CONCOURS D’ARCHITECTURE ESPACE POUR LA VIE MONTRÉAL
BNIM | L’OEUF | ARCOP DEUXIÈME ÉTAPE / DOSSIER DE CANDIDATURE 2014.06.20
TEXTE DE CONCEPTION - L’approche conceptuelle et la résolution formelle
ÉDITORIAL Citoyens de la nature
Nous voyons un projet qui réinvente le Biodôme comme un espace partagé par les communautés humaine et naturelle - une société de vie hybride. Les humains ne peuvent être les spectateurs – ils doivent être les collaborateurs – non, les citoyens de la nature. Croyant en l’expérience personnelle immersive comme prérequis à un changement signifiant, nous imaginons un biodôme éducatif et défiant notre curiosité. Ce projet contient l’ADN de plusieurs expériences et formes novatrices – infusant des idées évolutives assurant une croissance dans le temps. Nous voyons un projet qui éveille la curiosité, parfois avec subtilité, parfois en provoquant un choc – un projet qui éveille la responsabilité et l’espoir. Nous voyons un espace de la vie qui émerge, et devient ainsi un catalyseur de changement social pour les citoyens de la nature ! Les habitats hybrides partagés
Notre impact sur le monde s’est accru - nous voilà dans l’ère anthropocène. La complexité des villes est devenue notre habitat. Afin de nous assurer que la nature infiltre et jouisse véritablement de la ville, nous devrions y dédier notre pleine attention ! La nature va nous enseigner comment on vit dans un monde hybride, et non binaire. Nous proposons ceci pour le Biodôme : un creuset de systèmes hybrides, la maison du vivant hybride de Montréal qui expliquerait aux citoyens comment inviter, collaborer et se connecter au monde naturel. Et la ville deviendra alors un événement évolutionnaire positif dans la vie de la planète. L’entrée
La nouvelle entrée du Biodôme est une simple et riche transformation de l’arc peu prononcé de la structure du vélodrome. Elle ne se construit pas vers l’extérieur mais invite plutôt la nature vers l’intérieur, en s’insérant dans le plan existant du mur extérieur. La démolition du béton le long de l’entrée crée une arête légère composée de gabions envahis de mousses et de lichens, marquant une des extrémités de l’entrée. De la Grande Place, le visiteur se sent immédiatement relié à l’intérieur par le moyen d’une paroi de verre – avec des lierres et des rampants balançant leurs vrilles au-dessus des portes, gardiens délicats de la germination sauvage à l’intérieur.
SCANDALE À MONTRÉAL : LA NATURE S’ÉCHAPPE DU BIODÔME ! La Nature, qu’on croyait bien enfermée alors qu’elle portait en réalité une oreille attentive aux influences extérieures, a déclenché une vaste chasse aux plantes et aux animaux à l’échelle de la ville, après s’être échappée du Biodôme par la porte arrière ! Les responsables du Biodôme ont averti la population de n’approcher d’aucune plante, animal ou être vivant d’aucune sorte après que certains membres aient réussi à s’enfuir de la populaire institution hébergée par l’ancien Vélodrome olympique. Pour l’instant, il n’est pas clair quels animaux ou plantes sont les véritables fugitifs, alors que les enquêteurs essaient de mesurer l’étendue de ce qu’on appelle déjà « la grande évasion ». Selon toute vraisemblance, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un coup monté entièrement de l’intérieur et les instigateurs seraient les animaux de l’écosystème de la forêt laurentienne. « Nous sommes en contact permanent avec la police et l’équipe de la sécurité afin de déterminer comment a pu avoir lieu l’évasion. Il est probable que tout ait commencé dans l’écosystème laurentien, qui est d’ailleurs une réplique de l’environnement extérieur tout autour du Biodôme. Il semble que les premiers fugitifs aient été les insectes, mais nous croyons maintenant que les loutres soient derrière la préparation de cette évasion », affirme Rachel Léger, directrice du Biodôme. La preuve est maintenant accablante: après 20 ans passés à l’intérieur d’une des principales attractions touristiques de Montréal, au moins un des écosystèmes s’est échappé pour de bon. « Nous avons trouvé une loutre qui, heureusement, n’est pas parvenue à sortir du bâtiment. Elle tournait autour d’un des aquariums. En fait, nous ne sommes pas sûrs si elle voulait vraiment partir. Par contre, l’écosystème, lui, s’est bel et bien répandu complètement au-delà de ses frontières, ce qui est très excitant », a ajouté une source interne haut placée. Selon notre source, la Nature dans le Biodôme aurait montré cette tendance depuis quelque temps, particulièrement les écosystèmes du golfe et de la forêt laurentienne. Les représentants du règne animal auraient entendu un appel à l’aide de leurs parents en milieu sauvage. Notre source à l’intérieur du Biodôme rapporte également un sentiment généralisé de honte parmi les animaux, si bien protégés dans le Biodôme, alors que leurs frères souffrent à l’extérieur.
