Koreana Summer 2008 (French)

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Version francaise •

ARTS ET CULTURE DE COREE

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Vol. 9, N°2

Ete

2008


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BEAUTES DE COREE

Le « hapjukseon », eventail de bambou

A

ccessoire portatif avec lequel on agite l'air pour se

verain puisse en gratifier ses plus fideles serviteurs. Tant par les

rafraTchir, l'eventail, que designe le vocable « seon » en

materieux de prix qui le constituaient qu 'en raison de son com-

Coree, est depuis toujours d'un usage tres repandu dans

plexe procede d'execution, le « hapjukseon » representait un

ce pays, ainsi qu·en Chine et au Japan, en raison des fortes

article de luxe particulierement apprecie de l'aristocratie.

chaleurs qui y regnent en ete, et il fut considere comme une

Piece indispensable de la tenue de ses lettres (« seonbi »].

precieuse marchandise lors de son introduction en Occident, au

auxquels il apportait la fra"1cheur en ete, mais qui l'employaient

meme titre que les perles ou soiries.

aussi l'hiver pour se proteger le visage du souffle glacial du vent

Celui que l'on nomme « hapjukseon » se distingue par une

ou des tourbillons de poussiere, il permettait en outre de se dis-

armature composee de fines lanieres d"un bambou de grande

simuler afin d'eviter les rencontres importunes ou d'echapper au x

qualite, sur laquelle sont fixes des pans de papier ou tissu repliables

regards des bandits de grand chemin.

lorsque l'emploi en est superflu . On situe les premieres fa-

Enfin, il participait intimement de la vie culturelle de ces

brications de cet article a l' epoque de Goryeo (918-1398). dont il

erudits, qui rythmaient de leur maniement la lecture de poemes

allait tenir son nom de « goryeoseon » lors de son exportation

lors de leurs assemblees, certains allant jusqu 'a s'en servir de

ulterieure en Chine et au Japan.

support pour y transcrire des vers, peindre des paysages ou tra-

Dans son pays d'origine, une tradition ancienne voulait que

cer les quatre plantes, symboles de l'homme sage, que sont le

l'on en fit present au cinquieme jour du cinquieme mois lunaire,

chrysantheme, l'orchidee, la fleur de prunelier et le bambou .

dit de Dano, qui marquait le plus souvent le solstice d'ete, et les

Aujourd'hui encore produit par des moyens traditionnels, cet arti-

ateliers royaux s·activaient alors a sa confection pour que le sau-

cle fait figure de veritable objet d'art. lli


Koreana Arts et Culture de Coree

Vol.22, N° 2 Ete2008

A l'heure oll elle se transforme en un pays pluriethnique et multiculturel dont les differentes communautes coexistent

pacifiquement gr§ce a la tolerance, la Coree met en place de nombreux dispositifs d"aide

l'intfgration sociale de sa popu!ation etrangere. Photographie Jang Jun -k i

La Coree al'heure du multiculturalisme 8

Le multiculturalisme atravers l'histoire coreenne, un depassement du sentiment de superiorite nationale pour s'acheminer vers la diversite Han Geon-soo

14

Une experience multiculturelle en Coree : les villages etrangers de Seoul Eun Mee Kirn

24

Defis de la societe multiculturelle Choe Hyun

a


32

Publication trimestrielle de la

DOSSIER

Le benevolat en marche pour surmonter de sombres evenements Lee Tae-il

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De la photographie comme moyen de transcender l'image

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ARTISAN

Le grand sceau d'Etat, expression de l'ame et de la philosophie des ma1tres artisans I CheonJing i

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CHEFS-D'CEUVRE

Le bouddha Vairocana du Temple de Dopiansa, un symbole d'harmonie SOCiale I Lirn Youngae

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VIE QUOTIDIENNE

Le retour du« costume de vent », le « hanbok »

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© Fondation de Coree 2008 Taus droits reserves. Tou te reproduction integrale, ou partielle, faite par quelque procede que ce seit sa ns le consentement de la Fondation de Coree. est illicite. Les opinions exprimees sont celles des auteurs et ne reflE!tent pas necessairement celles des editeurs de Koreana ou de la Fondation de Coree. Koreana . revue trimest rielle enregistrE!e aupres du Ministere de la Culture et du Tourisme !Autorisation n° Ba-1033 du 8 aoOt 19871. est aussi publiE!e en chinois. anglais. espagnol. arabe. russe , japonais et allemand.


La Coree ä l'heure du multiculturalisme Apres avoir franchi le cap du million d'habitants, le nombre de ressortissants etrangers vivant sur le sol coreen represente aujourd'hui deux pour cent de la population et se compose, ä raison d'une pour dix, de personnes ayant fonde un foyer en contractant un mariage mixte. Le choix de quitter son pays pour s'etablir ä l'etranger correspond aujourd'hui ä une tendance mondiale qui devraitfortement s'accelerer selon toutes les previsions et dans ce contexte, la possibilite s'offre ä la Coree d'acceder au pluralisme culturel en se faisant plus cosmopolite. Si d'aucuns estiment que le pays n'a pas atteint un niveau de maturite suffisant ä cet effet en raison du climat social au de mentalites peu enclines ä l'integration d'une composante etrangere, I' avenement du multic de dresser un etat des lieux.

n est pas moins imminent et il importe dans cette perspective


Enseignants et eleves d'une ecole internationale ou, au contact d' enfants issus de mariages mixtes, les jeunes Coreens deviendront les artisans de la divsersite culturelle venir.

a

Š Ahn Hong~beom



Le multiculturalisme atravers l'histoire coreenne, un d8passement du sentiment de sup8riorit8 nationale pour s'acheminer vers la diversite L'orgueil national est un sentiment nature! auquel le peuple coreen ne fait pas exception apres les periodes difficiles qu'il a traversees al'ere moderne et qui ont suscite chez lui une assez forte tendance

a

l'ethnocentrisme. Une retrospective permettra de comprendre la formation de son identite nationale, en ce )()(lesiecle Oll Se prepare l'avenement d'i e, societe ~ uJticuJturelJe. Han Geon-soo Professeur au Departement d'anthropologie culturelle de>l'.[!nilersite nationale de Kangwon Kwon Tae-kyun Photographe

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Gravure representant la rencontre historique du roi Kirn Suro [?-199). qui in staura le royaume de Gaya [42- 5621. avec Heo Hwang-ok, venue d'Ayuta, qu'i.l allait prendre pour epouse en contractant une alliance m ixte sans precedent dans la monarchie coreenne. Si la Coree ne compte encore qu·une faible proportion de ressortissants etrangers dans sa population, le nombre de mariages mixtes et d'enfants issus de ces unions y progresse fortement depu is quelqu es annees. ·

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Illustration: Ki rn„Yoon-myo ng - 1 )~


es exploits des joueuses de golf coreennes aux Etats-Unis rejouissent toujours autant leurs compatriotes et, au lendemain de la crise financiere qui frappe l' Asie de plein fouet en 1997, plongeant les Coreens dans un douloureux desespoir, sans plus aucune confiance en eux-memes, c'est cette ÂŤ combativite aux pieds nus Âť de la sportive Pak Se-ri qui va leur redonner la temerite qu'ils avaient demontree face a l' oppression coloniale et aux affres de la guerre. Lors du tournoi de l'US Open de 1998, lorsque sa balle tombe dans un bassin au dernier trou du parcours, cette championne fera preuve de courage et de tenacite en se refusant a l'y laisser et en se dechaussant pour aller la frapper jusque dans l'eau. Par la suite, cet acte de bravoure sera pris en exemple maintes fois dans des annonces audiovisuelles diffusees par les pouvoirs publics a l'intention de la population pour l'exhorter a surmonter la crise et retrouver l' espoir.

L

Etes-vous coreen ?

La prouesse d'une golfeuse professionnelle aux Etats-Unis, qui avait certes de quoi satisfaire et encourager ses compatriotes, suscite en meme temps d'autres interrogations. Ainsi, les championnes Michelle Wie et Christina Kirn, toutes deux americaines, mais que la presse

coreenne designe par leurs noms coreens respectifs de Wie Seong-mi et Kirn Cho-rong, inspirent un certain orgueil national en Coree et les medias de leur pays d'origne, contrairement a ceux des Etats- Unis, font toujours fierement etat de leur nationalite, tout comme ils se referaient a leurs ainees Pak Se-ri et Kirn Mi-hyeon, leurs supporteurs faisant de meme en les considerant des leurs. La participation de la premiere d'entre elles au tournoi americano-europeen de la Solheim Cup pour defendre les couleurs des EtatsUnis a meme fait debat, alors qu'elle avait represente la Coree dans une rencontre qui opposait en 2004 ce pays au Japon, et des photos Oll elle arborait des peintures faciales aux motifs de bannieres etoilees ont quelque peu deconcerte ses admirateurs. Par la suite, elle allait decontenancer plus encore nombre d'entre eux en declarant se sentir plutot americaine au cours d'un entretien accorde a la presse coreenne, les internautes adressant leurs vives critiques aux medias, pour avoir fait etat de ces propos, mais aussi a l'Association coreenne de golf professionnel feminin (KLPGA), qui l'avait choisie pour representer la Coree lors du match contre le Japon, exigeant qu'elle soit desormais appelee par son nom americain. Par ailleurs, l' experience vecue par un ressortissant pakistanais d'abord venu travailler en Coree, mais ayant plus tard acquis la nationalite coreenne en contractant une union, revele un tout autre aspect de la situation. Apres de dif-

ficiles debuts en terre etrangere, ce travailleur immigre epousera une Coreenne avec laquelle il ouvrira dans la province de Gyeonggi-do une petite epicerie proposant des produits d'importation en provenance de son pays natal. Son bonheur d'avoir enfin accede a la citoyennete coreenne sera neanmoins terni par une algarade avec un passant entre par curiosite et le qualifiant d'etranger. Le commen;:ant l'informant alors du contraire en lui presentan t fierement sa carte d'identite, l'homme s' etonne qu' elle ait pu etre delivree a un Pakistanais au facies si different et maitrisant a peine la langue. Ces deux anecdotes illustrent parfaitement les evolutions ou contradictions auxquelles est confrontee la Coree d'aujourd'hui du fait d'un accroissement rapide des courants migratoires a destination de son territoire et, a l'heure Oll elle se soumet aux imperatifs de la mondialisation, il lui incombe de remettre en question les principaux criteres, qui semblaient alors s'imposer tout naturellement, d'appartenance a une identite ou population coreenne, tout en relevant le defi que pose l'adoption de nouvelles valeurs culturelles plus universelles et diverses, en apprenant a accepter les differences.

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Avenement de l'identite coreenne

La comprehension du sentiment national coreen tel qu'il se manifeste a l'epoque contemporaine exige de revenir sur l' apparition des notions de communaute ou d'identite nationale

c¡est la reine Heo Hwang- ok qui aurait ap porte d'lnde cette pagode de pierre situee au Temple de Pasa. a l'occasion du taut premier mariage mixte contracte par un souverain coreen. 2 Dans la tombe de Gwaereung, qui abrite la sepulture de Wonseong, tre nte -huitieme monarque de Silla, cette statue de pierre pourrait representer un personnage nat if de l'ouest chinois, a en juger par les traits du visage et la barbe.

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qui participent d'un heritage plusieurs fois millenaire ayant subi d'importantes evolutions au fil du temps. D'une maniere ou d'une autre, les Coreens ont etabli des liens et echanges avec differents peuples, etendant deja leur influence a la Mandchourie actuelle, sous le royaume de Goguryeo (37 av. J.-C. - 668 ap. J.-C.), par l'intermediaire de differentes ethnies des regions septentrionales dorrt !es ressortissants allaient par la suite se fondre en une societe multiethnique avec des peuples etrangers tels !es Malgal, aussi dits Mohe, pour instaurer la monarchie de Balhae (698-926), apres la chute du premier. Les documents historiques revelent en outre, a propos du royaume de Gaya (42-562), que Heo Hwangok (38-89), qui monta sur le tr6ne et perpetua la lignee du dan des Heo de Gimhae, etait originaire d'Ayuta et, si !es opinions divergent quant a l'emplacement precis de ce dernier, il apparait que sa population aurait entretenu des relations avec d'autres peuples, notamment en Inde. Au dixieme siede, l'effondrement du royaume de Balhae circonscrira des lors l'histoire nationale au so! peninsulaire et, si les dynasties s'y succederont, leurs sujets auront toujours plus conscience d'appartenir a une communaute liee par un meme destin historique a l'interieur de frontieres communes. Sous !es monarques de Goryeo (918-1392), la Coree connaitra une importante evolution culturelle du fait d'apports exterieurs resultant du dynamisme de

son commerce international, lesquel s'etend alors, par-dela la Chine, jusqu'a des contrees au riche et original heritage telles que l' Arabie. Pour que s' attenue cette libre assimilation de cultures exogenes, il faudra attendre le xnre siede et l'invasion par la dynastie des Yuan, clont l'hegemonie politique se doublera d'une domination par la culture mongole. La dynastie Joseon (1392-1910) marque une etape decisive de la formation de l'identite culturelle coreenne, avec l'introduction du neoconfocianisme comme ideologie officielle qui donnera naissance a toute une culture specifique dans l'aristocratie, puis, principalement au xvrresiede, le renforcement de ses preceptes pour guider le peuple et regir sa vision du monde. L'epoque des invasions japonaises de 1592 a 1598 est marquee par des relations toujours plus etroites avec la dynastie Ming (1368-1644), clont l'intluence se fera d'autant plus sentir sur l'identite culturelle coreenne que les deux nati o ns adherent aux memes valeurs neoconfuceennes et se refusent a toute union avec une entite qui ne !es a pas faites siennes. Tout au long de la dynastie Joseon, ce principe fai;:onnera un certain etat d'esprit a l'egard des populations immigrees. En regle generale, le royaume se montrait hospitalier envers !es apatrides venus de contrees etrangeres, notamment ceux de la Chine des Song et Ming venus trouver refuge apres la disparition de leurs Etats respectifs, ce qui etait le

cas des l'epoque de Goryeo. Quant aux personnes originaires d'autres nations ou regions, telles le Japon et la Mandchourie, elles se voyaient dispenser un certain temps d'acquitter l'imp6t ou d' effectuer des corvees, ainsi que d'accomplir le service militaire trois generations durant, afin de favoriser leur etablissement dans le pays. Ces liberalites allaient permettre a nombre d'etrangers de s'integrer a la vie coreenne et, sous le regne du roi Taejong (r. 1400-1418), c'est-a-dire des les premiers temps de la dynastie, quelque deux mille Japonais residaient deja dans la province de Gyeongsang-do. Le critere d'allegeance au confucianisme

Les chroniques historiques sur la Coree de Joseon ne font etat d'aucune discrimination, tout au moins de nature politique, exercee a l'encontre de personnes immigrees en raison de leur origine ethnique, seule l'adhesion a l'ideologie dominante du confucianisme conditionnant le traitement qui leur etait reserve, et il arriva meme que des sujets instruits de la Chine des Song ou des Ming accedent a des postes gouvernementaux que !' 011 repugnait a offrir aux Jurchen de Mandchourie ou aux Japonais. Ce refus etait motive par le fait que, dans ces deux

a a

C'est La crise d'identite resultant de La colonisation japonaise qui allait donner naissance une conscience nationale au sens moderne du terme. En accordant une importance extreme l'origine et La filiation des familles, les Coreens tentaient ainsi de mettre en echec La politique d"integration forcee entreprise par le Japon imperial et de corroborer l'hypothese qu'ils formaient un seul et meme peuple descendant de Dangun. En outre, l'interdiction faite par l'occupant d"employer La Langue coreenne allait encore exacerber cette prise de conscience nationale et rassembler ses locuteurs au sein d'une meme communaute linguistique apres l'independance.

a

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derniers eas, l'assimilation de la eulture nationale demeurait insuffisante, et non par l' origine ethnique ou geographique des individus, sur laquelle primait clone l'integration eulturelle. En mettant l'aeeent sur l'adoption des preeeptes confueianistes, l'Etat de Joseon allait ainsi promouvoir la construetion d'une identite nationale que renforeeraient eneore, aux: XVIe et XVIIe siecles, les invasions respeetivement entreprises par le Japon et la Chine des Qing (Mandehous), qui allaient ebranler le pays en y oeeasionnant des ravages, ear perpetrees par deux: nations fondees par des peuples peripheriques guere plus evolues que des barbares. Aussi, les veritables ealamites que representerent ees agressions eurent pour effet paradoxal d'aeeroitre toujours plus le sentiment de fierte a l' egard des valeurs eulturelles neoconfucianistes ehez les sujets de Joseon. L'importanee aecordee a ees eriteres eonfueeens d' assimilation culturelle ne eoneernait d'ailleurs pas que les etrangers, mais touehait les Coreens eux:-memes, ear la classe dirigeante, qui se seindait en clans selon ee clivage, etait en proie a des querelles intestines, tout en s'aecordant a reeonnaitre l'imperatif de preponderanee du eonfueianisme dans toute l'humanite, e'est-a-dire l'avenement d'une identite culturelle unique, sans consideration de classe sociale. A eet egard, la perpetuation de la lignee familiale par le fils aine et l'importanee de la purete du sang repondaient a une volonte d'applieation des preceptes eonfueianistes et ne constituaient clone nullement une fin en soi. Si les ehroniques d'alors exposent l'ideologie regnant au sein de la dasse dirigeante, aucune d' entre elles n' evoque les relations coneretes qu' entretenaient au quotidien les gens du peuple avee les immigres. Au XVIIIe siede, Bak Jiwon (1737-1805), penseur de l'ecole prag12 Koreana I Ete 2008

matique et ecrivain de la fin de Joseon, eonsaere a la vie de ressortissants ehinois etablis en Coree depuis la ehute de la dynastie Ming de brefs passages de sa nouvelle intitulee ÂŤ Histoire de Monsieur Heo Âť. Afin de stigmatiser l'hypoerisie des courtisans et nobles qui exigeaient que soit ehatiee la dynastie Qing pour avoir conquis eelle des Ming, jadis a la tete d'un Etat eonfueeen ami, le heros qui donne son nom a eet ouvrage propose non sans audaee, au vu des liens etroits qui unissaient ee dernier a Joseon, de donner des courtisanes pour femmes aux: refugies de eelui-ei afin de faeiliter leur etablissement dans le pays plutĂśt que de les condamner a tout jamais au vagabondage ou au veuvage. Par le biais de son protagoniste, Bak Jiwon formulait ainsi ses propres eritiques a l'eneontre des contradietions de la soeiete joseonienne, e'est-a-dire ou les obligations dietees par la morale ne se coneretisaient pas dans la realite, mais il importe avant tout de retenir de ee recit que nombre de refugies, tout au moins eeux: qui n'avaient pas aequis de formation confueianiste, demeuraient exdus et en souffraient eruellement. En aecordant la primaute a ses relations privilegiees avee la dynastie des Ming, la soeiete de Joseon que depeint Bak Jiwon s' etait ainsi repliee sur sa contemplation de la tradition confueianiste, ne reeherehant que sa sauvegarde en fustigeant les Qing, lesquels etaient a mille lieues d'entreprendre une queleonque invasion, si tant est que leurs strategies reelles soient ineompatibles avee le confueianisme. Il apparait ainsi que l'identite eulturelle de Joseon trouve ses raeines dans une vision de sa plaee au seeond rang des nations confueeennes apres la Chine des Ming. Progression de l'idee de nation monoethnique sous l'occupation japonaise

L'identite culturelle eonfueeenne Sera mise a rude epreuve a l'aube du XXe siede, qui marque un tournant dans l'histoire des eivilisations ear, tandis que s'instaure un nouvel ordre imperialiste, la soeiete de Joseon n' est plus en mesure de consaerer temps et efforts a l'adoption et a l'assimilation de cultures et teehnologies nouvelles. Des eonsiderations eommereiales suseitant largement les visees expansionnistes des grandes puissanees, la dynastie va s' enfermer dans une politique de rejet des cultures etrangeres impies, notamment oeeidentales, pour mieux: defendre les preeeptes vertueux du eonfueianisme, alors qu'elle aurait du s'ouvrir toujours plus aux: nouvelles teehniques et influenees. En 1910, l'annexion offieielle de la Coree par le Japon sera suivie d'une veritable entreprise de nettoyage ethnique, et apres s' etre vu spolier de sa nation, le peuple eoreen lui-meme allait etre menaee de disparition du fait de la politique d'assimilation foreee menee par un oecupant desireux de priver eelui-ei de ses raeines, non seulement par l'interdietion qui lui etait faite d' employer sa propre langue, mais aussi par l'obligation de renoneer aux patronymes coreens a la fav~ur de noms a eonsonanee japonaise. C'est la erise d'identite resultant de la eolonisation japonaise qui allait donner naissanee a une eonseienee nationale au sens moderne du terme. En aeeordant une importanee extreme a l' origine et a la filiation des familles, les Coreens tentaient ainsi de mettre en eehee la politique d'integration foreee entreprise par le Japon imperial et etayer l'hypothese qu'ils formaient un seul et meme peuple deseendant de Dangun. En outre, l'interdietion faite par l'oecupant d' employer la langue coreenne allait eneore exaeerber eette prise de eonseienee nationale et rassembler ses locuteurs au


« Danse de Cheoyong », que

pe ignit Kirn Hong-d o sous le Royaume de Joseo n et ou figure un ma sque originaire d'Asie Centrale.

------~...._:~ sein d'une meme communaute linguistique apres l'independance. Si la politique d'assimilation forcee mise en ~uvre par les colonisateurs japonais avait reveille un nationalisme fonde sur l'uniformite ethnique et l'homogeneite culturelle, la partition du pays faisant suite a sa liberation et a un conflit arme n'allaient faire qu'aviver plus encore ce sentiment. Egalite et valeur de toutes les cultures

Ainsi, le sentiment national coreen represente la synthese de differentes evolutions historiques au long cours, chaque epoque ayant, par son contexte specifique, considerablement influence la formation ou l'alteration de l'identite nationale et culturelle, tout comme le xxesiede est a l'origine de celle qui prevaut aujourd'hui. De meme que ce sentiment identitaire changea radicalement du royaume de Goryeo a la dynastie de Joseon, il doit aujourd'hui prendre en compte les changements imposes par la mondialisation. La notion de frontiere elle-meme est en pleine evolution, parallelement a l'augmentation des migrations trans-

frontalieres, et plus de six millions de ressortissants coreens vivent aujourd'hui aux quatre coins du monde, la population immigree que compte le pays depassant un million d'individus. Les femmes prenant un Coreen pour conjoint se voient accorder de ce fait sa nationalite et connaissent des lors une nouvelle vie, de nombreux travailleurs immigres choisissant egalement de s'installer definitivement en Coree plutöt que de rentrer au pays. Si les Coreens n'avaient jamais eu jusqu'alors a faire la distinction entre les notions de « nation » et de « groupe ethnique », ils constatent aujourd'hui la presence croissante de personnes ethniquement differentes tout en vivant comme de veritables citoyens coreens, de meme que l'on compte a l' etranger toujours plus d'habitants d ' origine coreenne. Sur le sol coreen, le nombre de ressortissants etrangers obtenant la citoyennete du pays, sans en parler la langue ni en posseder la culture, ne cesse de progresser, ainsi que celui des hommes et femmes qui ne possedent aucune maitrise de la langue en depit de leurs origines coreennes ou clont la culture est totalement differente.

