Mies van der Rohe

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MIES van der ROHE, 1886 - 1969


Histoire de la construction de l’antiquité à l’époque contemporaine. Histoire du béton. EPFL 2013-2014


MIES van der ROHE, 1886 - 1969 Travail de recherche dans le cadre de l’enseignement de et sur la base des cours de Roberto Gargiani Architecte, PhD Professeur d’Histoire de l’Architecture Directeur du Laboratoire de Théorie et Histoire 3 (LTH3) Avec comme assistante et experte Beatrice Lampariello Architecte, PhD Chargée de cours Etudiant Tim Pham


Ludwig Mies van der Rohe, né le 27 mars 1886 à Aix-la-Chapelle. Il est le fils d’un maçon et tailleur de pierre, ce qui le plonge d’emblée dans l’univers de la construction. Mies ne suit pas formation classique mais technique et professionnelle. Il travaille un an comme ouvrier non rémunéré sur chantiers de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle. La cathédrale annonce deux thèmes principaux de l’œuvre de Mies que sont la muralité et la transparence. Mies acquiert une expérience pratique chez des artisans et dans plusieurs bureaux d’architectes. Il va travailler pour l’architecte Bruno Paul. Mies van der devient à la fois dessinateur dans son agence et élève dans deux institutions où ce dernier enseigne. Mies prend une place particulière dans l’agence du fait de son expérience des chantiers et se spécialise dans dessin des meubles. En 1906, Joseph Popp, assistant du peintre Orlik dans l’atelier duquel Mies s’initiait à la gravure, le recommande à l’épouse d’Aloïs Riehl, professeur de philosophie à l’université de Friedrich-Wihelm et premier expert universitaire de Nietzsche, alors à la recherche d’un jeune architecte pour sa maison de week-end et de vacances. Grâce à Riehl, Mies van obtient à l’âge de vingt ans une première commande qu’il tient à mener à bien tout seul. La maison est en briques enduites avec un toit fortement incliné. La loggia coupe le pignon, cette vue est importante, et fait l’objet de la représentation de la maison la plus caractéristique. La figure du pignon et de la loggia perchée sur le long mur de soutènement évoque aussi le crématoire construit par Peter Behrens. La cuisine, la bibliothèque et les caches radiateur reflètent l’intérêt de Mies pour l’intégration du mobilier dans les murs. La distribution de la maison est conditionnée par l’angle droit entre l’axe de l’entrée et la vue en contrebas sur le terrain en pente raide, le prolongement latéral du bâtiment étant traité en plateforme sur laquelle donne une façade quelque peu écrasée par le plan de la toiture.



Les Riehl, ravis des talents et de la compagnie de Mies van vont l’introduire dans leur cercle mondain. C’est un enjeu intellectuel. En 1908, les Riehl offrent a Mies van une bourse pour faire un voyage à Munich, Rome, Florence et Vicence. Il est surtout frappé par palazzo Pitti (celui qui est vraiment hors échelle, avec un traitement brute du premier niveau) et villas de Palladio. Mies va se présenter à Peter Behrens qui l’embauche en octobre 1908. Mies van dessine la façade sur cour de la Turbinenhalle pour l’AEG, Berlin-Moabit, simplement définie par le pan de verre, le profil des portiques métalliques en double T et l’allège en brique. Behrens est à l’origine de passion que Mies éprouvera toute sa vie pour l’architecture de Karl Friedrich Schinkel. Architecte évoque un “sentiment étonnant pour les masses, les rapports, les rythmes et l’harmonie des formes”. Mies van va assurer le suivi des travaux de l’ambassade de Saint-Pétersbourg. Il avoue n’avoir dessiné que la pognée de la porte d’un bâtiment qu’il ne semble avoir guère aimé: « C’était réellement une sorte d’architecture de palais - Palladio, ou de ce genre-là. Mais Behrens décida d’utiliser du granit de Finlande et tous les détails classiques disparurent. Le caractère était quand même quelque chose comme la porte de Brandebourg, quelque chose qui rappelait Berlin et cela convenait à Saint-Petersbourg… Chez Behrens, j’ai en fait appris la grande forme.»


C’est avec épisode de la maison Kröller-Müller que la rupture avec Behrens interviendra. La commande est d’abord pour Behrens et c’est Mies van qui travaille sur le projet. Finalement la commande est directement confiée à Mies van, que la cliente semble avoir trouvé plus réceptif à ses idées. Behrens conçoit un projet dont Hélène Kröller-Müller critique les trop «longues perspectives». Elle va demander une maquette en vraie grandeur qui sera exécutée en toile sur place en janvier 1912. Mies van va passer l’été à la Haye à travailler sur la maison, Il ne peut pas manquer de voir la maison Henny Berlage (la maison apparaît comme une fragmentation, pittoresque pour trouver une relation avec le contexte. affirmation des principes vus jusqu’à maintenant) et surtout la Bourse d’Amsterdam. Berlage source fondamentale de sa problématique, exposant en tant que tels la pierre, la brique ou l’acier sans dissimulation aucunes. Après l’enseignement pratique reçu dans la firme paternelle en matière de taille des pierres, l’observation des bâtiments de Berlage lui laisse entrevoir la possibilité d’une démarche rigoureuse lors du dessin des éléments constructifs. Mies van dira qu’il aura suffi de «regarder ses bâtiments» lors de son séjour aux Pays-Bas pour ressentir «l’impression la plus forte qui soit quant à l’utilisation de la brique, l’honnêteté des matériaux, etc.»


Le détournement de la maison Kröller-Müller entraine une rupture avec Behrens en plus de la vénération croissante de mies pour Berlage qui irrite Behrens. «Ce qui m’intéressait le plus chez Berlage, c’était sa manière foncièrement honnête de construire. Et son attitude spirituelle n’avait rien à faire avec le classicisme, avec tous les styles historiques. C’était vraiment un bâtiment moderne.» Reprenant le projet à son compte, Mies van transforme la solution antérieure. Il élargit l’emprise du bâtiment, l’ouvre sur le paysage en l’adossant aux arbres, et articule les parallélépipèdes en les réglant selon une symétrie pondérée, au moyen d’une colonnade. La linéarité et la planéité de ce projet expliquent qu’il ait été la seule œuvre précoce jugée digne d’être présentée à la rétrospective du MoMA en 1947.


