Urbanisme et plannification - les nouvelles émergences dans la fabrique de la ville

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Tiphaine de CAZENOVE - MS Management Urbain et Immobilier Développement économique stratégique et opérationnel des villes 07 octobre 2016

En quoi l'émergence d'occupations légales, alternatives et temporaires de bâtiments non exploités impacte le développement de la ville? Peut-on envisager considérer ce phénomène comme une nouvelle stratégie de développement opérationnel des villes?


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Nous voyons apparaître aujourd’hui dans le paysage urbain de nouvelles formes d’appropriations légales de bâtiments privés et publics dans le contexte d’un tissu urbain dense. Ces derniers apparaissent comme une reconquête par les citadins des lieux abandonnés, sans usages ou en phase de transformation. Ces phénomènes pourraient s’apparenter au squat, ou à l’émergence récente d’investissement par la marge jeune de la population de lieux inédits et originaux pour des soirées décalées (squat subventionnés). Cependant ces phénomènes diffèrent, ils ont un cadre légal limité dans le temps et dans l’espace. Ils détournent les usages premiers du lieu en opérant une mutation fonctionnelle, par laquelle le bâti est adapté à leurs besoins sans refonte lourde des espaces qui le compose. Qui sont les acteurs de ces projets, quelles sont leurs motivations ? Comment impactent-ils le quartier et le territoire, quels rôles assurent-ils ou revendiquent-ils par rapport à la société ? Pouvons-nous tirer dans ces phénomènes un enseignement pour le développement stratégique de nos villes ? Mes propos s’appuieront sur l’étude de deux lieux en particulier : l’ancien hôpital Saint Louis dans le 14ème arrondissement rebaptisé pour l’occasion « Les Grands voisins » et occupé par plusieurs associations, artistes et proposant des espaces de réunion et de travail ainsi que des lieux de convivialité ; et le 6B, collectif d’artistes et d’associations à but sociale et culturelle situé à Saint Denis et en marge d’un quartier en construction.

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LES ACTEURS DE CES MUTATIONS URBAINES A. Les Grands voisins : Associations de compétences citoyennes pour mieux cohabiter en ville 1/ L’action associative face aux défis de l’appropriation d’un lieu 2/ Temporalité d’action mais pérennisation d’un mode de penser la ville B. Le 6B : Une démarche citoyenne pour améliorer un cadre de vie 1/ Une initiative privée 2/ De nouvelles compétences dans le dialogue urbain 3/ Stratégie du territoire

II LES IMPACTS ET DEVELOPPEMENTS A. Les externalités pour les quartiers 1/ Une mixité sociale mitigée 2/ Vecteurs de dialogue et lieux d’expérimentations urbaines B. Les externalités pour le territoire 1/ Stratégie de développement économique : Gentrification 2/ Une stratégie territoriale : un mode de construction de la ville grâce aux espaces intercalaires – L’économie collaborative en question C. La construction de la ville : un secteur en transition 1/ Apparition de nouveaux métiers : vers une nouvelle organisation? 2/ Exploitation des cycles de vie des bâtiments – Economie circulaire et économie de fonctionnalité

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LES ACTEURS DE CES MUTATIONS URBAINES A. Les Grands voisins : Associations de compétences citoyennes pour mieux cohabiter en ville 1/ L’action associative face aux défis de l’appropriation d’un lieu

