Black Beauty Celebrities n° 7 - mars 2021

Page 1

CELEBRITIES

BLACK BEAUTY

BLACK BEAUTY

CELEBRITIES #007 mars 2021

LA FRANCOPHONIE AVEC ELLES

La mobilisation

DES CANDIDATES

« On est toujours le fruit de son histoire »

AU NATUREL

LITTÉRATURE

JODIE TURNER-SMITH

L 11060 - 7 - F: 3,70 € - RD

#BLACKFASHIONMATTERS

BEAUTÉ MISS NAPPY FRANCE

ARNAUD NGATCHA

La polémique du blackwashing

MODE INSPIRATION

EUGÈNE ÉBODÉ , RENCONTRE AVEC L’INCROYABLE MADO

E. MORENO

La voix des sans voix

Afrique/S : 2500 cfa Afrique/A : 3500 cfa D.o.m./s : 4,30 € Bel. : 4,20 € Can. : 7.50 $Cad


SOMMAIRE

LES FEMMES SONT SOUVENT LES PREMIÈRES FRAGILISÉES PAR LES CRISES. ENSEMBLE, SOUTENONS-LES.

08 Élisabeth Moreno

N° 7 MARS 2021

Dans les pays francophones, chaque nouvelle crise plonge des millions de femmes actives dans la précarité. Faire un don au fonds #LaFrancophonieAvecElles c’est les aider à se relever et à retrouver leur autonomie. Ensemble, soutenons-les sur www.francophonie.org

Agence Mlle Pitch pour l’OIF - RCS/SIRET de la Francophonie : 784 314 858 00076 - Crédit Photo © : Fred Leveugle

Les prix ne sont donnés qu'à titre indicatif. Étant sujets à fluctuation, ils n'engagent en aucun cas notre responsabilité. ÉDITIONS BLACK BEAUTY SASU Black Beauty Entertainment RCS Créteil Siège social 2, place Jean-Jaurès, 94410 SAINT-MAURICE Directrice de publication Catherine TRUSKOLASKI Directrice de Communication Catherine LASKI 0640.142.542 laski.blackbeauty@gmail.com BLACK BEAUTY CELEBRITIES blackbeautycelebrities www.blackbeauty-mag.com Directeur commercial et de la Publicité Thierry Bernath thierrymichael.bernath@gmail.com Catherine TRUSKOLASKI 0640.142.542 laski.blackbeauty@gmail.com Espace publicitaire Web 0640 142 542 N° CPPAP : 0922K93173 Mars 2021 Direction artistique Emmanuelle Perigault-Garnier contact@epg-freelance.com Imprimerie Rotimpress (Espagne) Dépôt légal à parution n° ISSN : 2680-6495 PHOTO DE COUVERTURE : CRÉDIT PHOTO SERVICES DU PREMIER MINISTRE

Jodie Turner-Smith LudovicHermann Wanda

ACTU

5 Les news people 8  Élisabeth Moreno    Une vraie culture    du résultat 13  Roukiata Ouedraogo     Engagée pour l'éducation 16  Arnaud Ngatcha

MODE

22  Les looks de    Jodie Turner-Smith

24  Publi-communiqué :    Maïwax 26  Black Lives Matter    in Italian Fashion 36  Salon international     du textile africain 2021

BEAUTÉ

48  Des envies de senteurs 50  Miss Nappy France 2021    C'est reparti ! 52 Cantu 54  Make-up masqué

CULTURE

14  La Francophonie    avec Elles 18  Blackwashing    Faut-il polémiquer ?

56 Oscars    Michel K. Zongo 64  Shopping déco MUSIQUE 60  Laurence Gastine     Poétesse de la JazZ    Soul EtniK 62  Céleste     Future idole de la soul LITTÉRATURE 38  Eugène Ébodé    Brûlant était le regard    de Picasso... 42  Ludovic-Hermann Wanda    Noir, Juif, banlieusard    et dandy du verbe 45  Rentrée littéraire 59 Calypso 65 Horoscope 3


XPRESS DE CES É C O U V R E Z L’ A C T U E D . . . S N O I AT R A L C É D , MES . INDISCRÉTIONS, DRA DERNIÈRES SEMAINES

ÉDITO

E L P O E P S LES NEW D

Être fière de soi, être femme

E DE CE DÉBUT D'ANNÉ

La parole se libère... « trop », diront certains ! Les actions se font de plus en plus visibles, même si elles rencontrent un écho inégal selon les régions du monde. Gageons que les jeunes générations poursuivront le combat des mères ou de certains pères et que l’éducation donnée aux enfants sèmera le refus de la soumission. Hisser la femme à sa juste valeur, refuser les diktats des préjugés qui consolident l’homme dans sa position dominante, en donnant la parole à celles et ceux qui sont déterminés à ne pas subir. Élisabeth Moreno, figure de l’entreprenariat high-tech, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, est un modèle qui trouve naturellement sa place dans ce nouveau numéro de mars de Black Beauty Celebrities. Et gageons que ces paroles de Christiane Taubira – « Le monde qui viendra devra s’habituer partout, à la présence partout, la présence forte de nos filles » – soient visionnaires.

SALMA HAYEK AC C U S É E , E L L E M O N TE AU C RÉ N E AU

epuis quinze ans, la sublime Libano-Mexicaine vit le grand amour avec le milliardaire français François-Henri Pinault. Le couple a eu le temps de prouver son sérieux et sa stabilité, notamment avec l’arrivée de sa petite Valentina Paloma, mais la belle est encore et toujours accusée de n’être avec son cher et tendre que pour son argent. Des critiques persistantes qu’elle se refusait de commenter, jusqu’à récemment, en dénonçant une discrimination envers les hommes riches : « Les gens pensent tout de suite que ce ne sont pas des hommes bien, qu’ils sont vénaux, qu’ils n’ont pas de valeur, qu’ils n’ont obtenu leur fortune qu’en trichant... Il y a beaucoup d’idées reçues et, bien sûr, on me les a toutes sorties. » Follement heureuse auprès de son Frenchie, elle se contente de vivre sa belle histoire d’amour en ignorant royalement les remarques négatives.

MEGHAN ET HARRY I LS CO NT R A R I E NT ( À NO UV E AU) LA R E I NE !

Catherine Laski

RIHANNA

L E B A D B U Z Z D E TRO P ?

Votre spécialiste en cheveux 100% naturels, vous propose le meilleur des extensions, tissages et perruques du marché haut de gamme. Tous nos produits sont minutieusement sélectionnés pour réaliser tout ce que vous avez l’habitude de faire avec vos propres cheveux : coloration, lissage, permanente. Ventes en gros et aux particuliers.

www.realhairexclusive.com •

+ 31 20 771 04 23

Le lendemain de l’annonce de la seconde grossesse de la duchesse, c’est Oprah Winfrey herself qui a fait une grande révélation : l’interview à venir du couple, un moment de vérité et d’infos choc, au cours de laquelle elle a promis de poser toutes les questions qui dérangent, de même qu’une sincérité absolue de ceux qui ont promis de lui livrer tous leurs secrets, notamment la vie de l’ex-comédienne en tant que membre de la famille royale, et toutes les vraies raisons de leur exil aux États-Unis. De quoi creuser davantage le fossé entre le prince et sa famille...

La provoc’, elle adore ! Et pour lancer sa marque de lingerie, quoi de mieux que de poster une photo topless sur son compte Instagram ? Plus le buzz est grand, plus la promotion est réussie ! Seulement voilà, sa mise en scène comportait un détail qui n’est pas passé, un faux pas qui, plutôt que de percuter dans le bon sens, a choqué bon nombre de ses fans : un pendentif de la divinité indienne Ganesh. Un manque de respect non dissimulé pour les traditions et la culture indiennes, pour des fidèles outrés, mais également des personnalités et institutions politiques, dont l’une a déjà déposé une plainte réclamant le retrait de la photo des réseaux sociaux. La star s’était déjà mis à dos le gouvernement indien auparavant, en publiant son soutien pour des agriculteurs manifestant contre les réformes agricoles. 5


JANET JACKSON LA REVANC HE !

SIA U N E F E M M E BL ESSÉE Trompée par son ex Shia LaBeouf, la chanteuse australienne se remet difficilement de cette relation dans laquelle elle a énormément souffert. Dans une interview accordée au Times, elle a déclaré avoir découvert qu’il sortait en même temps avec FKA Twigs... mais pas seulement : « Chacune d’entre nous pensait être sa seule petite amie... Mais en plus de nous tromper l’une avec l’autre, il était toujours marié ! Il disait vouloir m’épouser et mener une vie sobre... » S’estimant piégée dans cette relation adultère, elle a accusé l’homme d’être « un menteur pathologique » et a apporté son soutien à son exrivale, qui avait dénoncé des violences subies de la part de l’acteur, maladivement jaloux et possessif. Violences qu’il a plus tard reconnues, annonçant une pause dans sa carrière pour se soigner.

6

Des mots qu’elle a attendus pendant dix-sept longues années... et dont elle tire malgré tout un grand soulagement. Vivement critiquée, jusqu’à être blacklistée de nombreux émissions, chaînes et événements, à la suite du scandale du « Nipplegate » lors du Super Bowl, la chanteuse avait énormément souffert du geste de Justin Timberlake qui avait terni son image. Récemment, le chanteur a fait son mea-culpa en révélant avoir bénéficié d’un système qui tolère la misogynie et le racisme, et a présenté ses excuses, notamment à Janet Jackson, pour avoir dévoilé son sein au monde entier par accident. Effet inattendu du communiqué : la sœur du défunt King of Pop a connu un rebond dans les téléchargements de son album Control, que le monde s’arrache. Une belle revanche pour celle qui n’a pas manqué de remercier son public pour ce beau cadeau.

ON M’APPELLE

« LA SALE NOIRE » POURTANT, JE M’APPELLE FATOU.

SONIA ROLLAND

DU R, DU R D’ÊTRE MAMAN !

Heureuse maman de Tess et Kahina, l’ex-Miss n’appréhendait pas vraiment l’adolescence de ses filles, pensant certainement échapper à l’étape rébellion. Grosse erreur ! À 14 ans, son aînée lui en fait voir de toutes les couleurs, comme elle l’a confié dans les colonnes de Nous Deux : « Nous vivons une période délicate... Je découvre quelqu'un qui veut se défaire de tous les liens. Il y a des moments doux, de compréhension et, le lendemain, je suis le réceptacle de toutes ses frustrations. De vraies montagnes russes émotionnelles. Parfois, je me sens un peu démunie, mais je reste à l'écoute de toutes ses angoisses d'adolescente. » À chaque âge ses défis, n’est-ce pas, Sonia ? •

LE VIH M’ATTEINT CERTAINS-ES M’ENFONCENT AVEC AIDES, JE ME RELÈVE Les discriminations font le lit de l’épidémie du VIH. Donnez sur aides.org


ACTU

ÉLISABETH MORENO

Une véritable culture du résultat

© SIPA

Élisabeth Moreno à Matignon

La ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances est sans cesse en mouvement. Sur tous les fronts, à la tête d’un ministère au centre de nombreuses problématiques sociétales, elle compte bien ne pas être une vitrine. Par ses expériences à la tête de grandes entreprises high-tech (Lenovo, HP), Élisabeth Moreno est déterminée à placer ses actions sous la bannière de la cuture du résultat et de la réussite. Un parcours et une détermination qui en font l’espoir de toute une génération qui, comme elle, doit contourner les difficultés liées au genre ou à l’origine.

8

9


ACTU choisissant le « camp des victimes ». Je souhaite être la voix des sans voix, la voix de celles ou ceux qui se sentent « invisibilisés ».

L

es valeurs de votre ministère incarnent-t-elles votre parcours ? Élisabeth Moreno : J’ai l’habitude de dire que ce ministère était fait pour moi. Je suis née en Afrique, plus précisément au Cap-Vert. Arrivée en France enfant, j’ai grandi dans une cité de l’Essonne, dans une famille modeste. Les échelons que j’ai pu gravir sont le fruit à la fois des valeurs que l’on m’a inculquées, des combats que j’ai menés, mais aussi des opportunités que la France m’a offertes. Autrement dit, les valeurs et les causes de mon ministère sont celles qui m’habitent depuis toujours et qui se confondent avec mon parcours : le combat pour la condition des femmes et la double quête de liberté et d’égalité qu’il revêt, la promotion de la diversité, ainsi que, en toile de fond, la lutte contre les discriminations et le combat pour l’égalité des chances sur tous nos territoires. Je mesure donc à la fois l’honneur qui m’est fait, mais aussi, et surtout, le poids des responsabilités qui sont les miennes. Car les missions qui me sont dévolues aujourd’hui touchent aux vies humaines ; qu’il s’agisse de la lutte contre les violences faites aux femmes, contre les LGBTphobies, contre les discriminations, etc. Ces combats ont des impacts directs dans le quotidien des Françaises et des Français. C’est pourquoi je m’astreins à insuffler une véritable culture du résultat, comme j’ai pu le faire en entreprise. Ce rôle de ministre ne rejoint-il pas finalement votre désir d’être avocate ? É. M. : Je suis d’accord avec vous et je considère, en fin de compte, que mon rôle de ministre en charge de l’Égalité – avec un « É » majuscule – est de plaider avec détermination et conviction sur ces sujets dont je défends les causes au quotidien. Je m’inscris dans le sillon que Gisèle Halimi a tracé pour nous, 10

