el cabanyal de valència approche sensible et perspectives d’un quartier rebelle à l’agonie thomas martinec
«A riot is the language of the unheard»
Martin Luther King
«La révolution sera urbaine ou ne sera pas» Henri Lefebvre
remerciements : Lucille Buccino, Juan-Lú, Nicolas Uebersax, Chiara Viano, Marion Couges, Carmen, Laura, David, Karen, Alejandro, Adrián, Carmen, Ramón, Pako, Paco, Mathilde Lefèvre, Charlotte Vaxelaire, Frédérique Pressman, Marta Guillén Llor, Edgar Lorca, Stefano Teker, Pierre-Édouard Vilquin, Marine Urbain, Baptiste Boyer, Tristan Reydel, Xaví, Julie Rabaud, Santi Cirugeda, Suzy Vincens, Alexis Gavoty, Valentin Demangel, Aymeric Bemer, Raphaël Lemaitre, Coralie V, Gery Leloutre, Patrice Neirinck. Tato Herrero, Maribel Domenech, Vicent Gallart, Louis Muller. remerciements spéciaux : Michèle, Marcel et Catherine Barthélémy, Jean-Jacques et Thibault Martinec. remerciements très spéciaux : à Nadia Casabella et à Elodie Wallers.
APPROCHE SENSIBLE
València, Espagne.
EL CABANYAL VLC
visite 6
Nous commençons par la visite d’un quartier singulier, en bord de mer.
1approche 33 sensible
table des matières
intro- 18/05/2015 duction Mémoire pour l’obtention du diplôme d’architecte. lacambrehorta Faculté d’Architecture de l’ULB
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carperstopecgraphie tives de 125 prospeccontro- tives 145 verse
David :
morphologie et histoire
Karen :
manières de vivre
Alejandro, Adrián et Juan-Lú : patrimoine VS. tourisme Carmen : l’état actuel Laura :
économie et prolongation
Ramón, Chiara et Pako :
populations et divisions
Paco :
initiatives populaires et frein municipal
Pardon ? Acteurs Mots
et thématiques
Chronologie de la controverse
Cartographies
Mouvements sociaux urbains
Contexte et
prise de position
Note introductive aux fins alternatives
Con-
THOMAS MARTINEC
PROMOTRICE
Ré-
ciliation
conclusion bibliographies annexes
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silience
209 120-142-206
NADIA CASABELLA
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En arrivant à València, il nous a été vivement déconseillé de chercher un appartement vers la mer, premier instinct lorsqu’on vient vivre dans une ville du littoral. Le quartier qui la borde « semblait dangereux », « respirait l’insécurité », était peuplé de « mauvaises personnes ». Visite.
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Pourtant, de jour, le marché du cabanyal et ses alentours paraissent baignés d’une vie et d’une énergie incroyable. Les rez-de-chaussées des maisons basses et colorées s’ouvrent sur la rue étroite, on sort les chaises, les tables. Le regard pénètre jusqu’au fond des habitations fraîches.
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Les volumes sont très aléatoires, variant entre un seul, et cinq ou six étages. Le léger vent de la mer apaise la chaleur espagnole, on entend rire, parler fort, les enfants jouer. Simplement, modestement.
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Le quartier est celui des pêcheurs valenciens. Il est fait de parallèles à la mer et de passages perpendiculaires. On identifie vite une trame rectangulaire, dont les côtés les plus petits accueillent des ruelles piétonnes où les cafés installent leur terrasse.
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Puis certaines façades, alignées, fondues dans cet amas de céramiques colorées montrent des fenêtres brisées, balcons détruits. Les peintures patinées s’écaillent.
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Des parpaings et des briques ferment les ouvertures sur la rue. Des toits s’effondrent. Les volets abîmés laissent voir des intérieurs délabrés. Certaines maisons sont condamnées, d’autres déjà détruites.
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Sur les mitoyens, il reste les traces d’escaliers; les rampes sont restées, des papierspeints, des peintures murales, des carrelages de salles de bains et même quelques tuyaux, prises électriques, restes de lavabos. Au sol, on distingue encore l’entrée du salon, par des dallages de pierres, des carrelages de ciment, enfin, ceux qui ont survécu à un massacre que l’on peut très nettement imaginer.
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Là, des rayures de teintes presque militaires sont peintes. Selon les personnes présentes, c’est la marque du pouvoir public. Elle laisse un goût amer.
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Elles tranchent fort avec les couleurs joyeuses ornant les constructions encore vivantes, survivantes.
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À côté, et même dans ces dents creuses, les enfants continuent de jouer, les parents les surveillent assis sur un trottoir à l’ombre d’une maison. Cette partie du quartier est sale, des personnes, des familles entières squattent des habitations fermées.
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C’est ici, dans cette « zona cero » (zone zéro) que la pression des pouvoirs publics se fait sentir. C’est cette partie qui est menacée de destruction.
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On se sent sur un territoire occupé, alors on retourne vers la plage. On continue de découvrir une multitude de façades éclatantes, puis quelques immeubles modernes en briques.
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Apparait un quartier presque entièrement détruit... Ainsi que plusieurs grands hangars, fabriques, sûrement d’anciens chantiers navals.
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On passe devant « la lonja de pescado » où, les matins d’il y a quelques années, les pêcheurs avaient encore déchargé leurs prises de la nuit, et où l’on s’était précipité acheter le poisson le plus frais possible. Là s’étale une plage immense, puis la mer.
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En première ligne, une petite foule d’hôtels, de restaurants et de bars flambants neufs, un hôtel-spa cinq étoiles, puis la marina abandonnée, construite pour la coupe de voile de l’america il y a déjà quelques années. En fond de perspective on perçoit une cinquantaine de grues, témoins d’une activité portuaire bien développée.
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De l’autre côté, les maisons du cabanyal sagement alignées profitent d’une palmeraie et d’une promenade tranquille.
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ur les murs on pouvait, et on peut encore, lire la vie qui avait été menée dans le quartier. On imaginait ces grandes portes de bois massif grandes ouvertes sur les intérieurs colorés de motifs, deux hommes rentrant de la pêche échangeant leurs expériences, assis devant la maison. Aujourd’hui, cette maison est condamnée. Condamnée à mort. Sans même avoir connu cette époque, la nostalgie envahit l’esprit, tant les traces du passé sont présentes. Il se dresse tout seul contre cette force spéculative. Le quartier a ainsi retenu une grande partie de mon attention. J’y ai vu une sorte de potentiel exceptionnel, plein de fond, lourd d’histoire. Le quartier est menacé par un projet urbanistique de taille. La prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez, axe moderne de la ville, jusqu’à la mer est impulsée par le gouvernement de droite en place depuis 24 ans. Elle suppose la destruction de 1651 logements, soit 575 bâtiments. L’avenue relie le plus grand jardin public de Valence, el jardin de los Viveros; ou jardin Real, au Cabanyal. L’axe mesure une centaine de mètres de largeur, dont six voies automobiles, deux bandes de stationnements, de larges trottoirs, pistes cyclables, ainsi qu’un espace paysager central. On pourrait le comparer à une autoroute, urbaine, qui structure la partie ouest de la ville. Le 30 octobre 2014, je m’envolais à nouveau pour Valence, Espagne, pour une semaine au Cabanyal. Je vivais dans un typique appartement. J’y visitais le festival «cabanyal portes obertes, l’art de resistir» racontant la lutte, participais à une visite guidée du quartier. Je collectais de nombreux témoignages de voisins, d’activistes, d’architectes, d’étudiants, et de touristes, alimentant mon point de vue extérieur et je me confrontais surtout à la masse existante de projets sur le territoire.
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INTRODUCTION
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u cours de mes recherches, et encore plus en étant sur place, j’ai vite compris qu’en 17 années de résistance, de nombreux travaux avaient déjà été produits. Des travaux scientifiques comme des travaux artistiques ou sociaux. Des projets urbanistiques et architecturaux. Par tous les moyens, sous toutes les formes, les voisins, et même les étrangers qui ont été sensibles au problème, ont essayé d’exprimer ce phénomène. J’ai alors cherché quelle serait la meilleure manière d’aborder le sujet, étant donné qu’il comporte de multiples facettes, trop nombreuses pour les traiter toutes. Il est autant urbanistique, que social, anthropologique, psychologique, économique, politique, patrimonial, artistique, qu’architectural. J’y ai décelé une cascade de contradictions, de paradoxes et d’oppositions qui faisaient vivre le conflit, et c’est le plus naturellement du monde, en discutant amicalement avec les personnes présentes sur place, les voisins actifs dans la controverse, les étrangers de passage, les Valenciens extérieurs au quartier, que sont apparus divers sujets à explorer. Il y a eu tellement de sujets que j’ai du en sélectionner quelques uns. C’est de là que partent les recherches qui sont développées au long du travail : mon carnet de bord est retranscrit, puis les déclarations sont approfondies pour proposer une histoire sensible du quartier du Cabanyal. L’analyse menée par les architectes municipaux s’intéresse de façon carthésienne à l’état des bâtiments du quartier : des centaines de fiches reprennent les caractéristiques des façades. J’ai souhaité m’opposer à cette approche des plus froides.
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L’approche sensible proposée ici n’a pu se faire sans une maitrise linguistique. J’ai voulu trouver une méthode plus scientifique qui permettrait, à l’aide de la technologie de saisir la polémique, sans nécessairement connaître l’espagnol. La cartographie de controverse est apparue comme une méthode adéquate : elle est utilisée en sciences politiques pour analyser les conflits. J’en ai fait mon interprétation en l’appliquant d’abord à un problème bruxellois (la réhabilitation du garage Citroën à Yser, qui génère des conflits à cause d’une possible gentrification de l’endroit), puis à la problématique du quartier maritime Valencien. La cartographie de controverse est une méthode graphique. Elle forme, de par sa longueur réduite, une charnière entre une vision très « contextualisée » du problème, et les réflexions qui l’accompagnent et qui proposent des perspectives de futurs possibles. La dernière partie s’intéresse donc aux revendications des voisins actifs dans la résistance. On peut y voir la confrontation entre les pouvoirs publics, le pouvoir du capitalisme, du néo-libéralisme, et le mode de vie honnête et traditionnel que l’on essaye de préserver, que l’on défend. Ainsi, les réflexions empruntent certains mots à des penseurs comme Henri Lefebvre (Le droit à la ville, 1968; La révolution urbaine, 1970), David Harvey (La capitalisme contre le droit à la ville, 2011; Villes rebelles, 2012), Manuel Castells (Luttes Urbaines, 1972), entre autres. Les revendications des habitants s’apparentent finalement fort à ce que Lefebvre définit comme « le droit à la ville », notion reprise de très nombreuses fois par les penseurs de l’urbain. La lutte urbaine s’oriente vers la révolte, de telle façon que j’aime à qualifier le quartier de «rebelle», où apparaissent les notions d’opportunisme, de parasite, d’occupations informelles. Des « pratiques sociales contradictoires qui remettent en cause l’ordre établi » (Castells, 1972) forment ainsi cette lutte.
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INTRODUCTION
Avec fascination pour ces mouvements sociaux urbains, cette persévérance dont font preuve les activistes et voisins, le mémoire s’intéresse à la période de répression urbaine en elle-même. On cherche à exploiter les failles de la répression de façon à se la réapproprier, et, dans un sens, la pirater, la parasiter. On cherche à exploiter la lutte telle qu’elle existe au Cabanyal, de façon à la rendre vivable. C’est vers ces principes que sont orientés les perspectives de futurs qui sont proposés en toute fin de travail. Ces perspectives sont présentées comme des suites de références et d’idées, montrant l’abondance de possibilités pour le devenir du quartier. Plus encore, les moyens humains d’y arriver occupent une place importante. J’ai jugé incontournable et nourrissant de considérer l’actualité politique. Le 24 mai 2015 ont lieu les élections municipales à Valence, qui donnera éventuellement lieu à un changement de gouvernance. Deux possibilités sont alors énoncées : un déblocage en faveur de la réhabilitation du quartier, sans destruction; ou bien un certain immobilisme politique qui laisserait la situation comme elle demeure depuis près de deux décennies. Les issues possibles du vote constituent deux fins alternatives. Les deux scénarios, «conciliation» et «résilience» sont aussi traitées en deux temps : à court terme puis à long terme.
Apprenant d’une lutte urbaine et de revendications citoyennes comme elles existent, entre autres, au Cabanyal, quel renouveau dans les manières de faire la ville peut-il en ressortir ? Comment est-il possible de l’impulser ? Pour y arriver, comment approcher un conflit complexe en vue d’y projeter des solutions efficaces ?
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Sur le mur condamnant la maison jouxtant le Teatro de las Estrellas, il est peint ÂŤCabanyal vivant ? mieux que mort, non ?Âť
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a atterri depuis deux semaines et se plaît déjà au cabanyal ! en plus de la proximité recherchée de la plage, la morphologie et l’histoire du quartier l’intéresse autant que celles du centre ville. avid
David est hongrois, et comme de nombreux européens, il choisi de venir s’installer quelques mois à Valence. La ville est densément peuplée par des étrangers, peu accoutumés à l’histoire et aux mœurs de la région. On note cependant un certain entrain à apprendre à connaître ce lieu : tant au centre qu’au Cabanyal ou à Bénimaclet, la grande richesse patrimoniale matérielle et immatérielle intrigue. Cet entrain est aussi fort accentué par un contraste généralisé, entre les parties anciennes et nouvelles, entre les pierres érodées des ponts et les espaces récréatifs récents du lit du Túria. L’occasion pour nous de remonter le temps, de retracer l’histoire de la ville de Valence. Nous verrons qu’elle est fortement liée à l’histoire du quartier du Cabanyal. Nous verrons aussi pour quelles raisons la cité a continué d’exister au cours des siècles et des millénaires, pour devenir la ville qu’elle est aujourd’hui. La ville de Valentia Edetanorum est formée en l’an 138 avant JC. En 2153 ans d’existence, elle connait diverses occupations, divers peuples et diverses religions.
morphologie et histoire valence et le cabanyal de -138 a 2015
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histoire antique
À
l’époque de la formation de la ville, l’immense république Romaine, plus tard l’Empire Romain, conquiert la péninsule ibérique. Le consul Decimus Junius Brutus Callaicus fonde la ville qui sera partiellement détruite lors de guerres. Au premier siècle, Valentia grandit. On construit les arènes, le forum, ainsi qu’un port fluvial qui accueille la nouvelle population. page précedente : vista de Valencia, Anthonie van den Wijngaerde, 1563 à gauche : Jacques 1er d’Aragon, huile sur toile
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À la chute de l’Empire Romain, les Chrétiens et les Wisigoths reprennent la cité. Les temples romains sont convertis en églises et la ville s’agrandit encore. Au cours du septième siècle, la ville aurait été abandonnée. Les musulmans qui prennent la ville au début du huitième siècle l’appellent Balansiya. D’abord gouvernée par Abd al-Allah, la région de Balansiya connait une arabisation massive, tant dans l’aspect religieux que dans les coutumes, la langue, l’architecture ou l’agriculture. Les musulmans étendent et perfectionnent les systèmes d’irrigation esquissés par les Romains et font de Balansiya un haut lieu de production agricole et de commerce. València n’est reprise aux arabes qu’au treizième siècle, par Jacques 1er d’Aragon, pendant la Reconquista aragonaise. Elle appartient donc au Royaume d’Aragon.
Les conquérants entrent à Valence en septembre 1238. Est écrit le jour même le «LLibre del Repartiment», où les terres, villes et villages sont pris aux arabes et donnés à ceux ayant participé à l’offensive. Les mosquées sont transformées en églises. Peu à peu, les quelques juifs et musulmans sont obligés de se convertir au christianisme. Parmi les donations de terres se trouve des terrains non agricoles car très sablonneux, en bordure de mer. Ils sont donnés à quelques centaines de marins ayant aussi participé à la Reconquista «...200 jobadas de tierra en El Cabañal o sea desde El Grao al término de Alboraya siguiendo a lo largo de la costa...». Le quartier d’El Grao est situé près de la mer, à quelques kilomètres de Valence. Il est baptisé Vilanova Maris Valentiae en l’an 1247, lorsque Jacques 1er d’Aragon y fit construire une muraille pour la protéger des pirates.
La nouvelle ville est liée au premier embarcadère maritime, précaire, où l’on chargeait soie, vins, oranges... à destination d’autres ports de Méditerranée. À côté du Grao se forme le Cabanyal, petit regroupement de baraques de pêcheurs où sont rangés le matériel de pêche et les barques. Le quinzième siècle est considéré comme le siècle d’or de València. La population double et la ville devient, en partie grâce à la croissance du port, un des grands marchés de Méditerranée. Au centre ville on construit la Loge de la Soie et des Marchands. Sur la peinture de Anthonie van den Wijngaerde (page précedente), on peut voir Valence telle qu’elle est au cours du seizième siècle, sa muraille, ses tours de gardes et les premiers ponts. Au fond, on aperçoit le Grao et son activité portuaire. À côté il est possible de voir quelques cabanes dispersées sur la plage. C’est le quartier du Cabanyal qui se développe.
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architecture vernaculaire et traditions constructives Les origines exactes du Cabanyal ne sont que peu connues. Il est décrit une zone où la vie est misérable, où aucune aide municipale n’est accordée. Selon Gaspar Escolano1, il existe en 1611 une quarantaine de baraques de pêcheurs vivants avec très peu de choses. Les premiers plans qui apparaissent au début du dix-huitième siècle ne constituent que des relevés non précis d’un groupe de cabanes édifiées irrégulièrement et sans alignement. Le cartographe valencian Antonio José Cavanilles s’intéresse à la description et à l’analyse pluridisciplinaire de son pays. Il décrit l’architecture vernaculaire rencontrée au Cabanyal à la fin du dixhuitième siècle dans Observaciones sobre la historia natural, geografía, agricultura, población y frutos del reino de Valencia (1795-1797)2. La cabane valencienne est un type de construction généralisé dans les campagnes. Dans les villages de pêcheurs, elles sont d’un type légèrement différent, plus étroites car plus urbaines. Il n’en reste aujourd’hui aucun exemple dans le quartier du Cabanyal, et un seul au village d’El Saler, au sud de la ville, dans la zone de l’Albufera. Leur profondeur varie, mais leur typologie est identique. Elles sont de largeur fixe : 28 pieds valencians, soit environ 6,4 mètres. Les cabanes sont faites de deux murs latéraux aveugles, d’environs cinq pieds de haut (un mètre cinquante) portant un toit à deux pans, et de deux autres murs dans lesquels on pratique les ouvertures. Ces derniers sont orientés à l’est et à l’ouest, parallèlement à la mer, et les ouvertures laissent passer un courant d’air. Les murs sont construits en adobes plus ou moins égales, recouvertes d’un enduit blanc. Le toit est constitué principalement d’une structure en cannes (cañas) recouverte de paille. Pour son entretien, il est laissé un espace de 6 pieds valencians, soit 1,36 mètres entre chaque baraca, appelé escalá. De 1796 à 1875, le Cabanyal souffre de quatre incendies, pour la plupart meurtriers et destructeurs. Les flammes se propagent de cabane en cabanes dû aux toits de paille. C’est au lendemain de la première catastrophe qu’on dessine un premier réel plan du Cabanyal, ci contre. On y indique chaque propriété ainsi que les baraques ayant brûlé. Le plan indique aussi les deux églises del Rosario et de Nuestra Señora de los Ángeles.
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page de droite : Plan géographique du village de la plage de Valence, 1796, bibliothèque nationale ci-dessous : gravure d’un artiste inconnu, 21 février 1976.
ci-dessous : diverses photographies d’époque, montrant les barracas traditionelles au Cabanyal. La triosième photographie représente une barraca de campagne, plus complexe que celles des pêcheurs.
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De 1837 à 1897, la zone maritime englobant le Canyamelar, le Cabanyal et le Cap-de-França devient une municipalité indépendante. El Poble Nou de la Mar (en Valencian), Pueblo Nuevo del Mar (en Castillan), le Nouveau Village de la Mer acquiert son autonomie. C’est en 1840 que se dessine le premier plan municipal du village, de la main de José Serrano, architecte. Le plan tire profit du progressif recul de la mer, dû à l’accumulation de sable extrait par les travaux d’agrandissement du port. Il trace la Calle de la Reina, première rue rectiligne, plus large, carrossable, qui attire et accueille la bourgeoisie venue passer l’été sur la plage du Cabanyal. La reine y passera aussi ses vacances. Les murailles de Valence sont détruites à partir de 1865. On peut voir ici un début d’extension de Valence extra-muros, du Grao et une progressive urbanisation autour de l’actuelle avenue du port, l’extension de celui-ci. et l’agrandissement de la plage. En 1884 est voté le plan d’extension de Valence, qui prescrit la création d’un ensanche limité par deux Gran Vias. En plus du Pueblo Nuevo del Mar en 1897, les municipalités alentours se rattachent à Valence, dont la Villanueva del Grao, la Ruzafa et Benimaclet. À partir de 1852, el Grao est relié à Valence par chemin de fer.
plan de Valence et de ses alentours, datĂŠ de 1885.
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(
Précisons que ce que nous appelons le «Cabanyal» se divise en trois parties. Elles sont séparées par des acequias, canaux d’irrigations creusés par le peuple musulman. El Canyamelar est la partie la plus au sud, vers le Grao. Cette partie du quartier tire son nom de la culture de la
Autour de la pêche, d’autres activités se développent sur la côte maritime valencienne. On y construit des bateaux à même la plage. Ce sont d’abord les propres barques des pêcheurs, pourvues d’une voile. Avec la proximité du port et de son activité fleurissante, les chantiers s’agrandissent et les bateaux produits aussi. Les installations se modernisent et la savoir-faire s’accroît. On y tisse aussi des filets de pêche, car on développe une technique de pêche au filet aidé par des bœufs. Les hommes partent en mer étendre les filets puis les ramènent vers la plage. Là une ou deux bêtes les traînent jusqu’à sortir les prises sur le sable. Elles servent aussi à tirer les embarcations. Ces scènes sont largement peintes et représentées tant sur les maisons que sur les toiles de Joaquim Sorolla. L’industrie valencienne du filet de pêche devient fameuse, et on vient de toute la côte pour se procurer les filets les plus solides qui soient. À la fin du dix-neuvième siècle est construite la Casa dels Bous, maison des taureaux, qui donne directement sur la plage. Au début du vingtième siècle, on construit, en face, la Lonja de Pescadores. C’est un bâtiment constitué de deux rangées de 20 maisons à étage, donnant sur la rue, et, à l’arrière, sur une nef qui sert aux pêcheurs, à faire sécher le matériel... On dit qu’il s’agit du plus ancien bâtiment de ce type en Europe.
caña, canne à sucre. Elle est limitée par l’embarcadère et par l’acequia d’En Gash au Nord. Le Cabanyal se limite à l’acequia d’En Gash au Sud, et par l’acequia de Pixavaques ou de Nuestra Señora de los Ángeles. Au Nord de celle-ci, la troisième zone est appelé Cap-deFrança. (Carreras y Candi 1924)
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Joaquín Sorolla Joaquín Sorolla naît le 27 février 1863 à Valence et meurt le 10 août 1923 à Cercedilla, près de Madrid. Peintre espagnol, il progresse vite vers une renommée internationale. Il apprend à Valence, Madrid, Paris, et Rome pour revenir peindre les plages du pays de Valence. La plupart de ses peintures sont réalisées sur la plage : il peint des scènes de loisir et de travail, documentant aussi ainsi très bien l’espace et l’époque. Il est nommé chevalier, puis officier de la Légion d’Honneur à Paris en 1900. Il reste un grand ami de l’écrivain Vicente Blasco Ibáñez, lui réalise même quelques dessins pour l’aider à composer ses écrits. Comme ce dernier, sa maison de Madrid est maintenant un musée qui lui est dédié. La tableau ci-dessus s’appelle « Playa de Valencia a la luz de la mañana », peint en 1908. Comme Joaquín Sorolla et Vicente Blasco Ibáñez, plusieurs peintres et auteurs ont en partie dédié leur Œuvre aux plages du pays de Valence : Eustaquio Segrelles; peintre (1937-), Eduardo Escalante, écrivain (1834-1895), José Benlliure Gil, peintre (1855-1937), Josep Renau, artiste graphique (19071982), Cecilio Plá, peintre (1860-1934), Joan Vila, (1856-1938). Certains de leur noms sont donnés à des rues du quartier. Notons un paradoxe : C’est l’avenue portant le nom de Blasco Ibáñez, en son honneur et à sa mémoire, qui menace de destruction le quartier même où à grandit l’homme. Un quartier auquel il dédie une partie de sa vie, où il habite...
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Vicente Blasco Ibáñez « Es conveniente llevar a cabo el proyecto del boulevard desde el antiguo jardín del Real a los poblados marítimos. Valencia tendrá un nuevo paseo, una verdadera calle moderna, semejante a la Avenida del Parque de Bolonia en París, o la Castellana de Madrid, y la parte más extrema del Cabañal se uniría a la ciudad por un camino más corto. »3 Vicente Blasco Ibáñez est un personnage important de l’histoire de la ville, très lié aux quartiers que nous étudions. Il naît le 29 janvier 1867 au Pueblo Nuevo del Mar, et meurt le 28 janvier 1928 sur la côte d’azur. Il passe une grande partie de sa vie à écrire des nouvelles et des romans : Flor de Mayo, Cañas y barro, Entre naranjos, Arroz y tartana, Cuentos Valencianos, La Barraca... Beaucoup de ses écrits se réfèrent à la vie des pêcheurs de la plage du Cabanyal, aux traditions valenciennes. C’est également un personnage politique engagé et révolutionnaire. Il s’oppose en général à la monarchie et prône la république. Il fonde en 1894 la revue indépendante et engagée «El Pueblo» dans laquelle il écrit près de mille articles. L’un de ses amis les plus chers est le peintre Joaquín Sorolla. On aime raconter qu’ils aimaient travailler ensemble, l’un peignant, l’autre écrivant, côte à côte sur la plage du Cabanyal. La photographie ci-dessus représente l’écrivain contemplant la mer depuis sa maison qui, longtemps abandonnée, est aujourd’hui un musée. Son nom est donné au Paseo de València al Mar, devenant en 1980 l’avenue Blasco Ibáñez*.
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mutations vers un modernisme populaire
A
près le dernier incendie qui, en 1875, détruit environs deux cent cinquante baracas, on interdit la construction de couvertures de paille et de cannes. Ceci occasionne alors la progressive disparition de la cette architecture vernaculaire.
Antoni Gaudí commence son Œuvre. Le mouvement du modernisme catalan se caractérise principalement par une grande liberté de conception, l’utilisation On commence à construire des lignes courbes, un nouveau type de de voûtes catalanes, maisons. On utilise de la et par une recherche terre cuite pour les murs d’ornementation riche comme pour les toitures. et détaillée. Tandis que Le sens des faîtages est le mouvement est très inversé. Même si le sol des apprécié et soutenu par la rues se compose toujours bourgeoisie de Barcelone, d’un mélange de terre le quartier modeste du et de sable, le Cabanyal Cabanyal est en pleine s’urbanise peu à peu, où rénovation. Les nouvelles l’on remplace baraques façades et intérieurs modestes et vernaculaires sont très investis par les en réelles maisons de ville couleurs, on s’apparente «en dur», résistantes aux à ce nouveau mouvement incendies. espagnol. On utilise cependant des matériaux Les techniques bon marchés, on conçoit évoluent et de nouvelles une architecture plus possibilités s’offrent aux modeste. Le carreau constructeurs. À Barcelone de ciment est préféré à on jette les bases d’une la céramique de verre. nouvelle architecture : le On trouve même des modernisme catalan. Lluís exemples où il est utilisé Domènech i Montaner en les chutes de ces carreaux défini les principes dans pour créer des mosaïques. un texte titré «En busca de Dans la région de Valence, una arquitectura nacional», et particulièrement publié en 1878, l’intitulé au Cabanyal c’est traduisant une certaine un mouvement de volonté d’unité nationale. modernisme populaire qui Quelques années plus trouve ses origines. tard,
Les toitures ne demandent plus autant d’entretien et l’escalá devient inutile pour les nouvelles constructions. La trame parcellaire régulière laisse place à une appropriation chaotique des espaces interstitiels. Le premier constructeur est forcé de laisser un demi escalá à son voisin, au moins. On se vend des morceaux de parcelles, on construit communément pour réduire les frais. L’escalá fait souvent place à un escalier, un mode de vie plus vertical se met en place. La largeur et la hauteur des constructions deviennent progressivement fortement irrégulières. D’un module de 6,4 mètres auquel on ajoute 1,3 mètres d’escalá, se déclinent de nouvelles largeurs : de 3,2m; 3,9m; 4,6m; 6,4m; 7,1m; 7,8m; 8,4m à 9,1m. C’est cette trame urbaine, issue de l’évolution caractéristique du lieu, qui est déclarée en 1993 «Bien de Interés Cultural». évolution de la trame urbaine du cabanyal, document original.
