Koreana Spring 2014 (French)

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Pri nt e mps 2014

Arts et Culture de Corée Pri n tem p s 2014

Incheon, premier port coréen

De l’ouverture d’un port à celle du meilleur aéroport

vo l. 15 N ° 1

Rubrique spéciale

Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Méditations d’un poète à propos du soju ; L’alcool distillé le plus vendu au monde

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vo l . 15 N° 1

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Paysage avec appontements (2007) Kim Jae-youl, aquarelle sur toile, 75 x 56 cm. Au XIXe siècle, suite à l’ouverture des ports, le riz y arrivait des quatre coins du pays.

Lettre de la rédactrice en chef

Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Sachant que la capitale d’un pays bénéficie souvent d’une avance consi-

vait première dans bien des domaines, à cette époque décisive qui a vu

dérable sur la province, il est légitime de supposer que le premier hôtel

la modernisation du pays », explique le journaliste et historien Cho Woo-

de style occidental coréen fit son apparition à Séoul. Il y a encore peu,

sung. « Depuis, un siècle a passé et Incheon entend maintenant faire un

nombreux étaient d’ailleurs ceux qui pensaient qu’il s’agissait de l’hôtel

nouveau bond en avant. Nous poursuivons notre essor pour qu’il fasse

Sontag, que fit édifier le roi Gojong en 1902. Situé à Jeong-dong, qui fut le

de cette ville la deuxième du pays et nous avons la certitude d’y parvenir.

premier quartier diplomatique de Séoul, c’était, au siècle dernier, un lieu

Il ne s’agit pas seulement d’économie, car nous souhaitons aussi offrir

tout aussi apprécié des ressortissants étrangers que des élites coréen-

des attraits sur le plan culturel ». Incheon a résolument entrepris de

nes. Néanmoins, il faut savoir qu’il avait été précédé de quatorze ans, à

conserver et faire connaître son riche patrimoine historique dont attes-

Incheon, par le Daibutsu, dont la prononciation coréenne est Daebul. Cet

tent les nombreux musées et monuments qui mettent en lumière toutes

établissement accueillait alors les voyageurs étrangers à leur arrivée

les facettes de son exceptionnelle histoire. Que ceux qui arrivent par l’aé-

dans ce premier port coréen à s’être ouvert sur l’extérieur.

roport international d’Incheon prennent le temps de faire une halte dans

C’est dans ce nouvel hôtel à l’occidentale qu’ils se logeaient le plus

cette ville, ainsi que dans ses zones franches voisines, et ils pourront non

souvent, avant de poursuivre leur voyage jusqu’à Séoul, à cheval ou en

seulement se faire une idée plus précise de l’évolution qui a fait passer le

bateau. La création de la première ligne de chemin de fer nationale entre

pays de l’ère prémoderne à celle de la mondialisation, mais aussi entre-

Séoul et Incheon, en 1899, lui ayant fait perdre de sa clientèle, son pro-

voir les tendances des changements à venir.

priétaire japonais le vendit à un ressortissant chinois qui y ouvrit un restaurant. « Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Incheon arri-

Choi Jung-wha Rédactrice en chef


Rubrique spéciale Incheon d’hier et d’aujourd’hui

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Rubrique spéciale 1

Un creuset d’influences

Lee Chang-guy

Rubrique spéciale 2

Incheon vue par Shin Kyung-sook dans son roman Rijin

Shin Kyung-sook

Rubrique spéciale 3

Le rôle décisif d’Incheon dans l’ouverture du pays

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Cho Woo-sung

Rubrique spéciale 4

De l’ouverture d’un port à celle du meilleur aéroport

Ben Jackson

Rubrique spéciale 5

Les îles d’Incheon, riche réserve de ressources naturelles

Kang Je-yoon

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Dossiers

L’ouverture mémorable du Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul

Koh Mi-seok

Entretien

Chang-rae Lee évoque son dernier roman, On Such a Full Sea

Young-Key Kim-Renaud

dÉfenseurs du patrimoine

Jin Ok-sub protège la source des traditions

Chung Jae-suk

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52

Livres et CD Charles La Shure

Bibliothèque littéraire coréenne (Tomes 1-10)

Une anthologie de la littérature coréenne pour lecteurs anglophones

L’entreprise suprême : souveraineté et historiographie de la Corée moderne Une étude du parcours accompli par la Corée pour devenir un État souverain moderne

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Regard extÉrieur

À pied autour des remparts de Séoul

Frédéric Ojardias

Délices culinaires

Les bom namul , des légumes qui chassent les langueurs du printemps

Ye Jong-suk

Mode de vie

Une beauté naturelle grâce aux soins traditionnels

Lee Kum-sook

Aperçu de la littérature coréenne

Des mots qui traduisent un doux regard sur le monde Les coccinelles volent tout là-haut Park Chan-soon

Chang Du-yeong

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Rubrique spéciale 1 Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Un creuset d’influences L’histoire culturelle d’Incheon comporte nombre d’aspects aujourd’hui synonymes de cette ville, comme sa spécialité de nouilles à la sauce de soja noire ou son quartier chinois qui existent toujours aujourd’hui. Lee Chang-guy Poète et critique littéraire | Ahn Hong-beom Photographe

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ontrairement à l’idée selon laquelle la cuisine participe des traditions propres à un pays, elle ne joue pas vraiment un grand rôle dans l’identité nationale car, dans ce domaine comme dans celui des relations humaines, on ne peut se replier sur soi et ne tenir aucun compte d’autrui. Ken Hom, un chercheur sino-américain en science culinaire, en présentant le documentaire La route des nouilles sur la chaîne coréenne KBS, affirmait ainsi : « Il faut voir cet aliment comme la toile d’abord blanche d’un peintre sur laquelle se sont exprimées différentes traditions culinaires. Tel l’artiste lorsqu’il peint, celles-ci s’approprient complètement cette base et la réinventent différemment selon les pays ». Si la consommation des nouilles s’est développée en Chine, alors qu’elles avaient été introduites d’Asie centrale, c’est en raison de l’urbanisation. L’avènement de la dynastie des Song, suite à la chute des Tang, s’est accompagné de la disparition des systèmes défensifs construits autour des villes et des dispositifs qui restreignaient la liberté du commerce et de l’industrie dans différents domaines. Biànliáng, la Kaifeng d’aujourd’hui que les Song avaient prise pour capitale, ne comptait pas moins de soixante-treize restaurants de grande taille auxquels s’ajoutaient d’innombrables établissements plus petits. Peu onéreuses et d’une préparation aussi simple que rapide, les nouilles composaient le repas idéal des masses laborieuses paupérisées issues de l’exode rural vers des villes en plein essor, un peu comme les pâtes de l’Italie baroque ou les soba de Tokyo à l’époque d’Edo. C’est aussi au plus fort de cette expansion urbaine, suite à l’ouverture des ports intervenue à l’aube du XXe siècle, qu’est apparue la recette des jjajangmyeon, ces nouilles à la sauce de soja noire d’Incheon. Les habitants de cette ville ne les considèrent pourtant pas comme l’une de leurs spécialités, dans la mesure où les nouilles elles-mêmes ont été introduites à partir de l’Asie centrale et de la Chine. Quant à la sauce dont elles s’agrémentent, elle a pour ingrédients un concentré de soja chinois fermenté au sel et un caramel sud-américain. Jusqu’aux condiments qui les accompagnent et sont constitués de radis chinois conservé dans une saumure aigre-douce de style japonais. L’ensemble compose un plat dont la consommation atteint le million de bols par jour en Corée. C’est à Incheon qu’a eu lieu la rencontre de ces aliments et modes de préparation de provenances diverses qui répondaient aux besoins particuliers de certains groupes humains, dans ce quartier chinois de Seollin-dong aujourd’hui connu sous le nom de Chinatown et situé dans l’arrondissement de Jung-gu, tout au bout de la rue qui part de la station Incheon, terminus de la ligne numéro un du métro. Il s’étend sur une hauteur surplombant le premier port à s’être ouvert en Corée, Jemulpo. Sa création allait favoriser l’arrivée au Pays du matin calme de nouveautés et inventions venues de l’étranger, tout en permettant un brassage de populations issues de différentes catégories sociales et régions, mais animées d’une même curiosité pour les cultures venues d’ailleurs.

Créé en 1995 pour assurer la liaison avec les îles de Jeju, Baengnyeong, Yeonpyeong, Deokjeok, Ijak et Pung, le port de voyageurs d’Incheon a vu sa fréquentation atteindre le million de personnes en 2013.

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Jemulpo, première ville coréenne moderne À la fin de la première moitié du XIXe siècle, ayant réalisé leur industrialisation, les puissances impérialistes occidentales pressaient les nations d’Asie de s’ouvrir sur le monde. La première à le faire fut la Chine, en 1843, par la cession de Hongkong, que lui imposa l’Angleterre après avoir gagné la Guerre de l’Opium, puis par l’ouverture de cinq ports dont Shanghai. Face aux manœuvres d’intimidation des puissants « vaisseaux noirs » du commodore américain Perry, le Japon ouvrit à son tour ceux de Yokohama et Nagasaki en 1859. Il en fut de même en Corée, à cette différence près qu’aux puissances étrangères, se joignaient le Japon et la Chine des Qing, maintenant qu’ils avaient d’une manière ou d’une autre ouvert leurs ports et accepté de se moderniser. Le pays fut alors profondément divisé entre partisans de la modernisation, qui bénéficiaient de l’appui du Japon depuis le Traité d’amitié de 1876, et conservateurs soutenus par la Chine des Qing. Sous la pression exercée par ces deux États rivalisant d’influence pour asseoir leur hégémonie, la Corée ouvrit en janvier 1883 le port de Jemulpo, qui assurait un accès direct à sa capitale, Séoul. C’est dans ce minuscule bourg d’une quinzaine de familles que les concessions étrangères firent une à une leur apparition, d’abord en provenance du Japon, puis de Chine, d’Amérique et d’Europe. À proximité de ces enclaves jouissant du statut d’extra-territorialité, du système du libre-échange et du droit de propriété foncière, se construisirent routes, banques, douanes, bureaux de poste et hôtels qui firent de ce paisible petit port une véritable ville moderne. À l’emplacement de l’ancienne succursale de la Banque du Japon, un

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Japon, et ce, de 1885 à 1893, soit en un peu moins de dix ans. L’entrepreneur chinois Tung Shun-tai se vit accorder l’accès exclusif aux voies navigables reliant Incheon à Séoul car l’économie de temps et la réduction de coût qu’elles autorisaient étaient propices au commerce. Même s’agissant de la Chine, qui pratiquait une politique d’expansion commerciale en faisant pression sur l’État coréen par le biais du gouverneur chinois Yuan Shikai, cette mesure était d’une portée sans précédent. Par le passé, le commerce continental avait longtemps été privilégié, au détriment des échanges par mer et des navires de commerce, jugés quantité négligeable. En Chine, on se contentait de souhaiter la bienvenue aux commerçants qui franchissaient les océans pour apporter des denrées de première nécessité et aux représentants de gouvernements étrangers venus témoigner leur respect à ce riche et puissant pays. En outre, les Qing, étant d’origine mandchoue et de ce fait, enclins à un certain sentiment d’infériorité en matière culturelle, se plièrent aux préceptes du néoconfucianisme, selon lequel il ne faut vivre que dans son pays et ne s’occuper que de sa famille. Les entrepreneurs chinois de Jemulpo Ils n’éprouvaient que mépris « [Au matin du 21 juin 1894,] envers ceux qui sillonnaient en débarquant, j’ai trouvé que le monde pour commercer ou ce port ennuyeux à mourir voyaient en eux de dangereux avait changé du tout au tout : éléments à surveiller. Il en les rues résonnaient des pas va autrement des Chinois qui de militaires japonais... Dans la s’établirent en Asie du Sud-Est, grand-rue du quartier japonais, car ils réussirent grâce à leur la moindre maison servait de goût pour l’aventure et à leur caserne abritant soldats, fusils habileté en affaires. Ils avaient et autres équipements étincedonc peu en commun avec les lant au soleil sur les balcons ; entrepreneurs qui s’établirent une foule de Coréens éberlués en Corée sous la protection de et sans force l’arpentait, s’asl’État ou avec son aide. seyant parfois sur un tas de 1 L’irruption de militaires terre pour regarder sans rien 1 Autrefois, ces escaliers se situaient à la frontière des concessions japonaises et japonais avait de quoi effrayer faire leur port se transformer chinoises, comme en atteste le style des bâtiments qui s’élèvent de part et d’autre. ces hommes d’affaires d’oren un camp militaire étranger ». 2 La rue du Roman des Trois Royaumes et ses fresques représentant des personnadinaire flegmatiques et aviVoilà à quoi ressemblait le ges de la littérature classique chinoise. Les Chinois d’Incheon sont à 99 % originaires de la province de Shandong, où se situerait le lieu de naissance de Luo Guanzhong, sés. Pressentant le danger, port à la veille de la Guerre auteur du Roman des Trois Royaumes . 3 La Fête chinoise d’Incheon bat son plein ils se hâtèrent de quitter les sino-japonaise, d’après la desdans le quartier. lieux avant que les escarmoucription qui en est faite dans ches entre les deux armées ne dégénèrent en guerre. Trois siècles cet extrait de Korea and Her Neighbors (La Corée et ses voisins). après que la Chine fut venue en aide à la Corée pour chasser l’enCet ouvrage est dû à la géographe Isabella Bird Bishop, qui en sa vahisseur japonais, soldats japonais et chinois s’affrontaient donc qualité de membre de la Société géographique royale britannique, à nouveau sur le sol coréen, mais ce fut, cette fois, à la faveur des effectua, à partir de 1894, quatre voyages en Corée totalisant un premiers et la présence commerciale chinoise amorça un déclin. séjour de onze mois. En à peine trois mois, près de six mille soldats japonais avaient posé le pied sur le sol coréen, ce qui, selon l’auteur, devait être Gonghwachun et le Musée des jjajangmyeon prévu de longue date pour entreprendre la conquête du pays. Après l’établissement du négoce chinois, nombre de restauQuant à la Chine des Qing, elle fit passer ses exportations à desrants avaient ouvert leurs portes à Jemulpo, comme le Sandong tination de la Corée de vingt pour cent à un niveau égal à celui du Hoegwan, c’est-à-dire la maison de Shandong, qui fut créé en 1908.

musée évoque aujourd’hui ces événements au moyen d’un ensemble de documents et objets témoignant des changements qui en découlèrent. Le port accueillait alors une population bigarrée où se côtoyaient, outre bien sûr les diplomates étrangers, commerçants, ingénieurs étrangers du génie civil et travailleurs manuels composant l’essentiel de l’immigration. Parmi les nouveaux venus, se trouvait l’architecte russe Afanasy Ivanovich Seredin-Sabatin. C’est lui qui, sur une hauteur dominant la mer, le Mont Eungbong, aménagea le premier parc à l’occidentale dit Manguk, c’est-à-dire de « toutes les nations ». Quand, en 1957, celui-ci fut doté d’une statue du Général Douglas MacArthur, lequel avait dirigé le débarquement d’Incheon lors de la Guerre de Corée, il fut rebaptisé Jayu, c’est-à-dire « de la liberté ». Une sirène y retentit aujourd’hui encore tous les jours à midi. C’est aussi par ce port qu’arrivèrent quatre religieuses missionnaires de l’ordre de Saint Paul de Chartres en 1888, mais les militaires allaient surtout imprimer leur marque sur les lieux.

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Trois ans plus tard, en hommage à la proclamation de la République de Chine qui succédait à l’empire Qing, ce restaurant fut rebaptisé Gonghwachun, c’est-à-dire le printemps de la république. En outre, il vit ses activités prospérer grâce à la fréquentation du port par des commerçants du monde entier qui venaient s’y restaurer aux côtés des Chinois. C’est à son menu qu’auraient figuré pour la première fois les fameuses nouilles à la sauce de soja noire à la mode d’Incheon. Cet établissement dut surtout son succès au libre-échange auquel le Japon laissa s’adonner les Chinois après l’annexion de 1910, comme il le fit pour les puissances occidentales. Les commerçants chinois, que la Guerre sino-japonaise avait perturbés, reprirent sur-le-champ leur négoce de soie et de chanvre. L’industrie textile chinoise, dont l’essor avait été grandement favorisé par l’invasion des puissances capitalistes étrangères, étendait maintenant sa présence à ses pays voisins par le biais du commerce de transit. Entre 1913 et 1920, plus de soixante-dix pour cent de toutes les exportations chinoises de chanvre étaient à destination de la Corée, celles de soie atteignant 6,76 millions de wons en 1919 alors qu’elles n’étaient que d’un million de wons seize ans auparavant. Ce commerce avec la Corée ne cessa de prospérer jusqu’à 1920, comme en atteste une chanson populaire à succès de l’époque, M. Wang, le marchand de soie, qui conte les amours d’un riche négociant chinois. Le nombre de ressortissants chinois allait dès lors s’accroître considérablement, ceux-ci s’aventurant à quitter Jemulpo pour s’établir aux quatre coins du pays. Partout allaient fleurir les restaurants chinois qu’approvisionnait en farine l’industrie minotière prospère créée par les Japonais, grâce aux chemins de fer dont le réseau quadrillait le territoire, ce qui contribua en grande partie à faire connaître et apprécier les jjajangmyeon dans toutes les provinces. Si la prospérité du commerce chinois inspirait confiance et enthousiasme à la population coréenne, elle ne laissait pas de préoccuper l’occupant japonais. Ses instances dirigeantes s’arrogèrent alors un droit de contrôle sur les importations de soie chinoise par le biais de mesures répressives contre la contrebande, tout en prélevant d’importants droits de douane sur le chanvre de même provenance afin d’y substituer la production locale. La présence commerciale chinoise allait dès lors commencer à s’amenuiser. Après une éphémère reprise d’activité au lendemain de la Libération coréenne de 1945, une nouvelle crise allait survenir cinq ans plus tard, avec la Guerre de Corée. Lors du 1 débarquement d’Incheon, qui

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marqua un tournant décisif dans ce conflit, le pilonnage constant de la ville réduisit le quartier chinois à un champ de ruines. Tant bien que mal, les Chinois de Corée continuaient pourtant à mener leurs affaires grâce à la restauration et à leur spécialité de jjajangmyeon. Les années cinquante allaient voir progresser le nombre de restaurants chinois, mais de manière limitée, car les Coréens n’avaient alors pas coutume de manger à l’extérieur, tandis que vingt ans plus tard, huit Chinois sur dix occupaient un emploi dans la restauration. L’État coréen ne voyant pas d’un bon œil cet essor, il tenta de l’endiguer, tout au long des années soixante-dix, en adoptant une série de mesures visant en particulier à restreindre l’accession des ressortissants Chinois à la propriété foncière, notamment au moyen de la loi de 1961 selon laquelle interdiction était faite aux étrangers d’acquérir des terrains. De telles contraintes ne pouvaient que priver les Chinois d’Incheon de moyens d’existence, voire de la possibilité d’exercer leur activité. En 1983, soit soixante-quinze ans après son ouverture, le Gonghwachun allait fermer ses portes et tomber dans l’oubli. Pour couronner le tout, l’établissement de relations diplomatiques entre la Corée et la République populaire de Chine allait susciter une certaine gêne chez des restaurateurs chinois plutôt coutumiers d’afficher la photo du Géneralissime Chiang Kai-Shek dans leurs établissements. Aujourd’hui classé Bien culturel n°246, l’immeuble qui abritait le Gonghwachun a été racheté par la ville d’Incheon, qui y a entrepris des travaux pour le transformer en Musée des jjajangmyeon. Dans cet établissement qui a ouvert ses portes au mois d’avril 2012, sont exposées des pièces portant sur la fameuse préparation culinaire et l’illustre restaurant qui la proposait. De même que l’usine désaffectée de Shanghai, qui était devenue emblématique de toute l’industrie textile chinoise et abrite aujourd’hui un centre d’art dit « M50 », le Musée des jjajangmyeon est un lieu de visite très apprécié des touristes, puisque trois cent mille d’entre eux s’y sont rendus depuis son ouverture voici deux ans de cela.

Un quartier chinois inexistant ? À en croire certains spécialistes, la Corée serait l’un des rares pays au monde à ne pas posséder de quartier chinois. La puissance économique qu’exerce la Chine de par le monde, et qui lui a permis de connaître une croissance rapide tout en s’imposant dans le commerce avec l’Asie du Sud-Est, n’aurait eu qu’un faible impact sur l’économie de la Corée, en dépit de cent trente années de présence dans Arts e t cu l tu re d e Co ré e


Mes jeunes années à Incheon Lee Chang-guy Poète et critique littéraire

C’

est en 1959, alors que je n’avais Avec l’une d’elles, qui avait un an de pas encore un an, que ma famille moins que moi, nous allions à l’école maa quitté Séoul pour aller vivre à Incheon, ternelle de la Cinquième église située deroù mon père a trouvé pour un temps un rière chez nous. Plus grand, j’ai commenemploi à l’usine de matériel ferroviaire cé à me promener un peu partout dans d’Incheon, laquelle allait fermer un an le quartier. J’allais du côté de l’hôpital de plus tard. la Croix rouge, dont le linge blanc flottait Le quartier de Songhyeon-dong, où au vent, au pied du Mont Sudoguk, d’où nous habitions tous trois une maison je rapportais des seaux d’eau sur une de location, se situait au-delà de l’actuel palanche, ou au marché du quai au sol centre d’Incheon, non loin de la station toujours boueux. Je me revois encore, de métro Incheon-Est, et accueillait des en quête d’aventure, marcher le long du étrangers d’origines très diverses, dont canal qui plongeait sous le marché coudes réfugiés et des ouvriers. Il s’étendait vert de l’écluse, prendre peur en voyant sur un ancien bassin à flot bordé de roles grands bateaux à voile et les usines seaux qui pénétrait loin dans l’intérieur enveloppées de fumée dans un vacarme des terres, mais que les Japonais allaient assourdissant. C’est le premier souvenir 2 submerger à la fin des années trente pour que je garde, depuis les années soixante, 1 Ci-contre, le petit phare de Palmido. En Corée, il était le premier agrandir le port et construire usines et de cette mer qui s’étendait au large d’Inen son genre en 1903, année de sa construction. De par son emplazones résidentielles, l’ensemble étant tel cheon, par-delà les vastes bassins à flot. cement sur l’itinéraire des bateaux qui reliaient Incheon au sudqu’il se présente aujourd’hui. L’année de mon entrée à l’école, nous ouest du pays, il joua un rôle important pour ces liaisons pendant plus d’un siècle. Si une installation ultramoderne lui a succédé en À l’époque, les terres gagnées sur la avons déménagé pour habiter Yon2003, il demeure auprès d’elle et bénéficie de mesures de protecmer accueillaient de nombreuses indusghyeon-dong. Alors que dans notre prétion suite à son classement au patrimoine culturel d’Incheon. tries, comme les minoteries et fonderies. cédent quartier, les ruelles étaient toutes 2 Le village du Pont flottant, dont le peuplement fut réalisé d’autorité, suite à la signature du traité, et où la population découvrit la Parmi elles, se trouvait aussi l’usine de garnies de maisons, nous logions maincivilisation moderne. En 2007, il a échappé de justesse à un projet matériel ferroviaire d’Incheon, qui avait tenant dans une habitation isolée en haut d’urbanisme grâce à son affectation en zone classée, que le public succédé à la Compagnie des Chemins de d’une colline et disposant, à l’arrière, appelait de ses voeux. Fer Séoul-Incheon, première du genre à d’un terrain où nous jouions au cerf-voconstruire et réparer le matériel roulant en Corée. Ces industries se silant. C’était à l’origine une résidence destinée aux étudiants de l’Univertuaient le long de la Ligne du littoral nord, une liaison de trois kilomètres sité Inha toute proche. Le quartier accueillait aussi des étrangers. Pour qui reliait la Ligne Séoul-Incheon au port. Je me souviens encore avoir construire la voie express Séoul-Incheon, on a fait démolir les maisons regardé passer les trains sur ce « chemin de fer ruelle », en craignant et leurs habitants ont été relogés dans les quartiers voisins. J’ai eu la qu’ils n’accrochent les toits des cabanes qui longeaient la voie ferrée. chance de m’y faire beaucoup d’amis. Dans les années soixante-dix, Mes premiers souvenirs d’Incheon sont ceux de notre maison de nous passions notre temps à pêcher le gobie, à arracher les marantes du Songhyeon-dong. C’était une construction de style traditionnel à laMont Baekkop, à jouer au jeu des cailloux, pendant la fête des récoltes, quelle avait été apportées quelques améliorations, une petite maison avec les enfants qui vivaient près du marché, pendant la fête des récolen L qui se trouvait dans une ruelle, tout près du marché couvert de tes, et en hiver, à faire du patin à glace avec mes petites sœurs. Après l’écluse. La cuisine, dont le sol se situait légèrement au-dessous du niavoir été classé en zone d’aménagement urbain, Yonghyeon-dong est veau du jardin bordant l’avant de la maison, était surmontée d’un petit dans l’attente d’un plan d’urbanisme. Quand celui-ci sera mis en œugrenier donnant sur la chambre la plus grande. C’était l’endroit idéal où vre, le quartier sera vraisemblablement regroupé avec la ville nouvelle se cacher et avoir une vue sur tout le jardin, à l’avant comme à l’arrière. de Songdo, qui a été aménagée sur un ancien bassin à flot aujourd’hui Quand le vent soufflait et qu’il pleuvait, les fleurs de kaki se répandaient drainé. sur toute sa surface. À marée haute, son caniveau était submergé et à Quand j’ai terminé mes études, dans les années quatre-vingts, je suis mes côtés, papa scrutait anxieusement l’écluse. C’est dans cette maison parti chercher du travail à Séoul, comme mon père avant moi, lorsqu’il que maman a mis au monde mes deux petites sœurs. avait quitté Séoul pour Incheon dans le même but. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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Par ses traditions et son aspect bien spécifiques, le quartier chinois d’Incheon possède une atmosphère typique où le visiteur aime à se plonger. Toutefois, celle-ci ne résume pas à elle seule la culture qui est à l’origine de cette statue de Confucius élevée sur l’artère traversant les anciennes concessions japonaises et chinoises ou de cette rue du Roman des Trois royaumes aux constructions ornées de figures de la littérature classique chinoise. ce pays. Les habitants d’Incheon, qui préfèrent au nom de Chinatown celui de Cheonggwan, dont la traduction littérale est « Village Qing », ne partagent pas cet avis et l’exotisme évoqué par des lieux tels que le Chinatown de San Francisco tendrait plutôt à leur déplaire. Selon des statistiques rendues publiques voilà peu par l’Association des ressortissants chinois d’Incheon, quelque trois cent mille d’entre eux, dont six cents composant cent cinquante à deux cents familles, résideraient actuellement dans le quartier chinois de cette ville qui, par son aspect et ses traditions bien spécifiques, possède une atmosphère typique où le visiteur aime à se plonger. Toutefois, celle-ci ne résume pas à elle seule la culture qui est à l’origine de cette statue de Confucius élevée sur l’artère traversant les anciennes concessions japonaises et chinoises ou de cette rue du Roman des Trois royaumes aux constructions ornées de figures de la littérature classique chinoise. Dans quatre-vingt-dix pour

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cent des cas, les ressortissants Chinois d’Incheon sont originaires de la province de Shandong, qui se situe en vis-à-vis de la Corée, de l’autre côté de la Mer Jaune. C’est là que fut créé l’État de Qíet L , dont le nom signifie «l’époque du printemps et de l’automne» et donna lieu au surnom de « vieille capitale de Qíet L ». Confucius y naquit, Mencius et Sun Tzu étant également originaires de la province de Shandong, comme le serait aussi Luo Guanzhong, qui composa le Roman des Trois Royaumes. La statue et les peintures murales consacrées à ces personnages illustres montrent à quel point les ressortissants chinois tirent fierté de ce riche patrimoine. Le Guanzi, un texte dont les origines sont situées à environ cinq siècles avant notre ère et qui est attribué à un fonctionnaire de Qí nommé Guan Zhong, fait état d’échanges commerciaux entre Qí et l’ancien état coréen de Gojoseon, c’est-à-dire du Vieux Joseon. C’est aussi dans la province de Shandong que Jang Bo-go, un sujet du royaume de Silla qui régnait en maître sur la mer s’étendant au

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tard, la Corée inaugurait l’Aérosud-ouest de la Corée, s’adonport international d’Incheon, qui na activement au commerce avait vocation d’être la plaque avec la Chine et le Japon et tournante du transport aérien fonda le temple de Chishan en Asie du Nord-Est, puis la Fahua, ce haut lieu de la comVille d’Incheon classait l’ancienmunauté Silla de Chine. Par ne concession chinoise et l’île la suite, le néoconfucianisme de Wolmido en zones touristiallait devenir doctrine d’État ques spéciales. En 2003, trois au royaume de Joseon, qui se zones franches allaient être perpétua durant cinq siècles, créées à Incheon et deux ans et le Roman des Trois Royauaprès, Séoul accueillait pour mes , l’une des œuvres de ficla première fois la Convention tion classiques les plus lues en 2 mondiale des entrepreneurs Corée. 1 La ville internationale de Songdo, qui compte parmi les trois zones franches chinois. En quittant les côtes de la d’Incheon, et le Centre du commerce international, des technologies de l’information D’une superficie égale à péninsule de Shandong, les et de la communication et des biotechnologies. 2 Le Pont d’Incheon relie l’Aéroport international à la ville internationale de Songdo. C’est le plus grand ouvrage coréen de trois fois celle de Manhatterres les plus proches sont ce type, par sa longueur de 18,38 kilomètres et ses piles de 230,5 mètres de hauteur, tan, les zones franches d’Incelles de Corée et le premier et il est prévu pour le passage des bateaux de fort tonnage. cheon drainent l’investisseport où accoster, celui d’Incheon. Les influences réciproques et points communs culturels qui ment étranger chacune à sa manière : Songdo, en tant que Centre se sont manifestés entre les deux peuples, au cours de leur histoi- du commerce international, des technologies de l’information et de re, ont joué un grand rôle dans le départ de nombreux habitants de la communication et des biotechnologies, Yeongjong, par sa spéShandong pour Incheon, mais expliquent aussi pourquoi ceux d’In- cialisation dans la distribution et le tourisme, et Cheongna, en se cheon ne percevaient pas la concession chinoise comme un quar- consacrant aux finances et aux loisirs. À ce jour, elles ont fait affluer 642,5 millions de dollars d’investissements directs étrangers et tier typique et fermé justifiant le nom de Chinatown. en décembre 2013, le secrétariat du Green Climate Fund ouvrait ses portes à Songdo, où la Banque mondiale sera en outre proLa première halte maritime En 1987, la Télévision centrale chinoise (CCTV) a diffusé une série chainement représentée par une agence coréenne. Cette année, Incheon est la ville hôte des Jeux asiatiques, comme l’a été Guangde six films documentaires regroupés sous le titre Mort du Fleuve Jaune . Lors de la polémique qu’il a soulevée, les plus conserva- zhou lors de leur précédente édition. Après avoir subi les affres de teurs ont reproché à ses auteurs d’avoir « affiché les faiblesses la guerre et connu la pauvreté et le sous-développement jusque de la Chine », tandis que les réformistes, comme la plupart des dans les années cinquante, Incheon et sa région s’affirment désortélé-spectateurs, se posaient la douloureuse question de l’avenir mais à l’international, à l’égal d’un Singapour ou d’un Hongkong, du pays, qui mérite en effet réflexion. Sur les rayons des libraires, et recherchent constamment des secteurs d’industrie et marchés se sont succédé les ouvrages portant un regard critique sur les nouveaux à conquérir. Dans son livre intitulé The City: A Global History, le célèbre spélourdeurs et archaïsmes de la culture chinoise et recherchant les moyens d’y remédier. Le président Deng Xiaoping, qui a entrepris cialiste américain de culture urbaine Joel Kotkincite cite les trois une politique d’ouverture et orienté le pays sur la voie du pragmatis- critères dont dépend l’importance d’une ville, mais aussi sa richesme jusqu’à sa disparition survenue en 1997, a souhaité que ses cen- se et sa pérennité, à savoir son caractère sacré, sa capacité à assudres soient dispersées en mer et nombre de Chinois y voient l’ex- rer la sécurité et à planifier l’exercice du pouvoir, et le dynamisme pression de sa conviction que l’avenir de la Chine est à l’ouverture de son commerce. L’histoire montre que ces facteurs jouent un que symbolise la mer. rôle décisif dans la vitalité globale d’une ville. La Corée elle-même n’a pas échappé aux remises en question, Le 1er juin prochain, la Corée fêtera le cent-dixième anniversaire qui en juillet 1998, au sortir de la crise financière asiatique, autorisait du phare de Palmido, le premier dont elle se dota suite à l’ouverl’accession des étrangers à la propriété foncière et assouplissait les ture de ses ports. Aussi vieux et délabré soit-il, il n’en continue pas textes réglementant le séjour de ceux-ci dans le pays, et ce, en vue moins de guider les marins en les faisant rêver de jours meilleurs d’offrir davantage d’attraits aux investisseurs étrangers. Ces mesu- et à cet égard, ne révèle-t-il pas l’existence d’une dimension sacrée res allaient en entraîner d’autres tout aussi importantes de part et de la ville d’Incheon qui, par-delà sa valeur patriotique ou sa dimend’autre. En 2000, la Chine supprimait à son tour les restrictions por- sion de merveilleux, pourrait ouvrir la voie à la reconstruction d’imtant sur les voyages en groupe à destination de la Corée. Un an plus portants mythes nationaux ? K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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Rubrique spéciale 2 Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Incheon vue par Shin Kyung-sook dans son roman Rijin Les passages suivants sont une évocation de ce que fut le port, en cette fin de XIXe siècle où il offrait une ouverture directe sur le monde. La romancière y plante le décor de l’idylle qui se noue entre un diplomate français et une danseuse de la cour de Joseon, Rijin. Ce dernier personnage est inspiré de la vie de Yi Jin, qui s’éprit du premier ministre français Victor Collin de Plancy, en visite dans le pays à l’occasion de la signature du Traité franco-coréen de 1886, et le suivit jusqu’à Paris où elle s’établit avec lui.

