Koreana Autumn 2007 (French)

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BEAUTÉS DE CORÉE

Le << toechim vant que la Corée ne se modernise, l'oreiller de forme rec-

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dormeur repose dans cette position ou sur le côté, le« toechim »

tangulaire dit « toechim » se devait de figurer au

lui permet donc de se détendre à son aise et produit un effet

trousseau de toute maisonnée, notamment aux fins de la

naturel de chiropractie sur ces parties du corps.

sieste et autres repos diurnes de courte durée.

Cet accessoire eut longtemps la faveur des hommes, de sorte

Il en existe plusieurs variantes dont les noms diffèrent selon la

qu'il prenait souvent place, sous forme d'éléments de bois

matière dont ils sont constitués, à savoir le « mokchim », dont le

grossièrement façonnés, dans le« sarangbang », c·est-à-dire la

bois doux au toucher fait le succès, le « dochim » de céramiqu e,

pièce principale qui leur était réservée dans les demeures aristo-

le « jukchim » très prisé par temps de canicule en raison de

cratiqu~s et où le maître des lieux étudiait ou recevait ses con-

l'impression de fraîcheur qu'il procure, ou encore le « golchim »

vives, ainsi que dans les auberges, où les voyageurs effectuaient

dont la garniture de paille de riz offrait sous sa taie un confort des

une halte nocturne.

plus appréciés.

Les « toechim » domestiques étaient souvent pourvus de

Dans la conception de cet article de literie, transparaît toute la

petits tiroirs où les hommes rangeaient leurs accessoires d'écri-

sagesse des Coréens anciens, puisque ses dimensions, d'environ

ture et l es femmes, ceu x de beauté, ainsi que les brosses à

quinze centimètres de longueur sur onze de hauteur, corres-

cheveux, les articles les plus luxueux se couvrant de peau de lapin

pondaient respectivement à la distance séparant d'une part, les

ou d'agneau, là où reposait la tête, voire de perles, mais les

épaules d'un individu de stature moyenne de son cou, et d'autre

usagers les plus fortunés leur préféraient le bois laqué aux éclats

part, ce dernier du plancher où on était allongé sur le dos. Que le

chatoyants. t.t


Koreana Arts et Culture de Corée

Vol 8, N' 3 Automne 2007

Publication trimestrielle de la

Fondation de Corée 2558 Nambusunhwanno. Seocho-gu,

Séoul 137-863 Corée du Sud www.kf.or.kr ÉDITEUR Yim Sung-joon DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Park Joon K. REDACTRICE EN CHEF Choi Jung-wha DIRECTEUR ARTISTIQUE Kim ln -sook DESIGNER Song Hye-ran, Seo Tae-wook

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Park Ok- soon, Lee Ji-hye, Yi Jun-sung CO MITÉ DE RÉDACTION Chor Joon-sik Han Kyung -koo, Han Myung-hee, Kim Hwa -young, Kim Moon-hwan,

Kim Young-na, Rhee Jin-bae

ABO NNEMENTS Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons Asie [par avion) 33 USD. autres régions

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Corée 4 500 wons Abonnement et correspondance :

Fondation de Corée 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu, Séoul 137-863 Corée du Sud Tél, 82-2-3463-5684 Fax, 82-2-3463-6086

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L'alphabet coréen 8

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hangeul

IMPRIMÉ AU AUTOM NE 2007 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34 , Seongsu-dong 2-ga, Seongdong-gu. Séoul, Corée du Sud Tél, 82-2-468-0361/5 Fax , 82 -2- 461 -6798

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Le « hangeul », un des grands alphabets du monde Lee Sang Gyu

Koreana sur Internet http://www.koreana.or.kr

16 Le « hangeul » à l'ère numérique Ko Chang Soo

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Le « hangeul », source d'inspiration pour les créateurs Park Kyungsik

30 Le « hangeul » peut-il rapprocher les hommes? Kim Jinhyeong

© Fondation de Corée 2007 Tous droits réservés.Toute reproduction int égrale. ou part ielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée, est illic ite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme [Au torisation n° Ba-1033 du 8 août 1987). est aussi publiée en chinois, anglais, espagnol. arabe , russe. japonais et allemand.


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DOSSIER

Une galerie consacrée à la Corée à la Smithsonian Institution Kim Heesoo

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ENTRETIEN LEE JONG-SANG

Ou la quête infinie de la genèse des formes En 1444, Le Grand roi Sejong , inve nta le Hangeu l et pub lia, deux années plus tard , le Hunm injeongeum , un guide d'inst ruct ion pour la nouvelle écriture.

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ARTISAN LEE IN-SE

Symbole vivant du« soban » traditionnel 50

I LeeMin-young

CHEFS-D'ŒUVRE

La pagode à dix étages de Gyeongcheonsa 54

I KimBok-yeong

I shin vong-chuL

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Premier rendez-vous au Springwave Festival 2007 de Séoul Lee Chung -woo

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À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE

Konishi Takako, fervente admiratrice de Gyeongbokgung

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SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

L'.envolée belle de Kim Yu-Na, fée de la glace

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I Sung Baik- you

ESCAPADE

Yeosu, ville du bord de mer

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I ParkHyun-sook

I HanChang-hoon

CUISINE

Le gâteau de riz aux jujubes, un plaisir simple de l'automne

,Ja

Paik Jae-eun

80

REGARD EXTÉRIEUR

« Aj Um ma ! »

82

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Emmanuel Gayan

VIE QUOTIDIENNE

La création de contenus par les utilisateurs: un nouveau moyen d'expression SUr internet I KimHeon-sik 87

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE

KIM IN-SOOK Les âmes nobles face aux dilemmes de la vie I cha Mi-ryeon 9 Une autobiographie féminine I Traduction: Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas


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Inventé par le roi Sejong en 1444, c'est-à-dire au douzième mois lunaire de l'an 1443, l'alphabet « hangeul » demeure aujourd'hui en usage. Les écritures correspondant aux différentes langues du monde se sont mises en place de manière très progressive et leur création, pas plus que leur adoption officielle à l'échelle nationale, n'a en aucun cas procédé avec autant de volontarisme qu'en Corée. En 1997, l'UNESCO allait consacrer les qualités exceptionnelles du « hangeul » en inscrivant le manuscrit intitulé « Hunminjeongeum » à son Registre de la Mémoire du Monde. Conçue selon une démarche scientifique, la structure de l'alphabet en facilite l'apprentissage par tous et explique donc que la Corée affiche l'un des plus faibles taux d'analphabétisme du monde. Par la remarquable simplicité de sa compréhension, il a en outre considérablement favorisé l'essor de la culture coréenne, dont la présence dans le monde se renforce encore à l'ère du numérique. Calligraphie : Kang Byung-in

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es quelque six mille langues parlées actuellement recensées dans le monde aux côtés d'environ trois cents alphabets, le coréen se classe au neuvième rang mondial par son nombre de locuteurs. Son écriture dite « hangeul » est extrêmement appréciée des linguistes qui soulignent le caractère scientifique de sa conception d'ensemble, ainsi que la très logique démarche qui présida à sa création, l'un d'entre eux, l' Allemand Werner Sasse né en 1942 et ancien professeur de l'Université de Hambourg, allant jusqu'à affirmer : « Le « hangeul » est le meilleur alphabet du monde car il se fonde sur des préceptes philosophiques anciens, ainsi que sur des théories scientifiques. » Genèse du « hangeul » Dès le quinzième siècle, où elle fut créée sous l'appellation de « Hunminjeongeum », l'écriture qui allait devenir le « hangeul » était si avancée qu'elle intégrait déjà les principes adoptés cinq siècles plus tard par la théorie linguistique moderne et elle est la seule dont l'invention soit très précisé!1}ent datée, ainsi que l'auteur de celle-ci, ce qui lui permet d'occuper une place particulière dans l'histoire de l'écriture. C'est au douzième mois lunaire de l'an 1444 que le roi Sejong (r. 14181450), quatrième monarque de la dynastie Joseon (1392-1910) rend compte de son invention du « hunminjeongeum » dans le chapitre correspondant au neuvième mois de la vingthuitième année de son règne, au Livre 113 de la chronique en cent soixantetrois tomes « Sejongsillok » (Annales du Roi Sejong) rédigée par une soixantaine de fonctionnaires de la Cour. Il en est également fait mention en ces termes Automne 2007 1 Korea na 9


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à la fin de l'ouvrage intitulé « Hunminjeongeum Haeryebon » (Une explication illustrée de « Hunminjeongeum ») dans lequel le fonctionnaire et intel lectuel Jeong In-ji (1396-1478) définit l'objectif de sa création et ses règles d'usage : « A l'hiver de l'an 1443, notre roi inventa vingt-huit caractères pour des sons corrects ... et les appela « hunminjeongeum » ». Après avoir mis au point cet alphabet et les principes de son emploi, Sejong donna ordre aux savants de l'institut royal de la recherche « Jiphyeonjeon » (Pavillon du mérite) d'en établir le traité, qui serait plus tard édité, au neuvième mois de l'année 1446, sous le titre de« Hunminjeongeum ». Au tome 102 des annales du Roi Sejong, le chapitre consacré au douzième mois de la vingtcinquième année du règne rapporte que : « Pendant ce mois, le roi créa lui-même un alphabet de vingt-huit symboles. Il l'appela « hunminjeongeum », désignant ainsi clairement l'auteur et l'appellation de cette invention. En ce qui concerne la raison qui la motiva, elle se situe dans le contexte de l'accession au pouvoir de la dynastie

impériale des Ming suite à laquelle s'érigea en norme une prononciation des idéogrammes à la manière des habitants du nord, et non plus du sud, celle du coréen devant du même coup s'adapter à cette mutation. La langue écrite chinoise y étant en usage comme partout ailleurs en Asie orientale, à l'instar du latin en Europe, la Corée ne put que se plier à ses nouvelles règles en se dotant d'un nouvel alphabet représentant parfaitement la prononciation coréenne des caractères chinois. Ces circonstances historiques sont à l'origine de la création du « hunminjeongeum ». L'appellation en désigne aussi bien le traité consacré à la nouvelle écriture que cette dernière elle-même, aujourd'hui connue sous le nom de « hangeul ». Sachant que ses vocables constitutifs « hunmin » et « jeongeum » sont des mots composés qui signifient respectivement « instruire le peuple » et « sons corrects », le premier possédait un sens différent du point de vue de celui qui l'employait, à savoir, soit celui d'« instruire le peuple », s'il s'agissait du roi et de la haute société, soit celui d' « apprentissage par le peuple » ou « d'utili-

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C'est en 1446 que paraît le traité « Hunminj eo ng eum », où le Roi Sejong ex pos e les règles d'usage d' un alphabet de sa création , le« hangeu l », dans deux chapitres in titulés« Exemples "et « Explications illu st rées "· le premier d'entre eux précisant les raisons qui motivèrent cette inve ntio n. Réd igé par neuf sava nts de l'époque, le chapitre« Explications illu st rées "du « Hunmi njeo ngeu m "définit les principes de la nouvelle écriture et fixe la prononciation de ses consonnes· et voyelles. Un temps égaré , cet ouvrage sera retrouvé en 1943, puis inscrit en 1997 au Registre de la Mémoire du Monde de l'U NESCO. © Gansong Art Mu se um Différents écrits dus au roi Sejong permettront la diffusion du nouvel alphabet, te lle cette« Ode aux dragons prenant leur envol " de 1447, première pu blication qui en fai t usage pour cé lébrer les réalisatio ns de la dynastie Joseon et de ses grands person nag es. © Gyujanggak Editée en 1449, l'« Ode aux impression s de lun e sur mille rivières "exalte les vertus du Bouddha Seokgamoni et reproduit les textes de chants composés par le Roi Sejong.

Automne 2007

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Koreana 11


sation par le peuple » si c'était les gens du commun. L'invention du « hangeul » répondait ainsi à des objectifs différents selon la perspective dans laquelle on se plaçait, c'est-à-dire, pour le peuple, au principe d'après lequel « Les sons corrects sont ceux que les gens de toutes les régions peuvent reconnaître », comme le stipule un rapport du début de la dynastie Ming. En conséquence, le terme « hunminjeongeum » désigne tout autant les « sons corrects des lettres utilisées par le peuple » que les « sons corrects des lettres utilisées pour transcrire notre langue ». Quoi qu'il en soit, c'est avant tout pour faciliter l'apprentissage de la lecture et de l'écriture par tous ses sujets que Sejong inventa le « hangeul ». Ecriture universelle apte à représenter les sons du chinois et du reste des langues, cet alphabet s'avère donc plus exhaustif et efficace que les autres.

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Une structuration rationnelle Fondée sur la cosmologie néo-confucéenne associant le dualisme yin-yang au cinq éléments fondamentaux et sur l'analyse de la phonologie, le« hangeul » constitue un système scriptural à traits distinctifs dont les signes intègrent les caractéristiques des phonèmes. Conformément aux préceptes de la philosophie cosmologique néo-confucéenne, les nuances entre sons sont représentées par une notation symétrique de haut en bas et de gauche à droite, ainsi que par l'adjonction de traits. Les consonnes et voyelles y sont disposées en blocs syllabiques se lisant horizontalement ou verticalement et les caractères peuvent aussi être disposés séparément. Il en résulte l'avantage de pouvoir transcrire aussi bien les sons de la voix humaine que les bruits de la nature ou le chant des oiseaux. Le « hangeul » se composait à l'origine de vingt-huit caractères comprenant onze voyelles et dix-sept consonnes. Empruntant leurs formes à la Terre, au Ciel et à l'Être humain, les pre12 Koreana I Automne 2007

mières constituaient respectivement les lettres de base · , - et l . qui peuvent à leur tour permettre d'en composer d'autres en conformité avec les principes philosophiques de la complémentarité du yin et de yang, des cinq éléments de la matière que sont le métal, l'eau, le bois, le feu et la terre, ainsi que des quatre points cardinaux et du centre. Les consonnes de base reproduisaient quant à elles la forme des organes articulatoires au moment où sont produits les sons en question et se divisaient en cinq classes principales constituées des vélaires (molaires), linguales (alvéolaires), bilabiales, incisives (fricatives dentales) et glottales (laryngales) correspondant respectivement aux signes -, , L, o, A et o et dont la prononciation dépendait de leur combinaison avec d'autres lettres. Elles appartenaient en outre aux quatre catégories des occlusives, appuyées ou non, des aspirées, des nasales et des liquides correspondant approximativement à celles de la phonétique anglaise. Aux cinq lettres de base, pouvaient être ajoutés des traits permettant de produire une douzaine d'autres phonèmes consonantiques. Les différentes combinaisons de voyelles avec les consonnes placées en position initiale, médiane ou finale permettaient d'obtenir un syllabaire. C'est dans les techniques d'imprimerie modernes que se révèlent au mieux toutes les qualités du« hangeul ». Une exceptionnelle conception À l'Université d'Oxford, le Département de linguistique, philosophie et phonétique, qui se distingue par l'avance de ses recherches dans ces domaines, procède dans les années quatre-vingt-dix à l'évaluation de trente alphabets différents selon des critères de rationalité, de conception scientifique et d'originalité au regard desquels le « hangeul » se classera en première position. Par ailleurs, celui-ci inspirera à l'UNESCO la création, en 1989, du Prix d'alphabétisation Roi Se-

jong, qui récompense les personnes ou organismes ayant contribué à faire reculer l'analphabétisme dans le monde, puis, en 1997, se verra inscrire au Registre de la Mémoire du Monde par cette même organisation. Les spécificités qui distinguent le « hangeul » des autres alphabets ont fait dire au linguiste britannique Geoffrey Sampson qu'il s'agissait d'une écriture à traits distinctifs des plus scientifiques qui soient. Quant au linguiste allemand Howard F. Vos, il en a souligné la finesse sans pareille, tandis que le professeur Umeda Hiroyuki, enseignant à l'Université Reitaku, y voit le système phonémique à traits distinctifs le plus évolué du monde, surpassant en cela le latin lui-même. Son originalité réside dans une structure unique en son genre caractérisée par la représentation graphique des syllabes sous forme de blocs qui regroupent les signes représentant les phonèmes initiaux, médians et finaux, les avantages de cette disposition syllabique s'ajoutant ainsi à ceux de l'écriture phonémique. Les formes de lettres sont d'une haute précision et celles qui présentent des similitudes servent à la notation des phonèmes appartenant à une même famille. Le « hangeul » possède une double structure où différents phonèmes s'obtiennent en ajoutant des traits aux lettres de base. Sa conception procédait d'une démarche particulièrement originale et logique selon laquelle les signes correspondant aux consonnes représentaient la position articulatoire des organes vocaux, tandis que ceux des voyelles symbolisaient le Ciel, la Terre et l'Homme. Ce recours aux caractéristiques physiologiques des organes articulatoires représenta alors une véritable innovation. Le « hangeul » se caractérise par sa nouveauté absolue, puisque son invention ne résulte ni de l'imitation ni de l'adaptation d'une quelconque autre écriture. D'une apparition assez tardive


Cette proclama ti on adressée au petit peuple fut réd igée en« hangeul »pa rle Ro i Seo njo

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Ir. 1567- 1608!. La fac ilité d"apprentissage du nouve l alphabet favorisera la traduction en coréen des sutras bouddhistes à partir du chinois classique.

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Ecrite en coréen par la Reine Heongyeong 11735- 18151. cette« Ch roniqu e de tristes journées» figure parmi les principales œuvres littéraires dues à la royauté. Les Coréens reviennent aux premiers romans publiés en« hangeul » tels que cette« Hi stoire de Chun hya ng », qui conte l ïdylle d" un jeune homm e issu de l"ari stocra tie avec une fille de « gisaeng », c·est-à-dire d"une cou rtisane, sous

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la dynastie Joseon. Lettre rédigée en« hangeul » par le Roi Jeongj o Ir. 1776-1 8001ava nt son ascension au trô ne.

Automne 2007 1 Koreana 13


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Des dix-sept consonnes recensées par le « Hunminjeongeum » du Roi Sejong lors de sa parution en 1444, la langue moderne en conserve aujourd'hui quatorze au terme d'une évolution phonologique. 2 Les dix voyelles actuelles du« hangeul » comprennent les caractères« · », « _ » et« ] » qui constituent les trois voyelles de base symbolisant la trinité Ciel, Terre et Homme, tandis que la représentation des autres phonèmes vocaliques s'inspire de la philosophie. 3 Les caractères correspondant aux consonnes reproduisent la forme des organes articulatoires avant ou pendant la phonation.

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par rapport aux précédents alphabets, il ne s'inspira cependant d'aucun d'eux, mais fut créé de toutes pièces dans un but bien précis, ce qui en fait le seul dans l'histoire de l'écriture à avoir bénéficié d'une formation immédiate s'opposant à la lente évolution des autres systèmes. Le « hangeul » se distingue aussi par un mode de fonctionnement spécifique fondé sur la combinaison des lettres en syllabes et relevant ainsi d'une écriture dite « par assemblage » où les signes qui représentent les phonèmes consonantiques et vocaliques sont regroupés en blocs syllabiques d'une lecture et d'un apprentissage plus simples. Par ailleurs, ses caractères sont bien adaptés à la saisie sur un clavier d'ordinateur ou de téléphone portable, ainsi qu'aux logiciels de reconnaissance vocale assurant la conversion d'émissions de voix en texte, mais c'est sa simplicité d'assimilation qui en révèle au mieux les exceptionnelles qualités, puisque le 14 Koreana I Automne 2007

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taux d'analphabétisme est en Corée voisin de zéro. De type phonémique, il présente aussi l'avantage de permettre la transcription quasiment intégrale des autres langues, notamment le japonais et le chinois, qui, à titre d'exemple, comportent respectivement quelque trois cent cinquante et quatre cent vingt syllabes. D'une grande logique, la construction des blocs syllabiques et l'ordre des signes qui les composent se prêtent tout autant à une notation horizontale ou verticale. Dans ces unités graphiques, peuvent se succéder une consonne initiale, une voyelle médiane et une consonne finale, la première, ou un élément se substituant à une voyelle muette, étant obligatoire en position initiale, de même qu'une voyelle en position médiane, alors qu'elle est facultative en position finale. Des appellations changeantes L'invention du « hangeul » se heur-

ta à l'hostilité des intellectuels de la classe aristocratique des « yangban », qui jugèrent cette nouvelle écriture inférieure à celle de la Chine, d'autant plus sévèrement qu'ils faisaient allégeance à celle-ci, qu'ils baptisèrent pour cette même raison« jinseo », c'està-dire l'écriture véritable, tandis qu'ils virent tour à tour dans le nC?uvel alphabet une écriture vernaculaire ( « eonmun »), de femmes(« amkeul »), parce qu'ils étaient les tenants de l'ordre patriarcal, ou d'enfants (« ahaetgeul » ), parce que ceux-ci l'employaient avant d'apprendre le chinois classique, voire des cabinets (« dwitgeul » ), pour insinuer qu'il n'était bon qu'à y être lu. Le « hangeul » allait toutefois permettre la transcription d'un grand nombre de textes chinois, à l'intention des non-lecteurs de cette langue, par des fonctionnaires de l'État ou des collectivités locales ainsi que des moines, jusqu'aux particuliers qui se faisaient copistes et distribuaient les manuscrits


qui en assurèrent la pérennité. Les femmes de la dynastie Joseon jouèrent à cet égard un rôle d'autant plus important que, pendant près de quatre siècles, elles avaient souvent été privées de l'apprentissage de la langue chinoise classique, par comparaison aux hommes, et recouraient de ce fait au « hangeul » pour rédiger correspondance et poèmes. Au fur et à mesure que leur pays s'ouvrait au monde et entreprenait de se moderniser, dans un contexte de montée du nationalisme, les Coréens allaient apprécier à leur juste valeur les exceptionnelles qualités de leur écriture en s'y référant par des expressions telles que « sons corrects » ou « écriture nationale », mais c'est un linguiste d'alors, Ju Si-gyeong (1876-1914), qui allait créer le terme « hangeul » en remplacement de l'ancien« hunminjeongeum » et de ses successeurs, pour demeurer en usage encore à nos jours, tandis que la Corée du Nord emploie celui de « Joseongeul », c'est-à-dire l'écriture coréenne. Cet alphabet conçu par le roi Sejong allait aussi subir de légères modifications portant sur l'abandon de certaines lettres et l'évolution de plusieurs phonèmes, à l'instar, respectivement, des lettres 9, ~, 1:, , o, oo et 6 aujourd'hui disparues, ainsi que du passage de la prononciation de A de [ts] à [tf], outre qu'il se compose aujourd'hui de quatorze consonnes et dix voyelles simples.

