ACTUS
HERO TALES
LE NOUVEL ARAKAWA
NINTENDO 3DS LE TEST
BOOM DES CONCERTS EN LIGNE
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ACTUS
4 7 Que sa Volonté soit faite - Attrapez-les toutes !....................... 7 La disparition de Haruhi Suzumiya - Suite sur grand écran....10 Panty & Stocking with Garterbelt - Jamais sans mon slip......12
15 Crimson Prince - Le Prince méchant.....................................15 Happy Mariage ?! - La corde au cou.....................................16 Hero Tales - Héros du Milieu...................................................18 Moonlight Act - Des contes à régler....................................... 20
23 Ôkami Den - Déesse d’hier, DS d’aujourd’hui.........................23 Nintendo 3DS - Révolution technologique ?...........................24 Marvel vs. Capcom 3 - Troisième prise...................................26 Ghost Trick : Détective Fantôme - Esprit déménageur........... 28
30 Concert sur toile..................................................................... 30 COSMONAUT - Un grand pas pour BUMP OF CHICKEN......32 Rip Slyme - Du hip-hop au hip-pop........................................34
36 Le train, un emblème japonais................................................36 Uniqlo - Licences manga : la stratégie gagnante...................38 Toilettes japonaises - Les Rolls du petit coin..........................40
Si en France nos mangas arrivent directement en tomes reliés, au Japon, chaque série est d’abord publiée par chapitre dans un magazine de prépublication. En tête le Weekly Shônen Jump (Shûeisha) dont la distribution est passée de plus de 2 809 362 millions à 2 876 459 millions d’exemplaires de 2009 à 2010. L’intérêt pour le lecteur ? Il va pouvoir faire son marché parmi toutes ces histoires classées par genre, par âge et par sexe, élire les meilleures. Un système qui s’installe timidement en France avec le tout neuf Akiba Manga d’Ankama et le Be X Boy de Kazé qui reste sur une niche, mais qui fait son chemin. C’est dans cette idée que nous avons réservé un coin prépublication dans notre magazine. Simulacre étant la première histoire que nous vous avons raconté et que vous pourrez lire pour la dernière fois dans ce numéro. Nous espérons que vous avez passé de bons moments avec nos auteurs que vous pouvez retrouver sur bdassociees.fr.
Céline Maxant
43 Quel drama pour cet hiver ?....................................................43 Miyoko et le mangaka déchu..................................................44 Parade - Faux amis.................................................................46
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Simulacre - p.52
Elyann - p.51
Clichés sauvages....................................................................48
Total Manga Mag numéro 5 Février 2011 - Gratuit Publication mensuelle de J-Press SARL au capital de 5 000 € - RCS Paris 524 453 032 - Siège Social : 32 boulevard de Strasbourg CS 30108 75468 Paris Cedex 10 Directeur de publication : Lionel Jammes - jpress@total-manga.com Communication et Publicités : Max Metayer - publicites@total-manga.com Directeur artistique : Ludovic Honoré Maquettiste : Mathilde Dollin Dépôt légal : à parution N° ISSN : 2110-7963
www.total-manga.com Directeur éditorial : Jean-Marc Boyer Rédactrice en chef : Céline Maxant - redac-mag@total-manga.com Secrétaires de rédaction : Alexis Martin et Marie Protet Ils ont participé à ce numéro : Aude Boyer, Thomas Hajdukowicz, Barthélémy Lecocq, Alexis Martin, Thomas Martin, Paul Ozouf, Maroussia Pagano, Nicolas Pantin, Marie Protet, Adrien Rhetorie, Kévin Rodet, Jérôme Salomon et Léang Seng. Abonnements : Max Metayer - abonnements@total-manga.com Imprimé en France par Albédia - 137 avenue de Conthe BP 90449 15004 AURILLAC Cedex
ACTUS
© 2011 Kôji KUMETA / Shogakukan
UN SUCCESSEUR POUR M. DÉSESPOIR ?
L’adaptation du gag manga Katteni Kaizô de Kôji Kumeta a été annoncée. Avant sa série Sayonara Zetsubô Sensei, débutée en 2005, Kôji Kumeta avait publié Katteni Kaizô dans le Weekly Shônen Sunday. Ce manga en 26
volumes raconte l’histoire de Kaizô Katsu, étudiant aux cours privés pour génie, jusqu’à ce que son amie d’enfance, Umi Natori, ne le transforme en idiot en le blessant accidentellement à la tête. Kaizô, devenu presque fou, fait malencontreusement sauter les cours privés lors d’une expérience, ce qui entraine la fermeture de ceuxci. Kaizô et Umi, désormais au lycée et membre du club de sciences, rencontrent d’anciens camarades des cours privés qui veulent leur rendre la monnaie de leur pièce. Situa-
tions surréalistes assurées. Comme pour Zetsubô Sensei, qui avait eu le droit à trois saisons et deux séries d’OAV (soit 43 épisodes au total), c’est le studio SHAFT qui sera en charge de ce projet, avec à sa tête le réalisateur Akiyuki Shinbo à qui l’on doit également toutes les adaptations de Zetsubô Sensei. À noter qu’une nouvelle édition du manga, en 13 volumes cette fois, est prévue au Japon pour marquer les 20 ans de carrière de Kumeta. A.M
ARSÈNE LUPIN VOLE CHEZ LES JAPONAIS Takahashi Morita, notamment auteur des quelques adaptations mangas de la saga Gundam, a démarré Adventurier, une nouvelle série mettant en scène Arsène Lupin, dans le magazine de prépublication Evening de Kôdansha le 11 janvier. On connaissait déjà Edgard de la Cambriole, Lupin III en version japonaise, qui nous faisait
découvrir les larcins du petit-fils d’Arsène Lupin. Contrairement à l’œuvre de Monkey Punch, débutée en 1967, l’adaptation de Morita devrait rester fidèle aux romans de Maurice Leblanc. Le premier chapitre reprenant en effet L’Arrestation d’Arsène Lupin, toute première aventure du gentleman cambrioleur parue en 1905. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le personnage de Maurice Leblanc, Arsène
Lupin raconte l’histoire d’un gentleman cambrioleur qui résout les affaires au nez et à la barbe des policiers et des criminels. A.M
NINOKUNI SORTIRA-T-IL DU JAPON ? C’est la question qu’on peut se poser après analyse des premiers chiffres de ventes. L’éditeur s’attendait à écouler rapidement l’édition Nintendo DS, mais les acheteurs se font encore trop © 2010 LE
VEL-5 Inc
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rares. Principale raison de ce phénomène : le jeu est vendu plus cher que la normale, la présence d’un grimoire (indispensable) justifiant les quelques yens supplémentaires. Pas de quoi s’alarmer, même si les revendeurs commencent déjà à brader ce titre fabuleux. Un comble, d’autant qu’on ne sait
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nsha Ltd
da RITA / Ko
kahashi MO
© 2011 Ta
toujours pas si Level-5 prendra le risque de le localiser pour l’Europe. Il ne vous reste plus qu’à croiser les doigts, tout en lisant notre critique complète de Ninokuni : Shikkoku no Madôshi disponible sur tm-mag.fr/ninokuni. K.R
ACTUS
RIEN DE VERY SPECIAL POUR CHARA 2011 devrait être l’occasion rêvée de célébrer en grandes pompes les 20 ans de carrière de Chara, figure majeure de la pop des années 90. Sa production n’a pourtant rien de mieux à proposer qu’une compilation de ses titres depuis 2006 ! Universal Japan récidive donc son erreur quelques mois après l’affaire Utada the Best,
que la concernée avait appelé à boycotter. Pour faire passer la pilule mercantile, l’auteurecompositrice à la voix cassée, a choisi elle-même la tracklist de Very Special qui contient en bonus deux titres live. Mais cela reste une sortie bien décevante illustrant parfaitement la politique de nombreuses maisons de disque japonaises qui forcent souvent leurs poulains à produire un album par an et
prennent le public pour des vaches à lait. Dommage. A.B
Chara © Universal Music Japan
DEATH NOTE À HOLLYWOOD : LE PROJET AVANCE Warner Bros., en charge du nouveau projet d’adaptation de Death Note sur grand écran, a annoncé avoir engagé Shane Black en tant que réalisateur. Le scénario sera quant à lui écrit par Anthony Bagarozzi et Charles Mondry avec lesquels Shane Black est en train de réaliser une adaptation de Doc Savage, personShane Black
nage de roman paru dans les pulps durant les années 30 et 40. Après avoir longtemps été scénariste sur des films comme Au revoir à jamais ou Le dernier Samaritain, Shane Black réalise son premier film, Kiss Kiss Bang Bang, en 2005 qui reçoit l’Empire Award du meilleur thriller en 2006. Au sujet de l’adaptation de Death Note, Black a déclaré : « C’est mon manga favori, j’ai été touché par sa sensibilité unique et brillante.
Ce que nous voulons faire c’est ramener le film au manga et se rapprocher de ce qui est si complexe et empreint de vérité dans l’histoire. Contrairement au fait de prendre le concept et d’essayer de le copier pour en faire un thriller américain. » Après un Dragonball Evolution descendu, à juste titre, par les fans, on se demande si cette déclaration de Black peut nous redonner espoir dans les adaptations hollywoodiennes. A.M
.com
© WireImage
TOURISME EN HAUSSE POUR 2010 D’après les chiffres du bureau de l’immigration du ministère de la Justice japonais, 9,44 millions de visiteurs étrangers auraient foulé le sol de l’archipel en 2010. Soit une hausse de 25% par rapport à 2009.
© TDR
En ces temps de crise économique et avec un yen très fort face à l’euro ou le dollar, d’où peuvent donc venir ces visiteurs ? Et bien ces chiffres, le Japon les doit surtout à ses voisins sud-coréens et chinois, même si ces derniers ont diminué leurs visites en fin d’année pour cause de tentions politiques entre les deux pays dues à l’incident du chalutier chinois en septembre. Ces deux pays représentant respectivement 2,69 et 1,66 millions des venues au pays du soleil levant. La France reste quant à elle
le deuxième pays européen, après la Grande-Bretagne et devant l’Allemagne, à faire le voyage jusqu’au Japon avec près de 150 000 touristes ayant effectué le déplacement depuis l’Hexagone en 2010. Même si l’objectif de 10 millions n’est pas atteint, ces chiffres devraient quand même placer le Japon autour de la 25e position des pays les plus visités, loin derrière la France, première du classement, proche des 80 millions de touristes étrangers. A.M
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Que sa Volonté soit faite
Attrapez-les toutes ! Le harem manga est devenu un poncif éculé de la production BD et animée de l’archipel nippon. Ce genre bien particulier, où un protagoniste masculin lambda devient rapidement la convoitise de plusieurs filles/ femmes, a connu un âge d’or durant les années 80 (Ranma ½), puis un revival avec les productions de Ken Akamatsu (Love Hina, Negima!) et du magazine Jump (I”s, Ichigo 100%), avant d’entrer dans une espèce de traintrain peu innovant (Ichiban Ushiro no Dai Maô, Seto no Hayanome...) C’était sans compter la prise à contre-pied du principe même de harem manga : une histoire où le héros doit, à contrecœur, se constituer un sérail. Or, dans ce genre là, Que sa Volonté soit faite se démarque largement du reste du lot. LE DIEU TOMBEUR Rien ne va plus en Enfer. Les âmes les plus affreuses que notre Terre ait pu porter, les kaketama, se sont échappées et dispersées à la surface (chez nous, quoi), se cachant dans le cœur des gens. La raison de cette débâcle : un manque de personnel dans le monde souterrain (la crise frappe vraiment tout le monde). Qu’à cela ne tienne, Elsy, la démone la plus kawaï qui soit, est réquisitionnée pour aller les récupérer et les remettre en captivité. Cependant, la tâche n’est pas simple quand on est habituellement assignée au nettoyage des rives
Les quelques « écarts » que s’est permis la production viennent sublimer un travail déjà impeccable. © Tamiki Wakaki/Shogakukan, TV-tokyo 2010
du Styx. Aussi, elle va faire appel à un garçon, Keima, connu comme étant « Le Dieu Tombeur » sur Internet. La légende raconte que ce lycéen est capable de conquérir le cœur de n’importe quelle fille – capacité qui peut s’avérer bien utile, puisque c’est là où se cachent les kaketama. Elsy le pousse donc à passer un pacte avec le Diable, afin de l’aider dans sa quête. Tout aurait pu se dérouler à merveille si le Dieu Tombeur en question n’était pas un otaku forcené, rompu aux techniques de drague dans les jeux vidéo de simulation de rencontre (ou galge), bien incapable d’aborder les filles du réel. Tous les deux piégés – le pacte diabolique implique que le contractant remplisse sa mission, sous peine de perdre la tête (au sens propre) – les deux vont faire équipe tant bien que mal pour séduire les réceptacles d’âmes déchues.
IL AIME LES HISTOIRES MAIS N’AIME PAS LES VIVRE À la base, Que sa Volonté soit faite (Kami Nomi zo Shiru Sekai en VO, ou Kami
Nomi, voire The World God Only Knows pour d’autres) est un manga de Tamiki Wakaki, dont la publication toujours en cours a commencé en 2008 dans le Weekly Shônen Sunday (InuYasha, Yakitate!! JaPan, Midori Days...) Fort de son succès, la série a été adaptée en anime diffusé pendant l’automne 2010 au Japon. Pour la France, sachez que le manga va être édité à partir du 4 mars (chez Kana), et que l’anime a été diffusé en simulcast par Wakanim, puis repris sur Nolife. Aux commandes de l’anime, il y a d’abord le jeune studio Manglobe. Cette boite s’était distinguée par le fantastique Samurai Champloo, et avait continué à épater par son travail sur des séries comme Ergo Proxy ou Sarai-ya Goyô, poursuivant dans cette idée de production d’animes « matures ». Avec Kami Nomi, ils prennent un peu tout le monde par surprise, de par le contenu beaucoup plus shônen du titre. Pour mener ce travail à bien, Manglobe a réuni une équipe composée de Shigehito Takayanagi (Galaxy Angels,
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parcours très différents livre un travail exemplaire en matière de respect du matériau original porté à un autre média. L’histoire suit de très près l’intrigue des deux premiers volumes de la bande dessinée, et ce dans les moindres détails. Les quelques « écarts » que s’est permis la production viennent sublimer un travail déjà impeccable, au niveau graphique comme narratif. L’opening, par exemple, est un modèle du genre qui rappelle celui de Higashi no Eden, dans sa précision et sa symbolique. Enfin, notons le travail des seiyû, en particulier celui de Hiro Shimono qui double Keima, dont les voix et les interprétations collent parfaitement aux personnages.
« JE PEUX DÉJÀ VOIR LA FIN… » Outre une réalisation sans faille, c’est dans son histoire que Kami Nomi prend toute sa dimension. L’histoire de base atypique, qui est une sorte d’anti-harem manga – Keima n’aime pas sa mission, et préfère un univers simple et rationnel en 2D plutôt que vivre des relations complexes avec des personnes en 3D – donne à observer l’évolution d’un genre canonique de l’univers du manga.
© Tamiki Wakaki/Shogakukan, TV-tokyo 2010
À l’instar de la récente étude du Ministère de la Santé du Japon qui concluait que près d’un tiers des 16-19 ans de l’archipel n’avait aucun intérêt pour le sexe, Keima n’a que faire de ses camarades de classe, préférant « sauver » l’héroïne d’un jeu buggé.