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K
aren,
chilienne, sur le point de déménager, explique que les deux seules zones où elle a cherché à vivre sont Benimaclet et le Cabanyal. Pour elle, ce sont les deux zones de la ville qui se prêtent le mieux à l’habitat, contrairement à l’avenue Blasco Ibañez, polluée d’un trafic rapide et constant, bruyante et presque inhumaine. Après celle du centre-ville et des quartiers maritimes, il devient important de préciser la genèse d’un quartier moderne, édifié de part et d’autre de l’avenue. L’avenue Blasco Ibañez peut être qualifiée de colonne vertébrale de ce morceau de ville, avec ses auteurs, ses enjeux et ses controverses. Il s’agit aussi de montrer la différence de façon de vivre entre les quartiers maritimes et cette avenue, si urbaine. Nous verrons son évolution, d’un projet de promenade tranquille à une véritable autoroute urbaine, et sa relation ambiguë aux quartiers maritimes. Pour comprendre sa condition actuelle, nous établirons une chronologie des différents plans d’urbanisme ayant influé la morphologie actuelle de la ville.
manières de vivre projet de cité-jardin et mode de vie comparé
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L’avenue du port étant très encombrée par le transport des marchandises, la nécessité d’un passage plus tranquille jusqu’à la mer apparaît pour les valenciens. Un premier projet est proposé par Manuel Sorní, architecte et personnage politique, dès 1865. Il semble que le projet soit antérieur à la destruction des murailles médiévales. Il est proposé une avenue quasi-parallèle à l’avenue du Port, reliant la gare de Fusta4, au nord de Valence, à la partie la plus au sud du Canyamelar,
APPROCHE SENSIBLE usqu’alors, la plage est densément utilisée par les pêcheurs du Cabanyal et par les chantiers navals. La plage valencienne devient peu à peu un espace récréatif, de promenade, de baignade. Si on ne s’y dévêt pas encore, on s’y montre en famille, des photographes de plage immortalisent la bourgeoisie. Il apparaît des cabanons familiaux, et des maisons bourgeoises en front de mer, aujourd’hui disparues. On a l’habitude de passer les jours de fête à la plage, on y installe table et chaises pour les repas. À la fin du dix-neuvième siècle se construit le balneario de las Arenas, établissement public et populaire comprenant des piscines et terrasses surplombant la mer. Plus tard, un restaurant sur pilotis est ajouté, il accueille touristes et locaux.
J
au nord de El Grao. Le projet s’intéresse à la création d’une forme de ville-linéaire où le transport public a une importance fondamentale. Il est projeté une place au centre de l’avenue. Bien que le projet de Sorní ne voit pas le jour, c’est à partir de ce moment que l’idée d’une urbanisation de la partie au nord du fleuve Túria est lancée. Le tracé de Casimiro Meseguer, dessiné en 1888 et actuelle avenue Blasco Ibañez semble être lié à une théorie énoncée et appliquée par
en haut : plage du Cabanyal en 1910 en dessous : vue aérienne du balneario de las Arenas, vers 1920
un urbaniste madrilène, Arturo Soria. Aucun texte historique ne mentionne cette relation, mais la probabilité en est énoncée dans un article de Josep Maiques (2000). Arturo Soria présente en 1882 la théorie de la Cité Linéaire. Il s’agit d’une réponse radicale et extrême à plusieurs questions d’époque : la mobilité dans les villes d’Europe, la place de l’habitat ouvrier en ville, le mouvement hygiéniste et progressiste, et le manque de cohésion entre les villes espagnoles. Ceci donnera plus tard lieu à l’aménagement de nombreux paseos (ou ramblas) en Espagne.
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1888
1899
1931
1946
1966
1975
1982
1988
1993
1997
2001
2009
2014
2015
proposition du projet de paseo de València al mar Casimiro Meseguer
Plan General de Ordenación Urbana
approbation du plan du paseo de València al mar JM Cortina
Bien de Interés Cultural
en haut : état de la plage du Cabanyal au début du [XXe] siècle
révision du projet de paseo de València al mar José Pedrós
Plan Especial de Protección y de Reforma Interior del CabanyalCanyamelar
Plan General Plan General Plan Parcial de Ordenación de Ordenación 13 Urbana Urbana (Plan Sur) Equipo de Madrid
approbation définitive du
PEPRI
en dessous : chronologie des différents plans d’urbanisme
orden ministerial (paralisation)
révision du
PEPRI
Suspention du Plan Parcial 13 + Conjunto Historico Protegido
nouveau Plan General de Ordenación Urbana
EL CABANYAL DE VALÈNCIA
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APPROCHE SENSIBLE
Les premiers projets de Cité-Jardin : Madrid et Valence
L
e modèle théorique de la Cité Linéaire d’Arturo Soria se situe entre les travaux de Ildefonso Cerdá pour Barcelone et les idées d’Ebenezer Howard pour les Cités-Jardins en Angleterre.
Il présente une voie centrale large d’une cinquantaine de mètres accueillant le mode de circulation privilégié de l’époque : le tram. C’est avec son utilisation que peut être pensée la forme linéaire de la cité. De chaque côté de la voie centrale est dégagé un espace de 200 mètres de large où peuvent être édifiées des constructions. À cela s’ajoute 100 mètres de zone de verdure. La cité linéaire occupe donc un espace de 550 mètres de large, sur une longueur non déterminée, infinie. En plus de la préoccupation pour la mobilité au sein du modèle, des systèmes d’égouts, de communication téléphonique et d’électricité sont proposés. Arturo Soria projette une voie de ce type de 53 kilomètres de long en périphérie de Madrid. Le projet est radical : il encercle la ville. Seulement 5 kilomètres seront réalisés5. à gauche : modèle théorique du projet de Cité-Linéaire d’Arturo Soria, 1882
La théorie est publiée dans les revues scientifiques. Plusieurs années plus tard, Casimiro Meseguer, ingénieur et directeur de la section des chaussées de la municipalité de Valence, propose le projet de Paseo de València al Mar. Le plan prévoit une voie centrale de 100 mètres de large qui contient un jardin linéaire de 60m de large. De chaque côté, 100 mètres permettent les constructions. Ces zones sont divisées en deux: en première ligne, les terrains sont destinés à la construction de grandes villas bourgeoises, puis, en seconde ligne, des chalets plus modestes. Au total, c’est une zone de 300 mètres de large, sur 3,2 kilomètres qui est expropriée petit à petit au profit de la bourgeoisie valencienne. Le plan approuvé en 1899 est dessiné par J.M. Cortina. Il montre trois places de 200 mètres de diamètre, disposées le long de l’avenue. Il inscrit «selon la loi d’août 1895», sans proposer une relation avec le quartier maritime.
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en haut : 1888, proposition du projet de paseo de València al mar, Casimiro Meseguer
au centre : 1899, approbation du plan du paseo de València al mar, JM Cortina
en bas : 1931, révision du projet de paseo de València al mar, José Pedrós
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Ce n’est qu’en très peu de temps que l’idée originale d’une cité-linéaire-jardin peu dense et bourgeoise évolue. Dès l’année 1909, on construit le premier haut bâtiment de l’avenue : c’est la Faculté de Médecine qui s’implante sur l’ancien chemin de Benimaclet et sur le Paseo de València al Mar. Aussi, si à la fin du dix-neuvième siècle, l’importance de l’automobile est presque nulle, la croissance de ce secteur est significative au début du vingtième. En 1931, José Pedrós, architecte, présente une correction du projet de J.M. Cortina qui tente de résoudre la future connexion de l’avenue avec le quartier du Cabanyal (page précédente). La voie cochère se sépare en deux bras, et pénètre le Cabanyal pour arriver jusqu’à la plage. La perspective ci-contre renseigne sur le caractère très rural des alentours de l’avenue, et la très faible densité de constructions prévue.
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En 1946, l’Equipo de Madrid, urbanistes madrilènes, réalise un Plan General de Ordenación Urbana, qui n’affecte pas la relation de l’avenue avec le Cabanyal. Il ordonne la première ceinture de Valence et prévoit l’urbanisation moderne de la zone située entre l’avenue et le fleuve Túria. Il introduit les idées énoncées par la Charte d’Athènes (1941), et propose de nouvelles typologies de logements. Au cours de l’année 1957 se produit un phénomène naturel qui change radicalement la manière dont la ville évolue. Une double inondation due à une crue du fleuve entraine de graves dégâts humains et matériels. Dans les quartiers maritimes, beaucoup de constructions n’étaient constituées que d’un seul niveau. L’inondation cause de gros dégâts à des logements très modestes, ce qui provoque un progressif abandon et désintérêt pour la zone. Tomás Trénor Azcárraga, maire de l’époque, sollicite
APPROCHE SENSIBLE
l’aide d’urgence du gouvernement franquiste. Sans réponse, il relance la demande, d’une manière qui lui vaudra d’être démis de ses fonctions. Le Plan Sur est cependant accepté et réalisé. Le fleuve est dévié au sud de la ville avec l’aide du gouvernement, et laisse vide son ancien lit. C’est en 1966 que naît le projet de prolongation à travers le quartier du Cabanyal. Un nouveau PGOU s’adapte à la récente catastrophe, à la démocratisation de la voiture comme mode de déplacement et aux nouvelles architectures des années 60. Le plan considère le réseau routier : l’autoroute de Barcelone est intégrée et passe entre le quartier du Cabanyal et la plage, survole le port pour continuer vers le sud, au dessus du nouveau tracé du fleuve canalisé. L’avenue est connectée à l’autoroute et se prolonge ainsi dans le Cabanyal. page de droite : perspective aérienne de la cité-jardin, José Pedrós, 1931.
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«El llit del Turia es nostre i el EL CABANYAL DE VALÈNCIA volem verd»
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à droite : chronologie de l’aménagement de l’avenue Blasco Ibañez, document original à gauche : le Général Franco
en haut : perspective aérienne du projet d’autoroute, 1973
page de droite, en haut : Plan Parcial 13
En 1973, le gouvernement franquiste et la municipalité de Valence annoncent, après étude, un projet d’autoroute reliant Madrid dans l’ancien lit du Túria alors desséché. Un mouvement citadin s’élève contre le projet. «Le lit du Túria est à nous, et nous le voulons vert», clame-t-on anonymement. L’espace est vécu depuis toujours par les habitants. Le moment coïncide avec la mort du général Franco. Le mouvement s’inscrit dans une période de transition politique et sociale en Espagne. Le succès devient un exemple de lutte urbaine réussie : le parc du Túria est inauguré en 1986.
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Jardines Reales
L’
ouverture progressive de la politique de Franco, puis sa mort en 1975 ont un grand impact sur l’évolution du paysage côtier espagnol6. Dès cet évènement, la prolongation de l’avenue est projetée et les quartiers maritimes sont sujets à la spéculation immobilière. L’avenue n’est pas encore terminée au moment de la proposition du projet. 1975, il reste encore un kilomètre à aménager avant la rencontre avec le Cabanyal. C’était il y a quarante ans. Le plan général est complété par une série de plan partiels. Le Plan Parcial 13, ci-dessus, précise en 1975 le sort des quartiers maritimes. Il dresse les bases de ce qu’est le projet de prolongation de l’avenue Blasco Ibañez à travers le Cabanyal. La prolongation considère l’axe de l’avenue, légèrement décalé par rapport à l’orientation de la trame du quartier. L’avenue-jardin continue : elle présente la même organisation, et la même largeur. Les voies automobiles sont séparées par un espace jardiné, s’apparentant à une rambla, et sont ponctuées par ce qui est appelé «places», qui ne sont que des carrefours giratoires. Avant d’arriver à la mer,
1940
on dessine un léger virage permettant de préserver le balneario de Las Arenas. L’avenue croise l’autoroute de Barcelone, puis se termine sur la plage par un carrefour giratoire d’une taille décuplée7. 1977, les partis sont autorisés en Espagne. Il s’agit d’un tournant pour l’avenir du Cabanyal : de nouvelles considérations patrimoniales apparaissent. La zone des quartiers maritimes est inscrite par le Ministère de Culture en 1978 comme Conjunto Histórico Artístico. Ils acquièrent un statut de protection de la part du nouveau gouvernement. Ainsi, le Plan Parcial 13 est suspendu définitivement en 1982.
Av. Aragón
1962
Av. Manuel Candela
1975
1980
Cabanyal
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La photographie ci-dessus provient du centre de gestion du trafic de Valence. L’avenue Blasco Ibáñez n’est pas encore terminée, mais les bâtiments modernistes sont si rapides à mettre en œuvre qu’ils sont déjà construits. On peut voir l’avenue en fond de perspective. Elle montre un état temporaire de la ville moderne : entre la campagne et le modernisme. Elle illustre singulièrement l’époque de passage entre deux âges. Certains champs sont encore cultivés. À droite, on peut voir la ruine d’une maison traditionnelle de campagne.
page de gauche : Le début de l’avenue, la ville en construction. On peut voir les grandes parcelles latérales encore libres de constructions. Il n’y a que quelques maisons construites, et les bâtiments sont généralement de grands édifices, laissant présager la future densité de l’avenue. La faculté de médecine est déjà en place. À droite, les bâtiments en construction sont ceux qui entourent la maison de Juan-Lú, dont nous parlerons plus tard. La photographie est issue d’une des pages internet de partage de photographies anciennes de Valence : Remember València, historia gráfica.
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l’actuel PGOU C’est en 1980 que l’avenue prend son nom actuel : la Avenida de Vicente Blasco Ibañez est complète, ou du moins, dans sa condition actuelle. 1988, un nouveau PGOU entre en vigueur. Il prend en compte la récente protection de certaines zones de la ville, dont les quartiers maritimes. Il octroie un niveau de protection à certains bâtiments. Le problème urbanistique auquel les urbanistes de Valence se heurtent est laissé sans réponse. Graphiquement, ci-contre, la prolongation n’est pas dessinée. À l’écrit, il est précisé qu’un choix doit être fait. C’est un plan partiel, ou plan spécial, qui définira ce choix. En 1991, les voies de chemin de fer sont enterrées et on inaugure la nouvelle gare du Cabanyal qui est située au centre du carrefour final de l’avenue. L’articulation n’est toujours pas résolue.
Maintenir un tracé monumental, d’une histoire de plus d’un siècle ? Faire de la ville un modèle du modernisme espagnol ? Unir Valence à la plage ? Permettre un accès de masse à la mer ? Détruire un quartier protégé et bafouer son identité ? Préserver une zone d’une forte personnalité, d’un fort poids historique, d’une forte importance patrimoniale ? ci-contre : Plan General de Ordenación Urbana, 1988
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Centre
Quartiers maritimes Avenue Blasco Ibáñez
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L’
avenue Blasco Ibañez se compose presque exclusivement d’immeubles fort semblables à cet imaginaire. De 7 jusqu’à 15 étages, on compte de 2 à 8 appartements par niveaux. Ils sont construits en structure béton remplie de briques.
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Passant la porte vitrée et munie d’une grille, un hall plus ou moins spacieux est souvent paré d’un travertin lisse. Il y fait frais. Les appartements n’ont aucune relation à la rue, si ce n’est une vue, et les bruits des restaurants et bars. Le trafic est incessant. Les rez-dechaussées présentent aussi des accès à un parking sous-terrain d’un ou deux niveaux. Aucun appartement n’est aménagé en rez-dechaussée et quelque uns des locaux commerciaux n’ont jamais trouvé d’activité. Les autres sont des magasins divers, ou
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bien des bars à tapas, restaurants, discothèques. Le toit-terrasse est accessible, mais n’est pas aménagé, hormis quelques fils à linge. Le sol est de carreaux d’argile. Les appartements sont généralement organisés le long d’un couloir étroit, dont l’extrémité est occupée par l’espace de séjour, étendu d’une terrasse. Les cuisines sont équipées de petites terrasses qui servent de débarras ou de buanderie. Les salles-de-bains donnent souvent sur un patio destiné à l’aération commune. Les fenêtres sont équipées de volets
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3 1 2 4 5 6 6 6
roulants et/ou de stores déroulants pour se protéger du soleil. En été, l’habitation est gardée sombre et fraîche. La différence de température est élevée entre l’intérieur et l’extérieur. La plupart des appartements sont équipés d’une climatisation par les habitants. Les immeubles n’ont souvent pas d’installation de chauffage.
1 entrée - 2 cuisine - 3 salon salle à manger - 4 toilette 5 salle de bains - 6 chambres représentations imaginaires d’un immeuble typique de l’avenue Blasco Ibañez. document original
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L’
avenue Blasco Ibañez mesure 100 mètres de large. Elle a été édifiée en trois trames. Les première et troisième trames sont similaires, la trame centrale présente quelques différences. Les première et dernière trames (en haut) présentent : trottoirs larges d’environs 6 mètres, ponctuées par des places aménagées ou non; une rangée d’arbres et de haies; piste cyclable; seconde rangée d’arbres et de haies, places de stationnement en bataille; trois voies automobile dont une réservée aux transports en communs (bus, taxi); places de stationnement; un espace paysager d’une soixantaine de mètres de largeur. Ces espaces sont entrecoupés de voies automobile d’accès aux rues annexes, ce qui rend difficile la progression piétonne tranquille vers la mer. Les jardins sont plutôt vécus pendant les nuits d’été, par des groupes d’amis de tous âges. La trame centrale (en bas) est différente. Les voies de circulation automobile sont placées au centre, ce qui permet aux piétons de profiter des espaces paysagers situés de chaque côté. Les pistes cyclables et plaines de jeux y sont intégrées. Des voies automobile annexes et étroites sont ajoutées en périphérie pour permettre l’accès aux immeubles et aux places de stationnement. L’avenue est symétrique sur toute la longueur. Elle est située entre les différents campus. Sont proposés des loyers relativement peu chers et des baux courts, qui attirent les étudiants espagnols comme les étrangers en échange universitaire. à droite et pages suivantes : images Google Street View et images satellites Bing Maps
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avenida blasco ibaùez, valència, 100mx3200m
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a c é 7
avenue des champsĂŠlisĂŠes, paris 70mx1910m
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avenue louise, bruxelles, 40-100m x2500m
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c v 1
calle la baraca, valència, 13mx1200m
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C
ertaines zones de la ville sont depuis 1978 déclarées Conjunto Histórico Protegido. Parmi ces zones figurent les quartiers maritimes. En plus de cette protection octroyée par le Ministère de la Culture espagnol, la zone maritime bénéficie en 1993 d’un second niveau de protection. El Cabanyal-CanyamelarCap-de-França est déclaré Bien de Intéres Cultural. C’est la trame urbaine caractéristique, issue de l’évolution parcellaire (qui a déjà été évoquée) qui fait l’objet de cette seconde protection. Si, pour certains, elle ne représente que des traits sur un plan cadastral, elle est caractéristique d’un mode de vie propre à ces quartiers-ci. Elle témoigne aussi des modes de construction qui se sont succédés, voire même d’une certaine cohésion sociale, présente depuis plusieurs siècles. Dès la genèse du quartier, les habitations modestes s’implantent d’une manière parallèle à la côte. Cette implantation vernaculaire permet aux pêcheurs d’accéder facilement à la plage, et ce d’une façon diffuse : chacun peut déposer sa barque entre sa baraque et la mer. La morphologie du quartier est directement liée à la manière de vivre de ses habitants. On accède aux maisons depuis les rues parallèles, on accède à la plage par des ruelles perpendiculaires (traversias), suivant le tracé des acéquias et chemins pré-existants se jetant dans la Méditerranée. Les édifices hauts, comme les églises, servent de mirador. Avant même le retour de pêche, les
pêcheurs informent leur femme des espèces de poissons rapportées, par des drapeaux de couleur étendus sur les mats des barques. Les femmes accourent dès lors au marché préparer l’arrivage. Avec la construction plus tardive de maisons et immeubles de briques, on édifie sur les toits de nouveaux miradores. Il n’en restent que deux. Aujourd’hui encore, bien que Valence ait pris du terrain sur la mer, l’accès y est aisé, à pieds ou en bicyclette. Traditionnellement, les chambres sont des espaces restreints qui s’ouvrent amplement par une porte coulissante, parfois vitrée, sur un couloir traversant assez
large, qui contient la cuisine et quelques scènes de vie. Sous le toit, on trouve des étagères qui servent à l’élevage de vers à soie. Un banc est parfois aménagé devant la porte. Toutes les baracas donnent sur la rue, et une seconde porte est aménagée à l’arrière. L’espace intérieur étant restreint, les scènes de vie se passent habituellement à l’extérieur de l’habitation, devant la porte, dans la rue. De ce fait, le climat social s’oriente vers le vivre-ensemble, tendance qui se manifeste lors des reconstructions. Les nouvelles maisons sont souvent édifiées en commun : plutôt que de vivre l’un à côté de l’autre, on vit l’un au dessus de l’autre, sous le même toit.
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L’espace de l’escalá (échelle) est utilisé pour placer l’escalier. On reconstruit d’abord de petites maisons, puis de plus grandes, plurifamilialles, de deux, quatre logements, voire plus. Aujourd’hui on trouve des immeubles jusqu’à 5 étages construits selon la même typologie. On retrouve le principe des petites chambres. Elles s’ouvrent sur un espace de vie plus grand. Toutes les constructions gardent cependant une relation à la rue. Au rezde-chaussée, des doubles portes de bois massif s’ouvrent sur la rue. Aux étages supérieurs on aménage des balcons. L’orientation de la trame urbaine profite de certaines lois de la nature. En ouvrant les deux portes du couloir traversant, on profite du vent de la mer pour aérer efficacement les maisons8. Grâce à l’orientation Est-Ouest, un côté de la rue est ensoleillé le matin, tandis que l’autre profite de l’ombre portée des maisons. Le scénario est inversé l’après-midi, ce qui rassemble les habitants en quête d’ombre. Cette cohésion sociale certaine se perpétue de générations en générations. On ressent une forte implication des voisins dans la vie de quartier, par la création de collectifs; d’associations, de plateformes d’échanges, l’organisation d’événements, comme par exemple, la paella popular annuelle. On dîne sur la plage, on se retrouve aux terrasses... plan et coupes d’une baraca valenciana, biblioteca, ataneo de Madrid.
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A
et Adrián font partie d’une jeunesse qui désire garder le patrimoine ancien, qui à leurs yeux a bien plus de valeur que les nouvelles parties de la ville. Elles sont construites sur une multitude de petits terrains agricoles et la maison qui accompagnait chacun d’eux. En particulier, la ville moderne bâtie ces 30 dernières années autour de l’avenue blasco ibañez serait représentative de l’écrasement d’un mode de vie honnête par une attitude ultra-capitaliste. En particulier, la prolongation de l’avenue Blasco Ibañez serait la porte ouverte au développement d’un tourisme massif à Valence. Un tourisme en total désaccord avec les manières locales et traditionnelles de vivre. lejandro
Alejandro et Adrián dénoncent le gaspillage, ou la mauvaise gestion de l’argent public à valència, fait que la récente chute des mosaïques de l’opéra de Santiago Calatrava a soulevé. Ils dénoncent une corruption sévissante dans une Espagne bipartite. Ils prennent l’exemple de ces immenses galeries marchandes de 7 ou 8 étages sur l’avenue Colón (une des avenues qui remplacèrent les remparts du centre ville), construites sur des ruines romaines d’un grand intérêt archéologique. Eux, vivent en bordure du Cabanyal, dans un bâtiment de logements collectifs. Eux, aimeraient y vivre, dans une maison, car la maison a de la personnalité, car la vie au Cabanyal y est plus communautaire que dans un immeuble moderniste. Au témoignage d’Alejandro et de Adrian, on peut y ajouter celui de Juan-Lú (page suivante). Juan-Lú a un point de vue tout à fait extérieur. Il habite à Bénimaclet, la seule maison ayant survécu à cette vague de modernisme. Il appuie les propos d’Alejandro et soulève la cruauté du parti de droite actuellement au pouvoir, auteur de l’expansion de la ville: «ils ne tiennent compte de rien à part des aspects économiques» il montre comment la situation est difficile pour ceux qui en perdent leur maison et leur patrimoine.
patrimoine vs. tourisme triomphe de la modernité et équipements
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D
éjà au cours des années 60, après une vingtaine d’années de répression franquiste, plusieurs mouvements de contestation grimpent en Espagne. Etudiants, ouvriers, autonomistes organisent leurs luttes politiques et idéologiques à leurs échelles. Le pouvoir de Franco s’affaiblit peu à peu. Le régime s’ouvre progressivement vers une politique de développement, «desarollismo», des secteurs industriels et touristiques, qui s’opère sans grande préoccupation pour les paysages ou le patrimoine espagnol. L’église finit par s’en détacher. En 1975, le franquisme meurt avec le Général lui même, laissant une Espagne renfermée sur ellemême. Les années 1970 représentent le début d’un essor touristique décomplexé en Espagne. La côte méditerranéenne est bétonnée sur 1500 kilomètres9 : on compte plus d’un millier de constructions d’hôtels en l’espace d’une dizaine d’années, de nombreux promoteurs profitant de la fin de la répression conservatrice franquiste. Certaines agglomérations entières se constituent sur la croissance du tourisme. Les paysages côtiers sont largement exploités. Sont privilégiées les constructions s’apparentant à un modèle économique de logement social, égayé de balcons et de vues sur la mer. Certains hôtels sont
construits sans aucun permis. On promet aux touristes «4S» : «sand, sea, sex & sun». Cette tendance va de pair avec le développement d’infrastructures de transport : routes, gares, aéroports. Il en ressort une planification nationale et urbaine orientée vers l’automobile. Le visage de Valence change radicalement, et la présence d’espaces agricoles s’estompe peu à peu au profit d’espaces de logements et d’activités industrielles et portuaires. La population triple au cours du siècle. Les infrastructures portuaires se développent, la ville s’étend et se densifie de part et d’autres du Paseo
de València al Mar. 1986, l’Espagne rentre dans la CEE et profite de ses fonds, provoquant une seconde relance économique. Le «miracle économique espagnol» est combiné avec un essor touristique toujours plus important. Spatialement et socialement, les conséquences sont graves. Ces phénomènes provoquent une forte spéculation immobilière. L’urbanisation prend le pas sur les campagnes, pourtant anciens moteurs économiques des agglomérations. La forte cohésion sociale générale se dirige vers un individualisme lié à la consommation.
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La photographie ci-dessus de Francesc Jarqué dans les années 1980, illustre particulièrement bien cette dominance du modernisme sur le mode de vie traditionnel. Les immeubles du second plan se situent sur l’avenue de Blasco Ibañez. Les petites maisons et la baraca du premier plan sont en mauvais état. Elles sont abandonnées, peut-être ont elles été expropriées. Elles n’existent plus. Aujourd’hui s’y trouve un autre immeuble moderne.
page précédente : la maison de Juan-lu qui a une histoire tout à fait singulière. C’est la dernière maison de l’ancien chemin de Valence à Benimaclet. Anciennement petit restaurant rural, situé entre les champs, c’est la seule petite propriété qui résiste à la spéculation. Elle se trouve maintenant au milieu d’un ensemble moderniste constitué de tours d’une douzaine d’étages. Elle est abandonnée quelques temps, puis squattée, puis occupée par notre interlocuteur qui prend soin de la restaurer et de l’entretenir.