La supériorité mondiale de la Corée en matière de débit de transmission numérique réside précisément dans l'usage d'une écriture qui s'avère particulièrement adaptée à cette technologie. Le réseau internet autorisant une liberté de pensée qui permet de dialoguer avec tous les habitants de la planète en échangeant ainsi informations et connaissances en tous genres, les Coréens trouvent leur place dans un monde où se réduit considérablement l'écart entre peuples en matière intellectuelle grâce à la société de l'information. Dans le secteur de la téléphonie mobile, la Corée occupe une position privilégiée dans le monde, se classant sans conteste au premier rang par la vitesse à laquelle sont transmis les messages textuels des usagers de combinés de ce type, lesquels, tout comme en « hangeul », procèdent par ajout de traits aux consonnes et voyelles de base, n'exigeant de ce fait qu'un moindre nombre de touches pour représenter l'alphabet complet. Les arts font eux aussi largement appel à cette écriture, dont les lettres viennent agrémenter articles de haute· cou-

ture, téléphones portables ou cravates très prisés des consommateurs et qui dépasse ainsi le simple rôle de moyen de communication par ces nombreuses applications artistiques ou culturelles. A l'étranger aussi, le « hangeul » voit sa présence se renforcer par le biais de manifestations telles que l'exposition d'œuvres qui lui sont consacrées dans le hall du siège de l'UNESCO, ou cette représentation sculptée de l'alphabet présentée à l'entrée du Victoria and Albert Museum britannique, mais aussi par son emploi sur les panneaux indicateurs du métro de Tokyo ou sur les affiches publicitaires du groupe Samsung, le long des principales artères routières chinoises. Aux quatre coins du monde, cette écriture exerce ainsi son influence dans la vie de tous les jours et il serait tout aussi possible qu'avantageux d'en promouvoir aussi l'utilisation, conformément à sa vocation première, dans les communautés ne disposant pas d'un alphabet propre, afin que se perpétue au bénéfice de nations lointaines l'œuvre de génie du Roi Sejong. i:.t

Prix d'alphabétisation Roi Sejong Dès sa création, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'UNESCO s'est fixé pour objectif premier de lutter contre l'analphabétisme dans le monde après que les gouvernements concernés eurent pris conscience de cet impératif en vue de garantir la paix, le développement socio-économique, l'équilibre démo9raphique et l'avènement de la démocratie. Dès lors, cette organisation allait œuvrer constamment en ce sens par des actions telles que la création, en

Effets sur la lecture et l'écriture Dans le dynamique pays qu'est devenue la Corée, les technologies de l'information ultramodernes, l'infrastructure culturelle bien développée et le considérable potentiel dont il s' enorgueillit dans ce domaine trouvent tous leur origine dans l'alphabet « hangeul ». En effet, c'est dans la société de l'information du XXI· siècle que prend toute sa valeur ce fruit de l'esprit créatif d'un monarque désireux d'apporter une solution pratique aux problèmes de la langue.

1989, du Prix d'alphabétisation Roi Sejong, avec le soutien du Ministère coréen des affaires étrangères. À

l'occasion de la Journée Mondiale de !'Alphabétisation se déroulant le 8 septembre, les représentants de son siège de Paris récompensent deux personnes ou organismes, qui, dans un pays en voie de développement, ont contribué à l'essor et/ou à la diffusion de leur langue maternelle par la remise d'un prix de quinze mille dollars accompagné de la médaille d'argent du Roi Sejong. En 2006, la Fondation pour l'Education mère-enfant, en Turquie, et le Siège pour l'a lphabétisation et l'éducation des jeunes et adultes de l'Institut pédagogique latino-américain et caribéen de la République de Cuba s'étaient vu remettre cette même distinction par l'UNESCO, la première, pour avoir contribué à la promotion des droits de la femme au moyen de son programme de téléenseignement « Our Class " suivie par plus de cinq millions d'utilisatrices, et la seconde pour la diffusion de son programme " Yes, 1 Can " dans quinze pays, dont l'Equateur, dans le but d'aider au développement individuel et collectif de l'homme. En 2007, les organisations non gouvernementales tanzanienne « Children's Book Project " et sénégalaise « Tostan " se sont vu décerner des prix, la première, pour l'édition de livres en swahili, ainsi que la formation

d'enseignants, écrivains ou éditeurs, et la seconde pour l'amélioration de la condition féminine et le développement de la vie locale.

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ans les différentes civilisations, l'écriture résulte de la lente évolution d'alphabets anciens tels que le sumérien ou les hiéroglyphes et constitue ainsi l'aboutissement d'un savoir humain plusieurs fois millénaire qui explique naturellement leur adoption par nombre de nations et de peuples. À l'inverse, le « hangeul » est le fruit des recherches scientifiques d'un seul et même homme, le grand Roi Sejong, qui l'inventa en 1444 dans la petite nation d'Extrême-Orient qu'était alors la Corée sous la dynastie Joseon. Caractérisé par une telle facilité d'apprentissage que le pays affichait un taux d'analphabétisme quasiment nul dès le début du xx· siècle, il constitue de l'avis général une exceptionnelle écriture éveillant l'intérêt aux quatre coins du monde . • Une conception très scientifique pour son époque Contrairement aux alphabets antérieurs, le « hangeul » ne s'est pas formé de manière progressive, mais fait suite aux progrès considérables de la théorie linguistique en Extrême-Orient, alors axée sur la phonétique chinoise et marque même un tournant dans l'histoire mondiale de cette discipline. Cependant, le plus impressionnant est encore l'esprit moderne et rationnel dont fit preuve l'auteur de son invention, à savoir le Roi Sejong. En ces temps où prédominait une 18 Koreana I Automn e 200 7


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vision sino-centrique du monde, l'idée de renoncer au chinois, écrit classique en usage dans tout !'Extrême-Orient au profit d'un nouvel alphabet spécifiquement coréen se heurta à certaines réticences dans la population et releva ainsi d'un défi analogue à la fondation de la Réforme par le théologien Martin Luther (1483-1546), qui, par sa traduction inédite de la Bible en langue allemande, contribua ainsi à fixer l'usage de celle-ci. Ayant pris conscience des limitations inhérentes à la théorie phonétique chinoise pour représenter objectivement les sinogrammes, l'éminent linguiste qu'était le Roi Sejong parvint à la conclusion que le meilleur moyen d'y remédier consistait à diviser conventionnellement les différents sons correspondant aux caractères chinois en syllabes et à noter celles-ci sous une forme phonémique qui soit d'un apprentissage et d'une mémorisation aisés. Ainsi fut conçu l'alphabet dit « hangeul », qui se compose de cinq consonnes de base reproduisant chacune la position de l'organe vocal mis en œuvre au moment de l'articulation du son en question et dont peuvent être issues d'autres consonnes par doublement des signes correspondants et/ou par adjonction de traits, de même que ses trois voyelles de base se prêtent à différentes combinaisons en vue d'obtenir de nouveaux: phonèmes vocaliques. À la fin du XX· siècle, ces qualités allaient lui valoir

d'être qualifié d' « écriture à traits distinctifs )) et considéré très supérieur aux écritures de type phonémique, c'est-àdire alphabétique, l'analyse ontologique des phonèmes conduisant à leur représentation par des unités abstraites et distinctes n'ayant été adoptée qu'à cette époque. Cinq siècles plus tôt, sa nouveauté représentait le triomphe de l'esprit scientifique d'un souverain en avance sur son époque. Polyvalence de l'écriture Si le « hangeul )) ne comporte que quatorze consonnes et dix voyelles, la décomposition de ces signes révèle qu'ils sont issus de cinq consonnes et trois voyelles de base, à savoir, respectivement« , )> (k, g), « L » (n), « u » (m), « A » (s) et « o » (ng), d'une part, et « )> ( B ) , « )> ( i ) , et « l » (i), d'autre part, qui autorisent en outre la formation d'autres lettres en fonction des caractéristiques phonétiques. Ainsi, l'ajout d' un son occlusif à « , » donne « =, », tandis » à gauche ou à que celui d' un « droite de « l » produit un « } » (a) ou un « ~ l> ( e ), un procédé permettant aussi de souligner la proximité de phonèmes représentés par des signes tels que « , » et « =, », ce qui fait de cet alphabet l'un des plus facilement assimilables. Cette simplicité de conception ne doit pas faire oublier que le souverain, qui la réalisa de toutes pièces, dut mettre

en œuvre à cet effet une connaissance approfondie de la phonétique, mais aussi procéder par une approche « numérique » de chaque phonème pris comme un ensemble doté de caractéristiques abstraites. Écriture à traits distinctifs, le « hangeul » systématise sa structure de façon à permettre la formation de nouvelles lettres par l'ajout de certains attributs aux signes de base et autorise ainsi une notation extrêmement efficace de tous les sons constitutifs de la langue coréenne, mais étend aussi son application aux phonèmes de langues étrangères telles que le chinois. Ses huit lettres de base sont aptes à représenter les 11 172 syllabes d'usage courant actuellement répertoriées par la norme Unicode 2.0, qui définit une.écriture internationale par laquelle les signes ou éléments de toutes les cultures peuvent être transcrits en langage informatique, puisque quelques phonèmes de base suffisent à construire les blocs syllabiques. Un système bien adapté à la société de l'information Ces particularités de conception, qui faisaient du « hangeul » l'alphabet le plus systématique de tout l'ExtrêmeOrient, allaient permettre d'en concevoir la dactylographie selon des principes analogues à ceux qui avaient été retenus pour l'anglais, la mise en Au to mne 2007

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œuvre s'avérant toutefois difficile dans la vie quotidienne, comme pour ce dernier, en raison de la combinaison des lettres en blocs syllabiques. Les logiciels informatiques du siècle suivant allaient pallier les lacunes de la mécanique par la génération automatique de ces éléments spécifiques en déduisant de la présence d'un « o » [0 / ng] après un « 7} » [ga] s'il convient d'en tirer le bloc« 7J- » [gang] ou de l'intégrer au bloc suivant, pour former un « 7} -2.. » [ gao], par exemple, un calcul qui s'avère tout à fait possible en raison de l'insertion d'un « o » muet à la voyelle initiale d'une syllabe. Étant d'un nombre presque égal, contrairement à ce qui se produit dans les autres alphabets, les voyelles et consonnes du « hangeul » se prêtent sur le clavier à une disposition symétrique opposant les douze premières, à droite, aux 20 Koreana I Auto mne 2007

quatorze autres, à gauche. En outre, leur succession au sein des syllabes facilite la manipulation des touches sur le plan tant cognitif qu'ergonomique et la simplicité de l'écriture concerne donc non seulement son assimilation, mais aussi la production de textes sur ordinateur, qui est possible sans connaissances préalables. De tels avantages ne pouvaient qu'accélérer le développement de l'informatique et de l'internet, lesquels ont à leur tour permis à la Corée de connaître un essor rapide et de se classer parmi les premiers fournisseurs mondiaux sur le marché des technologies de l'information et de la communication. Si le clavier d'un téléphone portable comporte beaucoup moins de touches que celui d'un ordinateur, l'envoi de messagerie textuelle n'en demeure pas moins plus pratique et facile en « hangeul » qu'avec d'autres alphabets,

puisque le premier ne comprend que huit lettres de base à partir desquelles on peut en former d'autres à l'aide de traits, cette facilité d'accès et d'emploi ayant favorisé la forte croissance du marché concerné, comme en atteste çhez les jeunes une importante émission de SMS (Short Messaging Service), ainsi que le recours à de nombreux produits dérivés. Dans ce secteur de la téléphonie mobile, les constructeurs ont su adapter les grands principes de cet alphabet aux supports de saisie, notamment en ce qui concerne ses éléments fondateurs que sont le Ciel, la Terre et l'Homme. Ses quatorze consonnes et dix voyelles ne figurent pas toutes sur les claviers téléphoniques, seuls étant retenus ses signes de base les plus simples que complètent des traits pour en composer d'autres. Or, c'est par les trois voyelles de base « · », « - » et « l » que


les concepts du Ciel, de la Terre et de l'Homme étaient représentés dans le « hangeul » inventé en 1444, d'où la présence exclusive de ces lettres sur certains modèles de combinés, tandis que d'autres leur ajoutent des traits pour en obtenir six, comme suit : « } ( l + · ) », « ~

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et « l » . Ces procédés de saisie font l'objet de brevets internationaux qui font obstacle à l'invasion du marché intérieur par des produits étrangers.

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Rayonnement à l'ère numérique En ce XXI' siècle, l'avènement de la société de l'information favor ise l'apparition de multiples modes de communication, ainsi qu'un échange accru d'informations et d'idées nouvelles, mais aussi une forte progression,

en parallèle, de la demande de technologies permettant une gestion efficace des données linguistiques, par-delà les possibilités de l'informatique et de l'internet. Dans ce dernier cas, il s'agit de doter les ordinateurs de la capacité de compréhension du langage humain en y intégrant les connaissances linguistiques qui leur permettront de se substituer à l'homme pour la réalisation de tâches intelligentes jusqu'à présent réservées à ce dernier. Ces machines seront alors en mesure, tout en répondant à des questions telles que « En quelle année le roi Sejong a-t-il inventé le « hangeul »? », d'effectuer la synthèse et le tri automatiques des documents, de traduire des textes rédigés dans une quelconque langue et de faire évoluer constamment leurs fonctions. À l'ère numérique, la place de

l'alphabet coréen semble ainsi appelée à se renforcer en raison de son aptitude à abolir frontières et barrières de langue, ainsi qu'à permettre le rapprochement des peuples du monde. En outre, le principe numérique du « trait distinctif » qui a présidé à sa conception s'avère des plus adaptés aux mentalités et comportements de ces « nomades numériques » que sont les usagers des communications mobiles. Enfin, par sa n ature à la fois phonémique et syllabique, il jette un pont entre les alphabets de ces deux types. L..11

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Le « hangeul » , source d'inspiration pour les créateurs Quoi de plus représentatif de l'identité coréenne que l'écriture dite « hangeul », inspiratrice de nombreuses formes d'expression culturelle et artistique, mais aussi de projets commerciaux ? Park Kyungsik Réviseur de conceptions

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Calligraphie : Kang Byung-in



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1-2 Ces créations prése ntées lors d' un défilé de mode parisien s 'harmonisent à merve ille avec l'audac ieux co ntraste noi r s ur bla nc de la ca lligra phie en« hang eu l » .

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e « hangeul » suscite aujourd'hui un regain d'intérêt, notamment par sa structure rationnelle et scientifique doublée d'un bel aspect visuel reconnus dans le monde entier, plus particulièrement depuis ces dix dernières années suite à l'inscription au Registre de la Mémoire du Monde de l'UNESCO, en octobre 1997, du traité intitulé « Hunminjeongeum » ou « L'écriture qui convient à l'instruction du peuple », qui expose en grand détail l'histoire et les principes de cette écriture. Ce prestige croissant allait lui valoir d'être pris pour thème de productions dans des domaines aussi divers que la mode, les spectacles ou le cinéma, mais aussi de faire l'objet d'importantes recherches consacrées à ses particularités esthétiques, un véritable âge d'or commençant alors pour cet élément du patrimoine culturel. Au service de l'art En février 2006, le grand couturier Lie Sang Bong présentait à Paris une collection agrémentée de calligraphies du peintre Lim Ok-sang, qui, à première vue peu distinctes, le devenaient lorsque les mannequins descendaient du podium et les pleins noirs tracés au pinceau offraient avec le blanc un contraste parfaitement adapté à ces créations. Inspirés d'une lettre envoyée à Lie Sang Bong par son ami Lim Ok-sang et dont

l'élégante écriture l'avait particulièrement frappé, ces modèles ont fait une fo rte impression dans les milieux de la mode, qui y ont vu « une esthétique à la fois orientale et moderne », ainsi que la réalisation d'une « harmonie entre l'esthétique formative abstraite et la haute couture ». Différentes initiatives contribuent au renouveau du « hangeul », comme les spectacles de la Compagnie de danse moderne Milmul, fondée en 1984, qui crée depuis 1991 des chorégraphies représentant l'élégance de cet alphabet par le corps et ses mouvements dont l'association à une notation alphabétique produit un résultat tout à fait inédit relevant de l'art du moment. La troupe poursuit actuellement son travail expérimental sur la reproduction des lettres par les évolutions souples des danseurs, mais aussi sur l'évocation des principes et de l'histoire de ce système scriptural. L'industrie cinématographique s'attache elle aussi à mettre en valeur les qualités esthétiques du « hangeul » en l'employant pour imprimer les titres d'affiches de productions coréennes couronnées d'un succès tant national qu'international, comme « Memories of Murder » (2003), « TaeGukGi: Brotherhood of War » (2003), « The

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King and the Clown » (2005), « The Host » (2006), « Secret Sunshine » (2007), ou « Hwangjiny » (2007), jusqu'aux derniers films étrangers, tels que « Transformers » et « Shrek the Third », qui recourent à une calligraphie numérique très révélatrice de leur contenu. L'omniprésence du « hangeul » dans l'art et le commerce se manifeste notamment dans la petite distribution où nombre de boissons, biscuits et produits de beauté se vendent dans des emballages qu'enjolivent des caractères tracés au gros pinceau. Elle est aussi constatable dans le secteur de l'électronique, puisque le modèle de téléphone portable « Shine Designer's Edition », que commercialise la société LG depuis octobre 2006, est marqué, calligraphiés sur son capot arrière, des vers suivants du poème « Dénombrement nocturne des étoiles » dû au vénéré Yun Dong-ju : « Une réflexion des saisons, les cieux sont remplis d'automne. Sans aucune inquiétude, je pense pouvoir compter toutes les étoiles dans le ciel automnal. », une touche d'originalité qui a séduit les consommateurs sur un marché pourtant déjà saturé. Le « hangeul » fournit aussi un thème de création artistique, notamment en poterie, sculpture et peinture occidentale sous forme d'inscriptions 26 Koreana I Automn e 2007

imprimées ou calligraphiées accompagnant d'innombrables oeuvres qui en révèlent ainsi l'inhérente beauté, lorsqu'elles ne figurent pas sur les objets eux-mêmes, exécutées le plus souvent au pinceau. En première ligne de cette entreprise de diffusion du « hangeul » se situent le cabinet de design Philmuk et ses créations faisant appel à cet alphabet dans des productions aussi variées que les affiches de cinéma, reliures, ·annonces publicitaires, logos, panneaux publicitaires et motifs décoratifs pour réfrigérateurs à « kimchi ».

Une beauté distinctive Par les élégantes lignes de ses graphies, le « hangeul » a inspiré la création de quelque deux cents typographies destinées à l'impression de magazines, journaux ou livres, leur choix se faisant toutefois beaucoup plus limité dans d'autres applications, notamment les textes de l'internet, où les principales sont « Dodum » et « Gullim » aux formes caractéristiques angulaires, droites et carrées, ainsi que « Bitmap », dont le tracé à pixels produit un profil en escalier aux extrémités aiguës. Également présente sur les deux premiers types, lesquels sont supérieurs à la plupart de leurs concurrents, cette configuration étagée présente néanmoins l'inconvénient, outre la fatigue visuelle

qu'elle provoque, d'une esthétique peu attrayante en raison de l'espacement irrégulier des lettres. Ce défaut s'explique principalement par les contraintes typographiques imposées en méconnaissance des spécificités du « hangeul » par le système d'exploitation du fabricant américain de logiciels Microsoft. Il s'avère donc impératif de mettre au point dès que possible des polices de cet alphabet qui soient plus lisibles sur internet sous peine de le voir inexorablement perdre de son efficacité dans sa vocation première de moyen de communication s'il n'évoluait pas au même rythme que les grands supports de transmission actuels. En l'an 2000, le quotidien g'information « The Chosun Ilbo » a favorisé considérablement l'usage de typographies « hangeul », par la mise au point, au terme de cinq années d'études, d'un type particulier de caractères convenant bien au réseau internet. Dans le secteur de la presse, en Corée comme ailleurs, de telles décisions sont courantes en matière typographique et début 2007, ce même organe allait mettre gratuitement à la disposition des autres journaux sa police spécifiquement conçue, « Chosun Ilbo Myeongjo », afin qu'ils puissent la mettre en oeuvre sur les supports imprimés d'aujourd'hui. Enfin, le quotidien « Hankyoreh » a rendu publics les résultats de


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1-2 Voilà maintenant tre nte ans que le ca lligraphe Sim Eung -sub s'emplo ie sans relâche à fa ire revivre toute la beauté du « hangeul ». 3 Le co ncepteur Lee Geon Maan a été l'u n des prem iers à crée r des produits de consommation à l'esthétique spéc ifiquement coréenne, notamment par un recou rs aux caractè res du« hangeul » , tel ce téléphone portable« Shine » de LG Electronics marq ué sur son capot arrière d'un verset du célèbre poème coréen« Dénombrement des étoiles nocturnes ».

