelles générations d'artistes contemporains.

Song Hyun Sook [Hakgojael, il n'en restait plus une seule à la fin

Qu'ils soient venus de Corée ou de l 'étranger, les visiteurs sem-

du salon . Figuraient parmi les pièces les plus remarquées une

blaient unanimes à estimer que « l'ARCO, à laquelle il reste

sculpture métallique à antenne mobile de Choe U-Ram (Gallery

encore à s'imposer parmi les grandes foires de l'art que sont des

IHNl, les têtes animales composées de pneus recyclés de Ji

Bâle ou Cologne, exercera très certainement une énorme in -

Yang-Ho [Gana Art Gallery], les installations photographiques de

fluence à l'avenir. »

Gwon Osang [Arario Gallery) et les tableau x de style pop art dus à

Cette année, sans oublier un hommage à l'Espagne et au reste du monde hispanique, les organisateurs avaient voulu met-

Kwon Ki-Soo [Park Ryu Sook Gallery). Sachant que le prix de vente proposé par les galeries espa-

tre l'accent sur la participation des galeries asiatiques, comme

gnoles s'élevait en moyenne à 10 000 euros [12 millions de wons],

en atteste le titre d'invité d'honneur accordé à la Corée par

on ne peut qu'être impressionné par la valeur nettement

l'ARCO, qui porte beaucoup d'intérêt à l'art contemporain de

supérieure qu 'allaient atteindre les œuvres coréennes. Par-delà

cette région du monde et a d'ores et déjà accordé la même dis-

les recettes tirées de ces transactions, l'intérêt exprimé par les

tinction au Brésil pour l'édition prochaine afin de réaffirmer sa

acheteurs envers la jeune création coréenne a démontré tout le

vocation première de promouvoir l'art contemporain d'Amérique

potentiel commercial dont celle-ci était dotée, ses représentants

centrale et du Sud.

subissant un assaut de questions dès la fin de cette édition et se

Cette inlassable quête de nouveau x talents se manifesta it

voyant invités à exposer dans nombre de galeries et musées du Été 2007 1 Koreana

55


Madrid, dans un abattoir désaffecté, cette fois, lntermediae a permis de réaliser le projet d'art collaboratif « Minbak » en partenariat avec l'Art Center Nabi de Corée.

À cet effet, une cinquantaine d' auteurs coréens d'œuvres d'art des médias se sont joints à des étudiants de facultés espagnoles des beau xarts pour ouvrir de nouvelles voies à la création dans le cadre d'expositions et ateliers communs , mais aussi par l'existence d'une vie de groupe. Entre autres expositions proposées par des artistes coréens, il convient notamment de citer les « Quarante-neuf chambres» d'Ahn Kyu-chul qu'accueillait La Casa monde entier. Voilà bien le plus grand aboutissement d'une manifestation telle que l'ARCO.

Encendida, les photographies présentées par Joo Myungduck au Circula de bellas Artes, en tant que représentant du pays invité d'honneur et de l'esthétique spatiale traditionnelle de celui-ci, « Racines : déroulement d'histoires coréennes », qui

Thématique de la Corée d'aujourd'hui

mettait l'accent sur la culture asiatique traditionnelle par le biais

Sur le thème de la Corée d'aujourd 'hui [« Corea Ahora »),

d'œuvres présentées à la Biennale de Gwangju en 2006, ainsi que

était proposée, tant à Madrid que dans d'autres villes, une riche

« Reset », une exposition de design qui se déroulait à l'Arqueria

programmation comportant spectacles, projections de films et

à l'invitation du Ministère espagnol du Logement.

les sept expositions qui revenaient à l'invité d'honneur. Afin de se

Après avoir fait face à de nombreux écueils lors de la

démarquer d'une perception européenne de la Corée cantonnée

première phase des préparatifs de l'ARCO 2007, ainsi qu'à des

aux technologies de pointe et à la coupure nord-sud, ces mani-

points de vue divergents, au sein du Comité d'organisation de ce

festations se sont attachées à en faire découvrir les arts et la cul-

salon, quant à la sélection des galeries et artistes exposants, les

ture par la présentation d'un panorama de son histoire, de ses

organisateurs coréens sont parvenus à mener à bien la mise en

traditions et de sa société moderne.

œuvre de programmes qui ont été couronnés de succès. Cette

L'accueil le plus chaleureux a été réservé à la rétrospective

manifestation aura ainsi eu le grand mérite de fournir l'occasion

de l'œuvre de Paik Nam June qui se déroulait à la Fondation

de dresser un état des lieux de l'art coréen et d'en définir les per-

Telefônica de Madrid sous le titre « La Corée vue par Paik Nam

spectives futures. t.t

June : le fantastique et l'hyperréel » et qui réunissait quatre-vingtsi x œuvres provenant de prestigieux musées, d'entreprises et de collections privées coréennes pour offrir un panorama de l'art vidéo caractéristique de ce créateur. Le Museo Nacional Centra de Arte Reina Sofia [Musée d'art moderne et contemporain de la Reine Sophie) lui consacrait une autre exposition intitulée « Première génération : art et image en mouvement, 1963-1986 », afin d'en définir le contexte historique à titre complémentaire. Dans plusieurs cas, le lieu des manifestations portant sur la Corée a séduit tout autant que les œuvres elles-mêmes, par son caractère non conformiste, comme ce Canal de Isabel, une tour de stockage d'eau recyclée convertie en espace d'exposition. Dix jeunes créateurs, au nombre desquels figuraient Lee Yang Baek, Kim Kira et Jung Eun Young, y présentaient l'exposition « Une affaire d'urbanité, entre autres », dans laquelle ils exploraient une thématique urbaine centrée sur la conception architecturale de cette structure. Autre espace culturel aménagé par la Ville de 56 Koreana I Été 2007

2

En tant qu ï nvité d'honne ur. La Co rée prése nta it une ex pos ition tempora ire consac rée au présent et à L'ave ni r de L'a rt co rée n.« Com muni cat ion/ Tra nspo rta ti on », du vid éaste Pa ik Nam June. in sta llati on . 657 x 160 x 25 0 cm. Réalisée pa r Ahn Kyu-chu l, l' œuvre « Forty-nin e Roo ms » traduit La « press ion énorme qui règne au sei n de La sociét é co rée nne», pour rep rend re Les termes des cri tiqu es d' art es pagnols .


1-3 Sous le ti tre« Reset » , une exposition de design coréen était présentée à l'Arqu eria, un site d'expositi on géré par le ministère es pag nol du Logement. 4-5 Une cin quanta in e d' artistes co rée ns et étudi ants es pagn ols ont participé au projet co llecti f d'art médiati que « Minbak » afin d'e n déco uvrir les nouve lles fro ntières lors d'ateli ers et d'expositio ns.



Philippe Tirault Grand admirateur de l'habitat traditionnel coréen De tous les résidents étrangers de Corée, Philippe Tirault est peut-être celui qui apprécie le plus les« hanok », des maisons de type traditionnel comme il s'en trouve encore beaucoup à Bukchon, un quartier de Séoul qui conserve jalousement les traces de son passé. Lee Soo Jin Rédactrice occasionnelle

I Ahn Hong-beorn Photographe

près avoir désigné un quartier administratif aujourd'hui

tian à celui de Seongbuk-dong, où il occupait une maison de 595

disparu, le toponyme de Bukchon englobe maintenant

mètres carrés.

ceux, historiques, de Gahoe-dong, Jae-dong, Gye-dong et

« Si mon emménagement dans un « hanok » a été si tardif,

Samcheong-dong. Dans l'ancien temps, il se composait des

c'est pour plusieurs raisons et, en premier lieu, à cause des nom-

localités situées au nord d'une ligne correspondant au ruisseau

breux obstacles auxquels se heurtent les étrangers dans l'acqui-

dit Cheonggyecheon et aux rues de Jongno. Sous la dynastie

sition d'un bien immobilier en Corée. En outre, jamais je n'aurais

Joseon (1392-1910). sa proximité immédiate avec le palais royal

imaginé que je dénicherais un tel logement en plein coeur de

en faisait un emplacement idéal où s'établirent les fonctionnaires.

