Un pas de chat sauvage | Programme de salle

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Quand on est métisse, on est toujours entre les deux et on se sent légitime pour tout évoquer.

Un pas de chat sauvage

Saison 22-23

Entretien avec Waddah Saab et Blandine Savetier

Un pas de chat sauvage est un texte de commande lié à l’exposition « Le Modèle noir − de Géricault à Matisse » présentée au Musée d’Orsay en 2019 [publié en coédition Flammarion / Musées d’Orsay et de l’Orangerie, 2019]. Vous en réalisez ensemble l’adaptation et Blandine le met en scène. Pour commencer, pouvez-vous parler du sujet de ce récit ?

Waddah Saab. S’il fallait résumer le livre, je commencerais par ce que tu as dit au début : il s’agit d’une commande à l’occasion de l’exposition sur « Le Modèle noir ». Marie NDiaye part de photos prises par Nadar entre 1856 et 1859, dont le modèle est une certaine « Maria l’Antillaise ». Confrontée en tant qu’écrivaine au fait de devoir créer de la littérature à partir de ces photos, elle imagine une histoire : une narratrice, une femme universitaire et historienne, blanche, est persuadée que ce modèle est l’artiste Maria Martinez et veut écrire un roman sur elle.

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Maria Martinez a vraiment existé au XIXe siècle, elle est une chanteuse née à Cuba en 1820, repérée par un colon espagnol qui l’a ramenée avec lui en Espagne où elle a parfait son éducation musicale. Quand elle vient à Paris, à partir de 1850, elle connait une carrière météoritique, une certaine gloire − on la surnomme « La Malibran noire » − mais aussi le racisme de l’époque. Elle est soutenue par certains poètes, notamment Théophile Gautier, Baudelaire sera ému par son sort, mais elle se heurte également à des critiques abjectes, racistes. Puis elle disparaît dans l’oubli, on comprend qu’elle se retrouve dans la solitude et la pauvreté…

La narratrice, donc, veut écrire un roman sur elle mais ne trouve pas l’inspiration. Elle est contactée par une femme qu’elle décide d’appeler Marie Sachs, chanteuse noire, qui lui demande où en sont ses recherches sur Maria Martinez. La narratrice, irritée que cette femme s’insinue dans sa vie et ses recherches, commence par vouloir l’ignorer mais elle va, ensuite, être fascinée par elle. Cette fascination naît du fait qu’elle ne parvient pas à écrire ; inconsciemment, elle se dit : c’est peut-être là ma source d’inspiration. Elle revient donc vers cette Marie Sachs, qui l’invite à la voir chanter. Une rivalité naît et s’installe entre les deux femmes. La narratrice ira la voir chanter à trois reprises et dans trois endroits différents. Ces trois tours de chant

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de Marie Sachs sont comme une métaphore de la carrière de Maria Martinez à Paris, son apparition, ses combats et sa chute. La tension va crescendo dans ce parcours. D’un côté, la narratrice est totalement bouleversée, elle éprouve même un sentiment de rejet vis-à-vis de cette femme qui revendique une forme de filiation avec Maria Martinez, qui s’identifie à elle et, d’un autre côté, elle cherche à travers elle le fil de l’inspiration qui lui manque. Après le troisième tour de chant, Marie Sachs disparaît comme avait disparu Maria Martinez. Et on peut même se demander : a-t -elle vraiment existé ?

Comment avez-vous découvert ce texte et qu’est-ce qui vous a intéressés ?

Waddah. Blandine comme moi sommes « fans » de Marie NDiaye. Nous lisons ce qu’elle publie, je guette la sortie des livres. Elle fait partie des écrivaines que l’on suit, tout comme nous lisons systématiquement les nouveaux livres d’Orhan Pamuk [ils avaient réalisé l’adaptation de Neige, roman paru aux éditions Gallimard en 2005, que Blandine Savetier a créé en 2017 au TNS].

Blandine Savetier. J’ai envie, depuis longtemps, de mettre en scène un texte de Marie NDiaye. Son œuvre m’accompagne de longue date. Je me suis éprise de sa pièce Les Serpents [Les Éditions de

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Minuit, 2004] en la travaillant avec les élèves de la Classe Préparatoire Théâtre « Égalité des chances » de La Filature − Scène nationale de Mulhouse.

C’est une pièce très difficile, mais j’ai perçu toute la puissance de l’écriture en l’éprouvant sur le plateau. Cette expérience m’a confortée dans mon désir profond de traduire sur un plateau l’univers de l’écrivaine Marie NDiaye.