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recherches réalisées en collaboration avec le groupe Samsung sur des typographies adaptées au « hangeul » et ces premiers éléments laissent espérer que l'effort entrepris dans ce domaine portera bientôt ses fruits. L'inspiration de projets culturels Loin de s'imposer dès son introduction, le nouvel alphabet alors appelé « Hunminjeongeum » fut tour à tour qualifié d'écriture « vulgaire », « pour femme » et « pour enfants » dans les plus hautes couches de la société, puis vit bannir son usage sous l'occupation japonaise (1910-1945) aux fins d'une entreprise de liquidation systématique de la culture coréenne qui se heurta à de vigoureuses résistances, mais après avoir survécu à ces vicissitudes, il a fini par imposer son système scriptural jugé exceptionnel, tant en Corée qu'à l'étranger, occupant même une place croissante dans la création artistique et culturelle. L'inspiration qu'y puisent nombre de productions de ce type, mais aussi d'autres à caractère commercial, constitue le signe encourageant de l'intérêt grandissant qui lui est porté partout dans le monde en raison de sa spécificité et par-delà sa valeur purement linguistique. Sous l'impulsion de la vague coréenne dite « hallyu » et de la forte expansion d'entreprises aujourd'hui bien implantées sur le marché mondial, la Corée attire aujourd'hui toujours plus de personnes désireuses d'étudier sa langue, tandis qu'à l'étranger, les effectifs étudiants progressent également à un rythme rapide dans ce domaine, la revalorisation du « hangeul » devant inciter le pays à en perfectionner les applications pour que son alphabet demeure un vecteur de création et d'innovation. t.t

Ah n San g-so o concepteur typographique Les travaux en cours sur la création de nouvelles polices de caractères« hangeul » sont étroitement liés aux progrès de la typographie, comme en témoigne l'intérêt profond qu'a porté à celle-ci, dès le début des années quatre-vingts, un célèbre concepteur typographique coréen né en 1952, Ahn Sang-soo. Responsable de la mise en page du magazine mensuel « Madang », il allait mettre au point la police du même nom dans le but de rompre avec le conformisme monotone de celles qui étaient employées jusqu'alors, suivie d'une seconde portant le nom de la société de conception graphique Ahn Graphies qu'il crée en 1985. S'affranchissant de la classique géométrie carrée à laquelle s'était cantonné jusqu'alors le « hangeul », Ahn Sang-soo fera œuvre de pionnier en matière de diversification de ses polices de caractères, recherchant constamment des formes nouvelles par un audacieux effort d'innovation. Autant de réalisations qui allaient lui valoir de se voir décerner cette année le Prix Gutenberg de la ville de Leipzig, le jury ayant déclaré : « Ahn Sang-soo est un typographe qui a une rare force c_réative et une extraordinaire sensibilité. Ses avancées et audacieuses créations typographiques ont révolutionné et modernisé l'alphabet coréen, le « hangeul » ». Créée en 1959 en mémoire de Johannes Gutenberg [1398-1468). l'inventeur de l'imprimerie à caractères mobiles, cette distinction récompense les personnes ou organismes qui contribuent aux progrès de la typographie, ainsi que de l'illustration, de la fabrication et de l" édition des livres.

Automn e 2007 1 Koreana 29


Le « hangeul » peut-il rapprocher les hoinines ? Doté d'une structure systématique et rationnelle qui facilite son assimilation par les apprenants coréens comme étrangers, l' alphabet « hangeul » laisse entrevoir l'intéressante possibilité de fournir un système scriptural universel pouvant contribuer au rapprochement des cultures. Kim Jinhyeong Directeur de recherche à la Fondation de la langue coréenne Ahn Hong-beom Photographe

S

ituée aux origines de la civilisation, l'écriture figure parmi les plus importantes inventions humaines car, si la parole constitue une faculté innée, l'apprentissage et le maniement de systèmes scripturaux relève principalement de l'acquis. La représentation écrite de la langue parlée exigeant des hommes un effort systématique, différentes sphères linguistiques dépourvues de signes graphiques à cette fin s'en sont dotées par emprunt, tandis que d'autres parviennent tant bien que mal à s'en passer. Toutefois, en considération des avantages que présente l'usage d'un système scriptural éprouvé, il semble logique d'en déduire que ces dernières communautés bénéficieraient considérablement de la mise en place d'une écriture adéquate. 30 Koreana I Automn e 2007

L'écriture dans le monde Principal système de représentation graphique des langues, l'alphabet latin étend notamment son influence à l'Europe occidentale et septentrionale, ainsi qu'au continent américain, à d'anciennes colonies africaines, à l'Australie. À l'instar de la Turquie, différents pays d'Asie du Sud-Est, comme le Vietnam, l'Indonésie ou la Malaisie, l'ont adopté plus tardivement en remplacement ou en complément de leur écriture traditionnelle. Sa prédominance mondiale s'explique par une certaine facilité d'assimilation et de transcription, mais aussi, dans une large mesure, par plusieurs décennies d'essor de la civilisation occidentale. De nombreux peuples emploient aussi les graphèmes des alphabets



Aux quatre coins du monde, toujours plus d'étudiants s'initient à la langue coréenne dans des instituts grâce aux bou rses d'études octroyées par la Fondation de Corée.

cyrillique, indien et arabe, ainsi que les idéogrammes chinois, le premier d'entre eux, en usage dans l'ex-Union Soviétique, notamment en Russie, étant issu du grec ancien, tout comme le latin. Le deuxième, ainsi que ses dérivés, s'utilise dans la plupart des nations du Sud-Est asiatique, exception faite du Vietnam, de l'Indonésie et de la Malaisie, dont l'écriture se serait inspirée du Brahmi indien . Quant au troisième, il est propre à des pays du Moyen-Orient tels que l'Arabie Saoudite. Au-delà des particularités nationales ou ethniques, les systèmes d'écriture proviennent le plus souvent d ' une souche commune, comme en ExtrêmeOrient, où l'écriture s'est longtemps limitée aux logographes chinois sous l'influence dominante de l'Empire du Milieu. Le Japon allait adjoindre à ceuxci différents signes obtenus par simplification des caractères chinois et regroupés sous l'appellation « kana », à l'instar de la Corée, qui les a associés à un alphabet spécifique dit « hangeul », lequel allait par la suite supplanter ces derniers. 32 Koreana I Automne 2007

Un apprentissage simple Caractérisé par une certaine rapidité de formation et une ancienneté assez courte, le « hangeul » est le seul alphabet attribuable à un inventeur unique, bien que quelques spécialistes mettent en avant l'influence qu'aurait eu sur celui-ci le Phagspa, dont la création par le moine tibétain Phagspa remonterait au treizième siècle. Il faut toutefois noter qu'en raison de son existence assez brève, cette écriture occupe dans l'histoire des langues une place moindre que celle de l'écriture coréenne. Cette dernière, à la différence notable des autres systèmes scripturaux, a vu stipuler, dès le départ et de manière systématique, les principes ayant présidé à sa conception et régissant son bon usage. En outre, sa structure extrêmement rationnelle simplifie d'autant son apprentissage et son emploi par tous, tandis que les autres alphabets, qui ont progressivement évolué au cours des siècles, ne bénéficient pas d'une structuration aussi rigoureuse. Les phonèmes consonantiques lénis, aspirés et fortis y sont représentés par des formes intuitives et

expressives comme suit : , [g, k] - =1 [k] - Tl [kk], C [d, t] - E [t] - U: [tt], [pp], les autres t1 [b, p] - IL [p] - Hll l'étant en fonction de la position des organes articulatoires, autant de caractéristiques réellement exceptionnelles du point de vue des théories linguistiques contemporaines. Il en résulte par ailleurs une plus grande facilité de compréhension et d'expression écrites par les apprenants étrangers, qui pour la plupart acquièrent rapidement le mécanisme de l'articulation des graphèmes dès la première explication, tout comme celui de l'association de ces signes en blocs syllabiques. Professeur émérite à l'Université de Hamburg et premier Allemand à avoir obtenu un doctorat de coréanologie, Werner Sasse (1942-), avoue que le « hangeul » lui a tout d'abord paru des plus énigmatiques, mais qu'il s'en est fait par la suite une tout autre idée en voyant ses enfants âgés de moins de dix ans, auxquels il l'enseignait à son tour, le comprendre et l'assimiler avec une facilité déconcertante, allant jusqu'à transcrire phonétiquement des mots alle-


Korean

Àil 7-11 ~

'3! ~

Arabie

t1WI ~

~

~"â Jy.i~l

Chinese

Jttt itt Jll B~ ii x

English

Hangeul, Bringing the World Together

French

Hangeul, qui relie le monde

German

Hangeul - Brücke zwischen den Welten

Russian

)];OCT051Hl1e MMpüBOM I.I;l1BJ1Ill13a.u;1111

Spanish

Hangeul: uniendo el mundo

mands dans cet alphabet pour communiquer par un« code secret ».

Rayonnement international Écriture phonémique à la structuration particulièrement rationnelle facilitant son acquisition, le « hangeul » pourrait un jour étendre son influence à d'autres sphères linguistiques que celle des régions coréanophones et servir ainsi de support à nombre de langues, comme c'est aujourd'hui le cas de l'alphabet latin dans ses zones d'influence, en fournissant un système de transcription capable de s'adapter parfaitement aux différents idiomes par sa structure, sa rationalité et sa facilité d'apprentissage. Voilà déjà plusieurs décennies que l'UNESCO a entrepris de lutter contre l'analphabétisme en apportant son soutien à de nombreux projets poursuivant cet objectif dans différentes nations du monde, mais les études effectuées par cette organisation révèlent que la proportion de personnes illettrées dépasse cinquante pour cent de la population dans bon nombre de pays. Elles constatent en outre qu' environ vingt pour cent

des langues du monde sont dépourvues d'un système scriptural bien établi et risquent fort de ce fait de se trouver pareillement vouées à l'extinction en ce XXI' siècle marqué par l'expansion d'un univers virtuel où une poignée de langues d'envergure mondiale relèguent au second plan un nombre croissant de langues vernaculaires de plus petite diffusion. Eu égard aux nombreux conflits et différends qui agitent notre monde, la perspective de voir ses habitants dialoguer un jour en toute liberté et d'égal à égal, sans pour autant renoncer à leurs spécificités culturelles et linguistiques, peut dans le meilleur des cas paraître une vue de l'esprit. Il n'en demeure pas moins que toutes les nations .se doivent d 'unir leurs efforts afin d'améliorer le sort des peuples qui se trouvent aujourd'hui privés d'écriture ou dans l'impossibilité d'apprendre celle-ci, et par-là même exclus des progrès de la civilisation moderne, le « hangeul » pouvant à cet égard leur apporter un bon support de remplacement. D'ores et déjà reconnu en Corée comme à

Établissements d'enseignement de la langue coréenne Aujourd'hui, la sphère d'influence plus large dont jouit la langue coréenne dans le monde permet une meilleure connaissance de son alphabet dit « hangeul ». Outre la vingtaine d'universités et écoles qui proposent, dans le cadre du système éducatif, des cursus d'études coréennes à l'intention des ressortissants étrangers souhaitant s'y initier au titre d'une première ou deuxième langue étrangère, existent près de cent cinquante établissements rattachés à l'enseignement supérieur, notamment des instituts de langues internationaux et des centres de formation en langues étrangères, sans compter les innombrables instituts de langues privés qui fleurissent hors de ces structures. Selon le « Livre blanc des études coréennes à l'étranger » qu'a édité cette année la Fondation de Corée, quelque sept cent trente-cinq universités situées dans différents pays dispensaient en 2005 des cours de langue et culture coréennes. Sur la base de données recueillies en 2005, la Fondation internationale de la langue coréenne (IKLF) a par ailleurs recensé en Asie du Nord-Est trois cent quatre-vingts universités offrant de tels enseignements, ainsi que six cent quarante en Europe, Amérique, Afrique et Océanie, entre autres régions. Si de tels chiffres semblent assez dérisoires au regard de ceux qu'atteignent les langues de beaucoup plus grande diffusion, comme l'anglais ou le chinois, le« hangeul » devrait pouvoir, dans un avenir proche, revendiquer la place qui lui revient en tant qu'écriture universelle susceptible d'intégrer plus encore le pays à la communauté internationale tout en participant au rapprochement des peuples du monde, et permettre ainsi à la langue de parvenir à une plus grande diffusion. Système scriptural inventé par une petite nation d'Extrême-Orient voilà un demimillénaire, cet alphabet a été présenté comme « l'une des plus importantes réalisations intellectuelles de l'humanité » (G. Sampson,

Writing Systems: A Linguistic Introduction, p. 144) et quel plus grand motif de fierté pour la Corée, que de voir cet outil de communication contribuer un jour à une meilleure qualité de vie dans le monde ?

l'étranger, l'énorme potentiel de son écriture polyvalente incite toujours plus à proposer son adoption par les nations qui combattent l'analphabétisme.~ Autom ne 2007 1 Korea na 33


DOSSIER

34 Koreana I Auto mne 2007


2

3

Forte d'une fréquentatio n annu elle de six millions de visiteurs. la Sm ithso nian Institution co nsacre depuis peu l'u ne de ses galeri es à la Corée. Pour le public étranger. c· est la poteri e qui. par son raffinement, représente au mi eux la culture et le s arts trad itionnels corée ns. Pièces dites« buncheong » gravées de motifs de pivo in es et aiguière en porcelaine pisciforme à glaçure décorative bleu coba lt.

Une galerie L consacrée à la Corée à la

e 7 juin dernier, la Smithsonian Institution inaugurait, au deuxième étage du Musée national d'histoire naturelle de

Washington, une galerie d'exposition coréenne d' une

superficie de cent mètres carrés, auxquels s'ajoutent soixante

autres dédiés à l'art contemporain, ce qui fait de la Corée le premier pays à disposer d'un espace propre dans le plus grand

établissement américain de ce type, puisqu'il accueille chaque

année six millions de visiteurs.

Smithsonian Institution

Étapes de réalisation En cette année 1985 où prenait forme son projet consacré à l'histoire des cultures d'Asie, le Musée national d'histoire naturelle du Smithsonian prévoyait déjà d'ouvrir une galerie coréenne dans ses murs, une idée qu'allait relancer dix-huit ans plus tard Kwon Yang-suk, première dame de Corée alors en visite, avec le concours financier de la Fondation de Corée et les conseils techniques du Musée folklorique national de Corée sur les expositions et affaire connexes. Alors que les salles coréennes déjà aménagées à l'étranger

Première aux États-Unis par la fréquentation des

avaient pour but principal de rassembler les objets coréens de leur

établissements qu 'elle administre, la Smithsonian

établissement d'accueil, celle du Smithsonian entend aussi abri-

Institution vient d'ouvrir, au sein de son Musée national

ter des expositions à vocation éducative, conformément à l'objectif

d'histoire naturelle, une galerie entièrement consacrée

à l'exposition d'objets provenant de Corée. Kim Heesoo Conservateur au Musée folklorique national de Corée

que s'est fixé son musée de promouvoir la « compréhension du milieu naturel et de la place qu'y occupe l'Homme». À _cet effet, la recherch e des thèmes à aborder a reposé sur l'analyse des préférences formulées par les visiteurs, l'étude approfondie des objets disponibles et une recherche sur le terrain. Cette démarche a abouti à la sélection des sept thème s sui va nts en vue d'une première exposition : « Les paysages coréens », « La poterie coréenne : un savoir-faire traditionnel », .« Le respect envers la famille », « Le mariage en Corée », « Le « hangeul » : symbole et motif de fierté », « La Corée dans le monde »et« L'art contemporain en Corée ». Des quelque quatre mille pièces de la collection constituée par le Smithsonian en cent vingt années, quatre-vingts objets et chefsd'œuvre datant du W siècle avant Jésus-Christ à nos jours, ainsi que deux cents photographies et reconstitutions, allaient être retenus en vue de cette manifestation.

À l'occasion de l'inauguration de la Galerie coréenne, le Festi-

Automne 2007 1 Koreana 35


val Washington-Corée allait proposer, du 4 mai au 28 juin, ses

coutumes correspondants, notamment sous forme d'objets tels

volets « Spectacles et manifestations », « Conférences et collo-

qu'un autel de cérémonie, une table avec encensoir et des chai-

ques »et« Festival du film coréen de Washington » principale-

ses destinées aux rites commémoratifs. Par le biais d'une exposi-

ment destinés à révéler les différents aspects de la Corée tradi-

tion spéciale, le visiteur pouvait aussi découvrir la coutume du

tionnelle et du pays dynamique qu'elle est aujourd'hui par Le biais

« doljabi », une célébration se déroulant lors du premier

de ses productions musicales, littéraires, artistiques et arti-

anniversaire d'un enfant et consistant à placer celui-ci devant

sanales, ainsi que de ses costumes folkloriques et de son cinéma.

une table où ont été déposés des objets tels que du fil, de

Poterie et nature coréennes

mier dont il se saisira laissant présager de son avenir.

l'argent, du riz, un pinceau, un livre, des nouilles et un arc, le preEn pénétrant dans la galerie, qu'annonce un panneau

Dans « Le mariage en Corée », la cérémonie du mariage

bilingue, Le visiteur a découvert un « sotdae », ce « poteau de

était présentée dans sa dimension culturelle au moyen de pho-

garde » jadis élevé par les villageois à l'entrée de leur

tographies révélant L'évolution spectaculaire qu'elle a subi avec

agglomération pour en éloigner la malchance, ainsi qu'un

le temps, comme en témoignaient des costumes traditionnels,

« muninseok », c'est-à-dire une statue de pierre représentant

accessoires et chaussures, dons de la couturière Lee Young Hee

un fonctionnaire de l'État, comme il s'en trouve auprès des

également exposés pour faire découvrir ces rituels hauts en

tombes royales aux côtés d'autres figures. Ces œuvres s'accom-

couleurs.

pagnent d'une peinture de tigre, animal emblématique en Corée, et d'un écriteau calligraphié à l'ancienne.

Consacrée à L'alphabet coréen, L'exposition intitulée « Le « hangeul » : symbole et motif de fierté » présentait, aux côtés

Dans sa première partie intitulée« Les paysages coréens »,

d'un portrait du Roi Sejong, qui fut l'inventeur de génie de cette

l'exposition présentait, dans l'esprit particulier du Musée Smith-

écriture, Les signes constitutifs de celle-ci, à savoir quatorze con-

sonian, de merveilleuses photographies des quatre saisons

sonnes dont les trois premières sont « --, », «

coréennes dans toute leur splendeur, aux côtés de divers docu-

ainsi que dix voyelles au nombre desquelles figurent«

ments situant la péninsule coréenne sur le plan géopolitique et

«

d'un ensemble de racines de ginseng coréen dont les vertus

scriptural et sa signification, elle permettait aussi d'en former les

t

» et «

-l

L

» et « c }

», »,

». Apportant des informations sur ce système

pharmaceutiques étaient recensées d'un point de vue anthro-

Lettres à la main, présentant en outre divers accessoires de calli-

pologique.

graphie et des objets tels qu'une écritoire, des pinceaux, pierres à

Les objets exposés sur le thème « La poterie coréenne : un

encrer et verseuses.

savoir-faire traditionnel » comportaient des Lampes à huile

Enfin, le volet consacré à « La Corée dans le monde » rap-

employées sous le royaume de Silla (57 av. J.-C. - 935], des

pelait la mùtation industrielle qu'a connue le pays en quelques

céladons qui remontent à la dynastie Goryeo (918-1392) et des

décennies, au lendemain d'un conflit destructeur, illustrant son

poteries nommées« buncheong », à celle de Joseon (1392-

propos des vies de personnages mondialement célèbres par

191 O), dont le délicat ton gris-bleu en sous-glaçure participe du

leurs réalisations et des succès remportés dans L'arène sportive

patrimoine culturel coréen, une analyse comparative des

mondiale, dont l'adoption du taekwondo au nombre des disciplines

différentes pièces retraçant l'évolution de cet artisanat. L'exposi-

olympiques, l'organisation des Jeux Olympiques de 1988 à Séoul

tion évoquait également les différents déplacements de popula-

et L'élan qu'ils ont donné aux activités sportives nationales, ainsi

tion, formes d'expression culturelle et modes de vie qui se sont

que l'apparition d'athlètes coréens de niveau i~ternational

succédé de L'époque des Trois Royaumes (I" s. av. J.-C. - VII" s.) à

comme La championne du LPGA, Pak Se Ri.

la dynastie Joseon, puis de celle-ci à nos jours. De manière

La Galerie coréenne s·orne de tableaux contemporains por-

pragmatique, elle établissait une continuité entre L'artisanat tra-

tant sur des thèmes paysagers ou de mœurs, sans omettre ceux,

ditionnel et contemporain en conviant le public à s'essayer à la

plus traditionnels, des dix symboles de longévité que sont le

fabrication d'une pièce de céladon, de sa première ébauche à sa

soleil, les montagnes, l'eau, les rochers, les nuages, les pins,

finition et en complétant cet exercice pratique par la remise

l'herbe de jouvence, la tortue, la grue et le cerf.

d'une documentation.

Riche d'un passé cinq fois millénaire, la Corée est pourtant encore trop souvent perçue par ceux qui la méconnaissent sous

Corée d'hier et d'aujourd'hui Le volet intitulé « Le respect envers la famille » mettait en

forme des stéréotypes de La guerre civile, de la partition et d'une croissance économique fulgurante, une vision à Laquelle peuvent

évidence la force du Lien familial coréen en évoquant la sur-

remédier des expositions thématiques telles qu'en présente

vivance des pratiques rituelles consacrées aux ancêtres et la

cette Galerie coréenne dans le but d'en faire connaître et

cérémonie accomplie aux cent jours d'un bébé dans l'espoir que

apprécier la culture, tout en fournissant un espace d'activités

l'avenir lui réserve chance, santé et longue vie. Il présentait la

éducatives où le visiteur peut découvrir ce pays de manière plus

conception coréenne de la famille en l'illustrant par les rites et

directe tout en apprenant à connaître son peuple et sa culture. t...t

36 Koreana I Automne 2007


2 3 4

Sur les murs de so n coulo ir d'accès, la Ga lerie corée nne fo urn it un pan orama de l'art contemporain e n Corée. Encensoir en porcelaine à motifs de fleurs en relief et glaçure bleu cobalt. Lampes à huile d'époque Gaya et Silla [V' et VI' siècle]. L'exposition inaugurale portait sur sept thèmes différents, dont celui de la cérémonie du mariage, en présentant les costumes traditionnels réservés à celle-ci.