Kanamemo) à la réalisation, Akio Watanabe (Blame!, Bakemonogatari) au chara-design, Hideyuki Kurata (Excel Saga, Kannagi) au scénario, et Hayato Matsuo (Hellsing, Les Misérables) à la musique. Cette « dream team » de personnes aux
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Il est le représentant d’une frange de la jeunesse nippone qui, oppressée par un système social où l’interaction avec autrui implique un rapport dominant/dominé aliénant, a préféré se retourner dans un monde de fiction plus simple, plus contrôlable, où l’individu est au centre des relations sociales. Cette question avait déjà été effleurée par Genshiken ou Bienvenue dans la N.H.K. !, sur un ton plutôt dramatique. Le fait qu’elle soit abordée ici avec humour – un humour dévastateur soit dit en passant, le duo
Elsy/Keima faisant des ravages, nous permettant d’oublier la fadeur de certains personnages secondaires – relativise un peu le sujet, et le rend peut-être plus tangible : la société évolue, le contenu des mangas aussi ; ces derniers étant vecteurs de sens, pourquoi ne pas passer un message par leur biais ? Sur un plan plus léger, notez que l’anime est un fourre-tout très plaisant. Son attitude, et sa capacité à interpeler le spectateur en multipliant les références à la culture populaire (Peanuts, Gundam, les publicités pour des voitures allemandes...) sont un véritable délice. Par ailleurs, le fait que le scénario réutilise/parodie les mécanismes des galge ajoute au sel général de l’œuvre. Vous l’aurez compris, tout amateur de culture pop japonaise ne pourra faire l’impasse sur cet anime et ce manga. Le novice, lui, pourra être un peu largué, mais savourera tout de même les grands moments d’humour de la série. Et le fan sera ravi d’apprendre qu’une deuxième saison se prépare pour le printemps 2011. Thomas Hajdukowicz n
TITRE : Que sa Volonté soit faite TITRE ORIGINAL : Kami Nomi zo Shiru Sekai FORMAT : Série (12 x 23 min) GENRE : Comédie romantique, harem ANNÉE : 2010 RÉALISATION : Shigehito Takayanagi SCÉNARIO : Hideyuki Kurata AUTEUR : Tamiki Wakaki MUSIQUE : Hayato Matsuo PRODUCTION : Manglobe DIFFUSEURS FR : Wakanim, Nolife
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La Disparition de Haruhi Suzumiya Suite sur grand écran Tirée de la saga de light novels écrite par Nagaru Tanigawa, Haruhi Suzumiya est une série qui a su, dès sa sortie, fédérer les fans. Une association portant le nom de Brigade SOS Francophone, ayant pour but premier de promouvoir la série, a d’ailleurs été créée en mai 2009. On lui doit notamment la venue de Noizi Itô, illustratrice des romans de la série, à Epitanime en mai 2010. Avec la sortie de La Disparition de Haruhi Suzumiya au cinéma, c’est un tout nouvel arc que nous pouvons désormais découvrir en version animée. LE RÉSUMÉ DE HARUHI SUZUMIYA Haruhi Suzumiya c’est avant tout l’histoire de... Haruhi Suzumiya. Excentrique et considérée comme la meilleure par les autres, que se soit pour sa beauté, en sport ou à l’école, elle est uniquement intéressée par le surnaturel. Afin d’apporter plus d’excitation dans le monde, elle va créer la brigade SOS, composée de Yuki Nagato, membre du club de littérature parlant seulement en cas de nécessité, Mikuru Asahina, mascotte lolita à forte poitrine, Itsuki Koizumi, mystérieux étudiant venant d’être transféré dans l’école et Kyon, le héros. Mais ce que Haruhi ne sait pas c’est
TITRE : La Disparation de Haruhi Suzumiya TITRE ORIGINAL : Suzumiya Haruhi no Shôshitsu FORMAT : Film d’animation, 163 min GENRE : Comédie, aventure, fantastique RÉALISATION : Yasuhiro Takemoto, Tatsuya Ishihara MUSIQUE : Satoru Kôsaki PRODUCTION : Kyoto Animation SORTIE JP : 6 février 2010
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qu’à cause de ses pouvoirs, qu’ellemême ne soupçonne pas avoir, les personnes qu’elle a recruté ne sont pas tout à fait normales. L’une est extraterrestre, l’autre voyage dans le temps et le troisième est doté de pouvoirs et chargé de réparer les mondes clos créés par les sautes d’humeur de Haruhi. C’est donc en avril 2006 que la première adaptation animée voit le jour. Respectant le désir initié par l’achronologie des chapitres des romans, la diffusion des épisodes se fait dans le désordre commençant d’ailleurs par les Aventures de Mikuru Asahina, chapitre du sixième volume ! Trois ans plus tard, après avoir été confirmée, infirmée, reconfirmée puis réinfirmée, la saison 2 pointe finalement le bout de son nez au beau milieu d’une rediffusion de la première saison dans l’ordre chronologique. Joie incommensurable pour les fans, mais quelque chose était bizarre. J’ai d’une certaine façon eu ce sentiment. Je regardais à moitié un match entre deux préfectures avec lesquelles je n’avais aucune relation. Je supportais sans enthousiasme l’équipe perdante et j’ai eu l’étrange sensation que j’allais bientôt avoir des nouvelles de Haruhi. Comme certains l’auront compris par l’extrait précédent, cette deuxième saison, qui comprend huit épisodes similaires adaptant l’arc Endless Eight, en a déçu plus d’un. Le film, qui reprend les
évènements du quatrième roman, souvent considéré comme le meilleur de la saga par les fans, était donc attendu au tournant.
KYON, MAIS PAS TROP Annoncé à la fin de la seconde saison, en octobre 2009, le film débarque finalement le 6 février 2010 dans les salles obscures nippones. Comme le titre laisse à supposer, Haruhi disparait et avec elle le monde tel que Kyon le connait. C’est donc dans un univers où ses camarades ont en mémoire des évènements totalement différents de ceux dont il se rappelle, que Kyon se retrouve, et c’est là que le film évolue par rapport à la série. Kyon, observateur des élucubrations de Haruhi et des phénomènes paranormaux qui l’entourent dans leurs précédentes aventures, devient, en l’absence de celle-ci, acteur. Il va devoir prendre des initiatives s’il veut se sortir de ce nouveau monde et découvrir qui en est l’instigateur. Kyon, en tant que narrateur de l’histoire, nous fait par ailleurs remarquer que la disparition tant attendue, ou redoutée, n’intervient qu’après cette tranche de vie de la brigade d’une vingtaine de minutes. Pas que cela soit déplaisant ou ennuyant, bien au contraire. Les évènements suivant cette introduction contrastent avec le ton jovial auquel nous a habitué la série. Voir Haruhi enthousiaste, comme à son habitude,
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à l’idée d’organiser une fête pour Noël permet de dramatiser d’autant plus la suite. Le film nous laisse observer le changement des personnages en l’absence de Haruhi et la réaction de Kyon à leur découverte. La personnalité de Yuki, interface humanoïde extraterrestre qui redéfinit à elle seule le flegmatisme, est probablement celle qui a le plus changé, car il semblerait qu’elle puisse désormais être dotée de sentiments.
77 000 copies du Blu-ray prenant ainsi la première place du top Oricon dans sa première semaine. On ose souhaiter que son manque d’accessibilité ne soit pas un frein à son arrivée en France (après la deuxième saison, cela va de soit). À noter que la date de sortie du DVD/Bluray, le 18 décembre, coïncide avec celle de la disparition de Haruhi dans le film. Espérons que les fans de la série n’auront pas trop longtemps à attendre
CRITIQUE
avant de voir s’animer la suite des aventures de Haruhi. Les adaptations de Kyoto Animation couvrant pour l’instant les cinq premiers tomes du light novel (enfin sauf le dernier chapitre du tome 5 mais avec les deux premiers du tome 6, la chronologie étant à l’image de la série : totalement barrée). Un dixième tome, La Surprise de Haruhi Suzumiya, étant lui prévu pour mai 2011 au Japon. Alexis Martin n
ANIMATION AU DÉTAIL Comme cela a pu se confirmer dans la série animée K-ON!!, Kyoto Animation aime donner du relief aux personnages de second plan. Ainsi, même si ceux-ci restent anonymes, on remarquera le soin apporté aux designs des personnages. On pense évidemment aux camarades de classe mais cela va jusqu’aux passants que notre héros croise dans la rue. Haruhi préparant Noël
Mais il lui manque malheureusement quelque chose d’essentiel pour être classé au rang de chef d’œuvre : l’accessibilité. Un spectateur totalement étranger à la saga ne pourra en effet pas comprendre le quart de ce qu’il s’y passe. Il est d’ailleurs recommandé d’avoir au moins vu La Rhapsodie de la Feuille de Bambou, épisode de la saison 2, encore inédite chez nous, afin de saisir tous les éléments du film.
L’animation est d’une fluidité exemplaire.
Kyon dans le froid de l’hiver
ÇA RISQUE DE CONTINUER Le film a rencontré un franc succès au Japon, à la fois en salle, se plaçant dans le top 10 du box office lors de sa sortie, et en sortie vidéo, vendant plus de
Yuki ?
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© 2009 Nagaru Tanigawa l Noizi Ito/SOS Dan
L’animation est quant à elle d’une fluidité exemplaire, ajoutez à cela un jeu d’ombre de toute beauté et un vrai travail de placement des caméras et vous obtiendrez une véritable performance visuelle et ce, sans temps mort. Un exploit pour un film de plus de 160 minutes.
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Panty & Stocking with Garterbelt
Jamais sans mon slip Le studio Gainax a construit sa réputation sur deux choses : le « Gainax bounce » (mouvement de poitrine rebondissant de manière réaliste, que le monde a pu découvrir dans Gunbuster, et marque de fabrique du studio depuis) et l’expérimentation, qu’elle soit plus ou moins volontaire, mais souvent à des fins de provocation. Fidèle à sa réputation, il persévère dans ces voies avec Panty & Stocking with Garterbelt, série qui a rythmé la saison automne 2010 au Japon. BIENVENUE À DATEN CITY, VILLE DU VICE
des cieux, elles doivent éliminer un maximum de démons présents dans la ville, afin d’accumuler des Heavens, monnaie qui leur permettra d’atteindre leur but. Elles sont accompagnées d’un prêtre à la coupe afro et à la vie dissolue bien mystérieuse, Garterbelt, et d’un chien manifestement débile et immortel, Chuck.
Comme le titre de la série l’indique, les personnages principaux sont nommés Panty et Stocking. Panty est une blonde dévergondée et nymphomane, qui dort quand elle ne copule pas avec le laitier ; Stocking, sa sœur, est une Gothic Lolita à la dent très sucrée, qui aime les choses kawaï et morbides, mais pardessus tout, les gâteaux.
Ah, oui, et aussi, pour détruire lesdits démons, elles utilisent leurs sous-vêtements (sa culotte pour Panty, et ses collants pour Stocking). Vous avez dit absurde ?
Ces deux personnages ont la particularité d’être des anges déchus, envoyés sur un endroit situé entre Enfer et Paradis appelé Daten City (jeu de mot sur la prononciation japonaise de ce nom : [datenshiti], « datenshi » signifiant « ange déchu »). Pour regagner leur statut et pouvoir espérer retourner au royaume
UNE DREAM TEAM POUR UNE SÉRIE… PARTICULIÈRE Aux commandes de cette série aux allures de grand n’importe quoi, nous
avons Hiroyuki Imaishi, réalisateur ayant d’abord fait ses armes sur la saga Evangelion, en tant qu’animateur, et qui a gravi les échelons de Gainax en réalisant quelques épisodes sur des productions de la maison. On lui doit entre autres le fabuleux épisode 19 d’Entre Elle et Lui, à base de papier découpé, et l’épisode 3 d’Abenobashi, tellement geek et délirant, se déroulant dans l’espace.
Ça passe ou ça casse, mais quoi qu’il arrive, ça fait de l’effet. Après une courte infidélité au studio avec Production I.G. (chez qui il réalise le très avant-gardiste Dead Leaves, dystopie kafkaïenne hallucinée et hallucinante relevée au lait dopé d’Orange Mécanique),
TITRE : Panty & Stocking with Garterbelt FORMAT : Série TV (13 x 23 min) GENRE : Comédie, parodie ANNÉE : 2010 MUSIQUE : Taku Takahashi PRODUCTION : Gainax
© 2010 GAINAX / GEEKS
RÉALISATION : Hiroyuki Imaishi
Panty et le laitier
MANGA MAG 12 TOTAL FÉVRIER 2011
ANIME CRITIQUE ANIME ANIME
il débarque en grande pompe avec sa première « vraie » série, Tengen Toppa Gurren-Lagann. Le succès est énorme, et la critique unanime, au point que certains considèrent ce petit chef d’œuvre comme l’une des séries de japanimation les plus importantes de la décennie 2000. Et après un break de plus de trois ans, il revient en fanfare avec Panty & Stocking, animé par la même envie d’expérimentation et d’extravagance. Graphiquement, la série bouscule les codes manga établis, en osant le mélange des genres : le trait est gras, comme dans les dessins animés estampillés Cartoon Network ; le charadesign et les décors sont très marqués street art, avec graffitis et costumes double-XL ; les séquences de transformation rappellent les séries de magical girls type Sailor Moon, classiques et à l’ancienne ; et enfin, on a le droit à des prises de vues réelles, notamment lors des phases de destruction des démons. Ce melting-pot donne un résultat unique visuellement, qu’on pourrait rapprocher de certains actes de bravoure de Shaft dans des séries comme Zetsubô sensei ou Pani Poni Dash, sans toutefois ressembler à ces références. Pour conclure sur les considérations d’ordre technique, sachez que la composition de la musique de l’anime a été confiée à Taku Takahashi, une des moi-
tiés du célèbre duo m-flo. D’inspiration nettement urbaine, cette patte musicale pas spécialement liée au milieu de l’animation renforce cette idée de démarcation du reste de la production plus canonique, et la distingue encore plus du paysage animé japonais.