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L’évasion
Afin d’établir cet environnement (sauvage) de vie hybride, notre premier geste est de libérer la nature de ses limites dans le Biodôme – en laissant d’abord la forêt laurentienne s’échapper vers le sud. Dans ce volume ensoleillé, vaste et sous-utilisé, le visiteur du nouveau Biodôme verra cette nature exercer sa force sur l’espace. Ici, la Grande Place et le Biodôme s’amalgament ; la communauté se mêle aux plantes et aux insectes. À travers le récit de l’évasion et de la réconciliation, le Biodôme se fait le foyer à la fois de la ville à l’extérieur et des écosystèmes à l’intérieur, l’endroit où les deux se confondent avec créativité. L’esplanade
Ce lieu d’interactions s’étend de la « zone d’évasion » au sud jusqu’à l’entrée des visiteurs sur la Grande Place au nord, pour retourner à son point d’origine en passant par le centre du Biodôme. Nous le voyons comme un long seuil à franchir avant les écosystèmes, une occasion de contempler, ralentir et examiner — une occasion de se plonger dans la grande aventure de l’observation du monde naturel. La simplicité est la clé. Le robuste béton des gradins du vélodrome est dégagé et exposé, révélant la spectaculaire étendue de l’espace endessous. Le visiteur est attiré de l’entrée vers la boutique et au-delà, l’esplanade tachetée d’ « envahisseuses succulentes ». Les plantes poussent dans les fissures accidentelles, pendent ou rampent au sommet de murs légèrement ondulés et destinés à l’art public. L’espace « Sous les gradins », l’expérience qu’on y fait, symbolise la relation entre l’homme et la nature. Cet espace est configuré comme lieu évolutif s’appuyant sur la participation citoyenne. Conçu comme écologie d’apprentissage, l’esplanade est parsemée de panneaux d’information, d’organismes et d’organisations vivantes. En présentant des façons d’interagir pour l’homme et la nature, les visiteurs se déplacent le long d’un continuum de changements comportementaux — d’abord éveiller la conscience, ensuite pourvoir l’espace et les ressources pour la réflexion, fournir ensuite les outils pour agir dans leur propre vie et, finalement, fournir le soutien et la validation nécessaires pour l’action durable. Tout ceci dans un espace évolutif, vu comme un work-in-progress. L’ADN de l’esplanade suggère une nouvelle approche au monde non-humain : un partenariat fondé sur l’empathie sous un même toit. L’esplanade est un appel à
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Les premières hypothèses indiquent que l’appel initial proviendrait des plantes et des insectes. « Depuis plusieurs années, nous nous inquiétions des pollinisateurs. Mais l’action semble avoir commencé avec les insectes. Comme vous le savez, une énorme colonie d’insectes vit un peu plus haut sur la pente, de même qu’un gang de végétaux le long de la rue Sherbrooke. Nous croyons que les insectes du Biodôme auraient d’abord pris contact avec cette organisation », soutient notre source. Présumés cerveaux derrière la pollinisation, les insectes sont aussi responsables de la distribution et de la dégradation de nos déchets. « Ils sont très audacieux et admirablement organisés. Je pense qu’ils sont de plus en plus conscients de leur importance pour nous, ce que l’on ne pourrait nier », a ajouté une autre source officielle au Biodôme. Mais les insectes n’auraient pas pu réaliser seuls ce tour de force en plein jour. Trois classes de vertébrés semblent être complices de l’escapade : les poissons, les oiseaux et les mammifères. « Il est grand temps qu’ils s’unissent pour demander le droit à la santé et à la liberté pour tous les animaux, même dans les villes. Ils sont beaucoup plus