En consequence, il incombe au pays et a ses habitants de savoir s'adapter ade telles evolutions, car nul ne saurait nier qu'il faut depasser le stade de l'acceptation des differences culturelles pour jeter les bases d'une societe fondee sur la diversite culturelle des maintenant, c'est-adire precisement au moment ou se mettent en place des composantes pluriethniques et multiculturelles. Nes de la resistance au regime colonial japonais, les principes de « monoethnicite » et de « purete du sang » constituent aujourd'hui autap.t d'obstacles a surmonter, tout comme il conviendrait aussi de remettre en question l'idee de superiorite culturelle, qui se trouve profondement ancree dans l'histo ire, car il est non seulement condamnable de faire reposer une identite nationale sur ce sentiment de superiorite, ainsi que sur la notion d'homogeneite culturelle, tous deux provenant d'un systeme de pensee neoconfucianiste, mais cela est aussi en totale contradiction avec la realite, puisque societe et population de la Coree nouvelle sont toutes deux appelees a se developper gräce aux apports de la diversite ethnique et culturelle. &> Ete 2008 1Koreana 13


Eun Mee Kim Professeur al'ecole d'etudes regionales de l'Universite feminine d'Ewha Ahn Hong-beom Photographe

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A

l'ete 2007, le nombre de ressortissants etrangers en Coree franchissait le cap d'un million et, si ce chiffre ne represente qu'une faible proportion de dem: pour cent de la population totale, il a suscite l'etonnement dans un pays qui se caracterise par Süll homogeneite ethnique am: yeux: de la plupart de ses habitants. 11 porte sur plus de quarante nationalites differentes, auxquelles il convient d'ajouter les personnes effectuant de courts sejours touristiques, d'etude, d'affaires ou de travail et accroissant considerablement cet effectif appele a progresser toujours plus a l'avenir. Le choix du village pour une population en forte augmentation

Dans la vie de tous les jours, les Coreens c6toient souvent des etrangers, qui, fr6lant une epaule dans le metro, qui, indiquant leur chemin a des touristes ou faisant leur connaissance dans des restaurants de cuisine locale, lorsqu'ils n'etudient pas ensemble a l'universite, et ceux-ci font a ce point partie du quotidien qu'un divertisse-

-

ment televise reunissant de belles invitees venues d'autres pays connait un important succes. Plus ouverte a la mondialisation que toute autre ville coreenne, Seoul recense dans sa population vingt-huit pour cent de ressortissants etrangers effectuant des sejours de longue duree et residant pour certains dans une dizaine de villages rassemblant une communaute donnee au sein d'un quartier, comme les Frarn;:ais de Seoraemaul, a Bangbaedong et Banpo-dong, les musulmans tenant de nombreux: restaurants et magasins pres de la mosquee d'Itaewon, les Mongols eux: aussi restaurateurs, mais aussi agents de voyage, boulangers et proprietaires de salons de beaute dans la « Tour mongole » jouxtant le stade de Dongdaemun, les Philippins et le marche de Hyehwa-dong Oll ils se rendent le dimanche pour retrouver un petit coin de leur pays Oll vendre et acheter des produits, les Chinois installes aux alentours de Myeong-dong et Yeonnam-dong, les Japonais du Petit Tokyo d'Ichon-dong, ou encore et surtout, par leur superiorite numerique, les Chinois

Population immigree enCoree 1 066 273

1118495

747 467

d'origine coreenne de la rue de Yeonbyeon, a proxirnite des eglises et magasins de Garibong-dong, dans l'arrondissement de Guro-gu. Specificites des differents villages

Ces zones communautaires se differencient par leur caractere residentiel ou culturel et regroupent, dans le premier cas, des personnes qui sont originaires de nations a tradition migratoire ancienne telles que les Etats-Unis Oll le Canada et qui y ont forme tres tot

-

Population immigree en Coree decomposee par nationalite

Statistiques r€alisees au mois de mars 2008

Total

1 118 495

Chine (Sino-coreen)

(367 147)

Etats-unis

114808

550 103

Vietnam

74 564

Philippines

50 894

Tha"ilande

46 858

Japan

35 746

Mongolie

34 245

lndonesie

26 076

ra·1wan

26 057

Ouzbekistan

20 178

Canada

17 013

Sri Lanka

14 256

Bangladesh

12 941

Pakistan

10432

Russie

9 969

lnde

7 539

Cambodge

5 912

Nepal

5 546

678 687 566 835 381116

1999

2001

2003

2005

2007

3. 2008

Australie

5 388

Royaume-Uni

4691

Myanmar

4101

Allemagne Autres

3 397 37 781

Sour ce: Mini stE!re de la Just ice , Se rvice de l'lmmi grati on So urce MinistE! re de \a Ju stice , Service de l'im mi grat ion

16

Korea na I Ete 2008



des enclaves apres n'avoir pu s'integrer vie de leur pays d'accueil. Tandis que dans d'autres pays, les communautes de ce type se laissent assimiler au fil des generations, a un rythme dependant surtout de leur reussite economique, pour finalement entrainer la disparition des quartiers concernes ou leur peuplement par de nouveaux arrivants, ceux de Seoul temoignent bien au contraire d'une grande stabilite en resistant a l'apport de vagues migratoires plus recentes, un phenomene qui s' explique par la difficulte qu' eprouvent les Coreens a s'accoutumer a la diversite culturelle et leur reticence a accueillir des etrangers parmi eux. Ils comportent notamment ceux de la rue de Yeonbyeon, de Seoraemaul et du Petit Tokyo. Quant aux quartiers du second type,

a la

18 Korea na I Ete 2008

ils ne constituent pas des lieux de vie, mais de frequentation reguliere pour les etrangers d'une origine donnee qui souhaitent y perpetuer l' expression d'une culture commune, cette pratique etant caracteristique d'un pays d'accueil a faible population immigree. Depourvus de cette population etrangere, ils n' en acquierent donc pas les caracteristiques de maniere permanente, mais celle-ci s'y retrouve pour echanger des informations, manger la cuisine du pays, pratiquer sa religion et exprimer par d'autres moyens sa culture, ou acceder a differents loisirs en langue maternelle, comme dans les quartiers musulman et mongol. Un village coreano-chinois : la rue de Yeonbyeon

Au nombre d' environ douze mille,

les Chinois d'ascendance coreenne c,o nstituent la plus importante communaute etrangere a resider dans un meme secteur, en l'occurrence celui des quartiers de Guro -dong eI Garibongdong, notamment ce dernier, ou s'ete.114 sur cinq cents metres, non loin du marche, la rue dite de Yeonbyeon. Ces zones, auxquelles il convient d'ajouter celle de Daerim-dong, reunissaient au depart toutes les conditions susceptibles d'attirer ces ressortissants en raison de la proximite d'infrastructures de transport, puisque trois lignes de metro les desservent, du montant raisonnable des loyers qui y sont proposes et, plus que tout, de la presence toute proche du Complexe industriel numerique de Guro offrant nombre d'emplois. Dans cette artere principale, s'ali-


gnent les commerces proposant toute une gamme de produits d'importation chinois, notamment alimentaires, aux cotes de restaurants specialises dans la gastronomie de la Chine du nord-est, d'ou viennent pour la plupart ces ressortissants d'origine coreenne, le kebab figurant souvent au menu de ces etablissements. Par leur caractere a la fois residentiel et commercial, ces quartiers possedent une specificite culturelle puisque leurs habitants s'expriment indifferemment en coreen et en chinois qu'ils ont tous deux pour langues maternelles, mais en depit de ce fait lie aux racines meme de cette communaute, celle-ci demeure auj o u rd' h ui encore mal integree a la societe. Seoraemaul, village de France

Situe dans les quartiers de Bangbaedo ng et Banpo-dong, le secteur

denomme Seoraemaul regroupe de nombreux ressortissants frarn;:ais, au point qu'il est officiellement enregistre a la mairie d'arrondissement de Seochogu en tant que « village de France ». Tandis que Je premier rassemble surtout banques et magasins, le second abrite cent trente foyers composes de cinq cent trente-neuf Frarn;:ais residant aux environs du Lycee frarn;:ais de Seoul et representant pas moins de quarante pour cent de cette communaute dans la capitale. Ce secteur repond avant tout a une vocation scolaire, puisque s'y trouvent soixante-quinze pour cent des petits Frarn;:ais de Coree, au sein de familles habitant pour la plupart petites residences ou maisons individuelles. Egalement connu sous le nom de « Petite France » ou « Montmartre coreen », il possede de multiples galeries d'art et boutiques de vins ou fromages a la

franyaise qui lui conferent sa specificite culturelle et clont le succes grandissant entraine aussi l'apparition de nombreux restaurants et cafes franyais, italiens, vietnamiens et new-yorkais, ce qui lui vaut de figurer parmi les lieux a ne pas manquer sur toutes les brochures touristiques consacrees a Seoul. Ici, le franyais se pratique tout autant que le coreen, suite a une initiative de soutien au bilinguisme adoptee par la mairie d'arrondissement de Seocho-gu, cette integration au milieu d'accueil conferant au quartier un caractere plus emblematique encore que celui de l'Institut franyais en matiere culturelle, des activites d'initiation a la culture coreenne y etant d'ailleurs proposees. Le quartier du Petit Tokyo

Paisible quartier residentiel eloigne de l'agitation de Hannam-dong et Itaewon, Ichon-dong est peuple de nom-

AYangjae-dong, t·eco le «

2

Rainbow In te rnat ional Schoo l "d ispense des cours de langues et range res, no tamment le coree n, t·ang lais et le turc. mais ini ti e egalement ses eleves aux mod alites d'in tegration dans un pays mondialise afin d' en fa ire pa rtie integra nte. Apro ximite du village sino-co ree n situ e dans le qua rtier de Garibong-d ong, le marche de Garibong attire de nombreux Chinois d'ori gi ne coreenne ve nus y fa ire des emplettes, mais aussi se ret rouver.

Ete 2008 1Korea na 19



breux ressortissants etrangers, plus exactement japonais, au point d'etre repertorie comme tel par la mairie de son arrondissemen t de rattachement, Yongsan-gu. Le Petit Tokyo figure parmi les plus anciens quartiers etrangers de Seoul par l'implantation d'une population qui rassemble mille quatre cents des quelque sept mille ressortissants japonais habitant Seoul. A defaut d'un lycee international agree par le Ministere de l'Education, il comporte une ecole maternelle japonaise et nombre d' autres etablissements educatifs, ainsi que des lieux de culte tels que des temples assurant des offices en langue japonaise, et abrite de ce fait la plus grande partie des enfants japonais d'äge prescolaire de Seoul. Enfin, il possede ses boutiques, salons de be aute, restaurants, laveries et alimentations specialises ou les commer<;:ants s'expriment en langue japonaise, tout comme aux guichets de banque

-

reserves a cet effet. Les Japonais etant d ' un naturel reserve, l'anciennete de ce quartier n'est guere apparente, bien qu'elle surpasse celle de toute autre communaute etrangere a Seoul, mais a y regarder de plus pres, on remarque les dames a bicyclette et enseignes de restaurants bilingues qui en font un authentique petit coin de Japon en Coree. Quartier residentiel hybride, le Petit Tokyo s'est developpe au fur et a mesure qu'apparaissaient bätiments scolaires ou religieux, services ou commerces, mais contrairement a ceux qui regroupent d'autres communautes, il est surtout voue a des fonctions residentielles et d'echange culturel entre ses ressortissants que d'autres secteurs a caractere plus touristique. Le quartier musulman proche de La mosquee d'ltaewon

Haut lieu d'une pluralite culturelle clont temoigne son pittoresque, le

Villages etrangers de Seoul

/

Rue des Philippines

quartier d'Itaewon-dong, situe dans l'arrondissement de Yongsan-gu, abrite notamment une population musulmane. Depuis l' edification de la grande mosquee de Seoul, en 1976, on y recense environ quatre-vingt mille adeptes de cette religion, qui pratiquent aussi celleci dans les huit autres que compte le pays et, a la priere du vendredi apresmidi, dans la capitale, s'y rassemblent pres de cinq cents d' entre eux, tant coreens qu'etrangers venus surtout des pays d'Asie du Sud-Est comme le Pakistan, le Bangladesh ou l'Indonesie. Une telle diversite ethnique et linguistique amene les croyants a s'exprimer en anglais, mais surtout en coreen, que nombre d' entre eux ont acquis dans le cadre de stages en usine et, aux abords de la mosquee, il est clone tres frequent d' entendre des etrangers converser entre eux par ce moyen. Autour de ce lieu de culte, a vu le jour toute une activite de commerce et

Rue Nepalaise

!:t

Quartier chinois Rue de l'Asie centrale Rue de Russie

~

I-P-et-it_T_o-ky-o~ ~ ~ ~ ~~ ~ ~~ ~~~---,,.~ ~ ~ ~.,,_.. ~ . _

Guro- gu

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~Ga"f1bong.::dong- _ _ _

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Quartier de Yanbian (Yeonbyeon)

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Banpo-dong ',

Tour Mongole Village ilslamique Rue nigenenne

Seocho- gu '., • '

Village de Seoraemaul

U

Ete 2008 1Koreana 21


de restauration exercee conformement aux preceptes du rite, notamment en matiere d'alimentation, comme cette boucherie proposant de la viande halal, tandis qu'en fin de semaine, quelques etals offrent leurs produits importes des pays musulmans, mais ce sont avant tout les restaurants islamiques aux gerants core ens et aux cuisiniers etrangers qui conferent au quartier une particularite culturelle que viennent decouvrir des touristes de toutes les nationalites. En outre, il convient de souligner !es efforts en trepris par la grande mosquee pour instaurer un dialogue avec la population locale en dispensant des cours de langue coreenne et arabe, mais aussi de culture, philosophie et theologie musulmanes, ainsi que des programmes educatifs a l'intention des ecoliers du quartier, autant d'initiatives visant a mieux faire comprendre l'Islam. Il s'agit d'un quartier culturel cree autour de lieux de culte et sans vocation residentielle, de sorte qu'il ne prend veritablement vie que les vendredis

apres-midis et fins de semaine. Le quartier de La« Tou r mongole »

C' est a la fin des annees quatrevingt-dix que se sont amorces de veritables echanges coreano-mongols et 2 438 ressortissants de cette derniere nationalite resident aujourd'hui dans differents quartiers de Seoul, plus particulierement a proximite de leurs lieux de travail et dans des zones d'habitat a loyer modere. En outre, Je Centre de promotion culturelle d'Ulaanbator, qui a ouvert ses portes en 2001 a l'initiative des deux pays, ceuvre egalement au developpement des echanges culturels entre leurs capitales respectives. Situe dans le quartier de Gwanghuidong, l'immeuble appele tant6t « Tour mongole », tant6t « He mongole de Seoul » abrite Je siege d'activites commerciales entre les deux pays, qui, du simple commerce ambulant qu'elles constituaient a l' origine, ont rapidement prospere dans cette construction de dix etages entierement composee de magasins, bureaux, restaurants, societes d'import-export, compagnies maritimes

a

2

Dressan t ses dix etag es Gwang hui-dong. la To ur mongole, avec ses pannea ux indi cateu rs rediges en alphabet cyrillique, co nstitu e une so rte de petite Mongol ie en Coree. Ta us les dim anches , les Philip pins de Coree s·ap provisionnen t en denrees de leu r pays sur un marche deploya nt ses etals l"improviste dans le qua rtier de Hyehwa-dong .

a

22 Koreana I Ete 2008

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et epiceries ouverts par ces ressortissants etrangers, comme en temoignent les textes qui y sont presque toujours rediges en langue mongole, dont l'ecriture est issue de l'alphabet cyrillique. Quand finit la semaine, les Mongols de Seoul accourent dans cet immeuble pour y trouver journaux locaux, cassettes video ou sont enregistrees les actualites televisees du pays et affichages de petites annonces relatives a des offres d' emploi, mais aussi echanger des propos, confortablement installes comme au salon de leur domicile, dans ce petit ilot constituant pourtant un centre de commerce international apart entiere.

Mondialisation de La Coree

Evolution aujourd'hui inexorable, la mondialisation s'impose aussi a la Coree, qui n'avait jusqu'alors tisse que tres peu de liens culturels avec l' etranger et se fermait a toute difference, car la progression rapide des ressortissants etrangers qui y effectuent de longs sejours la contraint a des mutations, comme en atteste la multiplication de quartiers a population etrangere. Des problemes demeurent toutefois et il est imperatif d'y sensibiliser les enfants des leur plus jeune äge afin qu'ils sachent apprecier la diversite culturelle dans un esprit de tolerance, cette action

devant se doubler de l'adoption de dispositifs juridiques et d'une information du public, mais plus que tout, s'impose aux Coreens le devoir de ne plus opposer le « nous » au « eux » et de ne voir en « l'autre » qu'un « etre humain » qui est leur egal. Les quartiers etrangers temoignent aujourd'hui encore du sain dynamisme de relations interculturelles qui, en s'intensifiant toujours plus, permettront l'avenement d'une capitale reellement internationale, pleine de vigueur et de joie de vivre, et, par-dela, d'une Coree veritablement mondialisee. !EI

Ete 2008 1Kor eana 23



Une mere et sa fille tout sourires lors du Festi ent re les ressortissants de diffe rentes natiori


Au deuxiem e etage du Korean Press Center, le « Seou l Global Center » reu ni t l'in tent ion des etra ngers tout un ensemble de prestations destinees faci liter leur vie quotidienn e en Coree , notamm ent en vue de l' acqu isi ti on de ca rtes de credit et d'abonnements la telephonie mobile. lci, des invitees de l'emi ssion de television tres suivie « Bavard age des Belles », visitent les lieu x, en vue de s' info rm er sur les services disponibles. 2 Les gra ndes entreprises qui font appel une main-d'oeuvre et rang ere co nsacre nt toujours un e part ie de leur budget l'enseign eme nt de la langue coreen ne leur personnel etrang er pour que ce lui-ci en acqu iere les rud iments qui lui seront utiles dans sa vie tant perso nnelle qu e professionnelle. 3 Enfants d'origine mixte lors d'une journee de decouverte de la culture coree nne ou sont notamment prese ntes les costumes traditionnels.

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26 Koreana I Ete 2008

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,

ores et deja engagee sur la voie du multiculturalisme gräce a sa croissance economique et a son accession a la democratie, la Coree ne peut que voir s'accroitre la presence d'etrangers sur son sol au fur et a mesure que la notion de frontiere perd de son sens dans le contexte actuel de concurrence mondiale exacerbee et de developpement accelere. Cette mutation se heurte toutefois aux fondements memes de l'identite nationale, ainsi qu'aux criteres correspondants de nationalite et de citoyenn ete jusqu 'alors definis p ar l' idee d'homogeneite culturelle et raciale, de sorte que s' impose l'adoption de principes et dispositifs d'attribution d' une nationalite autorisant le pluralisme culturel et la diversite etlmique par la promotion des atouts que ceux-ci representent pour la societe.

D

Un double point de vue C' est de la resistance opposee a la domination imperiale japonaise qu'est ne, au debut du siede dernier, un Sentiment national coreen a caractere ethnique, puisqu 'il met l'accent sur les

differences qui separent, d'une part, !es peuples coreen et japonais, et d'autre part, leurs cultures respectives, l'idee s'en etant si profondement enracinee dans !es esprits qu'apres la decolonisation, eile allait se maintenir, voire se renforcer, vis-a-vis cette fois de la reunification, clont !es tenants affirmaient qu' eile s'imposait auss i naturellement qu'ineluctablement a deux n atio ns n'ayant forme qu'un seul et meme peuple des millenaires durant. C' est en raison de ces facteurs specifiques relatifs a l'histoire moderne et contemporaine que la tendance au nationalisme ethnique fonde sur !es liens du sang et la culture est plus solidement ancree en Coree que dans nulle autre nation au monde. Une enquete recente allait toutefois reveler le declin actuel de cette conception puisque les personnes interrogees y declaraient, a propos des criteres definissant l'appartenance au peuple coreen, que ceux-ci ne concernaient pas tant aujourd'hui !es liens du sang ou l' origine ethnique que le sentiment de « coreanite ». Aux choix portant sur la nationalite du pere ou de la mere, du lieu de naissance, du respect des traditions et de la maitrise de la langue, qui constituaient autant de facteurs ethniques et culturels, s' opposaient ceux de nature politique ou juridique evoques dans !es questions concernant le respect des institutions politiques et des lois, de la contribution a la croissance, de l'accession a la citoyennete et du sentiment identitaire, ces deux dernieres conditions d'app artenance nation ale s'averant !es plus souvent citees et demontrant ainsi que droit et politique sont privilegies aux fins de celle-ci. Plus de cinquante pour cent des personnes consultees lors de cette enquete se sont declarees favorables a l'octroi de la nationalite coreenne aux etrangers nes sur le territoire, celles d'äge compris entre


vingt et quarante ans accordant plus d'importance aux criteres politiques et j uridiq ues q ue leurs aines et se pronorn;:ant plus positivement qu'eux sur la naturalisation et l' extraterritorialite juridique, ce qui atteste d'ores et deja d'une evolution suffisante des mentalites chez de nombreux Coreens dans la perspective de l'avenement du multiculturalisme. Un second point de vue s'inscrit toutefois en faux contre ces conclusions dans la mesure ou nombre de Coreens, tout en se montrant suffisamment ouverts a l'idee d'attribution de la nationalite en fonction de la residence sur le territoire, estiment encore qu'il convient d' expulser les travailleurs immigres clont les contrats sont parvenus a expiration, tandis que d'autres, qui se disent dans l'ensemble favorables a une politique de soutien a l'immigration, formulent des objections a l'encontre des mesures prises en faveur des minorites culturelles et ethniques. Un besoin de reforme et d'information systematiques

Comment expliquer de telles contradictions en matiere politique et multiculturelle, si ce n' est par Je fait que les Coreens, tout en exprimant leur accord de principe sur cette diversite, n' ont pas suffisamment pris la mesure du besoin de mettre en place differents dispositifs sociaux en vue de sa realisation durable et de la soif de consideration qu' eprouvent les exclus. L'existence de tels points de vue paradoxaux dans Ja population tient principalement au fait qu'elle n'a pas encore eu Je temps de se construire une opinion coherente sur cette nouvelle societe, en raison du rythme rapide des mutations en cours. La coexistence harmonieuse au sein de la societe d'individus presentant des caracteristiques ethniques et culturelles differentes exige l'adoption de disposiEte 2008 1Koreana 27


tifs permettant de gerer les sources de conflit ou difficultes en vue de leur prevention, ainsi qu'une bonne information du public sur ces eventuels antagonismes et les moyens d'y mettre fin. On ne saurait affirmer hätivement qu'il suffit a la Coree d'accueillir sur son sol un plus grand nombre d' etrangers pour que cette presence lui confere aussitöt le Statut de societe multiculturelie car, a cet effet, sensibilisation du public et reforme sociale s'imposent pour prendre en compte ces minorites culturelles comme il se doit et pour que l' ouverture d' esprit qui s' est amorcee se poursuive et se concretise, sans oublier la necessaire mise en place d'un environnement

favorable au developpement de la pluralite culturelle. Cette societe multiculturelle ne se limite pas a la presence de communautes d' origines ethnique et nationale differentes a l'interieur d'un territoire donne, en l' occurence la Coree, car son avenement veritable suppose la possibilite que des habitants se caracterisant par de telles differences puissent communiquer entre eux et se cötoyer en paix. Action des pouvoirs publics et des associations civiles

Le debat sur la societe multiculturelle vient a peine de s'instaurer en

Coree, dont les dirigeants politiques, au mois d'avril 2006, definissaient leurs perspectives d'avenir dans ce domaine par un programme s'intulant : « Realisation d'une societe ouverte et multiculturelle » et prevoyant tout un ensemble de mesures d'aide sociale a l'intention des travailleurs immigres et des enfants nes de mariages mixtes, auxquelles allait s'ajouter l'action entreprise par differents ministeres. Les ministeres de l'Egalite des Sexes et de la Familie, celui de la Culture et du Tourisme et celui de l'Education et du Developpement des Ressources Humaines allaient ainsi rendre publics leurs dispositifs respectivement denommes « Programme educatif en vue du dialogue interculturel », « Plan d' experience multiculturelle » et « Mesures de soutien educatif en faveur des familles multiculturelles », l'Etat allant jusqu'a preciser sa vision d'une « societe multiculturelle dialoguant avec le monde, sans discrirnination ni exclusion », et, aujourd'hui, la mise en ceuvre de ces initiatives s'avere d'ores et deja positive par l'amorce d'une plus grande ouverture d' esprit dans la population. Non qu'elles soient pour autant exemptes de defauts, puisque le « Plan d'experience multiculturelle » mis sur pied par le ministere de l'Education et du Developpement des Ressources humaines, en vue de realiser son objectif de fusion intercoreenne en un creuset culturel (« melting pot »), se propose d'apporter un soutien public a l'education des enfants issus de familles multiculturelles, de permettre une meilleure acceptation de celles-ci par les Coreens et d'introduire des elements multiculturels dans les cursus et manuels scolaires. Or, voila deja longtemps que la notion de creuset culturel se trouve fortement remise en cause aux EtatsUnis, ou eile participait a l'origine d'une politique visant a l'avenement du pluralisme culturel, mais qui a eu pour effet,


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Olympic Park 8 11 May

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Ce train s pecialement affrete pour les enfants d'origine mixte figu re pa rmi les moye ns mi s a leu r disposi ti on pour qu' ils aient acces a la lecture. 2-5 Le Festival Arirang de l'immigratio n mu lticultu relle qui se deroula it cette annee offrait la possib ilite de decouvrir des cultures variees a la popu lation coreenne, etrange re et d'orig in e mixte.

par son principe d'assimilation, de deposseder les minorit es de leurs specificites culturelles en les contraignant a l'acculturation, et que l'a supplantee celle du saladier (« salad bowl ») representant la societe multiculturelle ideale Oll les immigres font partie integrante de la societe americaine tout en conservant leur culture d'origine. Un multiculturalisme authentique ne saurait resulter du recours a des dispositifs procedant par une uniformisation artificielle, laquelle permettrait difficilemen t d'atteindre les conditions d'une saine et harmonieuse coexistence puisque certains apports s'en trouveraient exclus, pas plus que d'une volonte de fusion de tous ces elements a l'interieur d'un creuset coreen.