Maison Ernst Werner, Le jardin évoque l’aménagement3 de Schinkel à Charlottenhof. En 1915, Mies van construit à Charlottenburg une maison pénétrée de l’esprit du mouvement Um 1800. Ce mouvement 1910-1915, préconise des formes historisantes en réaction de l’architecture moderne de Berlage, la caractéristique est l’aspect monumental et l’utilisation de la pierre naturelle.

Villa Franz Urbig, 1913-15 La villa est composé d’un grand corps de bâtisse traditionnel en maçonnerie enduite qui occupe un plan rectangulaire prolongé par l’excroissance d’une salle à manger ouvrant sur le lac. Le toit quasi plat à la Schinkel initialement prévu par Mies sera abandonné sous la pression d’Urbig, au profil d’une couverture en forte pente. Le jardin accentue l’effet de précipice vers le plan d’eau. Les échos de la maison Winslow de Frank Lloyd Wright sont à peine perceptibles. Mies van traite ses commandes d’une manière Schinkélienne dans le rapport au sol assuré par des plateformes. Mies van sera parvenu à assimiler, au travers des expériences vécues chez Behrens, l’importance du rapport avec la grande industrie et le champ d’innovation que constitue la métropole moderne. Ses succès dans le monde des collectionneurs et des mécènes ont esquissé l’hypothèse d’une activité professionnelle orientée vers le monde de l’art.


Les projets théoriques pour la Grossstadt Ce nouveau cycle couvre trois ans après la révolution de novembre 1918. Le gratte-ciel en verre - dans ses deux versions successives -, l’immeuble de bureaux en béton et les maisons de campagne en béton et en brique sont les quatuors théorique conçues à partir de 1920. Les premières relations de Mies van avec les groupes utopiques émergent dans une Allemagne en pleine effervescence culturelle sont difficiles. C’est à cause de sa villa Köller-Müller qu’il est rejeté par Gropius à la participation de l’«Exposition des architectes inconnus» de l’Arbeitsrat für Kunst. La contribution au concours pour le gratte-ciel de la Friedrichstrasse, rendu à la fin de janvier 1922, fait apparaître au grand jour l’originalité de sa réflexion et doit être restituée dans la discussion intense qui a cours à Berlin depuis dix ans. C’est en 1912 que le Berliner Morgenpost avait traité de la question de la «troisième dimension» nécessaire pour que la capitale devienne véritablement une métropole mondiale.


Pour Behrens, le gratte-ciel dépasse l’esthétique architecturale, car il pose mieux que les places ou les édifices isolés le problème du «territoire horizontal» de la métropole, qui «appelle une matière, un corps qui ne peut être trouvé que dans l’implantation de masses verticales et compactes». Un autre discours fondamental à propos des nouveaux espaces urbains est publié en 1908 dans Die Schönheit der grossen Stadt. Sans nul doute Mies van a-t-il lu le passage consacré à la gare de la Friedrichstrasse et au «jeu de lumière sur les grands pans de verre» qui conduit au gratte-ciel de verre. L’article parle aussi des accents du Zarathoustra de Nietzsche pour condamner la dépravation de la Grossstadt. L’article qui est de August Endell, annonce à la fois les esthétiques du futurisme et celles de l’expressionnisme. Il vente en tout cas les «formes cristallines» de la grande entreprise moderne et la «beauté du travail» que la culture de Weimar. Le projet de Mies se distingue par son refus de tout contextualisme et de toute hiérarchisation apparente des étages selon les composantes du programme.


riple prisme en verre de 20 étages, sans base ni couronnement, et comme sectionné au sommet par un plan horizontal, supporté par une ossature d’acier, le bâtiment occupe la totalité du site triangulaire. Trois failles au rez permettent d’accéder aux ascenseurs, tout en éclairant les étages des trois corps de bâtiment articulés autour d’un noyau central. Mies a fragmenté les façades. Fait un travail de recherche en maquette sur le jeu des reflets et pas sur le jeu d’ombres et lumière des bâtiments traditionnels (inadaptés pour des surfaces vitrées) rupture avec la problématique tectonique de Behrens. Non seulement, Mies élimine toute différenciation verticale, mais il écarte le problème de l’articulation en façade des éléments porteurs et des remplissages en proposant un pan de verre intégral. La deuxième version du gratte-ciel apparaît printemps 1922. Les recherches qui prolongent le thème du concours propose un terrain indéterminé, Mies van avait probablement à l’esprit un terrain bien précis dans le centre de Berlin. Le tracé du plan découle de recherches en maquette (en verre). Les courbes sont déterminées par l’exposition des pièces, l’impact de la construction dans son environnement et les jeux de reflets. Les deux projets renvoient aux pans de verre visibles à Berlin comme dans les halles de gare. La structure nécessaire pour ces tours n’est pas explicite. La maquette est supportée par des poteaux de section circulaire mais on est pas sûrs que c’est la structure voulue par Mies car elle n’apparait dans aucuns de ses plans. Le hall (cage d’ascenseur) change et devient plus plastique dans son dessin. La dématérialisation et l’intemporalité de deux tours animées par une sorte de force gothique seront soulignées. Mies van insistera sur le caractère empirique de son approche, suggérant un patient travail de mise au point des courbes du plan.


La «maison de campagne en béton» utilise une structure porteuse de poteaux, mais elle n’en reconduit pas la trame régulière. Ainsi les ouvertures peuven-elles être percées librement, car «la mince peau en béton forme à la fois les murs et la toiture» et les cloisons disposées sans contrainte, car Mies a pu «concentrer les éléments porteurs et de contreventement en des points peu nombreux du bâtiment». Autant les bâtiments de bureaux étaient unitaire, autant la maison se ramifie sur le terrain, comme pour englober les fragments les plus larges possible. Le dépoiement horizontal de ses parallélépipèdes cache la connaissance qu’avait Mies des maisons de la Prairie de Wright. Le plan ramifié de la maison est, à la différence des premières solutions wrightiennes, remarquable par l’absence de hiérarchie apparente et le modelage des plateformes et des sols prolonge les dispositions des maisons Wiegand et Kröller-Müller et peut donc être rapproché de l’architecture de Schinkel. !! Le découpage et l’assemblage de ses volumes sont fondés sur la différenciation de leurs usages. Walter Gropius développera explicitement cette problématique avec le Bauhaus de Dessau en 1925. La libre articulation spatiale est interprétée par la définition d’une structure de quatre montants fins «renfermée dans une mince peuai de béton armé» qui «configure aussi bien les murs que le toît», et dans laquelle les ouvertures sont découpées. La valeur d’enveloppe non portante de la paroi est révélée par les longues ouvertures en fente à la base des volumes qui continuent même sur les arrêtes. La maison se détache en partie du sol et devient antigravitationnelle.