A l’origine des Grands voisins, trois associations : l’association Aurore1, Yes We Camp2 et Plateau Urbain. Trois démarches différentes mais qui ont trouvé leur complémentarité dans la concrétisation des « Grands Voisins ». « Grand comme l’ambition de partager des valeurs d’hospitalité et de générosité. Voisins, comme un lieu d’échanges et de sociabilité de proximité, un espace-temps innovant sur les questions de solidarité, favorisant la rencontre des publics, des usages et des activités »*3 Dans ces associations, Plateau urbain est l’instigateur d’un mouvement nouveau : ses associés, deux urbanistes, devant le constat alarmant du taux de vacance d’immeubles, proposent d’« Inventer une sorte d’Airbnb de la vacance immobilière. Qu’occuper des immeubles vides devienne légal, juste au prix des charges, en créant une boîte à outils pour l’occupation éphémère. »4 Ainsi, depuis 2013, ils multiplient les opérations limitées dans le temps et négocient avec les propriétaires fonciers d’occuper leurs biens pendant les périodes de vacance dans le cadre d’un bail précaire avec un loyer bas. Les occupants temporaires sont le plus souvent des artistes cherchant des lieux d’expression, allant de l’évènementiel au temporaire. En mai 2015, l’association Aurore5, fait appel à Plateau Urbain pour engager un projet de « cohabitation mixte » sur les 3,4 hectares de l’Hôpital Saint Vincent de Paul mis à sa disposition par l’APAH et l’établissement public foncier de Paris. L’association Aurore installera un centre d’hébergement d’urgence mixé avec d’autres usages, avec l’aide de Plateau urbain et Yes We Camp. La mission de Plateau Urbain est de veiller à la coordination technique pour viabiliser le bâtiment, à assurer l’entretien, à sélectionner les candidatures pour les locaux et à gérer la programmation. Les candidats payent 200€/m2 par an. Si ce lieu est multifonctionnel par la coprésence d’hébergements pour personnes 1

L’association Aurore à pour mission depuis 1871 de lutter contre l’exclusion et la précarité par le biais de la réinsertion sociale et professionnelle. 2 Depuis 2013, Yes We Camp est un collectif de bâtisseur proposant des constructions éphémères innovantes fonctionnels et inclusives autour de notions diverses comme l’habitat, la ville mobile ou les projets participatifs. 3 Lumière de la ville, (Roland Castro et agence Mediascop) « Les grands voisins : La ville éphémère investit dans les espaces intercalaires », site internet Demain la ville powered by Bouygues Immobilier 4 D’ANGELO, Robin, « Au 6B, la gentrification heureuse », Street Press, 27 août 2014 5

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en grande précarité et d’espaces de convivialité ouverts aux publics, il montre aussi la capacité d’un lieu marqué par son programme hospitalier à se métamorphoser.

Source : Plateau urbain axonométrie organisationnelle du lieu

2/ Temporalité d’action mais pérennisation d’un mode de penser la ville Comme prévu, Les Grands Voisins quittera les lieux en 2017 en vu du démarrage des travaux de l’éco quartier prévu sur le site. Le projet est porté par la mairie de Paris et la société de maitrise d’œuvre est Anyoji Beltrando, une société d’architectes urbanistes. Une concertation a eu lieu : suite à une réunion publique en décembre 2015, plusieurs ateliers participatifs ont permis de dégager les besoins et envies des habitants du quartier. On remarque dans les compte rendu de réunions de concertation l’empreinte qu’a laissé l’expérience des Grands voisins : « Créer des espaces de convivialité et de rencontre au cœur du site », »Créer un espace public central créant différentes ambiances », « des espaces publics aux fonctions récréatives et écologiques » 6


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Plateau Urbain a participé activement à cette concertation. L’initiative a facilité le dialogue dans le quartier, par l’expérimentation de ce lieu partiellement transformé et aidé à la construction et à la programmation du projet.

B. Le 6B : Une démarche citoyenne pour améliorer un cadre de vie 1/ Une initiative privée A Saint Denis, le 6B a une histoire bien différente. Depuis longtemps, le bâtiment datant des années 1970, anciennement occupé par les bureaux d’Alstom, est convoité par Julien Beller, architecte et dionysien. En 2009, lors de la négociation de rachat de la friche industrielle d’Alstom par le promoteur Brémont et Associé, Julien Beller passe un accord pour obtenir un bail précaire de 10€/m2 pour une surface de 2000 m2 sur les 7000 m2 que compte le bâtiment et ce pour une durée de 23 mois. En effet, le promoteur comptait à terme y réaliser une opération de 70 logements. Selon Julien Beller, « l’idée c’était d’ouvrir ce vide à des gens de Saint-Denis qui en avaient besoin. Des artistes, des associations mais aussi des entreprises dans l’économie sociale et solidaire. »6 Brémont et associés achève de racheter la friche industrielle en 2011, pour construire un nouvel éco quartier de 4 hectares, Neaucité. Ce dernier fait partie intégrante du projet de rénovation urbaine « Gare Confluence » (65 hectares) qui vise à éradiquer l’habitat insalubre et à valoriser les friches autour de la gare de Saint Denis, la troisième gare d’Ile-de-France. Six années plus tard, le 6B est toujours présent et l’île saint Denis se construit. Le 6B a acquis sa légitimité auprès du promoteur qui lui a même accordé de louer l’intégralité du bâtiment : en effet, la présence du 6B facilite la commercialisation de ses logements et représente un potentiel de communication non négligeable. Ce lieu de création et de diffusion accueille plus de 170 résidents et organise des évènements culturels dont le plus connu se déroule en été, « La Fabrique à Rêves ». A cette occasion, le jardin s’ouvre au quartier et propose une programmation diversifiée comprenant soirées, concerts et expositions. Grâce à ces soirées, de nombreux parisiens apprennent à connaître ce lieu et à découvrir Saint Denis.

