LE MALADE mission IMAGINAIRE
Côté public Rencontre à la Librairie Kléber Avec le metteur en scène Michel Didym et les comédiens Jean-Claude Durand et Barthélémy Meridjen Samedi 14 mars à 14h Bord de plateau Mercredi 18 mars à l’issue de la représentation Séances spéciales Audiodescription vendredi 13 mars Surtitrage allemand jeudi 19 et samedi 21 mars Surtitrage français vendredi 20 mars #MaladeimaginaireTNS Réagir sur le blog Facebook Théâtre National de Strasbourg-TNS Twitter @TNS_TheatrStras YouTube TNStrasbourg Pinterest TNSTheatre Instagram theatre_national_strasbourg Venez échanger et partager en ligne avec le TNS !
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le malade imaginaire De Molière Mise en scène Michel Didym
Musique Philippe Thibault Scénographie Jacques Gabel Lumière Joël Hourbeigt Costumes Anne Autran Assistante à la mise en scène Anne Marion-Gallois Chorégraphie Jean-Charles Di Zazzo Maquillage et perruques Catherine Saint Sever Régie générale Pascal Flamme Enregistrement et mixage musique Bastien Varigault Avec le Quatuor Stanislas Laurent Causse, Jean de Spengler, Bertrand Menut, Marie Triplet Modiste Catherine Somers Couturières Liliane Alfano, Anne Yarmola Avec André Marcon Argan Norah Krief ― Agnès Sourdillon (en alternance) Toinette Jeanne Lepers Angélique Catherine Matisse Béline Bruno Ricci Le notaire, Thomas Diafoirus, Monsieur Fleurant Jean-Marie Frin Polichinelle, Monsieur Diafoirus, Monsieur Purgon Barthélémy Meridjen Cléante Jean-Claude Durand Béralde Olympe Fauvel, Stella Rivat, Katalina-Jehanne Villeroy de Galhau (en alternance) Louison Équipes techniques de la compagnie Régie générale et lumières Sébastien Rébois Régie son Nicolas Cohen Régie plateau Julien Hoffmann Habilleuse Claire Gény Maquilleuse, coiffeuse Noï Karunayadhaj du TNS Régie générale Bruno Bléger Régie lumière Christophe Leflo de Kerlau Électricien Alexandre Rätz Régie son Sébastien Lefèvre Régie plateau Denis Schlotter Machiniste Karim Rochdi Habilleuses Bénédicte Foki, Angèle Gaspar Lingère Céline Ganzer Du mardi 10 au samedi 21 mars 2015 Horaires : Du mardi au samedi à 20h, dimanche 15 mars à 16h Relâche : lundi 16 mars Salle Koltès Durée : 2 heures Production Centre Dramatique National Nancy ― Lorraine, La Manufacture TNS ― Théâtre National de Strasbourg / Théâtre de Liège / Célestins, Théâtre de Lyon Construction du décor ― Ateliers du Théâtre National de Strasbourg, Ateliers du Centre Dramatique National Nancy ― Lorraine Réalisation des costumes ― Ateliers du Théâtre de Liège / Séverine Thiébault Avec la participation artistique du Jeune théâtre national > Spectacle créé le 13 janvier 2015 au Centre Dramatique National Nancy ― Lorraine
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- Mais enfin, venons en aux faits. Que faire donc, quand on est malade ? - Rien, mon frère - Rien ? - Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature d’elle même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.