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Si Barcelone se développe sur le modèle d’une entreprise, sans négliger aucun aspect, Valence manque de rapport à la mer. C’est là sa grande faiblesse. Son poids en est donc tout à fait réduit. D’une taille plus modeste, elle forge son image en concentrant toutefois un grand nombre de monuments tant anciens que nouveaux, et diverses attractions touristiques. Le Cabanyal est vu comme une barrière physique entre Valence et la mer. À partir de 1995, on assiste à un phénomène de «bulle économique» en Espagne, jusqu’à la crise internationale de 2008 qui fut fatale10b. Particulièrement à Valence, et dans sa région, la bonne situation économique conduit à une folie des grandeurs sans précédents. Pour gagner sa place autour de la Méditerranée, et même par rapport à Barcelone, la région impulse la construction de nombreux projets d’équipements aux coûts démesurés:
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l’Oceanogràfic, le Bioparc, la Cité des Arts et des Sciences et les quelques ponts de Santiago Calatrava, aéroport de Castellón, parcs aquatiques à Benidorm, modernisation de la marina pour la Coupe de l’America, Veles i Vents de David Chipperfield, le Palais des congrès de Norman Foster, l’aménagement d’un circuit de Formule 1... Le phénomène arrive à son apogée en 2005 avec l’inauguration de l’opéra de Santiago Calatrava. Ces équipements développent l’attrait touristique, sportif, architectural et culturel de Valence au plan international. Les nouvelles architectures se confrontent avec de nombreux monuments anciens. Cet intéressant mélange donne à l’agglomération une singularité remarquable. Les divers événements ainsi que les icônes architecturales produisent un «effet Bilbao» : Le quartier autour de la Cité des Science est massivement gentrifié.
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Anciennement industriel et mal fréquenté, c’est aujourd’hui un quartier résidentiel neuf et cher, caractérisé par la plus haute tour de la ville. Valence se tourne clairement vers l’extérieur En accueillant ces événements, elle attire quelques deux millions de touristes par an. Elle est aussi la capitale européenne des échanges universitaires : plus de 1500 étudiants étrangers y viennent chaque année. Avec la présence du Cabanyal entre la ville et la mer, Valence ne connait pas d’essor balnéaire. Ce n’est qu’à partir de 1989 que la ville se réconcilie avec sa plage, avec la rédaction du projet de Paseo Maritimo. La Malvarossa et la plage d’Alboraya se connectent à celle du Cabanyal et au quartier du port avec le projet de promenade, étoilée, qui donne au front de mer un caractère plus urbain. Il existe une autre barrière importante : le circuit de Formule 1 est
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situé entre la fin du parc du Túria et le port de Valence. À l’époque bien terminée des grandes compétitions, le circuit et les aménagements du port formaient une relation avec le centre de la ville. Les ouvrages de béton bloquent maintenant ci-dessous : Opéra de Valence en 2013. document original
l’accès naturel du lit du fleuve à la mer. Seulement cette barrière-ci n’est pas pointée du doigt. Le circuit est grillagé de tous les côtés. Le Cabanyal, lui, est poreux. La politique entrepreneuriale de gestion de la ville ne résiste toutefois pas à la «crise» de 2008.
L’arrêt des Grands Prix pour frais d’entretien trop élevés laisse l’espace dans un état d’abandon. La chute des mosaïques de l’opéra en 2014 s’ajoute à un nombre élevé de parcelles urbaines en friche, de chantiers arrêtés aux gros œuvres, de logements vides. Le nouvel aéroport n’accueillera jamais aucun avion.
page de gauche, en haut : le circuit de Formule Un abandonné, en fond, la Cité des Arts et des Sciences. arch : Santiago Calatrava. photo : Pierre-Édouard Vilquin. page de gauche, en bas : l’Hemisféric. arch : Santiago Calatrava. photo personnelle ci-contre : le Bioparc. photo personnelle ci-dessous : l’Oceanografic. arch : Felix Candela. photo personnelle
ci-dessus, à gauche : Veles i Vent durant l’America’s Cup. photo : El País ci-dessus : l’aéroport de Castellón. photo : El País. ci-contre : l’opéra, dont on retire la mosaïque blanche de la façade après la chute d’un morceau. arch : Santiago Calatrava. photo personnelle ci-contre, à gauche : Le Palais des Congrès. arch : Norman Foster. photo : El País ci-contre, à droite : le circuit et la Marina Real Juan Carlos I. photo : Marina Real Juan Carlos I.
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Luxe et misère
E
2003, suite à l’annonce du choix de Valence pour accueillir la Coupe de l’America et à l’aménagement de la promenade, le balneario de Las Arenas, piscine populaire laissée à l’abandon, est rachetée par un investisseur privé. L’un des pavillons est partiellement détruit par la guerre civile, tandis que l’autre reste en bon état de conservation. L’opération consiste à réutiliser la situation précieuse de l’endroit, sa vue sur la mer et les anciens pavillons pour y édifier un hôtel de luxe combiné à un spa. Les pavillons sont rénovés, reconstruits. L’emplacement de la piscine est sauvegardé. L’hôtel construit autour de celle-ci est haut, et correspond aux nombreux établissements d’accueil présents sur toute la longueur de la côte méditerranéenne, de construction simple et d’expression douteuse. L’hôtel cinq étoiles jouxte les quartiers maritimes à moitié détruits, et en particulier la grande friche laissée par la mise à bas d’une partie du quartier de El Clot au pied des Bloques Maritims. n
B
enidorm est la ville de tous les abus. Elle est mondialement connue comme symbole du tourisme de masse, surnommée «la nuevayork del mediterraneo». Le tourisme de masse valencien est rejeté à une cinquantaine de kilomètres au sud de la ville : le petit port de pêche de Bénidorm devient en cinquante ans la «nuevayork del mediterraneo», véritable station balnéaire où tous les bâtiments sont des tours : elle compte 26 bâtiments de plus de cent mètres de haut, dont les deux plus hauts hôtels d’Europe. Lefebvre s’intéresse au cas de cette ville en 1973. Bénidorm est connue comme une ville de tous les abus. D’un point de vue environnemental et patrimonial, les conséquences sont désastreuses. Les constructions tout en béton sont de plus en plus nombreuses. La population a décuplé entre 1950 et 1960. Ce sont plus de cinq millions de touristes qui sont accueillis chaque année. L’urbanisation gagne du terrain sur les espaces agricoles, dont l’irrigation est diminuée au profit des nombreuses piscines, hôtels, divers parcs aquatiques que compte Bénidorm. D’immenses équipements hydrauliques ont dû être prévus, et c’est l’arrière pays qui en souffre : les réservoirs de la ville sont alimentés par deux barrages.
beni dorm 1950 2010
page de gauche : H么tel-Spa Las Arenas, vue depuis la plage en 2014. document original
ci-dessous, en haut : Benidorm en 1950 en bas : Benidorm en 2010
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C
représente cette partie des habitants du quartier qui ont vécu toute leur vie là, et qui ont perdu l’espoir de revoir un jour leur lieu de vie, leur lieu d’enfance aussi, redevenir ce qu’il était. Elle explique que la situation est arrivée à un point de non-retour évident, que déjà une grande partie des maisons de la zone étaient tombées, abandonnées ou squattées. armen
La situation de dégradation du quartier du Cabanyal est directement lié au Plan de Protección y de Reforma Interior. Par un dessin radical, il entend résoudre la question de la confrontation entre l’avenue Blasco Ibañez et les quartiers maritimes, question laissée sans réponse par le PGOU de 1988. Il prescrit l’acquisition des terrains concernés par la prolongation de l’avenue Blasco Ibañez. Il traduit aussi un changement de politique : à partir de 1991, c’est le PP, Partido Popular, parti de centredroite espagnol qui est au pouvoir à Valence. Le plan étant paralysé durant de nombreuses années, le quartier se dégrade peu à peu jusqu’à arriver à l’état actuel qui peut être qualifié de désastreux. C’est ici le cœur du problème.
l’ état actuel le p.e.p.r.i et ses effets
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L
e Plan de Protección y de Reforma Interior (PEPRI) del Cabanyal-Canyamelar-Capde-França est commandé par la municipalité en 1998 à l’AUMSA, s.a., société en charge des aménagements urbains à Valence et créée en 1986. Il est signé des architectes Vicente Corell Farinós et Joaquín Monfort Salvador. Le plan est approuvé en 2001. Il prévoit la prolongation de l’avenue Blasco Ibañez jusqu’à la mer. Cet aménagement est voté avant la rédaction du plan : trois alternatives sont proposées par la municipalité. Prolonger l’avenue suivant le même axe et la même largeur; prolonger l’avenue suivant les axes du Cabanyal, avec une largeur réduite de 48 mètres; ne pas prolonger l’avenue et créer une place publique entre celle-ci et les quartiers maritimes. La situation a donc évolué depuis le précédent Plan Parcial 13 : la prolongation énoncée ici et les parcelles tracées s’adaptent à l’orientation et à la trame du quartier. L’avenue prolongée a une largeur réduite de 48 mètres, et se termine sur un grand carrefour giratoire face à la mer. Il est aussi tracé une avenue perpendiculaire qui mène au marché.
Le plan prétend améliorer la relation de Valence à la mer et la rendre fluide, l’intégration du quartier à la ville, et la protection de son patrimoine bâti. Pour ce faire, il prévoit l’acquisition d’environ 1650 logements, et la démolition de 575 bâtiments leurs correspondants. Certains d’entre eux bénéficient pourtant de la protection du PGOU en vigueur, pour leurs valeurs architectoniques et patrimoniales. En fin de parcours, le plan inclut la destruction de la Lonja de los Pescadores et des Bloques Maritims. C’est ce plan qui provoque la controverse actuelle. Comme analyse du quartier, les architectes rédigent diverses fiches. Il s’agit d’une analyse strictement juridique du tissu bâti. 149 îlots avoisinants sont décrits par rapport à l’aspect
extérieur des bâtiments, selon leur état en 1998. Les informations sont reprises dans une série de plans : état de conservation, intérêt architectonique... Les bâtiments construits tardivement, dans les années 60, 70, de plus de quatre niveaux sont exclus du plan de protection et sont condamnés à démolition. Une série d’édifices qualifiés d’intéressants reçoivent un nouveau niveau de protection. Pour une multitude de raisons, des associations, collectifs de voisins se forment et s’opposent au plan. S’en suit une lutte singulière entre municipalité et habitants.
Table rase et protections, le plan est gorgé de paradoxes. page de droite : le PEPRI, aménagement. 2001
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En 2005 est créée la société Cabanyal 2010 s.a. société mixte : elle appartient à 55% à des organismes publics municipaux (IVVSA11 et AUMSA), le reste étant divisé entre acteurs privés intéressés par le projet. Quelques années plus tard, en 2008, elle est délaissée par les acteurs privés et est rendue entièrement publique. Elle a pour mission d’amener à terme le projet de prolongation de l’avenue. Il s’agit d’acheter les maisons et autres bâtiments concernés au prix le plus faible possible, pour les condamner, les détruire, et les convertir en sol public urbanisable. C’est une forme d’expropriation, sous un autre nom12.
La société utilise diverses stratégies pour faire baisser le prix de l’immobilier dans la zone. Les conséquences sont lourdes. page de gauche et pages suivantes : état du quartier. documents originaux
Lorsque la société commence ses actions, lentes, retardées par des procédures, des habitants réticents et résistants, le Cabanyal est encore presque intact. Les premières maisons achetées sont condamnées, puis occupées, squattées par
laissés par les bulldozers. Ceci donne au quartier une ambiance d’après guerre, de détérioration, d’abandon. Une ambiance désagréable mêlée à un progressif encrassement, dû à un délaissement de la zone par les services de nettoyage, qui apparaît comme volontaire.
La zone concernée par le projet est appelée «zona cero» par les voisins. Elle concerne environs un tiers du Cabanyal13. des espagnols impliqués. Ce sont ces édifices qui tombent en premier. La première destruction a lieu en dehors de la zona cero. Petit à petit, les bâtiments sont achetés, fermés. Quand ils sont détruits, on prend le soin de peindre sur les morceaux de murs qu’on laisse, ou bien sur les murs mitoyens, des rayures obliques de couleur militaire. Les destructions sont violentes, car elles se heurtent à l’opposition ferme des voisins. Elles se passent sous les coups des forces de l’ordre, les pleurs des anciens, les cris des activistes, comme le montre le film de Sergí Tarin (2014). Quelques morceaux de maisons sont
Les services de police s’absentent du quartier la nuit, qui devient le théâtre de vente de drogues et d’insécurité. Les pouvoirs publics vont encore plus loin : les maisons achetées qui ne sont pas encore détruites sont mises à disposition de familles très défavorisées, sans revenus, pour un loyer extrêmement bas. Les maisons concernées n’ont pas accès aux services de la ville : ni eau, ni électricité, ni gaz. Ce sont deux communautés qui s’y installent : des familles gitanes, et des familles Rrom. Ils participent aussi à l’aspect détérioré de la zone : ils sont forcés de vivre dans des conditions déplorables14.
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La stratégie globale utilisée ici vise à dégoûter les habitants du Cabanyal d’y vivre. Les commerces ferment, les prix baissent, les gens partent. Ce sont donc les effets mêmes des actions de Cabanyal 2010 s.a. qui servent d’argument à faveur de la prolongation de l’avenue. Aussi, la municipalité de Valence précise bien que «sans prolongation, il n’y aura pas de réhabilitation». Ces arguments visent à convaincre les habitants de l’utilité (à laquelle il n’est pas possible de renoncer) du plan. La forte cohésion sociale centenaire est mise à mal par la progressive détérioration du quartier. La population s’y divise en deux groupes bien distincts. L’un prône le projet municipal comme sauveur de la situation du quartier, tandis que l’autre multiplie les actions pour sauvegarder la zone. Ces dernières années, la lutte s’intensifie et prend des formes juridiques complexes. Elle s’étend au niveau national.
2004, la loi de Patrimoine Culturel Valencien est modifiée de façon à ce que «les plans spéciaux de protection d’ensembles historiques qui prévoient la modification de la structure urbaine et architecturale dans le cas où ils entraîneraient une amélioration de sa relation avec son environnement territorial ou urbain» puissent être acceptés. Fin 2009, après recours des voisins, une sentence arrive du ministère de la culture espagnol. Il ordonne la suspension immédiate du plan qui ne respecte pas la protection du quartier : il prévoit la destruction du patrimoine espagnol. La preuve de l’illégalité du plan est faite. Aucune hésitation cependant n’émane de la municipalité qui annonce dès la réception du courrier «la prolongation est maintenue».
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Février 2010, un décretloi est adopté, autorisant le PEPRI à modifier la structure urbaine, Bien de Interés Cultural de la zone. Avril 2010, une loi15 interdit tout permis d’urbanisme dans la zona cero, empêchant toute opération de conservation, restauration, rénovation ou réhabilitation légale. Ceci participe plus encore à la dégradation. C’est alors qu’apparaît en mai 2014 un nouveau plan. La largeur de l’avenue est revue à la baisse : le plan prévoit la démolition de 1400 logements, au lieu de 1650. La hauteur des nouvelles constructions sont aussi réduites. 2014 correspond d’ailleurs à une période d’élaboration d’un nouveau PGOU.
Le PEPRI est modifié de façon à mieux convenir et est accepté par la Ministère de la Culture en mars 2015 malgré environs Cabanyal 2010 s.a. devient 30000 contestations Plan Cabanyal Canyamelar déposées à la mairie. s.a. et est dirigée par Ces contestations ne Alfonso Grau, premier viennent pas uniquement adjoint à la alcadesa Rita du quartier mais aussi Barberá, jusqu’au 16 d’autres villes espagnoles, mars 2015, date de sa et même d’ailleurs en démission. Europe.
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Des armes légales, donc. La plus grande menace est l’ordre provenant du Ministère de la Culture de 2009 car les consultations populaires se limitent strictement à ce qui est imposé par la loi espagnole. Le projet n’est influencé par aucun point de vue extérieur, si ce n’est les électeurs de Rita Barberá : les participants aux enquêtes publiques sont choisis, comme nous le verrons plus tard. Les contestations sont ignorées. Il est dirigé par la municipalité, commandé à une agence créée spécialement pour la conception urbanistique de Valence.
Voici les armes de la municipalité de Valence dans la lutte du Cabanyal. Par voies juridiques, modifications et créations de lois, les modifications du plan se font sans grande sensibilité. Il s’agit de mener à bout le projet, porter des œillères, plonger tout droit dans la mer. Selon Harvey, les axes de transport jouent un rôle important dans la ville capitaliste : plus un terrain est accessible, plus il aura de la valeur et de la capacité à absorber le surplus. Quand la municipalité aura réalisé son avenue, les terrains en bordure verrons leur valeur grimper en flèche. Il ne fait nul doute que les pouvoirs publics expulseront, sans rancœur aucune, les populations pauvres qui vivent précairement aux alentours. On imagine déjà les affrontements. affrontements entre forces de l’ordre et voisins en 2010, lors de la démolition de cinq maisons. images : rtve.es et elmundo.es
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depuis déjà 5 ans d’un appartement plaza de la Cruz del Cabanyal, Laura explique qu’il est difficile de se faire une opinion. La prolongation de l’avenue et ses intérêts économiques ferait éventuellement monter la valeur de son bien, qui lui est situé en bordure de la zone menacée. ropriétaire
Ceci mis à part, elle dénonce la barbarie et l’illégalité avec laquelle ces opérations se déroulent, notamment avec le cas de «la Casa de la Palmera», édifice centenaire, selon elle magnifique, qui fut le premier à avoir été détruit en 2008. Il ne reste aujourd’hui que le palmier duquel la maison tirait son surnom. Il constituait un élément protégé pour sa valeur patrimoniale. Son occupation illégale fut un argument suffisant pour sa destruction. Son emplacement est aujourd’hui utilisé comme stationnements depuis que la mairie a entrepris le bitumage de certaines friches.
économie et prolongation chute de l’immobilier et perspectives d’avenir
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I
l est indéniable que la situation actuelle ne permet pas le développement de l’économie, le climat social et l’ambiance du quartier sont hostiles. La zona cero est vide de commerces. Les enseignes qui restent tombent en ruine. Les locaux sont fermés depuis longtemps. Les habitants ne bénéficient pas du confort d’une ville où les commerces de proximité sont omniprésents. Malgré la proximité de la plage, espace attractif par excellence, la saleté, la mauvaise fréquentation, le sentiment d’insécurité, font baisser l’attrait du quartier et les prix de l’immobilier. La nuit, les friches en désordre, les amas de déchets près des poubelles, les façades délabrées et les quelques voitures accidentées font de chaque rue un possible décor pour film d’épouvante.
de destruction, il est abandonné par les fonds municipaux et se trouve dans une condition désastreuse. La municipalité a déjà racheté plusieurs appartements qui sont occupés par des familles sans revenus. L’ascenseur est utilisé comme vide-ordures. Pour un appartement avec vue sur la mer, on propose 32.000 euros.
C’est de cette façon que l’organisme en charge Pour preuve, l’appartement de mener le projet peut voisin de celui de Laura se acheter des bâtiments. vend 40.000 euros, alors Le projet de prolongation qu’il n’est pas situé dans s’apparente à une la zone, mais en bordure. idéologie mono-orientée Un article° paru très vers des effets de récemment dresse l’état croissance économique des Bloques Maritims. pour le Cabanyal comme L’édifice, ensemble de pour la ville entière. En logements sociaux des augmentant la capacité années 50 fut construit de flux de véhicules vers pour les travailleurs du la mer, on en augmente port. Il jouxte l’hôtel l’attrait, la fréquentation, la de luxe de Las Arenas. consommation. Aujourd’hui menacé
La zone peut aussi et surtout s’ouvrir au tourisme déjà si proche : locations saisonnières, ventes de maisons comme résidences secondaires, boutiques souvenirs, petite et grande restauration... Les effets économiques de ce type d’activité n’est plus à prouver, surtout pas en Espagne. Evidemment, la municipalité promet de lancer un programme de réhabilitation, après l’ouverture de l’avenue, vers une croissance économique et démographique. De nouveaux bâtiments, la restauration de ceux qui resteront, de nouvelles conditions de vie urbaine, l’accès aux commerces et une progression motorisée facile vers la mer et le marché. De quoi ravir des voisins fatigués de l’état actuel de leur quartier, s’il ne sont pas déjà partis.
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Mais quelle préoccupation pour la population locale ?
Dans d’autres zones de la ville, la municipalité peine à entretenir ses divers Il existe à ce sujet un projet équipements : l’opéra de Jean Nouvel, Jordi reste sans revêtement Garcés, Ribas&Ribas, de façade, le circuit de de dynamisation du Formule 1 n’est plus littoral, daté de 2002. utilisé. Le ré-aménagement de cette zone tarde à voir Ils proposent divers le jour. Aussi, la région se équipements balnéaires, lance dans l’aménagement et la construction de du Parque Central, parc plusieurs tours réparties qui permettra d’accueillir sur la longueur de la les Aves, trains à grande plage. Une spéculation vitesse espagnols en peu dense. Il existe aussi provenance de Madrid. un projet de «Beach Ainsi, aux vues des Club» avec piscines, bars, difficultés financières solariums, installés sur une plateforme reliant la Marina en haut : ancienne boulangerie, document original à la plage.
éventuelles dans lesquelles se trouve Valence, on a peine à imaginer une relance fructueuse du quartier, si elle n’est pas aidée par une croissance de l’activité balnéaire de loisir. Cependant cette activité induit un risque élevé de spéculation foncière, d’écrasement du genius loci sous une densification massive.
Et si l’attrait du littoral de Valence n’était pas justement ce front de mer modeste et son architecture typique ?
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a toujours vécu de la pêche, habité le cabanyal. il représente ici ceux qui ne supportent plus la situation, paralysée, ceux qui ne croient pas en la possibilité de réhabiliter toutes ces maisons, ceux qui ont depuis longtemps perdu espoir, ceux aussi qui placardent «sí, volem la prolongació». Le projet d’avenue constituerait la manière la plus simple et la plus rapide de rétablir un climat de propreté et d’activité locale, de résoudre le problème. amón
Il qualifie, un peu énervé, la rue de «porcherie». il lance avec nostalgie «avant on laissait la clé sur la porte, comme ça ! il n’y avait aucun problème, c’était tranquille. Avant c’était un quartier merveilleux.» Le problème soulevé ici est la cohabitation houleuse des différentes populations qui vivent dans ce même quartier. Elle provient sans doute d’une différence de cultures : les populations ne se comprennent pas. Aussi, le soir, la nuit, le quartier devient méconnaissable. Il paraît dangereux. Tous les chats sont gris.
populations et division communautés diverses et incompréhensions
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e quartier est rempli de traditions : La Semana Santa Marinera est une tradition Espagnole. Par des défilés, on célèbre la Bible, et l’histoire de Jésus. À Valence, elle est célébrée dans les quartiers maritimes, et surtout au Cabanyal où sont situés les locaux des différentes associations religieuses qui y participent. Les Falles sont la typique fête Valencienne qui attire des millions de touristes chaque année en Mars. Dans chaque quartier il y a une falla, statue géante qui s’enflamme à la fin des festivités. Chaque quartier a des artistes falleros. Ce sont deux communautés très traditionnelles et fermées qui vivent le quartier depuis longtemps. Les Falles ont pour habitude de dénoncer les problèmes sociaux, en dressant des caricatures de personnalités, situations, phénomènes... La fête se veut religieuse, mais son origine est peu connue. Chacun en a une version différente. La Semana Santa, par contre, est une réelle fête chrétienne. Elle est aussi célébrée dans diverses villes espagnoles, Séville ayant le défilé le plus célèbre. à gauche, Rita Barberá est caricaturée par une des petites Fallas du Cabanyal en 2012. photo : Jordi Vincent, elpais.com page de gauche : photographies anciennes de défilés de la Semana Santa Marinera au Cabanyal. En haut, on peut voir une acequia encore ouverte.
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Communautés rrom et gitane Les maisons achetées par la mairie dans la zona cero sont condamnées. Le gaz et l’eau y sont coupés, comme l’électricité. Dans celles qui ne sont pas détruites, il y en a qui restent vides. Il y en a d’autres qui ont une seconde vie : elles sont recyclées par une occupation plus ou moins légale. Une communauté Rrom16 venant d’Europe de l’est s’y est installée et la municipalité ne s’y montre pas si hostile. Il existerait des contrats de bail : les maisons sont louées à des prix très faibles sans électricité, ni eau courante, ni gaz. L’Espagne serait un pays «exemplaire» sur le sujet de l’intégration des Rroms. Pour un peuple nomade, vivant à l’extérieur, le quartier du Cabanyal est intéressant : chaque maison a accès a la rue. Si bien qu’actuellement, ce sont eux qui la vivent plus que les autochtones du quartier : page de droite : une maison délabrée, pourtant condamnée, est habitée par des familles Rrom. document original
les enfants jouent dehors, les adolescents errent en bande, les plus âgés passent la journée à l’ombre, sur le trottoir. Dans les bloques maritims, la méthode qui consiste à acheter des logements pour les condamner puis les détruire ne fonctionne pas autant que dans le reste du Cabanyal. La différence typologique de l’édifice ne le permet pas : les logements sont vidés, et deviennent donc gratuits pour de nouveaux occupants. L’immeuble reste donc habité, et seule la population change. Si aucune gestion commune n’est organisée, les habitants entretiennent leur espace de vie. Des interventions policières ont lieu pour déloger des familles des logements censés être vides. Ils vivent surtout de la vente de ce que les jeunes Rroms trouvent dans les ordures de la ville. Les métaux, meubles, livres, etc... sont récupérés. Une grande partie du recyclage urbain passe dans leurs mains.
Une seconde communauté gitane est aussi installée. Eux viennent d’Andalousie. Même s’ils parlent espagnol, il ne sont pas accueillis à bras ouverts. Ils se confondent avec les Rroms dans les esprits. Cette omniprésence de communautés étrangères semble déranger les anciens du Cabanyal. Aucun effort n’est fait pour les accepter. Il n’y a aucun échange, sinon houleux. Les Rroms et Gitans sont les seuls à sortir la nuit. Ils instaurent, peut-être malgré eux, un climat de peur et d’insécurité. Les rues ne sont pas perçues comme tranquilles. Sans contrôle policier17, la vente de drogues est banalisée.
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soulève ici une ségrégation qui existe entre les différentes communautés présentes dans le quartier. Elle conte l’histoire d’une de ses amies, finlandaise, ayant habité près d’un an dans les bloques maritims. Elle côtoyait alors la communauté gitane, assez présente dans l’édifice, et fut ainsi invitée à un mariage. Les gens du quartier, les Cabanyaleros18, ne lui adressaient alors plus la parole. hiara
Une histoire singulière mais qui a son importance. Comme mentionné précédemment, l’Espagne est qualifiée au niveau européen comme un pays d’accueil exemplaire pour les minorités comme les Rroms19. Seulement, les espagnols seraient, selon les chiffres, ceux qui les accepteraient le moins. Cette tendance se vérifie au Cabanyal. Les anciens se sentent comme volés de leur territoire par une communauté qui ne les comprend pas et qu’ils ne comprennent pas. Les intérêts pour y habiter sont aussi différents : quand les uns y voient l’opportunité presque gratuite d’avoir un toit, les autres sont
attachés à l’endroit et au mode de vie typique qui l’accompagne. Comme les bloques maritims, le Cabanyal compte aussi d’autres édifices modernes qui ont eu la même vocation : loger les travailleurs du port. Les bloques sont situés sur un point névralgique du Cabanyal : la fin de l’hypothétique avenue concentre aussi la Lonja dels Pescadores, la Casa dels Bous, et l’ancienne usine à glace qui sont trois bâtiments d’un intérêt patrimonial notoire. en haut : bloques maritims, document original
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Les bâtiments abandonnés sont aussi occupés ako faisait parti des par des valenciens : le occupants de la casa de la palmera, mouvement okupa est aussi représenté. Sur une il explique que les communautés Rroms et porte condamnée il est gitanes peuvent vivre au gravé «des gens sans cabanyal, mais que lui, maisons... des maisons valencien, fut chassé de sans gens...». Cette communauté revendique 9 maisons. le droit à avoir un toit, face à un système capitaliste et figé. Depuis le début des luttes au Cabanyal, de nombreuses maisons abandonnées sont squattées jusqu’à leur destruction. Seulement, les lois espagnoles sont hostiles à l’occupation «sauvage». Ces occupations sont souvent les prétextes pour les démolitions.
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Une salle de concert et centre social okupada a existé au Cabanyal. Le petit local était situé face à la plage. Le proyecto Mayhem accueillait divers concerts. Un soir, lors de l’un d’entre eux, le plancher s’est effondré sur les spectateurs, dont 15 ont du être emmenés à l’hôpital. Cet événement décida de la fin du centre. Le phénomène de gentrification est un thème important et risqué dans les rénovations urbaines. Les okupas du Cabanyal y sont tout à fait conscients opposés, faute de quoi ils perdraient leur habitat. en haut : détail d’un bâtiment occupé. document original.
