CR 21 octobre

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THINK TANK : BRESIL ET AMERIQUE LATINE : QUEL LEADERSHIP EST POSSIBLE ? COMPTE RENDU


Intervenants :  Bernardo SORJ, membre du Conseil Scientifique à l’Institut des Amériques, professeur de Sociologie à l’Université Federal de Rio de Janeiro, Professeur invité à l’Institut de Etudes Avancées, Université de Sao Paulo.  Carlos QUENAN, Vice-président de l’Institut des Amériques, économiste et professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, IHEAL. Date : 21 octobre 2013 Lieu : Maison de l’Amérique latine


BRESIL ET AMERIQUE LATINE : QUEL LEADERSHIP EST POSSIBLE ? L’objectif de cette table ronde était d’analyser les grandes lignes du contenu du livre sur les défis de la politique extérieure du Brésil à l’heure actuelle. D’après le sociologue brésilien, le panorama de la région latino-américaine nous présente différentes tendances. Tout d’abord il est possible de voir une autonomisation et diversification de la politique extérieure des pays latino-américains en relation avec les Etats-Unis. La fin du communisme a permis aux élites de tous les pays de la région d’avoir une perspective plus autonome plus souveraine vis à vis des Etats Unis. Egalement, on observe une Amérique latine qui ouvre de plus en plus son marché à l’Asie, et plus particulièrement à la Chine. Ceci aurait changé le rapport latino-américain à la géopolitique du monde. Aujourd’hui, la Chine est pour plusieurs pays de la région le principal partenaire commercial. C’est un changement historique majeur. Il s’agit d’une configuration des rapports internationaux encore en construction et, pour cela, encore difficile à comprendre. Nous sommes dans une période de mutation forte dans laquelle les tendances ne sont pas encore complètement définies. Par ailleurs, on observe que la vision des Etats-Unis par rapport à l’Amérique latine a beaucoup changé ces derniers temps. On est passé d’une vision de contrôle dans tous les aspects (économique, politique et stratégique) à une relation très pragmatique où la priorité c’est le « business ». Ce changement de perspective s’est consolidé sous le gouvernement de G. Bush. Dans ce nouveau contexte, le Brésil s’est imposé naturellement comme leur partenaire stratégique pour maintenir la paix dans la région, parce que malgré toutes leurs différences, les Etats-Unis et le Brésil ont un intérêt commun : la stabilité régionale. Par la suite, Bernardo Sorj, constate que la région est en train de se redéfinir à partir de deux grandes tendances intrinsèquement liées : l’intégration et la fragmentation. 1.

L’intégration ce n’est pas l’intégration politique à travers des grands plans stratégiques dirigés par l’Etat. C’est l’intégration liée à l’internationalisation du capital. Beaucoup de grandes entreprises brésiliennes font des investissements et recherchent l’augmentation du commerce dans la région.

2.

La fragmentation de la région. Il y a aujourd’hui, deux grands blocs en Amérique Latine avec un cas, un peu à part, celui du Brésil :   

Le bloque « libéral » (Chili, Colombie, Pérou, Mexique, et quelques pays centraméricains) s’inscrit dans un modèle économique d’ouverture commerciale. Le bloque ou ensemble de pays « national-étatique » : (Venezuela, l’Équateur, la Bolivie et dans certain mesure, l’Argentine) lié à un discours anti-mondialisation plutôt fermé et cherche une alternative au modèle libéral. Le Brésil avec une trajectoire historique nationale de protectionnisme industriel.

C’est sous forme de réponses aux questions, que Bernardo Sorj a livré à son auditoire quelques réflexions sur les enjeux et perspectives de la politique extérieur du Brésil dans la région latinoaméricaine. Ses réflexions se sont articulées autour de trois questions centrales :

Quels ont été les grandes lignes de la politique extérieure brésilienne ? Les orientations qui caractérisent la politique extérieures brésiliennes peuvent être résumées ainsi :


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La création du Mercosur. (Mercado Común del Sur, réunissant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Venezuela). Avec la création du Mercosur, l’Amérique du Sud entre dans le radar « zone de l’économie extérieure du Brésil ». Le Mercosur présente plutôt des accords ad hoc sur de questions spécifiques sans institutions autonomes capables de développer une politique unitaire à long terme pour la gestion des rapports inter-régionaux. Le Mercosur a été utilisé par le Brésil pour empêcher la négociation des accords de libreéchange entre les Etats-Unis et l’Amérique latine. Aujourd’hui c’est devenu une sorte de chemise de force rigide qui bloque l’action individuelle de ses membres. La plupart des pays non membres ont signé des accords de libre-échange avec la Chine, l’UE ou les Etats Unis.