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Shin Kyung-sook Romancière

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« (...) Il ne leur fallut pas moins de trois jours pour arriver au port. Ils suivirent les lacets d’un chemin de montagne, une route tracée voilà peu où un nuage de poussière se soulevait sur leur passage, puis une voie pierreuse surplombant un fleuve aux rares embarcations. Ils longèrent aussi des rizières où les jeunes plants tout juste repiqués frissonnaient sous la brise. Ils passèrent devant des sumacs, cerisiers et ormes, aperçurent des calendulas, iris, pissenlits et viornes. Des pivoines sauvages furent prétexte à une brève halte. Elle gravait dans sa mémoire le paysage que traversait le palanquin et qu’elle ne reverrait peut-être pas. Jamais elle n’avait vu d’aussi vastes bancs de sable gris cendré. L’air était cristallin et il n’y avait pas un souffle de vent. On croyait voir en rêve des îlots flotter au loin sur la mer bleue et l’on en oubliait le sombre avenir du pays. Comme si on les berçait, de petits bateaux chargés de bois de chauffage et autres marchandises tanguaient sur l’eau. Le hangar à poissons imprégnait tout le port de

son odeur. La pêche du jour envahissait les étals. Un marchand de sandales en paille hâtait le pas, hotte pleine à ras bord sur le dos. Le soleil pâle de ce début d’été n’était pas encore chaud, mais brillait par-dessus l’animation des gens qui vaquaient à leurs occupations. Alors que lui, diplomate, passait chaque année près de deux mois en mer, l’ancienne danseuse de cour prenait le bateau pour la première fois. Dans la foule des gens du commun, le couple qu’ils formaient ne passait pas inaperçu. Le Français, grand, blanc de peau et moustachu, portait un pantalon ample qui lui descendait jusqu’aux chevilles, un gilet et un pardessus ceinturé, tandis que la femme coréenne avait une robe bleu ciel ondoyante et tenait un manteau qu’elle enfilerait pour se protéger du vent, ainsi qu’un chapeau brodé de roses. Vieillard à la longue pipe, marchand de sabots, jeune homme aux airs de voyou, enfant au visage noir de crasse où la sueur dégoulinait en laissant des traces, Chinois emportant du bois sur un radeau ou vendant du thé dans les comp-

Le port de Jemulpo vu de la côte (2009), Kim Jae-youl, aquarelle sur toile, 118 x 91 cm. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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toirs étrangers, négociant en riz japonais : comme s’ils découvraient un paysage inconnu en poussant une porte, tous avaient les yeux fixés sur eux... En particulier sur elle. Sur son visage au teint pâle, ses deux yeux pareils à des perles bleu-noir avaient une lueur intense. Avec soin, elle avait noué en chignon son épaisse chevelure lustrée et cette coiffure à l’occidentale, peu commune pour l’époque, ne pouvait qu’attirer l’attention de tous. Sa robe bleue, qui tombait jusqu’aux pieds avec fluidité, en épousant ses formes, tranchait sur les jupes et boléros en cotonnade blanche des femmes du port. Tandis qu’elle s’avançait, les curieux se pressaient au-devant d’elle et à sa suite. Pensant d’abord qu’il s’agissait d’une Occidentale, ils s’enhardissaient quand ils s’apercevaient qu’elle était coréenne et la dévisageaient sans vergogne, avant d’observer Collin de Plancy, la forme un peu dédaigneuse de son nez, sa peau blanche et ses cheveux châtain frisés. Certains lorgnaient avec insistance les dentelles d’un blanc immaculé dont s’ornait le décolleté de sa compagne. D’autres faisaient un pas en arrière, de crainte de marcher sur le bas de sa robe. Tous se demandaient manifestement pourquoi une femme du pays pouvait bien s’habiller comme une étrangère. Quelquesuns semblaient s’en offusquer et fronçaient le sourcil ou faisaient la moue. (...) » *** « (...) Quant à la femme, elle semblait indifférente aux innombrables regards qui convergeaient vers elle. Par ses façons d’agir, elle se distinguait en tout de ces femmes du peuple qui retournaient leur tunique pour la faire remonter par-dessus le visage et n’en laisser voir que la moitié. Elle se mouvait avec aisance, sans chercher à fuir les regards indiscrets en regardant vers la mer. À la voir marcher ainsi en se tenant bien droite, on devinait qu’elle devait être animée de quelque force intérieure qui lui permettait de conserver ce port altier en toutes circonstances, sans jamais se décontenancer. Cette assurance avait quelque chose d’insolent que faisaient cependant oublier le mystère de ses yeux, sa nuque troublante et ses traits empreints de douceur. Faute de pouvoir la désarçonner, les badauds poussaient de gros soupirs en scrutant l’horizon. La séduisante femme qui contemplait ce port bordé de petites montagnes ignorait qu’il se réduisait à un minuscule hameau jusqu’au traité de Jemulpo conclu dix ans plus tôt. Cependant, le changement vient parfois d’où on ne l’attendait pas et ce fut le cas de cet accord, qui transforma rapidement le modeste village de pêcheurs. Les Japonais commencèrent par s’emparer d’une partie du territoire, puis Chinois et Occidentaux firent de même. À Jemulpo, un habitant sur dix venait de Chine ou du Japon, en ce temps-là. Nul ne savait alors si cette présence serait source de malheur ou de prospérité.

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Elle se dit soudain qu’il faisait un temps idéal pour prendre le bateau, mais chassa tout aussitôt cette idée de son esprit. Le commandant des forces régionales qui, au nom du directeur de l’Office central des affaires diplomatiques et commerciales Jo Byeong-sik était venu prendre congé de Collin à son départ de Corée, l’avait avertie qu’il fallait se garder de telles pensées quand on embarquait, car a contrario, elles laissaient entendre une possibilité de gros temps. Au nombre de ceux venus les saluer, on remarquait deux ou trois missionnaires français, un fonctionnaire de la douane maritime et quelques religieuses qui avaient traversé les mers jusqu’à ce pays. Sur le port, nul bâtiment ou navire de grande taille. Quoique situé sur la côte, il tenait plutôt du port fluvial. Une mer d’huile s’étendait des rivages jusqu’au large. Quelques constructions blanches de style européen dépassaient des toits à l’ancienne. Les chaumières, bien visibles en l’absence de bâtiments de grande hauteur, semblaient prendre appui les unes sur les autres. Le soleil inondait le paysage de sa douce lumière. Après toutes ces années passées à la cour, à broder des tortues ou à danser, elle se laissait volontiers envelopper par cette agréable clarté. Les hauts toits du palais étaient si près les uns des autres qu’ils se touchaient presque, obscurcissant les lieux. Sur le chemin inconnu qu’elle avait emprunté jusqu’à l’embarcadère, elle avait vu bien des choses et gens, pour la première et la dernière fois. Où donc était-elle ? La nuit qui avait suivi leur départ de la capitale, ils s’étaient arrêtés dans une auberge. Elle se trouvait dans la campagne, dont seule la séparait une haie morte. L’écurie attenante abritait une douzaine de chevaux qui contenaient en renâclant leur besoin de galoper dans l’herbe. À la nuit tombée, la chambre sans fenêtre résonna des cris d’animaux sauvages. Quelques mots tendres ont parfois le pouvoir de faire naître l’amour, comme germent les graines dans la terre. Dans ce lieu retiré, l’ancienne danseuse de cour Rijin s’entendit appeler « mon ange » par Collin de Plancy, le chef de la représentation diplomatique française. Et qui plus est, en coréen. Elle ne fut pas tant surprise par l’expression elle-même que par sa bonne prononciation. Il avait appris la langue à ses moments perdus, mais les phrases qu’il commençait s’achevaient dans la confusion et quelque chose y manquait toujours. Pour vivre dans son pays après avoir traversé les mers, il faudrait côtoyer des gens qui parlaient une autre langue. Elle s’en inquiétait sans vouloir rien en laisser paraître, mais il l’avait compris et lui avait adressé ce « mon ange » parfaitement prononcé. En entendant ces mots coréens doucement susurrés par celui qui ne savait pas même dire convenablement son nom, Rijin sen-

La concession japonaise et l’hôtel Daibutsu (2008), Kim Jae-youl, aquarelle sur toile, 46 x 38 cm. Le bâtiment en brique à trois étages visible à droite est l’hôtel Daibutsu, le premier de style occidental, qui fut construit en 1899. Arts e t cu l tu re d e Co ré e


tit une vague d’émotions déferler sur son cœur jusqu’alors en paix. Toute la fatigue de cette longue journée en palanquin s’en alla soudain en cédant la place à une agréable léthargie, comme si elle plongeait les pieds dans l’eau chaude. Les distances qu’elle gardait quand il lui faisait la cour étaient abolies. Alors, elle dénoua le flot noir de sa chevelure et le laissa tomber en cascade sur ses épaules. Puis, tendant sa brosse, elle demanda : -Peignez-moi(1). Il ouvrit grand les yeux. C’était cette brosse qu’il lui avait rapportée de son pays, après lui avoir offert une bague. Il aimait plus que tout lisser sa chevelure de jais. Malheureusement, elle n’y laissait toucher personne d’autre que la reine douairière Cheorin ou Dame Seo, qui la coiffait pendant son apprentissage. Pendant que ses compagnes, pour se distraire, se faisaient les unes aux autres des nattes qu’elles attachaient avec un ruban pourpre, elle se mettait à l’écart pour les tresser elle-même avec difficulté. Quant à lui, s’il lui prenait l’envie de le faire, il lui fallait implorer. Ce jour-là, en revanche, elle avait défait le chignon de son plein gré, sans qu’il ait à le lui demander, et avait parlé français en tendant la brosse. Il prit donc celle-ci et s’assit derrière elle. Savourant son plaisir, il enfouit un moment son visage dans les cheveux noirs et brillants. Un sourire se dessinait sur ses lèvres. C’était celui qu’avait Jin quand elle étouffait un rire en l’entendant prononcer maladroitement son nom. Puis il se redressa et se mit à l’ouvrage. Mais aus-

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sitôt, il pencha la tête et dit en l’imitant : « Peignez-moi ». Avec un mouvement qui fit onduler la masse de cheveux, elle se retourna, prit dans ses mains le visage de l’homme et déposa un baiser sur les siennes. Sa barbe frôlait sa joue enflammée. Elle prit sa main, faisant tomber la brosse. Dehors, on entendait souffler le cheval que Collin avait monté, ce jour-là. C’était l’un des trois qu’ils avaient loués pour une somme de cent nyang par vingt li, outre les services d’un palefrenier, les deux autres servant au transport des bagages. L’une des bêtes avait une marque au ventre. Après avoir mangé, elles devaient s’être assoupies aux côtés des poneys de l’auberge. En entendant le souffle des chevaux s’échapper de leurs nasaux, elle déboutonna la chemise de son compagnon et dénuda son torse.(...) » *** « (...) Sa dernière nuit sur le sol coréen, elle l’avait passée en compagnie de Soa à l’hôtel Daibutsu, qu’un Japonais tenait sur le port. C’était une délicate attention qu’avait eue Collin de Plancy envers ces deux jeunes femmes sur le point de se dire adieu. (...) »

(1) En français dans le texte.

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Rubrique spéciale 3 Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Le rôle décisif d’Incheon dans l’ouverture du pays L’importante expansion démographique d’Incheon en a fait la troisième ville de Corée qu’elle est aujourd’hui, mais son identité a aussi été façonnée par deux millénaires de courants migratoires amorcés à l’époque du prince Biryu, sous le royaume de Goguryeo. Cho Woo-sung Membre du Comité municipal de recherche historique d’Incheon ; Rédacteur en chef de l’Incheon Times

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’est dans l’ouvrage historique intitulé Samguk sagi, c’est-à-dire l’histoire des Trois Royaumes, qu’il est fait mention pour la première fois de la ville d’Incheon, à propos de faits survenus voilà deux millénaires. Il relate en effet que le prince Biryu, dont le père Jumong fonda le royaume de Goguryeo en l’an 37 avant JésusChrist, parvint à une contrée paisible de la côte après avoir marché en direction du sud à la tête de ses fidèles sujets et franchi montagnes et rivières. C’est ce lieu nommé Michuhol, où il décida de s’établir avec sa suite, qui constitue aujourd’hui les quartiers sud d’Incheon de Munhak-dong et Gwangyo-dong. Biryu le prit pour capitale du nouveau royaume dont il entendait faire un État puissant. Cette ambition allait cependant se heurter à l’absence de terres arables sur ces côtes gorgées d’eau de mer. Le prince s’en voulut tant de n’avoir pu convenablement nourrir les siens qu’il tomba gravement malade et succomba. À sa mort, son frère cadet Onjo, dont les gens peuplaient la rive gauche du Han jusqu’au sud-est de ce qui est aujourd’hui Séoul, allait instaurer le royaume de Baekje (28 av. J.-C.- 660) et ce faisant, jeter les fondements des Trois Royaumes à venir.

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Depuis ces temps lointains, la « ruée vers Incheon » paraît sans fin puisqu’encore aujourd’hui, on ne cesse d’y affluer des quatre coins du pays. Elle a atteint des sommets en 1883, l’année de l’ouverture du port au commerce international, ainsi que dans les années cinquante, qui ont vu l’arrivée des réfugiés fuyant le nord après la Guerre de Corée. Selon les statistiques municipales portant sur l’année 2013, Incheon a triplé d’envergure au cours des vingt-trois dernières années. Après être passée d’un peu plus d’un million à deux millions d’habitants entre 1979 et 1992, sa population devrait atteindre cette année le chiffre de trois millions de personnes. Il s’agit de la plus forte poussée démographique enregistrée par les grandes métropoles coréennes. Dans un premier temps, les nouveaux arrivants se fixèrent pour la plupart aux alentours du Mont Munhak, où le roi Biryu avait édifié sa capitale, siège de l’Incheon Dohobu, qui était le commandement militaire de la ville sous le royaume de Joseon. Au flanc de ce gracieux sommet, dont le paysage est l’un des plus connus de la géographie locale, s’accroche une forteresse de montagne en ruines où la mousse qui recouvre les murailles atteste d’origines ancestrales. Il était surmonté d’un fanal aux lueurs rougeoyantes dont tous garDeux millénaires plus tard daient en eux l’image évocatrice du pays Avec la fin cruelle de ce premier éminatal. Quand on l’observe de loin, il fait gré d’Incheon, commençait ainsi la longue penser au nombril d’un homme allongé histoire de la ville. Il fallait qu’il ait eu un sur le dos et c’est d’ailleurs de cet aspect grand courage et l’esprit éclairé pour avoir 2 qu’il tire son surnom de « montagne du renoncé aux fastes et honneurs de la cour 1 Cette photo non datée de bateaux de pêche amarrés nombril ». Comme cet orifice, par lequel de son père et entrepris un périple aussi au port a été réalisée au tournant du siècle dernier. Les pêcheurs suspendent leurs filets tout en haut des mâts la mère nourrit l’enfant qu’elle porte en hasardeux dans le but de fonder lui-même pour les y faire sécher. Voilà encore un siècle, le poisson elle pour lui donner la vie, le Mont Munhak un royaume. En homme d’État intègre et abondait au large d’Incheon, en particulier l’ombrine devait procurer à ses riverains l’impression conscient des souffrances de son peuple, il et le bar. 2 Carte postale du Parc de toutes les nations, aussi dit aujourd’hui Parc de la liberté, que créa en 1888 d’être en sécurité et choyés avec amour. s’efforça de mener une existence digne de l’architecte russe Afanasii Ivanovich Seredin-Sabatin. Au quatrième mois de l’an 1592, vingtl’âme noble qui était son idéal. Cette vue est issue de séries que firent imprimer les cinquième du règne du roi Seonjo de Après sa disparition, Michuhol prit sucautorités coloniales japonaises pour présenter les lieux touristiques d’Incheon. Joseon, le Mont Munhak allait subir les cessivement le nom de Maesohol, Préfecaffres de la Guerre d’Imjin qui opposait le ture de Soseong, Canton de Gyeongwon et pays au Japon et sema la dévastation dans tout le pays. Forte de Inju, pour finir par s’appeler Incheon voilà exactement six siècles, deux cent mille hommes, l’armée ennemie gagna Incheon, puis en cette année 1413, deuxième du règne du roi Taejong, où celuiBupyeong en à peine vingt jours après qu’elle eut débarqué à Busan, ci mit en œuvre une réforme administrative dans les régions du dans le sud-est péninsulaire, et au fur et à mesure de son avance, royaume de Joseon. elle perpétra les pires atrocités à l’encontre de la population. L’année dernière, la collectivité régionale d’Incheon comméTandis que l’armée de Joseon accumulait les défaites et que ses morait en même temps le deux millième anniversaire de l’arrivée dirigeants étaient en fuite, le peuple défendait sa terre en luttant de Biryu et le six-centième du nom que porte la ville. L’importante pied à pied contre l’envahisseur. Dernier rempart derrière lequel expansion démographique d’Incheon en a fait la troisième ville de s’abritait le pays, c’était lui que redoutaient plus que tout les solCorée qu’elle est aujourd’hui, mais son identité a aussi été façondats japonais. Ce fut lui aussi qui sortit victorieux de la bataille qui née par deux millénaires de courants migratoires amorcés à l’épose livra à la forteresse du Mont Munhak. Le Conseil de défense des que de ce prince, sous le royaume de Goguryeo.

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Par l’esprit d’ouverture qui participe fortement de son identité, à l’image de cette mer où viennent se jeter tous les fleuves, Incheon s’est affranchie du favoritisme régional et développée de manière exemplaire en faisant preuve de dynamisme et en mettant à profit sa riche diversité.

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un point de passage stratégique dans les transports maritimes. En outre, comme on lui prêtait une importante dimension spirituelle, le roi y faisait accomplir des rites sacrificiels voués aux dieux. Dans les Gaoli tujing, ces Chroniques illustrées de Goryeo, Xu Jing, qui en est l’auteur et avait été dépêché en Corée en 1123 par la Chine des Song, fit mention de cette 1 île sous le nom de Jayeon, c’est-à-dire l’île des hirondelles pourpres. Dans cette chronique de voyage, l’envoyé chinois précise l’origine de ce nom après l’avoir découverte par lui-même en admirant la beauté des vols d’hirondelles qui passaient près de la résidence Gyeongwonjeong, c’est-à-dire de la maison de la révérence, qu’il occupait lors de son séjour. L’existence d’aussi grands logements à l’intention des envoyés de la Chine démontre que l’île se trouvait bien sur le parcours de la principale liaison maritime reliant ce pays au royaume de Goryeo. C’est à la fin de la première moitié de la période de Joseon que l’île allait prendre le nom de Yeongjong. Quand la base navale de Yeongjongpo y fut transférée au cours de la quatrième année du règne du roi Hyojong (1653), après s’être trouvée dans le canton de Namyang, l’actuelle Hwaseong, son nom devint si répandu qu’il finit par désigner l’île elle-même. Constatant l’absence d’habitants sur cette île, le Sejong silok jiriji, qui est la partie géographique des Annales du roi Sejong, apporte les précisons suivantes : « Située à 3 li [1,2 km] au large de la côte ouest, où s’étendent le port et la base navale de Jemul et possédant un pourtour de 25 li [9,8 km], l’île fournit des pâturages à deux cent cinquante-huit chevaux qui sont la propriété de l’État. Elle accueille plus de trente foyers de militaires de la marine de guerre, bergers et producteurs de sel ». Toujours selon ce document, l’île de Yeongjong, à maints égards, était particulièrement précieuse aux monarques de Joseon. Tan-

icipaux den ces mun © Ser vi Jung-gu, Incheo de ssement

L’ouverture du port Suite à l’ouverture au commerce international, en 1883, du port de Jemulpo, aussi dit Chemulpo, lequel faisait partie de la ville d’Incheon, les services de l’administration municipale vinrent s’installer dans le quartier tout proche de Nae-dong, qui constitue l’actuel arrondissement de Jung-gu, et le Bureau du Canton d’Incheon fut rebaptisé Incheon Gamniseo, ce qui signifie « office administratif du port d’Incheon ». Ce déplacement visait à permettre à l’État d’exercer un contrôle plus efficace sur les entrées et départs de navires, sur les importations et exportations, ainsi que sur les mesures de quarantaine mises en œuvre dans le port. Jemulpo offrait en outre un accès direct vers Séoul, de sorte que l’on prit l’habitude de parler à son propos de « gorge de la capitale ». Quant à l’île de Yeongjong toute proche, elle représentait aussi

l’arrondi

frontières nommé Bibyeonsa en fit d’ailleurs état dans un document daté du troisième jour du douzième mois de cette même année : « Si l’ennemi a jusqu’ici progressé sans entrave, c’est grâce à ses fusils, mais les hautes murailles des forteresses de montagne ont eu raison de lui. Nous l’avons vaincu dans les batailles de celles d’Incheon et de Haengju, en tirant le meilleur parti de leurs avantages topographiques ». Le Seonjo sillok, qui rassemble les annales du roi Seonjo, évoque aussi le rôle joué par le peuple dans ce passage datant du quinzième jour du onzième mois de l’an 1596 : « L’ennemi ne s’est pas aventuré à prendre la forteresse d’Incheon, car la population, qui y était entrée, l’en a empêché de toutes ses forces ». Ainsi, le Mont Munhak rappelle la place importante qu’occupa le peuple dans la formation de la nation.


tôt ils y faisaient accomplir des rituels propitiatoires en période de sécheresse, pour que vienne la pluie, tantôt ils y trouvaient refuge lors de graves crises menaçant leur sécurité car ils y disposaient d’un palais construit à cet effet. La présence de nombreux pins favorisant les constructions navales destinées à la marine de guerre, ces arbres étaient des espèces protégées par l’État. Célèbre pour la beauté de ses montagnes et de ses côtes, ainsi que pour son abondance en terres fertiles, l’île abritait de nombreux cerfs que chassaient les habitants et jusqu’au règne de Sukjong (r. 16741720), ils avaient coutume d’en faire présent au monarque. Dans le domaine militaire, l’île de Yeongjong était aussi d’une grande importance stratégique. La quatrième année du règne du roi Sukjong, son ministre des Affaires militaires Kim Seok-ju déclara à ce propos : « L’île, grâce à son port méridional, permet aux navires marchands d’accéder à la capitale et elle est en outre proche des voies navigables du continent, tout en étant d’assez grande taille pour qu’y soit aménagée une base militaire sans supprimer les pâturages ». Jo Tae-chae, qui occupa cette même fonction trente ans plus tard, conseilla au roi d’y faire édifier une forteresse, arguant qu’elle « [s’avérerait] sûrement fort utile en cas de péril ».

Le débarquement amphibie allié et l’aéroport international Au XIXe siècle, la Corée, toujours plus poussée à s’ouvrir sur l’extérieur, allait traverser une série d’épreuves, dont l’invasion de l’île de Ganghwa par la France, en 1866, puis cinq ans plus tard, par les États-Unis, ainsi que des échanges de tirs entre le cuirassé Unyo et l’artillerie coréenne, en 1875. Après ces premières relations houleuses avec les puissances étrangères, la Corée, contrainte d’ouvrir le port de Jemulpo en 1883, rentra dans le rang en tant que satellite du capitalisme moderne. Par la suite, la ville d’Incheon allait connaître des changements sans précédent et contribuer à diffuser une « culture nouvelle » en Corée. Après l’ouverture du port, de grandes constructions à l’occidentale allaient faire leur apparition dans la ville, ainsi que toute sorte de métiers jusqu’alors inconnus au royaume ermite, puis ce fut au tour du premier phare, suivi d’un hôtel, d’un bureau de poste, d’une agence téléphonique, d’une rizerie, d’une station d’observa-

tion météorologique, d’une fabrique d’allumettes, d’une usine de boissons gazeuses, de consulats, d’une société d’import-export et de quais. De tout le pays, on accourait pour trouver une place. Il en résulta un grand brassage de population et un marché du travail où les postes n’étaient plus pourvus selon l’origine régionale des candidats, mais en fonction de ce qu’ils savaient faire. Les affinités et préjugés régionaux improductifs cédèrent la place à un recrutement plus efficace mettant l’accent sur les capacités et qualités de chacun. Incheon s’est ainsi affranchie du favoritisme régional. Par l’esprit d’ouverture qui participe fortement de son identité, à l’image de cette mer où viennent se jeter tous les fleuves, elle s’est développée de manière exemplaire en faisant preuve de dynamisme et en mettant à profit sa riche diversité. Ses habitants se flattent d’élire leurs maires sans faire entrer en ligne de compte l’origine des candidats. C’est cette évolution collective qui a fait renaître la ville avec pour vocation de faire se mêler des personnes de toute provenance régionale. Malheureusement, le monde a davantage retenu de cette ville les conflits mondiaux dont elle a été le théâtre que les qualités admirables qui sont les siennes. C’est au large de ses côtes qu’en 1902, la Russie et le Japon s’affrontèrent lors de la Bataille de Jemulpo. Pendant la Guerre de Corée, qui éclata le 25 juin 1950, les forces alliées, avec à leur tête le général Douglas MacArthur, effectuèrent à Incheon un débarquement amphibie en septembre de la même année. Ces deux événements ont inscrit à jamais le nom de la ville dans l’histoire mondiale de la guerre. Ce passé de violents conflits allait céder le pas à un nouveau rôle de plaque tournante des transports grâce à l’Aéroport international d’Incheon inauguré sur l’île de Yeongjong en 2001. Contrairement à l’ouverture du port en 1883, qui résultait d’une évolution historique plus subie que voulue, car imposée par la politique de la canonnière dans un XIXe siècle impérialiste, celle de l’Aéroport international d’Incheon atteste, deux siècles plus tard, de la volonté du pays de trouver sa voie à l’international grâce aux prouesses technologiques qui lui sont propres dans une industrie aérospatiale mondiale en plein essor.

1 Ancre de la canonnière russe Korietz coulée lors de la Bataille de Jemulpo (origine : collection du Musée municipal d’Incheon). 2 La rue du commissariat de police au début du siècle dernier. 3 Le quartier de Sinpo-dong à la même époque. 4 Manutention du fret. L’ouverture du port a entraîné la création d’entrepôts et l’embauche de débardeurs.