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est en pleine rénovation d’une des dernières pièces de la «casa verde del cabanyal». il expose l’initiative comme une nouvelle fonction dans le cabanyal, une communauté légale. Le quartier de leur enfance leur tenant à cœur, ils ont créé dans une ancienne (grande) maison 18 chambres, et bientôt 20, communautaires, avec tout le confort de la vie moderne. aco
Il s’agit de donner une nouvelle jeunesse à ce morceau de quartier, situé loin de la zone menacée, au Canyamelar. C’est d’ailleurs pour cette raison que les travaux ont pu légalement se réaliser. Au Cabanyal, aucun permis n’est attribué depuis 2010, même pour des travaux mineurs, de restauration ou simplement de peinture. Les diverses associations, les quelques collectifs, plateformes d’échanges virtuelles, festivals, projets d’urbanisme ou d’architecture du Cabanyal participent tous fort à un mouvement social urbain qui réagit aux misères infligées par les pouvoirs publics. Il en est dressé ici un inventaire. Le mouvement du Cabanyal est un phénomène extrêmement intéressant qui sera développé au cours de la dernière partie du mémoire.
initiatives populaires et frein municipal inventaire des actions et initiatives
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SALVEM EL CABANYAL-CANYAMELAR Salvem el Cabanyal est la plateforme la plus active dans la lutte du Cabanyal. Formée en 1998 lors de l’annonce du plan, les actions se sont multipliées. Elles vont de l’organisation de dîners populaires, portes ouvertes et divers événements, à la lutte légale contre le projet. De nombreux textes, projets, et contestations sont publiés.
ASSOCIACIÓ DE VEINS i VEINES CABANYAL-CANYAMELAR L’association des voisins et voisines du CabanyalCanyamelar est un comité de quartier s’opposant au plan et prônant la réhabilitation.
ELS VEINS DEL CABANYAL, SÍ VOLEM LA PROLONGACIÓ Une association des voisins qui désirent l’accomplissement du projet. On trouve en grande partie des membres qui ont perdu espoir dans la réhabilitation, lassés de la déchéance dans laquelle tombe le quartier. En prolongeant l’avenue, on règle tous les problèmes radicalement.
CABANYAL ANTIC, VORA MAR, VELL CABANYAL... Ce ne sont pas des associations officielles, ce sont des pages internet. Des plateformes sur lesquelles sont envoyées chaque jour des dizaines de photographies d’époques localisées au Cabanyal, sur le port, la plage. Les photographies viennent des archives personnelles des voisins qui mettent en ligne leurs possessions graphiques avec bon cœur, accompagnées d’un soupçon de nostalgie.
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PROYECTO CRAFTCABANYAL Le projet Craft Cabanyal est un travail collectif de la plateforme Salvem el Cabanyal, participatif et artistique qui se positionne contre la démolition du quartier : il en montre la beauté. La sensibilité de trois générations d’habitants est exprimée par diverses techniques : broderie, patchwork…
CABANYAL ARXIU VIU Cabanyal Archivo Vivo est sûrement le projet artistique le plus complet du quartier. Il permet aux usagers de retrouver des traces du passé en arpentant le quartier. De nombreux documents : photographies, enregistrements, textes… sont cachés dans des petites boites et dans tout le quartier. Le projet a reçu le prix Europa Nostra, remis par la Reine Sophia en avril 2015 à au terme de laquelle il semblerait que Madrid. (cérémonie Rita Barberá se soit fait remonter les bretelles..)
CASA VERDE DEL CABANYAL À l’initiative de Paco, notre interlocuteur, une immense maison est louée au Canayamelar pour y aménager des chambres étudiantes. La maison étant en piteux état, un projet de restauration est lancé, allant jusqu’au gros œuvre. Le projet va plus loin en créant la première colocation légale de la Communauté Valencienne : 18 chambres sont louées à des étudiants avec des baux courts. Des animations typiques sont proposées, car les habitants sont en grande partie des étrangers.
ARQUITECTURA SE MUEVE Arquitectura se Mueve est un collectif d’étudiants en architecture, jeunes architectes, jeunes activistes, qui propose des cours de sensibilisation dans les universités et sur place. Un local est aménagé dans une maison de la zona cero. « ça sera la première à tomber s’ils réalisent l’avenue ! » . Des expositions de projets sont aussi organisés.
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CABANYAL Y LOS DEMÁS Cabanyal y los demás est un projet indépendant et mené par une étudiante en architecture française et une jeune architecte française20, venues de l’école d’architecture de Strasbourg. Le projet consiste à se déplacer dans la ville de Valence pour y recueillir des témoignages sous forme d’enregistrements. Les avis sur différents thèmes relatifs au Cabanyal sont ensuite présentés sous forme d’une exposition et d’une vidéo.
VIU AL CABANYAL Viu al Cabanyal est une association s’apparentant à une agence immobilière : elle a pour but de faciliter les rencontres entre propriétaires et locataires éventuels. Pour faire vivre le Cabanyal, vous faire y vivre.
L’ESCOLA DEL CABANYAL L’escola del Cabanyal a investi une ancienne école du quartier. En plus de participer à la vie d’un bâtiment, c’est maintenant un centre social proposant de multiples activités : cours de danse, concerts de flamenco ou autre, soirées thématiques, expositions…
CABANYAL ÍNTIM Cabanyal Intim est un festival de théâtre. Il a lieu dans tout le quartier, chaque année pendant 4 jours, à l’intérieur des maisons, greniers, terrasses privées. Les représentations se donnent en petits comités, en toute intimité. Le festival permet donc de visiter de nombreux bâtiments et d’en apprécier les vertus.
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CABANYAL PORTES OBERTES Les portes ouvertes du Cabanyal sont organisées par la plateforme Salvem el Cabanyal. Sur initiative personnelle, les portes sont ouvertes et les maisons deviennent galeries d’exposition, salle de projection, salle de performance… Divers projets sont montrés et les rencontres sont aisées. Le tout dans la bonne humeur et dans la conviction de sauver le quartier.
CABANYAL Z Cabanyal Z (prononcer « zeta ») est une mini-websérie mettant en scène le Cabanyal, meurtri, montré comme le théâtre d’une invasion de zombies. Le quartier délabré sert de décor à des scènes d’apocalypse. Le personnage de Rita Barberá est hautement diabolisé. La série a reçu en 2015 un prix destiné aux webséries venant d’argentine.
EL CRIT D’UN BARRÍ / ABRIL AL CABANYAL Réalisés par Sergí Tarin, journaliste et activiste, se sont deux films montrant l’état du quartier et la violence des luttes urbaines au Cabanyal. La principale motivation est de diffuser le problème à un niveau national, voire international.
WORLD MONUMENTS FOUND Le quartier du Cabanyal est inscrit depuis 2012 à la world monuments found comme patrimoine mondial en danger.
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LISTA ROJA DEL PATRIMONIO / HISPANIA NOSTRA Espania Nostra est une association espagnole qui lutte pour la sauvegarde du patrimoine en péril. La liste rouge du patrimoine inclut le quartier du Cabanyal depuis 2012. Le quartier a aussi fait l’objet d’une parution dans le magasine d’Hispania Nostra en 2011.
LAPEPRI Le site lapepri retrace l’histoire du projet PEPRI. Il propose une galerie des divers projets proposés par divers architectes au cours du temps. Il propose aussi un projet, sous forme d’une application ludique pour réhabiliter -virtuellement- le quartier.
PROLONGAR EL CABANYAL Prolongar el Cabanyal est un projet de Tato Herrero, architecte, professeur, doctorant avec une thèse sur le sujet du quartier, et activiste au sein de Salvem el Cabanyal. Plutôt que prolonger l’avenue, prolonger le Cabanyal.
PASSAR SENSE TRENCAR Passar sense Trencar est un projet urbain développé par les architectes français et espagnols Bordas+Peiro. Le projet a été réalisé après une table ronde lors de portes ouvertes du Cabanyal et a fait l’objet de conférences et expositions.
119
PROJETS D’ÉTUDIANTS Divers projets de fin d’études proposent des aménagements urbanistiques qui n’incluent pas de prolongation de l’avenue : certains s’intéressent à l’espace de conflit entre l’avenue et le quartier (pote de mati), d’autres à l’aménagement général du quartier, ou encore à l’espace laissé libre par la destruction du quartier du Clot, architectures éphémères, construction de nouveaux équipements, la réhabilitation de la Lonja dels Pescadores, rénovation des Bloques Maritims...
GUÍA PERCEPTIVA DEL CABANYAL Des artistes et architectes ont réalisé un guide de lecture du Cabanyal, mettant en valeur la manière dont il est vécu, son patrimoine architectural, etc... David Estal, Celicia Rodríguez, Alfonso F. Morote y Ester Travel, 2015
LA MÁS BELLA PLAYA La más bella est une revue-objet fondée en 1998. L’édition La más bella playa est un kit de plage sur le thème du Cabanyal.
TIME TRAVELLERS CABANYAL À travers l’utilisation de smartphone, tablette... utilisant les coordonnées GPS, des reconstitutions 3d des bâtiments détruits permettent à l’usager de se projeter dans le passé et d’apprécier la qualité de l’espace bâti originel.
+D’autres projets ou études existent encore. Malgré
cet amas de paroles, collectifs, organisations en tous genre, projets, initiatives plus ou moins populaires, la municipalité de Valence reste sans réactions. Devant un tel foisonnement d’actions et réflexions inconsidérées, il apparaît intéressant de se pencher sur les façons possibles de faire la ville.
Notes
1,2 : Les livres anciens sont numérisés par les bibliothèques. Divers articles portant sur l’histoire de Valence ou du Cabanyal y font référence. 3 : écrit de Vicente Blasco Ibáñez dans une revue « El Pueblo » de 1901 4 : la gare de Fusta serait la première gare ferroviaire d’Espagne. Elle relie le port au centre ville, par un tracé qui est aujourd’hui l’avenue des Orangers (avingunda des Tarongers) et qui est axe principal de circulation des tramways. 5 : Calle Arturo Soria, Madrid 6 : la politique de répression et de conservatisme menée par Franco est un frein au développement. Plus tard, vers la fin du franquisme, sa politique s’ouvre vers le
développement, c’est le « desarollismo » qui amorce la monté du tourisme de masse en Espagne. 7 : de nombreux projets pour la fin de l’avenue sont proposés par divers architectes : arches, tours jumelles, places… 8 : Rosa Pastor, auteure de la thèse sur la morphologie du Cabanyal, assure que la quartier est un exemple d’architecture bioclimatique et soutenable. Levante-emv, 9 décembre 2014 [En ligne] Disponible sur levante-emv. com 9 : cette affirmation est peut-être excessive 10 : Francesc Jarqué est un photographe de Valence, et professeur. Son travail s’intéresse aux traditions du pays valencien, au franquisme, et à décrire des idées à travers de photographies. Il est auteur de nombreux livres. 10b : voir à ce sujet le
mémoire de Pierre-Édouard Vilquin, 2015, Le marketing urbain à Valence. 11 : IVVSA : Instituto Valenciano de la Vivienda, s.a. AUMSA : Actuaciones Urbanas Municpales de Valencia, s.a. 12 : Expolio Bajo Otro Nombre, titre d’un article de la World Monument Foundation 13 : On peut trouver d’autres chiffres : la municipalité considère qu’il ne s’agit que de 10% des « poblats maritims » qui incluent aussi le Cap-deFrança et le Canyamelar. 14 : la société Plan Cabanyal-Canyamelar s.a. gère 5 baux. 15 : il est apparu en avril 2015, que cette « loi » n’existait pas. La mesure de ne plus accorder de permis d’urbanisme dans la zone a été prise par la municipalité après l’ordre de paralyse du
plan émanant du Ministère de la Culture espagnol. Cet ordre ne paralyse que le plan de la municipalité, le PEPRI, et non les permis d’urbanisme comme affirmé. 16 : l’orthographe « Rrom » est préférée à « Rom » qui renvoie au peuple Roumain. Les Rroms ne sont pas spécifiquement Roumains. Bien qu’issus d’Europe de l’Est, il s’agit de communautés nomades. 17 : la police ne s’aventure pas ou très peu au Cabanyal la nuit. 18 : habitants du Cabanyal 19 : voir El Huffington Post, 2013, La France expulse les roms et démantèle leurs campements, tandis que l’Espace les ignore [en ligne] Disponible sur huffingtonpost.fr 20 : Mathilde Lefèvre et Charlotte Vaxelaire
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Film
Entrevista
Inédit
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Wikipedia Valence (Espagne) Valencia Rita Barberá Historia de la ciudad de Valencia Huerta de Valencia Tourisme de masse Comunidad Valenciana Cabañal-Cañamelar Poblados Marítimos Barraca (vivienda) Joaquín Sorolla Vicente Blasco Ibáñez El Pueblo (diario de Valencia) Ciutat Jardí Guerra civil española Gran Riada de Valencia Plan Sur Fransisco Franco Aragón Jaime I de Aragón Conquista de Valencia por Jaime I Llibre del Repartiment de Valencia Josep Cristòfol Sorní i Grau Reconquista Siècle d’or valencien Guerre d’Espagne Grao Trenet de Valencia Luis Domenech i Montaner Ciudad Lineal Arturo Soria Jardín del Turia Bulle immobilière espagnole Désamortissement espagnol Crise économique espagnole Movimiento ocupa Miracle économique espagnol Benidorm Fransesc Jarque Bayo Espagne franquiste Ebenezer Howard
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2 CARTOGRAPHIE de CONTROVERSE
127
L
a cartographie de controverse est une méthode initiée par Bruno Latour, professeur à Sciences Po Paris. Elle répond à une surabondance d’informations divergentes sur un même sujet, provoquée par le développement récent des outils de communications et des technologies. Elle peut évidemment s’appliquer à nombre de sujets controversés. Comme chaque sujet est analysé par différents scientifiques, experts, chercheurs, etc… énonçant des opinions divergentes, il se forme une sorte de chaos idéologique autour des conflits. Il y a maintenant nécessité de cartographier la controverse. Cela consiste à ré-organiser les informations pour les retranscrire de manière graphique. Je ne prétends pas reproduire ici toutes les façons complexes initiées et développées par M. Latour21. Je propose et essaye d’une méthode d’analyse de conflit en étant inspirée. Cette méthode est alors un outil de recherche de solutions possibles. Il s’agit ici d’appliquer une méthode souvent utilisée lors de conflits sociaux ou politiques, trouver des formes de dissolution de notre controverse urbanistique en ayant conscience de l’impossibilité de proposer la seule solution universelle à des problématiques riches. Pour cartographier, on utilise ici des données encodées automatiquement, par le travail de journalistes plus ou moins locaux. Les coupures de presse sont analysées de manière digitale : identification des acteurs, étude quantitative et classifications des mots, mise en évidence des enjeux... Dans le cas du cabanyal, on identifie vite une controverse liée au projet de prolongation de l’avenue Blasco Ibañez. La controverse est un mélange hétérogène d’informations, dont certaines se rejoignent contre d’autres. Devant une telle richesse, la cartographie de controverse parait être un outil intéressant.
Pardon ?
cabanyal plan barrio ayuntamiento blasco ibáñez barberá vecinos prolongación salvem gobierno avenida rita contra cultura municipal pepri tribunal europa mar proyecto protección derribos orden ministerio patrimonio zona grupo grau viviendas generalitat socialista asociación sentencia urbanístico casas obras rehabilitación cultural licencias
3896 1295 1279 1045 869 833 750 669 666 652 551 529 461 448 425 424 413 371 338 294 326 274 272 266 247 245 235 243 219 232 210 200 195 194 208 183 186 184 189 190
suspensión empresa interés compromís paralización pronlogar histórico sociedad edificios oposición vecinal proyectos barri degradación futuro vivienda inmuebles popular ejecución asociaciones política social policía modificación desbloquear casa licencia bulevar pescadores iniciativa obra expropiaciones rehabilitar barrios pla socialistas paralizado solución planeamiento solares
136 131 124 127 131 115 130 108 103 109 117 100 100 90 89 81 87 78 75 72 104 92 63 56 100 55 60 57 59 59 54 72 53 48 43 54 62 48 50 89
destrucción demolición poder ciudadana ciudadanos protegida planes colectivo paraliza políticos construcción l’ajuntament paralizar ejecutar teatro vecinales vida mantiene derribar adaptación govern arte expropiación participación historia universidad valor estudiantes desalojo resitencia okupas compromiso alternativas turísticas protesta manifestación diálogo alegaciones derribo expolio
67 56 46 48 42 60 38 71 47 40 43 36 36 41 38 37 38 37 47 59 35 33 48 50 38 85 50 29 30 35 73 20 29 18 65 84 49 49 164 156
129
La collecte, assistée par ordinateur, des mots les plus utilisés dans une série de coupures de presse (26.154 mots de 2735 articles au total)22 permet de générer un nuage de mots pondéré23. C’est la base de l’étude. On a ici une première approche de la controverse; on en saisi le sujet et les premiers principaux acteurs. Pour aller plus loin, nous allons classifier ces mots, pondérés, par thématiques : acteurs, et oppositions. Un classement chronologique permettra de suivre l’évolution de la controverse sur une période de 17 ans (1998-2015).
CARTOGRAPHIE DE CONTROVERSES
130
ns
tio
cia
so
as
es universitair
okupas et communautés marginales
EL CABANYAL DE VALÈNCIA
et ct
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socialistes
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Acteurs
131
Rita Barberá Nolla : 1948-…
Alfonso Grau : 1941-…
Rita Barberá est née à Valence et maire depuis 1991, soit environs depuis 24 ans. Elle commence sa carrière en tant que journaliste : elle couvre l’actualité judiciaire et urbanistique de Valence. Elle est titulaire d’une licence en sciences politiques et sciences économiques et de l’entreprise. Elle est membre du Partido Popular, parti espagnol de centre-droite. Elle se présente en 2015 en vue d’un septième mandat.
Alfonso Grau est dit « le numéro deux » de Rita Barberá. Il naît non loin de Valence en 1941. Il est docteur en médecine et est chirurgien à l’hôpital universitaire de Valence. En 1995, il rejoint la mairie de Valence. Il est vicemaire depuis 2011 et s’occupe des Grands Projets et du Tourisme jusqu’en mars 2015, où il démissionne de ses fonctions étant accusé d’un cas de corruption politique présumée24 (affaire Nóos).
À
gauche, un schéma illustre la part jouée par les différents acteurs dans la controverse sur une période de 17 ans.
maire. La catégorie «autres politiques» regroupe notamment l’UE, d’autres ministères espagnols, et quelques plus petits partis politiques. Les classes politiques sont reliées aux autres acteurs, dans la controverse, par les forces de l’ordre.
de l’avenue et œuvrent contre. Les voisins se divisent entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.
Les universitaires sont un tiers-acteur. Ils apportent des connaissances On peut remarquer la théoriques utiles et part ainsi jouée par les réfléchies. Ils appuient diverses personnalités ou Le tiers restant représente souvent les causes institutions politiques : en les voisins, associations et défendues par les voisins. gris clair, elles représentent collectifs, communautés Ils sont peu souvent les deux tiers des acteurs. marginales (en ce compris considérés par les Les politiques se divisent Rroms et gitans) et okupas politiques municipaux. Le en plusieurs groupes, plus (pages précédentes), actifs groupe inclut les étudiants ou moins éloignés de la dans la controverse et sur réalisant des travaux sur controverse. Les deux plus le terrain. Les associations le sujet, et les prises de grands acteurs sont Rita et collectifs sont position de l’université Barberá, maire de la ville, généralement opposés et de l’université et Alfonso Grau, viceau plan de prolongation polytechnique de Valence. Gardons à l’esprit qu’il s’agit de proportions crées par les médias en encodant la controverse : il ne s’agit que d’une proportion perçue par le spectateur. Les parts réelles nécessitent de prendre en compte de nombreux facteurs humains ne pouvant s’analyser quantitativement.
gouvernement municipal
rita barberá alfonso grau
O
n peut ici apprécier socialistas ministerio chronologiquement les proportions europa d’actions des différents acteurs. tribunal En bas, en gris foncé, sontpolíticos représentés les acteurs de terrain : voisins; policía collectifs; voisins associations, en haut, les acteurs assos; collect politiques. Entre les deux grands groupes univ. se situent les forces de l’ordre. On peut remarquer les interventionsokupas ponctuelles du gitanos Ministère de la Culture espagnol.
acteurs politiques divers
ministère de la culture (apparitions ponctuelles)
forces de l’ordre
voisins, associations, collectifs
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
universitaires okupas
133
G
éographiquement, sont ici représentés les acteurs selon leur rapport au lieu de la controverse. On peut voir que les principaux acteurs (politiques) se trouvent plus éloignés. Ainsi, ils ne la vivent pas de la même manière.
UE
M
T
G
AG RB
A,C...
V
ECHELLE LOCALE MUNICIPALE
NATIONALE
EUROPEENE
orden sentencia licencias suspensión paralización paralizado degradación mantiene rehabilitar rehabilitación futuro ejecución desbloquear solución vida planeamiento urbanístico expropiación política obras poder planes desalojo adaptación modificación social iniciativa diálogo alegaciones ciudadana colectivo participación compromiso alternativas protesta manifestación resistencia prolongación proyecto prolongar derribos destrucción demolition expolio protección patrimonio interés cultural pescadores protegida histórico arte historia valor
ordre sentence permis de bâtir suspension paralyse paralysé dégradation maintien réhabiliter réhabilitation futur exécution débloquer solution vie planification urbanistique expropriation politique chantiers pouvoir plans délogement adaptation modification social initiative dialogue allégations citoyenne collectif participation compromis alternatives protestations manifestations résistance prolongation projet prolonger destructions destruction démolition spoliation protection patrimoine intérêt culturel pêcheurs protégée historique art histoire valeur
Petit lexique
135
C
omme depuis la première partie du travail, l’étude est axée sur des témoignages et ressentis in-situ de différentes personnes. Nous considérons ici le témoignage de Xavi : « un quartier à aimer et à détester, sale et propre, clair et obscur » dit-il, l’esprit poète. Ainsi, on s’oriente vers une zone qui regorge de contrastes, d’oppositions, de contradictions; cartographions-les. Nous identifions plusieurs paradoxes fondamentaux de la controverse en mettant en relations certains mots préalablement sélectionnés. Ces mots sont contradictoires. Ils sont associés de façon à créer des thématiques. Chaque thématique est ensuite analysée de façon chronologique, sur une période de 17 ans. Nous verrons qu’un certain équilibre règne entre les oppositions : la controverse est forte des deux côtés, ce qui contribue à la paralyse. Les thématiques sont ensuite cartographiées en utilisant la structure géographique des acteurs (pages précédentes). Les relations sont représentées par les traits : les confrontations sont représentées en pointillés. Étant une méthode graphique, la cartographie de controverse ne comporte pas de conclusion. Elle est laissée à la libre appréciation.
Thématiques : oppositions, paradoxes
EL CABANYAL DE VALÈNCIA
136
/
CARTOGRAPHIE DE CONTROVERSES
2015
2014
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2012
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On représente ici le paradoxe fondamental qui règne dans l’idée de la destruction pour la protection. Le P.EP.R.I. prévoit la prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez comme la conservation du quartier. Ce paradoxe donne lieu à la polémique. Il y a aussi opposition entre la destruction et le concept de patrimoine et d’élément urbain protégé, comme l’est la trame urbaine du quartier.
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protegida
protección
expolio patrimonio prolongación proyecto
interés cultural
P.E.P.R.I.
destrucción derribos demolición
arte valor
historia histórico
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Il y a opposition entre deux manières de penser la ville. L’une est dessinée depuis le «haut» : un grand projet donne naissance à un plan rédigé par une agence d’architecture ou d’urbanisme, puis acceptée par des acteurs politiques. Au citoyen maintenant, de choisir son lieu de vie. L’autre se crée de manière participative : chacun construit sa ville, est acteur de son propre environnement urbain. Par de nombreuses actions et manifestations, cette seconde approche est vivement demandée aux autorités pourtant plus intéressées par la première : on appelle au dialogue, à la participation collective. Devant le refus, l’ignorance, la nonconsidération, la controverse naît et ne cesse d’exister.
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expropiaciones desalojo obras
política poder adaptación compromiso
alternativas manifestación protesta iniciativa resitencia alegaciones participación ciudadana colectivo social diálogo
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La ville est un environnement évolutif. Pourtant la situation de la zone du Cabanyal est paralysée depuis de nombreuses années. Deux idéaux s’opposent sans relâche et avec force. Au-delà des deux possibilités, la controverse se transforme : la motivation commune, autant celle de tous les voisins comme celle des acteurs politiques, est le déblocage de la situation. Cependant il semble qu’aucun des acteurs ne se délogera de sa position : il y a peutêtre un dialogue, mais les acteurs sont sourds.
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sentencia
orden paralización
suspensión licencias
mantiene ejecución
rehabilitación
paralizado
solución futuro
desbloquear
vida degradación
solución
Notes
21 : À travers d’un ouvrage, «Cogitamus, six lettres sur les humanités scientifiques», Bruno Latour affirme une volonté de «vulgariser» sa pensée - 20 ans d’analyse de controverse - pour une étudiante allemande en échange à Paris.
Je n’ai pas eu l’occasion de recevoir des lettres de M. Latour, mais je considère, en allant dans son sens, certains essais de «vulgarisation» de cette pensée. Je m’appuie donc sur des articles, résumés d’ouvrages, et surtout sur l’explication de la cartographie de controverse que m’a fait un de ces étudiants de cette année académique.
22 : La base de donnée est la collecte d’articles au sujet du Cabanyal que la plataforma Salvem el Cabanyal répertorie sur son site internet depuis 17 ans.
BASTIN, Gilles, 2010, « Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques », de Bruno Latour : la science comme un puzzle [En ligne] Disponible sur lemonde.fr
Blogs
23 : Après analyse par un logiciel de SEO (Search Engine Optimisation) de la base de donnée, les mots sont sélectionnés et classés. Facilement convertis en pourcentages, ils sont
ré-encodés dans un script générant le nuage de mots pondéré. 24 : L’affaire Noos est un cas de corruption présumée, impliquant entre autres M. Grau et plusieurs membres de l’administration de la Cité des Arts et des Sciences de Valence.
Bibliographie
Ouvrages HERRERO GARCIA, Luis Fco. et al., 2012, Editorial, Congreso internacional sobre Permencia y transformatción en conjuntos historicos - Valencia, Universitat Politècnica de València (147 p.)
Articles COTELETTE, Patrick, 2010, Bruno Latour, Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques, Lectures [En ligne] Disponible sur http:// lectures.revues.org/1208
DUCLERT, Vincent, 2011, Cogitamus - Bruno Latour [En ligne] Disponible sur larecherche.fr
Résumé LATOUR, Bruno, 2010, Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques (description) [En ligne] Disponible sur brunolatour.fr
TERTRE, Marc, 2010, Bruno Latour en latin de cuisine [En ligne] Disponible sur blogs.mediapart.fr
Hyperliens
http://bruno-latour.fr http://www.cabanyal.com/ nou/resultat/ http://www.medialab. sciences-po.fr/fr http://www. mappingcontroversies.net http://controverses. sciences-po.fr/archiveindex/
Videos
La cartographie des controverses, Bruno Latour [en ligne] Disponible sur youtube.com DE GAULE, Basile, PINSARD, Fleur, 2011, mapping controversies [en ligne] Disponible sur vimeo. com CARLO, Jean-Michel, 2011, Entretien avec Bruno Latour [en ligne] Disponible sur vimeo.com Medialab Bruno Latour Sciences Po, [en ligne] Disponible sur vimeo.com Medialab Sciences Po, MACOSPOL Teaser [en ligne] Disponible sur vimeo. com
3 perspectives prospectives
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près une approche sensible et une cartographie de controverse, l’identification des acteurs, du problème socio-politique et de sa chronologie, il paraît intéressant de se pencher sur les possibles futurs pour ce phénomène social urbain. Il en résulte un quartier de paradoxes et de contrastes, selon Xaví M, « un quartier à aimer et à détester, sale et propre, clair et obscur » dit-il, l’esprit poète « Le jour, c’est très tranquille. Seulement, la nuit, il y a des zones où l’on ne doit entrer. Le quartier est dégradé et abandonné par l’administration publique. Juste à côté d’une maison à moitié détruite, on trouve une restaurée et de luxe. Je me réfère aux zones non affectées par la prolongation; dans la zone de prolongation, on pourrait tourner un film de guerre balkanique.. » Les deux parties montrent ainsi un refus d’évolution. Se retourner vers le passé n’apparaît cependant pas comme une bonne option. On risque la création d’un pastiche, dans un essai de redécouvrir une forme de vie passée qui ne réapparaîtra surement jamais. On risque aussi bel et bien de détruire une zone urbaine qui regorge d’opportunités pour créer, inventer une forme nouvelle de façonner la ville. Le système urbain existant, et sa partielle destruction apparaissent comme un terrain de jeu pour de nombreux artistes, architectes, urbanistes, particuliers ou autres êtres créatifs d’une idéologie nouvelle et encore à créer. Nous soulignerons d’abord la persévérance et l’énergie avec laquelle la lutte urbaine du Cabanyal est menée depuis plus de 16 ans. Nous montrerons le rapport qu’elle a avec celles d’autres villes européennes.