Séoul car les pouvoirs publics semblent généralement plus

À son extrémité opposée, s'étendait au pied du Mont Namsan un

soucieux d'urbanisme que de conservation du patrimoine, en dépit

ensemble de villages regroupés sous le nom de Namchon et où

de ses origines historiques anciennes, qui remontent à près de six

demeuraient les aristocrates de la classe des « yangban »,

siècles. Grâce à l'adoption par la municipalité, en l'an_2000, d'un

lesquels n· occupaient pas de fonctions étatiques.

plan d'action destiné à la protection du quartier de Bukchon, de nombreux « hanok » ont échappé à la tourmente de l'aménage-

Un modèle d'habitat

ment urbain. »

À Bukchon et Namchon, subsistent à ce jour plusieurs groupes épars de « hanok » vidés de leurs habitants car frappés

Entre tradition et modernité

de vétusté dans ce premier secteur, mais résonnant toujours des

Aussitôt installé dans son nouveau logis, qu'une rénovation

bruits de la vie dans le second. C'est dans l'un des quelque neuf

avait rendu immédiatement habitable, Philippe Tirault allait se

cent vingt logements de ce type émaillant le dédale des ruelles de

passionner toujours plus pour les« hanok » et se mettre en quête

Bukchon, où passé et présent coexistent merveilleusement, qu'a

d'un second afin de participer directement à sa restauration . C'est

élu domicile un ressortissant français répondant au nom de

ainsi qu'il allait faire l'acquisition de son actuel logement, dont

Philippe Tirault. Pour ce consultant principal à l'agence américaine de recrutement de cadres Korn Ferry International, le« hanok » était

l'état de délabrement allait exiger pas moins de six mois d'un travail continu et minutieux pour parvenir à ce « hanok » de rêve d'une superficie de quatre-vingt-seize mètres carrés.

un rêve qu'il caressait depuis son arrivée, en 1985, et qui allait

« J'ai eu la chance de trouver un bon architecte, avec qui être

enfin se réaliser une première fois, dix-huit ans plus tard, dans le

en contact et dialoguer tout au long de ce chantier de six mois, sur

quartier de Bukchon, qu'il allait préférer sans la moindre hésita-

lequel je passais matin et soir pour assister à ces travaux de haute Été 2007 1 Koreana

59


T précision. C'est une expérience que je n'oublierai jamais. » Contrairement aux chevrons en pin d'origine, qui ont été conservés et restaurés, un treillage neuf a dû être posé aux fenêtres et il a fallu aussi créer les éléments intégrés du mobilier, placards ou tiroirs, par exemple. Pour des raisons de confort et de commodité, la salle de bains n'a pas été aménagée à l'extérieur du local, comme c'était le cas autrefois. « Mon logement actuel ne reproduit donc pas intégralement un « hanok » authentique, objectif par ailleurs impossible à réaliser, et ce, non pas en raison de mes origines occidentales, mais de l'époque à laquelle nous vivons. Je pense que pour constituer un lieu de vie agréable, le « hanok » doit prendre en compte un certain degré de modernité. J'aime à le concevoir comme un espace alliant l'aspect fonctionnel d'un logement moderne à l'esthétique d'une construction traditionnelle, ce qui exige la mise en œuvre des moyens nécessaires à l'entretien régulier et à la rénovation de ce bâtiment. Dans le cadre du plan de réhabilitation du quartier de Bukchon, la Ville de Séoul répond opportunément à cet impératif par un financement quinquennal à hauteur de trente millions de wons. » Tel un produit artisanal élaboré avec savoir-faire et selon des procédés élaborés, ce douillet intérieur possède sa chambre à coucher, son salon, sa salle de bains et sa minuscule cuisine obéissant à un parfait agencement, mais c'est la vue panoramique du quartier et, au-delà, du centre-ville qu'offre la deuxième de ces

60 Korea na I Été 2007

pièces par ses baies vitrées que l'occupa nt des lieux affirme apprécier le plus. De l'extérieur, le regard est aussitôt frappé par les lignes de la toiture épousant parfaitement la forme de la colline située en vis-à-vis, tandis que par-delà ce paisible spectacle, s'étend l'alignement sans fin des grands immeubles si caractéristiques de la Séoul moderne, semblant évoquer toute l'histoire de la ville par ce contraste saisissant. Un doux voisinage « Ce tronc de pin tordu qui parcourt le plafond de ma chambre à coucher n'est rien d'autre qu 'une forme d'expression artistique par sa capacité à faire entrer la nature dans la maison . Quoi de plus romantique que d'écouter tomber la pluie sur l'ava nt-toit, assis dans le « maru », devant chez soi ... » Aux yeux de son occupant, tout le charme du « hanok » réside dans cette minutie du détail qu'il affectionne, un peu comme la Corée et son peuple, qu'il qualifie d' « émotif» et dont le fort sentiment identitaire lié à la culture et à l'histoire nationales s'apparente beaucoup à celui des Français, très différents en cela des Allemands, Britanniques et Italiens. En outre, les Coréens sont pour lui d'un tempérament enthousiaste, curieux et généreux, parfois jusqu'à l'excès, et alors qu 'un voyage d'affaires d'une semaine au Japon l'avait laissé perplexe en raison de la réserve manifestée par ses interlocuteurs dans leurs relations mutuelles, il ne tarit pas d'éloges sur le ca-ractère


2 3 4 5 6

Dans l'é léga nt salon de son« hanok » , Philipp e Tirault a su recrée r l' ambi ance chaleureuse de cet habitat traditionn el au moyen de« se okkarae », des chevro ns fi xés en trave rs des lattes du« marutda e », qui so uti ent le« maru », du« dari » et du pa nneau de bois dit« bo », mai s aussi en opta nt pour un mobilier d' antiqui té . La décoration est to ut aussi soignée su r la clôture mi toye nn e et de s bambo us pousse nt da ns le jardin. Clôture ornementée de motifs traditionnels coréens à l'esthétiqu e résu lta nt d'u ne harmonie entre tracés rectilignes et courbes gracieuses. Des objets artisanaux en pierre agréme nte nt la cou r intérieu re dont l'écla irage indirec t crée une ambiance pai sib le. L'occupant du « hanok » a choisi lui - même les objets et meubles d'anti quité qui orn ent so n intérieur. Parmi les passe -te mps qu'il s·est découverts depuis peu, Philippe Tirault aime à co llectionn er les figurines de bois traditi onn elles dites« kkokdu » qui prenaient place sur les cerc ueils anciens I« san gye o »].

chaleureux des gens d'ici, qu'il s'agisse de personnes rencontrées dans la rue ou d'habitants du quartier dont il s'est fait l'ami.

« Les différents arts coréens sont d'une qualité exceptionnelle. Je possède des œuvres de Kim Chang-Yuel (né en 1929). de

Plus qu 'un simple lieu de vie, le « hanok » représente pour lui

Lee Man-lk (né en 19381 et de Park Seo-Bo (né en 19311. J'écris

un moyen de découvrir la culture coréenne dans sa quintessence.

actuellement un livre sur la céramique coréenne et je tiens une

À la question de savoir par quoi se différencient les habitations

galerie appelée « Minhwa à Paris » », précise Philippe Tirault, en

traditionnelles françaises et coréennes, il évoque aussitôt leurs

soulignant la finesse de perception spécifique de la culture

dimensions et, de fait, il s'avère malaisé d'établir un parallèle

coréenne, dont l'esthétique est à ses yeux de nature plus

entre leurs autres aspects, parce que ceux-ci sont le produit

émotionnelle que technique, comme en attestent l'expressivité et

d'influences culturelles. En France, la maison familiale de

le raffinement atteints par quelques coups de pinceau.