Cette phrase de Beralde, le frère du malade, que j’ai lue sur mon lit d’hôpital, a produit sur mon esprit une impression très forte et a immédiatement déclenché une profonde passion pour cette ultime comédie-ballet de l’auteur de Tartuffe et du Misanthrope. Il y avait aussi cette idée qu’il est totalement incongru qu’un homme puisse vouloir en guérir un autre. Que ce serait là une folie, une « momerie ». Tout m’a mené à l’origine de cette pensée, à Montaigne et ses Essais et à son magnifique Voyage en Italie. Puis, le temps et la nature aidant à raccommoder corps et esprit, décision fut prise de s’attaquer à ce monument de la littérature mondiale ! L’auteur ne le sait pas encore, mais c’est son œuvre testament. Il y met tout son art et tout son savoir-faire, développés dans la fréquentation assidue des dramaturgies anciennes et des comédiens italiens. La brouille avec Lully, le musicien ami, complice depuis 10 ans de collaboration, s’est transformée en guerre. Lully a désormais l’exclusivité royale pour les orchestres et les chanteurs et Molière devra réduire sa volonté d’opéra à de simples intermèdes. Mais dans l’action de sa pièce, nul ne lui dicte sa loi. Sa langue et son esprit sont au sommet et il dépasse cette filiation de pensée avec Montaigne en inventant un piège où la captation d’héritage (où l’on veut envoyer les filles du premier lit au couvent) se mêle à un mariage forcé avec un médecin. Car le père Argan, notre malade, est une sorte de fou. Il met sa fortune et sa passion dans la pharmacie, la médecine et les soins permanents à sa personne. Il veut des infirmières et des docteurs autour de lui. D’autres, en voyant arriver l’âge et la peur de la mort, ont tendance à se réfugier dans la religion comme si leur soudaine bigoterie pouvait leur ouvrir les portes du paradis. D’autres encore se surprotègent et accumulent en vain des précautions inutiles : ils vont jusqu’à ajouter à leur prison physique des camisoles mentales limitant leurs pensées et restreignant l’usage de leur raison au nom de leur santé. Ils perdent le sens de la vie et de l’humour.
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« Oui, nous rions beaucoup car très souvent nous avons envie de pleurer » déclarait Georges Wolinski. C’est vrai qu’il faut beaucoup d’humour dans la vie et de la distance, il faut en toutes circonstances rester droit et éveillé. C’est debout que Molière termina la 4e représentation du Malade en ce 17 février 1673. Dans sa loge du Palais-Royal, sa grande fatigue et le sang qu’on avait vu jaillir de sa bouche lors des derniers « juro » de la cérémonie finale, le poussa à demander une chaise à porteur pour rentrer chez lui et ne pas finir cette fatale nuit. Il en fallut du courage à Jean-Baptiste Poquelin pour porter haut ce nom de Molière que les persifleurs et les dévots fondamentalistes de la congrégation de Jésus avaient traîné dans la boue, l’opprobre et l’excommunication, lui qui faisait rire des faux dévots et des intégristes de tout bord. Il en fallait de l’aplomb pour s’attaquer à la faculté de Médecine réactionnaire de Paris et soutenir les thèses des modernes de celle de Montpellier, tout en étant ce même malade. La pensée politique de Molière transparaît aux charnières de chaque scène. Sa vision humaniste, sa confiance dans notre intelligence développent un sens critique aigu dans nos consciences et nous offrent des clés pour démasquer les impostures et savoir discerner la raison du sophisme. Mais Molière ne serait rien sans sa troupe, il a écrit des rôles savoureux et magnifiques autour d’Argan : pour la femme Béline et les filles Angélique et Louison ; pour Diafoirus et Monsieur Purgon. Surtout, il fait de Toinette la servante, un Sganarelle au féminin sachant mêler mauvaise foi, impertinence et intelligence n’ayant rien à envier à ces Messieurs. Les paroles de Molière contre le mariage forcé sont limpides. La place naturelle qu’il donne à la Femme dans la société, en en faisant l’égale de l’Homme, ouvre le long chemin de combats à venir. S’il est vrai que « le silence de l’artiste est la fin de la liberté », écoutons simplement la parole de Molière. Michel Didym
