Koreana Winter 2007 (French)

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ARTS ET CULTURE DE CORÉE

Vol. 8, N°4 Hiver 2007


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ITA

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BEAUTÉS DE CORÉE

La lanterne « chorong » C

n entend par« chorong » une lanterne ayant pour

bénédiction d'une union heureuse, la « cheongsa chorong »

source de lumière une bougie, comme on en accrochait

représentait l'indispensable accessoire de toute cérémonie

naguère aux portails et murs des maisons, mais qui ser-

nuptiale.

vait aussi de lampe à main pour se déplacer dehors, autant de

La coutume voulant qu'à la veille des noces, les parents du

fonctions qui furent des plus utiles aux Coréens anciens dans

marié fassent porter à ceux de l'épousée divers présents

leur vie quotidienne.

placés dans un coffret de bois dénommé « ham », c'est à la

Faite d" éléments en bois, métal ou fil de fer, sa cage abri-

lueur d'une« cheongsa chorong » qu'était acheminé le

tait en son centre le support sur lequel venait se fixer la

précieux fardeau jusqu'à ses destinataires et l'imminente

bougie, tandis que la partie supérieure en était percée d'un ori-

célébration de ["alliance était alors annoncée au voisinage en

fice destiné à faciliter la combustion, l'ensemble de l'armature

suspendant au portail ce fanal, celui-là même qui éclai-rerait

s'habillant de parois de papier ou de soie fine aux tons rouges

plus tard le couple jusqu'à son domicile.

et bleus. Trop faible pour assurer un éclairage parfait des

Certaines chroniques font encore état de l'usage, sous la

lieux, sa douce lumière trouant l'obscurité y apportait en

dynastie Goryeo [918-1392). de celle qui fut longtemps la fidèle

revanche une touche de poésie .

compagne de tous les jours avant de tomber en désuétude à la

Ce sont les dispositifs aux parois rouges et bleues que

faveur de l'électricité, que la population adopta en masse suite

désignait plus précisément le terme« cheongsa chorong » en

à la création, en 1898, de l'entreprise de distribution Hanseong,

référence aux deux couleurs respectivement symboliques du

le Palais de Gyeongbokgung en ayant lui-même bénéficié dès

Yin et du Yang, ces éléments complémentaires étant constitu-

1887 pour son éclairement.

tifs de l'univers selon les croyances anciennes. Gage de

[Musée national folklorique de Corée)

L;t


Koreana Arts et Culture de Corée

Vol. 8, N ' 4 Hive r 2007

Publication trimestrielle de la Fondation de Co rée 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu,

Séoul 137-863 Corée du Sud www.kf.or .kr

ÉDITEUR Yim Sung-joon DIRECTEUR DE LA RÉDACTI ON Park Joon K. REDACTRICE EN CHEF Park Jeong-yeop PHOTO DIRECTEUR Kwon Tae-kyun DIRECTEUR ARTI STIQUE Kim J1-yeon DES IGNER Lee Seon-young, Suh Tai-uk

RÉDACTE UR EN CHEF ADJOINT Park Ok -soon, Lee Ji-hye, Yi Jun-sung

COMITÉ DE RÉDACTION Choi Joon-sik, Han Kyung-koo, Han Myung-hee, Kim Hwa-young, Kim Moon-hwan , Kim Young -na. Rhee Jin-bae

ABONNEMENTS Prix d'abonnement annuel: Corée 18 000 wons Asie [par avion] 33 USD. autres régions

(par avion) 37 USD Prix du numéro en Corée 4 500 wons

Abonneme nt et correspondance : Fondation de Corée 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu ,

Séoul 137-863 Corée du Sud Tél , 82-2-3463-5684 Fax , 82·2-3463-6086 PUBLI CITÉ CNC ad . 4F, Corner Building , 202 Nonhyeon-dong,

Gangnam-gu, Séoul, Corée du Sud Tet. 82·2-511-6001 Fax. 82-2-511-6010 CONCEPTI ON ET MISE EN PAGE Kim's Communication Associates 398-1 Seogyo-dong, Mapo-gu, Séoul. Corée du Sud Tel , 82-2-335-4741 Fax, 82 -2-335-4743 www.gegd.co.kr IMPRIMÉ EN HIVER 2007 PAR Samsung Moonwha Printing Co. 274-34, Seongsu-dong 2-ga, Seongdong-gu, Séoul, Corée du Sud Tél, 82-2-468-0361/5 Fax, 82 -2-461-6798

Le feuilleton télévisé en Corée Ko reana sur Inte rn et

8

http ,//www.koreana.or.kr

Feuilletons et vie quotidienne Kang Myoung Seok

14 « Daejanggeum, le joyau du palais» et « Sonate d'hiver », deux monuments du feuilleton télévisé coréen Nho Jung Tae

22 Le feuilleton coréen à la conquête du public étranger Li Sheng Li · Min Wonjung · Nishi Masayuki · Bui Manh Hung

© Fondation de Corée 2007 Tous droits réservés.Toute reproduction intégrale. ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de la Fondation de Corée, est illicite. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs de Koreana ou de la Fondation de Corée. Koreana, revue trimestrielle enregistrée auprès du Ministère de la Culture et du Tourisme [Autorisation n° Ba-1033 du 8 août 1987]. est aussi publiée en chinois, anglais, espagnol, arabe. russe , japonais et allemand .


34

DOSSIER

Attraits des productions historiques

40

I BaikSeungchan

EN TRETIEN KIM DONG-HWA

Un vent nouveau dans la B.D. coréenne

46 Appartenant désorma is à la vie quotidienne de nombreux Coréens auxquels il donne l'occas ion de se retrouver en fam ille pour découvrir en toute int im ité les récits et personnages qu i le composent , le feu illeton té lévisé. fort du succès remporté depuis quelques diza ines d'années , connaît aujourd 'hui une évolu tion tout aussi positive sur les plans qualitat if et quanti tat if.

ARTISAN YI SANG-JAE

Artisan vannier et spécialiste du carex

52

I ParklnHa

I Lee Min Young

CHEFS-D'ŒUVRE

La cloche de Bosingak, un important symbole de la dynastie Joseon Choi Eung Chon

56

CHRONIQUE ARTISTIQUE

Riches enluminures des sûtras bouddhiques

60

I Parksang-kuk

À LA DÉCOUVERTE DE LA CORÉE WERNER SASSE

Intellectuel aux yeux bleus et la Corée au cœur

64

I ParkHyun-sook

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE CHIN UNSUK

La compositrice Chin Unsuk sur le devant de la scène contemporaine Park Yong-wan

68

ESCAPADE

Le renouveau de Paju, ancienne ville symbole de la partition Suh Young Jin

76

CUISINE

La« tteokguk », une soupe à la pâte de riz

80

I PaikJae-eun

REGARD EXTÉRIEUR

La femme coréenne : soumise ou insoumise?

84

Martine Prost

VIE QUOTIDIENNE

Ces« Gold miss» qui dopent l'économie

89

1

I Lee Min-hoon

APERÇU DE LA LITTÉRATURE CORÉENNE JEON SEONG TAE

La voie des mots menant à la vie I Seo Young-in La forêt de l'existence I Traduction: Kim Jeong-yeon et Suzanne Salinas


6 Korea na I Hiver 2007


Hiver 2007 1Koreana 7


8 Koreana I Hiver 2007


Hiver 2007 1Koreana 9


années quatre-vingts à nos jours. Ordinateurs, lecteurs vidéo portables et téléphones mobiles équipés pour la réception télévisuelle concourent également à la distribution de ces œuvres de fiction que les plus enthousiastes regardent dès le matin sur l'écran de leur combiné s'il est arrivé qu'ils en manquent un épisode, commentent le lendemain sur leur lieu de travail et suivent à nouveau, le soir venu, après s'être empressés de rentrer. Ainsi, les feuilletons sont à la Corée ce que le base-ball est aux Etats-Unis, à savoir, la principale distraction nationale. Une passion ancrée dans l'histoire Ce véritable engouement feuilletonnesque est étroitement lié à l'histoire de Corée, car l'apparition des premiers postes de télévision étant postérieure à celle des projecteurs de film, comme partout ailleurs, il en est allé naturellement de même de la présentation des œuvres correspondantes. Alors que l'industrie cinématographique se développe à un rythme accéléré, entre les années trente et soixante, ses productions

2

3

demeurent inabordables dans un pays qui a dû subir la colonisation japonaise jusqu'en 1945, puis une guerre dès 1950. En raison de leur gratuité, les feuilletons télévisés offriront alors une forme de divertissement idéale à une population qui se trouve confrontée à de graves difficultés économiques, grâce à l'importante production assurée par la chaîne nationale KBS avec le soutien des pouvoirs publics. Ils constituent en effet l'unique moyen de détente et de distraction pour des travailleurs exerçant leurs activités plus de dix heures par jour aux fins de la forte croissance économique que poursuit leur pays, ainsi que l'occasion de rassembler toute la famille devant le téléviseur pour y assister à une émission. Si le cinéma coréen n'a guère attiré plus d'un million de spectateurs jusqu'à la sortie, en 1992, du film « Seopyonje » (La chanteuse de Pansori), pas moins de vingt-quatre feuilletons ont atteint un taux d'audience supérieur à cinquante pour cent, c'est-à-dire représentant plus de la moitié de la population, selon les statistiques officielles établies depuis le

Ext rait de« Qu'est-ce qu e l'a mour?" · un spectacle hebdomadaire qui apporte déte nte et diverti sse ment aux fa milles corée nn es, séduites par cette chroniqu e de leur vi e quotid ienne. Dans le feu illeto n « Tomate », une fe mm e au cœur pu r se trou ve aux prises avec un e riva le aussi cru elle au travail qu'en amou r, mais sur laquelle elle finira par l'emporter co nfo rm émen t aux noti ons éthiqu es du bien et du mal propres à ce type de créations. Les feu illeto ns mélodramatiqu es à succès réali se nt parfois d'impressionn ants taux d'audi ence en fidélisant les téléspectateurs à chacun de leurs épisodes, comme ces« Aman ts de Pari s», dont le triomphe à l'écran ne s'est pas démenti au fil des ans et a palli é un importan t surcoû t lié à so n tournage à l'étranger.

10 Korean a I Hive r 2007

mois de janvier 1992. Au divertissement que constituent ces productions à l'instar d' œuvres musicales ou cinématographiques, s'ajoute la dimension d'une forme de loisir désormais nationale, ainsi que l'entrée dans l'univers familial sous forme de sujets de discussion à l'heure du dîner, d'où la diffusion de ces tranches de vie quotidienne matin et soir, du lundi au vendredi, contrairement aux pratiques en vigueur dans les autres pays. Un message d'amour et de bonheur Les feuilletons coréens ne comptaient il y a encore peu qu'une faible proportion d'œuvres appartenant au genre du film de science-fiction, d'action ou à suspense et, exception faite des fresques historiques, consistaient pour la plupart soit en comédies dramatiques à intrigue sentimentale, soit en chroniques de la vie de famille. Tel est le cas de « Coffee Prince n°1 », dont le dernier épisode était diffusé récemment et qui traitait principalement de l'amour éprouvé par un homme issu d'un milieu aisé en proie à


des déchirements pour une femme de condition modeste, ce thème de l'amour impossible se retrouvant, aux côtés des hauts et bas de la vie familiale, dans une majorité de productions qui ont pour dénominateur commun d'évoquer des existences comme les autres susceptibles de faire rire et pleurer les téléspectateurs. Sans constituer pour autant une fidèle représentation du vécu de ceux-ci, elles leur apportent un certain réconfort après leur dure journée de labeur par des intrigues certes inspirées de leur quotidien, mais agrémentées de quelques ingrédients dramatiques. Diffusé en 2004 par la chaîne SBS, le feuilleton à succès « Les amants de Paris » avait ainsi pour principal personnage une jeune fille simple et enjouée qui, en s'éprenant d'un fils de milliardaire, connaissait une extraordinaire histoire d'amour. Quant à l'héroïne du« Je m'appelle Kim Sam-soon » de MBC, qui allait enregistrer plus de cinquante pour cent d'audience un an après, il s'agissait d'une modeste célibataire âgée d'environ trente ans et recherchant

4

5

6

désespérément un mari avant de rencontrer un séduisant fils de famille. S'érige ainsi en principe le recours à un protagoniste apte à susciter identification et sympathie dans le public et que des circonstances extraordinaires amènent à trouver amour et bonheur.

Des personnages simples et humains appréciés en Asie Les téléspectateurs se plongeant tout entiers dans la situation vécue par le protagoniste, les feuilletons reprennent souvent le thème de la lutte victorieuse du bien contre le mal, tel ce « Tomato » de SBS au succès assuré par la présence de la grande vedette nationale Kim Heeseon, et qui opposait à l' « angélique » héroïne une « perfide » rivale harcelant ou provoquant la première dans sa vie professionnelle comme amoureuse, mais finissant par être déjouée. Aussi simples puissent-ils paraître, ces récits centrés sur la famille et la défense des vertus face au vice trouvent un accueil favorable dans les publics de tout âge ou milieu social, et c'est précisément dans ces thèmes que réside

l'engouement actuel pour la Corée sous ses différents aspects, un véritable phénomène socio-culturel se manifestant sur l'ensemble du continent asiatique. Produit par KBS et couronné d'un succès sans précédent au Japon, le feuilleton « Sonate d'hiver » conte la relation amoureuse de dix années, ponctuée de séparations et retrouvailles, que connaissent un homme et une femme sur fond de tragédies familiales tenues secrètes de part et d'autre pendant plusieurs générations, abordant ainsi les thèmes de la réconciliation, du pardon et de l'heureux dénouement d'un amour pur. En dépit des spécificités propres à leur mode de vie, les différents pays d'Asie sont unis par de communes valeurs confucéennes telles que l'esprit de famille, la lutte du bien contre le mal et l'amour sincère entre un homme et une femme expliquant qu'ils soient particulièrement réceptifs aux feuilletons coréens, comme le « Daejanggeum, le joyau du palais » de MBC, qui exalte la valeur universelle qu'est la vertu plutôt

Depuis peu, le feuilleton coréen se renouvelle par sa thématique et le traitement apporté à celle-ci, telle l'œuvre « Je m'appelle Kim Sam-soon qui a pour héroïne une femme de vi ng t-ne uf ans d'apparence assez ordinaire, mais dont la vie sentimentale a ému bien des téléspectateurs. Le feuilleton mélodramatique actuel s'écarte résolument des classiques du genre, comme en atteste le succès récent de« Coffee Prince n' 1 », où une jeune fille d'origine modeste s'éprend de son supérieur hiérarchique après avoir été engagée à temps partiel sous une identité masculine. Les feuilletons à succès font l'objet de nombreuses reprises et adaptations, notamment cet« Amour et ambition "dont la première réalisation date de 1986, époque à laquelle la Corée s'industrialisait à un rythme rapide, et qui a donné lieu vingt ans plus tard à une nouvelle version.

Hiver 2007 1 Koreana 11


-·-

- - - ·- - - -- - - - - - -- - ~

En un récit épique, L. empereur Wa ng Geon » évoque l"héroïque lutte de Wang Geon Ir. 918-9431 qui, en 918, instaura le royau me Goryeo en réalisant t·unité de ceux de Goguryeo, Silla et Baekje. 2 L"œuvre « Yi Sun-sin» retra ce la vie du héros national éponyme qu i repoussa une importante invasion japonaise au XVI ' siècle. 3 « Les quatre dieux gardiens du premier roi » a remporté un exceptionnel succès inaugurant l"apparition du feuilleton de genre merveilleux. 4 Parmi les grands feuilletons réalisés depuis l'an 2000, figure l" histoire du célèbre « Heo Jun », qui pratiqu a la médecine orientale sous la dynastie Joseon. «

Les vingt meilleurs feuilletons coréens Chaîne télévisée

Taux d'audience

cc Heo Jun » (Heo Jun)

MBC

54,9

Classement

Titre

Acteurs vedettes Jeon Kwang-ryeol, Hwang Su-jeong

Date de diffusion 2000

2

cc Daejanggeum » (Le joyau du palais)

MBC

47,2

Lee Yeong-ae, Ji Jin-hui

3

cc Pariui Yeonin » (Les amants de Paris)

SBS

42,7

Park Sin-yang, Kim Jeong-eun

2004

4

cc Jinsil » (La vérité)

MBC

42,2

Choi Ji-woo, Ryu Si-won

2000

5

cc Jumong, prince de légende»

MBC

40,5

Song 11-guk, Han Hye-jin

2006 ~

2007

6

cc Taejo Wanggeon » (L'Empereur Wanggeon)

KBS1

38,7

Choi Su-jong, Kim Yeong-cheol

2000 ~

2002

7

cc Nae lreumeun Gimsamsun » (Je m'appelle Kim Sam-soon) MBC

38,7

Kim Seon-ah, Hyeon· Bin

2005

8

cc Orin» (Ali in)

SBS

37,6

Lee Byeong-heon, Song Hye-gyo

2003

9

cc Myeongnang Sonyeo Seonggonggi » (Succès d'une fille joyeuse)

SBS

35,3

Jang Na-ra, Jang Hyeok

2002

10

cc Yeo incheonha » (Ces dames du palais)

SBS

34,3

Kang Su-yeon, Jeon ln-hwa

11

cc Wanggwa Bi » (Roi et reine)

KBS1

34,0

lm Dong-jin, Chae Si-ra

12

cc lneoagassi » (Mademoiselle la sirène)

MBC

33,6

Jang Seo-hui, Jeong Yeong-suk

2003

13

cc Gaeuldonghwa » ( Automne dans mon coeur)

KBS2

32,9

Song Seung-heon, Song Hye-gyo

2000 ~ 2001

14

cc Cheongugui Gyedan » (Les escaliers du paradis)

SBS

32,6

Kwon Sang-woo, Choi Ji-woo

2003 ~

2004

15

cc Yeojamanse » (Vivent les femmes)

SBS

32,3

Chae Si-ra, Chae Rim

2000 ~

2001

16

cc Nalmada Haengbokhae » (Tous ces jours heureux)

MBC

31,9

Kim Sang-kyeong, Lee Tae-ran

17

cc Nappeun Chingudeul » (Mauvais amis)

MBC

31,3

An Jae-uk, Song Yun -ah

18

cc Eommaya Nunaya » (Mères et soeurs)

MBC

31,1

Hwang Su-jeong, An Jae-uk

2000 ~

2001

19

cc Yainshidae » (Yainsidae)

SBS

31,0

An Jae-mo, Kim Yeong-cheol

2002 ~

2003

20

cc Jangmibit lnsaeng) » (La vie en rose)

KBS2

30,8

Choi Jin-sil, Song Hyeon-ju

Feuilletons répertoriés en fonction du succès obtenu auprès des téléspectateurs de la région de Séoul, entre le 1" janvier et le 31 décembre 2006, à partir de sta tistiques fo urnies par AGB Nielsen Media Research. 12 Koreana I Hiver 2007

2003

2004

2001

~

~

2002

2000 2004 ~

2000 2000

2005


que de mettre l'accent sur les différences culturelles, tout en faisant découvrir les richesses de la gastronomie coréenne, autant d'aspects qui lui ont valu d'être ovationné sur tout le continent. Ainsi, les œuvres évoquant la sensibilité du caractère national coréen dans un contexte essentiellement quotidien ont aussi le pouvoir d'attendrir le reste de l'Asie. De grandioses productions Feuilletons historiques et mélodramatiques se partagent depuis longtemps les faveurs des téléspectateurs et, si les premiers s'inspirent de grands événements et personnages réels, ils enrichissent les récits provenant de l'écrit par des développements créatifs donnant vie aux héros et illustrant leurs exploits. Au-delà de simples fictions divertissantes, leurs épisodes rappellent bien souvent des affaires ou questions d'actualité et, ce faisant, permettent au public de les replacer dans une perspective historique. Ces œuvres évoquent pour la plupart des héros légendaires ou d'illustres monarques, ainsi que les protagonistes d'événements se déroulant souvent sur fond de conspirations politiques ou de grandes batailles livrées contre de puissants envahisseurs. Les principaux exemples en sont « Heo Jun », du nom de ce modeste roturier qui allait devenir le plus grand médecin de la dynastie Joseon, « L'Empereur Wang Geon » évoquant les premiers temps du royaume de Goryeo, « Le Dieu de la Mer », consacré à Jang Bo-go, que l'on dénomma le « Seigneur du commerce maritime » sous le royaume de Silla, et « Yi Sun-sin », ce mythique amiral qui innova par la construction du « bateau tortue », lequel allait jouer un rôle décisif dans la victoire remportée contre le Japonais Hideyoshi, lors de l'invasion de 1592-1598 Parmi les thèmes de prédilection du public figure également l'existence tragique de personnages féminins tels que celui de Janghuibin, concubine du roi Sukjong (r. 1674-1720) dont les différentes adaptations successives du

feuilleton du même nom ont relaté l'ascension fulgurante, puis la chute, après qu'elle eut ourdi un complot visant à isoler la reine Inhyeonwanghu pour prendre sa succession. Les mythes ancestraux servent aussi de base à l'intrigue dans des productions plus récentes comme « Jumong, prince de légende », couronné de succès en 2006 et 2007, suivi de « La Ballade de Seodong », un portrait de Muwang (r. 600-641), souverain de Baekje, ou encore « Les quatre dieux gardiens du premier roi » narrant les prouesses accomplies par le Grand Roi Gwanggaeto (r. 391-413), à l'époque de Goguryeo (37 av. J-C.-668), pour repousser les frontières nationales très au-delà du territoire péninsulaire. Une production adaptée à tout âge En Corée, le feuilleton évolue en même temps que la vie des téléspectateurs, qui les regardent certes aujourd'hui encore en rentrant du travail, le canapé du séjour ayant succédé à la table du repas, mais en l'absence de leurs enfants dans ces familles désormais nucléaires où ceux-ci cessent de vivre auprès de leur parents dès qu'ils entrent dans la vie active, la progression du pouvoir d'achat permettant en outre de disposer de plus d'un téléviseur par foyer. Enfin, les moyens de communication avancés tels que l'internet permettant la diffusion des feuilletons à tout moment et en tout lieu, la jeune génération est ainsi en mesure de les sélectionner en fonction de ses goûts. Accoutumés, contrairement à leurs aînés, aux médias audiovisuels du type de MTV et aux productions hollywoodiennes comme « Matrix » ou les films de Steven Spielberg, les jeunes représentent un créneau bien précis parmi d'autres, que cible désormais l'industrie au lieu de s'adresser à l'ensemble du public. Tandis que les adultes s'en tiennent aux spectacles familiaux tels que ce feuilleton de KBS intitulé « Amour ou haine » et montrant la vie d'une famille

nombreuse, les jeunes gens se sentent plus attirés par des œuvres fictionnelles complexes comme la « Résurrection » de KBS mêlant vengeances, fraudes et assassinats impliquant les pouvoirs publics, autant de thèmes peu communs et boudés par les générations antérieures. Nouveauté des genres Ce début de siècle a vu entrer en usage l'expression « mania drama » relative à des feuilletons qui obtiennent un faible taux d'audience à la télévision, mais une fois accessibles sur internet, fidélisent un public jeune et nombreux recourant au téléchargement sur ordinateur ou téléphone portable. « La reine des neiges » de KBS en fournit un parfait exemple, qui, cantonné à un taux d'audience inférieur à 10% par son concurrent « Jumong, prince de légende », allait remporter un énorme succès sur le réseau des réseaux par le biais de ses services de vidéo à la demande, comme en attestent les chiffres publiés par la chaîne. Faisant désormais partie intégrante du quotidien, les feuilletons passionnent à tel point les téléspectateurs qu'ils passent par des supports de substitution au petit écran lorsqu'ils n'ont pas la possibilité de regarder celuici en temps voulu et le terme « manie » convient donc bien en ce cas. Aujourd'hui, la production coréenne s'étend à des œuvres d'un genre fantastique qui se déroulent dans un univers imaginaire, par-dëlà les limites du réel, telle « Les quatre dieux gardiens du premier roi » proposée par la chaîne MBC, et abandonne alors la sphère du quotidien pour tenir compte des changements survenus en Corée, apportant ainsi une nouvelle preuve de la place importante qu'elle occupe dans les loisirs de ce pays. Après s'être imposés dans ce domaine, les feuilletons s'adaptent à l'évolution du mode de vie par un renouvellement de genre et, si les téléspectateurs ont changé de comportement, ils demeurent une majorité à les suivre, quitte à renoncer à des soirées bien arrosées après le travail. t..t Hiver 2007

1

Koreana 13


« Daejanggeum, le

joyau du palais» et « Sonate d'hiver», deux monuments du feuilleton télévisé coréen Les œuvres intitulées« Oaejanggeum, le joyau du palais » et « Sonate d'hiver » constituent les principaux exemples des deux genres actuellement présents dans le feuilleton télévisé coréen, à savoir les œuvres historiques et mélodramatiques. Nho Jung Tae Journaliste au mensuel « Dramatique » Photographie: Cine21, MBC

Sous forme d'épopée. « OaeJanggeum. le Joyau du palais » retrace la vie de Seo Jang-geum, dont les parents périrent lors d'une conjuration fomentée sous la dynastie Joseon. alors qu·etle n'était qu·une enfant. mais qui entra plus tard au palais du roi comme aide de cuisine avant d'en devenir chef. ainsi que première femme médecin de l"époque.

