MAISONS RANGÉES
+ FISSURE + LE NETTOYAGE + PIERRES À REMPLACER + LE BADIGEONNAGE
Nous cherchons ici l’état original d’une petite maison d’Uccle. Elle fait partie d’un ensemble d’habitations ouvrières en rangée. Loin du confort de la vie moderne, nous cherchons à retrouver une manière d’habiter qui date d’il y a maintenant un siècle. Nous verrons qu’à cette époque-ci, les conditions de vie dépendent fort de la classe sociale à laquelle on appartient. Même si ces maisons présentent certaines différences, elles sont toutes imaginées selon un même modèle. Elles sont destinées à accueillir des ouvriers et leur famille. Aussi, si les exigences actuelles ne permettent pas de revenir à une conception ancienne de l’habitat, il s’agira de retrouver l’éclat et l’unité de cet ensemble de petites maisons Bruxelloises.
BIBLIOGRAPH
SYNTHÉTIQUE
+ PETITE ÉTUDE PATHOLOGIQUE
+ MODE DE VIE
PROJET
MATERIEL
+ CONDITIONS + PHILOSOPHIE
+ LES MAISONS + LES CODES ACTUELS + LA MAISON + ETAT DES LIEUX
PATHOS
HISTORIQUE
+ UCCLE ET LA RUE VANDERKINDERE + L’HABITAT OUVRIER EN BELGIQUE ET À UCCLE
PHILOSOPHIE
À UCCLE
Thomas Martinec, 22 Janvier 2015 lacambrehortafacultÊd’architecture option Patrimoine et Restauration MA2
Cette étude traite de la restauration d’une petite maison Bruxelloise, située sur la rue Vanderkindere, entre l’avenue Molière et l’avenue Churchill, au sud de Bruxelles, au nord d’Uccle. Elle commence à Ixelles, elle fini à Forest. Nous verrons qu’elle fait partie d’un ensemble de petites maisons Bruxelloises relativement similaires. Elles ont été édifiées au début du XXème siècle par un seul et même promoteur. À sa mort, les 11 habitations qui composent la rangée furent léguées à la descendance. Cet homme n’est autre que le grand père du propriétaire actuel de la
Avant-propos
maison à laquelle nous nous intéressons, ainsi que de la maison voisine. Le propriétaire, que nous appellerons Monsieur P., n’habite pas la maison. Il la loue à différents types d’occupants, des familles, mais aussi des étudiants. Pour répondre aux besoins de ces différents modes de vie, le bâtiment a connu plusieurs remaniements successifs : aménagement de chambres dans les combles, à la cave, ajout d’une salle de bain, d’une autre, d’une toilette, d’une seconde cuisine… à quoi s’ajoutent les diverses améliorations de performances énergétiques du bâtiment.
5
HISTORIQUE
6
Un entretien avec le propriétaire des lieux m’informe donc que « toute la rangée » fut construite par son grand père. À l’époque, la rue Vanderkindere n’existe presque pas : tout ceci n’est que champs, marécages avec des fermes, et aussi quelques châteaux. Ils sont habités par de riches Bruxellois. Il est et demeure le quartier de la noblesse et bourgeoisie Bruxelloise : ducs, seigneurs, puis plus tard, médecins, notaires... Uccle est un faubourg assez éloigné du centre, mais tout de même assez proche. Uccle est peu construit.
La photographie cidessous, « l’arrivée des boches » date de 1914. Outre son intérêt historique relatif à la Première Guerre Mondiale, elle montre en effet l’absence de construction bordant la rue Vanderkindere. C’est le grand père de Monsieur P. qui en bâti une partie. Les arrières-grandsparents de Monsieur P. exploitent une ferme à Uccle. Elle est située sur l’ancien chemin d’Uccle à Fleurgat, aujourd’hui rue Vanderkindere. Le grandpère naît fermier, devient plus tard entrepreneur. Les propriétés terriennes de ses parents serviront, à l’époque du début de développement d’Uccle, à
Uccle et la rue Vanderkindere
façonner des briques pour y construire des maisons. L’extrait cadastral cicontre fait partie de l’Atlas Cadastral de Belgique, dessiné par P. C. Popp entre 1842 et 1879. Il montre l’absence de constructions sur le long du Chemin d’Uccle à Fleurgat. On remarque aussi que l’actuel quartier de la bascule existe déjà. À la page suivante, deux orthophotographies datées respectivement de 1930-1935 et 2012 montrent l’évolution significative du tissu urbain ucclois, autour de deux ensembles de maisons indiqués en rouge. À l’ouest, l’ensemble auquel
7
HISTORIQUE
8
nous nous intéressons fut construit le premier. À l’est, un second ensemble, plus petit, vint plus tard. Les deux émanent du même constructeur, grand-père de Monsieur P., dont le décès remonte à 1921. Monsieur P., naît en 1933, habite l’une de ses maisons dont son père est le propriétaire. La famille cultive ses pommes-de-
terre et ses choux sur les terrains avoisinants encore libres de construction. Monsieur P. hérite des deux premières maisons, sa sœur des deux suivantes, son cousin des deux suivantes encore, et ainsi de suite. Quelques-unes sont vendues hors de la famille P.. À l’est du second ensemble, deux grandes villas subsistent à l’endroit
même où se tenait la ferme. L’une d’elles est la villa «Les Spiroux», ci-contre en photographie. Elle appartient à un médecin. En 1946, les villas sont vendues. S’ensuit en 1948 l’ouverture d’un gigantesque garage de luxe, Ets. C. F. Wismeyer, qui importe des voitures américaines. On y vend Cadillac et autres Chevrolet.