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n ce mardi 22 décembre 1902, dans le vent glacial de la mer qui balaie le port de Jemulpo, cent vingt et un Coréens sont les premiers à embarquer pour Hawaï, qu’ils gagneront par les bateaux à vapeur japonais Kenkaimaru , jusqu’à Nagasaki, puis britannique, S.S. Gaelic , à travers l’océan Pacifique. Les passagers, composés en majorité de fidèles de l’Église méthodiste de Naeri, sont partagés entre deux sentiments. D’un côté, ils sont hantés par le souvenir des côtes dénudées qu’ils ont vues s’éloigner en quittant le pays et par les craintes que leur inspire la situation politique de celui-ci. De l’autre, ils ont sans cesse à l’esprit l’avis à la population du Yuminwon , cet Office de l’émigration dont le directeur Min Yeonghwan mettra fin à ses jours pour protester contre le Traité de protectorat coréano-japonais de 1905. On pouvait notamment y lire : « Le climat est doux et agréable, sans fortes chaleurs. Le salaire s’élève à quinze wons, versés en monnaie américaine. La journée de travail est de dix heures par jour, avec repos

de l’Office de l’émigration, figuraient d’ailleurs certains des adeptes les plus fervents de l’Église de Naeri, qui y servaient d’interprètes et allaient plus tard jouer un rôle important auprès des ressortissants coréens de Hawaï. Après une traversée de deux jours, les voyageurs parviendront au port de Nagasaki, où ils auront à subir des examens médicaux à l’issue desquels seuls cent quatre d’entre eux, dont deux traducteurs, seront autorisés à prendre le Gaelic . Celui-ci les conduira jusqu’à l’île de Sand située au large du port de Honolulu, et c’est ainsi qu’ils arriveront à destination à l’aube du 13 janvier 1903, au terme d’un voyage de trois semaines et d’une escale à Yokohama. Après un deuxième examen médical réalisé par les services de l’immigration américains, les personnes atteintes d’affections ophtalmologiques ou autres sont refoulées et doivent repartir pour Jemulpo. En revanche, les quatre-vingt-six restantes, qui comprennent quarante-huit hommes, seize femmes et vingt-deux enfants, sont autorisées à pénétrer sur le territoire et transportées par un train roulant sur des voies à faible écartement jusqu’à la plantation de Waialua. Celle-ci se trouvait sur la côte nord de la ville d’Oahu, où ils s’installèrent dans le Camp de Mokuleia. Pas moins de vingt-deux jours s’étaient Cho Woo-sung Membre du Comité municipal de recherche historique d’Incheon ; Rédacteur en chef de l’Incheon Times écoulés depuis leur départ de Corée. Contrairement à ce qu’affirmait le dimanche. Les travailleurs sont logés à la ferme. Les dépenses en l’Office de l’émigration, bien des difficultés y attendent ces premiers bois de chauffage et eau potable, ainsi que les frais de maladie, sont à la immigrés, mais quelque temps après, ils réussiront à y refaire leur vie et charge de l’employeur. Le personnel en est exempté ». leur statut de ressortissants sera officiellement reconnu par l’État coréen. À première vue, ce descriptif des conditions de vie à Hawaï n’était Selon les documents d’archives, ce n’était pas à la ferme que ces pas pour déplaire aux candidats au départ, mais ils n’en hésitaient pas nouveaux venus étaient logés, alors qu’on s’y était engagé, mais dans des moins à franchir le pas. Ils appréhendaient l’idée même de côtoyer des habitations de fortune en contre-plaqué. Dans une chaleur torride, ils Occidentaux pour n’avoir jamais été à leur contact. En outre, la morale travaillaient jusqu’à dix heures par jour dans les champs de canne. Malinterdisait alors que l’on quitte pour toujours ses parents, car cela tégré ces conditions difficiles et le mal du pays, l’argent durement gagné, moignait d’un manque de loyauté et de respect envers eux. à raison d’un dollar et vingt-cinq centimes par jour, était mis de côté ou Rares étaient donc ceux qui répondaient à l’appel des affiches plaenvoyé à la famille. Peu après, d’autres compatriotes allaient se joindre cardées dans les grands ports et villes. Las d’attendre, le responsable de à eux et en avril 1905, les sept mille deux cents d’entre eux qui s’étaient la campagne, un dénommé David W. Deshler, a alors l’idée de solliciter établis à Hawaï en soixante-cinq vagues successives constituaient une l’aide du pasteur de l’Église de Naeri. Celui-ci se nomme George H. Jovéritable communauté sur cette île du Pacifique. nes et a parmi ses connaissances le ministre responsable de la Légation Sous des dehors réussis, cette immigration n’est pas exempte de américaine en Corée, un certain Horace N. Allen à qui les planteurs problèmes. Pour la plupart célibataires, les Coréens de Hawaï s’adonde canne à sucre de Hawaï ont demandé de faire appel à l’émigration nent parfois à la boisson ou au jeu. Les services de l’immigration parcoréenne. L’homme d’église s’exécute et réussit à faire venir à Incheon viendront à la conclusion que ces écarts de conduite s’expliquent en plus de cinquante de ses fidèles, auxquels se joignent vingt débardeurs. grande partie par le manque d’éléments féminins parmi les immigrés. C’est ce premier effectif de travailleurs qui va s’embarquer pour NagaPour y remédier, on imagine alors la pratique dite du « mariage sur saki par une froide journée d’hiver. photo » grâce à laquelle les conjointes d’immigrés asiatiques se voient Soixante-sept d’entre eux sont originaires de Jemulpo, dix de Buaccorder un droit de résidence permanente lorsqu’elles viennent repyeong, neuf de l’île de Ganghwa, trois d’autres localités de la projoindre leur époux. vince de Gyeonggi et sept de Séoul, soit quatre-vingt-six personnes de Le 28 novembre 1910, arriva ainsi à Honolulu la première de ces l’actuelle région d’Incheon représentant la majorité du groupe, ce qui femmes mariées sur photo, qui répondait au nom de Choe Sa-ra et démontre la forte vocation migratoire de cette ville. Dans le personnel avait pris pour époux Yi Nae-su. Dès octobre 1924, neuf cent cinquan-

Un musée consacré aux premiers émigrés coréens de Hawaï

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Photos de passagers coréens du S.S.Gaelic. Leurs bagages et effets sont exposés au Musée d’histoire de l’émigration coréenne.

te et une autres avaient suivi sa trace et la paix s’instaurait peu à peu dans la communauté. C’est alors qu’allait survenir l’annexion si redoutée de la Corée par le Japon, contre laquelle allaient résolument s’engager les émigrés coréens de première génération. Comme en d’autres circonstances historiques, cette réaction immédiate aux événements du pays fut le trait caractéristique de l’émigration coréenne. Hawaï constitua en fait l’une des principales bases arrière de la résistance, par le soutien inconditionnel que les ressortissants coréens apportèrent au gouvernement provisoire de Shanghai sous forme de fonds rassemblés de diverses manières, notamment en émettant des obligations. La Libération coréenne n’avait pas plus tôt été proclamée que les ressortissants de Hawaï s’empressaient de faire construire une université à Incheon, persuadés que seule l’éducation permettrait aux jeunes générations de défendre la souveraineté nationale. En 1953, où se fêtait le cinquantième anniversaire de leur émigration, ils n’allaient réunir pas moins de cent cinquante mille dollars pour créer la Faculté de technologie d’Inha, aujourd’hui université, dont le nom est formé à partir des premières syllables d’« Incheon » et de « Hawaï ». Les subventions d’État qui vont s’ajouter à cette première collecte de fonds K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

permettront la mise sur pied de cet établissement universitaire en 1954. Dès lors, la communauté coréenne de Hawaï ne cessera de financer l’attribution de bourses d’études aux étudiants les plus brillants. En janvier 2003, soit un demi-siècle plus tard, deux millions de Coréens des États-Unis vont célébrer le centenaire de l’émigration à Hawaï par des festivités grandioses. Parmi les personnalités conviées à ces manifestations, figurent les responsables de la collectivité locale d’Incheon et le maire d’alors, Ahn Sang-soo, car c’est de leur ville que partirent les premiers flux migratoires coréens, comme en atteste le fait qu’elle est le deuxième lieu de naissance de tous les Coréens de l’étranger. Ces célébrations ont permis de prendre conscience du rôle de pionnier qu’ont joué ces immigrés de première génération qui débarquèrent en terre étrangère et y affrontèrent les pires difficultés pour défricher le terrain tout en aidant leur mère patrie à recouvrer son indépendance. Ceux qui y ont assisté se sont accordés à reconnaître la nécessité d’un musée qui retrace et analyse l’histoire de l’émigration coréenne. Leurs souhaits vont se réaliser en juin 2008, au terme du chantier de plusieurs années qu’a nécessité la construction du Musée d’histoire de l’émigration coréenne. Si Incheon y est présenté comme l’origine de la diaspora coréenne, l’histoire centenaire de cette émigration y est considérée dans son ensemble, à travers ses heures de gloire et ses drames qui y sont évoqués par une abondante documentation pour les faire connaître aux générations futures.

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Rubrique spéciale 4 Incheon d’hier et d’aujourd’hui

De l’ouverture d’un port à celle du meilleur aéroport Est-ce le fait du hasard si la plaque tournante des transports reliant la Corée au monde entier se trouve à moins de deux kilomètres de l’ancien emplacement du premier port à s’être ouvert et des concessions étrangères de Jemulpo qui, à l’aube du XXe siècle, symbolisaient l’avènement d’un pays moderne et sa sortie de l’isolement? C’est sur un petit morceau de terre aménagé entre deux îles que depuis 2001, la plupart des voyageurs étrangers arrivent en Corée par l’Aéroport international d’Incheon. Ben Jackson Rédacteur occasionnel

L’Aéroport international d’Incheon s’est classé neuf années de suite au premier rang mondial.

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i les voyageurs vivaient une expérience riche en émotions quand leur bateau s’approchait des côtes entre les nombreuses îles et bassins à flot qui émaillaient le grand large, ceux d’aujourd’hui éprouvent ces sensations lors d’une descente d’avion qui révèle les reflets étincelants de la mer, de gigantesques quais, une zone très urbanisée et des ponts immenses. Tout le long de la côte ouest, s’étendent ces fameux bancs de boue qui accueillirent le débarquement amphibie à l’origine d’un tournant dans la Guerre de Corée. Le ciel y est souvent voilé, en particulier au printemps où le vent soufflant du nord-ouest apporte le tristement célèbre « sable jaune ». Pour se rendre à Séoul en bus ou en train express, il faut obligatoirement franchir cette étendue boueuse, ce qui prend une vingtaine de minutes, après quoi on entrera dans la capitale par l’ouest après avoir franchi le Han. L’Aéroport international d’Incheon est l’un des plus importants d’Asie du Nord-Est et le neuvième au monde par sa fréquentation annuelle. L’année dernière, celle-ci a franchi le cap des quarante millions de personnes, soit plus de cent treize mille par jour. Pour ces voyageurs, il présente en outre l’avantage d’avoir été classé

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meilleur aéroport du monde par le Conseil international des aéroports (ACI), et ce, neuf années de suite. Aux désagréments subis à l’arrivée ou au départ, dans certains pays, s’oppose une commodité qui rend ce lieu très agréable.

Toujours plus de prestige Quand j’avais à peu près huit ans, mes parents ont eu l’excellente idée de nous faire manquer l’école deux semaines, mes sœurs et moi, pour partir en famille visiter l’Europe, de l’Angleterre à la Grèce. Ce voyage m’a permis de vivre une aventure qui serait aujourd’hui impensable grâce à la souriante hôtesse qui m’a conduit jusqu’à la cabine de pilotage où elle m’a fait entrer. Après avoir bavardé un bon moment avec les pilotes, je m’en suis allé, encore ébahi de ce qui m’était arrivé, mais muni d’un autocollant rond qui en attestait par un dessin humoristique d’avion souriant. Les transports aériens ont bien changé depuis. Les dangers du terrorisme, qu’ils soient ou non réels, excluent désormais l’accès aux cabines de pilotage et exigent des règlements plus stricts dans le ciel comme au sol. L’essor mondial des classes moyennes fait

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partir à l’étranger de plus en plus de voyageurs, marcher le commerce et se saturer les aéroports. Aujourd’hui, un pilote ne se sent souvent pas très différent d’un conducteur de bus. Le passager, lui, fait la grimace devant le peu de place qu’il a pour allonger les jambes dans une classe dite économique qui le devient vraiment de plus en plus. Les voyages en avion ont perdu leur côté merveilleux. Mais alors, en quoi un aéroport est-il considéré être « le meilleur du monde »? Et que recherchent surtout les voyageurs, outre un transfert jusqu’au centre-ville qui soit aussi rapide et pratique que possible ou une perte de temps minimale entre l’enregistrement et le décollage ? Pourquoi prendre la peine de lire un article sur un aéroport ?

Le domaine de l’invisible Dans un tel endroit, les tâches à accomplir avec tact et discrétion composent une liste impressionnante. Aux yeux du client, importent avant tout la vitesse, le confort, la compétence, la courtoisie, la fiabilité et l’accès à une information simple et précise, ainsi bien sûr que la sécurité. Longues files d’attente, manque d’amabilité, brusquerie des contrôles de sécurité, toilettes malpropres, perte de bagages, affichages induisant en erreur, pickpockets, longueurs ennuyeuses, manque de sièges et mauvais achats sont autant de critiques ou d’anecdotes peu flatteuses évoquées par les voyageurs. Sur les aires de trafic, passagers et marchandises s’entassent dans des « tubes » en aluminium censés les faire descendre au sol en toute sécurité, à intervalle de quelques minutes, sans désordre ni retard. Il faut transporter et livrer les bagages avec soin et rapidité. Ceux qui débarquent doivent pouvoir se rendre aisément au centre-ville. Face au moindre incident, il est impératif d’agir vite et bien pour éviter que la situation ne s’aggrave. Pour ma part, si j’apprécie tant l’Aéroport international d’Incheon, c’est surtout par comparaison à ceux que j’ai pu fréquenter dans certains pays pourtant développés. Pour autant, je n’irais pas jusqu’à dire qu’il est d’un haut niveau de qualité. Celle-ci, dans son cas, tient au fait qu’il satisfait continuellement à tous les principaux paramètres fixés dans ce domaine en faisant de son mieux pour tirer les enseignements de son expérience et en se comparant sans cesse à la concurrence étrangère. Il se flatte notamment d’assurer les formalités d’entrée et de sortie du territoire avec une rapidité sans égale dans le monde. Les durées correspondantes y sont respectivement de douze et dix-neuf minutes, alors que les valeurs moyennes préconisées par l’Organisation internationale de l’aviation civile (ICAO) sont de quarante-cinq minutes et d’une heure. Une fois admis, les voyageurs récupèrent leurs bagages sans avoir trop à attendre. Des bus et trains express, toujours impeccablement propres, assurent une desserte régulière à des tarifs raisonnables. Selon les gestionnaires de l’Aéroport d’Incheon, les bons résultats enregistrés sont dus à une communication et une coordination

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efficaces entre les neuf cents organismes qui y mènent une activité et emploient près de quarante mille personnes. Si un tel niveau d’excellence y a été atteint, c’est parce que chacun des intervenants concernés était décidé à fournir une qualité de service qui n’ait pas son pareil ailleurs dans le monde. À ceux qui trouveront dans ces propos une part d’exagération due à la culture d’entreprise, on répondra en leur opposant la réalité des faits, à savoir que tout semble le plus souvent bien fonctionner. Toutefois, le sourire et l’amabilité ne dispensant pas d’être compétent, Incheon tient aussi à exceller par l’alliance de ces qualités avec une gestion rigoureuse. Sans vouloir généraliser, j’apprécie particulièrement cette précieuse aptitude, dont font montre beaucoup de Coréens, à concilier le respect de hiérarchies très structurées avec une grande rapidité de réflexion, une démarche efficace dans le règlement des problèmes, la responsabilisation de chacun et la volonté de mener à bien son travail. J’en veux pour preuve, par exemple, la réaction de surprise de cet ami américain devant les efforts accomplis par le personnel de l’aéroport pour l’aider à récupérer le téléphone portable qu’il avait oublié avant de descendre d’avion, ce que les règlements draconiens de son pays n’auraient pas permis d’envisager. Cet incident, quoique minime, est révélateur d’une certaine façon d’être qui, si quarante-mille personnes l’adoptent, entraînera des pratiques faisant appel au bon sens et une communication efficace dans l’accomplissement des tâches, sans compromettre un fonctionnement d’ensemble normal ni provoquer d’engorgement.

Le domaine du visible L’Aéroport international d’Incheon n’est pas seulement une infrastructure, mais aussi une construction. Dans la mesure où c’est par lui que les voyageurs étrangers se font une première impression du pays, il lui faut posséder un style propre. Comme nombre d’aéroports qui se sont construits en Asie ces dernières décennies, dont ceux de Kansai et Hongkong respectivement réalisés par Renzo Piano et Foster and Partners, il est le fruit de la libre inspiration de son créateur, qui en a tracé les lignes d’un seul trait de pinceau sur une toile toute blanche. Si l’on songe à des aéroports comme celui de Heathrow, dont la première piste d’envol a été aménagée à l’emplacement de terrains maraîchers établis sur des polders douteusement drainés dans les années trente et où quelques tentes tenaient lieux de terminaux, lesquels sont maintenant au nombre de cinq et d’un agencement des plus confus, il semble que tous les aéroports ne sont pas de la même qualité de conception que celui d’Incheon. Mis à part les polémiques sur la protection de l’environnement,

1 Grâce à l’automatisation des formalités de départ et d’arrivée, l’Aéroport international d’Incheon se flatte d’être le plus rapide au monde dans ce domaine. 2 Dans la zone de retrait des bagages, les chiens dressés par l’Agence de quarantaine animale et végétale flairent les bagages des voyageurs. 3 Vue de la zone des départs. Arts e t cu l tu re d e Co ré e


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Selon les gestionnaires de l’Aéroport d’Incheon, les bons résultats enregistrés sont dus à une communication et une coordination efficaces entre les neuf cents organismes qui y mènent une activité et emploient près de quarante mille personnes. Si un tel niveau d’excellence y a été atteint, c’est parce que chacun des intervenants concernés était décidé à fournir une qualité de service qui n’ait pas son pareil ailleurs dans le monde.

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les vastes terrains gagnés sur les polders n’ont pas seulement permis la réalisation du long terminal en forme de croissant qui fait la particularité du lieu et assure une bonne prise en charge des nombreux voyageurs à l’arrivée et au départ, tout en offrant des installations de loisir. À long terme, ils présentent aussi l’avantage de se prêter à une extension. Des deux pistes qu’il comptait à son ouverture, en 2001, l’aéroport est passé à trois, auxquelles pourront s’ajouter deux autres dans un proche avenir. Entrepris dernièrement pour répondre à une demande croissante de transport de passagers et de fret, le chantier du deuxième terminal devrait s’achever d’ici 2017. Cette vaste place disponible et le soutien résolu apporté par les pouvoirs publics laissent entrevoir un projet de grande envergure qui fera d’Incheon une plate-forme géante de distribution des transports à l’échelle régionale. L’actuel terminal, œuvre du cabinet Fentress Architects, mêle discrètement à l’ensemble des éléments esthétiques spécifiquement coréens, notamment par la forme toujours incurvée du toit, ainsi que par des plantations tout aussi typiques et souvent réalisées en intérieur d’espèces végétales telles que le pin rouge, l’érable et l’azalée et souvent réalisées en intérieur. Ce faisant, les créateurs ont su éviter les stéréotypes avec bonheur et ont privilégié la dimension fonctionnelle par le choix d’un mélange bien dosé de

béton, d’acier et de verre. La construction qui en résulte n’est pas monumentale, mais raffinée, tout en élégance sobre, et parvient brillamment à associer le visible, par la création d’impressions, avec l’invisible, dans la mesure où toutes les fonctions sont également assurées, sans créer la moindre perturbation entre elles. En vue de conserver sa place en tête du classement mondial à l’heure où la concurrence se fait plus âpre, l’Aéroport d’Incheon propose une large gamme d’installations telles que musées, centres de découverte artistique, jardins intérieurs, commerces et restaurants toujours plus nombreux, ainsi qu’un cinéma, une patinoire, un centre de remise en forme avec chambres à coucher : autant de possibilités auxquelles le public fait bon accueil, notamment les passagers en transit, ce qui encourage d’autant plus les responsables de l’aéroport à lui donner plus d’ampleur. En cours de réalisation par un consortium composé entre autres de Heerim Architects et Gensler, le Terminal 2 « fera référence, à l’échelle mondiale, en matière d’installations de détente

1 Des activités culturelles variées sont proposées pour le plus grand plaisir des voyageurs et des visiteurs. 2 Au niveau mondial, l’Aéroport international d’Incheon se situe en neuvième position par le nombre de passagers internationaux qui le fréquentent chaque année, ce chiffre ayant dépassé quarante millions en 2013.

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et de confort destinées aux voyageurs, ainsi que par l’aménagement de jardins intérieurs et de nombreuses boutiques de luxe, mais aussi par la réduction du temps d’attente à treize minutes », comme le précise le site internet de Gensler. Voyageurs et concepteurs semblent attacher une même importance au respect de l’environnement par ce nouveau terminal, ce qui peut prêter à sourire si l’on songe aux énormes quantités de gas à effet de serre qu’émettent les avions.

Et demain ? Les passionnés de transports seront peut-être déçus que les impressionnantes voûtes de l’aéroport, évocatrices du futurisme des années soixante, n’abritent pas une gare d’où un train à sustentation magnétique pourrait bondir jusqu’au cœur de Séoul. Je suis un peu surpris que le fameux esprit de compétition coréen n’ait pas relevé le défi du « train Maglev » mis en service à Shang­ hai en décembre 2002 pour assurer en huit minutes la correspondance avec les lignes du métro. Mais on ne peut pas tout avoir. Dans l’immédiat, les voyageurs se contenteront d’attendre la réalisation d’une liaison à grande vitesse par KTX jusqu’à l’aéroport, même si, en raison de contraintes liées aux voies, celle-ci ne peut égaler la durée de trajet de quarante minutes assurée par l’actuel

train express. Depuis plusieurs années, différents projets de privatisation de l’aéroport suscitent des débats enflammés. Ses responsables refusent systématiquement de répondre à la question de savoir ce qu’apportera ce changement, si toutefois il a lieu. De telles mesures ont pu s’avérer un échec dans les transports ferroviaires de certains pays européens, mais leurs partisans soulignent qu’elles ont mieux réussi pour l’aérien. Moyennant que tout soit mis en œuvre pour que l’Aéroport d’Incheon conserve sa place de premier plan et reste fidèle à sa réputation de qualité, les passagers y seront en sûreté, qu’il soit privé ou non. À moins de revenir aux voyages en montgolfière, il semble inévitable que les transports aériens perdent de leur charme. Commodité, voyage sans problème, attrait des lieux et possibilités de détente constitueront les atouts les plus précieux qu’aura à offrir tout aéroport, le tout saupoudré de quelques incitations à la consommation d’articles détaxés. D’ores et déjà, l’Aéroport international d’Incheon répond parfaitement à ces conditions et c’est ce que j’apprécie en lui. Toutefois, ceux qui préfèrent les escapades plus romantiques pourront toujours aller sur le port et prendre le premier bateau pour la Chine ou, tout simplement, pour l’une des îles qui se trouvent au large d’Incheon.

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Rubrique spéciale 5 Incheon d’hier et d’aujourd’hui

Les îles d’Incheon, riche réserve de ressources naturelles Au large d’Incheon, la mer est parsemée d’environ cent trente îles, petites ou grandes, qui attirent chaque année plus d’un million de personnes à partir de ce port. Assurant la survivance de modes de vie traditionnels, elles abritent aussi une nature intacte qui représente tout un potentiel. Kang Je-yoon Poète et directeur de l’École de l’île à l’Institut Pressian des sciences humaines | Ahn Hong-beom, Ha Ji-kwon, Kwon Tae-kyun Photographes 1

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ans le cadre de cet article, il me serait difficile de conter toutes les histoires qui se rapportent à toutes les îles situées au large d’Incheon, alors je me bornerai à citer les vers d’un poème de ma composition.

Sur la côte de Geomeunnang de l’île de Daecheong, La route suit la falaise jusqu’au ciel, Et un vieil homme qui s’en retournera bientôt Vient chercher son dernier repas sur terre. Il récolte les huîtres accrochées aux rochers. Elles grossissent ou mincissent selon que la lune croît ou décroît. Les insulaires grossissent et mincissent aussi, comme les huîtres. Les insulaires sont les enfants de la lune. La lune attire et repousse l’eau de mer et y fait naître toute vie, Et les gens vont à la mer pêcher le poisson et ramasser conques et huîtres. (Les descendants de la Lune , Kang Je-yoon)

L’ le volcanique de Gureopdo « Quand vous arriverez sur l’île, prenez le temps de regarder tranquillement autour de vous. Vous découvrirez un paysage modelé par les millénaires, des roches sculptées par l’érosion du vent, des vagues, du brouillard et de l’air salin. Il suffit d’un siècle pour que les objets façonnés par la main de l’homme deviennent des biens culturels, mais trop souvent, on oublie ceux qu’a travaillés la nature pendant des centaines de millions d’années. Bien au contraire, on les détruit sans réfléchir, au nom du développement ». C’est le capitaine du bateau de l’île de Gureop qui tient ces propos aussi judicieux qu’alarmants. Située à Deokjeok-myeon, une commune du canton d’Ongjin, l’île de Gureop est rattachée à la région administrative du Grand Incheon. Ses roches tufières d’origine volcanique se sont formées voilà près de quatre-vingt-dix millions d’années, à la fin du crétacé, époque du mésozoïque, par accumulation de couches de cendres. Sur la côte, sont encore visibles des traces de cette activité volcanique et de l’érosion qui, au fil du temps, a entaillé, effrité et désagrégé les rochers. L’île abrite des espèces animales très variées parmi lesquelles figurent l’huîtrier pie (Haematopus ostralegus osculans) aujourd’hui en voie de disparition, puisqu’on n’en compte plus que dix mille spécimens au monde, le faucon classé Monument naturel n°323, la cigogne, la couleuvre et le serpent d’eau noir. Tout aussi caractéristique, sa flore fait se côtoyer plantes subtropicales et subarctiques. Les côtes de l’île de Gureop sont un musée de géologie à ciel ouvert. À une faible distance, l’île inhabitée du Lièvre, à laquelle elles sont reliées à marée basse, possède tant d’éléments méritant d’être conservés que l’Office du patrimoine culturel la juge dotée d’une « topographie côtière que l’on ne retrouve nulle part

ailleurs ». Elle tire son nom de l’élevage que les habitants de l’île y faisaient jadis et présente une falaise de vingt mètres de hauteur où des tunnels ont été creusés à une profondeur comprise entre trois et cinq mètres. Ils ne sont pas l’œuvre d’un engin de travaux publics, mais de l’action du sel, qui en a fait les cavités les plus profondes liées à l’érosion en Corée. Également connus sous le nom de « crans », ils constituent une particularité topographique résultant de l’érosion provoquée par le sel présent dans l’eau de mer. L’île de Gureop est une pure merveille où le relief sculpté par la nature fait penser à un musée à ciel ouvert.

Le célèbre marché aux poissons de Yeonpyeongdo Située à proximité de la Northern Limit Line, cette limite septentrionale des eaux territoriales, l’île de Yeonpyeong est aujourd’hui tristement célèbre en tant que zone de conflits, puisqu’après avoir été le théâtre de deux batailles navales en 1999 et 2002, elle a subi des tirs d’obus en 2010. Assez éloignée d’Incheon, dont la séparent cent vingt-deux kilomètres, elle ne se trouve qu’à une trentaine de kilomètres de la ville côtière nord-coréenne de Haeju. Par la grande population d’ombrines qu’elles renfermaient, les eaux qui entourent l’île de Yeonpyeong représentaient autrefois d’importantes zones de pêche. Quand ces poissons approchaient les côtes par dizaines de milliards, ce que l’on voyait devant soi semblait être « moitié eau, moitié poissons ». Au mois de mai, le sommeil des insulaires était troublé par le bruit qu’ils faisaient. À la saison de la pêche, le marché qui avait lieu pendant quelque temps pouvait se tenir sur l’île ou en mer et suivait ainsi les déplacements du poisson. Les milliers de bateaux de pêche et navires marchands qui accostaient sur l’île garnissaient son port en si grand nombre qu'on affirmait pouvoir « marcher sans se mouiller les pieds ». Pendant le marché aux poissons, l’île habituellement paisible se changeait en un véritable centre flottant du commerce et sa population s’élevait à des dizaines de milliers d'habitants, dont les pêcheurs et les marchands. Des boutiques improvisées proposaient matériel de pêche et objets du quotidien. Il y avait aussi une centaine de bars où travaillaient des serveuses que l’on appelait « oiseaux d’eau ». En avril 1943, où le marché aux poissons saisonnier connut sa plus belle époque, près de cinq mille bateaux mouillaient au port.

1 Sur les côtes de l’île de Gureop, des traces d’activité volcanique sont visibles, ainsi que celles de l’érosion qui a entaillé, effrité et désagrégé les rochers. 2 Près de Gaemeori, le littoral est tapissé de prairies où broute le bétail. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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« Quand vous arriverez sur l’île, prenez le temps de regarder tranquillement autour de vous. Vous découvrirez un paysage modelé par les millénaires, des roches sculptées par l’érosion du vent, des vagues, du brouillard et de l’air salin ». Au cours de la seule année 1944, les prises d'ombrines atteignirent environ 9,7 milliards et trois ans plus tard, quatre-vingt-dix mille pêcheurs accouraient au marché aux poissons. Quand les bateaux de pêche rentraient au port, les femmes ne manquaient pas de travail car il leur fallait les approvisionner en nourriture, eau et bois de chauffage. C’était aussi l’occasion de leur vendre l'eau qu’elles avaient recueillie dans leurs jarres au bord des marais côtiers, après une longue attente les unes derrière les autres. Quand, à la fin de la saison de la pêche, les colporteurs remballaient leurs étals à la hâte et s’en allaient eux aussi, l'île redevenait le tranquille village de pêcheurs qu’elle avait été. Cet âge d'or de l'île de Yeongpyeong, qui semblait devoir durer toujours, allait arriver à son terme à la fin des années soixante, plus exactement à partir de 1968, avec le déplacement plus au nord de la limite des eaux territoriales au-delà de laquelle les bateaux n’étaient pas autorisés à pêcher. C'est aussi à cette époque que l’importance des bancs d’ombrines a baissé de façon spectaculaire suite à des années de surpêche. À cela s’est ajouté, en 1969, le courant froid qui est apparu en Mer Jaune et a abaissé les tem-

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pératures propices au poisson. Les bancs d’ombrines se sont alors concentrés au large du littoral méridional coréen, où la pêche les a tenus à jamais éloignés de l'île de Yeonpyeong. En quelques années, ces poissons autrefois si nombreux ont disparu sans laisser de trace. Bateaux de pêche et navires marchands ont déserté l'île et le marché aux poissons a lui aussi disparu. À l’heure actuelle, la division de la péninsule fait régner une certaine tension à Yeonpyeong où, de l'Observatoire de Manghyang, on voit la Corée du Nord si près qu'on a l’impression qu’il suffirait de tendre la main pour la toucher.

La mystérieuse le de sable d'Ijakdo Rattachée à Jawol-myeon, une commune du canton d'Ongjin, l'île d'Ijak se nommait autrefois Ijeok, ce qui signifie littéralement « l’île aux pirates ». Elle devait son nom à la présence des wako, ces pirates japonais, les plus féroces de toute l'Asie de l'Est, auxquels elle servait de repaire. Voilà longtemps déjà que le dernier d’entre eux a disparu, mais il est une autre île, non loin de là, que l’on croit voir apparaître et disparaître comme dans un mirage. Appelée Puldeung par la popuArts e t cu l tu re d e Co ré e


lation, cette étendue sablonneuse d'environ cent mille mètres carrés, tour à tour immergée et émergeant au rythme des marées, semble un lieu plein de mystère. Déroulant sa plaine de sable sur deux kilomètres et demi d'est en ouest et un kilomètre du nord au sud, elle fait penser à un désert en plein océan, un de ces paysages qui ne peuvent être que l'œuvre du Créateur. D’aucuns affirment qu’à marée basse, on trouvait autrefois quantité de crabes bleus, crevettes, flétans et autres espèces dans les marécages de l’île. En tant que lieu de reproduction de nombreuses d’entre elles, Puldeung a nourri les habitants d'Ijak pendant des générations. Toutefois, le canton d'Ongjiny ayant autorisé le prélèvement de sable pendant une dizaine d'années, les bancs se sont amenuisés et, sur les cent soixante-cinq mille mètres carrés d’origine, il n’en reste plus que cent mille. Interpellés par les habitants et les associations écologistes, les pouvoirs publics ont enfin pris conscience de la précieuse valeur qui est celle de Puldeung en raison de son écosystème comme de la beauté de son paysage et, en 2004, ils l'ont classée en « zone de protection de la nature », les habitants se plaçant au premier plan de cet effort après en avoir aussi compris l’importance.