14 Koreana I Hiver 2007


Au Japon. le succès considérable du feuilleton mélodramatique « Sonate d'hiver » tient du phénomène culturel.

Hiver 2007

1

Koreana

15


L'exceptionn el succès de« Sonate d'hiver » a fa it en même temps le renom de ses deux principaux interprètes, Bae Yo ng -joo n !Gang Jun -sa ngl et Chai Ji-woo !Ju ng Yu-jinl. 2-3 L'amour ma lheureux de Joan -san g et Yu -jin est lié à l'amnésie du premier, qui reco uvre plu s tard la mémoi re lors d'un nouvel accident tragiq ue.

l'énorme succès en Corée s'est fortement répercuté à l'étranger et a favorisé l'essor des productions du même type, qu'elles représentent en tant que monuments du genre. Ces créations font figure de produits phares du « hallyu », ce nouveau phénomène culturel de la « vague coréenne » qui permet aux téléspectateurs du monde entier, bien au-delà des frontières de l'Asie, de regarder des feuilletons, de parler la langue et, somme toute, d'apprécier le pays dans toute sa spécificité grâce à la prodigieuse diffusion de sa culture de masse. Quoique relevant de genres différents, il convient donc de les envisager d'un même point de vue en s'y référant pour anticiper l'évolution future de ce type d'émission. Des scénarios captivants Dans « Sonate d'hiver », le person16 Korea na I Hive r 2007

nage de Gang Jun-sang, dont Bae Yongjoon interprète le rôle, s'inscrit au lycée dans la ville de Chuncheon dans le but d'y retrouver son père et fait alors la connaissance de Jung Yu-jin, jouée par Choi Ji-woo, qui fait partie du club animant la station de radio de cet établissement. Il s'éprend aussitôt d'elle, mais devenu amnésique à la suite d'un accident de voiture, il part pour les États-Unis dont il reviendra sous l'identité d'un certain Lee Min-young. Fiancée à un ancien camarade de lycée toujours amoureux d'elle, Kim Sang-hyuk, qu'incarne Park Yongha, la jeune fille est toujours hantée par le souvenir de Jun-sang, dont le retour sous un autre nom la trouble et réveille ses sentiments d'autrefois, que partage d'ailleurs ce dernier bien qu'ayant oublié le passé. C'est alors qu 'il retrouve la mémoire par un heureux concours de circonstances, apprenant du même coup le douloureux secret de sa naissance is-

sue d'une liaison entre sa mère et le père de Yu-jin, les deux jeunes gens s'avérant par là même frère et sœur. Dans l'ignorance de ce fait, Yu-jin part en France afin d'y poursuivre ses études, tandis que le jeune homme s'envole pour Newy ork où un accident le rendra presque aveugle, mais revient vivre aans la maison que rêvait d'habiter Yu-jin et le dernier épisode voit les deux amoureux se retrouver enfin trois ans plus tard. D'une nature beaucoup plus complexe, « Daejanggeum, le joyau du palais » relate l'histoire d'une certaine Suh Janggeum, dont les parents perdent la vie lors du renversement de la reine Yun, mère du monarque Yeonsangun, qui régna de 1494 à 1506. Grâce à son intelligence, l'héroïne incarnée par l'actrice Lee Young-ae exauce les vœux de sa mère en se faisant nommer à la cuisine du souverain, où elle rencontrera son mentor en la personne de Dame Han, que joue


Yang Mi-kyung, avant de devenir ellemême la première courtisane chargée de ce service royal, au terme de maints conflits avec sa rivale Choi Keum-young, dont le rôle est interprété par Hong Rina. La mise en œuvre d'un ait culinaire aux vertus médicinales en fera aussi la première femme à devenir médecin sous la dynastie Joseon, ce qui lui vaudra, de la part des milieux politiques, de multiples menaces auxquelles elle saura néanmoins faire face avec sang-froid et en dépit desquelles elle jouira d'un tel crédit auprès du roi Joongjong (r. 1506-1544), interprété par lm Ho, qu'elle accédera à une fonction des plus élevées résultant d'un acco mplissement alors sans précédent. C'est dans son village natal, où elle revient sauver des vies parmi les gens du peuple, qu'elle trouvera la mort lors d'une épidémie. Si, des deux œuvres, « Sonate d'hiver » est celle qui a exercé le plus

d'influence sur les autres productions du même genre, elle pèche aussi par ses retournements de situation trop rapides, notamment lors du déclenchement de l'amnésie et du dévoilement des circonstances de la naissance, alors que « Daeok janggeum, le joyau du palais » parvient à narrer des exploits s'étalant sur une durée plus longue grâce à une meilleure unité de temps. Personnages et acteurs Le nom de Lee Young-ae est tout aussi indissociable de « Daejanggeum » que ne l'est celui de Bae Yong-joon de la « Sonate d'hiver », ces deux œuvres ayant respectivement fait leur succès, et viceversa en raison de leur pouvoir de séduction. En Corée, le premier d'entre eux n 'est désormais appelé que par le surnom de « Yonsama » qu'il a reçu au Japon suite au triomphe du feuilleton sur la chaîne télévisée NHK et qui signi-

fie « très vénéré Yon » dans la langue de ce pays, où il est adulé depuis déjà plusieurs années et où le public, d'une manière ou d'une autre, a pu découvrir la plupart des autres œuvres dont il interprète un rôle, sachant que l'âge de ses admirateurs se situe dans la tranche des quarante à soixante ans, ce qui témoigne d'un surprenant phénomène de société, y compris sur l'archipel nippon. D'aucuns attribuent cette prouesse à la présence de la figure du « prince jeune et beau », mais aussi riche, ou encore à la nostalgie des feuilletons d'autrefois qu'éprouvent les Japonais, tandis que certains critiques culturels évoquent le personnage de Gang Jun-sang, incapable d'oublier son premier amour et succombant à ce Lee Min-young qui séduit les femmes par ses manières raffinées et son sourire charmeur. Aux yeux de femmes d'âge mûr pour lesquelles l'amour n'est plus qu'un lointain souvenir, cette Hiver 2007 1 Koreana 17


1-3 L' actrice Lee You ng-ae incarne, ent re l'époqu e de l' adolescence et l'âge mûr, Suh Ja ng -geum, cette fe mme de caractère et d'une pe rsonnabi lité co mplexe qui aff ronta avec courage bien des difficultés, faisan t mon tre d' un exce ptionnel ta len t dans l'art culinaire bien que née roturière, ava nt d'entreprendre l'étude de la médecine , qui en fit le médec in attitré du roi.

double personnalité ne peut que susciter le rêve, la richesse ne constituant pas son seul attrait, et l'on voit par là que les produits de la culture de masse tirent leur succès des illusions auxquelles ils savent répondre chez leur public. Si le scénario de l'œuvre, dû à Oh Soo-yun, définissait très exactement ce personnàge, l'acteur Bae Yong-joon a su lui donner vie avec tant de brio qu'il est encore appelé « Yonsama » à ce jour, une telle persistance ayant de quoi troubler quelque peu le principal intéressé. Le phénoménal succès sociologique qu'a remporté cet acteur serait de nature à éclipser les prestations de Lee Young-ae dans le feuilleton « Daejanggeum, le joyau du palais », si cette actrice n'avait pas été reçue avec les honneurs dus à un chef d'État en Chine, où un nouveau restaurant porte même son nom, attestant du succès que lui a valu sa brillante interprétation d'une femme d'âge mûr qui a


su maîtriser ses sentiments dès son adolescence, cette force de caractère séduisant les publics de toutes cultures. Tandis que le feuilleton mélodramatique « Sonate d'hiver », en traitant de l'ironie du sort réservé à un homme et une femme, mettait en exergue ses deux protagonistes, « Daejanggeum, le joyau du palais » faisait intervenir de multiples personnages en raison de son ca-ractère historique, au nombre desquels figurait le rôle de Yang Mi-kyung, l'émouvante Dame Han qui se charge d'élever Janggeum comme s'il s'agissait de sa fille et lui témoigne une absolue confiance, ainsi que celui qu'interprétait lm Hyunsik avec une touche d'humour et dont le succès est aujourd'hui tel qu'il figure dans presque toutes les œuvres historiques produites par Lee Byung-hoon. Enfin, aucun des personnages de roi évoqués dans les séries historiques coréennes antérieures n'était apparu aussi humain

et sympathique que le Joongjong incarné par Lim Ho, souverain aussi bon vivant que novateur contraint de déplorer l'état d'esprit de ses contemporains et déclinant l'opération chirurgicale que préconise Janggeum pour le guérir, mais également homme au grand cœur capable de renoncer à ses sentiments dans l'intérêt de sa bien-aimée, autant de traits de caractère propres à enthousiasmer un public contemporain.

Scénario et mise en scène Les critiques négatives formulées à l'encontre de« Sonate d'hiver » quant au recours fréquent aux mécanismes banals caractéristiques du feuilleton mélodramatique s'avèrent infondées, car la scénariste, un grand nom dans ce genre particulier, a su en renouveler la réalisation, par un style qui lui est propre, en enrichissant les procédés dramatiques classiques de textes sentimentaux et puissants. Dans la pièce

intitulée « W edding », elle allait par la suite abandonner de telles techniques en décrivant de manière réaliste la fragilité des relations sentimentales entre les êtres telle qu'elle se manifeste chez des nouveaux-mariés animés d'un amour pur. Le succès de sa « Sonate d'hiver » tient en fait à l'excellent développement de l'intrigue. Faisons enfin mention, à propos de cette œuvre, du style spécifique du producteur Yoon Suk-ho, qui, sur la lancée du succès remporté coup sur coup par cette « Sonate d'hiver » et l' « Automne dans mon cœur» qui lui fait suite, a fondé la société de production « Yoon's Color » pour les besoins de la « Valse du printemps », ultime chapitre de ce cycle des saisons. Renommé pour ses repérages de lieux de tournages susceptibles d 'offrir une esthétique optimale, telle l'île de Namiseom rendue célèbre par cette même « Sonate d'hiver », il Hive r 2007

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Le triomph e de« Sonate d'hiver » a incité son réalisateur, Yoon Seok-ho, à créer un e société de production afin de poursuivre sa série de feu illetons mélodramat iqu es. notamment par « Va lse d'été ». 2 Lee Byung- hoon, réalisateur de« La ballad e de Seodong ».

connaît actuellement une traversée du désert suite à l'échec de sa dernière production. Que « Daejanggeum, le joyau du palais » ait pour auteur une femme, en l'occurrence Kim Young-hyun, n'a pas de quoi surprendre, puisqu'il s'agit d 'une chronique de la vie de la première femme médecin d'un roi coréen. Après avoir, à ses débuts, composé le scénario d' œuvres divertissantes, elle allait manifester un talent particulier en faisant appel à des éléments de mystère intégrés de manière crédible aux divers épisodes et différant ainsi tout à fait d'Oh Soo-yun, laquelle privilégie le thème du sentiment amoureux. Après le triomphe de « Daejanggeum, le joyau du palais », c'est encore elle qui rédigera le scénario de « La Ballade de Seo-dong », sous la direction de Lee Byung-hoon, puis qui démontrera, par son « HIT: Homi20 Koreana I Hiver 2007

cide Investigation Team », l'adaptation des intrigues policières classiques au support télévisuel. « Daejanggeum, le joyau du palais » aborde principalement le thème de la réussite personnelle, récurrent dans des productions antérieures, telles « H eo Jun » , « Sangdo » ou « La ballade de Seo-dong », mais rarement creusé à ce point, d ans ses aspects mondains et spirituels, par les séries historiques de type classique. L'exceptionnel succès de « Jumong, prince de légende » de Choi Wan-kyu et de « Les quatre dieux gardiens du premier roi », dont l'acteur Bae Yong-joon incarne l'un des personnages principaux, révèle toutefois une certaine dérive par rapport à ce genre conventionnel qui ne traitait jusqu'alors que du destin tragique des grands hommes ayant subi des défaites, dans le sens d'un grand plus optimisme. t,;t


Bae Yong-joon(1972-) Après avoir fait des études universitaires dans le domaine du cinéma, de la télévision et du multimédia, Bae Yong-joon entre dans une société de production cinématographique où il connaîtra le succès comme acteur. Dès ses débuts au petit écran, en 1994, il séduit le public par son air doux et son caractère chaleureux, puis le triomphe de la« Sonate d'hiver », notamment au Japon, en fera la plus éblouissante star de la« Vague coréenne ». Outre ses rôles au cinéma, il interprète actuellement celui du Grand roi Gwanggaeto dans un feuilleton historique télévisé intitulé« Les quatre dieux gardiens du premier roi ».

Lee Young-ae(,971-) C'est en 1990, alors qu ·elle est encore étudiante, que Lee Young-ae fait ses débuts dans une annonce publicitaire télévisée pour une grande marque commerciale, une activité qu'elle poursuit aujourd'hui encore tout en jouant au cinéma et au petit écran. Elle se fera connaître par son interprétation du rôle vedette dans le feuilleton « Daejanggeum, le joyau du palais » couronné de succès à l'international, puis, en 2005, incarnera le personnage d'une femme accomplissant une impitoyable vengeance dans « Sympathy for Lady Vengeance », du réalisateur Park Chan-wook.

(1975-)

Chai Ji-woo se fait remarquer à l'occasion d'un concours organisé en 1994 par la chaîne MBC aux fins de la découverte de jeunes talents. À des études de danse contemporaine, succéderont de multiples rôles

à la télévision et au cinéma pour

celle que l'on surnomme désormais la« Reine du mélodrame» en raison de ses nombreuses interprétations de personnages au grand cœur, notamment dans les œuvres à succès« Les escaliers du paradis» et la « Sonate d'hiver», qui la consacreront en tant qu'actrice de premier plan.

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Le feuilleton coréen à la conquête du public étranger

Séduisant toujours plus de téléspectateurs dans le monde, le feuilleton télévisé se situe pour une bonne part à l'origine de cette vague de succès dite« h~llyu » que connaissent depuis quelques années les divertissements de masse coréens, lesquels étendent ainsi leur influence culturelle à une grande partie du continent asiatique. Comment ce produit de l'industrie du spectacle, qui dépasse le simple cadre télévisuel par ses liens étroits avec le cinéma, le tourisme et l'édition, exerce-t-il un tel attrait sur le public de pays différant considérablement de la Corée par leur histoire, leur vie politique et leurs systèmes de valeurs? Les avis de spécialistes des pays concernés que sont notamment le Chili, le Japon, la Chine et le Vietnam peuvent fournir des éléments de réponse à ce sujet, car ils se fondent sur une analyse approfondie de l'accueil que réservent les téléspectateurs à ces productions. Photographie: Newsbankimage, Yonhapnews

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Un point de vue sur le feuilleton télévisé coréen Chine

Depuis leur première diffusion à l'antenne en 1993, les feuilletons coréens constituent l'une des valeurs sûres du petit écran où ils permettent à un public toujours plus nombreux de découvrir les Coréens et leur culture. Pierre angulaire de la vague coréenne, ces émissions très prisées ont en même temps consacré le succès de leurs acteurs et actrices à l'égal des plus grandes vedettes chinoises. Li Sheng Li Professeur à l'Ecole de cinéma et télévision de l'Université chinoise des communications

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n ce début de siècle, déferlait sur toute l'Asie, et plus loin encore, le « hallyu », cette vague de la culture de masse coréenne s'engouffrant dans la brèche ouverte par les produits manufacturés de l'industrie automobile ou de l'électroménager, auxquels allaient faire suite la musique, les dessins animés, les jeux internet, le cinéma et enfin ces feuilletons télévisés qui occupent une place prépondérante dans la diffusion des divertissements de masse coréens, notamment ces dernières émissions qu'affectionnent particulièrement les

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Un e fois le tournage term iné. les grandioses décors en plei n air de ce rtains fe uille tons té lévisés sont so uvent reco nverti s en parcs à thèmes. En Chi ne. la vente de cassettes vidéo ou DVD de feu illetons et films coréens enregistre d'importants bénéfices.

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téléspectateurs, cet exceptionnel succès intervenant dans le contexte de relations sino-coréennes en plein essor.

La vague coréenne gagne la Chine Depuis quelques années, le feuilleton télévisé coréen bénéficie d'une audience en constante progression suite à la diffusion de la première émission du genre intitulée « Jiltu » (Jalousie) à l'occasion des festivités commémorant le deuxième anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques entre la Corée et la République Populaire de Chine, l'importation de produits de ce type se poursuivant alors dans ce dernier pays sans soulever pour autant l'enthousiasme du public. En 1997, la diffusion d'une œuvre intitulée « Sarangi mwogillae ? » (Qu'est-ce que l'amour ?) sur un réseau national de vidéocommunications allait alors tout changer. Datant de 1991, celle-ci allait conquérir les téléspectateurs chinois par le portrait qu'elle bross ait d ' une famille et de son chef attaché aux valeurs traditionnelles du confucianisme, ptùs ouvrir la voie à de nombreuses autres qui allaient également inonder Taïwan et Hongkong, autres nations de langue chinoise, w1e douzaine d'émissions par an étant diffusées dans la setùe Chine continentale.


Les téléspectateurs y apprécient tout particulièrement les mélodrames sentimentaux et les thèmes familiaux à caractère chaleureux, mais aussi historiques, dans le cas de très nombreuses productions qui n'allaient cependant pas obtenir de succès massif jusqu'à la diffusion ovationnée de « Daejanggeum, le joyau du palais ». En Chine, cette production séduit les publics de tous milieux sociaux par la possibilité qu'elle leur offre de découvrir et apprécier le mode de vie coréen par le biais de leurs acteurs, notamment en ce qui concerne l'habillement, les produits de beauté et accessoires ou la cuisine, ainsi que d'autres pratiques. Ils véhiculent un ensemble de valeurs nouvelles, alliage de confucianisme et de modernité occidentale créant un fort consensus chez des Chinois d'âge moyen ou seniors pourtant inquiets de la disparition des valeurs traditionnelles nationales, le succès remp01té tenant ainsi tout à la fois à leurs aspects récents et plus anciens.

Intrigues sentimentales Centrés sur une thématique sentimentale classique qui est commw1e à tous les genres artistiques, ces feuilletons mélodramatiques se distinguent des

nombreuses productions chinoises traitant avec réalisme, mais rarement avec poésie, de l'amour et des relations interpersonnelles. C'est cette particularité qui allait d'emblée séduire le public chinois, par une originale et saisissante évocation visuelle du sentiment amoureux sur fond de présentations de modes vestimentaires pour le plus grand plaisir esthétique du téléspectateur, lequel adhère en outre d'autant plus aisément et avec émotion à cet univers de rêve que ce dernier est dépourvu de préoccupations bassement matérielles, d'où l'accueil enthousiaste qu'ont notamment réservé les jeunes à ces productions. Celles-ci convient le public à des découvertes esthétiques et sensorielles universelles de nature aussi bien auditive que visuelle, à l'instar de l'œuvre « Full House », dont la vedette féminine Song Hye-kyo a dernièrement fait fureur chez les adolescentes par la coiffure, les tenues et accessoires de mode qu'elle y arbore. Décrivant la vie d'étudiants étrangers dans une prestigieuse université américaine, le feuilleton « Love Story at Harvard » a été tourné sur les lieux; dont les ve1tes pelouses et les bâtiments marqués par la patine du temps rendent

fidèlement l'atmosphère particulière de cet établissement appartenant à l'Ivy League. Cette évocation du quotidien universitaire, dans ses relations d'amour ou d'amitié, ses prises de conscience en matière sociale, ses discriminations raciales et sa recherche de la justice ne pouvaient qu'impressionner profondément le téléspectateur. L'œuvre « Yeoreumhyanggi » (Parfum de l'été) allait aussi toucher son cœur par les mélodies envoûtantes d'w1e bande sonore qui contribuait, pour beaucoup, à exprimer la force des sentiments unissant ses principaux personnages, ainsi que leurs tourments, tout en accentuant l'émotion et la tension des scènes conflictuelles. Les feuilletons coréens content pour la plupait des histoires sentimentales tendres et passionn ées dont ils soulignent la beauté et l'innocence sans jamais tomber dans la vulgarité, n'évoquant le contact physique que rarement et par une atmosphère des plus romantiques, les héros s'embrasssant pudiquement au son de mélodies féériques et sous de légers flocons de neige, autant d'effets qui créent un cadre propice à faire partager les émotions des personnages avec leurs téléspectateurs.

Sentiment familial Les liens familiaux constituent depuis toujours l\m des thèmes de prédilection de feuilletons coréens à l'intention des publics de tous âges. Si la Chine y consacre également des productions aussi nombreuses que bien souvent d'excellente qualité, celles-ci tendent à présenter la famille comme un microcosme d'une société qu'étouffe le poids d'une longue histoire et, ce faisant, n'hésitent pas à insister sur les travers respectifs de l'une et de l'autre, alors que leurs équivalents coréens transmettent l'image d'un environnement social bienveillant . Tel est le cas de !'oeuvre intitulée « Mogyoktangjip Namjadeul » (Les gens des bains publics) qui a remporté un énorme succès chez les téléspectateurs de toute condition sociale par le Hiver 2007 1 Koreana

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haut degré de raffinement artistique avec lequel elle dépeint le vécu de gens comme les autres, sans sombrer dans l'indécence ou l'exagération ni déverser sur le public une avalanche d'effets spéciaux et de paysages pittoresques, se limitant à conter l'histoire d'une famille modeste qui exploite un établissement de bains publics dont le charme désuet fait tout le charme de cette chaleureuse chronique des relations entre les gens. Dans les impressions qu'il livrait à son sujet sur internet, un téléspectateur chinois affirmait ainsi y voir un « feuilleton présentant les coutumes coréennes par le biais d'une histoire de famille », en soulignant qu' « il est surprenant de découvrir à quel point les traditions sont profondément ancrées dans la vie de tous les jours, alors qu'elles semblent sur le point de disparaître en Chine.» En effet, les productions coréennes se caractérisent par une coexistence d'aspects normatifs très actuels avec le thème confucéen traditionnel de la famille fondée sur les valeurs de respect dû aux aînés, d'ancienneté et d'harmonie

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relationnelle. Chez des téléspectateurs chinois qui, dans leur vécu, sont confrontés à de rapides et considérables mutations sociales, ces feuilletons rassemblant trois générations successives sous le même toit suscitent la nostalgie d'une douceur de vivre aujourd'hui révolue et le sentiment familial trouve ainsi un écho d'autant plus favorable. Création de valeur ajoutée Il va de soi que de telles créations ne font pas toujours l'unanimité et leurs plus fidèles adeptes ont peine à s'enthousiasmer pour ceux dont l'intrigue banale reproduit des stéréotypes ou se développe avec lenteur. À ce propos, il convient de signaler que les méthodes de production diffèrent grandement en Corée et en Chine, puisque dans ce premier pays, les feuilletons réalisés à l'intention d'un public familial se composent de courts épisodes d'une trentaine de minutes diffusés quotidiennement, du lundi au vendredi, et supposent donc une création au jour le jour, tandis qu'en

Chine, ils ne sont présentés qu'une fois leur tournage réalisé intégralement à raison de deux fois par jour, voire plus, sous forme d'épisodes de quarante-cinq minutes, souvent au nombre de trente, étalés sur deux ou trois semaines, alors qu'ils le sont sur plusieurs mois en Corée. En conséquence, les téléspectateurs chinois sont accoutumés à des rythmes soutenus au regard desquels les créations coréennes peuvent leur paraître lentes et monotones. Le mode de vie des Coréens, ainsi que leur culture, demeurent en grande partie méconnus de la population chinoise et ce sont les feuilletons qui lui permettent d'en faire la connaissance en les représentant sous un jour favorable, favorisant du même coup la consommation d'automobiles, d'équipements électroménagers, de vêtements et autres produits importés de Corée, ainsi que les voyages touristiques à la découverte de ce pays, tous effets qui participent non seulement de la création de richesse, mais aussi de la promotion des valeurs sociales et culturelles qui sont les siennes.