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Que les médecins me pardonnent un peu ma liberté : c’est de cette instillation due au destin que je tiens l’aversion et le mépris que j’éprouve à l’égard de leur science. Mon antipathie envers leur art est due à mon hérédité. Mon père a vécu soixante-quatorze ans, mon grand-père soixante-neuf, mon arrière grand-père près de quatre-vingts, sans avoir pris quelque médicament que ce soit. Pour eux, tout ce qui sortait de l’usage ordinaire passait pour une drogue. La médecine se forme par exemples et expériences : ainsi en est-il de mon opinion. Et n’est-ce pas là une expérience bien claire et bien convaincante ? Je ne sais si les médecins trouveront sur leurs registres trois personnes nées, élevées et mortes dans le même foyer, sous le même toit, ayant vécu aussi longtemps tout en étant soumis à leurs règles. Il faut bien qu’ils m’accordent cela : si ce n’est la raison, c’est au moins la chance qui est de mon côté. Or, chez les médecins, la chance a plus d’importance que la raison. Et qu’ils ne me prennent pas, maintenant, comme un exemple en leur faveur, mal en point comme je suis : ce serait là abuser de la situation. En vérité j’ai suffisamment pris l’avantage sur eux avec mes exemples familiaux, même s’ils s’arrêtent avec moi. Les choses humaines ne durent pas si longtemps et pourtant il y a deux cents ans ― il ne s’en faut que de dix-huit ― que nous nous essayons de vivre ainsi, puisque le premier naquit en l’an mille quatre cent deux. Il est donc bien normal que cette expérience commence à tirer à sa fin. Que les médecins ne viennent donc pas me reprocher les maux qui pour le moment me prennent à la gorge : n’est-ce pas suffisant, de mon côté, d’avoir vécu en bonne santé durant quarante-sept ans ? Et quand ce serait pour moi le bout du chemin, il a été suffisamment long. […] Il est possible que j’aie reçu de mes ancêtres cette aversion naturelle pour la médecine, mais s’il n’y avait eu que cela, je me serais efforcé de la vaincre. Car toutes les tendances qui se font jour en nous sans raison sont mauvaises : c’est une sorte de maladie qu’il faut combattre ; et s’il est possible que j’aie eu cette propension, je ne l’en ai pas moins étayée et renforcée par les raisonnements qui ont installé en moi l’opinion que j’en ai maintenant. Car je déteste aussi cette façon qu’ont certains de refuser un médicament à cause de son amertume, et je serais plutôt d’humeur à trouver que la santé mérite d’être rachetée par tous les cautères et incisions les plus pénibles qui se puissent faire. Et selon Épicure, il me semble que les plaisirs sont à éviter s’ils apportent à leur suite des souffrances plus grandes ― et que les douleurs sont à rechercher si elles conduisent ensuite à des plaisirs plus grands. C’est une chose précieuse que la santé, et la seule, en vérité, qui mérite qu’on emploie, non seulement son temps, sa sueur, sa peine, ses biens, mais sa vie ellemême pour essayer de l’atteindre ; d’autant que sans elle, la vie nous devient pénible et insupportable. Sans elle, le plaisir, la sagesse, le savoir et la vertu se ternissent et s’évanouissent, et aux raisonnements les plus solides et les plus fermes par lesquels la philosophie cherche à nous persuader du contraire, nous n’avons qu’à opposer l’image de Platon, frappé d’épilepsie ou d’apoplexie, et le mettre au défi dans ce cas d’appeler à son secours les riches facultés de son âme. Toute voie qui peut nous mener à la santé, pour moi, ne peut être dite ni rude ni coûteuse. Mais j’ai quelques autres bonnes raisons de me défier de tout cela. Montaigne
Essais, Livre 2, trad. Guy Pernon, Ed. Guy Pernon, 2010 pp. 552-554
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Giancarlo Vitali, Et alors ?