Les grands principes républicains ne sont-ils pas perçus comme illusoires ? É. M. : J’en ai conscience. Je crois que l’égalité des droits doit se traduire par l’égalité des choix. La promesse d’égalité s’est peu à peu fissurée sous le poids de la progression des inégalités et des discriminations. À mes yeux, l’égalité ne doit être ni un talisman, ni un slogan. Elle est à la fois un idéal, toujours inachevé, ainsi qu’un objectif, avec une double obligation d’action et de résultats. Comme l’avait affirmé François Mitterrand, « l’égalité n’est jamais acquise ; c’est toujours un combat ». Le gouvernement y travaille donc d’arrache-pied, et ce dans tous les domaines. Qu’il s’agisse par exemple de notre Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023, les internats et les campus d’excellence, la mise en place récente d’une plateforme d’accompagnement des victimes de discriminations ou la création d’un Index de la diversité que je propose afin d’établir un diagnostic du niveau d’inclusion dans la société et d'y apporter des solutions. Comment lutter contre les stéréotypes ? É. M. : Ce combat doit être mené avant tout dans les « esprits ». La matrice des inégalités puise en effet sa source dans les stéréotypes et les préjugés, si profondément ancrés dans la vie quotidienne qu’ils en deviennent insidieux, presque invisibles. Un fléau que l’on peut pourtant corriger à l’école dès le plus jeune âge. Avec Jean-Michel Blanquer, nous sommes déterminés à insuffler la culture de l’égalité à tous les enfants et leur permettre aussi d’« apprendre à désapprendre » pour ne pas limiter les potentialités. Nous sommes aussi très vigilants sur le sujet du poids des réseaux sociaux, par exemple l’hypersexualisation des jeunes filles. Comme le révèle le film Mignonnes de Maïmouna Doucouré, il faut éduquer les jeunes, notamment les garçons, afin de sortir de stéréotypes patriarcaux qui sévissent encore à l’égard des jeunes filles et jeunes femmes. Concernant le monde de l’entreprise, et je l’ai observé Lancée le 12 février, et vécu durant ma vie la plateforme de professionnelle, ces stéréotypes signalement et d’accompagnement ont encore la vie dure. Les femmes des victimes de sont confrontées à des plafonds de discriminations confiée verre et font preuve d’autocensure. au Défenseur des Si la loi Copé-Zimmermann, droits est un nouveau service pour apporter dont nous avons fêté le dixième gratuitement une anniversaire, a permis d’opérer réponse efficace un bond spectaculaire en termes aux injustices liées à de féminisation des conseils l’emploi, l’accès au logement, à la santé, au d’administration des grandes financement bancaire, entreprises, force est de constater à l’école, etc. Les que, dans les autres instances victimes ou témoins de discriminations de direction – là où se prennent peuvent désormais réellement les décisions de appeler le 3928 du l’entreprise –, les femmes lundi au vendredi de demeurent trop nombreuses, 9 heures à 18 heures ou se rendre sur www. voire invisibilisées. Je plaide pour antidiscriminations.fr. des quotas dans les instances de

direction. La parité n’est pas la charité. Il s’agit d’un enjeu de justice sociale, ainsi que d’un atout compétitif. Ce combat est à mener aussi sur le terrain des rémunérations. Vous êtes aussi impliquée dans le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) : que souhaitez-vous aux Afrodescendants ? É. M. : Je voudrais leur faire passer un message simple : toutes les diasporas sont une chance. Pour la France, comme pour le pays de leurs parents ou grands-parents. Les personnes afrodescendantes sont les visages de cette nouvelle relation entre la France et l’Afrique, les traits d’union entre les deux rives de la Méditerranée, les ponts dont nous avons besoin pour écrire les pages d’une histoire nouvelle entre la France et l’Afrique. C’est l’esprit du discours de Ouagadougou du président de la République, qui a rappelé le rôle central des diasporas dans la rénovation des relations franco-africaines, notamment dans ses dimensions économique et culturelle. Ce Conseil présidentiel pour l’Afrique, coordonné par Wilfrid Lauriano do Rego, donne un cap et met la lumière sur les diasporas et leurs talents, en apportant des solutions concrètes aux entrepreneurs qui en sont issus. La pandémie actuelle est un véritable fléau face aux violences... É. M. : En 2020, les signalements de violences intrafamiliales

Élisabeth Moreno à Matignon

ont en effet augmenté. Cette progression s’explique par une plus grande libération de la parole des victimes, ainsi que par une plus grande notoriété des différents dispositifs d’écoute, d’alerte et d’accompagnement sur lesquels le gouvernement a fortement communiqué. Durant le premier confinement, les appels vers le 3919 ont triplé. Au cours du deuxième confinement, les signalements effectués sur la plateforme du ministère de l’Intérieur « Violences sexistes et sexuelles » ont progressé de 60 %. Sur l’année 2020, le nombre de plaintes pour violences conjugales a progressé de 9,6 %. En revanche, le nombre de féminicides est quant à lui passé de 146 en 2019 à 90 en 2020. Néanmoins, un féminicide est, et restera toujours, un féminicide de trop. Pour enrayer ce fléau, des mesures concrètes sont proposées : 46 ont découlé du Grenelle des violences conjugales – augmentation du nombre de places d’hébergement pour les femmes victimes de violences et leurs enfants, 18 centres de prise en charge des auteurs de violences, dont trois en Outremer, un dispositif de prise de plaintes à l’hôpital, le déploiement des bracelets anti-rapprochement. Nous avons ainsi développé un partenariat avec Uber, qui propose jusqu’au 31 mars 2021 deux mille courses gratuites pour les femmes victimes de violences. Les enseignes de la grande distribution ont également relayé nos actions de sensibilisation. Cette bataille est plus que jamais collective.

« Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. »

11


ACTU © SIPA

© SIPA

ACTU

Comment contourner les difficultés liées au sexisme ? É. M. : Je me réjouis que la nouvelle génération soit extrêmement engagée et courageuse. Après les « suffragettes », puis les « 343 salopes », peut-être que ma génération a cru avoir résolu la question féministe. Le combat pour les droits des femmes n’est pas clos et nous devons demeurer extrêmement vigilantes collectivement. Les mouvements #MeToo, #MeTooInceste et #MeTooGay constituent des illustrations concrètes de la libération de la parole qui s’opère, de la fin d’un tabou. Ils démontrent combien la nouvelle génération ne veut rien laisser passer. Récemment, j’ai eu la chance de rencontrer Djaïli Amadou Amal, dont le livre Les Impatientes est un témoignage grave, bouleversant et universel sur le quotidien de très nombreuses femmes au Sahel. Le fait qu’un jury de jeunes lui décerne le Prix Goncourt des lycéens constitue une preuve supplémentaire que notre jeunesse est engagée. C’est une bonne nouvelle pour notre société. En matière d’inceste, je considère qu’il n’y a jamais de consentement. C’est pourquoi je soutiens Éric Dupond-Moretti dans sa volonté de fixer le seuil à 18 ans. Personne ne pourra dire qu’un mineur était d’accord. Concernant les crimes sexuels sur mineurs, je suis totalement favorable à condamner tout acte sexuel sur un mineur de moins de 15 ans.

Malgré vos multiples fonctions, vous semblez être une grande optimiste... É. M. : En vérité, je ne suis pas optimiste, mais réaliste, et je sais combien la vie offre des opportunités dans des situations qu’on pense parfois désespérées. Ma force s’enracine dans l’espoir que les choses peuvent toujours s’améliorer, mais aussi dans les personnes qui m’entourent. 12

ROUKIATA OUEDRAOGO

Engagée pour l'éducation

L

a belle humoriste a été conviée à Dakar par la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, au lancement de #RELIEFH*, portail internet de ressources éducatives libres pour l’égalité femmes-hommes. Amoureuse de la langue française, Roukiata prend toujours plaisir à participer à la coopération culturelle qu’offre la francophonie. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’éducation à l’égalité. À la question de savoir si elle se considère comme une nouvelle voix du féminisme en Afrique, la marraine de l’OIF nuance son engagement.

EN QUELQUES MOTS...

Un conseil aux femmes ? É. M. : Je répondrai à votre question en citant Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. » Alors, faites-le ! •

« Je ne tiens pas vraiment à porter une telle casquette. Je ne suis pas à proprement parler une féministe au sens militant du terme. Ayant vécu les vingt premières années de ma vie au Burkina Faso, voyageant dans divers pays africains, mon féminisme, s’il faut employer ce mot, vient de là. On voit le courage dont font preuve les femmes africaines, leur combat quotidien, la société patriarcale, les traditions, un parcours d’embûches ; et elles, pour s’en sortir, elles se battent calmement, avec obstination, sans héroïsme grandiloquent. Sans rejeter les formes occidentales du féminisme, mon parcours et ma culture m’amènent plutôt à m’indigner à ma façon face aux inégalités, aux injustices et aux violences dont les femmes sont victimes et à les combattre avec mes armes à moi. » Quelles ont été les idées de ton discours à Dakar ? Roukiata Ouedraogo : Je crois qu’aux yeux de madame Louise Mushikiwabo, j’incarne une manière atypique d’aborder ces sujets lourds. Je tente toujours de traiter des sujets complexes, douloureux, parfois révoltants, avec de la légèreté, de l’humour et sans agressivité. À Dakar, je n’étais pas chez moi, je ne jouais pas à domicile, comme disent les sportifs, et je n’étais pas là pour créer de l’embarras. J’ai opté pour une inversion de la perspective et consacré l’essentiel de mon discours à faire comme si les rôles sociaux entre les femmes et les hommes étaient inversés : les filles à l’école et les garçons aux tâches ménagères. Les hommes au foyer avec les enfants et les co-époux. Les femmes ministres ou grandes patronnes. L’obligation pour les hommes souhaitant s’élever dans la société de faire un bon mariage. Les familles qui préparent et éduquent les garçons en vue de ce mariage dont elles espèrent tirer le maximum...

Que gardez-vous de vos racines capverdiennes ? É. M. : Je garde des attaches extrêmement profondes avec le Cap-Vert, un pays où plongent mes racines. La double culture, le « métissage identitaire » dont je suis fière font ma force depuis toujours. Mon histoire est celle de la diaspora, celle de millions de nos compatriotes. Avez-vous eu des modèles inspirants ? É. M. : Beaucoup de personnalités m’ont inspirée, mais si je devais en sélectionner deux, je choisirais Nelson Mandela et Gisèle Halimi, qui nous a quittés récemment. Tous deux ont toujours choisi le camp des victimes et ont mené sans cesse des combats, sans abandonner un centimètre de leurs convictions. Et ils ont eu raison bien avant les autres.

La secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, le ministre de l'Éducation nationale du Sénégal, Mamadou Talla, Mona Laroussi, directrice adjointe de l'IFEF à Dakar, et monsieur Slim Khalbous, recteur de l'AUF

*RELIEFH (Ressources éducatives libres pour l’égalité femmeshommes) : ce portail est essentiellement destiné à la communauté éducative de l’espace francophone et met à disposition des enseignants des fiches pédagogiques, des pratiques déjà éprouvées dans différents contextes et des formations.

En attendant les effets de ce portail, la talentueuse comédienne poursuit son engagement. Elle a été contactée par RAES, une ONG basée à Dakar pour écrire le scénario d’une future minisérie télé consacrée à l’avortement clandestin des jeunes filles et des femmes, l’IVG étant interdite au Sénégal : « Une grande première pour moi de voir des comédiens et des comédiennes incarner les rôles que j’ai imaginés. » • 13


L

FLORIAN COUTAL

RESPONSABLE DU PROGRAMME « SOCIÉTÉ CIVILE » DIRECTION DE LA PROGRAMMATION ET DE L’ÉVALUATION À L’OIF

« Les 59 initiatives retenues sont en cours de réalisation sur le terrain. Nous avons aussi constaté que les organisations de la société civile (associations, fondations, syndicats, etc.) provenant de certains pays d’Afrique (Bénin, Sénégal, Burkina Faso, etc.) ont répondu en très grand nombre à l’appel à projets, tandis que d’autres zones géographiques étaient moins présentes dans la liste finale.

FONDS DE SOLIDARITÉ LA FRANCOPHONIE AVEC ELLES

« MOBILISER AU PLUS VITE TOUTES LES FORCES, TANT HUMAINES QUE FINANCIÈRES »

Ces besoins mis en avant par les organisations locales de la société civile et par les groupements de femmes varient d’une région à une autre. Les organisations béninoises, par exemple, ont très souvent intégré dans leur projet une dimension de sensibilisation et d’éducation à l’usage du numérique, tandis que des organisations d’autres régions pouvaient être, quant à elles, davantage centrées sur la réponse aux besoins prioritaires tels que l’hébergement des femmes ou la mise à disposition de denrées alimentaires. »

Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie, a annoncé la création d’un fonds de solidarité en faveur des femmes : La Francophonie avec Elles. Des millions de femmes, piliers de la subsistance de leur famille, ont subi de plein fouet la crise sanitaire. Travaillant dans des secteurs informels, les filles et femmes souvent les plus vulnérables se retrouvent dans une précarité qui ne leur permet pas de bénéficier des services de base. Ce grand fonds de solidarité financera des actions de terrain dans l’espace francophone, notamment en Afrique, dans les Caraïbes et au Liban, afin qu’elles accèdent au développement économique, à l’éducation, à la santé, à la citoyenneté et à la formation.

DES CHIFFRES LIÉS À LA PANDÉMIE

• Environ 743 millions de filles ne sont plus scolarisées en raison de la fermeture des écoles. • 58 %, soit 740 millions de femmes travaillent dans l’économie informelle avec peu ou aucune protection sociale en cas de maladie ou de confinement. • Une baisse de 60 % de leurs revenus a été induite par la crise sanitaire. La docteure Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique a exprimé l’urgence de redonner aux femmes l’accès aux soins. 14

La mise en œuvre des projets soutenus par le fonds est un dispositif hybride qui répond à la fois dans l’urgence aux besoins prioritaires des femmes et des filles, tout en leur offrant ensuite un accompagnement de moyen terme en matière de formation professionnelle, de formalisation de leur activité économique, ou encore de scolarisation de leurs enfants.

