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Le match
Kabylie-Sahara, même combat?
Le chef de la diplomatie algérienne et le représentant du Maroc auprès de l’ONU ont de nouveau croisé le fer par médias interposés sur deux sujets hautement inflammables.
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Nouvelle crisediplomatique entrel’Algérie et le Maroc. Et elleest sinon grave, du moins sérieuse. Le 19 juin, Alger décide de rappeler pour consultation, avec effet immédiat,son ambassadeur àRabat, Abdelhamid Abdaoui. Dans un communiqué, le ministère desAffaires étrangèresetdela Communauténationale àl’étranger n’exclut pasdeprendred’autres mesures,sans préciser lesquelles.
Ce rappel d’un ambassadeur n’estpas le premier dansl’histoire communedes deux voisins. En octobre2017,leMaroc avait rappelépour consultation son représentant diplomatique en Algérie,HassanAbdelkhalek,pour protestercontreles propos de l’ancien chef de la diplomatie algérienne,Abdelkader Messahel, lors d’un forum deschefs d’entreprise qui s’était tenu àAlger.
Évoquant lesinvestissements marocains en Afrique, Messahel avait alorsaffirmé:«Les banques marocaines, c’est le blanchiment de l’argent du haschisch.Cesont des chefs d’Étatafricains qui me le disent.» Et d’ajouter que Royal Air Maroc(RAM) «transporte autre chose que despassagers ». Une manièreàpeine déguisée d’accuser la compagnie publique marocaine de verser dansletraficdedrogue.
Rebondissements
La colèredes autoritésmarocaines esttelle quelaRAM sollicitetrois avocatsafin d’étudier lapossibilité de déposerune plaintedevantla justice française contre Abdelkader Messahel.Mais la procéduren’est finalementpas menéeàson terme, et l’ambassadeur marocain regagne sonposte àAlger un mois après sonrappel –sans que les tensions entreles deuxpaysneconnaissent de véritable apaisement. La crise qui s’installe ce mois de juillet entre Alger et Rabat ne manquera pas de connaîtredenouveaux rebondissementsaprès lesrévélations sur une opération de surveillancedes téléphonesde hautsdirigeantscivils et militairesalgériens que lesservices marocainsauraient ciblésentre2017 et 2019. Selon l’enquêted’unconsortium de médias internationaux, Rabat aurait utilisélelogiciel espion Pegasus, développépar l’entreprise israélienne NSO, pour espionner ou tenter d’espionner quelque 6000 numéros de téléphone algériens.
Parmi lesresponsablesvisés figureraient des membres de la famille Bouteflika, l’ancien chef d’état-majordel’armée Ahmed Gaïd Salah et sonsuccesseurSaïd Chengriha, Wassini Bouazza, ex-chefdes services de renseignement intérieur,Noureddine Bédoui, ancienPremier ministre,ouencore
JA POUR AMMI LO UIZA
Ramtane Lamamra
–69ans –
AVANTAGE Son réseau africain et ses amitiés àl’international.
FAIBLESSE Le recul diplomatique d’Alger cesvingt dernières années.
RamtaneLamamra. Nomméle 8juillet dernierministredes Affaires étrangères,Lamamra, 69 ans,est justementaucœurdelagestion de cettecriseavecle voisindel’Ouest.
Àl’origine de celle-ci, Omar Hilale,70ans,représentant permanent du Marocauprès des Nationsunies.Au coursdumois de juillet, Hilaleafait distribuer auxpaysnon alignés une note dans laquelleilaffirmeque «lepeuple kabyle mérite,plus que tout autre, de jouirpleinementdeson droit à l’autodétermination ». Uneréponse àRamtane Lamamra qui, dèssa prise de fonctions, avait réitéréla position de l’Algérie sur la question du Sahara en soutenant le droit des Sahraouis àl’autodétermination sous l’égide de l’ONU.
Fortes personnalités
Ce conflitqui oppose depuis 1975 le MarocauFront Polisario continue d’empoisonner lesrelations entre lesdeux paysaupoint qu’aucune normalisationn’est possible faute d’un règlement définitif.Etc’est peu dire queleurspositionsrespectives sur ce dossier sont aussitranchées qu’inconciliables. Pour Rabat, le Sahara estun territoiremarocain, et la solution ne peut êtreenvisagée quedans lecadred’unprojetd’autonomie.Enoutre, le soutien inconditionnel de l’Algérie au Polisarioen fait un troisième acteur du conflit auxyeux du royaume.Deson côté, Algervoitdans laproblématique sahraouie uneaffairededécolonisation qui doit êtrerégléedans le
cadre d’un référendumorganisé avec l’appui desNationsunies.
Aujourd’hui plus que jamais, Hilale et Lamamrasontchargés de défendreles intérêts respectifs de leur pays et de croiserle fer par médias interposés.Diplomates chevronnésàlaforte personnalité, tous deux maîtrisentles complexités du dossier sahraoui.
Ancienambassadeur en Indonésie, en Australie et en Nouvelle-Zélande,Hilale connaît bien l’Algériepouryavoir exercé desfonctions àl’ambassade du Maroc. Représentantpermanent duroyaume àGenèvependant plusieurs années,ilamaintes fois croisélefer avec desdiplomatesalgériens, notamment sur la question du Sahara.Réputé intransigeant,cenatif d’Agadirqu’on surnomme le «Pitbull»nemanquait jamais une occasion de monter au créneau pour donner la réplique àLamamra àl’époque où celui-ci dirigeait la diplomatiealgérienne.
Le retour de ce dernieraux Affaires étrangères après une éclipse qui aura duré deux anss’inscrit dans la volontéalgériennederedéployer un appareil diplomatique frappé pardes années d’inertie,derejouer un rôle de puissanceàl’échelle régionale et de retrouversur le plancontinentall’influence perdue du fait de l’effacement de l’ancien président Bouteflika. Diplomateaulongcours, fin connaisseur de l’Afrique,ami de plusieurschefs d’État, Lamamraest l’homme chargédecet ambitieux programme.
Farid Alilat
C’estpeu direque leurspositions respectivessont aussi tranchées qu’inconciliables.
Omar Hilale
–70ans –
AVANTAGE La dynamiquedudossier sahraoui en faveur de Rabat.
FAIBLESSE Les vivescritiques de certains médias après l’afairePegasus.
FRUST AC CI/EP A/MAXPPP FA BIO