Tohu Bohu 18 - Novels

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Novels Unit n째 18 - automne 2010 - gratuit

Akalmy Djak

Dossier :

Vous avez dit concert ?


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Culture Bar-Bars

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Gérôme Guibert brèves Novels Unit Du tag au tag Akalmy Vous avez dit concert ? livres Djak disques

Rigolboch’ Kizmiaz

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©David Brown

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le Chant de Foire

31 le site Tohu Bohu

Le réseau Tohu Bohu Photo couverture : Novels (JP Bouix) Directeur de la publication : Vincent Priou Rédactrice en chef : Cécile Arnoux Ont participé à ce numéro : Mickaël Auffray, Yasmine Bentata, Arnaud Bénureau, Jean-François Bodinier, Jean-Jacques Boidron, Emmanuel Bois, Lucie Brunet, Benoît Devillers, Denis Dréan, Jonathan Duclaut, Eric Fagnot, Georges Fischer, Gérôme Guibert, Patricia Guyon, Marie Hérault, Cédric Huchet, Gilles Lebreton, Chloé Nataf, Emmanuel Parent, Benjamin Reverdy, Jérôme Simmoneau, Sociolog 2 L’West, Olivier Tura. Conception graphique : Christine Esneault Impression : Imprimerie Chiffoleau Tirage : 13 000 exemplaires – Papier recyclé Siret : 37992484800011 ISSN : 2109-0904 Tohu Bohu est une publication de Trempolino, 51 bd de l’Égalité, 44100 Nantes, et du réseau info-ressources musiques actuelles des Pays de la Loire : Tohu Bohu. Prochaine parution : février 2011 Bouclage : 4 janvier 2011

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coordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / cecile@trempo.com

CHABADA Jérôme [Kalcha] Simonneau Chemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 Angers T. 02 41 34 93 87 / jsimonneau@lechabada.com / www.lechabada.com

BEBOP Emmanuel Bois 28 avenue Jean Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / crim@bebop-music.com / www.oasislemans.fr

FUZZ’YON Benoit Devillers 18 rue Sadi Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon cedex T. 02 51 06 97 70 / ben@fuzzyon.com / www.fuzzyon.com

LES ONDINES Éric Fagnot Place d’Elva, 53810 Changé T. 02 43 53 34 42 / pole-ressources@wanadoo.fr / www.lesondines.org

TREMPOLINO Lucie Brunet 51 bd de l’Egalité, 44100 Nantes T. 02 40 46 66 99 / lucie@trempo.com / www.trempo.com

VIP Base sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / www.les-escales.com


EN CONCRET PAR ERIC FAGNOT

©Sandrine Emin-Guibert

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gerome

guibert Figure emblématique des musiques actuelles, Gérôme Guibert apporte sa contribution scientifique à un secteur toujours en quête de légitimité. Doté d'une solide culture musicale, cet encyclopédiste de la musique cumule les fonctions (chroniqueur, auteur, chercheur, docteur…) pour mieux servir les musiques populaires. Retour sur la trajectoire professionnelle de ce chercheur militant, fan de musique et fraîchement nommé Maître de conférences à la Sorbonne. Qui n'a jamais entendu, au détour d'une rencontre, ce spécialiste des musiques populaires disserter sur l'apparition des premiers sound systems dans les fêtes foraines des années 50 ou sur l'importance des pratiques numériques dans l'économie de la musique. Devant un auditoire attentif, l'homme maitrise son sujet et sait de quoi il parle. Rien de plus normal puisque c'est son métier : chercheur en sociologie des musiques populaires. “Quand j'ai commencé à bosser là-dessus en 1994, j'étais bien seul, à part deux ou trois articles, il n'y avait rien. À l'époque, la bibliographie en français sur les musiques populaires tenait dans un petit carton. Or, je voyais bien que les sociologues parlaient de trucs intéressants mais pas concernant la musique. J'avais donc envie de creuser ça, surtout qu'en entendant les gens parler, y compris les professionnels, je me rendais compte qu'ils bloquaient sur plein d'incompréhensions. Il y avait quelque part un aspect citoyen et aussi un souhait de transmettre des clés pour les gens qui ne comprenaient pas les musiques populaires ou qui pensaient que c'était naze ou que c’était pour leurs enfants…” Cela fait donc plus de 15 ans que Gérôme Guibert observe le monde diffus des musiques populaires, notamment la diversité des scènes qui les composent. Du métal vendéen au rap underground, l'ethnographe noctambule a multiplié les enquêtes de terrain qu'il a, par la suite, restituées dans des colloques et ouvrages universitaires. Il en publia deux sur les musiques amplifiées. Avec d'autres sociologues, il est aussi à l'initiative de la création de la seule revue de recherche française sur les musiques populaires Volume !, dont il codirigea le numéro sur le métal. Mais le point culminant de son parcours universitaire reste sa récente nomination à la Sorbonne comme Maître de conférences en sociologie de la culture. Longtemps impensable, l'intégration des musiques populaires dans le haut du pavé de la recherche française marque un changement important dans ce qu'elles peuvent représenter dans la société. “En sociologie il n'y a jamais eu un seul poste de prof à la fac avec un profil ‘sociologie des musiques amplifiées’. Mais bon, tout cela change pour plein de raisons. Les étudiants sont intéressés par ces sujets, les nouveaux enseignants-chercheurs écoutent du rock ou du rap, au moins en sociologie. Donc de l'eau a coulé sous les ponts mais ce n'est pas encore la panacée. Heureusement, la sociologie compréhensive a mis en avant à quel point la musique était importante, ne serait-ce qu'en terme de sociabilité, mais aussi peut être de manière fondamentale pour la construction de la personnalité.” C'est sans nul doute l'une des caractéristiques principales des travaux de Gérôme Guibert que de militer pour la reconnaissance et la valorisation des recherches sur les musiques populaires et les cultures musicales. Une forme de militantisme singulière mais terriblement probante dans sa manière de percevoir les musiques amplifiées aujourd'hui.

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Hors-Sillon est le nouveau blog de Trempolino sur les musiques enregistrées* que pilote la spécialiste Chloé Nataf. Il vous informe sur les dispositifs en place (duplication de disques…), les chantiers en cours de Trempolino et l'actualité (Hadopi…). N'hésitez pas à y faire un tour, et à réagir ! * CD, MP3, vinyle...

www.trempo.com/hors-sillon Nouveau fanzine, le MicMac est édité par le réseau HAMAC, qui regroupe plusieurs assos musicales du Pays Segréen. Ce réseau a pour missions de dynamiser le territoire, de soutenir les initiatives, et les associations adhérentes. En plus d'une version papier, le Mic Mac a aussi son blog : www.lemicmac.blogspot.com En dépit de la perte tragique de Iain Burgess, le studio Black Box (qui a vu, excusez du peu, ses murs trembler aux sons de Shellac, Deus, Miossec, Sloy...) poursuit ses activités de studio d'enregistrement avec, pour cette rentrée, l'opération “First recording at Black Box”. Une offre destinée aux jeunes groupes et musiciens qui ne sont jamais venus au studio. Plus d'infos sur : http://www.studioblackbox.fr

groupes, dont la renommée n'est plus à faire, et découvertes artistiques pop, rock, chanson, électro et set DJ. www.bebop-festival.com Le label Irie Ites Records livre une perle du reggae roots 70's revisitée et rejouée par les incontournables Mafia & Fluxy. Il s'agit d'une production Studio 1 (Party Time Riddim) chantée à l'époque, et encore aujourd'hui pour l'occasion, par Leroy Sibbles (Heptones). On y retrouve aussi : Spectacular, Glen Washington, Ilements, Perfect et bien d'autres… www.irieites.net

Une véritable caverne d'Ali Baba ! Bientôt, nouvelle boutique située à Nantes, défend les petits : éditeurs, créateurs, musiciens, en plus de proposer de la création graphique. Vous y trouverez des disques, des livres, des sacs, des badges, des cartes postales, des lithographies... et l'accueil de Medhi qui, lui, n'a pas de prix. www.toutbientot.fr

Bebop Festival - le 24e ! Au programme : 5 jours du 9 au 13/11), 6 lieux, plus de 20 groupes, des rencontres… Pour une programmation à l'équilibre astucieux entre

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Saint-Nazaire et la musique, une thématique qui fera bientôt l'objet d'un livre édité par Saint-Nazaire Associations. À pied d'œuvre depuis deux

ans, l'association Les Martins Pêcheurs recherche des “raretés” comme affiches, billets de concert, disques, fanzines, photographies, etc. Appel aux bonnes volontés pour fouiller leur grenier ! lesmartins.accueil@wanadoo.fr Malgré la sortie récente de leur album, les métalleux herbretais de Saw arrêtent le groupe après 5 ans d'activité. Mais ils ne jettent pas l'éponge pour autant, puisqu'on retrouve la plupart des musiciens dans Sore Breathing Cold, nouveau projet plus mélodique. Un EP est en cours et sera téléchargeable libre sur leur Myspace (en cours de création)...

Joli tour de quelque neuf festivals de l'Ouest en images. Ce hors série n°6 du Haut Parleur nous fait revivre ou découvrir les artistes qui ont enjoué le public, et ce même public dont quelques clichés expriment largement les émotions. Joli joli live report ! En ligne sur : http://www.lehautparleur.com Un petit coup de coeur démo avec celle du projet angevin Intimacy. Des inspirations


Boards of Canada, des côtés parfois Mice Parade, ou Savath and Savalas, des parallèles à faire avec Steve Reich aussi, ce mélange électro/ambiant surprend. http://www.myspace.com/ mickaelauffray

Bougez Citoyens ! Voici la thématique de la 19e édition du festival nantais Tissé Métisse. Moment toujours très axé autour de valeurs collectives et de solidarité, moment musical riche et engagé (Mouss et Hakim, Lokua Kanza..), moment qui met en lumière des associations, syndicats, organisations… Des groupements, qu'il faut, à l'époque formidable que nous vivons, urgemment soutenir ! www.tisse-metisse.org Du 4 au 30 novembre se déroule la 9e édition du festival régional Jazz Tempo porté par le Collectif régional de diffusion du jazz (CRDJ). De Nantes à Fontenay-le-Comte, en passant par Cholet, Saint-Nazaire ou encore Le Mans, 25 concerts feront la part belle à la scène jazz ligérienne et nationale. www.crdj.org

Concert de soutien à l'asso

Bô Soleil avec La Rue Kétanou, les Batignoles, Florent Vintrigner et À la gueule du Ch'val le 27 novembre 10 au parc expo de Segré (49). assobosoleil@gmail.com Saluons l'arrivée à Laval d'un nouveau studio d'enregistrement : Coreprod. Home-studio à l'origine, Coreprod c'est désormais une régie de 18m2, une cabine d'enregistrement de 25m2, du matériel performant, le tout piloté par le maître des lieux : Amaury Sauvé, le batteur énergique du groupe métal mayennais As We draw. Depuis son ouverture, le carnet de commandes ne désemplit pas. The Forks et Homestell sont au programme des prochaines sessions d'enregistrement. www.myspace.com/ coreprodasso

Le fanzine mayennais Le Tranzistor vient de sortir son 40e numéro, avec une nouvelle maquette et une couv' en couleur. Ça fait 10 bougies sur le gâteau ! www.tranzistor.org. Le Scéno (Angers) fête quant à lui son 50e numéro et ses 5 ans d'existence. www.sceno.fr

BB&PP propose aux artistes de disposer d'un service de “cd on demand” sur une plateforme de distribution personnalisable. Les internautes choisissent les titres, les visuels, le packaging, BB&PP s'occupe de la fabrication et de l'envoyer directement ! Le groupe Smooth s'est déjà laissé séduire par cette formule, alors pourquoi pas vous ? http://www.bb-pp.fr/fr

Le 6PAR4 (Laval) organise, pour la deuxième année consécutive, le dimanche 12 décembre, la Journée du Disque. La salle de concerts accueillera une dizaine d'exposants de microsillons rares et précieux. Du CD, vinyle, DVD, de tous styles orneront le lieu qui se transformera pour l'occasion en un véritable bric à brac sonore. De quoi satisfaire l'appétit du connaisseur, mais aussi la curiosité de l'amateur. La collection automne des Z’eclectiques présente de bien beaux mannequins : Katerine, Beat Torrent, Public Ennemy... les 11, 12 et 13 novembre à Chemillé (49). www.leszeclectiques.com

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novels

ROCK YOU !

PAR EMMANUEL BOIS PHOTO : JP BOUIX

Après un 1er EP, “Picture Perfect”, sorti en 2006, le trio rock manceau avance et confirme sa progression en sortant “Savior” en ce mois d'octobre 2010. Rencontre avec Fred (basse), Franz (guitare/chant) et David (batteur). Il y a 10 ans, vous répétiez entre deux cours à la fac et deux sessions de skateboard… Pouvezvous nous raconter votre parcours depuis ? A la base Novels se nommait Nameless et David ne faisait pas encore partie du groupe, mais on répétait ensemble pour le plaisir et on se faisait quelques bœufs. On faisait aussi des concerts avec d'autres groupes avec qui on fonctionnait sur échange entre nos villes respectives. David jouait dans un groupe angevin The Red Lord Eskortt. Il y avait aussi Nolid avec qui on évoluait tranquillement. À cette époque, on apprenait et s'imprégnait de la musique qui nous faisait vibrer. À la fin de Nameless, on commençait à avoir de belles dates. Et quand il fut question d'aller plus loin, notre batteur n'a pas souhaité passer le cap. Le groupe de David a splitté et il nous a rejoint pour s'emparer de la batterie (à la base, il était au chant/guitare - NDLR). Puis, une interview dans Guitar Part a marqué un tournant pour nous et nous a fait prendre le pari de s'investir tous les trois à fond. En 2007, Franz étudiait aux Etats-Unis et continuait de composer. David et Fred répétaient et maquettaient. Franz faisait des rencontres, on nous a proposé de faire des dates et en février 2008 une

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tournée de 10 dates était calée (New-York, Seattle, Los-Angeles…). C'était pour nous la concrétisation de nos rêves. Notre musique est fortement influencée par la culture rock américaine, mais nous y apportions une touche “éxotique”. On a ensuite été diffusé en radio, on est passé sur Fox News… La rencontre avec des gens du label Sub Pop (Nirvana…) et un concert au El Corazon à Seattle fut un vrai symbole pour nous et une certaine reconnaissance pour ce que nous faisions. N'êtes-vous pas nostalgiques d'un certain âge d'or de la culture pop/rock/grunge américaine ? Comment faites-vous pour aller plus loin et ne pas tomber dans le cliché ? Cliché ? C'est en France que ça pose problème, on est trop influencé par les phénomènes de mode, on a toujours besoin d'intellectualiser les choses… Aux USA, cette culture est omniprésente, identitaire et intemporelle. En France, le rock des années 70 refait surface aujourd'hui, et on nous dit que ce que nous faisons est “has been”… On fait avant tout ce qu'on aime. On ne se pose pas de question de savoir si ça rentre dans les clous ou non !


