Évaluation des Évaluations ― Français : le vÉritable État des lieux À l’entrÉe en sixiÈme

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Évaluation des Évaluations

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ÉVALUATION DES ÉVALUATIONS ─ FRANÇAIS : LE VÉRITABLE ÉTAT DES LIEUX À L’ENTRÉE EN SIXIÈME, par Mireille Grange et Michel Leroux Texte paru dans Le Débat n° 128 de janvier -février 2004, pages 183 à 192, reproduit avec l'aimable autorisation des auteurs et de l'éditeur. Cet article a suscité une réponse de la Direction de la Prospective et de l'Évaluation qui est publiée dans Le Débat n° 130 de mai-juin 2004, ainsi que la réponse à cette réponse par Mireille Grange et Michel Leroux.

Chaque année, au début du mois de septembre, les élèves de sixième subissent des tests d’évaluation nationaux, en français. Il s’agit, aux yeux des concepteurs de cette « passation », d’une « évaluation diagnostique » censée permettre « d’analyser certains savoirs et savoir-faire importants à l’entrée au collège ». Ce serait pourtant gravement en méconnaître les finalités que de regarder ces tests comme de simples instruments d'analyse. Il s'agit sans doute d'y vérifier la maîtrise de certaines compétences et rien n'est apparemment plus légitime que de fonder une évaluation sur des critères clairement définis. Mais c'est la nature et le nombre de ces critères qui doivent retenir ici l'attention. Filets et épicycles Si l'on considère d'abord la nature des compétences mesurées, on découvre qu'il en va de l'évaluation des sixièmes comme de la pêche au filet où la conception du piège et la dimension des mailles prédéterminent les prises. Conçue sur ce modèle, une évaluation risque de ne remonter à la surface que les vérités qu'elle redoute le moins. S'agissant ensuite du nombre des items, on se fera une idée de la démarche des évaluateurs en évoquant les épicycles que la science médiévale empila jadis sur un modèle cosmologique dont la pertinence était chaque jour plus démentie par les faits. Ainsi, à mesure que les productions écrites révèlent l'inefficacité croissante des méthodes actuelles, le nombre de critères que l'on mobilise pour les évaluer s'envole. Toutes ces raisons font que la pesante logistique de l'évaluation de Sixième parait moins témoigner de la volonté de connaître la réalité, que du désir inavoué de l'esquiver. Si l'on voulait vraiment savoir en effet si un élève est apte à écrire un texte cohérent dans sa langue maternelle, cinq lignes pourraient suffire. De là à considérer que les évaluateurs officiels, nourris de cette « sociologie d'État » qui contribue depuis près de trois décennies à la prospérité d'une bureaucratie éducative, s'efforcent d'imprimer à la réalité la couleur de leurs rêves, il n'y a qu'un pas. Ce pas, on est tenté de le franchir en s'avisant que la variante scolaire de la Bureaucratie a hérité de ses devancières cette autre propension qu'est la manipulation du vocabulaire. On ne saurait compter pour rien en effet la disparition de l' épreuve au bénéfice de la passation ou celle, plus révélatrice encore, de l' examen au profit de l'évaluation. Si le premier exemple présente une plaisante manifestation de pudibonderie autoritaire, le second est plus lourd de sens. Examen et évaluation Un examen, en effet, permet d'abord de vérifier des connaissances qu'on estime naturellement inutile de débaptiser au prix de savantes contorsions, et qui, lorsqu'il s'agit de français, relèvent de la morphologie, de la syntaxe et de l' orthographe, sans lesquelles la compréhension d'un texte et la cohérence d'une rédaction sont irrémédiablement compromises. Mais un examen a aussi pour fonction de sanctionner le travail effectué en amont, puisqu'il ouvre ou ferme le passage des candidats à un cycle supérieur. Il n'en va pas de même de l'évaluation qui survient après un

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19/05/09 14:20


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