résilients lorsqu’ils agissent ensemble. Je suis très fière d’eux », nous confie Mme Léger. Il est possible que les observateurs aient manqué les premiers signes de l’évasion. Les poissons ont commencé à bloquer les pompes et les filtres avec des pierres. « Les esturgeons sont particulièrement intrépides. Ils peuvent former de complexes relations spatiales et même se construire des cartes mentales d’un lieu. Il est possible que ceux-ci aient guidé les autres espèces pour sortir et aller aider leurs semblables», a poursuivi un responsable du Biodôme. Les autorités municipales ont exprimé leur inquiétude de voir cette capacité dans l’art de l’évasion s’étendre au reste du globe, à moins qu’elle ne soit contenue rapidement. « Cette attitude de reprendre la rue est typique des révolutionnaires » a déclaré le chef de la police Art Dodge. « Nous devons nous méfier. » Mme Léger a semblé indifférente au commentaire du chef du SPVM : « Je ne comprends pas toute cette inquiétude. La Nature est probablement seulement en train de dire quelque chose comme ‘nous pouvons et nous allons vivre ensemble’, tout comme elle l’a fait depuis 20 ans à l’intérieur du Biodôme. Et à l’extérieur pour les dernières 4 milliards d’années et quelques… »
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Les effets de l’évasion sur le célèbre édifice sont remarquables — mais pas autant que les effets possibles sur notre connaissance de la communication animale. « Les oiseaux ont déchiré nos deux grands filets », a mentionné notre source. « C’est comme s’ils avaient essayé de migrer tous en même temps. Un groupe d’élèves ayant passé la nuit précédente au Biodôme a rapporté avoir entendu une communication entre animaux, faite d’appels et de réponses inhabituels. Nous pensons que les perroquets puissent avoir incité les autres oiseaux. Même les pingouins ont participé au vacarme. » « Ce ne sont pas tous les oiseaux qui migrent. Nous pensons donc qu’une espèce puisse avoir transmis l’idée aux autres. Cette capacité d’apprendre en adoptant le point de vue d’un autre individu est au fondement même de l’empathie. Le comportement des oiseaux nous a peut-être appris quelque chose d’important à propos de l’intelligence et des émotions animales. Ils communiquent de manière extrêmement complexe. » Jusqu’à tout récemment, on pensait que la communication interspécifique au bénéfice des espèces impliquées, et connue sous le nom de mutualisme, était essentiellement limitée aux signaux d’alarme. « C’est la première fois qu’une telle communication survient selon un mode coopératif dans l’atteinte d’un but précis », a souligné un responsable du Biodôme. « Et avec autant d’espèces impliquées, disons simplement que l’on se devra d’augmenter considérablement nos budgets de recherche afin de comprendre exactement ce qui s’est passé ici. » Les filets devront être remplacés. Et le système de sécurité devra être changé, pour une raison qui nous amène à parler du rôle des mammifères dans cette histoire. « Nous commençons à peine à comprendre cette partie de l’histoire », a rapporté notre source. « Nous savons maintenant que la loutre était le cerveau de toute l’opération. Elle devait surtout être motivée par l’appel à l’aide de la nature sauvage. » On considère les loutres comme un des plus intelligents mammifères sur terre. Il y a des preuves grandissantes que cette loutre ait utilisé des piquants de porc-épic afin d’ouvrir les serrures ! Comment elle a pu obtenir les piquants est une autre histoire. « Nous avons trouvé des piquants près des portes ouvertes. Il appert que notre loutre ait pu bénéficier de l’aide d’oiseaux forestiers dans la récupération des piquants. », a ajouté notre source.