Philippe Tirault est une construction de style néoclassique datant

« Rares sont les étrangers qui connaissent l' exj stence de

du dix-huitième siècle et située sur un domaine de neuf mille neuf

Bukchon, même après un séjour de plusieurs années à Séoul. Les

cents mètres carrés agrémenté d'un jardin à la française. C'est

étroites ruelles qui rendent le stationnement très difficile dans ce

dans cette demeure ancienne d'Angers, une ville du Val de Loire

quartier donnent de celui-ci une impression de désuétude, alors

se trouvant à quelque deux cent cinquante kilomètres de Paris

qu'il constitue en réalité un village parfaitement mondialisé. Mes

que vivent ses parents et qu'il a lui-même passé son enfance, d'où

voisins s'expriment souvent avec aisance en anglais, certains par-

son choix d'habiter aussi une maison traditionnelle en Corée.

lant même couramment le français , comme j'ai pu le constater par nos conversations. »

Un amateur d'art coréen Philippe Tirault a orné son « hanok » de meubles d'antiquité,

Au-dessus du« maru », le ciel semble se détacher du faîte du « hanok » voisin et dans la cour de celui de Philippe Tirault, cet

céramiques du XIII ' siècle, gravures à l'encre du XIX' et tableaux

habitant de Bukchon qui ne dédaigne pas d'emprunter l'autobus,

contemporains témoignant d'un amour inné de l'art auquel ses

se trouve un banc de bois où il aime à se reposer l'été, en regar-

origines fami-liales ne sont pas étrangères, puisque son père

dant les étoiles. Affirmant qu'il quittera la Corée dès qu'il ressen-

possédait des ta-lents de peintre tandis que son oncle était artiste

tira le moindre ennui, il précise tout aussitôt, avec un sourire

de profession, et l'on imagine sans peine que ces dispositions

complice, que cela ne s·est jamais produit en ces vingt-deu x

naturelles allaient se développer au contact de la culture

années de vie dans le véritable kaléidoscope que constitue ce

coréenne et grâce à ses propres dons artistiques.

pays. t,;t Été 2007

1

Koreana 61


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Paik Kun-woo

apporte un nouveau souffle au répertoire classique Le grand pianiste coréen Paik Kun-woo, dont le prestige s'étend par-delà les frontières, tire notamment son renom de l'exécution d'ensembles complets d'œuvres musicales, don t cette intégrale des trente-deux sonates pour piano de Beethoven qu'il interprétera lors de ses concerts du mois de décembre prochain . Jake T. Ryu Rédacteur en chef d' «Auditorium »

s

i {avais

à me prononcer· sur· les mér·ites comparés

Concer·to pour· piano n° 3 de Sergei Vasilievich Rachmaninoff.

des pianistes coréens actuels, me viendrait immédiatement à l'esprit. comme

à beaucoup

Un jeune prodige

d'autres da11s ce cas, le nom de Paik Kun-woo, cet artiste né

L'année 1969 fait déJà la renommée de l'artiste, qui

en 1946 et aujourd'hui plus adulé encore que son épouse

1·empor-te les plus hautes distinctions lors des Concours

elle-même, une actrice pour·tant des plus célèbres en

internationaux Leventr·itt. Walter Naumbur·g et Busoni. puis

Corée. Dernièrement. il enregistr·ait deux albums rassem-

trnis ans plus tard. à l'âge de 26 ans. se distingue dans

blant lïntégr·ale des sonates pour piano de Beethoven chez

l'univer·s du répertoire classique par son exécution de

Decca, la grande enseigne internationale de l'édition musi-

l'ensemble complet des œuvr·es du compositeur Francais

cale dont le siège se situe près de Londres.

Maurice Ravel 11875-1937). à l'Alice Tully Hall de New York.

C'est dès l'âge de huit ans que s'initie au piano cet

Il fit alors une telle impr·ession sur la critique que l'on put

enfant né à Séoul d'une mère organiste et d'un père vio-

lir'e ces lignes : « Tandis que les plus illustres spécialistes

loniste qui va l'encourager sur· la voie de l'ar·t musical en

de Ravel que sont notamment les pianistes francais Robert

soulignant l'importance de con11aître ceux de l'Orient et de

Casadesus. également compositeur 11899-19721. et alle-

l'Occident. Fort de ces convictions, le Jeu11e garçon par·t en

mand, Walter Gieseking 11895-1956], ne s·éta ient Jamais

1961 pour les États-Unis afin d'y entreprendre des études

lancé à eux-mêmes parei l défi. le Jeune Paik Kun-woo s·est

destinées à parfair·e sa compréhension de la culture arien-

vu couronner de succès pour avoir eu le colll·age de prendre

tale par l'acquisition de connaissances sur celle du monde

un tel r·isque, par une interprétation aussi exquise que ta-

occidental. Après une scolarisation au lycée d'art de New

lentueuse du début jusqu'à la fin ». À son r·etour en Corée,

York, suivie de l'entrée à la Juilliard School. il fera en 1965

en 1995, le musicien y jouera à nouveau cette intégrale lors

ses débuts au Carnegie Hall de New-Yor·k. où il interprète le

d'un concer·t long de plus de trois heures.

62





ancienne espoirs d'avenir Marais d'Upo, Mont Hwawangsan et thermes de Bugok comptent parmi les attraits naturels de la région de Changnyeong, dont les multiples vestiges artistiques et trésors nationaux présents en

Séoul

divers points attestent par ailleurs d'un riche passé. Bae Han-Bong Poète I Ahn Hong-beom Photographe

• Changnyeong



68 Koreana I Été 2007


Q

uand arrive le printemps, vallées et berges des

l'année prochaine en Corée.

rivières se couvrent de fleurs, tandis que s'épaissit

Un marais étant constitué d'une étendue de terre

l'ombre sous la frondaison donnant plus d'altitude

recouverte en permanence d'eau x stagnantes , la

au x cimes des montagnes et que les cours d'eau semblent

végétation aquatique y assure une indispensable fonction

s'écouler plus impétueusement au creu x de lits plus

d'épuration empêchant celles-ci de devenir fétides par

amples. Voilà le spectacle s'offrant à la vue dans le canton

l'élimination des déchets organiques. Sous ces eaux d'une

de Changnyeong-gun qu'abrite en son centre la province

faible profondeur et d'un aspect laiteux qui ondoient au

de Gyeongsangnam-do et que baigne le Nakdonggang .

moindre souffle de vent, le sol est tapissé de matières

C'est là que se trouvent le berceau de l'écosystème coréen

organiques qu'envahit une végétation créant au pied un

qu'est le marais d'Upo, ainsi que le Mont Hwawangsan, qui

effet spongieux.

accueille le seul festival corée n du feu d'artifice et

Le marais d'Upo abrite une flore d'une grande variété

cons-titue un lieu de tournage très prisé des cinéastes,

comprenant les lentilles d'eau [spirodela polyrhiza). les

ma is aussi une station thermale particulièrement

chataîgnes d'eau [trapa japonica Flerov) et l'hydrocharis

fréquentée , Bugok. Lieu touristique réputé pour ses

dubia. Sous le soleil, cette couverture végétale semble une

trésors historiques classés au patrimoine national,

étoffe de soie verte chatoyant de mille reflets. À perte de

Changnyeong célèbre l'union harmonieuse de l'homme

vue, le marais étend ses eau x sur une superficie de plus de

avec la nature.

deux millions de mètres carrés qui représente sans conteste la plus vaste zone humide naturelle de Corée.

L'écosystème du marais d'Upo

L'observatoire fournit une vision panoramique de ces

Dotée d'un relief extrêmement rocheux, la géographie

lieux, où apparaissent çà et là hérons gris ou des neiges,

cor éenne offre peu de plaines étendues et donc de

canards à bec tacheté , gallinules poules-d 'eau, entre

marécages, cette rareté excitant d'autant plus curiosité et

autres espèces, ainsi que des bandes d'oiseaux migrateurs

imagination . Celui d'Upo présente un riche milieu naturel

tantôt paisiblement à la recherche de nourriture, tantôt

qui lui vaut une protection particulière suite à son classe-

prenant vigoureusement leur envol, et il se dégage une

ment sur la Liste des grands marais du monde, en mars

impression de totale quiétude de ce décor environné de

1998, dans le cadre de la Convention de Ramsar, un disposi-

toutes parts de montagnes.

tif, parfois qualifié d'« Olympiades de l'environnement », dont la prochaine Assemblée générale se déroulera

Après avoir quitté ce point de vue, la promenade se poursuit sur les rives où prospèrent roseau et miscanthus saccharif/orus, tandis que la quenouille [scirpus maritimus). le riz sauvage (zizania latifolia) et le scirpus /acutris croissent en contrebas, oiseau x migrateurs et

C'est près du marais d'Upo, p em1er de Corée par sa superf1c,e et v ntabl labordtoirC" dl' c;cie'lCE.'<; ecologiques par les merveilles Ql.e recèle son exceptionnel m1l1eu naturel, que se tiendra en 2008 la prochaine '>C"c;s1on d" la ConvE.'ntion de Rarnsar, souvent qualifiée d' << OlyMp1ades de t'environnerne'lt ».