2

Automne 2007 1Koreana 37


ENTRETIEN


Lee Jong-sang ou la quête infinie de la genèse des formes Comptant de longue date parmi les grands noms de la peinture contemporaine coréenne, Lee Jong-sang n'a eu de cesse de traduire par ses tableaux sa vision hautement philosophique d'un art ancré dans la réalité historique. Kim Bok-yeong Critique d'a rt et professeur à l'Université Hongik

atif de Yesan, ville de la province de Chungcheongnam-do

affranchie des limitations inhérentes à la peinture traditionnelle

où il a vu le jour en 1938, Lee Jang-sang, après avoir

et, en second lieu, pour me démarquer de l'allégeance actuelle

étudié la peinture orientale à la Faculté des Beaux-Arts de

au modernisme occidental, j'ai entrepris de mettre au point un

l'Université nationale de Séoul, fait une entrée tonitruante dans la

nouveau concept d'autogenèse supplantant celui de

carrière en 1962, puisqu'il est alors le plus jeune artiste autorisé

['hétérogenèse. »

à se présenter au concours national annuel de l'Association des

Par autogenèse, le peintre entend ici un rattachement identi-

Beaux-Arts coréens, connu sous le nom de Grande exposition

taire à la grande tradition artistique coréenne dans le cadre d'un

des arts coréens et destiné à découvrir les nouveaux talents.

développement autonome se refusant à l'imitation pure et sim-

Poursuivant ses études à l'Université Dongguk dans les années

ple, voire imperméable à toute influence externe. Se ralliant à

soixante-dix et quatre-vingts, il y obtiendra un doctorat

l'impératif de créer une école coréenne autonome, il n'en

d'esthétique comparée et de philosophie orientale témoignant

réaffirme pas moins le rôle considérable qu'ont joué, et que con-

d'un parcours inhabituel chez un artiste coréen en activité. Par la

tinueront de jouer, les grands courants artistiques du _passé dans

suite, il consacrera son temps à des recherches sur les formes

l'évolution de la peinture coréenne jusqu'à nos jours.

d'art contemporain liées à la peinture traditionnelle coréenne, tout en prônant une démarche d'autogenèse dans ce domaine.

Sa passion de l 'art ainsi doublée de cette réflexion philosophique l'a amené à se pencher sur la problématique de l'art coréen contemporain tout en continuant de créer dans son

Autonomie de la création artistique

univers artistique propre.

Lee Jang-sang est un de ces rares artistes possédant une maîtrise tant conceptuelle que technique de son art et il s'est

Diversité de l'œuvre

illustré à tel point dans la production coréenne de ces cinquante

Cette production vieille d'un demi-siècle se divise à peu près

dernières années que la connaissance de cet apport s'avère

en trois périodes, à savoir, successivement, du réalisme d'un

indispensable pour comprendre toutes les péripéties qu'a con-

style dit« jingyeong », c·est-à-dire des« paysages authen-

nues celle-ci.

s· employant

sans relâche à affiner son art, tel

l'ascète qui recherche l'union avec l'esprit divin, il s·est constamment imposé le questionnement de son identité coréenne.

tiques », de la « nouvelle peinture murale » et de la recherche sur la genèse des formes. Depuis les derniers temps de la dynastie Joseon [1392-191 Dl.

« J'ai tenté de répondre tout au moins à deux questions

la peinture paysagère coréenne se caractérise par un réalisme

posées par la peinture contemporaine coréenne, dans un pre-

qu'illustrent ses« paysages authentiques » et en découvrant ce

mier temps, par la découverte d'une nouvelle source d'énergie

genre particulier, Lee Jang-sang s'est efforcé d'en comprendre Automne 2007 1 Korean a

39


Dokdo - En ergie Il », encre sur papier coréen, 89 x 89 cm, 1982 « Dokdo - Energie 1 », encre sur pap ier coréen, 89 x 89 cm, 1982 « Origines des fo rm es 90073 - aspiration à la réunifica ti on » , encre coréenne et colorants naturels sur pap ier de mûrier, 117 x 70 cm, 1990 « Protocontinent » , pei nture murale contemporaine, 87 x 87 cm, 1970 «

2

B 2

3

4

40 Koreana I Autom ne 2007


la spécificité en observant l'évolution du réalisme de 1959 à 1979. Dépourvu de tout propos d'abstraction, il s'est limité à restituer sur le papier de riz, à l'encre de Chine noire ou de couleur, ses observations de montagnes, versants rocheu x, mer ou chantiers en les rendant avec grande précision . Ce faisant, il aspirait à suivre les traces de Jeong Seon [16761759). maître incontesté de la peinture paysagère à la fin de l'é poque Joseon, pour aboutir à l'expression d'une vision personnelle de la montagne et de l'eau dans la Corée contemporaine, mais à la manière de ces « paysages authentiques » d'antan. Dans ses vues de Dokdo, il s'attachera notamment à représenter les principes de la géomancie et de l 'é nergie terrestre qui président à l'existence de la péninsule coréenne. « De toute la série des « jingyeong » , j'ai une préférence particulière pour ceux de Dokdo, cette île de la Mer de l'Est, car elle fait partie des lieux auxquels je m'intéresse le plus depuis les années soixante-dix, parmi tous ceux que j'ai pu peindre en Corée, et parce qu'elle représente à elle seule la synthèse de mon art. Il en émane, plus qu 'ailleurs, une expression des forces antinomiques de l'énergie de la Terre qui animent la peinture paysagère coréenne. » Quant aux œuvres qui participent de la « nouvelle peinture murale », elles se succèdent selon trois grandes étapes chronologiques, dont la première comporte notamment« Temps anciens » [1968-69). « Origine » [1968). « Pouvoir de conditionnement » [1970). ainsi que« Douze symboles de longévité et dragon bleu » [1973). tandis que « Les origines des formes - la Terre » [1989) ou« Les origines des formes - aspiration à la réunification » [1990) se rattachent à la deuxième et la peinture murale intitulée« Les origines des formes - paix sur la Terre » [1994). à la troisième. L'artiste a tenté d'y actualiser les archétypes

3

correspondant aux symboles collectifs qui figurent sur les peintures tombales de la Goguryeo ancienne [37 av. J.-C. - 668) au moyen d'un ensemble expérimental de techniques alliant l'encre de Chine noire et de couleur sur fresque aux huiles sur cuivre.

À partir de 1988, le centre d'intérêt de l'artiste se déplacera vers une recherche de l'o rigine des formes qui, dans le cadre d'une production murale et paysagère, consolidera les fondements philosophiques de son art. Jusqu'à l'année 1995, cette œuvre alternera touches d'encre de Chine légères et de couleurs plus vigoureuses appliquées, aux côtés de pigments naturels, sur des supports traditionnels coréens tels qu 'un papier épais et résistant dit« jangji », la thématique portant quant à elle sur les clivages de la société. Lors de sa phase ultérieure de recherche sur la genèse des formes, le peintre s'adonnera à la production d' œuvres faisant appel à des éléments « archaïques » de la Corée ancienne en partant de la Terre originelle. La mise au point d'une technique spécifique pour l'exécution d'huiles sur plaques de cuivre et l ' incrustation instantanée d'encre de Chine et de pigments naturels sur un papier de mûrier portera à son summum un art destiné à critiquer l'a bsurdité de notre époque, mais procédant d'une volonté de rassembler les Automne 2007 1 Koreana 41


r

Origines des formes 89117 - De la Terre », peinture murale à glaçure au cuivre, 400 x 1300 cm, 1989 2 « Douze symboles de longévité et dragon bleu », 1973, peinture murale sur toile, 287 x 405 cm, 1989 3 « Origines des formes 97061 », installation murale, pigments et colorants naturels sur papier de mûrier, 600 x 7200 cm, 1987 «

42 Koreana I Automne 2007


fragments d'émotions et d'existences brisées par une aberrante

démarche trop hétérogène.

partition. Différant totalement de la production des débuts, ces

Son art se caractérise en outre par la notion de préfigures

œuvres semblent s'inscrire dans une démarche symbolique

relative à la nécessaire représentation de la réalité historique en

rédemptrice de la réalité par le sentiment catholique qui s'y

peinture, si tant est que celle-ci demeure une forme d'art.

exprime.

Quelles que soient les limitations qui s'imposent à leur liberté de créer, les artistes ne peuvent faire abstraction des rapports his-

Archétypes coréens Le mot allemand « urform », qui signifie « forme originelle », représente assez bien les fondements conceptuels de

toriques et sociau x, car, de l'avis même du peintre, un art qui se couperait de tout contexte perdrait en même temps son identité et sa nationalité.

l'œuvre de Lee Jang-sang, qu'il incarne et illustre intégralement,

« Parce que l'art authentique ne peut naître ni de l'arbitraire

tout en résumant à lui seul la carrière du peintre, ainsi que ses

ni du néant, je m'attache à représenter les faits historiques ayant

concepts d'autogenèse et de préfigures.

trait à Dokdo en me pénétrant de son énergie terrestre, ou à

« Par la notion d'autogenèse, j'ai voulu m'inscrire en faux

Goguryeo , en m'inspirant de ses peintures murales, afin d'en

contre l'hétérogenèse, dont la peinture traditionnelle coréenne

exprimer l'essence dans mes œuvres. Tous mes « jingyeong »

est la parfaite illustration, car elle résulte d'un croisement avec

de Dokdo reposent sur les principes de la géomancie et de la

celle de la Chine. Sa démarche procède d'une soumission aveu-

géographie, tandis que mes peintures murales évoquent celles

gle à la nature et à l'académisme dictée par l'éthique

des tombes de Goguryeo, car ce sont ces éléments de la réalité

confucéenne et les doctrines de Chu-tzu dans le domaine de la

qu· elles s· efforcent de figurer. »

peinture paysagère. »

L'art de Lee Jang-sang représente l'aboutissement de ses

Tout en procédant à cette critique, Lee Jang-sang a cherché à

travaux sur la genèse des formes coréennes et le fruit de ceux-ci

doter son art d'un fondement d'autogenèse par lequel il pourrait

s'apparente à la découverte d'un trésor profondément enfoui , au

se différencier de la peinture chinoise, cette démarche n'étant

terme de longues recherches dans l'immensité des mers que

nullement motivée par un propos nationaliste , mais par la

constituent la géographie et l'histoire coréennes. Sans se

nécessité de fournir une continuité identitaire à la peinture con-

départir de la beauté à la fois sobre et audacieuse propre à l'art

temporaine coréenne face à la régionalisation caractérisant la

coréen, ses œuvres autorisent la réinterprétation, avec une sen-

société moderne, ce principe d'autogenèse devant s'entendre

sibilité moderne, d'une esthétique de l'inachèvement et de la

comme une mise en garde lancée à l 'art coréen contre les

marginalité, ainsi que d'une conception de la nature et d'un anti-

éventuelles dérives morphologiques et qualitatives d'une

conformisme qui sont tout aussi coréens.

t.t


ARTISAN


Lee In-se symbole vivant du

<<

soban

>> traditionnel

Indispensable élément du mobilier d'intérieur ancien, puisque l'on ne s'asseyait autrefois qu 'à même le sol, la table-plateau dite« soban » représente un artisanat séculaire que le maître menuisier Lee ln-se perpétue aujourd'hui contre vents et marées. Lee Min-young rédactri ce occasionnelle Seo Heun-kang Photographe

L

e « soban », ce petit meuble faisant au choix office de plateau ou de table de salle à manger, était bien adapté à l'habitat et à la vie quotidienne d'antan, tout comme au service du palais royal, pour apporter au souverain plats ou friandises diverses, ainsi que des coupes emplies d'eau à pein e tirée du puits dans les bâtiments réservés aux femmes, où celles-ci priaient pour la naissance d'un enfant qui plus tard mangerait à cette même table et c'est encore sur elle qu'étaient déposés les porte-encens allumés à la mémoire du défunt, son emploi rythmant ainsi l'ensemble de l'existence humaine. Alors indis pensable à la vie de tous les jours, cet accessoire aux multiples usages doit aujourd 'hui lutter pour conserver sa place dans un monde en pleine évolution, un objectif auquel œuvre encore le maître du « soban » Lee ln-se, à près de quatre-vingts ans et qui lui a valu de se voir classer Important bien culturel immatériel n° 99 en tant que gardien de l'âme de la Corée éternelle. Aux sources de la tradition Les habitants d'une maison traditionnelle coréenne n'emploient pas de chaises, car ils s 'assoient sur un plancher recouvrant une tuyauterie chauffante dénommée « ondol » , que ce soit pour y prendre leur repas et collations ou pour écrire, d'où l'utilité du « soban », à la fois table et plateau sur lequel étaient

Les« soban » possède nt des appellat ions d'origi ne telles que ce « haeju ban » prove nant de la région de Haeju, une ville de la province de Hwang hae-do situ ée en Corée du Nord , et do nt le plateau prése nte des co ins angulaires , tand is qu e pi eds et mo nta nts s·ornent de gravures élaborées.

Autom ne 2007 1 Koreana

45


apportés les plats confectionnés en cuisine. Des peintures tombales attestent de son usage dès l'époque du royaume de Goguryeo [37 av. J.-C. - 668]. comme celle de Gakjeochong, c"est-à-dire des lutteurs, qui représente différents articles domestiques, ou encore de Muyongchong, à savoir des danseurs, figurant un fonctionnaire de l"État et un bonze assis à une petite table couverte de mets. Les monarques qui se succédèrent au temps de Silla Unifié [676-918]. Goryeo [918-1392) et Joseon [1392-1910) s'approvisionnaient en« soban » auprès d'artisans rémunérés à cet effet sur le budget de l'État, d'autant que sous cette dernière dynastie, le confucianisme dominant prônait une séparation des personnes selon le sexe, l'âge et la position sociale, y compris à l'occasion des repas exigeant donc, en raison des nombreux déplacements de ces tables, que celles-ci offrent un encombrement réduit, c'est-à-dire inférieur ou égal à cinquante centimètres de longueur sur trente de largeur et de hauteur. Aujourd'hui encore, leur conception reprend le style en vogue à la fin de l'époque Joseon en différentes variantes correspondant aux appellations d'origine Haejuban, Tongyeongban et Najuban, à leur pieds caractéristiques reproduisant la forme des pattes du tigre ou du chien, ce qui est respectivement le cas du Gujokban et du Hojokban, ou encore à leur forme générale, qui peut être circulaire, rectangulaire ou polygonale .

c· est

à partir de 1894, année de la Réforme de Gabo qui

ouvrit en Corée une ère de modernisation politique, économique et sociale, qu'allaient être en usage courant des tables à pieds pliants. Par la suite, sous l'influence occidentale qui s'exerçait alors jusque dans le domaine du mobilier, les Coréens allaient de plus en plus prendre leur repas assis sur des chaises et délaisser ce faisant le « soban », dont la fabrication traditionnelle subsiste néanmoins à nos jours grâce au la~eur fervent d'une poignée d'artisans.

Un dévouement sans bornes Voilà maintenant soixante ans que Lee ln-se se consacre pleinement au « soban », cet artisanat de haute tradition se confondant à tel point avec sa vie que son domicile semble un prolongement de son atelier, car en poussant la porte du premier, on découvre un impressionnant amas de pièces de bois en tout genre auxquelles succèdent les outils de menuisier épars du second, puis le local de laquage reconnaissable à son odeur persistante et enfin, tout au fond de la maison, la modeste pièce qu'habitent Monsieur Lee et son épouse. Aux yeux de cet artisan, les jours qui passent représentent autant d'occasions de se consacrer avec une égale passion à la confection de« soban » aux élégantes lignes. « Pour se lancer dans le métier, il faut en connaître 46 Koreana I Automne 2007


1-2 Les formes de pieds correspondant à différentes appellations sont illustrées ici par le style dit à« patte de tigre », auxquelles il convient notamment d'ajouter celui à« patte de chien », à« sabot de cheval » ou en« canne de bambou ». 3 Les serviteurs emportaient les mets hors du palais ou des bureaux gouvernementaux à l'aide de cette table dite« gongosang » qu'ils posaient sur leur tête et dont les trous latéraux faisaient office de poignées tout en permettant aux porteurs d'y regarder à travers. 4 Parfaitement adaptée aux besoins de la vie quotidienne, la table-plateau permet de servir individuellement plats et boissons aux convives, comme en ont coutume les Coréens.

les méthodes traditionnelles. Mon père tenant une échoppe, il était naturel que je l'aide lorsque j'étais adolescent, bien que totalement ignorant de son activité, puisque je n'ai vraiment commencé à comprendre celle-ci qu'à la cinquantaine. La réalisation du moindre motif sera différente selon qu'elle bénéficie ou non des acquis du passé, car un artisan dûment formé variera sans cesse son graphisme, plutôt que de reproduire une même ébauche à l'infini », explique-t-il. Arrivé à l'âge de seize ans, Lee ln-se manifeste un certain intérêt pour les « soban » de l'échoppe artisanale paternelle située à Anseong, dans la province de Gyeonggi-do, et les cours de peinture que lui dispense à cette même époque le maître paysagiste et portraitiste Kim Eun-ho (1892-1979) s'avéreront plus tard des plus profitables lors de la réalisation des motifs ajourés ornant les montants des tables de type Haejuban. Il s'essaie par ailleurs à différents métiers, notamment comme ouvrier d'une usine de pneumatiques ou employé des chemins de fer, pour revenir à ses premières amours, de retour à Séoul, alors qu'il est âgé une vingtaine d'années, en décidant d'embrasser la carrière artisanale et de consacrer par la suite tous ses efforts au travail ornemental.

Une harmonie parfaite S'il est un « soban » que l'artisan aime plus que tout autre parmi ses nombreuses fabrications, c'est bien celui de style Haejuban, seul à être soutenu, en lieu et place des pieds, par des montants de bois à motifs gravés qui confèrent à l'ensemble les aspects esthétiques d'une œuvre d'art. L'exécution d'une telle pièce exige au préalable la sélection d'un bois de qualité, c'est-à-dire présentant un grain uniforme tel que celui du zelkova ou du « Kalopanax pictus » adaptés à la réalisation du plateau, tandis que le ginkgo, par sa finesse et sa facilité de travail, convient mieux aux montants et gravures. Automn e 2007 1Koreana 47



« Il doit être issu d'un arbre poussant en zone humide, posséder un grain fin et être absolument sec, si possible au terme d'un séchage de cinq à dix ans. J'en ai moi-même laissé reposer presque vingt ans», précise l'homme. « Il faut alors le découper selon une proportion de quatre en longueur pour trois de large, puis raboter ces morceaux sur une épaisseur de sept millimètres afin d'obtenir la pièce constitutive du plateau dont on forme les coins angulaires ou arrondis. Une fois le plateau terminé, on passe aux montants, dont on commence par ébaucher les motifs sur le bois avant de le découper à la scie sauteuse. « Il importe de bien choisir le dessin et j'opte personnellement pour des porte-bonheur traditionnels comme le caractère « man » [ri:), symbole de chance, la chauve-souris et l'arabesque en les associant pour obtenir des formes nouvelles . Il m'arrive par exemple d'enchaîner l ' un à l'autre plusieurs « man » de manière originale ou d'y ajouter les dix symboles de la longévité ou ceux du bonheur. » Pour Monsieur Lee, la création de ces décors doit prendre en compte la conception, les proportions et l'ornementation des montants, la patience de l'artisan se conjuguant alors avec la passion de l'artiste pour donner le jour à des « soban » au x motifs aussi gracieux que complexes . À l'achèvement de ces pièces , il lui faudra encore réaliser les appuis sur lesquels repose le plateau avant de procéder au montage de ce dernier et des montants, où viennent se fixer les pieds, pour obtenir un ensemble appelé « baekgol », dont la finition sera exécutée par laquage en couches successives au cours de plusieurs mois.

Attachement aux traditions Le haut degré de perfection atteint dans cet art par Monsieur

. . ,.1 1 1 1• ••••••••••1111.... .

Lee, qui fêtera cette année ses qua t re-vingts ans, a été récompensé à plusieurs reprises par les diverses distinctions qu'il s'est vu décerner depuis 1980, lors d'expositions nationales d'objets artisanaux traditionnels, ainsi

que par le Prix du Premier ministre qui lui a été remis en 1990 pour un « soban » rond en laqué rouge. Toutefois, il apprécie plus que tout la clientèle de personnes qui l'ont découvert par ouï-dire, en particulier de celles venues tout exprès du Japon escalader cette colline du quartier de Sanggye-dong qui mène à son atelier. « J'ai toujours fabriqué des« soban ». Après avoir tenté ma chance ailleurs, je suis revenu au métier et continuerai sur cette voie. J'ai maintenant l'intention de réaliser une table à incrusta-tians de nacre. » Si le dos voûté de l'artisan accuse le passage des années vouées à son dur labeur, son dynamisme reste entier, nourri de cet ardent désir de réaliser le meuble merveilleux et de son attachement à l'artisanat de tradition qu'il a pris pour métier. i..t

1-3 Le plateau se co mp ose de diffé rentes pièces réalisées dans un bo is qu i peut avoi r été la issé à sécher cin q à dix ans , préalab lement à la déco up e et au montage. Pieds et montants s·agrémentent souvent de gravu res complexes, tand is que la fini tion consiste en un laqu age à plus ieu rs couches dont la réalisation pe ut ex ige r des mois. 4 Doté d' un monta nt central et de pieds-sup ports, le « so ban » de type« oe nam uda ri » est so uvent co nçu pour permettre de fa ire pivoter le platea u. Automne 2007 1Koreana 49


CHEFS-D'ŒUVRE

La pagode à dix étages de

Gyeongcheonsa Se singularisant par une conception en rupture avec les grandes tendances artistiques de la dynastie Goryeo, la pagode à dix étages de Gyeongcheonsa fut un temps ravie à sa patrie par le Japon, mais sa restitution ultérieure, dans des circonstances mouvementées de l'histoire nationale, lui permet d'y reposer encore à ce jour. Shin Yong-chul Conservateur en chef du Musée Tongdosa

I

Photographie : Musée national de Corée

U

ne« Histoire de Goryeo » évoque les cérémonies que le Roi Yejong [r. 1105-1122].

seizième monarque de la dynastie Goryeo [918-1392]. aurait accomplies à la mémoire de son père, le roi Sukjong [r . 1095-1105), dans le ! emple de

Gyeongcheonsa qu'avait édifié la famille royale pour célébrer de tels services, attestant ainsi des liens qui unissaient ce sanctuaire à la Cour. Une inscription gravée à la base de l'édifice fait état d'une offrande qu'auraient déposée Gang Yung et Go Ryong-bong, en mars 1348, en vue de faire construire la pagode d'un temple situé dans le village de Pungdeok, non loin de l'actuelle ville nordcoréenne de Gaeseong. S'étant vu confier une haute charge au sein du gouvernement après avoir marié sa fille au Premier ministre de l'empire des Yuan, Gang Yung fut en mesure de faire appel aux meilleurs artisans chinois pour réaliser cette construction.