9
La rue prend le nom d’Albert Vanderkindere, bourgmestre d’Uccle jusqu’en 1859. La place prend le nom de son fils, Léon, aussi homme politique de la commune. Des photographies d’époque nous renseignent sur le caractère de la rue, tranquillement commerciale. De petits commerces, peu d’automobiles. Même si avec l’arrivée massive de la voiture en ville la rue a surement perdu de sa tranquillité, elle a apparemment su garder son cachet. À l’exception du côté de la bascule, elle n’est que très peu sujette au phénomène de Bruxellisation. Les constructions qui la bordent sont encore de taille modérée, résidentielles, sans grand magasins aux rez-dechaussées. On y trouve principalement des petits commerces spécialisés, et de qualité : traiteurs, primeurs, poissonniers, bouchers, fromagers…
HISTORIQUE
10
Alors influencés par ce genre de recommandations, des investisseurs privés construisent à Bruxelles et surtout dans sa périphérie, dont Uccle, des habitations bon marché destinées à différentes classes d’ouvriers. Des classes parmi la classe. Plusieurs prototypes sont proposés, certains plus urbains, plus ruraux, plus luxueux ou plus modeste. Les prix de construction et de location varient aussi. Cet engouement pour la construction de logements bon marché est aussi facilité par la loi de 1889 sur les comités de patronage. Quelques projets de maisons ouvrières voient le jour à Uccle. Du côté ouest de la rue Vanderkindere, vers Forest, on construit
les «carrés». Certains d’entre eux sont destinés à acceuillir les habitants des Marolles, alors chassés par le Palais de Justice.
Le « carré » est un ensemble d’habitations modestes, tournées vers un intérieur d’îlot comprenant jardins et ruelles.
11
L’habitat ouvrier en Belgique et à Uccle
(extraits de « L’avènement de la cité-jardin en Belgique, l’histoire de l’habitat social en région de BruxellesCapitale » de M. Smets)
L’ensemble est pensé comme communautaire, grande tendance de l’époque. Le « carré » a su conserver son caractère et est toujours habité aujourd’hui, vieillissant.
Un petit documentaire y fut tourné, racontant son évolution sociale, le vieillissement des maisons et de la population, l’urbanisation des alentours, l’arrivée des jeunes, ces « hippies » !
La Société coopérative uccloise de construction d’Habitations à Bon Marché construira aussi la citéjardin du Homborch. Au Sud d’Uccle, ce sont 120 maisons qui sortent de terre.
HISTORIQUE
12
Notre ensemble appartiendrait à la première catégorie de prototype : les maisons présentent un couloir avec un escalier sur le côté, une cuisine-cave avec un accès à la cour, deux pièces à vivre au bel-étage, des chambres à l’étage et des combles. Les maisons sont les plus luxueuses. Elles présentent un bel-étage, agréable en milieu urbain, avec deux pièces en enfilade à vivre.
Certaines maisons présentées dans ces « catalogues » ne présentent qu’une seule pièce à vivre au niveau de la rue, la seconde étant une chambre. Nous nous intéressons à la seconde maison, au numéro 482. (extrait de « urbanisation sans urbanisme, une histoire de ville diffuse » de Bénédicte Grosjean)
13
HISTORIQUE
14
À Bruxelles, l’habitat ouvrier ne sera pas ghettoisé. Bien que les logements sont construits de manière groupée, donc économique, on en trouve des exemples dans diverses parties de la ville. À Schaerbeek, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Anderlecht, Uccle, les ensembles de maisons en rangées se construisent au début du siècle passé. Les maisons sont souvent construites par les ouvriers mêmes qui
vont y vivre. Ils en sont, pour ceux qui en ont les moyens, propriétaires. Cette possibilité est donnée par les diverses Sociétés de Construction d’Habitat à Bon Marché.