TOUT ÇA POUR QUOI ? S’il est indéniable que Panty & Stocking fait office d’ovni dans un milieu de la japanimation parfois trop formaté, on est en droit de se demander si ces efforts d’apparence servent un contenu tout aussi riche. La réponse est mitigée : s’il est vrai que chaque historiette (dont chaque titre rappelle un film bien connu, comme Fight Club ou Pulp Fiction) est un pas de plus dans une débilité tellement absurde et crétine que c’en est – forcément – jouissif, on ne trouve pas de vraie ligne narratrice directrice au long des treize épisodes qui composent la série (à l’exception, peut-être, des deux derniers). On est dans du gag manga pur et dur, visionnable et jetable à souhait. Cela peut être une force tout comme une faiblesse. Par ailleurs, cette lassitude se ressentira d’autant plus chez certains spectateurs à cause d’un contenu abusivement « pipi-caca » et/ou sous la ceinture, parfois
franchement limite (des rivières d’excréments ou des torrents de vomi, par exemple) et pas vraiment utiles. Cependant, qui fera abstraction de ces éléments pouvant rebuter, ne pourra nier le côté alternatif et détonnant de la série. Ce mélange absolu des genres, qu’ils soient graphiques ou musicaux, fait de Panty & Stocking une œuvre comme on en voit trop peu souvent. Notez que la provocation va jusqu’au bout, avec un plot-twist de conclusion tout à fait sidérant – sans pour autant atteindre le niveau de frustration provoqué par le dernier épisode de Neon Genesis Evangelion par exemple – laissant éventuellement présager une suite à la série dans un futur indéterminé. En définitive, Panty & Stocking with Garterbelt est une série que le connaisseur/ amateur de japanimation ne peut raisonnablement pas laisser de côté. Sans pour autant révolutionner dans son ensemble l’animation nippone, elle est une porte d’entrée à un genre oscillant entre expérimental et mainstream. En bref, ça passe ou ça casse, mais quoi qu’il arrive, ça fait de l’effet. Ce qui est loin d’être le cas de la majorité des séries animées. Thomas Hajdukowicz n
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Garterbelt, Panty et Stocking
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Crimson Prince Le Prince méchant Bien qu’elle soit prépubliée dans la revue shônen Monthly Shônen Gangan (Square Enix), Ki-oon a pris le parti de présenter sa nouvelle licence Crimson Prince comme un shôjo. On y suit pourtant les tribulations d’un héros masculin avec un incroyable pouvoir. Mais faisons comme l’éditeur français, découvrons ensemble cette série dont les deux premiers tomes sont disponibles depuis le 27 janvier, comme un shôjo. UN DÉMON AVEC OU SANS SES CORNES Jeune prince des démons, Kôjirô Sakura est envoyé sur Terre pour y effectuer sa première mission. Il doit s’emparer de l’âme d’un être humain avant que ce dernier ne rejoigne les anges, ennemis jurés des démons (logique). Mais attention, il ne s’agit pas de n’importe quel être humain. La cible, dont Kôjirô ignore tout jusqu’à son nom, menacerait en effet l’avenir du monde des Enfers. Le futur souverain, qui ne cache pas son mépris pour la race humaine, se met alors en quête de ce fameux être, aidé de l’Œil Pourpre, un pouvoir bien mystérieux.
À peine arrivé sur Terre, Kôjirô (qui a alors pris l’apparence d’un humain, autrement dit il s’est débarrassé de ses cornes et de sa chevelure pourpre pour devenir blond) se fait assommer par une balle de base-ball perdue. Il est conduit par la bande de gamins à l’origine de l’accident chez Hana pour lui prodiguer les premiers soins. La rencontre avec cette lycéenne douce, chaleureuse et généreuse qui vit avec sa grand-mère, s’avèrera être un choc pour notre démon tête à claques.
COMMENT CORROMPRE UN DÉMON ? Adulé par ses camarades de classe, en Enfer puis sur Terre, pour son excellence dans tous les domaines, Kôjirô est un gamin arrogant et contrariant (justement ce qu’il reproche aux humains) que seule Hana semble capable de déstabiliser. C’est sur cette relation que le manga de Sôta Kuwahara Crimson Prince (prince pourpre) repose. Alors qu’il est là pour voler les âmes humaines et combattre les anges, il se laisse sans s’en rendre compte séduire par la gentillesse de Hana à en devenir inoffensif.
UN PRINCE POUR VOUS SERVIR Inutile de voir en Crimson Prince le dernier shôjo qui va révolutionner le manga ou même le genre. Il est cela dit à mettre entre toutes les mains des demoiselles à l’âme romantique tant son histoire est touchante, son chara-design séduisant, et l’ensemble divertissant, rigolo (pas non plus drôle à se rouler par terre) et fluide. Enfin, c’est toujours amusant de lire un manga, qui plus est un shôjo, du point de vue d’un garçon/démon. (Rien à voir avec Angel Sanctuary !) À noter que l’on trouve avec plaisir dans le premier tome de l’édition française, l’histoire courte à l’origine de la série. Céline Maxant n
TITRE : Crimson Prince TITRE ORIGINAL : Kurenai Ôji MANGAKA : Sôta Kuwahara FORMAT : Série (8 tomes au Japon) GENRE : Fantastique, romance, comédie ANNÉE : 2007 (en cours) PRÉPUBLICATION : Monthly Shônen Gangan ÉDITEUR JP : Square Enix ÉDITEUR FR : Ki-oon
© Souta Kuwahara / SQUARE ENIX CO., LTD.
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Happy Marriage ?! Maki Enjôji reprend avec humour l’agréable histoire du mariage arrangé qui tourne bien, dans sa série Happy Marriage ?!. Ce josei en cours de parution au Japon dans la revue Petit Comic de Shôgakukan met en scène une romance improbable entre un homme séduisant mais retord et une jeune femme ordinaire et inexpérimentée en amour qui se retrouve prise de court par ses sentiments. ILS VÉCURENT HEUREUX Pour rembourser les dettes de son père, Chiwa Takanashi est obligée de cumuler un emploi d’office lady dans une grande entreprise le jour et d’hôtesse dans un club la nuit. De son côté, Hokuto Mamiya apprend que s’il veut reprendre la tête de l’entreprise familiale, il va devoir se marier. Il propose alors à Chiwa, qui n’est autre que l’une de ses employées, de se marier avec lui. En échange, Hokuto épongera les dettes du père de la jeune femme. Cette dernière accepte à contrecœur. En plus d’avoir épousé un homme qu’elle ne connaissait pas, Chiwa est contrainte d’emménager avec lui et surtout de garder leur mariage secret pour ne pas secouer le monde des affaires où Hokuto est une star. L’ensemble est d’autant plus difficile à vivre que le chef d’entreprise est particulièrement égocentrique, froid, brutal et légèrement manipulateur. Si bien que Chiwa, tout de même séduite par le charme dévastateur de son mari et par nature un peu jalouse, ne sait jamais sur quel pied danser et se pose beaucoup de questions sur ses intentions. Aucun des
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HAPIMARI ~ HAPPY MARRIAGE !? © 2009 Maki ENJOJI / Shogakukan Inc
La corde au cou
deux ne sait vraiment où tout ça va les mener, mais ils semblent s’attacher progressivement l’un à l’autre.
DU PIMENT DANS NOS LECTURES Voici un josei qui va très vite entrer dans notre catégorie « plaisir coupable » mesdemoiselles. On le cachera volontiers derrière nos tomes, qui font tout de suite plus intellectuels, de My Girl ou Le Sablier, mais on ne l’appréciera pas moins. L’histoire est simplement drôle (du fait de ses situations cocasses et de son héroïne un peu maladroite) et divertissante. On peut même dire que si elle se laisse aussi facilement lire c’est parce qu’elle touche à nos fantasmes en exploitant à fond la carte de la relation dominant / dominé. Il est par ailleurs plutôt difficile de se détacher de la personnalité séduisante de Hokuto, insensible et mystérieux, tout ce qu’on aime détester. Pour finir,
toute lectrice de shôjo, potentiellement frustrée par la non-existence de scènes chaudes dans les romances lycéennes, appréciera les moments d’intimité entre nos deux héros. On aurait tort de s’en priver. Céline Maxant n
TITRE : Happy Marriage ?! TITRE ORIGINAL : Hapi Mari - Happy Marriage!? MANGAKA : Maki Enjôji FORMAT : Série (5 tomes au Japon) GENRE : Josei ANNÉE : 2009 (en cours) PRÉPUBLICATION : Petit Comic ÉDITEUR JP : Shôgakukan ÉDITEUR FR : Kazé Manga
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Hero Tales
Héros du Milieu Des années que les fans l’attendaient. Quatre ans, exactement. Hero Tales vient d’arriver en France alors que la série, publiée à raison d’un tome par an au Japon, a connu son épilogue en août dernier et qu’un anime tiré du manga a déjà été réalisé. Pour son dernier projet, Hiromu Arakawa, bien connue chez nous pour la série Fullmetal Alchemist, shônen steampunk également achevé l’an dernier, est accompagnée de Ryô Yashiro au scénario pour une aventure qui nous plonge dans le folklore chinois. FABLE CHINOISE
TITRE : Hero Tales TITRE ORIGINAL : Jûshin Enbu SCÉNARIO : Ryô Yashiro DESSIN : Hiromu Arakawa AUTEUR : Huang Jin Zhou FORMAT : Série (5 tomes au Japon) GENRE : Aventure, fantasy ANNÉE : 2006-2010 PRÉPUBLICATIONS : Gangan Powered, Monthly Shônen Gangan ÉDITEUR JP : Square Enix ÉDITEUR FR : Kurokawa
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Hero Tales donc, est un shônen qui se déroule dans un univers similaire à la Chine, à l’époque du déclin des Ming. Dans une province qui tente tant bien que mal de repousser les assauts de l’empire, Taitô, jeune combattant et frère dévoué de Laila, s’avère être le porteur de Hagun, une des deux étoiles suprêmes sur les sept que compte la constellation des étoiles septentrionales. Ce qui signifie que selon la légende, il sera appelé à combattre le porteur de Tonrô, l’étoile opposée, avec ou sans l’appui des guerriers porteurs des cinq étoiles intermédiaires que le destin aura placé sur son chemin. Vous suivez ? Promis c’est la dernière fois qu’on vous embête avec des maths, en plus c’est vraiment plus simple que ça en a l’air.
RÉCIT EN TOUTE LÉGÈRETÉ Une fois l’introduction franchie, l’aventure se met en route et vu le contexte on commence à se dire « ça va être loooong... », sauf que pas du tout. L’action est réduite au strict nécessaire, ou presque : pas de succession de doubles pages à chaque combat histoire de rallonger la chose, la tension arrive à se maintenir toute seule pendant les scènes critiques et la narration générale ne souffre pas du tout de devoir raconter le minimum à
chaque séquence. Et curieusement, l’ensemble est très digeste là où on s’attendait à avaler des arcs secondaires en pagaille. Tout est lié et se lit sans trop de mal, malgré la relative densité des tomes (170 pages).
Un travail de fond bien géré permet de donner un décor crédible autant que discret à l’aventure qui se déroule sous nos yeux. On trouve même le temps d’observer les détails, résultats du travail méticuleux effectué par Arakawa et toute son équipe, dont les tribulations en Chine sont décrites à la fin de chaque volume. Là non plus pas de démonstration de force, mais un travail de fond bien géré qui permet de donner un décor crédible autant que discret à l’aventure qui se déroule sous nos yeux. Mais revenons-en à l’histoire. À côté de Fullmetal Alchemist, qui se posait comme une succession infinie de quêtes (un spin-off sur Alphonse Elric est d’ailleurs sur les rails), ce que l’on a entre les mains a l’air d’un conte simple, basé sur une wuxia1 écrite par Huang Jin Zhou – collectif composé de Hiromu Arakawa avec les studios Genco et Studio Flag – elle-même fortement inspirée du folklore chinois.
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DÉJÀ-VU Du folklore et aussi d’autres légendes piochées ici et là dans l’histoire du monde, à force on finit par se dire que ça va être dur d’innover. Ça ne loupe pas, on a parfois l’impression d’être déjà passé par là. Un guerrier fougueux qui doit apprendre à suivre sa destinée de héros, une famille aimante mais adoptive, des compagnons d’armes que tout oppose placés sur sa route, des méchants guerriers quasiment invincibles issus de la même caste... Le tout sur fond de chiffre 7 et de voute stellaire. Eh mais on a déjà tout lu en fait ! Arrêtez tout ! C’est ça le problème : à force de vouloir séduire le lecteur, Hero Tales oublie de le surprendre et du coup, le manque d’originalité finit par se voir. Alors oui, on a été emballé par ce sens du détail, cette narration qui en met parfois plein la vue avec quelques scènes d’action bien senties, mais de ce qu’on en a lu (les deux premiers tomes) on commence à sentir l’ennui pointer le bout de son flux d’énergie. At-
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tention, fans, ne vous fâchez pas : on a aimé, mais on en attend beaucoup plus, surtout de la part de la créatrice de FMA. Heureusement, il reste trois tomes à paraitre (le tome 2 est sorti le 10 février et le 3 est annoncé pour juin) et on espère que tout ça va s’emballer un petit peu car il serait vraiment dommage qu’un potentiel pareil se casse la figure à force de zigzaguer entre les lieux communs. Sinon quitte à continuer comme ça, cinq tomes feront largement l’affaire... Barthélémy Lecocq n 1. Histoire autour des arts martiaux et de la Chine ancienne.
© HUANG JIN-ZHOU•GENCO•FLAG © 2007 HERO TALES PRODUCTION PARTNERS © Hiromu Arakawa / SQUARE ENIX Co. Ltd.
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Moonlight Act Des contes à régler
Plus de dix ans après Ushio et Tora, shônen manga culte des années 90 dont la version animée est parue chez Tonkam à l’époque des VHS, Kazuhirô Fujita renoue avec le succès grâce à Moonlight Act. Une série détonante et rafraichissante, qui devrait enfin lui permettre de séduire le public francophone. L’HEURE DES CONTES A SONNÉ Une fois tous les dix ans et quelques, un étrange clair de lune bleu pâle vient éclairer la surface de la terre et bouleverser le monde imaginaire des contes, celui qui se trouve dans nos livres. Les histoires lues et racontées mille et une fois se retrouvent alors sens dessus dessous et se transforment en véritables cauchemars sans fin. Les personnages sont pris de brusques accès de folie, les gros méchants sont incontrôlables et les gentils deviennent des monstres, résultat : les héros sont perdus... Exit le happy ending. Mais non content de mettre l’univers des contes à sac, ces personnages devenus fous décident de sortir des livres et d’envahir le monde des lecteurs. Les anciens des contes se sont donc réunis et ont décidé d’adopter une loi pour rétablir l’ordre des choses, le Moonlight Act : « Ceux que la pâleur de la lune a dérangé, la force du clair de lune doit le rétablir. »
IL FAUT SAUVER LA PRINCESSE AU BOL ! Hachi-Kazuke Hime, la Princesse au Bol, fait parti de ces personnages principaux qui tentent de lutter à chaque fois que la lune dérègle leur petit monde imaginaire. Car si le héros d’une histoire meurt, c’est son conte tout entier qui disparait à jamais avec lui. Alors quand une fois de plus son histoire vire au cauchemar, la princesse Hachi-Kazuke s’échappe du monde des GEKKO JYOUREI © 2008 Kazuhiro FUJITA / Shogakukan Inc.
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livres pour remettre le Moonlight Act à un humain, capable d’utiliser la puissance de la lune pour remettre de l’ordre dans les contes. Arrivée dans le monde des lecteurs, la Princesse au Bol est sauvée des griffes de son assaillant par Iwasaki, un lycéen retort à qui elle remet le Moonlight Act par erreur, et son amie d’enfance Engekibu, qui était en train de lire le conte en question. Ces deux lycéens se retrouvent alors mêlés à cette drôle d’histoire qui leur réserve encore bien des surprises. Iwasaki porte désormais sur les épaules la lourde tâche de combattre les personnages pris de folie des contes du monde entier.