Les objectifs du fonds de solidarité Le fonds La Francophonie avec Elles s’appuie sur les expériences et savoir-faire endogènes afin de soutenir financièrement des actions de terrain menées avec des organisations sélectionnées par un comité d’experts. Cinquante-neuf projets ont été retenus dans cette première phase de mise en œuvre, pour un montant de trois millions d’euros. Les appels d’offres ont porté sur trois domaines essentiels : l’accompagnement des femmes dans le secteur informel afin de développer leurs capacités entrepreneuriales à générer des revenus, la formation au numérique, que ce soit pour le commerce ou l’éducation, et, enfin, l’accès à la santé, la prévention, l’information et aux soins. •

ORIA K. VANDE WEGHE PORTE-PAROLE DU CABINET DE LA SECRÉTAIRE GÉNÉRALE

La condition tient à cœur à la secrétaire générale. En quoi ce fonds de solidarité est-il efficient ?

C’est un sujet qui lui tient beaucoup à cœur, en effet. Elle aime rappeler que la femme est un pilier dans la société, et plus particulièrement au sein de la famille. C’est souvent elle qui s’occupe des enfants, de leur éducation, qui prend soin des aînés tout en travaillant dur dans des activités informelles et précaires, et le tout avec le sourire. Consciente que les conséquences économiques de la pandémie ont affecté en priorité les femmes, cela encore plus dans les pays du Sud, où les femmes dépendent en grande partie du secteur informel, est née l’idée de ce fonds de solidarité La Francophonie avec Elles. Le défi est grand, et je pense que l’efficacité de cette action reposera beaucoup sur cette approche de travailler main dans la main avec des partenaires implantés localement et maîtrisant les réalités de terrain.

Cette action est-elle amenée à se prolonger ?

Oui, nous envisageons de l’inscrire dans la durée. Cette crise d’ampleur mondiale a été comme un déclencheur pour nous, mais l’Organisation internationale de la Francophonie est impliquée de façon durable sur les questions d’égalité femmes-hommes et d’autonomisation des femmes. L’objectif est d’accompagner ces femmes, précarisées par la crise sanitaire dans le cas présent, mais également par toutes les crises en général, qu’elles soient sécuritaires ou économiques, afin de les aider à atteindre une stabilité et une autonomie durables. Le seul moyen d’y parvenir est d’accompagner dans la durée, par des aides, mais également par des formations qui leur permettront justement d’atteindre cette autonomie. •

Faire un don au fonds #LaFrancophonieAvecElles, c’est les aider à se relever et à retrouver leur autonomie. Ensemble, soutenons-les sur www.francophonie.org

#LaFrancophonieAvecElles - Spot WEB - YouTube 15


© Mathieu Delmestre

ACTU

S

Rencontre avec un homme déterminé

on programme s’inscrit dans la droite ligne de la maire de Paris, Anne Hidalgo, mettant au centre des préoccupations l’environnement et la francophonie, facteurs des liens entre les peuples, et un renouveau des relations entre Paris et le continent africain.

ARNAUD NGATCHA

Adjoint à la maire de Paris en charge des relations internationales et de la francophonie Conseiller du neuvième arrondissement Nommé adjoint en charge des Relations internationales et de la Francophonie à la Mairie de Paris, il se réjouit d’œuvrer au développement de la coopération internationale entre les villes et de participer ainsi au changement des mentalités dans le monde des élites. 16

Par ses fonctions officielles, le collaborateur d’Anne Hidalgo souhaite œuvrer pour le renouveau et l’évolution de la société française. Homme de médias politiquement engagé pour une société ouverte au monde, l’élu du neuvième arrondissement de Paris est à pied d’œuvre pour faire rayonner la capitale et tisser des liens entre les populations d’ici et d’ailleurs.

Passer des médias à la politique est-il pour vous une continuité logique ? Arnaud Ngatcha : Compte tenu de mon parcours de

télévision, oui ! Homme de médias, certes, mais ayant fait des choix dans ma carrière. Dirigeant la diversité de France Télévisions, j’ai toujours perçu mon métier d’homme de médias dans l’engagement, privilégiant la culture et un certain type de contenus, la réalisation de documentaires politiques ou sociétaux. Le pas était sans doute moins grand de franchir cette étape d’élu et d’adjoint. En me demandant de la rejoindre, Anne Hidalgo n’a pas instrumentalisé la différence en me proposant un poste à l’intégration ou la diversité. Elle voit les gens pour ce qu’ils sont, sans les renvoyer à leur différence. Le problème des élites françaises est celui de l’altérité, l’autre est ressenti comme différent. Anne Hidalgo en a elle-même souffert en tant que fille d’émigrés espagnols. Pour moi, elle est le premier dirigeant politique que je croise sans ce regard condescendant qui peut blesser.

Ci-contre : Arnaud Ngatcha en compagnie d'Anne Hidalgo et de Babette de Rozières

Est-ce lié à votre parcours personnel ? A. N. : On est toujours le fruit de son histoire, nous sommes forgés par

ce que nous avons traversé. J’ai vécu des histoires de rejet ou d’injustice, mais ce pays ne peut évoluer que dans un travail commun si on veut casser la violence. En relisant les écrits d’Obama, personnalité dont j’ai été imprégné comme tous ceux de ma génération – on a tous besoin de s’identifier à quelqu’un qui nous ressemble –, je retrouve l’absence de haine. Mon souhait est de faire ce qu’ont fait les États-Unis. Certes, on les critique facilement, mais ils ont eu un Président noir métis exerçant deux mandats, une vice-présidente afro qui vient d’être élue, sans compter ceux d’avant, les Colin Powell, etc. Une réelle volonté de faire émerger une élite afro-américaine existe, alors qu’en France, on nous met dans des cases. Or, quand on est métis, on n’est dans aucune case. À titre personnel, je ne rentre pas dans un moule conventionnel. Il ne faut surtout pas commettre l’erreur de se fier à des préjugés inculqués, qui sortent de l’imaginaire culturel.

Vos premiers engagements concernaient la lutte contre les discriminations. Lors d’un entretien dans Afrique Magazine, vous déplorez le conservatisme des élites. Comment agir ? A. N. : Aujourd’hui j’entends beaucoup parler de diversité, mais

on en est encore à s’interroger à donner des noms de rues au lieu de permettre aux talents d’émerger et de donner aux jeunes la place qu’ils méritent dans la République. Le travail de mémoire est indispensable, bien sûr, mais occupons-nous de ceux qui sont là en les considérant aptes à occuper des fonctions, sans les caricaturer. Je suis un tout ! Et ce combat contre les inégalités est la raison principale qui me relie à Anne Hidalgo. L’élite, c’est le choix ! Cette notion que certains utilisent comme une reproduction sociale. Alors qu’élites de leur caste, ils se doivent de réfléchir à briser ce carcan. Paradoxalement, le Président le plus en avance sur cette question était Sarkozy. En position de pouvoir, il a fait les premières grandes avancées en faisant émerger des femmes telles que Rachida Dati et Rama Yade à des postes de responsabilités.

Par quelles actions la ville de Paris peut-elle s’inscrire dans cette démarche ? A. N. : Dès qu’on est en position de pouvoir, c’est très dur, encore

plus si vous êtes issus de la diversité. Avec la crise sanitaire, 17


ACTU ceux qui s’en sortent le plus facilement sont les enfants des élites. Cela crée des inégalités plus fortes, avec des territoires en difficulté en dehors de la capitale. Il est important de travailler sur le lien social, ces questions d’intégration sont encore plus fortes aujourd’hui, et c’est aussi cela qui m’a poussé à travailler auprès d’Anne Hidalgo. Elle a constitué un exécutif représentatif de ce qu’est Paris aujourd’hui.

Chargé de la francophonie et des relations internationales : les Afrodescendants et l’Afrique ont une place privilégiée dans votre programme ? A. N. : Un lien particulier lie l’Afrique

subsaharienne et la France. Mais alors que l’Afrique est en plein développement, ici, les Afrodescendants en ont assez d’être renvoyés à leur différence. À Paris, ma nomination n’est pas neutre, elle envoie un message aux diasporas : « Si je suis là, les autres jeunes peuvent y arriver. » Nous allons travailler sur les diasporas : être plus à l’écoute des attentes. La méconnaissance des problèmes de la diaspora peut trouver des ponts avec la politique internationale car tous les leaders reçus sont en contact avec elle. À nous d’optimiser nos actions en la consultant. Et être l’image des relations étrangères de la ville de Paris n’est pas fortuit, sachant qu’on part dans une dynamique de partenariats importants avec le continent africain. Nous souhaitons nouer plus fortement ces liens qui existaient déjà depuis Jacques Chirac à travers l’Association internationale des maires francophones.

« LES AFRODESCENDANTS EN ONT ASSEZ D’ÊTRE RENVOYÉS À LEUR DIFFÉRENCE. »

ACTIONS PRÉVUES Avec les élues des villes du Cameroun à Tunis

Avec Son Excellence l'ambassadeur du Sénegal El Hadji Magatte Seye pour un entretien autour des questions environnementales et des droits humains

Quand on voit la situation des grandes villes africaines, comment espérer que la diplomatie verte et environnementale devienne une préoccupation pour les habitants et leurs dirigeants ? A. N. : Lors du dernier congrès

de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), qui s’est tenu à Tunis en décembre, nous avons évoqué l’environnement, des projets liés au développement des villes : déchets, eau, assainissement, transports. La préoccupation des responsables africains est grande, ils ont conscience que le développement des mégalopoles engendre des problèmes. Au Sénégal, à Brazza, ces sujets préoccupent, même si le rythme est lent. Ils souhaitent qu’on 18

Quelques

les soutienne dans la mise en place d’une politique de l’environnement. L’exemple rwandais a aussi montré que ce n’est pas une fatalité. Pas de côté paternaliste. Les relations entre les villes sont des rapports différents qu’entre États. Sur les questions des droits humains, c’est bien plus simple ; en tant que collectivité locale, bien qu’en accord avec le Quai d’Orsay, notre marge de manœuvre est plus libre. La ville de Paris a sa propre diplomatie des villes et environnementale. Souhaitons que l’engagement d’Arnaud Ngatcha illumine les consciences pour que Paris resplendisse de toutes ses richesses culturelles. •

Qui est Arnaud Ngatcha ?

Professionnel de l’audiovisuel, des médias et de la culture, Arnaud Ngatcha est aussi impliqué dans des engagements liés aux problématiques de mixité, d’intégration et de lutte contre les discriminations.

Originaire de Tourcoing, Arnaud Ngatcha est né en 1971. Son père, d’origine camerounaise, et sa mère, aux racines lilloises, lui ont inculqué le sens de l’intérêt général. Parisien depuis plus de trente ans, après un cursus universitaire de droit à Paris V, il intègre Canal+ en tant que journaliste, poursuivant sa carrière au Figaro et à France 2. Réalisateur de documentaires sur des sujets de société et politiques, notamment Noirs, l'identité au cœur de la question noire sur la question de l’esclavage, de la colonisation et la représentation des personnes à la peau noire dans la société française aujourd’hui, il est nommé en 2010 directeur des magazines culturels de France 2 et directeur de la collection documentaire Empreinte. En juin 2017, Laura Flessel, ministre des Sports, le sollicite pour rejoindre son cabinet. En 2019, à la demande d’Anne Hidalgo, maire de Paris, Arnaud Ngatcha s’engage pour la première fois en politique en acceptant de porter les valeurs de Paris en Commun dans le neuvième arrondissement de Paris. Le 3 juillet 2020, Arnaud Ngatcha rejoint la Mairie de Paris auprès d’Anne Hidalgo. Devant la tour Saint-Jacques

Réaffirmer le leadership de Paris en matière de diplomatie environnementale En 2021, un événement sera organisé à Paris pour promouvoir les forêts d’Afrique centrale (leur patrimoine naturel et leurs populations).

Renforcer nos actions au sein de l’espace francophone, selon une approche moderne de la francophonie

Mise en place d’un agenda de la francophonie avec plusieurs actions (aide aux pays en développement, défense des droits humains, accompagnement de la transition écologique, culture, innovation).

Engager le renouveau des relations entre Paris et l’Afrique

Paris mettra l’Afrique à l’honneur en 2021 : • Événement sur les forêts d’Afrique centrale et défilé de couture africaine • Innovation : un hackathon associant des start-up africaines • Mémoire : travail sur la valorisation des figures africaines dans l’espace public • Diasporas : resserrement des liens avec les communautés africaines vivant à Paris, valorisation de leurs apports et de leur intégration. 19


ACTU

BLACKWASHING FAUT-IL POLÉMIQUER ? e « Anne Boleyn – 2 épouse de Henry VIII – étaient toutes deux blanches. Si une femme blanche était choisie pour jouer à Rosa Parks, il y aurait à juste titre indignation. De même avec ce casting – ce n’est pas acceptable. »

« À quoi ressemblait Anne Boleyn ? Devons-nous changer les livres d’histoire maintenant et changer chaque personne en une personne de couleur ? » « Quelle différence cela fait-il pour son histoire si elle est jouée par une actrice noire ? Je vais vous dire : absolument AUCUN. » 20

L’annonce n’est pas passée inaperçue et soulève la polémique avant même que la mini-série ne soit diffusée. L’actrice Jodie Turner-Smith a été choisie pour incarner le rôle de la reine Anne Boleyn dans une nouvelle série dramatique de Channel 5, écrite par Eve Hedderwick Turner, produite par Fable Pictures. La question peut se poser... Pourquoi choisir une actrice noire pour incarner la deuxième épouse du roi anglais Henry VIII ? Les personnages historiques doivent-ils être racisés ? D’un point de vue purement historique, la légitimité du choix peut se discuter. Mais la série n’est pas présentée comme une fidèle reproduction de l’histoire. Ben Frow, directeur des programmes chez ViacomCBS, s’explique : « Ce projet recadre son histoire comme un thriller psychologique, raconté sous un nouveau point de vue. Il va y avoir beaucoup de gens qui n’aiment pas ça, mais j’ai le sentiment qu’il doit y avoir de la place pour ça et il y aura beaucoup de gens qui l’aimeront. Je suis l’un d’eux. »

On l’aura compris, la scénariste Eve Hedderwick Turner bouscule les conventions et les représentations traditionnelles du monarque et de son entourage pour mettre en lumière le combat féministe d’une femme qui lutte contre la brutalité d’un milieu patriarcal. Vision qui n’est pas pour déplaire à l’actrice, qui décrit la reine Anne Boleyn comme « formidable, féroce et pourtant vulnérable ». Voyant son rôle comme « le drame psychologique d’une femme qui, pour survivre et assurer un avenir à sa fille, doit défier le puissant patriarcat qui se referme autour d’elle », Jodie Turner-Smith voit l’opportunité de « raconter une histoire vraiment humaine ».