«l’ouvrier appelé désormais à participer au bénéfice de la propriété, serait directement intéressé par là même à la défense de l’ordre sur lequel elle repose.»
Aussi, les femmes travaillent généralement à la maison et il est préférable pour les ouvriers d’avoir un peu plus de chemin le matin et être mieux logés. Ceci participe au caractère diffus de l’implantation de ce type d’habitat dans la ville. La mise en commun des commodités est tout de même d’usage. (extrait de « L’avènement de la cité-jardin en Belgique, l’histoire de l’habitat social en région de BruxellesCapitale » de M. Smets)
15
Le logement ouvrier est aussi une grande utopie patronale. Du Familistère de Godin à la cité du Grand-Hornu, en passant par quelques expériences d’habitat plurifamilial groupé, les ensembles de logements permettent un plus grand contrôle des ouvriers. Un ouvrier ainsi mieux lotis travaille mieux, est groupé avec ses collèges, ne se révolte pas. De l’usine à la machine à habiter, en voici une idée moderne !
Dans une usine de fabrication de bas 1922
MATÉRIEL
16
Les maisons À l’analyse morphologique, on distingue cinq types de façade différents. Les onze maisons présentent toutes strictement les même matériaux, ainsi qu’une base commune qui leur confère une unité frappante. Les singularités s’expriment dans le choix des linteaux, la position des briques blanches, l’utilisation de la maçonnerie comme ornement, les tracés de badigeons, ou, pour le type C, dans l’existence même d’un pignon de façade. Les cinq types de maisons identifiés ont un plan semblable, à l’exception du type E dont l’escalier est repoussé en façade, de façon à donner plus d’espace au séjour. Cette manipulation casse fort le rythme des fenêtres. On y trouve : Pierre bleue, Brique d’argile locale, Brique blanche, Menuiseries bois de teinte brune, Menuiseries bois de teinte blanche, Menuiseries PVC de teinte brune, Menuiseries PVC de teinte blanche, Corniches bois de teinte blanche, Tuiles d’argile, Badigeons de teinte ocre-blanche, Grilles de fer de teinte noire, Carrelages peints, Grattoirs de fer de teinte noire, et Ancres de fer forgé de teinte noire
TYPE E INVERSE
TYPE E
TYPE D
TYPE E
TYPE D
TYPE C INVERSE
TYPE C
TYPE B
TYPE B
TYPE A
TYPE A
TYPE E
TYPE D
TYPE C
TYPE B
TYPE A
Les façades sont particulièrement intéressantes. De même gabarits, elles sont tout à fait singulières dans leur unité globale. escalier en façade, les deux travées y diffèrent d’un demi-niveau. Arcs en briques blanches, briques blanches ornementales, briques ornementales posées en diagonale. Carrelages à motifs orthogonaux. lignes de badigeons à intervalles réguliers, quatre arcs de briques blanches ornent la grande travée en saillie. Tours de fenêtres alternants briques rouges et blanches. Carrelages à motifs circulaires. briques blanches et rouges alternées posées en diagonale et en saillie. pignon en façade. Tours de fenêtres de briques blanches. Ancres. étage symétrique. lignes de badigeons à intervalles irréguliers, arcs alternants briques rouges et pierres blanches. Linteaux métalliques ornés de trois fleurs. Appuis de fenêtres soulignés par des briques blanches. Carrelages à motifs fantaisie. lignes de badigeons doublées à intervalles irréguliers. arcs alternants briques rouges et blanches. Tours de portes en pierre bleue. Carrelages à motifs orthogonaux.
17
MATÉRIEL
18
Les codes actuels L’unité certaine de ces maisons se trouve confrontée au phénomène d’appropriation des propriétaires. Chaque maison, bien que construite de la même manière que les autres, évolue différemment. Chacun change ses châssis, les adaptant aux exigences et aux technologies actuelles, ainsi qu’au budget. Aussi, chaque intérieur s’adapte aux nouveaux modes de vie. On transforme, on rénove, on isole les toitures pour y aménager des chambres et salles de bains supplémentaires, on crée une toilette, une terrasse... Il en ressort une lecture peu claire, ainsi qu’une identification peu certaine de l’ensemble. Le phénomène est néanmoins intéressant, dans une Belgique où l’on entend souvent :
La maison Penchons-nous à présent sur le cas de la seconde maison, numéro 482. Elle est du type A. Aucun plan n’existe, ni à la commune d’Uccle, ni chez Monsieur P., et pour cause, elle fut construite sur base de la maison voisine. Les plans ci-contre sont tracés sur base de ceux-ci, ayant été faits en 1992. Ils en dressent l’état actuel. Cette maison-ci a subi de nombreuses modifications à travers le temps. Certaines sont très visibles. Un entretien avec Monsieur P. a permis d’en savoir plus sur les états successifs qu’a connu l’édifice. Passons-les en revue. avant
1914 1934 1946 1950 1982 1998
« Je suis chez moi, je fais ce qu’il me plaît ! » Les opérations de transformations, de rénovations énergétiques ou non, reconversions, agrandissement, subdivision sont en effet en plein essor dans un pays où l’on compte pas moins de 75% de propriétaires ! Elles représentent près d’un tiers de la production de logements à Bruxelles !