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D’ANGELO, Robin, « Au 6B, la gentrification heureuse », Street Press, 27 août 2014

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2/ De nouvelles compétences dans le dialogue urbain Constatant le potentiel 7 du 6B pour le développement du quartier en construction, Brémont et associés engage une collaboration avec Promoteur de Courtoisie urbaine afin de créer un cadre de réflexion pour assurer le maintien et l’intégration de la résidence dans le projet de Néaucité. Cette structure a été créé par Rabia Enckell, paysagiste de formation et se donne pour mission d’assurer l’interface entre un groupe d’habitants et un porteur de projet d’habitat groupé. Consultante, elle travaille par ailleurs à l’élaboration d’un projet d’habitat participatif sur l’Ile de Saint Denis, en assistant les futurs habitants de « l’Arche en l’Ile » à participer à la conception de leurs logements, dont l’architecte est Julien Beller. 8

Graphique de fonctionnement de « Promoteur de Courtoisie urbaine »9

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La soirée d’ouverture de « La Fabrique à Rêves » en 2012 a accueilli plus de 3000 personnes in. Le Parisien, « Ils ont conçu leur immeuble avec leurs futurs voisins »,14 avril 2015, source : http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/l-ile-saint-denis-ils-ont-concu-leur-immeuble-avecleurs-futurs-voisins-14-04-2015-4691647.php 9 Source : http://promoteurdecourtoisieurbaine.com/a-propos/ 8

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3/ Stratégie du territoire Les instances publiques ont très vite soutenue le 6B, entrevoyant dans ce lieu culturel le moyen de transformer l’image de cette zone populaire de l’agglomération, marquée par son passé d’ancienne banlieue rouge. L’Etablissement Public Territorial affirme, dans le Contrat de Développement Territoriale, vouloir faire de Plaine Commune10 un « Pôle économique créatif de premier plan » et se caractérise de « territoire de la culture et de la création » dans le Grand Paris. Sa stratégie territoriale s’appuie sur les retombées bénéfiques de développement que pourront lui donner ce statut. Plaine Commune a par ailleurs installé dans les locaux du 6B un atelier nommé « atelier du territoire de la culture et de la création », utilisé comme dispositif de démocratie participative.

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Créée en 2000, la communauté d’agglomération Plaine Commune rassemble les villes d’Aubervilliers, Epinay-sur-Seine, La Courneuve, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Stains et Villetaneuse et Saint-Ouen depuis 2013

