Visions opposées

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N° 270 — Octobre 2009

LIBAN LES DÉFIS DU GOUVERNEMENT GOLFE L’ÉPINEUSE AFFAIRE AL-GOSAIBI LE MENSUEL DU MONDE ARABE ET DE LA FRANCOPHONIE

WWW.ARABIES.COM

TUNISIE

MAGHREB Les cosmétiques se font la part belle

ALGÉRIE

Visions opposées

IRAK Un retrait et une fracture qui se dessine

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Pour rééquilibrer la balance commerciale, Ahmed Ouyahia remet en question la politique économique d’Abdelaziz Belkhadem. Pourra-t-il maintenir le cap, entre résistances internes et pressions internationales ?

N° 270 — Octobre 2009

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Le président Ben Ali face aux électeurs

L ’ É N E R G I E

E S T

N O T R E

A V E N I R ,

É C O N O M I S O N S - L A

!

Belgique ..................4.46 € Réunion ..................6.86 € Liban .......................5000 L Sénégal............. 2 000 CFA Comores ...........2 000 CFA

Luxembourg...........4.74 € Canada .................7.95 $ C Arabie Saoudite....... 25 SR Mali...................2 000 CFA Djibouti...................5.19 €

Suisse...........................8 FS USA.....................5.90 $ US É.A.U. ......................25 DH Gabon............... 2 000 CFA Allemagne...............6.14 €

Grèce.......................4.11 € Maroc ......................24 DH Koweït ................. 2.75 DK Guinée..................... 6.86 € Italie ........................5.17 €

Antilles........................... 6.86€ Tunisie............................2.5 DT Côte-d'Ivoire ......... 2 000 CFA Afrique zone CFA . 2 000 CFA Algérie ......................... 120 DA

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SOMMAIRE

PHOTOS / D.R.

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24

Le nucléaire iranien. Les atouts de la Tunisie.

empires financiers de la famille saoudienne Al-Gosaibi et de l’homme d’affaires koweïtien Maân al-Saneh secouent le marché financier saoudien et ceux des pays du Golfe…

8 Repère

34 Liban : les défis du gouvernement

POUVOIR

4 Point de vue

Yémen, sixième guerre avec les Houthis.

10 Coulisses 14 Irak : la fracture se profile… Le retrait américain des villes irakiennes, achevé le 30 juin dernier, sonne comme le prélude à un cycle de déstabilisation. AVOIR

Ses indices économiques soutiennent la croissance et ses avoirs dépassent 100 milliards de dollars… Mais le Liban demeure confronté à une dette exorbitante, qui constitue une bombe à retardement.

38 Algérie : crédit à la consommation La suppression des crédits à la consommation est un coup dur pour les sociétés du secteur automobile…

16 Point de vue

40 Les cosmétiques au Maghreb

Regard sur l’économie tunisienne.

Le Maghreb est l’une des destinations privilégiées des parfums et cosmétiques des grandes marques internationales de Paris, New York, Rome, Riyad… Bienvenue dans l’univers de la beauté !

18 Arabies éco 22 Sociétés Managers Salah Ezzeddine, Liban. Chucri Ghanem, Libye. Djilali Mehri, Algérie. Mohamed al-Jasser, Arabie Saoudite.

24 Algérie : annonce d’un changement Pour rééquilibrer la balance commerciale, M. Ouyahia remet de l’ordre dans l’économie. Y parviendra-t-il, entre résistances internes et pressions internationales ?

30 Golfe : enquête financière Les enquêtes sur les scandales liés aux

DOSSIER TUNISIE

46 Les raisons d’un plébiscite Le président tunisien est élu tous les cinq ans au suffrage universel. Zine el-Abidine Ben Ali se présente pour un cinquième mandat. Raisons d’un choix populaire…

50 Des défis et un programme Au moment où Zine el-Abidine Ben Ali brigue un cinquième mandat à la tête de l’État tunisien, le pays peut se targuer

d’avancées sociales et économiques importantes. Malgré la crise…

54 Immobilier Projets d’infrastructures, propriétaires en nombre… À l’heure d’une crise qui a justement pris racine dans ce secteur, l’immobilier tunisien affiche une bonne santé et des ambitions à la hausse.