ON PEUT COMPTER SUR LES LECTEURS Dès les premières pages, Moonlight Act captive par son dynamisme et son style déjanté. Kazuhirô Fujita ne perd pas de temps pour nous mettre dans le bain. Après une rapide introduction de cette curieuse légende du monde des contes, il nous présente le duo de choc que forment Iwasaki et Engekibu. Ces deux lycéens sont comme le jour et la nuit. Iwasaki, archétype de l’antihéros, est un éternel rebelle au bon cœur bourré de contradictions, incapable de se faire des amis et de dire sincèrement ce qu’il pense et qui passe son temps à chercher la bagarre. Engekibu, son amie d’enfance, est la fille la plus populaire du lycée, belle et talentueuse. Dotée d’un caractère bien trempé, elle est aussi la seule personne capable de tenir tête à cet idiot d’Iwasaki.
lore japonais, avec La Princesse au Bol ou L’Enfant Pouce, mais aussi dans celui des contes occidentaux, avec Le Roi Nu ou encore Les Trois Petits Cochons, Moonlight Act impose d’entrée de jeu un univers délirant qui dynamite les fables de notre enfance à la sauce shônen manga. Étant donné la diversité et la source quasi-illimitée de contes et légendes, cette recette aussi survitaminée que pétillante s’annonce pleine de promesses pour la suite de l’aventure. On imagine sans peine, les plus célèbres personnages de contes se mêler à l’histoire, pour un résultat des plus loufoques et des affrontements épiques.
IL ÉTAIT UNE FOIS... UN MANGAKA Kazuhirô Fujita n’en est pas à son premier coup de crayon. Le dessin est maitrisé et s’offre des variations de style en fonction des situations. Tantôt simpliste et caricatural, tantôt sombre et détaillé. On passe d’un trait plus recherché et travaillé à un style manga plus classique, sans perdre en cohérence. Que l’on accroche
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ou pas au trait de Kazuhirô Fujita, il donne à cette œuvre un côté unique et renforce l’aspect détonnant de l’intrigue, tout en lui insufflant un rythme endiablé. Seul regret, ce shônen manga conserve la naïveté propre au genre et reste un peu trop gentil pour être vraiment rock’n’roll.
Moonlight Act impose d’entrée de jeu un univers délirant qui dynamite les fables de notre enfance à la sauce shônen manga. Mangaka reconnu et acclamé au Japon, avec plus de trente ans de carrière et sept séries à son actif, Kazuhirô Fujita est passé à côté du public francophone avec l’échec commercial de Karakuri Circus, série fleuve de 43 volumes publiés aux éditions Delcourt mais stoppée au bout de 21 volumes. Moonlight Act pourrait bien réparer cette injustice. Publiée dans le magazine Shônen Sunday, la série connait le succès au Japon et totalise déjà onze volumes. On peut compter sur Kazé Manga et ce premier tome très prometteur pour sortir Kazuhirô Fujita de l’anonymat. Chapitre 2, le 17 février 2011... Jérôme Salomon n
TITRE : Moonlight Act TITRE ORIGINAL : Gekkô Jôrei MANGAKA : Kazuhirô Fujita FORMAT : Série (11 tomes au Japon) GENRE : Shônen ANNÉE : 2008 (en cours)
Bien qu’assez classique, ce duo comique porte à merveille une intrigue décalée, remplie d’action et d’humour. En puisant de manière originale dans les histoires du folk-
PRÉPUBLICATION : Weekly Shônen Sunday ÉDITEUR JP : Shôgakukan ÉDITEUR FR : Kazé Manga
GEKKO JYOUREI © 2008 Kazuhiro FUJITA / Shogakukan Inc.
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Ôkami Den Il est de ces jeux ovnis qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo. De ces jeux atypiques, qui ont peu fait parler d’eux à leur sortie, qui n’ont pas réinventé le genre, mais qui sont une poésie à eux seuls. Ôkami, premier du nom, fait partie de ces jeux, ayant envouté des milliers de joueurs à travers le monde. Avec un avenir incertain, la relève est pourtant assurée grâce à Ôkami Den... Ôkami Den aurait pu en effet ne jamais voir le jour, suite à la faillite du studio Clover, créateur de la licence. Heureusement, les quelques rescapés ayant participé au portage sur Wii ont pu donner une suite à l’un des jeux d’aventure les plus marquants de l’ère PS2. On devra désormais compter sur la petite portable de Nintendo, rivalisant ainsi directement avec Zelda (pour ne citer que lui) dans la catégorie « jeux d’aventure ».
TU SERAS UN HÉROS, MON FILS ! Quelques mois après les évènements du premier épisode, le mal éradiqué par la déesse Amaterasu est pourtant de retour sur le Japon. Et c’est son fils, le petit Chibiterasu, qu’on envoie cette fois-ci au combat. Le fidèle guide de sa mère, l’artiste errant Issun, est chargé de l’accompagner, le temps de lui trouver un partenaire de voyage. Pas étonnant donc, qu’après avoir croisé les protagonistes du premier opus, notre
louveteau serve de monture à Kuni... le fils de Susano et de Kushinada ! Une paire qui n’est pas sans rappeler celle formée à l’époque par Amaterasu et Susano... Là encore, le duo décalé ne manque pas de charme. Aidés de différents alliés pendant leur quête, nos deux mini-héros vont donc devoir à nouveau sauver le monde du mal qui le ronge.
TOUT POUR LA DS Pour une suite, le changement de support est toujours à double tranchant : ça passe ou ça casse. La meilleure recette, ici adoptée par Ôkami Den, est de reprendre les éléments qui ont fait le succès de la série tout en y ajoutant quelques nouveautés. On notera ainsi une ambiance un peu plus naïve, renforcée par les interactions disponibles avec le petit Kuni. On pourra en effet le faire descendre du dos du louveteau et le guider pour aller enclencher des mécanismes ou ouvrir des coffres inaccessibles. Les fans ne seront pas en reste, puisqu’on retrouve la patte graphique version estampes nippones si caractéristique du premier opus, le pinceau céleste, dont l’utilisation est grandement améliorée grâce au stylet de la console, et surtout, l’humour décalé de la série. Même si Chibiterasu ne parle pas (comme son ainée), la boule de poils ne manque pas de mimiques et d’attitudes qui prêtent à sourire. Et qui plus est, les dialogues sont toujours truffés de blagues, de références au premier épisode ou même à d’autres jeux vidéo.
OKAMIDEN™ ©CAPCOM CO., LTD. 2010 TOUS DROITS RÉSERVÉS./ Sony
Déesse d’hier, DS d’aujourd’hui
DO YOU SPEAK ENGLISH? Au final, si cette suite s’annonce des plus convaincantes, malgré une certaine réserve de la part des joueurs, on regrettera de ne pas pouvoir profiter pleinement des textes, ceux-ci n’étant en effet prévus que dans la langue de Shakespeare... Maroussia Pagano n
TITRE : Ôkami Den ÉDITEUR ET DÉVELOPPEUR : Capcom GENRE : Aventure SORTIE FR : 18 mars 2011 LANGUE : Anglais intégral NOMBRE DE JOUEURS : 1 PEGI : 12+
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Nintendo 3DS
Révolution technologique ? Nintendo nous a présenté la 3DS le 19 janvier dans la belle ville d’Amsterdam. Conviés à l’évènement, nous avons pu tester la future console portable de la marque japonaise et une bonne partie du line up annoncé. Vous n’avez probablement pas été épargné par l’information en continu sur son arrivée et nous n’allons pas nous aventurer sur des prévisions hasardeuses concernant son succès ou non. Néanmoins, deux interrogations subsistaient jusquelà : l’effet 3D est-il convaincant, et surtout, les jeux en tirent-ils réellement profit ? LA 3D AU CŒUR DU DÉBAT Après une conférence relativement classique, il était possible de mettre la main sur bon nombre de 3DS. Parmi les jeux en démonstration, on retiendra Kid Icarus, dont le gameplay nous a tout de suite rassuré sur l’ergonomie du stick analogique. Superbe graphiquement, ce titre est aussi la meilleure vitrine aux ajouts ludiques qu’apporte la 3D sans lunettes. Les paysages, ou encore l’effet de profondeur sont par ailleurs deux critères de qualité que Kid Icarus partage avec Zelda Ocarina of Time, également jouable pour l’occasion. Si on a pu noter quelques absents comme Metal Gear Solid (un trailer était visionnable en 3D), les premières impressions vis-à-vis des autres titres en présence étaient donc particulièrement bonnes. On posera tout de même une réserve sur le cas Dead or Alive: Dimensions, qui, dans la version présentée, perdait énormément de fluidité une fois l’effet 3D activé.
DS + ? Certains disaient que la 3DS ne serait finalement qu’une DS avec l’option 3D. Faux. Si la console reprend les lignes de son ainée à bien des égards, les
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capacités techniques qu’elle possède sont supérieures. Il suffit de voir s’animer Super Street Fighter 4 3D Edition ou même Resident Evil: The Mercenaries 3D pour juger sur pièce. Pour faire simple, la 3DS affiche un rendu proche de la Wii : l’écran de la portable aidant, les jeux paraissent d’ailleurs bien plus fins. Dans les bonus, on notera la qualité de l’application photos, qui permet de prendre des clichés en 3D grâce aux deux caméras présentes sur la façade de l’appareil.
Ce que nous avons pu voir promet de belles évolutions dans les années qui viennent. 3D SUR PLACE, OU À EMPORTER Globalement, l’effet 3D implanté à la machine offre une meilleure évaluation des distances. Cependant, il est vrai qu’au fil des parties, on constate une légère fatigue. Il est donc fort probable qu’à terme, on utilise l’effet 3D de manière ponctuelle, et qu’on joue le reste du temps en 2D. Il serait facile de s’arrêter sur la contradiction, mais l’ajout du stick analogique, idéalement placé, change complètement la donne. Jadis source de nombreuses craintes, le stick
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donne souvent l’impression de jouer avec une véritable manette. Un excellent point comparé à la PSP de Sony, et un écart de plus creusé entre DS et 3DS.
BOULE DE CRISTAL Difficile de restituer précisément un effet que l’on ne peut voir que par soi-même. Dans l’absolu, sachez que Mathieu Minel (directeur marketing de Nintendo France) désire reproduire le modèle japonais. L’idée serait de présenter la machine au public dans de grands halls d’expositions, même si rien n’a cependant encore été décidé. Quoi qu’il en soit, cette démonstration à la presse européenne nous a redonné confiance dans les caractéristiques techniques de la console et sa capacité à gérer la 3D. Ce que nous avons pu voir promet de belles évolutions dans les années qui viennent et c’est tant mieux ! Si ce n’est pas vraiment une révolution, la différence qualitative entre la DS et la 3DS se ressent et devrait assurer une transition naturelle. Une logique qui ne brisera certainement pas les bases instaurées par le concept précédent.
POUR BIENTÔT La Nintendo 3DS sortira le 25 mars 2011 dans toute l’Europe, et sera proposée dans deux coloris : Aqua Blue et Cosmos Black. Reste un inconnu : le prix de vente officiel, qui n’a pas été dévoilé. La nouvelle bataille pour la domination du marché portable sera donc entamée par Nintendo, et la concurrence devra proposer un produit de choix pour rivaliser avec la technologie 3D sans lunettes. Autrement, Big N risque bien de réussir le hold-up, une fois de plus.
Nous avons rencontré Mathieu Minel, directeur marketing de Nintendo France, à l’occasion de la présentation de la Nintento 3DS à Amsterdam, afin d’en savoir plus sur les ambitions affichées par la portable. Sur Wii, beaucoup de joueurs ont dit regretter qu’il n’y ait pas assez de jeux gamers, ce qui n’est pas le cas sur DS. On a l’impression que la 3DS est une console davantage destinée aux joueurs, notamment par rapport à la communication faite à l’E3 de Los Angeles. Impression ou réalité ? Je pense effectivement que les éditeurs tiers, dans leurs plans, ont très clairement positionné la 3DS comme une console qui s’adresse en particulier à un public de joueurs habitués aux jeux vidéo. Chez Nintendo, avec notre line up de lancement, nous avons choisi de diversifier l’offre de jeux. Il y a évidemment Nintendogs + cats, mais aussi du planage totalement relaxant avec Pilotwings resort, et même une nouvelle licence avec Steel Diver et ses combats sous-marins. Nous explorons donc un vaste champ de possibilités pour proposer le plus large choix aux joueurs intéressés par la 3D. En résumé, les stra-
tégies de Nintendo et des éditeurs tiers sont différentes, mais complémentaires. Des analyses avancent que l’utilisation de la 3D chez les jeunes enfants pourrait éventuellement causer des problèmes en usage trop intense. Tout à fait. L’utilisation de la 3D stéréoscopique chez les enfants de moins de six ans est sujette à controverse auprès des spécialistes. Certains disent qu’il n’y a aucun danger, d’autres disent que cela peut nuire au développement de la vision chez les plus jeunes. Nous faisons confiance aux parents, c’est aussi pour cela que la console dispose d’un curseur qui permet de régler analogiquement l’intensité de l’effet 3D, ou simplement de le couper. Il est évident que des jeunes enfants vont jouer à la 3DS, il tient aux parents d’être suffisamment informés et responsables pour bloquer l’accès à la 3D stéréoscopique. Propos recueillis par Kévin Rodet n
BONUS Suite Interview tm-mag.fr/minel
Kévin Rodet n
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Marvel vs. Capcom 3
TM & © 2011 Marvel. ©CAPCOM
Troisième prise
Au cours de l’été 2009, Capcom surprenait les fans de jeux de baston old school en proposant de télécharger le mythique Marvel vs. Capcom 2 – sorti initialement sur Dreamcast en 2000 – sur le PSN et le Xbox Live. L’éditeur japonais avait alors révélé que ceci n’était pas sans arrière-pensée : il préparait en effet la suite du jeu, Marvel vs. Capcom 3: Fate of Two Worlds.
TITRE : Marvel vs. Capcom 3: Fate of Two Worlds ÉDITEUR ET DÉVELOPPEUR : Capcom GENRE : Combat SORTIE FR : 18 février 2011 LANGUE : Français intégral NOMBRE DE JOUEURS : 1 – 2 + mode Online PEGI : 12+ (violence)
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ÇA CARTONNE Pour commencer, il peut être bon de rappeler ce qui a fait le succès de cette série au milieu de licences telles que Tekken ou Street Fighter. Retrouver un Spiderman face à un Dante de Devil May Cry, ou un Hulk face à Ryû de Street Fighter ; l’association des héros des jeux vidéo Capcom avec les héros des comics Marvel pouvait paraitre improbable mais a finalement séduit des millions de joueurs. Tout d’abord, dans les jeux Marvel vs. Capcom, les héros ne font pas que s’affronter, ils peuvent également coopérer. Ensuite, le système de jeu fonctionne sur une équipe de trois personnages de votre choix. Évidemment, le second prend le relais lorsque le premier est mis K.O et ainsi de suite. Mais vous pouvez également permuter vos combattants à n’importe quel moment, permettant ainsi de leur faire récupérer un peu de vie. Et ce qui fait le petit plus de cette série, c’est qu’elle se veut accessible à tous, aux novices comme aux fondus du genre. Ainsi, deux modes de jeu sont au programme. Le mode « simple » pour les joueurs qui aiment déclencher un super combo sans avoir à faire une combinai-
son de touches impossible, et le mode « normal », où les adeptes découvriront toutes les subtilités du gameplay. Enfin, les amateurs de challenge peuvent se frotter à une vingtaine de mini-défis pour chaque personnage.