A cet egard, l'action des associations civiles s'avere decisive car, contrairement a celle de l'Etat qui se cantonne a la capitale et aux grandes villes de province, eile s' etend aux communautes rurales Oll elle apporte aux immigres soutien et interventions. Ces derniers n'ayant pour la plupart pas acces a la nation alite coreenne, l'action concertee de la population est d'autant plus indispensable pour assurer leur defense et, au-dela, promouvoir la realisation du multiculturalisme. La diversite culturelle ne deviendra realite que lorsque pouvoirs publics et administres en mesureront ensemble tout le sens et y adhereront pleinement pour permettre la mise en reuvre d'une politique adequate et d'une aide importante a cette fin. lll Ete 2008 1Koreana 29


Forte progression des foyers mixtes Aujourd'hui, toujours plus de Coreens choisissent de s'unir par le mariage

a des personnes d'autres nationalites, le nombre de couples mixtes ayant ainsi decuple en quinze ans, puisque ceux-ci sont passes de 4 710 en 1990 a 43 121 en 2005. Cette veritable explosion concerne en particulier les alliances matrimoniales entre citoyens de sexe masculin et ressortissantes etrangeres, clont les cas s'elevent a eux seuls a deux cent soixante. Si le chiffre des mariages mixtes a legerement baisse apres avoir plafonne en 2005, il s'elevait neanmoins a 38 491 en 2007, soit onze pour cent de toutes les unions contractees, et il devrait poursuivre sa progression pour atteindre vingt pour cent d'ici a 2020. Il convient par ailleurs de noter la diversification des nationalites representees parmi les conjointes etrangeres qui se composaient pour la plupart d'Americaines, de Japonaises et de Chinoises au debut des annees quatre vingtdix, mais auxquelles s'ajoutent aujourd'hui des personnes originaires d'Asie du Sud-Est, d'Europe et d'Oceanie, celles de la premiere de ces trois regions etant les plus nombreuses, en particulier pour ce qui concerne le Vietnam, de sorte que leurs unions avec des Coreens passent aujourd'hui pour tres courantes. Le phenomene du mariage mixte temoigne du pluralisme culturel qui s'instaure aujourd'hui en Coree, des etudes revelant que le nombre de conjointes etrangeres s'est eleve en 2007 a 110 362, soit quatorze pour cent de l'ensemble des ressortissants d'autres nationalites effectuant de longs sejours en Coree et que parmi elles, une sur dix avait obtenu la naturalisation coreenne. Quant au nombre d'enfants d'origine mixte, il connait egalement une importante augmentation parallelement a celle des unions contractees et ce sont 13 445 d'entre eux qui ont ete scolarises l'annee derniere dans des etablissements d' enseignement primaire, colleges et lycees coreens, soit pres du double de l'effectif recense en 2006, autant d'individus qui, au fur et amesure de leur insertion dans la societe, joueront un rรถle decisif dans l'avenement d'un veritable pluralisme culturel en Coree. II)

-

Nombre de mariages mixtes enCoree 43 ,12 1

1990

1995

2000

2005

39,690

38,491

2006

2007

Source: Office nat iona l des statistiques

-

Nombre d'enfants scolarises d'origine mixte

13,445

2005

2006

2007

Source: Office na ti ona l des statist iqu es

Les nouveaux maries cele brent leur unio n lors d'une ce remonie co llective.

30 Koreana I Ete 2008


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1

'

Dispositifs d'aide au , pluralisme culturel mis en place par l'Etat Fourniture de reseaux d'informations Dans le cadre d'initiatives visant a faciliter les contacts entre epouses etrangeres de citoyens coreens, ainsi qu'une bonne information des foyers mixtes et ressortissants etrangers en Coree, le ministere de la Justice, avec l'aide de quatorze bureaux d'immigration dissemines dans tout le pays, cherche a mettre en relation les ressortissants de meme nationalite, notamment a l'intention de ces conjointes, clont il souhaite favoriser l'integration a la societe, mais aussi a la vie culturelle et economique du pays, tout en luttant contre toute forme de discrimination. En 2007, ce dispositif gere par les quatorze services susmentionnes avait ainsi recense pas moins de 14 860 femmes dans cette situation, parmi lesquelles le Ministere de la Justice prevoit actuellement de faire designer des representantes et pour qui il envisage egalement une serie de mesures concretes, ainsi que l' organisation de forums de discussion, afin de favoriser leur insertion dans Je pays. II met egalement en oeuvre des projets destines a ameliorer constamment ses services d'aide et de conseil pour permettre aux ressortissants etrangers de surmonter leurs multiples difficultes. Soutien aux foyers mixtes Le ministere de la Sante, du Bien-etre et des Affaires familiales centre son action sur l'adoption d'un ensemble de mesures d'aide aux familles d'origine mixte et, a cet effet, a double Je nombre de ses Centres de soutien a l'intention des conjointes d'origine etrangere et de leurs foyers, lequel est passe de trente-huit a quatre-vingts entre 2007 et 2008. En outre, l'apprentissage du « hangeul » et Je soutien scolaire destine aux enfants issus de ces unions est en progression rapide, Je budget alloue a ce poste atteignant aujourd'hui 18,2 milliards de wons au lieu des 2,3 milliards de l'annee precedente, soit respectivement pres de 18,2 et 2,3 millions de dollars. Le ministere entend intensifier son action en faveur de projets d'enseignement en ligne tels que ses « Services de formation en ligne au « hangeul » et « Services de cours en ligne destines aux enfants » qui se sont averes etre tres

apprecies par leurs beneficiaires, notamment dans !es familles de travailleurs immigres. Au cours de Ja seule annee 2008, pres de six mille adultes devraient effectuer par ce biais un apprentissage du « hangeul », tandis que Ja seconde formule citee plus haut devrait attirer dix mille enfants. Aide al'emploi Le ministere du Travail fournit des prestations destinees a favoriser l'emploi des ressortissants etrangers et leur protection sociale au moyen d'un dispositif d'autorisation d'embauche permettant de s'assurer que !es employeurs respectent !es dispositions de Ja legislation du travail par l'etablissement de contrats de travail en bonne et due forme avec cette main-d'oeuvre et de divers regimes d'assurances, notamment pour l'aide au depart en securite et Je reglement des arrieres de salaire afin de creer un environnement de travail qui leur soit plus favorable. Le ministere du Travail souhaite oeuvrer sans reläche en ce sens pour permettre que !es travailleurs etrangers vivent et travaillent en Coree dans Ja dignite et Ja pleine jouissance de leurs droits fondamentaux, en l'absence de toute discrimination et conformement aux lois du travail, en particulier en matiere de couverture des accidents du travail, de garantie d'un salaire minimum et d' exercice de leurs droits syndicaux. Service d'assistance telephonique aux femmes Depuis deux ans, Je ministere de !' Egalite des Sexes et de Ja Familie met a Ja disposition des ressortissantes etrangeres un service d'appel d'urgence (1577-1366) participant de differentes mesures qui visent a prevenir toute atteinte a leur integrite, notamment par Ja violence conjugale, l'agression ou l'exploitation sexuelle. Au bout du fil, des operateurs s' exprimant couramment en langue vietnamienne, chinoise, anglaise, russe, mongole ou thai:e sont prets a leur repondre en permanence pour leur apporter aide et conseils, en particulier, a titre confidentiel, des informations relatives aux procedures d'immigration, aux violences conjugales et au travail. II)

Ete 2008 1Ko reana 31




Etudiants grattant les galets noircis d'une plage de sable blanc, employes de bureau et femmes au foyer ramassant des chiffons souilles, militaires transportant du materiel destine notamment au lessivage des cÜtes : un million de Coreens de tous äges et niveaux sociaux s'etaient mobilises en accourant des quatre coins du territoire pour que revive l'ocean.

34

Koreana

I Ete 2008


enomme de longue date pour ses

R

treize heures la couche d'hydrocarbures

magnifiques paysages a la mer

jusqu'a la c6te.

d'un bleu intense, aux Tles mer-

Tandis que services specialises et

veilleuses et au lang littoral sablonneux,

garde-c6tes s'effor~aient d'endiguer

le Parc national maritime de Taean allait

l'hemorragie, une population aussi cons-

perdre taute sa poesie, le 7 decembre

ternee qu'anxieuse s·armait de seaux et

2007 a 7h05,

l'epaisse nappe de

pelles en vue du ramassage des galettes

petrole qui allait la recouvrir suite a la

d'hydrocarbures, bient6t rejointe en nom-

SOUS

collision d'une grue flottante remorquee a

bre par celle de toutes les autres regions,

environ huit kilometres au large de

qui accourait pour lui preter main forte

Mallipo, une plage du canton de Taean-

apres avoir suivi le cours des evenements

g un

situe

dans

la

province

de

sur les antennes televisees ou radio-

Chungcheongnam-do, avec le petrolier

phoniques. En eliminant a eux seuls plus

hongkongais HEBEi Spiritqui allait laisser

de di x mille tonnes de petrole, ces

s·echapper de ses flancs 12 547 000

benevoles allaient demontrer a quel point

litres, soit 10 900 tonnes, d'hydrocarbu-

ils compatissaient avec les riverains dans

res.

cette epreuve et se preoccupaient des

Ouand un mouvement spontane d'entraide fait renaitre l'espoir

les responsables des associations civiles

ravages occasionnes a l' environnement, faisant quant a eu x preuve d'un grand

Sous l'action des vents et courants

sens de l' organisation qui allait permettre

oceaniques, cette couche de petrole brut

d'attirer leur flot ininterrompu. Le jour

allait se propager jusqu 'au littoral en

meme de La catastrophe, La Federation

seulement treize heures, alors que

coreenne des mouvements ecologistes

plusieurs organismes publics concernes

avait mis en pLace un centre d'appeL des-

par la prevention des dommages y

ti ne au recrutement immediat des

afferant, dont le Service des garde-c6tes,

benevoLes et repondant au slogan :

le ministere des Affaires Maritimes et de

« Sechons Les larmes de La Mer de l'Ouest ».

la Peche, ainsi que les administrations

Sous L'effet conjugue de cette initiative et

provinciale de Chungcheongnam-do et

de la diffusion de manueLs sur les pre-

cantonale de Taean-gun, avaient prevu

miers nettoyages a effectuer en urgence,

que la derive de cette premiere nappe

ainsi que du lancement d'un appel a con-

durerait de vingt-quatre a vingt-six

tri buti on

heures. Or, sur la partie du littoral occi-

[www.kfem .or.kr]. reLaye par les medias

dental au large de laquelle s·est produite

audiovisuels, allait se mobiliser un pre-

sur

Le

site

internet

la maree noire, les zones intertidales se

mier contingent de trois mille benevoLes

trouvent ceder la place aux c6tes a rias et

arrives sur les lieux des le 15 decembre

la maree montante y progresse a la

2007 et suivis d'un million d'autres qui se

vitesse d'un kilometre a l'heure a inter-

consacreraient a leur tour au nettoyage

valles de six heures avec le reflux et allait

de La maree noire provoquee par Le HEBEi

dans le cas present deplacer en moins de

Spirit.

La maree noire a irre mediablement prive les ostreicult eurs loca ux de leurs moyens de subs istance en repan da nt une epaisse nappe de boues d'hydrocar bures su r de vastes zones co nsacrees cette activite. Les residu s de petrole ont aussi altere le frag ile eq uilibre d' un m ilieu marecageux ric he en orga ni smes vivants.

a

2 3

De taute part. des benevoles en eire et bo ttes de caoutcho uc ont accou ru en nomb re sur les c6tes sin istrees pou r deba rrasse r celles-ci des quelque dix m ille tonnes de petrole qui s·y so nt deve rsees.

Ete 2008 1Koreana 35


y consentir, persuadee que cette initiative

La mediatisation de cette action allait

pondants de presse a permis de sensi-

en outre inciter l 'administration de la

biliser le public aux problemes les plus

ne pourrait que sensibiliser davantage les

province de Chungcheongnam-do, ainsi

graves tels que les prejudices subis par

telespectateurs. Les reactions enthousiastes de ces derniers allaient lui donner

que celle de ses six cantons, dont bien sOr

les riverains mieux que n'a uraient pu le

celui de Taean-gun, a mettre sur pied un

faire des journalistes professionnels, par

raison, puisque des le premier passage a

important dispositif de soutien a leur

la diffusion sur internet d'articles et films

l'antenne, le 15 decembre 2007, les

intention, permettant ainsi d'assurer la

video decrivant la realite de cette catas-

postes proposes allaient se trouver

continuite des arrivees de benevoles

trophe d'un point de vue plus objectif.

pourvus et les visites du site internet,

apres Noel et jusqu ¡a l'annee 2008. Des lors, la Federation allait se vo ir

multipliees par dix, puis allait y succeder

Pouvoir des images et des emotions Tandis que la Fede ration coreenne

une deuxieme partie traitant des ravages

tant par le biais de son central d'appel

des mouvements ecologistes centrait son

jusque dans l'interieur des terres, mais

que sur son site internet, et allait engager

action sur la mobilisation du benevolat, la

aussi sur les Hes situees a proximite, ou

certains d'entre eux a plein temps pour

charne televisee SBS [Seoul Broadcasting

des equipes de nettoyage allaient se ren-

assurer la coordination des autres inter-

System] allait lui tendre une main se-

dre sur-le-champ.

venants, mais aussi les relations avec les

courable en offrant de realiser une serie

Une recherche sur internet d'infor-

correspondants professionnels presents

d'emissions de divertisseme nt qui trai-

mations relatives a cette catastrophe per-

submergee de candidatures volontaires,

provo ques non seulement sur la c6te et

a leurs c6tes et les journalistes. Outre

terait des operations de nettoyage et,

met de decouvrir un grand nombre d'arti-

que ce dispositif d'autoencadrement du

apres avoir eprouve quelques inquietudes

cles consacres a ce ÂŤ volon-tourisme Âť

benevolat s'est avere fonctionner par-

quant a la retransmission en direct de ses

conforte par les bonnes actions de

faitement, la cooperation avec les corres-

activites de secours, la premiere a fini par

grand es vedettes du spectacle. Comme

36

Ko rea na

I Ete 2008


l'indique son nom, resultant de la con-

en compagnie de leurs ad[!lirateurs, qui,

traction des mots « volontaire » et

effectuant des dons, et ces interventions

« tourisme », cet engagement benevole

ont profondement impressionne une

d'un nouveau genre allie ainsi deux

jeunesse coreenne decouvrant une con-

aspects et le ministere de la Culture, des

duite exem plaire que d'autres person-

Sports et du Tourisme en a defini la voca -

nalites seraient bien inspirees d'imiter.

tion comme suit : « une activite destinee a redonner vitalite et espoir a la region de

1-2

a

Peu pe u, l'incessant labeur des benevoles a permis d'accomplir ce qu'il est deso rmais convenu d'appe ler le « Miracle de Taean » , a savoir la reha bilitation de la plus grande pa rtie du littoral. mais les ravages occasionnes l'ecosysteme ne so nt pas pres de d ispara,tre. de meme que les diff icultes auxquelles doive nt fa ire face les rivera ins.

a

La noria des benevoles

Taean, non seulement par la rehabilita-

Etudiants grattant les galets noircis

tion materielle des regions sinistrees et

d'une plage de sable blanc, employes de

l'eli mination des stigmates de la catastro-

bureau et femm es au foyer ramassant

phe, mais aussi par la promotion du

des chiffons souilles, militaires trans-

tourisme » , l'Office national du tourisme

portant du materiel destine notamment

coreen ayant pour sa part annonce qu'il

au lessivage des c6tes : un million de

entendait continuer de proposer des cir-

Coreens de tous ages et niveaux sociaux

cu its touristiques a theme associant

s'etaient mobilises en accourant des qua-

tourisme et benevolat, autant d'initiatives

tre coins du territoire pour que revi ve

visant a remettre en etat l' ecosysteme

l'ocean, des le 21 fevrier 2008, soi xante-

c6tier de la region de Taean, mais aussi et

dix jours a peine apres la catastrophe. Un

surtout a relancer l'economie locale.

tel effectif represente quinze fois celui de

ll convient enfin de mentionner l'aide

la population de l'ensemble du canton de

tres remarquee des gens du spectacle,

Taean-gun et le flot incessant qui l'a ali-

comme cette creation du « Graupe Projet

mente releve du miracle, puisqu ' il

Taean » mise sur pied par Lee Hyun-woo

depasse celui des trois cent mille person-

ou la realisation du « Projet de renais-

nes qui, en 1997, avaient particite au net-

sance de Taean » que dirige Kirn Jang-

toyage du village japonais de Mikuni situe

hoon, le premier de ces deux artistes

dans la prefecture de Hukui, une mobili-

ayant enregistre a cet effet la clianson

sation qui avait pourtant ete qualifiee a

« Miracle » qui exp rime son espo ir de

cette epoque de « Miracle de Mikuni ».

voir la c6te ouest de Taean revenir mira-

Si la maree noire de Taean a

culeusement a son etat d'origine en depit

represe nte une veritable catastrophe qu'il

des terribles dommages qui lui ont ete

ne faut laisser en aucun cas se reproduire

infliges. Ce titre allait aussit6t remporter

a l 'avenir, elle aura suscite un remar-

un enorme succes et se classer en tete

quable elan de solidarite et d'amitie se

des sites de musique en ligne, ainsi que

manifestant sous forme non seulement

des hit-parades televises, le produit des

materielle, mais aussi morale, au point

recettes issues de son telechargement

que les Operations de nettoyage benevole

etant reverse au budget de remise en etat

ont ete citees en exemp le lors de la derniere session de l'IAVE [International

de l'ecosysteme. Quant au chanteur Kirn Jang-hoon ,

Association for Volunteer Effort] qui se

deja repute pour sa generosite, il allait

tenait a Panama le 2 avril 2008 et lui ont

abonder ces fonds d'un don de pres de

donne un retentissement encore plus

ci nq cent mille dollars et prendre chaque

grand.

semaine la tete d'un groupe de trois cents

Toutefois, l es dommages et souf-

benevoles pour effectuer des operations

frances subis par l'ecosysteme et la po-

de nettoyage a leurs c6tes. Une fois cette

pulation du littoral ouest, notamment a

mission accomplie, il envisage en outre

Taean, n·ayant pas pris fin pour autant, le

de donner un concert geant qui reunira la

bel elan des benevoles accourant sur les

participation

lieu x devra se poursuivre pour essuyer

de

plusieurs

autres

chanteurs au mois de juin 2008. Nombre d'autres vedettes se so nt

les dernieres larmes noires qui y subsistent. iE>

attelees a la tache, qui, nettoyant la c6te Ete 2008 1Koreana 37


38 Koreana I Ete 2008


Atta Kirn, de la photographie comme moyen de transcender l'image Les artistes sont constamment animes d'une volonte de s'affranchir des contraintes que leur imposent les representations de l'esprit ainsi que les supports de leur creation et, en depassant le cadre de l'histoire officielle et des frontieres nationales, d'atteindre le meilleur des mondes reves,

a l'instar du photographe Atta Kirn, dont l'ceuvre participe taut afait de cette demarche.

Yoon Seyoung Redactrice en chef d'Art photographique Photographes Ahn Hong-beom, Atta Kirn Studio

nvention occidentale parfaitement

averti des New-Yorkais dont est Melissa

assimilee par cette culture, la pho-

Harris, editrice de la revue de photogra-

r enter a la photographie directe, dite

phie Aperture, a qui les vues exposees ont

« straight photography » en anglais, elle

artiste coreen aujourd ' hui age de

suscite la question : « Mais d'ou venez-

s·emploie a faire decouvrir l'extraordi-

cinquante-deux ans, un excellent mode

vous donc ? De la lune ? »

1 tographie represente pour Atta Kirn,

d'expression de l'ame orientale, mais

creation semble de prime abord s'appa-

naire univers que composent les objets, et non ces derniers en tant que tels,

aussi, comme il vise a le faire compren-

Existence, deconstruction et eman-

revelant du meme coup sa vision d'artiste

dre dans les expositions qui lui sont con-

qui depasse la matiere pour explorer ce

de « montrer » que d'inviter a « penser ».

cipation C' est dans les annees quatre-vingts que l'artiste fait ses premiers pas en photographiant des patients d'hopitau x psychiatriques, parce qu 'ils n·ont pas la fa-

San regard lucide ne saisit pas seulement

culte de percevoir les limites du reel,

sacrees au carrefour de l'art contemporain qu·est New-York, de l'idee que l'art de la photographie a moins pour vocation

qui se trouve au-dela. En 1991, il entreprend d'en formuler l'idee par la realisation de « Deconstruction » , une serie de nus qui, dans leur banal decor de champs, etangs et routes, rappellent

l'instant present ou une situation donnee,

mais aussi en produisant la serie intitulee

l'appartenance de l'Homme a la Nature,

mais se charge aussi d'un sens

« Biens

au meme titre que de simples caillou x ou

culturels humains » , qui

ideologique et philosophique qui a produit

presente des maTtres artisans dotes d'une

une forte impression sur le public tres

indomptable force de caractere. Si sa

branches d'arbre. Ayant definitivement renonce a l'idee Ete 2008 1Ko r eana 39


Par ces portraits, Atta Kirn a voulu mettre l'acce nt s ur l'amour du met ier et la dro itu re qui caracterisent les maitres artisa ns coree ns. Se rie Portrai t-1®' 009, deve loppemen t chromoge ne, 90x1 13cm, 1991 . 2 Les sujets mode rn es places da ns ces caisses de plexig las represente nt la noti on d' objet ideo logiq ue. Projet Musee 045 , developpement chromogene, 122x 162cm , 1998. 3 En fo nda nt, cette sc ulpture s ur glace de Mao Zedong illustrait l'idee qu 'ideologies et di ri geants so nt voues a dispa rait re un jour ou l'au tre et l' eau en etait recueillie a l'inte rie ur de ce nt huit bouteilles. ON-AIR Project 113, 116-2, 116-4, 121-1, deve loppement chro moge ne, 188x233cm, 2005.

de domination de la Nature par un etre

symbolisent nos instincts sexuels et vio-

a toute autre creature,

lents, mais aussi les ideologies et reli-

Son second projet portait sur

l' artiste mettra en ceuvre ses projets dits

gions. S'inscrivant en rupture avec la

differentes vues des rues de New York,

« Musee » et « On-air » qui, par leur

presentation de vestiges historiques

forte

laquelle se consacrent les musees, Atta

humain superieur

teneur

philosophique,

leur

a evoquer

a

Fugacite de l'existence

l'une des villes les plus animees au monde, mais dont n'apparaissaient dans

demarche audacieuse, leur prodigieuse

Kirn parvenait ainsi

celle

le cas present que des immeubles vides

energie et leur portee considerable,

d' objets ideologiques par l' exposition de

de leurs habitants, comme autant de

auront un enorme impact sur le public,

simples mortels derriere ces parois

fragiles postimages evocatrices d'un film

accoutume qu'etait ce dernier jusqu'alors

transparentes . lntitulee « Nirvana »,

fantastique se deroulant dans un monde

a une

certaine fixite de l'image pho-

l'ceuvre suivante allait susciter une forte

ou l 'Homme aurait jadis vecu . Cet effet

tographique, comme si les productions

polemique en substituant une jeune

visuel resultait d'une sure xposition de

des annees quatre-vingts et quatre-vingt-

femme nue

de Bouddha assis

huit heures ayant fait disparaTtre tout

d'un sanctuaire et son createur, se voir

mouvement par l ' acceleration de sa

reprocher une desacralisation dont celui-ci

vitesse, et vice- versa, en revelant la

le premier

allait se defendre en arguant qu'il n·avait

lenteur par son accentuation, dans le but

cette realisation . Expose de 1995

a 2002,

a la statue

a

dix n'avaient fait que servir de prelude

represente des caisses de plexiglas ren-

pas eu pour intention de choquer, mais de

d'exposer le postulat philosophique que

fermant des hommes et femmes qui

detruire des idees communement rec;:ues.

l 'artiste a fait sien,

40

Ko reana

I Ete 2008

a savoir celui

de la


fragilite de l'existence. Quanta l'ceuvre « lndia » , qui canclut

une surexpasitian de huit heures

phatagraphie, c·est du fait ~e ces memes

presente un cantraste avec la samme des

limitatians, qu'Atta Kirn s'emplaie a

cet ensemble, elle a ete realisee en pha-

dix mille vues identiques executees en

depasser dans Le damaine de La pha-

tagraphiant le meme lieu plus de dix milLe

une meme duree, mais, quelle que sait La

tagraphie, au d'aucuns pensent qu'elles

fois pendant taute une jaurnee, puis en

difference qui separe ces deux techniques

s·exercent taut particuLierement, par la

superpasant ces differents cliches paur en

et Leurs resultats, Le fruit de leur mise en

mise en ceuvre de techniques de super-

abtenir un seuL, cette secande etape

ceuvre demantre que cette experience

pasitian d' images et de surexpasitian

s·averant taut aussi delicate que la

n'aurait jamais ete passibLe sans ce

revelant les mauvements intimes paur

premiere avait ete labarieuse, de sarte que

regard emancipe de L'artiste cherchant a

formuler, au maye n de ce merveilleux

se pase La questian de L'intentian qui saus-

franchir Librement les limites spatiales et

langage visuel, sa philasaphie de l'exis-

tend une mise en ceuvre aussi campLexe.

temparelles, paur aller encare et taujaurs

tence taujaurs vauee a la disparitian.