D’une manière générale, je suis davantage happée par les romans que par les textes de théâtre contemporains français. Je dois avouer que c’est aussi le cas pour Marie NDiaye : je suis plus sensible à son geste romanesque. Quand Waddah m’a transmis Un pas de chat sauvage, il m’a dit : « Je sens que c’est un texte pour toi. »

Effectivement, j’ai tout de suite été saisie par la langue, par le sujet, l’intelligence du traitement, cette façon d’ouvrir des portes sans rien résoudre. Je n’aime pas parler de « thématiques », mais le livre rejoignait ma sensibilité, mes questionnements et mon engagement. Depuis des années, je travaille avec Stanislas [Nordey] et le TNS sur la question de la « diversité » sur les plateaux, avec Ier Acte [programme créé en 2014 pour promouvoir une plus grande diversité sur les plateaux de théâtre], avec la Classe Préparatoire. Je ne fais pas de grands discours, mais j’agis autant que je le peux, en m’investissant dans la durée, en ouvrant d’autres

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schémas de pensées. Cette question de la diversité, je la vis au quotidien et j’en vois les deux versants : d’un côté, la nécessité absolue de l’ouverture et, de l’autre, le danger des replis identitaires. C’est un sujet complexe. Quand nous avons travaillé sur Nous entrerons dans la carrière [que Waddah Saab et Blandine Savetier ont adapté à partir du Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier et qu’elle a créé au TNS en 2021], nous avions réuni un groupe de jeunes actrices et acteurs − des personnes rencontrées dans le cadre de Ier Acte, de la Classe Préparatoire ou de l’École du TNS − avec la volonté de questionner ce que veut dire « Liberté, Égalité, Fraternité » au travers de l’abolition de l’esclavage en 1794 puis de son rétablissement en 1802. Au-delà du contexte historique, dans le travail, nous faisions sans cesse le va-et-vient entre la République à son origine et celle d’aujourd’hui : comment la question de la diversité est-elle introduite et prise en compte ?

Où en est-on avec les notions d’égalité et de fraternité ? Je trouve dingue de constater que la différence de culture et la différence de couleur de peau sont encore un problème à certains endroits dans la République française ! Pendant ce travail, toute l’équipe a été immergée dans ces sujets, dans cette histoire, et je pense que nous avons beaucoup appris en commun.

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J’ai fait ici ce qui peut ressembler à un grand pas de côté mais, comme tu m’as demandé ce qui m’a intéressée, je voulais parler de la genèse de mon désir, mon attirance immédiate pour ce texte. J’ai tout de suite aimé Un pas de chat sauvage, parce que Marie NDiaye aborde − avec une très grande finesse − la question du racisme, celle de la différence et de la condition noire à travers les siècles. Tout m’a intéressée : la langue, le mystère, l’imaginaire, la subtilité…

C’est un récit très mystérieux, comme l’est l’ensemble de l’œuvre de Marie NDiaye. Il s’agit ici, dès le départ, d’une forme d’enquête : qui était Maria Martinez ? Comment écrire à partir de ces portraits ? Quel procédé littéraire adopter quand il n’y a presque rien ?

On ne peut pas s’empêcher de penser que c’est la question que Marie NDiaye s’est elle-même posée face à ces photos prises par Nadar…

Blandine. Marie NDiaye est face à ses propres questionnements d’écrivaine : on lui fait une commande à partir de l’exposition « Le Modèle noir » ; comment y répondre ? Partant des photos, on voit qu’elle a fait des recherches sur la vie de Maria Martinez − ce que nous avons fait aussi mais il n’y a pas grand-chose. Quel sens aurait

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le geste de lui inventer une vie ? Marie NDiaye est d’une grande honnêteté et, face à cette impossibilité, elle a cette idée géniale : elle invente des personnages de fiction, qui se posent les mêmes questions qu’elle : qui était cette femme ? Comment lui redonner une forme de vie ?

Il y a, dans l’écriture de Marie NDiaye, un aspect kaléidoscopique, une perpétuelle mise en abîme : on pense saisir un sujet, puis une autre porte s’ouvre, et une succession d’autres. Parmi tous les questionnements présents dans le texte, que souhaitez-vous mettre en avant ?

Blandine. Je suis complètement d’accord avec toi, c’est une succession de questions et rebonds de « sujets », on pourrait dire − et à la fin, on sort sonné et ébahi, parce qu’on a traversé beaucoup de choses sans pouvoir réduire le texte à une interprétation fermée. C’est ce qui est très fort. Mais il y a quand même un axe principal dans le texte : on peut dire que le récit parle de deux artistes, de la relation à l’art et de la manière dont on fait œuvre d’inspiration et de création. Pour moi, c’est la question centrale. Ici, tout se passe à partir d’une vie antérieure − celle de Maria Martinez −, d’une artiste musicienne et chanteuse qui est une figure historique mais qui a été oubliée par

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« Marie NDiaye aborde − avec une très grande finesse − la question du racisme, celle de la différence et de la condition noire à travers les siècles.
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l’Histoire, effacée de notre mémoire collective.

Comment lui redonner vie ? C’est ce qu’essayent de faire la narratrice et Marie Sachs, de manière totalement différente.

Les deux femmes prétendent rendre hommage, rendre justice, rendre vie à Maria Martinez. Mais, en réalité, elle leur échappe, à l’une comme à l’autre. Dans le récit, on sent que Marie Sachs pense avoir davantage de légitimité pour parler de Maria Martinez − et presque pour l’incarner − parce qu’elle est noire. C’est une question passionnante : est-ce que, parce qu’elle est noire, elle va pouvoir mieux parler de la violence et du racisme subis par Maria Martinez ? D’emblée, j’ai envie de répondre « oui », car souvent, une femme noire ou un homme noir, dans nos sociétés, vivent le racisme et le regard qu’on porte sur eux. Donc il y a une évidence.