Rapprochement de deux antipodes chili

Suite à leur prodigieux succès auprès des abonnés aux réseaux câblés de télévision, les feuilletons coréens allaient faire leur entrée sur la chaîne nationale TVN le 13 mars 2006, avec la diffusion du premier épisode de « Cheongugui Gyedan » (Les escaliers du paradis). Min Wonjung Professeur à l'unité d'études asiatiques de l'Université catholique du Chili

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es différents produits culturels qui compmtent aujourd'hui en Corée le cinéma, la musique et le feuilleton, ce dernier semble le plus apte à séduire le grand public des chaînes télévisées, comme en atteste son importante audience en Asie, mais aussi dans des régions diamétralement opposées de la Terre, notamment au Mexique où la diffusion de « Ibeuui Modeungeot » (Tout sur Ève), en 2002, allait être suivie, un an plus tard, d'une deuxième création intitulée « Byeoreun Nae Gaseumui » (Étoile dans mon coeur), tandis que le Vénézuela allait à son tour découvrir ces deux œuvres en 2007, qui succédaient au « Gyeouryeonga » (Sonate d'hiver) présenté une année plus tôt, cette production étant apparue bien antérieurement, dans des pays voisins tels que Pérou ou Paraguay dans lesquels elle a permis, aux côtés du cinéma, une meilleure diffusion de la culture coréenne.

Suite à l'accueil tri omphal qu·a reçu le fe uilleton« Daej angg eum, le joya u du palais" da ns plusieurs pays d'Asie, la co mpa gnie Asiana Airlines propose des vols à thè me su r les liaisons co nce rnées.

Prospérité chilienne Suite à l'accueil très favorable réservé au feuilleton « Cheongugui Gyedan » (Les escaliers du paradis) dès sa diffusion sur un réseau câblé de télévision, la chaîne nationale TVN allait également décider de le présenter à l'antenne, le 13 mars 2006, ce qui constituait une première pour les émissions coréennes au Chili. Cette création datant de l'année 2003 mettait en scène quatre personnages composés de Cha Song-ju, le héros qui se fait du Paradis l'image d'un monde où tout n 'est que pureté, une sorte de « parc

d'attraction sous la neige blanche comme les touches d'un piano », rejoint en cela par la protagoniste, Han Jung-suh, qui s'imagine y marcher à ses côtés en regardant dans la même direction », alors qu'un deuxième personnage masculin appelé Han Tae-hwa, envisagerait de le perdre pour se damner à jamais par amour et qu' une autre femme dénommée Han Yuri est résolue à tout tenter, persuadée qu'elle est que l'argent lui en ouvrira les portes, ces quatre figures étant liées par d'inextricables liens tragico-romantiques dans leur irrésistible ascension des marches qui y mènent une à une. L'un des responsables de la programmation, Ernesto Lombardi, se souvient : « Dès le deuxième épisode, nous avons été inondés <l'e-mails de téléspectateurs, ce qui nous a contraints à rediffuser chaque épisode en soirée et à la fin, l'ensemble de notre personnel féminin était en larmes ! ». Cette forte réactivité allait inciter la chaîne TVN à présenter elle aussi cette œuvre, chose remarquable dans un pays où les productions nationales se taillent la part du lion. Seule ombre au tableau, le créneau horaire qui lui était attribué se situait à treize heures trente, c'est-à-dire en pleine journée de travail, alors que les émissions chiliennes occupaient ceux des première et deuxième parties de soirée à raison respectivement de 45,5 et 43,3%, aux côtés des séries américaines dans ce dernier cas, celles des autres pays latino-américains représentant 82,6% de la programmation dans l'après-midi, mais le choix de cet horaire offrait en revanche l'avantage de capter l'audience des femmes au foyer.

Une chaleureuse ovation Accoutumés à la programmation de séries télévisées en langue espagnole ou portuaise, les téléspectateurs latinoaméricains, notamment au Brésil, où la production nationale connaît un égal succès en deçà et au-delà des frontières, ne pouvaient qu'être curieux d'œuvres réalisées dans la langue d'un pays tel que la Corée, ainsi que satisfaits de leurs dénouements heureux à la morale simple tout Hiver 200 7 1 Koreana

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2

aussi caractéristiques des « telenovelas » créées sur le continent, mais, en premier lieu, séduits par un ton sobre doublé d'une émotivité discrète caractérisant de longue date les mentalités coréennes et jusque là pour eux méconnus. À l'inverse, les « telenovelas » évoquent des situations où prédominent légèreté des mœurs, trahison, séduction ou crimes et dont les protagonistes s'expriment dans un langage peu châtié, celles du Chili empnmtant un style particulièrement réaliste. Si le feuilleton coréen aborde également cette thématique, il parvient à maintenir l'attention du public sur le déroulement de chaque épisode en y développant différentes actions secondaires qui se déroulent en parallèle avec le récit principal et exige donc une certaine concentration pour en découvrir les stratagèmes et complots retors sans perdre de vue les faits et gestes des héros. Par ailleurs, tandis que les « telenovelas » se contentent de finir bien, la plupart du temps sur une charmante scène de mariage, les feuilletons coréens ménagent dans leur dernier épisode une part de non-dit qui fait précisément leur force, car elle laisse au téléspectateur toute liberté d'en imaginer les prolongements au lieu de leur assener de décevantes certitudes. 28 Koreana I Hiver 2007

Au Chili, la diffusion sur le résea u câ blé du feuilleton « Les esca liers du paradis » a suscité un tel enthousiasme dans le public qu e les chaînes nati onales ont dû l ïnclure dan s leu r programma tion. L'é norm e succès des fe uilletons et films co réens favorise aussi l'essor des voyages to uristiq ues, notamm ent par le bi ais de ci rcu its à thèm es com portant des attractio ns à ne pas ma nquer, co mm e ces figures de cire à l'effig ie des prin cipaux personnages de« So nate d'hiver ».

À cinquante-neuf ans, Graciela n'a pas manqué un seul épisode des « Escaliers du paradis », au sujet desquels elle remarque : « Les Coréens n'expriment pas ouvertement leurs sentiments, ce qui est étrange. Avant d'ouvrir la bouche, il semble qu'ils réfléchissent un certain temps pour peser le pour et le contre, devinant toujours ce que pensent ou ressentent leurs interlocuteurs. Le personnage féminin paraît vouloir s'engager dans de difficiles relations. Comment peut-on traiter une femme aussi cruellement ?.Je ne comprends pas qu'elle accepte de souffrir en silence ». Quant à Natalia, une jeune internaute"de vingt ans qui suit ces émissions sur le site YouTube, elle affirme : « En regardant des feuilletons coréens, on assiste à l'évolution des relations humaines. S'ils portent principalement sur l'amour, c'est de manière extrêmement tragique et même les comédies ont une fin mélodramatique ».

Pour une meilleure compréhension mutuelle La traduction a joué un rôle capital dans le succès du feuilleton coréen en Amérique latine où la langue espagnole, vecteur commun de communication, n'en présente pas moins quelques varia-


tions par ses particularités et usages d'un pays à l'autre, le doublage des « Escaliers du paradis » ayant ainsi paru étrange aux oreilles des spectateurs chiliens car il était au départ destiné à un public mexicain. Outre ces mélodrames sentimentaux, des créations d'un genre différent séduisent les téléspectateurs chiliens, notamment celles à caractère historique, tels« Daejanggeum » (Le joyau du palais), « Goong » (Les heures de la princesse), qui traite de la tradition monarchique sous un angle nouveau, ou« Je m'appelle Kim Sam-soon », qui narre le vécu d'une Coréenne d'aujourd'hui, en butte aux difficultés et luttant pour les surmonter, auxquels s'ajoutent des documentaires à caractère culturel ou historique, qui

peuvent constituer autant de moyens efficaces de présenter une image avantageuse de la Corée. En Asie, la percée des feuilletons coréens a largement bénéficié de motivations d'ordre commercial, mais leur essor en Amérique latine exige un soutien plus volontariste de l'État coréen, lequel devrait notamment envisager une éventuelle acquisition de leurs droits de distribution en s'assurant de leur doublage adéquat dans la langue des pays concernés et en mettant gratuitement quelques émissions à la disposition des chaînes télévisées, mais pourrait aussi, par la même occasion, promouvoir la diffusion de productions latinoaméricaines sur le petit écran coréen au

Pourquoi le feuilleton coréen plait-il tant aux Japonais?

Japon

Alors que je ne m'intéressais pas le moins du monde aux feuilletons coréens quand j'étais étudiant en Corée, il y a quinze ans de cela, j'y prends aujourd'hui de plus en plus goût, car les Japonais ont la faculté d'adapter leurs codes culturels, ce qui explique l'énorme succès que connaît actuellement cette forme de création artistique.

titre de relations culturelles qui amélioreraient d'autant la compréhension des deux peuples l'un par l'autre, ainsi que de leurs cultures respectives. Le salon 2007 BCWW (Broadcast Worldwide), qui se déroulait cette année en Corée, comportait ainsi une présentation de « telenovelas » jetant les bases d'un échange entre productions asiatiques et latino-américaines, une telle initiative offrant la possibilité de faire connaître ces dernières en Corée, tout en accroissant le succès des premières en Amérique latine, car les téléspectateurs du monde entier, unis par des valeurs et intérêts universels, éprouvent un même désir d'apprécier des œuvres traitant avec talent des choses de la vie.

témoignant d'une adaptation à ma nouvelle existence dans ce pays étranger. Il y a encore quinze ans de cela, les Japonais ne se trouvaient à leur contact que par le biais d'émissions de télévision bénéficiant d'une forte audience en Corée telles que « L'œil de l'aube » ou « Qu'est-ce que l'amour? » et, tout en constatant que mes voisins les suivaient souvent au restaurant ou dans la pension où je vivais, elles ne m'avaient guère plu lorsqu'il m'était arrivé de les regarder.

Nishi Masayuki Journaliste à la section culturelle et artistique de I' « Asa hi Shimbun »

E

n 1991, mes études de coréen m'ont permis, dans le cadre d'échanges universitaires, de séjourne_r pendant toute une année à Séoul car je m'intéressais alors plus particulièrement à la culture de masse coréenne, un vaste sujet par le biais duquel je m'efforçais de mettre en exergue l'aspect de modernité que comportent les films, pièces de théâtre, compositions musicales, œuvres télévisées et magazines produits en Corée, autant de préoccupations

Le succès de « Sonate d'hiver » Mes occupations ne m'autorisaient guère à rester très longtemps devant le petit écran, ma maîtrise de la langue étant en outre tout à fait insuffisante pour bien en comprendre les émissions en dépit de mes deux ans et demi d'études, et je n'avais en outre pas les moyens de louer des cassettes vidéo. Ce n'est qu'une dizaine d'années plus tard, alors que je me trouvais pourtant de retour au Japon, que j'allais commencer à apprécier réellement les feuilletons coréens, notamment « Sonate d'hiver » dont j'ai vu l'ensemble des épisodes et lorsque je Hive r 2007 1 Korea na 29


choisie pour les deux protagonistes a orienté la version japonaise vers un récit convenant tout à fait aux goûts des Japonais, car centré sur le thème du « premier amour » et de ses émotions. De même que le branchement d'un appareil électrique emporté à l'étranger exige l'emploi d'un adaptateur, les feuilletons coréens doivent réajuster leurs codes culturels afin de s'imposer dans différents pays, leur traduction, doublage et méthodes d'édition jouant pour ce faire un rôle décisif. Comme me le faisait remarquer un chercheur japonais spécialiste de culture coréenne : « Au Japon, l'exceptionnel succès de la « Sonate d'hiver » résulte des efforts délibérés entrepris par la chaîne NHK pour favoriser son assimilation par le public ciblé après avoir analysé la nature de sa sensibilité».

2

En Asie, les célébrités du show-business coréen font souvent la couverture des magazines de grande diffusion. Suite à son interprétation du rôle vedette de« Sonate d'hiver », Choi Ji-woo se classe aujourd'hui parmi les plus grandes actrices d'Asie.

30 Koreana I Hiver 2007

m'interroge sur les raisons de cette subite passion, me viennent à l'esprit le charme de ses acteurs vedettes Bae Yong-joon et Choi Ji-woo, mais en premier lieu, de l'avis de tous ceux qui l'ont regardé du début à la fin, l'atmosphère d'absolue sérénité dans laquelle est plongé le public, dès lors rivé à son téléviseur pour en suivre l'intrigue pleine de retournements. En réalité, le succès de cette œuvre s'explique dans une plus large mesure, quoique de manière moins flagrante, par différents facteurs tels que la traduction intégrale de ses dialogues en japonais car celle-ci, qu'elle prenne la forme d'un sous-titrage ou d'un doublage, joue un rôle primordial dans la bonne compréhension de l'intrigue par le public et à cet effet, il importe de se garder d'un simple transcodage pour parvenir à des textes, qui par leur précision et leur intelligibilité, soient aptes à transmettre toutes les subtilités des paroles et sentiments des personnages. Ainsi, la « douce » voix qui a été

Une identité trop coréenne En tant que responsable de la section culturelle et artistique d'une importante publication de presse, il m'arrive souvent que l'on me demande ce qui fait le charme des feuilletons coréens, mes interlocuteurs n'ayant eux-mêmes jamais vu la moindre de ces créations, qui se réduisent pour eux à cette seule « Sonate d'hiver ». Si le caractère captivant de l'intrigue et la séduction des interprètes constituent les composantes principales que mettent en œuvre de telles œuvres de fiction pour attirer le public du petit écran corn-me du septième art, le choix de la thématique peut également y contribuer largement, de même que celui d'une distribution propre à susciter le rêve, et nul doute que la formule exacte du succès, si on la découvrait, aurait de quoi enchanter les producteurs du monde entier, tant à la télévision qu'au cinéma. Les feuilletons coréens font preuve, entre autres qualités, d'une excellente maîtrise des techniques narratives ainsi que d'une capacité, à partir des réactions exprimées par le public sur le réseau internet, à orienter le développement ultérieur de l'intrigue. Les œuvres de


type sentimental recourent systématiquement à des éléments dramatiques tels qu'accidents de la route, amnésie ou passé honteux qui agissent en leitmotiv et opposent autant d'obstacles au dénouement heureux d'une relation sentimentale selon un procédé rappelant beaucoup ceux des feuilletons mélodramatiques japonais d'autrefois. D'aucuns affirment d'ailleurs que « Sonate d'hiver », une variante coréenne de ces productions, a remporté l'essentiel de son succès auprès de leurs anciens adeptes, tout en ne dépaysant pas le public en raison de la physionomie des acteurs et du paysage urbain dans lequel se déroule l'action. Enfin, le triomphe de telles oeuvres en Chine, à Taïwan et au Vietnam témoigne d'un fort attrait sur tout le continent en raison de leur morale confucianiste sous-jacente dans le domaine de l'amour et des valeurs familiales. Au Japon, cette attirance considérable pour les feuilletons coréens et leurs acteurs semble quelque peu en déclin du fait du trop grand protectionnisme dont ils y ont bénéficié, ainsi que des déceptions occasionnées par une publicité indirecte omniprésente heurtant la sensibilité du public et brisant les rêves qu'ils y avaient suscités. Il ne paraît donc pas souhaitable que des techniques dramatiques éprouvées sur le marché coréen soient transposées telles quelles au Japon, sous peine de déplaire aux responsables des supports télévisuels en l'absence d'une véritable prise en compte des réactions du téléspectateur japonais pour assurer le succès durable des productions coréennes dans ce pays, jouant ainsi un rôle comparable à celui d'un adapteur en électricité.

FUJI TV et qui traite d'un sujet resté longtemps tabou à l'écran, à savoir, la vie des ressortissants coréens résidant au Japon, ces seuls mots évoquant aussitôt les déportations perpétrées par le pouvoir impérial, de 1910 à 1945, aux fins d'une réquisitions accompagnée d'incessantes persécutions, pour le travail dans les mines ou les usines de munitions, les descendants des victimes de ces exactions faisant aujourd'hui encore l'objet d'une discrimination raciale au Japon. À ce propos, il convient de noter que le feuilleton historique représente dans ce pays un genre assez nouveau. Le quotidien« Asahi Shimbun » publie depuis peu une importante série d'ouvrages intitulée« Impact de l'histoire : cent cinquante ans en Asie de l'Est », qui, selon une périodicité mensuelle, retrace l'histoire moderne et contemporaine de cette région à travers la production coréenne de feuilletons à caractère historique. Présentée en langue japonaise sur le site internet de ce journal, à l'adresse asahi.com, elle comporte aussi maintenant des versions anglaise, coréenne et chinoise, mais est désormais également reproduite sur celui du « DongA Ilbo » coréen dans le cadre d'une coopération avec son homologue

japonais. J'y ai pour ma part contribué par le biais d'une présentation de l'oeuvre télévisée « Myeongseonghwanghu » (Impératrice Myeongseong) retraçant la vie de Myeongseong (1851-1895), épouse de l'Empereur Gojong (1852-1919), qui après avoir repris les rênes du pays, allait être assassinée par les agents d'un gouvernement japonais résolu à mettre la main sur Joseon. Déjà, la réalisation de plusieurs feuilletons et comédies musicales consacrés à ce personnage avait permis sa réhabilitation historique en Corée, tandis qu'à Taïwan et en Chine, le feuilleton « Myeongseonghwanghu » allait aussi se voir couronné de succès par sa représentation d'une figure historique féminine dotée d'une sensibilité universelle. Si cette oeuvre des plus appréciées, qui traite directement de l'histoire de Corée, constitue, aux côtés de « Sonate d'hiver », l'archétype du feuilleton coréen à succès, elle n'a par contre toujours pas été diffusée au Japon, attestant ainsi, dans le domaine du feuilleton télévisé, des barrières qui subsistent entre les deux pays en raison d'une histoire tragique et démontrant une fois encore à quel point art et vie peuvent réciproquement s'imiter.

Création sur le terrain Si leur diffusion au Japon ne date que de ces cinq dernières années, ils y ont d'ores et déjà exercé un indiscutable et bénéfique impact, à l'instar de « Sonate d'hiver », dont le succès prodigieux allait ouvrir la voie à des créations originales, tel ce « Destin d'un amour » qu'a diffusé Hi ver 200 7 1 Korea na

31


a

Une terre fertile pour le feuilleton coréen Vietnam

C'est au milieu des années quatre-vingt-dix que les émissions de télévision coréennes ont fait leur apparition sur le petit écran vietnamien, notamment des feuilletons toujours plus nombreux dont les plus récents sont distribués sur les réseaux câblés. Bui Manh Hung Professeur au Département de langue et littérature de l'Université de pédagogie de Ho Chi Min Ville

L

Créé en 2006, le Prix du feu illeton télévi sé de Séoul vise à prom ouvoir les écha nges avec d' autres pays dans le domain e des pro ducti ons té lévi sées. 2 Dans différents pays d'As ie, feui lletons et film s co rée ns particip ent aujourd' hui de l'in dustri e culturelle .

32 Korea na I Hiver 2007

es réseaux vietnamiens de télévision par câble diffusent aujourd'hui des films et feuilletons en provenance de nombreux pays, dont la Corée, qui occupe à ce titre une place toujours plus importante. Dans les familles, il n'est pas rare que plusieurs générations regardent ensemble ces émissions dont la première apparition alimente toujours maintes conversations dans les villages, sur les marchés ou au bureau, ainsi qu'en tout autre lieu de vie sociale, en raison des affinités que ressentent les téléspectateurs avec leurs personnages et les acteurs qui les incarnent, mais aussi des charmants paysages qu'ils peuvent y admirer.

D'excellents scénarios Sachant que la Corée et le Vietnam, bien qu'appartenant tous deux au continent asiatique, ne diffèrent pas moins considérablement par leurs spécificités culturelles, religieuses, politiques et sociales, autant de facteurs susceptibles d ' orienter distinctement les choix télévisés de leurs publics respectifs, comment s'explique l'attrait particulier qu'exercent les feuilletons de la première sur les téléspectateurs du second ? Il repose avant tout sur d'originales intrigues construites à partir de scénarios de qualité qui font de la société un tableau réaliste évoquant la vie quotidienne avec exactitude et constituant une trame très structurée sur laquelle se développe le récit, leurs auteurs faisant ainsi preuve d'une créativité et d'une ingéniosité remarquables. Leurs intrigues sentimentales séduisent particulièrement le public vietnamien car, si le sentiment amoureux constitue depuis toujours l'un des thèmes de prédilection de l'art, il y est ici évoqué de manière plus délicate et intime que dans les productions d'autres pays, car leurs créateurs savent y évoquer ses fragiles mécanismes avec sensibilité et selon différents points de vue. Toute la passion éperdue de la jeu-nesse s'exprime dans des créations telles que « Cheotsarang » (Premier amour), « Gaeuldonghwa » (Automne dans mon cœur), « Gyeoulyeonga » (Sonate d'hiver) ou « Wanjeonhan Sarang » (Le parfait amour), qui exaltent le sentiment amoureux en sollicitant les émotions du public par l'évocation d'un lien pur, indestructible et ont incontestablement marqué les jeunes vietnamiens. Le succès que connaissent ces productions tient aussi au respect de valeurs traditionnelles propres à l'Asie qui s'y manifeste, notamment en n'évoquant jamais les émotions les plus fortes par un jeu ou des dialogues trop directs, ce qui leur permet de rester des spectacles familiaux, outre qu'elles offrent, après le travail, un divertissement mêlant sentiments nobles et plus légers qui suscitent


nissent, sur fond de bouleversements nationaux, un fidèle portrait de ce peuple dont les héros relèvent de formidables défis propres à figurer dans les livres d'histoire. A l'instar de « Jumong, prince de légende », les récits de faits de résistance patriotique à l'envahisseur étranger marqueront à jamais le public du Vietnam, qui, pour ne pas manquer une seule minute de ses quatre-vingts épisodes, délaisse les occupations auxquelles il vaquait.

des impressions mitigées chez le téléspec-tateur. Leurs intentions humaines et morales se réalisent pleinement lorsque les protagonistes trouvent enfin le bonheur après avoir surmonté tous les obs-tacles qui se présentaient à eux. Il s'y exprime en outre une dimension artistique, notamment par l'image où alternent de magnifiques vues de l'océan tout bleu, de sommets grandioses, de la vie trépidante des cités, des couleurs poétiques de l'automne, de jolies maisons et de cafés ou restaurants branchés qui permettent au public de juger par lui-même de la beauté des paysages coréens. Celui-ci y remarque aussi les tenues, coiffures et maquillages charmeurs d'actrices à l'élégance toute féminine contrastant avec la virilité d'acteurs à la prestance naturelle, autant de modèles pour des jeunes qui ne rêvent alors que d'acquérir leurs vêtements et cosmétiques. Interprètes de talent L'engouement que suscite le feuilleton coréen résulte aussi du savoir-faire de ses acteurs, qui, en professionnels accomplis, s'imprègnent parfaitement de leur rôle afin de l'interpréter avec fidélité et de donner vie aux sentiments et actions des

personnages. Têtes-à-têtes yeux dans les yeux, rires, larmes et baisers plus vrais que nature ne peuvent que séduire les téléspectateurs de tous âges, ainsi que la physionomie typiquement asiatique de ces beaux jeunes gens dont les pensées et émotions sont exceptionnellement bien évoqués par les seuls silences qui se glissent opportunément dans leurs conversations. Par leurs prestations de qualité, les interprètes des rôles vedettes représentent épreuves, ruptures et volonté de tout sacrifier à l'amour de telle manière que le public y compatit profondément tout en conservant le souvenir de ses acteurs favoris. Ces œuvres témoignent aussi du dynamisme d'une jeunesse coréenne manifestement fière de son identité, dans un pays qui a certes connu une expansion rapide entraînant la mondialisation de son économie, mais dont la vie quotidienne et les mœurs, telles qu;elles y sont dépeintes, attestent de l'importance qu'accorde encore son peuple au maintien, voire à l'épanouissement de ses traditions. Certaines productions à caractère historique, comme « Heo Jun », « Daejanggeum, le joyau du palais » ou « Jumong, prince de légende » four-

Perspectives d'avenir Les feuilletons mélodramatiques et historiques coréens distancent leurs concurrents sur le marché vietnamien car, si des productions taïwanaises et hongkongaises y ont auparavant connu un triomphe, elles ont ensuite lassé le public par leur rythme dramatique trop rapide et leur manichéisme qui les situent loin derrière celles d'Hollywood. Les feuilletons coréens ne sont quant à eux pas exempts de défauts, notamment la monotonie d'intrigues déclinant en d'infinies variantes le thème des maladies incurables, en particulier le cancer, des accidents de la route, des séjours à l'hôpital, des triangles amoureux et des amours malheureux en raison du milieu social. Ils pèchent aussi parfois par excès de publicité commerciale int~rrompant le fil de l'action. Ces défaillances minimes ne sont évidemment pas de nature à diminuer l'essor que connaissent ces créations depuis plusieurs années au Vietnam, où l'assiduité de l'audience atteint celle d'un véritable sport national. En dernier lieu, les feuilletons coréens constituent un certain apport aux liens qui se sont tissés entre les deux pays en atténuant les différences qui séparent leurs peuples et, à ce titre, sont appelés à contribuer pour une large part à l'essor des échanges culturels dans le cadre de leurs relations bilatérales, tandis que le téléspectateur vietnamien attend impatiemment une suite à ces distractions aux plaisirs toujours renouvelés. t;t Hiver 2007 1 Koreana 33


Attraits des

productions historiques


Si les feuilletons historiques séduisent autant les téléspectateurs coréens, c'est que les événements de l'actualité font souvent écho à ceux du passé qu'ils évoquent, une thématique également très présente au cinéma et dans l'édition . Baik Seungchan Journaliste à la section culturelle du « Kyunghyang Shinmun » Choi Hang-young Photographe



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Le film in titulé« Les dames de la co ur du roi » [G ungnyeol fourn it un intéressa nt exemple de l' évo luti on réce nte du cin éma corée n. Prena nt pou r décor un pala is roya l d'époqu e Joseon, l'in trig ue met en scè ne des courtisanes dont la modeste co ndi tion au rait mieux conve nu à des rôles seconda ire s. Contrairement aux œuvres antérieu res d'un fort pat riotisme qui étai t alors de mise, les films co rée ns actuels qui traiten t de la co lon isat ion japona ise se centrent sur la perso nnalité co mplexe des indivi dus, comme cela est le cas du film à suspe nse« Ép itaphe ». Sorte de western à l'o rienta le, le film coréen« Le bo n, le méchant et le biza rre » est jugé très prometteu r pou r l'ann ée 2008.