58 Rencontre : Mohamed Ali Jlaiel Responsable d’un établissement Azdrubal, Mohamed Ali Jlaiel explique comment la Tunisie est parvenue à un niveau d’excellence et nous fait part des perspectives du secteur pour 2010.

62 Santé, le remède tunisien Le tourisme de santé est une offre en plein essor en Tunisie, où les techniques n’ont rien à envier aux pays occidentaux.

66 Communication SAVOIR

68 Cinéma Élia Suleiman, l’humour et le silence pour armes.

70 Lire 72 Entre nous 74 Tribune Visa francophone, l’utopie partagée.

Photo de la couverture : PHOTO / D.R

Octobre 2009 / Arabies 3


POUVOIR

POINT DE VUE

Ancien ministre des Affaires étrangères et président de la Chambre de commerce franco-arabe

Nucléaire iranien : il faut saisir la balle au bond Par Hervé DE CHARETTE

ouvelle manœuvre ou percée inattendue ? La reprise des discussions entre l’Iran et les membres du groupe 5+1 (les cinq membres du Conseil de Sécurité et l’Allemagne), le 1er octobre 2009, a été diversement appréciée et commentée. S’il n’y a pas encore d’accord formel entre les parties, sur l’inscription du dossier nucléaire à l’ordre du jour de cette rencontre, il est bien évident que c’est le cœur du sujet. Pourtant, le sentiment général est à l’attentisme, voire au scepticisme. On peut en effet penser, selon un scénario désormais bien rodé, que les Iraniens ont fait une ouverture au moment même où l’on se rapprochait des dates butoirs, fixées par la Communauté internationale en vue de l’adoption de nouvelles sanctions. On peut également noter que Washington, faute de consensus avec ses partenaires dont la Russie et la Chine qui continuent de soutenir leur client et fournisseur iranien, n’avait d’autre alternative que de donner une dernière chance au dialogue. On peut enfin remarquer qu’en juillet 2008 l’administration Bush avait déjà accepté de participer à une rencontre où négociateurs iranien et américain étaient présents, autour de la même table, et que cela n’avait donné aucun résultat tangible. Pour autant, le contexte dans lequel ces discussions vont reprendre permet d’avoir une lecture moins pessimiste de ce nouveau développement. Ce contexte est marqué principalement par la faiblesse relative des deux principaux protagonistes. Paradoxalement, c’est cela qui permet d’espérer quelques avancées. D’un côté, en Iran, le pouvoir a frôlé la catastrophe pendant l’été, à la suite de la révolte liée à la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Menacé par une opposition qui reste active, il n’est pas certain que le pouvoir sorte indemne de nouvelles sanctions qui le mettraient encore un peu plus au ban des nations. Certes, cela provoquerait un réflexe unanimiste autour du pouvoir, mais cela accentuerait également le débat, déjà engagé lors de la présidentielle, sur la manière dont est pilotée la politique PHOTO / SIPA

N

4 Arabies / Octobre 2009

étrangère de la république islamique et ses conséquences, désastreuses, sur le niveau de vie du peuple iranien. De l’autre côté, les États-Unis sont également affaiblis. Le long de l’arc de crise, pour reprendre l’expression de Zbigniew Brzezinski, l’administration Obama est enlisée sur au moins trois fronts : en Afghanistan, où l’élection présidentielle a accentué la confusion et les bavures de l’Otan renforcé le sentiment antioccidental ; en Irak, où la perspective du départ des troupes américaines a réactivé les tensions entre les différentes communautés ; en Israël et en Palestine, où, pour le moment, le gouvernement de Benjamin Netanyahu continue de défier ouvertement Washington sur la question de la colonisation. Dans cette atmosphère lourde de menaces, les États-Unis n’ont certainement pas besoin d’une nouvelle crise avec l’Iran. Certes, les néoconservateurs et certains Républicains ne manqueront pas d’accuser le président américain de faire preuve à nouveau de faiblesse… Mais l’ouverture d’une confrontation avec Téhéran annulerait les attentes suscitées à travers le monde musulman par le discours historique de Barack Obama au Caire, en juin dernier. La reprise de ces discussions n’est donc pas dénuée d’arrière-pensées, chacun cherchant à se ménager un peu de répit, le temps de raffermir sa position. Malgré tout, en diplomatie comme en politique, il faut savoir saisir ce type d’opportunités et faire en sorte qu’une dynamique positive s’enclenche. De ce point de vue, la France devrait avoir une attitude plus ouverte et moins crispée. Au regard de nos intérêts nationaux, rien ne justifie que l’on soit à l’avant-garde des faucons. Au regard des questions de sécurité dans la région, cette attitude risque d’être contre-productive, créant des points d’achoppement et de friction, là où nous devrions au contraire être des facilitateurs. Il faut donc encourager Washington dans ses efforts, tout en faisant comprendre à Téhéran que la fenêtre de tir est étroite et qu’il I faut saisir la balle au bond. Ce doit être le rôle de la France.