La «maison de campagne en brique» est présentéeà la Grosse Berliner Kunstausstellung de 1924. Le projet se ressent à la fois des œuvres vues à l’exposition du Bauhaus à Weimar et du travail de De Stijl, mouvement auquel Mies van avait été hâtivement assimilé à Paris, lors de l’exposition à Paris, lors de l’exposition à la galerie Rosenberg. Strictement contemporaine de la maison Mosler; qui témoigne de la capacité de Mies à mettre la brique en œuvre, cette nouvelle maison en partage le matériau, mais non les principes de composition. La maison Mosler fournit des indication quant à l’aspect qu’aurait pu avoir la réalisation. Le vocabulaire utilisé est élémentaire et associe des murs de brique de hauteurs différentes, deux blocs contentant les cheminées, des toitures planes en léger débord et des pans de verre verticaux. Les murs sont des écrans qui ne se recoupent pas : ils se touchent par leurs extrémités. «A une série de pièces distinctes j’ai substitué une suite d’espace ouverts. La paroi perd ici son caractère de clôture et ne sert plus qu’à l’articulation organique de la maison.» L’espace est fluide et continu, invitant au mouvement et proposant une ouverture contrôlée vers le paysage. Le plan est plus polarisé vers deux zones de densité plus grande qu’il n’est à proprement parlé centré, ce qui le distingue fondamentalement du Rythme d’une danse russe, le tableau peint en 1918 par Théo Van Doesburg. Une autre source pourrait être les «Filmmomente» de Hans Richter, compositions spatiales de plans autonomes que le cinéaste publie en 1923 dans De Stijl. Richter verra, «plus qu’un plan, un nouveau langage, précisément celui qui semblait devoir rallier notre génération». cf mouvement néerlandais: extension du champ visuel des pièces de la maison.


La relation entre la fluidité des espaces intérieurs et les recherches de Frank Llyod Wright est incontestable. Déjà lisible dans l’indétermination de l’«immeuble de bureaux en béton», informée par les dispositions du Larkin Building, la filiation est assez claire. «L’œuvre de ce grand maître nous a conduits dans un monde architectural d’une force et d’un clarté de langage inattendues et aussi une richesse surprenante de la forme. Enfin, nous tenions un bâtisseur puisant à la vraie source de l’architecture qui élevait une réelle originalité ses créations architecturales vers la lumière. Enfin une véritable architecture organique qui s’épanouissent devant nous.» Mies van semble avoir enraciné sa démarche de projet dans une synthèse personnelle des expériences schinkéliennes et wrightiennes. Il reste fidèle aux positions de G (magasine) sur le rejet des préoccupations de forme et sur le souci exclusif de la structure et des matériaux, base d’une «nouvelle attitude envers la construction», présentant à titre d’exemple des tentes d’Indiens, des igloos et des huttes de branchages. Cet intérêt pour la cabane primitive ne vient pas de la lecture de Laugier, mais de la fréquentation des ouvrages de géographes et d’anthropologues. Parallèlement, Mies appelle de ses vœux, dans un arcticle de G, l’industrialisation de la construction, prophétisant une préfabrication intégrale en usine, à l’exemple de Ford, dont la figure fascine alors l’Allemagne entière. Il fait écho à l’affirmation de Peter Behrens en 1913 selon laquelle «l’architecture incarne la manifestation rythmique de l’esprit du temps». Mais sa volonté de rupture a d’incontestables accents nietschzéens. (fin des certitudes, éclatement) (Zarathoustra, l’idée de l’éternel retour, nouvelle promesse d’avenir pour l’homme, choisi par Nitschze l’a choisi car il est le premier à enseigner la doctrine morale de deux principes de bien et du mal.), cf aussi botanique et l’harmonie naturelle, cf constructivisme russes./ Mies van: «L’architecture est toujours la volonté de l’époque traduite dans l’espace. [..] La question de la nature de l’architecture est d’une importance crucial»


Dans la poétique de Théo van Doesburg,, la structure est exclusivement fonction de l’idée de l’espace.



Immeuble de bureaux en béton Il apparaît dans le premier numéro de G. S’oppose aux tours précédentes. Le dessin au fusain permet interprétation structure. Les dalles des niveaux sont portées par deux systèmes orthogonaux de portiques en béton armé. Verticalement, le bâtiment semble flotter au dessus du sol dont il est séparé par une bande de fenêtres. En guise de couronnement, une dalle semblable aux autres coiffe un étage de hauteur réduite. Les garde corps sont hauts de au moins 2 m et le retrait de la façade de verre vise sans doute à le protéger de la pluie. Aucune indication de cloisonnement n’est donné, sauf autour du hall d’entrée, séparée du reste du rez-de-chaussée par une cloison vitrée. Mies van insiste sur le fait que les dalles de plancher se retournent et se transforment en allèges ( Pans de mur léger compris entre une fenêtre et le plancher) opaques et permettent d’installer les meubles de rangement sur le pourtour afin que les plateaux soient complètement libérés. Par opposition aux deux immeubles de verre, qui donnaient des vues extérieur, il s’agit bien d’une usine à étages, exprimant la célébration de l’objet et l’usine en temps que tel. Projet accompagné d’un manifeste: «Nous refusons toute spéculation esthétique, toute doctrine et tout formalisme. / L’architecture est la volonté d’une époque traduite dans l’espace. / Vivante. Changeante. Neuve.» Référence à Otto Wagner: l’adéquation de l’architecture aux thèmes de l’époque avait été l’argument principale du petit livre. LAN GAG E


Mies publie dans la seconde revue de G l’un de ses textes les plus connus «bauen». Dans lequel il dit que « Il n’y a pas de forme, mais seulement des problèmes de construction». Il n’est pas déplacé de rapprocher ce dispositif sur une ossature en béton de la maison Dom-ino élaborée par Le Corbusier en 1914 et qui était sans doute connu par Mies van. Contrairement à l’espace Dom-ino, certes non divisé intérieurement, mais limité par les dimensions de dalles de plancher et par les différents remplissages pouvant à l’occasion occulter toute la hauteur de l’étage, l’espace ouvert du Bürohaus est clivé par le plan horizontal défini par l’arête supérieure des allèges. Au dessous de ce plan s’étend la nappe des bureaux, sans vue vers l’extérieur et susceptible de toutes organisations, au-dessus, une lame d’air sans autre limite que le diaphragme des vitres. Dans un autre bâtiment de bureaux, il cherche des frands espaces de travail bien éclairés, dégagés, non pas divisé mais articulés.