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II LES IMPACTS ET DEVELOPPEMENTS A. Les externalités pour les quartiers 1/ Une mixité sociale mitigée Diverses études soulignent l’implication accrue des classes moyennes dans la vie locale. Leur objectif est d’influer les politiques locales pour améliorer leur cadre de vie et de nouer des relations sociales au sein de leur quartier.11 Julien Beller, issu de la classe moyenne dionysienne, explique vouloir que le 6B soit « ouvert sur le territoire pour participer au développement du quartier » pour créer un projet pour le développement de sa ville. Cependant, Lina Raad, en étudiant l’intégration au 6B des classes populaires du quartier module cette ouverture en notant que « la programmation du lieu correspond aux habitus des classes moyennes dotées d’un capital culturel élevé, qui sont sensibles aux formes d’art créées et exposées au 6B », et « le 6B reste un lieu géré par des classes moyennes, qui définissent sa programmation culturelle, et fréquenté par des classes moyennes. »12 Aux Grands voisins, la mixité sociale se révèle par la coprésence de populations en grande précarité et de résidents de classes moyennes, mais la population qui s’y retrouve est principalement la même qu’au 6B. Sans équivoque lieux de rencontre, d’animation, ces lieux ne sont pas l’image d’une mixité sociale vécue et assumée. Les classes moyennes ont une position « leur permettant d’exercer une domination symbolique » 13 sur le quartier. Nous pouvons donc nous interroger sur l’orientation stratégique de développement de Plaine Commune : En effet, la culture attire les classes moyennes et contribue à la gentrification d’anciennes banlieues rouges14 au lieu d’être moteur de mixité sociale.

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RAAD, Lina, « Investissement de la vie locale des classes moyennes et appropriation de l’espace en banlieue rouge parisienne», Revue Urbanités, article du 14 octobre 2015 12 ibid. 13 ibid. 14 À partir des années 1920, le Parti communiste a conquis un ensemble de communes industrielles et ouvrières autour de Paris, où il a développé un mode de gestion locale fondé sur une redistribution sociale en faveur de la classe ouvrière. Ces communes dont faisait parti Saint Denis étaient appelées Banlieues Rouges.

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2/ Vecteurs de dialogue et lieux d’expérimentations urbaines Le 6B et les Grands voisins exercent un rôle important pour l’instauration d’un dialogue entre les pouvoirs publics, les promoteurs immobiliers et la population. Leur objectif commun : créer un lieu attractif et innovant. Le compte rendu de la concertation de Saint Vincent de Paul, dont voici un extrait, est d’ailleurs révélateur de la prise en compte des désirs citoyens : « Equilibre programmatique : - 43 000m2de logements, contre 48 000 m2 initialement - 6000 m2 de commerces et activités, contre 600 m2initialement - Un espace vert central de 4000 m2 contre 2000 m2initialement - Habitat participatif - Un grand équipement privé d’intérêt général : de nouveaux espaces dédiés à la création » Lieu d’expérimentation pour Yes We Camp, Les Grands voisins a permis de développer des aménagements innovants, décalés, ludiques, le tout dans une ambiance communautaire. Le succès de ces installations se lit aussi au travers des propositions faites par les citoyens lors de la concertation. Ces lieux intercalaires font prendre conscience à la société du potentiel de développement qui existe et de l’importance de leur participation au dialogue publique pour la création de la ville de demain, afin de la rendre plus humaine. B. Les externalités pour le territoire 1/ Stratégie de développement économique : Gentrification Selon Lina Raad, docteure en géographie et aménagement depuis 2014, « Plusieurs enquêtés sont venus s’installer à Saint-Denis après avoir travaillé au 6B, ou fréquenté ce lieu. Plus que le lieu en lui-même, c’est la présence d’habitants ou de résidents du 6B aux caractéristiques sociales proches qui a motivé leur installation à Saint-Denis, et la garantie d’une inscription dans les réseaux locaux. Le 6B et les réseaux de sociabilité sélective qu’il permet d’établir entre professions culturelles jouent donc un rôle déterminant dans les choix résidentiels et l’ancrage territorial de certains enquêtés. »15Ainsi, le 6B a favorisé le déplacement des populations en faisant évoluer son mode de perception sur Saint Denis.

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RAAD, Lina, « Investissement de la vie locale des classes moyennes et appropriation de l’espace en banlieue rouge parisienne», Revue Urbanités, article du 14 octobre 2015