POUVOIR

POINT DE VUE

Spécialiste de politique étrangère, consultant pour CNN, NBC, MSNBC, BBC, BBC World, Al-Arabiya

Les atouts de la Tunisie Par Christian MALAR, éditorialiste sur France 3

l n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre… Quand dollars en Tunisie. Il faut bien voir les deux atouts de la Tunisie, j’entends ici ou là dans l’atmosphère feutrée des salons de dont ne disposent pas d’autres nations du monde arabo-musulman l’Intelligentzia française certains critiquer la Tunisie avec assuet africain. Ce pays a une vraie classe moyenne qui constitue le rance, je me dis que décidemment, « l’ignardise », la méconpilier de sa société : 80 % des Tunisiens en font partie, c’est-à-dire naissance sont mauvaises conseillères et qu’avant de juger il faut huit millions d’habitants sur les dix que compte le pays. La femme apprendre à connaître ou savoir, voire balayer devant sa porte. y est la plus émancipée du monde arabe avec la Libanaise et la JorDepuis son Indépendance en 1956, voilà un pays qui – entre danienne. La Tunisie c’est : plus de femmes au gouvernement que Habib Bourguiba, le père de la Nation qui a présidé à ses destinées dans de nombreux pays occidentaux ; 15 % de femmes P-DG ; durant trente et un ans jusqu’en 1987, et Zine el-Abidine Ben Ali environ le tiers des magistrats et des avocats ; bientôt 30 % de qui assure la continuité et renforce la stabilité depuis vingt-deux députées ; 17 % de maires ou conseillères générales. ans – est devenu une référence socio-économique pour la plupart J’ajoute qu’à la différence de grands pays comme l’Égypte, des grandes institutions financières mondiales, du Fonds monétaire l’Algérie ou le Maroc, où certains réseaux islamistes se sont substiinternational (FMI) à la Banque mondiale, tués aux autorités pour s’occuper des ainsi que pour ses pairs du monde arabe et pauvres et autres déshérités qu’ils récupèses proches voisins de l’Afrique et de rent et manipulent dans leur lutte sans l’Union européenne. Depuis 1987, le prémerci contre le régime en place, les autorisident Ben Ali a su adopter une série de tés tunisiennes, elles, ont pris en charge réformes radicales concernant les droits de depuis longtemps les 3,8 % de Tunisiens la femme, la santé, l’éducation, la politique qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. étrangère, la libéralisation de l’économie Reste au milieu de tout cela le credo de sans oublier la lutte contre le terrorisme. la démocratie que les nombreux donneurs Le président tunisien est un pragmade leçon et soi-disant détenteurs de la vérité tique. Même ses détracteurs reconnaissent veulent imposer à la Tunisie. La démocraqu’il a évité à la Tunisie ce qui est arrivé à tie ne peut pas être du même format pour l’Algérie avec le Front islamique du Salut tous les pays de la planète. Elle ne peut être (FIS) au début des années 1990. Ce n’est que la résultante d’une culture, d’un mode pas étonnant lorsque l’on sait que Zine elde vie à l’échelle locale ou régionale. Abidine Ben Ali a compris le danger du Quand l’ancien président américain problème intégriste bien avant d’autres leaG. W. Bush a voulu imposer à l’Irak un ders d’Afrique du Nord et d’Europe, et a modèle de démocratie à l’occidentale, il a su développer une stratégie qui a permis Le président Ben Ali, devant un portrait de Bourguiba. échoué. L’Occident, certes porteur de d’endiguer cette menace. valeurs, n’a pas à donner de leçons. La Alors que son grand voisin l’Algérie qui possède gaz et pétrole Tunisie n’est pas parfaite. Aucun pays ne l’est d’ailleurs. La Tuniavec tous les atouts qu’on lui connaît pour réussir, peine à éradiquer sie a cependant ses propres traditions réformistes. Elle a été le prele terrorisme qui continue de la frapper de l’intérieur avec Al-Qaïda mier pays arabe à se doter d’une Constitution. Elle a aboli au Maghreb islamique, et que le Maroc a aussi du mal à se débarl’esclavage avant la France et les États-Unis. Elle construit progresrasser de ses réseaux islamistes qui gangrènent son tissu social, la sivement son propre système démocratique sans commettre l’erreur Tunisie, elle, est stable et fait plus que bonne figure. Son taux de de ceux qui ont naïvement cru qu’on peut autoriser les extrémistes croissance oscille entre 5 et 6,5 %. Elle a une économie diversifiée à former des partis politiques sans courir le risque de subversion. (tourisme, textile, nouvelles technologies…) capable de s’adapter Pour l’instant, dans un monde où l’instabilité règne toujours, où aux bouleversements de l’économie mondiale. Aujourd’hui, 75 % la menace terroriste demeure, il faut sans cesse se poser la quesdu commerce tunisien se fait avec les 27 pays de l’Union eurotion : avons-nous envie d’avoir à moins de deux heures de Paris par péenne, en particulier avec la France. avion des républiques islamiques ? I Tous les potentats des pays du Golfe investissent des milliards de À bon entendeur, s’il en existe encore… Salut ! HADJ / SIPA