Mais je sais aussi ce qu’est le travail de l’acteur comme du metteur en scène : se mettre à la place de l’autre. Et, au fond, ce devrait être le travail, l’évidence de chaque être humain : pouvoir comprendre, pouvoir endosser la souffrance et la vie d’un autre.

C’est le propre de l’acteur mais c’est aussi, en premier lieu, ce que fait un écrivain.

L’historienne veut écrire un roman, mais elle n’y arrive pas. Pour le faire, elle devrait vivre avec Maria

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Martinez, en elle, faire ce travail qui s’apparente presque à un grand monologue intérieur. Quand on se met à la place de l’autre, totalement, dans un geste artistique, il n’y a plus de barrières, de différences. Tout se passe dans une chambre intérieure, secrète, où l’on peut être n’importe qui. C’est ce chemin de création, envoûtant, que je veux mettre en avant avec les actrices. C’est aussi ce travail que je fais en amont et qui sont des moments intenses, secrets et déclencheurs de créativité.

Waddah. La question de l’incarnation existe au travers des deux directions qui s’opposent. Il y a, d’une part, la narratrice − professeure d’université, blanche − qui cherche l’inspiration et ne la trouve pas, elle tourne autour de la biographie de Maria Martinez et elle est paralysée par son regard sur la photo de Nadar. Et, d’autre part, Marie Sachs qui est comme Maria Martinez, une artiste noire et qui, de fait, prétend avoir un rapport plus direct avec elle. Marie Sachs est complexe, énigmatique, comme le récit de Marie NDiaye. Dans nos premières lectures, elle nous a semblé agir comme dépositaire de la condition noire. Mais en lisant plus attentivement, on voit que son identification à Maria Martinez est triple : comme chanteuse, comme Noire, comme femme.

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Blandine. Comme Noire, Marie Sachs a sans doute un niveau d’identification avec Maria Martinez qui échappe directement à la narratrice. Elle connaît le racisme que la narratrice tend à minimiser. Mais l’essentiel de leur confrontation est ailleurs. Par sa liberté créative, Marie Sachs amène la narratrice à l’essence de la création artistique : on crée à partir de soi, « on n’étreint que sa propre vision », dit la narratrice à la fin de son récit. Et quelque chose s’ouvre pour elle à ce moment. Après une lecture attentive, ça s’est imposé à moi : il s’agit d’un récit d’ouverture. Au terme de son parcours avec Marie Sachs, quelque chose s’ouvre chez la narratrice dans sa quête de l’écriture.

Waddah. Si l’on fait de Maria Martinez juste une représentante de la condition noire, de l’oppression coloniale, on passe à côté de quelque chose. C’est exactement ce dont il est question à la fin du roman : le mystère de cette femme reste entier. Il y a ce pas de chat sauvage qui survit à couvert de sa solitude, puisque sa singularité n’a pas trouvé sa place dans la société. C’est en acceptant pleinement ce mystère, l’impossibilité de dire qui était Maria Martinez, que la narratrice peut commencer à vraiment écrire son roman, en partant d’elle-même.

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Marie NDiaye fait ce pas de côté magnifique et elle transforme la commande passée sur « Le Modèle noir » : à partir de l’idée de représentation, elle ouvre la question « Comment un artiste incarne -t -il ? » Incarner, c’est aller vers la singularité. Et elle termine sur le mystère de cette singularité.

C’est un appel à trouver la liberté, sa propre voie ?

Waddah. Tout à fait, c’est un appel à la liberté. Et c’est ce qui a lieu à la fin : elle commence à écrire son roman ou, en tout cas, elle ouvre la possibilité de le faire. Si on lit bien le récit, il est entièrement écrit au passé, sauf le dernier paragraphe qui est au présent : la narratrice y dit son empathie pour Maria Martinez, ce chat sauvage insaisissable et aussi que « l’on n’étreint que sa propre vision ». Elle réalise que pour écrire, il faut accepter cela, étreindre sa propre vision. C’est un exercice solitaire. Elle ne prétend plus atteindre et rendre la Vérité − avec un grand V − de Maria Martinez, et le roman devient possible.

Blandine. Cet angle de lecture a changé notre perspective. Au début, on pouvait penser qu’il n’y avait pas eu de vraie rencontre entre la narratrice et Marie Sachs, alors que si. Marie Sachs lui a transmis quelque chose d’essentiel avant de disparaître. Par l’exemple qu’elle lui donne, avec

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sa créativité, son excentricité, sa liberté. Ensuite, par ses propos, qui peuvent tous être entendus en ce sens. Son dernier échange avec la narratrice résonne comme une injonction à être vraiment une artiste, à se séparer de l’idée d’une biographie : elle n’arrivera jamais à savoir qui était Maria Martinez, cette femme restera pour toujours un mystère. Il y a une phrase qui était pour nous très énigmatique, lorsque Marie Sachs invite la narratrice à la prendre, elle, « comme matière de son travail », comme modèle. Si on l’interprète comme « regardez comme j’agis en tant qu’artiste, allez en vousmême pour trouver l’inspiration », cela devient clair. Cela ne s’est pas fait sans confrontation, mais le parcours que les deux femmes ont fait ensemble produit, au final, cette ouverture. On peut se dire, d’ailleurs, qu’il y a une fiction dans la fiction : que Marie Sachs est elle -même une invention, un fantasme de l’historienne qui ne parvient pas à écrire. En cela, c’est d’autant plus abyssal.