« En actiannant L'abturateur aussi

plus lain . En taute serenite, ce dern ier

entier,

affirme d'ailleurs que san propas etait de

j'entendais faire savair que man regard se

se detacher des conventians paur expa-

pasait au mains dix mille fois sur chaque

ser sa philasaphie camme il l'entendait.

sauvent

pendant

un

jaur

sujet phatagraphie et j'etais aussi curieux

En

raisan

de

ses

cantraintes

Au-dela des limites Si, au mayen de san art, Atta Kirn s·attache a expaser la philasaphie arientale dans taute sa delicatesse, c'est que

de cannaTtre le resuLtat de cet empile-

inherentes, taut suppart artistique perd

ce su ppart est a ses yeux le mieu x adapte

ment de vues. »

de sa force d'expressian et. si la paesie

a la representatian du mande des idees,

differe du raman, au la peinture de la

aussi vaine cette demarche ca ncrete

Ainsi, La rue new-yarkaise saumise a

Ete 2008 1Korea na 41


puisse-t-elle paraTtre en matiere

la glace au soleil.

metaphysique, car, une fois depasse ce

Suite a l' exposition qui lui etait exclu-

paradoxe, nul autre support ne lui semble

sivement consacree au Centre Interna-

superieur et de fait, quelle autre creation

tional de Photographie [CPI) de New York

que ce « Portrait de Mao » saurait mieux

en 2006, l'artiste a publie le catalogue de

exprimer taute la futilite des ideologies,

son « Projet Musee » dans la revue

du pouvoir et de la politique ?

specialisee Aperture.

Cette serie de quatre photographies

Al'hiver

2007, il

s·est particulierement signale dans les

du dirigeant chinois presentent une

milieux de l'art, a l'occasion d'un salon

sculpture realisee sur glace, et don c

new-yorkais, lorsqu ·une de ses ceu vres

vouee a disparaTtre, de Mao Zedong

s·est vendue pour plus d'un million de

[1873-197 6). figure emblematiqu e de

dollars. Christopher Phillip s, l 'un des

xxe

organisateurs de la manifestation

siecle. Ces vues successives du visage

accueillie par le CPI, exprime le point de

entier taille dans la glace deja pres de

vue suivant au sujet de l'artiste : « Dans

l 'ideologie dominante chinoise au

fondre, puis aminci par la liquefaction,

un pays dont le mode de vie est l'un des

pour un peu plus tard ne tenir qu'a peine

plus materialistes au monde, car asservi

sur le cou avant de s'en decrocher

aux imperatifs de la consommation,. il se

completement ont veritablement de quoi

cree un grand vide philosophique, spiri-

faire fremir. Par un procede pho-

tuel, sur lequel Atta Kirn a voulu attirer

tographiqu e simple, mais surprenant,

l'attention en proposant un moyen de le

s'impose a nous la conclusion que

combler. »

dogmes et dirigeants, quel que soit le

Enfin, apres avoir fait l'objet d'exposi-

pouvoir qu'ils exercent, sont appeles a

tions en Coree, aux Etats- Unis, en Chine

disparaTtre un jour ou l'autre comme fand

et en lnde, le « Projet On-air » sera

En raison de ses contraintes inherentes, tout support artistique perd de sa force d'expression, mais Atta Kirn s'attache depasser celles-ci dans le domaine de La photographie, ou d'aucuns pensent qu'elles s'exercent tout particulierement, par la mise en muvre de techniques de superposition d'images et de surexposition revelant les mouvements intimes pour formuler, au moyen de ce merveilleux langage visuel, sa philosophie de l'existence toujours vouee ala disparition.

a

Cette vue de Times Square resultant d'une su rexposit ion de huit heures symbolise Le postulat philosophique de La fragilite de L' existence, qu'Atta Kirn a fa it sien. ON-AIR Project 110-2. developpe ment chromogene, 188x248cm, 2005.

42

Koreana I

Ete 2008


presente au public europeen au cours de l' ete prochain . Dans cette realisation revelant un monde insoupc;:onne, Atta Kirn recourt au meilleur outil dont il dispose, celui de la photographie, pour formuler concretement ses pensees en se liberant du carcan de l'expression verbale et, au fil

des images, emettre l'idee qu'il nous faut ÂŤ transcender le monde tel que nous le voyons dans l'immediat Âť, alors on se prend aimaginer l'evolution que suivra ce createur d' e xception lorsqu 'i l aura depasse ses propres limites. t)

Ete 2008 1Koreana 43


ARTISAN

Le grand sceau d'Etat, (

Denomme « guksae », le grand sceau de la Republique de Coree, dont le quatrieme specimen, fruit du labeur d'artisans rompus

a plusieurs disciplines, etait homologue par l'Etat le 30 janvier

dernier, constitue le sceau officiel de la nation qui est appose au bas du preambule de la Constitution, ainsi que des decrets de remise d'insignes de l'ordre du merite, entre autres distinctions, et de documents diplomatiques importants. Cheon Jingi Chef de la Division rec herche au Musee national d'art populaire Seo Heun-kang Photographe

a realisation du sceau d'Etat coreen dit « guksae » ne

fervent enthousiasme du peuple coreen.

resulte pas de la mise en ceuvre d'une methode ou d'un

« s·agissant d'accessoires administratifs destines aux

style de gravure uniques, mais de l'harmonieuse alliance

affaires d'Etat, le graphisme se doit d'etre superbe, dynamique,

de plusieurs techniques artisanales pour l'execution du manche

et non simple et modeste, afin de representer le potentiel cul-

metallique ou « innyu » et du tampon, l'« injang », une impres-

turel de la nation, en evoquant la force et la majeste, ainsi que

sionnante synthese d'inscriptions calligraphiees et gravees. Le

l'unite du pays. Dans l'appellation nationale « i:]1~';']_~ » gravee

a la

sur le tampon, les traits elementaires des caracteres coreens

sigillogravure royale, a assure la realisation du quatrieme

sont d'un trace fin et incurve qui evoque une vitalite debordante.

ma1tre artisan Min Hongkyu, qui se consacre exclusivement speci men dont vient de se doter la Republique de Coree.

Dans le sens vertical, ils so nt plus appuyes

a la base pour creer

un e impression de force et de solennite. »

Le nouvel embleme de l'Etat Contrairement aux autres produits de l'artisanat, le « guksae »

L'artisan met l'accent sur l'esprit et les valeurs qui doivent s'incarner dans le grand sceau de Coree, sous tous_ses aspects

revet plus qu'une simple valeur esthetique, puisqu'il constitue

ornementaux, scripturaux et d'esthetique generale, afin d'en

l'un des symboles du pouvoir et de l'identite politique de l'Etat, et

transmettre la dimension nationa le, d'ou l'exigence d'une bea ute

se doit en consequence de posseder une certaine dimension

exceptionnelle qu 'il s'est employe

philosophique s'ajoutant

a la beaute de son aspect, car il ne peut

amettre en ceuvre au cours de

la rea lisation de ce quatrieme specimen.

inspirer de respect envers la nation que s'il en represente l'esprit, la tradition et les principes fondateurs. « D'une hauteur de quatre-vingt-dix-neuf millimetres egale

a la

largeur et

a la

Lesens d'un symbole Au temps de la royaute, le grand sceau de Coree portait le

longueur de la surface gravee, le manche

nom d'« oksae » designant son caractere de symbole supreme

s·orne d'un motif sculpte representant un nuage sur lequel se

du monarque et de la nation, mais c·est sous le regne de Gong-

pose un phenix. ce fabuleux oiseau annonciateur de paix dont

min Ir. 1351-1374). l 'un des souverains de la dynastie Goryeo

nous avons accentue les pattes puissantes pour creer un effet de

[918-1392). que l'objet allait entrer dans l 'usage pour prendre

mouvement » , revele Min Hongkyu. « En Coree, la legende veut

valeur,

que le pheni x soit pourvu de deux queues, dont l'une se redresse

famille et du pouvoir roya ux, ce dernier constituant La prerogative

a l'epoque

de Joseon [1 392 -1910). de symbole de la

tandis que l'autre se courbe vers le sol, une petite excroissance

du detenteur de La plus haute charge de l'Etat. Le monarque dis-

sit uee entre les ailes symbolisant le peup le coreen et ces

posait ainsi du droit exclusif d'employer ce cachet, lequel comp-

derni eres, qui l'enve loppent, evoquant des temps de pai x et le

tait de ce fait parmi les biens les plus precieu x de la couronne et

44 Kore ana I Ete 2008



dont la possession presidait aux destinees du pouvoir supreme en cas d'insurrection ou de destitution. En d'autres termes, le grand sceau dit « oksae » representait la plus patente et irrefutable preuve de la legitimite du pouvoir dynastique. Symbole de cette autorite royale au x temps de Joseon, il servait aussi a deposer une empreinte sur les actes administratifs afin d'en attester l'authenticite, ainsi que pour enteriner le protocole des ceremonies officielles et banquets royaux, les documents qui en etaient revetus constituant ainsi l'expression de l'autorite souveraine. ll prenait aussi valeur d'embleme monarchique au x fins de la diplomatie en figurant notamment sur les traites diplomatiques qu·emportaient les emissaires du royaume investis de la confiance royale en gage de celle-ci . Quand accedait au tröne un nouveau souverain, la remise du grand sceau prenait valeur de symbole de la passassion des pouvoirs et c·est en tant qu 'embleme de ceu x-ci qu 'il apparaissait a la tete de taut cortege royal.

Rappel historique Si le grand sceau de l 'Etat s·est presente saus differentes formes et a rempli des fonctions diverses au cours de l'histoire, il a presque toujours figure au nombre des sceaux nationaux dits « gugin » dont le motif se retrouvait souvent sur la correspon-

dance diplomatique echangee avec la Chine, comme a celui des « eobo », c'est-a-dire les sceau x royau x a usage interieur. Les

premiers etaient pour la plupart octroyes par les empereurs chinois et, a de tres rares exceptions pres , produits sur le sol coreen, mais la modernisation qu 'entreprit le royaume de Joseon par sa Reforme de 1894 allait provoquer la rupture du lien de vassalite qui unissait celui-ci a l'empire et se traduire par la destruction de ses emblemes au profit du « guksae », dont l'usage dans les affaires d'Etat allait etre officialise a t·avenement du Grand Empire des Han (1897-191 Ol. C'est en mai 1949, soit un an apres la proclamation de la 46 Koreana I Ete 2008

La gravure traditionnelle des sceaux d'Etat ayant pris fin au Japon, ainsi qu'en Chine, suite l'abolition de La monarchie, et les pays occidentaux optant le plus souvent pour La pose de sceaux metalliques, La Coree demeure La seule nation en perpetuer les procedes ancestraux, notamment gräce un grand maitre artisan denomme Min Hongkyu.

a

a

a


a

2

3

4

5

Preparation du moule la eire d'abeille mis en ceuvre dans la fabrication du gra nd sceau de l'Etat L'artisan coule l'or dans ce cadre obtenu en recouvrant d'argile le moule en eire naturelle. c·est Kirn Hee-jin, une experte dans l'art des noeuds ornementaux, qui a realise cette houppe permettant d'avoir bien en main le manche du sceau. Le ma1tre graveur sur bois Park Myeong-bae travaillant le boilier qui renfermera les accessoires associes au« guksae ». Classe Bien culturel immateriel n°113, le ma1tre laqueur Jeong Su-hwa s·est charge de la derniere etape de la confection du boilier destine au sceau en deposant neuf couches de vernis qui embellissent les s urfaces de leurs doux reflets.

Republique de Coree, qu'allait etre adopte un nouveau « guksae »

places sous la direction de Min Hongkyu, trois collaborateurs assis-

SOUS forme d'un carre de SiX metres de COte sur lequel

tant ce dernier pour le travail du sceau, ainsi que la fabrication des

s'inscrivaient les ideogrammes chinois « :*:U:~lil;t~ » signi-

seize outils correspondants, du cadre et de l'etoffe d'emballage, cet

fiant « Seeau de la Republique de Coree », puis en 1962, les

effectif reunissant ainsi vingt-cinq des meilleurs artisans de chacun

amendements apportes a son reglement allaient porter ses

des metiers d'art concernes, notamment neuf personnes classees

dimensions a sept centimetres carres et transcrire l'appellation

Jmportants biens culturels immateriels.

nationale en ecriture coreenne de type Jeonseo, le manche de

Quant aux principales techniques mises en ceuvre, la pratique

l'objet se dotant d'une figure sculptee de tortue symbolisant la

en etait jadis perpetuee par la seule transmission orale, sous

longevite.

forme d'une chanson dite « yeongsaebu » au moyen de laquelle

Ce deuxieme specimen allait demeurer en usage jusqu 'a la

le ma1tre graveur royal initiait son apprenti a leurs secrets et ce

fin de l'annee 1998 ou, suite a de nombreuses remises en cause

dernier, pour acquerir la pleine ma1trise d'une fabrication consti-

de sa conception , jugee inadaptee a cet embleme de la sou-

tuant non seulement un grand art, mais aussi un symbole de la

verainete nationale, mais aussi du fait de son usure partielle,

puissance d'Etat, se devait de subir une formation intensive

l'Etat decida de lui en substituer un troisieme dont le tampon

plusieurs annees, voire decennies durant. De l'aveu meme de

serait pourvu d'inscriptions en alphabet « hunmin-jeongeum »

Min Hongkyu , le processus peut d' emblee en paraltre simple,

et le manche, d'une gravure de phenix symbolisant la sagesse

puisqu e l'artisan precise : «

des gouvernants.

forme du sceau en y gravant les caracteres, puis on recouvre

Ala

eire d'abeillle , on realise la

En 2005, l 'a pparition de fissures sur ce nouvel exemplaire

celle-ci de terre glaise en vue de sa cuisson au four. C'est dans le

exigeant son remplacement, le gouvernement mit en place un

moule ainsi obtenu que l 'on versera l'or fondu pour realiser

comite consultatif qui, apres une enquete d'opinion, preconisa

l'objet metallique » , mais il mobilise des connaissances aussi

d'en faire rea liser un nouveau en conservant les motifs et ecrits

nombreuses que complexes et exige de fa ire le vide dans son

precedents, puis lani;:a un appel a concours en vue du recrute-

esprit pour etre dans des dispositions adequates.

ment des artisans de chaque corps de metier. Acette occasion,

Comme au temps jadis, la fabrication d'un « guksae »

Min Hongkyu allait brillamment se distinguer en se voyant non

represente le fruit d'un travail meticuleux qui s'etend sur une

seulement retenu pour la gravure des textes comme des decors,

annee entiere a partir du printemps, saison a laquelle, pour

mais aussi charge de la ma1trise d'ceuvre des differentes

l'execution du moule, l'artisan s·approvisionne en argile de haute

operations realisees selon des procedes traditionnels.

qualite qu'il debarrasse de ses impuretes en la plongeant dans l'eau, puis l'ete venu, il met la derniere main a la calligraphie du

La passion et l'äme des artisans La fabrication des « guksae », telle que la pratiquaient les artisans royaux de la la dynastie Joseon, fait appel a un savoir-faire

tampon et a l'ornementation du manche, lesquels seront repro-

multidisciplinaire en calligraphie, peinture, sculpture, sigillogravure

appretee. La forme ainsi obtenue sechera alors a l'air libre jusqu·a

et travail des metau x, ainsi qu·a des connaissances philosophiques.

l'arrivee de l'hiver, puis une cuisson au four permettra de la

Dans le cas present, sont intervenus vingt-huit grands maltres

debarrasser de la eire, a laquelle se substituera une coulee d'or

duits sur le moule a la eire naturelle qu'il realisera en automne et qu'il recouvrira de couches successives de l'argile precedemment

Ete 2008 1 Koreana 47


48

Koreana

I Ete

2008


Le corps du grand sceau « guksae » s·orne d'u n mot if sculpte de nua ge sur Lequel se pose un phenix, ce fa buleux oiseau annonciateur d'un e ere de paix. Le tampon de forme carree situe en ha ut et sceau mesure 99X99 mm. 2

a gauche du

Le 30 janvier 2008, avai t Lieu La cerem on ie de prese ntat ion du nouveau « guksae » en presence de to us Les ma1tres artisa ns ayant participe fab ri cation.

asa

fondu dont la quantite, dans le cas du quatrieme « guksae » ,

serrure. Outre qu'ils participent de la bonne presentation de cet

representait une valeur de deux cent cinquante millions de wons.

objet et de son esthetique, ces accessoires conferent plus encore

Quanta son predecesseur, dont la fabrication s'etait deroulee

de dignite a l'usage, au deplacement et a la conservation de celui-

sous le contr6le de ['Institut coreen des sciences et technologies

ci, leur execution etant confiee non a un seul, mais a plusieurs

[KAIST) et qui constituait un produit de haute technologie, il allait

artisans qui sont passes maTtres dans l'exercice de leur metier et

commencer a se fissurer legerement bien avant son

n'epargnent aucun effort, dans leurs domaines respectifs, pour

achevement, les lettres de ses inscriptions ne s·averant en outre

aboutir a la creation d'une piece d'un haut degre de perfection.

pas parfaitement droites et entraTnant par la suite des anomalies

Destine a eviter que le tampon ne glisse de la main de son

d'impression suite a l'erosion du metal. Ace propos, Min

utilisateur, le nceud du manche a ete realise par Kirn Hee-jin,

Hongkyu emet la remarque suivante : « Les procedes actuels ne

maTtre artisan specialiste de ces nceuds ornementaux qui est

permettent pas un dep6t uniforme de l'or fondu dans le moule,

aujourd 'hui classee lmportant bien culturel immateriel n°22 pour

d'ou la presence de bulles d'air responsables de la fissuration du

s'etre consacree toute sa vie a l'a rt des« maedeup », ces nceuds

sceau ». L'homme dit avoir acquis la conviction qu·un recours

coreens traditionnels, et avoir ainsi contribue a perpetuer leur

au x methodes et techniques traditionnelles permettrait de sur-

fabrication, de meme que la recherche dans ce domaine. La fixa-

monter de telles difficultes. En matiere de sceaux royaux, un

tion de ce lien sur le manche, etape indispensable a la finition d'un

maTtre graveur digne de ce nom doit dominer l' ensemble des

produit repondant a la norme, ne fait qu'ajouter a la beaute et a la

procedes de fabrication, y compris dans leurs aspects les plus

solennite de celui-ci par l'elegance de ses courbes.

obscurs touchant au moulage a la eire perdue , a la ciselure-

Les deux bo1tiers assurant la conservation et la protection lors

gravure, a la realisation du cadre en « ohapto », ce melange

du transport, dans le cas du plus grand, sont egalement realises

compose de cinq excellentes argiles en provenance de regions

par les mains expertes d'artisans hautement specialises et, pour

differentes et tres prise pour son homogeneite et ses proprietes

certains, classes lmportants biens culturels immateriels, qui se

refractaires, au taillage du manche, a la gravure du text e, a la

devouent corps et ame a l'accomplissement de leur objectif com-

mise en ceuvre de l'alliage de cinq metaux, a la cuisson dans le

mun de produire un « guksae » d'une majeste et d'une dignite

« daewang », un four d'une curieuse conception destine exclusive-

toujours plus grandes, par leurs interventions respectives, qui,

ment a cette fabrication, et enfin au montage sur le corps du

dans la confection du boTtier laque, qui, dans la peinture ou l'orne-

sceau d'un manche de constitution tout a fait differente, autant

mentation, ces hommes de metier mettant toute leur ame dans la

d'operations que Min Hongkyu a accomplies dans leur integralite

creation d'une ceuvre d'art dotee d'une valeur et d'une beaute

avec une assurance et une precision infaillibles, afin de donner le

artistique exceptionnelles.

jour au quatrieme grand « guksae » de la Republique de Coree.

La gravure traditionnelle des sceaux d'Etat ayant pris fin au Japon, ainsi qu·en Chine, suite a l'abolition de la monarchie, et les

Pas moins de seize accessoires En vue de sa presentation solennelle, le « guksae » com-

pays occidentaux optant le plus souvent pour la pose de sceaux metalliques, la Coree demeure la seule nation a en perpetuer les

porte un emballage qui se compose de seize articles ou acces-

procedes ancestraux, notamment grace a un grand maTtre artisan

soires differents et cet ensemble ne saurait etre complet que s'il

denomme Min Hongkyu. Le quatrieme grand « guksae » de la

est equipe notamment du nceud enserrant le manche de l'instru-

Rep ublique de Coree represente le fruit de telles traditions et

ment, le « bojagi », d'un carre d'etoffe, du cordon par lequel est

techniques vieilles de plus de six siecles, mais aussi de l'esprit et

lie celui-ci, du boTtier se superposant au sceau, de la platine

de la passion de ma1tres artisans qui lui ont consacre toute leur

montee sur un pied et recouverte d'un couvercle, ainsi que de la

vie. il> Ete 2008 1Koreana 49


CHEFS-D'CEUVRE

Le bouddha Vairocana du Temple de Dopiansa, un symbole d'harmonie sociale Les statues de Bouddha elevees par des personnalites influentes de Cheorwon vers la fin de la premiere moitie du neuvieme siede, c·est-a-dire sous le royaume de Silla Unifie [668-935). traduisent une volonte d'exposer ideologie politique et conception ideale de la beaute, tel ce Vairocana en fonte du Temple de Dopiansa, classe Tresor national n°63, qui symbolise la forte aspiration des fideles de ce canton a realiser une unite harmonieuse au sein de la classe dirigeante, ainsi que dans l'ensemble de la societe . Lim Youngae Professeur au Departement d'etudes des bi ens culturels de l'Universite de Gyeongju

e royaume de Silla Unifie tut marque par une

L

grande extension geographique du bouddhisme, de sorte que vestiges et objets bouddhiques

datant de cette epoque demeurent omnipresents_dans la ville de Gyeongju qui tut sa capitale et son centre civique, notamment

a proximite

de l'auguste Mont

Clarte des inscriptions La statuaire bouddhique eut Gyeongju pour centre jusqu'au huitieme siede, epoque a laquelle sa production allait s·etendre adifferentes provinces en raison de l'influence grandissante dont y jouissaient les notables, cette tendance se manifestant en particulier dans le

Namsan, ou furent mis au jour les vestiges de cent

canton de Cheorwon, lequel se situait aux confins

douze temples et quatre-vingts representations pic-

septentrionau x de Silla Unifie et allait servir de capitale

turales, survivances de richesses sculpturales et monu-

dans les derniers temps du royaume de Goguryeo

mentales aneanties par le temps.