l’action. Ici, toujours au contact de choses se soutenant mutuellement, la participation citoyenne est encouragée par l’exemple ; une nouvelle, et à la fois ancienne, forme du rapport social émergera — l’interdépendance entre les espèces. Servir les écosystèmes
Et ainsi, au-delà de la biophilie, nous nous efforçons d’atteindre l’« écophilie » - pensant explicitement à la prestation de services écosystémiques au monde non-humain comme acte d’humilité, de gratitude, d’admiration, d’amour. Notre but dans le nouveau Biodôme est de créer un espace pour un habitat à la fois humain et non-humain, un habitat hybride construit par notre travail commun! Nous fermons les cycles de créativité comme dans la nature, de telle sorte que les déchets deviennent nourriture et que les synergies entre les espèces viennent naturellement. Nous sommes membres de la communauté naturelle et devons redonner autant que nous prenons, partageant notre meilleure part de nous-mêmes. De nouvelles expériences de partout
Après avoir quitté l’esplanade et le contrôle des billets, un ruban de cette nouvelle écologie hybride s’élève près de l’écosystème subpolaire rénové, pour devenir une nouvelle promenade migratoire, embrassant la structure existante et se faisant discrète le long de ses murs. Du froid subpolaire, en passant par le golfe et la forêt laurentienne, atteignant finalement la forêt tropicale, ce cordon d’esplanade surélevée multipliera les sentiers que pourra choisir le visiteur, tout en brouillant les limites entre observateurs et observés. Il encouragera à s’attarder à des zones élargies, les « stations terrestres » où le visiteur pourra être témoin des activités dans les écosystèmes de façon particulièrement intime, par la simple exposition sensorielle — le froid, l’étendue, la proximité, le toucher. Il fera l’expérience de paysages sonores sousmarins. Dès l’écosystème du golfe, il sera possible de voir exactement ce que les animaux voient, en utilisant une caméra 3D. Le visiteur nagera comme un pingouin, volera comme un goéland, s’accroupira tel un lynx, se balancera comme un singe, ou nagera comme un poisson. En redéfinissant la base à partir de laquelle elle est expérimentée, ces nouvelles vues venant de partout supporteront en tout temps, de façon déstabilisante, la mission de reconnaissance et de préservation de la biodiversité.
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Le foyer central catalyseur
Des espaces naturels et immersifs, des espaces expérientiels créatifs, des espaces éducationnels évolués, des espaces sociaux inspirants : le Biodôme en a tous besoin et ceux-ci se rejoignent tous dans un nouveau grand hall central. L’esplanade, la rampe aérienne, les circulations, tous portent la signature du projet — son ADN. À partir de là, les visiteurs pourront se glisser dans chacun des écosystèmes, séparés par des sas qui empêcheront l’air, et parfois les oiseaux si nécessaire, de circuler entre eux. Ils apprendront l’histoire de la biodiversité, des sols, ainsi que des éléments non-vivants de la nature tels que le vent, le soleil et la température. Ils pourront escalader la rampe, accéder à l’esplanade ou explorer les présentations muséologiques de cet espace laboratoire central. Le plafond de cet espace est largement ouvert pour encadrer la vaste étendue du toit de vélodrome au-dessus. Un exemple vivant
Le nouveau Biodôme créera des occasions de VIVRE de nouvelles expériences et relations. Il deviendra lui-même sujet d’apprentissage, de jeu et de rassemblements — exposé avec désinvolture, impliqué simplement dans ce monde hybride, il sera un exemple vivant de la manière dont l’humain et la nature peuvent cohabiter. Un appel à l’action !
Défini par des rencontres directes avec le non-humain et l’hybride, le Biodôme révèlera simultanément notre dépendance au monde naturel et l’occasion qui nous est donnée de la maintenir. En déambulant dans le Biodôme, le visiteur imaginera comment cette façon de cohabiter avec la nature pourrait se propager ailleurs, aux parcs, cours, maisons. Et de fait, notre vision est que le Biodôme, que tout l’Espace pour la vie, pourrait effectivement s’étendre à travers un réseau à la grandeur de l’île, à travers rues, ruelles et lignes de métro, un tissu urbain naturellement tissé. Par le moyen de consultations pour en penser le rayonnement, le Biodôme pourrait ainsi devenir le catalyseur de l’entière communauté de Montréal, pour toutes les recherches ayant à cœur d’intégrer la nature dans nos villes. Et la question inverse pourrait aussi se poser : que peuvent apporter nos villes au Biodôme ? Nous aurions là alors un véritable rhizome hybride au contact duquel, sans nul doute, le visiteur comprendrait l’occasion qui s’impose à lui de partager nos villes – résultantes d’une évolution naturelle devenues le foyer de notre espèce − avec nos plus importants hôtes et partenaires : le reste entier du monde naturel.