Waddah. Avec Blandine, nous nous sommes dits : on va demander à Natalie Dessay, qui sera la narratrice, de vraiment travailler tous les jours à essayer d’écrire l’incipit de son récit de se heurter à cela et ne pas y arriver. Parce que c’est le sujet : la page blanche, l’impossibilité de trouver l’écriture vraiment incarnée. Quand la narratrice rencontre

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Marie Sachs, qu’elle la voit chanter, tout à coup, elle semble se dire « je tiens quelque chose, c’est peut-être ma clé pour toucher Maria Martinez »… Mais la clé, si tant est qu’elle existe, est en elle. Et c’est vertigineux : comme le disait Blandine, peut-être que Marie Sachs n’est que la projection inconsciente de la narratrice, qu’elle n’a jamais existé. À travers cette Marie Sachs fantasmée, la narratrice chercherait à se connecter avec sa part inconsciente, pour libérer l’inspiration – inspiration qu’elle ne peut pas trouver juste avec son approche d’universitaire et son travail d’historienne. Je pensais à une chose : pour Nous entrerons dans la carrière, nous avons énormément travaillé sur la tension entre universalité et diversité dans la République. Le travail fait par Blandine pour la Classe Préparatoire revenait tout le temps dans les échanges : oui, il y a un besoin de « reconnaître » la diversité et, en même temps, on ne cessait de dire que l’universalité n’est pas rien ! C’est une grande conquête qui s’est opérée avec la Révolution française et qu’on ne peut pas rejeter. En tout cas, moi, je ne la rejette pas, c’est un héritage très fort pour moi. Dans Un pas de chat sauvage, la question de la diversité est posée − il y a la femme blanche, la femme noire et la question de l’universalité passe par l’artistique, par la recherche de la singularité dans l’artistique.

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« Chez Marie NDiaye, l’aspect politique n’est jamais abordé de front et c’est ce que j’aime. Elle travaille ces questions artistiquement.

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Blandine. Chez Marie NDiaye, l’aspect politique n’est jamais abordé de front et c’est ce que j’aime. Elle travaille ces questions artistiquement. Elle n’est pas dans le sociologique mais dans la singularité, dans les gouffres intérieurs des personnages, qui sont aussi les nôtres. C’est ce qui rend ses livres incroyablement forts. Il n’y a aucune facilité.

Blandine, peux-tu parler de la distribution ?

Blandine. Je veux commencer par dire que le noyau du projet est un quatuor de femmes : Marie NDiaye, Natalie Dessay qui est la narratrice, Nancy Nkusi qui est Marie Sachs et moi. Je me suis fait cette réflexion après coup : en choisissant ce texte, il s’agit de créer dans le travail un dialogue entre quatre femmes. Aujourd’hui on parle enfin de la place des femmes sur les plateaux, dans l’écriture, la mise en scène. Mais Marie NDiaye a toujours écrit des rôles sublimes pour les femmes au théâtre et dans ses romans aussi, elles occupent une place centrale. Ici encore, lors de la commande sur « Le Modèle noir », elle a fait le choix du portrait d’une femme artiste. La narratrice est interprétée par Natalie Dessay. Elle a un parcours atypique : elle se rêvait comédienne, et elle a fait une carrière immense comme chanteuse lyrique, puis elle revient à son rêve.

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Elle me fascinait à l’opéra pour la puissance de ses interprétations, elle habitait totalement son jeu et son verbe tout en chantant. Elle est familière de l’écriture de Marie NDiaye. L’an dernier, elle a joué dans Hilda, créé au TNS en 2021, dans une mise en scène d’Élisabeth Chailloux]. Son expérience de chanteuse lyrique lui donne une connaissance intime de Maria Martinez comme chanteuse et artiste femme.

Nancy Nkusi interprète Marie Sachs. Je l’ai vue jouer dans le spectacle de Fabrice Murgia, La Dernière nuit du monde de Laurent Gaudé, au Festival d’Avignon [en 2021] et dans Hate Radio mis en scène par Milo Rau… C’est une actrice belge d’origine rwandaise, elle a fait le Conservatoire de Liège. Elle chante aussi, comme son personnage elle danse avec une grâce extrême elle a joué dans Jungle Book, l’opéra mis en scène par Bob Wilson. Nous avons travaillé au départ par improvisations et j’ai senti que nous étions sur des terrains communs.

Le compositeur et musicien Greg Duret est présent sur le plateau. Comment voyez-vous sa place dans le spectacle ?

Blandine. Greg Duret est un superbe compositeur, d’une créativité incroyable. Greg a beaucoup

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pratiqué les musiques et danses africaines, il est extrêmement populaire en Côte d’Ivoire où certaines de ses compositions sont des tubes. J’ai pensé que ça avait du sens de l’avoir sur le plateau au côté de Marie Sachs. Nous nous sommes très vite « captés ». Nous étions sur la même longueur d’ondes concernant l’univers musical à composer pour Marie Sachs, et nous avons opéré par rebonds, ses propositions m’inspiraient. Je souhaitais que le compositeur-musicien soit en direct sur le plateau. J’aime sa présence et qu’il y ait trois pôles.