Sur la plage de Jageun Puran, se dresse le rocher le plus ancien de la République de Corée, puisque ses origines remontent à deux milliards et demi d'années. Il se compose de migmatite, une roche métamorphique dont l’apport magmatique, par sa solidification, a donné naissance à une roche éruptive. Il en résulte une matière d’aspect mélangé qui fournit ici de précieuses indications sur l'évolution de la croûte terrestre au niveau de la péninsule coréenne.

Des fossiles vieux d’un milliard d'années, les stromatolites de Socheongdo Il ne faut que quelques heures pour parcourir sans se presser la minuscule île de Socheong. Sur sa côte sud-est, se dresse une falaise en marbre que les habitants appellent « pierre en poudre ».

1 Située au large de l’île d’Ijak, la petite île de Puldeung ne révèle qu’à marée basse ses étendues sablonneuses de près de cent kilomètres carrés. Depuis 2004, elle est classée « zone naturelle protégée ». 2 Les phoques tachetés des plages de Dumujin, sur l’île de Baengnyeong. Ces animaux qui auraient autrefois peuplé toute la Mer de l’Est sont aujourd’hui en voie de disparition. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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La formation du marbre résulte de la métamorphose du calcaire et quand la surface subit une érosion, elle présente l’aspect d’une poudre, d’où le nom qui a été donné à la falaise. Près de celle-ci, se trouvent les stromatolites fossiles les plus anciens de Corée. Ils se composent de cyanobactéries ou algues bleu-vert fossiles datant de l’ère néo-protérozoïque, c’est-à-dire il y a un milliard d’années. La cyanobactérie a été le premier microorganisme primitif de la planète à réaliser la photosynthèse, voilà deux milliards d’années et ainsi, à produire cet oxygène qui allait permettre l’apparition d’autres formes de vie sur terre. Selon certaines études, les stromatolites seraient apparus il y a deux milliards d’années en Corée du Nord, mais ceux de Socheong sont les plus anciens découverts en Corée du Sud et constituent donc un patrimoine naturel d’une exceptionnelle valeur géologique. Malheureusement, celui-ci s’est beaucoup dégradé au XXe siècle, et ce, jusqu’au début des années quatre-vingts où l’emploi d’une grande partie d’entre eux pour réaliser les motifs de produits manufacturés a fortement réduit leur nombre. Ce n’est qu’en 2009 qu’ils allaient être tardivement classés Monument naturel n°508, ce qui a assuré leur protection grâce à la reconnaissance de leur valeur.

Baengnyeongdo, « dernière œuvre du vieux Dieu » Cette mer dont l’accès pourrait demain nous être interdit est aujourd’hui franchissable jusqu’à l’île de Baengnyeong. Située tout au nord, au large des côtes de la province nord-coréenne de Hwanghae, elle est plus proche de Pyeongyang que de Séoul. Les ferry-boats qui permettent de s’y rendre à partir de Corée du Sud doivent, avant de pousser plus au nord, longer les îles de Sunwi, Ohwa, Changnin, Piam, Kirin et Maam situées dans le canton d’Ongjin, ainsi que celles de Wollae et Yuk, entre autres, qui se trouvent dans le canton nord-coréen de Changyon. Quant à l’île de Baengnyeong, elle a longtemps fait partie du canton de Changyon appartenant à la province de Hwanghae, mais lors de la partition coréenne, elle a été rattachée au canton d’Ongjin aujourd’hui intégré à la région du Grand Incheon. Distante de deux cent vingt-neuf kilomètres d’Incheon, elle n’est en revanche qu’à treize kilomètres et demi du cap nord-coréen de Changsan. L’île de Baengnyeong qui lui fait face est célèbre pour les formations rocheuses s’élevant au large de Dumujin, à l’extrême nordouest de l’île. Outre celles dites du Frère, des Éléphants, du Chandelier et du Rocher immortel, d’autres évoquent la forme magnifique du Mont Kumgang, dont le nom peut aussi se transcrire Geumgang et signifie « Mont du Diamant», d’où le nom de « Mont Kumgang de la Mer de l’Est » par lequel on appelle cette région. Yi Dae-gi, qui prit la tête d’une armée de volontaires pour repousser l’envahisseur japonais, à la fin du XVIe siècle, y fut exilé au soir de

sa vie. Évoquant le paysage enchanteur de Dumujin, il en vanta la beauté dans la chronique qu’il fit de sa vie en exil, parlant de « dernière œuvre du vieux Dieu ». Aussi belle soit-elle, Dumujin fut longtemps l’une des bases à partir desquelles opéraient les pirates. Dans la mer qui l’entoure, sévissaient alors les trois prédateurs que sont le phoque, le cormoran et l’homme. C’est là que revient, le printemps arrivé, le phoque tacheté qui, en quête d’eau plus froide à la saison du rut hivernale, a franchi la mer de Bohai pour atteindre la baie de Liaodong. Si la Mer de l’Ouest tout entière abritait autrefois d’innombrables phoques, ceux-ci sont aujourd’hui en voie de disparition et au large de Dumujin, ils ont pour seuls concurrents les cormorans qui font leur nid sur les falaises et plongent par quarante mètres de profondeur pour attraper le poisson. De par sa situation dans une zone sensible, l’île de Baengnyeong a toujours connu des tensions militaires, mais un vent de paix y souffle depuis peu grâce à la création de la « Résidence des arts de la paix de l’île de Baengnyeong », que dirige la Plate-forme des arts d’Incheon, un organisme affilié à la Fondation d’Incheon pour les arts et la culture qui a pour vocation de promouvoir les activités de création et d’échange entre artistes coréens et étrangers. Grâce à cette initiative, des représentants des milieux artistiques coréens, américains et chinois, entre autres nationalités, sont dotés d’un espace propice à la création avec pour décor cette mer aujourd’hui divisée. Nul doute que leurs activités constitueront un apport considérable en faveur de la paix et de la détente entre les deux Corées.

1 Sur l’île de Baengnyeong, les formations rocheuses de Dumujin composent un beau paysage. 2 Femmes ramassant des huîtres sur l’île de Baengnyeong. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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L’ouverture mémorable du Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul 34

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e 13 novembre dernier, avait lieu l’ouverture du NMCA Séoul sur Samcheongro, une avenue de l’arrondissement de Jongno-gu situé à Séoul. Cet ensemble architectural a nécessité un chantier de quatre années et un investissement de 246 milliards de wons, soit environ 234 millions de dollars. Il occupe 27 264 mètres carrés de terrain et possède une surface au plancher totale de 52 125 mètres carrés répartis sur six niveaux, dont trois en sous-sol. La rive droite du Han s’est ainsi dotée d’une nouvelle attraction pour les visiteurs, qui ont été trois mille neuf cents à s’y rendre le premier jour, la fréquentation journalière étant depuis de trois mille personnes.

Le Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul (NMCA Séoul) a été conçu pour s’insérer dans son cadre environnant et éviter qu’il ne l’écrase. À l’arrière du musée, s’élèvent les bâtisses anciennes du Jongchinbu distribuées autour d’une cour commune dite madang , tandis qu’à gauche et à droite, se trouvent respectivement le bâtiment des Archives d’art numérique et le local dit « cabine de Séoul », qui accueille les installations d’art contemporain.

Un haut lieu de l’histoire À l’emplacement du nouveau musée, se trouvaient sous le royaume de Joseon l’office du Jongchinbu, c’est-à-dire des affaires de la famille royale, auquel succéda l’École de médecine de Gyeongseong sous l’occupation coloniale japonaise. À la Libération, il accueillera le quartier général du Haut commandement de la défense et de la sécurité, ainsi que l’Hôpital militaire de Séoul, qui pour des raisons évidentes exigeaient une sécurité maximale excluant tout accès au public. Aujourd’hui, celui-ci se réapproprie ce lieu chargé d’histoire grâce à la création du NMCA. En raison de cette dimension historique, des lieux, la conception architecturale du nouvel établissement a visé à ce qu’il s’intègre le plus naturellement possible à son cadre extérieur. Les anciens locaux du Jongchinbu qui, en 1981, avaient été démontés et déplacés non loin de là pour être réaménagés dans la Bibliothèque publique de Jeongdok, ont retrouvé leur emplacement d’origine et rouvert suite à la découverte de leurs fondations, en 2010. On y a également conservé des constructions modernes en brique rouge datant de la fin des années vingt et édifiées à l’origine pour y créer un hôpital. C’est à cet ensemble que viennent donc s’adjoindre les nouveaux bâtiments du musée. Ceux-ci reposent sur un principe de conception alliant tradition, modernité et contemporanéité. Cet assemblage de bâtiments de différents styles et époques permet de disposer d’un grand nombre de structures et d’espaces au milieu desquels se concentrent les huit départements du musée, un cinéma, une salle polyvalente et plusieurs salles de séminaires devant par la suite rayonner autour de cette zone centrale. Sur près d’un tiers de sa surface au plancher, l’établissement accueille des restaurants, une cafétéria et un café-lecture numérique, entre autres installations de loisirs destinées aux visiteurs. Il se veut une sorte de « musée ouvert », où l’on peut entrer sans façon en passant, comme au café du coin. Les rôles et fonctions du NMCA se répartiront désormais entre ses trois composantes, comme le précise sa directrice Chung Hyung-min : « Le NMCA de Séoul se chargera de la promotion internationale de l’art coréen et de celle de la Corée en tant que centre d’art contemporain en Asie. Celui de Gwacheon sera principale-

Le Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul (NMCA) qui vient d’ouvrir ses portes dans la capitale sud-coréenne est en lui-même exceptionnel par son architecture. Situé sur l’avenue qui mène au palais de Gyeongbok, le principal de l’époque de Joseon, il est voisin de la résidence présidentielle de Cheong Wa Dae. Koh Mi-seok Éditorialiste au Dong-A Ilbo | Ahn Hong-beom Photographe K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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Les bâtiments du musée semblent avoir été parsemés sur le site, comme autant d’« îles dans l’océan », tandis que leurs départements, que l’on croirait de l’extérieur indépendants les uns des autres, sont reliés entre eux par des accès souterrains. Six cours intérieures, les madang , fournissent une ouverture sur l’extérieur pour laisser entrer le soleil dans les locaux. ment consacré à la recherche en histoire de l’art coréenne, tandis que celle portant sur l’art moderne se déroulera au palais de Deoksu, qui présentera également des œuvres au public ».

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Naissance d’un musée Pour les milieux artistiques du pays, la création du NMCA de Séoul représente l’aboutissement d’un vieux rêve. Le musée dont a été dotée Gwacheon en 1986 présente l’inconvénient d’être un peu excentré et donc assez difficile d’accès pour le grand public. Il a surtout pour visiteurs des passionnés d’art qui n’hésitent pas à faire le déplacement ou des lycéens qui s’y rendent en groupe dans le cadre de sorties pédagogiques. Situé entre l’hippodrome de Séoul et le Grand parc de Séoul, dont les attractions attirent les foules, le NMCA de Gwacheon n’est pas toujours très accessible en raison des encombrements de la circulation, particulièrement fréquents au printemps et en automne. Quant à celui de Deoksu, il

pèche par ses dimensions assez réduites et une situation au sein d’un palais qui impose certaines limitations à l’organisation d’expositions. Le monde de l’art coréen estimait donc qu’il convenait de disposer d’un musée entièrement consacré à l’art moderne et contemporain et dans ce but, il avait même, sans grand succès, fait circuler une pétition à cet effet. Quand le Haut commandement de la défense et de la sécurité s’est déplacé, en 2008, des voix se sont aussitôt élevées pour que le nouveau musée soit créé à son emplacement. Un an plus tard, lors d’une réunion d’artistes qui avait lieu à l’occasion du Nouvel An, le président Lee Myung-bak rendait public le projet qu’il avait élaboré pour qu’enfin se réalise ce rêve et qui consistait à doter le centre de la capitale d’un grand musée d’art moderne appelé à devenir un important carrefour entre les principaux centres d’intérêt de Séoul que sont les palais, différents autres musées, les galeries d’art et le vieux quartier de Bukchon. Le cabinet d’architecture MP ART, que dirige Mihn Hyun-jun, un homme de quarante-cinq ans, s’est vu attribuer la réalisation du projet au mois d’août 2010. La réalisation du chantier n’a pas été de tout repos, loin de là, à commencer par les travaux de terrasse-

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1 Film (2011), installation, Tacita Dean. Sur un grand écran vertical, est projeté en CinemaScope un long métrage de onze minutes filmé avec du matériel analogique. 2 Voyage de rêve – Enfance (2011), Whang In-kie, 307 x 845 cm, fragments de plastique sur contre-plaqué ; œuvre présentée à l’exposition temporaire Zeitgeist Corée consacrée à la collection du musée. 3 Une maison dans une maison dans une maison dans une maison dans une maison (2013), Suh Do–ho, 1 530 x 1 283 x 1 297 cm, polyester sur cadre métallique.

ment, qui ont mis à découvert les fondations des bâtiments d’origine du Jongchinbu, qu’il allait être décidé de reconstruire à leur emplacement historique, après moult discussions. Le déménagement de l’Hôpital militaire de Séoul, qui avait surtout été créé à l’intention du président de la République et des hauts fonctionnaires de l’État, allait aussi suivre un parcours semé d’embûches, tandis que la restauration de l’ancien bâtiment de l’École de médecine de Gyeongseong, qui est classé au patrimoine, a également fait débat. Pour couronner le tout, un incendie s’est déclaré pendant le déroulement du chantier. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

Un lieu bien intégré à son cadre Pour l’architecte en chef Mihn Hyun-jun, lauréat du concours qui opposait cent dix candidats, « Le NMCA de Séoul n’est pas une réalisation d’architecture, mais un paysage ». En raison du passé qui s’attache à ces lieux, il a conçu son projet pour que les constructions n’écrasent pas le paysage environnant, mais coexistent avec les « fragments d’histoire » qui y sont épars. En sachant reléguer ses ambitions personnelles au second plan, il a réalisé une construction qui constitue une œuvre d’art à part entière. Les bâtiments constitutifs de cet ensemble architectural ne se singularisent pas les uns par rapport aux autres, car ils semblent avoir été parsemés sur le site, comme autant d’« îles dans l’océan », tandis que leurs départements, que l’on croirait de l’extérieur indépendants les uns des autres, sont reliés entre eux par des accès souterrains. Par ailleurs, l’architecte s’est efforcé de tirer le meilleur parti de tout l’espace souterrain pour se conformer à

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la réglementation en matière de hauteur des constructions, qui ne doivent pas dépasser douze mètres dans le cas de ce quartier. Il a mis en œuvre le concept traditionnel du madang coréen, cette cour intérieure qui, ici, relie entre eux les différents départements en les faisant bénéficier d’un éclairage naturel. Six d’entre elles fournissent une ouverture sur l’extérieur pour laisser entrer le soleil dans les locaux. Il en résulte une telle harmonie entre les bâtiments, mais aussi entre ceux-ci et le paysage qui les entoure, qu’ils semblent s’être toujours trouvés là. Empreinte de mesure, respectueuse de l’héritage du passé et soucieuse d’intégration avec le cadre extérieur, cette réalisation a suscité des réactions positives.

Les grandes expositions des débuts L’ouverture officielle du NMCA de Séoul s’est accompagnée de cinq expositions temporaires révélant les futures orientations

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1 Epiphyte Chamber (2012), Philip Beesley. Cette installation de sculpture interactive se compose de cent mille éléments numériques à haute définition. 2 Les départements semblent indépendants les uns des autres de l’extérieur, mais ils sont reliés entre eux par des accès souterrains. Très loin, tout au fond, est suspendu au plafond l’Opertus Lunula Umbra (Ombre cachée de la lune, 2008) de Choe U-ram.

de cet établissement. Embrassant l’histoire de l’art coréen et les dernières tendances de l’art contemporain mondial, elles se composaient des manifestations suivantes : Connexion - déploiement, coorganisée par des conservateurs coréens et étrangers pour donner au musée la vocation d’un centre d’art international, Projet Aleph, qui visait à abolir les frontières séparant les genres, le Projet d’art spécifique au site, qui avait investi les espaces inoccupés du musée, tandis que l’exposition permanente Zeitgeist Corée faisait découvrir les collections du musée et que la Naissance d’un musée retraçait les étapes de sa création au moyen de photos et supArts e t cu l tu re d e Co ré e


ports audiovisuels. La conservatrice en chef Choi Eun-joo signalait à leur sujet : « Elles ont mis l’accent sur l’ouverture, ainsi que sur la recherche et la découverte de points communs et de possibilités artistiques ». Si ces manifestations exceptionnelles ne comportaient pas pour autant d’œuvres prestigieuses, elles ont dans l’ensemble été très bien accueillies pour le haut niveau artistique qui s’y manifestait partout. Leur point fort a été l’éclectisme des genres représentés, qui englobaient peinture, œuvres audiovisuelles ou d’installation et arts du spectacle en cherchant résolument à encourager l’échange et la fusion entre eux. L’exposition Connexion - déploiement a notamment fait l’objet de discussions entre conservateurs des sept pays participants, au nombre desquels figuraient la Corée, les ÉtatsUnis et l’Allemagne, pour effectuer un choix d’œuvres parmi les nombreuses possibilités qui se présentaient, et ce sont finalement sept artistes qui ont été retenus, à savoir le Japonais Kishio Suga, le grand maître du mouvement Mono-ha, l’Américain Kim Jones et ses dessins à la thématique pacifiste, l’Indien Amar Kanwar, dont l’œuvre poétique appelle à la résistance à un développement déshumanisant, et la Britannique Tacita Dean, créatrice d’œuvres de vidéo analogiques bravant l’hégémonie du tout-numérique. Enfin, le Taïwanais Lee Mingwei était présent avec une œuvre intitulée Sonic Blossom, laquelle, dans sa phase finale, interpellait les visiteurs en faisant circuler parmi eux un artiste en long manteau qui parcourait les salles du musée et s’approchait des gens pour leur offrir d’une interprétation d’un lied de Schubert. Quant au Projet Aleph , qui regroupait architecture, esthétique industrielle, sciences, arts du spectacle et beaux-arts, il a étonné le public par son caractère tout à fait novateur. Parmi les œuvres qui ont fait le plus parler d’elles, figuraient cette Architecture en mou-

vement de Philip Beesley, où se dressent des tentacules à l’approche d’un visiteur et l’Élaboratorium d’une équipe australienne qui faisait découvrir des micro-images d’ordinaire invisibles à l’œil nu. Dans l’exposition intitulée Projet d’art spécifique au site, les œuvres les plus remarquées se composaient d’images vidéo réalisées à partir de plusieurs textes en hangeul par l’équipe de L’Industrie lourde de Jang Young-hye et d’ Une maison dans une maison dans une maison dans une maison dans une maison de Suh Do-ho, qui avait confectionné une maison coréenne d’autrefois avec du tissu léger et l’avait placée à l’intérieur d’un bâtiment de style américain rappelant celui où a vécu l’artiste pendant ses études à l’étranger.

Un tremplin pour l’art coréen L’art coréen dispose maintenant d’un outil pour assurer sa promotion. Si certains problèmes restent à résoudre, notamment pour permettre une bonne circulation des visiteurs, les conditions sont réunies pour que le nouveau musée s’impose en tant que lieu de rencontre de l’histoire et des traditions, de la nature et de l’art, et qu’il soit tout aussi apprécié pour ses aspects de découverte que pour ses possibilités de détente. Avant tout, le NMCA de Séoul se propose d’œuvrer au bien-être culturel en permettant à un public plus nombreux de découvrir l’art et en attirant l’attention du monde sur la vie culturelle coréenne. Toutefois, les constructions et expositions de grande envergure ne pourront à elles seules en faire le nouvel emblème du raffinement culturel à la coréenne. Comme dans ce dicton selon lequel les plantes poussent au rythme des pas du paysan, culture et art ne pourront s’épanouir que si le public leur voue un amour et un intérêt authentiques. C’est de sa fréquentation régulière que dépendra la réussite future du NMCA.

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Entretien

Chang-rae Lee conçoit l’écriture plus comme une découverte qu’il fait en même temps que le lecteur que comme une narration de faits connus de lui seul.

Chang-rae Lee évoque son dernier roman, On Such a Full Sea Le 3 février dernier, une tempête de neige soufflait sur Princeton, dans le New Jersey, où j’étais venu retrouver Chang-rae Lee après avoir quitté Washington. C’est à la Bibliothèque d’écriture créative de l’Université de Princeton qu’a eu lieu notre entretien. À la vue de ce bel homme souriant et aimable, le trac que je ressentais avant son arrivée a aussitôt disparu. Young-Key Kim-Renaud Linguiste, professeur de langue et culture coréennes et de relations internationales de l’Université George Washington | Jaean Lee Photographe

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e premier livre de Chang-rae Lee s’appelait Native Speaker et allait être récompensé en 1995, l’année même de sa parution, par le Prix PEN/Fondation Hemingway de la meilleure première œuvre, suivi un an plus tard du Prix du livre américain. En 2011, The Surrendered , le quatrième roman publié par l’auteur, allait figurer parmi les finalistes du Prix Pulitzer. Quant au second, A Gesture Life , qui l’avait précédé de deux ans, il avait valu à Chang-rae Lee de se voir classer par le New Yorker parmi les vingt meilleurs écrivains américains âgés de moins de quarante ans. Pour le troisième, Aloft, qu’il a signé en 2004, le Prix de la Littérature américaine Asie-Pacifique 2005-2006 lui a été remis dans la catégorie des fictions pour adultes. Enfin, On Such a Full Sea, dernière livraison de son œuvre, est sortie le 7 janvier dernier chez Riverhead Books. Né en Corée en 1965, c’est à l’âge de trois ans que Chang-rae Lee a quitté ce pays pour les États-Unis, où émigrait sa famille. Il a fait ses études à l’Université Yale et à l’Université d’Oregon, où il a obtenu un Master en beaux-arts. Aujourd’hui professeur d’écriture littéraire au Lewis Center for the Arts de l’Université Princeton, depuis quatre ans, il dispense également des cours à l’Université Yonsei de Séoul, pendant l’été.

Chang-rae Lee l’écrivain Young-Key Kim-Renaud : J’ai adoré votre premier roman, Native Speaker . Son histoire me parle beaucoup et même avec son côté triste sur les émigrés, l’écriture y est d’une grande beauté. Et quelle puissance dans la métaphore ! Depuis cette parution, on vous qualifie d’« écrivain coréano-américain ». Qu’en pensezvous, vous qui avez écrit ce roman tout à fait original et qui vous considérez peut-être on ne peut plus américain ? Chang-rae Lee : Je me sens toujours coréano-américain, mais cette expression ne me satisfait guère, car il y a plusieurs sortes de Coréano-Américains. Les uns sont nés ici, d’autres y sont arrivés quand ils étaient très jeunes ou à l’âge adulte, d’autres encore ayant été adoptés, etc. C’est donc une expression fourre-tout qui ne veut pas dire grand-chose et offre peu d’intérêt. YK : Mais alors, pourquoi croyez-vous que les Coréens aiment eux aussi l’employer, et pas seulement le grand public américain ? CL : Nous êtres humains aimons tout ranger dans des catégories parce que cela nous rassure. Toutefois, je pense qu’il est beaucoup plus intéressant de caractériser un écrivain par ce qui fait la spécificité de son œuvre que par le fait qu’il ou elle est de cette origine. Un jour, j’écrirai quelque chose à ce sujet, mais une fois encore, ces Coréano-Américains dont je parlerai ne représentent en tout et pour tout qu’eux-mêmes. Ceci dit, je suis fier de mes origines et je les assume. YK : En fait, quand le public vous qualifie de coréano-américain, c’est une remarque élogieuse. CL : Bien sûr ! L’intention est tout à fait louable, comme quand on dit que quelqu’un est gentil. Mais ne pensez-vous pas que c’est K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

trop général ? Il faudrait dire de manière plus précise en quoi cette personne est gentille ou douée, pour que cela ait vraiment un sens. Mon travail d’écrivain consiste à mettre en évidence la complexité de ce monde et dans mes histoires, je m’attache à montrer le côté compliqué de la vie et sa subtilité. YK : Quand vous êtes-vous découvert du talent, une vocation d’écrivain ? Et dès ce moment-là, qu’avez-vous fait pour y parvenir ? CL : J’ignorais que j’avais du talent. Au lycée, mes professeurs avaient l’air de penser que j’avais une bonne expression orale et écrite. Pour être plus précis, c’était à l’époque où j’étais à la Phillips Exeter Academy, en seconde ou en première. Avant, j’aimais bien la lecture et l’histoire, ainsi que les maths, les sciences, et en fait, un peu tout, mais c’est au lycée que j’ai commencé à travailler surtout sur l’écriture. YK : Que faisiez-vous, en particulier ? CL : J’écrivais des poèmes et des nouvelles. YK : Avez-vous suivi une formation spécialisée ? CL : Un professeur m’a fait composer des textes de fiction, bien que ça ne fasse pas partie de son cours. J’avais rédigé juste un petit chapitre, pour un texte plus long, mais il l’a bien aimé et m’a dit : « Si tu continues à écrire comme ça, tu seras dispensé des autres devoirs. Concentre-toi là-dessus ». YK : Vous avez dû être d’autant plus motivé... CL : En effet ! Je me suis dit que ce que j’écrivais devait vraiment lui plaire. Quand j’y pense, aujourd’hui, je suis sûr qu’il disait cela par gentillesse, pour m’encourager. YK : Vous êtes un conteur de génie. Comment construisez-vous vos romans ? Quand vous avez écrit On Such a Full Sea, par exemple, avez-vous d’abord pensé à l’intrigue ou aux personnages ? CL : En général, je commence par les personnages. Je vais toujours du moins important au plus important. Évidemment, j’ai une vision d’ensemble de ce que je vais écrire, mais j’essaie de ne pas trop me soucier des détails jusqu’à ce que j’aie imaginé l’intrigue. Quand j’écris un roman, je ne narre pas des faits déjà connus, mais je les découvre au fur et à mesure. Cette façon de procéder est plus intéressante car pour l’écrivain, la découverte est encore plus passionnante s’il la fait en même temps que le lecteur. YK : C’est un voyage, en quelque sorte. CL : Tout à fait. C’est notamment le cas de On Such a Full Sea, parce qu’il s’agit d’une histoire de voyages. Mes autres livres en parlent aussi, d’une certaine manière, puisque les personnages y font des retours en arrière sur leur vie. YK : Votre écriture est d’un style remarquable par son lyrisme, sa poésie, son élégance et son esthétique qui la rendent si agréable à lire. On dit que vous retravaillez plusieurs fois vos phrases. Quand les considérez-vous achevées ? CL : C’est une sorte d’intuition. Après les avoir corrigées, recorrigées et remaniées, je finis par m’en lasser, mais en même temps, je sais aussi à ce moment-là que j’ai trouvé la bonne... disons... la

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« C’est l’histoire de Fan, certes, mais aussi celle de la condition humaine. Fan est bien sûr notre alter ego, puisque, comme elle, nous devons nous battre pour atteindre nos buts, au lieu de nous en remettre à la providence et au destin. Ce sont toutes ces choses que nous avons en tête, qui font de nous des êtres humains et nous exaltent, même si parfois elles nous tourmentent aussi. »

bonne musicalité. Cela peut paraître curieux d’employer ce mot, mais il décrit assez bien ce que je sens en moi. YK : Lisez-vous à voix haute ? CL : Oui, mais pas très fort, comme en marmonnant. J’entends les paroles en moi. Ma femme aussi vous dirait qu’elle m’entend marmonner, quand j’écris, mais c’est pour écouter le rythme, le son et le ton. Si j’y fais tant attention, c’est peut-être parce que je suis venu à l’écriture par le biais de la poésie. YK : Il est vrai que vous avez fait vos premiers pas en tant que poète. CL : Oui et c’est pourquoi j’accorde toujours la plus grande importance à l’intrigue, mais aussi aux mots eux-mêmes. YK : Vous parlez de cuisine, de vin, de peintures et de sculpture. Seriez-vous un « bon vivant » ? CL : (Rires) Comment appelle-t-on quelqu’un comme cela, en coréen? YK : L’équivalent le plus proche serait peut-être pungnyugaek, c’est-à-dire un esthète qui, dans le bon vieux temps, se délectait avec insouciance d’art, de bonne cuisine, de boisson et de gisaeng. En un mot, un homme qui aimait la vie... CL : C’est mon cas. Je l’aime passionnément. YK : C’est un sentiment qui transpara t dans toute votre œuvre. Cependant, votre érudition est telle qu’elle peut faire peur à des personnes n’ayant que peu d’instruction. Par certains aspects, vos œuvres peuvent être jugées trop difficiles par une partie des lecteurs. CL : C’est peut-être vrai. Toutefois, je sais depuis longtemps déjà qu’on ne décide pas d’écrire pour le grand public, parce que c’est un ensemble composé de gens très divers qui peuvent aimer ou non vos œuvres pour des raisons tout aussi différentes. Je suis totalement incapable de prévoir et comprendre ce qui plaît. En cours, je disais dernièrement à mes étudiants qu’ils ne seraient plus tard capables de bien écrire que sur ce qui les passionne ou sur quoi ils ont des convictions. C’est ce qui fait l’inspiration de l’artiste, son privilège. Il n’y a que cela qui compte. YK : Dans la mentalité coréenne, comme vous le savez, la spontanéité est considérée aussi importante que l’apprentissage, une idée qui repose sur le principe selon lequel « l’homme doit toujours se dépasser », ce qui suppose qu’il continue d’apprendre toute sa vie. CL : Je suis absolument d’accord. À cet égard, j’ai conscience

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d’être très coréen. Comme je ne cesse de le répéter à mes étudiants, il faut mobiliser tous ses acquis intellectuels devant la feuille blanche et se lancer dans l’écriture en toute liberté.