HÉROS EN FURIES Côté nouveautés, Marvel vs. Capcom 3 a été bichonné. La principale concerne l’apparition de combos aériens. Pour peu que votre adversaire ne réagisse pas assez rapidement, vous pourrez le lancer en l’air et le frapper à tour de rôle avec vos trois personnages pour effectuer une attaque dévastatrice pouvant même être plus puissante que la furie ! Cette dernière est toujours présente et de puissance différente suivant le nombre de vos personnages encore debouts. Chacun bénéficie de trois furies qui lui sont propres en clin d’œil à leur univers respectif. Amaterasu, déesse d’Ôkami, fait par exemple apparaitre les estampes du jeu d’origine.
COMICS ET COSTUMES EN SÉRIE Reprenant l’univers de Marvel, chaque combat se termine avec une illustration
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TM & © 2011 Marvel. ©CAPCOM
sous forme de page de comic fidèle au style visuel qu’adopte ce nouvel opus. Le cell-shading à l’aspect crayonné ne dénature pas les héros de Marvel mais donne un tout autre look aux personnages de Capcom. S’il surprend de prime abord, c’est au final un régal pour les yeux. La même attention a été apportée aux décors qui restent discrets et n’entravent jamais la lisibilité du soft. Côté bonus, les amateurs du genre le savent, les personnages sont souvent disponibles dans plusieurs coloris lors des joutes où deux protagonistes identiques s’affrontent. Mais là, plutôt que de simplement changer de couleur, chaque personnage dispose de plusieurs costumes différents.
PLUS ON EST DE FOUS, PLUS ON RIXE ! Le jeu n’aurait pas gagné ses lettres de noblesse si facilement sans un mode online digne de ce nom. Et c’est enfin chose faite. Un système de carte montrant vos préférences en combat permettra de sélectionner des adversaires à votre hauteur. Une manière d’encourager les joueurs, débutants ou non, à se lancer dans l’aventure tout en préservant le challenge. On notera malheureusement l’absence de coffret collector sur le vieux continent, alors qu’un coffret spécial contenant le jeu et plusieurs contenus téléchargeables est d’ores et déjà prévu aux États-Unis. Contenus qui, par ailleurs, ne sont pour le moment pas confirmés chez nous non plus. Qu’à cela ne tienne, Capcom prévoit tout de même quelques évènements autour de la sortie de son bébé. Après plus de dix ans de patience, les fans peuvent enfin être rassurés. Non seulement, Marvel vs. Capcom 3 comble les attentes des joueurs, mais il pourrait même les surpasser. Maroussia Pagano n
Nous avons rencontré Ryota Niitsuma, le producteur de Marvel vs. Capcom 3 venu présenter le jeu à Paris, afin qu’il nous en apprenne plus sur ce troisième volet de la saga. Voilà maintenant plus de dix ans que la dernière version de Marvel vs. Capcom est sortie en arcade. Que s’est-il passé durant tout ce temps ? Le mot d’ordre était de développer des jeux d’action pour console de salon comme les séries Devil May Cry et Resident Evil. Puis il a été décidé de remettre au gout du jour les jeux de combat, qui sont une des grandes fiertés de la société. C’est comme ça que sont nés les trois projets : Marvel vs. Capcom, Tatsunoko vs. Capcom et Street Fighter IV. Ce troisième opus sort directement sur console de salon, et non pas en portant l’arcade, pour quelle raison ? Contrairement à il y a dix ans, aujourd’hui, le public arcade est beaucoup moins présent. C’était donc un choix de notre part d’aller vers le public console. Mais notez que cela ne signifie en rien que Marvel vs. Capcom 3 s’interdit une sortie en arcade.
Comme sur Street Fighter IV, Capcom a choisi d’utiliser son moteur graphique maison, le MT Framework, pour ce Marvel vs. Capcom 3. Est-ce plus facile de travailler sur la 3D que sur de l’animation de sprites 2D ? La 2D et la 3D ont chacune leurs qualités et leurs défauts. On ne s’est pas dit qu’il fallait absolument utiliser l’une au détriment de l’autre et vice versa. On s’est demandé quelle serait la manière de rendre les personnages de Marvel les plus classes possibles. On s’est rendu compte que la 3D était une meilleure méthode pour les mettre en avant, accroitre le nombre de leurs mouvements et leur donner des attaques toujours plus impressionnantes. Propos recueillis par Thomas Martin n
BONUS Suite Interview tm-mag.fr/niitsuma
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JEUX VIDEO
CRITIQUE
Ghost Trick : Détective Fantôme Esprit déménageur
SI, C’EST LUI SISSEL OUI ! Le jeu démarre par la mort du héros, Sissel. Celui-ci se réveille sous forme d’âme, amnésique mais doté de nouveaux pouvoirs. Il peut désormais entrer en mode « fantôme » pour prendre possession des objets qui l’entourent et changer le destin des autres personnages. Dans cette dimension, le temps est suspendu et la prise en main immédiate, entièrement au stylet. Vous apprendrez, au fil des dix-huit chapitres qui composent le jeu, que Ghost Trick nécessite parfois d’avoir un timing très (trop ?) précis. On le remarque notamment lorsqu’on doit activer trois ou quatre objets quasi-simultanément. Sissel ne peut en effet pas tout
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REPOSE EN PAIX Pour découvrir comment et pourquoi vous êtes mort, vous devrez aider bon nombre d’intervenants secondaires. Lynne par exemple, qui deviendra par la suite votre partenaire d’enquête à demi-avouée. Malheureusement, on remarque très vite qu’une routine s’installe, et l’étonnement finit par davantage provenir de l’histoire que du gameplay. Chaque chapitre, dans le fond, s’appréhende globalement de la même façon. Pire encore, les quelques questionnaires à choix multiples n’influent même pas sur la suite de l’aventure. Malgré cela, sachez que le scénario, les dialogues et les diverses surprises qui vous attendent dans cette histoire sont absolument incontournables. Mention spéciale pour le chara-design, une véritable recherche esthétique dont l’originalité en surprendra plus d’un. Pari réussi pour Ghost Trick, un des rares bons titres à acheter de ce début d’année. Kévin Rodet
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s’autoriser, tout fantôme qu’il soit. S’il peut se déplacer géographiquement grâce aux lignes téléphoniques, son pouvoir ne lui permet de revenir que quatre minutes avant la mort du personnage dont il doit changer l’avenir. Plus on avance dans le scénario, plus les énigmes deviennent difficiles, sans jamais être impossibles.
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Plus encore que le scénario, véritable centre névralgique de ce Ghost Trick, c’est d’abord l’animation qui retient toute l’attention. Les décors et les personnages sont évidemment formidablement modélisés, mais en plus, le tout se meut avec une fluidité impressionnante pour le support. Les fans de Phoenix Wright ne seront pas dépaysés : Ghost Trick est bourré de personnages travaillés, dont les mimiques assurent bon nombre de sourires. Le chef de la section d’enquête Spéciale par exemple, sérieux de prime abord, est en fait nu pied derrière son bureau et ne cesse de se gratter les jambes. Ce sont autant de petits détails qui donnent de la consistance à l’univers de cette nouvelle franchise.
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UNE LEÇON D’ANIMATION
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Depuis sa sortie, la Nintendo DS est devenue le refuge d’histoires interactives d’excellente facture. En tête Phoenix Wright et Hotel Dusk, un club qui accueille aujourd’hui le récent Ghost Trick. Mature, inventif et surtout très stylisé, le dernier produit de Capcom se démarque de la concurrence et démontre avec brio qu’il reste à faire dans le jeu vidéo.
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Ghost Trick est bourré de personnages travaillés, dont les mimiques assurent bon nombre de sourires.
TITRE : Ghost Trick : Détective Fantôme ÉDITEUR ET DÉVELOPPEUR : Capcom GENRE : Aventure / énigmes SORTIE FR : 14 janvier 2011 LANGUE : Français intégral NOMBRE DE JOUEURS : 1 PEGI : 12+
JEUX VIDEO
J-MUSIC
ENQUÊTE
Concert sur toile Animes, mangas, dramas, on peut désormais retrouver, avec des systèmes plus ou moins développés selon les œuvres, toute une partie des loisirs japonais sur le web, et ce, légalement et en quasi-simultané avec le Japon. Mais saviezvous que c’était également le cas pour la J-Music ? Outre les sorties d’albums dématérialisés sur les plateformes légales de téléchargement (iTunes), les concerts retransmis en live ont également fait leur apparition dans nos appareils connectés à Internet, et ce quelque soit la taille de leur écran. ISTREAM, USTREAM, THEYSTREAM Bien que ce ne soit pas le cas pour tous, certains utilisant la plateforme japonaise Nico Nico Live, ces concerts sont diffusés par le biais du site Ustream.tv qui permet à n’importe quel utilisateur de diffuser ses propres images en temps réel avec sa webcam (ou tout équipement de prise vidéo de meilleure qualité, heureusement pour nos yeux). On peut donc trouver de tout sur Ustream, de mignons animaux filmés toute la journée, des DJs amateurs, l’enregistrement de podcasts, des évènements sportifs ou même musicaux ! Et ce qui nous intéresse, c’est que la communauté de Japonais diffusant leurs vidéos, plus ou moins intéressantes certes, est relativement importante par rapport aux autres plateformes du même genre. Mais comment ce site, américain à la base, a pu conquérir
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les utilisateurs japonais ? Remontons d’abord à sa création, en mars 2007 par deux amis, John Ham et Brad Hunstable, qui se sont rencontrés durant leurs études à l’académie militaire. Ceux-ci voulaient permettre à leurs camarades de l’armée déployés en Irak de communiquer avec leur famille restée au pays. Le site gagne ensuite rapidement en popularité, il sera notamment utilisé par les candidats à l’élection présidentielle américaine de 2008 qui ont compris que c’est un bon moyen de toucher énormément de monde.
À LA CONQUÊTE DU JAPON En janvier 2010, Ustream reçoit un investissement de 1,8 milliard de yens (environ 13,5 millions d’euros) de la part de SoftBank, opérateur de télécommunication japonais, qui souhaite encourager l’implantation des smartphones nouvelle génération sur l’archipel. En effet, SoftBank est, aujourd’hui encore, le seul opérateur japonais à proposer l’iPhone. On comprend alors l’investissement, Ustream proposant des applications Android et iPhone non seulement pour regarder les flux vidéo mais aussi pour les diffuser.
Ils ont pour but de répandre la musique japonaise à travers le monde. On se souvient de Yasuyuki Ueda (producteur sur Serial Experiments Lain) qui avait utilisé son iPhone lors de sa conférence avec Yoshitoshi ABe (character designer original sur Serial Experiments Lain) à la convention parisienne Lovin’Japan en avril 2010, afin de la retransmettre sur Ustream.
C’est d’ailleurs en avril 2010 que Ustream.jp est lancé. Le site est totalement traduit en japonais et les recommandations vidéos se focalisent sur les utilisateurs japonais, ce qui permet de leur fournir une expérience personnalisée. Un autre facteur ayant permis à Ustream de se démarquer au pays du soleil levant est probablement son interconnexion avec un autre site faisant fureur là-bas : Twitter. En effet, afin de participer à la discussion sur la vidéo, il suffit d’utiliser son compte de la plateforme de microblogging. Le message est dans le même temps envoyé sur Twitter, attirant ses propres followers (abonnés) sur le live Ustream.
COURANT PORTEUR D’ARTISTES C’est donc sans grande surprise que l’on voit apparaitre des grands noms de la J-Music sur Ustream. Et c’est grâce au projet Sync Music Japan – initiative du Council of Music Associations Japan qui a pour but de répandre la musique japonaise à travers le monde – qu’une série de concerts, nommée NEXUS, a eu lieu au Studio Coast de Shin-Kiba à Tôkyô du 4 au 6 juin 2010. Seuls les deux derniers jours ont été retransmis sur Ustream, le premier, Battle 80’s Live Show: Band Boom Returns, proposait une bataille musicale entre groupes des années 80 avec notamment Takashi Hamazaki de Flying Kids ou Issay de Der Zibet, le second, J-Rock Goes to the World, se focalisait sur le Visual Kei avec des groupes qui ont déjà fait leurs preuves dans le monde entier : Aoi, Girugämesh, LC5, Mucc et Plastic Tree. Mais cette ouverture vers les fans occidentaux ne sera pas un cas isolé
J-MUSIC J-MUSIC ENQUÊTE
puisqu’après celle-ci, on va retrouver un joli nombre d’artistes directement chez nous. Mention spéciale à l’extravagant Miyavi qui a offert la diffusion simultanée des douze concerts de sa tournée tokyoïte Screaming Out from TOKYO, au mois d’août 2010. Un peu plus de deux mois après leur messe à Japan Expo 2010, les adeptes français ont pu retrouver Seikima II en direct du Kawaguchi Lilia pour le premier concert japonais de leur ICBM (Inter Continental Black Mass). Hikaru Utada a quant à elle rempli, le 8 décembre 2010, les 17 000 places du Yokohama Arena. Et surement aussi les serveurs de Ustream en attirant plus de 345 000 fans, ou curieux, lors du premier des deux concerts WILD LIFE, le dernier évènement de la chanteuse avant sa pause du monde musical, d’une durée indéterminée.
MOGRA retransmettant la majorité de ses soirées. Pour finir, même si l’on perd en chaleur humaine, des concerts où l’on peut converser tranquillement avec les autres spectateurs, des sorties en boites où
l’on a pas à attendre le premier train pour partir et tout ça depuis l’autre bout du monde mais à deux clics de souris, c’est quand même beau la technologie. Alexis Martin n
ENTREZ DANS LA DANSE Mais bon, peut-être que ce genre de concert c’est pas trop votre truc, que vous continuez à lire cet article seulement parce que vous avez vu un petit “DJs” au début. Et bien que penseriezvous si on vous disait qu’on allait en boite de nuit là, tout de suite ? Enfin ça va dépendre du moment où vous lisez ceci mais s’il est entre 16 et 22 heures (heure française), lancez votre navigateur web et essayez du côté de ustre.am/buwj (surtout les samedis). Ouvert en août 2009 dans le quartier d’Akihabara, MOGRA est un club rassemblant des otakus japonais, il n’est d’ailleurs pas rare d’y voir des gens cosplayés dansant devant des DJs tout autant fans de la culture manga. Akihabara oblige, une grande partie des mix sont des génériques d’anime. On le remarque d’ailleurs en observant les clips passant sur les murs du club. Alors si kz, Gyaran ou yako sont des noms qui ne vous disent rien et que vous vous intéressez un tant soit peu au DJing, venez les découvrir, sur Ustream,
MOGRA © rhythmshift
Hikaru Utada pendant son concert WILD LIFE © EMI Music Japan Inc.
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J-MUSIC
CRITIQUE
COSMONAUT
Un grand pas pour BUMP OF CHICKEN Fantasme farfelu que celui d’avoir vu en l’absence de BUMP OF CHICKEN, le déclin d’inspiration d’une formation qui laisserait place sur l’archipel nippon à RADWIMPS et consorts, pour le plus grand bonheur des maisons de disque concurrentes. Que nenni, avec ses 200 000 copies écoulées dès sa première semaine de sortie, COSMONAUT, le nouvel album de Motoo Fujiwara et ses musiciens est arrivé à point nommé le 15 décembre 2010 – après deux ans de vide sidéral – pour exploser le top Oricon. UN DÉCOLLAGE DIFFICILE On comprend le choix du titre de l’album dès le premier coup d’oreille. Comme son nom l’indique donc, la nouvelle galette de BUMP OF CHICKEN raconte le voyage d’un cosmonaute à travers quatorze airs (auxquels s’ajoute une piste bonus). D’une inspiration occidentale, parfois celtique, ce fil rouge mélodique apporte les bases d’un son frais et nouveau au répertoire du groupe.