La marque de Goryeo Sous la dynastie Yuan, la Chine pratiquait un bouddhisme d'obédience tibétaine aux pagodes d'un style spécifique qui, dans celle à dix étages de Gyeongcheonsa, subit l'influence particulière de l'art de Goryeo. De tels édifices comportaient en règle générale cinq niveaux ou gradins différant successivement, de bas en haut, par leurs formes carrée, ronde, triangulaire, semi-circulaire et en fleur de lotus, respective50

Koreana

I Automne 2007


Après la malheureuse errance qui avait conduit au Japon la pagode à dix étages de Gyeongcheonsa (Trésor national n° 86), cet édifice datant de 1348 dresse pour toujours ses 13,5 mètres au Musée national de Corée.

ment symboliques des cinq éléments constitutifs de l'univers que sont la terre, l'eau, le feu, le vent et l'air. En Chine, le plus beau spécimen de cet art est la Pagode Blanche qui fut construite en 1271 auprès du Temple Maio Ying de Pékin et dont le soubassement reproduit la forme du sinogramme

52. , auquel se superpose le corps cylindrique de la construction . À

sa partie supérieure, elle s'orne de motifs discoïdaux dont l'empilement par ordre décroissant de diamètre confère une forme conique à l'ensemble vu de face , le plus haut d'entre eux se couvrant d'un dais en bronze ajouré et rehaussé d'une perle.

À Gyeongcheonsa, si la pagode à dix étages s'inspire de l'architecture tibétaine par le soubassement comme par le corps, tous deux à trois gradins, ainsi que par la partie haute, elle s'en démarque résolument, de ses quatrième à di xième niveaux parallélépipédiques, de même qu'à son faîte, où la pierre est ciselée aussi délicatement que le bois, ou encore, à partir de la structure en

52, du premier au troisième étages.

En outre, son étagement correspondrait au x sept niveaux en vogue à l'époque de sa construction et quant au marbre, il fut préféré au granit pourtant plus en usage à l'époque. D'un grain plus fin, ce premier matériau allait permettre d'exécuter, au niveau des toits et des corbeaux, des motifs sculptés tout aussi gracieux et élaborés que sur un support de bois. Ainsi, le style tibétain qui caractérise la partie supérieure de la construction se conjugue avec une minutie du détail spécifiquement coréenne.

Appel à la compassion divine La pagode de Gyeongcheonsa est conçue pour que les différents étages en soient démontables, de même que le soubassement et les trois gradins supérieurs verticalement dissociables, la dépose de ces différents éléments faisant apparaître sur chacun d'eux l'indication de leurs emplacements et orientations respectifs, comme suit : « Deuxième étage, sud-est » , cesprécisions témoignant du grand souci d'exactitude

apporté à cette réalisation à partir d'un plan détaillé. Alors que les édifices du même type comprennent normalement les trois parties principales du soubassement, du corps et du haut, une quatrième vient s'y ajouter, dans le cas présent, pour donner successivement le soubassement inférieur à trois gradins, le corps au x gradins identiques en nombre et en forme, le corps parallélépipédique à sept étages et la partie supérieure. Entre les troisième et quatrième étages, où la section décroît brusquement, s'intercale un auvent qui a pour particularité d'être à double épaisAutomne 2007 1 Ko rea na

51


seur et se situe pratiquement à mi-hauteur de l'ensemble de l'édifice. Sur le marbre dont fut construit celui-ci , en dépit des difficultés que devait présenter en Corée la fourniture d'un tel matériau pour ce type de chantier, les motifs dont se couvre presque tout l'ouvrage ont été réalisés avec une délicatesse que n'aurait pas autorisée le granit. Ces gravures se répartissent sur deux ensembles d'étages constitués des trois inférieurs, en forme de :s::i, et des sept supérieurs, carrés, le premier comportant, dans sa partie principale, vingt angles dont un à cinq d'entre eux constituent l'unité de base de chaque gravure. Quant au x trois niveaux inférieurs, ils sont constitués de trois parties dont la plus haute forme façade et la deuxième fait saillie, tandis que la troisième se situe en retrait. Les trois premiers étages s'agrémentent de douze scènes d'assemblées de fidèles dont la thématique rappelle la peinture bouddhique caractéristique de l'époque Goryeo, notamment par la présence de sutras ornementés résumant l'esprit des Saintes Écritures de cette religion et les images gravées illustrant le rite alors pratiqué. Au quatrième étage, toutes les faces du parallélépipède sont gravées de scènes de la vie bouddhique, tandis que le cinquième est décoré de vingt images de Bouddha assis, à raison de cinq sur chacun de ses côtés, le sixième et les supérieurs en comportant trois du même type par face, soit un nombre total de_douze à chaque niveau. Outre les quatre-vingts représentations du fondateur du bouddhisme qui ornent ainsi l'ensemble de l'édifice, figurent également des dragons gravés en bas-relief sur ses piliers. Au premier étage, le corps de la pagode comporte une inscription précisant que la pagode fut construite « pour la présence de vents et pluies favorables, le bien-être des familles royales des Yuan et de Goryeo, la prospérité et le bien-être national, ainsi que

Cette construction naquit de la certitude des bâtisseurs de Goryeo que son iconographie et son rite bouddhiques seraient garants du bien-être national, ainsi que de l'accession des sujets

à la béatitude parfaite.

52 Korea na I Automne 2007


Sur le marbre qui le compose, cet édifice six fois centenaire comporte des gravures d'un grand raffinement, mais dont les détails les plus complexes ont souvent été détruits par les intempéries.

l'essor du bouddhisme afin que tous puissent atteindre l'illumination ». La construction de cet édifice procédait ainsi d'une conviction selon laquelle la représentation de Bouddha et du rite qui lui est consacré apporterait le bien-être à la nation de Goryeo et permettrait à ses sujets d'atteindre la béatitude parfaite. Un nouveau refuge C'est aux derniers temps de la dynastie Joseon [1392-1910) que la pagode à dix étages de Gyeongcheonsa connaîtra un destin tragique lorsque Tanaka Mitsuaki, l'envoyé extraordinaire qui assista en décembre 1906 à la cérémonie de mariage du prince héritier coréen , plus tard couronné Roi sous le nom de Sunjong, lequ~l régna de 1907 à 1910, mobilisa des forces pour démonter la pagode et l'emporter avec lui au Japon, en mars 1907. Afin de faire taire les vives protestations que suscitait sa décision de la part du gouverneur comme de la population, il avança l'argument mensonger selon lequel le roi Gojong lui aurait fait don de cet édifice, la nouvelle de son forfait se répandant néanmoins comme une traînée de poudre grâce au « Daehanmaeilsinbo » [Nouvelles quotidiennes de Corée). Devant le tollé croissant que soulevait cette spoliation par le biais de cet organe de presse, tant en Corée qu'au Japon, Tanaka dut se résoudre, en 1919, à restituer ce monument auquel le démontage et le transport d'un pays à l'autre avaient occasionné des dommages considérables en certains endroits. Tout d'abord entreposé au Geunjeongjeon, qui constitue le pavillon principal du palais de Gyeongbokgung, l'édifice allait faire l'objet de restaurations réalisées en 1960 près de ce même palais. Enfin, l'érosion des surfaces finement ciselées qu 'avaient entre-temps provoquée les pluies acides allait motiver le retour à son entrepôt d'origine, en 1995, et ce n'est qu'en 2005, soit un siècle après sa malheureuse expatriation, qu'il allait à nouveau trouver refuge au Musée national de Corée, où il se dresse fièrement dans la grande allée. i.t Automne 2007 1 Koreana 53


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C~RON,QUE ARTl,STIQUE I

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is en place par la célèbre critique d'art et conservatrice de musée Kim Sung-won en collaboration avec la pro-

ductrice en danse contemporaine Kim Seong-hee, le

Festival Spr i ngwave propose, dans le domaine de l 'art expérimental, une riche programmation de productions internationales englobant danse, théâtre, arts visuels, musique, cinéma et autres spectacles de genres très divers. Par ses ambitions, il surpasse ainsi des manifestations séouliennes d'une plus longue ancienneté qui optent soit pour un répertoire bien spécifique, soit pour l'importation de spectacles à succès. Dans le village planétaire, on ne peut que se réjouir d'une telle expression d'engouement pour l'art contemporain dans la capitale d'un pays qui s·est rapidement industrialisé après la Seconde Guerre mondiale. Dans la métropole débordante d'énergie, les amoureu x de l'art appartenant à cette difficile génération qu'avait frappée de plein fouet une mutation économique sans transition, suivie de l 'actuelle phase de désindustrialisation, expriment aujourd'hui un appétit insatiable par l'exigence de productions étrangères de qualité, mais aussi d'infrastructures culturelles qui soient propices à l'essor d'une création nationale inspirée d'une sensibilité spécifique. Un art intellectualisé Le Festival Springwave 2007 s·est ouvert par la présentation d'une installation réalisée par William Forsythe et" qui, sous le titre « Scattered Crowd » , se composait de ballons en baudruche entassés dans la Galerie Rodin que dirige le Musée d'art Samsung Leeum . Comme il se doit, la présence du célébrissime chorégraphe à l'inauguration avait déplacé les foules, mais la création n'allait pas s'avérer à la hauteur de leurs attentes, ce qui se produit souvent en pareil cas, à en juger par l'absence de réaction qu 'elle suscitait, alors qu'elle devait créer une impression irréelle. C'est l'artiste de trente-sept ans Nadia Laura qui, par son œuvre « 1 hear voices » allait donner au Festival son véritable coup d'envoi, dans le cadre du Musée Total d'art contemporain, sans pour autant, loin s·en faut, produire l'effet escompté à la lecture de critiques annonçant : « On se sent emporté par des vagues ondoyant au gré des mouvements du corps et de la voix humaine, en un point où convergent les regards de la scène et du Automne 2007

J

Koreana

55


public ». De fait, ce spectacle sonore au décor de rochers recouverts de fourrures de couleur gris foncé n·est pas parvenu à faire réagir les visiteurs. En outre , la chorégraphe de trente et un ans Tina Sehgal n'ayant malheureusement pu faire le voyage en Corée pour des raisons personnelles, son œuvre intitulée « lnstead of allowing something to rise up to your face dancing Bruce and Dan and other things » a dû être installée et interprétée par Jérôme Bel, autre compositeur de ballets âgé de quarante-quatre ans. Cette œuvre d'une grande originalité historique consiste en une critique d'une création due à Dan Graham, « Roll » (1970) et mettant elle-même en cause le célèbre« Wall-Floor Positions » de Bruce Nauman (1968) pour n'avoir pas placé ses appareils photo bien en évidence. Cette production, qui offrait à ses sept danseurs sélectionnés à l'issue d'une audition des plus rigoureuses la chance exceptionnelle de découvrir l"ensemble du processus de création d'une œuvre, a en revanche laissé ses visiteurs perplexes. Entre autres œuvres d"art intellectualisées, figuraient également « Monsoon Project », fruit de l'initiative commune de jeunes artistes européens et asiatiques, ainsi que « Project Nong-Ak » , qu'interprétait un musicien de trente-six ans, Hahn Rawe. Si l'on est en droit d'attendre des résultats immédiats de productions ayant bénéficié d"un soutien de l"État, faute de quoi cet apport peut sembler en pure perte, il faut garder présent à l'esprit l'investissement à long terme qu'il ne manquera pas de représenter pour l'essor de la culture et des arts. Diversité de L'art contemporain

En matière de création contemporaine, les critiques ont coutume d'affirmer que pour dix œuvres créées, à peine en trouve+ on une seule qui soit valable, ces perles rares n'étant pas toujours le résultat assuré d"une haute réputation, comme l"attestait ce « 100% Polyester, objet dansant n° 40 » de Christian Rizzo, un artiste âgé de quarante-trois ans. Si l'idée de départ y révélait une certaine fraîcheur d'esprit par la représentation d'un couple de danseurs au moyen de leurs vêtements respectifs, ce spectacle n'allait pas tarder à engendrer l'ennui . Quant au « Hey Girl ! » de Romeo Castellucci, il apportait l'illustration même des limitations inhérentes à l'art contemporain européen en matière philosophique, se bornant à dépeindre la croissance d'une petite fille à l'aide d'accessoires de seconde qualité. Malgré les différentes distinctions remportées sur le 56 Koreana I Automne 2007


Vieux Continent, cette production péchait par une représentation étroite et exotique d' une enfance féminine artificielle au détriment de son objectif avoué d'évoquer l'altérité de celle-ci à notre époque.

À cinquante-neuf ans, c·est sans conteste Raimund Hoghe qui parvenait le mieux à exprimer l'altérité esthétique au moyen de sa physionomie irrégulière et de son regard naïf dans la perspective de critères de beauté contemporains réinterprétés par l'œuvre « 36, avenue Georges Mandel », avec en fond sonore la voix de Maria Callas. Elle produisait un effet des plus lénifiants qui plongeait nombre de visiteurs dans un état de stupeur. À la fin du spectacle, son impact était manifeste dans les exclamations admiratives du public, comme ce : « Le spectacle m'a endormi, mais il était formidable ! Tout à fait exaltant ! ». Seul un maître est capable d'une telle création qui est donc hors de portée du commun des artistes et qui, dans ce cas précis, transcende les grandes tendances de l'art contemporain. Réalisée par l'artiste de quarante-cinq ans Ahn Eun-me, la composition intitulée « 1Can Not Talk to You » s'inscrivait dans cette même démarche en franchissant le cadre conventionnel de l'art contemporain . Pendant une heure et sept minutes, la danseuse évoluait dans un vaste poulailler métallique, avec une poule pour seule compagnie, au son d'anciennes chansons d'amour coréennes qui, si elles n'enthousiasment guère la jeunesse d'aujourd'hui, touchent au plus profond de la psyché collective et galvanisent les publics qui l'entendent interpréter par de jeunes chanteurs vêtus d'élégants « hanbok .», celui du Festival ayant lui-même été impressionné par la formidable énergie que dégageait la chorégraphie de Ahn Eun-me sur ces exceptionnelles mélodies. Tout en se rattachant au cadre conceptuel de la créati0n européenne, l'œuvre de cette artiste s'en démarquait résolument en démontrant les vertus d'un emploi intégral du corps pour représenter son univers artistique. Au moindre dérapage du public, elle se lançait à l'improviste dans des digressions, tantôt feignant de converser avec la poule, tantôt bonimentant comme un colporteur et dépassant ainsi le seul propos d'évoquer son glorieux passé. Certains critiques ont souligné la réminiscence d'un roman de 1924 de Franz Kafka,« Ein Hungerkünstler » [Un artiste de la faim). ce qui reviendrait à situer sa création au-delà du champ actuel de l'art contemporain, et non plus à son avantgarde , tout comme les acrobates par rapport aux artistes de spectacles modernes. Automne 2007 1 Ko reana

57


Kim Hyoun g- Min a m is en scène sa dyna mi que œuvre Call Back ». Dan seuse co rée nn e de renom , Ahn Eun - me a dansé avec passio n so n œuvre éclect ique intitulée « 1 Can Not Talk to You ». Créé pa r la compagnie Uh Uh Boo Project. « Home Fas hion » réso nn ait des sonorités org ina les d'un ensemb le d'i nstruments de m usique trad itio nn els. La surpre nante œuvre « Phantom of th e Opera lara » , de Hong Sung- Min, assoc iait ima ges. danse et m usiq ue« live ». «

2

3

4

Suite au prochain numéro En point d'orgue de ce premier festival, figuraient incontestablement les œuvres « 36 , avenue Georges Mandel » de Raimund Hoghe, une production commune de Springwave et du Festival d'Avignon, et « 1 can Not Talk to You » d'Ahn Eun-me, résultant d'une initiative indépendante de Springwave. Ces deux spectacles dignes d'éloge, sur les treize présentés lors du Festival, suffisent à en conclure au succès global de celui-ci lors de cette première édition. En dépit de son intention de représenter tous les genres existant dans le domaine de la danse, du théâtre, des arts visuels, de la musique, du cinéma et du spectacle en se plaçant sur le thème d'une« approche pluridisciplinaire de l'art contemporain », cette manifestation n'est pas parvenue à fournir des points de comparaison et la possibilité d'apprécier ces diverses catégories d'œuvres en les situant dans une perspective commune. Après avoir surmonté bien des obstacles, le Springwave Festival a fait preuve, dès son lancement, d'un plus grand dynamisme que les manifestations internationales d'une création antérieure. Si l'on songe que ces dernières, pourtant d'une grande ampleur, représentent souvent une perte de temps et d'énergie par la reprise de productions accordant trop d'importance au x jugements du public et à l'intervention de l'État, alors l'audacieuse entreprise des organisatrices de Springwave mérite d'être applaudie. Faute de savoir exactement ce que ces responsables et divas que sont Kim Sung-won et Kim Seong-hee ont en préparation pour l'édition future, il ne me reste qu'à souhaiter, puisque je suis épris d'art, que celle-ci bénéficiera d'une programmation originale comptant toujours plus d'œuvres remarquables. 1,.11

58 Koreana I Automne 2007



Konishi Takako fervente admiratrice de Gyeongbokgung Voilà maintenant sept ans que la Japonaise Konishi Takako fait profiter les visiteurs du Palais de Gyeongbokgung de son érudition dans ce domaine avec une passion sans bornes dont témoigne son bénévolat. Park Hyun-Sook Rédactrice occasionnelle

Q

I Ahn Hong-beom Photographe

uand dix heures sonnent, tous les deuxième ou quatrième

des personnes souhaitant assurer la visite guidée des palais à

vendredis du mois, le Palais de Gyeongbokgung accueille

titre bénévole et j'ai aussitôt pris mon courage à deux mains pour

sur son site historique une militante pas comme les autres

de la cause culturelle coréenne en la personne de Konishi

l'entreprendre immédiatement, mais me suis aperçue bien vite que la tâche serait difficile. »

Takako. Accompagnée d'un groupe de touristes japonais

Madame Konishi se souvient encore d'être sortie très tendue

retrouvés sur le Pont Yeongje, face à la Porte Heungnyemun qui

de sa première réunion avec l'association civile Redécouverte de

marque la frontière entre le sanctuaire royal et le monde

la Corée, qui œuvre à la diffusion d'informations sur le patri-

extérieur, elle arbore« hanbok » traditionnel, longue chevelure

moine culturel coréen, après avoir découvert qu'au nombre des

brune et sourire affable dignes d'une dame des temps jadis, mais

participants, figuraient un professeur d'histoire en retraite et

ceux qui croient voir en elle une guide coréenne éprise de tradi-

autres spécialistes qui lui semblaient autant d'encyclopédies

tion découvrent leur erreur à la lecture d'un badge annonçant

vivantes auprès desquelles elle se sentait totalement inculte. Elle

« Guide bénévole de Gyeongbokgung , Konishi Takako » .

s'est alors interrogée sur ses chances de réussite, d'autant que

Soif de connaissance

devoir lui laisser le moindre répit.

l'atmosphère de sérieux qui régnait en cours sem ~lait ne pas Depuis 2001, cette femme de quarante-quatre ans, mariée à un Coréen depuis dix-huit, assure bénévolement la visite guidée

Une ardeur sans faille

du Palais de Gyeongbokgung au profit des touristes japonais et

« Dans les premiers temps, je trouvais à tout propos l'occa-

n'a pas une seule fois manqué à l'appel en dépit de ses nom-

sion de mettre mes connaissances à l'épreuve, l'architecture et

breuses obligations d'épouse et de mère de famille auxquelles

l'héraldique royale indissociables des palais de Joseon m'étant

s'ajoutent les deux heures de trajet séparant son domicile situé à

ainsi entièrement inconnues. Sur mon ordinateur portable, je

Seongnam, ville de la province de Gyeonggi-do, de l'arrondisse-

m'évertuais à prendre le plus de notes possible sur les explica-

ment séoulien de Jongno où se tient Gyeongbokgung.

tions des conférenciers, ces informations s'avérant par la suite

« Quand mes enfants ont commencé d'apprendre l'histoire

d'une compréhension et d'une assimilation extrêmement diffi-

et la culture coréennes, je me suis sentie totalement désarmée,

ciles . Au terme de ce cursus de soixante-quatre heures, j'ai

puis j'ai souhaité plus que tout, en tant que mère, leur permettre

éprouvé un énorme soulagement et me suis sentie submergée

d'acquérir une bonne compréhension des événements his-

par la beauté de Gyeongbokgung, mais aussi par une grande

toriques et, pour ce faire, j'ai entrepris d'approfondir mes pro-

honte à l'évocation du lourd passif colonial de mon pays dans

pres connaissances sur la Corée. Par la suite, l'un de mes étu-

l'histoire de ce palais».

diants japonais m'a appris l'existence d'une formation à l'intention 60 Koreana I Automne 2007

Edifié en 1395, ce dernier constituera la résidence des sou-


verains de la dynastie Joseon, hormis suite à son incendie par

une meilleure connaissance de cet auguste palais.

l'envahisseur japonais en 1592 et jusqu'à sa reconstruction près

Aussitôt séduite par son élégance architecturale, elle allait par

de deux cent soixante-treize ans plus tard, c'est-à-dire en 1868,

la suite y apprécier l'incarnation des principes fondateurs de

cinquième année du règne du roi Gojong. Des quelque sept mille

l'univers et de la nature sous forme de piliers et matériaux de

salles qu'abritaient ses nombreux bâtiments, la plupart furent

construction tels que les tuiles où sont clairement représentés les

détruites avec pour visée impérialiste d'amoindrir l'autorité de la

concepts du yin et du yang, ainsi que les cinq éléments de la

dynastie royale et seules subsistent aujourd'hui les sept cents qui

matière dits « eumyan ». Il en va de même des« dancheong »,

ont été restaurées, soit dix pourcent seulement de la configura-

ces motifs colorés ornant murs, piliers ou plafonds et dont

tion d'origine. Madame Konishi ne nie pas avoir ressenti une cer-

l'harmonie chromatique fait appel aux« obangsaek », c·est-à-

taine culpabilité en prenant connaissance de ce véritable saccage

dire les cinq couleurs bleue, blanche, rouge, noire et jaune qui

et s'est promis séance tenante de ne rien dissimuler aux touristes

symbolisent respectivement les quatre points cardinaux et le cen-

japonais en visite de cette page honteuse de leur histoire.