Coréens d'aujourd'hui lorsque meurt accidentellement une mère

Quand mythe et histoire se rejoignent Toujours couronnés d'un égal succès, les feuilletons historiques portant sur l'époque Goryeo (918-1392) ou Joseon (1392-

ou que disparaissent d'autres parents.

191 Dl se détournent des thèmes sentimentaux et familiaux visant

nages ne s·y montrent pas hantés par le dramatique destin de leur patrie, mais sujets à des émotions partagées par les

En cours de réalisation, le film « Modern Boy » campe quant

un public essentiellement féminin pour s'intéresser à celui, his-

à lui le personnage d'un fils de collaborateur, le récit évitant

torique et surtout apprécié par les hommes, des luttes intestines

d'évoquer les combats de la Résistance pour suivre l'itinéraire de

qui opposaient différentes factions à la Cour du roi . Les innom-

ce jeune prodige qui se préoccupe avant tout de séduire les

brables reprises et adaptations dont ont fait l'objet ces aspects les

femmes troquant ici jupe noire et corsage blanc de mise à cette

plus connus de l'histoire allaient contraindre les scénaristes en

époque contre des robes ajustées et d'élégants chapeau x à

quête d'inspiration à remonter jusqu 'au x temps préhistoriques.

l'occidentale.

Actuellement diffusé par la chaîne télévisée MBC, le feuilleton

Autre grand film encore au stade de la production, « Joeun

« Taewangsasingi » (Les quatre dieux gardiens du premier roi}

Nom, Nappeun Nom, lsanghan Nom » (Le bon, le méchant et le

retrace la vie du Grand roi Gwanggaeto (r. 391-413). qui repoussa

bizarre) réunit les trois vedettes Song Gang-ho, Lee Byung-hun

les frontières du royaume de Goguryeo (37 av. J.-C. à 668) pour le

et Jung Woo-sung en mobilisant un budget supérieur à dix mil-

doter d'un immense territoire, et n'a cependant rien de commun

liards de wons, c· est-à-dire environ onze millions de dollars.

avec les feuilletons historiques ordinaires, puisqu'il s'y manifeste

Cette œuvre, qui devrait sortir dans les salles l'année prochaine,

une forte influence du genre merveilleux au point de représenter

prend pour décor la Mandchourie des années trente à quarante,

une sorte de « Seigneur des anneau x » de style coréen .

où trouvaient indifféremment refuge résistants, brigands, anar-

Par sa mise en scène due au grand Kim Jong-hak et inter-

chistes et communistes et offre ainsi une nouvelle adaptation du

prétée par Bae Yong-Jun, qui connaît un énorme succès au Japon,

classique du septième art « The Good, The Bad, and The Ugly »

ainsi que son budget d'un montant exceptionnel dépassant qua-

(Le bon, la brute et le truand) interprété par Clint Eastwood, en se

rante milliards de wons, soit quanrante-quatre millions de dol-

revendiquant du genre dit « western mandchou » .

lars, cette œuvre permettra peut-être, du moins l'espère-t-on, Hive r 2007

1

Koreana 37


Le fe uilleton télévisé« Yi San » évoqu e la vie du vénérable roi Jeongjo Ir. 1776 -1 800] dont le règne fut marqué par la sta bilité politique à une époque où la cultu re occidentale commençai t à exerce r son influe nce sur la péninsule co rée nne. 2 Romans et autres oeuvres litté raires d'i ns piration historique sédui sen t auj ourd'hui les lecteurs coréens, comme en témoigne la présence de nomb reux ouvrages du ge nre da ns les lib rairies.

d'imprimer un nouvel élan à cette « Vague coréenne »

le cas des créations antérieures du genre. Enfin, « Yi San », dont

apparemment en passe de perdre de sa force . Ses champs de

vient d'être livré le premier épisode, relate les conflits qui

bataille épiques et autres décors ont été réalisés au moyen

opposèrent le roi Yeongjo [r. 1724-1776) à son petit-fils Jeongjo,

d'outils ultramodernes de dessin assisté par ordinateur, la figure

qui montera sur le trône, suite à l'assassinat de son père sur

du roi y apparaissant sous les traits d'un homme plein de sensi-

ordre de son grand-père, et en sera désormais dévoré de

bilité et non d'un impitoyable guerrier.

remords. Contrairement aux feuilletons évoqués plus haut, qui

Autre production apparue cette année sur le petit écran,

dressaient le portrait de personnages royaux avant tout soucieux

« Jumong, prince de légende » aborde lui aussi un thème

d'accomplir les obligations s'attachant à leur rang, cètte dernière

antique en évoquant le légendaire héros du même nom, l'héritier

œuvre présente un Jeongjo miné par un chagrin tout humain.

de la couronne qui instaura le royaume de Goguryeo, mais fait

Cette remarque vaut aussi pour le « Le roi et moi » , qui

largement appel à l'imagination de ses scénaristes pour pallier le

s'intéresse à la l'homme plutôt qu'au grand personnage qu'était le

manque de documentation et d'ouvrages de référence portant sur

roi et, de surcroît, par le biais du portrait d'un eunuque vivant à la

ces temps reculés et si la véracité de certains détails est sujette à

Cour, un sujet inédit à ce jour dans ce type de productions. Le pro-

caution, il a su fidéliser un important public au gré de ses épisodes

tagoniste Kim Cheo-seon y subit une opération pour être admis à

successifs. Quant aux feuilletons historiques portant sur le thème de

la Cour en tant que castrat aux seules fins de demeurer auprès de sa bien-aimée, persuadé qu'il ne lui reste d'autre recours, et c'est

prédilection des intrigues de palais, ils n'en demeurent pas moins

sa vie quotidienne, marquée par une rivalité avec le souverain, que

très appréciés, telles les productions « Yi San » évoquant la fi-

dépeint cette œuvre à fort taux d'audience, avec un grand souci du

gure de Jeongjo [r. 1776-1800). ce monarque qui régna aux temps

détail conjugué à un style narratif haut en couleurs.

les plus prospères de la dynastie Joseon, ou « Wanggwa Na » [Le roi et moi). une chronique de la vie d'eunuque de Cour dont

Survol des thèmes actuels

l'intrigue est centrée sur des vies individuelles, et non sur le jeu

Nombre de grands auteurs se sont essayés au roman his-

des conspirations visant à s· emparer du pouvoir, comme cela était

torique, à l'instar de Kim Haon, cet ancien journaliste qui figure

38 Koreana I Hive r 2007


aujourd'hui parmi les plus grands écrivains coréens et vient de

s'accentue une fracture sociale d'ores et déjà profonde et se pose

publier deux œuvres du genre intitulées « Kalui nolae » [Le

alors la question de savoir s'il convient d'ouvrir les portes de la

chant de l'épée) et « Namhansanseong ».

cité à ce capital étranger embusqué derrière nos murailles, la

Depuis sa parution, au mois d'avril, cette dernière s'est vendue à près de deux cent cinquante mille exemplaires, ce chiffre

polémique qui fait aujourd'hui rage sur l'ALE rappelant étrangement ces batailles vieilles de quatre cents ans.

relevant d'un véritable exploit dans le cas d'une fiction historique.

L'évocation, sous un nouvel angle, des dames du temps jadis

Située à l'aube du XVII' siècle, l'action en relate l'invasion de la

représente également une importante tendance vers laquelle

Corée par la dynastie chinoise des Qing et l'humiliante reddition

s'oriente la fiction historique coréenne, à l'exemple d es œuvres

qui s'ensuivit pour celle de Joseon. C'est par dizaines de milliers

de Shin Kyoung-suk et Kim Tak-hwan, qui ont paru presque

que les envahisseurs, après avoir encerclé la forteresse

simultanément et portent toutes deux sur l'histoire d'une

éponyme où s'était réfugié le souverain, l'isolèrent totalement du

danseuse de Cour royale éprise d'un diplomate français jusqu'à

reste du monde plutôt que de l'assiéger, confrontant ainsi les

partir à sa suite pour Paris en vue d'y étudier, sans parvenir

emmurés au cruel dilemme d'une mort honorable ou d'une hon-

toutefois à surmonter les obstacles que lui impose sa condition.

teuse capitulation.

Enfin, il convient de signaler les ouvrages « Hwangjini » ,

Par un style vigoureux et un ton à dominante sombre ,

qui retrace la vie de ces mythiques coutisanes qu'étaient les

l'écrivain a captivé ses lecteurs en créant une atmosphère que

« gisaeng » sous la dynastie Joseon, et « Nongae » qui narre

d'aucuns mettent en parallèle avec la Corée d'aujourd'hui, où

les aventures de l'une d'entre elles, qui, après avoir séduit un

l'afflux de fonds spéculatifs d'origine étrangère peut, de manière

général japonais pendant la guerre d'lmjin, en 1592, conduisit

très analogue, compromettre la stabilité de l'économie nationale

celui-ci sur une haute falaise d'où elle se précipita dans la rivière

ainsi que la ratification par l'Assemblée nationale de l'Accord de

coulant en contrebas en l'entraînant dans sa chute, le traitement

libre échange conclu par la Corée et les États-Unis. Après avoir

de ce thème se plaçant, là encore, du point de vue du vécu et des

œuvré sans relâche à la signature de ce traité, le gouvernement

sentiments de ces deux êtres humains, plutôt que de celui d'une

coréen suscite aujourd 'hui, par son action, la crainte que ne

évocation historique. rai Hiver 2007 1 Koreana 39


ENTRETIEN

Kim Dong-hwa Un vent nouveau dans la B.D. coréenne La bande dessinée dite « manhwa » connaît parmi les lecteurs coréens de tous âges une importante diffusion à laquelle a largement contribué un dessinateur de talent, Kim Dong-hwa, par sa créativité et sa sensibilité tout empreintes du pays natal. Park ln Ha Professeur à la Faculté Chungkang des industries culturelles et créateur de dessins animés et bandes dessinées Ahn Hong-beom Photographe

C

et artiste de cinquante-sept ans qui possède la faculté de

auprès de celles-ci.

s'adapter à son environnement en passant d'un sujet à

«L'album a vraiment fait sensation ! » , se souvient l'artiste,

l'autre avec une aisance qui déconcerte les plus anciens,

qui précise : « Si j'ai bonne mémoire, c· était la première fois

tel un caméléon du dessin, a fait pour la première fois parler de

qu'était évoquée une bande dessinée, en l'occurrence « Candy,

lui dans les années quatre-vingts par la création d'albums à ca-

Candy », dans les éditoriau x des journaux. Pour moi, les belles

ractère sentimental qui allaient séduire plus particulièrement le

images ont toujours du charme et, en ce temps-là, je souhaitais

public féminin et le lancer résolument dans la carrière.

plus que tout en dessiner, mais les maisons d'édition n'en

Après avoir fait ses premiers pas en 1969, il remportera en

voulaient pas, alors il m'a fallu aller à l'encontre de cette envie

1975 un concours organisé par le « Hankook Children·s Daily »,

afin de vivre de mon travail. Lorsque « Candy, Candy » s· est

mais il lui faudra attendre encore dix ans pour parvenir à la

imposé en 1978, j'ai décidé de repartir sur de nouvelles bases

consécration avec la sortie très remarquée des albums « Je

pour me consacrer à ces jolis dessins qui me plaisaient tellement

m'appelle Cindy »et« Acacia ». Son irruption dans ce

et c'est ainsi qu·a paru « Urideurui lyagi » [Notre histoire) en

domaine avait alors de quoi surprendre car son style

1979 ».

caractérisé par une beauté conventionnelle n'était guère en

Par leur nature également sentimentale, les ouvr ages qui lui

vogue parmi des lecteurs coréens davantage accoutumés à

succèdent feront dès lors apprécier la bande dessinée au public

celui du manga japonais d'une qualité et d'une variété alors

féminin, mais tout aussitôt parvenu au sommet de cet art,

très supérieures.

l'artiste s'engagera dans une nouvelle voie en collaborant à la revue mensuelle à fort tirage « Bomulseom » [L'île au trésor)

Le goût du changement Par le passé, les lecteurs empruntaient le plus souvent les albums dans des sortes de petites bibliothèques de quartier au fonctionnement original, puisque les lecteurs y acquittaient des

qui publie ses récits sentimentaux intitulés « Notre histoire », « Acacia » , « Naui lreumeun Sindi » [Je m'appelle Cindy) et « Sapphire » à l'intention des jeunes lectrices. « Après mûre réflexion, j'ai voulu introduire une composante

frais d'inscription qui leur donnaient droit à lire un nombre illi-

d'humour et de rêve dans mes dessins, une démarche qui allait

mité d'ouvrages dans un délai donné et qui, par leur montant

aboutir, en 1984, à la sortie de l'album « Yojeong Pink » [La fée

insignifiant, attiraient tous les garnements du quartier en ces

Pink). à l'origine sous forme de feuilleton », explique son auteur.

lieux du même coup peu propices à une fréquentation féminine,

Comme son nom l'indique, le personnage en est une fée qui

d'où la quasi-absence d'un marché à l'intention de ces lectrices

descend sur Terre et se lie d'amitié avec un photographe ama-

jusqu'à la fin de la première moitié des années soi xante-dix, où la

teur dénommé Bean, l'artiste s'éloignant ainsi du récit sentimen-

sortie de « Candy, Candy » allait connaître un succès immédiat

tal pour aborder ceux de type enfantin ou familial par une initia-

40 Koreana I Hiver 2007



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De subtiles descriptions à l'érotisme latent ont fait le succès d'« Histoire de Kisaeng », qui dépeint les épreuves et tourments vécus par deux courtisanes éternellement rivales.


2 L'œuvre de Ki m Dong- hwa parvient auj ourd'h ui aux lecteurs européens , qui découvrent notamment, grâce à leur traduction en français , sa« bi cyclette rou ge» Ic i-co nt re à ga uche]. chronique de la vie quoti dienne d'un petit village, ai nsi qu ·« Hi stoi re couleur te rre» [ci-co ntre à droite) évoq uant le passage à l'âge adulte d'un e ado lescente. 3 Avec leur visage ro nd, leurs yeux min ces et leu r nez co urt, les personnages fémini ns de Ki m Don g-hwa répo nd ent aux ca no ns de la bea uté class ique corée nn e.

live pleine d'audace qui allait être suivie d'autres non moins

lyagi » (Histoire de kisaeng) pour y dépeindre avec force détails la

hardies. Le succès de « Yojeong Pink » attestant la présence

tumultueuse existence de ces courtisanes d'antan, mais se

d'un marché à fort potentiel dans ce dernier genre, l'auteur allait

heurtera ce faisant à un grave problème : « Je sentais s'affaiblir

dès lors se consacrer à des histoires d'aventures destinées à de

ma vue, ces yeu x si indispensables au métier de dessinateur et,

jeunes garçons, comme celles des albums« Bug Boy » et« La

dès lors, comment travailler ? J'en ai énormément souffert, à

police de la jeunesse ».

l'idée de ne pouvoir participer au Festival international de la bande

Une thématique coréenne Toujours en quête de renouveau, l'artiste ne s'en tiendra pas là et, dès 1993, estimera nécessaire de conférer à ses

vieilles personnes, certaines d'entre elles très voûtées par l'âge,

œuvres une certaine identité coréenne, après avoir assisté au

sionné qu'elle est rarissime en Corée et c·est alors que j'ai eu

film « Seopyeonje » (La chanteuse de Pansori ) où le metteur en

l'idée de me mettre à dessiner pou r le troisième âge. »

dessinée, à Angoulême, puis, j'ai vu un jour, dans une librairie, de qui paraissaient absorbées par la lecture de bandes dessinées et en achetaient même. Une telle scène m'a d'autant plus impres-

scène Lim Kwon-taek fait découvrir ce genre traditionnel coréen

Persuadé que la bande dessinée coréenne se devait de diver-

de musique vocale. « Tous les autres spectateurs étaient déjà

sifier ses thèmes et de rehausser sa qualité d'ensemble pour

partis lorsque j'ai enfin pu me lever, après le film, que j'ai vu quatre

toucher un plus large public, l'artiste allait alors concevoir ses

fois de suite et qui m'a décidé à travailler sur des thèmes coréens.

œuvres pour les lecteurs âgés, mais aussi pallier ses déficiences

Cette œuvre m'a fait prendre conscience de l'existence du Beau

visuelles par l'emploi d'un ordinateur, sur lequel son fils l'avait

inhérent aux paysages, traditions et musiques de Corée. »

initié à l 'agrandissement d'images, pour se consacrer à des

Son dessin allait alors prendre une orientation toute différente par l'adoption d'une thématique et d'une esthétique

créations toujours plus artistiques, puisqu'il ne pouvait désormais dessiner sur papier selon les dimensions habituelles.

spécifiquement coréennes, en renonçant au style qui faisait sa marque de fabrique au profit d'une imagerie évocatrice des beautés propres au pays natal et en s'inspirant souvent pour ce faire des œuvres de mœurs du peintre Shin Yun-bok, qui vécut sous la dynastie Joseon, à partir desquelles allaient se construire différentes trames narratives pour évoquer la vie du petit peuple. Intitulée « Monnani » (Le laideron). un premi !Vitfy uilleton s· essaiera à allier passé et présent coréens par "ô'iZe histoire d'amour se dér~ lant dans un cadre traditionnel où se côtoient, humbles chaumières, murailles, ~

its fossés de rizières et

pinèdes annonçant1' entrée d'un village. La livraison suivante, également publiée sous forme de feuilleton par un magazine masculin sous le titre « Hwangtobit lyagi

» (Histoire couleur

terre). témoignera d'une évolution plus profonde encore par une démarche thématique radicalement différente qui susc ite r-a l'enthousiasme jusqu'à son dernier épisode et se classera -ai J1ÎSi au premier rang de sa catérogie, saluée par une critique et une presse qui y voient triompher un érotisme à la coréenne.

À peine Kim Dong-hwa avait-il achevé cette œuvre qu'il allait se lancer sans plus attendre dans la réalisation de « Gisaeng

De nouveaux défis Évoquant les tournées d'un facteur dans le village imaginaire de Yahwa-ri, l'album « Ppalgan Jajeongeo » (bicyclette rouge)


1

r

Kim Dong - hwa a .innové l' couleur terre » sous fo r: r d adaptation de son« Histoire masculin · e e feu illeton pour ma gaz1ne .

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Kim Dong-hwa puise ses tt>èmes d'inspiration dans l'univers coréen, sa vie quotidienne et ses paysages à la beaute simple en dépeignant humbles chaumières, murailles, fossés profonds des rizières ou bosquets annoncant l'entrée d un village.

trouvera à grand peine un éditeur, comme s'en souvient l'a rtiste.

outre signé différents contrats en vue de l'édition de« Laideron »

« J'avais pensé que ce feuilleton convie ndrait bien à un jour-

et de « Manhwaro Boneun Joeun Saenggak » [Beau x senti-

nal et plus précisément un grand quotidien national comme le

ments en bandes dessinées]. après qu· « Histoire couleur terre »

« Chosun llbo », qui possède le plus fort tirage de la presse

a été couronnée de succès à Taïwan et au Japon.

coréenne, ce qui lui permettrait d'être lu par deux millions et demi

Hormis une parenthèse de trois ans dans les années qua-

de personnes et, sans prendre le moindre contact au préalable, je

tre-vingts, Kim Dong-hwa s 'est consacré à son œuvre des

me suis rendu dans ce journal en emportant sous mon bras vingt-

décennies durant, et ce, sans jamais en souffrir, car il se serait

quatre de ses exemplaires. Le responsable concerné a semblé

lassé de se cantonner à un seul et même domaine, et la diversi-

des plus stupéfaits, car, pour la première fois, une personne aussi

fication de ses œuvres, qui vont de feuilletons sentimentaux

âgée et connue que moi lui apportait elle-même ses créations,

pour jeunes filles à des publications pour jeunes garçons, en

alors que les autres dessinateurs lui envoyaient normalement les

passant par des albums pour adultes, lui a bien au contraire

bandes dessinées qu'ils avaient espoir de faire publier, comme en

insufflé toujours plus de ce dynamisme qui lui fait aujourd'hui

témoignaient celles qui s'empilaient sur son bureau. Toutefois, il

encore voir en tout nouveau projet l'occasion d'une prodigieuse

m·a appelé dès le lendemain pour m'informer que le quotidien

catharsis.

avait donné son aval à la parution de mon feuilleton. » Après

« La création narrative, comme graphique, représente une

l'annonce de cet heureux résultat, que l'auteur ne devait qu 'à lui-

tâche éprouvante, qui m·a tout blanchi et voûté, mais, s 'il m'arrive

même en raison de sa combativité et de son dynamisme, il se sou-

parfois de n'avoir pas même rédigé le synopsis d'une œuvre

vient encore : « Je me trouvais devant le Palais de Deoksugung

alors qu'approche l'échéance impartie, le déclic qui se produit

lorsque j'ai reçu cet appel, dont j'ai été très heureux, car mes ban-

lorsque l'intrigue s'enchaîne parfaitement dans mon esprit me

des dessinées allaient enfin atteindre un public d'adultes. Prévue

procure une indicible sat isfactio n. La bande dessinée est un

dans un premier temps pour durer six mois, la parution allait se

métier merveilleux et d'autant plus gratifiant que l 'on en souffre,

poursuivre pendant trois ans. »

car la douleur ne fait qu'encourager et motiver davantage.»