Jouée par une femme noire, elle aura un écho universel car « qu’une femme soit reine ou femme de ménage, elle n’est exempte d’aucun des défis et des épreuves auxquels les femmes sont confrontées pour naviguer dans leur corps, leur amour ou le patriarcat ». Nul doute que son expérience du racisme aux États-Unis émanant des deux communautés, blanche et noire, lors de son mariage avec Joshua Jackson (Dawson) donnera une humanité revendicative à son interprétation. •

Des acteurs en costumes d'époque

21


MODE La comédienne, qui s’apprête à nous époustoufler dans le rôle d’Anne Boleyn, nous a déjà subjugués plus d’une fois dans des looks uniques, toujours sublimes.

LES LOOKS DE JODIE TURNER-SMITH De la couleur, encore de la couleur !

That 70s look Jodie Turner-Smith n’est pas du genre à passer inaperçue, pour sa beauté naturelle pure et sculpturale, pour son corps taillé dans la pierre et pour ses tenues savamment choisies. Il faut dire qu’elle sait porter tous les styles, qu’elle magnifie d’une « touche de Jodie »,, avec un goût prononcé pour les couleurs vives, qu’elle rehausse de son teint d’ébène. Particulièrement inspirée par la mode rétro, dont celle des années 1970, elle est aussi une pro des tenues de tapis rouges sur lesquels elle n’a jamais commis le moindre faux pas, et qu’elle a toujours illuminés par son élégance naturelle et ses tenues à effet « wow ».

Une grossesse qui lui allait si bien !

Jodie Turner-Smith pose pour Elle.

22

Avec son époux Joshua Jackson

Enceinte, elle n’a pas fait l’impasse sur cette classe qui lui colle décidément à la peau, en la conjuguant savamment au confort. Décidément, Jodie TurnerSmith est la star à suivre... et dont on s’inspire de toute urgence ! • 23


PUBLI COMMUNIQUÉ

PUBLI RÉDACTIONNEL

LE LABEL DE L’EXCELLENCE C’est au cœur de la Goutte-d’Or, à deux pas du célèbre Sacré-Cœur, que la boutique Maïwax vous ouvre ses portes, au 59 rue des Poissonniers. La créatrice Maïmouna Tirera a choisi de s’installer au sein de « la petite Afrique de Paris », quartier dynamique et cosmopolite, proposant ainsi un savoir-faire français, allié à la valorisation de l’héritage et des cultures africaines. Créateur lunetier depuis 2015, sa fondatrice, opticienne diplômée spécialisée dans la fabrication d’une monture sur mesure, vous reçoit dans une atmosphère conviviale et moderne : couleurs vives du wax et matériaux naturels tels que le bois et le cuir en font un espace chaleureux pour prendre le temps de faire votre choix.

À L’ATELIER MAÏWAX, TOUT EST POSSIBLE Une expérience unique vous est proposée en découvrant l’atelier de confection des montures. Le SERVICE SUR MESURE vous garantit la fabrication d’une monture en fonction des mesures morphologiques du visage, du choix des couleurs et des tissus intégrés à la monture.

24

LABEL DE L’EXCELLENCE En décembre 2020, la marque Maïwax a reçu le label « fabriqué à Paris », qui valorise les produits fabriqués à Paris et distingue l’excellence et la diversité de l’artisanat parisien. Un label qui certifie que la combinaison de matériaux choisis en fait des créations uniques dans le monde actuel de la lunetterie française.

ATELIER MAÏWAX 59 rue des Poissonniers, 75018 PARIS Ouvert du mardi au vendredi de 11 h à 18 h 30 et le samedi de 11 h à 19 h 30 contact@maiwax.com www.maiwax.com

Le renouveau des montures et une expérience unique du sur-mesure.


MODE

BLACK LIVES MATTER IN ITALIAN FASHION S’IMPOSE À LA FASHION WEEK Un air de révolution a soufflé sur la Fashion Week de Milan, bouleversant les codes et faisant rimer mode et lutte. Un grand pas en avant rendu possible par la forte mobilisation des acteurs des collectifs Afro Fashion Week et Black Lives Matter in Italy.

UN FORT SIGNAL

C’est le mouvement Black Lives Matter in Italian Fashion qui a été mis à l’honneur, notamment avec l’ouverture du prestigieux événement italien par cinq créateurs du collectif : Claudia Gisèle Ntsama, Nigérienne fondatrice de Gisfab, Fabiola Manirakiza, Burundaise fondatrice de Frida-Kiza, Joy Ijeoma Meribe, Camerounaise fondatrice de Modaf Designs, Karim Daoudi, Marocain, ainsi que Pape Mocodou Fall, Sénégalais fondateur de Mokodu. Un fort signal envoyé au monde de la mode en général, et à l’Italie en particulier, les 450 stylistes noirs du pays ayant été victimes d’une forte discrimination jusqu’à les pousser, pour certains, à quitter le pays pour s’installer dans un autre qu’ils jugeaient plus ouvert aux différences.

DES ACTIONS CONCRÈTES

CRÉATION DE FABIOLA MANIRAKIZA 26

Convaincre ces créateurs de revenir dans leur patrie n’a pas été une mince affaire, et le collectif Black Lives Matter in Italian Fashion a dû tout d’abord s’imposer devant Camera della Moda, l’association de coordination et promotion de la Fashion Week italienne, et la mettre face à ses torts en pointant le manque de diversité criant dans l’événement. Il a fallu que Stella Jean, seule créatrice noire accueillie auparavant, annonce son boycott jusqu’à ce que d’autres soient également les bienvenus. Il a ensuite fallu négocier non seulement une place dans les défilés, mais aussi de forts engagements comme la mobilisation d’entreprises de production de textiles et articles de mode, et la négociation de leurs tarifs pour les créateurs de la communauté noire. La Fashion Week milanaise a ainsi dû prouver à ces talentueux designers qu’ils étaient non seulement acceptés dans l’événement, mais que leur présence était aussi précieuse qu’indispensable. 27


MODE

MICHELLE FRANCINE NGONMO AU SERVICE DE L’ÉGALITÉ ET LA DIVERSITÉ Rien n’aurait été possible sans l’investissement de personnes désireuses de changer la face de la mode italienne et d'y imposer les valeurs d’égalité. Parmi elles, Michelle Francine Ngonmo, présidente et cofondatrice d’Afro Fashion Week Milan. Dans une interview donnée au magazine Vogue, elle a déclaré tout son engagement : « Ceux qui ont le pouvoir de changer les choses ont besoin de donner aux personnes de couleur l’opportunité de montrer leur valeur. Quand ils le font, nous parions qu’ils constateront que l’inclusion est loin d’être une concession, et regretteront d'avoir attendu aussi longtemps pour profiter de l’opportunité de collaborer et créer aux côtés de talents aussi incroyables. » Pour la styliste, il semblait critique de trouver un mécanisme assurant aux personnes de couleur de se trouver une place au sein des organisations et entreprises clés de la mode en Italie, principalement pour construire un futur empreint de diversité et d’égalité.

LA CONJUGAISON DE L’ITALIE ET DE L’AFRIQUE

Gucci Prada

LE MEA-CULPA DES GRANDES MARQUES Bien trop de marques italiennes – telles que Gucci, Dolce & Gabbana et Prada – ont été mises en cause pour l’utilisation d'une imagerie raciste et une appropriation culturelle, et des personnalités telles que Michelle Francine Ngonmo ont participé à alerter les consciences sur leurs torts, jusqu’à les faire réagir en engageant un responsable de diversité, d’équité et d’inclusion, pour Gucci par exemple. Dans un communiqué, la Camera della Moda a elle-même admis que l’industrie de la mode italienne souffrait auparavant de réels problèmes d’inégalités raciales, osant même un mea-culpa : « Les gens peuvent faire des erreurs, mais le plus important est d’apprendre de celles-ci. »

28

Dolce & Gabbana

L’association Afro Fashion a été fondée en 2015 par Michelle Francine Ngonmo et Ruth Maccarthy, présidente et vice-présidente actuelles, croyant au « potentiel transformatif de la mode, l’art et la culture comme moyens d’échange interculturel, responsabilisation et développement économique durable ». À travers les années, elles ont organisé plusieurs événements, expositions et autres groupes de travaux avec les universités de mode et d’art, et lancé un magazine dédié à célébrer le monde et l’industrie de la mode afro. Leur but est de créer en Italie des plateformes pour les créateurs d’origine ou de descendance africaine afin de mettre en avant leur travail et de générer des audiences et marchés pour leurs produits et services, et également promouvoir une identité de l’Afrique dans son abondance, sa créativité, sa culture et son innovation.

Association Afro Fashion

29


MODE

FABIOLA MANIRAKIZA, LA BURUNDAISE QUI MONTE... Figurant parmi les stylistes mis en avant par la Fashion Week, Fabiola Manirakiza est l’une des étoiles montantes de la mode dans le monde. Sa maison Frida-Kiza, fondée en 2016, se veut digne représentante du « made in Italy », « dans la grande qualité de ses tissus, le raffinement de sa fabrication ainsi que la parfaite synthèse entre la tradition et les nouvelles techniques et tendances du monde de la mode ». Fabiola est fière d’habiller les femmes dans toutes leurs tailles et formes, leur offrant style et élégance.

Née au Burundi, la jeune créatrice a immigré avec sa famille en Italie quelques années plus tard et vécu dans la région des Marches, connue pour ses nombreuses entreprises de production d’articles de mode. Elle a d’abord travaillé dans diverses maisons de couture avant de créer sa propre marque, encouragée par ses amis qui croyaient fort en son talent, ravis des pièces qu’elle confectionnait pour eux. « Je suis styliste, mon job est de vous rendre belle » est la phrase qu’elle aime répéter à ses clientes, qui s’arrachent ses créations qui brillent par leur originalité, comme leur facilité à se porter, selon les pièces, au quotidien ou lors d’événements spéciaux. Rendre toutes les femmes belles, tous les jours... Pari tenu pour la talentueuse Fabiola !

30

31


MODE

Pour elle, il était important de cesser de faire partie d’un système qui rejetait les personnes de couleur, jusqu’à ce que d’autres la rejoignent dans la Fashion Week. Aujourd’hui, elle se félicite de sa mobilisation, qui a ouvert la voie aux autres artistes d’origine africaine, mais aussi du grand pas en avant de l’industrie, qui ne peut désormais plus reculer : « Les consciences sont alertées. À partir de là, personne n’aura plus l’excuse de ne pas avoir connaissance de la discrimination. » C’est par solidarité qu’elle a fait connaître son refus de rester la seule créatrice noire présente dans la Fashion Week milanaise et qu’elle s’est retirée tant que d’autres n’étaient pas les bienvenus... quitte à perdre de la visibilité et, de fil en aiguille, des ventes. Un risque qu’elle était prête à prendre, les principes d’égalité passant, à ses yeux, loin avant le profit.

STELLA JEAN : L’AFRIQUE ET L’ITALIE, PLEINEMENT !

« Que l’on cesse d’associer le “made in Italy” aux designers blancs ! »

Si Fabiola Manirakiza s’inspire de ses origines, qu’elle saupoudre par touches sur ses créations, d’autres créatrices intègrent totalement leur ethnicité dans chacune de leurs pièces, comme Stella Jean, qui revendique son style « métis » dans les formes, couleurs, tissus et/ou imprimés. Artiste engagée, elle crie l’importance de montrer au monde le talent de la communauté d’origine africaine et d’introduire du « sang nouveau » dans le milieu. Elle a exprimé son souhait que l’on cesse d’associer le « made in Italy » aux designers blancs et que l’on change ce cliché, pas seulement dans son pays, mais dans le monde entier. 32

33


MODE

EDWARD BUCHANAN, PORTE-PAROLE DE L’ÉGALITÉ Parmi les autres personnalités de la mode afro-italienne qui ont rendu possible le revirement de la Fashion Week milanaise figure également Edward Buchanan. Basé en Italie depuis vingt ans, il a été précurseur de la mode non-genrée, lançant en 2009 une ligne de vêtements mixtes. Un homme profondément investi dans l’égalité, particulièrement celle des races. Et ne lui dites surtout pas qu’elles n’existent pas ! « Les personnes qui disent qu’elles ne voient pas la couleur des gens... c’est déjà un problème ! Je suis d’une couleur différente de la vôtre, nous devons y faire face et discuter des problèmes et des actions que nous pouvons prendre pour les résoudre. Si vous niez l’existence de cette différence en premier lieu, comment pourrions-nous aller de l’avant ? »

Styliste : François 1er

Parmi ses combats, l’éducation des personnes issues de minorités ethniques et milieux défavorisés, et leur encouragement à poursuivre des carrières créatives à travers des bourses d’études. Il a raconté la grande frustration ressentie dans son existence, et celle d’autres dans l’industrie, dans cette impression « d’aller droit dans un mur et ne pas arriver à le traverser... en termes de croissance, opportunités, existence et visibilité, le processus dans sa globalité ». Plutôt que de se laisser décourager, il a choisi de tirer une force de ce sentiment de rejet et de travailler dur pour que d’autres ne souffrent pas des mêmes difficultés. Aux côtés de Stella, Fabiola et bien d’autres, il est bien décidé à transformer le monde de la mode italienne et servir à son niveau la cause des personnes noires à travers le monde. • 34

35


ACTU

SALON INTERNATIONAL DU TEXTILE AFRICAIN 2021 C’est officiel ! La prochaine édition du SITA, Salon international du textile africain, se tiendra du 28 au 30 octobre 2021 à Djibouti. Après Malabo en Guinée équatoriale en 2020, la République de Djibouti a formalisé son intérêt lors de la venue du président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré.