insectes aquatiques y trouvant refuge pour échapper à leurs prédateurs naturels. Au cœur du marais, prospèrent aussi plusieurs variétés de saule, comme le salix glandu/osa ou le salix gracilistyla, créant un paysage de forêt vierge. Cette abondante flore offre un habitat P.rop ice à la prolifération et à la survie de nombreux microorganismes. Subdivisé en quatre étendues distinctes dénommées

Été 2007

1

Ko reana

69


Upo, Mokpo, Sajipo et Jjokjibeol dont l'ensemble forme

fréon ou autres fluides frigorifères, les Coréens du temps

une vaste superficie, le marais d'Upo favorise des cycles

jadis savaient ainsi produire et conserver la glace à leur

biolog iques fondamentau x vieux d'environ cent quarante

gré, un tel génie scientifique ayant de quoi laisser pantois.

millions d'années. Microorganismes, plantes aquatiques,

Non loin de là , on parvient au parc Manokjeong où se

cipangopaludina chinensis malleata, poissons et oiseau x

dresse le Cheokgyeongbi, un monument de pierre cons-

composent une flore et une faune rassemblant plus de

truit par Jinheung, un souverain de la dynastie Silla, et

trois cent cinquante espèces qui valent à ces lieux d'être

aujourd'hui classé Trésor national n° 33 cari! constitue le

qualifiés de « musée vivant des sciences naturelles » ou

plus ancien en son genre de toute la péninsule, puisqu'il fut

encore de « réserve naturelle primordiale ».

élevé en 561 en mémoire de l'annexion par ce royaume de

Quand recule l'ombre allongée des arbres, l' euryale

celui de Bihwa Gaya . Changnyeong se flatte aussi de

ferox aux habits de fleurs épineuses et le monochoria korsakow, pour ne pas être en reste, redressent leur odorant

posséder celui de Cheokhwabi, car il figura parmi les pre-

panache fleuri et tout alentour se colore d'un pourpre

toire en 1871 , comme autant de mises en garde à l'inten-

éclatant, l 'e nsemble de ce cadre exceptionnel révélant

tion des grandes puissances occidentales et de leurs

alors ses innombrables merveilles.

miers dont le prince régent Daewongun émailla le terri-

menées impériali stes. Enfin, après nombre de démontages et reconstructions successives, ne subsiste

Vestiges antiques

aujourd'hui du troisième, sorte d'auberge rustique

Au x confins du marais d'Upo, se situe l'agglomération

dénommée Gaeksa, que la charpente de bois no ir qui

de Changnyeong où, passé les bureau x de l'administration

atteste par un assez bon état de conservation et l'absence

cantonale, se trouve le Trésor n° 310 dit Changnyeong

de toute fixation métallique, du haut degré de savoir-faire

Seokbinggo, qui consiste en une glacière partiellement

acquis au cours des trois ou quatre siècles derniers dans

enterrée en dalles de granit d'époque Joseon [1 392-1910].

le domaine de la construction.

Longtemps avant l'apparition de l'électroménager et du 70 Korea na I Été 2007

À Suljeong-ri, s· élève une pagode en pie r re à trois


étages d'une conception remarquablement sobre, voire naïve, et malgré la perte de son faîte, on la rapproche de celle de Seokgatap, qui orne le temple de Bulguksa, à Gyeongju, dont la construction remonterait à peu près à la même époque. Elle est dite de l'est, par opposition à celle qui se situe à l'ouest de Suljeong-ri. Constitutifs du Site historique n° 80 et évoquant une enfilade de petites hauteurs gazonnées, les tertres funéraires de Gyodong abriteraient des tombes royales datant du royaume de Bihwa Gaya, dont pas moins de mille douze reliques sont présentées dans le musée adjacent de Changnyeong, aux côtés de reconstitutions de tumuli .

Au Mont Hwawangsan En toute saison , les randonneurs sont nombreux à entreprendre l'ascension du Mont Hwawangsan, qui, le printemps venu, voit ses versants flamboyer d'azalées écarlates, puis à la saison chaude, offre à l ' esprit la fraîcheur revitalisante de ses cascades et des cours d'eau de sa vallée, tandis que de vastes étendues d'herbages aux

Sur les versants du Mont Hwawangsan, où rougeoient les azalées en fleur quand vient le printemps, se dresse la Forteresse de

reflets dorés se déploient en son sommet rappelant un bol

Hwawangsan, ouvrage de pierre d'un périmètre extérieur de 2 600

inversé. À l'automne, il revêtira son éclatant feuillage mul-

mètres qui constitua l'un des bastions stratégiques assurant la

ticolore qui disparaîtra bien vite sous le blanc manteau de

défense de la région de Changnyeong.

neige immaculée de l'hiver, où s'embrase un immense feu d'artifice unique en son genre quand vient le temps des brûlis. C'est par la route qui relie la vallée d'Okcheon à la commune de Gyeseong-myeon, distante d'une quinzaine de kilomètres de celle de Changnyeong, que le voyageur parvient au Mont Hwawangsan où se niche le sanctuaire de Silla Gwallyongsa, lequel a pour principaux attraits les trésors culturels classés que constituent le temple de Yaksajeon et la figure d'un bouddha assis sur un rocher incorporé à l'édifice de Yongseondae. Après s'être incliné trois fois à son entrée dans le pavillon central, le visiteur reprend son ascension jusqu'au sommet du Mont, franchissant une crête où s·est déroulé le tournage d'un feu illeton télévisé historique intitulé « Heo Jun (1546-1615] » et consacré au légendaire médecin qui vécut sous la dynastie Joseon, entre autres séries à succès telles que « Jumong », « Daejanggeum »et« Sangdo ». De fait, le pittoresque de ce magnifique paysage apparaît tout autant à l'écran que dans la réalité.

À quelques pas de là , se dresse une forteresse, imposant ouvrage défensif où, en 1592, le général Gwak Jaeu passa à la postérité en boutant l'envahisseur japonais hors de Corée, puis le voyageur arrive à trois« yongji », des plans d'eau alimentés en eau de source où il pourra étancher sa soif. En entamant sa descente, il aperçoit dans la vallée le village de Yeongsan, célèbre pour le mouvement d'indépendance qui s'y déclencha en premier lieu dans la province de Gyeongsangnam-do, le 1er mars 1919, Été 2007

1

Korea na 71


un événement historique que le Festival folklorique du même nom commémore chaque année, du

1 er

au 4 mars.

Il se manifesta par la résistance non violente qu "opposa le peuple à lïmpérialisme japonais pour lui arracher sa souveraineté nationale, les villageois de Changnyeong faisant ainsi figure de Gandhi coréens. Renouveau de la culture populaire

Tout voyageur se rendant à Yeongsan se doit d'en avoir découvert le jeu traditionnel classé Important bien culturel immatériel n° 25 et dénommé« Yeongsan Soemeoridaegi » . Celui-ci consiste à assembler des branches de pin pour créer une armature en forme de vache que les deux équipes porteront sur leurs épaules et sur laquelle sont juchés un général, un lieutenant général et un comman-

Témoignant de la survivance des activités régionales traditionnelles, les habitants de Changnyeong participent chaque année au Jeu populaire dit« Yeongsan Soemeoridaeg1 », tandis qu'à l'entrée du village, montent la garde les« poteaux des esprits», monuments de pierre qu'élevèrent leurs ancêtres. D'énormes tertres funéraires datant d"un millénaire et demi constituent un héritage culturel apportant de précieuses informations sur les Coréens anciens de Changnyeong.