Maison Eric Wolf. Mies van implante sur la crête et ouvre le rez sur une terrasse, les espaces intérieurs sont disposé autour de la terrase. Les vues du bâtiment depuis le devant comme depuis la rue sont fortement modelées par le contraste des plans de brique, à l’appareillage très lisible et par les percements. Mais le découpage de la maison est en partie masqué par le mur de la terrasse lorsqu’elle vue depuis le bas. (cf. Maison Riehl) La terrasse est une sorte de couche horizontale semblable aux soutènement du jardin, offrent depuis le bas de la pente une vue spectaculaire.


Siedlung expérimentale de Stuttgart Au centre de l’attention européenne. Mies a le statut d’organisateur et d’urbaniste. Mies se voit confier la conception d’un ensemble sur les terrains du Weissenhof. Première esquisse sous forme de maquette qui coiffe la colline d’une nappe de maisons cubiques. Leur mouvement suit les courbes de niveau. Ce plan est critiqué par les architectes locaux qu n’admettent pas voir cette commande leur échapper. Mies devra reprendre son plan en juillet 1926 qu’il inscrira presque totalement dans une géométrie orthogonale en réduisant les dominantes verticales. Dans la version finale du plan d’ensemble, le modelage des sols est fortement simplifié. Il unifie cependant une cité destinée à accueillir 21 bâtiments différents. Mies s’attribue le principal immeuble collectif et confie le second à Peter Behrens en guise d’hommage. Les principaux invités sont Gropius, Bruno et Max Taut, Oud, Mart Stam, Hans Scharoun, Ludwig Hilberseimer et Le Corbusier. L’immeuble de mies a 4 niveaux et reigne au dessus de la cité. se compose de 4 unités alignées desservies chacune par une cage d’escalier distribuant deux appartements par paliers. C’est la première fois que Mies utilise une ossature d’acier, dont les poteaux lui permettent enfin d’atteindre l’ouverture et la flexibilité déjà proposés par Behrens et auxquels il aspirait depuis longtemps. L’ossature reste cependant presque toujours noyée dans le plan des murs, le revêtement blanc ne laissant rien deviner du jeu de la charpente et des remplissages, mais les variations dans la distribution des appartements révèlent le potentiel de liberté offert par le système constructif. Mies achève d’ailleurs la démonstration en installant des cloisons mobiles dans certains appartements, convaincu que seules les cuisines et les salles de bain pourraient à l’avenir demeurer fixes. Menuiseries et piéces métalliques utilisées évoquent le monde de l’industrie. Weissenhof: nappe de maison cubiques, économie «organique», POTEAUX, menuiseries et les pièces métalliques évoquent le monde de l’industrie



Deux Maison à Krefeld Maison Esters et Lange: à l’extérieur unitaire avec la brique et des éléments en béton peint en blanc., mais à l’intérieur dissociation des plans. On peut lire le mur comme seul, la fenêtre acec un cadre en bois. Utilisation de système constructif en acier, écriture industrielle pour les volumes et les détails, fenêtres en accordéon ou escamotable. cf Berlage avait expérimenter ce dispositif dans des voitures de chemin de fer. soubassement cf maison wolf. Le jeu des murs et des plateforme rapproche les deux villas de la maison de campagne en brique. Surtout, les ouvrages extérieurs prolongent leur architecture et leur donnent une large assiette qui évoque les maisons sur la Prairie de Frank Lloyd Wright.



«Nous n’attendons rien du tout des matériaux en eux-mêmes, mais uniquement de leur utilisation appropriée. Apprendre à connaître les matériaux, c’est aussi apprendre la nature de nos usages. Nous devons les analyser clairement, Nous voulons connaître leur contenu. Comment un immeuble d’habitation se distingue réellement des autres bâtiments. Nous voulons savoir ce qu’il peut être, ce qu’il doit être et ce qu’il ne doit pas être. Nous voulons donc le connaître dans son essence. Ainsi allons-nous examiner un à un chaque usage, déterminer son caractère, et en faire le fondement de la forme. De même nous voulons connaître les matériaux, de même voulons-nous aussi connaître notre situation spirituelle.» «C’est une exigence préalable à toute attitude juste dans le domaine de la culture. Là aussi, nous devons savoir, car nous dépendons de notre époque. Voilà pourquoi nous devons connaître les forces porteuses, motrices de notre temps. Nous devons analyser leur structure matérielle, fonctionnelle et spirituelle. Nous devons saisir dans quelle mesure notre époque est semblable aux précédentes, et en quoi elle s’en distingue» IIT, Mies van met l’accent sur la construction et le dessin. Nous ne leur enseignons pas des solutions, nous leur apprenons le moyen de résoudre des problèmes.


En 1945, Philip Johnson proposera à Mies d’étudier un pavillon pour présenter la toile de Mies (projet de musée pour une petite ville). La «salle de concerts» conçue au même moment fait elle aussi l’objet d’un collage, dans lequel le dispositif des parois et des plans horizontaux n’est plus encols ni par les murs bas d’un patio ni par des horizons montagneux. La photographie d’une grande enveloppe métallique dans laquelle sont siposées les murs de la salle figure les fermes de treillis du hall de montage de l’usine de bombardiers Glenn Martin construite par Alber Kahn, architecte de Ford et de General Motors. C’est dans ces année là, et en apprenant de l’image de la Galerie des machines de l’exposition de 1889, reproduite par Sigfried Giedion, que Mies van découvre la portée - réelle autant que métaphorique - ainsi que le potentiel pour sa propre production. Chicago est sans doute l’un des lieux où l’alliance entre industriels et architectes tant revendiquée par le Werkbund, se dessine le plus fortement. Mies est parrainé par Wright et par la profession, en la personne de Holabird, mais c’est à l’IIT que Mies van découvre le monde industriel. Parallèlement à la réorganisation de l’école d’architecture issu de l’Armour Institute of Technology, il travaille avec Ludwig Hilberseimer à un plan d’ensemble de son nouveau campus.