Mouvements sociaux urbains Résistance et revendications
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Erreurs
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n peut relever une série d’erreurs commises au cours de l’histoire moderne de la ville et de l’évolution du problème urbanistique qui nous intéresse. Valence cumule les scénarios traditionnels de rénovation urbaine : projets-bulldozers25 menés avec de grands enjeux économiques, développement sur un modèle de ville entrepreneuriale, densification de la ville moderne.
Ce dernier phénomène représente singulièrement la différence de politique urbaine entre la gauche et la droite. Le PGOU de 1988 a été pensé pendant une « parenthèse socialiste », terme avancé par Josep Sorribes, professeur d’économie à l’Universitat de València. Un plan contenant une certaine quantité d’erreurs, mais qui prévoyait des aires urbaines moins denses qu’elles le sont actuellement. Il prévoyait le développement de zones telles que celle de l’avenue de France : aujourd’hui c’est une avenue qui s’arrête brutalement sur des voies de chemin de fer, avant la zone abandonnée et pourtant si importante du circuit de Formule Un. Même si le gouvernement socialiste fait des erreurs dans le Plan Général, il prend en compte une certaine qualité de vie : l’Avenue de France se termine au port, sur la Méditerranée et y relie le centreville; dans les parties modernes de la ville, le confort de vie est privilégié au règne des promoteurs. C’est aussi pendant cette période socialiste que se décide et se crée le jardin du Túria, au terme d’une lutte urbaine qui concerne toute la ville.
Enfin, le cas du Cabanyal et la prolongation de la dite avenue est laissé sans réponse, et c’est peut être là une erreur. En laissant dans les écrits du plan une telle flexibilité, le gouvernement suivant, qui est toujours en activité au moins jusqu’en mai 2015, en profite pour commencer les opérations de prolongation. La politique de la ville change en 1991, à l’arrivée au pouvoir du Partido Popular, dirigé par Rita Barberá. Il s’opère ainsi un changement quant à l’idéal projeté de la ville moderne. On passe de l’idée de constructions hautes et groupées pour libérer de l’espace vert et public, à des constructions économiques et donc rentables, vers l’exploitation du sol urbanisable. Ainsi le devenir de ces nouvelles parties de ville est confié aux promoteurs dont le mot d’ordre reste la rentabilité. Il s’en suit une profonde densification. On peut aussi noter une double erreur quant au vote du plan du Cabanyal en 1998. Rappelons l’anecdote.
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u cours de l’année 1997, le gouvernement de droite Valencien annonce l’éventualité de prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez. Le Cabanyal réagit aussitôt, et se créent diverses associations, dont la Plataforma Salvem el Cabanyal. L’année suivante, trois plans sont donnés à consultation populaire : deux incluent la prolongation de l’avenue de différentes manières, le dernier préserve la majorité du quartier mais crée une place, articulant l’avenue et la quartier. Un plan sera accepté après vote. Ainsi, la municipalité donne une certaine flexibilité au plan, et l’opportunité de participer à la décision.
PERSPECTIVES PROSPECTIVES
L’initiative n’est pas saluée par les pouvoirs publics. Bien que déposée, l’alternative n’est pas considérée. Le plan prévoyant la prolongation avec une largeur réduite et un tracé s’adaptant à l’orientation de la trame du quartier est accepté, avec seulement 62 avis. Il ne fait aucun doute que ces avis émanent de membres du gouvernement ainsi que de promoteurs intéressés : les 3000 voisins, principaux concernés, n’auront signé que la solution alternative. Une erreur de la part des voisins : ne pas avoir profité de l’opportunité de sauver la majorité du quartier. L’option de la création d’une place était finalement un compromis intéressant, supposant la destruction de seulement quelques îlots... Qui représentent tout de même une grande partie du quartier. Cette place est tout de même prévue par le P.E.P.R.I. : un ensemble moderne articule l’avenue existante avec la nouvelle trame à travers le quartier.
Pourtant aucune des trois options ne plaît aux voisins ni aux associations. La Plataforma Salvem el Cabanyal propose une alternative : une quatrième solution. Près de 3000 avis favorables sont recueillis pour Une erreur démocratique de la part du celle-ci.
gouvernement : ne pas avoir considéré la voix du peuple, et les milliers de contestations populaires lors de la consultation populaire. Il s’agit peutêtre d’une erreur quant à la façon de concevoir la participation citoyenne. Bien que soumises à consultation, les solutions ne sont pas soumises à modifications, à discussion, débat. Il n’y a pas ici l’idée de co-création : trois solutions supposant toutes la destruction d’un ensemble sont imposées par un pouvoir central.
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La construction ultra-rapide de la ville moderne, s’impose sur Valence. L’idéal de la ville plus confortable, assistée par des systèmes mécaniques comme les ascenseurs, les automobiles particulières, les climatisations, est construit sur des terrains agricoles. Ces terrains n’étant pas libres, car cultivés, ils sont expropriés. Ils sont cependant vides de constructions et c’est ainsi que la ville se crée de toutes pièces autour de l’avenue. Très idéalisée mais sans âme, elle progresse, prend du terrain et se densifie, détruisant au passage les modes de vie traditionnels et ruraux, comme on peut encore le voir avec l’exemple probant de la maison de Juan-Lú à Benimaclet. En arrivant au niveau du Cabanyal, le scénario change et provoque la controverse. Il s’agit maintenant de reconstruire la ville sur la ville : une remise en question du tissu traditionnel, du rapport à la mer, des architectures, des modes de vie bien ancrés, des quartiers s’impose.
On peut noter des similarités entre des histoires Bruxelloises, et celles qui sont d’actualité depuis des décennies à Valence. On assiste alors à un scénario possible de Bruxellisation26 encore timide. À Bruxelles, les expériences sur le sujet ne manquent pas. Le phénomène tout entier apparaît comme une erreur. On se souvient de la lutte des Marolles, où l’hypothétique écrasement, redondant, d’un tissu Bruxellois typique par des projets de tours modernes soulève un quartier entier : une lutte relativement gagnée qui permet à un quartier de rester authentique et vivant. À l’inverse, on croise dans chaque rue de la capitale des vestiges d’une Bruxelles disparue sous la spéculation. On peut noter des similarités avec des histoires Parisiennes.
On entend, par co-création, e un processus de participation active à la chos t comme proje du t débu le dès s idéré cons sont ens publique : les citoy considérer le vote comme un acteurs de l’élaboration du projet. On peut é de participation moindre. degr un ède poss processus de co-décision, qui
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Ouvrir une avenue, embellir, assainir, sécuriser... ne serait-ce pas des idées venues tout droit de la capitale française du dix-neuvième siècle ? Pendant le règne de Napoléon III, au Second Empire, le Baron Haussmann mène à bien un projet global de réforme urbanistique à Paris. Pendant vingt-cinq années, différents quartiers sinueux, sales et pleins de vie sont percés par d’immenses avenues connectant les monuments de la ville. Citons un passage de l’ouvrage Le droit à la ville, que publie Henri Lefebvre en 1968 à ce propos :
«Le baron Haussmann, [...] qui s’érige au-dessus de la société pour la traiter cyniquement comme le butin (et pas seulement l’enjeu) des luttes pour le pouvoir, [...] remplace par de longues avenues les rues tortueuses mais vivantes, par des quartiers embourgeoisés. [...] C’est pour «peigner Paris avec des mitrailleuses» (Benjamin Péret). Le célèbre baron ne s’en cache pas.»
PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Le contexte politique est évidemment très différent : on ne parle pas de démocratie, et encore moins participative. Il existe un certain rapport de classes très prononcé, et ce sont les bourgeois qui vont repeupler les nouvelles avenues. On assiste à une gentrification massive au prix des logements des pauvres, autrefois condensés dans le vieux Paris. Ici on ne considère pas acheter ces logements, mais bien les exproprier pour cause d’utilité publique. Au delà de l’œuvre de Haussmann, divers projets spéculatifs ont changé le paysage parisien, au terme de luttes urbaines, de revendications citoyennes27. À Bruxelles comme à Paris, il s’agit de détruire une ville et une vie existante pour reconstruire à neuf : une ville de seconde génération, peuplée d’une seconde génération. Pour se pencher sur ces phénomènes, on s’intéresse aux œuvres de David Harvey et de Henri Lefebvre, qui ont tous deux cherché à comprendre les relations entre l’espace bâti et la capital. Angle du faubourg Saint-Honoré et de la rue Royale, 1871 - Photo: Roger Viollet
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David Harvey, britannique, universitaire de la ville de New-York, s’intéresse fondamentalement à explorer ces relations, qui existent entre l’espace et le capital, jugeant cette notion trop peu développée dans les travaux de Marx. Dans Espaces de capital, vers une géographie critique (2001), Harvey conçoit une différence entre des capitaux fixes et des capitaux mobiles. Fixer un capital dans l’espace permet de faire circuler un autre capital, de façon à en accumuler d’autres encore. L’espace dans lequel le premier capital se fixe a une grande importance. Harvey appuie aussi l’idée d’une concentration de capital dans les villes. L’espace urbain est ainsi propice à la fixation de capital. Lorsqu’une différence d’importance de capital dans un même espace urbain apparaît, elle crée la spéculation immobilière. Harvey souligne aussi dans ce même ouvrage, puis plus tard dans Villes Rebelles (2012), l’importance du transport et de la communication dans la circulation du capital, comme évoqué dans le chapitre «L’état actuel». La vitesse de circulation influe directement sur l’accumulation de capital. De cette façon, les infrastructures de transport et de communications ont leur part à jouer dans les processus capitalistes. La morphologie urbaine, et son instrumentalisation qui passe par les infrastructures de transport sont de cette façon liées à l’idéologie et au fonctionnement du capitalisme.
Bob Jessop met en relation ces pensées de Harvey. Les modifications morphologiques de la ville induisent des augmentations de ces valeurs, ce qui cause la spéculation immobilière, ainsi que les phénomènes de gentrification, voire l’inverse, de ghettoïsation. Les phénomènes de Bruxellisation, Haussmannisation, ou, plus simplement, de table-rase font ressortir la certaine valeur foncière des terrains urbains, ainsi que l’assujettissement de la morphologie urbaine aux mouvements de capitaux. «Les paysages géographiquement localisés d’investissements infrastructures à long-terme sont produits uniquement pour être détruits plus tard, et reconstruits pour s’accommoder à une nouvelle dynamique d’accumulation.» (Harvey, 1996; Jessop, 2006). Le quartier du Cabanyal en lui même représente une infrastructure autoproduite pour héberger des pêcheurs, exerçant une activité rentable en son temps : la pêche et ce qui l’accompagne (construction de bateaux, production de filets...). Maintenant que sa rentabilité a été remplacée et de loin dépassée par de plus grosses infrastructures (comme par exemple, une usine automobile qui exploite la proximité du plus gros port de Méditerranée, ou bien la possibilité d’un tourisme de masse balnéaire) le quartier est, selon la logique capitaliste, condamné à une «destruction créatrice».
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Droit à la ville À ceci s’ajoute la notion de néolibéralisme, que certains appellent «ultralibéralisme». Le néo-libéralisme apparaît dans la seconde moitié du vingtième siècle, après les crises économiques ou pétrolières. Tant aux niveaux internationaux, nationaux ou individuels, le néo-libéralisme suppose un certain rationalisme, individualisme, où l’intérêt personnel guide toutes les actions (Peters, 2001)28. Le néolibéralisme s’oppose de ce fait à la coopération, la solidarité, voire à la justice, au profit du gain. Le néo-libéralisme, par la libre compétition, conduit à l’accroissement des inégalités, la baisse de la cohésion sociale, et tous les effets négatifs que ceci suppose pour la majorité de la population. Le système néo-libéraliste est bien en place dans de nombreux pays, il s’agit d’un phénomène global qui est ancré et de ce fait perçu comme une fatalité, sans issue ou sans alternative globale possible. Il est relié au capitalisme, conditionne les échanges commerciaux, influence fortement la politique. Il est donc intrinsèquement lié à la morphologie urbaine. Harvey souligne que le mouvement ne profite qu’à une petite poignée de personnes (Harvey, 2005) qui, par la possession de capital, acquièrent la faculté d’être écoutées. Ils influencent ainsi l’urbanisme néolibéral, qui diverge de ce que l’on appelle droit à la ville.
La destruction créatrice est un terme marketing, qui désigne le fait de rendre un produit obsolète en en créant un nouveau. Appliquée au milieu urbain, les conséquences sont désastreuses pour les populations. Devant la cruauté perçue de ce principe, pourtant prôné comme signe de renouveau, de relance économique et de croissance par les politiques, les habitants se soulèvent et revendiquent leur droit à la ville. Le droit à la ville est donc une notion apportée par Henri Lefebvre (19011991), célèbre sociologue français, géographe, philosophe de l’urbain, au cours de l’année 1968 et peu avant les événements du mois de mai. Il développe dans l’œuvre du même nom, des pensées liées à la ville de Paris. Le droit à la ville est une notion relativement floue, pour le moins complexe, interprétable de plusieurs manières. Il est défini comme un droit à bénéficier des qualités de la ville : le droit à un toit, à manger à sa faim et à participer aux décisions modelant l’environnement urbain sain et proposant des services collectifs accessibles. Ses pensées seront largement reprises par de nombreux penseurs de notre temps. David Harvey, Laurence Costes, Castells, etc.. considérant toujours les pensées Marxistes. L’idée de «droit à la ville» semble se développer dans l’imaginaire collectif. Elle donne lieu à de nombreux articles, séminaires, ouvrages philosophiques et orientés vers l’urbain.
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David Harvey réalise plusieurs travaux sur base de ceux de Lefebvre. Il met en relation au droit à la ville, la révolution urbaine, y oppose la notion de capitalisme. «La ville traditionelle a été tuée par l’essor du capitalisme.» (Harvey, 2011) C’est en effet le capitalisme, ou le néo-libéralisme qui est le phénomène modelant la ville contemporaine, qui crée des inégalités privant ainsi certains classes, ou strates sociales, de leur droit à la ville. Harvey énonce des phénomènes répartis tout autour du Globe : autant en Asie, qu’en Amérique du Nord, du Sud, qu’en Europe ou en Afrique du Nord, certaines populations s’organisent et revendiquent ce droit, et certains sans même connaître le nom de Lefevbre (Harvey, 2011).
de notre thème. Il s’intéresse à une opération qu’il qualifie de «traditionnelle» de rénovation urbaine. Il s’agit, sous le contrôle d’une idéologie capitaliste, de détruire tout un quartier résidentiel, constitué de petites maisons abritant le précariat, pour y construire un ensemble moderne de logements. 2500 familles vivent dans ce quartier, et ce ne sont que 150 logements qui sont projetés. C’est ainsi que naît la révolte urbaine, la résistance, l’organisation collective pour s’opposer au projet :
« Alors c’est l’affrontement, les habitants, dans une première phase, étant décidés à rester, l’organisme de rénovation mettant le paquet pour réduire la seule résistance sérieuse localisée sur l’ensemble de l’arrondissement. Inutile de détailler la panoplie de mesures Il ne s’agit cependant pas de retourner d’intimidation utilisées : fenêtres murées dés aveuglement vers une ville traditionnelle, qu’un départ a été obtenu, cambriolages par nostalgie. Harvey apporte des notions fréquents (ou tentatives de cambriolages), faible rebelles : qu’on organise la révolution entretien de la voirie (sauf réclamation énergique), urbaine pour lutter contre l’empire menace quant à la difficulté croissante de du capitalisme et du néo-libéralisme, relogement satisfaisant, etc. Et surtout, opération qu’on construise des villes plus justes, par tranches visant à isoler chaque cas et à socialement, qu’on se réapproprie réduire les oppositions en les étalant dans le l’espace urbain en revendiquant temps et dans l’espace. continuellement notre droit à la ville. L’exode commence. » Le géographe britannique précise bien que cette revendication n’est pas une fin en soi, mais bien un moyen. Cette revendication passe donc par divers mouvements sociaux urbains. Manuel Castells est qualifié par Harvey comme «l’élève ingrat de Lefebvre». L’ouvrage de Castells, «Luttes Urbaines», traite de trois cas géographiquement éloignés : à Paris, aux États-Unis, et en Amérique du Sud. Le cas de Paris est le plus proche
Rejetant les familles en périphérie de la ville, hors-les-murs, c’est alors que ce genre de projet, couplé à l’œuvre de Haussmann, rend la vie dure à la majorité de ses citoyens. La plupart des travailleurs Parisiens s’entassent ainsi deux fois par jour dans l’obscurité et l’insécurité du métropolitain pour aller gagner leur pain (une baguette légèrement farinée) à la capitale.
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On remarque ensuite que certains points communs se dégagent des différentes phénomènes. Les luttes urbaines semblent très souvent, sinon toujours, se référer à une certaine lutte de classe. On constate une opposition entre promoteurs, ou politiques de droite, dont le mot d’ordre reste rentabilité et argent-roi, et les classes «inférieures», n’ayant pas, ou très peu, de pouvoir ni de moyens. La valeur d’échange s’oppose encore à la valeur d’usage (Lefebvre). Pendant la bataille de la Marolle à Bruxelles, les habitants semblent revendiquer leur droit d’exister en ville. Devant la pression spéculative, ferrailleurs et voisins adoptent une attitude visant à montrer que leur existence est légitime, en criant leur histoire, les singularités de leur vie et l’intérêt du genuis loci. On peut y voir un voisinage très soudé, et même renforcé par la menace capitaliste : encore en 2014, on assiste à une bataille contre la construction d’un parking sous la place du Jeu de Balle où a lieu le marché. En revenant à notre cas, les similarités entre ces phénomènes urbains historiques sont évidentes. Le modèle de ville moderne, créée par les promoteurs le long de l’axe Blasco Ibáñez entre en confrontation avec le petit village créé naturellement par les pêcheurs. La confrontation est plurielle : idéologiquement, morphologiquement, financièrement. Les Cabanyaleros ont toujours eu de dures labeurs : à la pêche, au travail. Ce qui contrastait avec le mode très tranquille de leurs habitations : le repos, la paix, la tranquillité.
ci-contre : extrait du film «la bataille de la Marolle» 1969, Pierre Manuel et JeanJacques Péché. à droite : El Cabanyal resiste, document personnel
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Maintenant que beaucoup ne travaillent plus, ne pêchent que pour le plaisir, c’est le quartier où ils vivent qui devient hostile. Le Cabanyal est caractérisé par une période de résistance qui dure depuis près de deux décennies. Entre pression spéculative, menaces des pouvoirs publics, division sociale, une grande partie des habitants se sont ligués, organisés pour résister. Dans différentes associations, plateformes, collectifs, les voisins organisent des évènements culturels, des manifestations, mènent des projets artistiques et les soutiennent. Certains sont présents lors de rassemblements et représentent leurs actions. On en vient même à faire la grève de faim devant le logement de la maire Rita Barberá. Toutes les générations sont concernées et se mobilisent. Les divers festivals (cabanyal intim, portes obertes…) participent à une belle dynamique de quartier et déplacent les foules. Des visites guidées sont organisées par les voisins, qui montrent et décrivent leur patrimoine et sensibilisent d’autres personnes aux problèmes la zone. Les mesures d’intimidation sont les mêmes qu’à Paris. Nous avons vu les actions de la société Cabanyal 2010, s.a. devenue Plan Cabanyal, s.a. : les achats et les fermetures d’habitations contribuent à la dégradation de l’environnement urbain. Les services municipaux délaissent le quartier. Des maisons sont détruites, les destructions sont accompagnées de violences
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policières. La situation est paralysée de nombreuses années. Nous sommes ainsi aux antipodes de la notion de droit à la ville. Les deux parties s’opposent avec beaucoup de force depuis une vingtaine d’années, paralysant la situation. Peu de concessions sont faites, ni mêmes envisagées. D’un côté, un parti politique de centre-droite, définit comme conservateur et fondé par un ancien ministre franquiste29 exerce une idéologie conservatrice d’un système politique peu compatible avec la démocratie (démos; peuple, cratie; pouvoir). Nous verrons qu’au sujet du Cabanyal, le pouvoir n’est manifestement pas donné au peuple, ou alors, à un peuple choisi sur des sujets choisis. De l’autre, d’anciens Cabanyaleros aussi conservateurs d’un quartier, d’une ambiance, d’une façon de vivre belle et bien passée. L’effet de nostalgie est fort. On en arrive même à dire que le gouvernement devrait reconstruire brique par brique, chaque maison détruite : il y a un refus clair d’une évolution. La lutte urbaine vise à convaincre par tous les moyens possibles un gouvernement réticent à changer d’avis; à nier l’évolution; à combattre le caractère conquérant de la ville et de ses dirigeants. La revendication du droit à la ville est claire : on demande «un nouveau plan urbain avec participation citoyenne», soit le droit à un environnement urbain décent et sain, à réhabiliter les maisons pour avoir des logements salubres, et à participer au façonnement et à la transformation du milieu urbain.
Parallèlement, il s’est instauré des manières de vivre la zone de façons convenables, ou du moins, plus commodes que ce qui est proposé. Des maisons louées sans eau, ni gaz, ni même électricité. Des maisons occupées. Des habitations cachées. Des campingcars installés sur des friches… Sans conditions légales, le quartier continue à être vécu. Il constitue un environnement bâti toujours intéressant. On s’oriente vers une manière «parasite» de vivre la ville : les citadins ont les droits qu’ils prennent. Le quartier semble effectivement se diriger vers une certaine autarcie : l’électricité est volée, ou bien on utilise des groupes électrogènes, comme dans la maison de Salvem el Cabanyal. Parfois on voit des personnes nettoyer eux-mêmes leur quartier. De nombreuses choses sont récupérées. L’intérieur de certaines maisons est tout de même entretenu ou rénové. D’autres sont tout à fait à l’abandon et sont occupées par des chats. Les friches laissées par les destructions redeviennent sauvages : les arbres (principalement des figuiers) poussent et se réapproprient l’espace urbain. Derrière les murs, les jardins. Les okupas, squatteurs, exploitent le quartier paralysé qui se vide peu à peu. Il devient de cette façon une mine de bâtiments à occuper, réhabiliter discrètement. Ils se font aussi déloger de nombre de maisons. Ce sont eux qui vivent sûrement le plus intensément ce phénomène et qui ont des heurs avec les forces de l’ordre. L’occupation rime avec
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la revendication politique de l’anarchie. Ils s’opposent au système sociétal en place, l’organisation hiérarchisée et capitaliste, libérale, néo-libérale en vigueur en Espagne comme dans la majorité du globe. Les communautés Rroms et gitanes vivent la zone à leur manière, il n’y a pas à voir une quelconque implication politique; il ne s’agit que d’un certain opportunisme. Le linge sèche au coin d’une friche, on balaie le trottoir en surveillant plus ou moins les enfants qui jouent sur la route. On s’assoit tranquillement à l’ombre d’une maison condamnée mais quand même habitée. À l’inverse, les Cabanyaleros de longue date ont développé une forme immatérielle de vie. Avec les technologies, l’espace public est délaissé au profit d’un espace virtuel. La vie de quartier se passe maintenant dans la nostalgie, les revendications, les protestations sont sur internet, les réseaux sociaux et les blogs. Bien qu’il soit affiché aux fenêtres et balcons «salvem el cabnyal» ou «rehabilitación sin destrucción», les espaces publics qu’ils décrivent comme dynamiques et conviviaux se sont convertis en espaces presque déserts. Une lutte qui dure depuis 17 ans. Une période sombre pour le Cabanyal. À la notion de «destruction créatrice» (que Harvey emprunte à Schumpeter), on peut y ajouter celle de «pénombre créative» qui naît d’une longue période de répression urbaine et qui organise la résistance et la révolte.
PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Si on en croit Henri Lefebvre, «la révolution sera urbaine ou ne sera pas», et au Cabanyal, toutes les conditions semblent être réunies pour s’opposer contre les forces destructrices du néo-libéralisme Valencien.
161 Pour se pencher vers les futurs possibles du quartier du Cabanyal, il convient de situer le problème urbanistique dans les conjonctures actuelles, et ce, aux différentes échelles auxquelles il est confronté. Le problème est très actuel et la situation politique est éventuellement sur le point de changer : le 24 mai 2015 auront lieu les élections municipales de Valence. Nous nous intéressons ainsi autant à l’état urbanistique de la ville de Valence, qu’à l’actualité politique espagnole, ou même à certaines revendications européennes, théories urbanistiques et architecturales quant à la ville contemporaine. Cette partie consiste en une suite d’arguments ressortant de toutes les investigations ayant été menées jusqu’ici. Ces considérations sont accompagnées d’une prise de position : pour continuer la réflexion, il est indispensable de se situer dans la controverse.
Contexte et prise de position différentes échelles
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Échelle locale Le Cabanyal riche
Opportunités
Le quartier du Cabanyal, tel qu’il a été présenté, possède divers intérêts. Culturellement, il est très riche en histoire, en traditions, en architecture et en patrimoine autant matériel qu’immatériel. Sa lutte présente des intérêts artistiques, sociaux, pédagogiques indéniablement intéressants.
Il existe enfin des perspectives de futurs possibles encourageantes, innovantes et créatives exceptionnelles. Il existe des forces de travail, de nombreux projets architecturaux et urbanistiques, des volontés de restaurations particulières. Il existe des revendications communes. Le Cabanyal, au terme de 17 ans de lutte, se trouve gorgé de possibilités qui ne demandent qu’à s’exprimer.
Pastiche Il y a cependant le danger de création de pastiche patrimonial si l’on recherche à recréer le mode de vie : le futur se conçoit comme quelque chose de nouveau et amène à la créativité, à l’évolution, à une nouvelle histoire. Le cabanyal renaissant de ces cendres ne se retourne pas vers le passé. Gentrification Un autre danger se trouve dans le phénomène de gentrification. En requalifiant une zone urbaine, on s’expose à la ruée des promoteurs sur le quartier. À Valence, on peut en voir les effets dans le quartier de la Ruzafa, les anciens voisins sont partis à cause de la flambée des prix. Même s’il s’agit d’un phénomène inévitable, on optera pour des solutions visant à le contrôler.
Période électorale À l’approche des élections, à la suite de la cérémonie de remise du prix Europa Nostra au projet Cabanyal Archivo Vivo, par la reine Sofia, la municipalité de Valence annonce l’éventualité d’un assouplissement de la paralysie du quartier. Les voisins soupçonnent une traditionnelle mesure électoraliste. En investiguant, il apparaît que la paralyse octroyée par le ministère fin 2009 ne s’appliquait qu’au PEPRI, et non aux permis de bâtir. La nouvelle déchaîne les habitants, privés d’évolution depuis cinq années.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Échelle municipale Nous nous trouvons dans un moment d’élaboration d’un nouveau Plan General d’Ordenación Urbana pour Valence. Ce plan prévoit notamment l’extension de la ville sur les zones traditionnelles de campagnes, «l’horta». De nombreuses réactions ont été prononcées contre ce nouveau plan. La carte ci-dessous, réalisée par Pau Ginés, architecte Valencien, montre les friches urbaines
de la ville (en noir). Elle nous renseigne sur les centaines de friches existantes au sein du tissu urbain existant. À ces espaces libres de constructions, nous pouvons y rajouter les nombreux chantiers inachevés, bâtiments inoccupés que comporte la ville, et spécialement au Cabanyal : la «crisis del ladrillo»30, déjà évoquée, se ressent à travers l’état urbanistique de Valence.