© 2005 LONGFELLOW, All rights Reserved.
COSMONAUT s’ouvre sur ce mariage dansant avec Mitsuboshi Quartet, ode folklorique au rythme syncopé, sur laquelle certaines pistes viendront ensuite caler leurs sonorités comme l’entrainante Bunbetsu Funtôki ou la sympa-
COSMONAUT se cultive, se travaille, et se vit autant qu’il se joue.
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thique 66 gô sen. Néanmoins, si cette invitation au voyage apporte à l’album une cohérence et une couleur musicale, on regrettera la qualité inégale de ses titres.
une refonte du rythme et de son introduction, ce titre écrit il y a plus de cinq ans souffre d’une mélodie grossière à la guitare sèche, abusivement bercée par la voix de Motoo Fujiwara.
Tout d’abord, la piste bonus se révèle comme à l’accoutumée tout à fait anecdotique. Ensuite, l’ajout de certains singles – pourtant attendus – sans album(s) fixe(s) du groupe fait parfois figure de mauvaise surprise. L’ancien générique de l’émission de la NHK Minna no uta, Mahô no ryôri ~kimi kara kimi e~, se présente par exemple toujours comme une ballade sirupeuse à souhait (qui plus est mal placée dans l’album ; entre deux titres énergiques). Malgré
Même constat sur l’ancien single R.I.P., rescapé de l’époque Orbital Period (décembre 2007). Au détriment de la finesse générale de l’album, ce titre mélodramatique et larmoyant baigne dans les poncifs classiques du genre, et est servi par un pont bien peu inspiré. Avec Happy et son gloubi-boulga d’instruments plutôt indigeste, on en arrive presque à satiété tant le morceau produit l’effet inverse du titre dont il s’affuble après une écoute prolongée.
J-MUSIC
PLAISIR BRUT EN APESANTEUR Mais si de la tristesse imposée nait parfois l’agacement, on retrouvera par la suite un ensemble de titres fruités se révélant être un vrai bonheur à l’écoute, qui à eux seuls justifient l’achat de COSMONAUT. Ainsi, la piste aérienne Uchû hikôshi e no tegami offre, du fait de sa basse omniprésente et de sa construction en montagnes russes, un très beau moment de musique, soutenu tout le long par un Hideo Masu particulièrement engagé à la batterie. Un titre brillant – peut-être le plus brillant de l’ensemble. On apprécie d’ailleurs sa complémentarité avec le morceau enivrant Innocent, dont les paroles très personnelles appellent à la découverte de la beauté de ce que l’on aime et de ce que l’on déteste. Marque de fabrique du quatuor, la basse sexy de Yoshifumi Naoi donne une nouvelle fois du relief à la chanson, tout en apportant un cadre mélodique à la finesse des paroles de Fujiwara. Un duo en apesanteur, qui prend son envol sur les paroles littéralement scandées de Saint elmo no hi, dont les refrains restent quelques temps à l’esprit.
Mais parce que l’émotion découle aussi de l’énergie, Motorcycle dévoile une puissance que l’on soupçonnait peu chez BUMP OF CHICKEN. Dans un maëlstrom d’instruments, le timbre de Motoo Fujiwara transpire à travers l’intensité et la distorsion des riffs entêtants de Masukawa. Une puissance captivante que l’on retrouve diluée au sein de la tourbillonnante Tômei Hikôsen, une ballade pop-rock classique mais suffisamment bien menée pour ne pas entraver l’ensemble des qualités représentées par COSMONAUT. C’est dans ce sillon que Weather report viendra s’intégrer, avec son jeu simple mais sans fioritures, laissant la part belle – une fois n’est pas coutume – au guitariste du groupe. L’album se clôt sur Beautiful glider, une ballade douce qui narre la nécessité de l’accomplissement de soi et l’importance de ne jamais reculer devant les épreuves de la vie. Une note positive pour terminer l’épopée spatiale entreprise par BUMP OF CHICKEN, afin de mettre en exergue la volonté d’aller de l’avant, au-delà d’un passé parfois douloureux exprimé par ailleurs avec brio dans la piste Angel Fall.
CRITIQUE
ATTERRISSAGE RÉUSSI COSMONAUT est une course aux étoiles. Un album qui donne l’impression d’entrer dans un état second à son écoute tant il est difficile de décrocher de certaines compositions. Hypnotique, élégant et inventif, il ravira autant les amateurs de la scène rock international que les férus de musique japonaise. Si on regrette les quelques erreurs de parcours sacralisées par les premières sorties singles qui ont rebuté les fans de la première heure, force est de constater que l’attente suscitée par deux ans de faible activité a été largement récompensée. COSMONAUT se cultive, se travaille, et se vit autant qu’il se joue. Ce petit bijou d’orfèvre marque le retour de BUMP OF CHICKEN en grande pompe, que l’on espère voir confirmé par la sortie de leur nouveau single, Tomodachi no uta, fixée au 23 février 2011. Nicolas Pantin n
TITRE : COSMONAUT GENRE : J-Rock COMPOSITION : Motoo Fujiwara NOMBRE DE PISTES : 14 + 1 piste bonus LABEL JP : Toy’s Factory SORTIE JP : 15 décembre 2010
Extraits du clip Uchû hikôshi e no tegami, utilisant l’effet de tube pour les scènes en apesanteur
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J-MUSIC
PORTRAIT
Rip Slyme Du hip-hop au hip-pop
Après plus de quinze ans de carrière, il est temps de vous présenter Rip Slyme, les trublions du hip-hop nippon, sacrés par MTV Japan en 2002 et producteurs d’Halcali. Ils viennent de sortir deux compilations : Good Times et Bad Times, et sortiront leur huitième opus : Star en mars prochain.
© Warner Music Group
sons, dont l’introduction de Time To Go, improbable mélange entre musique de western, ragga et sons électroniques, est un exemple caractéristique. Portées par des mélodies entrainantes, accélérations et ruptures de rythme et un tropisme latin évident, ses productions détonnent sans pour autant éclipser le rap très technique et totalement maitrisé de ses compères MCs dont la palette vocale s’étend du flow nasillard saccadé de Su, au grave et chaleureux de Pes.
Formé en 1993, le trio de MCs Ryo-Z, Ilmari et Pes tente plusieurs concours de rap et radio-crochets avant de sortir deux ans plus tard son premier maxi : Lip’s Rhyme ; disque aux beats basiques, aux ambiances légères et positives, centré sur le flow et la rythmique, à l’image de leurs modèles déjantés des Beastie Boys, des Jurassic 5, ou de leurs ainés et pionniers de l’écriture rap en japonais Scha Dara Parr.
Le DJ boulimique de sons nous fait boire son calice de samples joyeux jusqu’à l’Halca-lie. L’arrivée de DJ Fumiya aux platines en 1997 va révolutionner le son du groupe pour son premier album, Talking Cheap, rodage qui intègre pléthore de tics musicaux dans l’air du temps. Il détache alors
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la formation – passée à cinq membres la même année – de ses samples ascétiques originels, l’oriente sur des instrumentaux plus mélodiques et lui permet de signer avec Warner Japan.
MELTING POT C’est avec Five, suivi de peu par un Tokyo Classic, que le groupe va définir son identité sonore : patchwork étudié de jazz, funk, dubstep, rythm’n’blues, cuivres et rythmes latins, électro, riffs de guitare, refrains chantés, ou encore sons chiptune. Le DJ boulimique de sons nous fait boire son calice de samples joyeux jusqu’à l’Halca-lie. Et si la base est la même depuis sept albums, la recette varie. Fumiya ne cesse ainsi d’ajouter de nouvelles influences à son savant gloubi-boulga de
Une bonne humeur que l’on retrouve également dans les textes à l’humour potache, au ton décalé, et aux nombreuses références des rappeurs hédonistes, tout comme dans leurs clips, petits bijoux de créativité et d’auto-dérision, qui finissent de souffler un vent de fraicheur sur le « nippop » trop souvent prisonnier d’un gangsta-rap de façade. Festif et léger, le rap des Rip Slyme n’a ni la verve militante de Tha Blue Herb, la rime brute de décoffrage de K Dub Shine, le bling-bling de Zeebra, ni les envolées mélodiques de Nujabes, mais propose un son riche de nombreuses influences et libéré des modes et des carcans du genre. Souvent sur le fil entre rap et variété mais très loin du niveau du rap ornemental de la variété la plus commerciale, Rip Slyme propose un compromis idéal aux amoureux de rap fatigués des discours misérabilistes ou de la provocation facile qui plombent parfois le mouvement hip-hop. Aude Boyer n
CULTURE
ENQUÊTE
Le train,
un emblème japonais Pour le néophyte, le Japon se résume souvent au triptyque manga-sushi-geisha. Mais le quotidien des Japonais est fait d’autres emblèmes qui les définissent tout autant, si ce n’est davantage. Le train est l’une des réussites de l’archipel, façonné pendant 150 ans par les valeurs nippones et son gout prononcé pour la technologie. Total Manga vous emmène donc en voyage, pour découvrir le rail au pays du soleil levant. Shinkansen Tsubasa ©JNTO
DE LA LOCOMOTIVE VAPEUR AU SHINKANSEN
grandes villes du Japon au début du XXe siècle.
L’histoire du train nippon débute le 14 juillet 1853. Isolé du reste du monde depuis plusieurs siècles, le Japon accueille un escadron de l’amiral Perry, qui demande la signature d’un traité permettant le commerce avec les ÉtatsUnis. En conclusion de ce traité, Perry présente toutes les merveilles que propose l’Occident, y compris un petit train vapeur.
L’expansion se poursuit mais la seconde Guerre Mondiale et ses bombardements laissent un réseau ferroviaire en ruine. Une dizaine d’années plus tard, en 1956, le Japon renait de ses cendres et le gouvernement veut construire un nouveau train, à grande vitesse.
Dix-neuf ans après cette première rencontre, le gouvernement japonais finit par accepter la proposition de l’ambassade britannique et construit la première ligne du pays : 28 km de rail relient alors Tôkyô au port de Yokohama. Durant les décennies qui suivent, le Japon et son gouvernement ne vont cesser de constater les bienfaits du chemin de fer, permettant de relier efficacement tout l’archipel. Le développement de l’industrie japonaise aidant, ce sont 6 000 km de rails qui connectent les
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Cependant, du fait de sa géographie montagneuse, le réseau japonais est composé d’une multitude de chemins de fer sinueux qui ne permettent pas les grandes vitesses. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement décide de fabriquer un tout nouveau réseau, spécifiquement dédié à ce nouveau train : le Shinkansen, ou « nouvelle grande ligne » en japonais. La construction du premier tronçon Tôkyô-Ôsaka démarre en 1959 et sera inauguré le premier juillet 1964 à l’occasion des jeux Olympiques de Tôkyô, 17 ans avant notre TGV national. Quarante ans et 4,2 milliards de voyageurs plus tard, le Shinkansen a tou-
jours autant de succès. L’ouverture de sa toute dernière expansion pour relier l’extrémité nord de l’ile de Honshû, le 4 décembre dernier, a fait fureur : les 814 places du premier trajet ont été vendues en moins de 30 secondes. Mais quel est donc ce moyen de transport trivial du Japonais lambda, et comment fonctionne-t-il ? Regardons ça d’un peu plus près...
LE RAIL AUX DEUX-CENTS TÊTES Les trains japonais parcourent une toile dense et longue de plus de 23 670 kilomètres, soit 63 mètres de voie ferrée par kilomètre carré, contre 44 en France. L’axe principal longe la côte pacifique liant les centres urbains de Tôkyô et Kyôto-Ôsaka via Nagoya, et s’étend au nord et au sud. Près de 200 compagnies se partagent ce réseau à l’heure actuelle, même si moins d’une vingtaine sortent vraiment du lot. La Japan Railway ou JR est la première compagnie ferroviaire japonaise,
CULTURE
ENQUÊTE
ON NE RIGOLE PAS AVEC LE TRAIN !
Dépôt de la Japan Railway © TDR
Intérieur Bullet Train © Y.Shimizu/© JNTO
composée de sept sociétés issues de l’ancienne compagnie nationale, qui s’est éteinte en 1987, criblée de lourdes dettes. Elles sont réparties par région pour le transport de passagers, un peu à l’image du TER en France. Ce groupe est directement en concurrence avec seize grandes entreprises régionales qui s’associent parfois pour défier la grande JR. Cette multitude de compagnies a logiquement accouché de centaines de modèles différents. Les deux trains les plus célèbres sont le Shinkansen, qui a déjà connu 24 versions différentes, et le Maglev, le train le plus rapide du monde à 581 km/h, mais dont une exploitation commerciale n’est pas prévue avant 2025, pour un cout de 60 milliards d’euros minimum. La diversité des trains est encore plus palpable pour le Japonais moyen, qui peut passer d’une automotrice 209 à un autorail 283 avant de prendre une rame de métro et de finir à bord d’un Odakyû 60 000 série MSE... Tout un voyage !
Pour le touriste néophyte, les plans de trains prennent rapidement des allures de plats de spaghettis et les distributeurs de tickets s’apparentent à des inventions démoniaques et retordes. Aussi la solution la plus simple reste encore le Japan Rail Pass de la compagnie JR, qui permet d’emprunter le réseau de votre choix de manière illimitée sur une certaine période, le tout à un prix raisonnable. Pour moins cher qu’un aller-retour en Eurostar vous pourrez, par exemple, explorer tout le Japon à volonté pendant une semaine.
En 2003, le retard moyen du Shinkansen ne dépassait pas les 6 secondes ! Et pour ceux d’entre vous qui auraient développé une allergie au rail à cause d’une mauvaise expérience sur notre réseau tricolore, sachez que le système ferroviaire japonais n’est pas là-bas un sujet de moquerie ou d’énervement, mais une véritable fierté nationale.