La «salle de concerts» collage, image de la galerie des machines de l’exposition de 1889 reproduite par Sigfried Giedon en 1928. Il révèle pour Mies l’empreinte des grands ouvrages d’ingénieurs tel que les publications du Werkbund les avaient diffusé en 1914 et dont Mies van découvre toute la portée - ainsi que le potentiel pour sa propre production. Chicago est l’un des lieux où l’alliance entre l’industrie et architectes se dessine le plus fortement. C’est à lIT qu’il découvre le monde industrielle. tectonique: notion d’empilage, notion grecque, descente des charges. Associant selon des configurations différenciées la brique et les charpentes d’acier, Mies van fait entrer la dimension du temps dans le projet d’ensemble,ne redoutant pas que les principes initiaux deviennent obsolètes: Le principe que Mies van utilise pour les différents bâtiments de se démordait pas pour deux raisons: Il est radical et à la fois conservateur. Il est radicale par ce qu’il accepte le mouvement des sciences et des techniques et les forces porteuses de notre époque. Il a un caractère scientifique mais ce n’est pas de la science. Il utilise des moyens techniques mais pas de technologie. Il est conservateur, car il ne vise pas seulement un usage, mais aussi un sens, dans la mesure où il n’est pas seulement une fonction mais aussi une expression. Il est conservateur, car il est fondé sur les lois éternelles de l’architecture: ordre, espace, proportion. À fur et à mesure, Mies van utilise des ordre de plus en plus classique. L’esprit de Schinkel est présent et il rencontre l’expression de l’usine Fagus de Walter Gropius. Par exemple, le travail sur les joints creux entre les profilés métalllique qui constitue l’arête de l’angle et le remplissage de brique rappelle précisément le thème utilisé pour l’Altes Museum de Schinkel. Ce détail d’angle transmet à l’extérieur l’idée du cadre métallique de la strucutre, écoquant par la platine son encastrement dans le sol par le joint creux sa séparation d’avec le contreventement en brique. Un autre bâtiment fait cf à la Neue Wache de Schinkel forme intensive = qui ne prolifère pas.


Pour le campus, le plan initial propose un terrain découpé selon une trame horizontale de 24 pieds, fixé en fonction de la dimension commune aux salles de classe, aux salle de dessin et aux laboratoires, la trame verticale étant de 12 pieds. Mies vient à un découpage en six îlots, sur lesquels il dispose trois types de bâtiments parallélépipédiques: les grands volumes unitaire, les barres de classes à quatre niveaux et les bâtiments complexes associant plusieurs composantes de programme. Mies fait preuve une grande sensibilité pour le cadre urbain. Au-delà de la prise en compte des échelles du bâti proche, le travail effectué à la demande de Mies par le paysagiste Alfred Caldwell, attaché à planter des végétaux d’origine locale, contribue à ancrer le campus dans la vision d’un paysage régional modernisé. Mies codifie strictement l’usage des profilés en I ou en H produits par la sidérurgie locale. Associant selon des configurations différenciées la brique et les charpentes d’acier, Mies van fait entrer la dimension du temps dans le projet d’ensemble, ne redoutant pas que les principes initiaux deviennent obsolètes: «Je n’avais pas peur de cela. Le principe ne se démoderait pas pour deux raisons. il est à la fois radical et conservateur. Il est radical parce qu’il accepte le mouvement des sciences et des techniques et les forces porteuses de notre époque. Il a un caractère scientifique, mais ce n’est pas de la science. Il utilise des moyens techniques, mais ce n’est pas de la technologie. Il est conservateur car il ne vise pas seulement un usage, mais aussi un sens, dans la mesure où il n’est pas seulement une fonction, mais aussi une expression. Il est conservateur, car il est fondé sur les lois éternelles de l’architecture: ordre, espace, proportion.»


La maison Farnsworth La surélévation du volume retrouve la solution de la maison de campagne en béton. les soubassements de Schinkel, l’ouverture totale dans les côté renvoie aux maison Tugendhat et Resor. la maison semble avoir été hissé en place, pavillon de thé, abri temporaire, neutralité dans les matériaux choisi - acier laqué blanc et plan beige de travertin romain, comme évocation d’une sorte de temple domestiqué, shinto ou grec.


Pavillon de Barcelone «Sans destination évidente, palpable ou impérative: un édifice voué à la représentation, un espace vide et, par la même, un espace en soi.» C’est un point d’inflexion essentiel dans l’œuvre de Mies van et dans l’architecture du siècle, notamment par la diffusion de photos. Un des éléments régulateurs du projet est le bloc d’onyx doré de l’Atlas (1/5 du prix total). La hauteur dépend de la taille disponible de ces plaques. Le pavillon est dans la pente, il propose un parcours architectural saisissant, conduisant, à un retournement du cheminement vers l’intérieur, et vers la domination du mur d’onyx. Ruegenberg souligne l’attachement de Mies à l’idée d’adosser la scène principale du pavillon à une paroi: «Je dois avoir un mur derrière moi.» Chaque espace intérieur est prolongé par un espace intérieur et qui lui fait écho et dont la présence est d’autant plus importante qu’aucun éclairage bla b Ce jeu essentiellement pittoresque aurait été renforcé par la présence de plusieurs sculptures faisant office de point de fuite. Dans cet univers de transparence et de reflets minéraux et métalliques, des plans colorés se dégagent. La structure horizontale de la toiture est dissimulée, au point de donner l’impression d’une plaque homogène. La seule symétrie perceptible est celle qui associe le plan du sol et celui du plafond, au point de rendre réversible certaines vues du pavillon. Cette symétrie ne se révèle bien entendu qu’une fois accomplie l’ascension du socle - nouvelle citation de Schinkel. Après des projets dominés par le verre, sans mention d’une structure explicite, comme le second gratte-ciel, ou par le béton et la brique le pavillon donne une portée plus générale au thème de l’ouverture exploré dans la «maison de campagne en brique» par l’introduction de colonnes en métal. Elles délimitent désormais l’intérieur strict du bâtiment, la définition de l’espace par les plans verticaux se détachant de la structure.