2000 2004 2009
construction rénovation d’un versant de toiture. peinture de tous les châssis en blanc. introduction d’un permis modificatif pour la construction d’un toilette à l’arrière. Monsieur P. devient propriétaire. Aménagement de la salle de bains du sous-sol. Installation du chauffage électrique. installation de la cuisine au belétage, construction de la terrasse et de l’escalier extérieur. Aménagement d’un accès depuis la cuisine. rénovation du second versant de toiture. Destruction des cheminées.
Installation du chauffage central
mise en l’état actuel : sols, faux plafonds, cloisons, nouvelles salles de bains, isolations, châssis.
19 7 10 7
9 11
9
7
10
7
1
2
5
3
8
7
4
9
3
6
vestibule salon cuisine terrasse toilette cour chambre cave salle de bain dĂŠgagement chaufferie
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
MATÉRIEL
20
Etat des lieux Dernièrement rénové en 2009, l’intérieur est tout à fait adapté à la vie moderne et à ses occupants, une bande de cinq jeunes hommes et femmes sans aucun lien de parenté. La collocation est un mode de vie qui se développe très fort au début de notre siècle. Il ne reste que très
« Elle était de couleur acajou, comme toutes les rampes de l’époque ! » N’ayant pas l’autorisation de réaliser des fenêtres stratigraphiques, on s’intéresse aux éclats de peintures. Trois strates de peintures sont retrouvées sous la teinte grise-bleutée des escaliers. Un motif peut-être floral, sûrement végétal peint à même le bois semble être le plus ancien. S’en suit une couche de teinte rougeacajou, puis une teinte blanche-crème.
peu de cette manière d’habiter centenaire, ni dans nos mœurs, ni dans notre maison. À l’extérieur, la façade centenaire n’a jamais fait l’objet d’une opération de conservation. La brique est souillée par la pollution, les badigeons effrités laissent voir le rouge des briques qu’ils recouvrent. Les joints sont sales. Certaines
briques sont cassées, sûrement à cause de la fixation d’un lampadaire. La tablette en pierre bleue de la fenêtre du bel-étage est très érodée. Si la corniche est en bon état, Les carrelages décoratifs n’ont plus aucun éclat. Une fissure s’est crée à cause d’un problème de fondation : toute la maison penche. Le problème a déjà été stabilisé.
21
Monsieur P. confirme l’existence d’un badigeon recouvrant toute la façade, d’une couleur similaire à celle de la brique. En effet il y a cent ans encore, on préconisait l’usage de matériaux et de pigments naturels. Si les briques sont extraites du sol, la couleur éclatante de la finition en provient aussi. À ceci s’ajoute des ornements modestes, blancs, probablement un lait de chaux sans pigment. Jamais restauré, le badigeon s’est effrité et ne recouvre plus les briques. Il est encore présent en mauvais état, dans tous ces creux que forment les joints. La perception en est altérée. Fortement abîmée, la couche protectrice ne rempli plus son rôle. Sachant qu’un badigeon tient une vingtaine d’années avant de demander entretien, il devient urgent d’intervenir pour le reformer. Appliqué à toute la rangée, l’effet d’unité devait en être saisissant !
MATÉRIEL
22
Regarder par la fenêtre
x
x
x x
x
23
Pour retrouver les châssis d’origine, penchons-nous sur ceux qui équipent les autres maisons. Ceux marqués d’un x seraient les bons. L’intuition est confirmée par Monsieur P. Faits de bois, ils présentent trois vassaux, dont un dormant et deux ouvrants. L’imposte suit l’arc de la baie quand il existe. La couleur blanche date du second après-guerre. Des volets roulants en bois les équipent au rez-dechaussée. On retrouve le caisson sur la coupe. Notons que huit des châssis centenaires et faits de bois subsistent. Ils témoignent de la qualité du travail fourni par les menuisiers de l’époque. Chez nous, ils ont été remplacés par des modèles récents en PVC. On en perçoit clairement l’intérêt énergétique. La finition imitation bois à l’extérieur rappelle la teinte d’origine, mais le dessin y fait défaut. Les modèles actuels ne suivent pas la courbure de l’arc, et ne présentent que deux vassaux au lieu de trois.