Comment trouvez-vous que vous avez évolué depuis “Picture Perfect” ? “Picture Perfect” a été enregistré en 3-4 jours, spontanément et avec peu de moyens. Aujourd'hui, on va plus loin dans la démarche de création, on apporte plus de nuances. “Picture Perfect” était une étape d'humour, un pur délire, plus bourrin. Aujourd'hui notre musique est plus aérienne et pour surprendre on allie l'aérien et le bourrin.“Savior” est une nouvelle étape pour gravir une autre marche. Au début, la musique était plus un exutoire, maintenant on est plus dans le fun et on va à l'essentiel ! Côté scène, on joue plus sur l'humeur, on a su l'apprivoiser, on est plus à l'aise et plus libre.

Vous êtes donc en pleine phase de développement autour du disque et de la recherche de concerts… Vous avez joué aux USA, vous êtes passés par le Hellfest et Art Sonic cet été. Quelles sont vos perspectives ? Au niveau de la scène, on veut continuer à progresser et s'entourer pour pouvoir nous exporter. On a cerné que la scène rock était omniprésente dans le nord, en Belgique… Pour les USA, on a envie d'y retourner c'est sûr. Le fonctionnement y est différent et le sens du partage très fort. T'es là pour jouer ! On a envie de vivre notre rock comme une aventure. On joue rock et on vit rock ! On veut du fun et s'exprimer comme on l'entend.

Vous êtes allés faire le mastering de “Savior” au studio Sterling Sound à New-York... C'était une nécessité, une opportunité ? On avait envie de pousser les choses à leur paroxysme et réaliser un rêve d'ado. On a alors scruté où nos références enregistraient, on a rêvé, développé le projet, et finalement on a rassemblé suffisamment d'argent pour le concrétiser. Il y a aussi une part d'histoire avec ce studio. Nous y avions déjà enregistré quatre titres et on a découvert qu'il pouvait optimiser ce qu'on voulait faire ! On en est ressorti avec l'objectif de repousser nos limites et depuis nous composons énormément.

Vous venez de diffuser votre 1er clip. On y voit la participation d'une violoncelliste. Y a-t-il d'autres expériences de ce genre à venir ? C'était une histoire de rencontre. Nous n'avons pas de plan précis pour le moment. C'était un one shot sans direction artistique vraiment pensée. On souhaitait seulement marquer encore plus les extrêmes.

Vous avez fait un gros pari de dédier entièrement votre temps à la musique. Comment s'est fait ce choix et comment on s'organise ? Le choix était évident ! Le plaisir de se lever le matin et d'y aller à fond même sans argent. On a un peu investi personnellement et fait quelques sacrifices, mais on a surtout fait les démarches nécessaires pour équilibrer le projet et le rendre viable. Pour le travail de développement, on le fait nous-même. On se répartit les différentes tâches (booking, management, communication, infographie…). On est allé de l'avant et on a appris à faire ce que nous ne connaissions pas. On ressent parfois une frustration quand il y a des semaines où on est focalisé sur le développement et qu'on ne touche pas aux instruments. Mais, lorsqu'on arrive en répé, on y va à fond. Ça a l'avantage de nous rendre plus efficace dans le travail de composition et de répétition. Qu'est-ce qui vous manque aujourd'hui pour aller plus loin ? Un appui en communication, des thunes et un tourneur ! On a décroché une distribution nationale avec Anticraft et Believe Digital, mais on doit être plus fort sur la promo. Dans la perspective d'un autre album courant 2011, nous souhaitons travailler avec un réalisateur et développer le mix.

Si vous aviez quelque chose à rajouter… Laissez les Roms tranquilles et n’arrête d'être rockeur parce que t'as 29 ans ! Au début on nous disait d'arrêter et maintenant que ça commence à fonctionner, on nous dit que nous avions raison. On a besoin de le vivre jusqu'au bout. C'est notre mode de vie… et de travail. On reste nous-même à tout prix. C'est ce qui nous aide à évoluer sans cesse.

Novels Savior Yr Letter Records - Anticraft / Believe Digital Trois ans déjà que les frères Hugonnier avaient séduit la scène rock avec leur opus “Picture Perfect”. Quelques dates en France, Belgique et 2 tournées aux USA après, Novels revient avec Savior, un 1er album qui sent bon le gros rock 90's revu et corrigé. Ainsi, le trio a eu le temps et l'énergie de digérer ses influences (allant de Rage Against The Machine à Björk), d'affiner son style. Novels passe l'essai du long format haut la main : les 10 titres mêlant ambiances pop et riffs métal destructeurs, sublimés par un chant en anglais, sont arrangés d'une manière qui fait d'eux un groupe au son assurément reconnaissable. Rassurezvous, le master de Ted Jensen (Muse, Deftones) ne gâche rien... Et Yr Letter Records ne s'est pas trompé : ces gars-là vont tout casser ! Julien Martineau

Infos www.myspace.com/novelsmusic

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unit

FIGURES LIBRES

PAR CECILE ARNOUX PHOTO : MATTHIEU DONARIER

Unit ouvre ses petits yeux brillants et malicieux en 2003, à la suite d'une commande passée à Sébastien Boisseau et Matthieu Donarier par le CRDJ (Centre régional de diffusion du jazz). Sébastien se lance dans la pérennisation du projet, avec Matthieu en second et la ferme idée d'y intégrer des musiciens européens rencontrés au fil des tournées. Petit focus sur un projet cosmopolite par deux porte-paroles bavards et heureux. Quel est l'axe musical de Unit ? Sébastien : Le jouage, c'est-à-dire la focalisation, non pas sur l'écriture, mais sur des espaces libres permettant aux solistes de s'exprimer le plus possible. Le groupe a vu quelques changements de line-up et le choix porté sur les musiciens est fondé sur leur ouverture musicale, leur qualité de soliste et d'improvisateur. Dans l'équipe de départ, il y a eu Laurent Blondiau et Matthieu Donarier qui sont toujours présents, Gabor Gado et Stéphane Pasborg, batteur danois. Nous avons sorti un 1er disque sur le label hongrois BMC. Certains sont partis, Mika Kallio est arrivé. Unit est maintenant un quartet qui invite un 5e élément, en l'occurrence l’accordéoniste finlandais Veli Kujala sur leur nouvel album. Et tu prends la posture de chef d'orchestre ? S : Disons que je porte la démarche, je suis un peu fédérateur dans cette aventure, “leader” mais surtout pas dictateur. Je compose autant la musique que la situation (choix des musiciens, de l'équilibre impro/écrit, concerts avec ou sans sono). J'aime autant l'improvisation à l'écriture. Je propose des

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directions artistiques, j'apporte quelques morceaux, au même titre que les autres. Je m'occupe des concerts, de l'enregistrement du disque, je l'ai produit, j'ai fait le choix des morceaux, j'ai mixé le disque avec l'avis des musiciens. J'aime englober les personnes avec lesquelles je travaille dans le processus. Pour Unit, je tiens un peu le cap. En quoi Unit est différent des autres projets ? S : Je suis side-man dans plusieurs groupes, mais avec Unit, j'ai la liberté de pouvoir m'en occuper, de travailler quand j'ai le temps, l'envie, sans aucune pression car ce n'est pas le groupe qui me fait vivre. Matthieu : Unit a une vision globale avec la musique comme seul moteur. On y joue ce qui nous est propre, sans sophistication. C'est aussi le projet de Seb, et j'ai souvent remarqué que les bassistes/contrebassistes avaient une vision globale, ils écoutent plus que les autres ce qui se passe autour d'eux. Et puis, nous composons tous des morceaux. L'important, c'est bien ce qui se passe ensemble sur le moment. Nous travaillons le son comme matière, les épaisseurs de cette matière, et


nous combinons des choses chargées ou épurées. S : J'ai la liberté de pouvoir explorer une musique hors-format, de me rapprocher de l'essence du jazz. Ce n'est pas un projet foncièrement original ou innovant dans l'instrumentation, mais j'ai champ libre pour travailler des textures dans l'instant, des alliages sonores, et soigner le mélange des timbres. Je défends la spontanéité et pas que dans la destruction, terme qui colle un peu trop à l'improvisation. Pour moi, c'est tout l'inverse, il s'agit d'une architecture spontanée. J'aime l'énergie dans un groupe, j'aime être touché par la musique. Un virtuose classique ou de musique métal peuvent m'ennuyer malgré leur énergie, en revanche le minimalisme d'Alva Noto avec Ryuichi Sakamoto ou un groupe de rock au son crade comme les White Stripes peuvent me scotcher, Meg White joue simple mais ça tue ! Cela pose la question de la justesse d'un propos. Faut-il apprécier la musique pour l'image qu'elle véhicule ou pour les émotions qu'elles vous procurent ? Qu'est-ce-que l'essence du jazz justement ? S : Ce serait mêler de la musique écrite et improvisée, avec des repères qui sont pour moi la façon d'aborder l'improvisation, la pulsation. Cette musique permet vraiment aux musiciens d'appréhender le morceau à jouer et l'instant de manière différente à chaque fois et d'offrir au public un instant différent. La partie écriture sert de prétexte et de lancement à des modes de jeux, on n'est jamais deux fois dans la même énergie. J'ai envie de jouer dans des projets où il y a cette liberté de jouer avec l'instant, se mettre en danger, se jeter dans le bain sans connaître la température de l'eau. M : Le fait de prendre un matériau et de le traiter comme on veut, c'est peut-être la définition du jazz. C'est une musique de liberté, nous ne sommes pas assujettis à la partition. Comment travaille-t-on avec des musiciens étrangers ? Y-a-t-il des codes, des repères ? S : La culture musicale de chacun est source de repère. L'ouverture sur l'autre permet la rencontre. Ensuite, pour moi, la musique est comme un langage, j'ai appris à l'écrire, à la parler et lorsque l'on joue ensemble, on utilise l'improvisation comme un langage universel. On communique en anglais, mais dans le jeu on comprend facilement l'autre dès lors qu'il a joué trois notes (...). Même si l'accordéoniste Veli Kujala peut nous surprendre parfois par son expression avec l'accordéon en quart de ton. Et comment vous jonglez entre ces improvisations, ces personnes qui changent parfois, et le fait de devoir fixer des sons sur un disque ? M : On enregistre un étalon, pas un morceau tel qu'il devrait être. L'enregistrement doit être dynamique, fluide, et mettre l'accent sur l'instant. Je crois qu'à chaque fois qu'on joue, on ne joue pas foncièrement

différemment le morceau ; on avance plutôt dans la nature même du morceau. S : Disons que les morceaux seraient des sujets, et nos manières de jouer des discussions autour des sujets. On n'a jamais la même discussion autour d'un même sujet, c'est le choix du jazzman. Sachant cela, on sait qu'on ne va pas faire vingt prises du même morceau. En général, on fait deux prises, ce qui explique la présence de prises alternatives sur certains disques anciens (...). Le collectif musical que vous défendez dans Unit se retrouve aussi dans le collectif humain de Yolk ? M : C'est une communauté de pensée qui ne s'arrête pas qu'à la musique. On diffère parfois plus sur nos goûts musicaux que sur nos choix de vie. S : Oui, Yolk fédère de nombreux musiciens, pour travailler sur d'autres schémas de pensée et d'action. Parmi les applications concrètes, on peut évoquer le disque à 10€. Il y aussi le fait que ce sont les musiciens qui produisent (...), pas d'intermédiaires entre le public et nous. On se positionne un peu comme un label équitable. Des petits coups de coeur pour des jeunes formations en région ? S et M : Sidony Box de Nantes qui va prochainement sortir son 1er disque sur Yolk. Et puis Kokartet, un bon groupe de Cholet avec deux guitaristes très doués. Retrouvez l’interview intégrale sur http://tohubohu.trempo.com

Unit Wavin Yolk / Fiasko 2010 Unit fait le grand écart, Unit élargit le spectre musical du jazz. Si l'on pense parfois que certains titres pourraient illustrer des séquences de film, si certaines pièces évoquent des références du label américain Thrill Jockey, si l'on est parfois dérouté, puis raccroché par certains thèmes, Unit a sans doute réussi quelque chose. Évocateur d'ambiances, d'images, “Wavin” est un recueil, un diaporama, un carnet de bord, un livre de photographies, tout cela à la fois. Les pièces écrites alternent avec des petites virgules improvisées, et l'équilibre est trouvé. Les instruments que sont les percussions, cuivres, accordéon et double bass, rigolent ensemble, s'expriment individuellement et parviennent à produire quelque chose d'assez envoûtant. Un véritable trip ! Cécile Arnoux