Une dernière production : le roman On Such a Full Sea YK : Quelle était votre intention, en écrivant ce roman ? Vouliezvous, au départ, écrire quelque chose de radicalement différent de ce qui avait précédé ? CL : Non. Je n’avais pas de projet particulier, hormis que je voulais parler des travailleurs immigrés dans l’Amérique très différente d’aujourd’hui, dont l’économie est en ruines. Si j’ai entrepris ce livre, c’était en partie en raison des inquiétudes que je ressentais à l’égard des États-Unis, de la société américaine et de la place de ce pays dans le monde. À partir de ce constat, j’ai compris que le récit devrait se situer à l’avenir, ce qui changeait les perspectives du tout au tout. Je n’ai fait ensuite que suivre ma plume, en me contentant de lui fournir ce dont elle avait besoin, les détails et les personnages nécessaires. Je m’amusais beaucoup en écrivant. YK : Est-ce à dire que vous avez laissé libre cours à votre imagination ? CL : Exactement, et ce, comme je ne l’avais jamais fait jusqu’alors. Je crée toujours avec une grande liberté, mais cette fois-ci, je me suis affranchi de toute contrainte pour recréer le monde à ma manière, comme cela me convenait. YK : Et pourtant, il ressemble beaucoup à celui dans lequel nous vivons. CL : C’est vrai, car je ne suis pas un rêveur. Ce que j’écris ne relève pas que de l’invention. Et tous les livres qui se situent dans le futur parlent toujours du présent. YK : Est-ce pour cela que l’histoire fait encore plus peur ? CL : Oui, car elle n’est pas qu’un lointain songe. YK : Vous avez dit que le titre du livre venait d’un vers du Jules César de Shakespeare. Que voulez-vous dire exactement ? L’expression « croissance et décroissance » s’applique-t-elle à la nature picaresque de l’aventure de Fan ? Ou à la condition humaine dans son ensemble ? À moins que ce ne soit à autre chose encore ? CL : Je dirais que c’est à toutes ces choses à la fois. À la situation de Fan d’abord et avant tout, bien sûr, à la manière dont elle vit dans le monde qui l’entoure. Elle ne fait que se laisser entraîner par cette marée qui l’emporte partout. Elle n’a presque pas de Arts e t cu l tu re d e Co ré e


prise sur les choses. YK : Aviez-vous prévu de lui faire vivre ces aventures picaresques ? CL : C’est un peu au fil de l’écriture que je les ai découvertes. Telle n’était pas mon intention, au début, mais après lui avoir fait entreprendre ce voyage, j’ai aimé la manière dont il se déroulait. C’est l’histoire de Fan, certes, mais aussi celle de la condition humaine. Fan est bien sûr notre alter ego, puisque, comme elle, nous devons nous battre pour atteindre nos buts au lieu de nous en remettre à la providence et au destin. Ce sont toutes ces choses que nous avons en tête qui font de nous des êtres humains et nous exaltent, même si parfois elles nous tourmentent aussi. YK : Vos procédés narratifs sont tout à fait fascinants. Qui ce « nous » désigne-t-il ? L’énonciation à la première personne du pluriel n’est pas commune dans le roman contemporain, exception faite du Buddha in the Attic de Julie Otsuka. Et pourtant, ce roman est fort différent du vôtre. CL : Pourquoi donc ? Je serais curieux de le savoir. YK : Chez elle, on trouve de nombreuses occurrences de l’expression « l’un de nous », qui laisse entendre que le narrateur appartient à un groupe, alors que ces mots n’apparaissent jamais dans votre livre. Je n’y ai entendu parler qu’une seule personne. CL : Certes, mais j’ai voulu qu’elle soit dépositaire de toutes les émotions et hypothèses possibles et imaginables, et d’autres choses encore. YK : Serait-elle omnipotente ? CL : Oui ou presque, mais qui est aussi tantôt en proie à la confusion, tantôt plein d’espoir, tantôt mal assuré, tantôt sur la défensive. Ce « nous », je l’ai voulu multiple. YK : Dans votre roman, existent les catégories sociales des « Charters », des « installations B-mor » et des « counties », outre celle, très réduite, de la « pomotion » d’élite. Cette idée s’inspiret-elle des idéaux du confucianisme ou du principe de la « méritocratie » ? CL : Je ne le crois pas. En fait, les fractures que présente le corps social évoqué dans le roman sont calquées sur les clivages de la société où nous vivons et qui suscite en moi des préoccupations. YK : Les individus instruits semblent pourtant appartenir à l’élite des « Charters ». CL : Mais c’est parce qu’ils y sont nés et pas grâce à une promotion sociale obtenue au mérite. En revanche, la communauté des installations représente bien l’ordre social confucianiste. Je l’ai voulue dotée d’aspects aussi bien positifs que négatifs. Les trois K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

groupes sociaux du roman sont le reflet de l’inquiétude que je ressens vis-à-vis de la fracture sociale. YK : D’où proviennent les noms de ces groupes ? Je comprends que les installations « B-Mor » désignent des quartiers de Baltimore tombés dans le délabrement, mais d’où viennent ces « Charters » et « counties » ? CL : Ils se sont présentés tout naturellement à mon esprit. Celui de « counties » m’a semblé convenir parce qu’il était bien adapté à ce paysage social sans entrave, inconnu et sauvage. Quand au nom « Charters », il vient des « charter schools » qui sont, comme chacun le sait, des sortes d’écoles d’élite à la discipline de fer. J’ai aimé le fait qu’elles sont régies par une charte définissant un code bien précis à l’intention de ses membres. YK : J’ai remarqué que vous mettez une majuscule à Charters et à B-Mor, mais pas à « counties ». CL : C’est tout simplement parce qu’ils sont considérés être moins importants. YK : En tant que linguiste, j’apprécie beaucoup vos métaphores et la façon dont vous jouez sur les registres de langue révélant le niveau social. À ce propos, j’ai remarqué que vos personnages font des jeux de mots dans les « counties », où ils n’ont pas accès à la technologie, alors qu’ils ne pratiquent pas cette forme de création dans les deux autres groupes sociaux. Voulez-vous dire qu’il y a plus de créativité et plus de choses intéressantes qu’ailleurs dans un « no man’s land » technologique, malgré l’absence de moralité et de sécurité qui y règne ? CL : À mon avis, la technologie fait peu à peu disparaître nos pulsions d’humains. À « B-Mor » et chez les « Charters », elle est compartimentées et encadrées, alors toutes deux étouffent l’imagination et la créativité, considérées quantité négligeable. L’imagination possède une valeur pour les plus défavorisés. Ceux-ci doivent se réinventer une vie et apprendre à manier le langage en exerçant leur esprit par ces jeux de mots. Il n’y a plus qu’eux qui lisent des romans, comme autrefois. Car pour les autres, l’art de la fiction n’a plus aucun sens, trop occupés qu’ils sont à gagner de l’argent, manger, vivre dans le confort et s’entourer de beaux objets, contrairement aux démunis qui trouvent encore quelque chose à aimer dans l’art. YK : Est-ce une possibilité que vous redoutez ? CL : Oui. YK : Vous avez d’étonnants néologismes qui vous sont propres, comme ce « handscreen », une tablette tactile qui fait penser à l’iPad, le « global », qui est un avion, la « pix » et la « vid », c’est-àdire, respectivement, la photo et la vidéo numérique, et même les noms de « B-Mor » et « D-Troy », qui correspondent à Baltimore et Detroit. On croirait même à une imitation de la prononciation de

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YK : Ce qui m’a aussi paru intéressant, c’est que ce dernier livre personnes étrangères. CL : Ce n’était pas du tout mon intention. J’ai juste voulu créer n’accorde pas une place prépondérante aux problèmes d’identité et des abréviations en déformant un peu les mots. C’est pour repré- que, de ce fait, il se situe en rupture avec vos œuvres précédentes. CL : J’ai abordé cette question sous un autre angle, cette fois-ci. senter l’appauvrissement de la langue, qui me fait aussi peur, car la langue est toute ma vie. Or, dans les temps futurs qu’évoque le Je n’ai pas envisagé l’identité en tant qu’élément constitutif d’une culture. S’il est vrai que ma production portait jusqu’ici sur l’indiroman, la langue a beaucoup perdu de son importance. YK : Votre roman est dystopique et traduit une angoisse, mais vidu et les pressions auxquelles il est soumis en société, je n’accorl’angoisse de qui ? Ou plus précisément, de quelle catégorie socia- de pas autant d’importance à cette question dans mon roman, qui parle de la culture elle-même. le ? N’est-ce pas celle des élites ? YK : Seriez-vous plus optimiste à ce sujet ? Ou tout simplement, CL : Si, mais aussi celle des gens de « B-Mor ». est-ce que vous n’avez pas réfléchi à cette question ? YK : C’est vrai qu’ils ont l’air de se réveiller. CL : Ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans ce roman. CL : Le roman ne parle que de cela. En s’éveillant, ils découvrent l’essence même de leur vie, l’oppression terrible qu’ils ont à subir J’aimerais que les lecteurs se souviennent d’une chose quand ils et qui leur ferme toute perspective. Ils se rendent compte de tout parlent des écrivains et de leur œuvre. À savoir que ce n’est pas parce que l’on a consacré ce qu’ils refoulent en euxson premier livre à un sujet mêmes et qui leur interdit de donné que l’on continuera s’épanouir ! Cela fait partie à le faire dans la suite de sa de la thématique du livre. Ce production. qui nous empêche de nous YK : Vous dites toujours réaliser, ce n’est pas un poucommencer par le travail voir extérieur écrasant, mais sur les personnages et, à ce notre peur de l’inconnu. sujet, j’aimerais savoir s’ils YK : Cette angoisse est représentent pour vous des intéressante, mais très difféstéréotypes ou des types rente des autres, qui paraishumains particuliers. sent parfois contradictoires. CL : Il est vrai que je m’inVous donnez, par exemple, téresse à certains « types » l’impression d’avoir peur du humains, mais en les étucollectivisme, alors que c’est diant, je cherche à décousurtout l’individualisme qui vrir leurs multiples facettes vous inquiète. Young-Key Kim-Renaud discute avec Lee à la Bibliothèque d'écriture créative de l'Univerpour parvenir à cerner ce CL : En ce monde, il n’est sité Princeton. qu’est fondamentalement rien qui soit tout à fait vrai ou tout à fait faux. À « B-Mor », j’exprime en effet ma crainte des l’être humain. Cet exercice m’amuse. À « B-Mor », qui est une contraintes sociales héritées du confucianisme, parce qu’elles peu- société asiatique régie par le confucianisme, j’ironise un peu sur les vent s’avérer trop pesantes pour l’individu, mais en même temps, goûts et hobbies des gens, la cuisine, par exemple, qui joue un rôle cette vie en communauté est source de tant de joies et de senti- important pour eux. Celle-ci a beau avoir quelque chose de sécuments bienfaisants apportés par la sécurité, la chaleur humaine et risant, je me demande si elle ne crée pas trop de bien-être. Si on y consacre ses loisirs, n’est-ce pas être enclin à la facilité ? D’autres le respect de l’ordre ! YK : J’ai été frappée par l’importante proportion d’Asiatiques thèmes beaucoup plus sérieux sont bien entendu abordés au gré que comportent les trois groupes sociaux, tandis que dans la réa- d’un questionnement sur notre engagement politique, notre capalité, nombre d’Américains s’inquiètent plutôt du nombre croissant cité à nous révolter et à parler vrai, autant d’interrogations que je d’hispanophones. Est-ce en raison de vos origines que vous avez pose par le biais de la société du « B-Mor ». YK : La créativité ne traduit-elle pas un mal-vivre ? fait ce choix ? CL : Si, mais aussi une frustration et une révolte. Mon roman CL : Oui, en partie, mais aussi parce que le continent asiatique s’achemine vers son avènement. Les locuteurs d’espagnol sont s’intéresse avant tout à la créativité, c’est-à-dire qu’il se préoccupe certes de plus en plus nombreux, mais en termes de puissance de son absence. YK : Pourtant, j’ai reconnu dans vos personnages des stéréoéconomique et culturelle, entre autres, l’Asie, l’Orient, ne sont-ils pas en plein essor ? Aujourd’hui, l’influence de l’Asie est beaucoup types bien réels, comme ceux, en Asie, de la femme servile ou de l’homme nageant soi-disant dans le bonheur alors qu’il est esclave plus importante qu’à aucun autre moment de son histoire.

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de son ostentation ? CL : Peut-être voulez-vous parler des jeunes filles de Miss Cathy ? YK : Oui, ces jeunes filles aux yeux débridés par la chirurgie esthétique. Sont-elles le reflet de vos angoisses ou des stéréotypes auxquels vous croyez ? CL : À vrai dire, je me suis bien amusé en créant ces personnages de jeunes femmes, mais ce sont elles qui m’inquiètent le plus. L’été dernier, je suis allé au Japon et en Corée. Il y en a tant qui font cela ! Elles se ressemblent toutes ! Elles se croient belles, mais quelque chose en elles ne correspond plus à rien. C’est effarant ! YK : À ce propos, le personnage de Fan est-il destiné à véhiculer un certain message ? À redonner une sorte d’espoir? CL : En effet, elle représente l’espérance. Non par ce qu’elle dit à ce sujet, puisqu’elle n’en parle jamais, mais parce qu’elle a la faculté de redonner espoir à tous ceux qu’elle rencontre. C’est le seul personnage du roman qui sache qui il est et ce qu’il veut. Tous les autres se heurtent à des difficultés pour y parvenir. Ils sont très mécontents d’eux-mêmes et gravement perturbés, qu’ils soient habitants des « counties » et réduits à la pauvreté, des « B-Mor » avec toutes les contraintes que cela suppose au quotidien, ou de la cage dorée des « Charters ». À leurs yeux, Fan est comme un navire qui peut les emporter vers la liberté, comme un feu tricolore qui leur ouvre la voie. Elle est simple et modeste, ce qui est chose rare dans l’univers de ce roman. YK : Le dénouement est des plus intéressants. Envisagez-vous de lui donner une suite ? CL : Je n’en ai pas pris la décision. J’aime cette fin, car on reste sur l’impression que la vie continue. L’achèvement serait la fin de l’espoir.

La vie de l’auteur YK : Le coréen est la première langue que vous avez apprise et la seule que vous parliez avant d’aller à l’école. Aujourd’hui, vous ma trisez l’anglais mieux que bien des personnes dont c’est la langue maternelle. Est-il possible de « devenir » ce locuteur natif dont parle l’un de vos livres ? Pensez-vous que cela soit votre cas ? CL : En apparence, peut-être, mais au fond de soi, je ne pense pas que cela soit possible. YK : Que voulez-vous dire exactement? CL : Vous êtes linguiste et savez certainement mieux que quiconque que l’on n’oublie jamais complètement sa langue. Si l’on considère en outre tous les éléments qui sont associés à celle-ci, on voit bien que celui qui croit pouvoir « devenir » un locuteur natif se berce d’illusions. Pour l’être, il faut être né dans le pays en question et n’avoir même jamais vécu ailleurs. Non, on ne « devient » pas locuteur natif. Du dehors, j’en ai peut-être l’air, mas ce n’est pas le cas. YK : Parlons un peu de votre mariage avec une étrangère. Qu’at-il apporté à votre vie et à l’affirmation de votre identité ? CL : Le mariage a été un grand bienfait pour moi. J’ignore éviK o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

demment ce qu’aurait été ma vie si j’avais épousé une Coréenne, car il m’est impossible de l’imaginer. En revanche, s’il est une chose dont je suis sûr, c’est que je ne tiens pour acquis rien de ce que ma femme fait pour notre famille et notre vie. Je ne veux pas dire pour autant que je me serais comporté autrement si elle avait été coréenne, mais je me serais adapté beaucoup plus spontanément à sa manière d’être. Ma femme et moi, nous ne cessons de nous découvrir et d’apprendre l’un de l’autre, en tant qu’êtres humains différents, bien sûr, mais surtout par les cultures qui nous différencient. Peut-être est-ce parce que nous sommes en permanence conscients de nos différences culturelles, qui sont une source de richesse intellectuelle pour l’artiste que je suis. Je me remets beaucoup en question et considère que rien ne m’est dû, aussi bien à titre personnel qu’en tant qu’écrivain. J’ai un regard plus extérieur, et donc plus lucide, sur moi-même, comme est d’ailleurs porté à le faire tout écrivain. YK : Votre vie vous donne-t-elle l’impression d’être un étranger ? CL : Je ressens parfois, de manière instinctive, viscérale, le besoin d’avoir de véritables attaches, tout en sachant que c’est chose impossible. Quand je vais en Corée, je trouve tout bien et les gens me ressemblent, mais je me sens étranger à eux, car je n’ai pas grandi dans ce pays. À Princeton, où je vis, travaille et suis très connu, je ressens toujours l’existence d’une certaine distance avec les gens. Je me surprends alors à rêver d’être vraiment de quelque part, en imaginant le bonheur que cela doit apporter. YK : J’ai lu le récit que vous avez fait de la mort de votre mère et j’en ai été très émue. Vous parliez des problèmes qui se sont posés à elle du fait qu’elle ne parlait pas anglais. Estimez-vous l’avoir soulagée de son han [regret, chagrin], par vos efforts? CL : Malheureusement pas. Je ne crois pas que l’on puisse faire quoi que ce soit pour quelqu’un, dans une telle situation. Ce qui importe, c’est l’évolution des choses et celle-ci m’a ouvert d’autres horizons. Quant au han, il n’a pas disparu, bien au contraire, car il est toujours aussi fort. YK : Tous les ans, vous partez enseigner en Corée pendant l’été. Projetez-vous d’écrire, pendant ces séjours ou par la suite, des textes sur ce pays ? CL : Je n’ai encore rien prévu, mais il ne fait aucun doute que je le ferai. Je peux faire se dérouler quelques scènes en Corée. Je suis toujours très content de mes séjours dans ce pays et l’enseignement à l’Université Yonsei me plaît beaucoup. J’aime beaucoup les contacts avec les étudiants et les autres professeurs. YK : Avez-vous l’impression d’un retour au pays ? CL : Dans une certaine mesure, oui, mais je suis conscient de ce que la Corée ne sera jamais mon pays. Cela ne m’empêche pas pour autant d’aimer y venir. Je sais que je n’y vivrai jamais car je ne m’y sentirais pas tout à fait chez moi étant donné que je ne maîtrise pas suffisamment la langue coréenne et ne pourrais donc être vraiment moi-même. En dépit de cela, je ressens toujours des émotions positives quand je m’y trouve.

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DÉFENSEURS DU PATRIMOINE

Jin Ok-sub protège la source des traditions Le metteur en scène de théâtre Jin Ok-sub, qui œuvre aussi en faveur des arts du spectacle traditionnels, a tiré nombre d’artistes de l’anonymat et les a fait connaître par ses écrits sur leur vie et leur univers artistique. Chung Jae-suk Éditorialiste à la rubrique culturelle du JoongAng Ilbo | Ahn Hong-beom Photographe

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Directeur artistique de la Maison de la culture coréenne, Jin Ok-sub souhaite que la danse traditionnelle coréenne continue de vivre et d’offrir au public l’occasion de faire d’enrichissantes découvertes artistiques, au lieu de se réduire à une tradition morte pour vitrine de musée.

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our Jin Ok-sub, qui assure la direction artistique de la Maison de la culture coréenne (KOUS), le meilleur théâtre du monde est celui où on joue à guichets fermés et c’est pourquoi il conçoit son rôle de promotion des arts en termes de remplissage des salles car pour lui, c’est le public qui fait ou défait le succès d’une représentation. La tradition du théâtre se perpétuera si celui-ci est en mesure de livrer de nouvelles productions qui plongent le public dans l’atmosphère des œuvres, tout comme l’interprète s’y immerge sur scène. En restant gravées dans les cœurs, ces créations ne pourront qu’assurer la survie de cet art.

Une course éperdue contre le temps À ce propos, Jin Ok-sub apporte les précisions suivantes : « Après avoir travaillé trente ans au contact des artistes, je suis parvenu à la conclusion que pour bien apprécier les plus âgés d’entre eux, mieux vaut superposer le peu de temps qui leur reste au nôtre. Quand je vends des places pour leurs spectacles, j’ai l’impression de donner mon sang. Comment ne pas tenter de les aider avec l’énergie du désespoir, en les invitant à se produire dans ma salle, alors qu’ils pourraient bien ne plus être de ce monde dans quelques mois, qui sait ? La moindre action réalisée en faveur de la défense des traditions est une lutte acharnée contre les ravages du temps. Pour ce faire, je sais d’expérience que la presse est le

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moyen le plus efficace de faire connaître ces gens, c’est pourquoi je lis toujours les critiques de mes spectacles dans les journaux ». L’année dernière, Jin Ok-sub a fait rééditer son livre Les finalistes, après l’avoir revu et augmenté de nouveaux textes, et il estime que celui-ci a joué le rôle de communiqué de presse en contribuant à une large diffusion d’informations sur les arts du spectacle traditionnels. Ses écrits et les merveilleux spectacles qu’il crée et met en scène sont les deux facettes d’un même talent artistique où se manifeste, dans un cas comme dans l’autre, l’ambition qui est la sienne de produire et faire représenter des chefs-d’œuvre de l’art traditionnel. Nombreux sont ceux qui vivent donc dans l’attente de ses productions à venir et les spectateurs qui ont assisté avec émotion aux représentations de ses œuvres sont venus grossir les rangs de ses admirateurs. Dans le prologue de son livre, l’auteur écrit : « Dans l’art du spectacle traditionnel, les applaudissements surviennent entre deux battements rythmiques. Ils ne procèdent pas d’une bruyante manifestation de ferveur, mais d’un soudain et irrépressible besoin d’exprimer son admiration. En danse, par exemple, l’exécutant règle ses pas sur un rythme syncopé qui fait se redresser le spectateur en créant chez lui une attente inconsciente, puis réagir à nouveau par un recul quand le tempo reprend de sa force. Par le Arts e t cu l tu re d e Co ré e


biais de ces variations rythmiques, le danseur suscite ainsi la participation du public, dont tour à tour, il sollicite l’attention et la fait se relâcher au gré de ses évolutions. Brusquement, les applaudissements que contenaient les spectateurs font jaillir, comme l’expression d’un plaisir volé, un « Eolssu ! » lâché au comble de l’exaltation… Quand le spectacle se termine, après bien des moments d’une telle intensité, le public est ivre de bonheur lorsque les artistes reviennent sur scène et leurs applaudissements traduisent ce sentiment de manière authentique. Ils font boule de neige et se propagent depuis le balcon du deuxième étage, en gagnant en puissance à mesure qu’il descend, déferle en vagues sur le parterre, et vient frapper de plein fouet la scène où, sous la violence du choc, la poussière s’envole entre les lattes du plancher. Quand les spectateurs se lèvent comme un seul homme pour ovationner les artistes, toute la salle est comme hors du temps ». Qui est donc cet homme qui a le pouvoir d’attirer les acclamations du public en faisant représenter de captivants spectacles par les plus grands artistes d’autrefois ?

À la découverte des arts du spectacle traditionnels C’est au début du mois de janvier dernier que j’ai rencontré Jin Ok-sub, dans un restaurant aux spécialités de nouilles situé près du palais de Changdeok où nous nous sommes attablés devant un K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

pichet de vin de riz. Il habitait l’immeuble de cinq étages qui jouxtait le restaurant et dont son appartement occupait le toit en terrasse. Dès qu’il s’est mis à parler, j’ai perçu l’enthousiasme de ses propos, malgré leur ton mesuré. « Je me consacre aux vieux artistes qui sont aujourd’hui au soir de leur vie », explique-t-il. « Quand je vois vaciller chez eux le feu sacré, après qu’ils sont tombés dans l’oubli et ont passé des années dans la solitude, ils me font penser à des camélias, ces fleurs magnifiques dont les pétales tombent au plus fort de la floraison. C’est à leur contact que j’ai appris qu’à un certain moment, il faut savoir s’arrêter pour goûter au repos ». C’est à Damyang, dans la province du Jeolla du Sud, qu’est né et a grandi Jin Ok-sub. À l’époque où il était comédien, il a découvert la danse traditionnelle des masques et dès lors, il s’est pris d’une telle passion pour les arts du spectacle coréens que lorsqu’il avait une vingtaine d’années, il a entrepris de sillonner le pays à la recherche de ces artistes dont on avait oublié jusqu’au nom. Ce faisant, il s’est rendu compte qu’il émanait de leurs spectacles quelque chose de poignant et que, comme il le dit lui-même, « les traditions ne sont pas de vieilles choses désuètes dont on s’amuse, mais des coutumes qui ont mûri et se sont implantées au fil du temps ». Après avoir rencontré ces vieux artistes qui menaient une exis-

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Lors de sa cinquième édition, qui se tenait l’année dernière à la Maison de la culture coréenne de Daechi-dong, un quartier de Séoul, le spectacle Huit danseurs a présenté des danseuses qui ont chacune interprété une danse traditionnelle d’un genre différent, dont le salpuri, une danse de paix, le seungmu, une danse moniale, et le Nabichum, la danse dite « des papillons ».


tence obscure aux quatre coins du pays, il s’est mis en devoir de les faire remonter et découvrir sur scène. En parallèle, il a poursuivi ses activités de metteur en scène au théâtre Seoul Nori Madang, un auditorium à ciel ouvert qu’a créé la Ville de Séoul pour revaloriser et préserver les arts du spectacle traditionnels. C’est également à cette époque qu’il a réalisé le spectacle Good Morning, Korea ! destiné à la chaîne de télévision KBS. Par la suite, il allait créer une agence de production artistique nommée Terre de fêtes et chargée d’organiser de nombreuses représentations de spectacles traditionnels faisant preuve d’originalité. Depuis 2008, il assure la direction artistique de la KOUS, laquelle est rattachée à la Fondation coréenne du patrimoine culturel. En 2005, il s’est associé à la production de Le roi et le clown, un film à succès contant les aventures d’un saltimbanque qui va de ville en ville avec sa troupe sous le royaume de Joseon, et a en outre formé les acteurs qui l’interprétaient à la danse traditionnelle. Le réalisateur Lee Joon-ik a dit de lui qu’il « a sondé les tréfonds de l’âme du clown ». Jin Ok-sub évoque ainsi ses chers artistes : « De tous ceux avec qui j’ai produit des spectacles et sur lesquels j’ai écrit dans mes livres, six ont déjà disparu : Kim Soo-ak, un spécialiste de la danse de l’épée de Jinju, Kim Yu-gam, qui accomplissait le rituel du chamanisme Saenam de Séoul, Sim Hwa-yeong, qui exécutait la danse des moines, Han Seung-ho, une interprète du chant épique dit pansori, Gong Ok-jin, qui représentait des monodrames accompa-

même est parvenu à convaincre les plus grands artistes de notre temps de remonter sur scène. Dans ses rapports avec eux, c’était à l’homme ou à la femme qu’il avait en face lui qu’il s’adressait, et non à un groupe de vieilles personnes asexuées. Le chanteur traditionnel Jeong Gwang-su, aujourd’hui disparu, aurait affirmé à ce propos : « J’ai passé ma vie à séduire des jeunes filles comme Chunhyang et Sim Cheong, ces personnages féminins du pansori ». Quelques mois avant sa mort, maître Jeong allait prononcer une phrase qui marquerait à jamais Jin Ok-sub : « Toute ma vie, j’ai eu peur de deux choses : la satisfaction et le manque ». Ce dernier affirme : « Ceux qui étaient autrefois artistes ont eu une vie étonnante ! Après être parvenus au sommet de leur art au terme d’une carrière de soixante-dix ou quatre-vingts années, ils vivaient oubliés de tous dans leur lointaine province, comme des trésors cachés. Alors quand j’ai eu l’idée de les faire remonter sur scène, j’étais certain de réussir. Il s’agit de personnes dont l’activité artistique s’étend sur plusieurs dizaines d’années. Les jeunes idoles des groupes d’aujourd’hui ne peuvent atteindre leur degré de perfection. Ils ne font qu’un avec leur art, si bien qu’ils ressentent celui-ci à fleur de peau et que la voix semble jaillir du plus profond de leur être. Sans recourir au moindre artifice lorsqu’ils sont sur scène, ils se meuvent de telle manière que leurs corps semble une bobine de fil de soie rose qui se déroule pour emprisonner le public. En ces temps où l’art représentait un moyen de subsister, la scène tenait moins du domaine sublime de l’art que d’un lieu de travail où l’on venait gagner sa vie. Cet aspect ajoute encore à l’émotion et à l’intensité du spectacle ». « Ceux qui étaient autrefois artistes ont eu une vie étonnante ! Dans le jargon des troupes d’artistes ambulants, le mot namsaAprès être parvenus au sommet de leur art au terme d’une carrière de dang désignait ceux-ci de manière soixante-dix ou quatre-vingts années, ils vivaient oubliés de tous dans générale et l’expression noreum machi, le « finaliste », c’est-à-dire l’inleur lointaine province, comme des trésors cachés. Alors, quand j’ai eu terprète dont la prestation s’achevait dans un tel paroxysme d’émotion et l’idée de les faire remonter sur scène, j’étais certain de réussir ». d’exultation que le public se désintéressait totalement de tout ce qui pouvait suivre et que le spectacle n’avait donc aucune raison de se gnés de chants et danses, et Mun Jang-won, un maître de la danse poursuivre. Ce « finaliste » surpassait ainsi tous les autres. des masques de Dongnae. Oubliant parfois qu’ils ne sont plus de Dans l’épilogue de son livre, Jin Ok-sub conte une anecdote ce monde, il m’arrive de leur téléphoner. Qu’ils aient été courticoncernant la danseuse Cho Gap-nyeo, laquelle a obtenu le titre de sans, chamans, clowns ou même libertins, les artistes d’autrefois maître dans l’exécution du min salpuri, qui est une danse rituelle menaient une existence si difficile et aventureuse que l’on imagine difficilement. Dans mon livre, je me suis cependant efforcé, autant d’exorcisme. que possible, de rendre fidèlement compte de ce que j’avais vu et « Après le spectacle, j’ai tâté les pieds encore chaussés de la entendu, dans le but de créer une biographie collective de dix-huit danseuse. Ses beoseon [chaussettes traditionnelles aux extrémimaîtres des arts du spectacle traditionnels qui auraient pu rester à tés pointues] avaient quelque chose de curieux. Elles étaient remjamais inconnus ». bourrées au bout mais, au niveau du talon, il n’y avait qu’une mince couche de tissu. Tout admiratif, je me suis dit : « C’est ce souci du moindre détail qui mène à la perfection ! » Étant donné la grande La sauvegarde des « sources de tradition » fréquence à laquelle elle pose le talon au sol dans cette danse, Ce « meneur d’amuseurs » selon l’expression de Jin Ok-sub lui-

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C’est dans son appartement situé sur le toit en terrasse d’un bâtiment voisin du palais de Changdeok que Jin Ok-sub se consacre à la création artistique. Ses nombreuses notes sont affichées au mur.

il est impératif qu’elle perçoive bien la sensation produite par cet appui, ce qui explique la minceur de l’étoffe sous cette partie du pied. En revanche, l’extrémité pointue des chaussettes qui dépassent du bas de sa longue robe participent beaucoup du charme de la danseuse, par les lignes effilées qui se redressent en une élégante pointe sur les orteils. Il va de soi que celle qui porte ces articles à la fois simples et charmants les a confectionnés elle-même ». Jin Ok-sub voit en ce passionnant univers des artistes d’autrefois la « source même des traditions ». En partant du principe que toute source se doit d’être pure, il affirme, en guise de mise en garde, que toute tentative de « commercialisation », sous prétexte de moderniser ou vulgariser, ne ferait que la transformer en un étrange cocktail. En conséquence, il estime avoir pour mission de préserver l’authenticité et la pureté des arts qui jaillissent de l’âme humaine. Jin Ok-sub se souvient : « Quand le Maître Mun Jang-won est monté pour la première fois sur une grande scène, qui était celle du Ho-Am Art Hall, à l’âge de quatre-vingt-six ans, il se faisait du souci pour ses jambes affaiblies. Alors, je lui ai dit : « Maître, vous n’avez qu’à marcher avec une canne pour descendre de la scène ». Ce jour-là, le public a eu la surprise de voir ce vieil homme monter sur scène en s’appuyant sur une canne et commencer à danser lentement, puis jeter sa canne et se laisser entraîner par le rythme ». Il évoque ce même danseur dans l’un des chapitres de cet autre livre qu’il a écrit, Mun Jang-won: le dernier libertin de Dongnae qui K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

a dansé jusqu’au bout de sa vie. « Tout l’attrait de son style réside dans la syncope. La danse traditionnelle coréenne, caractérisée par son élégance simple et sa discrétion, produit souvent un effet de tranquillité. Cependant, quand le rythme est syncopé, elle peut aussi créer une impression de vitesse, par l’avance ou le retard d’un pas. Si le rythme n’est plus maîtrisé, toutefois, la tension du mouvement peut disparaître et altérer l’ordre des pas, mais Mun Jang-won a une telle maîtrise de ses moindres déplacements que ses pas de danse syncopés sont aussi naturels que ceux de la marche normale ». Jin Ok-sub a attiré un public nombreux au spectacle de gala intitulé Danse de la perfection et de l’élégance sans précédent, qu’il a produit pour le Huitième festival international de danse de Séoul, en 2005, et qui faisait appel à des interprètes octogénaires, lesquels faisaient de lui un événement véritablement « sans précédent ». Quant au spectacle Huit danseurs qu’il organise au KOUS depuis maintenant six ans, il a fait découvrir à ses spectateurs un groupe de danseurs traditionnels renommés pour la haute maîtrise avec laquelle ils exercent leur art. Alors que l’entrée est le plus souvent gratuite, dans les spectacles de danse traditionnelle, afin de promouvoir celle-ci auprès du public en vue de sa préservation, celui des Huit danseurs, malgré ses places payantes, a toujours rassemblé de nombreux spectateurs et pour avoir atteint cet objectif, son organisateur mérite bien de se voir à son tour encouragé d’un chaleureux Eolssu!