tre. Aux confins de deux espaces , une simple porte peut

Tandis qu'elle entraîne ses visiteurs dans les moindres

matérialiser cette trinité qui unit l'Homme au Ciel et à la Terre.

recoins méritant le détour au coeur de cette enceinte royale,

Enfin, le palais de Gyeongbokgung s'enorgueillit de remarquables

Madame Konishi emporte maints documents glanés au gré de ses

réalisations scientifiques telles que le dispositif de chauffage par

recherches sur les palais joseoniens, du vieux billet de dix mille

le plancher appelé« oncial », un cadran solaire et un étang artifi-

wons à l'effigie de Gyeonghoeru à des manuels et magazines

ciel.

japonais, en passant par des quotidiens coréens , persuadée

Ce jour-là, lors d'une première visite en Corée, l'homme

qu'elle est de la contribution que ces pièces peuvent apporter à

d'affaires japonais Sakagami lchiro [58 ans] avait poussé un pro-

Automne 2007

J

Koreana 61


fond soupir à l'unisson de ses collègues Hayakawa Atsuji [50 ans]

Tout l'esprit de Joseon

et Gushiken Ayaka [26 ans]. qui eux-mêmes ne connaissaient pas

Devant ce pavillon de Sajeongjeon, qui abritait le bureau

le pays, ainsi que de l'ami qui l'accompagnait, lnoue Asano (26

royal, Madame Konishi évoquera ensuite la vie des souverains de

ans] après avoir écouté l'histoire du palais et de son originale con-

Joseon, en rappelant pour commencer que, contrairement au x

ception. Quittant le pavillon Geungjeongjeon, où se déroulaient

autres édifices du palais, celui-ci ne disposait pas de chauffage et

jadis cérémonies du Nouvel An et couronnements royaux, ainsi

que le plus haut personnage de l'État y reposait ainsi à même le

que l'accueil des émissaires étrangers par le souverain ou encore

plancher, y compris au cœur de l'hiver, afin de garder présent à

la présentation à ces derniers des comptes rendus matinaux des

l'esprit que ses sujets faisaient de même et de tremper son ca-

hauts fonctionnaires de la Cour, le groupe se dirigeait lentement

ractère et son comportement aux fins du gouvernement. À l'ouest

vers celui de Sajeongjeon, où ce même monarque administrait les

de ce pavillon, s'élève celui de Sujeongjeon en lieu et place d'un

affaires de l'Etat, quand Madame Konishi a marqué un arrêt

autre, dénommé Jiphyeonjeon, qui s·y dressait sous le règne du

devant ces lieux et interpellé ses compatriotes.

roi Sejong [r. 1418-1450]. Faute de pouvoir fournir davantage de

« Regardez ce mur ! Ne vous semble-t-il pas trop petit pour

détails sur les progrès scientifiques et artistiques qui marquèrent

un palais royal ? Quelle différence avec ceu x des châteaux japo-

la dynastie Joseon, à l'exemple de l'invention du « hangeul », du

nais et européens, leurs murailles et leurs montagnes ! Sous la

cadran solaire ou de la clepsydre, tous liés au pavillon de

dynastie Joseon, qui s'étendit sur un demi-millénaire, les rois

Jiphyeonjeon, Madame Konishi remettra une abondante docu-

restèrent constamment à l'écoute de leurs sujets, l'instauration

mentation aux touristes avant de poursuivre par un éloge du

de cette relation de confiance permettant d'assurer la continuité

Gyeonghoeru, l'élégant édifice situé derrière celui de Sujeong-

dynastique et la stabilité politique dans le contexte de l'unité

jeon.

nationale. Si vous êtes parvenus à saisir leur esprit et leurs aspirations, alors la visite peut continuer

1

».

« c·est ici que se divertissaient les émissaires étrangers et que se déroulaient les banquets royaux. Outre qu'il constitue le

Avec un hochement de tête, les touristes impassibles ont

plus grand pavillon de Corée, c·est aussi celui qui possède le toit

alors braqué leur appareil photographique sur cet important

le plus ornementé. Surplombant un étang artificiel, ce bâtiment

élément qu'ils n'auraient pas remarqué sans les explications de

produit un effet de grâce, mais c·est l'extérieur qui en est le plus

leur guide et voilà qu 'un simple pan de mur prenait pour eux un

impressionnant. Alentour, les monts Baegak, lnwang, Cheonggye

sens nouveau.

et Mongmyeok composent un décor rappelant celui d'un pa-

62 Koreana I Automne 2007


ravent et que d'aucuns qualifièrent de grisant. Les principes

face de moi un simple guide, mais un membre à part entière du

décrits dans l'ouvrage intitulé Zhouyi [« The Book of Changes »)

personnel de ce palais.

traitant de philosophie chinoise ancienne, à savoir le dragon bleu à gauche et le tigre blanc à droite, y sont représentés ici avec

Chaleureux tempérament coréen

réalisme par les montagnes. De Gyeonghoeru, on peut

À ce jour, près de cinq cents personnes se sont vu dispenser

apercevoir les contrées qui s'étendaient par-delà le palais royal

une formation de guide bénévole dans le cadre de neuf sessions

et où vivaient les gens du commun. Si l'environnement immédiat

successives, dont Madame Konishi a suivi la troisième, ce qui fait

du palais est aujourd'hui envahi de constructions modernes, il

désormais d'elle l'une des spécialistes les plus chevronnées

suffit de fermer les yeux et de s'imaginer vivre à l'époque Joseon

dans ce domaine. Pour avoir fait découvrir Gyeongbokgung aux

pour deviner les sentiments du roi tandis qu'il regardait au loin

touristes depuis près de sept ans, elle ne se sent pas pour autant

pour surveiller ses sujets, tout en souhaitant leur bien-être. » Après quoi, Madame Konishi mettra l'accent sur la résidence

moins intimidée par la richesse historique des lieux, l'admiration que ceux-ci lui inspirent croissant avec son expériences de guide,

de la reine dite Gyotaejeon, entourée du Jardin Amisan, ainsi

une passion qu'elle-même attribue au « jeong » , un terme

nommé d'après la plus grandiose des montagnes chinoises et

auquel équivaut à peu près en français le mot « compassion » .

dont le magnifique paysage s'orne de nombreuses variétés de

« J'ai acquis cette notion de « jeong » de mes collègues

fleurs et d'arbres, la cheminée associée à l'« ondol » de cette

coréens, qui m'ont considérablement aidée, car je n'avais au

demeure présentant une décoration parfaitement adaptée à ce

départ pas la moindre idée de la nature de la tâche qui m'avait

cadre.

été confiée. En. m'épaulant comme si j'étais de leur famille, ils

Subitement, l 'accompagnatrice s'interrompt pour faire

m'ont permis de surmonter toutes les difficultés que j'ai rencon-

remarquer d'une voix aiguë à l'un des visiteurs qu'il vient de

trées dans l'exercice de mes fonctions et j'ai pu constater

fouler le parterre du Gyotaejeon sans avoir au préalable retiré

l'authentique chaleur humaine qui émanait du plus profond de

ses chaussures et l'homme terrifié par ce reproche fait marche

leur être. Aujourd'hui, je suis devenue une véritable« ajumma »

arrière après qu 'un panneau indicateur lui en a confirmé la

[femme mariée coréenne) qui éprouve pour Gyeongbokgung les

véracité. Madame Konishi ne peut réprimer un rougissement, car

mêmes sentiments qu'eux » .

cette réprimande adressée en coréen et conjuguée à l'authen-

La présence d'une guide bénévole inspirée par le « jeong »

tique respect qu'elle manifeste pour la résidence des reines de

et s'attachant à révéler la beauté aussi physique quïmmatérielle

Joseon, ne manquera pas de produire une impression inoublia-

du Palais de Gyeongbokgung garantit au x touristes chanceux

ble, puis, dans un éclat de rire, elle affirme ne plus savoir par-

qu'elle accompagne qu'ils ne passeront pas à côté de la splen-

fois s'il lui faut s'e xprimer en coréen ou en japonais, étant

deur des lieux: L.t

donné l'ancienneté de son séjour. En la voyant effacer les traces de pas qui souillent le plancher, j'ai conscience de n'avoir pas en

Ce ravissant jard in s'étend derri ère la résidence de la reine, dite Gyota ejeon. 2

3

4

Pavillon le plus imposant du Palai s de Gyeo ngbokgu ng, Gyeo nghoeru abritait ba nquets roya ux et divertissements réservés aux émi ssai res étrangers. Depuis maintenant sept ans, la guide ag réée de Gyeongbokgung Koni shi Ta kako fa it profiter les touristes japona is de ses co nnaissa nces su r ce mon ume nt. La toiture des pr in cipaux bâ tim ents de Gyeongbo kg ung s·o rn e de figures fantastiqu es destinées à éloigner les ma uvai s esp rits.


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

L'envolée belle de

Kim Yu-Na fée de la glace Comète éblouissante du patinage artistique, Kim Yu-Na s'est imposée dans une discipline sportive jusqu'alors peu répandue en Corée, mais dont elle réécrit l'histoire en s'envolant avec grâce vers les sommets du classement international. Sung Baik-you Rédacteur sportif au« JoongAng llbo »

E.

n ce 24 mars 2007, une alouette entrouvre ses ailes sur la glace du Metropolitan Gymnasium de Tokyo pour s'envoler au firmament de la gloire et cette patineuse n'est autre que Kim Yu-Na, la jeune fille de dix-sept ans qui remportera la médaille de bronze, chez les dames, au Championnat mondial de patinage artistique de l'Union internationale de patinage (ISU). une première pour une sportive coréenne de cette discipline. Dès la veille, à la surprise générale, elle s· était vu décerner la brillante note de 71, 95, ce record mondial étonnant sur un programme court, exécuté au son d'un tango, annonçant déjà une victoire finale aux yeux des spécialistes. Lors de l'épreuve de patinage libre, deux chutes allaient cependant lui valoir de n'obtenir que 114, 19 points et ramener son score total à 186, 14, en troisième place du classement général, ces fautes s'expliquant par un manque d'entraînement lié à des douleurs au dos. Prestations de toute beauté En Corée, le succès international de Kim Yu-Na allait rejaillir sur le patinage artistique, journaux et chaînes télévisées faisant leurs titres de ses exploits, tandis qu'un site internet qui en diffusait les images enregistrait un nombre exceptionnel de visites. Le 64 Koreana I Automne 2007

patinage artistique coréen tournait ainsi une nouvelle page de son histoire. Dans la foulée de la médaille d'or arrachée au Championnat du monde junior de l'ISU, en 2006, la sportive coréenne allait aussi enlever le Grand Prix Final des seniors et se convertir en une véritable fée de la glace, alors que son pays s'illustrait jusqu'alors dans les épreuves de vitesse . Après avoir réalisé la prouesse sans précédent, pour une patineuse coréenne, de se classer au deuxième rang mondial de la discipline , elle ne saurait maintenant tarder à en prendre la tête. Visage, bras et jambes graciles, tout évoque l'aisance et la légèreté d'une alouette en vol chez cette patineuse plutôt grande pour sa discipline. Dans les grandes compétitions internationales, n'aime-telle pas plus que.tout danser sur la musique concertante« The Lark Ascending » ? Composée en 1914 par Ralph Vaughan Williams (1872-1958) pour la violoniste Marie Hall (1884-1956). à partir de l' œuvre éponyme du poète britannique George Meredith (1828-1909), cette pièce pour violon et piano recrée admirablement l'atmosphère du texte qui l'inspira, par son évocation hautement lyrique des trilles allègres de l'oiseau. Elle résonne de sonorités familières aux oreilles des Coréens car sa mélodie




fait naître des impressions analogues à celles de leur

la catégorie des seniors, avant d'être admise au sein

célèbre chanson folklorique intitulée « Arirang ». Le

de l 'é quipe nationale, ce qui n'avait en soi rien

spectacle merveilleu x d'aussi gracieuses évolutions

d'exce ptionnel, puisque la Corée disposait déjà de

sur ce thème ne pouvait qu'inciter nombre de jeunes

plusieurs sportives de niveau international. Soumise

Coréens à se lancer à leur tour sur la glace dans le

à un entraînement toujours plus rigoureux accompa-

but de s'initier à ce sport.

gné d'un régime alimentaire destiné à éviter toute prise de poids susceptible de nuire aux sauts, elle

L'entraînement avant tout, encore et toujours C'est en 2001 qu 'a eu lieu ma première rencontre avec Kim Yu-Na, alors écolière en classe de

n'en perdait pas pour autant sa gaieté et son sourire radieux, la rudesse de son mode de vie semblant ainsi lui réussir.

cinquième du cours primaire, à l'initiative d'une cou-

Quant à sa mère, elle demeurait constamment

sine et amie qui m 'avait téléphoné pendant que je

auprès d 'e lle, si ce n'était la nuit, assurant

rédigeais un article sportif. M'apprenant qu 'elle avait

indifféremment les fonctions d'agent ou de chauffeur

pour nièce une patineuse au talent jugé prometteur,

et déjà détentrice d'un savoir-faire considérable dans

elle m'avait recommandé de m' y intéresser en

ce domaine sportif après avoir suivi sa fille presque

précisant qu'elle s'entraînait à la patinoire de

onze années durant. Tout en observant ses évolu-

Gwacheon et j'en avais conclu que nous étions faits

tions, elle identifiait les figures exécutées, évaluait le

pour nous rencontrer, puisque j'y accompagnais

nombre de points attribuables et recensait

aussi mon fils tous les week-ends pour pratiquer le

d'éventuelles erreurs.

hockey sur glace. Un jour qu 'elle s·y trouvait juste avant un match,

Espoirs olympiques

j'ai donc eu l'occasion d'assister à l'entraînement

En un siècle d'existence, le patinage artistique

d'une toute petite fille dont les redoutables sauts atti-

coréen a produit sa première grande vedette en la

raient tous les regards, notamment ceux de sa mère,

personne de Kim Yu-Na. En dépit de son ancienneté,

qui ne la perdait pas de vue un seul instant. Je me

ce sport se heurtait auparavant à une pénurie de pati-

souviens avoir été impressionné par autant de con-

noires couvertes, puisque le pays n'en comptait que

centration car d'o rdinaire, les familles pressées se

deux qui soient dignes de ce nom jusqu'en 1980.

contentaient de déposer leurs enfants à la patinoire

Croissance économique aidant, la situation a

et de n'y revenir que pour les en ramener, tandis que

évolué et ce nombre atteint aujourd'hui quarante-

cette mère-là, figée dans une immobilité totale, était

cinq sur l'ensemble du territoire, notamment dans

restée à suivre des yeux les moindres mouvements

une province pionnière de la promotion des sports

de la fillette.

d'hiver, celle de Gangwon-do, hôte en 1999 des Jeux

Quelque temps plus tard, celle-ci allait peu à peu se faire connaître en donnant les signes d'un grand

Asiatiques d'Hiver et candidate à l'organisation des Jeux Olympiques d'Hiver depuis 2000.

talent et les nouvelles de ses différents succès me

À Toronto, où elle vit maintenant, Kim Yu-Na

parvenaient souvent par la presse . Pour ce faire, elle

s'essaie à un nouveau mode de vie en vue de sa par-

s'astreignait à un emploi de temps spartiate et iden-

ticipation aux grands championnats mon aiaux, mais

tique en tous points jour après jour, depuis son lever,

aussi de l'obtention d'une médaille d'or aux prochains

à huit heures, suivi de son entraînement de onze à

Jeux Oympiques d'Hiver de Vancouver.

quinze heures à la patinoire internationale de Tae-

Au Club de cricket, patinage et curling de cette

neung, puis d'un déjeuner tardif, après quoi elle

ville, elle a pour entraîneur l 'a ncien médaillé

s'accordait quelques moments de détente avant de se

olympique de bronze Brian Orser, aujourd'hui âgé de

consacrer à ses devoirs jusqu'au dîner de vingt

quarante-six ans, et s'apprêterait à abandonner ses

heures, auquel succédait une heure plus tard une

titres favoris, « El Tango de Ro xa nne » et « The

nouvelle séance d'entraînement à la patinoire de

Lark Ascending », pour passer de la légèreté gra-

Gwacheon, dont elle ne rentrait qu'à environ deu x

cieuse qui était sa marque de fabrique à un style plus

heures du matin, passant ainsi le plus clair de son

séduisant et plus divertissant.

temps sur la glace à un âge où d'autres s'amusent avec leurs petits camarades. Dès 2003, année de son entrée au collège, Kim

Comment ne pas se passionner pour les évolutions futures de l'alouette qui s'est un jour élancée avec autant d'aisance à la conquête du monde, ce

Yu-Na aura raison d'une kyrielle de patineuses toutes

dont je suis moi-même impatient, comme beaucoup

plus âgées qu'elle, dont la championne en titre dans

d'autres Coréens?

t;t

Automne 2007 1Koreana 67


Forte de son pittoresque cadre naturel, d'un riche passé historique et d'une gastronomie renommée, la belle ville de Yeosu ambitionne d'accueillir ['Exposition internationale de l'année 2012. Han Chang-hoon Romancier

68 Koreana I Automne 2007

I Photographie : Ahn Hong-beom, Ha Ji-lcwon


'

Yeosu, l'océan baigne le littoral d'une onde merveilleuse. En visite à Venise voilà quelques années, j'y avais reconnu une

authentique et charmante ville maritime, sans en apprécier tout à fait la lagune car, selon le vieil adage coréen : « eaux dormantes s'altèrent ». Sur la côte de Yeosu, les marées océaniques présentent d'importants écarts sous l'influence des courants y circulant depuis l'île de Jeju et assurent ainsi un approvisionnement en eaux vives sans cesse renouvelées. Jour après jour, nuit après nuit, l'onde toujours se régénère et s'embellit de teintes passant en un rien de temps du bleu au cuivré, de l'or à l'argent. L'été venu, le doux souffle de la brise marine parvient jusqu 'à la ville, qu'adoucissent des courants chauds pendant l'hiver. Telle est Yeosu, une agglomération de trois cent mille âmes qui a pour fleur emblématique le camélia et où j'ai vécu les premières années de mon adolescence.

Paysages côtiers Dès la baie de Suncheonman, halte de prédilection des migrations hivernales, le train me ramenant à Yeosu offre au regard les contours de la péninsule dominée par l'imposante et gracieuse silhouette du Mont Jirisan, puis l'interminable succession de reliefs tourmentés décline peu à peu aux alentours de Yeosu, dont le point culminant est le Mont Yeongchwisan. Ce sommet qui inspira longtemps la frayeur accueillait jadis rites propitiatoires destinés à faire tomber la pluie et prières dédiées à la réussite des enfants aux examens, entre autres bonnes fortunes, mais il tient aussi sa célébrité des azalées dont l'invasion printanière semble embraser ses versants. Il faut être bien malade ou accablé de chagrin pour braver ainsi les hauteurs afin d'y présenter sa requête et c·est peut-être pour chasser les intrus que la montagne fleurie rougit d'e mbarras car ne pouvant pas tous les satisfaire. En fin de parcours, le train coupe à travers la péninsule et sous nos yeux, se déroule enfin le paysage du Parc maritime national de Hallyeohaesang. Dans le lointain, se profile l'agglomération de Automne 2007

1 Koreana 69


2 3

Un phare se dresse à l'e ntrée du po rt de Yeos u. La populati on de Yeosu est trib utaire de l' océa n qui ba ig ne ses côtes . notamme nt pour la pêc he et le tou ri sme. Révélant au mieux ses cha rmes de nui t, le pon t Dolsa n attire nombre de promeneurs. en particulier des familles et jeunes cou ples.

Namhae annonçant déjà la province de Gyeongsangnam-do, par-delà une épaisse forêt de pins recouvrant tout alentour, et, nichée entre des falaises élégamment sculptées, apparaît la plage de Manseong-ri dont le sable à la couleur brune très particulière peut être si brûlant, l 'été, qu'il est impossible d'y marcher pieds nus. On affirme qu'il suffit de s·y étendre pour profiter naturellement d'excellents effets antinévralgiques et ses vertus thérapeutiques contre le mal au dos, aux bras ou au x jambes attirent les personnes qui en souffrent de tout le pays. Émergeant d'un tunnel, le convoi émet un dernier sifflement lorsqu'il arrive en vue du port de Yeosu, terminus de cette ligne de Jeolla, et, au sortir de la gare, on aperçoit l'île d'Odongdo, où les touristes effectuent souvent une première halte. Ce toponyme provient des arbres dits « odong » , c'est-à-dire les paulownias, qui y poussent en abondance, mais sont aujourd 'hui envahis par un épais taillis ne comptant pas moins de cent quatre-vingt-treize essences rares dont le camélia, des lauracées ou « hubaknamu », le micocoulier et le troène, ce qui vaut aux lieux d'être qualifiés de « Badaeui kkotseom », à savoir « l'île de la mer fleurie ». Sous cette généreuse frondaison, écureuils et lapins courent en tous sens. Une tragique légende voudrait qu'un couple s·y établit un jour pour travailler la terre et pêcher, mais que l'homme étant un jour parti en mer, surgit un bandit auquel la femme dut remettre tout ce qu'il exigeait, hormis sa personne qu'il convoitait. Prenant la fuite et ne trouvant plus d'issue, la malheureuse en fut réduite à se précipiter dans le vide et périt au pied de la falaise, laquelle se situait au sud-est de l'île d'où était parti pêcher son époux, qui y découvrit donc le cadavre lorsqu'il s'en revint à la nuit tombée. Pleu70 Korea na I Automne 2007


Automne 2007 1 Koreana 71


rant à chaudes larmes, il ensevelit sa femme à ce point culminant, dans une tombe aujourd'hui entourée de camélias et « sasamorpha gracilis ». Symboles de chasteté, ces derniers sont une petite variété de bambou de trente à quatre-vingts centimètres de hauteur poussant le long du littoral et dont le bois servait à la fabrication de flèches. Quant au x camélias, dont les fleurs écloses en hiver sont d'une magnifique couleur rouge, ils portent en coréen le nom de « yeosimhwa »signifiant« fleur au coeur féminin ».