Peux-tu parler de l’espace scénique conçu avec le scénographe Simon Restino ?

Blandine. L’univers mental de la narratrice se déploie dans la totalité de la salle. Nous partons du plateau nu comme boite crânienne, avec les murs à vue. Au centre, il y a de grandes pages blanches et une grande toile sur laquelle est imprimée l’image d’une salle de théâtre classique, de l’époque de Maria Martinez. À cheval entre la scène et le gradin, un piano échoué.

Marie NDiaye travaille à partir de trois portraits photographiques pris par Nadar en 1850 d’une certaine « Maria L’Antillaise » pris par Nadar en 1850 qui est peut-être la chanteuse Maria Martinez. Marie

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NDiaye opère une inversion : ce n’est pas la narratrice qui regarde la photo, c’est elle qui est regardée. C’est la photo qui regarde, ou plutôt le sujet-même du portrait : Maria Martinez. Le point de départ du dispositif scénographique a été de réfléchir à cette inversion du regard. Même s’iI conserve l’utilisation classique du gradin pour les spectateurs et du plateau pour les acteurs, le spectacle se regarde selon l’impossible et silencieux point de vue de l’absente, Maria Martinez, qui se produisait 170 ans plus tôt. Dans la salle, c’est toujours l’histoire d’êtres qui, dans l’ombre, en regardent d’autres dans la lumière. Maria Martinez et, avec elle, le spectateur regardent la scène.

C’est un dispositif de regard immersif mais pas illusionniste. La présence du piano participe à ce principe d’inversion du regard autant qu’il relie la scène à la salle. Il est comme l’émanation de l’âme de Maria Martinez, de la métaphore d’elle comme musique et chanteuse. Quand on regarde un piano, on est pris par la présence presque humaine qu’il impose. Il résonne de fantômes aussi, chanteuses et pianistes, Nina Simone et d’autres aux destins tragiques. Comme une réminiscence de Maria Martinez dans notre mémoire collective. Elle a été effacée de cette mémoire collective mais le piano, épave de sa vie, en est une trace, pas tout à fait morte.

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Un roman, comme toute œuvre d’art, s’écrit dans les deux versants de la psyché, conscient et inconscient.

Un pas de chat sauvage n’a pas été écrit pour le théâtre. Comment en faire une matière scénique ?

Blandine. Il faudrait peut-être commencer par se demander : qu’est-ce qu’une écriture de théâtre ?

Est-ce forcément une suite de dialogues ? Dans Un pas de chat sauvage, la narratrice est dans un perpétuel monologue intérieur, dans une forme de combat avec elle-même. Donc, il y a une tension dramatique. Elle essaie d’accoucher d’un roman mais n’y arrive pas, elle est face à l’angoisse de la page blanche. C’est une situation que connaît tout créateur. Elle perd un temps fou à faire des recherches, activer des liens sur Internet ; on sent bien qu’il s’agit d’une forme de « divertissement » pour fuir la confrontation avec son sujet et avec l’écriture. Elle ne sait pas par où commencer, si elle doit aligner le peu de faits historiques qu'elle connaît ou s’engager dans la fiction. Elle cherche la « forme ».

Il faut donner tout le relief à cette tension dramatique. Pour que le récit devienne théâtral, il ne faut pas qu’il soit narratif. Si l’on se contente de donner les informations, de décrire, ça ne peut pas

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marcher. Il faut que ce soient de vrais monologues intérieurs vécus par les actrices, ponctués par des dialogues. Dans le texte, leurs échanges passent beaucoup par des e-mails, mais je transpose ces paroles au plateau. De plus, il y a les « tours de chant » de Marie Sachs, qui sont décrits dans le roman et sont toujours suivis par des flashbacks : on découvre les critiques écrites sur les prestations de Maria Martinez à l’époque, qui sont franchement racistes et pompeuses. Je vois cela comme des « contrepoints» à la beauté du chant, des pensées abjectes, violentes. J’ai envie de faire exister vraiment ces tours de chant c’est une matière très théâtrale. Même si, bien sûr, assumer la représentation de ces tours de chant est une prise de risque : il est toujours plus facile de raconter un moment poignant que de le faire vivre en direct !

D’autant que cette notion de la représentation est complexe : si l’on se situe du point de vue de la narratrice, il est évident qu’il y a une forme de rejet mêlée de fascination, de désir. Mais je veux assumer ce risque.

Il y a, au moment du troisième concert, une forme de « passation » : Natalie Dessay joue une narratrice qui semble traversée par la musique, a des envolées d’harmonie. Comment cette idée est-elle née ?

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Blandine. Ce sont, effectivement, des envolées, comme si cela lui échappait : elle est comme envahie. L’écriture commence à venir en elle : peut -être qu’elle touche à la musique de son roman.