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L’équipe d’investigation croit que cette version des responsables et autres sources soit assez proche de la vérité. « Il s’agit d’un moment passionnant. La Nature est maintenant partout dans l’édifice. Je suis persuadée qu’elle est occupée à contacter le reste du monde naturel. La Grande Place a déjà encerclé le Biodôme et la communauté frappe à la porte pour entrer. Dans le bâtiment, on trouve sans cesse de touffes de matière verte poussant dans des endroits étranges, comme sur le réseau de conduits d’aération. Cette matière semble changer et devenir une sorte de nature hybride. Elle fusionne avec le bâtiment et le transforme. Plus étonnant encore : elle semble également lancer des signaux aux visiteurs », a exprimé un employé du Biodôme. Mme Léger affirme qu’il s’agit d’une bénédiction pour le Biodôme. « Nous avons lutté toutes ces années pour que la Nature ait une vie saine à l’intérieur. Et nous avons essayé de montrer à la population ce dont elle était capable. Eh bien maintenant, cela est évident pour tous. Je suis sûre qu’il n’y aura pas de retour en arrière. » Pas de retour effectivement. Mais jusqu’où se rendra-t-elle ? Que nous réserve le futur ? « Nous au Biodôme pourrions bien ne plus être nécessaires pour donner une voix à la nature », affirme Mme Léger. « Notre travail consistera maintenant davantage à apprendre aux gens comment entendre ce que la nature a à nous dire. Et je dois dire, lorsque vous savez quoi écouter, le message n’est rien de moins qu’incroyable. C’est un message porteur d’espoir – que nous pouvons tous vivre ensemble, que nous pouvons nous changer mutuellement pour le meilleur, et que nous ne devrions donc pas avoir peur. » L’attente est palpable dans les rues de Montréal. « Je dois admettre cependant que la nature est parfois un peu bizarre à l’extérieur du Biodôme », a dit en terminant Mme Léger. « Les nouveaux hybrides ont commencé à montrer un goût inhabituel. Je ne saurais dire pourquoi, mais ils semblent particulièrement aimer se greffer aux vieilles enveloppes de bâtiments des années 70, ainsi qu’aux décors des années 80 et 90. Qui aurait pu prédire…» NOUVELLE DE DERNIÈRE HEURE ! UNE FAMILLE SÉPARÉE DEPUIS 10 000 ANS RÉUNIE — ET ILS DEMEURAIENT LES UNS PRÈS DES AUTRES !
Pour tous les détails, surveillez la sortie du prochain numéro de L’ÉCHO CITOYEN !
TEXTE DE CONCEPTION - Une architecture durable
En mettant la nature au centre de nos activités de conception, nos pratiques durables feront la démonstration que les personnes et les lieux font partie intégrante de l’exploration et de la découverte de systèmes vivants à l’intérieur même de l’environnement construit. Nous nous efforcerons d’atteindre nos objectifs en matière de durabilité dans chacune des phases: durant la conception, la construction, les opérations futures et la croissance. Nous fournirons des paysages interactifs et productifs au sein desquels se rencontreront structure et site. La durabilité commence avec une conversation. Elle requiert une collection diversifiée de données pour nourrir et conduire à un résultat intégré — dans ce cas-ci, un environnement vivant qui incarne et produit un impact sur la vie de tous ceux venant à son contact. UN BIODOME RENOUVELÉ Dans les années 1990, le Biodôme représentait une expérimentation audacieuse en exposant des spécimens vivants de la flore et de la faune, dans des représentations du monde naturel à la fois artificielles et authentiques, et fournissant aux visiteurs une expérience immersive. Le Biodôme célèbre aujourd’hui une transformation nouvelle et vitale sur les plans local et mondial — amener en équilibre l’artifice et la beauté par le moyen de sa rénovation. Le Biodôme renouvelé illustrera comment contribuer à la santé du sol, à la fraîcheur de l’air et au bien-être de la flore et de la faune. DURABILITÉ Notre projet incarne l’esprit de la durabilité à de multiples niveaux : • Économique: Notre projet pour le Biodôme cherche à satisfaire le budget présenté. Nous avons respecté les possibilités économiques du programme par des améliorations stratégiques. Notre équipe a cherché avec ténacité dans les exigences du programme et le budget pour parvenir à une solution qui commence avec la transformation du Biodôme et prépare la voie pour la croissance et les partenariats stratégiques à venir. • Architectural : Nous offrons une conception intégrée haute-performance digne du 21è siècle qui respecte et rehausse le patrimoine laissé par le bâtiment original. Nous avons étudié les complexités des systèmes et écosystèmes existants et nous proposons des modifications qui intègrent la nature avec l’architecture, la muséologie et la scénographie.