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Une réhabilitation globale Au caractère conquérant et expansif de la ville, on peut y opposer l’idée d’une réhabilitation globale considérant les espaces déjà urbains et libres ou inachevés. La configuration de la ville oblige ainsi à étudier chaque projet au cas par cas, s’adaptant aux crises, donnant une évolution plus sensible et orientée vers des qualités de vie singulières, infiniment plus humaines que lors de l’élaboration de projets modernes d’extension de ville et plus intéressantes architecturalement. Au sujet du Cabanyal, cette possibilité prend tout son sens, considérant tout ce qui a déjà été exposé. Des possibilités informelles Dans une optique moins formelle, il existe de nombreux bâtiments et maisons vides à occuper, réhabiliter. On peut imaginer des partenariats entre propriétaires et squatteurs31.
pas la vie communautaire comme nous l’a fait remarquer Alejandro. Confrontations En parcourant l’histoire, on remarque que le Cabanyal a finalement toujours été une sorte de bidonville auto-construit (certains évoquent tout de même un appui financier de Jaime I d’Aragon). D’un point de vue purement urbanistique, les deux systèmes ne sont pas compatibles. Ainsi, la confrontation nonorganique, contre-nature, entre l’avenue moderne et la quartier populaire crée la tension, la controverse. De nombreuses autre confrontations fondamentales existent. Il y a nécessité de la dissoudre pour permettre l’évolution. Transition
La forte quantité d’espaces vacants urbains, que ce soit les friches, les squelettes (friches verticales), ou les bâtiments abandonnés constituent des failles du système néo-libéral. En période Crise de la modernité et du capitalisme de crise, une transition de l’architecture et de l’urbanisme vers des solutions plus informelles semble constituer une bonne La monoculture contemporaine, alternative. On observe déjà certaines sûrement issue de la période moderne, initiatives intéressantes : au centre-ville, de la ville formelle est perçue comme les nombreuses friches sont occupées une fatalité du capitalisme et du néopar des œuvres d’art urbain, l’une est libéralisme. Elle rime avec les grands occupée par une initiative socio-culturelle projets modernes dirigés uniquement : le «solar Corona» accueille concerts, par une petite poignée d’acteurs. Elle art, jardinage. À Benimaclet, les potagers devient insoutenable et apparaît comme partagés sont une initiative populaire qui sans-issue. Les parties modernes de la se veut anarchiste. Ils prennent place sur ville sont devenues peu agréables car un terrain destiné, depuis une dizaine trop denses. Elles ont été laissées aux d’années, à recevoir un grand projet de promoteurs par le gouvernement de logements modernes. droite. Les immeubles sont de faibles qualités architecturales, ils ne permettent
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Échelle Européenne Paris
Directives Européennes
Valence, par ce projet de prolongation, semble s’identifier par de nombreuses manières à la capitale française et à la transformation qu’ont opérés le baron Haussmann et Napoléon... Il y a deux siècles. Le contexte étant tout à fait différent, l’idée perd de sa force et de son effet. Valence possède ses qualités propres à exploiter, et n’a pas besoin de modèle pour se développer, ni accroître son image.
Le CESE, à l’initiative du ministère espagnol du Logement, prévoit une vision alternative de la planification urbaine où l’on retrouve l’idée de participation citoyenne de plus en plus développée. Les directives énoncées dans cet avis semblent tout à fait concorder, chronologiquement et fondamentalement, avec la problématique du Cabanyal.
Bruxelles Reconstruire la ville sur la ville pose des problèmes de spéculation immobilière. On l’a vu à Bruxelles avec le phénomène de bruxellisation qui représente un danger pour le Cabanyal. Culture et tourisme Valence doit tirer parti de son patrimoine et de ses qualités propres si elle veut une image originale sur la scène européenne. Elle est une ville de culture et ne doit pas se corrompre dans un tourisme bas de gamme, comme celui qu’on peut trouver à Benidorm ou sur la Costa Brava… La bulle économique a éclaté et il convient de repenser le tourisme d’une autre manière.
Elles divergent cependant de la manière dont la ville et le quartier sont gérés : le PEPRI et le prochain PGOU en sont aux antipodes : on prévoit une planification urbaine destructrice, au détriment des habitants et de leur cohésion sociale (pire, on s’oriente vers la division sociale), ainsi qu’une extension de la ville sur les terrains agricoles traditionnels sans considérer l’important potentiel des terrains libres en ville. Ces mesures sont développées en pages suivantes.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Directives européennes Le 26 mai 2010, le Comité Economique et Social Européen présidé par Mario SEPI publie un avis sur la «Nécessité d’appliquer une approche intégrée à la réhabilitation urbaine» Cet avis exploratoire est à l’initiative du ministère espagnol du logement, datée de décembre 2009. C’est ce même mois de cette même année que se prononce la sentence de paralyse du PEPRI, initiée par le ministère espagnol de la Culture. Les principaux points de cette étude se concentrent sur des questions liées à l’envirronement et aux performances énergétiques des bâtiments, au transports durables, aux technologies, mais aussi et surtout sur la planification intégrée de la ville. Le cese déplore : «− le développement du phénomène de l’»urbanisation galopante», qui a pour corollaire une forte consommation de sols et des «déséconomies» d’échelle; − le déclin d’un aménagement fonctionnel de la ville, avec la crise du centre historique, des périphéries - dégradées et des zones de production; − la prévalence de ripostes essentiellement conservatrices à la crise, c’est-à-dire peu imaginatives ou créatives, mais surtout peu adaptées à un monde globalisé; − le recul des espaces verts entourant les villes, qui entraîne des pertes importantes en termes de biodiversité;»
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Le cese prévoit : «Le processus de revitalisation résultera donc de la synergie et de l’intégration de trois dimensions urbaines: • la ville «agora»: centrée sur l’homme et caractérisée par une parfaite harmonie entre les zones d’habitation et l’espace urbain, entre la cohésion sociale et le développement économique; • la ville «glocale» (globale/locale): fruit d’un meilleur équilibre entre le processus de mondialisation et la capacité de valorisation des ressources locales, des spécificités et des usages divers; • la ville durable: elle devrait être capable de résoudre par ses propres moyens les problèmes qu’elle a elle-même générés, sans en déléguer la solution à d’autres ou aux générations futures.
Cette dernière notion contient, entre autres:
«-Approche coopérative: il s’agit d’une pratique fondamentale de la gestion durable, visant à permettre à toute partie prenante de participer aux prises de décision. Cette méthode, apparue avec le développement des forums citoyens, a vu ses potentialités s’étendre grâce à l’évolution des supports technologiques interactifs. La devise de l’Académie américaine d’administration publique (National Academy of Public Administration) rend bien compte de cette philosophie: «Ne vous demandez pas ce que nous pouvons faire pour vous. Demandons-nous ce que nous pouvons faire ensemble» . -L’évolution du concept de leadership: la déstructuration des systèmes relationnels et la multiplication des possibilités de coopération induisent un changement du rôle des responsables publics, qui doivent Le CESE souhaite l’émergence d’une pouvoir exercer tout à la fois une fonction «nouvelle renaissance urbaine» , de meneurs et de facilitateurs. [...] On caractérisée par: peut ainsi parler à ce propos de: − la croissance de la cohésion sociale; • plateforme pour le renforcement des − le renouveau culturel; communautés («community building»), − une refonte du tissu économique destinée à accueillir le plus large éventail urbain, afin de faire face à l’importante possible de parties prenantes et de groupements de communautés locales; récession actuelle • plateforme du savoir, dont le rôle est − la valorisation du patrimoine de développer des politiques innovantes naturel, au moyen des processus de dématérialisation et de la croissance de la en faveur de la connaissance et de la recherche, ainsi que de favoriser la biodiversité.» reconversion créative des villes; • plateforme technologique, afin Le document énonce un certain de fournir les différents savoir-faire nombre de principes urbains dont «la indispensables à la mise en œuvre et à la ville biotique», «la ville de la matière», gestion des processus innovants; «le New Deal écologique», «la ville • plateforme de ressources [...]»
des bits», et «la ville solidaire».
Note introductive aux fins interactives Considérant le contexte historique et actuel, considérant toute l’analyse empirique qui a été menée, la cartographie de controverse, 17 ans de lutte urbaines, considérant que le quartier du Cabanyal présente un tissu urbain indéniablement intéressant pour ses aspects sociaux, patrimoniaux, architecturaux et de qualité de vie, considérant l’immense potentiel que représente les terrains urbains libres du quartier et l’exceptionnelle force créatrice qui y existe, considérant les travaux d’intellectuels tels que Henri Lefebvre, David Harvey, Manuel Castells, et de nombreux autres, considérant les directives Européennes énoncées, ainsi que l’opinion de divers dirigeants espagnols dont celle la Reine elle-même, je me positionne contre le projet de prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez jusqu’à la mer. La période sombre du Cabanyal est donc logiquement suivie d’une renaissance. Le processus de réhabilitation du quartier maritime requiert une période temporelle étendue. Les plaies sont profondes. Elle demande aussi un investissement collectif de temps, de moyens et d’énergie. On peut y imaginer différentes phases de projet, intégrant ainsi une certaine participation citoyenne. Deux temps importants se dégagent toutefois : un court terme et un long terme. Ces périodes précèdent l’arrivée à un état qui peut aujourd’hui paraître utopique. Nous allons explorer ces deux temps de réparation, voire de thérapie de quartier, en considérant deux scénarios : deux issues possibles des élections municipales du mois de mai. Rappelons les possibilités. Dans le cas, très probable, d’un changement de gouvernement, un déblocage de la situation est à prévoir en faveur de la réhabilitation du quartier, sans destruction. C’est le scénario de «conciliation». Autrement, la réélection de Rita Barberá à la tête de la municipalité de Valence suppose un certain immobilisme politique qui laisserait la situation comme elle demeure depuis près de deux décennies. La lutte continue, dans un scénario de «résilience». Ces deux issues constituent deux fins alternatives : le mémoire inclut ainsi une participation citoyenne au travers du vote des Valenciens. Ce sont les résultats qui détermineront les solutions à mettre en œuvre au Cabanyal.
173 Nous étudions d’abord le possible changement de politique à Valence, en faveur d’une réhabilitation du quartier sans prolongation de l’avenue. On s’intéresse aux revendications des habitants, celles qui n’ont jusqu’à présent pas été considérées par les pouvoirs publics municipaux, de façon à ne pas prolonger un débat qui a déjà duré plusieurs décennies. Le scénario présenté ici s’appuie sur la conciliation entre pouvoirs publics et habitants. Il suppose un changement de politique qui rime avec une réhabilitation légale, l’adoption de mesures participatives officielles comme elles sont demandées par les habitants, et un investissement des pouvoirs publics municipaux dans les opérations de réhabilitation. Nous considérerons toujours les villes de Bruxelles et Paris à titre comparatif. Nous y verrons que les dispositifs de participation citoyenne sont souvent peu efficaces ou même peu considérés, et nous y chercherons des solutions.
Conciliation
«pour un nouveau plan au cabanyal avec participation citoyenne»
Graphisme prĂŠsent sur les guides personnels du festival Cabanyal Portes Obertes 2014. Numerisation
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Entre plan et projet urbain
Entre participation et supercherie
Tout d’abord, il convient de se pencher sur les termes utilisés par nos activistes : «Pour un nouveau plan au Cabanyal avec participation citoyenne».
Précisons que considérer que le plan de prolongation de l’avenue est une aberration totale est une erreur : il a aussi ses intérêts, enjeux, effets bénéfiques pour la zone et pour la ville en général, car il a été dessiné par des architectes, voté par des politiques... Cependant les effets en sont discutables. S’ils ne sont pas adéquats à l’endroit, aux populations, il doit pouvoir en être discuté d’une façon intelligente et empirique, satisfaire l’ensemble des acteurs et bénéficiaires pour pouvoir créer un projet constructif et adapté.
«Un nouveau plan» marque ainsi une rupture avec le PEPRI. Le Plan Especial (plan spécial) est une précision du Plan General qui, rappelons-le, ne précisait pas en 1988 le sort du Cabanyal. Il faut donc ici faire la différence entre ce que l’on peut appeler «plan» et ce que l’on qualifie de «projet urbain». Pour Gilles Pinson, Sciences Po, «Le plan souffre d’une approche bien trop radicale de l’urbanisme : une discipline réglementaire des sols qui induit une grande division du travail, une insensibilité aux qualités de la ville existante.». La notion de plan serait donc fort différente de celle de «projet urbain» : «Le projet intègre l’incertitude, l’organisation de différentes phases, une mobilisation sociale, des modes de coordination…». Le projet serait un moyen de faire la ville en faisant intervenir un plus grand nombre d’acteurs autonomes, indépendants, dispersant les ressources (Pinson, 2009). En suivant cette logique, la revendication des habitants d’un plan «avec participation citoyenne» serait donc contradictoire. L’établissement d’un plan prive d’une certaine manière de participation : même si une phase participative y est inclue, l’exécution du plan reste mono-guidée par une petite poignée d’acteurs. Un scénario à mettre de côté.
La participation citoyenne, selon le gouvernement en place, s’apparente fortement à une supercherie. Il a été réalisé une enquête publique au sujet du paysage urbain du quartier du Cabanyal. Il s’agit d’une enquête visant à étudier «les préférences de la population» au sujet de l’intégration paysagère du plan de prolongation révisé après l’ordre de paralyse de 2009. C’est donc après toutes les œuvres que la société anonyme Cabanyal 2010 a réalisé (condamnations de bâtiments, destructions partielles et totales, locations insalubres, etc...), que se propose une enquête publique d’appréciation du paysage urbain. Six zones sont représentées le long du parcours de l’hypothétique avenue. Pour ces six zones, le participant est invité, après avoir renseigné ses données personnelles, à exprimer sur une échelle allant de «très haute» à «très basse» sa
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préférence visuelle. Cette préférence se base sur quatre photographies des zones en question. Les photographies qui concernent les zones à détruire montrent les friches sur lesquelles restent des traces des bâtiments détruits, la saleté des rues, les graffitis et tags, une voiture abandonnée et vandalisée, les câbles électriques en désordre. Les photographies des zones alentours montrent des bâtiments en parfait état de conservation. Le document est disponible en annexe. Il est aussi possible d’accéder à un document justificatif de l’enquête qui contient une liste des associations appelées à répondre au questionnaire. Aucune trace de la plataforma Salvem el Cabanyal, cependant, le comité « Si, volem la prolongació », qui est un autre groupe organisé, est représenté. Diverses associations de voisins de la ville sont aussi appelés. Notons donc ce choix, justifié par ce point : «Le processus doit être ouvert à tous les citoyens [...], nous rencontrons certains secteurs de la population très mobilisés alors que d’autres secteurs ont un bas niveau d’organisation et sont peu habitués à participer. Il s’agit d’éviter que les informations obtenues soient bafouées par certains groupes d’intérêts.»32. On peut donc s’interroger sur le principe de la démocratie. Est-ce la population qui choisit un groupe organisé pour diriger ses affaires publiques, ou est-ce ce groupe organisé qui choisit ses citoyens ?
Comment maintenant, à partir de ce type de questionnaire, ne pas aller dans le sens de la municipalité ? L’étude participative semble n’être qu’un moyen d’établir une preuve de la nécessité de détruire ce paysage urbain qui dérange l’œil des Valenciens. Cette subtile manipulation est accompagnée de la possibilité d’exprimer, pendant toute la phase de participation dite «active», «ses opinions, suggestions et observations sur l’aménagement proposé et soumis à consultation», dont on ne verra jamais les résultats puisque le «processus de participation publique [...] se conçoit comme un outil permettant d’enrichir la documentation technique nécessaire au déroulement du développement urbanistique».
Le grand pari(s) Le grand projet de la capitale de française est donc d’étendre sa métropole et d’intégrer les banlieues à son agglomération. Le projet se veut orgueilleux, durable, et aussi participatif. Il répond ainsi à toutes les tendances. En en discutant avec les parisiens, on se rend vite compte que personne n’est au courant, personne n’a même participé au projet, alors que son annonce a ébranlé le monde de l’architecture et de l’urbanisme. Serait-ce son échelle démesurée qui ne rendrait pas possible, viable, les processus de participation publique ? Serait-ce la population qui soit désintéressée du projet ? S’agit-il d’un manque de communication ?
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
À Bruxelles, par exemple Bruxelles est sans doute une des villes où la participation publique aux projets est la plus active. On l’a appelée «la ville aux 100 comités de quartier» selon Inter Environnement Bruxelles, ASBL très active et formée en 1974 par 29 comités de quartiers. «De nombreux habitants se mobilisent localement pour défendre leur ville face à l’invasion des bureaux et des parkings, à la constructions des tours, aux travaux lourds, routes et métros...» (IEB, 2015). La population organisée bruxelloise lutte ainsi depuis 40 ans contre la Bruxellisation, une spéculation sans fin qui tend à reconstruire la ville des promoteurs, la ville de la voiture, sur la ville authentique et humaine qu’est Bruxelles. On en voit aujourd’hui les effets : des travailleurs seuls dans leur voiture, entassés aux feux de signalisation, quittent chaque jours aux mêmes heures les tours de bureaux déjà à moitié vides de la ville.
Chacun est accueilli à la commune pour discuter d’un projet mis à l’enquête publique. Il arrive que certaines polémiques soient très décourageantes, mettant en péril les intérêts du client : les voisins refusent souvent tout changement, même mineur, dans leur quartier, de crainte d’une perte de qualité de vie, qui peut rimer avec une perte de la valeur foncière du terrain ou de la maison. Les projets soumis à l’enquête publique et à la commission de concertation sont souvent des petits projets privés. Il ne s’agit pas non plus de figer les choses, de refuser l’évolution et les aléas du futur. Néanmoins on peut considérer une implication urbaine de la part des citoyens, même de façon plus informelle : affichages, peintures, projets artistiques, articles et revendications animent la vie publique.
Plus récemment, et plus spécifiquement, la polémique générée par l’annonce de la reconversion du garage Citroën à Yser en musée d’art moderne et contemporain Peut-être que les luttes des habitants sont fondées sur certaines considérations de rayonnement international a engendré l’initiative d’un parti politique : deux bien pensées. Ainsi, devant la masse événements ont déjà été organisés pour de revendications produites par les que chacun puisse donner son avis. comités de Bruxelles, la sphère politique commence à s’intéresser à des manières Prenons cet exemple. participatives de faire la ville. La lutte de la Marolle (1969) n’y est pas étrangère. L’annonce est faite sur internet et les réseaux sociaux, de façon à toucher le À petite échelle, les commissions de plus de monde possible. Une salle est concertations sont un exemple de louée au centre-ville, dans laquelle sont participation citoyenne : les voisins sont disposées des chaises, un petit buffet avertis in-situ de la nature et de la date de rafraîchissements, et sept tables de la discussion.
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sur lesquelles sont posés les plans du bâtiment en question. Les représentants exposent le sujet, une brève histoire du lieu, et dégagent sept thèmes de réflexion. Il est proposé deux sessions, pour que chacun puisse s’exprimer sur deux thèmes différents. À chaque table correspond un thème et un animateur est présent. Chacun est invité à proposer quelques idées sur le thème qu’il a choisi. Les idées sont ensuite expliquées puis discutées entre les personnes présentes à la table, dessinées, classées par importance... Au terme des deux sessions, un résumé est fait par les sept animateurs qui reprennent très fidèlement les idées des participants, qui, d’ailleurs, demandaient encore plus de participation. On peut toujours discuter le réel poids de la participation, mais ici la méthode diffère fort de celle employée par la municipalité de Valence. Le processus de participation anticipe, donne la parole aux intéressés de façon humaine et sympathique, et ne se résume pas à un simple vote entre trois projets déjà arrêtés et destructeurs. Le processus participatif n’est pas qu’un outil, il constitue le point de départ du projet, et remet en question la proposition de base. Il a été créé le concept de Contrats de Quartiers, qui, réduisant l’échelle de l’intervention, propose divers processus participatifs efficaces. Le contrat de quartier Sceptre concerne une partie d’Ixelles. La méthode d’analyse employée inverse les rôles : avec la
création d’une «université de quartier», les professionnels deviennent les élèves des habitants qui exposent l’ambiance du lien selon trois thèmes : la vie sociale, les espaces publics, et la vie économique. Chacun dispose de quinze minutes : les exposés sont préalablement travaillés. Parallèlement est organisé un appel à idées sous forme de coupons à retourner à l’envoyeur. Les idées recueillies sont ensuite classées, exposées, puis votées lors d’une «journée portes ouvertes». L’intérêt du vote est de dégager des priorités. Une intervention artistique est aussi mise en place par l’artiste JR, qui, à travers le projet «Inside Out» placarde sur les murs (tous les murs) des portraits d’habitants visant à «humaniser» le quartier. On peut en discuter l’effet. Les portraits servent encore de support à d’autres revendications : un collectif local se les approprie en y rajoutant des bulles qui font parler les voisins. S’inspirer de tels processus paraît un sage point de départ pour nombre de villes européennes. Il s’agit aussi d’anticiper des revendications : il est tout à fait bénéfique pour un gouvernement de mener à bien un projet cohérent avec les habitants, évitant ainsi des périodes inconfortables, paralysées, ou pire, que comme pendant la Commune de Paris, les citoyens viendraient à prendre les armes !
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Échelle de la participation Sherry Arnstein définit en 1969 une échelle de participation citoyenne qui présente huit échelons. Il s’agit bien sur d’une vision simplifiée de la complexité du sujet33.
8. contrôle citoyen pouvoir effectif
7. délégation du pouvoir
des citoyens
6. partenariat
5. réassurance participation symbolique
4. consultation
3. information
2. thérapie non participation
1. manipulation
Ces niveaux de participation citoyenne relèvent des façons dont sont opérés et considérés les processus de participation citoyenne. Ils font l’objet d’une grande étude menée par Sherry Arnstein. Si on cherche à placer sur l’échelle de Sherry Arnstein la campagne dite de participation de la municipalité, elle relève simplement de la consultation. De plus, les résultats sont attendus puisque les questionnaires sont tout à fait orientés. Il ne fait aucun doute que le paysage urbain existant n’est pas agréable à l’œil. La participation est donc tout à fait symbolique, voire inutile. Elle relève aussi de la manipulation, si l’on considère que les participants sont choisis. Bacqué souligne aussi «qu’il ne suffit pas d’ouvrir des espaces institutionnels de participation pour qu’ils soient occupés» (Bacqué, Mechmache, 2013). Certaines personnes ne sont pas habituées à la participation institutionnelle, et n’y prennent pas part : «il arrive bien souvent que les plus précaires et les plus discriminés restent en dehors du jeu et même parfois que les décisions soient prises à leur encontre.». On peut voir que les processus de participation citoyenne et leur efficacité dépendent fort de l’échelle à laquelle on les projette et on les emploie. Cette échelle peut aussi être géographique, l’impact de la participation au projet du Grand Pari(s) soulève la question.
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hypertxt://cabanyal Nous considérons donc le scénario où la situation politique évolue : la municipalité est favorable à réhabiliter le quartier en faisant participer les habitants. Comme nous venons de le voir, les processus de participation peuvent se révéler très efficaces s’ils sont bien pensés préalablement. Ils peuvent aussi s’avérer tout à fait inutiles et souffrir d’une faible considération. Nous repensons ici une forme de participation. L’amorce de la réhabilitation du quartier se trouve dans la discussion. On se souvient des débuts de la démocratie en Grèce ou Rome antique : le forvm est ouvert aux citoyens qui souhaitent faire entendre leur voix. La première étape consiste en l’établissement d’un lieu de discussions, ou l’éventuelle création d’une «maison du peuple». À l’aide de l’étude préalable, il est possible de dégager des thématiques. L’hypertexte est une notion apportée par Gérard Genette, en 1982. Il étudie les relations de transtextualité. L’hypertexte est une de ces relations. « J'ai délibérément différé la mention du quatrième type de transtextualité parce que c'est lui et lui seul qui nous occupera directement ici. C'est donc lui que je rebaptise désormais hypertextualité. J'entends par là toute relation unissant un texte B (que j'appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j'appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d'une manière qui n'est pas celle du commentaire » .
Cette notion est plus tard vulgarisée (Cauvin, 2001) dans le domaine de l’informatique. Les hypertextes et hypotextes sont virtuellement liés par des hyperliens : des mots, motsclés, ou groupes de mots, soulignés généralement en bleu et qui renvoient à d’autres textes, fichiers, etc… Plus simplement, les hyperliens connectent. La proposition entend les thématiques de discussion comme des hyperliens. Elles renvoient à des questions ouvertes auxquelles les participants sont invités à répondre au travers de l’élaboration commune de publications papier ou web. Les questions ne sont évidemment par figées, elles sont ici données à titre d’exemples. Les réponses attendues sont donc narratives : elles permettent l’expression libre des citoyens, qui vont contribuer à relier les thématiques entre elles, et à les regrouper. Nous nous trouvons dans un cas où les acteurs locaux, c’est à dire les voisins et les activistes, sont très organisés et impliqués dans le devenir de leur lieu de vie. De nombreuses personnes se révèlent être très créatives. La grande force du quartier réside dans sa cohésion sociale qui résiste, mais qui se trouve bafouée par des acteurs maintes fois cités. Il est important de connecter d’abord les participants entre eux, plutôt qu’aux institutions. « Les processus diffèrent selon qu’ils sont surtout portés par les mouvements sociaux et le monde associatif ou qu’ils sont initiés et essentiellement soutenus
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
hyperliens par les institutions » (Bacqué, Sintomer, 2011). Les processus permettent de faire intervenir des acteurs qui ont l’habitude de fuir les institutions, comme les okupas et les communautés gitanes. Par la rédaction commune de textes, et par leur mise en relation, la participation prend une tournure scientifique et permet de penser de façon approfondie par chacun l’avenir du quartier. L’écriture, qui peut-être éventuellement aidée par des spécialistes, ne présente pas les torts de l’expression orale : durant les débats, on se coupe la parole, on ne s’écoute pas sous divers prétextes, on essaye de se faire entendre tant bien que mal… L’écrit induit une certaine égalité de chances d’être considéré. Aussi, l’élaboration de publications permet la cohésion sociale, l’esprit d’équipe. L’aspect pédagogique n’est pas non plus à négliger : on apprend, ou ré-apprend à écrire ses idées, à travailler ensemble, à coopérer dans une direction commune et dans la production d’un objet. Ce type de participation, désinstitutionalisé, peut aussi faire intervenir des participants extérieurs, comme des habitants d’autres quartiers de Valence, d’Espagne, ou bien des touristes. C’est de cette façon que le projet peut-être considéré à d’autres échelles géographiques.
Processus et évènements La réhabilitation inclut une considération de la dimension temporelle. Le quartier est fortement dégradé et demande du temps pour se régénérer.
Espace public Il ne fait nul doute que l’espace public du Cabanyal mérite un renouveau. Pour le faire revivre, l’installation de mobilier urbain permet de créer des espaces où l’on reste pour discuter, faire la sieste, retrouver une dynamique de rue indissociable de l’endroit. L’ombre et la fraicheur des arbres peuvent aussi l’égayer. Le traitement du sol est un facteur influant sur la qualité de vie d’un quartier et détermine le type de mobilité qu’on y introduit.
Mobilité et stationnement La question de la relation entre l’avenue Blasco Ibáñez et la mer reste d’actualité. Comment le quartier maritime peut-il s’adapter au mode de transport privilégié par les citadins : l’automobile ? Les habitants sont sensibles à ce sujet car le caractère du quartier est aussi donné par son calme. On s’intéressera aux mobilités douces : bicyclettes, trottinettes, planches à roulettes.
Travail et commerces L’absence de commerces dans la zona cero pose la question de leur prochaine réintégration. La revitalisation de la zone passe par une renaissance économique qui s’intéresse autant aux habitants (commerces de proximité) qu’aux
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touristes amenés par la proximité de la plage (souvenirs, restaurants et cafés, artisanat...).
Propriétés publiques La municipalité est maintenant propriétaire d’une grande quantité de logements, ainsi que de bâtiments entiers. Qu’en faire ? Qui y accueillir ?
Friches et ruines existantes Les friches et ruines laissées par les forces destructrices durant la période de résistance demandent une nouvelle considération. On pourra définir les types de programmes que l’on autorise. Plusieurs solutions apparaissent : destruction, création de nouveaux espaces publics, ouverture de jardins, réhabilitation, restauration, rénovation... On ouvrira un débat sur les directives urbanistiques à adopter en cas de construction neuve. On s’interrogera sur le sort de certains bâtiments hauts issus de la période moderne, condamnés à destruction par le pepri.