[890-918) instaure par Gungye, un moine de l'Etat de

La lecture de t·ouvrage intitule Samgukyusa [souvenirs des Trois Royaumesl fournit un apen;:u de l'abondante production d'imagerie qui se deroula

aGyeongju : a

« Les temples sont dissemines dans taute la ville,

Silla. lci, le piedestal sur lequel repose la figure bouddhique evoquee demeure en parfait etat de conservation, tandis qu·a disparu le mandala symbolisant la

l'instar d'innombrables etoiles dans le ciel nocturne, et

lumiere qui emane de sa personne. Contraire-

les pagodes, aussi nombreuses qu'une bande d' oies

ment aux autres ceuvres du genre, celle-ci

sauvages en vol » . Tel ne tut pas le cas du Bouddha

permet de situer precisement l' epoque

Vairocana en fonte dont s'orne le Temple de Dopiansa,

de sa realisation,

puisqu 'il tut realise non dans ce centre politique et cul-

preceda de peu l'effondrement du

turel du royaume, mais dans un canton qui en est assez

royaume, grace al'inscription qui figure

a la province

sur sa face arriere : « Au premier mois

distant, celui de Cheorwon, qui appartient de Gangwon-do. 50 Koreana I Ete 2008

a savoir l'an

865 qui

de l 'an 865, pres de mille cinq cents


hommes de croyance bouddhiste furent requisitionnes pour elever une statue de Bouddha au Temple de Dopiansa se trouvant dans le canton de Cheorwon, au royaume de Silla, et travaillerent sans relache, animes d'une volonte indomptable de la realiser », ces lignes attestant que cette production fut le fruit de la ferveur religieuse qui habitait ces centaines d'adeptes. Parmi les statues bouddhiques datant des Trois Royaumes ou des premiers temps de l'epoque de Silla Unifie, rares sont celles qui fournissent quelques indications sur le contexte et le processus de leur realisation, comme ce Vairocana du Temple de Dopiansa, dont la centaine d'ideogrammes chinois graves permettent de co_nnaTtre ceu x-ci avec precision, ainsi que la date de realisation de l'oeuvre et ses commanditaires, ajoutant ainsi

ala valeur historique de cette derniere.

Des aspects inedits Pour etre en mesure d'apprecier comme il se doit ce chef-d 'oeuvre de la statuaire bouddhique, il convient de s'interroger sur quatre aspects de sa realisation et, en premier lieu, sur les raisons du choix de Cheorwon au detriment de la capitale que fut Gyeongju. Tandis qu'au huitieme siede, epoque

a laquelle

remonte le

creusement, au x alentours de cette meme ville, de la Grotte de Seokguram aujourd'hui classee Tresor national n°24, le bouddhisme beneficiait principalement de l'appui de la famille royale et de l'aristocratie qui s·y trouvaient etablies, cent ans plus tard, la diffusion de la foi sur taut le territoire allait se traduire, dans chaque region, par l'edification de temples et statues qui contribueraient

a leur tour a la propagation des croyances

et textes sacres . La production statuaire '"se deplac;:a alors de Gyeongju jusque dans ces provinces durant cette periode de transition avec un bouddhisme predominant, comme en atteste particulierement ce Bouddha Vairocana qu 'erigerent

a l'intention

de leur

communaute quelque mille cinq cents fideles des environs au Temple de Dopiansa . Se pose en outre la question de savoir pourquoi fut choisie la fonte, plutöt que l' or ou l' argent. ou encore et surtout le bronze, qui constituait alors le materiau de predilection de la statuaire bouddhique, comme l'indiquent les documents d'archives. Generalement composees d'un alliage de bronze et de zinc, les oeuvres en etaient generalement executees par moulage,

Ete 2008 1Ko reana 51


L'inscript ion Figurant au das du Bouddha Va irocana qui s'eleve au Temp le de Dop iansa co mprend pres de cent id eogrammes ch in ois revelan t la date de so n achevement et le nom de ses command itaires . ai nsi que le contexte de sa realisation. © Lim Youngae

9uquel succedait la dorure qui explique l'emploi a leur propos de « statues en bronze dore » , un tel mode de realisation concernant la plus grande partie des statues de metal. Quanta la fonte, l'usage en etait peu repandu en raison de sa mise en ceuvre plus complexe que celle du bronze, notamment pour la representation minutieuse des details, mais egalement des traces qu 'etait susceptible de laisser le metal liquide en surface et qui auraient surtout depare les pieces de grandes dimensions, de telles marques de moulage apparaissant parfois sur le torse de Bouddha . Enfin, d'aucuns emettent l'hypothese que le faible nombre de statues en fonte realisees jusqu'alors resultait de l'e mploi de ce materiau aux fins de la production d'armes et d'outillage agricole .

Apartir de

la fin de la premiere moitie du

huitieme siede, ·son usage va s·amorcer dans ce genre artistique pour atteindre son aeogee pres de cent ans plus tard et se perpetuera jusqu·a l'avenement de la dynastie Goryeo [918-1392). nombre de suppositions etant emises quant a cette evolution . Certains avancent en particulier celle de l 'engouement que suscitaient ces representations religieuses dans la population, avec pour consequence de porter la demande en bronze a un niveau que ne pouvaient satisfaire les fournisseurs et exigeant le recours a un materiau de substitution tel que la fonte. Cette these se trouve corroboree par l'essor qu'allait connaTtre la statuaire bouddhique composee de ce materiau dans les temples importa nts des provinces les plus reculees grace au soutien de la classe dirigeante, les progres accomplis dans l'exp loitation des gisements de fer au cours de la periode finale du royaume de Silla Unifie n·ayant pu 52 Koreana I Ete 2008


Parm1 tes statues bo ddh1ques dc1tant aes Tro1 R yc1ume!'. u de~ prem1er'> temps de l poque de Silla Unifle, rarec; c;ont c l 5 qui fournis.3ent quelques ind1c.at1ons sur le contexte et le proc.eS!>U~ e l ur realisation, comm ce \lairocana du T mple de Dopiansa, ont La c.enta1re J 1deogrammes c.!1 no1s grc1ves permettent de conn i. ceux ci avec pr ci<'=ion, ai"lsi que la dat de re'i c;ation de l l vr Pt ses command1ta1res, a1outant ins- a la v le1..r 1'1!'.tor Cl e d ~tte derl'ier .

qu·accentuer cette tendance_ Dans un troisieme temps, comment interpreter la

Au niveau des epaules, il se caracterise aussi par le drape de sa robe d'un rendu peu naturel en raison de

position des mains qui, a cette epoque, differe souvent

l'egal espacement des plis, qui semblent autant de ban-

d'une statue de Bouddha a l'autre, celle du Temple de

delettes enveloppant le corps, l ' effet resultant etant

Dopiansa les tenant en l'occurrence jointes a hauteur

d'un realisme et d'une elegance moindres qu·a Seokgu-

de la poitrine, index gauche enserre par les doigts droits ?

ram. En revanche, a l'expression severe du visage que

Cette gestuelle variee, dite « bodhi-s 'ri mudra », est

l'on constate dans ce dernier cas, s·oppose un air de

porteuse d'un sens precis concernant, dans le cas

serenite qui prefigure une nouvelle esthetique de

present, l'idee de fusion entre l'humain et le divin, la

l'imagerie bouddhique. Dans les regions de province,

croyance et l'illumination, et les figures adoptant cette

les fideles semblent toutefois avoir manifeste une

position representent pour la plupart le Bouddha Vairo-

preference pour les Bouddhas d'allure plus prosa'1·que

cana, qui incarne verite, lumiere et espoir. Apparu au huitieme siecle et particulierement

que· les representations anterieures a l'aspect autoritaire.

apprecie taut au lang du suivant, ce theme statuaire se retrouve sur plus d'une cinquantaine de pieces datant

Un aspect de surface naturel

de cette derniere epoque, notamment au Temple de

Apartir de 1989, une finition doree dissimulera cette

Dopiansa. Le rayonnement que .connut alors le boud-

fonte qui fait la particularite du Bouddha de Dopiansa,

dhisme Zen allait favoriser la naissance de pratiques

puis elle dispara'i'tra en 2007 pour en reveler a nouveau

s·apparentant

a un

culte voue au Bouddha Vairocana,

le vrai visage qui, avec ses sourcils bien dE:ssines, ses

car, en cette fin de premiere moitie du neuvieme siede,

contours ovales et son sourire d'une chaleureuse affa-

les moines coreens revenus de Chine, ou ils etaient par-

bilite, se differencie des faces austeres caracteristiques

tis etudier, allaient se consacrer pleinement a la diffu-

du huitieme siede. Le Bouddha Vairocana exerc;:ait un

sion de cette religion dans la population et le Bouddha

attrait considerable sur les populations rurales par sa

Vairocana, principal objet de culte dans nombre de tem-

ressemblance avec elles et incarnait l 'unite, valeur

ples de l'Ordre Hwaeom et de l'ecole Zen, s'imposer

hautement veneree, au x c6tes de l 'harmonie, deu x

fortement dans la sculpture sacree.

idees propres a les seduire dans un contexte d'insta-

ll convient enfin d'expliquer pourquoi ce Bouddha de

bilite sociale cree par les luttes intestines de la dasse

Dopiansa differe autant en apparence de celui de la

dirigeante et l'apparition de puissants dans provinciaux.

Grotte de Seokguram, pourtant d'epoques assez

Statue taut

a fait

unique et de grande valeur, le

proches, puisque le premier fut acheve pres d'un siede

Bouddha Vairocana du Temple de Dopiansa edairait

apres le second. ll possede un visage a l ' ovale plus

ainsi les sujets du royaume de Silla Unifie non seule-

marque, une profusion de boucles en « coquille

ment au x fins de la pratique de leur culte, mais aussi de

d'escargot » creant un relief sur le crane et un toupet a

leurs aspirations culturelles et artistiques, ainsi que du

peine visible, l' « usnisa » vehiculant l 'idee d'une

maintien de la pai x sociale. fi>

absolue sagesse.

Ete 2008 1Koreana 53


Une remarquable livraison de Choi Young-Lim et Munakata Shiko

Freres de cceur dans l'art, Choi Young-Lim et Munakata Shiko avaient tisse d'etroits liens en depit des inimities nees de la tragedie coloniale entre leurs pays respectifs et l'exposition qui leur etait consacree a fait decouvrir aux visiteurs tout l'univers artistique de ces createurs d'exception. Kirn Youngna Professeur au Departement d'archeologie et d"histoire de l'art de l"Universite nationale de Seoul Photographie: Musee national d'art du Palais de Deoksugung


D

u 23 janvier au 30 mars derniers, se deroulait

au Musee national d'art du Palais de Deoksugung une remarquable exposition consacree a

l'reuvre de Choi Young-Lim (1916-1985). mais aussi a l'artiste graveur japonais qui fut son maTtre, Munakata Shiko (1903-1975).

Des rapports lies au contexte historique c¡est lors du voya ge qu 'effectue Choi Young-Lim en 1938 au Japan pour s ' initier a l 'art grave de Munakata Shiko que ces deux artistes se lieront d'amit ie, car dans une Coree reduite a l'etat de colonie depuis 1910, il n'existe pas encore d'ecole des beaux-arts digne de ce nom, d'ou le depart de nombreux artistes pour l'archipel afin d'y parfaire leur technique. Venu de Pyongyang ou il reside a l'epoque, Choi Young-Lim fait la connaissance de Munakata Shiko par le biais du conservateur du musee de cette ville, Ono Tadaakira (1903-1994). qui y dispense egalement des cours particuliers aux eleves des lycees et lorsque le jeune homme achevera ce cursus, son ma1tre l'enverra etudier dans son pays natal aupres de son ami Munakata Shiko, qui y est demeure. Cependant, le pere de Choi Young-Lim entendant confier a son fils la conduite des affaires familiales, un commerce prospere, exige deux ans plus tard le retour de celui-ci . En 1956, alors qu'il expose ses reuvres a la Biennale de Venise dans le pavillon que s¡y est vu attribuer le Japan, Munakata re~oit, pour la categorie gravure, un premier prix qui lui conferera une renommee mondiale. Quant a son eleve, contraint par la Guerre de Coree (1950-1953) de quitter les siens pour trouver refuge au sud, il y vit alors des moments difficiles ou il lui faut a nouveau faire ses preuves pour s'imposer dans son art et c'est alors, ayant vent des succes de son maTtre, qu 'i l lui ecrit une lettre qui scellera entre eux d'etroites relations jusqu¡a la mort de ce dernier, en 1975. Coorganisee par le Musee national d'art contemporain et le Musee d'art Aomori, l'exposition consacree a ces deux artistes mettait en evidence les relations qui s'etaient etablies entre eux sur un pied d'egalite, par-dela les barrieres politiques separant ce representant d'une puissance coloniale et celui du pays asservi par elle, et par le biais d'une retrospective, effectua it un rapprochement entre leurs productions respectives pour en souligner les particularites,


a l ' occasion

a tracer

mais aussi evoquer l'ensemble de leur

qu'il visite en 1939,

univers artistique.

exposition au Musee national de Tokyo, lui inspirera une gravure que l'on peut con-

bois, lignes ou formes d'un naturel

Une expression libre par La gravure

siderer comme son ceuvre ma1tresse, les

saisissant, et l'humour bon enfant des

Ne dans la petite ville d'Aomori, Munakata Shiko ne beneficiera pas d'une

d'une

bre d'admirateurs. Une aptitude

au couteau, sur de simples morceaux de

brefs commentaires dont s'accompagne

Dix grands disciples de Bouddha.

Le Musee national d'art du Palais de

chaque piece le distinguent resolument

formation artistique en banne et due

Deoksugung presentait des creations

d'a utres grands graveurs japonais tels

forme puisque, des la fin de ses etudes

d'inspiration bouddhiste ou prenant pour

que Hokusai. Autoportraits, compositions

primaires, ce fils de forgeron devra tra-

sujet le moine Kukai, qui introduisit le

florales et rythme des lignes temoignent

vailler comme coursier dans un cabinet

bouddhisme esoterique au Japan, et les

de l'influence exercee par Van Gogh sur

d'avocats, mais, decouvrant un jour les

deesses hindoues, ainsi que des images

l'artiste, qui lui vouait une admiration

« Tournesols » de Van Gogh dans la

religieuses tao'i'stes, ces dernieres illus-

sans bornes.

revue artistique Shirakaba, il en eprouve

trant chacune

maniere les senti-

une etonnante demonstration de gravure

une telle emotion qu'il decide sur-le-

ments de l'artiste, tauten attestant de ses

etait presentee par un graveur sur bois

champ de vouer son existence

al'art. San aTokyo lui permettra de faire son

vastes connaissances et de son talent et,

qui travaillait celui-ci de si pres, lunettes

arr'ivee

si l'on songe que ce dernier n·eut la

fine monture perchees sur le baut du nez,

a leur

Al'entree

de l'exposition,

a

entree dans la carriere en remportant le

chance de frequenter l'ecole que jusqu·au

que son visage semblait sur le point de

premier prix de l'exposition Teiten orga-

cours primaire, on ne peut que s·extasier

toucher la matiere.

nisee par les pouvoirs publics.

devant d'aussi admirables realisations.

Lorsqu'il devient precepteur de Choi Young-Lim,

a la

fin des annees trente,

L'a uteur aura aussi exerce ses talents

Abstraction des couleurs et

dans divers autres genres allant de l'a rti-

traditions populaires

a l'illustration

Ala

Munakata n·a pas encore atteint la

sanat de l'eventail pliable

celebrite, mais ses ceuvres, notamment

d'edition, en passant par l'estampe japo-

allait succeder la peinture

fvtantabo [ 1935) et La vie du prince Yamato

naise.

Choi Young-Lim, de treize ans son cadet

Takeru [1936) ont eveille l'interet de Yana-

gi Soetsu, le pere du mouvement d'art

Au vu de ses ceuvres

a teneur

gravure sur bois de Munakata,

a l'huile

chez

pic-

et sur lequel art moderne et contempo-

turale et textuelle, il s·avere en fin de

rain semblent avoir exerce plus d'ascen-

populaire Mingei, et c·est avec l'aide de ce

campte manifeste que l'aute ur a toujours

dant, comme en atteste clairement son

dernier que le jeune homme se fera un

tendu ve rs ces productions de l'aristo-

ceuvre abstraite

nom aux c6tes de grands ceramistes tels

cratie erudite si caracteristiques de

texture evoq ue pour origine cet art

que Harnada Shoji et Kawai Kanjiro, ainsi

l'Orient et, si les grands themes de ses

informel qui s'imposait partout dans les

qu·avec l'appui du celebre mecene Mizu-

compositions gravees et manuscrites

annees cinquante. Si ses creations se

tani Ryoichi, qui tous l'e xhorteront

a

peuvent para'i'tre d'un acces difficile

a un

caracterisent

a l 'huile,

a l'epoque

dont l' epaisse

par_la presence

entreprendre l'etude du bouddhisme.

neophyte en matiere de culture japonaise,

de traits appuyes reminiscents de la

Dans cette veine, la vision d'une statue de

la liberte d'interpretation qu·autorisent

gravure et responsables d'une tonalite

Subodai situee au Temple de Gokokuji,

ces ceuvres leur a conquis d'emblee nom-

sombre, elles acquerront une dimension

Tand s que Munakata 5hiko s'adonna1t aun ge:nre mel nt textes et UP ges sous l' nsp1r.it1on de La pe1rture onel"'tale erudite, Choi Young-L im se plonge dans ;me them t1q.1e p1ct1..rale tent„ee 5ur te parad s, bi nvei lancf' bouddh q1..e et es contes de fees otJ 1 asp1re, en dep1t de ce purtl-pris re~tremt, arepre~erter l id · de purete par ul"'e g ande dellcatesse des coule.irs, comme nous ..i perm1s de le constclte l expos tion · voqUE"E'

56 Koreana I Ete 2008

« Eloge de la chasse aux fleu rs » ,

gravure sur bois imprimee sur papier. 132,0 x 158,0cm, 1954, Mu see d'art m emorial de Munakata Shiko 2

« Eloge de Shokei », le four de Kawai Kanjiro, gravure sur bois et couleu rs sur papier. 45.4 X32.7cm. 1945, 1969, Musee d'art Mu na ka ta Hanga



plus abstraite lors de la decennie suivante et malgre leur dominante brune, n'en opposeront pas moins les couleurs en de delicats contrastes. L'amosphere populaire y est rendue par l'application sur la toile d'un amalgame de lcess et de sable lies par de la colle, la peinture a l'huile venant ensuite se superposer a ce substrat. Au violent contraste des couleurs , l ' artiste preferait une base ocre sur laquelle il trac;:ait de fines lignes au x nuances roses, jaunes et rouges creant une impression de confort, douceur et fantaisie. C'est a la finde la premiere moitie des annees soixante qu'il se remettra a la gravure pour se centrer desormais sur l'image, effectuant ainsi un retour au x sources apres avoir repris contact avec Munakata, et jusqu 'a sa mort, qui intervient en 1985, son a,uvre s·attachera a reprendre des themes issus des legendes populaires, du roman classique, des contes de fees et du bouddhisme.

Nouveau depart dans les echanges artistiques coreano-japonais Les deux artistes se differencient avant taut par la vision de la femme qui s'exprime dans leurs a,uvres. Dans celles de Choi , a l'instar d' Une femme et une

vache, les visages pleins, poitrines genereuses et hanches voluptueuses constituant autant d'attributs supposes de la beaute sensuelle semblent proceder d'une perception largement archetypale, ces silhouettes et faces arrondies s'inspirant en realite des figures de deesses De l"histoire de Shim-chung », huile sur toile , 85 ,0x81 ,0 cm, 1967, Mu see national d"art contemporain de Coree

«

produites par Munakata , mais il s'en degage en meme temps une impression d'innocence et de purete qui s'oppose a

2

l'idee de divinite presente dans l'a,uvre de ce dernier. Symboles d'abondance et de fecondite, ces personnages feminins sont representes sur fand de paysages paradisiaques ou ils c6toient faune et flore en taute harmonie. Tandis que ces motifs

58

Ko rea na

I Ete 2008

3

« Saison », gravure sur bois et couleurs sur papier traditionnel co reen, 83X46 cm . 1961, Musee national d"art contemporain de Coree Femme, huile sur papier, 64,5 x 51 ,5 cm , 1959, Musee d"art Leeum Samsu ng


associant femmes et vaches sont tires d'un conte de fees, d'autres representant collines, oiseaux et tigres proviennent d'un conte populaire, mais en taut etat de cause, ils font toujours reference

a ce

paradis imaginaire dont on se demande pourquoi il exeri;:a un tel attrait sur un auteur qui n'aborda jamais les themes du changement social ou des difficultes de la vie, alors cette forme d'utopie permit-elle

a celui

qui avait dO abandonner les siens

en Coree du Nord de fuir les preoccupations terrestres de l'ideologie et de la realite ? Au cours des annees soixante, les voyages qu 'effectue Munakata de par le monde completeront son ceuvre d'illustrations de nouvelles d'Edgar Allan Poe, des fresques de Manhattan et meme d'affiches publicitaires pour la marque Nike, sur lesquelles apparaTt la Victoire de Samothrace. Si sa technique s'affine et se fait plus complexe, l'artiste demeure attache

a un

genre melant te xtes et

images saus l 'i nspiration de la peinture orientale erudite, tandis que Choi YoungLim se plonge dans une thematique picturale centree sur le paradis, la bienveillance bouddhique et les contes de fees ou il aspire, en depit de ce parti-pris restreint,

a representer l'idee

de purete

par une grande delicatesse des couleurs, comme nous a permis de l e constater l' exposition evoquee. Fruit de

la cooperation entre

differents musees coreens et japonais, cette manifestation parrainee par la Fondation japonaise s¡est en premier lieu deroulee SUr l 'archipel, OLi elle a SUSCite les reactions favorables de la critique, donnant ainsi le signal d'un nouveau depart

aux

echanges

artistiques

bilateraux dans le contexte plus vaste de l'essor de realisations communes qui se produit actuellement en Asie en matiere artistique. ~

Ete 2008 1 Ko reana 59


ALAD~COUVERTEDELACOR~E

Darcy Paquet, ambassadeur du septieme art coreen Apres s¡etre distingue dans de nombreux festivals internationaux, le cinema coreen seduit, aux quatre coins du monde, toujours plus de cinephiles desireux de mieux le conna1tre et auxquels Darcy Paquet prodigue ses precieuses connaissances, en veritable ambassadeur de ce septieme art coreen qui a ete pour lui une revelation. Lee Soo Jin Redactrice occasionn elle I Ahn Hong-beom Photographe

'

A

l'age de trente-six ans, Darcy Paquet exerce

plusieurs festivals internationaux, ainsi que sur les

ses bons offices de representant du cinema

prix qui y sont decernes, une tache qui exige non

coreen dans le monde en tant que correspon-

seulement une excellente connaissance d'ensemble

dant de magazines specialises, mais aussi par les

de ces productions, mais aussi la prise en campte des

conseils qu'il apporte sur la programmation de films

specificites de chaque manifestation et des

coreens dans de nombreux festivals internationaux.

preferences de leurs spectateurs . Ce professionnel

Si cet Americain titulaire d'un doctorat en litterature

competent qui met son savoir-faire eprouve au ser-

russe eprouve une reelle fascination pour certains

vice de la promotion de festivals nationaux et interna-

aspects de cet art, par le biais de celui-ci, c¡ est la

tionaux a notamment participe a ceu x de Chungmuro

Coree taut entiere qu'il cherche a promouvoir a

et Puchon, ce dernier etant specialise dans le genre

l' etranger, puisqu 'une banne comprehension de la

fantastique . ll a en outre apporte ses conseils a la

culture d'un pays, y compris donc de son cinema,

programmation coreenne de deux festivals

suppose de bien connaTtre ce dernier dans son

europeens, a savoir celui du film d'Extreme-Orient

ensemble.

d'Udine. qui fete cette annee son dixieme anniversaire et constitue en Europe le premier par son

Une diplomatie active Par ses multiples activites en Coree comme a l'etranger, Darcy Paquet a lie son destin a celui de l'industrie cinematographique de ce pays, dont il fait

envergure a presenter des films asiatiques, et celui de Saint-Sebastien, sans egal par son anciennete et son influence dans le monde hispanophone. Depuis deja dix ans, Darcy Paquet consacre une

connaTtre les productions en tant que correspondant

energie et une at.tention considerables au site inter-

du magazine americain Variety et de la revue de

net

cinema londonienne Screen International, taut en

[www .koreafilm.org) et qui represente une mine

ecrivant des articles a l'intention des cinephiles

d'informations incontournable pour taut amateur

coreens dans l'hebdomadaire Cine 21, apres en avoir

etranger de cinema coreen, comme en attestent les

qu ' il

a

ouvert

dans

ce

domaine

egalement redige pour le Conseil cinematographique

quelque quatre mille personnes, principalement

coreen, en vue de la promotion internationale de cet

etrangeres, qui l'ont visite a ce jour.

art.