Infos www.yolkrecords.com

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culture

DES BARBARES INTELLIGENTS…

bar bars PAR LUCIE BRUNET PHOTOS : GUY YOYOTTE-HUSSON / VAL K

En 1999, 14 patrons de bars de l'agglomération nantaise décident de se réunir pour former le collectif Culture Bar-Bars. Leur objectif était d'identifier leurs problématiques communes, de faire avancer les choses sur les pratiques culturelles et sur l'aspect social (prévention et droit à la fête). Aujourd'hui, le collectif regroupe près de 200 adhérents et s'est étendu sur 8 régions. Favoriser les rencontres et la convivialité, soutenir la création et la diffusion des cultures Les bars sont souvent associés à une image négative de lieux où les jeunes s'alcoolisent, où l'on fait du bruit… Mais ils jouent un rôle social primordial dans cette société individualiste... “Nous estimons qu'il vaut mieux consommer dans un bar que seul dans la rue”, explique David Milbéo, chargé de l'animation et du développement du collectif. D'autant qu'à Culture Bar-Bars on souhaite assumer ses responsabilités. “Les bars et les discothèques ont une grande importance dans la gestion de la vie nocturne, mais ils ne sont pas seuls. Les collectivités, les voisins, les étudiants, les associations, les parents sont également concernés.” Le collectif défend également son rôle culturel : “Nous considérons que les bars sont des maillons essentiels de la chaîne de diffusion culturelle”. En effet, la plupart des adhérents proposent une programmation culturelle occasionnelle ou régulière qui permet à de nombreux artistes de se produire dans leurs murs, dans un contexte où les salles de spectacles sont sur-sollicitées… Revendiquer un statut et des normes adaptées à la taille de ces lieux Les cafés-cultures sont face à un contexte juridique compliqué et inadapté à leur activité culturelle. En 1998, la Loi Anti-bruit a fait fermer beaucoup de bars. L'insonorisation des lieux est lourde et coûteuse. La licence d'entrepreneur (obligatoire pour les structures organisant plus de 6 évènements par an) et le salariat des artistes (obligatoire car la pratique amateur n'est pas reconnue par la loi) ne permettent pas aux bars d'ouvrir leurs murs régulièrement aux artistes dans une légalité totale. “On considère qu'il peut y avoir de la culture dans tous les établissements même dans les plus petits et sans grands moyens techniques. L'essentiel est que l'accueil des artistes et du public soit de qualité !”, précise David. Établir un dialogue, une concertation et une réflexion avec les administrations publiques L'initiative nantaise a permis la mise en place d'une plate-forme nationale des cafés-cultures. “On travaille sur l'aspect juridique, l'aspect diffusion des pratiques amateurs/professionnelles. On est sur la mise en place d'une fondation d'aide à l'emploi artistique direct, gérée par le Guso (Guichet unique du spectacle occasionnel), afin d'aider les bars à payer les artistes”, déclare David. Mettre en lumière le collectif via un festival engagé Dès 1999, le festival Culture Bar-Bars a vu le jour afin de faire parler du collectif et de le développer. Chaque bar fait sa programmation. Le collectif assure la communication globale, la prévention (éthylotests, bouchons d'oreille) et un sevice de transport en soirée. Les perspectives ? “Le but est de faire de la culture dans les bars tout au long de l'année, sans difficulté !” Infos http://www.bar-bars.com

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Rares sont les lecteurs de fichiers audios numériques qui n'affichent pas, simultanément à la diffusion de ceux-ci, leurs informations descriptives appelées tags. Que ce soient les formats lossy comme le MP3, WMA, AAC, OGG ou encore les loss less tel que le FLAC, pour ne citer que les plus populaires, tous intègrent ces fameuses étiquettes. Essentiellement composés de champs de texte mais parfois aussi graphiques, ils contiennent le nom de l'interprète, le titre du morceau, le nom et la pochette de l'album, les paroles, etc. Ces métadonnées sont structurées suivant un standard propre à chaque format audio. L'ID3, précurseur dès 1996, est sans aucun doute le plus connu. Inclus dans le dominant MP3, il n'a pas été adopté par les autres formats, mais le transfert de ces balises lors d'une éventuelle conversion, est généralement compatible. L'édition de ces données, peut s'opérer manuellement dans la plupart des logiciels qui acceptent les fichiers audios. Cependant, cela peut s'avérer long et laborieux quand on souhaite intervenir sur un nombre important de titres. C'est pourquoi on lui préfèrera les méthodes automatiques, garantissant un peu plus d'uniformité. Une première solution est envisageable dès la création du fichier. Lorsque que l'on “rippe” la piste d'un CD original vers un ordinateur, le logiciel qui vous assiste dans cette tâche1 propose d'importer toutes les infos sur l'album concerné, depuis une base de données spécifique et accessible via internet. Pour se faire, il analyse le CD (durée de l'album, nombre et position temporels des pistes) puis calcule un identifiant que l'on nomme DiscId. La requête est alors possible, obtenant pour résultat l'import des tags. Il existe plusieurs bases de tags à travers le web. La plus ancienne, donc la plus fournie, se nomme Gracenote. D'abord libre sous le nom de CDDB, elle est rebaptisée lors de son rachat par Sony, la multinationale contraignant au passage son usage par une licence propriétaire. Ce revirement, mal digéré par la communauté des défenseurs de l'open source, est à l'origine de l'autre grande base : FreeDB. Ce projet dissident n'est pas l'unique choix pour contrer la douteuse manœuvre nippone, surtout si l'on dispose de fichiers issus d'une autre source qu'un CD, un vieux vinyle par exemple.

du tag au tag

PAR DENIS DRÉAN

Une autre technique de reconnaissance s'impose alors, l'audio fingerprint. Les possesseurs de smartphones connaissent très bien le principe grâce notamment à l'application Shazam. Pour les autres, testez Tunatic2 ou bien encore le site web Midomi3, pour, à votre tour, découvrir l'incroyable champ d'actions que laisse entrevoir cette technologie. Elle utilise une méthode d'analyse acoustique du signal audio4, afin d'obtenir une empreinte unique engendrant alors un identifiant, l'AudioID. Là encore, on soumettra le résultat à une base, recevant alors les tags en réponse. La base MusicBrainz se distingue dans ce domaine et son efficacité s'accroît au rythme de l'enrichissement collaboratif. De plus, ce qui ne gâche rien, la participation des contributeurs, comparable à un Wikipedia, limite les imperfections des gestions parfois anarchiques de certaines bases. Les logiciels qui exploitent l'édition automatique ne sont pas encore légion. On notera le complet Jaikoz5 mais pour en profiter il faudra se délester de quelques euros. MusicBrainz, quant à lui, propose son propre soft multiplate-forme, sous le nom de Picard, plus épuré mais suffisant pour geler efficacement les tags de vos MP3. 1 2 3 4 5

Exemples de logiciels http://www.freedb.org/en/applications__freedb_aware_applications.9.html http://www.wildbits.com/tunatic/ http://www.midomi.com Pour plus de technique http://liris.cnrs.fr/m2disco/coresa/coresa-2006/files/127.pdf http://www.jthink.net/jaikoz/jsp/startup.jsp

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akalmy

LA PUISSANCE EST LE PRODUIT DE LA FORCE ET DE LA VITESSE

PAR SOCIOLOG 2 L'WEST PHOTO : STÉPHANIE VILLION

Pour ceux qui ne sont pas encore à la page, il est temps de se poser cinq minutes. Pour ceux qui savent, une piqûre de rappel est toujours positive. Il serait dommage en effet de passer à côté d'Akalmy, un projet hip hop aussi résistant que l'adamantium de Wolverine. À cet égard, interviewer le groupe revient à prendre une leçon de vie inestimable.

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Genèse La pertinence d'Akalmy, et sa stature de groupe de rap leader aujourd'hui dans l'Ouest, provient d'une conjonction de variables lui donnant un statut qu'il serait dorénavant difficile de remettre en cause. Commençons par l'origine du groupe. Car comme le dit Bob Marley : “Celui qui oublie ses racines ne prend pas le bon chemin”. Akalmy est composé de deux rappers, JM et Trez, originaires du Mans et basés à Nantes depuis la fin des années 90 et soutenus par DJ Sandro, platiniste de la scène nantaise et cheville ouvrière du beatmaking au sein de Kontrat-Dixion depuis maintenant près de 10 ans. Akalmy n'est pas né de la dernière pluie. Ils ont la trentaine. Quand on les interroge sur leur rapport au rap en région et à son histoire, on se rend rapidement compte qu'ils en sont acteurs depuis longtemps.

leaders du rap de l'Ouest, son grand frère faisait parti du mythique Baraka Possa, l'un des groupes du label Angevin Sysmix Recordz et il fut un leader de Balistik Escadron en compagnie de Messaoud (d'ailleurs en featuring sur l'album d'Akalmy). De cette période de gestation, JM a gardé une passion pour le flow. Tel un artisan, peut-être aussi porteur d'une certaine classe africaine, il estime que la forme est décisive pour donner son impact au fond. Il déplore d'ailleurs le fait que nombre de rappeurs, précipités, brouillons, oublient de prendre en compte l'esthétique du contenant… Marshall McLuhan l'a pourtant dit : “The medium is the message”. Mais aussi beau soit-il, le paquet cadeau n'est qu'un prétexte pour ce qu'il renferme, et Akalmy en a bien conscience, alignant dans son album un ensemble de bombes puissamment argumentées.

JM est le maître. Il a commencé à rapper en 1993, à peine adolescent. Au Mans, il a été formé à bonne école, au sein du possee des

Un positionnement esthétique, un positionnement philosophique C'est là qu'entre en jeu Trez, le théoricien, formé


à l'université et par ses lectures à la critique politique, mais aussi à l'importance de la culture dans ce processus militant (il a rédigé voilà quelques années un mémoire sur les films blacksploitation). Arrivé au rap peu après son actuel acolyte, il a été formé par JM, réalisant les back pour lui sur scène et sur son album “L'avenir des Hommes” (2006). Une réciprocité solidaire a voulu que JM travaille ensuite sur l'album de Trez “Identité XIII” (2007), toujours en compagnie de DJ Sandro. Un accord était scellé, une mécanique en marche, qui allait donner lieu au projet Akalmy, “dont la finalité est avant tout le partage”, selon JM, qui, fort de son expérience, possède un peu de l'attitude zen des samouraïs d'Extrême-Orient. Il est vrai qu’Akalmy revendique une énergie positive. Ce qui ne veut pas dire abandonner le combat face au contexte de crise. Ceux qui en douteraient n’ont qu’à écouter les très actuels titres “Contrôles”, “Sous Pression”, ou encore “Télésurveillance” (survitaminé par la caution de Prince Da). Mais les contributions à la cause proposées par Akalmy ne se limitent pas au constat, elles lui associent un message de conscience et d’action collective, comme le très bon refrain de “Précaire” que tout auditeur se surprendrait à chanter. “Jeune précaire, RMIste, insurgé, rebu, paria, exclu, main tendue - on dévoile les abus Intérimaire, chômeur, sans papier, crève la dalle, main levée – c’est maintenant ou jamais tu sais Altermondialiste, gauchiste, Artiste, tous en piste – la révolte gronde même du fond des abysses Travailleur pauvre, endetté, smicard - la bagarre se fera, nos convictions sont claires” Originaux - Réglos - Professionnels Akalmy chez Kontrat-Dixion, c'est sûrement pas une solution par défaut. Ce sont des valeurs en commun avec Mossah et le collectif hip hop nantais. La solidarité comme élément primordial pour la révolte mais aussi pour la construction d'un monde alternatif. Et aussi, un rejet de certaines postures du hip hop qui ont viré au cliché. Par exemple, Akalmy “reprezent” quoi ? Nantes ? Le Mans ? L'Ouest ? La rencontre de l'Europe et de l'Afrique ? Peut importe en fait pour le duo de rappeurs. “On sait d'où on vient, on connait les nôtres, mais revendiquer comme ça un endroit forcément restreint face au reste du monde, c'est sûrement pas la priorité”. Le rap contre certains genres musicaux ? Le métal par exemple ? Fausse question… Pour Akalmy : “Il y a des instrus qui claquent, et d'autres qui sont hors de propos. Il faut donc voir comment fonctionne un morceau par rapport à un texte, on ne se pose de ce point de vue aucune contrainte”.

En général : “Quand tu travailles dans des rapports de confiance et d'émulation avec des gens, c'est là que ça sonne bien. Au-delà des contrats, faut voir les rapports humains”. D'où deux morceaux avec des riffs coulés dans le plomb : “Sous Pression” et “Délétère” (feat. Gokan, groupe de métal justement) qui valent le détour. L'intérêt d'Akalmy, sa pertinence au sein du monde de la musique, c'est sa liberté d'action. “On écoute ce qui se fait en rap, et dans tous les genres, il y a du bon partout”. L'imprévisibilité et l'ouverture, n'est-ce pas ce qui a constitué le rap dès sa naissance avec les block parties ? Tout cela fait que le groupe met les points sur les “i” aussi bien sur scène (mémorable ouverture pour EPMD à L'Olympic en 2009) qu'en studio. Et une médaille accroché sur leur poitrine conquérante, le featuring avec B-Real de Cypress Hill - excusez du peu enregistré au states et édité cette année sur ce premier album. “Ce fut une aventure humaine, et un respect mutuel. On a rien contre son mode de vie fondé sur l'herbe même si pour notre part, on reste straight concernant la drogue”. On ne va pas critiquer des gens qui savent ce que veut dire l'expression “opium du peuple”.