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Le Brésil a inventé le concept d’Amérique du Sud contre celui d’Amérique Latine dans le but de définir un espace géopolitique dans lequel il aurait une influence majeure. Laissant le Mexique et l’Amérique centrale aux Etats-Unis. Mais aujourd’hui, le Mexique revient, à travers l’Alliance du Pacifique.

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Le point culminant de cette idée d’Amérique du Sud est la création d’UNASUR, espace géopolitique des pays sud-américains, à travers lequel il cherche à créer une identité commune. Mais UNASUR n’a pas pour le moment une politique ou économie concrète.

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La mise en place d’un discours Sud-Sud. L’objectif étant de promouvoir et faire prévaloir la coopération entre les acteurs du Sud, comme l’Amérique du Sud et l’Afrique, au dépit de l’ancienne coopération Nord-Sud.

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L’incorporation du Brésil au BRICS représente un enjeu pour rentrer dans l’arène des rapports internationaux et cela facilite les négociations avec les grandes institutions internationales. Hors ça, il y a plus de différences que de similarités entre les BRICS dans tous les aspects.

Quel est l’état actuel de l’intégration régionale latino-américaine? A l’heure actuelle nous observons que la situation de l’intégration régionale n’avance pas comme il faudrait. Que faire donc pour aborder les difficultés qui entravent l’intégration régionale en Amérique du Sud ? -

Il faut d’abord aborder la question de l’infrastructure régionale. Or il y a un déficit très important à ce niveau. La plupart des pays de la région s’intéressent plutôt à la question de l’infrastructure interne qui n’est pas assez développée, qu’à l’infrastructure externe. A titre d’exemple, le projet IIRSA (Iniciativa para la Integracion de la Infrastructura Regional Suramericana) n’avance pas.

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Ensuite il faudra traiter la question des enjeux géopolitiques, et plus particulièrement, le conflit entre le Pérou, la Bolivie et le Chili. On n’en parle pas beaucoup parce que comparée à d’autres régions, l’Amérique Latine n’est pas une région belliqueuse, mais des tensions existent.

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Il y a aussi le problème de la faible capacité institutionnelle des pays voisins du Brésil. A propos de ceci, nous observons que le Brésil a une capacité institutionnelle économique et politique beaucoup plus forte que ses voisins. Ce qui rend les relations complexes et compliquées. Ce n’est pas facile pour le Brésil de prendre des initiatives au risque de se voir accusé d’impérialisme. Pendant les dernières élections au Paraguay et en Bolivie, on mobilise la dénonciation de « l’impérialisme brésilien ».


Pour conclure, à la question quels sont aujourd’hui les grands défis du Brésil au niveau international, Bernardo Sorj a souligné que le Brésil doit traiter quatre thèmes importants qui définiront son avenir : -

La relation avec la Chine. Depuis 2009 la Chine est devenue, au détriment du Brésil, le partenaire commercial le plus fort des certains pays de la région latino-américaine. Ces pays considèrent la présence chinoise comme un contrepoids au Brésil.

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La structure industrielle brésilienne. La Chine en tant que acteur important dans le secteur de la manufacture pénètre de plus en plus le marché latino-américain au détriment de l’exportation brésilienne, et menace ainsi la structure industrielle brésilienne. Le Brésil, n’a pas encore trouvé son espace dans le marché chinois. Difficile d’arrêter les importations chinoises dans la région et difficile aussi de pénétrer dans le marché chinois, autrement qu’à travers l’exportation des « commodities ».

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Les conséquences du possible accord entre les Etats-Unis et l’UE doit aussi être traité. Si cet accord a lieu le Brésil va perdre de l’espace commercial. La solution serait de développer des accords de ce type. Mais il y a toujours le frein du Mercosur. On commence à envisager de l’assouplir.

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La politique extérieur et la promotion des intérêts commerciaux de grandes entreprises brésiliennes. Des grandes entreprises ont signé des accords financés par la Banque brésilienne de développement (BNDES) avec des Etats fragiles. Certains de ces contrats ont disparu, notamment, après les printemps arabes, d’autres ont créé de problèmes à cause d’un manque de sensibilité aux questions écologiques, ce qui pose un problème de transparence dans la politique interne et dans les relations étrangères

En concluant sa présentation, Bernardo Sorj signale que pour faire face à la crise du leadership de Brésil dans la région, il faudra la redéfinir le modèle économique brésilien afin que la politiqué brésilien soit elle aussi réinventée.

Note préparée par Katherine Trio, stagiaire mission Partenariat ; Veronica Cozzo, journaliste et membre du groupe Think Tank.


Institut des Amériques 60, boulevard du Lycée 8ème étage - 92170 Vanves Tél: +33 1 41 90 04 96

www.institutdesameriques.fr


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