Un riche passé Au coeur de la ville, qui conserve ses ruelles et C'est à Yeosu, emplacement stratég ique où s'établit, sous la dynastie Jose on. le quartier généra l de la Mari ne di t J innamgwan , que l'illust re ami ral Yi Su n-sin mi t en oeuvre to ut so n génie militai re pour défe ndre la pénin sule coréen ne des invasi ons japonaises me nées pa r Hi deyoshi. 2 Constru it en 1639, le pont de Hong gyo qui fait face au temple de Heung guksa const itue le plus long [40 mètres] et le plus haut 15.5 mètres) ouvrage co rée n en pierre à arches. 3 Les ca mélias aux coule urs éclatan tes qui co nstellent Odo ngdo lui ont valu d'êt re qualifiée d'« île de la mer fle urie» .

demeures anciennes, se dresse fièrement un édifice d'époque Joseon appelé Jinnamgwan et aujourd'hui classé Trésor n° 324 en tant que plus grand bâtiment en bois de plein pied de Corée. Regardant droit vers la mer, il abrita le quartier général de la Marine royale sous la dynastie Joseon (1392-1910) et plus tard, l'amiral Yi Sun-sin y installa le centre des opérations navales de trois provinces pour faire face au x envahisseurs japonais, qu'il allait parvenir à chasser, malgré leur écrasante supériorité numérique, au moyen de ses stratégies de génie et d'un certain navire cuirassé dit « geobukseon », c'est-à-dire le bateau tortue, qui fut justement construit à Yeosu. Plus au sud, sous le pont Dolsan qui attire la nuit nombre de promeneurs, en particulier des familles et jeunes couples, s'étend l'îlot de Janggundo, qui malgré sa faible circonférence de six cents mètres, recèle pour moi de multiples et précieux souvenirs. Lorsque je me trouvais à Yeosu, c· est là que j'allais pêcher morue longue ou sébaste canaris, et s'il arrivait que je m'en lasse, alors je faisais en une dizaine de minutes le tour de cette petite île dont j'avais l'impression d'être le seul occupant et propriétaire. Sous la dynastie Joseon, Janggundo acquit une certaine importance historique car, pour éloigner les pirates japonais souvent forcés d'y accoster par les rapides courants océaniques, y fut édifiée une forteresse sous-marine unique en son genre, le Sujungseong, ainsi qu'une palissade de planches dont subsistent aujourd'hui encore les vestiges . La première fut réalisée en 1497 par le commandant de marine Yi Ryang dans le but de protéger l'intérieur des terres des incursions japonaises, mais il n'en reste aujourd'hui que quelques ruines qui, au fond de l'eau, témoignent encore des grands événements de l'histoire. On ne saurait se rendre à Yeosu sans en visiter

72 Koreana I Automne 2007


l'ermitage bouddhiste de Hyangiram que fit cons-

soupe ou sautés . Le repas traditionnel coréen dit

truire le célèbre moine Wonhyo sous le royaume Silla

« hanjeongsik » comporte une telle quantité de plats

[57 av. J.-C. - 935). plus précisément en 644, qua-

de la mer qu'il ne saurait être recommandé qu'aux

trième année du règne du Roi Euija du royaume Baek-

plus gourmets et aux plus gros mangeurs, comme en

je [18 av. J.-C. - 660]. Juché en haut d'une abrupte

fit l'expérience l'un de mes collègues victime d'une

falaise, ce sanctuaire n'est accessible que par une

indigestion à la seule vue de ce festin plantureux.

étroite allée empierrée dont le promeneur débouche

Parmi les principales spécialités culinaires asso-

en sueur pour découvrir le spectaculaire panorama

ciées au nom de Yeosu, se trouve le « gat kimchi »,

révélant une hauteur vertigineuse à ses pieds et la

une préparation qui emploie de la moutarde brune ou

mer étendant à l'horizon l'immensité de ses eaux

de Chine [« gat ») appartenant à la famille des cru-

d'une beauté exceptionnelle au coucher du soleil.

cifères et dont la hauteur de pousse peut atteindre un

Souvenirs gastronomiques

mines A et C, possédant en outre une saveur relevée.

mètre, ce végétal riche en protéines, ainsi qu'en vitaSi une balade au bord de l'eau apaise la vue au

Dans la cuisine familiale, il s'accommode selon les

spectacle de l'océan, elle creuse aussi l'estomac et

goûts de chacun et l'agriculture en produit une

fatigue les jambes, invitant à une gastronomie qui fait

grande quantité, que ce soit dans le cadre de la

le renom des deux provinces de Jeolla, en particulier

Fédération nationale des coopératives agricoles ou de

à Yeosu, ville côtière dont les fruits de mer variés

grosses exploitations privées.

enchantent les gourmets. Sur son littoral déchiqueté

Lors d'un dîner chez un couple d'amis poètes à

courant à perte de vue au long de vastes marais

qui j'avais offert un bocal de « gat kimchi » que ma

côtiers, les gens du pays recueillent palourdes,

mère m'avait envoyé quelques jours auparavant, la

coquillages et poulpes.

dame découpa ces condiments aux ciseaux, puis en

Cette manne marine fournit aussi soles,

déposa un morceau sur une cuillerée de riz et

anguilles, poissons-sabre, maquereaux d'Espagne,

comme son mari en faisait autant, elle lui prit la main

spares dorés, aloses à gésiers et tambours brésiliens

en lui demandant de n'en manger qu'un morceau à la

que l'on servira, selon la saison, crus, grillés, en

fois, mais comme son époux la priait d'être plus genAutomne 2007 1Koreana 73


74 Koreana I Automn e 2007


tille, elle rétorqua que c'était lui qui en avait eu l'idée. À ces mots, éclata une dispute ponctuée de regards réprobateurs et j'en ris en mon for intérieur, tout en me promettant de ne pas leur renouveler mon cadeau, car aussi délicieux soit-il, je ne tenais pas à provoquer d'autres scènes de ménage. Après avoir dégusté cette spécialité dans les restaurants de la ville, les touristes ne manqueront pas d'en rapporter à leurs familles ou amis car si la première bouchée en paraît d' un goût particulièrement aigre, on ne peut qu 'apprécier le délicieux complément qu 'elle fournit à toute sorte de mets et qui résume à elle seule, non seulement la riche gastronomie de la ville, mais aussi ses merveilleux paysages et lieux historiques. 1..t

Candidature de Yeosu à !'Exposition internationale de 2012

L'ermi tage bo uddhiste de Hyang iram offre un extra ord inaire poin t de vue sur l'océa n. 2 Dans la ri che gastronomie qui fa it le renom de Yeosu . le « gat kimchi » est peut-être la plus appréc iée des spécialités par l'agréable save ur qui succède au goût amer des premi ères bouchées.

Yeosu travaille sans relâche pour qu'aboutisse favorablement sa candidature à l'organisation, en 2012, de !'Exposition internationale, une manifestation qui compte parmi les trois plus importantes au monde après les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde. Tenant en quelque sorte d'olympiades de la culture et du commerce, elle présente, dans le cadre d'un thème donné, les réalisations de l'humanité et les nouvelles perspectives qui s'offrent à elle, ainsi que des solutions d'avenir aux grands problèmes planétaires. En vue de l'édition 2012 de cette exposition, Yeosu a pris pour thème de sa candidature « L'océan et les côtes vivantes » car, si l'essor des civilisations du monde n'a été possible que grâce aux ressources de l'océan, celles-ci disparaissent aujourd'hui à un rythme rapide en raison de la pollution de l'environnement, du développemen t effréné et des excès de la pêche. À l'origine de la candidature de Yeosu, il s'est produit une prise de conscience de l'impératif de protection d'un milieu marin fournissant aux habitants de la planète les moyens de leur survie. C'est cette inestimable valeur que souhaite mettre en lumière Yeosu, elle-même intéressée aux activités correspondantes par le biais de son port de Gwangyang, dans le cadre d'une initiative nationale aux fins de laquelle pouvoirs publics et organisations internationales, n"otamment le Programme des Nations Unies pour l'environnement (UNEP), l'Organisation internationale maritime (IMO) et la Commission des Nations Unies pour le développement durable (UNCSD) ont engagé dix millions de dollars pour soutenir toute action visant à résoudre d'urgence les problèmes écologiques et maritimes des pays en développement. À l'occasion de la cérémonie de clôture du Festival international des grands navires qui avait lieu au mois de mai dernier, Yeosu s'est vu proclamer « ville touristique et maritime internationale ». Dans le domaine maritime, elle a mis en place un projet de construction d'installations portuaires destinées aux bateaux de croisière de quatre-vingt mille tonnes et pour lui attirer toujours plus de soutien à l'échelle mondiale, le ministère des Affaires Étrangères et du Commerce Extérieur a convié plusieurs missions diplomatiques étrangères à se rendre en visite à Yeosu. Le choix de la ville hôte devant intervenir en novembre prochain, les secteurs public et privé apportent leur étroite collaboration à la candidature de Yeosu en vue de son aboutissement favorable. À l'image de la mer propice aux relations entre nations voisines, car dépourvue d'obstacles et offrant à tous ses voies navigables, la ville de Yeosu nourrit l'espoir que la future Exposition internationale lui servira de t remplin pour renforcer ses liens avec le monde extérieur.

Automne 2007 1 Koreana

75


CUISINE

Le gâteau de riz aux

jujubes, un plaisir simple de l'automne Au dessert et café consommés à la fin d'un repas à l'occidentale, se substituent en Corée le thé traditionnel accompagné d'un gâteau de riz, qui peuvent tous deux être confectionnés à base de jujube ou datte chinoise, un délicieux fruit rouge récolté à l'automne. Paik Jae-eun Professeur en sciences alimentaires et en nutrition de la Faculté de Bucheon Bae Jae-hyung Photographe

I Lee Kyung Conseillère en cuisine

aison des récoltes et cueillettes, l'automne coréen apporte en abondance céréales ou fruits tels que le jujube (zizyphus jujuba var. inermisl, aussi connu sous le nom de datte chinoise, qui se forme en été pour arriver à maturité à l'automne, prenant alors une belle couleur rouge et une excellente saveur. Consommable tel quel, on le préfère en général sec, seul ou accommodé sous forme de gâteaux de riz, thé et autres préparations variées, mais il s'emploie aussi symboliquement dans des rites anciens ou mariages traditionnels. Autrefois planté dans tous les jardins, le jujubier agrémente maintenant les cours de nombreux grands ensembles. Il se couvre de fleurs magnifiques qui plus tard céderont la place à d'opulentes dattes car, contrairement à d'autres essences, celle-ci conserve ses jeunes fruits même par vent fort, ce qui en a longtemps fait l'emblème de la fertilité. Dans la tradition coréenne, la célébration du mariage se termine par le rituel dit « pyebaek » , qui voit l'homme et la femme se prosterner solennellement devant les parents du premier afin

d'en obtenir la bénédiction de leur union, tandis que le beau-père de la mariée répand une poignée de jujubes sur la robe de celle-ci pour lui souhaiter une nombreuse descendance.

Vertus médicinales La gastronomie coréenne comporte différentes préparations à base de jujube, notamment plusieurs sortes de gâteaux et bouillies de riz, ainsi que des thés, vins ou vinaigres. Composé à 43% de glucides, le jujube contient aussi une forte proportion de fer et calcium, mais aussi des protéines, matières grasses et résiduelles à raison respectivement de 1,5 %, 0,8 % et 4,2 %, la vitamine C s·y trouvant en quantité à l'état naturel. Depuis toujours, l'alimentation coréenne se doit non seulement de flatter le palais, mais aussi d'apporter ses bienfaits à la santé, tel le jujube, qui trouve sa place dans nombre de plats et boissons, mais aussi, après séchage, dans la pharmacopée traditionnelle où il permet notamment la préparation de potions médicinales prescrites contre les états léthargiques, douleurs, insomnies, spasmes musculaires, dépendance aux substances, troubles digestifs ou pertes d'appétit, ainsi qu 'en cas de mauvaise mine, sécheresse cutanée et anxiété. En outre, cette plante posséderait des effets antihistaminiques et contribuerait à la prévention des tumeurs.

76 Korea na I Automn e 2007


• se doit non seu 1ement de D nfa1ts à la sante, tel le 'alimentation coreenn epuis toujours, l d'apporter ses b1e mbre de plats, ais aussi e dans no I flatW . . ' '"'acopée '"""tradit1onne " P." Ile " " ' de plaates. ·u1·ube1,oupalaos, datte m chmo1s J maisauss1. dans la pharm


Douceurs exquises Des différentes préparations employant le jujube, la plus appréciée est sans conteste le « danja », un gâteau de riz dont existent aussi des variantes au ginkgo, à la châtaigne, au cédrat ou au gingembre, ingrédients dont on additionne la farine de riz glutineux avant de la façonner pour obtenir une forme arrondie de la taille d'une châtaigne. Ces friandises sont confectionnées lors des principales fêtes célébrant l'arrivée d'une saison, dont celles du Nouvel An lunaire et de Chuseok, c· est-à-dire des récoltes. Édité en 1938, le traité culinaire intitulé « Recettes de Joseon » comporte une préparation alliant miel et pignons aux fines lanières de jujube incorporées à la farine de riz glutineux pour obtenir une pâte. Une fois celleci cuite à l'étuvée, puis enrobée de miel sucré, on l'étale sur une planche pour la découper en portions individuelles que l'on saupoudre de pignons. Le jujube permet aussi la confection d'un thé traditionnel qui, aux côtés du thé vert, figure de longue date parmi les boissons favorites des Coréens. Ces infusions sont réalisées à l'a ide de plantes médicinales très variées, fruits ou feuilles de thé vert séchés, puis broyés ou moulus , que l'on plonge dans l 'ea u chaude éventuellement miellée ou sucrée. Celle au jujube se consomme à des fins curatives et peut se présenter sous deux formes différentes mais tout aussi courantes, à savoir, soit un concentré au miel pour infusions, soit une boisson à consommer chaude ou froide et mise tantôt en bouteille, tantôt en boîte métallique. Là où les Occidentaux consomment café ou dessert, thé et gâteau ont depuis longtemps la préférence des Coréens, comme en attestent les salons de thé du quartier séoulien d'lnsa-dong, haut lieu de la tradition coréenne où sont proposés d'excellents thés et pâtisseries à base de jujube, tout comme, pour ces dernières, dans nombre de cafés à l'enseigne Starbucks Korea, aux côtés de desserts de style occidental, car elles accompagnent tout aussi avantageusement une tasse de café. L.t


Gâteau de riz au jujube , . , em1nce

Ingrédients 4 verres de farine de riz glutineux 1 cuillerée à café de sel 2 cuillerées à soupe d'eau 4 cuillerées à soupe de jujubes émincés

Thé au jujube

15 jujubes entiers 5 châtaignes 3 cuillerées à soupe de miel

Préparation 1 Mettre à tremper trois heures la farine de riz glutineux, égoutter, saler et broyer finement. 2 Retirer les noyaux des jujubes secs, réduire la chair en poudre, puis la mélanger avec soin pour obtenir une consistance homogène. Additionner d'eau et faire cuire la pâte à la vapeur, après l'avoir recou-

verte d'un linge humide. 3 Placer le gâteau de riz cuit à la vapeur dans un mortier et l'écraser au pilon

4 Étaler la pâte ainsi obtenue sur une planche à

Ingrédients

hacher et enduire de miel. Réduire son épaisseur à

16 jujubes

un centimètre, puis découper en portions de trois

20 grammes de gingembre

centimètres sur deux et demi. Saupoudrer de jujubes

8 verres d'eau

et châtaîgnes émincés.

4 cuillerées à soupe de miel, pignons et

5 On pourra également façonner la pâte en forme de

morceaux de jujube

jujube, à la main, avant de l'enduire de miel et de la recouvrir de lanières de ce fruit.

Préparation 1 Nettoyer les jujubes secs. Éplucher et émincer le gingembre.

2 Plonger ces ingrédients dans une casserole d'eau et porter à ébullition. 3 Réaliser la décoction, puis passer au tamis.

4 Ajouter le miel. Garnir de jujube ou pignons.

Au to mne 2007 1 Korea na 79


REGARD EXTÉRIEUR

Sur les hauteurs de la forteresse qui protégeait Séoul des invasions mandchoues, j'ai enfin compris: l'« ajumma » , c'est l'âme même de la Corée, à la fois « pushy » et serviable, tyrannique et bonne vivante, impatiente et tenace, infatigable compétitrice, tellement gentille et si envah issante ... Emmanuel Gayan Country Mana ge r, Veolia Water Solutions & Technologi es

80 Koreana I Automne 2007


A

éroport d'Incheon, tapis à bagages numéro 5. Première visite classique « de reconnaissance » avant une expatriation probable dans un pays sur lequel je ne sais rien. Je guette distraitement ma valise les yeux pleins de décalage horaire, quand je me retrouve soudain encerclé par une troupe bruyante, agitée mais uniforme. Cheveux courts et permanente, veste rose, visière de casquette, chaussures de marche, ça me bouscule, ça me déplace, ça s'agite et ça caquette comme

même scénario, mais avec une variante puisque la dame pourstùt son effort dans le but évident de me repasser devant, sprinte rageusement sur plusieurs longueurs, avant de finalement s'arrêter au bord de la piscine et de l'arrêt cardiaque. Après une demi-heure de ce manège, je dois me rendre à l'évidence : je ne peux pas doubler une « ajumma » sans

des collégiennes de cinquante printemps. Ma valise arrive presque immédiatement, mais celles de ces dames mettent

provoquer immédiatement une course poursuite qui, outre qu'elle risque d'être fatale à l'intéressée, m'oblige moi aussi à

apparemment trop de temps à leur gré : voilà que la chef(?) du groupe attrape un pauvre jeune homme en uniforme Korean Air qui a le malheur de passer par là, et commence à le sermonner sur un ton qui ne souffre nulle réplique. Les épaules de la victime s'affaissent peu à peu, sa tête se courbe, et il me semble qu'il ne tente que faiblement de se défendre avec ce mot, « Ajumma », qui revient en boucle dans sa bouche, suppliant comme une

augmenter ma vitesse moyenne à des cadences que je ne peux pas tenir ! Il me faudra parlementer longtemps avec le maîtrenageur pour que celui-ci explique à mes « concurrentes » que le fait qu'un homme de 20 à 30 ans de moins qu'elles, relativement bon nageur et en bonne forme physique, les dépasse de temps en temps ne constitue en rien un déshonneur. Le temps a continué à passer, les groupes d' « ajumma » envahissant les sentiers de montagne le week-end se sont peu à peu intégrés à notre paysage familier. Cette fois, c'est en arrivant face à Sueojangdae (en haut de Namhansanseong) que nous sommes accueillis par une joyeuse bande de jeunes grands-mères qui pique-nique sous les pins. Elles ont bravé la chaleur de l'été et la petite pluie qui a dispersé les promeneurs, et sont récompensées de leurs efforts : une famille d'étrangers avec deux toutes petites filles « inyeon kata » « comme des poupées » ! .Les petites circulent de bras en bras, blasées, et se gavent déjà des gâteaux aux haricots rouges généreusement distribués, on nous propose du « soju », nous avons droit aux questions traditionnelles auxquelles nous répondons de bon cœur. Nous finissons par nous extraire prestement de la troupe quand les conseils vestimentaires (« ces petites sont trop couvertes, elles vont avoir chaud, .il faut les déshabiller un peu ») et éducatifs (« un peu de gâteaux de riz, c'est très b?n, même à cinq mois ») commencent à être mis en pratique par les plus hardies de nos hôtesses. Quelques saluts, et on se quitte vite bons amis avant d'avoir le temps de se froisser de ces petits différends culturels. C'est finalement là, sur les hauteurs de la forteresse qui

prière ... Sur le moment, j'ai cru que c'en était une. Les premiers repas au restaurant m'ont d'ailleurs conforté dans cette idée : ce cri « Ajumma » qui là aussi revient sans cesse, un peu plus comme un ordre tout de même, comme un « s'il vous plait » un peu brutal et mal embouché, est forcément une prière ou une sorte d'incantation locale. Et les sosies de mes voyageuses (leurs sœurs ? leurs cousines ?), cette fois -ci sans veste ni visière, qui s'empressent servilement autour des tables pour amener, qui le Kimchi, qui la viande à griller, permanente en bataille, sueur au front et sourire aux lèvres, ce sont en fait de gentils démons domestiques, heureux de générer le bonheur de la table. De très longs mois après, revenu de mon erreur de débutant (mon coréen ayant enfin atteint un niveau me permettant de commander un sandwich), je croise de nouveau mon sujet d'étonnement favori à la piscine. Ayant le privilège de maîtriser mon emploi du temps (et n'étant donc pas obligé de partager les bassins bondés de salary-men du créneau 7h8h), je plonge donc à 8h tapantes prêt à avaler d'une traite mes deux kilomètres et demi hebdomadaires. Heure de transition, ce créneau 8h-9h offre l'intérêt de mélanger les salary-men lève-tard (comme moi) et les « ajumma » lève-tôt (qui se sont d'ailleurs approprié tous les créneaux suivants). Je dois donc partager ma ligne d'eau avec quelques-unes d'entre elles. Premier aller-retour, mon crawl régulier chatouille en fin de bassin les pieds-brasses de l' « ajumma » me précédant : eu égard à son âge qui me paraît avancé à travers mes lunettes de piscine, je me décale donc pour la doubler en douceur avant de toucher le mur. Quelle n'est pas ma surprise de la voir se mettre au crawl et accélérer, m'obligeant à faire de même pour terminer

mon dépassement. Une longueur plus tard, toujours un peu perplexe, me voilà sur les talons d'une seconde « ajumma » :

protégeait Séoul des invasions mandchoues, que j'ai enfin compris, peut-être illuminé par le « soju » offert si chaleureusement : l'« ajumma » c'est l'âme même de la Corée, à la fois « pushy » et serviable, tyrannique et bonne vivante, impatiente et tenace, infatigable compétitrice, tellement gentille et si envahissante ... t.;t

Automne 2007

1

Koreana

81


VIE QUOTIDIENNE

La création de contenus par Les utilisateurs. un nouveau moyen d'expression sur internet

En pleine explosion chez les jeunes générations, la création de contenus par les utilisateurs concerne près de cinquante pour cent d'internautes et l'analyse de ce phénomène fournit des indi cations sociologiques sur la Corée contemporaine. Kim Heon-sik Critiqu e culturel

82 Korea na I Automne 2007


2 3

4

5

6

Su rn om m é« Dessin Man » , Park Seo ng-m in s·est rendu célè bre grâce à des images vidéo de sa création, qui le montrent réalisan t des po rtraits, et ont été vues par 70 000 in te rnautes. Deux aspira nts humoristes ont particulièrement attiré l'attention pa r la prése ntati on de leu r spectacle. La créa tion de co nte nu s pa r les utilisateu rs ouvre toutes les portes. Ici , le groupe« Fenne ky », co mp osé de six éco li ers, réali se un e inte rprétat ion digne de mu siciens profes sionnels et sa prése ntati on lui a non se ulem ent permi s de se produire dans un e émiss ion de télévision, ma is aussi d'être invité à la rés id ence présid enti elle de Cheo ng Wa Dae lors de la Journée des Enfa nts . À1'égal d'un mu sicien chevro nné, l'étudiant et guitariste amateu r Lim Jeong -hyun a eu l'honn eur d'u ne présenta tion su r Uîube et dans le New Yor k Times grâce à un e an nonce qu'il a lui-même créée. De plus en plus souvent , paraissen t à la télévision des groupes de chanteu rs que leu rs « clips » vidéo ont permis de découvrir, com m e c'est le cas de« 8Eig ht ». La créat ion de co nte nu s peut aussi porter sur l' actu alité.