Akalmy Akalmy Dixit-Records 2010 On s'étonnerait presque du nom de ce combo rap à l'écoute de leur album qui entend maintenir une pression explosive tout au long des 17 titres qui le composent. De “Contrôle” à “Délétère”, les morceaux s'enchaînent et dressent un constat critique et implacable des dérives sécuritaires et populistes de la société (la “télétélé-surveillance” dénonce rageur et un brin ironique Prince Da en featuring). Les refrains sont comme des bombes où se croisent, se claquent et se répondent avec tranchant les flows de JM et Trez. On reproche souvent au rap français d'avoir oublié ses valeurs et ses combats à l'issue des années 1990. Il n'en est rien dans ce projet solide où le fond et la forme se servent mutuellement pour entretenir le feu sacré du rap conscient. “Akalmy dans la machine observe le feu dans nos rétines !” Emmanuel Parent

Infos www.myspace.com/akalmy44

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PAR KALCHA ILLUSTRATIONS : GROMIK

VOUS AVEZ DIT CONCERT ? Le batteur hirsute martyrise ses ballets sur son tambourin. Derrière lui le bassiste se dandine. Sur le côté, trois guitaristes assis sur une fesse s'énervent sur leurs six-cordes. L'un deux souffle même dans une trompette quand il ne chante pas. Ah, et il y a une jolie violoniste aussi. Bref, un concert presque normal pour le groupe d'americana/folk chicagoan Jon Drake & The Shakes. À ce petit détail près qu'ils jouent dans une baignoire (!!!). Qui elle-même se trouve dans la petite salle de bain de l'appartement d'Audrey, une jeune demoiselle qui s'est proposé pour accueillir le groupe sur www.scenedebain.com, comme les sept autres chanceux qui ont assisté à la prestation ce jour-là. Le reste du monde peut se consoler sur le site, où ce concert en salle de bain, et plusieurs autres, sont à visionner librement. Concert rock, performance arty, vidéo clip, acte politique, coup de com' ou simple boutade ? On ne sait plus trop où ranger cette nouvelle offre culturelle. Quels critères permettent de trancher de toute façon ? Le nombre de personnes dans le public ? Le lieu ? La notoriété de l'artiste ? Arcade Fire jouait sur un parking à Montréal il y a quelques mois, et on a tous malheureusement vu des bons groupes jouer devant 10 personnes dans des cafés-concerts. Toujours est-il que les alternatives au show “classique” (comprendre pour le coup sur une scène surélevée dans une salle identifiée par un public qui a payé pour s'y rendre) se multiplient, du concert chez l'habitant au spectacle virtuel sur Internet, en passant par le concert en voiture ou l'appropriation d'un lieu étranger au monde de la musique (entrepôt, cave à vin, etc.). Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, ce n'est pourtant pas la première fois dans l'Histoire que les musiciens et le public se retrouvent ailleurs que dans une salle de concert. Mais est-ce différent aujourd'hui? Quelles sont les motivations des organisateurs ? Du public ?

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Des artistes ? Est-ce une réelle alternative ? Le sujet n'ayant encore été que peu traité par nos sociologues, ce dossier n'aura pas la prétention d'apporter des réponses définitives à ces questions. Il se pourrait même qu'il en soulève d'autres auxquelles il n'avait pas pensé. Nous vous laisserons donc en débattre entre la brosse à dents et le sèchecheveux de votre voisine de palier. Vous avez dit Histoire ? Si aujourd'hui nous pouvons être surpris de trouver un batteur dans notre baignoire, c'est surtout parce que nous sommes devenus le produit de deux bons siècles de concerts en salle. Avant la Révolution Française, et ce pendant plusieurs siècles, les musiciens se produisaient très fréquemment chez l'habitant, même si cet habitant était en général noble et riche. On invitait alors ses amis et/ou sa cour à venir se distraire devant le spectacle d'artistes dont on était le mécène. La révolution ayant quelque peu fait le


ménage chez les habitants nobles et riches, les musiciens ont dû trouver d'autre moyens de se produire, et donc de subsister. Au XXe siècle, avec la popularisation de la musique comme divertissement des masses, monsieur tout-le-monde a eu plus souvent l'occasion d'associer la notion de concert à un stade surpeuplé plutôt qu'à une salle de bain. Notons pourtant qu'au départ l'un n'était guère plus approprié que l'autre pour accueillir des musiciens. Dans l'ombre, des courants musicaux underground ont néanmoins régulièrement investi des endroits insolites pour rencontrer leur public. Les jazzmen de Harlem jouaient déjà chez les habitants du quartier quand ils n'arrivaient pas à trouver de contrats dans les clubs. Plus tard, les premiers rappeurs ont envahi les parcs du Bronx pour organiser leurs block-parties. Au même moment, les punks arty du mouvement No Wave improvisaient des salles de concert dans de grands lofts ou des galeries d'Art de l'East Village. Dans les années 80 les rockeurs alternatifs pouvaient traverser l'Europe en faisant la tournée des squats. Dix ans plus tard, les premières raves parties effrayaient le monde entier par leur capacité à rassembler des milliers de personnes dans les endroits les plus incongrus. Ces pratiques avaient néanmoins toutes en commun de participer à l'émancipation d'un mouvement musical, alors encore ignoré par le grand public. Ce qui n'est plus du tout le cas avec nos concert à domicile d'aujourd'hui. Vous pourrez en effet facilement entendre du folk, de la chanson, du jazz, du blues, des musiques du monde ou de l'expérimental en appartement. Mais toutes ces musiques existent depuis plusieurs décennies et ont toutes leurs stars. Elles ont surtout en commun d'être peu ou pas amplifiées, ce qui est bien souvent (mais il existe des contre-exemples) une des conditions sine qua non pour pouvoir organiser un concert chez soi en ville sans risquer de se brouiller avec tout le voisinage.

une bonne partie du public. Ces spectateurs potentiels sont des consommateurs comme les autres, et ils suivent la tendance actuelle du retour à une certaine proximité du produit. Tout comme il a précipité (nous n'avons pas dit causé) la crise du disque, Internet et ses réseaux sociaux ont modifié notre façon d'appréhender les autres. Les internautes ont en effet vite compris qu'il était désormais possible de se passer de beaucoup d'intermédiaires, qu'on pouvait organiser et communiquer sur des événements (cf. les apéros géants) auprès de gens qu'on ne connaissait pas forcément auparavant. Tout est désormais possible. Ajoutez à cela une crise du secteur des musiques actuelles depuis quelques années (modification du régime de l'intermittence, crise du disque, diminution des subventions…) et vous obtenez un boulevard pour des gens qui ont envie de proposer quelque chose de différent. Vous avez dit organisateurs ? Qui sont-ils ? Vous, nous, eux. Très souvent l'organisation d'un concert à domicile part d'une initiative individuelle. On connaît un artiste qu'on estime méconnu, on a la place chez soi, et on se dit qu'on trouvera bien une quarantaine d'amis qui seront intéressés. Il ne s'agit donc pas d'un réseau organisé. Bien entendu, il n'est pas rare de retrouver des personnes qui font déjà partie du circuit culturel traditionnel (programmateur de salle,

“Un boulevard pour des gens qui ont envie de proposer quelque chose de différent” Après avoir connu son apogée lors des deux dernières décennies du XXe siècle - cf. les grandsmesses en 5.1 devant 200 000 personnes ou les émissions de télé-réalité qui voudraient fabriquer un artiste accompli en trois mois - la starification à outrance du musicien a aujourd'hui fini par lasser

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tourneur, professeur, etc.) parmi les organisateurs puisqu'ils sont en contact avec beaucoup d'artistes dans leur vie professionnelle. “Le but premier est vraiment de se faire plaisir, affirme Virginie Guilmault qui fait par ailleurs tourner des artistes dont Marc Morvan et Ben Jarry. Dans mon métier, je vois tous les jours la difficulté qu'ont les programmateurs des vraies salles à se faire encore plaisir à cause de l'obligation de rentabilité à laquelle ils sont tenus. Quand tu organises un concert chez toi, il n'y a pas d'enjeu financier, donc tu choisis l'artiste que tu as envie de faire connaître à tous tes amis, c'est un vrai moment de partage. Et puis on organise environ deux concerts par an, donc ça ne devient pas non plus une routine.” L'obligation de rentabilité est loin d'être la seule à laquelle est tenue une véritable salle de concert. Il lui faut déclarer les artistes, les techniciens, respecter certaines règles de sécurité… Autant de choses déjà difficiles pour un café-concert. On imagine donc que c'est encore plus compliqué pour un particulier. Frédéric Roy, régisseur de production/programmateur au Pannonica et organisateur de concerts chez lui, confirme : “Pour les règles de sécurité, c'est très clairement impossible. Qui a des trappes d'évacuation et des extincteurs chez lui ? Qui a calculé le nombre de personnes qu'il pouvait accueillir et les unités de passage qui vont avec ? Au sujet de la partie administrative, je pense qu'il y a différents cas de figure : soit le groupe a une structure qui rémunère les artistes avec ses subsides et l'argent glané pendant les concerts chez l'habitant, soit ça passe par une structure avec licence qui demande classiquement des subventions à des collectivités, cette structure organisant la tournée du ou des artistes chez l'habitant et le(s) rémunérant (comme pour Chant'Appart par exemple, voir ci-dessous), soit encore les artistes se rémunèrent avec la recette et là c'est à peu près sûr qu'ils ne peuvent pas se faire un cachet digne de ce nom.”

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Bien souvent les concerts chez l'habitant frisent donc l'illégalité totale (sauf si le concert est gratuit et que les règles de sécurité sont respectées). Il existe néanmoins quelques cas de figures où le concert à domicile est organisé dans les règles de l'art. Depuis 17 ans, l'association vendéenne Chants Sons propose un véritable réseau alternatif avec ses Chant'Appart. Entre le 6 février et le 29 mars 2011, une trentaine d'artistes axés sur la chanson francophone au sens très large produiront ainsi 80 spectacles chez l'habitant un peu partout dans la région des Pays de Loire. Avec à chaque fois à l'affiche un artiste régional et un artiste hors région (voire étranger). L'association a ainsi une réelle volonté de connecter des artistes entre eux pour que les échanges se poursuivent après le concert et que les groupes régionaux aient des opportunités de jouer hors de nos frontières.

“La personne [qui accueille un concert] est chargée d'héberger les groupes et de préparer un buffet pour les spectateurs que nous lui remboursons. La formule plait énormément” Les 27 personnes du conseil d'administration de l'association doivent construire leur programmation parmi des centaines de disques arrivant de tout le monde francophone, et aussi faire face à des tas de demandes d'accueil de concert. “La personne accueillant le concert est chargée d'héberger les groupes et de préparer un buffet pour les spectateurs que nous lui remboursons. La formule p l a i t énormément, nous sommes même obligés d'imposer un turnover des maisons accueillantes car nous avons trop de demandes. Accueillants, musiciens et public sont tous ravis…”, explique Christian Gervais, le président de Chants Sons. La Mairie d'Indre, petite bourgade de 3 700 habitants de Loire-Atlantique, a quant à elle eu


l'idée du SIÈCLE : plutôt que d'investir dans une salle de spectacles, le service culturel propose dans sa programmation officielle des concerts chez l'habitant, dans la rue ou sous chapiteau. “On s'est dit que c'était un moyen pas plus bête qu'un autre pour que les habitants de la ville se sentent concernés par nos projets. On croit beaucoup à cette idée du lien social par la culture, même si c'est une idée parfois galvaudée dans les discours politiques”, explique Olivier Langlois du service culturel de la Mairie d'Indre. “Nous avons aujourd'hui 80 bénévoles et une vingtaine de maisons qui accueillent des spectacles. La Ville assure la rémunération des groupes et récupert la billetterie qui est à 8€”. Est-ce que ces nouvelles formes de concert ne risquent pas de faire de la concurrence aux salles de concert qui ont déjà bien des difficultés à atteindre leurs jauges de rentabilité ? “Personnellement, je ne crois déjà pas beaucoup à cette histoire de concurrence entre les structures traditionnelles, alors entre les concerts en salle et les concerts chez l'habitant... C'est sûr et certain que ça complète. D'une part parce que les artistes que nous avons accueillis ne jouent pas tous les jours, parce que c'est une autre forme de concert, parce que le coût est plus abordable. Ensuite, les artistes que nous avons accueillis sont plutôt des citadins qui se produisent très peu à la campagne, là où nous habitons”, résume Frédéric Roy du Pannonica à Nantes. Stéphane Martin, programmateur du Chabada à Angers, va dans le même sens : “Dans l'absolu, je trouve que ces concerts à domicile sont une bonne chose : plus la musique circule et mieux c'est pour tout le monde de toute façon. Le public y découvrira des artistes qu'il viendra peut-être revoir chez nous dans d'autres conditions. Il y découvrira peut-être même tout simplement le plaisir de voir un concert…”

Vous avez dit public(s) ? “Le public varie énormément selon les territoires où nous organisons un Chant'Appart. On n'aura pas le même type de public selon qu'on se trouve dans une grande ville ou dans un petit village. N'allez d'ailleurs pas croire qu'il y a moins de gens dans ce deuxième cas. Au contraire, les offres culturelles étant plus rares et les gens se connaissant souvent mieux, on fait régulièrement le plein en zone plus rurale”, s'enthousiasme Christian Gervais.

“Les gens qu'on croise aux concerts que nous organisons sont pratiquement tous des amis ou des amis d'amis” En règle générale, le public qui se déplace à un concert à domicile connaît davantage l'organisateur que l'artiste. On connaît beaucoup de p ro g r a m m a t e u r s de salles de concert traditionnelles qui rêveraient d'une telle relation de confiance. “Les gens qu'on croise aux concerts que nous organisons sont pratiquement tous des amis ou des amis d'amis. Ce sont des gens qui ont ou qui ont eu des pratiques culturelles plus classiques mais dont la vie quotidienne est devenue aujourd'hui trop remplie pour qu'ils continuent à se tenir au fait. Du coup, ils nous font confiance… Pour l'instant, les gens ont toujours été très contents du spectacle qu'ils voyaient. Ils aiment pouvoir aller discuter avec l'artiste après le concert, échanger. Il y a une dimension émotionnelle qu'il est forcément plus difficile à recréer dans le cadre d'un concert plus classique”, explique Virginie Guilmault. “Nous le voyons bien sur les concerts au Chabada. La scène a un côté intimidant. Ça crée une distance difficilement franchissable entre l'artiste et le public. Donc je comprends tout à fait

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qu'une fois cette barrière brisée - au propre comme au figuré - dans un concert chez l'habitant l'ambiance soit très différente, et par conséquent que la proposition artistique soit aussi différente”, analyse Stéphane Martin. Vous avez dit artistes ? Unanimement les artistes disent en effet apprécier cette très grande proximité avec le public. Le fait d'être au même niveau qu'eux, sans piédestal. En gros, ils apprécient le fait de ne plus être considérés comme des Artistes. De se mettre suffisamment en danger pour se sentir pleinement dans leur art. “C'est un brin intimidant cette proximité, on sent les gens, on saisit le moindre regard… C'est assez particulier mais finalement super appréciable de jouer pour quelqu'un qu'on ressent aussi près” explique JC de Gong Gong qui a eu plusieurs expériences avec son groupe ou en accompagnateur de The Healthy Boy. “C'est aussi l'occasion parfois de roder un set qu'on jouera dans une salle plus tard, mais c'est avant tout une rencontre particulière, la garantie d'un accueil soigné, un grand partage parce que le public reste, les échanges se créent...” Cette notion d'échange est vécue par tous ceux qui ont tenté l'expérience. L'artiste pianiste improvisateur POL y voit même un moteur pour son travail : ”La proximité avec les personnes tisse des liens forts. Les personnes qui m'ont accueilli en résidence suivent mon parcours d'artiste depuis. Elles me soutiennent pour beaucoup à distance ou concrètement en participant à la mise en oeuvre de nouvelles rencontres”.