Les centaines de lettres que lui ont adressées par la suite ses

En dernier lieu, l'auteur se déclare heureux d'avoir fait œuvre

fidèles lecteurs âgés de soixante à quatre-vingts ans allaient le

de diversité et prêt à satisfaire encore son insatiable appétit de

conforter plus encore dans l'idée que leur créneau représentait

travail en veillant des nuits entières pendant les trois années à

un marché porteur, comme en témoignait cette « bicyclette

veni r, après quoi seulement, il consentira enfin à mettre un frein

rouge » en séduisant un tout nouveau public coréen, tout en

à son ardeur productive. À n'en pas douter, le monde florissant

étendant la renommée de son auteur jusqu 'en Europe, notam-

de la bande dessinée coréenne a pour moteur ce dessinateur de

ment en France où l'a publiée la maison d'édition française

génie qui croit en la réincarnation, espère apercevoir un jour un

Piquet,« Histoire de kisaeng » et « Histoire cou leur terre » ayant

OVNI, imagine des fées s'envolant d' un pot de haricots et

quant à elles paru chez Casterman. En Espagne, l'auteur a en

s'accorde des sorties nocturnes pour chasser le stress. t.t Hiver 2007

1

Koreana 45


ARTISAN


Yi Sang-jae Artisan vannier et spécialiste du carex Si les objets de vannerie en carex , que l'on nomme« wancho » en coréen, se font aujourd'hui de plus en plus rares dans un pays où la modernisation semble avoir raison des traditions les plus anciennes, l'artisan Yi Sang-jae n'en continue pas moins d'exercer son métier avec passion. Lee Min Young Rédactrice occasionnelle I Seo Heun-kang Photographe

L

e carex, qui pousse en abondance dans la campagne

notamment en Corée et au Japon. Présent parmi la flore de tout

coréenne, se tressait autrefois pour confectionner nattes

le territoire, il prospère tout particulièrement dans la région de

de couchage rondes, récipients destinés à la conservation

Gwanghwa et fournit de longue date un matériau de qualité très

des aliments, boîtes à couture et autres articles ménagers très

prisé pour la fabrication de nattes de couchage, récipients divers

pratiques de grande diffusion, car d'u sage quotidien, que se

et objets décoratifs, les artisans vanniers qui en font usage étant

devait de posséder les familles de toute condition sociale . Les

désignés par le terme « wanchojang ».

artisans vanniers, une fois dûment formés au x rudiments du

L'ouvrage intitulé « Samgguksagi » [Chronique des Trois

métier, rivalisaient de savoir-faire en embellissant leurs fabrica-

Royaumes} fait état d'un d'un emploi du carex dès les premiers

tions d'ornements élaborés et, lorsqu'ils s'imposaient par leur

temps du royaume de Silla [57 av. J.-C. - 935). puis, sous celui de

exceptionnelle maîtrise technique, ils recevaient d'innombrables

Goryeo [918-1392). sous forme de nattes glissées sous les

commandes des commerçants , ainsi que des grandes

tablettes mortuaires invoquant le Dieu de la Terre [« tosin

demeures aristocratiques.

celui des récoltes [« goksin » ) lors des rites sacrificiels que

Après avoir connu son heure de gloire, la vannerie de carex a

»l

et

dirigeaient les monarques à l'intention de leurs sujets.

cédé la place à la production de série d'objets en matière plas-

Ce matériau servait également à la fabrication d'objets

tique à bas pri x et de fonctions identiques au détriment des arti-

décoratifs destinés aux palais du roi, mais souvent aussi, de ceux

cles en fibre naturelle dont le métier traditionnel se perd alors du

qui figuraient sous différentes appellations dans le tribut payé par

même coup . Malgré cette évolution peu propice, il se trouve

la Corée à la Chine, comme cela est dit dans le « Joseon-

encore des hommes tels que Yi Sang-jae, ce maître artisan de

wangjosillok » [Annales de la Dynastie Joseonl. au chapitre

soixante-cinq ans spécialisé dans la vannerie de carex et nommé

« Taejongsillok » [Annales du roi Taejong). car ils constituaient

Important Bien culturel immatériel n° 103, pour travailler patiem-

un bien précieux aux yeux de la famille royale et de l'aristocratie,

ment ce matériau, afin que s'accomplisse encore et toujours le

autant d'exe mples attestant de qualités à la fois pratiques et

miracle de sa transformation en d'élégants objets artisanaux.

esthétiques qui firent longtemps le succès de la vannerie en carex.

À l'heure actuelle, sa confection recourt à deux procédés tra-

La vannerie en carex D'une longueur comprise entre 1,20 et 1,50 mètre, le carex, ou « wancho » en coréen, est un roseau qui pousse dans les

ditionnels se distinguant par l'emploi d'un outillage spécial ou

rizières et marécages des zones à climat tropical ou tempéré,

particulier dans l'île de Ganghwa, qui en est le berceau, notam-

par le tressage manuel des fibres, ce dernier se pratiquant en

Hiver 2007 1 Koreana 47


......

• . . . U ..._ ' Ullllll:ll.UIIJIII.. 11111111m:11nu-. nu....

ment dans l'atelier qu'y possède Yi Sang-jae.

permettent à la nourriture de bien se conserver en été, mais aussi l'hiver, de l'isoler du froid en retenant celui-ci, et à ma con-

Cinquante ans de labeur dévoué En véritable spécialiste du domaine, le maître artisan Yi Sang-jae s'emploie à perpétuer ces traditions ancestrales propres à l'île de Ganghwa.

c· est

dès 1956, alors qu'il sortait du

naissance, pareille polyvalence ne se retrouve dans aucun autre matériau ! » . Après toute une vie consacrée au travail du carex, l'homme ne cesse aujourd'hui encore de s'émerveiller de ses propriétés naturelles.

cours primaire, qu'il fait son apprentissage dans le métier, après tout son entourage en remportant le Premier prix du concours

Étapes de fabrication Préalablement à la production, il convient de s'approvision-

d'artisanat, trois ans à peine après y avoir été admis. En dépit de

ner en matériau de grande qualité et de lui faire subir certains

son jeune âge, il tirera de cette première distinction tout l'élan qui

traitements . Sachant que ce végétal se plante au mois d'avril

en avoir acquis les rudiments de sa mère, et il surprendra bientôt

lui permettra plus tard d'accéder au titre de maître artisan

pour être repiqué dans les rizières début mai en vue de la récolte

spécialisé dans la vannerie de carex, qui guidera son labeur au

effectuée de juillet à août, c·est suite à celle-ci que les tiges

cours des cinquante années suivantes.

coupées vont être divisées en filaments qui s'assécheront en

« Au village natal de Gyo-dong, sur l'île de Ganghwa, le carex

virant au bleuâtre, après quoi on les mettra à tremper dans l'eau

se trouvait en quantité si abondante qu'il se fabriquait des pro-

avant de les refaire sécher au soleil, puis on reproduira cinq ou

duits dans tout le voisinage et si j'en suis arrivé ici aujourd 'hui,

six fois ces mêmes opérations jusqu'au blanchissement des

c· est parce que j'ai débuté dans le métier quand j'étais enfant. »

fibres destinées à la fabrication et que l'on pourra feindre à des

Sa première création consistera en un « kkotbangseok » ,

fins décoratives.

c·est-à-dire un coussin orné de motifs floraux tissés ou brodés,

Afin de réaliser des objets à la forme arrondie

un article qui, aux côtés d'un jeu de trois paniers de dimensions

caractéristique, tels le « kkotbangseok » et le « kkotsamhap »,

et motifs fleuris identiques appelé « kkotsamhap », représentait

l'artisan commence par tresser entre eu x huit torons de fila-

la fabrication la plus caractéristique pour ce matériau. L'homme

ments appelés « no » qu'il entremêle pour ce faire en réalisant

entreprendra par la suite celle d'objets tels que le« dongguri »,

des rangs horizontaux et verticaux respectivement dits « naljul »

un récipient fermé destiné à la conservation et au stockage des

et« ~sijul ». À l'exécution de l'élément formant fond de l'objet,

aliments, le « sajuham », ce coffret dans lequel un document

succède l'opération du « samori », qui consiste à insérer verti-

précisant la date et l'heure de naissance du fiancé est présenté

calement des fibres supplémentaires au niveau des intersections

au x parents de sa promise afin qu'ils fi xent au mieux la date du

latérales afin de les renforcer et se déroule en pa-rallèle avec

mariage, ou encore le « banjitgori » , une boîte à couture renfer-

celle du « tteumjil » portant sur la réalisation des caractères et

mant fil, aiguilles, dés à coudre et pièces de tissu, Yi Sang-jae

motifs ornementaux.

ayant dernièrement enrichi cette gamme de chapeaux, sacs et accessoires. « En assurant une circulation de l'air, les vanneries en carex 48 Koreana I Hiver 2007

« Dans ce type de vannerie, le soin et l'uniformité avec lesquels sont introduits les filaments revêtent une importance ca-pitale, en conséquence de quoi, il faut impérativement les


soumettre à une égale pression de la main lors de leur entrecroisement en rangs verticaux et horizontaux. La bonne exécution de la fabrication étant totalement subordonnée à cette

2 3

Un e fo is les filaments de ca rex extra its, on les met à tremper dans l'eau, puis on les fait séc her en vue de leur emploi, et ce, à cinq ou six repri ses, afin d'obtenir par te inture les brin s co lorés destinés aux mot ifs déco ratifs. À partir du ca nevas de l' obj et, l'artisa n garn it les paroi s tressées, en procé dant de bas en haut. L'o pérati on dite« tteumjil » consiste à exéc ute r des motifs déco ratifs tels que ca ractères chin ois de bon augure et autres porte- bonheur qui embelliront l'as pect du produit fini .

maîtrise du doigté, elle exige une grande concentration tout au long de son déroulement. » Yi Sang-jae précise par ailleurs que cette habileté manuelle, de même qu 'un sens aigu des masses et équilibres, participent d'un savoir-faire essentiel qui ne s'acquiert qu 'au terme de longues heures de pratique. Il souligne en outre le caractère particulièrement astreignant de l'opération du « tteumjil », qui vise

à conférer des qualités artistiques à chaque fabrication, la plupart du temps par la calligraphie des idéogrammes chinois ~ et

~ili. qui

désignent respectivement chance et félicité, mais peu-

vent s'accompagner de motifs très divers, comme l' « arirang » et la tortue. « Les objets les mieux ornementés selon ce procédé du

4-5 Si les articles ordinai res en carex sont générale ment de form e arro ndi e, les pro duits plu s éla borés exigent un tressa ge soign eux et ré guli er, dont se uls so nt ca pab les les artisa ns au term e de longues ann ées de prati que.

5

Hive r 2007 1Korea na 49


50 Korea na I Hiver 2007


« La vannerie en carex de Ganghwa étant entièrement réalisée à la main, elle exige beaucoup d'application et de persévérance. J'y ai quant à moi consacré toute ma vie, cela dit sans exagération, et j'ai éprouvé un plaisir indicible à réaliser toutes mes productions ! »

11111-.l l l l l -l Ml. . . .l llllllm:I IIDW l llllllllll:l,I III. . .I R . . _I IIIII IIIH I I I I -

« tteumjil » remportent le plus de succès, ce qui est naturel et

« naljul » et « ssijul » ne se situeront pas dans un parfait

incite les artisans à réfléchir longuement avant de porter leur

alignement. »

choix sur ces motifs et caractères, ainsi que sur l'harmonie de

L'artisan doit aussi consacrer un temps et une attention con-

leurs couleurs . La qualité du produit fini tient aussi en grande

sidérables à l'exécution d'opérations aussi complexes que celles

part à l'uniformité avec laquelle l'artisan répartit les pressions

de l'« undu », qui consiste à réaliser des parois latérales à la

exercées par sa main sur les brins dont la coloration a été

structure légère, ou encore du « samori », qui permet d'unir le

réalisée à l'étape du« tteumjil », car leur implantation à

fond carré à ces mêmes parois de forme ronde, ainsi que du

l'intérieur d'un pan tressé requiert deux fois plus de force

« tteumjil », par lequel sont réalisés méticuleusement les ca-

manuelle que d'ordinaire. À l'achèvement de ces opérations,

ractères et motifs décoratifs qui rehausseront l'élégance du pro-

l'élément ainsi décoré doit présenter un aspect aussi homogène

duit fini, autant de tâches mobilisant infiniment d'énergie pour

que s'il se composait d'une couche unique.

l'obtention d'une unique pièce dont la parfaite facture s'avérera toutefois des plus gratifiantes pour son créateur.

D'originaux objets d'art Au nombre de ses fabrications, Yi Sang-jae affectionne plus

Avenir d'un artisanat

particulièrement ses « sajuham » et « pyebaek dongguri », ce

« La vannerie en carex de Ganghwa étant entièrement

dernier renfermant les comestibles que la mariée offre en

réalisée à la main, elle exige beaucoup d'application et de

cadeau à ses beaux-parents en se prosternant devant eux lors de

persévérance. J'y ai quant à moi consacré toute ma vie, cela dit

la cérémonie de salutations dite« pyebaek ». Si la tradition veut

sans exagération, et j'ai éprouvé un plaisir indicible à réaliser

qu'il soit arrondi, l'artisan en produit de différentes formes,

toutes mes productions ! »

notamment carrée, hexagonale et octogonale, dont la première

Dans un monde moderne dominé par la mécanisation indus-

est celle du « sajuham » à partir duquel naissent d'originales

trielle, Yi Sang-jae doute cependant de la possibilité de mettre au

configurations du type rond-carré. Les « pyebaek dongguri »

point une machine capable d'assurer leur fabrication si complexe

qu'il exécute selon cette technique présentent un haut niveau

et s'emploie en conséquence à assurer la continuité de son

d'évolution artistique.

métier traditionnel.

« La réalisation d'un rond-carré mettant en œuvre de nom-

« Si les objets de vannerie en carex n'ont plus leur place

breux torons de filaments dits « no » pour créer les rangs hori-

dans la vie quotidienne, l'art de leur fabrication subsiste

zontaux appelés « naljul », il convient de les tresser d'abord en

aujourd 'hui encore, comme en témoignent l'enthousiasme avec

une trame carrée à laquelle seront ensuite associés les rangs

lequel s'y initient les deux étudiants et les deux assistants qui me

verticaux ou « ssijul ». Après avoir ainsi créé ce fond carré de

secondent dans mon travail », explique l'artisan, en déplorant

l'objet, il faut ensuite en confectionner les parois latérales en leur

que la jeune génération n'éprouve pas plus d'intérêt pour ces

conférant une forme arrondie , par l'opération extrêmement

techniques ancestrales, mais reprend confiance et optimisme à

délicate du « samori », qui exige de la main beaucoup de force

chaque visite de touristes, notamment étrangers, qui se

lors de l'assemblage des éléments ronds et carrés, faute de quoi

montrent curieux de ses fabrications renommées. i.. Hiver 2007 1 Koreana 51


52 Koreana I Hive r 2007


inuit venu, le 31 décembre, les Coréens ont coutume de fêter le passage à la nouvelle année en allant faire sonner les cloches rituelles, comme celle du Pavillon de B.osingak situé dans le quartier séoulien de Jongno, en présence de personnalités qu 'attire cette importante cérémonie retransmise en direct par les chaînes de télévision . Classée Trésor n° 2 au patrimoine national, la cloche de Bosingak joue depuis longtemps un grand rôle dans cette tradition datant des temps modernes, qui permet aux personnes de toute catégorie sociale de formuler leurs souhaits du Nouvel An, tout en écoutant ses puissantes sonorités, tandis que sous la dynastie Joseon [13921910). elle annonçait l'ouverture et la fermeture des portes de la capitale alors dénommée Hanyang, après avoir occupé un temple bouddhiste.

Particularités des cloches coréennes En Corée, l'histoire des cloches est liée à celle des sanctuaires bouddhistes, où elles rythmaient la journée de leurs différentes sonorités pour annoncer d'innombrables cérémonies ou rituels et, l'espace d'un moment, exerçaient un effet apaisant pour les fidèles en butte aux souffrances et épreuves de ce monde. Une inscription figurant sur la Divine Cloche du roi Seongdeok précise comme suit le sens profond de ces sonneries : « Pareilles au rugissement du dragon, les sonorités parviennent

du plus haut du ciel jusqu'au fond de l'enfer e_t celui qui les produit en savoure les merveilles tout en bénissant leurs auditeurs », car une croyance bouddhiste veut que les cloches de temple offrent la rédemption à tout être capable de les entendre. C'est au temple de Sangwonsa s'élevant sur le Mont Odaesan, dans la province de Gangwon-do, qu 'a été découverte la cloche de temple la plus ancienne que compte la Corée, puisqu'elle date de l'époque de Silla unifié [676-935). plus exactement de l'an 725. Présentant tous les caractères d'un instrument coréen de ce type, elle possède une section resserrée en son sommet, qui s· évase progressivement à mi-hauteur du corps, jusqu'à la base, et comporte, fixé tout en haut à un crochet sur lequel se love souvent la figure d'un dragon, un tube acoustique descendant en son intérieur afin d'épurer et amplifier les sons. Ses parties supérieure et inférieure sont rehaussées de

Hive r 2007 1 Ko rea na 53


D'une section resserrée en son sommet, la cloche des temples coréens s'évase peu à peu de sa mi-hauteur jusqu'à sa base et comporte, fixé tout en haut à un crochet sur lequel se love souvent la figure d'un dragon, un tube acoustique destiné à épurer et amplifier les sons.

frises décoratives se superposant, dans le premier cas, à neuf cadres renfermant chacun quatre images de fleurs de lotus et surmontée, pour la deuxième, des deux points de frappe situés de part et d'autre du corps, parmi des motifs gravés de vierges célestes dites « apsara » ou de figures présentant des offrandes, lesquels sont caractéristiques des cloches de temple coréennes.

La cloche de Bosingak De facture beaucoup plus récente, car remontant à l'an 1468 de la dynastie Joseon, et d'une grande hauteur de 3, 18 mètres, la cloche de Bosingak s·orne, sur le crochet de fixation de son tube acoustique, de deux dragons, de taille plus importante que de coutume et dont les griffes sont au nombre de cinq, alors qu'ils en ont le plus souvent quatre. Le corps en est successivement strié d'une, trois et deux lignes qui encerclent respectivement ses sections supérieure, médiane et inférieure, tandis que la paroi comprise entre ces deux dernières comporte une longue inscription faisant mention des nom, titre et condition des personnes ayant contribué

à sa fabrication, lesquelles se composent exclusivement de fonctionnaires d'un rang peu élevé, alors que figurent normalement ceux de membres de la famille royale ou de hauts dignitaires. Si ce spécimen est exempt de la fleur de lotus spécifique de l 'époque Joseon, les traces estompées d'un bodhisattva découvertes en quatre points de sa partie la plus haute pourraient attester qu'elle fut fabriquée pour un temple. Selon des études scientifiques récentes, cette figure aurait mesuré près de quatre-vingt-trois centimètres de hauteur et, pour des raisons inconnues, aurait été délibérément effacée. S'inscrivant résolument en rupture avec la facture prédominante des cloches d'époque Joseon, celle de Bosingak se distingue par exemple des autres pièces exécutées sur commande de la Cour, pour les temples de Heungcheonsa, en 1462, et Bongseonsa, par exemple, notamment par la présence d'éléments de style chinois, car sa conception prit pour modèle la · pièce réalisée pour le temple de Yeonboksa, situé à Gaeseong, par un artisan qui introduisit cette nouvelle conception en 1346, c·està-dire dans les derniers temps de la dynastie Goryeo [918-1392).

54 Korea na I Hiver 2007


À la recherche d'un refuge Comme nombre de ses congénères, la cloche de Bosingak a fait l 'objet de plusieurs déplacements successifs à partir de l'emplacement d'origine éponyme, mais alors dénommé Jongnu, c'est-à-dire Pavillon de la cloche, qui lui fut attribué en 1395 pour sonner l'heure au lever et au coucher du soleil. Détruits l'un et l'autre par le feu lors des invasions japonaises, en 1597, un nouvel édifice pourvu d'une cloche en provenance du temple de Wongaksa allait leur succéder en 1895 sous le nom de Bosingak. Quant à l'histoire de cette cloche, si elle demeure largement méconnue en l'absence d'inscriptions sur son origine, celle-ci est évoquée par divers documents tels que le « Donggungmunheonbigo », une compilation de notes sur la Corée qui constitue un ouvrage encyclopédique de référence sur l'époque Joseon, et le « Yuhanjamnok » que rédigea le fonctionnaire érudit Sim Su-

gyeong, à savoir, qu'elle aurait été accrochée dans la salle d'un temple se dressant à proximité de la tombe de Sindeokwanghu , épouse du fondateur de cette dynastie, Yi Seong-gye. Ce n'est que par la suite qu'elle aurait été transportée au temple de Wongaksa, avant que le roi Seonjo (r. 1567-1608) ne ~a fasse placer à Bosingak, à la fin du XVI' siècle, lorsqu'il eut chassé l'envahisseur japonais et rétabli le siège de sor:i administration à Séoul. Si le premier de ces documents s'opposait au second en affirmant que la cloche provenait du Temple de Heungcheonsa , il s'est avéré par la suite que cette dernière était antérieure de quatre ans à celle de Bosingak, se trouvant du reste aujourd'hui La vei lle du Jour de l'An, un e cérémo ni e ancestra le se dérou le au Pavillo n de Bosingak, à Jo ngno, où l'on frappe la cloc he en présence de perso nnalités qui se joignent aux s pectate urs de toutes catégo ries sociales. 2 La cloche de Bos ingak est fi xée à un crochet où se love un e fi gure de dragon et co mporta nt un tub e aco ust ique dest in é à · épu rer et ampli fier les so ns. 3 Sur la Cloc he de Bosin gak, sont mentio nnés les noms de to us ce ux qui ont co ntribué à sa fa brication.

dans le Palais de Deoksugung qui se situe dans l'actuelle capitale. Il semblerait que son auteur ait supposé à tort que ce même temple, qui ne disposait alors d'aucune appellation officielle, était celui qui avait été édifié non loin de la tombe de Sindeokwanghu pour en implorer la vie éternelle après sa mort. Depuis 1948, année où fut proclamée la République de Corée, la cloche de Bosingak est classée Trésor n° 2 au patrimoine national, mais en ra ison de la dégradation de son état de conservation, dont attestent les fissures et autres dommages que lui ont occasionnés de nombreux battements, elle se trouve aujourd'hui au Musée national de Corée, dans une zone d'exposition à ciel ouvert, tandis que le Pavillon Bosingak en possède une reproduction. i.t

Hiver 2007 1 Koreana 55





cette époque suscitant une telle admiration en Chine que maints

Sous la dynastie Goryeo (918-1392), les bouddhistes vouaient

bonzes coréens y furent conviés à faire montre de leurs tech-

une telle vénération aux sûtras qu'ils en copièrent l'intégralité

niques.

au moyen d'encre

à l'or ou à l'argent et en ornèrent les reliures

de feuilles ·composées de ces mêmes métaux avec une

Un rigoureux savoir-faire « Jusqu 'à la fin du monde où je me serai réincarné dans une autre vie, je forme de tout coeur le voeu que le présent sûtra manuscrit ne subisse aucun dommage et qu'il survive à toute catastrophe qui détruirait le monde. Quiconque, en ce monde, atteindra l'illumination grâce au présent sûtra et entreprendra bravement de sauver son prochain, sera admis par Bouddha à entrer dans son univers». Extrait du texte dit « Baekjimukseodaebanggwangbulhwaeomgyeong », c'est-à-dire le « Sûtra à la guirlande de fleurs copié à l'encre noire sur papier blanc », ce verset fut transcrit sous le Royaume de Silla unifié [676-935], constituant ainsi la première réalisation du genre. Son exécution s'imprègne de toute la ferveur avec laquelle les copistes royaux en entreprirent le dur labeur, car la transcription de sûtras représentait le fruit de cette piété bouddhiste avec laquelle les bonzes transcrivirent les préceptes sacrés en vue de leur illumination et de celle d'autrui. Ce « Sûtra à la guirlande » décrit avec minutie les procédés mis en oeuvre dans la copie de tels textes, qui comportait tout un rituel pittoresque auquel on sacrifiait dans la plus grande solennité. Elle supposait une fidèle reproduction de tous les caractères du texte d'origine, la moindre bévue pouvant anéantir l'ensemble du travail qui exigeait de ce fait une attention de tous les instants et un maniement précis du pinceau que seule pouvait conférer une longue pratique, autant considérables efforts qui valaient aux bonzes de voir louer leurs grandes vertus. La réalisation d'un manuscrit débutait par la préparation du

magnificence qui n'a pas son égal dans le monde.

sur des statues bouddhiques pour y constituer des reliques sacrées et objets de culte.