Jeunesse Il s’agit de concevoir un environnement urbain propice à recevoir l’énergie et la créativité des jeunes populations. Quels équipements pour leur épanouissement ?
Culture Que faire avec cette masse culturelle produite lors de la période de «pénombre créative» ? Le quartier entier est un havre de culture, et de nombreux artistes en sont issus, s’en sont inspiré, ou y
ont dédié toute ou une partie de leur Œuvre. Le théâtre est thème central : de nombreuses salles existent au Cabanyal. La culture, moteur de la réhabilitation urbaine ?
Services publics et propreté On apprend de la période de lutte qu’un certain délaissement des services publics est apparu. Les rues sont sales, les ordures sont peu ramassées et encombrent l’espace public. De nombreuses maisons sont privées d’eau, gaz et électricité.
Développement durable et énergie Les préoccupations actuelles en termes d’énergie s’ajoutent aux débats. De plus, l’omniprésence de câbles électriques en désordre nuit à la perception du paysage urbain du Cabanyal. C’est un sujet important alors qu’on parle de «musée du modernisme populaire à l’air libre»
Patrimoine Le quartier possède une forte connotation patrimoniale. Elle engendre un thème de débat : quel rapport à la trame urbaine protégée ? Aussi, certains bâtiments sont importants dans l’histoire du quartier, en possèdent la mémoire (Lonja dels Pescadores, Fábrica de Hielo, Casa dels Bous, naves industriales, ancien cinéma..). Quelles fonctions pour ceux-ci et quelle protection leur apporter ?
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narratives Les hyperliens générés se regroupent en bulles narratives, qui peuvent constituer des thèmes de publications papier ou web. Il est ici représenté l’apparition des synergies entre les sujets. Cette représentation est hypothétique : l’intérêt d’une démarche participative réside dans l’inconnu, l’ignorance des réels résultats. Il se constitue de cette façon un volumineux dossier rassemblant les revendications, les idées, les besoins des principaux concernés. Le dossier est destiné à être considéré par les autorités publiques. Les textes peuvent êtres vus comme un encodage des revendications, des idées. L’encodage participatif permet, par l’utilisation de la méthode de cartographie précédemment utilisée de faire ressortir des priorités d’action, d’aménagement, etc... Il s’agit donc d’une réponse à la controverse : on réplique par l’encodage de la participation. C’est ainsi que la marche à suivre émane des habitants. C’est aussi une façon de grimper à l’échelle de la participation de Arnstein. À expérimenter !
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Parallèlement, plusieurs événements sont mis en place. On peut imaginer des tables rondes, des enquêtes d’opinions, des workshops, sessions de travail. Les actions participatives à court terme sont pensées dans le but d’impulser le second temps de la réhabilitation. Workshops
Organisme de supervision
Ces workshops peuvent prendre différentes formes, faire interagir différents types d’acteurs : politiques et locaux échangent leurs points de vue, étudiants en architecture, ingénierie, urbanisme, ou autre mettent leurs acquis et créativités au service de la réhabilitation. On peut imaginer des séances d’improvisation théâtrale où les comédiens du dimanche expriment leurs volontés, leurs ressentis. Les générations échangent...
Il convient de créer un organisme spécial supervisant les opérations. Il s’agit d’événements complexes faisant intervenir une grande quantité d’acteurs. Le Cabanyal regorge, comme on l’a vu, de personnes très impliquées et déjà organisées. On pense ici à la reconversion de certains organismes déjà existants dans la résistance. Cet organisme fonctionnerait jusqu’à la fin de la réhabilitation du quartier. On peut estimer la durée des opérations comme égale à celle dans laquelle le quartier a été détérioré, c’est à dire une vingtaine d’années.
Cohésion sociale et pédagogie Ces évènements permettent divers effets. En plus d’apporter des outils au projet urbain de revitalisation, ils supposent un renforcement de la cohésion sociale bafouée par des années de division. Ils proposent tous une dimension pédagogique importante. Les locaux sont ainsi introduits à la participation et à la vie politique, même ceux qui n’en n’ont pas l’habitude. Ils sont aussi amenés vers les moyens de construction à proprement parler : les évènements peuvent demander des structures temporaires à construire, ces structures peuvent même en être l’objet.
Seconde vague Ici se trouve la relation proposée entre les deux temps de projet. Les locaux, alors capacités par la première phase, peuvent s’affairer à reconstruire leur quartier, socialement, architecturalement. Les actions à court terme conditionnent et impulsent ainsi une deuxième vague d’interventions à long terme. On essaye aussi de rester cohérent par rapport à l’histoire du lieu et la façon avec laquelle a été construit le quartier populaire : de manière vernaculaire. On rajoute alors une couche de créativité en s’inscrivant dans la trame urbaine existante.
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Par exemple Citroën
elCASC
Nous avons déjà évoqué les tables elCASC est un festival urbain qui rondes relatives au projet de reconversion «prétend réactiver les tissus urbains des garages Citroën à Bruxelles. et sociaux», où les participants apportent «une vision multidisciplinaire Bellastock et interculturelle», en créant de «petits aménagements architecturaux L’organisation Bellastock consiste et interventions artistiques, socioà monter différents festivals de culturelles ou technologiques». Le festival constructions, récupérant divers s’intéresse depuis deux ans au centre matériaux de construction pour créer historique de Villena, non-loin de Valence. des projets utiles, et ce, de manière Les projets sont soumis à un concours, pédagogique. Elle fait intervenir divers ce qui rend la participation attractive. Le étudiants. On imagine les possibilités festival propose aussi des conférences d’un tel principe au Cabanyal : et autres évènements, fait intervenir l’abondance de ruines, la proximité les voisins... Encore une fois, on peut du port permettent des ressources imaginer les effets d’un tel festival sur matérielles, tout un mobilier urbain est à notre terrain de jeu qu’est devenu le créer. Cabanyal.
Econstrucció Econstrucció est une association Valencienne qui introduit à la construction traditionnelle de cañas. La caña est un roseau, matériau fortement utilisé dans la construction vernaculaire valencienne, notamment pour les barracas disparues du Cabanyal. Les romans de Blasco Ibáñez y font allusion. Les constructions s’opèrent souvent de manière pédagogique : l’organisation propose des cours. On peut imaginer ré-introduire la caña au Cabanyal, en y édifiant des structures ombrant, par exemple, un ci-dessus : proposition gagnante de ANDREA espace de discussion, un scène de TABOCCHINI, MARION GOUGES, ANTONIO théâtre, un espace d’exposition. GIANNOCCARO, à elCASC’14
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Gentrification Lors d’opérations de revitalisation urbaine, comme on peut l’observer tout près de notre quartier, à la Ruzafa, le phénomène de gentrification est un danger qui rôde. Du fait de la situation particulière du Cabanyal, en bordure de mer, ces terrains représentent un potentiel foncier énorme. C’est d’ailleurs le moteur du projet de prolongation. La gentrification est un thème secondaire mais important dans les revendications des habitants. Sur une affiche, collée sur un mur, on peut lire en valencian «Sauvons-nous les façades ou bien les voisins ? Contre la gentrification !» Harvey décrit particulièrement bien le phénomène en s’intéressant à la ville de Baltimore. Après s’être penché sur le concept de «bien de propriété commune», qui pourrait être une ambiance de quartier, un genius loci, il écrit : «Un groupe d’habitants qui lutte pour préserver la diversité ethnique de son quartier et empêcher sa gentrification, risque fort de voir les prix de l’immobilier, et des taxes, monter en flèche le jour où les agents immobiliers auront l’idée de vendre aux riches le « caractère » de ce quartier, si pittoresque avec son multiculturalisme, l’animation de ses rues et sa diversité. Lorsque le marché aura accompli son œuvre de destruction, non seulement les habitants d’origine auront été dépossédés du commun qu’il avaient créé, […] mais le commun lui même aura été dégradé, au point d’en devenir méconnaissable. […] La revitalisation s’est soldée, à en croire l’opinion locale, par la dévitalisation.» Harvey (2012) en dresse ainsi des effets tout à fait négatifs. ci-dessus : un pochoir «GENTRIFICAT» («gentrifié» en valencian) est peint sur un mur rayé aux couleurs de la municipalité.
À cause de cette gentrification, on perd la raison même de la lutte : le mode de vie, la cohésion sociale et la modestie si propres au quartier.. Josep Vicent Biora, professeur de géographie urbaine à l’université de Valence, écrit sur les bienfaits du phénomène pour sortir certains quartiers atteints pauvres de la misère dans un article intitulé «Un poco de pasta, basta !». Ces bienfaits sont bien sûr à mesurer : «une gentrification «chirurgicale» [...] pourrait changer les dynamiques, donner la force nécessaire aux voisins pour s’échapper la puissante force gravitationnelle de la pauvreté.» Il ajoute des exemples : «attirer de jeunes universitaires dans le quartier du Cabanyal-Canyamelar», entre autres. Il s’agirait alors de contrôler la gentrification pour l’utiliser comme un outil de réhabilitation. Pour le cas du Cabanyal, on peut effectivement essayer de la contrôler, mais les lois du marché ne s’adaptent pas aux cas par cas. Il ne restera plus qu’à espérer que les voisins, si impliqués, se battront encore.
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Un changement à long terme La seconde phase se constitue de la réalisation des divers projets issus des revendications exprimées lors de la première phase, ainsi que de l’action combinée des propriétaires dans la réhabilitation de leurs biens personnels.
Co-construction On peut donc projeter une participation privée au projet public (PPPP) : chaque propriétaire est libre d’apporter son aide à la réhabilitation globale du quartier en restaurant sa propre maison. S’agissant d’une opération de masse, on peut imaginer centraliser les ressources et les forces de travail. Grâce à la coordination apportée par l’organisme de gestion, et l’éventuelle participation publique, on peut créer une coopérative de matériaux. L’effet architectural et la cohérence historique en serait relevés.
Insertions socio-professionelles Serait-ce possible de faire participer les communautés marginales présentes au Cabanyal ? Encore faudrait-il que les voisins le veuillent, mais il apparaît ici une solution intéressante. La dimension pédagogique de la réhabilitation peut de cette façon s’étendre à des populations qui n’ont pas le sou. En utilisant leur force de travail, en leur apprenant certaines techniques de construction, ils pourront à leur tour réhabiliter et gagner leur demeure.
Vers la ville créative La ville du travail du vingtième siècle fait progressivement place à une «ville créative», selon Jeanne van Heeswijk. C’est un point que j’acquiesce tout particulièrement. La ville fait place aux initiatives et créations de chacun et s’éloigne peu à peu du grand patronat. Le citadin n’est plus qu’un simple consommateur, comme le veulent les idées du marketing (van Heeswijk, 2009), mais plutôt un producteur indépendant et créatif. Seulement il a besoin d’infrastructures, d’espace de travail adapté à ses besoins mais n’en a pas toujours les moyens. Les espaces de co-working fleurissent tout autour du globe et sont des moyens d’impulser diverses créations indépendantes. On peut le voir comme une forme de libéralisme où chacun est libre de créer, combinée avec une mutualisation des ressources. L’individu s’épanouit dans la collectivité, et de nombreuses villes l’ont déjà compris. L’idée devient un moteur de revitalisation34. L’intérêt de ce type de système au Cabanyal réside dans le fait qu’il est un quartier plein de ressources et de personnalités créatives. Il s’agit de «capaciter» le créateur isolé de façon à ce que la quartier entier exprime sa personnalité. On imagine la création et la maintenance de tels espaces collectifs.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Réticence L’artiste JR importe son projet «Inside Out» dans de nombreuses zones en difficultés autour du monde. Le projet est présent au Cabanyal, des photographies des habitants d’El Clot (bloques maritims) sont affichées sur des murs fermant les friches laissées par les démolitions. Récemment, les services publics sont venus, sans cœur, détruire le projet artistique, effaçant ainsi, presque symboliquement, les occupants du bloc.
En observant l’immense réticence dont fait preuve le gouvernement actuellement en place face à tous les projets brillants menés au Cabanyal, on peut penser que ces solutions, dites «participatives» ne seront malheureusement jamais appliquées. Nous allons maintenant nous pencher sur des solutions considérant la réélection de Rita Barberá, la suite de la résistance urbaine du Cabanyal.
à gauche : la destruction de l’oeuvre. photo : Salvem el Cabanyal. Deux jours plus tard, les voisins répliquent avec le projet «STOP. WE ARE HERE». Les portraits prennent place sur les murs des habitations privées, avec leur autorisation.
193 Le «guide de survie» présenté ici reconsidère le possible immobilisme politique dans le cas de la réélection de Rita Barberá à la tête de Valence. Une solution apparaît fort intéressante pour traiter les problèmes : face à l’indifférence, l’ignorance, le désintéressement volontaire de la municipalité, il est envisageable de perpétuer des actions ponctuelles indépendantes. Nous nous penchons donc vers des interventions sur la zone meurtrie de façon à améliorer le cadre de vie de ces habitants, à aller dans le sens du «droit à la ville». Nous passons en revue divers exemples enrichis d’idées, qui se conçoivent comme «parasites» de la réticence municipale. Les solutions peuvent de cette façon relever de l’illégalité, de l’initiative personnelle de certains acteurs, et de la prise de risque vis à vis des autorités. En 17 ans de résistance, le quartier apprend à s’émanciper du reste de la ville, les habitants et activistes prennent certains risques, certains volent l’électricité, l’eau. On va vers une certaine autarcie technique. Des groupes d’habitants sont organisés et donnent leur vie (temporellement) pour leur quartier. Les thèmes de discussions déjà énoncés dans la partie précédente sont repris et réinterprétés en adoptant une vision plus «rebelle» : «du droit à la ville à la révolution urbaine» (Harvey, 2012; Lefebvre, 1968, 1970) On imagine ici une révolution urbaine pacifique, sans violence, mais axée sur l’art, la pédagogie et la créativité.
Résilience Guide de survie en milieu urbain meurtri
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Résilience et révolution urbaine La résilience constitue le scénario dans lequel les conditions actuelles sont perpétuées, au travers de la réélection du gouvernement actuel. La lutte continue pour une période de quatre ans, au moins. Elle doit s’intensifier; se convertir en une sorte de guérilla urbanistique - et pacifique - qui adopte une stratégie de combat et des armes. Lefebvre dit, à propos d’une révolution du peuple contre les pouvoirs du capital :
«La révolution sera urbaine ou ne sera pas» Les pouvoirs publics sont donc désintéressés du sujet de la réhabilitation, mais s’assouplissent sur le sujet de la délivrance de permis d’urbanisme. La situation actuelle est, de ce fait, en train d’évoluer. Les initiatives privées ou collectives sont donc possibles, et sur cela s’appuient les stratégies proposées ici. Les différents projets culturels perpétrés au Cabanyal et leur diffusion nationale et internationale contribuent à une certaine prise de conscience à toutes les échelles. Selon Harvey (2012) , «il est indéniable que la culture est une forme de commun et est devenue une sorte de marchandise» et le grand vice du capital, serait de vouloir tout monnayer, dans le but d’accumuler du capital. Nous considérons ici la culture populaire qui émane des traditions (artistiques, architecturales..) et du mode de vie propre à la zone, ainsi que la masse
culturelle produite pendant la «pénombre créative». Cette culture constitue une arme à utiliser par les voisins dans la lutte, qui, de par sa possible marchandisation, s’utilise contre et sur le propre terrain du néolibéralisme. M-H Bacqué montre que «la capacité des citoyens à s’en sortir par eux-mêmes renvoie à un certain nombre de valeurs du marché». Ils se démarquent d’une logique officielle et centralisée en y faisant libre concurence. À travers le scénario de résilience, et à l’encontre du scénario de conciliation, nous restons dans une logique néolibérale, encore une fois sur son propre terrain. La stratégie consiste en une acupuncture de petits projets urbains, investissant l’espace commun, soit l’espace public, en le remplissant de culture et réveillant le «commun urbain» propre au Cabanyal. Un urbanisme interstitiel. Les projets visent globalement à augmenter la qualité de vie du quartier en utilisant ses ressources propres et sa créativité exceptionnelle. Ils reposent sur le principe du «hack» appliqué à l’urbain : de la «bidouille» urbanistique pour s’approprier l’espace du quartier. Ceci entraînerait un regain d’engouement pour la zone, confortée par la proximité de la mer, et un accroissement de la pression exercée sur les pouvoirs publics en vue de débloquer la situation, avant 2019. La récente annonce de l’assouplissement sur l’accord des permis d’urbanisme est donc une aubaine à exploiter au maximum. En termes de guérilla, elle constitue une faille dans la défense de la municipalité.
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Forces de travail
Ressources
La principale difficulté réside dans l’absence de financement public, et donc l’absence de moyens. Nous allons donc tenter de proposer des solutions peu onéreuses, ce qui rime avec la mise en œuvre d’une certaine énergie commune, motivation et implication et créativité. La présence d’une force de travail motivée est indispensable.
Il est possible d’impulser la création d’un budget commun. Certains projets requièrent un minimum d’investissement monétaire. Le budget commun est alimenté par des donations demandées ou initiées par les voisins, projet par projet. Des campagnes de financements participatifs (crowd-funding) peuvent être lancées, c’est d’ailleurs de cette manière que se financent les festivals comme «cabanyal íntim». Le financement municipal inexistant peut être comblé par un appui financier extérieur : des requêtes à de grands organismes comme World Monument Found qui a inscrit le quartier en 2012, la Liste Rouge du patrimoine espagnol en danger; dont fait partie le quartier, l’ICOMOS; dont la comité espagnol considère depuis 2001 le problème du Cabanyal, ou l’UNESCO ne sont pas des solutions à écarter. Un apport touristique peut être pensé. La création d’une coopérative de matériaux et d’outils est aussi une solution envisageable.
La réalisation de ces divers petits projets reposent sur l’intervention spontanée de certains acteurs. On peut très bien imaginer la présence des associations et collectifs déjà actifs au Cabanyal. D’autres collectifs venant d’autres villes espagnoles ou européennes peuvent être intéressées. Ensuite, nous pourrons sûrement compter sur l’appui de l’universitat politècnica de València : l’école d’architecture a déjà publié au sujet du quartier, et certains cours mettent l’accent sur la réalisation de petits projets architecturaux. Ces cours ne demandent qu’à gagner de l’utilité : le pavillons sont construits en matières recyclées ou naturelles sur le campus puis sont enlevés trois semaines plus tard. Il existe une force de travail inexploitée au Cabanyal : celle des Rroms et de la communauté gitane qui y sont installés. Une phase de dialogue est évidemment à mettre en place, menant à une réhabilitation étendue à l’aspect social un développement d’une pensée altruiste : colaborer, construire ensemble.
Il s’agit de mobiliser les énergies et ressources du peuple concerné et des institutions intéressées. La mutualisation des ressorces permet une forme hybride de néolibéralisme communautaire. On cherche ainsi à sortir radicalement de la vision spéculative de l’aménagement de la ville, qui est celle de Lefebvre. La valeur d’échange est chassée sous les valeurs d’usages (Lefebvre, 1969), la distinction entre fabricants d’espaces et usagers de ces espaces disparaissant.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Processus et évènements
d’obtenir un permis temporaire. La dimension pédagogique effective de la construction ré-active le quartier, attire Comme dans les processus de participation citoyenne, la première phase des étrangers, forme les forces de travail et peut même recréer des liens entre les réside dans la discussion, l’échange populations de la zone. Le matériaux d’idées et l’organisation. Ce sont des privilégié est la caña, facile à mettre pratiques déjà mises en œuvre et tout à en œuvre, gratuit, et traditionnel : on fait maîtrisées par les divers activistes opère ainsi la réinsertion du matériau au de la zone. Il manque cependant un espace collectif de forum. Nous pouvons Cabanyal. apporter une intervention architecturale Un espace est ombragé et peut accueillir et artistique qui symbolise la réunion du mobilier de façon à lancer les sociale du quartier. On préconise donc discussions. L’espace de forum créé, on d’emmener les discussions et débats à peut se concentrer sur les autres sujets l’extérieur, mais dans la zone dégradée. que comporte la révolution urbaine. Avec la grande quantités d’espaces À la fin du permis temporaire, la structure laissées libres par les destructions, il est peut être aisément déplacée vers une possible d’en ré-investir : la discussion autre friche pour laquelle on aura sollicité s’ouvre à tous et se contextualise. un autre permis. En déguisant l’intervention en cours de construction écologique, il est possible Matériaux : cañas, cordes.
photo : Ecostructió pages suivantes : photographies personnelles
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Espace public
Dans le cas du Cabanyal, où le manque de mobilier urbain est frappant, on peut utiliser la proximité du port pour y trouver Aux États-Unis, il existe une tendance apparue récemment : «Tactical Urbanism» des matériaux comme des palettes, ou autre. La récupération de matériaux est ou «Do-it-yourself urbanism» qui sont des moyens d’»apporter simplement une la spécialité des communautés Rroms. C’est de ceci qu’ils vivent. contribution fonctionnelle et positive» selon Mike Lydon. À Menphis, à Chicago, À travers des interventions ponctuelles les habitants s’approprient leur espace on crée des bancs, chaises, tables urbain en corrigeant certaines choses. destinés à l’espace public. Il peut être Il peut s’agir de créer du mobilier urbain mobile pour se dispenser de permis. comme de remplacer de la signalisation publique, planter des fleurs ou un L’espace public est aussi rendu arbre. Le collectif Livable Menphis est désagréable par la présence des rayures impliqué dans ce type de pratiques : aux couleurs militaires peintes par la «Nous faisons des petits projets pour municipalité. Des projets de peinture améliorer notre quartier. Personne ne va peuvent être imaginés par divers artistes. le faire pour nous». Les livres sur le sujet Valence est une ville remplie d’art de rue, : «Tactical urbanism : short term action comme on peut le voir sur les murs des for a long term change», réalisés par Mike Lydon et Anthony Garcia, expriment friches du centre ville. l’intérêt de ce type de démarche. Il s’agit d’une autre forme de participation à la vie urbaine. Elle est plus palpable, et au lieu de participer à de petites réunions qui ne seront pas considérées avant des mois et des mois, l’habitant a la possibilité de créer des interventions de son initiative. Les interventions s’appuient sur la récupération de matériaux et leur mise en œuvre spontanée et gratuite. On observe aussi un grand manque d’espaces verts et de plantations : certaines friches peuvent être plantées et amener de l’ombre et de la fraicheur à un quartier qui étouffe. Tous les sols de la zona cero sont recouverts de bitume, imperméable et chaud.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Mobilité et stationnement
Travail et commerce
En continuant dans les idées d’un urbanisme à faire soi-même, il est possible de modifier les signalisations : les traversées centrales du Cabanyal sont en sens unique. En voiture, en arrivant à la fin de l’avenue Blasco Ibáñez, on est confronté à des panneaux de sens interdit, il est donc impossible d’arriver jusqu’à la mer. La remise en question de ce système viaire fait l’objet d’un projet de fin d’études de Sarah Wipplinger (EPFL).
Il n’est pas possible de créer du commerce dans ces conditions. Seulement, le marché du Cabanyal est présent chaque jeudi et envahit certaines rues du quartier. En s’intéressant aux activités des Rroms et Gitans, il serait possible de convertir le quartier en haut lieu de brocantes et récupérations, comme il existe à Bruxelles le fameux marché et la brocante des Marolles. La place ne manque pas. C’est une question qui doit toutefois se négocier avec les autorités.
En ce qui concerne le stationnement, il est possible d’utiliser les friches comme places de parking, comme cela se fait déjà, et rendre piétonne une rue à travers signalisation, peinture, mobilier. Ces rues piétonnes redeviennent le théâtre d’une vie de rue animée, de voisins soudés... Les places de stationnement peuvent être utilisées temporairement et légalement pour y installer du mobilier, comme le suggère Santi Cirugeda de Recetas Urbanas. Les mobilités douces ont leur place au Cabanyal, quartier calme. Le réseau de pistes cyclable est impraticable et tortueux. Il est possible de peindre soimême un nouveau tracé. On peut projeter une période de test : les traversées vers la mer peuvent être cyclables, et comporter des ralentisseurs pour voitures quand elles croisent une rue. Il est possible de fabriquer de petits ralentisseurs pour essayer. Matériaux : peinture, bois de palette, contreplaqué.
La présence de ces communautés marginales est un problème social : il n’y a pas de dialogue et ils ne sont pas acceptés. En interagissant avec eux, à travers ce moyen, ou à travers des projets artistiques où ils participent comme des projets photos, les populations se rapprochent et se soudent. Les forces créatives se mettent en contact avec les forces de travail.
Propriétés publiques La majorité des propriétés publiques sont condamnées. On ne peut qu’encourager l’occupation illégale de ces lieux, la maintenance spontanée en vue de restaurer un jour les constructions. Un phénomène intéressant s’est produit : certains murs mitoyens sont ouverts par les occupants, donnant lieu à des doubles ou triples maisons qui
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permettent l’installation de communautés entières. Les squats sont autogérés, perpétuent des actions sociales et/ ou artistiques sur quoi ils vivent. Ils constituent donc encore une fois un apport de culture, ou de contre-culture. Matériaux : pieds de biche
Friches et ruines existantes
et agréable pour l’été... On peut y créer des théâtres extérieurs, de cinémas de plein air, des espaces d’exposition. Marta Llor, à qui nous devons un témoignage, a créé pour son projet de fin d’études un catalogue d’éléments préfabriqués et propose des assemblages «à la carte» pour revitaliser ces friches urbaines. Avant d’y établir quoi que ce soit, il est impératif de nettoyer ces espaces abandonnés. Matériaux : mobilier de récupération, bois, bois de palette, palettes... La récupération de matériaux de construction comme les carrelages encore présents sur les murs d’anciennes salles de bains, cuisines... pourront servir plus tard à la réhabilitation des maisons encore debout.
Jeunesse
Il y a lieu de réinvestir les nombreuses friches : on y crée des jardins pourvus de mobilier qui peuvent agrémenter une maison occupée, on peut imaginer y construire un salon : tables, fauteuils et chaises y créent un espace ombragé
En attirant les jeunes populations, les jeunes étudiants, on amène au quartier plus de dynamique encore. On vit de plus en plus en mutualisant les ressources : collocation, co-working, co-construction, co-prodution... La première communauté légale crée par Paco, «la casa verde del Cabanyal» peut donner le coup d’envoi à la prolifération de telles entités. Ces populations emmènent avec eux leur culture.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Culture La majorité de la résistance du Cabanyal passe par la production indépendante de culture. Nombre de projets, comme on les a mentionnés, participent à l’autonomie culturelle du quartier. C’est ce que j’appelle la période de «pénombre créative». Cette période, et sa production, méritent d’être montrées d’avantage. Développer les affichages des projets artistiques et architecturaux dans le quartier, dans les friches pour qu’ils soient discrets, peut raviver la conscience des sympathisants au projet de prolongation. Ils ne croient pas à la possibilité de réhabiliter le quartier, peutêtre dû à un manque d’information, ou d’intérêt... Matériaux : papier et colle
mentionné ces faits. Avec la création d’une bourse commune, il est éventuellement possible d’engager une agence privée de nettoyage urbain... Les ordures encombrant les rues peuvent prendre place sur quelques friches, une paroi de palettes en constitue la façade et l’organisme de nettoyage public, qui ne passe que peu souvent, est averti de leurs emplacements.
On peut aussi créer des bibliothèques extérieures et publiques dans nos salons d’extérieurs... À Bruxelles, les boîtes à lecture sont des animations de quartier...
Matériaux : palettes
Matériaux : bois, livres, mobilier de récupération
Comme il a été souligné, le quartier se dirige vers une certaine autarcie technique. Les maisons condamnées n’ont pas d’eau, d’électricité ni de gaz public. Comme dans de nombreux squats, l’électricité est volée, dangereusement. Il existe des alternatives, qui en intéresseront certains et en laisseront d’autres indifférents. Ici, l’idée est de ne plus dépendre des services publics et des lobbys de l’énergie.