MATÉRIEL
24
Ce mode de construction de logements en rangée se développe pour des raisons économiques. En construisant en même temps, avec les mêmes entreprises et les mêmes matériaux, les frais en sont divisés. Cette alternative semble à l’époque la bonne, et forme les prémisses de la production moderne de logements collectifs. C’est pourquoi il est supposé ici que les éléments d’architecture comme les fenêtres; les portes; les matériaux de façade; les sonnettes, sont à l’origine communs à toutes les maisons de la rangée. Procédons de même pour retrouver la porte originelle. Plusieurs maisons présentent une porte en bois massif d’un même dessin. S’accordant avec les couleurs des châssis de fenêtres d’origine, la porte brune ci-contre paraît être la bonne.
Dring La sonette est aussi rentrouvée sur 3 maisons.
Habitudes anciennes Fin 2006, lors d’une exposition, «La cuisine, modes de vies», Les Archives d’Architecture Moderne et la Fondation pour l’Architecture, sous la direction de Maurice Culot, présentent la cuisine-cave, comme on la vivait avant la première guerre mondiale.
Techniques modernes « une pièce à tout faire, souvent la seule chauffée et embuée en hiver. On y prépare les repas, mange, lit le journal, fume, tricote, joue aux cartes, les enfants y font leurs devoirs, les grands-mères mettent les confitures en pots... »
De faux-plafonds ont été ajoutés. Ils intègrent des spots lumineux et cachent l’installation électrique contemporaine. La réparation d’une fuite au premier étage a permis de mettre à jour les trémies des anciennes cheminées, qui servent aujourd’hui à faire passer la tuyauterie des nouvelles salles de bain. Au dessus de ces faux-plafond, appliqués à l’ensemble de la maison, il est possible de retrouver les moulures ornant le rez-de-chaussée. Les dalles sont de béton, sûrement armé, signe d’une technique constructive d’avant garde.
25
26
SYNTHÉTIQUE | MATÉRIEL
Six des onze maisons ont encore leurs cheminées, système de chauffage utilisé jusqu’à l’installation du chauffage électrique. Les nôtres ont disparu lors de la réfection de la toiture. Aussi on remarque que les maisons de type B, D et E possèdent encore une fenêtre de toit aux dimensions d’origine, éclairant la mansarde.
Mode de vie En combinant les informations de l’analyse matérielle et dimensionnelle, du courant de pensée dans lequel la maison fut construite, de sa situation historique ainsi que de sa similarité avec les bâtisses voisines, avec les importants témoignages de Monsieur P., il est possible de relater l’état originel de la maison. Cet état vaut aussi pour les dix autres maisons de la rangée.
Bâtie sur un terrain argileux, la maison est maçonnée avec des briques cuites sur place. Ceci explique la différence de niveau entre la rue et la cour. Les briques étant inégales, la façade est badigeonnée à la chaux. Le badigeon est pigmenté par l’argile des briques, du sol même. À ce rouge s’ajoute des parties teintées de blanc, ornement le plus modeste possible. Les badigeons blancs décorent notamment les arcs formant les linteaux. Les châssis à trois vassaux et imposte sont faits de bois et revêtus d’une peinture brune. La porte d’entrée massive en reprend la teinte. On entre par un vestibule. Le sol y est carrelé d’un motif hexagonal reprenant la bichromie de la façade. Les plafonds sont ornés d’une moulure. L’escalier en bois sûrement vernis est placé à l’arrière, dans la même travée.