ANTOINETTE YALDIA

Directrice du SITA

Djibouti acté : vous devez être heureuse de cette reconnaissance ? Antoinette Yaldia : Ce fut pour moi un immense plaisir

lorsque, par courrier, les autorités djiboutiennes, précisément le ministre du Commerce, nous ont annoncé leur décision d’accueillir la prochaine édition du SITA sur leur territoire. En même temps, j’étais fière de savoir que nos efforts pour valoriser le textile africain étaient en train de prendre de l’ampleur et d’être positivement acceptés par les autorités africaines.

Comment s’organisent les préparatifs au sein des différents pays participants ? Avez-vous déjà leur nom ? A.Y. : L’administration du SITA est à fond dans les

La signature des accords entre les Présidents du Burkina et de Djibouti

U

ne belle reconnaissance pour le commissaire général Abdoulaye Mosse (tout juste élu vice-président de l’Assemblée nationale) et sa directrice Antoinette Yaldia, qui œuvrent depuis plusieurs années pour la promotion des textiles africains. De nombreux pays d’Afrique sont attendus afin de montrer le savoir-faire des différents promoteurs du textile et d’encourager leur consommation. Expositions, ventes, défilés, conférences, nuit du coton, formations, un programme riche en événements qui réuniront tous les amoureux et professionnels des textiles africains, sans oublier les investisseurs. Car, au cœur de cet événement, nul ne doute de l’enjeu majeur économique énorme pour le continent.

Salon international du textile africain

Courriels : sitaofficiel@gmail.com / info@sitaofficiel.com www.sitaofficiel.com

36

préparatifs car c’est d’abord une organisation interne, qui s’étendra, dans les jours à venir, aux différents pays qui y prendront part, mais surtout avec le pays d’accueil. Les lettres d’information ont commencé à être envoyées, puis viendront les lettres d’invitation et les conditions de participation aux ministères concernés de tous les pays membres de l’Union africaine. L’engouement est grand au vu des messages et appels que nous recevons.

Qu’attendez-vous de cette édition ? A.Y. : Le SITA doit amener les Africains à s’approprier leur

identité culturelle ; qu’il devienne une institution qui donne un coup de pouce à la redynamisation de l'économie de la filière textile sur le continent. À la fin de cette édition, les Africains devront prendre conscience des richesses qu’ils possèdent en matières et travailler davantage à les mettre en valeur.

Quels sont les grands défis de cette année ? A.Y. : Le défi majeur est la pandémie de covid-19 qui vient

paralyser le secteur du textile. Il serait donc important et nécessaire d’apporter notre petite pierre pour apporter des solutions au secteur, d’où, d’ailleurs, le thème « industrie et artisanat : quelles passerelles pour l’essor inclusif du textile africain dans un contexte marqué par la pandémie de covid-19 ? », et d’où une formation en e-commerce proposée pour permettre aux entreprises et individus de booster leurs activités.

« Industrie et artisanat : quelles passerelles pour l’essor inclusif du textile africain ? »

ABDOULAYE MOSSE

Commissaire général du SITA 2021 semble présager une grande année pour le SITA... Quels sont les objectifs de cette édition ? Abdoulaye Mosse : La présente édition doit permettre à

l’Afrique de l’Est de s’imprégner de l’évolution du textile sur le continent. Parti de Ouagadougou, puis Malabo, l’expansion du SITA est un objectif majeur pour que l’ensemble des contrées du continent se mobilisent afin de défendre les enjeux de l’économie et de la culture que représente le textile africain.

Le Président lui-même semble investi lors de sa rencontre avec son homologue à Djibouti. Pourquoi avoir choisi Djibouti cette année ? A. M. : Ce pays était prédisposé à recevoir le SITA, avec un

leader et chef d’État qui comprend les enjeux du salon pour les acteurs de l’économie du textile. C’était une destination à ne pas rater. Cela donne le ton à d’autres pays de l’Afrique, qui attendent d’accueillir à leur tour le salon.

Vous venez d’être élu vice-président de l’Assemblée nationale : une reconnaissance de l’importance de votre activité ? A. M. : C’est un honneur et une reconnaissance de mon parti, qui vient réconforter mon militantisme. Un poste qui me pousse à travailler davantage, et je me réjouis de l’intérêt que mon parti accorde à l’ensemble de mes activités.

Vous avez été aussi nommé Great Regent of African Fashion ! A. M. : C’est une surprise car je ne savais pas que, aussi

loin, au Cameroun, on observait le travail que nous faisons. C’est bien sûr un honneur de savoir que les Camerounais reconnaissent nos actions. En me distinguant, ils nous galvanisent pour aller de l’avant. Et c’est au nom de l’ensemble de mon équipe, les acteurs du textile, car une seule personne ne peut réaliser ce que nous faisons, que je prends cette reconnaissance. • 37


ACTU

De Rivière rouge à Rivière blanche

I

l est des rencontres qui jalonnent une vie... Le dernier livre de l’écrivain franco-camerounais en est la parfaite illustration. Un récit foisonnant inspiré d’anonymes à qui le romancier donne une dimension romanesque en les ancrant dans l’histoire mémorielle. Un pari audacieux !

EUGÈNE ÉBODÉ

Brûlant était le regard de Picasso, Editions Gallimard, Collection Continents Noirs, 20 €

Brûlant était le regard de Picasso... 38

la vie des grands peintres en devenir : Picasso, Dali, Chagall... Quand le destin s’en mêle ou que les destins s’emmêlent... ! Avec son mari, soutenus par les élus de la ville, elle donnera à Céret la dimension internationale par la création du Musée d'art moderne. « La fréquentation de génies est une thérapie par rapport à un parcours où elle aurait pu être aigrie, une grande résilience. L’art l’a sauvée », confie l’auteur. Lumineuse, une grâce à « brûler le regard de Picasso », elle deviendra le modèle secret de plusieurs toiles des maîtres.

Ci-contre : La Sardane de la paix de Picasso

« On est fait des lieux qu’on aime »

Il aura fallu le hasard d’un salon littéraire à Nice, en 2004, pour que se tisse le fil solide d’une longue amitié entre Mado, métisse suédoise-camerounaise, son mari Marcel et l’écrivain. « Attirée par mon origine camerounaise mentionnée dans le document de présentation, Mado vient spontanément vers moi, me disant “je suis camerounaise” ; nous avons passé l’après-midi à discuter. De nombreuses visites ont suivi chez elle à Perpignan où elle me racontait sa vie par petits bouts », raconte l’écrivain. Une vie d’une richesse étonnante !

Eugène Ébodé retrace les chemins où s’écoule la destinée de chacun, à l’image du fleuve Sanaga. Brûlant était le regard de Picasso est foisonnant de vies qui s’inscrivent dans l’histoire. Des histoires vraies se superposent à l’imagination du romancier, des émotions et des sentiments qu’il décrit avec pudeur et sensibilité, laissant deviner entre les lignes... Au lecteur de comprendre ! La rencontre d’êtres humains au cœur ouvert qui fera dire à Gösta, le père de Mado : « On vient de là où on est bien, on est fait des lieux qu’on aime. » Sans jugement, l’auteur brosse la vie de ceux qui se sentaient chez eux au Cameroun, mais que les événements ont conduits ailleurs.

« Ma vie est comme un roman »

« Incroyable ! »

Bloqué par la fermeture des frontières, Eugène met ses projets littéraires en stand-by et s’attelle à commencer l’histoire de Mado, octogénaire. Une fabuleuse histoire qui lui fait découvrir une famille au grand cœur, que la colonisation a éparpillée entre la France, l’Angola ou le Brésil, sans oublier la Suède et le Cameroun. « Voici l’histoire de Mado Hammar, née en 1936 d’un père suédois et d’une mère camerounaise, à Édéa, la ville lumière ! » Ainsi commence le récit de Mado, qui sera confiée à un couple d’expatriés, Hélène et Jacques. L’enfant, placée en internat jusqu’à sa majorité, connaîtra le sentiment d’exil, la solitude de l’abandon et la violence du métissage. Mais son mariage avec Marcel, jeune homme profondément humaniste et engagé, donne enfin un sens à sa vie. Fille d’un père dont elle apprendra plus tard le goût pour le dessin, elle se trouve au centre de l’ébullition artistique et de

D’histoire il est aussi question quand est racontée la mobilisation volontaire en 1940 de Jacques, le père adoptif, dans les troupes de Leclerc, prenant sur ordre du Général de Gaulle la garnison de Douala pour reconstituer une armée. Et tandis que Mado ressort les précieuses médailles de combattant, la statue du Général Leclerc devant laquelle Eugène passait à Douala s’incarne par le récit de Mado. Incroyable rencontre ! L’occasion pour l’auteur de convoquer la mémoire en évoquant le triste blanchiment des troupes victorieuses et le terrible massacre du camp de Thiaroye, encore passé sous silence par la France, soulignant ainsi toute la complexité du « Nègre ». À travers l’histoire de Mado, Eugène Ébodé, conquis par le formidable destin d’une métisse, offre un roman de l’humanité où les anonymes sont les grands de ce monde. Une histoire incroyable qui nous a donné le désir de rencontrer cette femme exceptionnelle, Madeleine Petasch... 39


ACTU Des liens très forts unissent l’auteur et cette famille devenue sienne au fil des années.

Incroyable Mado !

Qui suis-je ?

Quelle chance ! Qui n’a pas rêvé de rencontrer une héroïne de roman ? Comment ne pas succomber à une petite escapade à Perpignan pour découvrir celle qui a fait vaciller le regard de Picasso ? Merci Eugène ! Grâce à toi, nous avons pu approcher la merveilleuse Mado ! Elle n’aura pas fêté son quatre-vingt-quatrième anniversaire en famille pour cause de « distanciation sociale », mais Mado est bien entourée de ses deux filles, Laure et Isabelle, qui veillent sur leur mère « comme le lait sur le feu », dira Eugène. Une famille réparatrice... Dans son pavillon à une trentaine de kilomètres de Céret, la ville qui abrite le Musée d’art moderne, dont elle a impulsé, aux côtés de Pierre Brune, la renommée internationale, les trésors d’une époque bouillonnante ornent les murs, les étagères et les tiroirs : les souvenirs des bâtisseurs de l’art.

L’enfance des blessures Mado se souvient encore : « Quand on est une petite fille qu’on regarde parce qu’elle est “bizarre”, une sorte d’animal singulier, on a envie de se mettre dans un petit trou de souris. » En repensant à son enfance, une grande émotion envahit l’octogénaire, malgré les années : « Enfant, on veut ressembler à tout le monde. Je l’ai très mal vécu... car le regard 40

père suédois, Gösta. Attirée par l’univers des artistes, elle comprend à présent que leur marginalité et leur condition d’exilés faisaient écho à sa condition, elle trouve un sens à sa vie, les côtoyant en toute simplicité. Des années privilégiées : « Conseillers municipaux, Marcel et moi avions le besoin de faire briller cette petite localité seulement connue pour la cerise. » Sous l’œil amusé et bienveillant du maire, un vieux squat à disposition qu’ils rénovent, ils créent le centre d’artisanat d’art, le centre archéologique avec Françoise Claustre. « À l’époque, on passait pour des marginaux, les gens n’y croyaient pas et nous regardaient en souriant. » Visionnaire sans le savoir, vivant avec les plus grands peintres en devenir, faisant venir Dali, la famille Petrasch, passionnée, inscrit la renommée artistique du village. Aujourd’hui, Mado sait qu’en réalité, toute cette activité était inconsciemment une façon de se rassurer sur sa propre valeur.

que les gens portent sur vous est fondateur de votre personnalité. » Une époque dont elle peine à parler même si, elle en est certaine, c’est grâce à ce regard porté sur elle qu’elle a vécu cette vie singulière et passionnante au contact des plus grands artistes. « Être en marge n’est pas confortable, on passe une partie de sa vie à se demander quel est le sens de notre existence. Acquérir l’estime de soi n’est pas facile ! Adolescente, je me demandais ce que je faisais là, pensionnaire sans parents, pleurant toute seule, ayant des engelures, un être complètement suspendu sans savoir où me poser. Un malêtre constant... » Et malgré son sourire et son dynamisme, malgré les rides des années, on sent encore la petite fille fragile au plus profond d’elle.

Céret, le début de l’aventure

Rêvant de construire une famille, son mariage avec Marcel, alors jeune dentiste, la conduit dans cette petite ville qui la plonge dans un univers artistique qu’elle aime. Elle se souvient : « Dessiner a été très tôt un exutoire, les religieuses m’encourageaient dans ce don, une particularité me permettant de me démarquer un peu et de sembler utile. » Plus tard, elle apprendra que ce goût de l’art provient sans doute d’un héritage familial transmis par son

« Être métisse n’est pas confortable ; le regard d’un blanc colonial sur “l’indigène” pose une interrogation d’être vu comme tel. Œuvrer pour Céret était certainement une manière de montrer qu’“on est capables de”, une revanche sur la colonisation des esprits. Car, à l’époque, les colons considéraient à peine que nous avions une âme. Or ma famille adoptive baignait dans cette atmosphère coloniale, entourée de “boys”. La motivation profonde est toujours de prouver qu’on est à la hauteur de l’Européen. » Un essentiel « qui suis-je ? » qui passera par la recherche de ses origines. D’abord son père, Gösta, de qui elle apprend en 1978 qu’elle n’est pas le fruit du hasard, mais d’un véritable amour contrarié par l’époque, « entre le clan africain ayant refusé le mariage, sans doute par méfiance du colonialisme, et mon père, n’osant pas avouer à ses parents son amour pour une “Noire” camerounaise, un aveu essentiel pour l’estime de soi » : « J’aurais pu ne jamais connaître mes parents, c’est moi qui les ai cherchés car ma mère adoptive m’avait fait croire que ma mère était morte. C’est au détour d’une conversation entre anciens colons que ma fille cadette a entendu : “Monica est toujours vivante”... »

« Singulier », terme récurrent lorsque Mado se raconte ! « “Ce serait formidable d’en faire un roman”, le nombre de fois que j’ai entendu ça ! Un parcours insolite et atypique. Pourtant, les choses ont coulé naturellement sans les avoir vraiment cherchées, mais je ne suis pas étonnée que ça surprenne. » Même si elle trouve étonnant qu’Eugène se soit intéressé à son histoire ! Une explication qu’elle attend lors d’un prochain tête-à-tête avec l’écrivain...

