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PROJET ARTISTIQUE 2017 / 2019

EN PRÉAMBULE

DE L’ACTUALITÉ À LA SCÈNE

Pourquoi continuer ?

De tout temps j’ai considéré l’art, en général, comme un moyen d’appréhender le réel, de le questionner, le tordre pour qu’il livre une partie de ses secrets. L’art n’a jamais été une fin en soi, de mon point de vue. Donc je ne saurai m’éloigner du lieu d’observation, promontoire ou caniveau, duquel je me trouve.

Peut-être parce qu’il faut continuer à poser des questions qui fâchent, à lutter contre les raccourcis de pensée, à dire des mots que personne n’oserait prononcer, à écouter ses partenaires, les retenir quand l’un va tomber ou oser parler. Sans aucun doute parce qu’il est d’une urgence définitive de laisser le théâtre et la littérature s’immiscer dans les écoles, les gymnases, les maisons de retraite, parce qu’il est plus que jamais important que la littérature, le théâtre opposent une vision différente de la télévision, du discours dominant, du tout économique. Car le théâtre et la littérature sont un acte politique et poétique, qu’ils proposent une réflexion sur le sens du monde, qu’ils donnent des armes pour tenter de lutter contre le racisme, les idées reçues, qu’ils sont un des moyens de dialoguer, de rêver, de rester debout. Parce que sans littérature, on se met en danger. Les dictatures qu’elles soient politiques ou religieuses interdisent en premier les livres et ferment les bibliothèques et les théâtres. Par conviction de mettre dans la tête de chaque élève une petite bombe poétique à retardement qui peut-être explosera quelques temps plus tard,. Parce qu’il ne faut pas baisser les bras, parce qu’il faut entretenir les rêves et l’espoir en un monde meilleur.

Aujourd’hui le monde bouge très vite. Les injonctions, les mots d’ordre sont à peine formulés qu’ils encombrent déjà les poubelles de l’information. Il convient alors d’interroger le sens de tout cela, de promener sa loupe sur les soubresauts de notre société malade, d’analyser les convulsions du corps sociétal, de regarder vers l’horizon pour tenter de comprendre vers où s’avance le bateau ivre. Il me semble aujourd’hui qu’une des contractions douloureuses du monde se reproduit dans la question des migrants. Comment celui qui fuit l’horreur se retrouve-t-il avec âme et sans bagages dans la société qui l’accueille souvent contre son gré ? Comment se régénère-t-on ou pas dans un milieu culturel souvent hostile, différent ; aux valeurs, aux croyances, aux conditions de vie dissemblables ? Que deviennent les promesses d’un avenir fantasmé, souvent malmené voire violenté par le réel ? On entend le plus souvent les cris et les mises en garde des « accueillants » mais bien plus rarement les plaintes, les douleurs des arrivants. Alors m’est venu progressivement au cours des derniers mois l’envie d’interroger cette condition. En prenant du recul vis-à-vis des événements mais aussi vis-à-vis de l’Histoire. Je résiste à la tentation du journalistique. Mais plutôt de chercher à comprendre les enjeux de tels mouvements


de fonds que connait notre monde. Et qui iront s’accroissant si l’on en croit les démographes et les économistes. Deux axes de travail vont traverser ces questions sur le cycle des trois années à venir.

CRÉATION ENVISAGÉE AUTOMNE 2017 Le premier, chronologiquement, aura pour matériau de départ le roman de l’auteur allemand Edgar Hilsenrath : Fuck America.

Tout juste débarqué aux États-Unis, Jacob Bronsky erre dans le New York miteux des années 1950, parmi les clodos et les putes. Américan Way of Life ? Enchaînant les jobs minables, Jakob Bronsky n’a que deux obsessions : soulager son sexe et écrire un roman sur son expérience des ghettos juifs. Situations loufoques. Dialogues déjantés. Et humour noir. Cet ouvrage bouscule la narration et les idées convenues. À travers ce récit truculent, l’auteur aborde de plain-pied la déshérence de son personnage, balloté sans cesse entre espérances et déconvenues, entre le rejet de l’Allemagne nazie qu’il a fuie et celui d’une Amérique qui ne le veut pas. Car il débarque à New York avec une histoire, un passé, un passif. L’exil commence. Cette histoire, au-delà du style et des obsessions de l’auteur, est emblématique du déracinement, de la modification de l’identité, de nécessités nouvelles.