72

Koreana I Été 2007


dant-major pendant que leurs troupes s 'affrontent pour désarçonner les dirigeants adverses. Autre jeu populaire transmis au fil des générations et classé Important bien culturel immatériel n° 26, le tir à la corde de Yeongsan se pratique au moyen d'énormes cordages« mâle» et« femelle» longs d'environ cent cinquante mètres et oppose les habitants de localités rivales. Nés de la coopération et de la solidarité indispensables à la survie des communautés paysannes, ces parodies de combat devraient être prises pour modèle afin de se départir de l'individualisme qui règne en maître dans la société actuelle. Notre périple s'achève aux célèbres thermes de Bugok dont les eau x, caractérisées par une haute teneur en soufre et minéraux, possèdent des effets bienfaisants con-

tre les affections physiques en tout genre, notamment dermatologiques, gastro-intestinales, névralgiques, cardiovasculaires, ainsi que de nature féminine et, à la seule vue de la vapeur qui s'élève de cette source chaude, le curiste se sent gagné par d'inoubliables impressions. Bénéficiant d'une forte fréquentation tout au long de l'année, Bugok s'est dotée d'installations d'hébergement, sportives et de loisir modernes qui lui ont permis d'être répertoriée parmi les zones spéciales d'économie touristique. Après avoir découvert les agréables rues bordées d'arbres qui agrémentent cette station, les adeptes du thermalisme se plongeront dans son eau de source, qui leur procurera un soulagement immédiat garant d'un regain d'énergie, tout en leur apportant la fraîcheur par les températures les plus caniculaires. i.t

Été 2007

1Koreana 73


CUISINE

Des entre1Tiets frais de saison Si la gelée de fruit est toujours associée à la cu isine occidentale, elle se consomme aussi en Corée sous forme de « gwapyeon », une préparation traditionnelle réalisée avec le fruit dénommé « aengdu » en deu x variantes tout aussi rafraîchissantes l'une que l'autre à la saison chaude, l'« aengdupyeon » et l'« aengduhwachae » . Chun Hui-jung Professeur à l'I nstitut de gastronomie coréenne de l'Université féminine de Sookmyung Bae Jae-hyung Photographe


En raison de son bel aspect,

« aengdu » est une petite cerise rouge issue d'un arbuste de la famille des

l' « aengdupyeon » figurait toujours en

rosacées, qui porte le nom botanique de prunus tomentosa Thunberg et ne

bonne place sur les tables lors des fêtes

et autres occasions, mais constituait aussi l'un des mets favoris de la famille royale. Selon la tradition, sa consommation est étroitement liée aux festivités se déroulant au cinquième jour du cinquième mois lunaire, le Dano.

dépasse pas deux à trois m ètres de hauteur. Entre la fin mars et le début avril, cette variété se couvre de fleurs blanches et roses qui donnent en juin de petits fruits rouges arrondis possédant un goût à la fois acidulé et légèrement sucré, car riches en saccharose, acides citriques et maliques, ainsi qu 'en pectine, une substance utilisée comme épaississant dans l'alimentation, notamment pour la confection de gelées. Cette composition conférant à l'« aengdu » des vertus contre la fatigue, les Coréens le dégustent surtout l'été, après en avoir délicatement retiré le noyau particulièrement gros, notamment pour préparer des « aengduhwachae ». De multiples usages

c ·est à l'époque des Trois Royaumes, c·est-à-dire entre le 1•r siècle avant. J.-C. et le VII" siècle, que remonte la consommation des fruits du ragouminier, arbuste auquel convient pratiquement tout environnement qui bénéficie d'un généreu x ensoleillement et agrémente de ce fait nombre de jardins ruraux. Principalement destinées à la confection del'« aengdupyeon » et del'« aengduhwachae », ces petites cerises se prêtent aussi à celle de gelées, confitures et vins. Il est fait mention de cette première préparation dès 1670, dans un traité intitulé « Eumsikjimibang » , ainsi qu· en 1815, dans l'encyclopédie féminine du « Gyuhapchongseo » et auparavant, dans un livre de recettes édité en 1800 sous le titre « Siuijeonseo » . Par la suite, il apparaîtra également dans d'innombrables ouvrages culinaires. Quant au « gwapyeon », il s'agit d'un entremets traditionnel également à base de ce fruit, que l'on additionne toutefois de sucre pour en adoucir le goût aigrelet, avant de le fa ire bouillir, d'épaissir à l'aide d'amidon le sirop ainsi obtenu, de mettre celui-ci à refroidir dans un récipient, puis. une fois gélifié, de le découper en petites portions de la taille d'une bouchée. Sont également adaptés à cette préparation la fraise, la prune, le cédrat, appelé« yuja » en coréen, ainsi que la baie de schizandra dite « omija » et le raisin, et c'est par un procédé analogue que sont réalisés des produits en conserve de style occidental, comme les confitures et gelées. Par comparaison à ces dernières, le « gwapyeon » coréen présente toutefois la particularité d'une conservation beaucoup plus courte car ne recourant pas à des épaississants à base de gélatine animale au x extraits de fruit, mais à des amidons d'origine végétale s'obtenant en particulier de certaines variétés de légumes, notamment le haricot mungo dont la texture légère est jugée parfaite dans ce cas précis. Si les gelées à l'occidentale Été 2007 1 Korea na

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font aujourd'hui les délices du consommateur coréen, le« gwapyeon » traditionnel n'en continue pas moins d'occuper une place à part dans une gastronomie nationale extrêmement diverse.

Régal des yeux À la finesse d'une saveur aigre-douce délicieuse au palais, s'allient des tons et textures qui le sont tout autant pour le regard, ce qui vaut à l' « aengdupyeon » de figurer aujourd'hui encore en bonne place sur les tables des banquets et autres repas de fête, comme jadis sur celle des monarques. C'est lorsqu'il emploie un quelconque fruit de saison que les qualités gustatives en sont appréciées au mieux. Le « gwapyeon » se décline ainsi en différentes variantes donnant lieu à des appellations telles quel'« aengdupyeon » rouge ou le« yujapyeon » jaune respectivement à base d'« aengdu » et de« yuja », tandis que le« gwapyeon » vert utilise du kiwi, par exemple, mais le premier de ces fruits est privilégié par sa haute teneur en acides organiques et en pectine. Comme toute confiture ou gelée, le« gwapyeon » exige d'éviter une température de cuisson trop élevée dont pourraient pâtir la transparence et la consistance du produit fini. Boisson rafraîchissante dont la composition varie d'une région à l'autre, l'« aengduhwachae » est étroitement lié aux réjouissances qui marquent le Dano, nom donné au cinquième jour du cinquième mois figurant au calendrier lunaire. Sa préparation consiste à plonger des fruits dénoyautés dans du miel additionné d'eau sucrée ou miellée, voire du jus exprimé d'« aengdu », l'adjonction de la pulpe de celui-ci accentuant encore la saveur de cette préparation . Enfin, « gwapyeon » comme« hwachae » peuvent aussi substituer la cerise classique à l' « aengdu ». t.t


« Aengdupyeon »

Ingrédients 2 1/2 verres d'« aengdu » 3 verres d'eau [ou d'extrait de fruitl 1 verre de sucre

« Aengdu Hwachae »

1/ 2 verre d'amidon de haricot mungo 1/2 verre d'eau [pour diluer l'amidon de haricot mungol

1/8 cuillerée à thé de sel 2 cuillerées à soupe de miel Préparation ôter les queues d'« aengdu » et faire bouillir les fruits dans une casserole. Sucrer, puis passer l'extrait résultant au tamis et retirer les noyaux.

2 Préparer environ 2 1/ 2 verres d'extrait d'« aengdu ». Faire chauffer dans une casserole à fond épais et sucrer. Lorsque le mélange bouillonne, faire cuire à feu doux. 3 Mélanger 1/2 verre d'amidon de haricot mungo dans 1/2 verre d'eau pour obtenir une consistance moelleuse. Ver-

Ingrédients

ser peu à peu ce mélange dans l'extrait d'« aengdu » sans

2 verres d' « aengdu »

cesser de remuer. Réduire le feu et écumer.

4 Lorsque la gelée commence à prendre, réduire le feu pour éliminer le résidu liquide et quand elle prend la consis-

1 cuillerée à soupe de pignons 3 verres d'eau 1 verre de sucre

tance et la transparence voulues, verser cette préparation dans un récipient rectangulaire d'une hauteur d'environ

Préparation

deux centimètres pour permettre une découpe esthétique.

1 Nettoyer les « aengdu » et retirer les noyaux soigneuse-

5 Laisser refroidir et servir en petites portions de la taille d'une bouchée.

ment pour ne pas abîmer le fruit. 2 Faire bouillir deux verres d'eau sucrée et laisser refroidir. 3 À l'aide d'un mixeur, écraser la moitié des « aengdu » en purée en y ajoutant un peu d'eau, puis en tamisant si la consistance est trop épaisse.

4 Verser cet extrait dans un bol à punch avec l'autre moitié des « aengdu » , puis ajouter l'eau sucrée et garnir de pignons. 5 On pourra aussi tremper les fruits dans du sucre, de l'eau sucrée ou un extrait d'« omija » .