Blandine Savetier et Waddah Saab Entretien réalisé par Fanny Mentré, collaboratrice littéraire et artistique au TNS, le 26 mars 2022, à Strasbourg, et réactualisé en janvier 2023

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Entretien avec Marie NDiaye

Un pas de chat sauvage a pour origine une commande. Peux-tu parler de ce contexte ?

C’était à l’occasion de l’exposition au Musée d’Orsay intitulée « Le Modèle noir », en 2019. Le thème en était les représentations des gens noirs dans l’art ; c’était une très belle exposition allant des tableaux de Géricault à Joséphine Baker. J’ai été sollicitée pour écrire à ce propos et je ne savais pas quoi faire, jusqu’à ce que je découvre les photos que Nadar a faites de « Maria l’Antillaise », dont on pense qu’elle est la fameuse chanteuse lyrique Maria Martinez. Dans l’exposition, c’était une présence très discrète, simplement deux ou trois photos, qui ne sont pas de grand format. Quand je me suis penchée sur la vie de Maria Martinez, j’ai appris le peu qu’on sait d’elle, mais ce peu est d’une telle richesse, d’un tel mystère que c’est poignant. Cela m’a donné vraiment

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l’envie d’écrire non pas sur elle − ce n’était pas le propos − mais autour de ce que ces photos et du peu que j’ai appris d’elle m’ont fait imaginer. J’ai rêvé autour de cette femme.

Quel est ce peu que tu as trouvé à son sujet et qu’est-ce que cela t’a inspiré ?

Il ne reste pas grand-chose, quelques articles de presse de l’époque − notamment les critiques concernant ses récitals −, quelques extraits de lettres. Pour le reste, on ne sait rien. On ne sait pas comment elle a fini sa vie, ni où ni dans quelles circonstances. On ne connaît d’elle que quelques faits, qui réduisent son existence à peu de choses et peu d’années. Cette femme est une énigme fascinante.

Ce qui m’intéressait aussi, dans cette histoire, c’est le parcours incroyable d’une gamine née et élevée dans les conditions les plus dures, qui se retrouve sur les scènes parisiennes mais qui reste quand même toujours « la noire », qu’on surnomme « la Malibran noire », qui est à la fois adulée et critiquée d’une manière abjecte – sur son physique, sur le fait que les belles robes ne sont pas faites pour ce genre de visage et de corps. Elle a subi des propos ignobles mais, malgré tout, a aussi été aimée et reconnue dans son art.

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À partir de ces éléments, tu as imaginé une narratrice − historienne et universitaire, blanche − qui veut écrire un roman sur Maria Martinez, ainsi qu’un autre personnage, Marie Sachs − artiste, noire, chanteuse et guitariste comme l’était Maria Martinez. Comment sont nés ces deux personnages ?

Je ne savais pas comment entrer dans l’histoire de la vraie Maria Martinez. Je ne pouvais pas du tout m’imaginer raconter sa vie − on sait trop peu de choses. Je n’avais pas envie de remplir de fiction tout ce qu’on ignore d’elle. Là, finalement, je l’ai abordée par le truchement de deux personnages : la narratrice qui veut écrire sur elle et cette Marie Sachs qui est comme une Maria Martinez qui serait revenue dans la vie d’aujourd’hui. Évoquer quelqu’un à travers le regard d’autres sujets est un procédé littéraire.

Ces deux femmes ont deux approches très différentes : la narratrice voudrait exposer les faits, si peu nombreux soient-ils, de manière assez stricte alors que Marie Sachs est dans un rapport plus affectif, une forme d’identification allant même jusqu’à l’incarnation. En tant qu’écrivaine, étais-tu aussi tiraillée entre ces deux approches : être dans un rapport affectif avec le sujet tout en essayant de cadrer les choses ?

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Oui, tout à fait. J’étais dans cette relation affective avec la figure de Maria Martinez − qui est, en plus d’être passionnante, tellement émouvante − et la volonté de ne pas céder à cela : ne pas raconter ce que je pouvais imaginer de son histoire d’un point de vue ému, compassionnel. Ce n’était pas mon objet. Mon idée était aussi de la montrer comme artiste et pas uniquement comme une pauvre femme victime − ce qu’elle a été très certainement : victime du racisme de l’époque, un racisme par ailleurs candide, cruel mais sans doute pas intentionnellement méchant. Je ne voulais pas tomber dans ce pathos.

Tu parles d’un racisme de l’époque, mais Marie Sachs ne subit-elle pas aussi le racisme ?

Je ne sais pas trop si Marie Sachs est victime du racisme. Je n’ai pas relu le texte récemment, penses-tu à un épisode en particulier ?

On sait que la narratrice ne trouve presque rien sur elle, même quand elle se produit à l’Alhambra, comme si elle était ignorée des critiques ; il y a aussi les ricanements quand elle joue dans un salon bourgeois… Le parcours semble fonctionner en miroir de celui de Maria Martinez…

Oui, sauf que contrairement à Marie Sachs, Maria Martinez a été l’objet de plein d’articles et de

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critiques, beaucoup de commentaires − plus ou moins bienvenus. Je n’ai pas pensé à l’absence de critiques concernant Marie Sachs comme étant le fait d’un éventuel racisme. Les racistes, au contraire, commentent beaucoup ! Ils ne se contentent pas de laisser dans l’ignorance.