Cela faisait un moment que je souhaitais travailler sur l’adaptation théâtrale d’un roman. Outre le fait que le récit d’Hilsenrath est truffé de dialogues et de monologues, je vais mettre en place un atelier dramaturgique au sein du groupe qui travaillera à mes côtés sur cette adaptation et qui sera aussi force de propositions plus large dans le cadre de l’accompagnement du projet (ateliers lecture, écriture pour la scène, dramaturgies contemporaines…).


Scénographiquement et dramaturgiquement, je souhaite sur scène une équipe réduite à 5 interprètes maximum dans un dispositif scénique qui alliera en permanence image et jeu sur scène. Un dispositif qui permettra des enchainements extrêmement rapides d’une scène à la suivante (à la manière dont certains réalisateurs construisent leurs films, Scorcese notamment), un dialogue entre personnages à l’écran et sur scène (perception différente des réalités, simultanéité de situations…). Il s’agit de recréer un rythme qu’il est souvent rare d’avoir au théâtre, plus proche du cinéma, avec enchainements de situations sans changement de décor. Un cyclo sur lequel seront projetées les scènes (dans un bar, puis dans un bureau d’administration, dans une chambre d’hôtel) fourniront les lieux. Je veux qu’on perçoive le tourbillon dans lequel se trouve pris le personnage principal, l’enchainement de situations qu’on ne maitrise pas, la sensation de désorientation. Le fait de dialoguer avec un personnage à l’écran créera également une impression d’irréel tout en étant concret. Les comédiens de l’équipe non présents sur scène seront distribués à l’écran.

ÉCHÉANCIER Écriture, scénaristique / adaptation jusqu’à fin octobre 2016, tests et recherches techniques jusqu’en janvier 2017, tournage et répétitions par séances d’une semaine entre mars et septembre 2017, répétitions finales et création : octobre 2017

DEUXIÈME VOLET ENVISAGÉ À PARTIR DE L’AUTOMNE 2018 Le second axe de travail fera l’objet d’une commande d’écriture et sera confié à deux auteures dramatiques, dont la notoriété dans le paysage théâtral est reconnue au-delà de nos frontières, l’une Française d’origine serbo-croate, Sonia Ristic et l’autre Française d’origine turque, Sedef Ecer. Ces deux auteures ont consacré, et continuent de le faire, une grande partie de leur œuvre à interroger les questions liées à l’exil et la migration. Ce que nous proposons d’étudier est la manière dont les populations et les pays « accueillant » les migrants ou réfugiés se questionnent sur leur identité. Comment 15 ou 20 000 étrangers peuvent-ils réveiller autant de craintes identitaires chez une majorité composée de plus 60 millions d’habitants ? Quelles sont ces peurs qui s’expriment à travers ce rejet ? Comment sont alimentées ces stigmatisations ? D’autre part, il est intéressant de s’interroger sur la manière dont les réfugiés survivent à leur déplacement, comment se redéfinissent-ils à travers ces expériences souvent traumatisantes, pourquoi les cultures et les civilisations ont-elles tant de mal à cohabiter alors qu’elles se sont toutes constituées par sédimentation migratoires ? Écriture de deux pièces questionnant ses problématiques liés à l’accueil des migrants, au transfert, à l’exil, aux blessures narcissiques, à la condition des femmes… Il n’est pas dans notre intention de nous substituer au journalisme ou au reportage. Bien au contraire, l’idée est plutôt de prendre du recul, de se détacher des événements et même de revisiter les mythes qui se rattachent à ces thèmes. Ce projet s’articulera autour de résidences d’écriture, d’ateliers dramatiques sur différents lieux (France, Serbie, Turquie et Allemagne). Il a pour objectif la production de deux spectacles (l’un en direction d’un public adolescent entre autres) et un second tout public, en co-production européenne autour des thèmes liés à l’exil, la migration. Ce projet est actuellement en cours d’élaboration dans sa mise en place et dans la structuration des partenariats. Plusieurs réunions de travail sont