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Livres et CD

Une anthologie de la littérature coréenne pour lecteurs anglophones

Bibliothèque littéraire coréenne (Tomes 1-10) Œuvres de plusieurs auteurs, 65 $, dix tomes, Dalkey Archive Press, Champaign, Illinois, Londres, Dublin (2013)

Il est particulièrement difficile de faire connaître la littérature étrangère à un public de langue maternelle anglaise, dès lors qu’elle ne provient pas d’un pays anglophone. Si les lecteurs américains et britanniques, entre autres, se sont déjà familiarisés avec les plus grandes œuvres grâce à leur traduction, celles-ci ne représentent qu'une infime proportion de tous les trésors de la littérature mondiale. Pour John O’Brien, cet état de fait s’explique fort simplement : « Dans le secteur de l’édition littéraire, chacun sait que très peu d’œuvres étrangères sont traduites en langue anglaise ». C’est en connaissance de cause que s’exprime ainsi le fondateur de Dalkey Archive Press, une maison d’édition spécialisée dans les œuvres d’auteurs peu connus. Aux côtés de l’Institut coréen de traduction littéraire (LTI), Dalkey Archive Press vise à mettre la production littéraire coréenne à la portée d’un public anglophone qui n’en soupçonne pas la richesse, au moyen d’une Bibliothèque littéraire coréenne rassemblant vingt-cinq nouvelles et romans choisis. Une fois ces ouvrages édités, il reste la moitié du chemin à parcourir, car il est indéniable que, les traductions littéraires se vendant moins bien que les œuvres non traduites, elles sont peu recherchées par les grands éditeurs. Leur diffusion est donc assurée par des maisons de taille plus modeste qui ne disposent pas de suffisamment de moyens pour assurer la bonne commercialisation de ces produits. Dalkey Archive Press et le LTI ont donc décidé d’unir leurs forces pour mener à bien leur projet conjoint qui, en amont, englobe la traduction et la diffusion d’informations dans la presse, et en aval, une commercialisation efficace susceptible de séduire des lecteurs au départ peu enclins à porter leur choix sur un roman ou une nouvelle d’écrivains coréens. Sa réalisation a d’ores et déjà franchi une première étape en permettant l’édition de dix ouvrages en novembre dernier, ceux qui restent étant programmés pour l’automne prochain. Cette nouvelle collection s’ouvre sur une œuvre souvent considérée être la première de la littérature moderne, tout du moins d’un point de vue chronologique, à savoir le roman La terre de Yi Kwang-su. C’est en 1932 qu’a connu sa première parution, sous forme de feuilleton publié dans un journal, cette œuvre dont le personnage principal est un militant de gauche qui veut instruire les habitants de son village natal pour qu’ils puissent profiter du progrès moderne. Cette peinture saisissante des conditions de vie qui régnaient en Corée entre 1910 et 1945, sous le joug du colonisateur japonais, a été appréciée à sa juste valeur par la revue littéraire World Literature Today, qui a classé l’œuvre au nombre des soixantequinze traductions les plus remarquables de toutes celles réalisées l’année passée. La parution des œuvres suivantes s’étend jusqu’à nos jours, sur une période de plusieurs dizaines d’années, et offre donc un plus large panorama de la production littéraire moderne. Toujours très prisé en Corée, le genre de la nouvelle est représenté au sein de trois recueils. Il s’agit tout d’abord de Le dimanche le plus ambigu et autres nouvelles où l’auteur, Jung Young-moon, présente un univers étrange avec cocasserie, ce qui a valu à cette œuvre d’être qualifiée de kafkaïenne. Elle est suivie de La petite amie de mon fils, de Jung Mi-kyung, qui plonge avec humour au plus profond de la réalité urbaine actuelle et, sous l’épais brouillard de l’aliénation, parvient quand même à découvrir quelques bons côtés. Enfin, le recueil Toi qui es solitaire, dû à la grande figure de la littérature coréenne contemporaine qu’est Park Wan-suh, rassemble des récits où s’exprime le point de vue et les réflexions sur la vie d’une femme écrivain d’âge mûr. Quant aux romans, trois d’entre eux appartiennent au genre de la biographie historique. À caractère autobiographique, Une cuillère sur cette terre, de Hyun Ki-young, évoque l’histoire coréenne moderne par le biais de la vie familiale et des découvertes de l’auteur. Pour sa part, Kim Won-il, dans Une maison avec jardin en contrebas, se penche sur l’une des périodes les plus sombres de l’histoire nationale, à savoir celle qui a fait suite à la Guerre de Corée, en suivant les destinées des six familles qui occupent une maison. Avec Raie, Kim Joo-young a composé, selon ses mots même, une « biographie critique de [sa] maman bien aimée » à travers l’évocation de la vie difficile d’une mère et de son fils confrontés à la pauvreté dans la Corée rurale des années cinquante.

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Les trois autres romans composent une sélection éclectique. Le premier, Quand Adam ouvre les yeux, parle de sexe, de mort et d’arrivée à la majorité. Il est signé d’un auteur, Jang Jung-il, qui a tant fait couler d’encre qu’il a été condamné à une peine de prison au motif que l’une de ses œuvres présentait un caractère pornographique aux yeux de la justice coréenne. Personne n’écrit, de Jang Eun-jin, dans lequel certains voient un roman picaresque moderne, conte l’histoire d’un jeune homme qui, après avoir fait la route pendant trois ans et rencontré des êtres au destin tragique, s’emploie à les réconforter en leur écrivant. Sur le mode satirique, Lee Ki-ho, dans On peut au moins présenter ses excuses, s’intéresse à une agence qui a pour activité peu commune de s’excuser des mauvaises actions commises par autrui. Les efforts entrepris en commun par Dalkey Archive Press et LTI devraient permettre aux lecteurs désireux de se lancer tête en avant dans la littérature coréenne d’en découvrir des œuvres jusqu’ici inaccessibles. Une suite devrait être donnée, dans le courant de l’année, à cette Bibliothèque littéraire coréenne qui promet d’apporter beaucoup à la traduction d’œuvres littéraires actuellement en plein essor.

Charles La Shure Professeur au Département de langue et littérature coréennes de l’Université nationale de Séoul

Une étude du parcours accompli par la Corée pour devenir un État souverain moderne

L’entreprise suprême : souveraineté et historiographie de la Corée moderne Henry H. Em, 265 pages, 24,95 $, Duke University press, Durham, NC (2013)

Dans L’entreprise suprême, Henry H. Em revient sur le parcours accompli par la Corée pour se transformer en un État-nation moderne à part entière, ce qui a constitué « l’entreprise suprême » évoquée par son titre, et sur l’influence qu’a exercée celle-ci sur l’écriture de son histoire. Dans les deux volets qui le composent, l’ouvrage décrit le contexte historique dans lequel la Corée a accédé à la souveraineté en tant que nation moderne. Cette marche vers la souveraineté et la reconnaissance en tant que nation n’a pas été exempte d’écueils et pour le comprendre, il est impératif de bien connaître le substrat culturel extrême-oriental qui a résulté de l’influence de la Chine et s’est manifesté par la lutte contre l’Occident impérialiste. Dans un premier chapitre, Henry H. Em montre que la Corée, tout en se conformant au carcan de l’hégémonie chinoise, se comportait en « état vassal pas tout à fait exemplaire » et affirmait une certaine indépendance, sans franchir les limites d’une réalité régie par le sino-centrisme. Cette situation permet de mieux comprendre pourquoi le Japon attendait que la Corée revendique la première son indépendance vis-à-vis de la Chine pour suivre ses brisées. Dans le chapitre suivant, l’auteur analyse la notion coréenne de souveraineté en la mettant en parallèle avec la conception qu’en ont les Européens et en formulant à ce propos une idée des plus intéressantes sur le rôle de la langue et de la traduction. La deuxième partie du livre s’ouvre sur la redécouverte de la grotte de S kkuram (Seokguram) par les Japonais et en partant de cet événement, montre à quel point le Japon s’est attaché à encourager la formation d’une identité coréenne, contrairement à l’idée très répandue ici selon laquelle il cherchait à l’étouffer à tout prix. Selon Henry H. Em, le Japon avait en fait tout intérêt à ce qu’existe cette identité pour la déclarer inférieure à la sienne et justifier ses menées colonialistes, ce à quoi il pensait parvenir en situant l’apogée de la culture coréenne dans le lointain passé qu’illustrait S kkuram. Par la suite, l’auteur évoque le clivage qui a opposé les tentatives d’universalisation de l’histoire coréenne par la gauche à la mise en avant de ses spécificités par la droite nationaliste. L’ouvrage s’achève par un chapitre traitant de l’époque postcoloniale et de la partition, dont il montre les liens d’interdépendance dans l’historiographie qui y a eu trait jusqu’à nos jours. L’entreprise suprême évoque avec lucidité et concision les problèmes de souveraineté et d’écriture de l’histoire qui se posent en Corée, depuis son entrée dans les temps modernes, en se fondant sur des sources d’information tant japonaises et occidentales que coréennes pour livrer une argumentation objective. Le lecteur imagine sans mal la somme de temps et d’efforts qu’il a fallu à l’auteur pour mener à bien cette étude, comme en attestent les notes qui, dans les cinq chapitres, représentent plus d’un tiers du texte proprement dit, ainsi que l’abondante bibliographie qui fournira de solides bases aux étudiants en histoire coréenne en vue de recherches dans ce domaine, que ce soit en coréen, en japonais ou en anglais. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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Regard extÉrieur

À pied autour des remparts de Séoul Frédéric Ojardias - journaliste (Radio France Internationale) et maître de conférences (Université Nationale de Séoul, École des études de relations internationales)

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est un projet de randonnée urbaine et historique, nourri de nombreuses lectures, dont je rêvais depuis longtemps : faire le tour complet de l’ancienne forteresse de Séoul, à pied et en une seule journée. La muraille de Séoul est une grande boucle pierreuse de plus de 18 kilomètres, construite à la fin du ⅩⅣe siècle par le nouveau royaume Joseon pour protéger sa capitale. De fiers remparts percés de grandes portes et parcourant quatre montagnes : Naksan (125 m), Bugaksan (342 m), Inwangsan (338 m) et Namsan (262 m)… qui ont hélas été en grande partie détruits au début du ⅩⅩe siècle, notamment pour faire place au tramway et à la modernisation de la ville. Mais depuis plusieurs années, la municipalité de Séoul – qui a compris le potentiel touristique de ces créneaux de pierres taillées - a eu l’excellente idée d’en restaurer une dizaine de kilomètres. C’est ainsi qu’un froid matin de novembre, sac au dos et accompagné d’un ami motivé, je suis parti en arpenter les sentiers. Départ de la porte de Dongdaemun (ou Heunginjimun, Porte de la Générosité), à l’assaut de la colline Naksan, le long d’un sentier de charmantes maisons basses et de feuillages aux couleurs de l’automne. À nos pieds, c’est le Séoul des vieux quartiers, encore préservés de la construction de new towns. Très vite se dresse la hauteur suivante, Bugaksan. Ici, l’ambiance est martiale. La montagne abrite la Maison Bleue, la présidence coréenne. Le 21 janvier 1968, un commando de 31 soldats nord-coréen infiltrés a tenté de la traverser pour assassiner le président Park Cheunghee. L’expédition a été sanglante : des dizaines de Sud-Coréens tués, ainsi que la quasi-totalité du commando. Depuis, Bugaksan est hérissée de barbelés et ses oiseaux pépient sous la haute surveillance de l’armée. La montagne a cependant été en partie rouverte la journée aux randonneurs (pièce d’identité obligatoire !). Sur le chemin, une seule trace de ce raid dramatique : un pin, arborant des traces de balles, est pieusement conservé. Des hauteurs de Bugaksan, on peut admirer les tours de verre modernes et les écrans géants de l’hyper-centre de Gwang­ hwamun, et la géométrie parfaite du palais royal de Gyeongbokung. Puis, ses pentes à peine dévalées, commence l’ascension de Inwangsan, la montagne de l’enfance séoulienne de l’immense écrivain Pak Wan-seo (1931-2011). Elle vivait de l’autre côté de la muraille, hors de l’enceinte de la capitale, dans un quartier miséreux accroché au flanc de la montagne. Dans son autobiographie Hors les murs (traduction française publiée par l’Atelier des Cahiers), Pak Wan-seo raconte l’ambition de sa mère : vivre de l’autre côté, à l’intérieur de ces murs symboles de réussite et d’ascension sociale. Enfant, elle grimpait tous les jours Inwangsan pour se rendre dans son école : « Il suffisait de monter encore un peu jusqu’aux ruines de l’ancienne forteresse pour trouver un chemin assez bien tracé qui conduisait au parc de Sajik. Ce chemin n’était pas très raide, mais il était peu fréquenté et on disait que la forêt qu’il traversait était remplie de lépreux. » En 2014, les lépreux ont rendu la place aux marcheurs, nombreux, venus admirer l’un des

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plus beaux panoramas de Séoul. Qu’il semble loin, le temps où Pak Wan-seo décrivait une montagne « dépouillée », aride, aux mauvaises herbes sèches et rares. Le chemin de son école passait par un lieu de cérémonies chamanistes, qui existe toujours : un vallon où résident des chamans, lieu mystique et hors du temps, surplombé de rochers torturés qui invitent à la méditation. Devant le roc surnommé Seonbawi, « il y avait toujours des gens qui priaient ». Presque un siècle plus tard, les prieurs sont toujours là. Autrefois, on venait demander un fils au dieu de la montagne. Aujourd’hui, on vient sans doute implorer que ce même fils réussisse ses examens. Ensuite, c’est la longue descente jusqu’à la porte Seodaemun (ou Donuimun, la Porte de la Vertu)… qui a disparu. Le reste de la muraille aussi : ici, l’urbanisation a gagné à jamais : ce sont les avenues bruyantes et congestionnées de la Corée qui ne débranche jamais son smartphone. Plus loin, c’est la porte de Namdaemun (Sungryemun, Porte de la Politesse), dont la récente restauration très controversée aura eu le mérite de montrer que les secrets des artisans d’autrefois étaient plus difficiles à percer que prévu… La journée se termine. Une dernière montée, celle de Namsan, la montagne du Sud. Y a été construit un parc tout neuf où trône une statue de Kim Gu (1876-1949), héros de l’indépendance de la Corée. Dans son Pauvre et douce Corée (éditions Zulma), le voyageur français Georges Ducrocq écrit (nous sommes en 1904) : « celui qui arrive à Séoul par la colline du Nam-san aperçoit, entre les arbres, un grand village aux toits de chaume. Il a d’abord peine à croire que ces cabanes enfumées soient la capitale de la Corée. Mais l’immense étendue qu’elles couvrent et la ceinture de remparts et de portes monumentales qui les enveloppe ne laisse aucun doute : Séoul est à nos pieds et c’est une paysanne qui ne paie pas de mine. » Difficile de reconnaître la ville ainsi décrite, qui est désormais verticale et s’étend à perte de vue : où que porte l’œil, le même paysage spectaculaire, un océan urbain admiré des groupes de touristes surexcités et cliquetant qui nous bousculent. Il y a un siècle, Namsan était « la promenade d’été des citadins qui viennent s’assoir sous les grands pins et regarder leur capitale entre les branches. » Sur ses chemins asphaltés filent désormais des joggeuses et des joggeurs en survêtements moulants, préoccupés par le maintien de leur ligne. Nous passons devant le théâtre national, le siège de la Korea Freedom Association (avec sa merveilleuse architecture rétro au parfum de guerre froide), le seul cinéma « drive in » de Séoul, des hôtels de luxe, des terrains de tennis et des practices de golf. Arrive enfin le quartier de Dongdaemun, temple moderne de la consommation de masse, au milieu duquel est affalée l’œuvre déconcertante et futuriste de l’architecte Zaha Hadid. La boucle est bouclée. Nous sommes épuisés mais heureux. Découvrir Séoul par ses murailles, c’est une nouvelle façon d’admirer une ville qui ne cesse jamais de surprendre et de charmer.

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Délices culinaires

Les bom namul , des légumes qui chassent les langueurs du printemps

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Les légumes de printemps, ou bom namul, sont les premières pousses qui apparaissent quand vient le dégel et ils ont donc une teneur particulièrement élevée en vitamines et minéraux. Dotés en outre de vertus apéritives, ils se consomment sous forme de salade, blanchis et assaisonnés au concentré de soja ou de piment rouge accompagné de diverses sauces, mais également en soupe ou comme garniture de crêpes tout aussi délicieuses que faciles à confectionner. Ye Jong-suk Journaliste culinaire et professeur de marketing à l’Université Hanyang

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ans la cuisine coréenne, l’utilisation d’ingrédients de saison assure en même temps qualité des préparations et aspect agréable à l’œil. Depuis toujours, les Coréens savent profiter des bienfaits de la nature au rythme des saisons, sans oublier de prendre soin de leur santé grâce aux sisik, ces « plats de saison » qu’ils préparent avec les produits du moment.

Une nourriture royale et populaire Les bom namul constituent l’ingrédient par excellence de la cuisine du printemps et en temps de pénurie alimentaire, une manne naturelle qui revêt une signification à la fois philosophique et pratique pour les Coréens. Symboles de la vie qui renaît partout, comme ces pousses sortant de terre au début du printemps, après avoir subi les rigueurs de l’hiver. À l’époque de Joseon (1392-1910), la famille royale réservait les prémices de la récolte au culte de ses ancêtres. Le Taejo Shillok, c’est-à-dire les annales qui sont consacrées au fondateur de l’État de Joseon, le roi Taejo, et dans lesquelles sont consignés ses activités, dit ainsi : « Les légumes nouveaux du printemps, les mandarines et le gibier, étant les tout premiers produits de la saison, étaient déposés en offrande au sanctuaire des ancêtres royaux ». Au début du printemps, c’est-à-dire dans l’ipchun, qui est l'une des vingt-quatre divisions des saisons, on servait au roi, en les relevant de diverses sauces, cinq sortes différentes de légumes que l’on cueillait sous la neige avant qu’elle ne fonde, dont des radis chinois, échalotes, feuilles de moutarde, pousses de persil sauvage et d'angélique. Ces légumes frais au goût un peu acide constituaient ce que l’on appelait les « cinq aliments parfumés ». Selon le Gyeongdo Japji et le Dongguk Sesigi , ces ouvrages qui décrivaient les coutumes liées aux saisons sous le royaume de Joseon, les légumes que l’on apportait au palais royal, pour en faire présent au monarque, provenaient des régions montagneuses de Yangpyeong et Pocheon, qui se trouvent dans l’actuelle province de Gyeonggi. Pour la famille royale, ces « cinq aliments parfumés » correspondaient aux cinq vertus définies par les préceptes du confucianisme, à savoir la sérénité, l’amabilité, la courtoisie, la frugalité et la modesSoupe au concentré de soja, bourse-à-pasteur (naengi ) ou armoise (ssuk ) : faire bouillir des anchois et du varech séchés dans de l’eau. Retirer les ingrédients solides, puis relever à volonté avec le concentré. Au moment de servir, ajouter bourseà-pasteur ou armoise. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

tie, leur consommation permettant d’améliorer celles-ci. Ils pensaient aussi que ces aliments apportaient la santé par l'équilibre et le fonctionnement harmonieux des cinq viscères qu’ils assuraient. Les gens du peuple suivaient aussi ces principes, qui se faisaient cadeau entre voisins de plateaux chargés de ces légumes afin de les partager. Il en est fait mention en ces termes dans Ipchun, l’un des poèmes du recueil Saga Sijip dû à cette grande figure littéraire du début de Joseon que fut Seo Geo-jeong : « Cette année, voilà l’ipchun revenu. / Que de changements, depuis, en ce monde ! / Las des cinq namul parfumés dont je me suis rassasié, / Je me contente de boire plus souvent du vin de pignon. / Je n’ai pas atteint mon but dans la vie de ce monde, / et seul a changé mon reflet dans le miroir ». Les Namul représentaient, par le plaisir gustatif qu’ils procuraient, la possibilité de jouir des plaisirs de la vie malgré la pauvreté, comme le montre ce passage des Lunyu, qui sont les analectes de Confucius : « Manger du riz au naturel et des légumes, boire de l’eau, / appuyer la tête sur le bras : / tout le plaisir est là ».

Un aliment de substitution des “printemps pauvres” Pour beaucoup, toutefois, les namul étaient synonymes de pauvreté. Tout au long de son histoire, la Corée a toujours manqué de denrées alimentaires, soixante-dix pour cent de son territoire étant montagneux et les récoltes n’étant jamais assez abondantes, surtout lors des périodes de disette qui survenaient très fréquemment. Il y a encore un demi-siècle, il fallait être prêt à affronter la famine si redoutée quand venait la « bosse d'orge », cet aspect de la vie d’autrefois que n’ont jamais connu les jeunes d’aujourd’hui. Il s’agissait de la période s’étendant sur les quatrième et cinquième mois du calendrier lunaire, où les réserves de céréales s'amenuisaient, alors que l’orge n'avait pas encore mûri, et où souffraient non seulement les populations rurales, mais aussi l’ensemble du pays. Pendant toute la période de Joseon, des pénuries alimentaires ont souvent succédé aux catastrophes de plus ou moins grande ampleur. Le bon roi Sejong, dans sa grande sagesse, avait fait publier des livres tels que le Guhwang Byeokgokbang, qui non seulement proposait des moyens de lutter contre la famine, comme son titre l’indiquait, en cas de sécheresse ou d'inondation, mais apportait aussi des conseils sur la manière de se procurer des aliments de substitution et de les accommoder en temps de disette. Ils répertoriaient

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Par leur richesse en vitamines et en minéraux qui tonifient l’organisme, les légumes de printemps aident à chasser la fatigue, fréquente en cette période de l’année. Leur haute teneur en fibres, en favorisant leur bonne assimilation, en fait aussi des aliments diététiques très appréciés. ainsi des centaines d'aliments ayant des propriétés nourrissantes, comme l’écorce de pin ou d'orme, les pignons, les fleurs de sarrasin, les gousses de haricots, le taro, la patate douce, les glands, la racine d'Atractylodes dite sapju et le Rumex coreanus appelé en coréen sorujaengi. Pour les ventres affamés, cette “nourriture” remédiait providentiellement à l’absence d’aliments normaux. Il suffisait alors de l’accompagner d’un peu de céréales pour obtenir un repas nourrissant qui tenait dans un bol et sur lequel on versait parfois de l'eau pour en faire une bouillie, dans le but, bien sûr, de rendre le tout plus copieux. Dans le Mongmin Simseo, c’est-à-dire les admonestations sur l’administration du peuple, que rédigea, dans les derniers temps de Joseon, l’illustre érudit Jeong Yak-yong, qui était issu de l'école du confucianisme pragmatique dite silhak, celui-ci souligne à quel point manquait alors cruellement la nourriture essentielle à la survie : « Pendant la famine, on remplace les provisions par des légumes sauvages cueillis dans les montagnes et les champs, auxquels il faut ajouter du sel pour qu’ils soient mangeables. Comme le prix du sel augmente en conséquence, il est recommandé de préparer

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de la sauce de soja, tôt et en quantité suffisante, et d’avoir en réserve du varech et des crevettes séchées ». Le missionnaire canadien James Scarth Gale, qui vécut en Corée à la fin du XIXe siècle, fait quant à lui les remarques suivantes : « Aucun autre peuple ne connaît mieux les variétés de plantes sauvages comestibles que les Coréens ». Il s'émerveillait de voir ceux-ci consommer des pousses de fougère, après les avoir rendues non toxiques en les mettant à tremper dans l'eau. Dans les pays occidentaux, cette plante est classée parmi les espèces toxiques. Aujourd'hui encore, les namul rappellent aux Coréens le souvenir des printemps passés à la campagne dans leur enfance. Yi Haein, religieuse et poète originaire de Yanggu, une ville de la province de Gangwon, s’en souvient ainsi dans ces vers : « Je voudrais héler les amis / qui cueillaient des namul sauvages avec moi, / Je voudrais revoir mes amis d'enfance / qui quelquefois avaient la jalousie dans le regard, / comme la brise fraîche jalouse la saison des fleurs ».

Des vertus alimentaires redécouvertes Ces temps-ci, les namul sont remis au goût du jour en tant qu’aliments bons pour la santé et non plus comme substituts réservés aux périodes de famine. La bourse-à-pasteur (naengi ), l'armoise (ssuk ), l'Ixeris dentata (sseumbagwi ), le chou de printemps (bomdong), l'Aster scaber (chwinamul), le Platycodon grandiflorus (doraji), les pousses d'Aralia cordata Thunb (dureup), le lis d'un jour (wonchuri ), les racines de Codonopsis lanceolata (deodeok), le persil sauvage (dolminari), l'échalote sauvage (dallae) et la ciboulette (buchu) sont autant de légumes de printemps qui, par leur richesse en vitamines et en minéraux tonifiant l’organisme, aident à chasser la fatigue, fréquente en cette période de l’année. Leur haute teneur en fibres, en favorisant leur bonne assimilation, en fait aussi des aliments diététiques très appréciés. Pour les végétariens toujours plus nombreux, les namul sont aussi un aliment de choix. Si des plantes alimentaires très variées sont aujourd’hui disponibles en toute saison, car cultivées en serre, rien ne remplace la saveur d’un légume bien frais tout juste cueilli en montagne ou dans les champs. Quand tombe le vent froid de l'hiver et que les jeunes pousses dressent la tête hors du sol, pourquoi ne pas partir en voyage et célébrer l’arrivée du printemps ? Dans les restaurants renommés qui proposent à leur menu des spécialités de namul sauvages, mais aussi dans les établissements plus traditionnels que l'on trouve aux quatre coins du pays, la joie de goûter à des légumes frais exhalant un parfum de printemps nous inondera au doux souvenir du cycle perpétuel de la vie toujours recommencée. Arts e t cu l tu re d e Co ré e


1 Plusieurs sortes de bom namul , ou légumes de printemps, sur un marché de rue. 2 Salade printanière de namul composés d’échalote sauvage (dallae ), de persil sauvage (minari ) et de Pimpinella brachycarpa (chamnamul) agrémentés d’une sauce au sirop de cédrat.

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© yoanna

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Mode de vie

Une beauté naturelle grâce aux soins traditionnels

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Pour être belles, les femmes faisaient jusqu’ici appel à un dermatologue ou recouraient à la chirurgie esthétique, mais elles semblent désormais s’orienter vers la médecine traditionnelle telle qu’elle est pratiquée en Corée. Elles sont toujours plus nombreuses à apprécier le côté sain de ces soins ancestraux, qui reposent sur un massage uniforme des méridiens du visage afin de stimuler l’afflux d’énergie et de chasser le stress, ce qui redonne tonus aux muscles faciaux et fermeté à la peau fatiguée. Lee Kum-sook Journaliste au Health Chosun | Ahn Hong-beom Photographe

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adame Shim est employée de bureau et, à la trentaine, le massage des méridiens du visage fait pour elle partie du quotidien. Depuis trois ans, elle se rend une fois par semaine au salon de massage et les soins qu’elle y reçoit ont un effet délassant qui lui procurent la sensation d’un grand bien-être, surtout après toute une journée de travail dans le stress. Les premières séances ont été assez douloureuses et les frictions lui provoquaient même des ecchymoses au visage, d’où une certaine déception au regard de leur prix onéreux, qui approchait cent mille wons chacune, soit environ quatre-vingt-dix dollars. La poursuite des soins s’avère cependant bienfaisante, en particulier le matin, où madame Shim constate qu’elle a le visage beaucoup moins enflé au réveil. Elle remarque aussi qu’elle a beaucoup moins de boutons et que sa peau a un aspect plus lisse. Autour d’elle, elle s’entend souvent dire qu’elle a le visage plus menu.

Le secteur en plein essor des soins de beauté traditionnels C’est à l’aube du millénaire que la beauté a fait son entrée dans la médecine traditionnelle, dont l’intervention sur le visage se limitait jusque-là aux traitements d’acupuncture pratiqués en cas de paralysie nerveuse faisant suite à un accident vasculaire cérébral. Pour répondre aux attentes du public, les spécialistes de médecine orientale ont peu à peu trouvé leur créneau sur le marché de la beauté. Depuis, sa taille n’a pourtant cessé d’augmenter et en 2013, elle était de 11,9 mille milliards de wons. Selon une étude réalisée cette même année par l’Institut Samsung de la recherche économique, le secteur coréen de la beauté, médecines occidentale et orientale confondues, se développe au rythme annuel fulgurant de 10,1 % en moyenne et la seconde détiendrait déjà 30 % des parts de marché, ce qui atteste d’une présence non négligeable dans cette industrie. Ces bons résultats ne pouvaient que faire boule de neige et favoriser toujours plus la demande, d’où le besoin de médecins plus nombreux auxquels allaient se joindre, dans le domaine esthétique, des spécialistes du massage de méridiens dûment qualifiés au terme d’une formation sanctionnée par l’examen de l’Association coréenne des méridiens. L’industrie de la beauté poursuivait ainsi son essor grâce à l’apport de la médecine orientale. Depuis quelques années, les salons de massage en franchise se multiplient un peu partout dans le pays. Contrairement aux cliniques ou salons de beauté de petite taille, les établissements franchisés par de grandes entreprises bénéficient de la recherche effectuée dans ce domaine par la maison mère, mais présentent en revanche l’inconvénient d’imposer à leurs clients l’achat d’un forfait de base très coûteux de dix séances.