La cuisine-cave est, comme toutes le cuisines-caves de l’époque, éclairée par la surélévation du rez-dechaussée. Le sous-sol est formé par deux pièces : la cuisine munie de fourneaux et d’un bac en faïence pour se laver, la buanderie est placée à l’arrière et profite d’un accès à la cour, qui apporte de la lumière. Il existe une cave à charbon ainsi qu’un garde-manger. Le sous-sol dispose d’un point d’eau courante. Une fosse d’aisance prend place dans un jardin, au plus loin possible des bâtisses, et est partagée par les différentes familles. Le bel-étage est aussi formé par deux pièces. Le salon et la salle à manger sont séparés par une double porte en bois, dont l’encadrement est travaillé. Il n’existe pas de terrasse. Le châssis arrière présente une imposte plus importante que sur la rue. Les plafonds sont hauts de
27
logements ouvriers à Calonne © KIK-IRPA, Bruxelles
trois mètres cinquante et sont ornés sur leur pourtour d’une moulure. À l’étage on trouve deux chambres, dont celle qui donne sur la rue est plus grande. Au dessus on ne trouve qu’une chambre, dans la plus grande des pièces. La seconde sert de grenier. Les pièces mansardées sont éclairées par une petite fenêtre de toiture. Chaque pièce habitable est chauffée par un un foyer qu’il convient d’allumer puisque c’est le seul mode de chauffage. Ce faisant, la cuisine-cave est le théâtre privilégié des scènes de familles. (voir pages précédentes) On profite de la chaleur des fourneaux en hiver comme de la fraicheur du sous-sol en été. Les pièces de vie sont plutôt destinées à recevoir. Nous avons vu que des maisons ouvrières ne se composent souvent que
logements ouvriers à Nivelles © KIK-IRPA, Bruxelles
d’un rez-de-chaussée ne comprenant qu’une cuisine et une chambre, puis une mansarde. Parfois même la cuisine sert de chambre. Ainsi, même si elle fait partie d’un ensemble de maisons groupées, construites de façon économique, modestes dans leurs décors, cette maison semble être destinée à une classe plutôt aisée parmi celle des ouvriers. L’existence d’un bel-étage d’apparat ainsi que de trois chambres réparties sur deux étages le montre bien. La situation uccloise de ces maisons offre un cadre de vie agréable. Non loin de la ville, le faubourg est peu urbanisé. On sait sortir par l’arrière pour cultiver ses pommes de terre et ses choux. À proximité des châteaux, ces bâtisses peu chères proposent un mode de vie paisible pour une classe ouvrière privilégiée.
PHILOSOPHIE
28
Conditions L’étude permet de retracer les espaces originels de la maison, malgré l’inexistence de documents anciens et exacts. Sa condition de base dessinée, on sait imaginer la vie s’y dérouler. Comme il a déjà été dit, cette condition va de paire avec les mœurs d’une époque précise, celle du début du siècle passé où de grands changements sont apparus dans les manières de vivre et d’appréhender l’architecture. Ils sont conséquents. Finalement cet ensemble de constructions unitaires aura servi de base à des appropriations aussi diverses qu’il y a eu d’habitants, plus ou moins importantes. Certaines maisons voient même leur dalle du rez-dechaussée ouverte pour y créer une double hauteur. Aussi, les progrès dans les systèmes de énergétiques et d’hygiène ont radicalement participé à ces transformations.
10
7
7
7
3
2
4
5
29
L’article premier de la Charte de Venise stipule que :
7
7
« La notion de monument historique [...] s’étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle. »
10
En ce sens, on pourrait considérer notre ensemble d’habitations comme une œuvre modeste à l’origine, mais qui manifeste un intérêt culturel. Témoin de son époque, l’ensemble relate la réalité de l’habitat ouvrier.
7
À l’article 9 : « La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse [...]. »
1
2
3
8
5
9
4
6
vestibule salon salle à manger cuisine buanderie cour chambre cave à charbon garde-manger grenier
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
PHILOSOPHIE | PATHOS
30
On pourrait restaurer cette maison, lui rendre sa condition du début du XXème siècle. Cependant le manque d’informations dû à l’inexistence de documents authentiques risquerait de compromettre le bon déroulement de l’opération. On peut toutefois imaginer compléter l’étude menée ici avec diverses opérations d’archéologie architecturale: recherche stratigraphique poussée,
Petite étude pathologique
découvrement des parquets, démontage des faux-plafonds... Enfin, à l’article 5 : « La conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceux-ci à une fonction utile à la société ; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices.
C’est dans ces limites qu’il faut concevoir et que l’on peut autoriser les aménagements exigés par l’évolution des usages et des coutumes. » C’est dans cette optique qu’on ne intéressera pas, malgré cette petite étude pathologique interne, à la restauration complète de la maison, de façon à la laisser vivre avec son temps et ses occupants. La toilette rajoutée à l’arrière souffre de sa médiocre isolation et de sa mauvaise aération. Les murs sont fins comme des cloisons internes, l’humidité pénètre. Ceci provoque de nombreuses taches de moisissures. La colle qui fixait la plinthe extérieure est dissoute.
Traces de rouille sur la poutre métallique soutenant la toilette
La peinture de la fenêtre de toiture est abîmée.
31
Fuites récurrentes sous la douche du deuxième étage et la baignoire du sous-sol.
Eclats de peinture sur toute la hauteur de l’escalier.
La bordure de la terrasse est sujette à l’apparition de mousses. Un entretien annuel est nécessaire.
PHILOSOPHIE
32
Philosophie Nous allons nous intéresser à une opération de restauration de la façade de la maison. Monsieur P. se déclare favorable à l’idée.