programmées d’ici la fin 2016 pour mener à bien et définir précisément les modalités de travail de conception et de réalisation ensuite. Il est prévu de mettre en place un programme d’échanges pour lequel nous souhaitons solliciter les programmes européens de la Communauté Européenne de financement de projets culturels. Le Théâtre du Rictus a déjà réalisé entre 2008 et 2010 avec des partenaires de Hongrie, Serbie et République Tchèque des rencontres théâtrales européennes : Quartet, visions of Europe (qui avaient reçu un financement européen dans le cadre des programmes Culture 2000). Pistes de travail évoquées à présent Collectage de témoignages des habitants « accueillant » des immigrés. Ateliers d’écriture autour de ces thématiques dans des quartiers d’Istanbul, de Berlin, de Novi Sad et agglomération nantaise.

Sedef ECER Née en 1965 à Istanbul, romancière, auteure dramatique, scénariste, traductrice et journaliste, Sedef Ecer pratique plusieurs formes d’écriture en turc et en français. Comédienne, elle a reçu des prix ou des nominations d’interprétation. On l’a vue récemment sous la direction de Amos Gitaï (aux côtés de Jeanne Moreau), Lorenzo Gabriel, Thomas Bellorini, Patrick Verschueren, Françoise Merle ou Joëlle Cattino. Elle a commencé à écrire en langue française en 2008. Depuis, ses différentes pièces ont été accueillies par des théâtres ou des festivals importants, traduites en polonais, en turc, en allemand, en arménien, en grec, en anglais.

Mise en place d’ateliers de jeu dramatique à partir des récits concoctés avec des comédiens professionnels des pays mentionnés. Entre temps Nous allons diffuser les deux créations du Théâtre ambulant, confectionnées au cours du dernier semestre 2016. Ces créations ont vocation à rester à l’affiche tout au long de l’exploitation des trois spectacles liés aux thématiques de l’exil et de la migration. Elles accompagneront les représentations, les précédant afin de nourrir les débats et sensibiliser l’opinion aux thèmes abordés. Parallèlement pourront également être mis en place des ateliers d’écriture avec les auteurs engagés dans le processus ou des ateliers de pratique théâtrale avec l’équipe artistique du Rictus.

Sonia RISTIC Née en 1972 à Belgrade, elle a grandi entre l’ex-Yougoslavie et l’Afrique, et vit à Paris depuis 1991. Après des études de Lettres et de Théâtre, elle est comédienne et assistante à la mise en scène. Parallèlement, elle travaille avec des ONG importantes (France Libertés, FIDH, CCFD) sur les actions autour des guerres en ex-Yougoslavie et des questions de Droits de l’Homme. Au sein du collectif du Théâtre de Verre, elle met en scène plusieurs de ses textes ainsi que des créations collectives. En 2004, elle crée sa compagnie, Seulement pour les fous. Elle encadre régulièrement des ateliers d’écriture et de jeu en France et à l’étranger. La plupart de ses textes ont été publiés / créés ou mis en ondes. Elle a bénéficié des bourses du CNL (2005, 2008 et 2014), de la DMDTS (2006), du CNT (2007), de Beaumarchais / SACD (2008), de la région Ile-de-France (2010 et 2011), du Conseil Général du 93 (2013), et a reçu plusieurs prix pour ses textes.


ACTIONS CULTURELLES ENVISAGÉES En lien avec les créations :

Indépendantes :

Ateliers d’écriture autour de ces thématiques dans des quartiers d’Istanbul, de Berlin, de Novi Sad et agglomération nantaise.