“Chez l'habitant, la liberté logistique et horaire nous permet d'être totalement investi dans notre musique. On peut décider de jouer à n'importe quel moment, n'importe où dans la maison, c'est énorme !” L'autre intérêt que vantent tous les artistes interrogés est la grande liberté qui leur est offerte. Flo, batteur du groupe math-noise The Forks (comme quoi les concerts chez l'habitant peuvent aussi parfois faire du bruit), opine : “Jouer dans

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une salle, surtout en compagnie d'autres groupes, demande une organisation nécessaire mais parfois difficile à intégrer pour nous. Chez l'habitant, la liberté logistique et horaire nous permet d'être totalement investi dans notre musique. On peut décider de jouer à n'importe quel moment, n'importe où dans la maison, c'est énorme !” Doit-on comprendre à cet enthousiasme que le réseau des salles traditionnelles ne réussit pas pleinement sa mission : à savoir offrir les meilleures dispositions pour qu'un échange puisse avoir lieu entre un artiste et son public ? “Bien sûr, le formatage de l'industrie musicale lors de la seconde moitié du 20e siècle a été très puissant.” C'est Vincent Moon qui parle. Ce réalisateur a longtemps approvisionné le site de La Blogothèque en “Concerts à emporter”. Ces vidéos mettent en scène un artiste, parfois très connu (REM, Arcade Fire, Liars, etc.), dans une situation totalement inhabituelle pour lui : jouer dans un camion, dans le métro, dans un ascenseur… “Avec ces petits films, le but est bien de renouer avec une pratique originelle (que l'on continue, bien entendu, de trouver dans d'autres cultures, africaines ou arabes) et non de prétendre à quoi que ce soit de nouveau. Mais l'idée du challenge est bien présente un peu partout, mettre en danger la musique mais aussi, espérons-le, se mettre soimême en danger à chaque fois.” Vous avez dit alternative ? Quand un système ne marche pas (ou mal), les alternatives se développent naturellement. Le concert chez l'habitant est la quasi-certitude pour l'artiste de jouer devant du public. Ce qui - pour les groupes qui évoluent dans une niche assez spécialisée - est une motivation moteur. Flo de The Forks s'emballe : “On réfléchit à plein de manières de renouveler l'expérience le plus souvent possible, notamment par la distribution de golden tickets dans les albums. Le but est de jouer le plus possible chez les gens en leur confiant l'organisation, la personne qui écoute notre musique connaît forcément d'autres


personnes qui peuvent aimer et est capable de trouver un lieu de diffusion adéquat.” POL pose même le débat sur des bases plus politiques : “L'offre musicale exponentielle versus le réseau de diffusion scénique limité structurellement : les concerts à domicile ou autre lieu de proximité constituent une voie tangible et économiquement viable si elle est accompagnée. Elle sera de plus en plus exploitée c'est sûr. La question est plutôt : cette formule servira-t-elle le développement de la diversité culturelle ou les seules logiques du marché ? Il y a des citoyens qui programment régulièrement des artistes dans leur salon et rémunèrent au chapeau. C'est leur initiative, ils font leur programmation et partagent avec leur entourage... Ça, c'est de la diversité culturelle, la politique culturelle est alors reprise par ceux qui sont concernés plutôt que des élus ou ‘experts’ qui décident pour ces administrés. Là est la base d'une véritable révolution du système pour plus de diversité.”

“Je ne doute pas que beaucoup des personnes qui organisent des concerts chez eux le font pour proposer des choses différentes, pour faire partie d'un mouvement alternatif, et donc d'une certaine manière comme un acte politique. Mais je reste aussi persuadé que d'autres le font de manière un peu plus bobo.” Est-ce pour autant une réelle alternative ? Ou en tout cas une alternative viable ? Stéphane Martin “bémolise” : “Je ne doute pas que beaucoup des personnes qui organisent des concerts chez eux le font pour proposer des choses différentes, pour faire partie d'un mouvement alternatif, et donc d'une certaine manière comme un acte politique. Mais je reste aussi persuadé que d'autres le font de manière un peu plus bobo. Avant on passait des disques chez soi pendant les soirées entre amis, puis il a été de bon ton de faire venir des DJ, et aujourd'hui on invite peut-être aussi des groupes pour épater ses amis ? Ce petit côté élitiste, ou en tout cas restrictif, me dérange un peu quand même…”. Cette vision des choses rappelle étrangement nos musiciens qui jouaient chez l'habitant noble et riche. Virginie Guilmault admet également : “C'est sûr

que c'est ultra-réjouissant de pouvoir organiser des concerts chez soi. Mais c'est aussi frustrant parfois. Car on a vite conscience que ça sera difficile de pousser les choses plus loin pour l'artiste. À défaut de trouver un moyen simple et légal de payer les groupes, et de construire un réseau qui leur permettrait de jouer en dehors de nos frontières locales, comme ça pouvait l'être pour le réseau des squats à l'époque du rock alternatif. Il y a très peu d'associations comme Chant'Appart qui ont passé le cap. Ça reste des actions très individuelles, et donc fragiles.” “L'entrée d'un Chant'Appart est de 15€ pour un double plateau. Mais il faut savoir que chaque spectacle est déficitaire de 800 à 1200€. Nous ne pourrions pas continuer sans nos différents subventionneurs”, précise aussi Christian Gervais. Un discours qui rappellera quelque chose à tous ceux qui fréquentent des administrateurs de salles de concerts plus traditionnelles. Olivier Langlois de la Mairie d'Indre soulève même un souci plus surprenant : “Après quatre ans d'activité, on se rend compte qu'on a beaucoup de mal à renouveler le public. On retrouve toujours les mêmes têtes. On croise beaucoup de personnes sur les manifestations qu'on organise sous chapiteau ou autre qui nous expliquent qu'elles ne se voient pas venir chez quelqu'un qu'elles ne connaissent pas. C'est comme aller à une fête chez des gens qu'on ne connaît pas et où on risque d'être le seul à ne connaître personne. Il y a une sorte de blocage. Et comme les groupes sont rarement assez connus pour faire franchir le pas, le problème est difficilement soluble”. Solutions d'avenir ou feux de paille ? Difficile à dire donc. Quoi qu'il en soit, ces concerts différents ont le mérite de questionner nos vieilles habitudes et de remettre en cause nos systèmes. N'est-ce pas ce qui a motivé les premiers artistes à se produire devant un public ?

TOHU BOHU SUR LES ONDES Vous avez-dit concert ?

vendredi 12 novembre 2010 de 18h30 à 20h, Le Bar’Ouf (Le Mans), à l’occasion du festival Bebop, en direct sur Jet FM et Radio Alpa.

À retrouver sur :

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ARTÈRES SOUTERRAINES Warren Ellis, Éditions Au Diable Vauvert, 2010. Y aurait-il quelque chose de faisandé au Royaume d'Amérique ? À lire ce roman noir, on se dit que oui. Warren Ellis, britannique, compère de Nick Cave, musicien et scénariste de Comics, dépeint ici l'Amérique du vice, des damnés, des rejetons de l'american dream. Ici, les super-loosers ont remplacé les super-heroes, les garçons en quête de virilité s'injectent des solutions salines dans les couilles et le Gouvernement est à la recherche d'une Constitution pirate rédigée à l'encre alien. Mike, détective privé et son acolyte féminine Trix sont chargés de retrouver ce document classé top secret, et, pour se faire, doivent traverser les Etats-Unis. Ils croiseront sur leur route des geeks, des sadiques, des vieux richards complètement cinglés. Mais n'ayez pas peur, même si ce roman, le premier d'Ellis, est vraiment barré, il n'en ait pas pour autant privé d'humour. On y sent un arrière-goût de Dick, un peu de Bukowski, voire même des dialogues à la Audiard (oui, bon, peut-être un Audiard sous amphets !). C'est drôle, jouissif par son immoralité, terriblement percutant. L'Évangile selon Ellis se mange chaud, sur une bande-son de Nick Cave, assurément ! Benjamin Reverdy

JE NE SAIS PAS Mathieu Booagerts, Éditions La Machine à Cailloux, 2010. Depuis 2006 La Machine à Cailloux édite des ouvrages dédiés à la création à travers sa collection “Carré” dans laquelle elle propose à des musiciens d'écrire sur leur métier. Après les essais d'Albin de la Simone ou de Dominique A, elle invite cette fois-ci Mathieu Boogaerts à venir s'exprimer sur la manière de réaliser un album. L'exercice peut s'avérer périlleux. Rompre avec l'éternel silence du mystère de la création revient en quelque sorte à dévoiler une partie de son intimité créative. Sans se mettre totalement à nu, Mathieu Boogaerts réussit dans ce premier livre “Je ne sais pas” à nous transmettre avec humilité le long processus de fabrication d'un album. Découpées en 4 phases distinctes, l'artiste revient sur les différentes étapes de réalisation. Des premières maquettes à l'enregistrement, il nous livre ses secrets de fabrication : la guitare et l'exil pour l'inspiration, un dictaphone pour s'en souvenir et des heures de travail pour finaliser le tout. La plume douce et facétieuse de Mathieu Boogaerts contraste avec le besogneux travail de maturation pour arriver à la réalisation d'un album. Monté comme un “work in progress”, ce livre passionnant foisonne de conseils utiles pour un musicien qu'il soit débutant ou confirmé. À dévorer à pleines oreilles. Eric Fagnot

JIMI HENDRIX

LE RÊVE INACHEVÉ

Régis Canselier, Éditions Le Mot et le Reste, 2010. On célébrait, le 18 septembre dernier, le quarantième anniversaire de la disparition de Jimi Hendrix. La simple évocation de son nom fait ressurgir l'image du guitariste possédé qui faisait hurler sa guitare avec les dents. Pourtant Hendrix n'était pas qu'un technicien de génie. De Miles Davis à Four Tet, on ne compte plus les musiciens qui louent aussi l'avantgardisme du gaucher en termes de production, d'arrangements, de mélodies ou de poésie. Un tel talent attire toujours les vautours. Il y a aujourd'hui beaucoup plus d'albums de Hendrix sortis post-mortem que publiés de son vivant. Pas simple donc de savoir si tel ou tel disque a vraiment un intérêt artistique ou purement commercial. Le Choletais Régis Canselier, administrateur du forum francophone de référence dédié au Voodoo Child et guitariste du groupe Pangaea (Saint-Nazaire), propose un véritable guide dans la jungle hendrixienne, analysant et documentant minutieusement une discographie pléthorique et ses concerts les plus prestigieux pour enfin appréhender un musicien aujourd'hui occulté par sa légende. Un ouvrage passionnant, qu'on conseillera quand même plutôt aux initiés, et qui devrait vous donner envie de ressortir vos vieux vinyles. Kalcha

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rigolboch ricordz kizmiaz Rds

VOIX DE GARAGE

PAR KALCHA PHOTOS : DR

Quelle est la différence entre le rock et le garage rock ? Bonne question. Usons d'une petite métaphore capillaire : le rock, c'est Elvis qui remue de la guibole, la banane gominée bien en place ; le garage rock, c'est Elvis qui se déboîte un genou, la banane complètement partie en sucette ! Vous visualisez mieux ? “À l'origine, c'est une appellation donnée aux groupes de rock'n'roll qui répétaient dans leur garage durant les années 60. C'est avant tout une histoire de son plus sale que la norme, une sorte de rock'n'roll qui revient à la source, une voix sauvage, puissante, des guitares qui déchirent, et souvent un orgue un peu funky”, précise David du label nantais Kizmiaz Records. Une attitude, un son, plus qu'un genre en soi donc. On trouve en effet des groupes très différents derrière l'étiquette garage : certains ont un côté plus voodoo blues, d'autres rockabilly, d'autres encore psychédéliques, surf ou même soul punk. Rigolboch Ricordz et Kizmiaz Rds, tous deux créés en 2008, sont les plus ardents propagateurs de cette vision du rock'n'roll dans nos contrées. “Je suis un passionné de musique, j'ai touché à l'organisation de concerts, je tenais les baguettes dans divers groupes rock, j'ai travaillé dans une radio associative et participé à des émissions, je fais régulièrement le DJ… Il manquait le label !!!”, se marre Johnny de Rigolboch. Les deux labels dégotent donc des artistes aux noms improbables (allez voir leur playlist en fin de Tohu Bohu) sur la Toile et sortent aussi souvent que possible albums, compilations et 45-Tours pour tous les mordus du genre qui vivent dans l'ombre. Une troisième compilation, “The astounding freak party : Dance with the ghoul”, sort d'ailleurs à l'automne chez Rigolboch. Étonnamment, le mouvement garage rock est aujourd'hui confiné à un petit réseau d'irréductibles activistes alors qu'il a connu des heures de gloire. Ça n'empêche pas Johnny de philosopher : “Des titres comme ‘Surfin' Bird’, ‘Louie Louie’, ‘Psycho’, ‘Wild Thing’ restent pourtant des titres mondialement connus et pas seulement d'un public spécialisé. Combien de films ont dans leur B.O. un de ces titres ? Combien de groupes connus les ont repris ? Quand The Sonics, The Seeds, The Kinks ou The Trashmen se produisaient, les salles étaient pleines !!! Les radios internationales diffusaient leur musique et les singles se vendaient bien. Tu pouvais entendre leurs morceaux sur RTL, Europe 1 au même titre que Sheila, Ringo, Mireille Mathieu ou Dalida…. Dorénavant les groupes garage rock passent dans des émissions radio spécialisées, réalisées par des amateurs éclairés. Mais, après tout, une diffusion pour le grand public est-elle réellement nécessaire, du moment que les groupes tournent, que les labels vendent leurs disques, et que le public concerné soit tenu au courant ?”. C'est sûr. Bon, et si on se déboîtait un genou maintenant ? Infos www.myspace.com/rigolbochricordz www.myspace.com/kizmiazrecords

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Djak

HIT THE ROAD DJAK !