Il autonomise les parties avec des pierres différents, le sol est traité comme les murs, il vit pour lui même, le sol est travaillé comme un mur, malgré la notion de socle. Chaque espace intérieur est prolongé par un espace extérieur qui fait écho et dont la présence est d’autant plus importante qu’aucun éclairage artificielle ne sera installé. Ce jeu essentiellement pittoresque aurait été renforcé par la présence de plusieurs sculptures faisant office de point de fuite. c f. S O C L E S C H I N K E L Le pavillon donne un portée plus général au thème de l’ouverture exploré dans «la maison de campagne en brique», introduction des colonnes en métal. Elles délimitent désormais l’intérieur stricte du bâtiment, la définition de l’espace par les plans verticaux se détachent de la structure. !! La notion de plan libre, que Le Corbusier avait formulée à l’occasion des maisons de Stuttgart (Weissenhof), et celle de la muralité, prônée par Berlage, sont ainsi solidement articulées. !! La notion de plan libre que Le Corbusier avait formulée à l’occasion des maisons de Stuttgart (Weissenhof), et celle de muralité, prônée par Berlage, sont ainsi solidement articulées. «Mies fait partie de ceux qui pensent la maison comme une unité. Pas comme une juxtaposition de pièce recouverte d’un toit, mais comme une circulation conduisant de pièce en pièce en suivant le mode de vie. Et, il s’agit comme dans l’urbanisme, d’organiser la circulation de telle manière que la vie domestique que le bâtiment doit servir se déroule avec le moins d’obstacles possible. Aucune pièce ne sera coupées des autres, la continuité en elles est recherchée. L’espace entiers sera disposé organiquement selon les usagers.»




Projet de concours pour l’aménagement de l’Alexanderplatz,1929 Le projet Berlinois condense les réflexions de Mies van sur la métropole. Il associe les considérations relatives à la forme physique de la ville, au sens latin urbs, et à son espace social, au sens de la civitas telle que l’entend saint Augustin dans la cité de Dieu texte qui souligne la persistance d’une civitas chrétienne au dépit du sac de l’urbs de Rome par les barbares. Mies van reproche à Le Corbusier de ne s’être occupé que du «problème de la forme des métropoles». Tout se passe comme si Mies assimilait l’approche de Le Corbusier à une manifestation d’une civilisation décalée, à laquelle il conviendrait d’opposer la culture. Mies semble plaider au nom des intérêts du capitalisme dans son ensemble, pour introduire une pensée de la régulation et non pour des projets particuliers. (Contrairement à Hilberseimer, il se dispense de formuler un projet pour corriger Berlin.) Même si il déplore l’absence de prévision pour un pays dont les villes explosent. Mies aime bien Bruno Taut qui projette rien d’extravagant ni rien d’arbitraire, car il dessine en fonction des du paysage, des circulations des hommes qui devront y vivre et travailler.


Pour le Crown Hall, Mies van rompt alors avec le langage qu’il avait adopté pour la plupart des autres bâtments, reformulant à une échelle nouvelle la configuration totalement ouverte de la maison Farnsworth, de la maison de 50 pieds et du Commons Building. Il développe là le principe des grandes poutres extérieures au volume principal expérimentées en 1945 et 1948 dans un projet non réalisé pour le restaurant drive-in Cantor. Espace unique de 120 pieds sur 220 et d’une hauteur de 18 pieds, Crown Hall est couvert par une structure spectaculaire réduite à quatre grandes poutres d’acier soudé sous lesquelles le plafond est suspendu. L’espace du niveau principal est libre et susceptible d’accueillir toute combinaison éventuelle de tables et de lieux d’enseignement. Les locaux plus techniques et les salles de cours sont rejetés dans le soubassement, à l’image d’un système éducatif centré sur le travail d’atelier. L’accès principal, face à la ville et non à l’extérieur du campus est assuré par un perron en porte-à-faux revêtu par une lame de travertin, proche par sa texture de celui de la maison Farnsworth. Aux yeux de Mies, ce bâtiment restera « la structure la plus claire que nous ayons conçue, celle qui exprime le mieux notre philosophie ». Mais il s’agit, en fait, d’une problématique nouvelle, non pas tant du fait de l’ampleur de l’espace, dans lequel Mies aimera travailler, comme il s’agissait d’une sorte d’habitation idéale, mais bien parce que la charpente métallique, perceptible de l’intérieur dans ses bâtiments précédents, est ici invisible comme à la maison Farnsworth. Jugé par Colin Rowe «trop pur pour être utilie», Crown hall est la première formulation complètement réalisée de ce grand espace où tout est possible. «Nous ne savons par si les gens l’utiliseront comme nous l’avons souhaité. D’abord, les fonctions ne sont pas claires; ensuite elles ne seront pas constantes - elles changent plus vite que le bâtiment. Nos bâtiments durent des siècles. Les ascenseurs,le chauffage, etc, s’usent, mais la structure, elle ne s’use pas.»


Pour le Théâtre national de Mannheim, le niveau inférieur est occupé par les services. Mies insistera sur ce point dans la présentation du projet, où il souligne la «séparation claire des fonctions et leur expression spatiale sur des niveaux distincts», qui a «l’avantage de permettre une grande flexibilité». En 1952, 10 ans après le Concert Hall, Mies met au point le Convention Hall, dans le South Side Planning Board de Chicago, il s’agit d’un espace ouvert, proche par sa taille de l’usine utilisée par Mies van dans son collage. Ce hall d’exposition et de congrès, sur un plan carré de 720 pieds de côté, aurait pu accueillir cinquante mille personnes. Sa charpente métallique en treillis bidimensionnel est cette est cette fois entièrement visible et portée par les piliers libérant toute l’emprise couverte. Ce programme pousse au paroxysme le thème du grand espace libre. Parallèlement à ces interprétations du thème du grand espace couvert, Mies s’est attelé à l’élaboration et au perfectionnement d’un autre type architectural marquant de sa production américaine: les tours d’habitations. Elles représentent la première manifestation d’une entreprise de la production immobilière que Chicago attendait depuis la crise de 1929.