À partir de cette absence de traces, on peut aussi se demander si Marie Sachs a une existence réelle. Le récit est écrit au « je », la voix de la narratrice, et on pourrait supposer que Marie Sachs est une création d’elle, une sorte de « modèle », pour lui permettre d’aborder l’écriture…

Oui, tout à fait, c’est une réelle possibilité.

Dans le livre, la narratrice parle ou écrit au passé. Elle situe le moment où elle souhaitait écrire sur Maria Martinez et où Marie Sachs lui est apparue en 2008/2009. Pourquoi as-tu choisi cette date, qui n’est pas celle de l’écriture du texte ?

Peut-être pour montrer que la narratrice raconte cette histoire longtemps après. Elle a réfléchi, a mûri son propos, elle n’écrit pas sous le coup de quelque chose de récent qui la marquerait encore. Ce n’est plus proche d’elle au point qu’elle puisse encore en souffrir. Elle raconte une histoire relativement ancienne.

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« Quand je me suis penchée sur la vie de Maria Martinez, j’ai appris le peu qu’on sait d’elle, mais ce peu est d’une telle richesse, d’un tel mystère que c’est poignant. »

Dans ce récit du passé, la narratrice, qui souhaitait garder une forme de distance, finira par sortir de ses gonds en écrivant à Marie Sachs la nuit, après le dernier concert…

Quand elle raconte ce que nous lisons plusieurs années après, elle est, en quelque sorte, guérie de cette maladie, de cette obsession pour Maria Martinez. On peut le penser, du moins.

Ces deux femmes ont un antagonisme profond sur la façon la plus juste de s’approcher de Maria Martinez. La narratrice reproche à Marie Sachs de se prendre pour Maria Martinez. Marie Sachs considère la narratrice comme trop distante et illégitime, n’ayant pas vécu elle-même les critiques, certains regards et certaines attitudes odieuses. Est-ce que cette notion de légitimité était un sujet que tu voulais mettre en avant ?

Non, je ne crois pas que je voulais mettre en avant ce sujet. Je pense que la présence de deux personnages − une femme noire et l’autre blanche − m’est venue avec la question du métissage : quand on est métisse, on est toujours entre les deux et on se sent légitime pour tout évoquer.

Mais, de toute façon, je suis contre l’idée même

d’« appropriation », contre la revendication qu’il y aurait une appropriation culturelle, quelle

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qu’elle soit. Je pense que nous avons tous le droit qui que nous soyons − de parler de tout ce qu’on veut, même si l’on n’est pas proche, socialement ou de par sa couleur de peau, des sujets dont on traite. Les écrivains ont le droit absolu de mettre en scène, de faire évoluer tous les personnages qu’ils veulent. Je trouve épouvantable l’idée qu’on aurait le droit de parler uniquement de gens qui nous ressemblent.

Dirais-tu que ce texte parle de la création ?

Oui, ou de son impossibilité. Il y a une narratrice qui n’arrive pas à créer et une femme, Marie Sachs, qui crée à sa manière. Peut-être que la narratrice éprouve une sorte d’envie ou de jalousie par rapport à Marie Sachs qui, elle, crée − à sa façon.

À la fin, après la disparition de Marie Sachs, la narration passe du « je » au « on ». Peux-tu parler de ce choix ?

Je ne saurais pas trop dire qui est ce « on ».

Après une relation construite sur un très fort antagonisme, est-ce la réunion entre Marie Sachs et la narratrice ?

J’aime bien cette idée.

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Est-ce la première fois que ton point de départ était une personne qui a existé ?

Oui et c’était du fait de cette commande du Musée d’Orsay. C’est comme pour le théâtre : toutes les pièces que j’ai écrites ont été des commandes. S’il n’y avait pas ces demandes précises, je n’y penserais pas. De moi-même, je n’aurais pas eu cette idée.

À quel moment le titre − Un pas de chat sauvage est-il venu dans l’écriture ? Qu’est-ce qu’il t’évoque ?

Mes titres me viennent toujours à la fin, quand le texte est achevé. La recherche du titre, c’est comme une récompense, c’est un pur plaisir. Je ne sais plus exactement d’où m’est venu Un pas de chat sauvage, je crois que c’est un bout de phrase extrait d’un proverbe ou une expression. Mes titres n’ont pas forcément à voir avec le texte. Ils sont plutôt une sorte de création seconde par rapport au texte. Pour moi, un titre n’a pas vocation à l’éclairer ou donner des pistes pour le comprendre. Il n’a pas de sens particulier. Ici, ce qui m’a plu, c’est le mystère de ces quelques mots, que je trouve jolis. Ce n’est pas du tout pour dire que Maria Martinez était un chat sauvage. C’est vraiment en dehors, comme un joli vêtement sur

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Je trouve épouvantable l’idée qu’on aurait le droit de parler uniquement de gens qui nous ressemblent.

«
»

un corps mais qui pourrait aller sur un autre corps ce n’est pas signifiant.

Dans le livre, après le texte, on trouve la copie de trois lettres − dont deux écrites par Maria Martinez − et qui sont appelés des « demandes de secours ».

Est-ce une volonté de ta part ?