Dans un souci de cohérence, c’est toute la rangée qui devrait en bénéficier. Ainsi, la restauration s’effectue
dans le même état d’esprit que la construction d’il y a un siècle : effectuer des travaux de manière groupée. Chaque
33
propriétaire bénéficie du même projet, des mêmes techniques, échafaudages, matériaux, entreprises, savoir faire... Il s’agit aussi
d’une façon d’honorer la mémoire d’une façon de construire typique de son époque et d’une famille uccloise qui l’a entrepris.
Plus que de réparer et restaurer l’état initial des maçonneries, le projet vise à retrouver l’éclat et l’unité de la rangée. On accordera ainsi une attention particulière à recréer les menuiseries sur base de celles qui sont toujours en place. Ces dernières seront restaurées et repeints dans la même teinte que les autres. On les adaptera au double vitrage. Ces opérations se feront dans un respect de l’authenticité des éléments. Les carrelages décoratifs seront restaurés en atelier.
PROJET 34
35
Fissure Une fissure s’est formée entre la fenêtre droite du premier étage et la corniche. Elle est due à un mouvement de fondations. Ce mouvement proviendrait du fait qu’on ait extrait la terre du sol pour mouler les briques. Des travaux ont été entrepris pour stabiliser la maison. Tout l’édifice penche ! La première phase de la restauration consiste à refermer la fissure. On redonne à la façade son caractère protecteur, et on évite les risques liés aux cycles gel-dégel, qui aggraveraient la situation. On peut dont considérer cette fissure comme «inerte». Ici elle est localisée sur les joints.
+ ouvrir la fissure, à l’aide d’un triangle. + brosser l’intérieur de la fissure pour la nettoyer. + appliquer la mastic élastomère dans la fissure + laisser sécher, puis, en cas de retrait, ré-appliquer le mastic. + laisser sécher
PROJET 36
Le nettoyage Ici sont indiqués les endroits les plus abîmés par le temps : là où le badigeon rouge a totalement disparu ou presque. La façade doit être nettoyée entièrement pour recevoir un nouveau badigeon. Il est important de bien préparer le support pour que la finition adhère et soit efficace longtemps. On insistera moins sur les parties indiquées.
Composition Rappelons que notre façade est constituée d’une maçonnerie de briques d’argiles cuites sur place. Elles sont donc irrégulières et d’une qualité incertaine. Elles sont à l’origine enduites d’un badigeon à la chaux reprenant la couleur de l’argile. L’ornementation joue sur la bichromie. Un second badigeon non pigmenté : un lait de chaux. Elle est complétée par un soubassement, appuis de fenêtres et tour de porte en pierre bleue.
Etat Comme en témoigne l’élévation ci-contre, elle est très abîmée par le temps. Le badigeon est effrité et ne protège plus la brique. Il est toujours présent au niveau des joints, mais se désagrège facilement. Ce qui en reste est souillé par la pollution.
Les différentes techniques + Le sablage à sec. Méthode à déconseiller pour le nettoyage de la brique car trop agressive pour un matériau si fragile. Il est possible de nettoyer les pierres bleues. + Le sablage humide ou hydrogommage Actuellement, l’hydrogommage propose une bonne alternative au sablage à sec. Plus doux, on arrive à de meilleurs résultats. On ne l’utilisera que sur la pierre bleue, car c’est une technique encore trop agressive. + Le nettoyage à l’eau sous pression Peu onéreux et plus doux, cette méthode pourrait être utilisée pour enlever les traces de l’ancien badigeon. On effectuera d’abord des essais (de pression et de température) sur une partie de la façade. Cette méthode est cependant peu écologique et salissante. + Le soda-blasting Projection de bicarbonate de soude, matériau naturel. Cette technique est récente, plus écologique et plus douce que les autres. Elle peut tout à fait convenir au nettoyage de la maçonnerie. On veillera à couvrir l’échafaudage. + Le brossage Effectuée à la main, cette technique est plus sensible et est sûrement la plus douce. Elle permettrait de donner un nettoyage adapté aux différentes zones de dégradations et de préserver la patine naturelle des briques. Dans tous les cas, avant de choisir une technique, on effectuera des essais.
37
PROJET 38
39
Pierres à remplacer Certaines briques sont à remplacer. Certaines sont fendues, d’autres cassées, surement par des fixations de luminaires publics. Il est important de les changer, pour prévenir des risques d’éclatement liés aux cycles gel-dégel. On veillera à utiliser des briques de récupération, et à ne pas utiliser de disqueuse pour défaire les joints, au risque d’abîmer le reste de la maçonnerie et d’agrandir les espaces entre les briques.
La pierre bleue qui constitue l’appui de fenêtre du bel-étage est très érodée. La seule solution est le remplacement de cette pierre. Précisons que ce n’est pas un opération vitale pour le bâtiment, mais le profil cassé de cette pierre en altère la fonction de «casse-goute» et permet aux eaux de pluie de ruisseler sur la façade. Ceci entraîne quelques coulures blanche peu estéthiques.