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REGARD EXTÉRIEUR

La magie de la musique En parlant« vrai», en étant sincère, on se comprend, quelle que soit la différence culturelle. Le reste n'est qu'une écorce, certes riche et passionnante, mais certainement pas un obstacle insurmontable. Frédéric de Rougement CEO, Lafarge Halla Cernent Corp.

78 Koreana I Été 2007

L

orsque nous sommes arrivés à Seoul, il y a presqu'un an, ma famille et moi-même ne savions quasiment rien de la Corée. Tout avait été très vite, et nous avions passé plus de temps à nous occuper du déménagement et ses kyrielles de détails, qu'à chercher à en savoir plus sur le pays. Nous nous souvenions vaguement des Jeux Olympiques de 1988, un peu mieux de la Coupe du Monde de football, en 2002. Nous nous souvenions qu'on disait ce pays extrêmement dynamique, et nous avions trouvé quelques informations succinctes sur Internet. Nous arrivions d'Afrique du Sud - un autre pays très dynamique ! - où nous laissions des amis très chers, des paysages merveilleux, et, pour ma part une expérience professionnelle très riche. C'est donc tout naturellement, que voyant dans notre café préféré une affiche pour le Soweto Gospel Choir, nous avons pris des places, mon épouse et moi-même, pour l'unique concert que ce groupe donnait au LG Ait Center. Sincèrement, nous nous attendions à trouver une petite salle avec beaucoup de places vides : de la musique sud-africaine, ici, à Seoul ?! Première surprise : la salle est grande et bond~e, et si nous avons pu identifier quelques Sud-Africains, nous nous trouvions au milieu d'une immense majorité de Coréens. Cela n'aurait pas dû nous étonner: à chaque événement culturel à Séoul, il y a foule! Que ce soit l'exposition du musée du Louvre, ou une comédie musicale française, on se presse à l'entrée. L'envie de découvrir et d'apprendre des Coréens est sans limite. Deuxième surprise, de taille celle-ci, c'est la facilité avec laquelle le public s'adapte au style du spectacle : alors qu'il y a un silence presque dense à un concert classique, là, c'est l'enthousiasme des chanteurs - danseurs - musiciens sudafricains qui emporte la foule d'emblée. Après quinze secondes de musique, le public se met à battre le rythme avec une joie évidente, rit aux éclats à chaque facétie ... Je me demande si en France, la réaction aurait été aussi rapide ! Peut-être, après tout ...


L'ambiance est gaie, bon enfant, enthousiaste. Manifestement, pour beaucoup, c'est une découverte : en attestent les cris de surprise lorsque l'une des chanteuses sud-africaines, aux rondeurs plus qu'imposantes, s'avance pour danser, rejointe, sous d'autres cris de surprise ravie, par un jeune danseur qui semble la trouver tout à fait à son goût. Évidemment, si l'obésité est très courante à Johannesburg, elle l'est beaucoup moins à Séoul! Dire que le Soweto Gospel Choir a convaincu le public séoulite serait franchement réducteur. Toute la salle a fini debout, scandant les chants et danses, et il aurait juste fallu un quart d'heure de plus pour que les gens se mettent à danser eux-mêmes, car beaucoup se déhanchaient de plus en plus, pris par la magie du moment. Mon épouse et moi sommes ressortis pleins de joie et d'émotion, touchés par le trait d'union entre l'Afrique du Sud, que nous venions de quitter, et la Corée du Sud, que nous sommes en train de découvrir, pays et cultures unis ce soir-là dans un même bonheur de musique, de danse et de joie vraie. Mais nous avons reçu en plein cœur comme une évidence : quel que soit le pays, quels que soient l'âge ou la culture des hommes, tout le monde est à la fois unique et semblable. Lorsque le groupe sud-africain a entonné son hymne national, « Nkosi Sikele i Africa », en demandant au public de se lever, l'émotion était la même sur scène et dans la salle. Pendant une chanson triste, rappelant les années de l' Apartheid, sans rien comprendre des mots en Khosa, chacun retenait son souffle. Et à la moindre pitrerie, chacun éclatait de rire. Alors, je ne crois plus que, d'un pays à un autre, on ne puisse pas faire ceci ou cela ou qu'à cause de la culture particulière d'une population, il soit incongru de demander telle ou telle chose. Il y a surtout des êtres humains uniques, avec leurs émotions et leurs convictions, leurs élans et leurs contradictions, et surtout leur soif d'idéal, qui rejoint souvent des fondamentaux humains et communs. Pas question de donner dans le grandiloquent, mais je suis fermement convaincu, après avoir vécu dans plusieurs pays, qu'en allant au-delà des barrières dites « culturelles », on retrouve des hommes et des femmes avec qui on peut se comprendre. Ces barrières sont bien souvent des excuses mises en avant pour ne rien oser ou ne rien changer : en parlant « vrai >>, en étant sincère, on se comprend quelle que soit la différence culturelle. Le reste n'est qu'une écorce, certes riche et passionnante, mais certainement pas un obstacle insurmontable. Un chercheur, dont j'ai oublié le nom - mea culpa - disait que la musique a toujours été en avance sur son temps et qu'étudier l'histoire des mouvements musicaux revenait à anticiper l'histoire elle-même. Si cette théorie est encore vraie aujourd'hui, alors considérons l'avenir avec le sourire : les styles musicaux se rencontrent et s'entremêlent. Au début du siècle dernier par exemple, on a commencé à découvrir la musique afro-américaine, puis Gershwin et d'autres l'ont intégrée dans des œuvres classiques. même s'il y a encore beaucoup de problèmes, le mélange des races fait des progrès réguliers. En France, la musique arabe se fait une place de plus en plus grande dans la variété. Il n'y a plus qu'une poignée d'allergiques au changement pour y trouver à redire ; ceci annoncerait-il .. . ? Ce soir-là, à Seoul, la magie de la musique a opéré. Le public coréen était sous le charme de cette autre culture, sans difficulté, sans retenue et sur scène les artistes ravis par cet accueil ont donné le maximum de leur talent, de leur chaleur et de leur merveilleuse gaité, impressionnante quand on se rappelle l'histoire de leur pays. i.t Été 2007 1 Koreana

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Q

uand août arrive, mettant fin à la désagréable pluie de la

mer ne décourage en aucun cas les hordes de vacanciers qui y

mousson d'été qui cède la place à des températures cani-

accourent.

culaires supérieures à 30 °C, il est temps de songer au x

vacances familiales, dont la haute saison se concentre sur la

Principaux lieux de villégiature

première quinzaine du mois. Il s'en suit des départs en masse qui

Parti l'été dernier de Séoul, en compagnie de sa famille pour

r endent la circulation routière parfois épouvantable, ces

séjourner à Gyeongpodae, une plage du littoral est, Yoo Chang-rae

désagréments passagers n'enlevant le plus souvent rien au plaisir

évoque sa surprise en découvrant la foule : « Il y avait des para-

de voyager ensemble et l'inévitable engorgement des destinations

sols à perte de vue, mais la présence de tous ces gens a contribué

les plus prisées que sont les torrrents de montagne ou bords de

à la réussite de nos vacances, car on se sent d'autant mieux

80 Korea na I Été 2007


2

3

La plage co nstitue la destination de prédilection des nombreu x départs en vaca nces qui s·etfectu ent au cours de la haute sa iso n est ivale , c·està-dire duran t la première quinzaine du mois d'août. Fuya nt touj ours plu s foule et embo uteillages, les vacanciers cherc hent à tirer parti des possibilités qu·otfre nt les zo nes urbaines en matière de culture et de loisirs [ici, le Fest iva l internat iona l de théâtre de Keochangl. Le Cam p de Cheonghak-dong permet aux enfants de pa rtir à la découverte de la culture et des modes de vie trad itionnels.

entouré de gens qui eu x-mêmes s'amusent bien. » Dormant sous la tente non loin de la plage, la famille faisait elle-m ême la cuisine, commandant à l'occasion pizza ou poulet qui leur étaient livrés au camping pour la plus grande joie des deux garçonnets. L'usage du téléphone portable fait ainsi la fortune des restaurateurs qui voient leur chiffre d'affaires grimper à l'aune de l'appétit insatiable des vacanciers. La fréquentation des stations balnéaires coréennes atteint des sommets puisque, au cours de la seule saison estivale 2005, les côtes orientale et occidentale ont respectivement accueilli 28,4 et 24 millions de personnes en quête de bronzage. Par cohortes entières, trente-cinq millions de vacanciers ont investi les sept plages que compte la ville de Busan, notamment Haeundae, la plus célèbre d'entre elles, où 12,7 millions de personnes ont été dénombrées, ainsi que Gwangan, qui en comptait 9,3 millions.