Une présentation exhaustive L'exposition temporaire qu'accueillait le Musée national de Corée réunissait plus de cent peintures de sûtras réalisées à différentes époques et permettait ainsi aux visiteurs d'établir des comparaisons entre eux pour en apprécier les traits distinctifs, ainsi que les évolutions de style, outre qu'elle fournissait en Corée la première occasion d'admirer une quarantaine de pièces datant de la dynastie Goryeo, mais issues de plusieurs temples et musées japonais. Parmi les oeuvres exposées, figuraient sept peintures de sûtras classées Trésors nationaux coréens, dont le « Sûtra à la guirlande de fleur copié à l'encre noire sur papier blanc » déjà évoqué, aux côtés de dix-sept autres trésors coréens et de deux Importants biens culturels japonais, ainsi qu'un ensemble de reliques, coffrets et tissus d'emballage destinés à la conservation des sûtras. La juxtaposition de pièces en provenance des trois pays d'Asie de l'Est que sont la Corée, le Japon et la Chine offrait au visiteur de cette exposition la chance exceptionnelle de mieux appréhender la spécificité des styles qui prédominaient dans chacun d'entre eux.

papier, le « Sûtra à la guirlande » retraçant à ce propos toutes

Cette manifestation s' accompagnait également de

les étapes de sa production, de la culture des mûriers dont était

conférences rassemblant des spécialistes des sûtras et du boud-

tiré le papier à l'état d'esprit requis des exécutants de l'acte de

dhisme dont la participation allait attirer une nombreuse au-

transcription, notamment, qu'il convenait d'arroser d'eau par-

dience. Traitant principalement des sûtras d'époque Goryeo, où

fumée les arbres plantés à cet effet, puis d'en extraire l'écorce,

l'art de leur transcription atteint son apogée, ces communica-

que l'on faisait bouillir afin d'obtenir une pâte à papier fibreuse,

tions apportaient d'abondantes informations sur l'histoire,

mais aussi que les papetiers, copistes et peintres intervenant aux

l'exécution et les particularités de chaque oeuvre visant à autori-

divers stades accédaient ce faisant au statut de Bodhisattva.

ser une meilleure compréhension de cette forme d'art propre au

Le repas, le repos nocturne et la toilette des moines devaient

bouddhisme. Enfin, à l'intention des enfants des écoles, l'exposi-

être suivis d'un bain parfumé avant toute reprise des opérations

tion comportait un atelier de transcription de sûtras pour le plus

dans l'atelier où ils se rendaient chaque matin en cortège solen-

grand plaisir des petits comme des grands.

nel, avec à leur tête deux enfants en tenue de cérémonie et qua-

Si les reliures dorées à l'or fin existent encore de nos jours,

tre musiciens qui répandaient fleurs et encens sur tout le par-

rares sont les ouvrages dont les écrits ont été entièrement

cours tout en psalmodiant des sûtras. Fermant cette procession,

reproduits au moyen de ce métal précieux ou d'argent, à l'instar

les copistes accomplissaient à leur arrivée trois rituels différents,

des sûtras, ces manuscrits attestant d'un brillant patrimoine cul-

après quoi ils pouvaient enfin se remettre à l'ouvrage. À la trans-

turel bouddhique en Corée et dont les enluminures constituent

cription du texte, faisait suite la réalisation des motifs décoratifs

autant d'exceptionnelles oeuvres. C'est leur art sublime et pour-

et figuratifs de Bouddha et des Bodhisattvas, puis l'adjonction

tant méconnu qu'entendait faire découvrir cette exposition tem-

d'un « sarira » à chaque rouleau, en cas de travail sur par-

poraire au plus grand nombre tout en permettant au public de

chemin. Des pièces réalisées avec une conscience et une ferveur

mieux en connaître la signification culturelle, qui demeure en

pareilles méritaient bien de prendre place dans des pagodes ou

grande partie à découvrir en cette époque contemporaine. Hiver 2007

1

t,;t

Koreana

59


ÀLADéCOUVERTEDELACORéE

Werner Sasse Intellectuel aux yeux bleus et la Corée au cœur Dans sa vieille demeure de Damyang, L'agglomération qui vit naître Le genre poétique narratif dit« gasa », travaille sans relâche Werner Sasse, ancien professeur de L'Université de Hambourg et spécialiste de Littérature coréenne classique depuis maintenant quarante ans. Park Hyun-Sook Rédactrice occasionnelle I Ahn Hong-beom Photographe

l'instar des « seonbi », ces intellectuels et

l'époque, Yun Sean-do composa la plupart de ses

hommes de culture qui s·en retournaient au

textes sur l'île de Bogildo, que j'ai donc visitée. Dès

pays natal pour s·y consacrer jusqu'à la fin de

que j'achoppe sur un point épineux, je recherche de

leurs jours au savoir et à l'étude, une fois retirés de

l'aide auprès de tous les spécialistes du domaine,

leurs fonctions et après avoir satisfait aux aspirations

tout comme certains d'entre eux viennent aussi me

matérielles de leur existence, Werner Sasse,

consulter, de sorte que j'ai plus d'amis coréens

coréanologue, ancien professeur et président de

qu'allemands.»

l'Association européenne d'études coréennes (AKSE)

Dans les« Annales de Confucius », il est dit que

qui est né en 1942 et a pris sa retraite en 2006, a

l'homme de vertu se fait une véritable joie d'accueil-

réalisé le vieux rêve qu'il nourrissait de s'installer

lir sous son toit les amis arrivant de loin car la

dans cette Corée qui lui est chère.

géographie ne saurait faire obstacle à l'amitié de

« Je me sentais en exil sur le sol allemand et par la pensée, en Corée, dont je considérais la province

celui sur qui l'on peut compter et avec qui se partage le plaisir d'apprendre.

de Jeollanam-do comme ma véritable région natale,

L'homme reçoit souvent la visite de confrères,

alors j'obéissais à cette nostalgie en venant y passer

mais aussi d'étudiants coréens qui gardent en

avec plaisir quelques jours une ou deux fois par an,

mémoire la passion avec laquelle il enseignait la

comme si je revenais au pays après un long exil.

littérature coréenne à l'époque où il était titulaire d'une

Aujourd'hui , j'entends poursuivre jusqu'au bout mes

chaire à l'Université Nationale de Cheonnam tout en y

études dans cette maison traditionnelle. »

effectuant des recherches dans le cadre du Centre

Le berceau de La poésie « gasa »

Un tel respect est d'ailleurs mutuel, puisque l'homme

pour la démocratie, les droits de l'homm-e et la paix. Dans la province de Jeollanam-do, c' est à

conserve le souvenir de la satisfaction qu'il éprouva

Damyang que le professeur Sasse a choisi d'habiter

lorsqu'un étudiant lui déclara à la fin d'un cours qu'il

une maison typique d'autrefois parce que cette ville

était enfin en mesure d'apprécier l'un des poèmes qu'il

est le berceau d'un genre de poésie narrative

avait étudiés au lycée, sans y avoir vraiment réfléchi .

coréenne dit« gasa », d'où il ne part qu'une ou deux fois l'an pour l'Allemagne afin d'y retrouver sa famille, répondant ainsi aux impératifs de ses recherches universitaires. « Le « gasa » étant méconnu à l'étranger, c'est

60 Koreana I Hiver 2007

Diffusion de La culture coréenne en Europe C'est à l'année 1966 que remonte sa découverte de la Corée, après que son beau-père, qui exerçait alors les fonctions de conseiller technique dans une

pour faire découvrir ce type de littérature que je me

usine d'engrais de la ville de Naju, située dans cette

consacre à son étude. Dans ce domaine, j'affectionne

même province de Jeollanam-do, l'eut invité à l'y

tout particulièrement les œuvres de Jeong Cheol,

rejoindre . Deux années durant, il en étudiera la

l'illustre poète qui vécut à la fin de la première moitié

langue et la littérature, tout en conciliant cette activité

de la dynastie Joseon. Autre auteur renommé de

avec la traduction de manuels rédigés en langue alle-



mande et l'enseignement de celle-ci dans les

consacré aux études coréennes qui lui permettra de

collèges professionnels de Naju, Yeosu, et lksan.

devenir le spécialiste incontesté de la coréanologie

Dans cette nation se relevant encore des ruines de la

en Allemagne, mais contribuera aussi fortement au

guerre et en proie à un terrible dénuement, toutes

rayonnement de cette discipline dans d'autres pays

ses rencontres allaient le frapper par le grand sens

d'Europe. En 1992, le professeur allait entrer au

de l'hospitalité manifesté par les Coréens, mais aussi

Département d'études coréennes dont s'est à son tour

éveiller sa curiosité par l'originalité des traditions et

dotée l'Université de Hambourg et dont la réputation

de la culture dont ils sont détenteurs. En l'absence

s·étend par delà l'Europe, attirant nombre d'étudiants.

presque totale d'écrits sur cette dernière et se trou-

Le roi Sejong, poète et linguiste illustre

vant ainsi privé de la possibilité d'en savoir davantage

« Le« hangeul », c'est-à-dire l'alphabet coréen,

sur ce pays et son peuple, il allait dès son retour

figure parmi les plus grandes inventions de l'humanité

s'inscrire au Département d'études japonaises de

car il s'agit d' une écriture à la fois simple et

l'Université de Ruhr Bochum, seul établissement

rationnelle . Saviez-vous que l'UNESCO récompense

d'enseignement supérieur proposant alors un cursus

toute personne contribuant à faire reculer l'anal-

portant sur la Corée. « Ce que j'ai alors appris de la Corée, je l'ai trouvé dans les livres et autres documents conservés

En Allemagne, la plupart de mes étudiants en ont

au Centre d'études culturelles asiatiques de mon uni-

appris la lecture et le maniement en une semaine et je

versité. L'enthousiasme sans borne que j'éprouvais

les ai par la même occasion initiés à la philosophie, à la

pour la littérature de ce pays, mais aussi le caractère

pensée et à la culture coréennes, notamment en liant

simple et rationnel de sa langue, m'ont permis

l'apprentissage de voyelles positives, comme «

d'obtenir en cinq ans une licence, puis une maîtrise

ou « .2. », et négatives, telles « 0, » ou « -'i2- », aux

N

»

suivie d'un doctorat dans ce domaine. On me pose

principes du yin et du yang, ainsi qu'aux cinq éléments

souvent des questions sur mon goût pour la

de l'univers. « À mes yeux, le Roi Sejong fut tout à la

littérature coréenne, mais il m'est difficile d'y

fois un grand linguiste et un merveilleux poète, comme

répondre, comme quelqu'un à qui l'on demanderait

j'ai tout à fait pu le constater lors de la traduction de

pourquoi il aime le vin. Une telle attirance ne repose

son ouvrage « Worincheongangjigok » [Chants des

pas sur des facteurs rationnels et ne peut s· expliquer

reflets de lune sur mille rivières) que j'ai entreprise en

convenablement par les mots. »

allemand et qui m'a permis d'admirer sa maîtrise de

Werner Sasse rédigea alors une thèse de doctorat

62 Koreana I Hiver 2007

phabétisme par un prix dit « d'alphabétisation Roi Sejong » en référence aux réalisations de ce souverain ?

l'art d'exprimer les notions les plus complexes en ter-

traitant des dialectes de la dynastie Goryeo [918-1392)

mes simples, à l'instar d'écrivains allemands tels que

qu 'évoque l'ouvrage du douzième siècle intitulé

Goethe, Rilke et Hesse. »

« Gyerimyusa » aux côtés des langues, coutumes et

C'est en 2002, au terme de cinq années d'impor-

institutions de ce royaume. Couronnés de succès, ses

tantes recherches, qu 'aboutira ce travail par lequel le

travaux universitaires aboutiront à la création, au sein

professeur souhaitait intéresser ses étudiants à l'étude

de son université, d'un département exclusivement

de l'ancien coréen tout en leur facilitant cette tâche au


moyen d'une œuvre littéraire qui leur servirait

dans le confort de sa bibliothèque dont le bureau où

d'ouvrage de référence, après qu'il eut compris les

s'entassent les documents et les rayons au x

limitations d'un apprentissage axé sur les manuels de

innombrables ouvrages réveillent son éternelle soif

grammaire. Ainsi allait-il découvrir ce recueil de plus

de connaissances. Consacrées au x différents pro-

de cinq cents poèmes composés en 1449 par le Roi

jets qu'il mène de front, notamment des recherches

Sejong pour louer les vertus de Bouddha et dont le

sur le « gasa », une traduction d'œuvres variées et

caractère narratif était selon lui propre à susciter

la rédaction d'un livre sur l'« idu », un système de

l'intérêt des apprenants par ses descriptions expres-

transcription ancien, ses journées commencent

sives et ses récits évocateurs de la Corée de jadis.

d'ordinaire à sept heures pour se terminer à des

«Lors de la traduction, j'ai reçu l'aide de nom-

heures souvent très tardives. À la question de

breuses personnes coréennes qui m'ont encore une

savoir où il peut bien puiser autant d'énergie à l'âge

fois témoigné leur bon cœur. Il s'agissait d'une œu-

de so ixante-cinq ans, il répond par un trait d'esprit

vre monumentale dont la traduction exigeait une con-

accompagné d'un éclat de rire : « Il y a de quoi

naissance approfondie du bouddhisme, par la lecture

tomber malade, si l'on manque de travail ! Pour

de textes sacrés tels que le « Lotus Sutra » et

ma part, je n'en ai pas le temps, car j'ai trop à faire

l' « Avatamsaka Sutra », mais aussi du sanskrit. En

et je me plonge avec bonheur dans mes études.»

l 'absence d 'annotations à l'intention des non-

Pour s'accorder un répit, tantôt il lit paisiblement

coréanophones, il m·a fallu parfois, pour comprendre

ses poèmes et essais favoris à voi x haute, tantôt il

ces écrits, procéder par décomposition des mots en

peint un paysage oriental, lorsqu'il ne se contente pas

morphèmes, mais aussi m 'efforcer d'aborder les

d'expirer profondément pour refaire le plein d'énergie

différents ouvrages de référence de manière analy-

ou d'interpréter à la guitare ses airs favoris tels que

tique, plutôt que de me limiter à une description pure

« Achimiseul » (Rosée matinale] ou « Gaeulpyeonji »

et simple de leur contenu, et si cette démarche s'est

(Lettres d'automne). qui ne manquent jamais de lui

certes avérée plus longue, elle m·a aussi procuré

faire chaud au cœur, tout en lui apportant une détente.

bien des satisfactions en tant que chercheur. » Werner Sasse se penche actuellement sur la tra-

Quand souffle une agréable brise, les soirs de clair de lune, il partage souvent le verre de l'amitié

duction du « Yongbieocheonga » (Chants des dra-

avec ses connaissances, qui exercent des profes-

gons en vol dans les cieu x). une sorte d'apologie des

sions aussi varï°ées que médecin, professeur,

grandes réalisations de la dynastie Joseon qui cons-

écrivain ou céramiste et avec lesquelles il éprouve

titue la deu xième oeuvre coréenne rédigée en

des affinités naturelles. Après notre entretien , il

« hangeul » après le « Worincheongangjigok »

s'apprêtait ainsi à quitter son domicile pour goûter

édité la même année.

encore une fois à ces moments qu'il considère très

Poésie, chanson et amitié Lorsque les conférences ne figurent pas au pro-

allait volontiers rejoindre à son domicile, aussi joyeu x qu 'un écolier à la sortie de l 'école, quand

gramme du jour, Werner Sasse aime à s'installer

vient le vendredi soir. li.t

précieu x à l'invitation de son ami céramiste, qu'il

Hiver 2007 1 Ko reana 63


SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Selon le grand musicien britannique Simon Denis Rattle, la Coréenne Chin Unsuk compte parmi les cinq principaux compositeurs de ce siècle, comme en atteste la haute distinction qui lui était remise il y a peu pour sa production d' œuvres musicales contemporaines. Park Yong-wan Journaliste à « Auditorium

64 Korea na I Hiver 2007

»


ée en 1961, la compositrice Chin Unsuk a

Jusque dans les années quatre-vingt-dix, je

quitté la Corée voilà plus de vingt ans et,

me la représentais avant tout en femme au talent

durant tout ce temps, n'a cessé de se con-

extraordinaire ayant eu à surmonter d'énormes

sacrer à la musique avec une passion qui allait la

obstacles dans un domaine artistique à dominante

mener à l'avant-scène de la création contempo-

masculine, et ce, d'au tant plus en raison de ses

raine berlinoise . Tout aussi estimée dans son pays

origines nationales, pour se hisser au premier

natal, son oeuvre lui vaudra de se voir décerner, en

rang de la création contemporaine, mais aussi

2004, le Prix Grawemeyer qu'a créé Charles Grawe-

agressive, après une succession d'épreuves à la

meyer à l'intention des musiciens contemporains

mesure de son succès actuel, ainsi que d'un ca-

de renommée internationale. Manifestement ni

ractère complexe, voire difficile, à l'image de ses

deçue de ce succès coréen si tardif ni vraiment

compositions.

éblouie par l'enthousiasme qu'elle a fait naître ces

Cette vision a aujourd 'hui considérablement

temps derniers, car ayant toujours recherché

évolué, notamment après qu'il m'a été donné

l'équilibre dans l ' exercice de son art sans se

d'entendre pour la première fois son « Akrosti-

préoccupper de ce qui n'y a pas directement trait,

chon-Wortspiel » en 1991, dans le cadre des festiv-

elle poursu it une brillante carrière internationale

ités marquant son succès au prestigieux Concours

qui fait la fierté de ses pairs coréens.

Gaudeamus, où elle était interprétée à cette occasion par la formation contemporaine Nieuw Ensem-

L'orgueil de La musique coréenne

ble, pour être ensuite reprise dans une quinzaine

Suite à l'attribution du Prix Grawemeyer, dans

de pays, sous la direction des plus grands chefs

lequel d'aucuns voient un « Pri x Nobel » de la

d'·orchestre, dont George Benjamin, Simon Rattle et

musique contemporaine, l'artiste va faire son retour

Kent Nagano . Cette oeuvre allait ainsi accroître la

en Corée au printemps 2005, après quatre années

renommée mondiale de cette compositrice de très

consécutives d'absence, en qualité de « compositrice

haut niveau et, en ce qui me concerne, lever une

invitée » du Festival international de musique de

fois pour toutes quelque réserve que j'aie pu for-

Tongyeong, l 'ensemble du monde musical lui

muler à son encontre.

réservant un accueil enthousiaste et dès 2006, se verra nommer compositrice titulaire à l'Orchestre Philharmonique de Séoul, puis, en juin 2007, revient

La quête d'un Langage propre En 1985, la remise du Prix international de com-

sous les feux de la rampe lors de la première

position de Gaudeamus à Chin Unsuk va insuffler à

représentation de son opéra « Alice au pays des

cette jeune femme d'une vingtaine d'années une

merveilles » à Munich. Autant de succès dont la

grande confiance, tout aussitôt réduite à néant par

multiplication à intervalles réguliers ne peut que

la critique que lui adresse ouvertement celui qui fut

consolider la présence musicale coréenne sur les

peut-être le plus grand compos iteur du XX' siècle et

scènes mondiales. Quant au public, de curieu x

dont elle aspirait à assimiler l'oeuvre, à savoir

qu'il était à l'égard de sa personne, il est devenu

Gyê:irgy Ligeti , lequel affirme qu'elle se doit de

passionné de musique contemporaine en découvrant,

« parler son propre langage, et non celui des autres ».

à l'écoute de cette dernière oeuvre, l'existence d'un

Alors qu'elle étudie aux côtés du maître, elle

art lyrique spécifique de notre XXI' siècle.

éprouve une considérable tension au moindre de

Hiver 2007 1 Koreana

65


J -

« Je refuse toute facilité

en musique, car, dans ce domaine, j'estime qu'une création authentique doit répondre aux deux critères de la nouveauté pour les professionnels et de l'émotion pour le grand public. »

Au mo is de juin de rni er. la co mpositrice Chin Unsu k revena it sous les fe ux de la ram pe à l' occas ion de la représe ntati on, à Muni ch, de son premie r opéra intitulé« Alice au Pays des merve illes » .

66 Koreana I Hive r 2007


ses coups d'œils pénétrants et lorsqu'en 1988, celui-ci se retire des fonctions qu'il occupait à l'Académie de musique de Hambourg pour prendre

Une musique créée pour durer Quelle opinion Chin Unsuk se fait-elle d'une musique contemporaine s· orientant aujourd'hui vers

sa retraite, bien des étudiants, pour lesquels son

la simplicité d'écoute et dont sa propre création

enseignement représentait une chance et une rai-

semble représentative dans la mesure où elle se

son d'être, éprouvent le sentiment de se trouver sur

situe à l'avant-garde de ses grands courants ?

un navire en perdition. Chin Unsuk est l'une d'entre

« Je refuse toute facilité en musique, car, dans

eux, qui, partie pour Berlin dans l'espoir de repren-

ce domaine, j'estime qu 'une création authentique

dre courage, ne se remettra à la musique que

doit répondre aux deux critères de la nouveauté

trois longues années plus tard, au terme

pour les professionnels et de l'émotion pour le

desquelles naîtra « Akrostichon-Wortspiel » de

grand public. Il y a une dizaine d'années, c'est la

cette aspiration à « parler son propre langage »

recherche de nouveauté qui primait, le pédantisme

conformément aux recommandations de son pro-

de cette démarche ayant eu pour seul effet

fesseur.

d'éloigner encore davantage le public de la

« En trois ans, je n ' ai non seulement rien

musique contemporaine, mais un total revirement

composé, mais pratiquement rien fait d'autre

s· est opéré, et, partout dans le monde, il se crée

non plus. Cette époque, qui est la plus pénible de

maintenant toujours plus d'œ uvres d'une écoute

ma vie, m'aura en revanche apporté une certaine

facile. Personnellement, je ne peux m'en réjouir

lumière spirituelle. Réduite à une inactivité

tout à fait car, si le public aime et applaudit ces pro-

presque totale, je me contentais de vivre en

ductions à caractère commercial, celles-ci tombent

constant état dépressif, comme cela est aussi le

dans l'oubli un ou deu x ans plus tard et l'on perd de

cas aujourd'hui à l 'achèvement de chacune de mes

vue jusqu'aux raisons de leurs succès » .

compositions, à la différence près que je ne suis

Interrogée sur ses préoccupations du moment,

plus étudiante, mais musicienne professionnelle,

elle évoque les futures orientations de son œuvre

et à ce titre, sollicitée, accaparée par des

par une réponse aussi éthérée et insaissable qu 'un

projets incompatibles avec un mode de vie aussi

nuage emporté par le vent, mais les soucis ne sont-

excentrique. »

ils pas le lot commun, qu'il s'agisse du passé, du

Son nouvel opéra « Alice au pays des mer-

présent ou de l'avenir, à l'instar de cette musi-

veilles », œuvre de style parodique dont le

cienne qui a connu maintes péripéties, en échouant

Bayerischen Staatsoper livrait une première inter-

notamment au concours d'entrée du Département

prétation l 'é té dernier, situe son intrigue dans

de musique de l'Université nationale de Séoul,

l'Angleterre victorienne du XIX' siècle, bien que

privée du soutien financier de ses parents, peut-

l'auteur se défende de toute « intention de tirer

être parce qu 'elle était leur deuxième fille, et l'on

parti de l 'histoire aux fins de sa réussite person-

comprend d'autant mieux combien ce Pri x Grawe-

nelle ». À sa suite, le deuxième volet intitulé « À

meyer a pu la griser de succès, telle la gagnante

travers le miroir et ce qu'Alice y trouva » que

d'un gros lot, car la réussite n'apparaît-elle pas

devrait proposer cette même salle en 2013,

d'autant plus délectable que l'on a éprouvé moult

développera une trame complexe centrée sur

déboires ? Je me joins quant à moi à tous les

l'image du jeu d'échecs, alors que le premier faisait

mélomanes coréens pour exhorter Chin Unsuk à

appel à celle des cartes.

créer une exceptionnelle œuvre d'avenir. t..t

Hiver 2007 1 Koreana

67





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Le temps d'une paisible pro menade dans le vaste pôle de Heyri, le visiteur aura la su rprise de découvrir des œuvres d'art d'autant plus exceptionnelles par leur implantat ion dans un lieu aussi peu fréquenté. Le long de la lign e démilitarisée, s'étend le village de Haema ru chon dont l'accès aux civils est restreint. Cine Palace expose divers objets assoc iés à de grandes œuvres cinématograp hiqu es co réennes et étrangè res. L'atelier de l'art propose un large éventa il d'activités artistiques, notamment à titre expérimental.