Le retour aux sources

Ci-contre : le nouveau bâtiment inauguré en décembre 1993 par François Mitterrand Ci-dessous : retrouvailles de sa famille camerounaise avec son mari Marcel et ses deux filles

À force de persévérance auprès de son père, Mado parvient à creuser le sillon qui la mènera à sa mère en 1981. Un mois au Cameroun où elle fera sa connaissance après l’avoir crue morte ! La seule et unique fois où elles se verront : « C’est un sentiment très étrange quand on est soi-même mère de famille de rencontrer sa mère jusqu’alors inconnue car j’étais trop petite pour m’en souvenir quand j’ai quitté le Cameroun. Vivre avec le rêve d’une mère qu’on ne connaît pas, c’est une grande interrogation, une grande blessure, la première des blessures. » Mais, là encore, arrivée à Douala, déphasée par l’ambiance de tout un village qui l’accueille, son éducation européenne transmise par des colons l’empêche de s’identifier à sa famille d’origine ; Mado ressent l’écart des deux civilisations, une fois de plus, elle ne se sent pas tout à fait à sa place... Reste que cette histoire d’une petite fille arrachée aux siens et à sa terre a « tordu les mains du destin », devenant la belle dame de Céret qui brûlait le regard de Picasso... • 41


ACTU Impossible de ne pas le remarquer ! Sa taille, déjà, un mètre quatre-vingt-neuf, un port altier, la démarche maîtrisée, un style vestimentaire mêlant l’élégance des tissus et couleurs d’Afrique, un rappel de ses origines, aux coupes raffinées du dandysme qu’il revendique.

LUDOVICHERMANN WANDA NOIR, JUIF, BANLIEUSARD ET DANDY DU VERBE 42

L

oin de son parcours délinquant raconté dans son premier livre, Prisons, c’est en esthète du beau et du perfectionnisme que l’écrivain se présente. Mais son goût pour le dandysme, lui, Afrodescendant d’une lignée aristocratique camerounaise, il le partage aussi et surtout par le langage, le pouvoir des mots dont il a fait sa mission auprès de la jeunesse du « Wesh wesh » – comprenez « des banlieues ». C’est à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Balance ta haine, que nous le rencontrons au sein de sa maison d’édition parisienne, L’Antilope, spécialisée dans la publication de

textes littéraires autour de l’existence juive sur les cinq continents. Curieux ? Pas tant que ça quand on apprend que celui qui allait faire de sa vie un « pilpoul »* se sent profondément juif, mais pas que... Dès le prélude, le ton est donné : « Nian Nian Nian. C’est l’heure de ta gueule de bois, République de mes couilles, va ! Je t’en foutrais de l’unité et de l’indivisibilité. » Marianne, symbole de notre République, fleuron arboré par la France, est au centre de la dialectique où conversent notre partie obscure diabolique et notre humanisme. Humanisme contre racisme, violence contre éducation, car c’est bien de violence qu’il s’agit, ainsi qu’en réfère le titre du roman, Balance ta haine.

© Adeline Rapon David

« L’IDÉAL RÉPUBLICAIN ET HUMANISTE DOIT SE CONJUGUER AVEC LA BEAUTÉ. »

*Le pilpoul est une méthode qui consiste en une étude contradictoire du Talmud : une subtile gymnastique intellectuelle qui se joue des contradictions. 43


ACTU

« Ce #balancetonporc c’est aussi moi » Le titre Balance ta haine fait écho au #balancetonporc, fil rouge du roman qui met en situation les relations entre hommes et femmes. « En voyant les têtes tombées à la suite de Weinstein », Ludovic-Hermann avoue s’être interrogé sur son propre rapport aux femmes : « L’expression “culture du viol” m’a interpellé. Cultiver sa virilité se traduit-il par la vulgarité de langage et d’actes où l’on considère la femme comme un objet ? Je me suis rendu compte que chacun est le bourreau de son voisin ; beaucoup d’hommes se plaignent de ne plus pouvoir rien dire alors que les femmes les accusent. » L’écrivain met en scène ceux qui sont censés incarnés cette haine, mais sans prendre parti, car « on est tous le procureur de son voisin en l’accusant avec des mots haineux, sans nuances ». Un diable rationnel Une dualité qui se traduit par la structure même du roman, où plusieurs voix se répondent – ce que l’on dit face à notre

petite voix intérieure. Une originalité que l’on doit à la vision philosophique de l’auteur : « Au-delà de l’art de la controverse talmudique, c’est une intuition philosophique autour du rapport à la violence dans le monde. Le diable est celui qui justifie le recours à la violence, la seule culture qui valorise la haine. » Ainsi, chaque personnage est la somme de deux sous-vérités qui se complètent, un diable qui se veut rationnel s’oppose à la voix de la raison. Le lecteur n’échappe pas au cynisme qui en découle, acquiesçant les arguments et, in fine, relativisant la vérité. Un auteur « féministe » Marianne, c’est aussi l’objet symbole que l’on malmène, la gent féminine récipiendaire des pulsions du macho que Fred, le héros, illustre sans état d’âme. Un dandy irrésistible « serial baiseur » dont l’estime de lui se conforte par le regard des femmes. Accumulant les conquêtes, il devra, après un voyage initiatique qui le mène de Paris à Tel Aviv en passant par le Cameroun et son village natal,

rendre compte de son comportement donjuanesque. Une remise en question facilité par la rencontre avec son grandpère, figure d’autorité. Comment, alors, défendre le « féminisme » ? Là est toute l’ambiguïté de l’être, considérant « intellectuellement le féminisme comme l’extension de l’humanisme, sauf que dans l’intimité, mon féminisme laissait place au viriarcat » : « C’est ma contradiction à moi, féministe dans la journée et macho la nuit. » Part autobiographique ? L’auteur le reconnaît, il donne à lire une sorte de « selfie littéraire » à travers la recherche de la femme qu’on ne trouve pas, mais qu’on finit par trouver... « Je suis un handicapé affectif ayant grandi loin de la tendresse. Du fait de la culture africaine et de la non-présence de la mère et l’absence de la vision du couple. Pendant très longtemps, une dispute était synonyme de séparation : on se dispute, on se sépare ! Ce qui m’a valu de pérégriner de femmes en femmes. Devenir père m’a permis de devenir

homme et me propulser dans une temporalité longue. Je crois avoir trouvé celle qui me convenait. » Que ce soit à travers la voix maligne du diable ou les relations entre hommes et femmes, le thème identitaire traverse le récit. L’identité : le diable n’est pas que l’autre « Au commencement était le verbe » Un sujet sensible, prétexte à la violence et à la haine. Noir, Beur, Juif, femme ou homme, chacun revendique son identité alors que nous sommes multiples. En France, le héros est afro ; au Cameroun, il est dans la position du dominant ; à Tel Aviv, revendiquant sa judaïté, il est perçu comme un Noir !

Pour le philosophe, le thème identitaire cache en fait une problématique raciale, opposant l’idéologie du dominé / dominant à l’humanisme et l’éducation. D’où la nécessité de la maîtrise du langage. Victime du « Mur de Molière », un handicap verbal qu’il a lui-même vécu, l’ancien délinquant ne pouvant se défendre devant le juge par manque de vocabulaire est aujourd’hui formateur de la maîtrise du verbe. Un apprentissage qu’il considère comme la porte de la liberté et l’essence du vivreensemble. Une mission qui permet de réconcilier les identités multiples et de faire du multiculturalisme une énergie positive, riche d’humanité, relevant de la philosophie de l’Ubuntu. •

Prisons, Collection Antilopoche, 9,95 € Balance ta haine, LudovicHermann Wanda, Éditions L’Antilope, 288 pages, 19,90 €

LA RENTRÉE LITTÉRAIRE La rentrée littéraire de l’hiver a livré plusieurs romans que la rédaction de Black Beauty Celebrities vous conseille.

En vedette, Marie NDiaye : son nouveau roman débute quand maître Susane, 42 ans, voit entrer dans son cabinet Gilles Principaux lui demandant de défendre son épouse pour un triple infanticide. Mais l’avocate est persuadée que Gilles Principaux est ce garçon qu’elle a connu enfant ; lui ne la reconnaît pas. Qui est-il réellement ? La Vengeance m’appartient, Marie NDiaye, Éditions Gallimard 19,50 € L’auteur entouré d’Anne-Sophie Dreyfus et de Gilles Rozier, coéditeurs des Éditions L’Antilope

44

Le titre l’annonce, dans Clandestinement vôtre, Charles Cédric Tsimi décrit le parcours d’un étudiant camerounais se retrouvant en situation irrégulière sur le sol français. Convoqué par la préfecture, il décide d’écrire ce texte racontant avec humour et lucidité son parcours, semblable à celui de bon nombre d’étudiants étrangers arrivant en France. Clandestinement vôtre, Charles Cédric Tsimi, Collection la Grenade, Éditions JC Lattès, 18 €

Imbolue Mbue, jeune pépite de la littérature camerounaise, signe un nouveau roman, Puissions-nous vivre longtemps, dénonçant l’exploitation du continent africain. Les enfants du village Kosawa meurent victimes d’une eau contaminée par une entreprise pétrolière américaine. S’ensuit un long combat, incarné par Thula, jeune fille partie étudiée aux États-Unis, pour récupérer la terre de leurs ancêtres... Puissions-nous vivre longtemps, Imbolo Mbue, Éditions Belfond, 23 €

Gaston-Paul Effa revient avec un récit d’enfance où les souvenirs reviennent alors qu’il est en plein cœur de l’attentat terroriste à Strasbourg, en 2018. Des moments d’émotions qui surgissent par le souvenir d’une enfance qui se rappelle à nous par des réminiscences associées au présent de l’adulte. L’Enfant que tu as été marche à côté de toi, Gaston-Paul Effa, Collection Continents Noirs, Éditions Gallimard, 19 €

45


LE PRINTEMPS BLACK BEAUTY

Les beaux jours reviennent, les envies de naturel et les senteurs florales aussi ! Retrouvez nos astuces et conseils pour prendre soin de vous tout en restant masquée, et profitons des premiers rayons !

47


DES ENVIES DE

48

49


50

51


P STEP BY STE

Humidifier préalablement les cheveux à l’aide d’un vaporisateur, puis démêler les cheveux à l’aide du Conditioning Detangler de la gamme Cantu Care For Kids.

Un concours unique pour célébrer les cheveux texturés

Et un prix de 5000€ à gagner

Étape 1

Étape 2

Séparer les cheveux en 2 parties. La partie supérieure sera nattée.

AIMIE BEYUKU

Crédit photos : © seeniepics

PUBLI COMMUNIQUÉ

Diviser la partie supérieure en 4 parties en appliquant le Edge Control.

VAINQUEUR DES CANTU CURL AWARDS

Âgée de 26 ans, Aimie Beyuku est l’heureuse gagnante du concours organisé par la marque capillaire Cantu. Habitant le département des Yvelines, en Île-de-France, la jeune femme partage son temps entre son métier d’infirmière et sa passion : coiffeuse pour cheveux afro. Désormais, une autre fonction lui incombe : elle est la nouvelle ambassadrice de Cantu durant l’année 2021.

Si vous êtes passionné/e par la coiffure, l’heure est venue de montrer vos talents et d’entrer dans la compétition pour devenir notre

Cantu

ambassadeur ou ambassadrice

pendant 12 mois. Le/la gagnant/e remportera un chèque de 5000€.

Étape 3

Étape 4

Rendez-vous sur Instagram @CantuBeautyFr pour en savoir plus.

Pourquoi vous êtes-vous présentée aux Cantu Curl Awards ? Qu'en attendiez-vous ?

Quelles coiffures avez-vous mises en avant pour ce concours ? Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

Aimie Beyuku : Je me suis présentée aux Cantu Curl Awards car je souhaitais vraiment me challenger et me prouver que je pouvais faire de belles choses. Je coiffe depuis mon plus jeune âge, mes sœurs, mes amies ; parallèlement à mon métier d’infirmière, je gagnais un peu d’argent de poche en coiffant. À la diffusion du concours, mon entourage m’a poussée à me présenter. Il y avait cinq mille euros en jeu et c’était un challenge pour moi, je venais de finir le premier shooting des coiffures réalisées. L’envie de découvrir d’autres coiffeurs, de l’expérience et de voir l’étendue de mes capacités m’a aussi motivée !

A. B. : J’avais une ligne directrice tout au long de l’année 2020 : je voulais découvrir les coiffures traditionnelles de l’Afrique, particulièrement celles des différentes ethnies du Congo. J’en ai profité pour inclure tout ce que j’ai appris sur les différentes coiffures, fausses locks et braids. L’occasion d’allier la technique que j’avais apprise à Londres à la créativité, tout en me référant à notre histoire.

Le résultat obtenu des 4 tresses sur la partie supérieure de la tête.

Effectuer le tressage des 4 tresses en Stitch and Braid : le début de la tresse doit être collé, puis se terminer en simple tresse. Utiliser le Define & Shine Custard pour apporter fixation et brillance aux tresses.

Inscription possible jusqu’au dimanche 12 juillet 2020.

Étape 5 Utiliser la Baby Hair Brush et le Edge Control pour plaquer les baby hair.

Connaissiez-vous les produits de cette marque ?