À l'exception de quelques groupes d'amis ou collègues, il s'agissait d'un tourisme essentiellement familial, les Coréens ne disposant pour la plupart que d'une semaine de congés annuels à prendre l'été et cherchant à profiter au mieux de ce précieux répit.

san et Bukhansan pour « se laver les pieds » au ruisseau, ce qui

Il est donc naturel que des vacances en famille soient

atteste de l'ancienneté de cette tradition.

particulièrement appréciées puisqu 'elles offrent au x parents une occasion exceptionnelle de passer avec leurs enfants de bons moments qui contribuent à renforcer les liens familiaux tout en laissant à chacun des souvenirs inoubliables. Il est intéressant de noter que ce phénomène actuel des

Goût de La découverte En matière de vacances, les comportements évoluent considérablement à l'heure où les Coréens cherchent à donner un nouveau sens à celles-ci en entreprenant des activités tout aussi

vacances d'été et l'exode correspondant qui se produit sur une

bénéfiques physiquement que spirituellement au lieu de consa-

période et un nombre de destinations restreints, résultent d'une

crer temps et argent à passer d'agréables moments à se dis-

évolution assez récente en Corée. Longtemps vouée à l'agricul-

traire, d'où le succès croissant des séjours organisés dans des

ture, la population y opérait rarement une séparation entre travail

temples bouddhistes où ils peuvent se soustraire un temps aux

et repos, les paysans délaissant leur labeur, lorsque la chaleur

futilités de leur existence quotidienne. Quelques jours dans l'un de

accablante empêchait sa poursuite, pour rechercher la fraîcheur

ces sanctuaires perchés sur les montagnes peuvent assurer une

dans les cours d'eau voisins ou tout bonnement se laver la tête.

totale détente du corps et de l'esprit, tout en offrant l'occasion

À ce propos, la pratique traditionnelle du « takjok » se trouve

exceptionnelle de découvrir les rites bouddhistes et les règles de

peut-être à l'origine des actuels déplacements de population vers

vie austères des bonzes dans une atmosphère de quiétude pro-

les plages et villages de montagne. Signifiant littéralement « se

pice à la méditation et à l'introspection. De nombreuses formules

laver les pieds », ce terme désignait la recherche nonchalante, en

proposant un tourisme culturel de type familial permettent de

montagne, d'un ruisseau au cours tranquille dans lequel on

vivre de nouvelles expériences instructives et enrichissantes.

pataugeait en s'éclaboussant mutuellement. Il en est fait mention

À titre d'exemple, la ville de Gangneung accueille aujourd'hui

dans un ouvrage de 1849 intitulé « Dongguksesigi » [Coutumes

les vacanciers dans sa « seongyojang », une maison traditionnelle

saisonnières en Corée] et relatant qu'à Séoul, nombreux étaient

datant de la dynastie Joseon où ceux-ci peuvent s'initier à la fabri-

ceux qui s'aventuraient jusque dans les vallées des monts Nam-

cation des « sotdae », c'est-à-dire les poteaux des esprits dont Été 2007

1

Koreana

81


Po ur les plu s tém éraires . le rafting off re la garant ie d'enivra nts fri sso ns. 2 Pédala nt au soleil et resp irant l"ai r pur, tou te la famille ap préciera une promenade à bicyclette su r piste.

l'édification, selon les croyances populaires, permettait de se

de Yongin située dans la province de Gyeonggi-do, Jang Hae-won

prémunir contre le malheur ou de célébrer une occasion parti-

se souvient ainsi de ses dernières vacances d'été dans un hôtel de

culière, ainsi qu'à la consommation traditionnelle du thé coréen,

Séoul : « Je me baignais à la piscine de l'hôtel avec les enfants, je

et apprécier ainsi à sa juste valeur un héritage culturel riche et

me détendais au jacuzzi et, le soir, j'allais boire un verre au bar

ancien.

avec mon mari. Plutôt que d'entreprendre un voyage long et

Les villages traditionnels à thème attirent en outre toujours plus de citadins résidant dans de grands ensembles urbanistiques

stressant, j'ai jugé préférable de séjourner dans un lieu agréable et proche de notre domicile ».

éloignés du milieu naturel et dont les enfants découvrent alors ruisseaux où pêcher le poisson, jeux traditionnels et autres acti-

Traitement de la chaleur estivale

vités comme la cuisine régionale ou le travail aux champs tout

L'éventail plus large des différentes possibilités de vacances

aussi inhabituelles pour eux que pour leurs parents. À cela

incite aujourd 'hui les stations balnéaires, qui étaient autrefois la

s'ajoutent le sens de l'hospitalité et la générosité authentiques

destination par excellence, à rechercher les moyens d'attirer à

d'une population accueillante et accoutumée à la tranquillité d'un

nouveau les touristes, telle cette bibliothèque mobile que pro-

rythme de vie étranger au stress des grandes agglomérations.

posent les stations balnéaires de la côte orientale sous forme de deux autobus apportant chaque jour des livres aux estivants pour

Les possibilités du milieu urbain

quïls s'y cultivent ou profitent tout simplement de leur intérieur

Aussi appréciés soient-ils en période estivale, bords de mer et

climatisé. Parmi les vacanciers, nombreux sont ceu x qui con-

montagnes ne constituent pas les seuls choix qui s'offrent aux

sacrent aussi une partie de leur temps au bénévolat, comme dans

vacanciers, lesquels sont aujourd'hui de plus en plus nombreux à

la province très touristique de Gangwon-do, où se m~t en place «

refuser de subir les encombrements de la circulation et l'af-

l'opération 3/1/2 » consistant à effectuer un travail bénévole une

fluence des touristes en restant dans leur ville, où ils peuvent

journée sur trois, les deux autres étant destinées au x loisirs.

alors profiter pleinement de la vie culturelle et artistique.

Les activités festivalières des plages exercent également un

Dïntéressantes manifestations s'y offrent à eux, tel le « Festival

grand attrait sur ceux que nïntéressent pas seulement les bains

des nuits tropicales » du théâtre national de Corée, dont l'entrée

de mer et de soleil. Sur celle de Haeundae, elles comprennent

est gratuite et qui compte dans sa programmation des concerts

des concerts rassemblant des chanteurs à succès et un festival de

de musique traditionnelle, classique et contemporaine, ainsi que

danse, tandis qu 'à Dadaepo, le Festival de rock de Busan enthou-

des séances de cinéma.

siasme le public par la présence des grandes vedettes qui font

Pourquoi ne pas céder à l'envie de se prélasser dans le luxe

oublier les fortes chaleurs aux amateurs de cette musique.

d'un grand hôtel, une pratique qui tend à se répandre depuis peu?

En matière de vacances, la diversification croissante qui

Nombre d'établissements de première catégorie proposent, sur

s'observe actuellement en Corée résulte de l'adoption récente de

le prix de leurs chambres, des rabais qui peuvent atteindre 40%,

la durée hebdomadaire de travail de cinq jours, qui permet de dis-

principalement à l'intention des familles . Leurs pensionnaires

poser en fin de semaine de deux journées de congés qui encou-

peuvent alors assister à des démonstrations de cuisine gas-

ragent leurs bénéficiaires à rechercher autant que possible des

tronomique et de dégustation de vins, mais aussi participer à des

activités de loisir enrichissantes, cette pratique tendant à se pro-

circuits de randonnée à vocation écologique. Habitante de la ville

longer en période estivale. ~

82 Korea na I Été 2007


Aperçu de la littérature coréenne

Liin Chul-woo

Chez Lim Chul-woo, le soulèvement démocratique de Gwangju et la partition de la Corée constituent les thèmes centraux d'une œuvre qui retrace, dans une prose au lyrisme lucide, les bouleversements historiques et affrontements idéologiques de son pays.