U

ne véritable mutation amorcée voilà quelques

années fait aujourd'hui de Paju la destination de prédilection des amateurs d'activités cul-

turelles et artistiques contemporaines grâce à l'importante infrastructure dont s· est dotée cette ville située au cœur d'une vaste plaine préservée d'une urbanisation tentaculaire par la ceinture verte de sa végétation et qui ne cesse de s'étendre au sein du pôle culturel et artistique de Heyri. En redonnant vie à une région trop longtemps oubliée, cet espace représente le nouveau visage d'une ville qui participe en outre pleinement de la dynamique de réunification coréenne.

Le pôle culturel et artistique de Heyri Poursuivant son aménagement dans le cadre d'un chantier entrepris en 1997, le pôle de Heyri accueille d'ores et déjà trois cent soixante-dix écrivains, artistes, cinéastes , musiciens et architectes qui, chacun dans leur discipline, ont contribué à l'essor de cette zone d'activités culturelles où se construisent toujours plus de studios, galeries d'art, musées et autres installations de ce type , ainsi que des résidences privées . Sur ses quelque cinq cent mille mètres carrés, cette agglomération prospère se compose de constructions très diverses déjà achevées ou en passe de l'être, dont soixante habitations dotées d ' une architecture personnalisée . Hiver 2007 1 Koreana

71


Le pôle de Heyri offre ainsi aux professionnels

dans un bâtiment de plein pied, au « Bandi book

et étudiants du domaine comme un vaste atelier

café » dont les minuscules ré verbè res éclairent

aux styles et créations les plus divers qu'ils peu-

un jardin, ou encore « J'aime Ddalki », un parc à

ve nt enrichir d'un apport spécifique, à l 'exclusion

thème miniature procurant d'agréables moments

de toute réalisation de peintures sur les structures

de détente à toute la famille, notamment par nom -

exposées, conformément à la réglementation

bre d'activités destinées aux enfants.

immobilière, de sorte que celles-ci présentent un

Le pôle de Heyri se situe en outre dans un mer-

aspect d'usure naturelle évoquant le passage du

veilleux cadre naturel où d'innombrables fleurs

temps. L'espace d'une journée, le visiteur pourra

sauvages égaient les bas-côtés tandis que les

découvrir et apprécier les moindres détails des

bancs de roseaux ondoyant avec grâce au moindre

différents édifices et habitations répartis sur le

souffle d'air offrent un décor romantique aux cou-

site, en parcourant ses allées pavées d'une soixan-

ples d'amoureu x qui, au hasard d'une flânerie sur

taine de dalles gravées d'é mouvantes citations

ses sentiers, découvriront diverses installations

poétiques sur l 'amour, les dou x aveux, la ten-

artistiques à ciel ouvert, ainsi qu 'une passerelle

dresse et autres sentiments.

tintant mélodieusement sous l'effet du ve nt.

Hyeri possède à ce jour une quarantaine de galeries d'art et salles d'exposition abritant tout un ensemble de manifestations à l'occasion du festival qui s·y déroule chaque année au mois de septembre, ainsi que les musées de la monnaie, du jouet d'étain et des instruments de mu si que du monde, mais aussi différents espaces consacrés à

L'avant-poste de Haemaruchon Sur le réseau internet, les Coréens ont eu la surprise de découvrir une photo, prise par satellite, qui révélait la présence d'une agglomération au pourtour en forme de clé de sol, laquelle n'est autre que Haemaruchon, un village de la commune de Paju

des domaines aussi variés que la musique, la lec-

dont les voies périphériques, vues du ciel, offrent

ture et le cinéma. On peut aussi se rendre à sa

cette apparence . Celui-ci est longtemps demeuré

Maison du Livre , une intéressante librairie située

coupé du monde extérieur par son emplacement

72 Koreana I Hiver 2007


En raison de l'accès limité aux lieux, Ha ema ru cho n pe rm et aux am ateu rs d'observation des oiseaux d'ape rcevoir de rares es pèces migra trices. 2 Le village de Haemaru chon s'e mplo ie à prom ouvoir un écotou risme qui révè le aux fami lles urbaines les pla isirs s imples de la vi e ru rale et la beauté du milieu natu rel.

dans une zone d'accès restreint pour les civils sudcoréens et située à seulement deux kilomètres de la zone démilitarisée formant ligne de démarcation. Dans cette zone exclusivement civile qui étend aux confins nord de Paju ses fils de fer barbelés rouillés et barrages militaires routiers désaffectés, tout n 'est que morne désolation . Ce village où l'entrée est subordonnée à la remise d'un laissezpasser délivré au poste frontière a été créé, dans le cadre d'un plan de réimplantation, à l'intention des citoyens nord-coréens que la partition avait privés de domicile et dont une première génération allait, en 2001, amorcer un peuplement qui s'élève aujourd'hui à une soixantaine de foyers. Les familles en sont logées dans des habitations clairsemées d'un aspect riant, voire opulent, qui participe de l 'atmosphère

attraits de l'écotourisme aux citadins en mal de

paisible de ce village rural aux marais accueillant des

ruralité par le biais de circuits de visite comportant

oiseaux sauvages, aux champs vers lesquels

des activités aussi diverses que l 'observation des

s'acheminent les agriculteurs sur des routes

oiseaux et la préparation de spécialités culinaires

soigneusement aménagées et à la salle municipale

comme le « meju », principal ingrédient de la pâte

qu'abrite une originale construction de bois.

de soja fermentée ou le « dubu », c'est-à-dire le tofu.

Cette localité éveille depuis peu l'intérêt par le

Parmi les destinataires de ces formules, il semble

bon état de conservation de son écosystème en rai-

que les enfants en apprécient tout particulièrement le

son de sa fréquentation restreinte pendant la

programme, de même que le cadre naturel, mais

cinquantaine d'années qui a suivi la division du pays.

qu'ils soient aussi, aux dires des habitants, tout à fait

Les fleurs sauvages, dont plus de cent variétés ont

intrigués par les mines et douilles d'ob ~s rouillées

été répertoriées, poussent partout en abondance,

trouvées au sol. Il est à noter qu'un laissez-passer est

embellissant le bord des sentiers sur les collines

exigé pour entrer au village, que les visiteurs doivent

avoisinantes et lorsqu 'elles jailllissent avec splendeur

à tout moment être porteurs d'une carte d'identité et

de leurs bourgeons, l'été venu, les photographes

ne peuvent passer la nuit sur les lieux en raison de la

accourent en nombre pour en immortaliser la vue

réglementation, à l'exception des personnes effec-

magnifique. Le milieu naturel permet aussi aux

tuant un séjour à la ferme.

adeptes de l'observation des oiseaux d'en admirer de nombreuses espèces, notamment migratrices

Sur l'île de Chopyeongdo

lorsqu'elles effectuent leurs haltes, telles la grue à

En pénétrant plus avant dans la zone à accès

col blanc et les oies rieuses se rassemblant par

restreint, le visiteur découvre des points de vue

dizaines de milliers en lisière de l'agglomération,

impressionnants et d'une exceptionnelle beauté, telles

mais aussi le canard à bec tacheté et l'aigle royal,

l'lmjingang coulant placidement non loin de là ou l'île

aujourd 'hui rares.

de Chopyeongdo surplombant ses eaux , calme et

Par une évolution volontariste, Haemaruchon a su tirer parti de ces richesses naturelles pour offrir les

imperturbable dans son isolement. Les rives du fleuve ont été le théâtre de grands Hiver 2007 1 Koreana

73


conflits historiques puisque, en l'an 1592 de la dynastie Joseon, le roi Seonjo [r. 1552-1608) s'y réfugia lors de terribles combats contre l'envahisseur japonais, tandis que l'île de Chopyeongdo constitua, lors de la Guerre de Corée, l'un des champs de bataille où fut repoussée l'armée chinoise. Un examen attentif de ces berges permet de constater que l'épaisse couche sédimentaire qui les recouvre ne comporte que des empreintes animales. Au voisinage de l'île, les eau x offrent une frayère naturelle au x tétraodontidés et un habitat propice à quelque quatre-vingts espèces locales de poissons d'eau douce tels que l'« eoreumchi » [Hemibarbus mylodon). tandis que sur son sol, on apercevra

quelques chevreuils d'Europe ou orignacs, et qu'en amont du fleuve, les pêcheurs de tétraodontidés trouvent un emplacement favorable où tendre leurs filets et les

2

Les girou ettes du parc de Pyeonghoa Nuri (Mo nde pacifique] symbolisent les fortes aspira tions du peuple co réen à la réunifi cation. Impo rtant lieu to uri stiqu e de Paj u, lmjingak attire chaque anné e trente milli ons de visiteurs par ses expositions sur la Guerre de Corée et so n obse rvatoire fourni ssant un e vue du territoire nord -corée n.

74 Koreana I Hive r 2007

lieux, par la quiétude de ce paysage fluvial qu 'embellit encore le vert tendre du feuillage prin-tanier, offriraient le cadre idéal d'un ermitage taoïste. Dotée d'une importante surface, puisqu 'elle s'étend sur près de mille kilomètres carrés, l'île de Cho-pyeongdo ignore toute présence humaine depuis la Guerre de Corée et offre


ainsi un merveilleux refuge à une multitude d'oiseaux.

cent mètres de la zone démilitarisée, elle constitue la station de chemin de fer la plus septentrionale de

Intégration des deux nations La ville de Paju compte plusieurs sites historiques puisque, au lendemain de la signature d'un

événement important et inédit depuis cinquante-deux

communiqué commun par les deux Corées, le 4 juil-

la ligne de Gyeongi reliant Séoul à Sinuiju, en Corée

let 1972, celles-ci allaient entreprendre d'en

du Nord, lorsqu'un train y fit son entrée après avoir

aménager le fleuve pour en faire un centre de

traversé lïmjingang, en un poignant symbole du

Corée du Sud. En 2002, allait s·y dérouler un ans du fait de la suspension, pour cause de guerre, de

tourisme consacré au thème de la réunification,

complexe processus de réconciliation que les deux

notamment par l'exposition d'objets datant de la

Corées se doivent encore de mettre en oeuvre.

Guerre de Corée ou symbolisant l'aspiration des deux

La remise en service de cette liaison ferroviaire,

peuples à ne faire qu'un. Figurant parmi les princi-

dans la perspective de futurs déplacements de per-

paux attraits de l'agglomération, ces lieux atteignent

sonnes de part et d'autre de la frontière, permettrait

une fréquentation annuelle de trente millions de per-

ainsi à la Gare de Dorasan d'assurer la fonction d'un

sonnes, tant coréennes qu'étrangères, qui se rendent

poste de contrôle douanier aux fins du transit de pas-

à l'Observatoire d'lmjingak pour y apercevoir au loin

sagers et de frêt. Quant au Tunnel d'infiltration n° 3,

le territoire nord-coréen, ou sur le Pont de la Liberté

que creusa la Corée du Nord sur 1 635 mètres pour

que quelque dix mille prisonniers de guerre

se prémunir d'éventuelles incursions, elle est très

franchirent dans les deux sens lors des échanges

prisée des touristes auxquels elle fournit une excel-

réalisés après l'armistice de 1953.

lente perception du niveau de tension qu'avaient

Sur la rive opposée du fleuve, la Gare de Dorasan

atteint les relations intercoréennes par le passé, tout

et le Tunnel d'infiltration n° 3 sont tout aussi réputés

en mettant à leur disposition un petit train et une

sur le plan touristique. la première parce qu 'à sept

salle de projection vidéo. t.t

La Cité du Iivre

de Paju

Telle une ville dans la ville, la Cité du livre a été créée par des maisons d'édition coréennes soucieuses de fonder une communauté de lecteurs au sei n du milieu naturel. C'est en 1989 qu'a été mis sur pied le comité de planification chargé de mettre en œuvre ce projet, dont la première phase s'a chevait en mai dernier et aujourd'hui, quelque cent trente maisons d'édition y sont implantées aux côtés de cinquante-sept entreprises réalisant des activités connexes, ainsi ·que des infrastructures éducatives, commerces de détail, auditoriums, centres d'exposition et lieux d'hébergement de ses visiteurs. La présence des sociétés devrait ultérieurement s'élever à six cents et concerner des secteurs tels que l'édition, l'impression et la distribution, qui y bénéficieraient ainsi d'un effet de synergie. La Cité du livre de Paj u s'est déjà dotée d'une identité propre par l'originalité et la diversité de ses styles architecturaux mis en va leur par le doux relief des collines environnantes aux vallées irriguées d'affluents qui s'écoulent le long des vastes étendues de roseaux avant de se jeter dans le Hangang. Conçus par des architectes de renom pour allier les influences étrangères aux traditions coréennes, les constructions de la Cité dégagent une impression sympathique, comme si les différentes structures qu'elle rassemble y conversaient gentiment entre elles, autant d'éléments qui concourent d'une nouvelle configuration propice aux futurs échanges intercoréens.

Hiver 2007 1Koreana 75



Ingrédients - Morceaux de « tteok » blanc [400 grammes), bœuf [150 grammes). bœuf finement émincé [100 grammes). œuf, eau, sel, oignons [20 grammes) - Assaisonnement du bœuf émincé : sauce de soja [2 cuillerées à café), poireau émincé [1 cuillerée à café), ail émincé [1 cuillerée à café). huile de sésame [1 cuillerée à café). poivre noir - Assaisonnement du bœuf haché : sauce de soja [2 cuillerées à café). sucre [1 cuillerée à café). poireau émincé [2 cuillerées à café). ail émincé [2 cuillerées à café). graines de sésame grillées [1 cuillerée à café). huile de sésame [1 cuillerée à café). poivre noir

Préparation Émincer le bœuf et le faire revenir dans son assaisonnement .Ajouter le sel à l'eau du bouillon.

=.

Faire mariner le bœuf ém incé dans son assaisonnement, puis le faire revenir. Séparer le blanc d'œuf du jaune et les faire frire pour obtenir deux crêpes que l'on découpera comme garniture. Nettoyer et émincer le poireau. Nettoyer les rondelles de « tteok » à l'eau froide et les égoutter complètement, puis les plonger dans la préparation en ébullition. Lorsqu'elles remontent à la surface, ajouter le poireau émincé et remettre à ébullition. Servir dans un bol avec la garniture de bœuf et d'œuf émincés, puis poivrer.

À un bouillon clair, convient une garniture au bœuf maigre grillé [« sanjeok » ) ou émincé, puis grillé [« seopsanjeok »). ain si qu·un œuf cru que l'on cassera dans la soupe en ébullition pour qu'il s·y désagrège.



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REGARD EXTÉRIEUR

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haque grande aire géo-culturelle se définit globalement par un mode d'organisation sociale qui reflète

un certain nombre de valeurs la démarquant des

autres aires culturelles . De la mise en regard de ces diverses cultures naissent des stéréotypes . Ceux-ci ont, par nature, tendance à stigmatiser une réalité autrement plus complexe . Complexe parce que plurielle et en perpétuelle mutation . Certains stéréotypes sont bien ancrés, en particulier ceux qui ont rapport aux femmes. La femme asiatique, par exemple, est perçue en Occident comme « réservée et soumise » . Cette généralisation renferme sans doute une part de vérité si on se place dans un cadre comparatif Orient versus Occident. Mais il suffit de pénétrer dans l'espace Asie et considérer les sous-ensembles possibles pour voir se dessiner des différences d'appréciation. Arrêtons-nous sur l'image de la femme coréenne. Soumise ou insoumise, où la situer?

La Corée a beau s 'être occidentalisée, les libertés ont beau être plus grandes, la société coréenne reste une société où se distinguer n'est pas la norme et où dénigrer les hommes peut coûter cher. La femme n'est donc pas libre d'être libre. Martine Prost Maître de co nfére nce. Univers ité Pa ris -Did e rot

Les femmes dans la Corée ancienne On aurait tendance à penser que plus on remonte loin dans l'histoire de la Corée, plus on a de chances d'y découvrir une femme coréenne soumise. Un regard sur l'histoire de la Corée nous révèle des différences dans le degré de soumission de la femme en fonction des époques. Pendant la période des trois royaumes

[samguksidae' 1, 1er avant J.C.- 7e siècle après J.C.) ou de Silla [du 7e au 1De siècle). on accordait une plus grande reconnaissance à la femme que sous la dynastie Choson [1392-1910). L'accès au trône, par exemple, n'était pas le privilège exclusif des hommes. Le royaume Silla eut ainsi trois monarques femmes : Si5ndok [règne 632-646).

Chindi5k [règne 647-653) et Jinsi5ng [règne 888-897). La reine Si5ndi5k fait partie des grands noms de l'histoire de ce royaume . Le samguksagi [Chroniques des trois royaumes) fait état de son influence et de son goût pour les sciences. c·est sous son règne, en 646, que fut érigé à Kyungju, capitale du royaume Silla, le prèmier grand observatoire astrologique d'Asie. D'autres signes d'une certaine égalité de traitement existaient à cette époque : les femmes pouvaient se remarier [chaega) ; elles payaient des taxes tout comme les hommes. De même, à l'époque Koryo [918-1392). la femme bénéficiait de droits qu'elle perdra ensuite comme le droit de succession

[sangsokkwon) qui l'autorisait à hériter au même titre que ses frères de sang . Le fait est que le bouddhisme, alors religion d'état, acceptait une plus grande souplesse de mœurs que ne le fit à partir du 14e siècle le confucianisme. L'arrivée au pouvoir, en 1392, de Yi Song Kye, fondateur de la dynastie Choson des Yi, va sonner la fin des privilèges accordés jusqu'ici aux femmes. Très vite, les lettrés néoconfucéens les confineront à l'intérieur des maisons et 80 Koreana I Hiver 2007


leur imposeront, au dehors, le port d'un vêtement cachant

Il est un autre droit que les hommes se gardaient bien de

leur visage. Les femmes des classes supérieures se verront

partager, le droit à l'érudition . Mais là encore, il semble qu'il y

contraintes à se déplacer dans des palanquins, hors du regard

ait eu un décalage entre théorie et pratique et que Les femmes

du commun des mortels. Ils feront de la femme un individu

des classes supérieures soient parvenues à aménager la

soumis. L'expression « namchonyi5bi »121 qui décrit le statut

réalité de manière à ne pas complètement tomber dans l'illet-

de l 'homme par rapport à la femme est limpide. Elle pose

trisme . Certes, elles ne pouvaient pas, à l'instar des hommes,

sans ambages la supériorité du sexe masculin sur le sexe

fréquenter les écoles publiques ni privées mais elles

féminin . On peut la traduire de manière euphémique par

s· éduquaient par elles-mêmes . L'expression okkeni5mi5ro

« prédominance de l'homme sur la femme ». Elle décrit un

(« par-dessus l'épaule ») fait référence à un mode d'instruction

état de faits qui s'est imposé à partir du 15e siècle avec l'adop-

que les femmes s'octroyaient en secret en épiant les

tion du néo-confucianisme comme religion d'état et l'affirma-

hommes. Elles Le faisaient parce qu'elles étaient conscientes

tion officielle et légiste de l'autorité mâle sur la gent féminine.

de l'importance de L'éducation pour asseoir Leur autorité et

Et, si le confucianisme tel que conçu en Chine par Confucius

participer à la réussite sociale de Leur famille. À cette éduca-

cinq siècles avant notre ère avait pour visée d'établir une har-

tion « à la sauvette », s'ajoute celle qui existait de fait dans La

monie à tous les niveaux de la société en développant le sens

haute noblesse. À ce niveau élevé de la société, savoir broder,

individuel du ren (mot chinois pour « bienveillance ») et en

peindre et réciter de la poésie ne suffisait pas. Outre ces trois

codifiant les rapports humains, l'utilisation faite par la classe

arts féminins par excellence, les jeunes filles étudiaient Les

131

des « yangban » des préceptes d'éthique sociale néo-con-

grands classiques chinois et bénéficiaient du savoir intel-

fucéenne fit basculer la relation de complémentarité homme-

lectuel des hommes de La famille. Plus elles montraient de

femme vers une relation de dépendance. Entre le 16e et le 20e

facilités pour l'étude, plus elles pouvaient espérer recevoir

siècle, la femme coréenne se trouva ainsi sous la dépendance

une éducation poussée. Celle-ci était souvent complétée par

inconditionnelle non uniquement de son mari , mais de

celle que dispensait de surcroît la mère. Sinsaimdang (1504-

plusieurs maîtres : elle dépendait de son père dans un pre-

1551) en est l'exemple parfait. Formée par son père et ayant

mier temps, de son mari ensuite, puis de son fils aîné. Et

acquis une grande érudition, elle s'adonna à l'étude de l'art,

quand bien même le premier fils venait à disparaître, il se

devint peintre-calligraphe et s'occupa d'éduquer elle-même

trouvait toujours un second fils ou un oncle pour le remplacer

son fils . Elle en fit un grand Lettré, le plus grand néo-con-

dans le rôle de chef de famille . Ainsi, elle vivait soumise

fucéen qu 'ait connu La Corée, Yi 1 (1536-1584, alias Yul-gok).

depuis sa naissance jusqu'à sa mort. On appelle cela

Un autre grand nom est Ho Nansolhon (1563-1589).

À cette soumission

Sœur de Ho Kyun (1569-1618) 1' 1 et épouse d'un homme qui

samjongjiui, « position de triple tutelle ».

d'ordre statutaire et moral, s'ajoute la réclusion. Dans le milieu

passait le plus clair de son temps à boire en compagnie de

conjugal, la jeune femme se trouve recluse à l'intérieur de la

courtisanes, Nansolhon est connue pour ses talents

maison. Elle devient ansaram !« personne de l'intérieur »).

littéraires. Nombre de ses poèmes relatent sa souffrance de

Il ne faudrait pas penser, pour autant, que toutes les femmes

femme solitaire et opprimée . Cette écrivain symbolise Le

étaient physiquement prisonnières. Comme l'explique Martina

genre même des femmes lettrées qui, du fait de leur intelli-

Deuchler dans son ouvrage View from the inner room, toutes

gence, ont souffert de la rigidité d'un système confucéen Leur

ne pouvaient pas être condamnées à vivre derrière des murs.

interdisant d'être trop talentueuses . Nansolhon aurait dit

Il y avait les exceptions. Pas seulement celle des femmes

regretter de ne pas être née homme. Peut-être a--t-elle rêvé

chamanes et des courtisanes qui jouissaient d'une grande lib-

en secret d'être kisaeng («courtisane»)? Puisque les seules

erté de comportement, mais aussi celle de toutes les femmes

femmes qui pouvaient se permettre une grande liberté avec

des milieux populaires pour lesquelles les règles excessive-

Les hommes (soutenir leur regard, Les contredire sur un vers

ment strictes de la vie confucéenne étaient tout simplement

de poésie ou l'interprétation d'une citation) étaient justement

inapplicables et donc inappliquées. Prenons l'exemple concret

Les kisaeng. Et encore pas toutes

de l'obligation d'isolement imposée à la femme sous la dynas-

partie des courtisanes de première catégorie. La célèbre

I

Seules celles qui faisaient

tie Choson. Pour garantir son application, il fallait que les

Hwang Jin-hee (1506-1544) ne peut pas ne pas être citée ici.

habitations permettent une division de l'espace en deux par-

Son talent de poétesse est tel qu'un des sijo (poème court) qui

ties distinctes, celle des hommes et des femmes. Cela n'était

lui sont attribués a été considéré comme ayant pu être écrit

réalisable que dans les milieux aisés. Dans Les campagnes où

par Le roi Songjong (1457-1494). Comme l'a écrit Mac Cann

les femmes participaient au x travaux agricoles, le principe

dans Le monde traditionnel des kisaençj-51, Le fait que le talent

confucéen de séparation des sexes posait problème . Il en va

littéraire de Hwang Jin-hee puisse égaler celui d'un roi mon-

de même pour le milieu des marchands où les femmes

tre qu 'une courtisane pouvait atteindre Le sommet de la

étaient« dehors » pour s'occuper des commerces avec leurs

renommée. Elle pouvait être à La fois au ban de La société sur

maris.

le plan de son statut social et au plus haut de La pyramide sur Hiver 2007

1

Koreana 81


le plan de la considération. Ni épouse, ni mère, elle était une

femme coréenne bénéficie d'un grand pouvoir à l'intérieur du

sorte de « non-femme » , une catégorie à part entre démon

cercle familial. Il n'est pas apparent à l 'œil nu mais réel.

et dieu .