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1 Le professeur Choi Min-sun pratiquant l’acupuncture esthétique faciale sur une patiente, à l’Hôpital oriental de l’Université Dongguk d’Ilsan. Ce praticien apporte les explications suivantes : « Sur le visage, il y a en même temps cinquante à cent nano-aiguilles en argent plantées aux points d’acupuncture et dans les muscles des méridiens. Il suffit de cinq à dix séances pour obtenir les effets esthétiques d’un lifting facial et assouplir les muscles du visage, ce à quoi s’ajoutent l’apaisement des maux de tête, une diminution de l’insomnie et le traitement des symptômes de la ménopause ». 2 Plantes médicinales en poudre destinées au peeling et nanoaiguilles en argent.

De la beauté à la santé Le massage des méridiens a-t-il vraiment pour effet de réduire la taille du visage ? Une étude clinique réalisée par des praticiens coréens de la médecine occidentale semblerait le confirmer. En 2012, afin de réaliser une analyse comparative scientifique des effets du massage des méridiens et de l’injection de Botox, le service d’odontologie du Centre hospitalier universitaire de Yonsei a fait pratiquer ces massages pendant dix semaines, à raison de deux séances par semaine, sur dix femmes âgées de K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

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vingt à quarante-neuf ans. Une comparaison du volume du visage des sujets avant et après ces interventions a révélé qu’il avait diminué en moyenne de 731 mm3 suite à une réduction de la masse musculaire des pommettes et des mâchoires qui atteignait respectivement 0,4 et 0,44 mm. L’équipe de chercheurs a souligné à ce propos : « L’effet obtenu sur la taille du visage est à peu près le même qu’avec le Botox ». En médecine orientale, un système méridien est une voie de transmission de l’énergie vitale, tout comme les vaisseaux pour le sang ou les nerfs pour les stimuli. Le corps en comporte douze principaux et à l’intérieur de chacun, l’énergie se concentre plus particulièrement en un endroit appelé point méridien, qui est comparable à une gare de chemin de fer. Le massage des méridiens vise à rétablir l’équilibre du système nerveux neuro-végétatif et à favoriser la capacité de l’organisme à se guérir par lui-même en agissant sur les points d’acupuncture et sur les liaisons qui les relient entre eux. L’énergie ainsi libérée stimule l’activité cellulaire et la circulation du sang, ce qui a sur le teint un effet bénéfique dont les patients sont d’autant plus satisfaits qu’il est immédiat. Pour ce qui est de ses effets à long terme de ces massages, beaucoup disent qu’ils sont bienfaisants contre certaines douleurs, les problèmes de digestion, la digestion et l’obésité. D’autres affirment aussi qu’un massage régulier des méridiens accroît la circulation d’énergie, remédie aux déséquilibres musculaires ou aux asymétries des organes articulatoires et stimule le métabolisme des organes internes, l’ensemble de l’organisme s’en trouvant ainsi fortifié et débarrassé de sa graisse superflue. En mettant en avant l’efficacité de cette pratique pour perdre du poids et retarder le vieillissement, les kinésithérapeutes y convertissent leurs clients soucieux de paraître jeunes et minces aussi longtemps que possible. Les salons qui proposent ces massages ne l’appliquent pas seulement à la thérapie faciale, mais peuvent aussi les réaliser sur tout ou partie du corps, comme sur le bassin, les membres inférieurs ou les bras. Madame Lee, une femme d’une trentaine d’années, souffrait d’un problème de hanche depuis son accouchement. Il en résultait un certain déséquilibre dans les proportions de sa silhouette et comme ce défaut ne faisait que s’accentuer avec le temps, il finissait par la complexer, car elle était consciente de ce que son visage et le haut de son corps étaient trop petits par rapport à ses membres inférieurs assez gros. Elle s’est donc décidée à consulter un spécialiste du massage de méridiens, lequel lui a appris l’existence de ce problème responsable de sa façon de se tenir et de la mauvaise circulation de l’énergie dans son corps, d’où les œdèmes qu’elle constatait au niveau de ses membres inférieurs. Après une série de vingt séances qui lui ont coûté plus de deux millions de wons, elle se dit aujourd’hui satisfaite des résultats obtenus, persuadée que les massages administrés sur tous les méridiens de son corps ont rétabli son équilibre pelvien.

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La pratique de l’auto-massage Quand le massage de méridiens a démontré son efficacité, la possibilité de se l’administrer soi-même a fait l’objet de nombreux livres aux

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Le massage des méridiens vise à rétablir l’équilibre du système nerveux neuro-végétatif et à favoriser la capacité de l’organisme à se guérir par lui-même en agissant sur les points d’acupuncture et les liens qui les regroupent en ensembles. L’énergie ainsi libérée stimule l’activité cellulaire et la circulation du sang, ce qui a sur le teint un effet bénéfique dont les patients sont d’autant satisfaits qu’il est immédiat.

titres tels que L’amincissement du visage, Le Yoga facial et autres parutions à succès. Il faut toutefois savoir que les techniques qui y sont décrites diffèrent radicalement de la pratique d’origine, qui consiste en une stimulation de systèmes et points méridiens spécifiques. Ces ouvrages ne font qu’expliquer comment se masser soi-même pour alléger sa masse musculaire faciale et rendre ainsi le visage plus ovale, par une action sur la peau et le tissu conjonctif. Ils proposent une douzaine de techniques de massage différentes à l’intention de ceux qui souhaitent avoir les mâchoires plus triangulaires, le front plus étroit ou le nez plus long, ou encore faire disparaître les rides des coins de la bouche et donner au visage un aspect doux et naturel malgré le maquillage. Ceux qui en ont fait usage le confient plus volontiers après avoir lu ces livres. Ils prétendent se trouver le visage plus ovale depuis qu’ils ont pris l’habitude d’exercer de petites pressions des doigts sur les muscles du contour du visage, des oreilles et du crâne, à raison de cinq à dix minutes par jour, comme ils l’avaient lu.

Le rajeunissement des traits par l’acupuncture La médecine orientale offre un moyen plus radical de prendre soin de sa beauté, à savoir l’acupuncture esthétique. Aussi efficace que la chirurgie classique et supprimant l’incision au scalpel, elle séduit toujours plus en Corée, mais aussi en Chine, au Japon, au Vietnam, aux États-Unis et ailleurs. Le traitement le plus courant consiste à stimuler la production de collagène par une action sur le derme. L’une de ses variantes, dite d’« acupuncture par insertion », permet de faire disparaître les rides, par un effet lissant, en insérant sous la peau du visage ou de la poitrine du fil chirurgical imprégné d’une solution à base de plantes médicinales qui se désagrégera dans les tissus et y sera absorbé en une semaine ou deux. Alors que madame Shim a la trentaine, on lui donnait souvent la quarantaine à cause des rides qui creusaient les coins de sa bouche. Décidée à paraître plus jeune, elle a suivi un régime draconien qui lui a aminci le visage, mais, du même coup, a rendu ses rides encore plus profondes. En désespoir de cause, elle a entrepris des séances d’acupuncture par insertion et, un mois après, se dit satisfaite d’avoir un visage plus ferme, à la peau plus souple et aux rides moins visibles, qu’elle entend d’ailleurs faire disparaître tout à fait par de nouvelles interventions. En permettant de rallonger le nez de plus de trois millimètres ou de raffermir le contour du visage quand les muscles s’affaissent, cette technique séduit aussi les femmes qui hésitent à tenter la chirurgie esthétique. Un fort désir d’améliorer son apparence se manifestant désormais à tout âge et chez les deux sexes, il est à prévoir que le marché de la beauté s’ouvrira toujours plus à la médecine orientale. En Corée, nombreux sont les établissements formant à cette discipline qui créent des cursus esthétiques venant compléter ceux consacrés aux matières scientifiques. En comparaison des interventions chirurgicales ou de la pose de prothèses réalisées en médecine occidentale, les pratiques esthétiques de la médecine orientale exigent davantage de patience de ceux qui y recourent, étant donné la difficulté de fournir des résultats immédiats, outre que la satisfaction finale varie beaucoup selon les personnes. Chez les femmes, elles suscitent néanmoins un intérêt réel parce qu’elles font appel à l’auto-guérison et qu’elles procèdent en induisant des changements naturels dans les tissus et le fonctionnement des organes internes plutôt qu’en provoquant ces changements par des moyens artificiels. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

1 À propos de l’utilisation de ventouses, le professeur Choi Min-sun précise : « L’assouplissement des muscles rigides des épaules permet une meilleure circulation du sang au niveau du visage ». 2 Le peeling aux plantes orientales est un procédé de rajeunissement de la peau par exfoliation et régulation de la sécrétion de sébum sur le visage, qui sont réalisées en stimulant doucement l’épiderme avec de minuscules fragments d’herbe.

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Aperçu de la littérature coréenne

Critique

Des mots qui traduisent un doux regard sur le monde Chang Du-yeong Critique littéraire

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n évoquant Park Chan-soon, on ne manque jamais de s’étonner un peu de son entrée tardive en littérature. Ce n’est qu’en 2006, à l’âge de soixante ans, qu’elle s’est illustrée pour la première fois en étant récompensée par le prix du concours littéraire du Chosun Ilbo pour sa nouvelle Les brochettes d’agneau de Garibong. L’inconnue qu’elle était alors allait d’autant plus éveiller la curiosité, tant dans les milieux littéraires, fascinés par l’histoire de sa vie et sa brusque irruption dans cette carrière, que chez les lecteurs intéressés par ce nouveau départ à un âge où on prend d’habitude sa retraite. La critique s’est fait l’écho de cette attention, qui saluant en elle une « femme écrivain sexagénaire épanouie », qui voyant dans ses œuvres « un mélange de légèreté du XXIe siècle et de gravité des années soixante », à l’instar de Kim Byeong-ik. Huit ans et deux recueils de nouvelles plus tard, ce succès n’a pas passé comme un feu de paille. Son premier recueil de nouvelles, Un jardin de style Balhae (2009), se situe dans différents pays se prêtant à l’évocation de nombreux sujets exotiques tels qu’une jageusani , cette variété de carpe, un nid de salangane, une forêt souterraine, des sophoras, une cristallerie, la pose des turbans ou l’immobilité de la mante religieuse. Face à tant de diversité thématique, on ne peut que se demander d’où l’auteur tire son inspiration et comment elle parvient à créer de si belles histoires à partir d’éléments aussi différents. À cet égard, Un jardin de style Balhae semble proclamer que ce n’est pas l’âge qui compte. Il faut aussi se souvenir que l’écrivain a d’abord été une traductrice à la carrière bien remplie. Après des études de littérature anglaise, Park Chan-soon s’est lancée avec succès dans cette activité, livrant d’innombrables scripts de séries télévisées et films étrangers en langue anglaise dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Certaines de ses nouvelles évoquent d’ailleurs les difficultés que rencontrent interprètes et traducteurs. Dans Lip Sync, le traducteur des commentaires d’un film documentaire qui fait découvrir au public coréen l’avocette, un oiseau de la Réserve naturelle anglaise de Minsmere, conte l’épreuve qu’a représentée son travail : « J’ai sué à grosses gouttes pour traduire ce seul

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nom ! ». Dans La République des troches, un interprète lance : « Cette langue étrangère qui me rentre par les oreilles, à un âge où j’ai déjà beaucoup vécu, en construisant et reconstruisant sans cesse des choses, il me faut la mélanger et la confronter aux ingrédients de mon expérience, puis la démêler pour en faire des fils de soie... Combien de jours de nuits ai-je souffert cruellement pour y parvenir ?!». L’œuvre de Park Chan-soon tend à démontrer qu’un bon bagage de connaissances et d’inlassables recherches sont aussi indispensables à un écrivain qu’à un traducteur. Comment saisir les moindres nuances de chaque mot si l’on ne connaît pas toute la richesse culturelle et sémantique qu’il renferme. L’érudition qui transparaît dans toute l’œuvre de Park Chan-soon, ainsi que sa connaissance de la culture occidentale, lui viennent évidemment de ses études universitaires et du travail de traductrice qu’elle a exercé. La variété des sujets ne résulte pas chez elle d’une démarche délibérée visant à attirer l’attention du lecteur, mais d’une exigence qui s’impose au rendu vivant du thème et à la création d’une atmosphère. Elle ne repose pas sur un vernis de culture acquis dans les encyclopédies, mais d’un savoir construit jour après jour, nuit après nuit, au prix de durs et assidus efforts. En ce sens, le travail accompli par Park Chan-soon la traductrice a constitué un véritable parcours du combattant qu’il lui a fallu suivre pour passer au métier d’écrivain. Loin d’être le fait du hasard, ces débuts tardifs sont l’aboutissement de dizaines d’années de formation de son intellect aux productions de l’imagination créative. Contrairement à son premier recueil de nouvelles, qui prenait pour décor des contrées exotiques, le deuxième, intitulé Les coccinelles volent tout là-haut (2013), situe le plus souvent l’intrigue en Corée, ou tout du moins comporte nombre d’aspects relatifs à ce pays. Après s’être un temps attachée à dépeindre les aspects insolites de certains pays étrangers, l’auteur porte aujourd’hui son regard sur ce qui l’entoure et accomplit un travail d’imagination au sujet d’incidents susceptibles de se produire tout près d’elle. Mais en principe, n’est-ce pas justement le rôle d’un traducArts e t cu l tu re d e Co ré e


teur que d’observer minutieusement tout ce qui est autour de lui ? C’est par cette contemplation solitaire du monde que le traducteur acquiert une profonde compréhension de celui-ci. Dans Les coccinelles volent tout làhaut , comme dans son premier recueil, l’auteur s’acquitte avec rigueur de la tâche du traducteur, qui est de transmettre avec fidélité le discours d’autrui en le formulant avec exactitude. Témoin des paroles et actes de ces gens qui l’entourent et que l’on appelle « les autres », elle s’intéresse aussi à leurs rêves et à leur détresse. C’est à l’écrivain qu’il incombe d’accorder toute l’attention nécessaire à ceux dont personne ne se soucie d’ordinaire, afin de révéler leur existence par la fiction.

© Park Jai-hong

« Il me semble entendre depuis toujours la voix de ceux qui m’entourent. Il me semble ne pas entendre de la même manière les histoires que viennent me raconter ces jeunes, sans que je puisse apporter de solution à leurs problèmes. C’était le cas de ce jeune homme à la voix grave qui suait sang et eau au Complexe industriel de Sihwa. À la fleur de l’âge, ces jeunes se sont retrouvés livrés à eux-mêmes dans un monde de concurrence effrénée, de souffrance et de vie difficile. Les préoccupations du jeune Allemand que nous avons rencontré à la Casa de la Música de Cuba et celles de l’homme qui mangeait des raviolis dans un restaurant de Dandong ne sont guère différentes de celles des jeunes de notre pays. En prenant un peu de recul pour mieux les observer, on découvre que ce sont tous des enfants sauvages, des créatures belles comme les coccinelles à la carapace éclatante ». (Extrait des notes de l’auteur pour Les coccinel-

les volent tout là-haut )

Park Chan-soon Les nouvelles de Park Chan-soon parlent de gens très différents par leurs lieux de vie et professions, mais dont l’équilibre est toujours très précaire, comme ces laveurs de vitre qui travaillent sur les gratte-ciel sans la plus élémentaire protection. Cette romancière de fraîche date a atteint l’épanouissement de son art dans le contact qu’elle établit avec ces personnages par une écriture à la fois tendre et intense. K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014

Les nouvelles de Park Chan-soon parlent de gens très différents par leurs lieux de vie et professions, mais dont l’équilibre est toujours très précaire, comme ces laveurs de vitre qui travaillent sur les gratte-ciel sans la plus élémentaire protection. Cette romancière de fraîche date a atteint l’épanouissement de son art dans le contact qu’elle établit avec ces personnages par une écriture à la fois tendre et intense. Comme enfermés dans un labyrinthe, ils errent et s’égarent, incapables de trouver leur chemin. Celui ou celle qu’ils attendaient n’arrive pas et ils sont tétanisés par l’impression pénible que toute tentative de fuite est vouée à l’échec. Accablés par ce sentiment d’impuissance, par la solitude et la souffrance, ils en sont réduits à survivre. Grâce au sens aigu de l’observation de l’ancienne traductrice, le lecteur est en mesure de s’identifier à ces êtres exténués par la vie et à ses sentiments. Une si profonde compréhension est sûrement ce qui donne toute sa force à l’étude attentive et bienveillante livrée par l’auteur. Celle-ci ne s’empresse pas pour autant de redonner espoir à ces âmes lasses de la vie. Pas plus qu’elle ne propose de solution toute faite pour échapper à leur oppressante solitude. Toutes les histoires que conte ce recueil s’achèvent au moment même où le lecteur commence à vaguement sympathiser avec un personnage. Quand il refermera le livre, certains mots résonneront encore nettement à son esprit. Le yukizuri triangulaire soulevant les branches des êtres à bout de forces, le fil d’Ariane, cette petite pelote de fil d’or de la mythologie grecque, la coccinelle à l’éclatant dos : autant de mots qui apportent le soulagement tant attendu aux personnages de ces nouvelles, d’une manière à la fois simple et digne.

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Image de Corée

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évrier est arrivé et, déjà, je sens mon cœur s’impatienter dans l’attente du printemps, en sentant la douce chaleur du soleil qui illumine la neige, tandis que je fais les cent pas sous un abricotier de cette cour de temple nichée au creux des montagnes. J’y suis venu, comme toujours quand les bourgeons se font plus gros sur les arbres et les tiges de millet, prétendument dans le but de prier Bouddha, mais dès mon arrivée, je n’ai d’yeux que pour les rameaux fleuris. Mon cœur a beau être en émoi, abricotiers, cerisiers, camélias et saules ne sortiront un à un de leur torpeur hivernale que dans un mois, alors que les premières pousses d’adonis, à la faveur d’un rayon de soleil, percent déjà de leur tête jaune le tapis de feuilles mortes que recouvrent encore les dernières neiges. À cette époque de l’année, ce n’est pas dans les vallées, les champs et les jardins que l’on voit s’éveiller la nature, mais sur les campus des universités. En même temps, ils s’animent des cérémonies de remise des diplômes où les étudiants coifferont enfin le chapeau carré, au terme d’un long parcours qui les a vus s’initier aux mystères de l’orthographe et du calcul, en maternelle puis au primaire, avant de se lancer dans une course éperdue, pendant les dix années et plus qu’ils passeront au lycée et à l’université, pour décrocher de précieux diplômes sanctionnant d’innombrables concours. Ces mêmes universités ont elles aussi bourgeonné, puisqu’aux cinquante-deux que comptait la Corée en 1960, se sont ajoutées, depuis, deux cent quatre-vingt-treize autres. Dans ce pays de quarante-huit millions d’habitants, soixante et onze pour cent de tous les lycéens entreprennent des études à l’université, ce qui porte l’effectif total de ces établissements à près de trois millions d’étudiants, soit six cent quinze pour dix mille habitants, alors que ce chiffre est de cinq cent deux aux États-Unis. Quand vient le printemps, six à sept cent mille diplômés sortent de l’enseignement supérieur, comme autant de fleurs jaillissant sur tous les campus du pays. Malheureusement, la saison nouvelle sera de courte durée, car les beaux jeunes gens dans la fleur de l’âge qui arborent chapeaux et toges académiques n’auront guère le temps de savourer les joies de la vie et le fruit d’un savoir durement acquis. C’est pour les offres d’emploi que s’affole leur cœur inquiet, tandis que la jeunesse et ses plaisirs s’évanouissent à l’approche de l’entrée sur le marché du travail. Ce printemps fleuri céderait-il déjà la place aux ardeurs de l’été qui précipitent chacun dans une course en avant ? Dans les montagnes, les champs et les cours des temples, les premières fleurs n’ont pas encore éclos...

Un bien éphémère printemps Kim Hwa-young Critique littéraire et membre de l’Académie nationale des arts de Corée

K o r e a n a ı P r i n t e mp s 2014


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THE US REBALANCING TOWARD ASIA: ESSAYS BY

Patrick M. Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Kang Choi & Noboru Yamaguchi CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES

Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEA

By Nguyen Manh Hung

BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST

By Pavin Chachavalpongpun

PLUS

Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga Book Reviews by David C. Kang, Börje Ljunggren & John Delury

THE US REBALANCING TOWARD ASIA: ESSAYS BY

PLUS

THE US REBALANCING TOWARD ASIA: ESSAYS BY CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES

PLUSEmerging Role of Indo-Pakistan Border States The Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States Book Reviews byEconomic David C. Kang, Young-hoon Lee Reform in North Korea Börje Ljunggren & John Delury Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga Book Reviews by David C. Kang, Börje Ljunggren & John Delury

US$15.00 Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Patrick M. Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, W15,000 Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan | A JOURNAL THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG 7, NUMBER Kang Choi &OF Noboru Yamaguchi Tridivesh Singh VOLUME Maini & Manish Vaid 4, WINTER 2012

The US ‘Pivot’ to Asia

Patrick M. Cronin, MichaelPark McDevitt, Wu Xinbo, Reflections by Won-soon & Tae-won Chey Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEA Kang Choi & Noboru Yamaguchi By Nguyen Manh Hung CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES

BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey By Pavin Chachavalpongpun DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEA

By Nguyen Manh Hung

BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST

By Pavin Chachavalpongpun

Is It Just About Containing China?

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

The US ‘Pivot’ Theto US ‘Pivot’ Asia to Asia PLUS

Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan

By Nguyen Manh Hung

Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga PLUS Reviews by David C. Kang, Book Georgiy Voloshin ChinaDelury as a Stabilizer in Central Asia Börje Ljunggren & John Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid US$15.00 The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES W15,000 Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea | WWW.GLOBALASIA.ORG A JOURNAL OF THE EAST ASIA CHINA FOUNDATION VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012 Peter Hayes A|Breakthrough Six-Party Summit in 2013? DRAWING A LINE IN THE SOUTH SEA US$15.00 THE US REBALANCING TOWARD ASIA: ESSAYS BY PLUS By Nguyen Manh Hung Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga W15,000 Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Patrick M. Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, BURMA IN THE CHAIR IN 2014, LAST A. Book Reviews David C. 7, Kang, | Bitzinger, |byVOLUME Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser,ATRichard A JOURNAL OFASEAN THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG NUMBER 4, Afghanistan WINTER 2012 Ramesh Thakur The New Great Game in Börje Ljunggren & John Delury By Pavin Chachavalpongpun Kang Choi & Noboru Yamaguchi Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES South Korea Leading the Way Into a New World ofLee Social Enterprises Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey Young-hoon Economic Reform in North Korea Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEA By Nguyen Manh Hung Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga US$15.00 BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST Book Reviews by David C. Kang, W15,000 Börje Ljunggren & John Delury By Pavin Chachavalpongpun BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, LAST BY THE US REBALANCING TOWARD ASIA:AT ESSAYS

By Pavin Patrick M.Chachavalpongpun Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Kang Choi & Noboru Yamaguchi

The US ‘Pivot’ Theto US ‘Pivot’ Asia to Asia The US ‘Pivot’ to Asia The US ‘Pivot’ to Asia

A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

Is It Just About Containing China? US$15.00 Is It Just About W15,000 | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION Containing China? THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

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Rudiger Frank RollingEnterprises Reforms: Reflections Mel Gurtov, MiroslavSouth Nincic,Korea Walter C. Clemens, Jr., Into a New Leading the Way World of Social on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe Stein Tønnesson Steps Forward for China

to Resolve the South China Sea Disputes Is It JustMark About J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Development Possibilities in the South China Sea Containing Book China? Reviews by John Delury

JAPAN’S DANGEROUSSouth GAMBLE ON ‘ABENOMICS’ Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises

By Gongpil Choi

and Taehwan Kim

Is It Just About Containing China?

THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

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Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections Mel Gurtov, Miroslav Nincic, Walter C. Clemens, Jr., W15,000 on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 2, SUMMER 2013 J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

PLUS

Stein Tønnesson Steps Forward for China Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections to Resolve the South China Sea Disputes on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe Development Possibilities in the South China Sea THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION Stein Tønnesson Steps Forward for China POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews by John Delury JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON ‘ABENOMICS’ to Resolve the South China Sea DisputesHave and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin By Gongpil Choi Squares Off Against Rafizi Ramli you tried Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint ourChina iPad Sea or Development Possibilities in the South THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION Android tablet POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews by John Delury editions? Have and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin Squares Off Against Rafizi Ramli See p.3 you tried South Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises our iPad or US$15.00 Android tablet editions? W15,000 p.3 A JOURNAL OF THE EAST FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG VOLUME 8, NUMBERSee 2, SUMMER 2013 SouthASIA Korea Leading the| Way Into a New World of|Social Enterprises JAPAN’S DANGEROUS ON ‘ABENOMICS’ Mel Gurtov, MiroslavGAMBLE Nincic, Walter C. Clemens, Jr., By Gongpil Karin J. Lee,Choi Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly

Positive Engagement with North Korea, Iran and Myanmar

PLUS

US$15.00 Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier W15,000 Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, Shalendra D. Sharma From8,Meltdown | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THEMiller EAST & ASIA NUMBERto1,Bounceback: SPRING 2013 Jonathan Berkshire LiliaFOUNDATION Shevtsova How South Korea Weathered the 2008 Financial Crisis RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

Gilbert Rozman, By Inkyo CheongTakashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA? Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

PLUS

Andy YeeLind When Will Japan Tap Its Potential? Jennifer Beware the Tomb of Internet the Known Soldier Saroj Kumar Drugs in Meltdown India Are atoSecurity Threat Shalendra D. Rath Sharma From Bounceback: How South Korea Wu Weathered 2008 Financial In Focus: Taiwan Yu-shan,the Chen Tain-jy & ChuCrisis Yun-han

Andy Yee WhenbyWill Japan Tap Its Internet Potential? Book Reviews John Delury We and Taehwan Kim Drugs in India Are a Security Saroj Kumar Rath now have Threat an iPad and Yun-han In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada Android tablet ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA Book Reviews by John Delury edition! We and Taehwan Kim By Mark J. Valencia See p.5 now have an iPad and US$15.00 Android tablet edition! W15,000 See A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 1,p.5 SPRING 2013 ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA By Inkyo Cheong By Mark J. Valencia THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

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RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY

Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, By Inkyo Cheong Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA? THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada By Inkyo Cheong

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THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA? By Mark J. Valencia Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY

By MarkRozman, J. Valencia Gilbert Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova

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In Focus: Wu Japan Yu-shan, Chen Tain-jy &Potential? Chu Yun-han Andy YeeTaiwan When Will Tap Its Internet Book Reviews by John Delury Saroj Kumar Rath Drugs in India Are a Security Threat We and Taehwan Kim now have In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Yun-han an iPad Book PLUS Reviews by John Delury Android and Wetablet and Taehwan Jennifer LindKim Beware the Tomb of the Known edition! now haveSoldier anSee p.5and iPad Shalendra D. Sharma From Meltdown to Bounceback: Android tablet How South Korea Weathered the 2008 Financial Crisis edition! US$15.00 Andy Yee When Will Japan Tap Its Internet Potential? W15,000 See p.5

Saroj Kumar Rath Drugs in8,India Are a Security Threat | VOLUME A JOURNAL ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG NUMBER 1, SPRING 2013 THE DEBATE:OF IS THE THE EAST TPP AIMED AT THWARTING |CHINA? US$15.00 RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY PLUS

In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & ChuW15,000 Yun-han Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier ASSESSING CODE OF CONDUCT FOR SOUTH SEA Book Reviews|byVOLUME John Delury | CHINA A JOURNAL THE EAST ASIA WWW.GLOBALASIA.ORG 8, NUMBER 1, SPRING 2013 Joon HyungAOF Kim, Haksoon Paik,FOUNDATION LeonTHE V. Sigal, Shalendra D. Sharma From Meltdown toWe Bounceback: and Taehwan Kim By Mark J.Berkshire Valencia Miller & Lilia Shevtsova Jonathan have Crisis How South Korea Weathered the 2008now Financial

New Leaders, New Dangers in New Leaders, Northeast Asia New Dangers in Northeast Asia

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THE TPP ANDIn THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Taiwan Andy Yee When WillCountries Japan Tap in ItsAndroid Internet tablet Potential? By Inkyo Cheong THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

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US$15.00 W15,000 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 1, SPRING 2013 TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY PLUS

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Billo A WayCountries to Peace inin theTaiwan South China Sea InRichard This Issue: We Start a New Regular SectionAndrew Profiling Asian Yun Byung-se, Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: What Will It Take to End 60 Years of War?

NON-WESTERN AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS In DEMOCRACIES This Issue: We Start a New Regular SectionHaruki Profiling Asian Countries in Taiwan Wada Korea’s War, Armistice and Legacy By Alexei D. Voskressenshi. THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY

Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor

Book Reviews by John Delury, Taehwan Kim, Nayan Chanda and David Plott

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New Leaders, New NewDangers Leaders,in Yun Byung-se, RichardNortheast Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles Asia By Alexei D. Voskressenshi. New Dangers A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandrein Y. Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan Northeast Asia Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY

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Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles W15,000 A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style A JOURNAL Myung-bok OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 3, FALL 2013 Mansourov, Bae & Mohamed Jawhar| Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS

PLUS Will It Take to End 60 Years of War? What Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style Book Reviews by John Delury, Taehwan Kim, Chung-in Moon North Korea THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY Nayan Chanda and David Plottvs. South Korea: What Will It Take to End 60 Years of War? NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS Have Haruki Wada Korea’s War, Armistice and youLegacy By Alexei D. Voskressenshi. tried our Kim, Book Reviews by John Delury, Taehwan iPad or Android tablet THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY Nayan Chanda and David Plott editions? Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor Have See you p.57 tried our iPad or In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan Android tablet editions?US$15.00

How East Asia Can Secure New Leaders, New Dangers in a Peaceful Northeast Asia Future In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan

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| VOLUME 8, NUMBER 3, FALL 2013

A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION

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| VOLUME 8, NUMBER 3, FALL 2013

THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY PLUS Hee Park The Double Life of Shinzo Abe J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly Cheol Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections Mel Gurtov, Miroslav Nincic, Walter C. Clemens, Jr., Stein Tønnesson Steps Forward for China on Visits to Kim Jong Un’s North Korea JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON Stangarone, ‘ABENOMICS’ South Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stuart to Resolve the South China Sea Disputes By Gongpil Hyunjin Choi Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly J. Thorson, Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe

Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY Hassan PLUS Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: Andrew A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles What WillBillo It Take to End 60 Years War? ThisYizhou, Issue:Yoshihide We Start a New Regular Profiling Asian inofTaiwan NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS A. Kupchan, In Wang Soeya, Alexandre Y.SectionHaruki Jung-Sun Park WhyCountries ‘Gangnam Style’ Isn’tLegacy Hallyu Style Wada Korea’s War, Armistice and By Alexei D. Myung-bok Voskressenshi. Mansourov, Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea:

THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION POSSIBLE IN MALAYSIA? THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON ‘ABENOMICS’

New Leaders, New Dangers in Northeast AsiaEast Asia How

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In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan

TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY

Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Stein Tønnesson Steps Forward for China Development Possibilities in the South China Sea to Resolve the South China Sea Disputes Book Reviews by John Delury Mark J. Valencia Joint Have and Taehwan Kim& Hong Nong Exploring you Development Possibilities in the South China Sea tried our iPad Book PLUS Reviews by John Delury Android or tablet Have and Taehwan Kim Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections editions? you tried on Visits to Kim Jong Un’s North Korea See p.3 or our iPad Android Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe tablet editions? US$15.00 Stein Tønnesson Steps Forward for China W15,000 See to Resolve the South China Sea Disputes p.3

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Future Andrew Squares Off Against Graeme McGregor By AlexeiMarkus D. Voskressenshi. THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY

Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY

Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan

NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS

Book Reviews by John Delury, Taehwan Kim, What It Take toDavid End 60 Years of War? NayanWill Chanda and Plott Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy Have Book Reviews by John Delury, Taehwan youKim, tried Nayan Chanda and David Plott our iPad or Android tablet Have PLUS editions? you China tried Sea Andrew Billo A Way to Peace in the South SeeiPad p.57 our or Style Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Android tablet editions? Chung-in Moon North Korea vs. South Korea:

See p.57 US$15.00 What Will It Take to End 60 Years of War?