Lorsqu’il reçoit en 1954 la commande d’un immeuble de bureaux à New York pour la multinationale canadienne Joseph E. Seagram et fils, Mies van der Rohe est âgé de 68 ans. Il lui aura donc fallu attendre près d’un quart de siècle, depuis les premières esquisses du gratte-ciel de la Friedrichstrasse, pour pouvoir enfin réaliser son idée du grand immeuble de bureaux. C’est Philip Johnson qui lui décroche le manda. Mies l’associe au projet également pour le remercier pour d’avoir diffuser son œuvre au MoMA. Le parti d’urbanisme est ici radicalement nouveau. Posé sur un plaque de granit bordant Park Avenue, le Seagram Building, achevé en 1958, règne au-dessus de la ville, commandant une séquence d’accès particulièrement solennelle, bordée par deux bassins symétriques. Mies van situe la tour, dont le plan utilise la proportion de 5 par 3 qu’il affectionne tant, au milieu de la parcelle, qui correspond elle-même aux trois quarts de l’îlots situé entre les 52e et 53e rues. Contenu par le plafond du rezde-chaussée que prolonge un auvent, un second soubassement, virtuel et aérien, sépare du sol la masse des trente-huit étages. Mies souligne à ce propos qu’il s’agit pour lui non d’une réponse à un problème particulier, mais bien de la définition d’une solution générale: «Mon concept et ma démarche pour le Seagram Building ne différaient en rien des autres bâtiments que j’ai eu à construire. Mon idée, ou plutôt la “direction” dans laquelle je vais, est celle d’un édifice et d’une structure claire - ceci est valable non pour tel ou tel problèmes architecturaux que j’aborde. Je suis en fait totalement opposé à l’idée selon laquelle un bâtiment particulier doit avoir un caractère individuel - c’est pour moi plutôt un caractère universel qui doit être déterminé par le problème total que l’architecture s’efforce de résoudre.» «Je me suis procuré les analyses immobilières sur le type d’espace de bureau le plus recherché par les locataires, et le règlement de construction de la ville de New York.»


Le volume du bâtiment donne l’impression d’unité géométrique dont la réalité est plus complexe, car elle associe deux configurations en T superposées. Dans les quatre niveaux inférieurs, le corps principal est adossé à un bloc qui occupe toute la largeur de l’îlot, la configuration s’inversant au-dessus. Au rez-dechaussée, la dalle du parvis se poursuit sans rupture de niveau jusque dans le vestibule habillé de travertin. La différenciation de la base et de la partie principale du bâtiment est fortement accentuée par la présence explicite des poteaux dans le hall, et par leur disparition au-dessus, qui serait totale s’il n’étaient révélés par le dispositif des angles, très différents de ceux des immeubles d’habitation de Chicago. La trame des H verticaux en bronze - matériau à la fois mat et ostentatoire s’interrompt en effet au droit du poteau d’angle, qui est lui même doublement enrobé d’une gaine de béton et d’une peau de métal. Les horizontales présente au 860-880 Lake Shore Drive disparaissent ici. Contredisant toute prétention d’honnêteté structurelle, le dispositif de la façade, mis au point pour habiller une ossature métallique, se poursuit à l’identique au droit des contreventements en béton du noyau des services. La couleur bronze de l’ensemble du bâtiment, pour lequel la mise au point du verre s’avéra fort difficile, semble provenir d’une inspiration de Samuel Bronfman, frappé par la couleur des menuiseries anciennes de New York. C’est ainsi un reflet sombre de la ville, segmenté par les montants mur-rideau, qui lui est renvoyé, alors que le rez-dechaussée assemble des revêtements de pierre plus clairs. Une stricte régulation des stores vénitiens ordonne visuellement la façade à toute heure, lui donnant ainsi un caractère plus pictural qu’architectonique.



Lewis Mumford dira du Seagram: «Le Seagram Building se dégage de cet amas, de cet embouteillage figé de nouveaux bâtiments sordides, produits par une mode criarde. (..) Plus encore que son voisin la Lever House (SOM), il a l’ambiance. Entièrement visible depuis les trois côtés et accessible à pied, il crée de l’espace au lieu d’en consommer. Le geste consistant à le détacher des bâtiments environnants a été le plus audacieux de son principal concepteur Mies van der Rohe; par un lourd sacrifice quant à la surface de bureaux rentable, il a réussi à produire un effet qui n’est obtenu que lorsqu’un groupe de bâtiment sont placés ensemble sur une emprise plus vaste qu’un îlot, comme le Rockefeller Center. »


A Montréal comme dans les autres ensembles de la série au Canada, l’espace séparant le plafond des halls des tours et le sol de la rue joue un rôle essentiel. Il associe la couche de pierre du sol, une couche d’air et la sous-face blanche des bâtiments qui les éclaire et les soulève. Rattachant les tours au sol de la ville les grandes dalles de pierre rappellent la tradition de la stéréotomie dont Mies van était issu, en particulier dans le travail sur les joints - lisses, atténués ou effacés, de façon à reconstituer à l’occasion le lit de la carrière. Le corpus que constituent les trente-deux tours construites par Mies van, dont seulement huit ont une ossature d’acier, n’est répétitif qu’en apparence. Ces solides stèles posées sur des rezde-chaussée transparents, sur des coussins d’air, semblables entre elles - au sens géométrique du terme - et imperceptiblement différentes, font office de réactifs, donnant la mesure des villes et leur tendant un miroir. Uniques par la richesse des associations contextuelles qu’elles proposent, elles sont rarement destructrices d’urbanité, contrairement à presque toutes leurs imitations. En définitive, l’Amérique dans laquelle Mies van a construit se révèle très éloignée de celle, imaginaire, de ses débuts berlinois. La réalité urbaine de South Side de Chicago, où il avait réalisé l’IIT, est en fait bien sombre à côté de la vision idylliques d’un Amérique où l’économie et la raison coïncideraient et qui avait été les siennes avant 1930. Si la construction d’îlots limités de rationalité urbaine, à Chicago ou à Toronto, peut le consoler quelque peu de cette déception, le quasi-mutisme de Mies van quant à la Grossstadt américaine contraste avec son attention antérieure et indique bien la distance séparant l’attente à distance de l’expérience concrète d’une scène urbaine idéalisée.


Mies poursuit la mise au point d’un troisième type de bâtiment, celui des grands espaces sans points porteurs intermédiaires. L’étape la plus importante de ce processus est l’étude d’un immeuble de bureaux pour le rhum Bacardi à Santiago de Cuba. Interrompu par la révolution castriste, ce projet commandé par José M. Bosch, président de la compagnie et admirateur de Crown Hall, a été en partie déterminé par des conditions climatiques qui ont conduit Mies van à abandonner le principe de la poutraison et de la façade dudit Crown Hall pour reculer le plan de verre à l’abri de l’avancée de la toiture. La structure du projet Bacardi - un treillis de couverture porté par huit colonnes périphériques - est en béton armé et recouvre un grand volume vitré au plan composé de façon symétrique où seule une partie des activités trouve sa place, le reste étant placé dans le socle. Mies trouve à l’occasion de transposer le principe de Bacardi en une construction d’acier. D’une étude pour un industriel Georg Schaefer, découle la Nationalgalerie de Berlin, étudiée à partir de novembre 1962 à la demande du sénat de la ville et construite entre 1965 et 1968. Le bâtiment de Berlin, élément fondamental du Kulturforum imaginé face à l’est, permet à Mies van de tresser de façon manifeste le fils traversant son œuvre allemande allemande et américaine. Élaboré par touches successives au sein de l’agence, le grand portique d’acier autorisant théoriquement tous les usages est posé sur un socle de pierre dans lequel les collections permanentes de la galerie sont d’ailleurs quelque peu escamotées et privées de lumière naturelle verticale. En revanche, le grand volume vitré du niveau supérieur est disponible pour tous les dispositifs de l’art contemporain, comme son l’a montré depuis.