Médecin, guéris-toi toi-même ; tu guériras ton malade par surcroît. Ta meilleure cure sera de lui montrer un homme qui s'est guéri lui-même. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra 7
Si l’entendement traite de questions où il n’y a rien de corporel ou qui ressemble au corporel, il ne peut recevoir aucune aide de ces facultés. Au contraire, pour qu’il n’en reçoive point d’entrave, il faut écarter les sens et dépouiller l’imagination, autant que faire se peut, de toute impression distincte. René Descartes, Règles
Les ressorts de notre machine sont des mystères, jusques ici, où les hommes ne voient goutte, et [...] la nature nous a mis au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connaître quelque chose. Molière, Le Malade imaginaire
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Norman Rockwell, Avant la piq没re
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Dom Juan en habit de campagne : Il est vrai que te voilà bien, et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule. Sganarelle : Oui ? C’est l’habit d’un vieux médecin, qui a été laissé en gage au lieu où je l’ai pris, et il m’en a coûté de l’argent pour l’avoir. Mais savez-vous, Monsieur, que cet habit me met déjà en considération, que je suis salué des gens que je rencontre, et que l’on me vient consulter ainsi qu’un habile homme ? Dom Juan : Comment donc ? Sganarelle : Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies. Dom Juan : Tu leur as répondu que tu n’y entendais rien ? Sganarelle : Moi ? Point du tout. J’ai voulu soutenir l’honneur de mon habit : j’ai raisonné sur le mal, et leur ai fait des ordonnances à chacun. Dom Juan : Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés ? Sganarelle : Ma foi ! Monsieur, j’en ai pris par où j’en ai pu attraper ; j’ai fait mes ordonnances à l’aventure, et ce serait une chose plaisante si les malades guérissaient, et qu’on m’en vînt remercier. Dom Juan : Et pourquoi non ? Par quelle raison n’aurais-tu pas les mêmes privilèges qu’ont tous les autres médecins ? Ils n’ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès, et tu peux profiter comme eux du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature. Sganarelle : Comment, Monsieur, vous êtes aussi impie en médecine ? Dom Juan : C’est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes. Sganarelle : Quoi ? vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique ? Dom Juan : Et pourquoi veux-tu que j’y croie ? Sganarelle : Vous avez l’âme bien mécréante. Cependant vous voyez, depuis un temps, que le vin émétique fait bruire ses fuseaux. Ses miracles ont converti les plus incrédules esprits, et il n’y a pas trois semaines que j’en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux. Dom Juan : Et quel ? Sganarelle : Il y avait un homme qui, depuis six jours, était à l’agonie ; on ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien ; on s’avisa à la fin de lui donner de l’émétique. Dom Juan : Il réchappa, n’est-ce pas ? Sganarelle : Non, il mourut. Dom Juan : L’effet est admirable. Sganarelle : Comment ? Il y avait six jours entiers qu’il ne pouvait mourir, et cela le fit mourir tout d’un coup. Voulez-vous rien de plus efficace ? Dom Juan : Tu as raison. Sganarelle : Mais laissons là la médecine, où vous ne croyez point, et parlons des autres choses.
Molière
Dom Juan ou Le Festin de Pierre, Larousse, 1971 pp. 60-62
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La maladie doit servir à quelque chose comme le reste. Pour moi, la maladie n'est pas une ennemie, ce n'est pas quelque chose qui donne le sentiment de la mort, c'est quelque chose qui aiguise le sentiment de la vie... Gilles Deleuze
Lettre M comme Maladie J'ai une grande haine non pas pour la personne des médecins qui sont souvent charmants, délicieux, mais pour le pouvoir médical et la façon dont les médecins l'utilisent. Comme ils travaillent de plus en plus avec des appareils et des épreuves, assez désagréables pour le patient, épreuves dont on a l'impression qu'elles n'ont absolument aucun intérêt sauf de les conforter dans leur diagnostic, il n'y a qu'une chose qui me ravit et en même temps qui les mécontente, c'est à chaque fois que j'ai pu passer sous leurs appareils, que mon souffle était trop mince pour être enregistré, ma joie est qu'à ce moment-là, ils sont foufurieux, ils haïssent leur patient. Ils acceptent très bien de se tromper de diagnostic mais ils n'acceptent pas qu'on ne soit pas saisi par leurs appareils avec lesquels ils jouent de façon inadmissible. […] Ils sont trop incultes ou alors quand ils se lancent dans la culture, c'est une catastrophe. Enfin, ce sont de drôles de gens les médecins. Ma consolation, c'est qu'ils gagnent beaucoup d'argent mais qu'ils n'ont pas le temps de le dépenser vraiment, d'en profiter parce qu'ils mènent une vie extrêmement dure. […] Les médecins ne m'intéressent pas beaucoup, indépendamment des personnalités encore une fois qui peuvent être exquises, mais dans leur fonction ils traitent les gens comme des chiens. C'est vraiment la lutte des classes car si on est un peu riche, ils sont déjà un peu plus polis, sauf en chirurgie, les chirurgiens c'est encore un autre cas mais les médecins, ça ne va pas fort, il faudrait une réforme quand même ; il y a un problème.