PROJET 40
Le badigeonnage Le badigeonnage est une technique ancienne de protection des maçonneries. Elle est appliquée sur de nombreux bâtiments en briques, en pierre, en terre, en Belgique comme à travers le monde. À base d’éléments naturels comme de la chaux et des pigments à ses origines, sa composition change au cours du siècle passé. On incorpore du ciment et autres adjuvants artificiels, pour en multiplier l’adhérence et la cohésion. Le mélange y perd en perméabilité et les murs souffrent de ne pas respirer convenablement.
Composition Les maisons de l’ensemble en sont enduites dés leur construction. Le badigeon se compose de chaux, d’eau ainsi que de pigments naturels tirés du broyage des briques d’argile. On y rajoute du sel d’alun, qui agit comme fixateur de teinte. Pour les badigeons blancs (indiqués en rouge...), on ajoutera ni pigment ni sel. Pour un volume de chaux calcique en poudre : + quatre à huit volumes d’eau propre + 25 à 30% de pigment + une poignée de sel d’alun
Application Le badigeons doit être appliqué sur une surface propre et sèche pour en maximiser l’adhérence. Les éventuels trous doivent être rebouchés. On nettoiera donc la façade, selon la méthode choisie, préalablement. On laissera sécher quelques jours. Il est préférable d’effectuer ces opération en saisons douces, au printemps par exemple. En été, le séchage sera trop rapide et pourra provoquer des micro-fissures. En automne, la pluie et l’humidité ambiante empêchera le mélange de sécher. En hiver, le gel est à éviter. Pour qu’ils ne se mélangent pas, on appliquera d’abord le badigeon pigmenté en prenant soin de protéger les parties destinées à recevoir le blanc, ainsi que les surfaces carrelées. La restauration de ces dernières sera confiée à des spécialistes. Après séchage, on pourra appliquer le second badigeon. L’application ne nécessite pas de qualification particulière. Il est important d’obtenir et de conserver pendant la durée du chantier un mélange homogène. Le badigeon s’éclaircit en séchant. Le badigeon est très peu onéreux. On compte entre 1 et 2,50€ au mètre carré.
41
BIBLIOGRAPH
42
Bibliographie + L’avènement de la cité-jardin en Belgique: histoire de l’habitat social en Belgique de 1830 à 1930 - Marcel Smets, Editions Mardaga, 1977 + Urbanisation sans urbanisme: une histoire de la ville diffuse - Bénédicte Grosjean Editions Mardaga, 2010 + Les logements sociaux à la fin du 19ème siècle et la cité Hoyaux à Mons - Christiane Pierard, Université de l’Etat à Mons, 1977 + L’ornement en série: architecture, terre cuite et carton-pierre - Valérie Nègre Editions Mardaga, 2006 + Fiche technique : façades en brique apparentes - Agence nationale de l’habitat (France) + La façade est la peau de la maison - A.C. Bioul et V. Sauvage, Espace environnement, 2007 + La Cuisine: mode de vie - Emmanuel Collet, Archives d’architecture moderne, 2006 + Histoire de la Population de la Belgique Et de Ses Territoires: Actes de la Chaire Quetelet 2005, Presses univ. de Louvain, 2010 + preserver et mettre en valeur son patrimoine: les enduits et badigeons, presentation, rôle et importance - Maison du Patrimoine et de l’Habitat, Avignon + cahier de recommandations, réhabiliter les maisons ordinaires de l’époque industrielle - drac nord-pas-de-calais, 2012
Webographie + http://www.actionlogement125.be/index.php/les-evenements + La production de logements en Belgique et à Bruxelles – Acteurs, dynamiques, géographie - Christian Dessouroux and Alice Romainville, http://echogeo.revues. org/12279?lang=en + Atlas cadastral de Belgique [Document cartographique] / par P. C. Popp - Bibliothèque Royale de Belgique + IRPA http://balat.kikirpa.be + Une majorité de Belges propriétaires - http://www.lalibre.be/economie/actualite + La maison bruxelloise ou la flexibilité à petite échelle - http://www.crms.irisnet.be + Centre Urbain, rénover, construire et conserver, http://www.curbain.be + Peintures naturelles : panorama des types de laits de chaux, http://maison.com + Traitement des fissures de façade - http://comprendrechoisir.com + Rafraîchissement de vos façades - http://levif.be + http://www.mybrugis.irisnet.be + http://delcampe.net + c’était au temps où bruxelles brussellait comme disait Jacques Brel - http://sofeivandenaemet.skynetblogs.be + et d’autres Merci à Monsieur P. pour sa collaboration.
Thomas Martinec, 22 Janvier 2015