En reprenant il y a 150 ans l’idée occidentale du chemin de fer, le Japon y a depuis appliqué ses valeurs pour en faire un modèle du genre. Les compagnies, bien que concurrentes, n’hésitent pas à s’associer pour la fabrication de nouveaux modèles plus performants. Très attaché à sa performance technologique, le Japon opte d’ailleurs pour des trains à durée de vie limitée, pas plus de 15 ans, pour remplacer les anciennes rames par des plus récentes, plutôt que de les réparer à l’infini. Comme dans de nombreux domaines d’activités, le transport ferroviaire nippon vise une fois de plus l’excellence et tout est fait pour satisfaire le passager. La grande propreté et le contact toujours très courtois sont évidemment présents, pays des bonnes manières oblige, mais c’est surtout par leur extraordinaire ponctualité que les locomotives japonaises impressionnent : en 2003, le retard moyen du Shinkansen ne dépassait pas les 6 secondes ! Son record. Dans un pays où la voiture est beaucoup moins répandue qu’en Europe, la ponctualité ferroviaire est vitale. Pour une compagnie, mettre un travailleur japonais en retard pour son travail, c’est mettre le Japon en retard... Une honte inenvisageable ! Ajoutez à ceci un voyage confortable et un large choix d’itinéraires pour le même trajet et vous comprendrez pourquoi le train n’est pas seulement un moyen de transport au Japon, mais un emblème national. Paul Ozouf n
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CULTURE
ENQUÊTE
Naruto a rejoint cet hiver la collection de T-shirts Uniqlo à l’effigie des héros de manga : Japan Manga Anime. Attention, n’allez pas imaginer en cette collection des T-shirts blancs peinturlurés grossièrement aux couleurs des séries One Piece ou Dragon Ball, mais plutôt des créations designs discrètes devenues une valeur sure des T-shirts contemporains geek/cool au message identitaire et contextuel comme celui du Che, du smiley ou des oreilles de Mickey. COOL AND JAPANESE Manga, animation, prêt-à-porter, gastronomie et art de vivre, le Cool Japan s’exporte plus que jamais à l’étranger. Dans le domaine de la mode grand public, c’est Uniqlo qui incarne le mieux cette tendance. Cette marque de prêtà-porter japonaise, qui appartient au groupe Fast Retailing, conçoit, confectionne et distribue des vêtements dans ses propres magasins. Avec plus de 830 boutiques dans le monde, Uniqlo est en concurrence directe avec les marques de type H&M ou Zara.
Uniqlo Licences manga :
la stratégie gagnante © Léang Seng
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Ce géant japonais du prêt-à-porter de masse cherche à se démarquer de ses concurrents en misant sur une qualité supérieure de vêtements fabriqués au Japon et vendus au prix minimum. Branché et hype, Uniqlo est connu pour ses basiques colorés et sa grande créativité sur ses collections de T-shirts. En décembre 2007 la marque arrive en France avec une petite boutique dans le centre commercial des 4 temps à la Défense. Mais Uniqlo se fera vraiment connaitre du grand public à l’automne 2009 avec l’ouverture de la première
CULTURE
boutique parisienne à Opéra, lancée à grand renfort de communication. Le premier octobre 2009, le succès est au rendez-vous. L’ouverture du nouveau magasin prend des allures de premier jour des soldes. 800 personnes se seraient massées devant la boutique. Depuis, la mode grand public à la japonaise s’est imposée en France en plein cœur de Paris.
UT X MANGA En 2010, Uniqlo frappe à nouveau un grand coup en s’associant avec TOEI Animation pour créer une nouvelle collection de T-shirts dédiée au manga. Cette collection baptisée Japan Manga Anime compte alors plusieurs licences très célèbres parmi lesquelles Dragon Ball, Dr Slump, One Piece, Saint Seiya, Cobra, Gundam, Evangelion ou encore Galaxy Express 999.
Uniqlo est connu pour ses basiques colorés et sa grande créativité sur ses collections de T-shirts. Fort d’un prix attractif (14,90 euros le T-shirt), d’une image de marque et de designs classes et originaux, ces Tshirts à l’effigie de nos héros préférés rencontrent très vite un énorme succès d’estime et on le suppose un succès économique, chose sur laquelle la marque n’a pas voulu communiquer. À l’occasion du lancement français de la collection en mars 2010, la boutique d’Opéra est redécorée et accueille des animations spéciales en compagnie des personnages issus de l’univers du manga One Piece. Vitrines, consoles de jeux, musiques d’anime et défilés de héros sous licence, tout est fait pour transformer le magasin en boutique des quartiers de Shibuya ou d’Akihabara. Une opération promotionnelle bien orchestrée qui entre dans la stratégie commerciale d’utilisation des licences de la marque Uniqlo. La collection Ja-
ENQUÊTE
pan Manga Anime fait d’ailleurs partie de la série UT ALL STARS qui propose également des T-shirts aux couleurs des licences Hello Kitty, Disney, Star Wars et Tom & Jerry. Pour 2011, Uniqlo rempile et se paye une licence manga de plus et pas des moindres, celle du célèbre ninja blond Naruto, créé par le mangaka Masashi Kishimoto. Une fois de plus, la marque japonaise fait les choses en grand, lançant une collection de onze T-shirts, dont deux créés par Masashi Kishimoto lui-même. La campagne de promotion fait également appel au studio d’animation Pierrot, qui réalise l’adaptation en dessin animé du manga, et au groupe de pop-rock japonais Aqua Timez. Un DVD en série limitée, contenant une vidéo exclusive de Naruto sur la chanson Mayonaka no Orchestra d’Aqua Timez, déjà utilisée pour la série Naruto Shippûden, est offert aux premiers acheteurs de cette nouvelle collection de T-shirts, lancée dans les boutiques japonaises, singapouriennes, sud-coréennes et françaises depuis début janvier 2011. La popularité de la série Naruto est telle à l’étranger, en France notamment, que la réussite de cette opération est garantie pour Uniqlo. Manga et mode riment avec Cool Japan et Uniqlo semble l’avoir bien compris. Sobres et tendances, ces collections de T-shirts s’adressent autant au grand public qu’aux amateurs de manga et sont les parfaits ambassadeurs de cette marque japonaise qui cherche à s’imposer sur le marché international du prêtà-porter. Nul doute qu’en faisant appel aux grosses licences manga et anime Uniqlo a mis la main sur la stratégie gagnante. Et ce n’est pas nous qui nous nous en plaindrons. Jérôme Salomon n © Léang Seng
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CULTURE
ENQUÊTE
Toilettes japonaises Les Rolls du petit coin
La presse semble s’intéresser de nouveau aux particularismes japonais. Que ce soit parce qu’on réalise que Tôkyô compte trois fois plus de restaurants étoilés que Paris, ou que Nicki Minaj se revendique « Harajuku Barbie », les articles et reportages sur la vie culturelle nippone refont florès. Un sujet semble cependant y échapper : les commodités. Pourtant, en bons êtres vivants normalement constitués, les Japonais doivent eux aussi évacuer les déchets produits par leur organisme. Or, quand il s’agit de bidet, ils savent mettre les formes avec classe. Cette enquête vous conduira au fond du couloir de l’izakaya1, à gauche. UNE HISTOIRE DE CHIOTTES Si nous connaissons assez bien le système sanitaire des Romains (la Cloaca Maxima, dont certaines infrastructures sont toujours utilisées aujourd’hui dans la capitale italienne), on ignore généralement que les Japonais avaient eux aussi mis au point un système similaire dès l’antiquité, notamment pendant la période Yayoi, de -300 à 250. Le développement de ces premières toilettes, bâties loin des lieux de vie publique, avait deux raisons. Une raison économique : les déchets humains constituent un excellent engrais naturel dans un pays où l’élevage domestique n’est pas répandu. Et une autre religieuse : le shintoïsme préconise la propreté comme principe fondamental de vie ; on peut rapprocher cette notion de l’adage latin
Washiki, morne plaine © TDR
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« Mens sana in corpore sano », c’est-àdire un esprit sain dans un corps sain. Bref, le Japon a très rapidement développé une « culture » des toilettes, en perfectionnant au fil des âges le confort et la technique (papier toilette, chasse d’eau, toilettes sèches...) de ce qui sera considéré des siècles plus tard comme les Rolls des cabinets.
LES TOILETTES AU JAPON, AUJOURD’HUI Aujourd’hui, on distingue trois types principaux de toilettes : les toilettes à la turque, les bidets à l’occidentale, et les Washlet. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les commodités les plus populaires au Japon ne sont pas les espèces d’hy-
brides mi-siège, mi-robot qui équipent la station spatiale internationale. Non. Traditionnellement, les Japonais utilisent les toilettes dites à la turque, appelées làbas washiki. Pas super sexy, ces engins de facture assez simple équipent aujourd’hui encore l’essentiel des toilettes publiques nippones. Cependant, les habitations particulières sont très largement équipées de toilettes occidentales. Ce standard du petit coin que l’on retrouve partout à la surface du globe – appelé yoshiki (rien à voir avec le batteur de X Japan) – équipe désormais la majorité des maisons de l’archipel. Globalement, ces appareils ne diffèrent pas beaucoup de ce que l’on peut retrouver chez soi. On notera tout de même un souci d’ordre économique (voire écologique) en la fonction
Le jet d’eau, pour un fondement toujours plus propre © TDR
CULTURE CULTURE
de chasse d’eau que l’on peut moduler selon la quantité de déchets à évacuer, ainsi qu’un petit lavabo généralement situé au-dessus du réservoir d’eau. Enfin, stade ultra-évolué du yoshiki, il y a le Washlet. Mis au point par la société Toto au début des années 80, ce bijou technologique se distingue du reste des cabinets par le jet d’eau qui l’équipe, à la manière d’un bidet. Ainsi, l’usager n’a plus à utiliser de papier. Les bénéfices sont multiples : écologique (pas de consommation de papier, donc pas de fibre végétale gaspillée), sanitaire (le nettoyage à l’eau est considéré comme plus hygiénique), confort (l’usager se sent tout propre après passage). Notez que si le jet d’eau est la fonction principale du Washlet, un nombre important d’accessoires optionnels se sont greffés, poussant le perfectionnement et le confort toujours plus loin : jet d’eau tiède plus ou moins intense, siège chauffant, désodorisant, séchage à l’air chaud, air de musique pour couvrir les bruits inopportuns...
ÉTIQUETTE DU PETIT COIN Outre leur aspect agréable, les Washlet ont une réelle utilité dans la vie quotidienne nippone et ne sont pas qu’accessoires inutilement technologiques. Certaines études médicales laissent à penser que l’usage d’un jet d’eau chaude dirigé vers l’anus plutôt que ce-
ENQUÊTE
lui de papier aurait l’effet d’un massage, réduisant les risques d’hémorroïdes et de constipation. Or, dans un pays où le stress est omniprésent, et où le riz a une place très importante dans le régime, ces arguments sont sérieusement pris en compte.
les lieux de vie « sales ». Les toilettes appartiennent à cette dernière catégorie. Aussi, afin de ne pas mélanger sale et propre et créer la disharmonie, il est d’usage de porter des sortes de chaussons uniquement portés lorsque l’on entre dans les commodités.
À cela, il faut aussi ajouter le fait que, comme dit plus haut, le syncrétisme shintoïsme/bouddhisme pratiqué au Japon, réprouve la saleté sous toute forme. Le nettoyage à l’eau est alors préféré et préférable au papier, l’un impliquant une ablution effective par un moyen purificateur, l’eau, l’autre étant vu plus comme un agent étalant que nettoyant.
DES TOILETTES DU FUTUR TOUJOURS PLUS FUTURISTES
Le perfectionnement des toilettes peut trouver des raisons sociologiques. Dans une société où l’espace de vie est réduit (près de 15% du territoire japonais seulement est habité), les toilettes semblent être le dernier endroit d’isolement personnel. Par exemple, on peut y trouver de petites bibliothèques. Il n’est donc pas absurde de penser que les Japonais apprécient d’autant plus ces instants très privés en les vivant dans des conditions de confort optimales. Notez enfin qu’on n’entre pas dans les toilettes japonaises n’importe comment. Toujours dans la logique de vieux fond culturel traditionnel, les Japonais distinguent les lieux de vie « propres » et
Washlet somme toute assez simple © TDR
Il ne faut pas croire que Toto se contente de développer sa gamme de produits toujours plus perfectionnés. Conscient du marché de la mobilité, croissant au Japon (comme partout ailleurs), la société a conçu des toilettes portatives reprenant le système de jet d’eau. Si les phases expérimentales ont été concluantes, le public semble encore sceptique vis-à-vis de l’engin. Pour conclure sur une note plus légère, sachez que Sega a développé un jeu pour pissotière. Toylets (car c’est son nom) est à la fois ludique (l’usager doit viser un point) et éducatif (les bonnes manières impliquent de ne pas en mettre partout). Ce jeu semble avoir été développé suite au nombre croissant de toilettes publiques souillées par des utilisateurs peu regardants quant à leur pratique de la miction. Thomas Hajdukowicz n
1. Bar japonais
Toylets © TDR
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CINÉMA - DRAMA
CINÉMA - DRAMA
SORTIES
Quel drama pour cet hiver ? Il fait froid et vous rêvez de rester au fond du lit, le nez devant un drama ? Amour, école, enquête policière et scénarios loufoques, la sélection dramas de la rentrée 2011 s’adapte à tous les gouts. UNE GOUTTE D’EAU DE ROSE Amateurs d’action, de coups de feu et de sang qui gicle, oubliez tout de suite les lignes qui vont suivre. Lorsqu’il est question de mariage, de relation impossible, les Japonais nous font toujours rêver et pleurer. La plus attendue des histoires d’amour de cet hiver a débuté sur Fuji TV et se passe entre Erika Toda et Haruma Miura. Non, il ne s’agit pas de la dernière rumeur people de notre archipel préféré mais du dernier drama de ces deux stars nationales, Taisetsu na Koto wa Subete Kimi ga Oshiete Kureta. Natsumi Uemura (Erika Toda) et Shûji Kashiwagi (Haruma Miura) sont deux jeunes professeurs que l’amour lie profondément... ou presque. Les deux tourtereaux, sur le point de se marier, vont voir leur vie tranquille chamboulée par une adolescente. Une relation nait entre la jeune Hikari Saeki et le beau Shûji qui découvrira qu’elle est une de ses futures élèves. Trahison et larmes de crocodiles sont au rendez-vous. En parlant de trahison, Nakama Yukie joue la briseuse de cœur, toujours sur Fuji TV. Dans Utsukushii Rinjin, Eriko (Rei Dan) est une femme ordinaire, mariée et enfermée dans sa petite vie de famille. Jusqu’à ce que Saki, femme sulfureuse et croqueuse d’homme, vienne briser son couple.
LA RENAISSANCE DE YANKUMI ? On continue sur notre lancée avec les femmes fatales mais en changeant de registre. Le traditionnel et increvable school drama concerne cette fois-ci une
hôtesse qui se lance dans l’enseignement. Bien sûr, comme dans tout bon school drama qui se respecte, Misaki Number One!! (NTV) ne déroge pas à la règle : la belle Misaki va devoir venir en aide à ses élèves turbulents. Comme la célèbre Yankumi dans Gokusen, elle va utiliser sa « positive attitude » et tous les ramener dans le droit chemin. Puisqu’on évoque Gokusen, une autre adaptation d’un manga de l’auteur, Deka Wanko est diffusée sur NTV. Encore une fille à l’affiche sauf que cette fois-ci ce n’est pas une prof mais une détective (quoique Yankumi était plutôt douée, elle trouvait toujours où étaient ses élèves). Cette débutante a un don particulier : comme les chiens, son odorat est surdéveloppé. Humour déjanté et complètement loufoque, cette comédie risque d’être du grand n’importe quoi. Dans le bon sens du terme.