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En parallèle, la ville de Saint Denis opère un programme de requalification du centre historique (PNRQAD) pour attirer les classes moyennes afin de lutter contre la paupérisation, sans entrainer l’éviction des classes populaires pour autant. Cependant, l’opération prévoit la démolition de 230 logements et la production de 320, dont 30% soit 96 de logements sociaux. Or, selon les enquêtes sociales, le besoin en relogement est estimé à 180. Ainsi, la ville est bien en train de diminuer l’accès au logement des plus démunis qui se verront contraints de s’éloigner de Paris. Les objectifs de renouvellement du parc immobilier de la ville et ceux de Brémont et associés ont été aidés par la présence du 6B. Cependant, ces transformations se font au désavantage des populations les plus vulnérables. 2/ Une stratégie territoriale : un mode de construction de la ville grâce aux espaces intercalaires – L’économie collaborative en question La question se pose : est-il pertinent de démocratiser ces modèles d’occupation intercalaires pour développer des stratégies propres aux villes? Considérant le caractère collaboratif et efficace de ces projets, il apparaît logique de les dupliquer pour permettre à de nouveaux espaces de connaître ces développements. Pour autant, l’économie collaborative qui s’en dégage est fragile : il repose en majeure partie sur l’implication de bénévoles, d’associations et de créatifs aux professions peu lucratives, et entraine le départ des marges les plus vulnérables de la population. Trouver un modèle économique viable qui permette la création de valeur pour l’ensemble des acteurs est donc impératif si le territoire et les acteurs de la construction considèrent les retombées économiques favorables sur le long terme. Aujourd’hui, le 6B se finance principalement par les subventions de l’Etat, les locations de salles et organisations d’évènements ne lui apportant que peux de bénéfices. Quel avenir aura le 6B une fois que la société Brémont et associés aura commercialisé tous ses appartements ?

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C. La construction de la ville : un secteur en transition 1/ Apparition de nouveaux métiers : vers une nouvelle organisation? « Après une ère d’ingénierie technique, on entre dans une ère d’ingénierie sociale et sociétale. On aura de plus en plus besoin de personnes capables d’interfacer, d’accompagner le changement, de relier pour augmenter la cohésion, la cohérence et la productivité du système[…]. Nous allons devoir travailler à l’avenir de façon plus systémique et cela requiert de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-faire. » 16 Ces nouvelles compétences se retrouvent dans les activités de Plateau Urbain et de Promoteur de Courtoisie Urbaines. Ce sont des « tisseurs de lien social », (toutes proportions gardés, comme nous avons pu le noter plus haut) qui ont pu démontrer leur importance par ces deux expérimentations. Pour autant, ces structures sont jeunes, l’une est une association, l’autre une société : leur légitimité est à construire auprès des leaders de l’immobilier. La position de Promoteur de Courtoisie Urbaine est intéressante : elle pourrait permettre à termes de créer des modes d’accès à la commande plus inclusifs, plus proche des besoins et plus durables. 2/ Exploitation des cycles de vie des bâtiments – Economie circulaire et économie de fonctionnalité Au delà de leurs rôles respectifs dans la fabrique de la ville, Les Grands Voisins et le 6B exploitent le cycle de vie des bâtiments. Ils reconnaissent le potentiel d’adaptation du patrimoine bâti et nous en montrent la richesse : Aux Grands Voisins, l’enquête publique a révélé l’intérêt que portaient les habitants du quartier pour le bâti existant. Le collectif 6B, lui, a exploité un bâtiment sans valeur marchande pour les promoteurs, et l’a rendu attractif au delà de son territoire. L’enjeux est important : trouver des économies de la fonctionnalité dans l’immobilier pour que l’usage prenne le pas sur le produit. Ces exemples en sont les prémices, bien qu’elles n’en soient pas tout à fait l’image, étant toutes deux, destinées à terme à être en partie détruites ou transformées. Ils donnent aussi le ton en économie circulaire : Les structures qu’ils construisent pour l’aménagement sont issues du recyclage de matériaux.

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Gerard Magnin cité dans Magali Bardou, « Politiques publiques et gaz à effet de serre. Pour le climat : mieux vivre ensemble en ville ? », Ethnologie française 2009/4 (Vol. 39), p. 667-676. DOI 10.3917/ethn.094.0667