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By Gongpil Choi A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 2, SUMMER 2013 Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint

Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy By Alexei D. Voskressenshi. A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG VOLUME NUMBER 3, FALL 2013 Book Reviews by| John Delury,8,Taehwan Kim,

THE Gurtov, DEBATE:Miroslav IS POLITICAL RECONCILIATION Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections W15,000 Mel Nincic, Walter C. Clemens, Jr., POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews John Delury | WWW.GLOBALASIA.ORG | by A JOURNAL THE Lankov, EAST ASIA FOUNDATION VOLUME 8, NUMBER on Visits to Kim Jong Un’s North Korea 2, SUMMER 2013 Karin J. Lee, OF Andrei Troy Stangarone, Stuart Have and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin Squares Off Against Rafizi Ramli J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly

Andrew Billo A Way to Peace in the South ChinaW15,000 Sea Yun Byung-se, Richard Ned Tae-Seop Charles Andrew Markus Squares OffLebow, Against GraemeBahng, McGregor Have | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THE EAST Yoshihide ASIA FOUNDATION 8,Style’ NUMBER 3, FALLStyle 2013 A. Kupchan, Wang Yizhou, Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Isn’t you Hallyu tried Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South ourKorea: iPad or Android See our redesigned In This website, Issue: Our www.globalasia.org, New Section Focusing for analysis, on It Asia's debates, Less archives Nations more What Will Take to EndProminent 60 Years ofand War? tablet

THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

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Iran and Myanmar

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 2, SUMMER 2013

PositiveInEngagement This In Focus: Issue:How We Start to Break a New the Regular Deadlock Section in the South Profiling China Asian SeaCountries in Taiwan with North Korea, Iran and Myanmar

Sticks Before Sticks

Jung Young Moon A Most Ambiguous Sunday, and Other Stories

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Jung Mi-kyung My Son’s Girlfriend: Stories

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Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas

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Hardjapamekas and Have Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya & John Delury Jonathan Berkshire Miller PoliticsNeeds Continues Chill Dewi Fortuna Anwar,&Stephen Norris, James Castle, youatried Andy Ye Why Taiwan’s ICT Sector NewtoModel Adil W. Surowidjojo Syed Farid Alatas Japan-South Korea Relations our A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and iPad or Trumps Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism Andr CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE CHINA SEA DISPUTES oid Andy YeSecurity Why Taiwan’s ICTin Sector Needs a New tableModel Adil W. Surowidjojo & Syed FaridEAST Alatas t Human Concerns Myanmar editions? By Mark J. Valencia Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism Trumps See p.107 Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES Human Concerns in Myanmar Won andSecurity Yamamoto Tadashi WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE By Mark J. Valencia Paul Theby Passing ofS. 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Hardjapamekas and Jonathan Berkshire Miller Politics Continues to Chill Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, W15,000 Andy Ye Why Taiwan’s ICT Sector Needs a New Model Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas Japan-South Korea Relations A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and US$15.00 | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION NUMBER 4,aWINTER 2013 Pavin Ye Chachavalpongpun Western Pragmatism Trumps Andy Why Taiwan’s ICT8, Sector Needs New W15,000 Model Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES Human Security Concerns inWestern Myanmar INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY PLUS Chachavalpongpun Pavin Pragmatism Trumps | DISPUTES | VOLUME 8, NUMBER By MarkNEW J. Valencia A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG 4, WINTER 2013 CHINA’S AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA Jonathan Berkshire Miller Politics ContinuesKim to Chill Paul Evans The Passing of in Robert Scalapino, Kyung Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, Human Security Concerns Myanmar By Mark J. Valencia Japan-South Korea Relations Won and Yamamoto Tadashi A. Lin Neumann, Erry Hardjapamekas and WILL JAPAN’S PLAN TO R. EXERCISE ITS COLLECTIVE Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung SELF-DEFENSE RIGHT MAKE MORE OR LESS SECURE? Andy Ye Why Taiwan’s ICTS.Sector Adil Surowidjojo &CHALLENGES SyedASIA FaridITS Alatas Book Reviews by Samuel Kim Needs a New Model INDONESIA AND THE OF GROWTH: ESSAYS BY PLUSand Won Yamamoto Tadashi WILLW. JAPAN’S PLAN TO EXERCISE COLLECTIVE Have to Chill Gui Yongtao Off Against Yuichi & JohnReviews Delury Jonathan Berkshire Miller Politics SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIANorris, MORE ORHosoya LESS SECURE? Pavin Chachavalpongpun Pragmatism Dewi FortunaSquares Anwar, Stephen James Castle, Book by Samuel S.Western Kim Continues you tried Trumps CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES Japan-South Korea Relations Human Security Concerns in Myanmar GuiLin Yongtao Squares OffHardjapamekas Against Yuichi Hosoya A. Neumann, Erry R. and & John Delury ourHave or By Mark J. Valencia youiPad AndyEvans Ye Why Taiwan’s SectorAndr Needs atried New Model oid Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas Paul The PassingICT of Robert Scalapino, Kim table tKyung our iPad editi ons?or Trumps Won and Yamamoto Tadashi WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE Andr Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism tablet Seeoid CHINA’S NEW AIR ZONE ANDASIA THE MORE EAST CHINA SEA DISPUTES SELF-DEFENSE RIGHT MAKE OR LESS SECURE? editip.107 Human SecuritybyConcerns inKim Myanmar Book Reviews Samuel S. ons? By Mark J. Valencia Have See Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya p.107 & John Delury Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung US$15.00 you tried Won and Yamamoto Tadashi WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE W15,000 our iPad orUS$15.00 SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIA MORE OR LESS |SECURE? Andr 4, WINTER Book Reviews|byVOLUME Samuel S. table t 2013 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG 8,Kim NUMBER oid W15,000 Have editi Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya ons? & John Delury you A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 4,p.107 WINTER 2013 See tried our iPad or Android table t US$15.00 editions? W15,000 See p.107

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 1, SPRING 2013

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 4, WINTER 2013 US$15.00 W15,000 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 4, WINTER 2013

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Park Wan-suh Lonesome You: Stories

Jang Eun-jin No One Writes Back

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

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The US ‘Pivot’

INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY

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Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

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CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES

By Mark J. Valencia INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY Dewi FortunaPLAN Anwar, James Castle, WILL JAPAN’S TOStephen EXERCISENorris, ITS COLLECTIVE A. Lin Neumann, ErryMAKE R. Hardjapamekas SELF-DEFENSE RIGHT ASIA MORE ORand LESS SECURE? Adil W. Surowidjojo & Off Syed Farid Alatas Gui Yongtao Squares Against Yuichi Hosoya CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES

By Mark J. Valencia

WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIA MORE OR LESS SECURE?

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PLUSEmerging Role of Indo-Pakistan Border States The Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States Book Reviews byEconomic David C. Kang, Young-hoon Lee Reform in North Korea Börje Ljunggren & John Delury Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga Book Reviews by David C. Kang, Börje Ljunggren & John Delury

US$15.00 Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Patrick M. Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, W15,000 Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan | A JOURNAL THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG 7, NUMBER Kang Choi &OF Noboru Yamaguchi Tridivesh Singh VOLUME Maini & Manish Vaid 4, WINTER 2012

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By Pavin Patrick M.Chachavalpongpun Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Kang Choi & Noboru Yamaguchi

The US ‘Pivot’ Theto US ‘Pivot’ Asia to Asia The US ‘Pivot’ to Asia The US ‘Pivot’ to Asia

A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

Is It Just About Containing China? US$15.00 Is It Just About W15,000 | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION Containing China? THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

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Rudiger Frank RollingEnterprises Reforms: Reflections Mel Gurtov, MiroslavSouth Nincic,Korea Walter C. Clemens, Jr., Into a New Leading the Way World of Social on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe Stein Tønnesson Steps Forward for China

to Resolve the South China Sea Disputes Is It JustMark About J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Development Possibilities in the South China Sea Containing Book China? Reviews by John Delury

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PLUS

Stein Tønnesson Steps Forward for China Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections to Resolve the South China Sea Disputes on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe Development Possibilities in the South China Sea THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION Stein Tønnesson Steps Forward for China POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews by John Delury JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON ‘ABENOMICS’ to Resolve the South China Sea DisputesHave and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin By Gongpil Choi Squares Off Against Rafizi Ramli you tried Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint ourChina iPad Sea or Development Possibilities in the South THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION Android tablet POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews by John Delury editions? Have and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin Squares Off Against Rafizi Ramli See p.3 you tried South Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises our iPad or US$15.00 Android tablet editions? W15,000 p.3 A JOURNAL OF THE EAST FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG VOLUME 8, NUMBERSee 2, SUMMER 2013 SouthASIA Korea Leading the| Way Into a New World of|Social Enterprises JAPAN’S DANGEROUS ON ‘ABENOMICS’ Mel Gurtov, MiroslavGAMBLE Nincic, Walter C. Clemens, Jr., By Gongpil Karin J. Lee,Choi Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly

Positive Engagement with North Korea, Iran and Myanmar

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US$15.00 Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier W15,000 Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, Shalendra D. Sharma From8,Meltdown | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THEMiller EAST & ASIA NUMBERto1,Bounceback: SPRING 2013 Jonathan Berkshire LiliaFOUNDATION Shevtsova How South Korea Weathered the 2008 Financial Crisis RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

Gilbert Rozman, By Inkyo CheongTakashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA? Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

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Andy YeeLind When Will Japan Tap Its Potential? Jennifer Beware the Tomb of Internet the Known Soldier Saroj Kumar Drugs in Meltdown India Are atoSecurity Threat Shalendra D. Rath Sharma From Bounceback: How South Korea Wu Weathered 2008 Financial In Focus: Taiwan Yu-shan,the Chen Tain-jy & ChuCrisis Yun-han

Andy Yee WhenbyWill Japan Tap Its Internet Potential? Book Reviews John Delury We and Taehwan Kim Drugs in India Are a Security Saroj Kumar Rath now have Threat an iPad and Yun-han In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada Android tablet ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA Book Reviews by John Delury edition! We and Taehwan Kim By Mark J. Valencia See p.5 now have an iPad and US$15.00 Android tablet edition! W15,000 See A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 1,p.5 SPRING 2013 ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA By Inkyo Cheong By Mark J. Valencia THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

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Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, By Inkyo Cheong Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA? THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

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ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY

By MarkRozman, J. Valencia Gilbert Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova

THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

By Inkyo Cheong

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Saroj Kumar Rath Drugs in8,India Are a Security Threat | VOLUME A JOURNAL ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG NUMBER 1, SPRING 2013 THE DEBATE:OF IS THE THE EAST TPP AIMED AT THWARTING |CHINA? US$15.00 RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY PLUS

In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & ChuW15,000 Yun-han Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier ASSESSING CODE OF CONDUCT FOR SOUTH SEA Book Reviews|byVOLUME John Delury | CHINA A JOURNAL THE EAST ASIA WWW.GLOBALASIA.ORG 8, NUMBER 1, SPRING 2013 Joon HyungAOF Kim, Haksoon Paik,FOUNDATION LeonTHE V. Sigal, Shalendra D. Sharma From Meltdown toWe Bounceback: and Taehwan Kim By Mark J.Berkshire Valencia Miller & Lilia Shevtsova Jonathan have Crisis How South Korea Weathered the 2008now Financial

New Leaders, New Dangers in New Leaders, Northeast Asia New Dangers in Northeast Asia

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THE TPP ANDIn THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Taiwan Andy Yee When WillCountries Japan Tap in ItsAndroid Internet tablet Potential? By Inkyo Cheong THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA

By Mark J. Valencia

Saroj Kumar Rath Drugs in India Areedition! a Security Threat See p.5 In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Yun-han Book Reviews by John Delury and Taehwan Kim

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Billo A WayCountries to Peace inin theTaiwan South China Sea InRichard This Issue: We Start a New Regular SectionAndrew Profiling Asian Yun Byung-se, Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: What Will It Take to End 60 Years of War?

NON-WESTERN AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS In DEMOCRACIES This Issue: We Start a New Regular SectionHaruki Profiling Asian Countries in Taiwan Wada Korea’s War, Armistice and Legacy By Alexei D. Voskressenshi. THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY

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PLUS

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Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles W15,000 A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style A JOURNAL Myung-bok OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 3, FALL 2013 Mansourov, Bae & Mohamed Jawhar| Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS

PLUS Will It Take to End 60 Years of War? What Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style Book Reviews by John Delury, Taehwan Kim, Chung-in Moon North Korea THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY Nayan Chanda and David Plottvs. South Korea: What Will It Take to End 60 Years of War? NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS Have Haruki Wada Korea’s War, Armistice and youLegacy By Alexei D. Voskressenshi. tried our Kim, Book Reviews by John Delury, Taehwan iPad or Android tablet THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY Nayan Chanda and David Plott editions? Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor Have See you p.57 tried our iPad or In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan Android tablet editions?US$15.00

How East Asia Can Secure New Leaders, New Dangers in a Peaceful Northeast Asia Future In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION

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| VOLUME 8, NUMBER 3, FALL 2013

THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY PLUS Hee Park The Double Life of Shinzo Abe J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly Cheol Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections Mel Gurtov, Miroslav Nincic, Walter C. Clemens, Jr., Stein Tønnesson Steps Forward for China on Visits to Kim Jong Un’s North Korea JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON Stangarone, ‘ABENOMICS’ South Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stuart to Resolve the South China Sea Disputes By Gongpil Hyunjin Choi Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly J. Thorson, Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe

Andrew Billo A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Style TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY Hassan PLUS Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Chung-in Moon North Korea vs. South Korea: Andrew A Way to Peace in the South China Sea Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles What WillBillo It Take to End 60 Years War? ThisYizhou, Issue:Yoshihide We Start a New Regular Profiling Asian inofTaiwan NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS A. Kupchan, In Wang Soeya, Alexandre Y.SectionHaruki Jung-Sun Park WhyCountries ‘Gangnam Style’ Isn’tLegacy Hallyu Style Wada Korea’s War, Armistice and By Alexei D. Myung-bok Voskressenshi. Mansourov, Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South Korea:

THE DEBATE: IS POLITICAL RECONCILIATION POSSIBLE IN MALAYSIA? THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

JAPAN’S DANGEROUS GAMBLE ON ‘ABENOMICS’

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In This Issue: We Start a New Regular Section Profiling Asian Countries in Taiwan

TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY

Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint Stein Tønnesson Steps Forward for China Development Possibilities in the South China Sea to Resolve the South China Sea Disputes Book Reviews by John Delury Mark J. Valencia Joint Have and Taehwan Kim& Hong Nong Exploring you Development Possibilities in the South China Sea tried our iPad Book PLUS Reviews by John Delury Android or tablet Have and Taehwan Kim Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections editions? you tried on Visits to Kim Jong Un’s North Korea See p.3 or our iPad Android Cheol Hee Park The Double Life of Shinzo Abe tablet editions? US$15.00 Stein Tønnesson Steps Forward for China W15,000 See to Resolve the South China Sea Disputes p.3

PLUS

Future Andrew Squares Off Against Graeme McGregor By AlexeiMarkus D. Voskressenshi. THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS THE DEBATE: AUSTRALIA’S NEW REFUGEE POLICY

Andrew Markus Squares Off Against Graeme McGregor TACKLING TRUST GAPS IN EAST ASIA: ESSAYS BY

Yun Byung-se, Richard Ned Lebow, Tae-Seop Bahng, Charles A. Kupchan, Wang Yizhou, Yoshihide Soeya, Alexandre Y. Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan

NON-WESTERN DEMOCRACIES AND ASIAN POLITICAL SYSTEMS

Book Reviews by John Delury, Taehwan Kim, What It Take toDavid End 60 Years of War? NayanWill Chanda and Plott Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy Have Book Reviews by John Delury, Taehwan youKim, tried Nayan Chanda and David Plott our iPad or Android tablet Have PLUS editions? you China tried Sea Andrew Billo A Way to Peace in the South SeeiPad p.57 our or Style Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Style’ Isn’t Hallyu Android tablet editions? Chung-in Moon North Korea vs. South Korea:

See p.57 US$15.00 What Will It Take to End 60 Years of War?

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By Gongpil Choi A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 2, SUMMER 2013 Mark J. Valencia & Hong Nong Exploring Joint

Haruki Wada Korea’s War, Armistice and Legacy By Alexei D. Voskressenshi. A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG VOLUME NUMBER 3, FALL 2013 Book Reviews by| John Delury,8,Taehwan Kim,

THE Gurtov, DEBATE:Miroslav IS POLITICAL RECONCILIATION Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections W15,000 Mel Nincic, Walter C. Clemens, Jr., POSSIBLE IN MALAYSIA? Book Reviews John Delury | WWW.GLOBALASIA.ORG | by A JOURNAL THE Lankov, EAST ASIA FOUNDATION VOLUME 8, NUMBER on Visits to Kim Jong Un’s North Korea 2, SUMMER 2013 Karin J. Lee, OF Andrei Troy Stangarone, Stuart Have and Taehwan Kim Khairy Jamaluddin Squares Off Against Rafizi Ramli J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly

Andrew Billo A Way to Peace in the South ChinaW15,000 Sea Yun Byung-se, Richard Ned Tae-Seop Charles Andrew Markus Squares OffLebow, Against GraemeBahng, McGregor Have | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THE EAST Yoshihide ASIA FOUNDATION 8,Style’ NUMBER 3, FALLStyle 2013 A. Kupchan, Wang Yizhou, Soeya, Alexandre Y. Jung-Sun Park Why ‘Gangnam Isn’t you Hallyu tried Mansourov, Myung-bok Bae & Mohamed Jawhar Hassan Chung-in Moon North Korea vs. South ourKorea: iPad or Android See our redesigned In This website, Issue: Our www.globalasia.org, New Section Focusing for analysis, on It Asia's debates, Less archives Nations more What Will Take to EndProminent 60 Years ofand War? tablet

THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY

PLUS

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Development Possibilities in the South China Sea

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Iran and Myanmar

Positive Engagement US$15.00 W15,000 with North Korea, In This In Focus: Issue:How We Start to Break a New the Regular Deadlock Section in the South Profiling China Asian SeaCountries in Taiwan Iran and Myanmar

A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 2, SUMMER 2013

PositiveInEngagement This In Focus: Issue:How We Start to Break a New the Regular Deadlock Section in the South Profiling China Asian SeaCountries in Taiwan with North Korea, Iran and Myanmar

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION

Positive Engagement with North Korea, Positive Engagement Iran and Myanmar South Korea Leading the Way Into a New World of Social Enterprises with North Korea, THE POLITICS OF ENGAGEMENT: ESSAYS BY PLUS Rudiger Frank Rolling Reforms: Reflections Mel Gurtov, Miroslav Nincic, Walter C. Clemens, Jr., and Myanmar on Visits to Kim Jong Un’s North Korea Karin J.Iran Lee, Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart

Khairy Jamaluddin Squares Against Rafizi Ramli Mel Gurtov, Miroslav Nincic, Off Walter C. Clemens, Jr., Karin J. Lee, Andrei Lankov, Troy Stangarone, Stuart J. Thorson, Hyunjin Seo, Trita Parsi & Nicholas Farrelly

Jung Mi-kyung My Son’s Girlfriend: Stories

Book Reviews by John Delury and Taehwan Kim

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Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas

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In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Yun-han

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INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY

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PLUS

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Hardjapamekas and Have Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya & John Delury Jonathan Berkshire Miller PoliticsNeeds Continues Chill Dewi Fortuna Anwar,&Stephen Norris, James Castle, youatried Andy Ye Why Taiwan’s ICT Sector NewtoModel Adil W. Surowidjojo Syed Farid Alatas Japan-South Korea Relations our A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and iPad or Trumps Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism Andr CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE CHINA SEA DISPUTES oid Andy YeSecurity Why Taiwan’s ICTin Sector Needs a New tableModel Adil W. Surowidjojo & Syed FaridEAST Alatas t Human Concerns Myanmar editions? By Mark J. Valencia Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism Trumps See p.107 Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES Human Concerns in Myanmar Won andSecurity Yamamoto Tadashi WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE By Mark J. Valencia Paul Theby Passing ofS. Robert Kyung US$15.00 SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIA MORE OR LESS SECURE? BookEvans Reviews Samuel Kim Scalapino, Kim Won and Yamamoto Tadashi Have W15,000 WILLYongtao JAPAN’S Squares PLAN TO Off EXERCISE ITSYuichi COLLECTIVE Gui Against Hosoya & John Delury you WINTER 2013 SELF-DEFENSE MAKE ASIAFOUNDATION MORE OR LESS |SECURE? Book Reviews|byVOLUME Samuel S. A JOURNAL OFRIGHT THE EAST ASIA WWW.GLOBALASIA.ORG 8,Kim NUMBER 4, tried ourHave iPad or Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya & John Delury Andr oidtried you tablet editi our ons?or iPad INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY PLUS Seeoid Andr p.107 tablet Jonathan Berkshire Miller Politics Continues editions? to Chill Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY PLUS See p.107 US$15.00 Japan-South Korea Relations A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and Jonathan Berkshire Miller Politics Continues to Chill Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, W15,000 Andy Ye Why Taiwan’s ICT Sector Needs a New Model Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas Japan-South Korea Relations A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and US$15.00 | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION NUMBER 4,aWINTER 2013 Pavin Ye Chachavalpongpun Western Pragmatism Trumps Andy Why Taiwan’s ICT8, Sector Needs New W15,000 Model Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES Human Security Concerns inWestern Myanmar INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY PLUS Chachavalpongpun Pavin Pragmatism Trumps | DISPUTES | VOLUME 8, NUMBER By MarkNEW J. Valencia A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG 4, WINTER 2013 CHINA’S AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA Jonathan Berkshire Miller Politics ContinuesKim to Chill Paul Evans The Passing of in Robert Scalapino, Kyung Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, Human Security Concerns Myanmar By Mark J. Valencia Japan-South Korea Relations Won and Yamamoto Tadashi A. Lin Neumann, Erry Hardjapamekas and WILL JAPAN’S PLAN TO R. EXERCISE ITS COLLECTIVE Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung SELF-DEFENSE RIGHT MAKE MORE OR LESS SECURE? Andy Ye Why Taiwan’s ICTS.Sector Adil Surowidjojo &CHALLENGES SyedASIA FaridITS Alatas Book Reviews by Samuel Kim Needs a New Model INDONESIA AND THE OF GROWTH: ESSAYS BY PLUSand Won Yamamoto Tadashi WILLW. JAPAN’S PLAN TO EXERCISE COLLECTIVE Have to Chill Gui Yongtao Off Against Yuichi & JohnReviews Delury Jonathan Berkshire Miller Politics SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIANorris, MORE ORHosoya LESS SECURE? 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Valencia Have See Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya p.107 & John Delury Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung US$15.00 you tried Won and Yamamoto Tadashi WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE W15,000 our iPad orUS$15.00 SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIA MORE OR LESS |SECURE? Andr 4, WINTER Book Reviews|byVOLUME Samuel S. table t 2013 A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION WWW.GLOBALASIA.ORG 8,Kim NUMBER oid W15,000 Have editi Gui Yongtao Squares Off Against Yuichi Hosoya ons? & John Delury you A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 4,p.107 WINTER 2013 See tried our iPad or Android table t US$15.00 editions? W15,000 See p.107

The Sense and Sensibility of Indonesia The Sense The Sense and Sensibility and Sensibility of Indonesia of Indonesia

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Khairy Jamaluddin Squares Off Against Rafizi Ramli

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Shalendra D. Sharma From Meltdown to Bounceback: How South Korea Weathered the 2008 Financial Crisis

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PLUS Is It JustGeorgiy About Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan Containing China? Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? Emerging Role of Indo-Pakistan Border States Is It JustThe About By Nguyen Manh Hung Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST Book Reviews by David C. Kang, PeterChina? Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEAContaining Börje Ljunggren & John Delury By Pavin Chachavalpongpun

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 8, NUMBER 1, SPRING 2013

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THE US REBALANCING TOWARD ASIA: ESSAYS BY

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BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST

Patrick M. Cronin, Michael McDevitt, Wu Xinbo, Donald K. Emmerson, Malcolm Fraser, Richard A. Bitzinger, Kang Choi & Noboru Yamaguchi

Georgiy Voloshin China as a Stabilizer in Central Asia Ramesh Thakur The New Great Game in Afghanistan US$15.00 Tridivesh Singh Maini & Manish Vaid W15,000 The Emerging Role of Indo-Pakistan Border States CREATING A NEW WORLD OF SOCIAL ENTERPRISES A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012 Reflections by Won-soon Park & Tae-won Chey Young-hoon Lee Economic Reform in North Korea Peter Hayes A Breakthrough Six-Party Summit in 2013? DRAWING A LINE IN THE SOUTH CHINA SEA By Nguyen Manh Hung Asger Røjle Christensen Japan’s Abduction Saga BURMA IN THE ASEAN CHAIR IN 2014, AT LAST Book Reviews by David C. Kang, Börje Ljunggren & John Delury By Pavin Chachavalpongpun

The US ‘Pivot’ to Asia

Ad for Koreana 277x280 Mar 2014.indd 1 Is It Just About Ad for Koreana 277x280 Mar 2014.indd 1 Containing China?

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RISKS & OPPORTUNITIES FOR ASIA’S NEW LEADERS: ESSAYS BY

Gilbert Rozman, Takashi Inoguchi, David Shambaugh, Joon Hyung Kim, Haksoon Paik, Leon V. Sigal, Jonathan Berkshire Miller & Lilia Shevtsova

THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM

By Inkyo Cheong

THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

PLUS

Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier

Shalendra D. Sharma From Meltdown to Bounceback: How South Korea Weathered the 2008 Financial Crisis

Saroj Kumar Rath Drugs in India Are a Security Threat

In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Yun-han

ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA

Book Reviews by John Delury and Taehwan Kim

By Mark J. Valencia

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We now have an iPad and Android tablet edition! PLUS See p.5 Jennifer Lind Beware the Tomb of the Known Soldier

Shalendra D. Sharma From Meltdown to Bounceback: US$15.00 How South Korea Weathered the 2008 Financial W15,000 Crisis

THE TPP AND THE QUEST FOR EAST ASIAN REGIONALISM | Will Andy Yee When Japan8, Tap Its Internet Potential? A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG VOLUME NUMBER 1, SPRING 2013

By Inkyo Cheong

THE DEBATE: IS THE TPP AIMED AT THWARTING CHINA?

Saroj Kumar Rath Drugs in India Are a Security Threat

Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

In Focus: Taiwan Wu Yu-shan, Chen Tain-jy & Chu Yun-han

ASSESSING A CODE OF CONDUCT FOR THE SOUTH CHINA SEA

Book Reviews by John Delury and Taehwan Kim

By Mark J. Valencia

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A JOURNAL OF THE EAST ASIA FOUNDATION | WWW.GLOBALASIA.ORG | VOLUME 7, NUMBER 4, WINTER 2012

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The US ‘Pivot’

INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY

Andy Yee When Will Japan Tap Its Internet Potential?

Wang Yong Squares Off Against Takashi Terada

Inside our latest issue: Inside our

Dewi Fortuna Anwar, Stephen Norris, James Castle, A. Lin Neumann, Erry R. Hardjapamekas and Adil W. Surowidjojo & Syed Farid Alatas

CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES

By Mark J. Valencia INDONESIA AND THE CHALLENGES OF GROWTH: ESSAYS BY Dewi FortunaPLAN Anwar, James Castle, WILL JAPAN’S TOStephen EXERCISENorris, ITS COLLECTIVE A. Lin Neumann, ErryMAKE R. Hardjapamekas SELF-DEFENSE RIGHT ASIA MORE ORand LESS SECURE? Adil W. Surowidjojo & Off Syed Farid Alatas Gui Yongtao Squares Against Yuichi Hosoya CHINA’S NEW AIR ZONE AND THE EAST CHINA SEA DISPUTES

By Mark J. Valencia

WILL JAPAN’S PLAN TO EXERCISE ITS COLLECTIVE SELF-DEFENSE RIGHT MAKE ASIA MORE OR LESS SECURE?

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Jonathan Berkshire Miller Politics Continues to Chill Japan-South Korea Relations Andy Ye Why Taiwan’s ICT Sector Needs a New Model Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism Trumps Human Security Concerns in Myanmar PLUSEvans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung Paul Jonathan BerkshireTadashi Miller Politics Continues to Chill Won and Yamamoto Japan-South Korea Relations Book Reviews by Samuel S. Kim Andy Why Taiwan’s ICT Sector NeedsHave a New Model & JohnYeDelury you tried Trumps Pavin Chachavalpongpun Western Pragmatism our iPad or Human Security Concerns in Myanmar Android tablet Paul Evans The Passing of Robert Scalapino, Kim Kyung editions? See p.107 Won and Yamamoto Tadashi Book Reviews by Samuel S. Kim Have US$15.00 & John Delury you tried W15,000

3/10/1

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Koreanische Kultur und Kunst

Vom offenen Hafen zum Flughafen Nr. 1

Jahrgang 9, Nr. 1

Incheon: Koreas Haupttor zur Welt

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Incheon Koreas Haupttor zur Welt

Die Stadt, wo innere und äußere Einflüsse zusammentreffen; Die Geschichte von Incheon

www.koreana.or.kr

Jahrgang 9, Nr. 1

ISSN 1975-0617


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