A. B. : Oui, bien sûr ! Cantu est l’une des premières marques que j’ai découvertes quand j’ai décidé d’arrêter de défriser mes cheveux. Quel est votre produit phare de la marque ?

A. B. : Mon produit préféré, c’est le démêlant hydratant que j’aime beaucoup. Il facilite vraiment le coiffage pour les différentes étapes de la coiffure, et toutes les personnes que je coiffe sont unanimes ! Quelle est votre routine capillaire ?

A. B. : Cette année, j’ai décidé d’utiliser la gamme de Cantu pour m’approprier les produits : - shampoing crème nettoyant sans sulfate ; - après-shampoing ; - masque réparateur ; - crème hydratante sans rinçage ; - et du beurre de karité ! J’hydrate en semaine et je fais les soins complets le dimanche. • 52

© Cosmic Queen

Étape 6

Étape 7

Définir les boucles de la partie inférieure à l’aide de la Curling Cream.

Possibilité d’ajouter quelques bijoux pour personnaliser la coiffure.

53


BEAUTY

QUELLES SOLUTIONS ?

On opte pour le light ! Vous avez eu le temps de vous en apercevoir : le maquillage ne fait pas bon ménage avec le masque ! Et puisqu’il est hors de question de vous en passer, ni d’en subir davantage les désagréments, nous vous livrons tous nos conseils pour les conjuguer.

2 EN 1 : HIGHLIGHTER ET CORRECTEUR DE TEINT

Commencez par ranger dans votre trousse le fond de teint classique. Vous le remplacerez par une crème illuminante qui hydrate, exfolie et soigne les irrégularités tout en vous donnant un teint glowy, rehaussé par les pouvoirs magiques d’un correcteur subtil et léger et/ou d’un fard à joues minéral pour laisser la peau respirer. Le rouge à lèvres, lui, se porte anti-transfert et on évite le gloss inconfortable qui colle au masque. Enfin, plein phare sur les yeux, seule partie visible de votre visage, que vous prendrez le temps de travailler pour les faire ressortir, plus que jamais.

Secret Camouflage Duo, Laura Mercier, 32 €

LiquiLUST Rouge à lèvres mat à la tenue légendaire, Pat McGrath Labs, 31 €

UNE TEINTE ROSÉE NUDE, PUISQUE VOUS ACCENTUEZ VOS YEUX !

DES COULEURS RICHES EN PIGMENTS, À MÉLANGER ET TRAVAILLER AU GRÉ DE VOS ENVIES ! Palette Tiebele, Air Cosmetics, 35,99 €

SE MAQUILLER

LES COUPS DE CŒUR DE LA RÉDAC’ Fard à joues minéral Pomme Rose, Lily Lolo, 8,92 €

54

Super Radiance Resurfacing Facial, Charlotte Tilbury, 65 €

d’abord pour soi

Eyebrow Densifyer, Masters Colors, UN EFFET RECOURBE-CILS... 23 €

Certes, avec le port du masque, on ne voit pas grand-chose de votre visage. Une petite voix vous dit que vous pourriez vous passer de maquillage, mais vous tenez à poursuivre l’habitude, non pas pour le regard des autres, mais pour vous, pour le plaisir de vous pomponner et vous faire belle le matin... et vous avez bien raison ! Mais voilà, vous êtes gênée par les traces (rouge à lèvres, fond de teint et mascara) que vous retrouvez sur votre masque. De même, vous ne connaissez que trop bien l’effet comédogène du masque sur votre peau, aggravé par la présence du fond de teint, couche étouffante supplémentaire.

LA CASSE EN MOINS !

L’incontournable eyeliner... en feutre pour une application plus facile et précise ! Eyeliner Feutre, 1944 Paris, 20 €

Epic Curl Vegan Lash Primer, KVD Vegan Beauty, 22 €

FORMULE NOURRISSANTE ET VOLUME INTENSE ! Kush Mascara, Milk, 23 €

55


ACTU MUSIQUE

L’HOMME ENGAGÉ « “Engagé” est un mot qui me fait peur, mais le mot qui me convient, c’est “concerné”. » Plus qu’une satisfaction personnelle, celui qui, depuis vingt ans, a décidé de se consacrer à l’image et a créé le Festival Koudougou Doc s’enorgueillit de voir la reconnaissance d’un cinéaste documentariste, genre qu’il déplore être souvent déconsidéré et mal compris. Pourtant, il en est convaincu, « c’est par le documentaire qu’on s’identifie, l’image est

MICHEL K. ZONGO MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES OSCARS

« LE CINÉMA CHANGE LE MONDE » Michel K. Zongo enchaîne les voyages et les activités ; s’apprêtant à partir pour une master class au Niger, attendu au Sénégal comme invité d’honneur du Festival StLouis’Docs, il nous rejoint le temps d’une interview à la terrasse d’un hôtel de Ouagadougou. Actualité chargée pour celui que toute la presse nationale sollicite à la suite de sa récente nomination en tant que « membre permanent de la section documentaire de l’Académie des Oscars ». Un plaisir que savoure le cinéaste originaire de Koudougou, réalisateur de plusieurs documentaires remarqués, dont La Sirène 56

de Faso Fani et Pas d’or pour Kalsaka, œuvres primées dans plusieurs festivals. Un travail qui lui vaut la reconnaissance de la plus grande académie du cinéma à l’échelle mondiale. L’AFRIQUE ET LE GENRE DOCUMENTAIRE RECONNUS C’est par les réseaux sociaux que Michel K. Zongo, croyant à une fake news, apprend sa nomination comme membre permanent de l’Académie des Oscars : « car, bizarrement, la lettre officielle a dû passer dans les spams. » Et même s’il se demande pourquoi lui a été choisi, intégrant ainsi les deux cents membres originaires du continent africain, il sait que cette cooptation s’est faite sur la base de son profil, de ses œuvres au langage

universel, dont la ligne éditoriale engagée et assumée offre une résonance au niveau du monde. Des petites histoires qui deviennent la grande histoire. Au-delà de la fierté légitime, le cinéaste se réjouit du changement de la politique de l’Académie afin de faire entrer des sensibilités différentes : « Du coup, au niveau africain, on commence à avoir une belle plateforme qui nous permet de coordonner qui on propose. La vision des Oscars dynamise et équilibre les zones car, au-delà des honneurs, il y a une dimension politique à booster le cinéma africain dans ce grand rendez-vous, qui reste le sommet des sommets, où l’Afrique a été absente pendant longtemps. L’occasion aussi de construire quelque chose. »

UNE MISSION : « FAIRE SES PROPRES IMAGES » « J’ai découvert les images de l’Afrique par un regard occidental, d’anthropologue qui ne nous concerne pas. Mais si nous voulons reconquérir nos imaginaires, c’est à nous de fabriquer nos images. » Citant l’historien Joseph Ki-Zerbo, « on ne développe pas quelqu’un, c’est quelqu’un qui se développe », le nouveau membre de l’Académie des Oscars affirme : « On doit changer de mentalité. Qui crée nos mythes, nos héros, nos dictateurs ? C’est sur nous qu’ils agissent et ce n’est pas à l’étranger de nous dire qui est qui. On doit travailler sur la décolonisation des esprits. Nous devons contribuer au regard universel, c’est une mission car le manque d’images réelles en fait une urgence pour moi. » Se référant à la période politique d’un cinéma de Sembene ou du Fespaco qui portait l’Afrique, la voix des minorités résonnant dans les conférences et les films, l’heure est toujours au combat, « même si aujourd’hui, il est à l’intérieur de nous,

savoir comment nous nous définissons » : « Cette génération doit comprendre que c’est à nous de donner le ton de ce que nous voulons être, donner nos couleurs. »

indispensable dans nos sociétés pour mettre en confiance et donner la parole ». La construction est au cœur de la vision du cinéaste. Le promoteur de Koudougou Doc ne cesse de marteler : « Le genre documentaire est un cinéma urgent et utilitaire qui valorise les luttes et les combats du continent. » Il incarne une nouvelle génération qui porte un regard différent et peut enfin avoir l’espoir de faire une carrière en vivant en Afrique. Un regard qui, loin d’être réducteur, parle et s’adresse au monde : « Nous avons une mission urgente de faire des films. L’image doit être légitime, souveraine et c’est à nous de construire nos images, c’est nous qui devons les envoyer au monde, montrer ce que nous sommes, ce que nous voulons être et c’est à travers ces images que nous nous définissons en contribuant au patrimoine universel. »

La Sirène de Faso Fani

57


ACTU age Une question d'im « L’image artistique est essentielle. Mon souci est comment f ilmer ! Souvent, j’étais gêné par certaines postures qu’on donnait à des gens, des lieux. Ma vision de cinéaste doit enlever le regard de l’anthropologue, les préjugés de l’image. Nous fabriquons l’image d’un être humain. Le “comment” renvoie à s’interroger pour qui on fait ces images et dans quel but. Toute image doit avoir un sens, je donne naissance à l’image qui devient auteur. » GÉNÉRATION « SOLUTIONS » « Le problème, on le connaît, l’Afrique d’aujourd’hui est l’Afrique des solutions, des possibilités, de ce qui porte les rêves du monde, l’Afrique qui construit. » Michel K. Zongo perçoit le documentaire comme l’opportunité d’assoir les Indépendances, un accélérateur : « Moi, je suis arrivé dans le cinéma comme un orphelin, il n’y avait pas de financement au Burkina pour le cinéma ; mais le nombre de cinéastes augmente même si on déplore toujours le peu de moyens. Ce qui est intéressant, c’est la construction des images et le documentaire permet de revisiter l’histoire, le patrimoine. Défendre un point de vue, donner à voir une nouvelle vision de l’Afrique au monde tout en se découvrant soi-même. C’est comme un miroir, l’image est comme un outil d’une utilité de construction massive de nos imaginaires, pour ne pas dire de déconstruction... » Convaincu que le cinéma peut changer le monde, le réalisateur traduit son engagement par des actes, un optimisme qui fait avancer la société autant que l’art. Et de conclure : « La beauté n’a pas de couleur. » •

58

Un peu comme la déesse qui empêche Ulysse de repartir, quand vous entrez dans le royaume d’Agnès, vous pouvez flâner des heures autour des livres exposés. Ancienne enseignante de lettres classiques, Agnès Cornélie, 36 ans, a fait de sa passion une réalité en se tournant tout naturellement vers les livres pour créer son entreprise.

« J’ai souhaité ouvrir la librairie justement parce que j’avais le sentiment que les auteurs des Outre-mer manquaient de visibilité. La production littéraire est très vaste et il n’est pas toujours aisé pour un auteur de se faire connaître. En ce sens, les librairies spécialisées sont intéressantes pour un lecteur qui recherche un domaine en particulier. »

Formateur à Ouaga Lab

KOUDOUGOU, CAPITALE DU DOCUMENTAIRE EN AFRIQUE Né en 1974 à Koudougou, quinze ans après l’indépendance, Michel K. Zongo se dit marqué par la lutte de ses pères : « J’entends le grondement des luttes de nos pères, comment se définir, comment être indépendant ! » Un rendezvous que nombreux estiment manqué, mais il a la certitude que, par le documentaire, on peut réussir en participant à la Avec Gaston Kaboré décolonisation des esprits. Et le cinéaste ne semble pas être né par hasard à Koudougou, « une ville réputée pour sa liberté de parole, libre depuis la nuit des temps, défendant les valeurs d’intégrité de justice ». Avec fierté, le natif de la « ville rebelle » rappelle que « Burkina » provient du nom d’un quartier de Koudougou, ville garante de l’intégrité du pays – d’où le projet de faire de cette ville avant-gardiste la Cité du Documentaire.

En plein Paris, dans le onzième arrondissement, la première librairie dédiée aux Outre-mer et Caraïbes vous accueille depuis fin août pour découvrir les nouveaux auteurs ou vous procurer un classique. Plus besoin d’attendre le Salon du Livre de Paris et son stand Outre-mer pour lire les auteurs de ces autres territoires de France, souvent peu ou mal représentés dans les librairies habituelles. Les rayonnages agencés selon les régions et les îles nous transportent sur les continents de la créolité. Eh oui ! La littérature insulaire a désormais ses lettres de noblesse dans la librairie Calypso, loin de figurer comme une « littérature de cocotiers » : les différents rayons font la part belle aux auteurs et philosophes, essayistes ou, tout simplement, aux romanciers. Courageuse ? Certainement ! Il a fallu se former, lancer une campagne participative avant que ne survienne la pandémie. Ouvrir en post-confinement une librairie témoigne surtout d’une volonté à toute épreuve. « Un véritable défi », nous avoue cette Guadeloupéenne qui, après avoir cherché pendant un an et demi le local approprié, se réjouit de faire partie des commerces de proximité encouragés par les clients. Le rêve est là !

Que recherchent principalement les clients de votre librairie ? Agnès Cornélie : Des livres qui parlent des Outre-mer, qui plongent dans l’ambiance de ces régions. Ils cherchent également des livres en créole et des ouvrages historiques pour approfondir leurs connaissances.

Vous avez également un rayon enfants très fourni : c’est important ? A. C. : C’est très important d’habituer les enfants à la lecture depuis tout petits. C’est comme tout : plus les bonnes habitudes sont prises tôt, plus il sera naturel pour un enfant de lire et de rechercher dans les livres les réponses aux nombreuses questions qu’il se posera.

LIBRAIRIE CALYPSO 17 bis avenue Parmentier 75011 PARIS www.librairiecalypso.fr Tél. : 01 73 70 07 94

La libraire conseille...