Service public et propreté Pas question ici de service public. Tout ce qu’il apporte, ou non, a des effets négatifs : destructions d’œuvres d’art, absence de nettoyage... Nous avons déjà photo : Salvem el Cabanyal
Développement durable et énergie
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Outre les systèmes photovoltaïques coûteux, l’éolien domestique est une méthode : il existe des plans de systèmes électriques fonctionnant au vent, libres de droit. Il est possible de se fabriquer sa propre éolienne domestique avec des matériaux de récupération, ainsi qu’un sens pratique. Le Cabanyal est proche de la mer et profite de son vent depuis sa genèse, les maisons étant pensées pour se ventiler naturellement grâce à celui-ci. On pourrait voir apparaître sur les toits tous types d’éoliennes tournant ensemble. En Espagne, il y aurait moins de contraintes réglementaires relatives à ce sujet que dans d’autres pays européens. On peut imaginer faire participer des étudiants en ingénierie dans le processus, organiser des workshops... Matériaux : bois, quelques composants électriques, câbles, quincaillerie... Une technologie apparue récemment peut s’ajouter à ce système, ou bien fonctionner seule. La batterie domestique est une nouvelle technologie intéressante : elle stocke l’énergie du réseau au moment où elle est le plus rentable, c’est à dire la nuit. Elle peut stocker l’énergie produite par les éoliennes domestiques, fournissant ainsi de l’énergie à tout moment. L’énergie en excédent peut être mutualisée pour alimenter économiquement et écologiquement divers évènement culturels du quartier. Matériaux : 3500$
Patrimoine La défense du patrimoine a toujours été un thème central de la lutte du Cabanyal. Il y existe beaucoup de bâtiments industriels désaffectés. L’école d’architecture de Valence en protège un en l’étudiant : un atelier de projet s’intéresse à sa reconversion en centre culturel. Les autres bâtiments industriels doivent aussi être défendus, occupés. Il peut être intéressant d’en convertir pour accueillir du théâtre, des projections, des évènements... Ou pour y organiser la coopérative de matériaux de construction.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
+ Squelettes
+ Tourisme
Des chantiers arrêtés existent au Cabanyal comme dans le reste de la ville. Quel avenir pour ces squelettes ? Les jeunes vacanciers cherchent des endroits où s’établir. On y imagine des campements urbains verticaux qui peuvent accueillir des forces créatives et de travail de façon temporaire et peu coûteuse. Il faudra veiller à la sécurité des occupants.
Comme on l’a déjà vu, en zone littorale et principalement sur la côte méditerranéenne espagnole, le tourisme est un moteur économique principal. Il existe des alternatives au tourisme de masse, déjà très actif en région valencienne. Il est en effet possible de concilier tourisme et respect du mode de vie, des habitants, du paysage littoral. Le tourisme «coopératif» peut être une solution : il fait appel à des volontaires locaux pour accueillir des touristes intéressés par les cultures et coutumes locales plus que par de la détente stérile, piscine chlorée et cocktail. Des agences de voyages spécialisées organisent les séjours en coopération avec les habitants, mettant leurs savoir, lieu de vie, à disposition des voyageurs. Ceci permet aussi une diffusion de la lutte et une sensibilisation internationale ponctuelle. Les bénéfices sont en partie reversés aux hôtes. Ceci peut être perçu comme un moyen de marchander la culture locale, dans l’idée d’obtenir les moyens de réhabiliter le quartier : une marchandisation orientée vers l’extérieur pour contrer la dégradation opérée par la municipalité.
De nombreuses idées concernant ces façons de «hacker» ou «bidouiller» la ville sont reprises dans les trois volumes de «tactical urbanism; short term action for a long term change». Les publications s’appuient sur l’idée que de petites actions spontanées peuvent induire des changements de mentalités, impulser des modifications urbanistiques plus officielles.
Le tourisme est un phénomène saisonnier, et apporte en été un peu plus encore de fête au quartier, lui laissant son calme pour le reste de l’année.
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Transition Tonkiss définit quatre modèles de tolérances face à un urbanisme indépendant, auto-organisé ou même opportuniste. 1. Un modèle positif, qui crée des conditions favorables au développement de ce type d’actions, en proposant diverses mesures légales visant à légitimer des actions informelles, modeler un type différend de propriétés (communes), délivrer des permis pour des usages ou structures temporaires... 2. Un modèle permissif, qui ne cherche ni à faciliter, ni à exclure ce genre de pratiques. 3. Un modèle de proscription, ne permettant peu ou aucune négociation spatiale. Il passe par la régulation formelle des espaces urbains, la criminalisation de l’occupation, la propriété privée étant la priorité de la gouvernance urbaine. 4. Un modèle d’abandon, où les gouvernements locaux laissent l’espace urbain à son auto-gestion, comme dernier recours35. Dans notre cas, on peut estimer se placer dans le troisième modèle, le plus hostile. Par la censure du projet «Inside Out» en Mai 2015, on ressent une municipalité extrêmement réticente au développement d’initiatives urbaines, et ce, surtout dans le quartier du Cabanyal. C’est un lieu de
controverses où l’initiative est en effet risquée. Même l’édification d’un château de sable sur la plage est interdit (Segri Tarín, 2013). En lien avec la méthode d’hypertexte énoncée dans le scénario de conciliation, les projets visent à accroître la cohésion sociale. Apprendre à construire ensemble est fondamental pour ce scénario-ci. Le dessein est d’initier la transition vers un nouveau modèle de tolérance à un urbanisme auto-organisé. On peut cependant prévoir la réticence du gouvernement, des forces de l’ordre. Par l’action, on stimule le corps législatif vers le changement.
recetas urbanas
est une agence d’architecture-construction menée par Santi Cirugeda, qui s’intéresse à la construction partagée, la transgression ou la manipulation des lois espagnoles pour occuper ou créer informellement certains espaces urbains. En créant des projets, souvent axés sur de la provocation, Santi sensibilise à l’absurdité de certaines lois. Un des objectifs est d’aller vers des reconsidérations légales de l’espace formel. Un autre rassemble les acteurs des projets : en construisant ensemble, on se construit une cohésion sociale indispensable et basée sur l’expérience du présent.
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PERSPECTIVES PROSPECTIVES
Un changement à long terme Comme pour le scénario de conciliation, les actions à court terme conditionnent et impulsent le changement à long terme. Ici, le changement s’oriente vers l’évolution des mentalités, tant politiques que populaires.
De l’action collective à la collaboration privée Ici aussi, le changement à long terme passe par la restauration et la réhabilitation des biens privés. Les permis d’urbanisme sont à nouveau délivrés, on peut alors restaurer les façades et redonner au Cabanyal son éclat. Il s’agit de contrer l’attaque de dégradation perpétuée par la municipalité pour ainsi changer l’imaginaire collectif d’un quartier sale et en ruines. S’en suivra une vague de nouveaux arrivants, de nouvelles constructions et investissements qu’il faudra contrôler pour éviter une gentrification trop massive. Marco Casagrande, architecte finlandais, défini une ville de troisième génération pour Taipei, ville rebelle. Paracity, cidessous, est une structure globale,
l’habitant est invité à participer de façon démocratique comme de façon privée à décider de l’évolution morphologique de sa ville. La structure primaire de Paracity est une trame tridimensionnelle dans laquelle une communauté auto-organisée et autogérée peut évoluer. On peut faire un parallèle avec le Cabanyal, où la structure primaire est la trame urbaine d’intérêt patrimonial en deux dimensions, bien commun, enrichie des quelques squelettes que l’on peut y trouver.
Respect du mode de vie Pour éviter un phénomène de gentrification négative, il convient que le mode de vie du Cabanyal soit respecté par les nouvelles constructions. Sans appui municipal, les permis d’urbanisme peuvent être délivrés à des projets qui ne respectent pas certains principes d’une architecture respectueuse. Il est donc nécessaire de sensibiliser les architectes à l’architecture traditionnelle du quartier : les séjours s’ouvrent sur la rue, stimulant ainsi la vie de quartier, l’ambiance de rue. Ceci peut passer par l’élaboration collective d’un règlement urbanistique local.
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Non loin de la zona cero, on peut trouver le contre-exemple suivant :
a remplacé une vie de rues animées, où les habitants s’asseyaient sur leurs vérandas par les chaudes nuits d’été et bavardaient avec leurs voisins, par des maisons équipées de climatisation et d’alarmes, avec un BMW garée devant et une terrasse sur le toit - résultat, on ne voit plus personne dehors.». On pourrait ainsi croire qu’une limitation du phénomène de gentrification - inévitable - résiderait dans la considération respectueuse de l’architecture locale. Et le problème ne vient pas de la terrasse sur le toit : si chaque maison avait une terrasse sur le toit, il en résulterait une vie de quartier se déroulant sur les toits. Au nouvel arrivant de s’accommoder aux traditions architecturales caractéristiques de la zone urbaine, qui constitue le «commun urbain» (Harvey, 2012) créé et utilisé par les habitants du quartier. Les attitudes individuelles sont pourtant peu contrôlables : «Après tout, les ultrariches protègent tout aussi farouchement L’édifice semble neuf, mais aucune que n’importe qui leurs communs relation à la rue, si ce n’est une entrée de résidentiels, et disposent d’une puissance garage, n’existe. et d’une influence bien plus grande pour les créer et les défendre». Si un ou Harvey, toujours au sujet de Baltimore, plusieurs «ultra-riches» choisissent le constate l’évolution d’un des quartiers de quartier pour s’y établir et recréer leur la ville : «La revitalisation des quartiers par commun urbain, la sensibilisation à la la gentrification dans le sud de Baltimore culture locale fera partie de la lutte.
Encore une fois, la culture et sa diffusion sont des moyens de véhiculer des revendications et de lutter contre les méandres du capital.
Bibliographie
Notes
Ouvrages
25 : terme emprunté à Manuel Castels, dans Luttes urbaines.
LEFEBVRE, Henri, 1968, Le droit à la ville - Paris, Éditions Anthropos (164 p.)
26 : Bruxelles donne son nom à son phénomène de spéculation immobilière tant il fut destructeur.
HARVEY, David, 2011, La capitalisme contre le droit à la ville : néolibéralisme, urbanisation, résistances Paris, éditions Amsterdam (93 p.)
27 : voir le chapitre concernant Paris, dans Luttes Urbaines (Castels, 1972) 28 : PETERS, Michael, 2001, Postructuralism, Marxism, and Neoliberalism : Between theory and Politics - Rowman & Littlefield Publishers (176 p.) mentionné par Candice Smith. 29 : le Partido Popular (PP) est fondé en 1989 par Manuel Fraga. 30 : « crise de la brique » est le nom donné à la crise immobilière suite à l’éclatement de la bulle économique. 31 : ce type de partenariat existe dans de nombreux cas : en l’échange de pouvoir vivre dans le lieu, les occupants s’engagent à l’entretenir, rénover, reconstruire… 32 : phrase et liste contenues dans le document « mémoire justificatif » [en ligne] Disponible sur valencia.es 33 : comme l’auteure le rappelle 34 : voir le mémoire de Anne-Gaëlle Elin, 2015, au sujet de l’espace de coworking. 35 : Citons l’exemple de la ville de Détroit, abandonnée par son industrie, elle est maintenant aux mains des artistes.
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Concluons
Au terme d’un voyage intense, les nombreux témoignages récoltés nous ont permis d’explorer diverses facettes du Cabanyal et des autres quartiers maritimes du littoral valencien. Nous nous sommes penchés sur l’histoire de la ville de Valence, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, pour comprendre l’importance historique du quartier du Cabanyal. Nous avons vu qu’il s’agit d’un fragment de ville, qui fut une petite agglomération de baraques de pêcheurs sur la plage, puis un village indépendant, contemporain au développement du port. Il est présent longtemps avant les autres quartiers de la ville. Nous nous sommes interrogés sur son mode de vie propre. Nous avons pu voir son évolution morphologique, des barracas en adobe, cañas et paille vers le modernisme populaire, et ainsi comprendre son importance patrimoniale. Nous avons aussi pu voir l’influence de l’architecture et de l’urbanisme sur le paysage anthropologique du quartier. Nous avons vu les origines de l’avenue Blasco Ibáñez, ou Paseo de Valencia al Mar : une cité jardin linéaire, imaginée comme peu dense et bourgeoise, reliant le centre historique au Pueblo Nuevo del Mar. Nous nous sommes intéressés à son tracé, influencé par la cité linéaire d’Arturo Soria, urbaniste madrilène, ainsi qu’à sa réalisation chronophage et structurante de la ville moderne. Nous en avons apprécié son évolution, et les influences d’un passage d’une politique municipale socialiste à une politique de droite : sa densification, l’intégration de nombreux grands équipements. Nous avons considéré l’extinction du franquisme et son influence sur le paysage côtier espagnol jusqu’à la crise fatale de 2008. Nous avons étudié le projet de prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez à travers le quartier du Cabanyal et jusqu’à la mer : son ampleur, ses enjeux économiques, les stratégies de destruction sociale et morphologique du quartier. Par là, nous avons pu voir l’ampleur des sacrifices que l’on peut perpétrer au nom du capital. Nous avons aussi cherché à comprendre son paysage social, ses traditions, ses différentes communautés et leurs rapports entre eux. Les nombreuses initiatives populaires nous ont interpellés par leur diversité et leur intérêt culturel notoire.
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CONCLUSION
Par une méthode, dérivée, de la cartographie de controverses initiée par Bruno Latour, nous avons fait ressortir, graphiquement et à l’aide des technologies, les principaux acteurs, les contradictions et les synergies qui animent la controverse liée à la prolongation de l’avenue Blasco Ibáñez à travers le Cabanyal. Nous les avons aussi étudiés de manière chronologique. Nous avons de cette façon pu considérer l’influence des médias populaires sur la controverse, en comparant avec la méthode d’approche sensible. Dans une dernière partie, nous avons cherché à comparer le problème du Cabanyal avec d’autres phénomènes urbains européens, à Paris et à Bruxelles. Nous en avons cherché les erreurs et les tords de chacun. Nous avons aussi approfondi le thème de « mouvements sociaux urbains » et retrouvé des affrontements similaires entre les différents exemples. L’affrontement entre le petit peuple et les forces du capital sont de cette façon ressortis. Nous avons emprunté des mots à des penseurs de l’urbain comme Henri Lefebvre, David Harvey, Manuel Castells, pour les appliquer au cas du Cabanyal. En regardant la Bataille de la Marolle, on a pu dégager une tendance à la « pénombre créative » et voir comment, lors d’une période sombre pour un quartier menacé, la créativité des habitants et une certaine alliance sociale se développe contre un phénomène marketing de « destruction créatrice ». Nous avons pu voir que dans beaucoup de cas les revendications d’habitants s’intéressent à ce que Lefebvre appelle le « droit à la ville ». Nous avons aussi dégagé les dangers de la Bruxellisation et de la Haussmannisation pour le Cabanyal en décrivant une ville de « seconde génération ». Nous avons ensuite considéré le contexte politique, social, et urbanistique, au niveau local, municipal, puis européen. Nous avons pu voir à ces différentes échelles, l’inadaptation du projet au contexte contemporain et ainsi nous positionner contre.
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Dans deux fins alternatives, nous avons considéré deux issues possibles des élections du 24 mai 2015. Les citoyens valenciens décideront de la fin interactive. Cette fin de mémoire constitue un début de renouveau pour le quartier, ayant évoqué diverses propositions pour son avenir. Deux temps de projet ont été considérés : à court terme et à long terme. Le scénario de « conciliation » entre pouvoirs publics et habitants s’est intéressé à une réhabilitation du quartier avec participation citoyenne. Les exemples de Paris et de Bruxelles ont de nouveau été considérés. Il a été proposé une méthode de participation à expérimenter au Cabanyal, qui cherche à donner la possibilité des habitants à s’exprimer de façon à être considérés. Par la méthode de l’hypertextualité, on cherche aussi à répondre à la controverse, en encodant la participation. On cherche à faire ressortir des synergies entre thématiques, questions ouvertes, narratives, tissant des hyperliens urbanistiques et sociaux. Cette méthode reste à expérimenter, et devrait mener à un changement à long terme, vers la ville créative, vivante, socialement cohérente et co-construite. Ce changement s’oriente vers une ville de troisième génération, hyperdémocratique. Devant la réticence du gouvernement en place, le scénario de résilience dresse une stratégie de combat pacifique, armé de culture et d’initiatives populaires. En plus de passer en revue plusieurs possibles petites projets d’acupuncture urbaine, d’urbanisme interstitiel, nous avons cherché comment impulser le changement sans appui municipal. En mutualisant les ressources et les forces de travail, le quartier s’oriente vers une manière parasite de vivre en ville. Le droit à la ville est pris, essayant d’influer sur la politique, vers une transition entre un modèle hostile et un modèle plus tolérant. Ici aussi, le changement s’oriente vers une ville de troisième génération, vers la collaboration, la cohésion sociale, la mutualisation des ressources, vers une réhabilitation respectueuse car auto-initiée. Nous avons pu montrer, dans un cas comme dans l’autre, que la ville de troisième génération peut se passer de plans spéciaux de réforme urbaine.
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CONCLUSION
«Quelle que soit l’issue judiciaire et opérationnelle, la bataille du Cabanyal aura eu lieu», disait Nacima Baron, professeur de géographie, il y a cinq ans, lors de l’approche des dernières élections municipales à Valence. Il est vrai que la période de résistance du Cabanyal est en soi un phénomène urbain intéressant. Elle montre que les citoyens, et que les espagnols ne se laissent pas abattre par leurs personnalités politiques, ne se laissent pas duper par le capital. La ville capitaliste et sa gestion sont perçues comme fatalités. Les lois de la spéculation dirigent ainsi plus activement l’évolution de la morphologie urbaine que ne le font les considérations humaines. La résistance du Cabanyal montre aussi à quel point les personnalités politiques qui dirigent la ville sont plus attirées et influencées par l’appât du gain spéculatif que par des valeurs d’authenticité, d’originalité et de culture, qu’elles détruisent d’ailleurs, vers l’uniformité. Quel que soit, en effet, l’issue du vote, la fin du mémoire constitue le début d’une nouvelle période pour le Cabanyal. Les activistes seront, de façon certaine, dans un cas comme dans l’autre déterminés à continuer d’œuvrer pour leur habitat, à défendre leur « commun urbain ». Les villes sont des organismes évolutifs qui, au cours de l’histoire, se sont reconstruits sur eux mêmes, à travers, généralement, les principes de table rase et de destruction créatrice. Le baron Haussmann a développé sur Paris un projet global de ville : le tissu ancien de la capitale étant rendu obsolète, la table rase a permis d’édifier une ville de seconde génération, embellie, assainie, embourgeoisée et adaptée à la modernité. La spéculation immobilière a transformé le visage de Bruxelles en un chaos, détruisant au passage des quartiers entiers au nom du développement international et du capital. Nous avons vu que les évolutions des villes comme elles ont été opérées au cours des siècles précédents sont souvent le résultat de l’exercice du pouvoir de petites poignées d’acteurs, au détriment de populations nombreuses et peu consultées ou considérées. Ces destructions créatrices mènent à des révoltes urbaines, des revendications naturelles : l’Homme a toujours défendu sa terre, le citadin défend son cadre de vie, son quartier. Face au pouvoir du capital et des politiques, les oppositions amènent à des périodes sombres et inconfortables de paralyse urbaine.
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Nous avons vu que la lutte du Cabanyal est un poignant exemple de résistance urbaine, de lutte contre les pouvoirs du capital. Les actions du voisinage ont complexifié la table rase, en s’y opposant, armés de culture, de projets, de protestations et d’une implication exceptionnelle. C’est ce que j’ai appelé la «pénombre créative». Nous nous dirigeons vers des villes de troisième génération. Elles sont hyper-démocratiques. Elles s’orientent vers divers processus de participation citoyenne. Le citoyen urbain, l’ « homo urbanus » de troisième génération est définitivement intéressé par les décisions qui concernent son lieu de vie. Maintenant que la majorité de la population mondiale est urbaine, agglomérée dans les villes, il devient donc urgent de se pencher sur un urbanisme dirigé de manière plus communautaire, facile, et adaptable aux revendications des habitants. La ville évolue par les interventions spontanées d’une multitude d’acteurs, de petites actions ponctuelles qui amènent à un changement à long terme. Ces interventions sont lourdes de sens, de bon sens, car c’est l’habitant, par essence, qui fait chaque jour l’expérience du lieu. Ces petites actions nécessitent toutefois une coordination pour s’orienter, et former un ensemble cohérent. Cette coordination passe par la discussion et l’échange, l’intervention de spécialistes comme les architectes. Les discussions sont par ailleurs difficiles à mener à de grandes échelles, entre tous les citoyens d’une ville comme Valence, Paris ou Bruxelles. C’est surement pour cette raison qu’existent les Hommes politiques. Avec le cas du Cabanyal, on remarque que la gestion municipale de la ville - démocratique puisque sa direction est soumise aux votes citoyens considère la ville globalement. Elle est bénéfique pour certains quartiers et en résulte fatale pour d’autres. Les processus de participation ne sauraient se passer de délimitations géographiques, de façon à ce que chaque fragment de ville, chaque quartier puisse être géré par des voisins concernés par le même cadre de vie, et donc les mêmes problématiques. Néanmoins, l’intégration des autres citoyens, voire ici de touristes, d’acteurs extérieurs est importante.
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CONCLUSION
L’ouverture et la diffusion de ces processus n’est donc pas à négliger. Aussi, pour être considérée dans la société que nous vivons, cette diffusion doit prendre du poids et exploiter les possibilités offertes par les technologies. Ce sont des choses que la méthode de participation hypertextuelle essaye de concilier. L’ère de la planification s’éteint avec l’ère moderniste. Il s’opère une destruction créatrice de la ville de seconde génération qui devient obsolète. La ville de troisième génération n’a plus besoin de plans spéciaux, elle est autogérée par ses habitants. L’organisation de la ville doit s’adapter à une période de crise du traditionnel système capitaliste, dépasser le fatal néolibéralisme vers des formes plus communautaires, collectives, participatives. Elle doit aussi tirer parti des technologies qui nous envahissent. On peut commencer à se pencher sur une gestion citoyenne où autant d’organes participatifs que de fragments urbains existent. Ces solutions sont encore perçues comme utopiques. C’est pourtant sur l’utopie que se base le progrès. Elles restent à expérimenter et les réponses restent à venir.
El Cabanyal resiste.
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Treball Trabajo
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NO
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AJUNTAMENT DE VALENCIA
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA
La Unidad de Paisaje UP-6 Playa ya fue valorada durante el Proceso de Participación Pública del Estudio de Paisaje de la Revisión simplificada
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 1
del PGOU de Valencia, asignándole una valoración ALTA, por lo que no se incluye en la presente encuesta.
1
podrán aportar sugerencias sobre las unidades de paisaje identificadas.
A través del buzón de consultas y sugerencias habilitado para el proceso de participación, se
¿Existen elementos que usted considera que afectan negativamente al paisaje en el ámbito de la Adaptación? Indique cuales:
¿Existen elementos que usted considera que afectan positivamente al paisaje en el ámbito de la Adaptación? Indique cuales:
Por otro lado:
Seleccione la preferencia visual generada por cada Unidad de Paisaje. Recuerde que el objetivo final no es valorar la calidad de la fotografía en sí, sino el paisaje que ésta representa.
Para cada Unidad de Paisaje delimitada en el Estudio de Integración Paisajística1 se muestra su delimitación gráfica, se describen sus límites geográficos y, a modo indicativo, se muestran unas imágenes representativas del paisaje urbano en la misma.
Al objeto de obtener las preferencias de la población sobre el paisaje en estudio, se propone establecer criterios de preferencia visual de las Unidades de Paisaje definidas en el estudio de integración paisajística a partir de imágenes que las representan.
ENCUESTA DE PREFERENCIAS DE LA POBLACIÓN DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA DE LA ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009. ORDENACIÓN DE ÁMBITOS DE ACTUACIÓN 6.01-7.06
ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
ANNEXE
MEDIA
BAJA
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 2
MUY ALTA
PREFERENCIA VISUAL
Calle Escalante
Calle Los Ángeles
UNIDAD DE PAISAJE
Calle San Pedro
ALTA
Delimitación gráfica:
Avda. Blasco Ibáñez
Imágenes:
UP1: Ensanche Cabanyal
x
Se encuentra delimitada al W por la Avenida de la Serrería, al N por la Avenida Blasco Ibáñez y la calle Pescadores, al E la calle Escalante y al S por las calles Martí Grajales y Columbretes.
Límites:
UP1-Ensanche Cabanyal
Unidad de Paisaje:
UP-1: Ensanche Cabanyal
MUY BAJA
MEDIA
PREFERENCIA VISUAL BAJA
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 3
MUY ALTA
Calle Pescadores
Calle Amparo Guillén esquina con Progreso
UNIDAD DE PAISAJE
Calle José Benlliure
ALTA
Delimitación gráfica:
Calle Escalante
Imágenes
UP2-Zona BIC dentro del ámbito de la Adaptación
Se encuentra delimitada al W por la calle Escalante, al N por la calle Pescadores, al E por la Avenida del Doctor Lluch y al S por la calle Amparo Guillén.
Límites:
UP2-Zona BIC dentro del ámbito de la Adaptación
Unidad de Paisaje:
UP-2: Zona BIC dentro del ámbito de la Adaptación
MUY BAJA
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA
ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
ALTA
MEDIA
PREFERENCIA VISUAL BAJA
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 4
UP3-Entorno BIC del ámbito de la Adaptación
MUY ALTA
Calle La Reina esquina con Pescadores
Calle Padre Luis Navarro
UNIDAD DE PAISAJE
Calle José Benlliure
Calle Escalante vista hacia el N desde calle Columbretes
Imágenes
MUY BAJA
Calle Doctor Lluch
UNIDAD DE PAISAJE
Imágenes
MUY ALTA
ALTA
MEDIA
PREFERENCIA VISUAL BAJA
Solares y ruinas junto a Polideportivo
Delimitación gráfica:
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 5
UP3-Equipamientos deportivos
Se trata de una unidad inconexa, compuesta en la práctica por dos instalaciones deportivas separadas por el ámbito de la Adaptación y su entorno inmediato. La primera se trata del "Campo de Futbol Doctor Lluch", y está delimitada por la calle Doctor Lluch al E, al N por una zona ajardinada, al W por la calle Astilleros y al S por la calle Pescadores. La segunda se corresponde con el "Polideportivo Doctor Lluch", y queda delimitada por la calle Doctor Lluch al E, la prolongación de la calle Amparo Guillén al N, al W por un espacio carente de urbanización y al S por la Avenida del Mediterráneo.
Se trata de una unidad inconexa, compuesta por dos áreas diferenciadas con características sensiblemente homogéneas. La primera se sitúa al N del ámbito de la Adaptación, y queda delimitada por las calles Escalante al W, Cura Planelles al N, Doctor Lluch al E y Pescadores al S. La segunda se localiza al S de la Adaptación, y queda delimitada por las calles Escalante al W, Amparo Guillén al N, Doctor Lluch al E y Islas Columbretes al S.
Límites:
Límites:
Unidad de Paisaje: UP4-Equipamientos deportivos
Delimitación gráfica:
UP-4: Equipamientos deportivos
UP3-Entorno BIC del ámbito de la Adaptación
Unidad de Paisaje:
UP-3: Entorno BIC del ámbito de la Adaptación
MUY BAJA
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA
ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
ANNEXE
AYUNTAMIENTO DE VALENCIA
MEDIA
PREFERENCIA VISUAL BAJA
PLAN DE PARTICIPACIÓN PÚBLICA DEL ESTUDIO DE INTEGRACIÓN PAISAJÍSTICA Encuesta de preferencias de la población Pág 6
MUY ALTA
MUY BAJA
Fachada W de la Lonja de los Pescadores
Terrenos si urbanizar en el extremo S de la unidad
UNIDAD DE PAISAJE
Descampado entre Doctor Lluch y bloque de los Portuarios
ALTA
Delimitación gráfica:
Bloque de los Portuarios visto desde Dr. Lluch.
Imágenes
UP5-Frente Marítimo
La unidad queda delimitada por la calle del Doctor Lluch al E, el campo de futbol Doctor Lluch y la calle Historiador Coloma al N, la calle Pavía al E y la Avenida del Mediterráneo y el Polideportivo del Doctor Lluch al S.
Límites:
UP5-Frente Marítimo
Unidad de Paisaje:
UP-5: Frente Marítimo
ADAPTACIÓN DEL PLAN ESPECIAL DE PROTECCIÓN Y REFORMA INTERIOR DE EL CABANYAL-CANYAMELAR A LA ORDEN MINISTERIAL CUL/3631/2009.
BRUXELLES, 18 mai 2015