La couverture, élaborée au terme de longues négociations avec les ingénieurs, est une grille d’épaisseur constante qui est apparente à l’extérieur et à l’intérieur, où aucun faux plafond ne vient la masquer. Ses caissons ne peuvent manquer d’être rapprochés de ceux du portique de l’Altes Museum de Schinkel, auquel l’apparentent aussi la situation planante au-dessus de la ville et la transparence entre l’intérieur et l’extérieur. Elle sera construite par tronçons en acier de qualité adapté au niveau des contraintes subies par les différentes sections. Le volume vitré de 54 mètres de côté e st réservé aux expositions temporaires, les collections permanentes étant abritée dans le socle. Mies revient ici non seulement au thème du pavillon inauguré avec la maison Riehl, mais aussi celui de l’acropole, tel que le projet de Schinkel pour Oréanda l’avait redéfini. Ce projet superposait d’ailleurs un pavillon en forme temple ouvert à des galeries souterraines, comme dans le bâtiment berlinois. Pour Mies «Le musée est selon moi une solution classique au problème qui m’a été soumis». Mies reprend avec sérénité la problématique de la colonne. Il reprend la section cruciforme utilisée à Barcelon et à Brno et proposée pour certains bâtiments de l’IIT. Mies ne manque pas l’occasion de faire allusion à la Turbinenhalle de Behrens en reprenant le thème de la rotule, qui n’articule plus, cette fois, les portiques et le sol, mais préciséement les colonnes et la couverture. Ces supprots extérieurs sont une référence aux arcs-boutant gothiques, sur lesquels Mies n’a cessé de réfléchir depuis Aix-la-Chapelle et au travers de sa lecture de Violet-le-Duc.


Malgré toutes les critiques, on ne peut que se taire devant les efforts extraordinaires accomplis par Mies pour rendre une unité logique à ses réflexions sur la pertinence du grand espace ouvert et sur la clarté structurelle. Mais, au terme de ce majestueux retour en Allemagne, alors que son arthrite l’a amené à confier une grande partie du suivi de chantier à Dirk Lohan, la mort est au rendez-vous le 17 août 1969, L’œuvre de la maturité de Mies van der Rohe se déploie dans une certaine solitude, tant elle se fonde sur un refus de l’invention en tant que telle et opère sur un nombre limité de thèmes. «Mies passe trio de temps sur un problème. il n’arrive pas à se décider.» Cette attention au détail se fonde sur l’expérience juvénile de Mies van, comme le montre un propos rapporté par Malcolmson : se souvenant avoir dit à son père que les détails ne se voyaient guère au-dessus du deuxième étage, celui-ci aurait dit de monter jusqu’en haut de la cathédrale de Cologne, où il verrait les mêmes détails que dans la crypte… En parallèle avec son travail minutieux, sur les questions techniques et de rationalisation visuelle, l’inscription dans le paysage de ses grandes formes typiques mobilise une partie de son énergie. Urbain et parfois suburbain, le paysage n’est jamais une table rase, mais bien un appui pour les figure susceptibles d’être déplacées vers d’autres sites. Les soubassements, les perrons et les plateformes définissent un espace de négociation entre des types essentiellement mobiles et des lieux spécifiques. Le rapport visuel avec ces paysages est par ailleurs fondamentalement différent de celui de Le Corbusier. S’il partage l’intérêt de ce dernier pour le cadrage, Mies substitue à la notion de percement celle d’une ouverture totale, filtrée par les effets perspectifs de la répétitions des cloisons. Ainsi exposés à l’extérieur, dont ils ne sont isolables visuellement que par des dispositifs d’ordre mobilier (rideaux, stores), les espaces intérieurs des projets américains éliminent les couloirs et tendent à réduire les sujétions liées aux réseaux, voire à les dénier purement et simplement, les résistances de Mies à la plomberie étant notoires.


Mies avait en effet l’habitude de dire que la véritable grandeur des cathédrale gothiques était liée au fait qu’elles n’avaient «pas de plomberie». Dans ce sens, Mies van se situe aux antipodes du néo-brutalimse et en franche opposition par rapports aux réflexions de Louis Kahn. Sa vénération pour Schinkel et Berlage mise à part, c’est en définitif à Wright qu’il réservera son estime la plus explicite, voyant en lui plus qu’un enseignement, «une libération», une œuvre lui permettant «de se sentir plus libre». Il sera d’ailleurs payé en retour, comme on l’a vu. Mies se défendra à plusieurs reprise d’avoir été un Weltbesserer, d’avoir voulu «améliorer le monde» autrement qu’en agissant sur sa forme bâtie. Dans les années 1950, il dira qu’il n’est «pas un réformateur», qu’il n’a «pas voulu changer le monde, mais l’exprimer». «Je n’entend pas améliorer le monde et je n’ai jamais affirmé que je l’aie voulu. Je suis un architecte qui s’intéresse à la construction [bauen] et à la conception [Gestaltung] en général, mais on eput aussi donner à la construction un sens plus large.» Mies edifie une œuvre personnelle, marquée à la fois par un effort constant pour donner une forme intellectuellement et matériellement rationnelle aux programmes des élites engagées dans la transformation de la société et par le refus de paraître comme un «auteur» original. Utilisant l’acier et le verre, matériaux de la grande industrie, dans des configurations déterminées par les stratégies esthétiques de l’avant-garde et pourtant marquées au sceau du classicisme, Mies a élaboré dans ses types initiaux et dans leur déclinaison des catégories d’édifices aussi symboliques du mode de production capitaliste que les palais florentins l’étaient de la société marchande du quattrocento. C’est par là aussi à l’autre école de Chicago que son œuvre renvoie, celle des sciences sociales modernes fondées à l’université de Chicago, à partir du «cristal» qu’est la ville, avec ses populations et ses groupes ethniques et sociaux, qui aura servi de base empirique pour créer un modèle des conflits et des arbitrages à prétention universelle.




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