Darcy Paquet travaille actuellement a la redaction ll realise en outre des prestations de conseil sur

d'un ouvrage intitule Short Cuts Series-New Korean

la selection des ceuvres coreennes presentees par

Cinema a paraTtre l'annee prochaine en Grande-Bre-

60 Korea na I Ete 2008



tagne, cette activite d'ecrivain venant s'ajouter a

qu "il en ait trouve le propos assez peu realiste , puis

celles de critique de films, organisateur de festivals et

suivront « Notre heros defigure » et bien d'autres

blogueur, ce qui fait de lui, a bien des egards, un

qui acheveront de le conquerir.

veritable ambassadeur du cinema coreen.

C' est en 1997 que Darcy Paquet entre a l'Universite Koryo pour dispenser des cours d'anglais qui ne

De La rencontre d'un cinema

acelle d'un pays

Dans la petite ville du Massachusetts ou il est ne

devaient etre au depart que temporaires dans la perspective de son etablissement ulterieur en Russie, la

et a vecu jusqu ·a la fin de ses etudes secondaires,

possibilite lui etant alors donnee de s'impregner taut

Darcy Paquet, faute de pouvoir frequenter les salLes

entier de cinema coreen, dont il engloutira sans dis-

obscures, s'adonne a la lecture et a La photographie.

tinction toutes les productions, du noir et blanc des

Souhaitant approfondir ses connaissances sur les

annees cinquante ou soi xante au x ceuvres les plus

ecrivains russes qui L'ont emerveille, il entreprendra

recentes. Par-dessus taut, il s·etonnera du spectacle

plus tard des etudes dans ce domaine au Carlton Col-

sans pareil qui s"offre a sa vue, dans la salle, de spec-

lege situe dans l'Etat du Minnesota, ce qui lui fournira

tateurs machonnant en silence du calmar seche

l'occasion d'aller pour La premiere fois au cinema, et

plutöt que de croquer bruyamment du pop-corn, des

iL eprouvera des Lars un attrait grandissant pour ce

sous-titres s'affichant de hauten bas sur la droite de

genre artistique alliant ses deux grandes passions

l' ecran, de vieilles dames revendant a la sauvette

litteraire et photographique. c ·est a cette epoque qu 'il

leurs entrees a deux pa_s du guichet et des impres-

Lui sera donne de voir un film coreen pour La

sionnantes files d'attente des jours de fete.

premiere fois.

Avant de lui delivrer son billet, on s'inquietait

« ll s'agissait de Seopyonje, un film du cineaste

alors invariablement : « c·est un film coreen. Etes-

Im Kwon-taek que m'avait amene voir un ami venu de

vous bien sGr de vouloir le voir? ll n·est pas sous-titre

L'Universite Koryo, dans le cadre d'echanges universi-

en anglais ! » , un avertissement qui s·avere

taires avec celle d"lndiana, ou j'etudiais alors en

aujourd'hui superflu en raison de son excellente

maTtrise. En depit des splendides paysages qui appa-

maTtrise de la langue coreenne lui permettant de

raissent dans cette ceuvre, je n"ai jamais pu entrer

comprendre le sens d'une ceuvre sans la moindre

dans son intrigue ! »

traduction, ce qui fait de lui le premier des ressortis-

Ce film evoque la vie d'un grand chanteur de

sants etrangers en Coree a s'etre specialise dans ce

« pansori » , ce genre narratif chante specifiquement

domaine. En cette fin des annees quatre-vingt-di x,

coreen, qui fait absorber a sa fille un poison provo-

bien peu d"entre eu x avaient en effet acces au x

quant la cecite dans le but d'exacerber sa sensibilite

realisations cinematographiques nationales, dont les

musicale et de l'initier a son art. Cette taute premiere

pouvoirs publics n'assuraient pas une promotion

ceuvre lui produira une telle impression qu'elle

suffisante, alors, persuade qu· elles sont de nature -a

demeurera a jamais gravee dans sa memoire, bien

seduire un public international, Darcy Paquet prendra

2

62 Ko reana I Ete 2008

Darcy Paquet exerce les activites de cri tique de film. correspondant de revues de cinema et respo nsab le de la prog ramma ti on co reen ne de festiva ls internationaux du fi lm. Aqui sou hai te s" initi er au cinema coree n. le specia li ste propose de co mm encer pa r « The Hast », de Ba ng Jun-ho 12000) et« Pri ntem ps, ete, automne , hiver et printemps » de Kirn Ki- duk 12003)


« Le cinema coreen se caracterise, jusque dans les productions a budget modeste, par une haute qualite esthetique alliee

a

l'excellent jeu d'acteurs et actrices d'une grande expressivite, notamment de jeunes elements particulierement nombreux a exercer leurs talents dans cet art qui peut ainsi se diversifier aLa fois en genre et en style. »

l'initiative d'reuvrer lui-meme a leur diffusion.

ma.rche serait inonde de produits sans aucune origi-

Au cours de la seule annee passee, il allait ainsi

nalite qui etoufferaient toute tentative de creation ou

voir quatre-vingt-cinq des quelque cent films qu·a

d'experimentation, tandis qu'une evolution rapide des

produits l'industrie coreenne, auxquels s'ajoutent des

goOts incite a plus de variete.

productions etrangeres portant ce chiffre a deux

Aux neophytes, il conseille de decouvrir avant tout

cents reuvres visionnees a raison de trois ou quatre

« The Host », qui raconte l'histoire d'une adoles-

seances par semaine et, si l'on s'etonne qu 'un tel

cente retenue captive par un mutant sur le Hangang,

rythme ne l'ait pas epuise, car tenant de l'activite pro-

fleuve traversant Seoul, et que sa famille entreprend

fessionnelle, et non des loisirs, il repond invariable-

de liberer au peril de sa vie, de poursuites a perdre

ment et sans la moindre hesitation qu'il ne lui est

haleine en combats acharnes avec le monstre. Apres

jamais arrive de s·ennuyer et s·estime chanceux a

avoir remporte un enorme succes en Coree, plus par-

tous egards, notamment d' exercer une profession

ticulierement en raison de ses remarquables effets

liee au septieme art, d'avoir pu s'etablir en Coree et

speciaux, ce film a ete a l'affiche de soixante et onze

de s'y etre marie.

salles americaines et canadiennes au cours de

Observateur et ami Darcy Paquet Livre son point de vue personnel sur

conseillerait en second lieu l'reuvre « Printemps, ete,

les atouts et faiblesses du cinema coreen.

moine bouddhiste qui, de l'enfance a la vieillesse,

l'annee 2007.

« Ses films possedent tous de hautes qualites

esthetiques qui lui ont toujours valu les eloges du public europeen et les productions a petit budget ne

Aun

public d'age moyen et au-dela, il

automne, hiver et printemps », un recit evoquant un passe dans un temple de montagne toute son existence representee par les quatre saisons. Voila peu, Darcy Paquet cessait ses activites au

font pas exception a la regle, car elles attestent d'un

magazine Variety pour se consacrer a la gestion de

grand professionnalisme. En outre, les excellentes

son site internet lequel, du simple passe-temps qu 'il

prestations qu 'assurent particulierement les acteurs

representait a son ouverture, puisque son createur

et actrices interpretant les seconds röles leur don-

etait loin d'imaginer le r6le important qu'il serait

nent plus d'authenticite. Avant tout, le cinema coreen

amene a jouer, s·est aujourd'hui transforme en une

beneficie d'un effectif important de jeunes talents qui,

Vitrine du cinema coreen, son SUCCeS temoignant bien

en se lani;:ant dans cet art, permettent a celui-ci de se

de l'interet croissant que suscite celui-ci a l'etranger.

diversifier a la fois en genre et en style. ll suffit pour

Si le poids des responsabilites se fait plus lourd sur

s·en convaincre de penser au nombre de courts

les epaules de son concepteur, ce dernier, en authen-

metrages produits chaque annee ».

tique passionne de cet art, s·estime aujourd'hui plus

En ce qui concerne le public coreen, le specialiste

heureux que jamais et entend s·y adonner toujours

evoque une versatilite qui constitue tout autant un

davantage, non plus en tant que simple observateur,

casse-tete pour les producteurs qu'un bienfait pour

mais aussi en ami fidele veillant a son essor et a son

l'avenir de l'industrie, car dans le cas contraire, le

rayonnement mondial. i'i Ete 2008 1Koreana 63


SUR LA SCENE INTERNATIONALE

Woo Youngmi, cette couturiere qui a su comprendre l'homme de Paris

AParis, capitale mondiale de la mode, on croise souvent, dans le tres branche Marais, de jeunes elegants aux sacs signes Wooyoungmi, un grand nom de la haute couture coreenne qui a installe sa luxueuse boutique dans ce quartier en 2006. Shin Eugene Redactrice en chef d" ELLE Korea Photographie: Vizu Communication

64 Koreana I

Ete 2008


rande cuisine et haute couture ont ceci de com-

G

d'attributs feminins, au point de sembler

mun que les hommes y regnent en maTtres, d'ou

ternes et ordinaires par comparaison

la surprise qu ·a creee l'attribution des trois

avec ['extreme raffinement ornemental

etoiles du Guide Michelin 2007 a un restaurant dirige

des creations qu·avait inspirees a Hedi Sli-

par une femme ou la presence majoritaire de createurs

mane, ancien couturier chez Christian Dior

dans les plus prestigieuses maisons telles que Louis

Homme, le chanteur vedette du groupe

Vuitton, Christian Dior ou Chanel, une hegemonie mas-

de rock britannique Babyshambles,

culine a laquelle Woo Youngmi fait exception dans la

Pete Ooherty. Tauten n·etant pas des-

mode pour hommes.

tines aux femmes, ses modeles

Une touche de feminite dans l'habillement

ce geste taut en douceur avec lequel

possedent en outre quelque chose de

masculin En 2004, le groupe Ounhill a classe Woo Youngmi parmi les couturiers pour hommes les plus prometteurs par leur influence potentielle sur les tendances de la mode frani;:aise. Aujourd 'hui, la presse europeenne evoque une « couturiere qui a su comprendre l'homme de Paris » a propos de celle qui a deja participe a douze presentations de collections dans cette capitale et voit ses creations diffusees par des points de vente toujours plus nombreu x, puisqu'a sa boutique raffinee du Marais, s'ajoutent desormais des enseignes multimarques europeennes tres prisees telles que Pressing, a Paris, ou Dantone a Milan .

Al'automne

prochain, la

une mere ou une epouse s·assure de la tenue impeccable de celui qui s'apprete a sortir.

Un reve parisien aSeoul Voila deja vingt ans que Woo Youngmi, depuis le lancement de sa ligne Solid Homme se classe en tete de l'industrie coreenne de la mode masculine et elle y disposerait depuis longtemps de plusieurs lignes si elle s' etait donnee autant a sa creation dans son pays qu'elle ne l'a fait a Paris au cours

griffe fera aussi son entree en Grande-Bretagne par le

des si x dernieres annees, alors pourquoi

biais du grand magasin Selfridge·s et des boutiques

avoir opte pour cette voie difficile ?

multimarques Brown . Enfin, il convient de rappeler

« Dans les premiers temps, je n·avais

qu'en 2006, la ligne Wooyoungmi rivalisait deja avec les

pas pour ambition de participer aux defiles

celebres marques Miu Miu, Helmut Lang, Marni, et Neil

de mode parisiens, mais j'etais contrariee

Barrett au rayon de la confection masculine de luxe du

que mes modeles se vendent a bas pri x

grand magasin parisien Le Bon Marche.

dans les salons commerciau x, pour la seule

Ne creant pas a l'intention des femmes, Woo Youngmi se fait neanmoins porte-parole de leurs gouts

raison que je ne presentais pas de grandes collections », se souvient-elle.

en matiere d'habillement masculin synthetises par une

O'ores et deja bien implantee sur le marche

silhouette ideale. Ses tenues presentent l'image d'un

coreen, l' Europe lui restait d'un acces difficile,

charme discret mele de sensibilite post-adolescente,

malgre une presence toujours renouvelee au

sans jamais paraTtre ni guindees ni rebelles.

« New Wave » de Seoul, depuis 1993, aux c6tes de

Au risque d'etre dei;:u, on ne saurait y rechercher

jeunes et enthousiastes couturiers, outre les

l'elegance raffinee d'un Giorgio Armani, ni les coupes

incertitudes eprouvees quant a l'accueil que lui

taut a la fois subtiles et vigoureuses a la Hugo Boss,

reserverait la clientele masculine occidentale. Oe salon

aupres desquelles celles de Woo pourraient paraTtre

en salon, sa tenacite allait porter ses fruits et remplir

mievres. Ses toilettes a l'esthetique delicate, taut

peu a peu son carnet de commandes jusqu'a ce que ses

empreintes d'equilibre, n'en sont pas moins exemptes

modeles fassent leur apparition dans les rues d'Europe,

Ete 2008 1Koreana 65



lui permettant ainsi d'entrevoir la realisation de son reve

etant nouvelle ici, j'ai une pratique eprouvee qui est

de collection parisienne.

differente des autres. »

« J'ai pris part a des defiles coreens pendant plus de

Taut aussi an xieuse et impatiente que lorsqu'elle frap-

dix ans, mais les choses se presentent ici de maniere fort

pait pour la premiere fois a la porte des Collections pour

differente car, tand is que dans le premi er cas, ils cons-

hommes de Paris, Woo Youngmi allait y presenter une

tituent une vitrine de la creation, ils offrent, dans le se-

large gamme de creations, comme elle l'avait fait pour ses

cond, la possibilite de realiser de veritables transactions.

defiles de Seoul, afin de sonder les preferences des

J'ai tant appris au contact des acheteurs que j'y ai rencontres,

acheteurs, tandis qu'elle se centre aujourd 'hui sur la mise

que je leur verserais volontiers des droits de scolarite », se

au point du style qui lui est propre.

rappelle-t-elle. Ces clients et maTtres, comme elle aime a les appeler elle-meme, allaient etre nom-

« Les Parisiens sont extremement exigeants pour

l'habillement. lls viennent au moins cinq fois en boutique avant de se decider a acheter

breu x a lui accorder leur con-

un article, alors que dire des

fiance, ainsi qu ' une aide con-

distributeurs !

siderable, lorsqu ·elle a fait ses

appreciant une collection, ils

debuts au x Collections pari-

savent attendre et observer

Taut

en

siennes de 1992 en presentant sa

saison apres saison avant que

ligne « Wooyoungmi ».

d'etablir des contacts. »

Deux styles aux origines

Le reve continue

communes

Woo Youngmi affirme taut

Au x innombrables couturiers

juste commencer a se faire

coreens qui se sont lances a la

une idee de ce qu·est l'univers

conqu ete des podiums europeens et dont beaucoup ont

parisien de la mode, une modestie qui n'enleve pourtant

echoue sans pour autant renoncer a leur reve de connaTtre

rien a la confiance que lui inspire sa ligne et qui lui permet

un jour le succes sur ceu x de Paris, New York ou Milan,

aujourd'hui d'envisager une nouvelle etape a franchir sur

Woo Youngmi conseille de reussir en premier lieu chez soi

sa raute, celle de l'acces au marche americain. Si elle s·y

afin de parvenir a cet objectif.

est deja constitue une clientele, elle demeure convaincue

« ll est indispensable d'asseoir d'abord son activite

que la marque Wooyoungmi n'acquerra de veritable enver-

commerciale a Seoul. Taut en preparant la collection de

gure internationale que lorsqu 'elle se sera fait une place

Paris, j'ai consacre enormement de temps et d'efforts a la

sur ce marche, le premier au monde, consciente des dures

reorganisation du personnel et des structures de gestion

realites que represente cet objectif pour un individu ne dis-

locales. Bien que cela ne soit pas toujours evident, il est

posant d'aucun soutien commercial.

beaucoup plus facil e d'etre reconnu a Seoul qu ·a

« Ce que j'envie le plus au x grandes maisons

l'etranger, car si l'on n'y dispose pas d'une banne implan-

europeennes est leur histoire et leurs traditions, qui ne

tation, on peut se retrouver isole a Paris en raison de ses

s·achetent pas. Je ne pourrai penetrer sur le marche

origines », les met-elle en garde.

americain sans strategie de marketing con~ue par des

En d'autres termes, Solid Homme lui a permis de jeter

specialistes connaissant parfaitement le marche. »

les bases de son succes a Paris, ou cette marque vieille de

Une maison renomm ee lui a un jour propose de pren-

vingt ans retrouve une nouvelle jeunesse grace a la griffe

dre la direction des activites de creation, mais elle a decline

Wooyoungmi, de sorte que ces deux lignes respectivement

poliment cette offre, qui lui aurait pourtant assure une

installees a Paris et Seoul font figure de sceurs jumelles

renommee immediate, son attachement a sa ligne primant

issues d'une seule et meme creatrice.

sur taute autre consideration .

« Apres m'avoir surnommee « Madame vite, vite »,

Taus nos vceu x de succes accompagnent Solid Homme

mon personnel fran~ais estime aujourd'hui que je peux me

a Seoul comme Wooyoungmi a Paris, ainsi que taute nou-

permettre de lever le pied, au vu du rythme de croissance

velle ligne qui ne saurait tarder a apparaTtre .

f)

assez rapide de la ligne, ce a quoi je reponds que, taut en

Ete 2008 1Koreana 67




Q

uand regne sur la ville une chaleur accablante et que l'eternel dilemme entre mer ou montagne se pose

al'estivant en

mal d'evasion, la ville de Samcheok, sur la c6te est de la province de Gangwon-do, offre une destination qui permet d'apprecier taut

ala fois

l'u ne et l'autre. Le vacancier pourra tour

atour y retrouver

la lenteur de vivre d'autrefois saus l 'e paisse voOte sylvestre des Monts Taebaek et s¡y baigner en admirant les beautes du paysage se deroulant

a perte de vue. Cette paisible localite

maritime satisfera aux goOts de tous grace aux bienfaits de l'a ir pur montagnard, de la detente qu'offrent ses plages et de la decouverte de l 'univers souterrain que recelent ses nombreuses cavites naturelles, notamment

a

Hwanseon.

Splendeurs bleues de l'ocean Situee sur le littoral peninsulaire oriental, Samcheok est reputee pour la transparence de ses eaux turquoise attirant nombre de touristes amateurs de baignades,

a la saison

chaude, et

le reste du temps desireu x de contempler l'immensite oceanique aux effets apaisants. Si

a perte de vue par la mer aelles-memes par leurs attraits et

ses plages baignees se suffisent

splendeurs, le port permettra aussi au visiteur de s'impregner de taut le dynamisme d'une population qui tire sa subsistance du milieu marin. Brassees par une convergence de courants chauds et froids, ses eaux renferment une abondante faune marine

a l'o rigine

d'une

n'ont de cesse de capturer les mollusques et ce n'est qu 'au petit matin qu'ils rentrent enfin au

importante peche, comme en temoignent les

port, qui s'anime alors des preparatifs de la

incessantes sorties en mer de bateaux partant

vente

a la

recherche de prises genereuses pour

sont envahis par les etals de calmars taut frais

revenir au port taut charges de poissons. Outre

et les marchands s¡y affairent avec une ardeur

ce dernier, la ville en comporte d'a utres de

infatigable nourrie d'une veritable passion.

a la criee.

En un rien de temps, les quais

dimensions variees, notamment au sud de la

lci, la mer presente un contraste frappant entre

baie de Samcheok, ou le littoral lange par une

son cadre pittoresque diurne propice au

raute pittoresque egrene ses six petits ports qui

delassement physique comme moral par le

possedent chacun un charme particulier. Frequentes par nombre de bateau x de

biais des bains ou de la simple contemplation des vagues et le theatre d'une intense activite

offrent le magnifique spectacle nocturne de la

a laquelle chacun s'adonne afin de pourvoir a son existence sur ces bateaux aux

mer illuminee par les fanau x de ces embarca-

vives lumieres trouant l'obscurite, tandis que le

tions. Pendant des nuits entieres, les pecheurs

port s ' emplit de bruit et d'animation.

peche au calmar, ceux de Jangho et lmwon

70

Koreana

I Ete 2008

nocturne


Les faisceaux lum in eux de ces bateaux pechant le calmar de nuit ecla irent brillamment les eaux de la Mer de l' Est. 2 L' importance de la peche locale a fait du calmar seche la prin cipa le spec ialite culin aire de Samc heok.

De tranquilles pavillons dans La beaute de l'aube

d'environ cinq

kilometres du nord de

l'agglomeration, qui , si elle ne fait plus partie du

An'en pas douter, c·est au lever du soleil que

domaine communal depuis son rattachement a

le spectacle de la nature atteint son apotheose a

la ville voisine de Donghae en 1980, en rupture

Samcheok, car, quel que soit le point de vue

avec plusieurs siecles d'histoire, est toujours

duquel an se place, il offre un panorama des plus

consideree par la population de Samcheok

magnifiques sur la mer, encore houleuse et d'un

comme l'une de ses richesses par les splen-

cobalt sombre avant l'aurore, puis se teintant

deurs de son paysage au lever de soleil.

peu a peu de rouge comme les joues de la jeune

Chuam tient son toponyme, qui signifie

et timide mariee, lorsque commence a poindre

« rocher du chandelier », de la presence d'une

l'astre du jour a l'horizon, avant de briller de feux

enorme formation rocheuse se dressant

rouge orange qui se disperseront dans le ciel au

fierement hors des flots et offrant de jour un spec-

couchant. C'est l'heure au l'homme renonce a

tacle de taute beaute quand les vagues viennent

son egocentrisme pour se mettre a l' ecoute de la

se briser impetueusement a ses pieds, tandis qu·a

mer.

l'aurore, le soleil levant qui l'illumine fait briller de

Tel est le cas a Chuam, une plage distante

mille eclats ces formidables chandelles. Ete 2008 1 Koreana 71


Emu par cette vue sublime, le visiteur

La ville aux cavernes

retrouvera sa serenite en se rendant au pavillon

Comblee par un enviro nnement genereux,

de Jukseoru, un edifice classe Tresor n°213

Samcheok possede non seulement de ma-

dont le rui ssea u et le bosquet de bambous taut

gnifiques levers de soleil, mais aussi le plus

proches composent un decor empreint de

grand nombre de cavernes creusees dans le

quietude. Denomme Osipcheon, ce cours d'eau

calcaire que campte le pays et dont cinquante-

d'u ne longueur de cinquante kilometres arrose

cinq ont ete localisees

la ville de Samcheok avant de se jeter dans la

allait d'ailleurs leur consacrer une exposition

Mer de l'Est. Comme l'indique son nom en si-

internationale, demontrant ainsi

tuant son emplacement « », ce sanctuaire s'eleve

a l'est des bambous a pro ximite de ces

a ce jour. En

2002, elle

a quel

point

elle merite son surnom de « Ville des cavernes ». Ces cavites souterraines attirent surtout les

arbustes. Des l'Antiquite, les Coreens allaient entreprendre d'edifier de tels pavillons aux emplacements les plus pittoresques, taut

a la fois

pour

s·y rassembler, admirer le paysage environnant

a Hwanseon et Daegeum , ou elles sont pourvues a leur intention d 'esca liers curieux

metalliques et de Couloirs bien eclaires qui permettent de s'y deplacer en taute securite.

a des distractions, a l'instar de celui

Ouverte au public en 1997, la premiere fi-

de Jukseoru ou, assis dans cette construction

gure aujourd'hui parmi les lieux touristiques ane

et se livrer

en bois de plein pied qui, depuis maintenant

pas manquer. s·etendant sur six kilometres et

huit siecles, domine le ruisseau coulant en con-

demi, son immense plate-forme pourrait per-

trebas, le visiteur se prend

a imaginer

les

mettre aplus de dix mille personnes de s·y tenir

Coreens du temps jadis y redigeant ou lisant

debout et les nombreuses cascades, petites ou

leurs elegies sur les beautes de la nature.

grandes, qui s·y deversent donnent l'impression

2

72 Koreana I Ete 2008

Le pittoresque paysage que compose le pavillon de Jukseoru dresse sur une fala ise rocheuse dom ina nt le rui sseau d"Osipcheon a insp ire nomb re de poetes et pe in tres coree ns. Le soleil levant offre son spectacle inou bliable sur la plage dite de Chuam. c·est-a-dire « rocher du chandelier » en raison de la forme des roc hers emergeant de ses eaux.


cinema IMAX, est projete un film sur les ca-

Une mer omnipresente Samcheok possede une topographie bien particuliere liee a sa Situation entre la Mer de l'Est et, a l'ouest, la chaTne des Monts Taebaeksan, cette veritable ÂŤ epine dorsale de la . Coree Âť, comme on denomme ce massif qui dresse sur le flanc oriental de la peninsule des hauteurs si accidentees qu 'elles ont longtemps rendu la ville pratiquement inaccessible. Sur ce relief peu adapte a la riziculture, la production agricole se limite aux cultures potageres, tandis que le sous-sol est riche en ressources, notamment celle de la roche calcaire. De par sa position decentree sur la peninsule, releguee en bordure du littoral orien-

vernes de Samcheok restant inconnues du pu-

ta l, Samcheok a longtemps ete coupee du

blic et que la Salle d'exploration, dans son

reste du territoire et donc privee d' echanges

batiment en forme de chauve-souris, fournit un

avec l'exterieur, conservant donc relativement

de se trouver sur une autre planete. Dix ans plus tard, le public allait avoir acces a celle de Daeguem, completee d'un ecomusee taut proche et desservie par un train monorail jusqu 'a son entree. Differentes activites educatives sont proposees dans deux salles d'exposition specialisees dans ce domaine, la premiere, nommee Salle des cavernes mysterieuses permettant de mieux comprendre le processus de formation, la typologie et le milieu naturel de ces cavites, grace a differentes presentations que le visiteur decouvre en parcourant un couloir decrivant une spirale autour d'une colonne en forme de stalagmite, tandis qu'au

panorama des differents types de grottes et

bien, de ce fait meme, une originale culture

materiels de speleologie existant de par le

regionale dont atteste la subsistance de cro-

monde.

yances populaires dans une population vivant

Samcheok conjugue les charmes naturels d'une region de montagne a l'air pur avec ceux d'une cĂśte oceanique aux eaux bleues et profondes s'etendant aperte de vue, auxquels !i'ajoutent les merveilles et mysteres de grottes naturelles telles que Hwanseongul.