PAR KALCHA PHOTO : LOUISE POULAIN

Ils sont programmés en découverte des prochaines Trans Musicales de Rennes (scène Focus* au 4Bis/Crij Bretagne). Espérons que le célèbre festival breton fasse office d’étincelle pour mettre le feu aux poudres de la reconnaissance publique pour Djak. Le quatuor angevin a vraiment tout ce qu’il faut sous le pied pour devenir The next big thing : du style, une voix, du groove et des mélodies imparables ! Matthieu (chant) répond à nos questions. Récemment un journaliste anglais du New Musical Express a dit de vous - dans le cadre d’un concours organisé par les Trans Musicales - que vous étiez probablement la prochaine sensation de la pop française. Ça fait quoi ? C’est très flatteur, même s’il y a beaucoup d’autres groupes qui peuvent prétendre à ça. En tout cas on va tout faire pour confirmer. Paradoxalement, même si les retours pros sont souvent très bons, on a l’impression que c’est encore difficile de faire décoller les choses. Il vous manque quoi aujourd’hui pour que la mayonnaise prenne vraiment ? De la presse ? Des dates ? Des passages radio ? Au niveau des dates, on en a pas mal et dans des lieux intéressants. On pourrait peut-être viser un

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peu plus loin, aller nous tester à l’étranger par exemple. Mais ce sont certainement les médias qui propulsent définitivement les groupes sur le devant de la scène. On a de bons retours des professionnels et du public mais pour accélérer les choses c’est sûr que la radio ou certains magazines pourraient nous aider. Et puis il y a toujours une rencontre, un coup de chance qui peut tout changer. On fait de notre côté le maximum, mais il n’y a pas de la place pour tout le monde, l’industrie musicale est assez frileuse depuis l’ère numérique. C’est pourtant bien un appui dans le domaine qui nous manque mais certaines accroches nous laissent tout de même optimistes. Peut-être aussi qu’on a encore un palier à franchir au niveau de notre musique pour que ça “décolle”. Bref beaucoup de facteurs rentrent en jeu mais on y croit.


Pendant plusieurs années, il a fallu chanter en français pour espérer avoir du succès. Est-ce encore le cas aujourd’hui ? On a l’impression que toute une scène pop française qui chante en anglais commence à faire son trou ? Il y a une culture mainstream, une mondialisation indiscutable qui fait que chanter en anglais devient plus simple pour tout le monde. C’est aussi clairement LA langue qui correspond à la musique qu’on veut faire. Mais j’aurais personnellement adoré relever le défi du français lié à la pop, simplement on se rend vite compte que notre langue influence la musique, le flow n’est pas le même. On avait rapidement tenté l’expérience au début, ça n’était pas vraiment concluant. Il aurait fallu réadapter notre musique. En tout cas il est clair que de plus en plus de groupes rock-pop font naturellement ce choix de l’anglais, et que cela commence à fonctionner en France. Certains sont là pour le prouver, Stuck In The Sound, Pony Pony Run Run, Cocoon, The Dodoz. L’avantage de l’anglais c’est qu’il s’exporte plus facilement. Je crois savoir par exemple que Phoenix connaît autant de succès en France qu’au Japon ou aux Etats-Unis. Y a-t-il des noms que vous voyez apparaître dans vos chroniques dont vous ne comprenez pas ce qu’ils ont à voir avec votre musique ? Et au contraire y a-t-il des groupes dont on ne parle jamais et qui sont pourtant très importants dans votre background musical ? On a vraiment baigné dans le rock anglo-saxon, de la période 70’s jusqu’à aujourd’hui, on apprécie beaucoup certains groupes mais on est parfois surpris de voir des références à Muse, Radiohead, qui sont d’une part tout simplement monstrueux, et qui n’ont pas grand chose à voir avec ce qu’on veut faire. On est plus dans ce qu’on ressent quand on voit apparaître Bloc Party, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys, même si là encore on est assez éloignés. En vérité on est très influencés par la musique format radio, et on est aussi curieux de tout globalement. On va donc dire qu’on essaie de faire une pop radiophonique alambiquée, sans influence claire. Il y a quelques années un groupe de votre niveau aurait déjà un ou deux albums à son actif. Vous n’avez pourtant sorti que quelques démos, pour des raisons financières, on imagine. Quel est votre rapport au disque ? Est-ce que c’est encore une finalité ? Voire

même un passage obligé pour un groupe aujourd’hui ? C’est clair qu’on a changé d’époque, un album n’est plus une finalité pour beaucoup de groupes aujourd’hui, on est dans l’immédiat, le mp3, le web 2.0, l’enregistrement sur le fil avec les moyens du bord, mix-mastering, et on envoie ça sur la toile. Bien sûr on presse quelques galettes qu’on vend en concert et qu’on envoie aux pros. Dans la situation actuelle, on a ni le temps ni les moyens financiers d’aller enregistrer une dizaine de titres en studio. Il nous faudrait tout simplement signer sur un label pour pouvoir faire un album. Et puis, un album c’est un véritable projet qui doit être homogène, et se tenir du début à la fin. On espère y parvenir un jour. Depuis une petite dizaine d’années, le rock a retrouvé le chemin des dancefloors, brouillant un peu plus les frontières entre pop et electro. Pensez-vous à vous faire remixer ? Des noms en tête, même inaccessibles ? Et aimeriez-vous remixer le travail de quelqu’un d’autre ? On a déjà eu quelques propositions de remixes qui n’ont jamais abouti, peut-être parce que notre musique n’est pas forcement adaptée pour ce genre d’exercice, ou que les mecs manquaient d’inspiration. Mais le pied serait de se faire remixer par Justice, MSTKRFT, Vitalic, The Bloody Beetroots, ou un de ces grands noms de l’électro. Remixer un groupe pourrait aussi être intéressant mais je crois sincèrement que ça n’est pas faisable à plusieurs. Ça se ferait plus dans un esprit individuel, une personne du groupe s’attacherait à faire un remix avec une vision bien à lui. Ce qu’on peut faire avec le groupe c’est une reprise, mais on a encore jamais trouvé celle qui nous colle bien. Mais si la motivation pour un remix se fait sentir, je choisirais personnellement un groupe avec des lignes de chant bien prononcées, avec des voix puissantes et une énergie musicale rock, type Gossip, ou Cold War Kids, et j’essaierais d’en faire un truc lancinant et bien dansant.

Focus* : dispositif piloté par Trempolino, en partenariat avec Le Chabada, Le 6PAR4, Le Fuzz’Yon, le VIP, Le Silo, L’Excelsior, qui accompagne des groupes dans le cadre des Trans Musicales de Rennes. Ce dispositif est soutenu par la Région Pays de la Loire.

Infos www.myspace.com/djakrecords http://wearedjak.tumblr.com

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le chant de foire Garden party sans chichi PAR BEN DEVILLERS PHOTO : DAVID GALLARD (MR GUEP)

15e édition, 300 bénévoles, 4 200 personnes réunies les 23 et 24 juillet derniers dans le petit village de Bournezeau (85) au Festival du Chant de Foire, qui réitère son savoir-faire indiscutable : proposer une affiche fédératrice et exigeante en pleine campagne vendéenne. Quelques années que je fréquente cette jolie Prairie aux Papillons (où je n'ai d'ailleurs jamais croisé un papillon, au pire quelques poulets…), en plein cœur du village de Bournezeau. Une grosse fête dans un cadre verdoyant, genre de Garden party sans chichi en compagnie d'inconnus bien urbains. Pas dégueu en plus puisqu'on y mange bien, qu'on y apprécie les spécialités locales (parfois traîtres au discernement) et surtout qu'on y voit de bons concerts, attirant à la fois le chaland avide de têtes d'affiche et le “pointard” en quête de pépites. 15e édition du Chant de Foire pour l'association La Belle Équipe. On pourrait croire la manifestation ancrée dans le paysage festivalier de l'Ouest. C'est pourtant un challenge tous les ans renouvelé : l'autofinancement est fort (plus de 90%) et le subventionnement des collectivités faible, même si la tendance est à l'augmentation - timide - mais réelle. On ne saurait assez rappeler la nécessité de ce type d'évènement, fédérateur et exigeant, dans un milieu rural assez déserté par la chose culturelle. Mais la marge de manœuvre reste faible quand la jauge est limitée (2 500 places) et que les cachets explosent. Il s'en est fallu de peu qu'il n'y ait pas d'édition 2010 suite au gadin de 2009. Un concert de soutien des Ogres de Barback a permis de remettre le navire à flot, au moins pour que cette savoureuse édition puisse avoir lieu. Le contraire eut été déprimant puisque cette année, du côté des squatteurs d'affiches estivales, on prônait à la fois l'abus de sexe, d'accordéon et d'alcool (Java) et la lutte contre le cholestérol (Danakil), on tapait dans la restauration rapide de monument bordelais (Eiffel), on dégustait du beat chinois au sérieux arrière-goût d'anis (Chinese Man) et on digérait le tout à grands coups de basses massives (High Tone). Voilà pour la vitrine. Mais comme dans toutes les bonnes enseignes, c'est en “farfouinant” qu'on trouve les bonnes affaires, notamment au rayon local, avec les prometteurs Von Pariahs de Fontenay-le-Comte et les Nantais d'Elephanz. La bête de scène était lâchée avec Casey qui, bien qu'étant un peu l'ovni de la party, a su dompter le public par sa force de persuasion scénique. Et côté import, il y avait vraiment de quoi se faire plaisir, “Made in Canada” en tête, avec l'électro hip hop foutraque 8Bit de Misteur Valaire et la grosse machine fusionnante de Beast. Excellente surprise reggae/soul de la généreuse Jaqee, qui fait d'ailleurs regretter le manque de voix féminine dans ce genre finalement assez macho… Deux regrets : l'annulation de Miss Li, remplacée par la pop belge un peu formatée de My Little Cheap Dictaphone, et mon craquage sur Ali Harter : arrivé à la bourre. Dommage, elle qui a en plus donné un mini-concert à la maison de retraite du coin qu'il m'eut été plaisant de rapporter. J'aurais pu parler du off du festival, qui a pris une réelle ampleur avec groupes locaux, perfs et concert jeune public des excellents Wackids. Mais j'étais pas là non plus… Nul ! Par contre j'ai appris un truc essentiel : je dors très bien dans ma nouvelle Clio.

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Les allumés du Bidon CD

Steel band live

AP 2010

Back Door Men www.myspace.com/backdoormenband

CD

What's new in the blue world AP 2010

Avec sa voix de vieux baroudeur des Montagnes Rocheuses, Thierry Gautier nous assène un blues en apparence musclé, bien servi par une rythmique tonique. Et pourtant les trémolos de sa voix trahissent une belle sensibilité propre au blues pour un rendu sobre non dénué de personnalité, la part instrumentale étant suffisamment gourmande et variée pour ne pas laisser s'installer le convenu. Malgré cela, les mélodies sont repérables et on en vient très vite à les fredonner (comme dans “Chooolaba Woman”). Mais pourquoi diable utiliser une voix féminine de déco d'arrièreplan quand le blues est résolument féminin (pour peu qu'elles prennent une vraie place). La bonne surprise sera pour la fin, dans deux bonus très originaux ou plutôt originels avec un jeu primitif qui nous emmènerait dans l'Afrique nourricière. Et là BACK DOOR MEN sort de l'ombre. C'est lumineux et d'une grande inspiration. Gilles Lebreton

www.myspace.com/arcaniamusic

Quand j’ai écouté Sweet Angel Dust, j’ai pris une grosse claque. Il a fallu m’asseoir quelques minutes sur mon canapé. Ce disque tue tout. Si le groupe est aussi bon sur scène qu’en studio, voici le futur du métal. C’est tellement beau qu’il s’agit quasiment d’une preuve que Dieu existe. On pourrait parler d’intelligent death metal, pour reprendre le vocable utilisé par Gojira, puisqu’ARCANIA ferait concurrence aux meilleurs morceaux de nos champions nationaux. Eux préfèrent parler de thrash progressive metal, ce qui convient également aux complexes et solides constructions à tiroir qui renvoient notamment au Metallica d’And Justice For All. Les riffs en doubles croches sont dévastateurs et hyper élaborés, les arpèges cristallins sont à pleurer, le son est mat, sec et brut. Trop bien. Gérôme Guibert

Arcania

Sweet angel dust,

CD

AP/Greatdanerecords 2010

Jorge Bernstein & the Pioupioufuckers Join the Bernstein Corporation Super Apes Records 2010

VINYLE

Colored vinyl - 25 cm - 100% rock'n'roll garage : voici les signes particuliers du trio nantais JORGE BERNSTEIN & THE PIOUPIOUFUCKERS. Un brin ironique dans les patronymes, les textes, l'image que le groupe donne de lui-même (http://superapes.blogspot.com), ces déjantés interprètent un punk-garage au son très saturé et assez grave, ce qui les démarque un peu de cette famille musicale. Inutile de dire qu'énergie et fougue sont au rendezvous de ce second album qui sort sur leur propre label. Une voix à faire pâlir Jon Spencer, une basse qui groove un peu les compos, des guitares saillantes, Monsieur Bernstein et ses “sodomiseurs” de poulets prend le meilleur du rock, y met beaucoup d'âme, et le résultat est plus que convaincant ! “Qu'est ce que le garage punk sinon des guitares cheap et des gros mots en langue étrangère”, comme ils le déclament ! Cécile Arnoux

www.myspace.com/superapeslabel

www.lesallumesdubidon.fr

Force est de constater qu'avec LES ALLUMÉS DU BIDON, le steel-drum ne se cantonne pas seulement aux sons traditionnels de Trinidad-etTobago, il explore d'autres contrées musicales allant de Goran Bregovic à Kassav. Enregistré au Théâtre de Laval en novembre 2009, cet album live vous invite à un voyage sensoriel. Un esprit festif traverse les 11 plages de ce live savamment orchestré, renforcé pour l'occasion par une section cuivre endiablée. Accompagné par Duvone Stewart, le véritable maître à jouer du steel-drum, les Allumés nous livrent là un show des plus déjantés au fil de l'écoute. Et pour ceux qui aiment allier le son à l'image, vous prendrez également plaisir à visionner le DVD qui accompagne le CD live. Un spectacle décapant devant lequel votre corps aura bien du mal à rester inactif au fond du canapé. Jean-François Bodinier