Pas l'ombre d'un doute : au foyer, la femme est toute puis-

On se doit donc d'être prudent et de comprendre que, si le

sante. Elle gère seule les affaires familiales. En France, les

confucianisme a eu ses règles, leur application ne fut pas uni-

femmes doivent composer avec leurs conjoints. En Corée du

forme. Il n'est pas question ici de nier l'influence de la doctrine

Sud, l'achat du logement où la famille vivra, le choix de l'école

néo-confucéenne sur la société coréenne . Son impact a été

où seront scolarisés les enfants, l'épargne qui sera réalisée

considérable. Aucun doute que les femmes furent soumises

chaque mois, le voyage en Europe prévu dans un an ou deux,

dans leur vie de tous les jours à un traitement sévère qui les

l'accueil à la maison d'un neveu venu étudier à Séoul, autant

limitait dans leurs actions et l'expression de leur personnalité.

de décisions prises par la femme sans nécessité d'en référer

Avoir une« personnalité » était de toutes les façons inconce-

à l'homme. La maîtresse de maison fait comme elle l'entend

vable. La femme n'avait pas à « être elle ». Elle devait suivre

(arasa handa) et un mari « intelligent » ne s'oppose pas à ses

le programme tout tracé de « jeune fille chaste, femme

choix, même s'il lui arrive de les discuter. Dans la sphère

dévouée et mère attentive » .

privée, les rôles sont donc inversés : de femme soumise, la femme devient femme leader. Sauf quand elle se trouve

La femme coréenne aujourd'hui Pour remplir ce triple objectif, rien n'était laissé au hasard. Chaque comportement était codifié : comment se

« piégée » par un conjoint buveur ou violent. Nous aborderons la question des relations conjugales plus paisiblement à partir de deux exemples conèrets de la vie courante.

tenir devant son beau-père, sa belle-mère, un ami aîné de son

Premier exemple : une femme coréenne servant une

mari, la femme d'un professeur proche de la famille et plus

boisson à son mari ne lui demandera pas ce qu'il veut boire.

âgé que le mari, le fils de la maison voisine, etc. Une longue

Elle lui servira d'office ce qu 'elle veut en fonction de la saison

liste à respecter sans broncher. On est donc obligé d'admettre

et de la santé de son mari . Comme la société est plus

que la femme avait peu de liberté et beaucoup de devoirs.

homogène que chez nous et les goûts moins individualisés,

Qu 'en est-il de nos jours? La démocratisation de la Corée lui

pas de problème. Sous un aspect d'autoritarisme, on découvre

a-t-elle permis d'échapper à ce qui fut son implacable destin

une réelle connaissance de l'autre, de ses besoins. À quoi

jusqu'au milieu du 2De siècle? Soumission? Insoumission ? Où

s'ajoute une acceptation des choses. Le mari aurait peut-être

la situer maintenant ?

préféré un café. Pas grave ! Il acceptera un thé au ginseng ou aux agrumes, sachant qu'une raison cachée explique ce choix.

Les risques de malentendus Bon nombre d'Occidentaux croient voir une grande docilité

Second exemple : une femme interrogée par son mari sur ce qu'elle a fait dans l'après-midi n'est pas obligée de lui

dans le comportement des femmes coréennes. Attrait

répondre. Un simple« ktlgnyang » (rien de spécial) ou

immédiat ! Ceci étant, il n'est pas un homme français qui,

« pappasso » (j'ai été occupée) ou« Chi5gi kassta wassoyo »

ayant « pratiqué » une compagne coréenne au quotidien, ne

(je suis allée quelque part). fera l'affaire. Ne pas donner

vous confie qu'il faut se méfier des apparences et que derrière

d'explication précise n'aura pas d'incidence particulière, vu

des attitudes de poussin câlin se cache souvent un tigre prêt à

que cela fait partie des droits de la femme coréenne d'orga-

bondir. Une des clés pour expliquer ce décalage entre décor

niser sa vie privée comme elle l'entend. La seule restriction

et envers du décor est à trouver dans les variations comporte-

est que ce qu'elle fait ne porte pas préjudice à so·n mari. Or, il

mentales induites par la distinction entre sphère publique et

n'y a que deux choses qui puissent lui porter préjudice :

sphère privée.

qu'elle soit vue en compagnie d'un autre homme ou qu 'elle ne

Ce que ne savent pas toujours ces Occidentaux est que la

s'occupe pas de ses enfants. Ces deux règles respectées, tout

femme coréenne a un devoir de réserve dans la sphère

est permis. Passer la journée au sauna, jouer au tennis ou

publique . Elle n'est pas censée contredire qui que ce soit en

golf, sortir avec des amies, faire une longue sieste ... Vues

public et certainement pas son mari. Une femme qui

sous cet angle, les femmes jouissent d'une grande liberté et

s'exprime trop ne s'attire pas l'admiration des hommes .

en profitent.

Ceux-ci ne jugeront jamais une femme discrète comme manquant de personnalité. Bien au contraire, ils verront dans

Un mot maintenant sur les relations homme-femme en

l'effacement qu· elle adopte une marque d'intelligence. Les

dehors de la cellule familiale. Nous avons tendance à nous

femmes trop directes ne font pas peur aux hommes coréens.

étonner de voir que bien souvent les deux sexes font bande à

Ce qu'ils leur reprochent, c'est de manquer d'éducation, de

part. Certains comportements restent culturellement ancrés.

laisser paraître dans la sphère publique des attitudes qui

De tradition, dans une réunion, une soirée ou à une table de

relèvent de la sphère intime. En compensation de sa bonne conduite à l'extérieur, la 82 Koreana I Hive r 2007

restaurant, les femmes se regroupent entre elles. On peut juger cela démodé. La vraie question n'est pas là. Quels avan-


tages les femmes retirent-t-elles d'évoluer dans un milieu

Dans les mentalités, cela est moins certain. Elle peut se ma-

féminin ? En Corée, être entre femmes n'est pas synonyme

rier ou ne pas se marier. Elle peut décider de divorcer et

d'ennui ou de manque. Les Coréennes peuvent se passer des

beaucoup le font. Elle peut choisir de travailler ou non, même

hommes. Les femmes voyagent entre elles, bien trop con-

si le plus fréquent est d'avoir une activité professionnelle à la

tentes de ne pas avoir leurs maris, ce qui les obligerait à

fois par besoin de réalisation personnelle et par nécessité

«utiliser leurs nerfs » [singyi5ng ssûge twoenda]. Certains

financière. Il n'en reste pas moins que la question de l'égalité

diront que tout cela est dépassé et que les jeunes agissent en

des sexes, vue sous l'angle de la psychologie sociale et du

toute liberté quel que soit le contexte. Pourtant, quand on

ressenti humain, reste ouverte.

demande au x jeunes femmes si elles parviennent à faire abstraction du sexe de la personne qu'elles ont en face

Conclusion

d'elles, la réponse est non. En Corée, on appartient d'abord à

Saisir ce qu'est la femme coréenne n'est pas une simple

un genre sexué, homme ou femme, et en second lieu au genre

affaire. Nous avons tenté de montrer que la femme en Corée

humain . En Occident aussi, mais une femme jouera plus

est prise entre deux impératifs, celui de se conformer au

facilement sur sa double, voire triple, « appartenance psy-

modèle féminin hérité du confucianisme où sa mission lui est

chosociologique » : elle sera femme à certains moments,

dictée et celui de s'affirmer en tant qu'individu indépendant où

homme à d'autres et asexuée quand cette distinction

elle se trouve alors seule face à elle-même. Elle est donc con-

catégorielle n'apporte rien .

frontée au dilemme que constitue l'obligation d'être ce que l'on veut qu 'elle soit et le désir d'être ce qu 'elle veut être . Elle

Un autre facteur de malentendu existe. La frustration de

se débat entre le devoir de réserve et le besoin d'affirmation.

nombre d'épouses coréennes ne provient pas tant des maris

Si elle adopte la première voie, celle de la soumission au x tra-

que des belles-mères. Au 21e siècle, une épouse n'est plus

dition s, elle souffrira du mal de ne pas pouvoir être elle -

tellement soumise à son mari. En revanche, elle reste à la

même, si elle adopte la deuxième, celle de la revendication de

merci de sa belle-mère. Malgré leur récente perte de pouvoir,

ses convictions, elle souffrira du mal de ne pas être comme

les belles-mères continuent à jouer un rôle interventionniste

les autres. Car la Corée a beau s'être occidentalisée, les li-

souvent pesant. Il en résulte que, dans ce système, la femme

bertés ont beau être plus grandes, la société coréenne reste

mariée n'a pour soutien possible que celui de sa propre mère

une société où se distinguer n'est pas la norme et où dénigrer

qui va jouer un rôle régulateur : elle va opposer à l'autorité de

les hommes peut coûter cher. La femme n'est donc pas libre

la belle-mère, la souplesse de la « vraie » mère, tendre et

d'être libre. Avec intelligence, elle s'est aménagée un espace

complaisante, qui va continuer à choyer son enfant même après

à elle à l'intérieur des contraintes imposées par le système,

le mariage par compassion pour ce qu'elle vit et qu'elle a elle-

mais il faudra encore un peu de temps avant que les hommes

même connu. Il est frappant de voir à quel point une mère con-

la reconnaissent officiellement comme leur égale. Officieuse-

tinue à dorloter sa fille une fois même mariée. Si sa fille vit

ment, c'est gagné : les nouvelles générations ne croient plus

outre-mer et qu'elle lui rend visite, il n'est pas impossible

à l 'utilité du principe confucéen si sacré de namchonyôbi. Elles sont passées au niveau supérieur : yôchonnambi ! t..t

qu 'elle quitte le pays sans avoir fait de tourisme, impliquée qu'elle se sent dans la nécessité d'alléger la tâche quotidienne de son enfant et dans le plaisir de pouvoir réexercer ses talents de mère, rôle qu· elle a toute une vie assumé. Vu de notre bord , il semblerait que tout en revendiquant leur indépendance, les Coréennes font peu pour assumer seules leur vie et leur liberté. Certaines refusent de se marier mais restent très dépendantes de leur milieu familial propre. En fait, le concept de liberté individuelle est récent. La société coréenne est fondamentalement communautaire et vivre indépendamment du groupe est contre nature. Voyez la frustration des femmes coréennes qui ont choisi la voie de l'indépendance et le mal psychologique qu'elles ont souvent à assumer ce choix jusqu'au bout ! Les femmes intellectuelles coréennes qui vivent selon leurs convictions encourent le risque de souffrir de solitude et d'un manque de reconnaissance. Elles peuvent réussir socialement aussi bien que les hommes mais elles restent considérées comme des femmes

à part. Dans les faits , la femme coréenne est libre aujourd'hui .

-------------------- - - - - -------- --- - · · - - - - - -

Le systeme de tra nscription utilise dans cet article est l syst&me MacCune-Re1schaue1

2 Expression s1no-coréenne

nam = hornme el chan = respect , yo

fernme el b1 = 1nfe1,or1le.

3 Classe des lettres qui comp1 cna1t es'· ltre, c1v1

cl ,.,,l1ta,res et qui

occupait le haut de 1·echelle soc,ale

4 Auteur de Hong-1,,/-Tonq chan I«

1l d,, Hn

,1

l\1i Tong »I Hô l\yun

est un des grands nonis de h l,tt, 1aturc cnrc0nn

5 " Tradit1onal Wor 1.o of l\1saeng '· re"Ul' I\Orea 1ourna,. Comm1ss1on nat,cnale ·01·c ·nnc de

l'Ur~rc.co V"Jl 1,, n

. Fev1 ,u 1°74

Hiver 2007 1Koreana 83


VIE QUOTIDIENNE

Autrefois source de tracas familiaux lorsqu'elles n'étaient plus en âge de se marier, celles que l'on appelle les« Gold miss » s'avèrent représenter des consommatrices à fort potentiel dans le secteur des investissements financiers, des voyages, de l'électroménager et de la culture par leur pouvoir d'achat et leur position sociale. Lee Min-hoon Ch erche ur à l'Institut Samsung des Recherches économiques

Ph otog raph ie : Newsbankimage

84 Koreana I Hiver 2007


De l'école primaire

à l'université, les filles, puis

les jeunes femmes, devancent souvent leurs

.. .

camarades masculins en matière d'études, de prise

·est au cours des débats ~ui se déroulaient au

de responsabilités et de sport, comme en témoigne

vie r. dernier. dans

leur présence croissante dans la vie active,

économi~ue mondial (F.EM) de Davos qu'a été créé le terme

annuelle du F.orum

notamment les disciplines techniques longtemps réservées aux seuls hommes. Cette année, elles étaient ainsi 104 sur un effectif total de 187

sociales dominant P.Osent de célibataires hautement ~ualifiés des deux sexes, d'âge

candidats aspirant au poste de magistrat.

sion considérable du nombre de femmes assumant d leur. entrée massive

..

était CJUatre fois moindre il y a encore trente-cinCJ ans de cela. Corée s'inscrit

vier. 2006, voyait le nombre de diP.lômées de l'Institut de formation et de recherche juridi~ue atteindre cin~uante-huit, soit 64,4 % des

Hiver 2007 1 Koreana

85


.

.

res onsabilités

échelons inférieurs. tingùent ria r. leur. succès dans toutes leurs activités. l'organisation traditionnelle

..

mais aussi ria r. de multiriles contexte analogue

'dynamigues et motivées gue ceux-ci, contrairement à l'idée reçue amour-rirorire et esririt de comriétition. Excellant en tout au grand dam des garçons, ces battantes se âéclarent favorables à la parité,

jeunes filles issues de guinze lycées américains et canadiens, ainsi


Celles que l'on nomme« Gold miss » conjuguent un important niveau de revenus à une forte consommation de produits culturels évolués, car elles consacrent de gros investissements à leur épanouissement personnel.

Hiver 2007 1 Ko reana

87


Refusant de se cantonner au rôle d'épouse et de mère, les« Gold miss » privilégient un mode de vie avancé sur les plans professionnel, culturel, récréatif et vestimentaire.

88 Koreana I Hiver 2007


Aperçu de la littérature coréenne

Jeon Seong Tae

L'œuvre romanesque de Jean Seong Tae se distingue par une structure narrative efficace, des intrigues inventives et une remarquable évocation de l'âme et des paysages ruraux de jadis à la tristesse primordiale, dans une langue maîtrisant admirablement les subtilités de dialectes aujourd'hui tombés en désuétude.


CRITIQUE

a voie des mots menant à la vie Seo Young-in Critique littéraire

L

a littérature coréenne contemporaine possède une dimension sociale qui, loin d'être fortuite, résulte d'un indispensable engagement eu égard aux événements qui ont bouleversé l'histoire récente du pays, de sa colonisation à sa division en deux, suivies de l'instauration de régimes militaires dictatoriaux combattus par une dissidence prodémocratique, en conséquence de quoi elle demeurait, il y encore peu, en prise directe avec la réalité sociale vécue par ses lecteurs, tout en s'inscrivant dans une évolution historique. Au vu des tendances qui se manifestent dans la production récente, force est de reconnaître que ce parti pris va en s'amenuisant, dans un pays en marche vers le capitalisme pur, la société de l'information et la culture de masse, c'est-à-dire privilégiant des modèles de type universel ou mondialisé au détriment de la spécificité coréenne, un phénomène non dépourvu de liens avec l'intérêt que manifestent toujours plus de jeunes écrivains pour la thématique de l'exclusion des êtres brisés et des spectaculaires prolongements du capitalisme médiatique. C'est dans cette conjoncture que fait ses débuts Jeon Seong Tae avec la parution, en 1994, de sa nouvelle « Chicken Beating », à laquelle succéderont, cinq ans plus tard, le recueil « Ensevelissement de l'encens », puis un deuxième intitulé « La traversée des frontières », au cours de l'année 2005, autant d'œuvres dans lesquelles !'écrivain fait montre d'un talent incontestable par sa peinture de l'âme des Coréens d'autrefois et de leur environnement naturel. Il s'y consacre à l'obs ervation de petites agglomérations rurales constituant autant d'espaces au sein desquels les habitants, animés d'un généreux communautarisme, vivent en symbiose avec le milieu naturel. Tout empreints d'une extrême sensibilité et d'un attachement passionné à 90 Koreana I Hiver 2007

la langue coréenne, ses récits à la construction des plus élaborées dépeignent avec justesse la Corée du temps jadis par l'étude du sentiment de tristesse fondamentale qui la caractérise. C'est avec une affection attendrie qu'il évoque ce monde ancien des vieilles bourgades coréennes, lieux de vie collective voués au partage et à la compassion qu'une industrie capitaliste en pleine expansion condamne toujours plus à l'isolement et au dépeuplement. Aussi beau et riche soit-il, cet univers traditionnel ne se trouve pas moins sur le point de disparaître et ne semble donc pas apte à représenter la Corée d'aujourd'hui, cette société contemporaine dont Jeon Seong Tae a su peindre le tableau, mieux que tout autre écrivain et plus encore qu'il ne s'est consacré à la fidèle description de l'esprit des gens d'autrefois et au respect de toutes les nuances de leur langue, sa démarche littéraire ne se résumant pas à un simple repli sur la nostalgie du passé. Dans ses productions plus récentes, l'auteur se livre aussi à l'analyse approfondie et sans complaisance des conflits et tourments dont la société moderne est affligée, par une minutieuse observation des réalités de la division nationale, des vestiges du militarisme et de l'inconscient colonisé qui y sévissent aujourd'hui encore. Aussi l' œuvre maîtresse de son deuxième recueil intitulé « La traversée des frontières » évoque-t-elle l'inévitable sentiment de peur d'une population déchirée par des frontières arbitraires du fait de la mainmise qu'exerce sur la réalité une partitions' enracinant jusque dans l'inconscient. La nouvelle « La forêt de l'exis tence » synthétise ces différents aspects de l'œuvre de Jeon Seong Tae, à commencer par son principal personnage, un humoriste raté qui aspirait à faire tout à la fois rire et pleurer son public et s'en vient vivre dans un village perdu au fond d'une vallée située dans le nord pour y glaner les « histoires » enten-


dues, récits de vieilles femmes qu'il écoute, adossé à l'encadrement de sa porte. Perchées sur de lointaines montagnes et abandonnées des jeunes, les petites localités symbolisant cette société archaïque que l'auteur aime tant à décrire n'en conservent pas moins une langue riche et débordante de vitalité, qui abonde en métaphores et comparaisons diverses, tel un condensé de vies innombrables, outre que la structure en procède d'une démarche totalement hermétique à tout étranger à la vie en ces lieux retirés, à plus forte raison pour un humoriste à l'univers langagier étriqué car tirant sa subsistance de ces mêmes mots. Dans le passage qui en traite, l'auteur fait preuve du niveau de maturité auquel il est parvenu dans l'art de décrire la nature, dont il rend avec réalisme une énergie et une fugacité qui sont à l'image du langage et de la vie humaine. Toutefois, la thématique ne se limite pas ici à l'humanité des sociétés traditionnelles et à la richesse de leur langue, car les réalités du monde actuel sont aussi parvenues jusqu'à ce petit village de montagne, qui semblait de prime abord totalement coupé du reste du pays, par le biais d'un faux témoignage sur la présence d'espions, comme en favorisait l'anticommunisme dans l'idéologie dominante d'alors, ainsi que sous forme d'un parcours de golf dont l'aménagement n'est pas sans conséquences pour la région. Cependant, le trait le plus résolument actuel de cette nouvelle réside dans les critiques et satires politiques qu'affectionne l'humoriste et par lesquelles il a tenté de sonder l'âme de ses contemporains, mais en vain, car les mots ne lui ont pas permis d'aller à l'essentiel, cet échec représentant indirectement le point de vue de l'auteur sur l'esprit critique actuel, limité selon lui à une rhétorique superficielle, tandis qu'une authentique démarche se devrait d'employer un langage axé sur la réalité contemporaine.

C'est précisément en vue d'acquérir un style plus décapant que le protagoniste choisit de vivre à l'écart du monde moderne, où la langue s'enrichit et s'affine au contact de la vie, au point que toutes deux en deviennent indissociables, une idée représentée par les hallucinations auxquelles est sujet ce personnage. Quant à la vieille femme que ce dernier voit souvent passer devant chez lui pour se rendre dans la maison au toit de zinc, il s'agit tout bonnement de l'esprit de Yeoggoldaek, laquelle a succombé à une maladie mentale il y a longtemps de cela, mais revient souvent dans les racontars de commères qui compatissent sincèrement avec la défunte en raison des épreuves et chagrins qu'elle a connus de son vivant et dont la langue embellit par le seul fait de faire revenir cet être au monde réel, du fond de leurs existences obscures. En fin de compte, l' œuvre, qui tire sa force évocatrice de la vie elle-même, et non de sa langue au registre raffiné et à la construction rigoureuse, traite des joies et peines de l'écriture, dont la genèse s'engage dans les ténèbres de la vie. Elle n'a pour propos ni de procéder à une analyse théorique de la langue, ni de chanter les louanges d'une société traditionnelle en déclin, mais traite d'une réalité bien concrète présente dans les productions les plus récentes de l'auteur, à savoir que la difficile mise au jour des nombreuses disparités de la société coréenne passe par l'adéquation de la langue à la vie moderne. En d'autres termes, et préalablement à toute valorisation des mots, le roman ne peut prétendre à un statut contemporain que s'il parvient avant tout à saisir l'essence de la dignité humaine. Dans cette « forêt de l'existence » de Jeon Seong Tae, le lecteur pourra ainsi savourer toute la chaleureuse beauté d'une langue traditionnelle appelée à disparaître, ainsi que la démarche empruntée par un roman en quête de contemporanéité. i.t Hiver 2007 1 Koreana

91


Abonnement et achat de numéros Fondation de Corée Seocho P.O. Box 227 Diplomatie Center Building, 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu, Séoul 137-863, Corée du Sud www.kf.or.kr

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Webzine mensuel (www.koreafocus.or.kr) et revue trimestrielle, « Korea Focus » offre des analyses politiques, économiques, sociologiques et culturelles relatives à la Corée et complétées de questions internationales connexes. Créée en 1993, elle apporte ces informations essentielles selon un point de vue objectif tout en cherchant à favoriser une meilleure compréhension de la Corée sur la scène internationale et l'essor des études coréennes dans les établissements universitaires étrangers à travers une sélection d'articles extraits des principaux quotidiens, magazines d'actualité et revues scientifiques. Tarif des abonnements (frais d'envoi par avion compris)

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52$US

71$US

Autres

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Korean Cultural Heritage

Il s'agit d'un recueil d'articles et photographies issus des précédents numéros de « Koreana » sous forme de quatre tomes bien distincts. Ceux-ci fournissent une présentation complète et systématique de la culture coréenne par des études fouillées et une photographie en couleur de haute qualité. (Tome I Beaux-arts, Tome II Pensée et religion, Tome III Arts du spectacle, Tome IV Modes de vie traditionnels)

Fragrance of Korea

Rédigé en langue anglaise et abondamment illustré, le catalogue « Fragrance of Korea : The Ancient GiltBronze Incense Burner of Baekje » est consacré à l'Encensoir en bronze doré de Baekje, un chef-d' œ uvre ancien classé Trésor national coréen n° 287 et admiré pour sa délicate beauté qui témoigne d'un savoir-faire accompli dans le travail des métaux tel qu'il fut pratiqué en Extrême-Orient. Cet ouvrage de 110 pages illustrées de photographies et dessins comporte trois essais intitulés : « Signification historique de l'Encensoir en bronze doré de Baekje », « Dynamiques culturelles et diversité : du Boshanlu taoïste à l'encensoir bouddhique de Baekje » et « Le site du temple bouddhique de Neungsan-ri à Buyeo ».

Prix du tome : 40$US [frais d'envoi non compris].

Pri x du tome: 25$US [frais d'envoi non compris].



A few small kemels of grain can fill a village with smiles of joy This quiet village in Tanzania' s Manyara region is buzzing with excitement today about a grain-puffing machine from a faraway land called Korea. All the village children have brought containers , some fĂźll of corn, others empty. As they anxiously wait, the machine makes a deafening "boom". Instantly, there' s plenty of fresh puffed corn for everyone. And as each child' s container is filled with the delicious treat, their smiles of joy show they are the happiest kids in the world.

Together, we can move the world

posco We move the world in silence

www.posco.com


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