Ady, soleil noir, Gisèle Pineau Yanvalou pour Charlie, Lyonel Trouillot Naître ici, Nassuf Djailani Les Déracinés, Catherine Bardon (aussi bien le roman que l’adaptation en BD)

Vous avez un stock formidablement rempli. Qu’aimez-vous faire découvrir ? A. C. : Les auteurs classiques (tels que Maryse Condé,

Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas), et également les nouveautés, car il y a régulièrement de très belles parutions. J’aime également faire découvrir de jeunes auteurs. Les Outre-mer sont riches et créatives. •

59


ACTU

« BECOME WHAT YOU ARE »

« LA MUSIQUE EST UNE LOI MORALE. ELLE DONNE UNE ÂME À NOS CŒURS, DES AILES À LA PENSÉE, UN ESSOR À L’IMAGINATION. »

LAURENCE GASTINE

POÉTESSE DE LA JAZZ SOUL ETNIK UNE MUSICIENNE À SOUTENIR !

Auteure, compositrice, interprète et saxophoniste, Laurence a sorti il y a trois ans un EP de quelques titres, Rythme de Vie, sans vraiment connaître tous les rouages de la production, de la postproduction et de la diffusion.

moderne aux couleurs du monde multiculturel... Riche de diversité – à l’image de la cuisine des Antilles dont elle est originaire ! Un soupçon de soul jazz, quelques pincées de funk, de musiques africaines, aux sonorités aux saveurs antillaises, brésiliennes, orientales... Les textes sont un savoureux mélange de poésie ou de paroles plus légères, transitant du français au créole en passant par l’anglais. On adore !

nrichie par cette expérience, elle a démarré la production de son premier album, Rythme de Vie Vol 2, où elle prévoit de vous faire découvrir quatorze titres de pure beauté... Une musique métissée « JazZ Soul EtniK », une musique de l’âme tradi-

Qui est-elle ?

E 60

Une amoureuse, rêveuse humaniste et philosophe, entre la lune, les nuages et les étoiles, inspirée par notre mère Terre. De l’univers intérieur au monde extérieur, des émotions aux situations... La musique lui permet d’être complètement elle-même, comme ce fameux « Become

what you are » (« Deviens qui tu es ») qu’elle scande ! La musique, une histoire familiale

« Amoureuse de la musique, J’ai grandi avec l’idée que la musique est amour, sans doute l’empreinte de mon histoire familiale car mon père a fait la sérénade à ma mère pour la séduire... Et puis, j’ai été bercée par les rythmes de la contrebasse et la voix chaude et chaleureuse de mon père depuis mon plus jeune âge. Je fais partie de ces musiciens intuitifs qui devinent et inventent des poésies et mélodies au gré du vent, au gré des sons... En musique j’ai gardé mon âme d’enfant, et tel un photographe ou un peintre du temps, je f ige l’instant sous forme de chanson. J’aime toutes les musiques épicées, colorées qui parlent aux âmes et les transportent ! »

Un peu chamane des temps modernes... Inspirée !

Son univers est multiple, alliant les percussions aux rythmes d’identités culturelles diverses. Une musique qui « fait du bien, qui soigne, des moments de partage, d’humanité, d’harmonie et d’unité lorsque l’on rencontre et que l’on joue avec les musiciens du monde » : « Et quelle joie, quel bonheur d’être sur scène et de partager cela avec mon public, et de savoir les émotions que procure ma musique... »

Crowdfunding Ulule

Pour réussir ce beau projet qui lui tient à cœur et lui donner enfin la visibilité musicale que sa musique mérite, elle lance une campagne de participation. Un financement qui va servir à produire et diffuser l’album, de l’enregistrement studio (mixage, mastering, CD et vinyle) à la promotion (concerts, clips vidéo). Nous invitons les lecteurs de Black Beauty Celebrities à soutenir sa campagne afin de valoriser les talents caribéens. •

HTTPS://FR.ULULE.COM/PROJETALBUM-RYHTME-DE-VIE-VOL2/ WWW.LAURENCEGASTINE.COM

61


ACTU

I

l y a cinq ans, elle était encore une jeune serveuse qui rêvait de percer dans la musique et s’en donnait tous les moyens. Remarquée par un manager grâce à une vidéo postée sur YouTube, elle n’a eu aucun mal à convaincre les maisons de disques de lui offrir un contrat... et pour cause, elle a tout d’une star ! Sa voix ensorcelante et ses mots pleins de poésie, dans des titres percutants comme Not Your Muse ou Strange, ont touché en plein cœur. Étoile montante de la soul, elle est bien partie pour s’imposer parmi les reines du genre et signer une belle et longue carrière... pour notre plus grand plaisir ! Qui est-elle ? Née en Californie, la jeune femme s’est plus tard installée avec sa mère en Angleterre, où elle a brillé par ses talents artistiques, particulièrement dans la musique que ses grands-parents lui faisaient écouter. Émerveillée par les voix des légendes du jazz telles qu’Aretha Franklin et Ella Fitzgerald, elle en a fait ses modèles et son inspiration, et a travaillé dur pour atteindre son rêve.

CÉLESTE FUTURE IDOLE DE LA SOUL Du haut de ses 27 ans, Céleste a le don de vous faire voyager parmi les étoiles. Une voix qui vous transperce et des textes qui vous bouleversent, la chanteuse réunit tous les ingrédients pour vous séduire... si ce n’est déjà fait ! 62

SA VOIX ENSORCELANTE ET SES MOTS PLEINS DE POÉSIE ONT TOUCHÉ EN PLEIN CŒUR. La sortie de son single Daydreaming en 2016 a été son premier pas vers le succès... Après ses titres, ses puissantes performances sur scène ont fini de transporter un public conquis, qui ne cesse de s’élargir.

Son talent lui a valu, en 2020, de remporter à la suite le BBC Sound et un Brit Award dans la catégorie de la révélation de l’année. Son premier album a été édité début 2021 et, dans la foulée, elle a été nommée aux Golden Globes et a prêté sa voix à une publicité diffusée lors du prestigieux Super Bowl... Rien que ça ! Vous l’aurez compris, Céleste est en passe d’inscrire son nom parmi les plus grands... et nous sommes impatients de découvrir les surprises que nous réserve cette diva en devenir ! Un style unique La monotonie et la sobriété ? Très peu pour elle ! Céleste est une artiste qui aime casser les codes, jusqu’à son look éclectique. Elle ose le mélange de styles et d’imprimés et s’affiche principalement dans des tenues colorées, à l’image de sa pétillante personnalité. Lorsqu’elle opte pour de l’uni, elle le décale avec des accessoires choc. Mention spéciale pour ses magnifiques cheveux naturels, qui font pleinement partie de son look et de sa personnalité ! • 63


DÉCO

HOROSCOPE Tableau célébrant l'amour des papillons, avec des ailes issues d'une collection qui compte plus de vingt espèces différentes soigneusement assemblées pour créer une mosaïque métamorphique, Jonathan Adler, 3 695 €

Basés sur un design artisanal, construits et décorés avec des matériaux à l'état naturel, les vases en grès de Jessica Hans ont un design délibérément irrégulier. L'esthétique organique et abstraite de Jessica crée un objet fonctionnel avec une surface unique peinte à la main.

UN INTÉRIEUR GREEN

BÉLIER 21 MARS — 20 AVRIL

TAUREAU 21 AVRIL — 20 MAI

mars-avril 2021

GÉMEAUX 21 MAI — 21 JUIN

CANCER 22 JUIN — 22 JUILLET

Entre une hyperactivité et un épuisement extrême, votre forme balancera. Vous peinerez à trouver un équilibre et à vous canaliser... Pourtant, il le faudra bien, au risque de vous pomper toute votre énergie. « Zenifiezvous » avec du yoga ou de la natation pour harmoniser tout ça !

Vous avez travaillé dur... Il est temps de récolter les fruits de ce que vous avez semé. Vos efforts seront jugés à leur juste valeur et récompensés : prime ? Augmentation ? Nouvelles responsabilités ? Évolution ? Votre ego sera boosté, vous prendrez plaisir à travailler et vous vous épanouirez totalement. Auriez-vous trouvé la clé du bonheur ? Sûrement !

Votre assurance vous permettra d’oser des initiatives risquées et... bingo, votre audace paiera ! Amitié, travail, amour, famille : vous vous démarquerez, votre entourage appréciera et vous brillerez, mais attention... à trop attirer la lumière sur votre petite personne, vous risquez de susciter les jalousies !

Cette année, la solitude sera votre meilleure amie. Que vous soyez célibataire ou accompagnée, vous vivrez un mal-être sentimental qui vous conduira à une importante remise en question. Posezvous les bonnes questions et ne prenez pas de décision trop hâtive car vous le savez bien : on sait ce que l’on perd, pas ce que l’on gagne.

LION

VIERGE

BALANCE

SCORPION

Un besoin de renouveau avec les premiers rayons de soleil ? À nous les motifs floraux et les belles plantes : chouchoutons aussi notre intérieur ! 2

23 JUILLET — 22 AOÛT

Vous considérerez un important investissement pour lequel vous devrez casser votre tirelire. Faites très attention à ne pas vous laisser avoir... Prenez le temps de réfléchir et de décider et, surtout, ne vous laissez pas aller au coup de cœur et optez pour le choix le plus sage.

Hay, 75 €

23 AOÛT — 22 SEPT.

23 SEPT. — 22 OCT.

23 OCT. — 22 NOV.

Oups, les excès vous guettent ! Attention au trop gras/sucré/salé/ alcoolisé/chimique, etc. (rayez la mention inutile). Vous apprécierez sur le coup, mais votre corps finira par saturer et vous faire amèrement regretter cette maltraitance. Vous n’avez qu’un capital santé, préservez-le !

Où est passé votre côté téméraire et entreprenant ? Cette année, vous prendrez des précautions (trop ?), vous aurez du mal à proposer vos idées et affirmer vos opinions. Côté travail, en particulier, votre motivation sera sérieusement mise en doute et vous risquez de passer à côté d’une belle opportunité. On se reprend !

De l’inquiétude, de l’incompréhension, de la mésentente... Célibataire, les partenaires potentiels auront du mal à cerner vos attentes et cela donnera lieu à de fortes méprises. En couple, les tensions et prises de bec seront de rigueur, mais attention, ne prenez surtout pas de décision hâtive dans un moment de colère, vous risqueriez de le regretter !

CAPRICORNE

VERSEAU

POISSONS

1 3

SAGITTAIRE 23 NOV. — 21 DÉC.

4

5

1 Succulente artificielle à suspendre, Truffaut, 7,65 € 2 Plaid en coton blanc à motifs feuillages verts, Maisons du Monde, 59,99 € 3 Fauteuil Moby, motif Le Curieux, Made.com, 349 € 4 Assiette à dessert en porcelaine motifs jasmin, Alinéa, les 4, 20 € 5 Plateau rond en métal doré Louisa, La Redoute, 29,99 €

64

Prise de tête garantie dans votre rapport avec l’argent ! Un jour vous ferez une grande dépense et vous culpabiliserez le lendemain, puis vous serez plus prudente avec un achat qui vous fait envie, avant de le regretter et de vous dire que « zut, on n’a qu’une vie, alors autant se faire plaisir ! » Sachez définir vos priorités et trouver un juste milieu entre cigale et fourmi !

22 DÉC. — 20 JANVIER

Nostalgie, quand tu nous tiens ! Vous ne pouvez vous empêcher de penser au passé et de vous dire qu’avant, quand même, c’était beaucoup mieux. Célibataire, mettez sous scellés les coordonnées de vos ex-conjoint(e) s et prenez le temps de la réflexion avant de les recontacter... Si l’histoire n’a pas duré, il y avait une raison !

21 JANVIER — 19 FÉVRIER

La situation sanitaire aidant, vous aurez tendance à faire preuve de paresse et, plutôt que de bouger pour vous tonifier, à vous blottir au fond de votre lit ou canapé et à faire le légume devant la télévision. Zou ! Activezvous au maximum au risque de regretter votre mollesse une fois devant votre glace.

20 FÉVRIER — 20 MARS

« Qui sème le vent récolte la tempête. » Vous vous êtes longtemps reposée sur vos acquis et soit vous vous êtes contentée du minimum syndical d’efforts à fournir, soit vous n’avez pas donné le meilleur de vous-même. Résultat, c’est une véritable tempête qui s’abattra sur vous et vous conduira à vous poser des questions, en amour ou au travail. Aviez-vous simplement besoin d’un coup de fouet ou est-ce votre couple/emploi qui, finalement, vous ennuie ?

65


Carnet

D'ADRESSES

NAPPY DAYS EVENTS PRÉSENTE

Beauté 1944 PARIS 1944.paris AIR COSMETICS air. maison CANTU (VIA DIOUDA) diouda.fr/cantu CHARLOTTE TILBURY charlottetilbury.com HUGO BOSS hugoboss.com JEAN-PAUL GAULTIER jeanpaulgaultier.com JO MALONE LONDON jomalone.fr JULIETTE HAS A GUN juliettehasagun.com KAYALI kayalifragrance.com KVD VEGAN BEAUTY kvdveganbeauty.com LAURA MERCIER lauramercier.com LILY LOLO lilylolo.co.uk MASTERS COLORS masterscolors.com/fr MILK MAKEUP milkmakeup.com NARCISO RODRIGUEZ narcisorodriguez.com PAT MCGRATH LABS patmcgrath.com TOM FORD tomford.com

Déco ALINÉA alinea.com HAY hay.dk JONATHAN ADLER jonathanadler.com LA REDOUTE laredoute.fr MADE made.com MAISONS DU MONDE maisonsdumonde.com TRUFFAUT truffaut.com

ÉLECTION MISS NAPPY ÉLECTION MISS NAPPY FRANCE 2021 FRANCE 2021 2525 AVRIL AVRIL2021 2021 17H00 17H00

SUIVEZ LE SHOW EN DIRECT, VOTEZ

SUIVEZ LE SHOW EN DIRECT, VOTEZ POUR VOTRE CANDIDATE PRÉFÉRÉE, POUR VOTRE CANDIDATE PRÉFÉRÉE, GAGNEZ DES LOTS... GAGNEZ DES LOTS...


• Sans ammoniaque • Application facile! Melangez tout simplement avec de l’eau • Bigen couvre les cheveux gris en douceur

la couleur au cœur de votre beauté

www.bigen.eu


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.