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Organisationnel: Ce concept redonne de la vigueur à la
durabilité organisationnelle du Biodôme, laquelle est mieux soutenue par un engagement accru de partenaires alignés, incluant des collaborateurs dans les domaines de l’éducation, des affaires, de l’agriculture et de la recherche, la communauté locale, la nature elle-même, etc. Comme dans la nature, la diversité d’organismes (et organisations) mutuellement bénéfiques apporte de la richesse sur plusieurs niveaux. UN ENVIRONNEMENT VIVANT Pour le Biodôme, le programme sommaire indique un désir d’atteindre la certification LEED-CI. Il suggère également que la certification Living Building Challenge n’est pas requise. Alors que nous sommes d’accord avec cette position pour ce bâtiment, nous offrons aussi une solution qui répond davantage à l’esprit d’un nouveau Biodôme qu’à ces deux systèmes normatifs. Cela dit, notre équipe possède une expérience avec les deux systèmes et est capable, et désireuse, de travailler en tenant compte de leurs paramètres tout en maintenant un dialogue direct avec le client. Notre approche est davantage un récit basé sur des principes et des valeurs qu’une liste de critères à satisfaire — une histoire et une démonstration de la complexité de la vie intégrant l’eau, l’énergie, l’air, les ressources naturelles ainsi que l’engagement humain vis-à-vis de ces éléments naturels. Nous avons répondu aux conditions uniques et complexes du Biodôme d’une manière qui contribue à la transformation vitale du bâtiment lui-même (parfois subtilement, parfois de manière plus évidente) à des endroits précis et avec des stratégies spécifiques. Notre but consistait à considérer chaque système de manière à changer le paradigme lié à l’usage des ressources, passant d’un bilan négatif net (extraire, utiliser et éliminer) à un bilan positif net où les cycles se referment, dans un esprit de régénération. Pour être clair, dans cette première phase, nous instillons dans le Biodôme un ADN qui, sans l’être encore, aspire au bilan positif net.
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L’EAU La prévalence de l’eau sur le globe est clairement révélée dans les cinq écosystèmes, que ce soit par l’humidité de la forêt tropicale propice à la biodiversité, ou par la glace procurant une aire de jeux et un terrain de chasse aux pingouins des régions subpolaires. Pourtant, bien que l’eau soit une composante vitale de notre monde, elle est souvent hors de portée, à l’intérieur ou à l’extérieur des écosystèmes. Elle est visible, mais à distance. Notre but est de reconnaître l’eau comme étant la ressource la plus précieuse. Chaque goutte d’eau utilisée dans le Biodôme est examinée en fonction de son potentiel d’utilisation et de réutilisation ; de même pour chaque goutte tombant sur le site pour son potentiel à alimenter la consommation d’eau du bâtiment. Sur ce point, nous avons la chance extraordinaire que le vélodrome et le stade capture l’eau sous une forme visuellement frappante. À court terme, notre vision initiale de l’utilisation de l’eau est modeste mais demeure engageante pour le visiteur : • La sentir dans les nouveaux murs et planchers de végétaux; • La toucher dans sa forme liquide dans les stationslaboratoires et les postes d’observation à l’intérieur et à l’extérieur des écosystèmes ; • La toucher dans sa forme solide dans les écosystèmes polaires redessinés; • L’entendre tomber dans le grand hall central à travers une ouverture dans le plafond et s’égoutter lentement vers un plancher naturel en contrebas ; • L’observer s’égoutter et s’évaporer dans le mur de gabions et la cheminée solaire le long de la façade sud-est. Et nous préparons la voie à de plus profonds engagements dans le futur : • Étudier ses capacités réparatrices en tant que vecteur de transformation des déchets en nourriture ; • Raconter l’histoire migratoire du cycle mondial de l’eau au moyen des composants, existants et nouveaux, présents dans les écosystèmes ; • Permettre à l’eau de devenir un système de filtration naturelle, une zone humide de petite dimension pour les eaux grises dans le bâtiment tandis qu’elle circule dans les pots, pavés, murs et autres éléments tels que les joncs, les scirpes et les nelumbos ; • Distribuer cette incroyable ressource pour en faire sorte que l’esplanade s’épanouisse, que l’esplanade prospère et la Grande Évasion puisse déborder vers le voisinage.