Gilles Deleuze
Abécédaire de Gilles Deleuze, entretiens filmés par Pierre-André Boutang
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Aigle de Meaux, à bas les pattes. Tu ne me fais aucun effet avec ton geste d'Hippocrate refusant le bric-à-brac d'Artaxerce. Je te dispense de me calmer. D'ailleurs je suis triste. Que voulez-vous que je vous dise ? L'homme est mauvais, l'homme est difforme. Le papillon est réussi, l'homme est raté. Dieu a manqué cet animal-là. Une foule est un choix de laideurs. Le premier venu est un misérable. Femme rime à infâme. Oui, j'ai le spleen, compliqué de la mélancolie, avec la nostalgie, plus l'hypocondrie, et je bisque, et je rage, et je bâille, et je m'ennuie, et je m'assomme, et je m'embête ! Que Dieu aille au diable ! Victor Hugo, Les Misérables
La vérité erre inconnue parmi les hommes. Dieu l’a couverte d’un voile qui la laisse méconnaître à ceux qui n’entendent pas sa voix. Blaise Pascal, Pensées
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Michel Journiac, Alphabet du corps
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Les malades et les médecins La maladie est un état. La santé n’en est qu’un autre, plus moche. Je veux dire plus lâche et plus mesquin. Pas de malade qui n’ait grandi. Pas de bien portant qui n’ait un jour trahi, pour n’avoir pas voulu être malade, comme tels médecins que j’ai subis. J’ai été malade toute ma vie et je ne demande qu’à continuer. Car les états de privation de la vie m’ont toujours renseigné beaucoup mieux sur la pléthore de ma puissance que les crédences petites-bourgeoises de : LA BONNE SANTÉ SUFFIT. Car mon être est beau mais affreux. Et il n’est beau que parce qu’il est affreux. Affreux, affre, construit d’affreux. Guérir une maladie est un crime. C’est écraser la tête d’un môme beaucoup moins chiche que la vie. Le laid con-sonne. Le beau pourrit. Mais, malade, on n’est pas dopé d’opium, de cocaïne ou de morphine. Et il faut aimer l’affre des fièvres, la jaunisse et sa perfidie beaucoup plus que toute euphorie. Alors la fièvre, la fièvre chaude de ma tête, — car je suis en état de fièvre chaude depuis cinquante ans que je suis en vie, — me donnera mon opium, — cet être, — celui, tête chaude que je serai, opium de la tête aux pieds.
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Car, la cocaïne est un os, l’héroïne, un sur-homme en os, ca i tra la sara ca fena ca i tra la sara ca fa et l’opium est cette cave, cette momification de sang cave, cette raclure de sperme en cave, cette excrémation d’un vieux môme, cette désintégration d’un vieux trou, cette excrémentation d’un môme, petit môme d’anus enfoui, dont le nom est : merde, pipi, con-science des maladies. Et, opium de père en fi, fi donc qui va de père en fils, — il faut qu’il t’en revienne la poudre, quand tu auras bien souffert sans lit. C’est ainsi que je considère que c’est à moi, sempiternel malade, à guérir tous les médecins, — nés médecins par insuffisance de maladie, — et non à des médecins ignorants de mes états affreux de malade, à m’imposer leur insulinothérapie, santé d’un monde d’avachis. Antonin Artaud
Textes du retour à Paris écrits en 1946 dans Oeuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2004, pp. 1086-1087
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BIOGRAPHIE > Michel Didym Après sa formation à l'École du Théâtre National de Strasbourg (Groupe 20), Michel Didym fonde les APA (Acteurs Producteurs Associés) avec A.Wilms, E. Didi, A. Grimberg, A. Marcon, S. Loukachevsky, A. Alvaro, et réalise en 1986 sa première mise en scène en collaboration avec C. Berling : Succubation d'incube. En 1989, lauréat du prix Villa Médicis-Hors les murs, il dirige plusieurs ateliers à New York et à San Francisco sur des textes contemporains français. À son retour, en 1990, il fonde, en Lorraine, la Compagnie Boomerang dont le travail s’axe