Le Théâtre du Rictus collabore régulièrement avec des établissements scolaires Il propose notamment plusieurs types d’intervention en école avec des ateliers de pratique théâtrale visant à sensibiliser les jeunes au harcèlement et violences.

Mise en place d’ateliers de jeu dramatique à partir des récits concoctés avec des comédiens professionnels des pays mentionnés. Création d’un atelier dramaturgique qui aura pour vocation d’affiner le travail d’adaptation du roman d’Edgar Hilsenrath, mais aussi la mise en place d’un corpus de textes lié aux sujets abordés dans les créations à venir afin d’établir des rendez-vous réguliers de lectures publiques en collaboration avec différentes structures dont la BDLA.

Beaucoup de ces interventions sont difficilement programmables à l’avance puisqu’elles résultent souvent de demandes ou commandes extérieures à la compagnie.

Participation à la production d’un film, adaptation pour le cinéma de la pièce Pour rire pour passer le temps de Sylvain Levey, pièce créée par le Théâtre du Rictus en 2008 dans Asphalt Jungle, réalisation Florent Koziel, avec la distribution d’origine (Nicolas Sansier, Ghyslain Del Pino, Yann Josso et Christophe Gravouil).


REPRISES

LA VILLE DE L’ANNÉE LONGUE de WILLIAM PELLIER

RHAPSODIES de SYLVAIN LEVEY

Les ours blancs ne sont plus sur la banquise mais dans les banques, qu’on se le dise ! Avec ce conte loufoque mais néanmoins sensé, William Pellier fait divaguer la langue et déraper l’Histoire. Après la trilogie Asphalt jungle, présentée au fil des saisons à ONYX et au Grand T en intégrale en 2014, Laurent Maindon et le Théâtre du Rictus créent une farce de fin du monde, polaire, volcanique et glaçante.

Une famille dans une ville norvégienne. La femme est mariée avec un banquier (un ours, un vrai). La grand-mère est férue d’Hitler, leur ami docteur un peu pervers, nous apprend la voix off qui narre leur folle histoire. Débarquent deux financiers français et un prix Nobel d’économie. Un vrai, lui aussi. Pendant ce temps, la glace et le monde fondent. Tous s’obstinent à suivre une voie qui n’est peut-être pas l’issue. Ces glissades, cycliques, sont cyniques et burlesques.

Rhapsodies termine le cycle de la trilogie Asphalt jungle. Cette pièce nous montre le tournage d’un téléfilm de scripted reality, décrivant le parcours initiatique d’une jeune femme et d’un homme qui rêvent d‘accéder à un moment de notoriété télévisuelle. Icônes éphémères, ils seront les produits jetables de la consommation d’images quotidiennes du téléspectateur lambda. Ainsi soit-il de la starisation de l’anonyme. Rhapsodies s’intéresse au passage derrière le miroir de cette femme qui quitte provisoirement un monde pour en découvrir un nouveau, où les paillettes finissent par avoir un goût amer. Comme toujours chez Sylvain Levey, on ne s‘installe pas dans une dénonciation convenue et attendue d’un fait de société, mais on s’intéresse sans affect aux processus qui transforment l’humain, aux processus de l’obscénité. En zoomant sur les mécaniques de manipulation, de soumission, de pouvoir, on montre que chaque être humain porte potentiellement en lui ces avatars. Bien entendu, cette femme n’est pas uniquement la victime d’un système, elle consent et participe plus ou moins sciemment à son fonctionnement. La réalité n’est jamais toute blanche ou toute noire.


THÉÂTRE DU RICTUS Compagnie conventionnée DRAC Pays de Loire, C. R. Pays de Loire, C. G. 44, Ville de Saint-Herblain Membre co-fondateur du réseau théâtral européen Quartet-Visions d’Europe Le Théâtre du Rictus est en résidence à l’ONYX de Saint-Herblain Contact Laurent Maindon / Dir. artistique : 06 89 77 67 54 Prod / Diff : AXE-SUD - Bureau de production - Arts Vivants, 06 11 05 17 99 www.theatredurictus.fr - www.facebook.com/TheatreDuRictus


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