Ete 2008 1Koreana 73


AHaesind a ng, sa nctuai re du Dieu de la Mer, la populati on de Samcheok imp lore e ncore celu i-c i de garde r les pecheurs des perils de la mer et de leur assurer d'abonda ntes prises.

essentiellement de la mer. Atitre d'exemple, il suffit de citer les pratiques cultuelles souvent

naufrage par gros temps, et les villageois de

vouees par les habitants au Dieu de la Mer pour

penser qu e ces calamites leur etaient

qu'il les garde des tempetes et coups de mer,

infligees par l'esprit de la jeune fille eploree.

tauten leur assurant des prises abondantes. Au

Alors, pour apaiser son ame, ils resolurent de

sanctuaire de Haesindang qui leur est consacre

lui elever un temple nomme Haesindang sur

a flanc de rocher

une colline surplombant la mer, mais les

sur une colline bordant la plage de Sinnam-ri,

fleau x ne cess erent pas pour autant, loin s¡ en

une coutume issue du conte populaire suivant

faut, de sorte qu'un ivrogne s'en vint un jour

veut que l' on accroche des objets phalliques

au temple et commit l'acte sacrilege d'uriner

propitiatoires.

sur l'un de ses murs, exaspere de ne pouvoir,

et s'eleve aujourd 'hui encore

Jadis, vivaient un jeune homme et une

taut comme les autres habitants, mettre fin

jeune fille epris l'un de l'autre . Un jour, ils se

au x infortunes dont on les accablait. Cepen-

rendirent en bateau sur une petite Tle pour y

dant, il rentra le lendemain de la peche avec

ramasser des algues, puis quand vint midi, le

une pleine cargaison de poissons et les villa-

jeune homme reprit la mer pour ramener

geois, en concluant que l 'esprit de la jeune

c¡ est alors

fille reclamait une force virile, suspendirent

quelque nourriture du continent.

a l'aide

que le temps se gata, le s vent s forts et la

des objets phalliques dans le temple

houle empechant le jeune homme de retour-

de paille tressee . Par la suite, la vie reprit son

ner aupres de la jeune fille qui, en l'attendant

cour s normal, que ne vint perturber plus

taut esseulee, fut emportee par les vagues

aucun accid ent myst erieu x, et la mer

impetueuses et perit noyee . Apr es cette

regorgea

tragedie, des malheurs sans fin s'abattirent sur le village, soit que les bateau x rentrent 74 Koreana I Ete 2008

sans avoir rien peche, soit qu'ils fassent

anouveau de poisson .

Dans ce quartier de la ville, se pratique aujourd'hui encore un rite consistant

a deposer


un enorme objet phallique aux c6tes d'aliments

d'un seul tenant, cette architecture s·averant

apportes en offrande sur l'autel et revetant une

bien adaptee au climat montagnard par la pro-

dimension non seulement religieuse, puisqu 'il

tection efficace qu 'elle assurait contre la force

participe de prieres pour le salut des pecheurs et

du vent et la conservation de la chaleur face aux

l'abondance de leurs prises, mais aussi festive,

rigueurs de l'hiver, outre qu 'elle preservait le

car il se deroule dans une ambiance joyeuse,

betail des attaques d'animau x sauvages. Le

tauten contribuant amaintenir le tissu social.

chauffage des chambres y etait realise par un « gokol », sorte de cheminee

a l'occidentale

Un habitat adapte ason environnement Les Coreens construisaient naguere des

dans laquelle on faisait brOler du pin , ce

maisons au x murs en terre glaise et aux toits

et degageant peu de fumee.

de chaume, mais ou la paille de riz etait aussi

resineu x ayant de bonnes proprietes caloriferes Au village de Daei-ri, qui se situe non loin

ala monocul-

des grottes de Samcheok, quelques maisons

ture de cette cereale, qui en faisait un materiau

charpente en madriers sont toujours habitees

presente, puisqu 'ils s'adonnaient

a a

d'acces facile. Faute de terres arables assez

ce jour, d'autres types de constructions tradi-

vastes pour cette production, les habitants de

tionnelles etant ouvertes au public.

Samcheok furent en revanche contraints de

Genereusement dotee des trois milieu x

a profusion

marin, montagnard et souterrain dans taute

recourir au bois, qu 'ils trouvaient dans les forets avoisinantes.

Au moyen d'ecorce ou de bois scie pour obtenir des madriers, ils realisai ent la char-

2

Dans cet anc ien moulin, une ouve rtu re menagee l'une des ext rem ites du levier permet l'eau d'y penetrer et ce faisant . d'elever le pilon fixe l'autre baut, puis de le fai re retomber pou r.ec raser le grai n dans un mortie r lorsqu'elle s·en echappe. Dans les montag nes voisines de Samcheok. les maisons d'autrefois. dites « gulpiji p ». possedaien t un toit com pose d'ecorce de tronc d'a r bre et, par le petit nom bre de leu rs ouve rtu res, pre mu nissaient leu rs occupan ts des rig ueurs de l'hiver.

a

a

a

3

leur diversite, la petite, mais agreable ville de Samcheok permet d'aller

a la

rencontre d'une

population vivant en parfaite osmose avec la

pente de maisons, qui dans un cas comme dans

nature et de retrouver ce faisant taut le charme

l 'autre, etaient de plein pied, de sorte que

de la Coree eternelle. IIEl

chambres, cuisine et etables etaient couvertes Ete 2008 1Koreana 75


CUISINE

Bouillon de breuf aux algues et navets

76 Koreana I Ete 2008


Le vocable coreen « guk » designe des bouillons de legumes, poisson ou viande figurant dans l'alimentation de base en Coree de sorte qu·un repas ne saurait y etre complet en l'absence de ces preparations, notamment saus forme d'un delicieux bol de bouillon de viande aux algues, le « soegogi miyeokguk », ou aux navets, le « soegogi muguk ». Paik Jae-eun Professeur e n sciences alimentaires et en nutrition de La Faculte de Bucheon Kang Hee-kap Photographe

'\.

A

I

Park Yong-ill Conseiller culinaire

la cuisson a sec tres repandue dans les pays occidentaux, les Coreens preferent celle en milieu humide dans nombre de leurs specialites culinaires, notamment un bouillon dit « guk », dont l'importante place en matiere alimentaire est attestee par le texte suivant tire d'un traite d'art culinaire d'epoque

Joseon [1392-191 OJ qui s'intitule Joseon fvlussang Sinsik yorichaebeop : « Le « guk » se place au second rang, apres le riz a la vapeur, par son omnipresence sur les tables coreennes au il represente le principal plat d'accompagnement. Sans lui, un repas serait comme un visage sans regard, c·est-a-dire que nul festin ne saurait etre complet en son absence ». Ainsi, le « guk » fait pendant au riz, aliment de base coreen qu'il accompagne plus souvent qu ·a ucun autre mets saus forme de bouillon agremente d'ingredients tels que viande au legumes, mais tient egalement lieu de plat principal lorsqu 'il est additionne de cette cereale.

Variantes du « guk » La recette de base se decline en quatre versions denommees « malgeunguk », un bouillon clair, « tojangguk », un bouillon assaisonne de sauce de soja fermentee, « gomguk », un bouillon plus epais a la viande, et « naengguk » , un bouillon froid .

Le « malgeunguk » se compose d'eau au l'on fait le plus souvent bouillir une petite quantite d'ingredients divers et une piece de boucherie de grosses dimensions, que l'on peut faire mijoter entiere, si elle est destinee a de nombreux convives, tandis que dans le cas contraire. an fragmentera celle-ci en petits morceaux, que l'on assaisonnera et fera frire avant de porter l'ensemble a ebullition pour obtenir un liquide dense, dont sel au sauce de soja releveront la saveur.

« Soegogi miyeokguk » •

lngredients 100 grammes de breuf [Jarret pour soupel. 50 grammes d'algues sechees

1

acafe de sel, 1 cuilleree acafe d'hu1le de sesame, 1 pincee de po1vre no1rl. 2 cu1llerees acafe d'huile de sesame, 8 ve rres d'eau, Un peu de sauce de soja,

Assa1sonnement [1 cu1lleree un peu de poivre noir

Preparation Decouper le breuf en tranches minces et assaisonner. 2 Nettoye r les algues sec hees et les faire tremper dans l'eau pendant environ trente minutes, puis les egoutter et couper en lanieres de quatre centimetres de longueur.

a

3 Verser l'huile de sesa me dans une casserole et y faire revenir le breuf prepare l'eta pe (j). Quand la viande est de la consistance souhaitee, ajouter les algues et faire revenir le taut. Lorsque ces ingredients sont bien imbibes d'huile, verser l'eau et porter

aebullition afeu moyen. abouillir, reduire le feu et assaisonner.

4 Quand l'eau commence

Ete 2008 1 Korea na 77


Le « soegogi miyeokguk » se sert souvent suite

aun accouchement, pour permettre

ala mere de reprendre des forces, mais aussi achaque repas d'anniversaire, tandis que le « soegogi muguk » se caracterise par la simplicite de sa preparation.

Quant au « tojangguk », il s·avere des plus goOteux, malgre sa faible teneur en viande, grace a l'emploi de sauce de soja fermentee a laquelle peut se substituer de la poudre de piment rouge produisant un effet plus corse . De meme que le « gomtang », ce bouillon de viande et de tripes, au le « seolleongtang », a la viande et a l'os de boeuf, le « gomguk » est garni de viande ferme au d'os que la cuisson ramollit. L'assaisonnement y intervient tant6t en cours de preparation, sous forme de sel ou sauce de soja, tant6t lors de la consommation ou il n·est alors que sale, comme cela est souvent le cas du « seolleongtang » ou du bouillon au coquelet et au ginseng. Quant au « naengguk » , qui se compose en regle generale de concombre et d'algues vertes au brunes, il se mange froid apres en avoir releve l'acidite a l'aide d'un filet de vinaigre dont la saveur particuliere ouvrira l'appetit pendant les mois de grande chaleur estivale. ll se sert dans des bols que l'on remplit a soixante-di x ou quatre-vingts pour cent de leur contenance, a raison de trois volumes de soupe pour un d'ingredients. Ces derniers peuvent etre de types tres divers, puisqu'ils vont de la viande au poisson, en passant par les coquillages, legumes au algues, dont le choix dependra selon la saison . Ainsi, tandis qu·au printemps, convient le « tojangguk » agremente de plantes sauvages telles que l'armoise ou le raifort, l'« oi naengguk » au con combre et le « miyeok naengguk » aux algues, tous deux froids, ainsi que le « kkaetguk » au sesame, le bouillon au coquelet et au ginseng ou le « chueotang » au x loches figurent en bonne place sur les tables estivales. Apres l'automne et ses « toranguk » au taro, « songitang » aux champignons de pin et « baechutguk » au chou chinois, viendront les rigueurs hivernales exigeant « gomguk » , « seonjitguk » au sang de boeuf, « tteokguk » aux rondelles de pate de riz et « manduguk » aux raviolis. Alors que soupes et bouillons occidentaux sont apprecies pour leurs vertus aperitives, ils assurent en Coree une fonction d'accompagnement du plat principal constitutif d'un repas, quoique pouvant suppleer a celui-ci moyennant qu'il soit epaissi au riz, comme dans le cas du « gomtang », du « seolleongtang » ou du « samgyetang », c·est-a-dire le bouillon au coquelet et au ginseng .

~

« Guk » au ba:iuf Preparations simples de la cuisine familiale, « soegogi miyeokguk » et « soegogi muguk » figurent parmi les specialites favorites des Coreens. Le premier se sert souvent suite a un accouchement, pour permettre a La mere de reprendre des forces grace aux algues riches en calcium et iode, lesquels s·averent respectivement bienfaisants d'une part, pour les os, les dents, La contraction de l'uterus et son hemostase post-partum, et d'autre part, en tant que nutriment essentiel facilitant la regulation des hormones thyro'i'dales. Les Coreens ont aussi coutume d'en consommer lors des anniversaires.

ll se confectionne en faisant revenir de menus morceaux de viande que l'on fera cuire a petit feu avec les algues, mais qui pourront aussi s'ajouter a celles-ci apres qu'elles auront cuit dans un bouillon a La poitrine ou a l'os de boeuf, voire etre remplaces par des moules sechees. Quanta la seconde preparation, elle est d'une consommation familiale tres repandue et consiste a faire frire viande et navet decoupe en lanieres avant de les plonger dans le bouillon destine a leur cuisson . Particulierement apprecie, ce bouillon se caracterise par sa confection aussi simple que rapide et, s'il se consomme tout au long de l'annee, c·est a l'automne qu 'il est le plus savoureux grace au navet nouveau disponible en cette saison . ~

78 Koreana I Ete 2008

[;;~i .;~1~~1rr:;~;4; ,; ~:=E~~:::::::::. ~!-;: r.:::~=~~~;:::~::~ ~

f~n;i~:;0tt~1; r-..:·2~1r~~


Preparation Decouper le bceuf en tranches minces et assaisonner. 2 Nettoyer le navet, puis le couper en des de trois centimetres de largeur que l"on emincera pour obtenir des carres de 3 cm X 2,5 cm. 3 Verser l"huile de sesame dans une casserole et faire revenir le bceuf prepare al"etape G). Quand le bceuf acquiert La consistance souhaitee, ajouter navet et ail eminces, puis continuer faire frire. Quand les ingredients sont bien imbibes d'huile, ajouter l'eau et porter

a aebullition afeu moyen.

4 Nettoyer les laminaires avec une serviette de table seche avant de les plonger dans La soupe.

a

a

5 Quand La soupe arrive ebullition, degraisser et ecumer. Reduire le feu et assaisonner La sauce de soja. 6 Decouper les laminaires en morceaux de meme taille que ceux de navet, puis ajouter ces derniers La soupe. Emincer le poireau en diagonale et porter le tout ebullition pendant quelques minutes. Poivrer

a

a

avant de servir.

Ete 2008 1Kore a na 79


REGARD EXTERIEUR

La Coree, une harmonie surprenante entre traditionnel et moderne Aux yeux d'un etranger, c¡est cette alch imie etrange, pas toujours immediatement perceptible, entre tradition et mode ~nil:1 qui est le plus fasc inant a Seoul et en Coree en general. Bien s ur, 'OA e t sou:ve11t urpris pa r des decalages culturels, Nicolas Piccato Consultant pour les in dustries aud iovisuelles, et directeur des ve ntes et co-productions interna tionales aupres de Mi rovision ln c.

80 Koreana I Ete 2008


ur une journee normale, cela commence des le

nes qui paieront le repas et le cafe [et qui ne paieront rien

matin, quand je me reveille avec une musique a la

Le lendemain] ont depense la meme somme.

mode sur man portable, que j'ouvre les yeux, et

L'interaction reste subtile de toutes fai;:ons, qu·on en

qu 'il m'indique la meteo exterieure . Et en echo a ces

juge du succes de la 'Korean Wave·, la vague culturelle

informations, je retrouve la lumiere du matin a travers

coreenne qui a inonde l'Asie [et a un moindre degre

mes fenetres en papier de riz au x motifs traditionnels ...

l'occidentl.

a travers ses films, ses stars, ses chanteurs, rapport a la structure des series televisees

c·est un choi x personnel, mais i;:a reste neanmoins possi-

par

ble a Seoul en 2008 !

coreennes. Dans ces series , l'hero'i'ne se debat contre

D'ailleurs le personnel d' Hanaro Telecom, venu

l'heredite sociale, l'opinion des parents et de la societe, et

m'installer l'internet sans fil, m·a confesse ne pas aimer

taut se termine souvent dans le consensus. Du alors, ce

du taut ce genre de fenetres qui les obligeaient a modifier

sont des series en costumes, qui ancrent directement la

leur installation type, le seul fil necessaire devant passer

serie dans les temps anciens, ce que l'on ne voit jamais

par une fenetre, mais on ne traue pas du papier comme

avec autant de frequence dans les series occidentales. Et

i;:a .. .

pourtant mes amis coreens ne comprennent pas que les

Apres m·etre prepare, et avant de prendre le chemin

Europeens ne s'interessent pas plus

a ces

series ... Un

du bureau, je mets en marche man aspirateur robot,

'Old Boy· et un 'Taejanggeum" seraient-ils faits du meme

invention locale qui bouleverse mes amis occidentau x.

bois? Du bois coreen alors !

Par contre, ils ne peuvent s·empecher de me demander si

Mais revenons

a la vraie vie de Seoul, ou aujourd'hui

taut le monde vit avec des robots, puisque souvent, bien

on peut rouler en deux raues sans etre pour autant un

que cultives, ils ne connaissent rien a la Coree. « Bien sGr

livreur, ce qui n·etait pas le cas il y a quelques annees.

que non » leur reponds-je, mais c·est justement ce qui

Depuis deux ans, avoir une vespa, ou un scooter japonais,

surprend toujours en Coree, cet equilibre etonnant entre

est devenu une mode, et Les jeunes branches d'apkujeong

des technologies nouvelles et de vieilles manieres, entre

sortent en 125 chromes pour aller dans les clubs ou se

la possibilite de la modernite, mais la coexistence des

produisent des D.J. internationaux. Du dans des norae-

habitudes.

bangs, chanter des chansons populaires core ennes avec

D'ailleurs, je sors de chez moi, et la grand-mere d'en-

des amis en buvant du vin frani;:ais, cela se fait aussi . Les

face qui balaye les fleurs tombees de son cerisier, me dit

autres motards de Coree sont les livreurs sur leurs

bonjour, et je doute qu 'elle s'interesse au x aspirateurs-

motos [egalement 1251. et souvent ils y ont installe un

robots. Encore une fois, je vis dans un qt,Jartier sympathique,

'jigoi', une armature en forme de

A. exactement similaire

aux armatures que l'on voit chargees de paille et portees

au x maisons basses, au x toits traditionnels frequents et

par des Coreens en blanc sur les photos de la Coree du

au x grand-meres moqueuses, ma is si je marche une

siede dernier. Et qui leur sert d'ailleurs

dizaine de minutes. et que je traverse l'avenue au x deux

toutes sortes de choses.

a transporter

fois quatre voies, je me retrouve dans un quartier de tours

Et la aussi , le plus surprenant n·est pas l'armature,

de verres et de metal. Un quartier recent puisque des

mais plutöt son cöte imperceptible et omnipresent en

petits restaurants que j'y connaissais subsistent seule-

Coree. ll y a partout de ces references, mais personne ne

ment quelques vendeurs de toasts du matin, et que la

les voit. Et c·est cette magie quotidienne, portee par la

population qui y deambule est en costume-cravatte, et

population core enne, enthousiaste et amusee, qui fait que

beaucoup plus jeune que les grands-meres susmen-

_la vie oscille entre tradition et modernite, sans jamais

tionnees.

basculer de maniere decisive vers l'une ou vers l'autre.

Mais cette alchimie entre tradition et modernite se

Le fait que les changements en Coree soient advenus

retrouve egalement taut au lang de la journee; L'exemple

si rapidement est probablement ce qui explique que les

moderne en est aujourd'hui le repas de midi, qui avec les

gens ne s·y soient pas attardes, et se soient plus occupes

collegues de bureau coGte entre douze et vingt mille wons

de leur survie, puis de l 'humain, de la survie de leurs

pour un groupe de quatre, et le cafe post-dejeuner, qui coGte

proch es. c·est ce qui fait cette unite, ce sentiment

a peu pres la meme somme [sinon plus). t;;a ne choque per-

d'appartenance parfois aussi fort que surprenant, que

sonne, taut le monde s·en amuse , et a la limite, cela

l'on ressent et qui nous fais nous dire que nous sommes

faciliterait meme les relations, puisque les deux person-

heureux d'etre ici, maintenant. fJ

Ete 2008 1Koreana 81


VIE QUOTIDIENNE

Le retour du « costume de vent », le « hanbok » Le « hanbok » fait regulierement son apparition dans des feuilletons et films historiques televises en tant que costume d'epoque, mais aussi signe exterieur du rang social, de la condition et de la personnalite de leurs protagonistes, ces productions tirant ainsi parti de ses lignes traditionnelles et riches couleurs, tandis que d'autres mettent l'accent sur les attraits de ses versions plus actuelles. Kirn Min-Ja Pr_ofesseur au Departement d'etudes vestimentaires et textiles de l'Universite nationale de Seoul Photographie Cine21, bom Film Productions Co., Ltd.

L

expression « costume de vent »

etoffes dont celui se compose, a l'image de

par laquelle on designe parfois

cette « chima » gracieuse et pudique,

le « hanbok » evoque on ne

mais a la sensualite sans pareille dans sa

peut mieux l'aspect aerien de sa

mise en valeur du visage feminin. Dans les

longue jupe, la « chima », fr6lant a

ceuvres cinematographiques ou feuilletons

des

situes saus la dynastie Joseon [1392-1910).

elegantes, dont la charmante sil-

cette tenue pleine de distinction represente

houette semble prendre son envol

ainsi un atout decisif du charme exerce par

chaque

pas

les

jambes

au moindre souffle de ce vent par

les femmes en rehaussant leur beaute taut

lequel les Coreens, saus le nom

en produisant un effet visuel d'ensemble

de « baram », se referent souvent

dans un contexte historique donne. Dans

a l'euphorie suscitee par le senti-

deux de ces productions intit_ulees Hwang

ment amoureux ainsi qu·a l'effi-

Jin-yi et Forbidden Quest, dont la premiere

cacite decuplee que L' on atteint

evoque la vie d'une celebre courtisane et

en se plongeant dans son travail,

artiste du temps de Joseon, et la seconde,

puisque cet element evoque li-

des personnages bravant les interdits du

berte et aisance du deplacement

confucianisme au profit de leur emancipa-

dans les airs, en meme temps

tion sexuelle et amoureuse, le « hanbok »

qu·un leger et regulier mouve-

se fait omnipresent jusqu·a constituer, dans

ment de balancement.

certaines scenes, l'indispensable artifice de seduction dont usent les hero·i'nes pour mettre leurs charmes en valeur.