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Tous ces éléments démontrent comment l’eau relie tous les écosystèmes entre eux sur Terre et dans le Biodôme lui-même. Avec l’évolution du design, les paramètres augmenteront les qualités de l’expérience muséologique. LA LUMIÈRE | L’AIR | L’ÉNERGIE Nous savons dans le monde naturel que « la lumière est la vie », et nous avons clairement constaté que cela n’était pas moins vrai pour le Biodôme lui-même. Les puits de lumière du bâtiment original constituaient le parfait point de départ pour la naissance du Biodôme et tout ce qui y vit. Notre concept pour le Biodôme renouvelé est de révéler et d’impliquer plus explicitement la volumétrie originale du vélodrome, son espace intérieur et son magnifique toit ajouré, partie la plus saisissante de ce monument patrimonial, utilisant du même coup son extraordinaire capacité à procurer une généreuse lumière. Dans le monde polaire, nous avons redessiné le plafond pour qu’il disperse stratégiquement une lumière polaire plus réaliste, permettant aux visiteurs de se sentir davantage immergés dans la zone. La diversité des conditions de l’air à l’intérieur du Biodôme est déjà impressionnante, de telle sorte que plusieurs sens sont sollicités : l’humidité de la zone tropicale ressentie sur la peau, la salinité de l’air respiré dans le golfe du Saint-Laurent. Nous voulons élargir cet apport des sensations dans tout le Biodôme et s’en servir pour hausser la qualité de l’expérience, tout en cherchant l’équilibre entre le confort du visiteur et une véritable expérience « écosystémique ». Spécifiquement, dans le monde polaire, nous avons inséré un mur de glace qui, tout en séparant les pôles nord et sud, rafraîchit l’air pour une meilleure expérience. Nous espérons rendre cet écosystème un peu plus inconfortable pour les humains afin d’éveiller les visiteurs aux conditions extrêmes des pôles. De même que ceux-ci enlèvent quelques vêtements dans la zone tropicale, le nouvel air polaire les incitera à se couvrir. De fait, ce nouveau mur de glace grandira en volume à mesure que l’humidité des visiteurs remplira l’espace. Ce changement attirera l’attention sur une part subtile de l’interaction humaine avec l’environnement. Par ailleurs, un « nouvel air » venant de la Grande Place, entrant doucement le long de la façade nord, migrera à travers le Biodôme à différentes hauteurs, suivant en parallèle le chemin de l’expansion laurentienne (la Grande Évasion), au moyen d’une cheminée solaire sur la façade sud-est.