Oui. Je voulais qu’elle apparaisse non plus seulement comme objet de sujet de narration et comme objet de fantasmes de la part de la narratrice et de Marie Sachs, mais que l’on ait accès aussi à sa réalité, à la vie qui a été la sienne − une vie à la fois prodigieuse et dure, et sans doute extrêmement difficile à la fin.

As-tu participé, d’une manière ou d’une autre, à la conception de la version scénique avec Blandine Savetier et Waddah Saab ?

Je préfère les laisser faire leur cuisine. J’ai été en contact avec Blandine, nous avons eu des échanges, mais il s’agissait simplement de conversations autour du livre. Je suis très curieuse de découvrir le travail.

Souhaites-tu assister aux répétitions ?

Non, je viendrai lors de la première représentation, ou la veille, pour le dernier filage. Je ne saurais

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pas quoi faire en répétitions ; ce n’est pas mon métier, le travail au plateau, je ne suis pas metteuse en scène. Je préfère avoir la révélation quand c’est fini, découvrir le spectacle dans son ensemble.

Entretien réalisé par Fanny Mentré, collaboratrice littéraire et artistique au TNS, le 30 novembre 2022

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Production Compagnie Longtemps je me suis couché de bonne heure

Coproduction Théâtre National de Strasbourg, La Maison de la Culture de Bourges Scène nationale

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

Remerciements aux Tréteaux de France - Centre dramatique national et aux Plateaux Sauvages

Crédits d’éléments scéniques : impression sur toile de la salle de l’Odéon - Théâtre de l’Europe © Benjamin Chelly ; costumes, impression de Maria l’Antillaise tenant un éventail, portrait par Nadar © Paris BNF, Maria l’Antillaise, entre 1856 et 1859, portrait par Nadar © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

La compagnie Longtemps je me suis couché de bonne heure est conventionnée par le ministère de la Culture Direction régionale des affaires culturelles (DRAC)

Grand Est et bénéficie du soutien de la Région Grand Est et de la Ville de Strasbourg. Création le 2 mars 2023 au Théâtre National de Strasbourg

Tournée Bourges, Maison de la Culture de Bourges − Scène nationale, du 7 au 8 novembre 2023 | Forbach, Le Carreau − Scène nationale (sous réserve) | Marseille, Théâtre des Bernardines, Les Théâtres, du 12 au 22 mars 2024

Théâtre National de Strasbourg | 1 avenue de la Marseillaise | CS 40184 67005 Strasbourg cedex | tns.fr | 03 88 24 88 00

Directeur de la publication : Stanislas Nordey | Entretiens : Fanny Mentré | Réalisation du programme : Cédric Baudu, Suzy Boulmedais et Chantal Regairaz | Graphisme : Antoine van Waesberge | Photographies : Jean-Louis Fernandez

Licences No : L-R-21-012171 | Imprimé par Ott Imprimeurs, Wasselonne, février 2023

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#UnPasDeChatSauvage

Un pas de chat sauvage

2 | 10 mars

Salle Gignoux

CRÉATION AU TNS

Texte

Marie NDiaye

Adaptation

Waddah Saab

Blandine Savetier

Mise en scène

Blandine Savetier

Avec

Natalie Dessay − La narratrice

Nancy Nkusi

Et le musicien

Greg Duret

Marie Sachs

Dramaturgie et collaboration artistique

Waddah Saab

Scénographie

Simon Restino

Musique

Greg Duret

Lumière

Louisa Mercier

Costumes

Simon Restino

Blandine Savetier

Assistanat à la mise en scène

Julie Pilod

Marie NDiaye et Blandine Savetier sont artistes associées au TNS.

Le texte est publié par Flammarion / Musées d’Orsay et de l’Orangerie, coédition 2019.

Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS.

Équipe technique de la compagnie : Régie générale Zélie Champeau | Régie

lumière Louisa Mercier | Régie son Vincent Dupuy

Équipe technique du TNS : Régie générale Antoine Guilloux | Régie lumière Sophie

Baer | Régie son Maxime Daumas | Régie vidéo Laurence Barbier | Habilleuse

Mylène Bernard | Lingère Anne Richert

autour du spectacle

Rencontre avec Natalie Dessay, Nancy Nkusi et Blandine Savetier* animée par Thomas Flagel, journaliste

Sam 4 mars | 14h30 | Librairie Kléber

dans le même temps

Comme tu me veux

Luigi Pirandello | Stéphane Braunschweig

27 fév | 4 mars | Salle Koltès

Grand Palais

Julien Gaillard, Frédéric Vossier | Pascal Kirsch

10 | 16 mars | Espace Grüber, Hall

l’autre saison

Beretta 68

CARTE BLANCHE DE L’ÉCOLE DU TNS

Spectacle conçu par huit artistes du Groupe 47

29 mars | 1er avril | TNS

Intuition, friction, papillon

PRÉSENTATION PUBLIQUE D’UN ATELIER DE JEU

Marc Proulx | Avec les élèves du Groupe 47 de l’École du TNS

28 et 29 mars | Espace Grüber, Studio Jean-Pierre Vincent

* Artiste associée au TNS
03 88 24 88 00 | tns.fr | #tns2223 Un pas de chat sauvage | saison 22-23

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