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Julien Beller et Courtoisie Urbaine continuent d’ailleurs dans cette lancée en travaillant avec Bellastock dans le cadre du projet ActLAb, pour la construction d’habitats participatifs en matériaux recyclés. CONCLUSION Nés de la volonté citoyenne et de l’entreprenariat social, ces projets sont révélateurs d’une prise de conscience des enjeux écologiques, d’un manque de liens sociaux et peut être aussi de l’inefficacité de l’urbanisme tel qu’il a été pensé jusqu'à aujourd’hui. Cette situation interroge la légitimité des décisions prises par les professionnels de l’immobilier par rapport aux futurs usagers. En matière de construction de villes, les acteurs de ces organisations ne sont pour autant pas des novices, mais ils apportent un nouveau souffle au travers de la construction de ces lieux que l’on pourrait qualifier « d’ateliers de transformation des usages ». En effet, tout en permettant la mobilité de la population vers des espaces considérés comme peux qualitatifs, ils créent communauté autour d’un projet collectif. Ils entrainent les citoyens à penser, à s’investir pour leur quartier, et par extension pour leur ville de demain, à l’imaginer et à s’investir tout en tissant des liens avec les pouvoirs publics, et les propriétaires fonciers. Ces typologies seront appelées à se reproduire, à être nomade et à coloniser de nouveaux quartiers, mais sous quelles conditions ? Quel business model, quelle contractualisation, pour permettre d’intégrer ces nouveaux métiers dans l’organisation très formatée de la construction ? Ce sont ces nouvelles compétences que la société doit s’attacher à former, des manageurs, facilitateurs du dialogue entre les parties prenantes de la ville afin d’optimiser l’existant, de le rendre plus qualitatif, attractif et humain. La ville de

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demain, c’est une ville qui répare ses erreurs passées et cherche à limiter son impact en développant le cycle de vie de ses bâtiments, en facilitant l’économie circulaire et collaborative. Et la ville a besoin de communautés pour évoluer dans ce sens. BIBLIOGRAPHIE Robin d’Angelo, « La gentrification heureuse », Street Press, 27 août 2014 Site :http://www.streetpress.com/sujet/130284-au-6b-la-gentrification-heureuse Magali Bardou, « Politiques publiques et gaz à effet de serre. Pour le climat : mieux vivre ensemble en ville ? », Ethnologie française 2009/4 (Vol. 39), p. 667676. DOI 10.3917/ethn.094.0667 Bouchain, Patrick, « Textes Fondateurs de L’Université Foraine », Site : http://www.universiteforaine.fr Julien Chopin, « Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création », Dossier de presse suite à l’exposition Palais de Chaillot, 2015, Site : http://www.demainlaville.com/place-au-recyclage-des-batiments/ Direction de l’urbanisme, service de l’aménagement, Réunion public du 1er juin 2016 - Eco quartier Saint Vincent de Paul Site : https://st-vincent-de-paul.imaginons.paris/sites/ Aline Leclerc, « #CEUXQUIFONT : Ils redonnent vie à des immeubles vides », article du 08 juillet 2016, Le Monde Site : http://mobile.lemonde.fr/festival/visuel/2016/07/08/ceuxquifont-redonnervie-a-des-immeubles-vides-en-toutelegalite_4966276_4415198.html?xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F Lumière de la ville, (Roland Castro et agence Mediascop), « Les grands voisins : La ville éphémère investit dans les espaces intercalaires », site internet Demain la ville powered by Bouygues Immobilier http://www.demainlaville.com/les-grands-voisins-la-ville-ephemere-investit-lesespaces-intercalaires/ Patrice Noisette, De l’urbanisme au management urbain ? In « Profession urbaniste », Jean-Yves Chapuis dir., L’Aube, 2015 Lina Raad, « Les paradoxes de la lutte contre l’habitat privé dégradé à SaintDenis : favoriser la mixité sociale ou maintenir les classes populaires ? », in. Métropolitique, article du 09 novembre 2015 Site:http://www.metropolitiques.eu/Les-paradoxes-de-la-lutte-contre-l.html#nb6 Lina Raad « Investissement de la vie locale des classes moyennes et appropriation de l’espace en banlieue rouge parisienne», in. Revue Urbanité, article du 14 octobre 2015 15


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Site :http://www.revue-urbanites.fr/investissement-dans-la-vie-locale-desclasses-moyennes-et-appropriation-de-lespace-en-banlieue-rouge-parisienne/ Schnapper Dominique , « Idéal et limites de la mixité sociale » Les arguments du débat public,Informations sociales, 2005/5 n° 125, p. 6-15.

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