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Celle-ci créera une ventilation naturelle en créant une zone d’évacuation de l’air chauffé par le soleil, actionnant ainsi tout le système. La hauteur du toit du Biodôme permet de mettre cette stratégie en œuvre relativement facilement. Elle permet aussi à la vie végétale de prospérer dans des endroits où elle ne peut actuellement. Stratégie facilement expansible dans le temps, elle a le potentiel de réduire les coûts opérationnels, garantissant du coup sa future expansion. Comme avec d’autres stratégies, celles-ci constituent le fondement de plusieurs autres futures interventions impliquant l’air et la lumière agissant de pair. MATÉRIAUX VIVANTS ET CRÉÉS PAR L’HOMME Le Biodôme renouvelé utilisera des matériaux conçus pour la récupération et la réutilisation continue, promouvant la santé et le bien-être des systèmes biologiques ainsi que la valeur accrue des systèmes techniques. L’intention de notre équipe est de toucher au bâtiment le moins possible et de réutiliser le plus possible dans l’installation de systèmes vivants et créés par l’homme. Nous insistons sur des matériaux qui sont : • sûrs pour les humains et l’environnement ; • conçus avec des composants réutilisables sans danger par la nature ou l’industrie ; • assemblés et manufacturés avec une énergie renouvelable, non-pollluante ; • fabriqués de telle sorte à protéger et enrichir les réserves d’eau ; • fabriqués de telle sorte à faire progresser la justice sociale et environnementale. Par exemple, la nature artificielle actuellement présente sur l’esplanade laissera sa place à des arbres sculpturaux et à des plantes qui augmenteront la performance de la cheminée solaire. Trois portions du verre sombre sur la façade sudest extérieure seront relocalisés sur la face interne de la cheminée, tandis qu’un nouveau verre transparent sera inséré à sa place au sud-est, permettant un meilleur gain solaire et créant un nouveau milieu de croissance pour les plantes de la Grande Évasion au sud, de l’esplanade et de la Grande Place. De plus, comme une partie des gradins existants seront déconstruits pour ouvrir le champ visuel au volume de la structure d’origine, les morceaux de béton seront récupérés pour remplir les gabions du nouveau mur solaire vivant (Sun Wall) dans la partie sud de l’esplanade. Ce béton deviendra la fondation d’un nouvel habitat pour des sédums, fraisiers et heuchères qui grimperont au nouveau mur, démontrant comment la nature peut vaincre le monde construit par l’homme pour le bénéfice à la fois des humains et de la nature. Ce nouveau mur fait partie de la section interne du Sun Wall, la nouvelle entrée nord (dans le budget actuel), et peut être inclus dans des phases ultérieures du
mur sud-est extérieur en tant que partie de la Grande Évasion, qui servira la communauté dans le futur. BIOPHILIE Chacune des stratégies que nous avons incorporées est un effort pour exprimer cette biophilie naturelle que nous détenons en nous en tant qu’humains. Nous sommes d’accord avec les objectifs d’expérience immersive du projet, croyant que plus nous serons plongés et reliés à celle-ci, plus nous aurons tendance à prendre soin d’elle. Que ce soit donc par des interventions directes, indirectes ou symboliques, nous souhaitons brouiller la ligne artificielle qui s’est créée entre l’homme et la nature. Ainsi, dans le nouveau Biodôme: • nous rencontrons la nature sur la Grande Place avant même d’entrer dans le bâtiment ; • nous marchons au milieu d’arbres de la canopée, de philodendrons et de ficus alors que nous entrons par l’espace nord de l’esplanade ; • nous voyons et touchons des murs et des planchers vivants couverts de plantes, au lieu de murales représentant des thèmes naturels ; • nous sentons le mouvement naturel de l’air se déplaçant entre les écosystèmes et à travers les espaces publics du Biodôme ; • nous sommes amenés plus près de la faune et de la flore de chaque écosystème grâce à des postes d’observation intentionnellement pensés à cet effet ; • nous sommes libres d’examiner la nature de plus près dans les stations-laboratoires du nouveau hall central ; • nous expérimentons la nature grâce aux interventions scéniques mises en place dans l’écosphère, le hall central et les écotransits. CONCLUSION L’architecture durable doit se rapprocher d’une narration… une histoire de conception intuitive soutenue par l’analyse et les mesures scientifiques. Une architecture qui non seulement permet de réduire le stress sur l’environnement à mesure que des espaces sont créés pour des humains toujours plus nombreux, mais exige également de prendre appui respectueusement sur la nature, de l’impliquer et de la considérer dans la recherche de solutions, d’apprendre d’elle et de lui permettre de se régénérer comme elle le fait si bien elle-même… naturellement. Cette conversation sur la durabilité au Biodôme demeure incomplète, quoique remplie de possibilités. Nous sommes inspirés et impatients de collaborer avec la direction et le personnel du Biodôme afin d’aller plus loin dans la détermination de sa prochaine évolution.
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