CRITIQUE

La violence idéologique sous la plume de l'écrivain Kim Hyoung-joong Professeur à l'Université Chosun et critique littéraire

L

e 26 octobre 1979, l'assassinat du Président Park

Ces tragiques incidents allaient par la suite nourrir

Chung Hee, événement historique survenu au seuil d'une nouvelle décennie, rendait à la majorité des

les aspirations démocratiques des intellectuels, militants étudiants et autres citoyens, mais aussi peser d'un poids

Coréens, et plus encore aux intellectuels, l'espoir que

particulier sur les réformes sociales ultérieures en

s'achèvent ainsi vingt années d'une terrible dictature, mais le 12 décembre, le coup d'État militaire perpétré

provoquant, dans la population, une prise de conscience de l'importance de ces mesures, des inégalités

par Chun Doo Hwan réduisit à néant ce rêve de

sociales, de la nature des relations coréano-américaines,

démocratie en soumettant le pays à sa poigne de fer.

ainsi que de la division du pays, d'où des mouvements

Alors que s'amorce un mouvement d'opposition à cette prise de pouvoir illégitime, les tenants du régime

sociaux mieux organisés et dotés d'objectifs plus précis. La féroce répression exercée par le pouvoir à l'encon-

décrètent la loi martiale et en instaurant l'état de siège,

tre des opposants ne faisant qu'attiser la soif de

parviennent à étouffer partout la contestation, hormis

démocratie, de violentes manifestations éclateront le 10

dans la ville de Gwangju. Prenant celle-ci pour cible de sa démonstration de

juin 1987 lorsque Chun Doo Hwan nommera

force, le pouvoir en place déploie alors une unité

qui lui a prêté main forte lors du putsch. Demeurant à la tête du régime militaire pendant plusieurs -années, il

aéromobile composée de forces spéciales ayant pour mission d'écraser toute résistance et dont l'intervention sera le détonateur, le 18 mai 1980, du célèbre

unilatéralement à sa succession Roh Tae-Woo, l'homme

se verra néanmoins contraint d'organiser des élections

soulèvement démocratique de Gwangju dont la popula-

présidentielles au suffrage direct qui permettront en 1992 l'entrée en fonctions de Kim Young-sam, premier

tion, coupée du reste du territoire, s'affrontera aux chars de combat et Ml6 d'une armée parfaitement entraînée

président civil du pays. Avec pour toile de fond la Gwangju du début des années quatre-vingts, prend

en vue d'un conflit généralisé.

forme l'œuvre littéraire de Lim Chul-woo. Celle-ci, notamment par les écrits des débuts, se rat-

Le 27 mai, les brutales représailles commises par une milice dénommée « Armée populaire » viennent à bout

tache en effet presque toujours, d'une manière ou d'une

des derniers opposants au terme de dix journées d'un

autre, au mouvement démocratique qui s'y produisit en

carnage qui a fait près de deux mille morts parmi les habitants, sommairement excutés par les troupes levées sur les

mai 1980 et si le décor planté dans « Burimgi » (Époque stérile) ou « Sasanhaneun yeoreum » (Un été mort-né)

deniers des contribuables et qui figure parmi les pires

a valeur allégorique, il n'en représente pas moins

massacres qu'ait connus la nation à l'époque moderne.

explicitement et assez logiquement cette ville, où Lim

84 Korean a I Été 2007


fut alors étudiant en littérature anglaise à l'Université nationale de Chonnam, le douloureux souvenir des victimes des dramatiques événements qui s'y déroulèrent affligeant encore l'écrivain doué d'une conscience morale. Comment prendre la mesure du chagrin et du traumatisme profonds infligés à cet être généreux par la disparition de camarades, amis ou voisins assassinés sous ses yeux ? Il en naîtra une culpabilité dévorante avec laquelle il sera longtemps aux prises et qu'il exprimera en 1997 dans la saga intitulée « Bomnal » (Jour de printemps). Par un véritable tour de force, ce roman lui permet d'alléger quelque peu ce passif dont beaucoup d'écrivains coréens disent avoir hérité des années quatre-vingts, par l'obligation déontologique d'informer le lecteur de ces incidents. La partition nationale constitue l'autre sujet de prédilection de l'auteur qui, s'il n'est pas de la génération ayant connu la Guerre de Corée (19501953), appartient, de même que ses confrères, à celle que l'on appelle la« deuxième», c'est-à-dire des enfants auxquels furent contés les affres du conflit par leurs parents et qui, par comparaison, n'ont vécu ce dernier qu'indirectement, ce qui confère une double perspective à leur démarche littéraire. Lim Chul-woo et ses contemporains sont avant tout conscients des répercussions qu'entraînent aujourd'hui encore ce conflit et la division qui lui a fait suite. Dans un passé récent, l'État a bafoué la liberté d'opinion, de

la presse, de réunion et d'association en invoquant la nécessaire sauvegarde du Sud contre une éventuelle agression des communistes du Nord. À l'inverse, les intellectuels ont la conviction qu'une vision aussi politisée de cette séparation fait inévitablement obstacle à l'avènement de la démocratie, les écrivains de deuxième génération s'estimant dès lors en droit de formuler un avis sur les énormes conséquences qu'ont engendrées la guerre et la partition, à l'instar de Lim Chul-woo, qui apporte un éclairage très personnel tant sur ces deux questions que sur celle de l'insurrection de Gwangju. À leur unisson, il prête sa voix aux témoins directs de la guerre que furent notamment les parents, procédé qu'illustre l'une des premières oeuvres de l'auteur, « Abeojieui Ttang » (Au pays de mon père J par une narration effectuée selon le point de vue de la mère, tout en démontrant, fait plus important encore, que malgré un vécu différent, la continuité qui s'opère entre passé et présent garde la deuxième génération prisonnière des mêmes chaînes que la première. Aussi la mère ne réussit-elle pas à éloigner le souvenir du père, accusé de sympathies communistes, de même, selon cette lecture à deux niveaux, que la Corée ne parvient pas à s'affranchir du joug de la division nationale qui l'étreint depuis la Guerre, tel le cordage liant le cadavre, et marque toujours le présent de l'empreinte du passé. t.t

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Korea Foc us

Webzine mensuel (www.koreafocus.or.kr) et revue trimestrielle, « Korea Focus » offre des analyses politiques, économiques, sociologiques et culturelles relatives à la Corée et complétées de questions interna tionales connexes. Créée en 1993, elle apporte ces informations essentielles selon un point de vue objectif tout en cherchant à favoriser une meilleure compréhension de la Corée sur la scène internationale et l'essor des études coréennes dans les établissements universitaires étrangers à travers une sélection d'articles extraits des principaux quotidiens, magazines d'actualité et revues scientifiques. Tarif des abonnements (frais d'envoi par avion compris) 1 an

2 ans

3 ans

18 000 wons

36 000 wons

54 000 wons

Japon, Hong-Kong, Ta'i'wan, Chine

28$US

52$US

71$US

Autres

32$US

60$US

81$US

Corée

[Numéros précédents disponibles au prix unitaire de 5$US, plus frais d'affranchissement par avion.]

Korean Cultural Heritage

Il s'agit d'un recueil d'articles et photographies issus des précédents numéros de « Koreana » sous forme de quatre tomes bien distincts. Ceux-ci fournissent une présentation complète et systématique de la culture coréenne par des études fouillées et une photographie en couleur de haute qualité. (Tome I Beaux-arts, Tome II Pensée et religion, Tome III Arts du spectacle, Tome IV Modes de vie traditionnels)

Fragrance of Korea

Rédigé en langue anglaise et abondamment illustré, le catalogue « Fragrance of Korea : The Ancient GiltBronze Incense Burner of Baekje » est consacré à l'Encensoir en bronze doré de Baekje, un chef-cl' œuvre ancien classé Trésor national coréen 11° 287 et admiré pour sa délicate beauté qui témoigne d'un savoir-faire accompli dans le travail des métaux tel qu'il fut pratiqué en Extrême-Orient. Cet ouvrage de 110 pages illustrées de photographies et dessins comporte trois essais intitulés : « Signification historique de !'Encensoir en bronze doré de Baekje », « Dynamiques culturelles et diversité : du Boshanlu taoïste à l'encensoir bouddhique de Baekje »et« Le site du temple bouddhique de Neungsan-ri à Buyeo ».

Prix du tome: 40$US [frais d'envoi non compris].

Prix du tome : 25$US [frais d'envoi non compris].




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