Autom ne 200 7 1 Ko reana 83


la demande d'une station de radio qui souhaitait

avancées et concernant notamment les images vidéo, très

connaître le point de vue d'un critique culturel, j'effec-

prisées des jeunes générations.

tuais récemment une enquête auprès d'élèves des cours

Rendue publique en avril 2007 par le Ministère de l'Informa-

primaire et secondaire sur cette manie qui consiste à faire

tion et de la Communication, une enquête d'usage de cette pra-

tourner son stylo sur ses doigts. Une recherche préalable m'a

tique révèle que 51, 1 % des internautes ont déjà créé des con-

alors permis de constater l 'existence de nombreux groupes

tenus sous une forme ou une autre, 35,2% de ceux-ci en ayant

d'internautes s'adonnant à cette pratique dite jonglage de stylo,

produit et téléchargé vers le réseau au moins une fois par mois.

qui, si elle peut sembler à première vue curieuse, n'a rien

Pour la plupart d'entre eux, cette activité portait de préférence

d'exceptionnel, car elle représente une simple distraction pour

sur les films vidéo [91,3%). suivis des photos [49%). des images

des écoliers en quête d'exutoire à l'inévitable stress d'un

[40,6%) et du texte [30,4%). L'emploi plus répandu

système éducatif subordonnant tout aux examens d'entrée à

d'équipem.ents numériques a permis à près des deux tiers

l'université. Il n'en reste pas moins que nombre de sites inter-

[66,3%) des utilisateurs d'internet de créer des contenus vidéo

net y consacrent des films vidéo tout à fait surprenants.

de différents types, une telle pratique faisant donc bel et bien partie intégrante de la vie quotidienne en Corée.

Un vécu quotidien Sur ces images, les jeunes jongleurs témoignent du niveau

L'effet« 8-boys »

de perfectionnement qu'ils ont atteint dans la maîtrise de cette

La création de contenus vidéo pourrait bien avoir eu un rôle

technique en présentant tour à tour les procédés qu'ils ont mis

à jouer dans le succès international des « B-boys ~> coréens. Il

au point et ceux qu'ils ont acquis d'adeptes étrangers, four-

suffit notamment de rappeler que pour s'initier au hip-hop, les

nissant ainsi une mine d'informations à tout internaute désireux

amateurs de cette danse en étaient réduits à s'inspirer des

de progresser dans ce domaine.

vedettes étrangères qui l'avaient lancée, en l'absence de toute

Née en environnement scolaire, l'activité est aujourd'hui

autre possibilité valable puisqu 'aucune école ne l'enseignait, à

une discipline à part entière donnant lieu à des championnats à

moins de procéder par une démarche approximative d'observa-

l 'échelle nationale, comme cela s· est produit dernièrement

tion et de perfectionnement de soi , mais demeuraient alors des

après une sélection régionale et, pour les participants, quoi de

lacunes techniques qui laissaient peu d'espoir aux danseurs de

plus exaltant que la perspective, désormais possible grâce à la

pouvoir développer leurs talents, autant d'écueils que l'appari-

création de contenus vidéo, de remporter de telles épreuves au

tion de la création de contenus vidéo allait permettre de sur-

sein d'une modeste salle de classe.

monter.

La création de contenus par les utilisateurs consiste à pro-

Par le téléchargement et l'exploitation systématique de

duire différents supports d'information en vue de leur partage

fichiers vidéo transmis sur le réseau de communication à haut

avec d'autres internautes, l'essor de cette activité d'ordre à la

débit, les danseurs coréens allaient accomplir d'énormes

fois ludique et communicationnel s'expliquant par les avancées

progrès dans leur discipline, voire atteindre le summum de sa

considérables de la Corée dans le secteur des technologies

maîtrise, dans le cas des « B-boys» , comme en témoignent

84 Koreana I Aut om ne 2007


2

3

4

Yi Se - na là droite) s'est fa it co nnaître en créa nt des images vidéo consac rées à l'artisanat de la poterie et, aux côtés de l'acteu r Park Chul, a été nomm ée ambassadrice à la quatrième Biennale mondiale de cé ramique qui se tient cette année dans la province de Gyeonggi-do. Tourné à l'occasion d'un e cérémon ie de mariage , le clip vidéo personnel intitulé« Dance Pong Pong Pong » a rempo rté dernièrement un gra nd succès. Dans le« clip » vid éo d'un utili sateu r, une scène montrant un handicapé qui in terprète la« Sonate au cla ir de lune » a créé une forte impressio n. Nombre d'utilisateurs se mette nt eux- mêmes en valeu r dans leurs créa ti ons vidéo, te l ce lycée n qui démontre adresse et savoir-fa ire en faisa nt to urner un stylo ent re ses doigts.

leurs extraordinaires prestations dans le cadre de concours internationaux. Ces artistes, dont pourrait bien dépendre aujourd'hui l'avenir de la fameuse « vague coréenne » dite « hallyu », font à leur tour l'objet de films produits par les mêmes techniques qui constituent de précieux supports de formation pour leurs émules du monde entier.

Une vision lucide de la société La particularité coréenne de la salle dite « bang » repose

Les cérémonies de mariage constituent aussi l'un des

de longue date sur la pratique de différentes activités dans les

sujets de prédilection de la production de contenus vidéo, à

lieu x spécifiques correspondants, tels les « noraebang » ou

l'instar de èe « Dance Pong Pong Pong » visionné

karaoke, « jjimjilbang », qui abritent des bains publics avec

dernièrement par de nombreu x internautes. On y voit cinq

saunas, « PC bang », qui sont des cybercafés et« video bang »

hommes en smoking s'y livrer à des chorégraphies pleines de

consacrés au x films vidéo. Au x fins de la création vidéo, les ca-

drôlerie sous les yeux des invités hilares, mais aussi stupéfaits

bines de « noraebang » sont particulièrement appréciées, car

de ne pas entendre les chansons d'usage en ces circonstances.

elles fournissent un lieu d'intimité propice à un comportement

Quant au x mariés, ils ne pourront assurément que conserver le

original dont on serait incapable en public. Les films vidéo qui y

souvenir de leurs noces.

sont réalisés montrent avec réalisme comment, par le chant ou

L'école sert aussi de décor à bien des créations, c~mme ce

la danse, les clients s'y libèrent de leurs tensions une fois

film, saisissant un directeur d'établissement pendant

débarrassés de leurs inhibitions, révélant à cette occasion des

l'émouvant discours d'adieu qu'il prononce devant ses élèves à

aspects cachés de leur personnalité.

la veille de son départ à la retraite et qui a profondément touché

Intitulée « La petite sœur de la nation au Noraebang » ,

nombre d'internautes, ou cet autre, d'une grande fraîcheur,

l'une de ces productions récentes a capturé l'image de la

dans lequel une enseignante en cours de formation confie ses

championne de patinage artistique Kim Yu-Na en train de

impressions dans une chanson de rap. D'autres enfin, se com-

s'adonner à cette activité et a remporté un très grand succès

posant plus sérieusement de scènes tournées en classe de

lors de sa diffusion sur internet . C'est une amie de cette

dernière année du lycée, témoignent du stress extrême auquel

sportive de niveau international qui a filmé celle-ci tandis

sont soumis des élèves accablés de travail pour passer avec

qu 'e lle se divertissait en compagnie d'amis, comme n'importe

succès leurs examens d'entrée à l'université.

quelle jeune fille de seize ans, alors que les téléspectateurs ne la connaissaient que dans l'épreuve, en tant que concurrente

Plus qu'un simple divertissement

réalisant des chorégraphies sur glace, et le site donnant accès

La pratique coréenne des communications sur internet

à cette création vidéo a enregistré un nombre record de visites,

fait intervenir un facteur psychologique émotionnel nommé

qui ne cesse encore maintenant de progresser.

« jeong » et représenté par l'idéogamme '~, cette compas-

Automne 2007 1 Koreana

85


l'exploitation de ces émotions débouchent parfois sur des situations créées de toutes pièces, qu'illustre notamment ce « faux mariage dans le métro », une production récente

censée conter la vie d'un homme et d'une femme issus d'un milieu modeste et devenus orphelins en bas âge qui convolent dans le métro au milieu d'usagers leur tenant lieu d'invités. Après avoir suscité bien des discussions animées ~ l'affaire s'est avérée n'être qu'un canular.

À ces productions comiques, satiriques ou farfelues, voire sion qui constitue l'un des principaux sentiments véhiculés

pire, dont ils se lassent rapidement, les internautes préfèrent

par les feuilletons télévisés coréens antérieurs à la vague du

les thèmes plus quotidiens de l'environnement, des trans-

« hallyu », ce qui semble naturel, puisque les Coréens ont un

ports et de l'éducation qu'abordent en conséquence des

goût particulier pour les thèmes et intrigues mettant en

créations séduisant un public toujours plus nombreux.

œuvre ce « jeong ».

Selon l'étude du Ministère de l'Information et de la Com-

Une création vidéo mettant ainsi en scène un handicapé

munication déjà évoquée, les personnes interrogées [72,2%)

tandis qu'il interprète avec grâce la « Sonate au clair de lune »

privilégiaient ainsi les contenus liés à l'information et à

a fait une telle impression que différents organismes ont

l'éducation, et non ceux qui n'ont pour but que d'amuser ou

convié celui-ci à se produire dans le cadre de manifestations

d'éveiller la curiosité, un consensus semblant ainsi se

officielles, attestant ainsi qu ' au simple divertissement,

dégager sur l'orientation future de cette création en Corée,

s'ajoute la possibilité pour l'internaute d'être témoin d'aspects

moyennant qu'existent les esprits audacieux pour le faire,

peu communs de la vie contemporaine.

puisque cette qualité en constitue l'un fondements, aux dires

Les enjeux commerciaux potentiels que représente

86 Korea na I Automne 2007

même d'un producteur.

1.;.t


Aperçu de la littérature coréenne

Kim In-sook

Dès ses vingt ans, Kim ln-so.ok fait une entrée remarquée sur la scène littéraire

avec son premier roman, à la suite duquel elle axera sa thématique sur les combats des hommes confrontés aux pires difficultés de la vie dans une société moderne en pleine mutation.


CRITIQUE

Les âmes nobles face aux rl~ la vie p

Cha Mi-ryeong Critique littéraire

C

'est en 1983, à l'âge de vingt ans, que Kim In-sook fait ses premiers pas en littérature en publiant l' œuvre intitulée « Sangsileui gyejeol » (« Saison des pertes »), alors qu'elle se trouve en deuxième année de ses études universitaires de journalisme et télévision. Dans la continuité de ce succès, paraît en 1984 le roman« Pitjul » (« Veines »),dont l'énorme impact sur le public fera exploser les ventes suite à une annonce publicitaire qui le qualifiait de « peinture estudiantine des mœurs sexuelles contemporaines». Malgré l'exceptionnelle réussite de cette œuvre, il semblerait que l'auteur ne souhaite plus y être identifiée. Kim In-sook note ainsi à propos de cette parution : « J'étais romancière avant même d'avoir compris ce qu'était le roman, lequel se réduisait alors à mes yeux aux « écrits des romanciers », car il ne m'était pas venu à l'esprit de les situer dans leur contexte». Si le jeune talent d'alors cherchait encore sa voie, un travail et un perfectionnement constants allaient le mettre sur la voie d'une production originale se perpétuant aujourd'hui, avec en points d'orgue le roman « Hiver 79, printemps 80 » et le recueil de nouvelles « Hamkke geonneun gil » (« Marchons ensemble ») respectivement édités en 1987 et 1989. Comme l'indiquent leurs titres, ces deux ouvrages évoquent les tensions qui agitaient le pays dans les années quatre-vingts, sous un régime répressif que les Coréens furent nombreux à combattre pour exiger le respect de leurs droits fondamentaux et, dans ce même contexte, la littérature est apparue à bien des écrivains, dont Kim In-sook, comme un recours contre l'absurdité de cette société. Parmi les œuvres de cet auteur, le recueil de nouvelles « Marchons ensemble » aborde d'importants débats sociaux, comme l'élection du Président de la République au suffrage universel, le droit au travail ou le mouvement syndical dans l'éducation nationale, l'ensemble de sa production exprimant de manière sousjacente une ferme volonté de se dresser contre tout abus d'autorité grâce à la force indomptable du peuple et c'est par 88 Koreana I Automne 2007

un projet commun que les protagonistes y mènent à bien leur quête d'identité. L'action y est généralement située dans un laps de temps aussi crucial que bref et la toile de fond en est certainement fondée sur la vie de l' écrivain. Dans les années quatre-vingt-dix, l'auteur entame une nouvelle étape essentielle de sa carrière en tournant le dos à sa jeunesse pour se consacrer passionnément à d'autres causes, car si le pays s'est plié à la dictature militaire, l'absence de changement ôte aux jeunes la possibilité de réaliser leurs désirs. L'effondrement du communisme fait triompher le capital sur l'idéologie et, ce faisant, déplace les centres d'intérêt de la collectivité vers l'individu, du militantisme vers la culture. À l'aube de la nouvelle décennie, ceux qui commencèrent à écrire dans la précédente se préoccupent principalement de savoir si la littérature a encore le pouvoir de changer le monde, à l'instar de Kim In-sook. Comme dans ses « Kalnalgwa sarang » (« Les lames et l'amour », 1993) et« Yuri gudu » (« Souliers de verre », 1998), le roman fera dès lors appel au passé pour évoquer la vie d'individus, qui, après avoir surmonté les épre~ves des dix années passées, se trouvent aux prises avec une réalité en constante évolution. En l'espèce, l'auteur y fait face à la réalité d'un capitalisme désormais solidement établi et observe le mal de vivre d'êtres qu'opprime la société. Aux côtés de « Les lames et l'amour », « Dangsin »(Chéri) figure alors parmi les deux œuvres maîtresses sur la condition misérable faite à celles que famille et société ont fini par exclure. C'est un sentiment latent d'aliénation qui domine d'autres romans, tels ces « Sideuni geu pureun badae seoda » (« Face à l'océan bleu de Sydney ») inspiré du vécu de l'auteur lors d'un bref séjour en Australie, et « Meon gil » ( « Un long chemin »). Datant tous deux de 1995, ils étudient avec attention l'existence de marginaux éprouvant des difficultés à tisser des liens et qui, partis pour l'Australie dans le but d'y échapper, ne peuvent que les y retrouver. Sans sous-entendre pour autant un quelconque espoir, !'écrivain creuse la douleur de


ceux qui luttent pour mener leur modeste existence. Ce stéréotype de l'âme souffrante, car exclue, qui caractérise la création de Kim In-sook depuis une quinzaine d'années trouve son origine dans la décennie antérieure qu'elle conserve en mémoire. Dans un univers où s'avère vitale l'adaptation rapide à tout changement, les héros de ses romans s'y résignent à grand peine et ressentent d'autant plus le fardeau de leurs misérables vies qu'ils sont hantés par le souvenir des luttes enflammées menées dans leur jeunesse pour un monde meilleur et ne sont pas dépourvus de ressources matérielles, mais en proie à l'abattement spirituel. Conservant au fond du cœur leurs anciens idéaux, ils s'avèrent incapables des compromis qui s'imposent pour affronter la réalité, suscitant de ce fait chez le lecteur un sentiment conjuguant le mépris à la pitié à l'égard d'êtres qui font le choix de s'exclure. Annihilés par leur impuissance même, ces personnages incarnent les affres de la société capitaliste décrites par l'auteur dans le détail. Se rattachent notamment à cette thématique propre aux années deux mille « Badawa nabi » ( « La mer et le papillon » ), couronné par le Prix de la Littérature Yisang en 2000 et « Gamokeui tteul » ( « Cour et prison » ), pour lequel l'auteur s'est vu décerner le Prix littéraire Isu. Quant à la nouvelle publiée en 2005 sous le titre « Geu yeojaeui jaseojeon » ( « Une autobiographie féminine »), elle soulève des questions analogues à travers l'histoire d'une femme relatant en mode autobiographique, non sa vie, mais celle d'un parvenu nommé Yi Ho-gap convoitant un mandat électoral. Tout en souffrant amèrement d'en être réduite à encenser un autre contre rétribution, elle ne peut que s'y résigner honteusement pour faire face aux contingences, d'autant que le montant de sa rémunération dépasse celui des dix années écoulées et devrait lui permettre de se consacrer un temps à écrire sans contraintes matérielles. Si !'écrivain est tourmenté par l'idée d'avoir à« vendre sa plume pour écrire comme elle le veut », le dilemme ne se

présente pas ici en termes simples ou abstraits. Fortuné au point de pouvoir fournir une suite à sa rédactrice, Yi Ho-gap n'en est pas moins la cible des farouches critiques de son entourage et s'effondre en pleurs devant elle avec cette plainte : « J'ai eu une vie difficile ... ». Est-ce à dire que les pauvres seraient les plus heureux ? Cela reste à prouver, car à l'inverse, le frère aîné de l' écrivain, pour mener son honnête existence, a constamment été en butte à des difficultés économiques lourdes de répercussions pour toute sa famille. Quant à sa sœur, la sombre réalité qu'elle cherche à fuir pèse sur ses perspectives d'avenir, tandis qu'elle présume que son père n'avait d'autre espoir pour son fils et sa fille dévoreuse de livres que l'acquisition des moyens de vivre dans l'aisance matérielle et peut-être, à la lecture des biographies de grands hommes, non tant la connaissance de leur histoire que la constatation des honneurs et richesses auxquels ils avaient atteint. Il n'est guère aisé de porter un jugement sur le riche Yi Hogap, le frère et ses soucis d'argent, la rédaction de l'autobiographie d'autrui privant de la fietté tirée de la paternité littéraire, ainsi que sur l'alternative entre confort matériel e! respect de l'éthique. Autant de conflits sous-jacents que révèle Kim Insook, et auxquels l'homme moderne ne peut qu'être confronté à un moment donné, sous une forme ou une autre. Cette « autobio-graphie féminine » prend fin sur une rêverie évoquant un épisode passé où l'auteur et son frère glissaient entre les pages d'un livre des feuilles d'arbre, qui, en séchant, « éclipsaient par leur beauté éternelle les plantes réelles qu'elles avaient été ». Au gré de l'imagination de son auteur, les feuilles de l'herbier reprennent vie, quand vient la nuit, pour emplir toute la maisonnée de leur senteurs, comme un symbole de cette vie à laquelle s'agrippe son dépositaire. Aussi dérisoires qu'ils puissent paraître, les êtres désespérés par les infortunes de l'existence médiocre qu'ils doivent mener peuvent en attendre davantage, malgré ce qui apparaît en surface, et sont tout aussi sublimes qu'affligés, la description de leurs perpétuelles souffrances résultant d'une pénétrante étude de la condition humaine. L..11 Auto mn e 200 7

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Rédigé en langue anglaise et abondamment illustré, le catalogue « Fragrance of Korea : The Ancient GiltBronze Incense Burner of Baekje » est consacré à l'Encensoir en bronze doré de Baekje, un chef-cl' œuvre ancien classé Trésor national coréen n° 287 et admiré pour sa délicate beauté qui témoigne d'un savoir-faire accompli dans le travail des métaux tel qu'il fut pratiqué en Extrême-Orient. Cet ouvrage de llO pages illustrées de photographies et dessins comporte trois essais intitulés : « Signification historique de l'Encensoir en bronze doré de Baekje », « Dynamiques culturelles et diversité : du Boshanlu taoïste à l'encensoir bouddhique de Baekje »et« Le site du temple bouddhique de Neungsan-ri à Buyeo ». Prix du tome: 25$US [frais d'envoi non compris).



A few small kemels of grain can fill a village with smiles of joy This quiet village in Tanzania' s Manyara region is buzzing with excitement today about a grain-puffmg machine from a faraway land called Korea. Al! the village children have brought containers, some full of corn, others empty. As they anxiously wait, the machine makes a deafe1Ăšng "boom" . Instantly, there' s plenty of fresh puffed corn for everyone. And as each child' s container is filled with the delicious treat, their sn1iles of joy show they are the happiest kids in the world.

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