Anticonformisme et ordre social Depuis

82 Koreana I Ete 2008

toujours,

ll est indeniable que la societe d'alors cette

obeissait a un ordre immuable qui

reference au vent represente

regissait relations sociales et repartition

une constante du costume traditionnel

des r6les entre les deux se xes con-

coreen dans lequel il se materialise aussi

formement aux preceptes du confucia-

bien par les lignes que la texture des

nisme, les hommes se devant d'aspirer


2

Dans la serie televisee Hwang Jin-yi evoquant la vie d"une cele bre cou rtisane de la dynastie Joseon appe lee Hwang Jin-yi, celle-c i revet une te nu e don t l"audace egale sa renom m ee d'irresistible seduct rice, dans un e cour ou bien des fem m es devan~aient pourtant la mode. Le « hanbok » d'epoque Joseon, qui se portait au quotidien, possedait une elegance di sc re te s·op posa nt aux m od.eles oses de cou rtisanes telles qu e Hwang Jin Yi.

2

aux vertus du « gunja », c·est-a-dire

dans le premier r6le masculin du film

modeste, sans exces d'ornementation, et

l'homme ideal selon cette philosophie, et

Untold Scandal, l'un des grands succes de

qui trouve son prolongement dans les

la femme, de s·appliquer a devenir une

ce qu'il est convenu d'appeler la « vague

preoccupations croissantes des Coreens

fidele

conceptions

coreenne », aux c6tes de Jeon Do-yeon,

d'aujourd 'hui en matiere de sante et protection de l'environnement.

epouse.

Ces

regentaient aussi l'habillement qui se

recompensee en tant que meilleure actrice

devait d'adopter un style solennel

pour son r6le dans Secret Sunshine, en

Par ce minimalisme resultant d'une

empreint

se

2007, au Festival de Cannes. Composee

influence spirituelle, La tenue vestimen-

demarquaient par leur innovation les

d'un pardessus ceinture que venait

taire des intellectuels de jadis presentait

de

rigorisme,

dont

modes que lani;:aient les courtisanes,

completer un pendentif dit « seonchu » et

en outre des similitudes avec le dessin

dites « ginyeo », et que suivaient les

un chapeau haut en crin de cheval, le « gat »,

traditionnel a l'e ncre de Chine, un genre

nobles dames elles-memes.

cet habit conferait sobriete et retenue a la

caracterise par La representation de

Les costumes qui figurent dans les

silhouette par son style epure, depourvu de

valeurs ou themes donnes au moyen de

films cites precedemment observent ces

fioritures, ainsi que par sa bichromie en

ce seul liquide noir sur un support de

normes communement adoptees tout en

noir et blanc. Pour les penseurs confucia-

papier blanc. Cette analogie s·avere perti-

s·agrementant de couleurs et lignes origi-

nistes de l'epoque, harmonie et equilibre

nente si l'on songe que dans les deux cas,

nales qui s·ecartent resolument des con-

representaient des valeurs spirituelles car-

s·exprimaient des esprits cultives habites

ventions pour acquerir une touche

dinales les incitant a rechercher un com-

d'une volonte de ma'i'triser leurs desirs

d'audace, voire d'excentricite.

promis permanent entre raison et passion.

materiels d'hommes.

Dans le but de mettre en pratique leur

Adaptation du roman frani;:ais Les

« esthetique de la purete », ils se fixaient

Liaisons dangereuses, dont s'inspire

pour regle de conduite de ne point con-

aussi taute une serie de films europeens

Un rouge subversif Si , dans les realisations mentionnees plus haut, La version feminine du « han-

voiter de possessions materielles, d' ou

et americains, l 'ceuvre Untold Scandal

bok » se distingue par l'anticonformisme

l'emploi a leur egard du terme « cheong-

situe son intrigue dans la Coree du x1e

de sa beaute, le costume blanc a La splen-

baengni » signifiant litteralement « fonc-

siede, a la cour de Joseon, DU un celebre

deu r immaculee, dit « dopo », est

tionnaire d'un blanc immacule », c'est-a-

galant

emblematique de l'integrite intellectuelle

dire honorable par sa droiture exemplaire,

amoureuses avec de chastes gentes

des aristocrates erudits de Joseon, a

dans un esprit que tentaient d'imiter les

dames. Tauten semblant correspondre a

l'instar de celui que revet Bae Yong-jun

sujets de Joseon en privilegiant une mise

l 'archetype de l'aristocrate cultive aux

multiplia

les

aventures

Ete 2008 1 Koreana 83


nobles sentiments symbolises par la

car en tranchant sur celle du manteau,

que en etait aussi pare pQur reposer dans sa sepulture, et cette omnipresence per-

grue, pareillement doue pour l'art de la

elle trahit La personnalite veritable du

poesie, de la calligraphie et de la peinture,

protagoniste et sa conduite avec les

m et ainsi de le considerer sans

mais aussi exerce a la pratique des arts

femmes, guidee par l'instinct et le desir.

exageration comme le plus grand sym-

martiau x, l ' homme se gausse de La

bole de la royaute, au meme titre que la

morale patriarcale autoritaire du confucian isme et dedaigne les plus hautes

Un symbole d'autorite et de dignite Nombre de feuilletons et films his-

coiffure en crin de cheval denommee

charges de l'Etat pour mieux se consa-

toriques coreens evoquent des person-

Si prince heritier et petit-fils a1ne du

crer a ses nombreuses conquetes

nages de monarques et relatent des

souverain portaient des vetements de

feminines. Arborant le pardessus d'un

evenements qui se deroulerent a La cour,

type analogue, ceux-ci etaient differencies

blanc impeccable et le chapeau noir en

taut comme ceu x des pays europeens

du « gollyongpo » royal selon de

crin de cheval qui sieent a sa condition, il

portent souvent sur les personnages

rigoureux criteres relatifs a la couleur et

les agremente d' une ceinture dont La

d'Henry VIII, Louis XIV et Napoleon Bona-

a l'etoffe de la ceinture, ainsi que par le

couleur rouge vif fait offense a celle-ci,

parte. Tel est notamment le cas du roi

« hyungbae », un insigne honorifique

« ikseongwan » .

L'h ero'i°ne de cette produ ction televisee fai t usage de no mbreux accessoires convena nt etat de courtisa ne

a son

professionnelle.

2

Sejong [1418-1450), l'un des grands

brode representant la condition sociale de

hommes de l'histoire coreenne, inven-

son detenteur. Sur leur habit, une teinte

teur de l'alphabet coreen dit « hangeul »

d'un bleu intense se substituait a la pour-

et dont le portrait figure aujourd 'hui sur le

pre royale, tandis que la ceinture pouvait

billet de dix mille wons coreen, de meme

se composer de jade ou de cristal et que

que lui est consacre un feuilleton televise

l'embleme s·ornait de motifs de dragons

eponyme. Les productions televisees

respectivement pourvus de quatre et trois

prennent pour theme d'autres sou-

griffes s'opposant aux cinq de la decora-

verains, comme ce « Yi San » retrac;:ant

tion supreme. Creature mythologique

la vie du roi Jeongjo [1776-1800] et qui

reunissant toutes les qualites pretees aux

meta l'honneur, parmi les articles de la

autres especes animales, le dragon leur

garde-robe royale, la tenue designee

etait considere superieur par son pouvoir,

par le terme « gollyongpo », qui

d'ou La presence du vocable « yong » le

signifie litteralement « robe du

designant dans tous les mots concernant

dragon » car elle etait reservee a La

la personne du monarque, notamment

personne

elle

ceux de « yongan » , « yongdeok » ,

representait la dignite et l 'autorite.

« yongwi » , « yongsang » et « yongpo

du

roi,

dont

Cet habit d'apparat se portait Lars des ceremonies et festins, mais le monar-

», qui signifient respectivement visage,

vertu, etat, siege et robe.


En Coree, une croyance veut que le

du trait qu·evoque egalement la chevelure

dragon ait acquis sa puissance et sa condi-

lisse des femmes, ainsi que la coupe de

tion imperiales apres s'etre envole dans

leur « jeogori » , une sorte de bolero,

les cieux en y emportant dans sa gueule le

comme de leur jupe longue appelee

« cintamani », ce joyau mythologique dote

« chima » . Le vocable coreen « gyeol »,

du pouvoir de combler le moindre desir, et

c·est-a-dire « texture » , s·applique non

c·est ainsi qu·est represente celui, a cinq

seulement a l'enchevetrement des fils

griffes, qui figure sur les vetements ro-

d'un tissu ou au x motifs qui s·y forment

yaux. Ces derniers avaient pour apanage

naturellement au cours du temps, mais

leur couleur cramoisie en raison du ca-

aussi a la sagesse et a la vertu qui ca-

ractere onereu x de cette teinture, mais

racterisent la femme coreenne. Cette

aussi de taute la symbolique du soleil, du

notion se materialise souvent par les

sud et du feu qui lui est attribuee par le

lignes qui, loin d'etre rigides comme celles

confucianisme, en meme temps que vertu

de la mecanique ou de la geometrie, sont

Trop voyante pour les lettres de Joseon par son fort contraste avec le blanc immacule du manteau dit « dopo », la ceinture rouge traditionnelle lui est associee dans le film Untold Scandal atitre emblematique de

son personnage de seducteur.

3

et prosperite, qui rappelaient au souverain qui les arborait en taute dignite le r6le et les responsabilites dont il etait investi. Versions actualisees du « hanbok » Taute l'esthetique traditionnelle coreenne reside dans ses lignes et c·est par leur beaute que le philosophe japonais

2 Le protagoniste du film Untold Scandal po rte une ce intu re rouge vif qu i est l'image de sa pe rsonna lite de sed ucteur invetere et se de marq ue en cela de la te nue ha bitu elle d' une aristocrat ie erud ite a l'existe nce sage [a gauchel. 3 Ten ue d'appa rat des monarques de Joseo n, le « gollyongpo » ap parait da ns toute sa s plendeu r da ns le fe ui lleton televise Le Grand Roi Sejong.

Yanagi Muneyoshi (1889-1961] a defini celles-ci, par opposition a la couleur et la forme qui caracterisent respectivement l'art japonais et chinois. Ces memes lignes se retrouvent ainsi dans les dessins a l 'encre representant les contours de maisonnettes traditionnelles au x toits de tuile ou de chaume, les chambranles de leurs fenetres, les lanieres d'ingredients de la cuisine et la trame de la toile de chanvre, du coton ou de la soie, une beaute Ete 2008 1Koreana 85


au contraire naturelles, souples, car

rythme des mouvements du corps, car

longue evolution, mais il se decline aussi

affranchies de tous les obstacles et con-

l'ensemble de l'habit se veut reproduction

dans des versions plus modernes et tres variees par leur style au xquelles

traintes artificiels, et c·est en elles que

de lignes se trouvant dans la nature, celles

Yanagi Muneyoshi situ e la particularite

de la vague et du vent dont il imite la fluidite

recourent les realisateurs d'ceuvres

d ' une sensibilite coreenne toute en

et le va-et-vient symboliqu e d'une aura

audiovisuelles pour mettre en valeur la

bouleversante et douloureuse beaute.

mystique.

beaute de leurs personnages.

Son esthetique ne se resume cependant

En Orient comme en Occident, la

Le plaisir visuel que procurent ces

pas a ce pathos, car dans le « hanbok »,

nudite feminine fut longtemps frappee

« hanbok » de conception nouvelle ne peut

lignes droites, obliques ou courbes se

d'interdit, et les dames de Joseon parve-

rendre les productions concernees que plus

melent harmonieusement, mais en toute

naient a leurs de sseins seducteurs en

attrayantes aux yeux de spectateurs qui se

liberte, pour se faire expression d'une

relevant a peine le bas de leur robe pour

pas sionnent d ' ores et deja pour les

beaute modeste, du mouvement et du

devoiler ce soupi;:on de jupon qu i partici-

dernieres transformations que subit au petit

rythme, en meme temps qu·evocatrices du

pait de leur intimite. Tresses luisantes,

ecran ce vetement si peu conventionnel. ill

mysticisme et de l'erotisme . Sur le

rubans de« jeogori » , pans de « chima »

« jeogori », chacune d' entre elles suit son

et bouts pointus de chaussettes appelees

propre parcours pour epouser les formes

« beoseon » participaient chez les «

du buste, du cou et des epaules et con-

ginyeo » d'alors d'une tenu e au charme

courir a une beaute sereine cr eant

sensuel qui produisait l'effet subtilement

l'impression que le vetement est difficile a

grisant d'un parfum d' orchidee et c· est

denouer et rappelant ainsi la pudeur des

sur cette dimension erotique du « han-

dames du temps jadis. Dans le film Untold

bok » , en tant que moyen de souligner

Scandal, la digne veuve, apres avoir mani-

les attraits du corps feminin, que met

feste son vceu d'abstinence en reunissant

l'accent le film Hwang Jin-yi par ses su-

ses cheveux en un etroit chignon et en

blimes costumes, contrairement aux

s'habillant conformement a la morale,

autres productions du meme genre, per-

laisse symboliquement glisser son

mettant ainsi de comprendre la seduction

« jeogori » lorsqu'elle finit par ceder au x

qu·exeri;:a la courtisane qu 'il evoque sur

plaisirs de l 'amour. Les rubans de ce

une multitude d'hommes.

bolero, la courbe de ses manches, mais

A n'en

pas douter, l 'esthetiqu e du

aussi le drape de la robe qui lui est assortie

« hanbok » resulte en grande partie de

adoptent des formes chang eantes au

traditions raffinees qui sont le fruit d'une

86 Koreana I Ete 2008

2

3

Le feuilleto n te levise Gung a su fidelise r un public jeune que fascine en particulier la variete et t·originalite des« hanbok » portes par la famille royale. Situee saus la dynastie Joseon. l'intrigue de Untold Scandal se constru it au tour du personnage d'un grand sedu cteur dont elle evoq ue les amou rs avec de nobles et vertueuses dam es don t le « hanbok » evoque la pudeu r tauten distillant un erotisme subtil. Evocation de la vie des co urtisa ns et bouffons de Joseon , en particulier de leu rs ave ntu res amoure uses , le film Le Roi et le Clown a remporte un enorme succes en Co ree. des sa so rtie sur les ecra ns, une prouesse que d'aucuns attribuent ses magnifiques cost umes reve late urs du ra ng et du caracte re de chaque pe rson nage.

a


Aperc;u de la litterature coreenne

Jeong Yi Hyun

1

Des 2002, annee ou Jeong Yi Hyun se trouve au seuil de sa carriere, La critique qualifie deja cet auteur de « Cendrillon de La Litterature » car son premier recueil de nouvelles intitule « Amour et societe romantiques », qui impressionne immediatement Les Lecteurs, brasse Le portrait de personnages feminins en rupture totale avec les archetypes de La production anterieure, par une ecriture ou abondent traits d' esprit et procedes ingenieux.


CRITIQUE

Nos vies sont-elles al'abri dans le temple du desir ? Park Hye-kyung Critique litteraire

L

' ceuvre de Jeong Yi Hyun ne s'attache ni a

decrire les dilemmes et la soif d'evasion propres a la condition feminine dans la societe patriarcale, ni a dresser un violent requisitoire contre le sexisme inherent a cette derniere, mais a evoquer celles qui refusent de se resigner passivement a leur destin tout trace, sans pour autant opter pour la revolte, cette nouvelle race de « mauvaises filles » qui usent de leur feminite comme d'une arme strategique de conception elaboree pour acceder au mythe capitaliste du succes se definissant par les criteres de l'argent, de l'amour et de la gloire. S'appliquant consciencieusement a assimiler et mettre en pratique les normes de comportement socialement admises en matiere de virginite, mise en valeur de la beaute et conquete d'un partenaire, elles avancent dans la vie comme sur un champ de bataille Oll de nombreux manuels leur dictent la conduite a suivre, c'est-adire, en renorn;:ant a leur etre pour se conformer a une image de convenance. Avec une puissance remarquable, le recueil « Amour et societe romantiques » analyse le processus capitaliste du desir et les noirs desseins que cache l'innocent visage du succes, a travers les yeux d'une jeune femme qui decouvre la vie, poussee par une quete obsessionnelle du desir, en sous-entendant que . les vices de cette « mauvaise fille» sont a l'image de la societe. De meme, dans « Ma douce cite », un premier roman Oll d'aucuns voient une peinture provocante et desinvolte de la sexualite contemporaine, les personnages jeunes incarnent parfaitement ces mceurs Oll le desir humain est modele par le systeme et jamais le quotidien de femmes ressentant un tel vide interieur n'avait ete decrit avec autant de

88 Koreana I Ete 2008

rectlisme. Sous le titre « Mensonges du jour », le deuxieme recueil de nouvelles de l' ecrivain pose sur le monde capitaliste ce meme regard de « mauvaise fille » s'initiant a une existence dominee par la satisfaction du desir, mais en depassant ce cadre pour decouvrir le quotidien de l'homme du commun. Face au constat, qui y est present de maniere recurrente, selon lequel l'homme moderne restera a jamais asservi aux normes sociales, l'auteur, loin de ceder au desespoir extreme, a la resignation, au cynisme ou a une vaine agitation, soumet des interrogations a notre reflexion. Une vie ne se detournant jamais de la voie que lui imposent les conventions sociales garantit-elle pour autant la securite ? Regularite de l' existence et protection sociale sont-elles aujourd'hui les meilleurs remparts ? Ici, le recit semble dit sur le ton de qui, mesurant l'abime d'insignifiance que represente ce que l'on appelle la vie, aurait cesse de croire au sens de celle-ci, et revele la vanite des modeles amoureux proposes par la societe. L'ecriture expose avec precision les aspects desesperants de l'existence et devoile sans amertume ni exces les failles que dissimulent ces vies de Coreens moyens apparemment sans histoire. La nouvelle « Au grand magasin Sampung » a pour protagoniste une jeune femme du district aise de Gangnam s' etendant au sud du Hangang, fleuve qui arrose la capitale coreenne, et situe son action lors de l'effondrement du grand magasin Sampung, une catastrophe reelle ayant eu lieu en 1995. Or, le choix du secteur de Gangnam n'est pas anodin, puisque celui-ci est emblematique d'une classe moyenne a la vie routiniere et a la consommation


effrenee. S'appretant a entrer dans la vie active au terme de ses etudes universitaires, la protagoniste s'identifie a cette societe de consommation ou la valeur de l'etre se mesure a l'aune de son avoir en se declarant nantie de « parents passablement affectueux votant au centre-droit, d'un lit impeccable a une place et demie, d'un radiomessageur vert translucide de marque Motorola et de quatre sacs a mains », mais en depit de cet inventaire repertoriant ses moindres biens, elle n'est en fin de compte qu'une passante parmi tant d'autres dans les rues de la ville et, apres s'etre vu attribuer une intelligence hors du commun dans son enfance, elle finit par rejoindre la foule des chercheurs d'emploi. Tout en s'astreignant a mener une existence qui obeit aux regles du simple bon sens, mais se haissant ellememe pour cette meme raison, et sacrifiant, dans ses relations avec autrui, a l'usage impose par la vie urbaine, elle avoue evaluer « toujours avec peine les distances qu'il convient de garder avec autrui ». Si elle desapprouve le materialisme de la societe de consommation et le conservatisme de l'ancienne generation, elle ne souhaite pas pour autant s'en demarquer au quotidien car elle n'est au fond qu'une jeune Coreenne moyenne des annees quatrevingt-dix, clont le texte s'attache a sonder la vie . interieure. L' origine des temps se situe lors des retrouvailles fortuites de la protagoniste et d'une ancienne camarade de lycee, R., laquelle habite un quartier situe a l'oppose du sien, sur l'autre rive du fleuve, et exerce la profession de vendeuse dans le magasin qui s'effondrera. S'intercalant dans la narration principale de l' existence plutöt morne et banale de la pro-

tagoniste, des paragraphes signales par une typographie differente materialisent lugrubrement le cours discret d'evenements invisibles qui meneront inexorablement a la destruction de cet etablissement symbolique situe en plein creur de Gangnam. Le desastre est suivi de la disparition de R., clont l'amie conserve la de remise pour qu' eile puisse acceder a son appartement, puis de la construction d'un immeuble commercial et residentiel, pas moins de dix annees s' ecoulant dans cet intervalle tandis que, dans le dernier tiroir du bureau, demeure « la menue et rudimentaire de de metal argente ». Quelle porte un tel objet permettrait-il clone d' ouvrir ? Les mots « je ne me trouvai tout a fait en etat d'ecrire qu'apres avoir definitivement cesse d'y passer » sur lesquels s'acheve le recit semblent apporter une reponse a l' epanchement d' emotions provoque par la disparition de R. Dans ce texte, se pose la question de_savoir si la realite n' est pas apres tout vouee au meme sort que ce grand magasin, car, de meme que cette jeune fille comme les autres ne se permet pas de remettre en question l'ordre etabli et les regles sociales, l'accident qui se produit ne constitue pas un evenement exceptionnel, mais pourrait au contraire participer, dans l'esprit de l'auteur, d'une realite sociale implacable et durablement etablie. Alors, comme le laisse entendre cet ecrit, si la vie n'etait pas moins precaire dans le formidable temple du desir eleve par la societe de consommation que ne l'aurait ete une etroite planche jetee en travers du sol lors de la catastrophe, en quoi le sort qui nous est reserve differerait-il de celui de ce bätiment sinistre voila une decennie de cela ? tJ

Ete 2008 1Ko reana 89


Abonnement et achat de numeros Fondation de Coree Seocho P.O. Box 227 Diplomatie Center Building, 2558 Nambusunhwanno, Seocho-gu, Seoul 137-863, Coree du Sud www.kf.or.kr

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Revue trimestrielle creee en 1987, « Koreana » a pour vocation de contribuer a une meilleure connaissance du patrimoine culturel coreen par la diffusion d'informations a caractere artistique et culturel. Au theme special clont traite chaque numero en profondeur et sous differents angles, s'ajoute une presentation d'artisans traditionnels, d'aspects de la vie quotidienne et de sites naturels, ainsi que de nombreux autres sujets. Tarif des abonnements (frais d' envoi par avion compris) Caree Japan, Hang-Kang, Ta"i"wan, Chine Autres

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Korea Focus

Webzine mensuel (www.koreafocus.or.kr) et revue trimestrielle, « Korea Focus » offre des analyses politiques, economiques, sociologiques et culturelles relatives a la Coree et completees de questions internationales connexes. Creee en 1993, eile apporte ces informations essentielles selon un point de vue objectif tout en cherchant a favoriser une meilleure comprehension de la Coree sur la scene internationale et l' essor des etudes coreennes dans les etablissements universitaires etrangers a travers une selection d'articles extraits des principaux quotidiens, magazines d'actualite et revues scientifiques. Tarif des abonnements (frais d'envoi par avion compris) Caree Japan, Hang-Kang, Ta"1·wan, Chine Autres

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Kore an Cultural Heritage

11 s'agit d'un recueil d'articles et photographies issus des precedents numeros de « Koreana » sous forme de quatre tomes bien distincts. Ceux-ci fournissent une presentation complete et systematique de la culture coreenne par des etudes fouillees et une photographie en couleur de haute qualite. (Tome I Beaux-arts, Tome II Pensee et religion, Tome III Arts du spectacle, Tome IV Modes de vie traditionnels) Prix du tome: 40$US (frais d"envoi non compris].

Fragrance of Korea

Redige en langue anglaise et abondamment illustre, le catalogue « Fragrance of Korea : The Ancient GiltBronze Incense Burner of Baekje » est consacre a l'Encensoir en bronze dore de Baekje, un chef-d' ceuvre ancien classe Tresor national coreen n° 287 et admire pour sa delicate beaute qui temoigne d'un savoir-faire accompli dans le travail des metaux tel qu'il fut pratique en Extreme-Orient. Cet ouvrage de 110 pages illustrees de photographies et dessins comporte trois essais intitules : « Signification historique de l'Encensoir en bronze dore de Baekje », « Dynamiques culturelles et diversite : du Boshanlu taoYste a l'encensoir bouddhique de Baekje » et « Le site du temple bouddhique de Neungsan-ri a Buyeo ». Prix du tome : 25$US [frais d'envoi non comprisl.


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A few small kemels of grain can fill a village with smiles of joy This quiet village in Tanzania' s Manyara region is buzzing with excitement today about a grain-puffing machine from a faraway land called Korea. All the village children have brought containers , some fĂźll of corn, others empty. As they anxiously wait, the machine makes a deafening "boom". Instantly, there' s plenty of fresh puffed corn for everyone. And as each child' s container is filled with the delicious treat, their smiles of joy show they are the happiest kids in the world.

Together, we can move the world

posco We move the world in silence

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