autour du répertoire contemporain. Il met en scène : Ruines Romaines et Boomerang, Le Salon rouge de P. Minyana ; Lisbeth est complètement pétée d'A. Llamas ; La Nuit juste avant les forêts de B.M. Koltès ; Le Dernier Sursaut de M. Vinaver ; Visiteurs de B. Strauss. En 1993, il est invité au festival d'Avignon et propose La Rue du Château, repris en 1996. Désireux d'approfondir sa relation avec le théâtre contemporain, il fonde en 1995, avec sa compagnie, La Mousson d'été, événement annuel destiné à la promotion des écritures contemporaines à l'Abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson. En 1996, il interprète et met en scène, en collaboration avec A. Françon, Le Dépeupleur de S. Beckett. En 1997, il crée Chasse aux rats de P. Turrini ; en 1998 Le Miracle de G. Schwajda. En 1999, il met en scène deux textes de B.M. Koltès : Sallinger et La Nuit juste avant les forêts dont il est l’interprète et collabore alors avec A. Françon. La même année, il met en espace, dans le cadre des Chantiers de Théâtre Ouvert, Le Langue-à-Langue des chiens de roche de D. Danis qu’il créera en 2001 au Théâtre du Vieux-Colombier. En 2000, il crée Yacobi et Leidenthal de H. Levin au festival d'Avignon et met en espace, Badier Grégoire d'E. Darley. En 2001, il fonde la MEEC (Maison Européenne des Écritures Contemporaines) qui a pour mission de favoriser l'échange de textes, leur création et la traduction d'auteurs français et européens. À l'instigation de la Maison Antoine Vitez, il poursuit la découverte et la promotion d'écritures des pays de l'Est au festival d'Avignon et entame un partenariat avec France Culture et la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon. En 2002, il crée Et puis quand le jour s'est levé, je me suis endormie de S. Valletti et Normalement de C. Angot. En 2003-2004, il devient directeur artistique de Tintas Frescas ― Saison de Théâtre contemporain français en Amérique Latine. Entre 2003 et 2006, il met en scène, notamment, Les Animaux ne savent pas qu'ils vont mourir de P. Desproges, Lisbeth està completamente trabada de A. Llamas, Histoires d'Hommes de X. Durringer, Ma Famille de C. Liscano, Poeub de S. Valletti, Face de Cuillère de L. Hall. En 2007, il crée Le Mardi à Monoprix de E. Darley, spectacle qui tournera durant trois ans sur les routes de France et outre-mer. Par la suite, il mettra en scène Le jour se lève, Léopold ! de S. Valletti, La Séparation des songes de J. Delabroy, Invasion ! de J. H. Khemiri, Le Tigre bleu de l'Euphrate de L. Gaudé. En 2011, il crée Chroniques d'une haine ordinaire d'après les textes de P. Desproges et dans le cadre de Neue Stücke ― Semaine de la dramaturgie allemande, il met en scène Confessions ― un théâtre intime, où le spectateur se retrouve seul face à un acteur le temps d'une confidence. Sur le même principe, il propose, l’année suivante, une approche singulière de la psychanalyse avec Divans dans le cadre du festival RING ― Rencontres internationales des nouvelles générations. En juin 2012, il invente Le Théâtre d'Été, un projet de spectacles itinérants en Région Lorraine, Luxembourg et Allemagne. Il crée alors et joue Savoir-vivre d'après des textes de P. Desproges. En octobre 2012, il présente À l'encre des barreaux d'après les chroniques judiciaires de D. Simonnot. En janvier 2013, il met en scène le texte d'A. Dematté, J'avais un beau ballon rouge. 18
Michel Journiac, Enquête sur un corps
Directeur de la publication Stanislas Nordey Réalisation du programme Magali Mougel avec la collaboration de Fanny Mentré, Briac Jumelais et Caroline Strauch Crédits Photos du spectacle : Serge Martinez Graphisme Tania Giemza Édité par le Théâtre National de Strasbourg Kehler Druck/Kehl − Mars 2015
1 avenue de la Marseillaise BP 40184 67005 Strasbourg Cedex Téléphone : +33 (0)3 88 24 88 00 Fax : +33 (0)3 88 37 37 71 tns@tns.fr
SAison 14-15