ÇA VA SAIGNER
© Utsukushii Rinjin Production Committee
© Utsukushii Rinjin Production Committee
© Misaki Number One!! Production Committee
Plus sérieux maintenant, les dramas policiers : LADY Saigo no Hanzai Profile et Control Hanzai Shinri Sôsa. Le premier, visible sur TBS, raconte l’histoire d’une équipe de profiler. Shôko revient au Japon après avoir travaillé aux ÉtatsUnis. On la surnomme la « maniaque du crime » car elle connait toutes les affaires du passé. Le second drama, sur Fuji TV, se penche lui aussi sur des crimes violents. Une équipe atypique va naitre : une ancienne détective, un professeur en psychologie excentrique et un petit timide amoureux de la belle détective. À vous de choisir... Marie Protet n
© Misaki Number One!! Production Committee
© LADY Saigo no Hanzai Profile Production Committee
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CINÉMA - DRAMA
CRITIQUE
Miyoko
et le mangaka déchu Fruit d’un réalisateur novice, Yoshifumi Tsubota, qui officie régulièrement dans le V-Cinema (films sortis directement en vidéo), Miyoko raconte la vie d’un mangaka inconnu, Shin’ichi Abe, dans le Tôkyô des années 70. GARO DÉCLIN C’est l’histoire de la déchéance mentale de Shin’ichi Abe, cet auteur qui fit le succès de la mythique revue avant-gardiste Garo1 aux côtés de noms prestigieux comme Yoshiharu Tsuge, Suehiro Maruo ou encore Ôji Suzuki. Abe se découvre en effet au fil du récit une schizophrénie qui s’avèrera extrêmement handicapante pour lui. Sa maladie le conduira à se refermer sur lui-même, le poussant à arrêter le dessin et asséchant l’apparente intarissable source d’inspiration que représente pour lui Miyoko, sa femme.
ODE À ABE Le film se veut être un hommage à l’œuvre d’Abe ainsi qu’à sa muse de toujours. En témoigne l’impressionnante séquence d’introduction où se mêlent planches de bandes dessinées et plans filmés, dans lesquels l’actrice Marie Machida se révèle formidable de fragilité et de profondeur. Les (rares) connaisseurs de l’œuvre du mangaka (publiée en français chez Picquier, Cornélius et au Seuil) trouveront immédiatement leurs repères dans les plans qui se succèdent à l’écran tant ils reprennent à l’identique les cases des mangas de Shin’ichi Abe. Mais le film ne se limite pas à la « mise en image d’images », et c’est là tout son intérêt : pas besoin de connaitre le dessi-
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CINÉMA - DRAMA
DESSIN SANS PONCIF Même si on suit la vie du dessinateur fou et alcoolique jusque dans ses heures les plus sombres (il deviendra même membre d’une obscure secte religieuse, arrêtant totalement le dessin pendant plusieurs années), le film ne se laisse jamais aller à la dramatisation à outrance ou à une quelconque emphase narrative, évitant le cliché du film où la déchéance de l’artiste apparait comme une fatalité étouffante et sans issue possible.
Tout ce petit monde cohabite sous l’œil amusé du spectateur, dans un Tôkyô à la fois glauque et kitsch. Tsubota fait preuve d’un humour cinglant à maintes reprises, notamment à travers la bande son, oscillant entre le loufoque et le rock’n’roll seventies. La galerie de personnages mise en scène est également des plus amusantes : l’écrivain dépressif, l’ami complètement cinglé, l’éditeur de la revue Garo (sain d’esprit) ou la serveuse nymphomane, avec qui Abe commettra un irréparable adultère, faisant naitre en lui un remord tenace. Tout ce petit monde cohabite sous l’œil amusé du spectateur, dans un Tôkyô à la fois glauque et kitsch, grâce à un travail sur les couleurs fortement développé. Les deux acteurs principaux évitent eux aussi les écueils des biopics estampillés « déchéance de l’artiste ». Marie Machida en tête. Incontestablement la révélation du film, elle n’hésite pas à complexifier son rôle afin d’incarner une Miyoko à la fois sensible et résignée mais toujours amoureuse. Kenji Mizuhashi interprète un Shin’ichi Abe en proie à des tourments intérieurs qui le vident petit à petit
de toute sa raison. Dessinateur totalement lunatique et possédé par l’image de sa compagne, il alterne les phases de frénésie avec de longues périodes de stérilité artistique. Dans cet exercice, l’acteur est impressionnant de versatilité et de fragilité.
EN TOUTE INTIMITÉ Miyoko est une œuvre où se superposent deux niveaux de lecture : à la fois biographie et adaptation scrupuleusement fidèle des mangas d’Abe. Au fur et à mesure que le dessinateur s’enfonce dans la folie et perd son inspitration, il ressent le besoin de mettre en scène sa vie privée en y incluant des passages de plus en plus intimes. Ces pulsions exhibitionnistes empoisonnent la vie du couple, mais pour l’auteur, elles sont le meilleur moyen de continuer à noircir les pages de ses « bandes dessinées du moi » (watakushi manga). Ce climat d’intimité est parfaitement retranscrit grâce au travail des sons (frottements, caresses, murmures), échos aux nombreuses onomatopées présentes dans les bandes dessinées de Shin’ichi Abe. Le couple Abe (Kenji Mizuhashi) et Miyoko (Marie Machida)
© Wides Shuppan
nateur pour être séduit par son histoire, tant le réalisateur se plait à réinterpréter et à reconstruire le récit chaotique de la vie du mangaka.
CRITIQUE
FIGURE DE STYLE RÉUSSIE On pourrait reprocher au film cette obsession envers son sujet et l’omniprésence d’un style graphique très esthétique mais immobile, figé par la référence systématique à l’œuvre du dessinateur. Mais on ne peut que reconnaitre la difficulté de l’exercice : adapter un gegika (manga réaliste) représente un véritable travail d’auteur, loin des stéréotypes des adaptations shôjo et shônen habituelles. Les récentes sélections du film au festival Nippon Connection à Francfort, Rotterdam ainsi qu’au festival Kinotayo ne font que confirmer l’intérêt artistique du film et son originalité. Adrien Rhetorie n
TITRE : Miyoko TITRE ORIGINAL : Miyoko Asagaya Kibun FORMAT : Long-métrage, 85 min GENRE : Drame, biopic RÉALISATION ET SCÉNARIO : Yoshifumi Tsubota DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE : Daisuke Yamazaki CASTING : Marie Machida, Kenji Mizuhashi, Shôichi Honda, Anji SORTIE JP : 4 juillet 2009
1. Mensuel de prépublication de mangas underground publié entre 1964 et 2002.
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CINÉMA - DRAMA
CRITIQUE
Parade Faux amis Voilà maintenant environ dix ans que Yukisada ne tourne que des comédies romantiques mièvres et sans saveur. Avec Parade, un excellent « film d’horreur déguisé en teen-movie », dixit Yukisada, le réalisateur signe l’un des temps forts du festival Kinotayo. Un film subtile et stylisé. COLOC ÉCLECTIQUE Parade, tiré du roman homonyme de Shûichi Yoshida (2002), est un film hybride, qui mélange les codes du thriller
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avec ceux de L’Auberge espagnole ou encore Friends, sans jamais tomber dans les clichés qui les rendent à la longue insupportables et puérils. Le spectateur est immergé dans le quotidien de quatre (bientôt cinq) jeunes colocataires tokyoïtes aux occupations diverses : le très propre sur lui Naoki, jogger régulier, travaille dans une entreprise de distribution de films (la très brève apparition de sa patronne est un clin d’œil cinglant au milieu des distributeurs). La jolie Kotomi passe son temps à s’épiler les sourcils et à coucher avec l’acteur-vedette d’un drama populaire, le jeune Ryôsuke est étudiant et travaille à mi-temps dans un
restaurant et enfin, Mirai est illustratrice. C’est elle qui, rentrant de sa cuite habituelle au bar gay du coin, ramènera le squatter idéal, Satoru, jeune prostitué lunaire et rachitique. Ainsi, la construction du film est plutôt simple : tout se passe bien dans le microcosme infantilisant du minuscule appartement, puis arrive un élément perturbateur. Yukisada réactualise au passage un des thèmes phares du cinéma japonais : la relation à l’autre, l’étranger. Parade traite des interactions qui unissent chacun des colocataires et de la difficulté de s’adapter au voisin que l’on côtoie tous les jours sans vraiment
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chacun s’évite tout en sympathie. L’intimité est filmée très habilement et l’on s’attache vite aux personnages.
DES SECRETS ENFOUIS Une fois que Satoru fait son entrée en scène, le point de non-retour est franchi, et les langues commencent à se délier. La seconde partie du film est de fait beaucoup plus glauque, même si l’excellente musique minimaliste contribue à alléger le climat tout en appuyant sur les rares mais excellentes scènes d’humour : la visite au « bordel-cabinet-devoyance » est d’un comique imparable. Mais très vite c’est la méfiance qui prend place, et les colocataires font sans attendre le lien entre le nouvel arrivant et la série de meurtres dans le parc voisin qui continue. Cette paranoïa est rapidement remplacée par des relations plus diplomatiques, laissant toutefois (et heureusement) les histoires d’amour au second plan : le cercle extérieur à la colocation. Avec cette phase d’ouverture, on s’aperçoit au fil du récit que nos personnages sympathiques cachent en fait de lourds secrets, certains restant même inexpliqués. (Que dire des bleus dans le dos de Satoru ? De ses escapades solitaires ?)
Les colocataires de Parade © Parade Film Partners
le connaitre. Ce processus d’apprentissage se révèlera être une véritable initiation et fera tomber les masques.
L’intimité est filmée très habilement et l’on s’attache vite aux personnages. La première partie du film est donc plutôt ennuyeuse, à l’image du mode de vie presque monacal de nos amis colocataires. La temporalité est très proche du réel, le soir tombe lentement sur Tôkyô, Kotomi s’enracine dans le sofa, Mirai et Naoki rentrent de leur travail : c’est le bal d’un quotidien calme et feutré, où
Le spectateur lucide aura sans doute facilement décodé l’intrigue de fond (qui est le tueur ?) ou pu voir les horribles scènes de viol filmées se refléter dans les lunettes de Mirai (lors de la scène la plus impressionnante du film). Mais Parade ne repose pas uniquement sur le procédé narratif du suspens, qui demeure en toile de fond avant de ressurgir intelligemment pour clore le film.
PASSAGE DE CAMÉRA Yukisada tient à maintes reprises à rendre son propos plus opaque, à jouer sur les reflets, les couleurs chaudes du crépuscule éclairant le petit appartement. Difficile pour une caméra d’être aussi à l’aise dans une si petite surface, mais on a vraiment l’impression d’être physiquement présent à l’intérieur de la
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colocation. On touche même au sublime lors de la scène de l’aveu de Mirai à Satoru, dans un travelling parfaitement réglé autour d’un manège de fête foraine, dernier écho d’une enfance encore présente et traumatisante. Parade est également un film de passages : du secret à l’aveu, du simple côtoiement à l’amitié sincère, du monde de l’enfance à l’âge adulte. C’est d’ailleurs en coupant le cordon de cette cohabitation empreinte de puérilité que Ryôsuke rompra son immobilisme pour partir s’installer à la campagne avec sa copine. Il en sera de même pour Mirai, qui réussit à exorciser ses vieux démons pour finalement quitter le cocon douillet mais oppressant. Comme on avait déjà vu dans Spring Snow (2005), Yukisada se laisse facilement avoir par son attachement trop grand à l’image. Certes, les prises de vue sont millimétrées, les couleurs équilibrées et la lumière sublime, mais on a parfois l’impression qu’il se regarde tourner un film en admirant son talent. Cela a pour effet de diluer l’intrigue dans un esthétisme contemplatif, créant au passage quelques longueurs. La complexité de Parade couplée à cette exigence picturale reste diablement efficace. Adrien Rhetorie n
TITRE : Parade FORMAT : Long-métrage, 118 min GENRE : Drame RÉALISATION ET SCÉNARIO : Isao Yukisada AUTEUR : Shûichi Yoshida CASTING : Tatsuya Fujiwara, Karina, Shihori Kanjiya, Kento Hayashi, Keisuke Koide SORTIE JP : 20 février 2010
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Clichés sauvages
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Vous vous êtes forcément demandé un jour si oui ou non, en arrêtant un cosplayeur dans les allées d’un salon, vous le gêniez. Réponse avec notre Yuna berserker, une cosplayeuse qui s’épanouit en se baladant parmi les photographes. CLIC CLAC, C’EST DANS LA BOITE Qui dit cosplay, dit très souvent concours, défilés et passages sur scène. Mais le cosplay c’est aussi celui qu’on découvre au coin d’une allée dans une convention. Celui, où les cosplayeurs mettent une demi-heure pour parcourir 100 mètres parce qu’ils sont assaillis par les visiteurs armés d’appareils photos. Nous sommes probablement des dizaines à avoir LE même moment photo dans notre collection de clichés. Il y a ceux qui n’osent pas les accoster et qui attendent leur tour derrière ceux qui sautent le pas ! Audrey fait partie de ses cosplayeuses qui jouent le jeu à fond, qui aiment l’échange avec les photographes, pros ou amateurs et l’ambiance bon enfant avec les visiteurs. « Je fais du cosplay pour m’amuser », affirme la jeune femme de 25 ans. « Se faire prendre en photo puis retrouver les photos et les retours qu’on peut avoir sur un costume sur Internet, fait toujours plaisir. »
UNE PATIENCE À TOUTE ÉPREUVE Et ce n’est pourtant pas toujours facile. Le maquillage ou la peinture sur corps qui coule sous l’effet de la chaleur, le col fourrure qui vous étouffe, Audrey connait ça très bien ! Notamment avec son dernier costume en date : Yuna berserker que la demoiselle a testé sur le salon
© Léang Seng
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Chibi Japan Expo 2010. « J’étais plus à l’aise dans mon costume de Midona, surtout parce qu’il était à base de peinture », raconte Audrey. Avec l’armure de Yuna berserker sur le dos, c’est tout de suite plus difficile de bouger. Mais pas impossible. En plus, la cosplayeuse sait s’adapter. « Mon collier n’arrêtait pas de tomber donc j’ai dû trouver un autre système pour qu’il tienne. » Audrey va surement endurer le supplice du cosplay encore longtemps mais on comprend en l’écoutant et en sachant l’application qu’elle met dans la réalisation de ses costumes, à quel point ça en vaut la peine. Céline Maxant n
©2003 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved.
PERSONNAGE : Yuna berserker SÉRIE : Final Fantasy X-2 COSPLAYEUSE : Audrey COUT DE RÉALISATION : +300 euros
BONUS Photos tm-mag.fr/yuna-berserker
© Léang © Seng Léang Seng
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COSPLAY
FANART
With or without you Par Elyann
Tous les amateurs et professionnels du dessin, numérique ou non, pourront tenter leur chance sur le site Internet de Total Manga à l’occasion d’un grand concours de dessin en partenariat avec le collectif Café Salé et la société Wacom. Les meilleures œuvres seront récompensées par de nombreux lots (artbooks, matériel de dessin, etc.) Pour plus de renseignements, rendez-vous sur total-manga.com dès le 10 février 2011... À vos crayons !
Elyann a dessiné Aqua, un des personnages principaux du jeu Kingdom Hearts ~ Birth by sleep, pour en faire cadeau à une amie. Cette illustration a été réalisée en deux étapes, la première en outil traditionnel avec les Copic Markers puis les effets de textures ont été rajoutés avec Photoshop. Elyann nous explique que le titre du dessin « With or without you », traduit « l’état d’esprit d’Aqua à la fin du jeu vidéo. »
BONUS Profil Elyann tm-mag.fr/elyann
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