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Charivari

Manège, R & Cie CD

Syncope Management - Mosaïc Musique 2010

www.myspace.com/depthaffect

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Abstract symposium AP 2010

Granit 665

Autres Directions in Music / La Baleine 2010

Chanmax Records 2010

En deux albums remarquables, le quatuor s'est fait une belle petite réputation, reflétant les contre-jours éléctros d'un Warp, les audaces rythmiques d'un Anticon, voire même les mélodies ciselées d'un Morr Music. Et c'est Autres Directions in Music qui les accompagne depuis le début, jusqu'à l'arrivée de Chorea, EP tout aussi fin et ingénieux que ses prédécesseurs, grâce au subtile mélange de beats hip hop triturés, de fines pincées d'electronica, de nappes aériennes ou de strates frénétiques. Après les collaborations passées avec Awol One, Subtitle, Alias et Cyne, c'est au tour de Riddlore ?, rappeur de Los Angeles d'appuyer le tubesque “Else's Vision”. De leurs platines, machines, claviers, sortent des ambiances singulières, qualifiées de neo-pop, qui révèlent dans ces enchevêtrements de sons synthétiques, toujours un sens affûté de la mélodie et dont on se prend maintenant à dire : “Tiens, ce ne serait pas le dernier DEPTH AFFECT ?”. De quoi leur augurer un bel avenir… Cédric Huchet

www.myspace.com/degiheugi

Degiheugi

Depth Affect

Chorea

VINYLE MAXI NUMÉRIQUE

Depuis quelques années, ce jeune artiste autodidacte Degiheugi sème sur la toile d'excellentes productions en libre téléchargement. Particularité par rapport à ces précédents albums, DEGIHEUGI met en avant la voix en invitant pléthores de mcs, chanteuses et beatboxeurs, suivant le fil rouge : des cuts et de vieux samples venus de tous horizons. Si certaines compositions relèvent de la préference française Wax Tailor en matière d’abstract hip hop, il faudra plutôt lorgner du coté des artistes de Ninja Tune ou d'Anticon pour réellement comprendre la richesse des productions et du travail de ce beatmaker. Autre particularité, ce dernier album n'est disponible qu'en cd, à commander sur internet. Qu'à cela ne tienne, en attendant d'être livré, vous pourrez toujours vous procurer les précédents opus en libre télechargement sur www.degiheugi.com Yasmine Bentata

The Fine Art of Poisoning Voisin de la bête, GRANIT 665 nous propose un son sorti tout droit des entrailles de la terre et des tréfonds de l'âme. Une âme plutôt tourmentée, on l'aura compris, errant dans un registre sludge/doom/stoner/post hardcore, à la croisée des compos d'Eyehategod et des titres les plus lourds d'Unsane. Si la formation du combo vendéen reste fraîche, on n'a pas non plus ici affaire à des lapins de six semaines puisqu'on retrouve dans le line-up Lionel Fahi, ancien gratteux des Portobello Bones et Maël Le Gallo (ex-U'ZY) derrière les fûts. Sorti sur le label punk Chanmax Records, d'ailleurs lancé dans le métal avec un split Granit 665/Goudron, “The Fine Art of Poisoning” répand 10 plages lancinantes, hors format, aussi insidieuses que toxiques. À noter la présence des Granit sur la compil' Psychotic Reactions, aux côtés des Junkyard Birds, Mudweiser, Cafe Flesh, Kubota ou Karma to Hell. Benoît Devillers

CD

CD

www.myspace.com/granit665

www.myspace.com/charivari

Après un premier essai de 7 titres en 2008, les Manceaux de CHARIVARI reviennent en 2010 avec leur 1er album, Manège. Toujours fidèles à leur répertoire aussi bien léger que profond dans le texte, les charivariens nous livrent ici une playlist orchestrée entre les joies et les délires de leurs humeurs changeantes, et leurs amours et peines de cœur. Leur chanson française métissée aux accents rock, devenue électrique et plus percutante, est une invitation à la danse telle une valse festive parfois mélancolique sans être nostalgique. Quelques changements opérés dans la formation se font entendre et la font évoluer : le lègue de la voix principale, l'arrivée d'une batterie et une “électronisation” des guitares apportent de l'ampleur aux compositions et métamorphosent la fougue de leurs premiers amours en une énergie maîtrisée. Emmanuel Bois


Gratuit Rien

VINYLE NUMÉRIQUE

Ego Twister / Kythibong / Les Pourricords / Hang up the DJ / Tool Box Records 2010

Hamon & Martin www.myspace.com/hamonerwan

CD

Sous le Tilleul

An Naer Produksion 912

Hamon au coffre, Martin aux soufflets, ces deux-là ne manquent pas d'air. Ni de doigts à courir les boutons et les clés pour donner à leur nouveau souffle des reliefs inattendus. Flûte, bombarde, diatonique, trio sonnant pour couple de sonneurs et public un peu sonné par l'écho. Sans doute un besoin de se retrouver à 2, pour faire le point avec les instruments du bord, sortir les vieilles cartes des tiroirs, et tirer de nouveaux plans, sur de nouvelles pistes. On sait bien ce qu'on doit au trad' et combien il a nourri le parcours, on sait aussi qu'on a mûri, qu'on sort des sentiers battus pour dessiner son propre chemin. Un art consommé qui atteint des sommets, des attaques toujours plus incisives, des accroches qui retiennent jusqu'au bout des phrases, des rythmes qui s'endiablent à damner nos oreilles, ou qui se posent pour reprendre haleine. 13 morceaux à la douzaine, comme tout ce qui est essentiel, comme une cerise sur la galette d'argent des magiciens d'An Naer, petit éditeur trégorrois aussi discret que pertinent. Une eau-forte en couleurs de vérités premières, à distiller de la tête aux pieds... Jean-Jacques Boidron

www.myspace.com/alexandregrenier

Démarrage en trombe pour ALEX GRENIER dans une performance à la Bjorn Berge, sur un jazzguitare, et bottle-neck incisif, au phrasé bien enlevé, dont la maîtrise laisse poindre un soupçon de retenue. Puis changement de couleur pour la suite qui se veut plus électro-jazz. Avec ses phrases musicales en répétition à la guitare, sur une rythmique mécanique aux samples, Alex cherche à nous hypnotiser. Son jeu s'arrondit parfois, se fait velours, aux notes de fruits rouges, mais le métronome de la boîte à rythme nous retient dans l'envoûtement. Peut-être manque-t-il encore à cette musique hybride qu'est l'électrojazz une âme pour qu'elle devienne Vaudou. Malgré cela, le son de sa guitare, somme toute classique dans le répertoire du jazz, révèle ses qualités incontestables de guitariste. Cela crée un contraste frémissant avec les sons synthétiques des machines pour nous souffler le chaud et le froid. Gilles Lebreton

Alex Grenier Wasabi AP 2010

CD

Hatebonz

Screenplay for a Dead City Squealophrenic Treatments / La Machine Folle 2010

Après avoir tenu la basse dans Earl et les Zetlas, se la jouer Rémy Bricka version blues cradingue du bayou dans Hungart Thorsen, Gib is back avec un nouvel EP d'HATEBONZ… Ce projet, initialement solo et issu des âges farouches adolescents, a désormais mué en un vrai groupe (avec des membres d'Earl et Daria) pour débiter en 6 titres plus de rondins qu'un bûcheron de Winnipeg. Au programme un hardcore plus conventionnel qu'avant mais un hardcore++, invoquant à la fois l'urgence rock'n'roll, la nervosité punk, la puissance métal et dévoilant un petit horizon southern rock. On le situerait bien entre Nailbomb, Unsane ou Dillinger Escape Plan… Avec en sus la scansion singulière de Gib, entre croon rugueux et raclage de gorge exulté. Ajoutez à cela un packaging très classe, fait maison comme tout ce qui sort de chez “La Machine Folle”, voilà un objet bien réjouissant, dans le fond comme dans la forme. Benoît Devillers

CD

www.myspace.com/hatebonz

www.myspace.com/totalgratuit

Alors que le volcan Belone Quartet était toujours en activité rock, Antoine Bellanger avait déjà initié un side project : Cheval Monamour. Avec une approche ultra lo-fi et ultra confidentielle, ce dernier préfigurait ce qui allait devenir GRATUIT. En ce sens où il mettait déjà du français dans le grand shaker de la musique indé. Les bidouillages électroniques étaient également de la partie ! Malgré tout, avec Gratuit, le Nantais a radicalisé sa vision de l'indie musique. Le temps d'un disque, dont on saluera la qualité de l'objet, il abat toutes les cloisons à grands coups de batte de baseball. Gratuit, c'est punk, rock, électro, dark et surtout passionnant ! On pense bien évidemment à Sexy Sushi. Mais Bellanger se révèle aussi être le fils caché de Programme et Orelsan. Il dissèque l'époque comme personne. Et, tout le monde prend cher. Arnaud Bénureau

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Hell Nino

CD MAXI

Civil Disobedience

AP 2010

Lemurya CD

Soma AP 2010

Henri, Leon et les Autres 56 min 12 chansons AP 2010

www.myspace.com/insidelemurya

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CD

Machin Bidulle Chouette Le Grenier magique Mus'azik 2010

Dans ce disque à orientation variable, LEMURYA vous transporte sur la planète Elcmar. Délire tragique aux frontières de la littérature fantasy. Sublimé par un jeu incisif doublé d'un véritable savoir-faire de guitariste, les hommes de Lemurya livrent ici un premier album patchwork qui ne manque pas d'idées bien senties. Tantôt prog, tantôt free, situé quelque part entre Radiohead et Mars Volta, l'opus regorge de constructions mélodiques étonnantes habilement soutenues par un jeu des plus sérieux. Les signatures rythmiques proposées sont d'une qualité peu commune, et ce grand huit du métronome évoque le rock foutraque de Mr. Bungle, son leader Mike Patton, et ses délires qu'on lui connaît. Pourquoi faut-il acheter ce disque ? Tout simplement parce que les membres de Lemurya proposent autre chose; parce qu'ils ont choisi la difficulté, par goût, et qu'ils maîtrisent remarquablement leur création. Jonathan Duclaut

www.myspace.com/henrileonetlesautres

La pochette comme le titre en dérouteront plus d’un. Et avant même de l'écouter, cette immaculée conception s'annonce auréolée de gloire : Victoire de “Vive la reprise 2010”, prix de l'UNAC, prix “Le Mans Cité Chanson”..., rien que ça. Assurément, le contenu vaut le veston d'officier couvert de médailles. Les 3/4 du temps, on grince des dents lorsqu'on lit “fils spirituel ou digne héritier de Brassens”. Sauf que cette fois-ci c'est vrai. Fils de Bourvil aussi, digne héritier de Chasseloup ou de Bobby Lapointe. Voilà un album qui s'écoute et qui s'imagine, les textes sont tendres et coquins, voire faussement grivois. La drôlerie et parfois la mélancolie des textes se font plus profondes grâce aux quelques touches impressionnistes d'une voix féminine. Chaque bouchée est un morceau de vie qu'on souhaiterait voir mis en scène, “Vierge” est un album-théâtre pour le spectacle, à voir vite en concert pour une satisfaction et une digestion complète (le 22 octobre 2010 au Chabada). Marie Hérault

Wok'en'woll on the road again yeah ! L'ambiance du grenier magique de chez mémé a bien changé et a pris un sacré coup de dépoussiérant ! Grosse gratte, harmonica et influence folk, le “Grenier magique” tiré du spectacle du même nom, raconte l'histoire de 4 potes (Brutos, La Frousse, Ouin-Ouin et Dodo le couche tôt) qui se retrouvent après 25 ans dans un grenier. Ils y échangent leurs souvenirs et tout ce qui fait le sel (et le poivre…) de l'enfance : l'école, les vacances, les mercredis pourris chez la grandmère, la soupe traumatisante, les histoires qui font peur, les chevaliers, les “Fais-pas ci, fais pas ça !”, etc. Toutes simples et super entraînantes, les mélodies donnent envie aux minots de se démener sur dancefloor, et alternent avec quelques morceaux plus doux. Seul bémol, les textes sont parfois un peu sombres et un chouïa tristounets… En effet, même si les 4 compères chantent l'enfance et ses réminiscences, on se demande du coup si être un adulte n'est pas plus sympa. Marie Hérault

CD

www.myspace.com/machinbidulechouette44

www.myspace.com/hellnino

On démarre ce EP de 4 titres avec un morceau à l'ambiance “monstres gentils” qui s'invitera volontiers dans votre salon lors du prochain Halloween. État d'esprit plus grave sur le deuxième titre guidé par le train de notes du bassiste qui cherche à nous extirper des lieux communs. On fait endosser au quatuor de nombreuses influences plus ou moins pertinentes, mais une chose paraît évidente sur le titre “Songes”, c'est la filiation avec des groupes comme Portishead. Ce morceau très bien mené du début à la fin marque le climax de ce EP. Sur les autres titres, j'y trouve parfois un certain attachement avec le “becoming X” de Sneaker Pimps. Toujours est-il qu'il y a petit air de Bristol qui souffle dans les amplis de ces enfants terribles. Phénomène musico-climatique qui cherche à créer son propre courant, RomyAlysée (la chanteuse) et ses acolytes attendent certainement un vent favorable avant de nous proposer un album. Mickaël Auffray


Mix City

CD

A story about... being free AP 2010

Pillow Pilots

www.myspace.com/diveinthenettles

CD

We used to dive in the nettles

Twin Daisies Records 2010

Le ciel est bas, les nuages menacent, le paysage n'est que désolation autour de moi, et je roule, je roule au milieu des grands espaces américains, sans âme qui vive autour de moi, je roule sans savoir où aller avec l'impression d'être actrice d'un film de David Lynch, coincée entre deux mondes, ne sachant pas où le prochain virage me mènera... Vous trouvez que j'en fais trop ? Et pourtant... Une batterie lourde, des envolées de guitares, des bruits d'insectes non répertoriés, tout est dans l'ambiance chez PILLOW PILOTS, duo nantais, formé par JF Lecoq (Margo) et JC Beaudoin (Gong Gong). Les spectres de Sonic Youth et de Labradford rôdent tout au long de cet EP 5 titres sortis sur le label Twin Daisies, et malgré cet oscillement continu entre cauchemar éveillé et réalité subjuguée, je suis persuadée que bien calée sur mon oreiller, par aucune ortie je ne me ferais piquer. Chloé Nataf

www.myspace.com/niobejp

NIOBÉ, c'est la générosité. Générosité de ces mots accueillants, bienveillants, entraînants que lui taille sur mesure Lionel Tua ; générosité de cette voix chaude ; générosité des orchestrations où ses cuivres croisent leur métal avec les peaux des percus, le bronze des guitares et des scratchs électriques. Avec ses acolytes et quelques invités, dont l'imposant René Lacaille, le chanteur, musicien, comédien, Niobé porte avec force un univers unique. Il y a quelque chose de François Béranger dans la fougue de ce chantre des petits matins qui feront peut-être des grands soirs. Mais le propos est personnel aussi. Ainsi, cette remarquable “Petite fleur sauvage” dont la poésie intimiste trouve de belles traductions sonores, ou ce duo “Sur le quai”, rupture tendue sur le fil de quelques notes de la trompette de Niobé. Aimez-le, il vous le rend bien. Georges Fischer

Niobé

Manifeste

CD

AP2010

Rhum For Pauline Miami, Futur La Baleine / Believe Digital 2010

CD NUMÉRIQUE

Si parmi les amis Myspace des RHUM FOR PAULINE, on retrouve Daniel Johnston, Curtis Mayfield, Coco Rosie ou encore les Beastie Boys, c'est déjà admettre que ces quatre apaches sont plutôt curieux. Et pour résumer en un mot ce premier album, parlons de “désinvolture”. Rock désinvolte où se mêlent le psychédélisme des années 70, des mélodies et sonorités garage, surf ou punk, bref peut-être les sous-familles du rock les plus énergiques. Mais ce “Miami” s'octroie aussi les bienfaits de la soul et du funk, avec ne le nions pas une voix digne d'un Neil Hannon ou d'un Jim Morrison parfois (cf. “Goog player in the wrong game”). Une simplicité dans le son, dans le jeu, Rhum for Pauline semble prendre du plaisir, et se targuer d'une étiquette qu'on va chercher à leur coller. Mais sur le sens de la mélodie, ils mettent tout le monde d'accord !!! Cécile Arnoux

www.myspace.com/rhumforpauline

www.myspace.com/mixcityontrack

“La certitude d'être dans le doute” voilà comment ce quatuor se présente. Un quatuor bigarré puisqu'il réunit deux danseurs de la Cie KLP, et deux musiciens de MIX CITY. “A story about... being free” n'est autre qu'une fusion artistique, sonore et visuelle, où chacun des deux sens sert l'autre. Spectacle mais aussi disque puisque la musique imaginée pour l'occasion s'en retrouve gravée. À la croisée du jazz, de la soul, d'un hip hop assez abstrakt, des musiques du monde, de l'ambient, façonnée via batterie, claviers, samples et scratches, la sculpture est protéiforme. On imagine aisément les danseurs se laisser mouvoir sur ces mélodies rythmées ou, à l'inverse, l'inspiration née ou l'interprétation musicale induite par deux corps appliqués. Les incursions vocales (choeurs ou voix tirées de dialogues de film) et la richesse des sons les rapprocheraient musicalement de Cinematic Orchestra ou plus largement des productions Ninja Tune. Reste à découvrir la formule scénique qui doit nul doute amplifier une coalescence au service de l'art. Cécile Arnoux

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Sinscale

Night speculations

CD MAXI

AP 2010

Ultra Milkmaids Medecine

www.myspace.com/ultramilkmaids

VINYLE

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Ant-Zen Records 2010

Je n'écoute plus d'ambient. Ce courant musical me fatigue, asphyxié par ses héros momifiés et sa jeune garde sans ambition. Alors quand un nouvel album déroge à la règle, parlons-en ! Les Français d'ULTRA MILKMAIDS sortent Medecine, une nouvelle production chez Ant-Zen et affirment une fois encore leur singularité au sein de la famille indus/noise du label allemand. Rien n'est simple dans cet album : les guitares sont saturées et rappellent The Charalambides (Cotton Energy), les violons sont liturgiques et ne dénoteraient pas chez Arvö Part (Elixir). Cette ambiguïté entre sacré et contemporain, disparaît peu à peu pour faire place à un mouvement musical cohérent, où souvent des éclairs drone surgissent (“Injection N°1” et “N°2”). Le classicisme, assumé ici, est clairement le véhicule adéquat pour une musique qui déjoue intelligemment les raccourcis, pour émouvoir et stimuler tout simplement. Olivier Tura

www.myspace.com/swingsofa

SWING : style jazz illustré par Django Reinhart SOFA : mot turque pour une estrade avec des tapis. Un joli son acoustique constitue l'écrin folk, groove et parfois latino d'une chanteuse de caractère. Il faut attendre la dernière plage pour découvrir une chanson swing aux accents manouches toniques. Deux guitares, basse, quelques chœurs et percussions : la pâte sonore homogène et parfois virtuose sait se couler sous la voix et les textes oniriques d'Aurélie Breton. Celle-ci porte ceux-là d'une voix tendue, puissante et aventureuse jusqu'à des vocalises hardies soutenues par un chœur de voix mâles dans le final de Natzalémo. Pourtant, toutes ces qualités peinent à trouver le souffle de liberté dont cette production appliquée manque aux instants où on l'attendrait. Quand on entend le son beaucoup plus rock de certains titres sur le Myspace, il nous manque. À suivre à la scène. Georges Fischer

Swing Sofa Pirato-bohème AP 2010

CD

Von Pariahs Ep#01 AP 2010

Heu... comment dire, une énorme surprise ! Les VON PARIAHS font parler d’eux (en décembre aux Trans Musicales). L’heure est au disque et quel disque bluffant ! From Fontenay-leComte, capitale du rock dans les années 90, à la bonne école donc, ces jeunes gars qui, à l'époque du mythique Festival Rock n'avaient pas le droit de sortir, ont dû malgré tout respirer un air de novembre à pleins poumons. Cet oxygène les amène aujourd'hui à composer des titres sauvagement rock'n roll, sans tomber dans le rock si répété et pâlichon du moment. Non, les Von Pariahs sortent de ce lot, ils construisent des titres alambiqués, varient les ambiances, puisent dans la fougue des Thugs ou de Joy Division, dans l'énergie du Blues Explosion, cassent les rythmes, et surprennent. Avec un chanteur d'origine écossaise, on aurait pu croire à un combo anglais tant leur répertoire est fourni et rudement accrocheur. Préparez-vous à être conquis, et ce, avec seulement quatre morceaux ! Cécile Arnoux

CD MAXI

www.myspace.com/vonpariahs

www.myspace.com/sinscale

SINSCALE n'est pas le nom d'un portail web pour no-life monomaniaque de Final Fantasy, mais bien celui d'un nouveau combo métal vendéen sur lequel il va falloir désormais compter ! En guise de premier méfait, ils nous ont concocté un très bon EP 5 titres où s'enchaînent fulgurances black & death, avec déluge de riffs et blast beats à n'en plus savoir où secouer la tête. Mais s'arrêter là serait réducteur. N'étant pas un grand amateur de cette corpo du métal, c'est surtout la richesse des compos qui m'a séduit, faisant notamment appel à des pulsions primaires pour un résultat des plus jouissifs, proche d'un son voisin de Trepalium, dont ils sont par ailleurs proches. Une voix bien plus hardcore que chewbaquesque, s'autorisant quelques heureuses tocades mélodiques, sur fond de bons gros breaks bien plus power que ranger (…) et de salves hardcore/métal à vous retourner un pit en moins de deux. Benoît Devillers


L’OUTIL RÉGIONAL QUI MANQUAIT !

réseau ressources musiques actuelles des Pays de la Loire

http://tohubohu.trempo.com Le site Tohu Bohu, c’est un support de valorisation des artistes, des assos, festivals... de la région, et un outil d'informations, de ressources. - un annuaire régional (le tout premier en région) qui propose déjà plus de 1 700 fiches structures issues des contacts des membres du réseau. Vous cherchez un label, des lieux pour jouer, un studio d'enregistrement, un groupe à programmer... Tout est dans l'annuaire. N'hésitez pas à vous inscrire et à le mettre à jour ! Cet annuaire est mutualisé et doit être utile à tout le monde. Il est important que ses données soient justes. Si vous êtes un artiste ou un groupe, vous pouvez aussi déposer des morceaux, des photos, une bio, etc. - des petites annonces. Vous pouvez consulter les offres, et déposer gratuitement une annonce si vous vendez un instrument, louez un camion, cherchez un trompettiste... - un fonds documentaire. Réseau Docs vous proposera des références bibliographiques, avec les bouquins consultables dans les centres-infos du réseau. - le magazine que vous tenez entre vos petites mains (souvent épuisé ou quasi) en téléchargement. En complément des articles papiers, nous allons mettre en écoute des interviews, proposer des versions longues de certaines interviews, etc. - un flux Twitter avec des infos en continu (tremplins, sorties de disques...) Et puis, et puis, plein d'idées pour développer ce nouvel outil, un partenariat avec la Frap Music (Fédération des radios associatives en Pays de la Loire) pour proposer de nouveaux contenus. À terme, le site Tohu Bohu proposera un lien pour acheter les références régionales (autoproduits ou signés) : une véritable plate-forme de la musique en région ! A vous de vous approprier le site, toute remarque est la bienvenue !

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Playlists Gérôme Guibert,

sociologue

KATERINE, Allô la France ?... Moshi Moshi ?, BMG Japon, 1999 (chanson, pop, rock...) “En 1999, la branche japonaise de BMG commandait à Philippe Katerine (qui était déjà une star là-bas après ses compositions pour Kahimi Karie) une compilation des artistes français à découvrir. On retrouve notamment sur le disque les Nantais Little Rabbits, Pierre Bondu, Françoiz Breut ou Yann Savel…”

THE PATRIOTIC SUNDAY, Lay Your Soul Bare, Effervescence 2005 (pop folk) “Pour moi, avec ce disque, l'indie folk nantaise tutoyait la perfection et Eric Pasquereau posait les premiers jalons d'une production impressionnante. J'hésitais entre ce disque et, dans un style proche, ‘Jusqu'à ce que nous soyons repus’, le second disque de Healthy Boy (2008) qui a également marqué durablement ma vie.”

THE SWINDLERS, First Issue, Dig It, 1997 (garage) “Un garage band de Fontenay-le-Compte qui, en gravant quelques vinyles, dont ce premier album, portait la quintessence du festival alternatif de l'ancienne capitale vendéenne. Ils obtinrent même un papier dans le mythique fanzine américain Maximum Rock'n'Roll. Bon, j'aurais aussi pu choisir Réseaux d'Ombres de Laval ou les Thugs d'Angers mais c'est un top 3… Alors.”

Franz et David,

chanteur et batteur du groupe NOVELS

MASTODON, Crack the Skye, Reprise Records, 2009 (métal psyché) “J'ai découvert cet album lors de notre tournée aux USA. On écoutait la radio dans la voiture et on tombe sur ce son vraiment bizarre au premier abord. Je n'ai toujours pas décroché de cette musique hallucinogène : aérienne, puissante... Des zicos qui mettent la technique au service des morceaux, ça fait plaisir !”

THE SHINS, Oh, Inverted World, Sub Pop, 2001 (pop indé) “Ecoute ça, ça va changer ta vie !” (cf. Natalie Portman dans le film “Garden State”)

LTSP, My Time, autoproduit, 2010 (power pop) “Premier single de ce jeune trio manceau pas comme les autres. Une batterie marimba électro, un clavier-chant et une guitare-chant. Un résultat mélodique, noise, prometteur !”

Johnny Buenda, Rigolboch Ricordz et Yannick, Kizmiaz Rds KING SALAMI & THE CUMBERLAND THREE, Fourteen Blazin' Bangers !!!, Soundflat Records / Dirty Water Records, 2010 (rock'n'roll) “Parce que leurs compos bourrées d'énergie puisent dans les racines du rhythm'n'blues, du rock'n'roll et parfois même du Calypso, cet album restera un bon moment sur ma playlist. Leur show au Cosmic Trip 2010 n'aura fait qu'amplifier mon addiction. Shake it! Shake it! Shake it wild!”

HIPBONE SLIM & THE KNEE TREMBLERS, The Kneeanderthal Sounds Of, Voodoo Rhythm Rds, 2010 (rock'n'roll) “4e opus des 3 briscards anglais. Du rock'n'roll à l'ancienne : son chaloupé, voix 50's, contrebasse et une classe naturelle, toujours sur le très recommandable label suisse du Rev. Beatman, ‘Voodoo Rhythm’.”

SLIM WILD BOAR HIS FORESAKEN SHADOW, Water On A Dirty Ground, Beast Rds, 2010 (country) “Le duo renno-angevin signe ce 2e album de country/dark folk aux mélodies classieuses. Un chanteur à la voix imparable. Un des plus beaux albums de l'année !”

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