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6 Arabies / Octobre 2009



REPÈRE YÉMEN

CHARUEL / SIPA

POUVOIR

Une « sixième guerre » avec les Houthis Par Philippe BARAN a déstabilisation du Yémen s’accentue avec la conjugaison de trois risques majeurs : la menace d’Al-Qaïda, le risque de sécession au Sud, et le conflit avec la rébellion houthie au Nord. Au milieu du mois d’août, la sixième guerre avec les rebelles houthis entre dans sa deuxième semaine lorsque les forces yéménites élargissent leur offensive contre la rébellion, dans le Nord du pays – entre bombardements aériens et tirs d’artillerie sur les positions des combattants. La dimension régionale de ce conflit est apparue au grand jour quand le ministère yéménite de la Défense dément une information de la radio de Téhéran selon laquelle l’armée de l’air saoudienne participait aux raids contre les rebelles d’obédience chiite. Ainsi, face au pouvoir yéménite soutenu par par la quasi-majorité de pays arabes, on évoque un soutien d’organismes iraniens non officiels à la rébellion houthie. Cet ensemble élargit l’arc de la discorde sunnite/chiite – du Liban à l’Irak et du Yémen au Pakistan. Dès le 21 juin dernier, dans le triangle de Chada (préfecture de Saada), de violents heurts entre l’armée et les rebelles houthis mettaient pratiquement un terme à la trêve conclue en juillet 2008. Le 5 juillet 2009, dans le cadre du bras de fer perpétuel avec la rébellion houthie, le tribunal pénal en charge de la sûreté de l’État

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8 Arabies / Octobre 2009

condamnait à la pendaison sept rebelles accusés d’avoir combattu l’armée. Cette escalade judiciaire a contribué à préparer les esprits au retour de la guerre à grande échelle. Dans le courant de juillet, le gouverneur de Saada, Hassan Manaâ, accusait les éléments de la rébellion d’avoir provoqué le déplacement de 17 000 familles de plusieurs districts de la ville ainsi que l’enlèvement d’une quinzaine de cadres du Croissant rouge yéménite. Au début de septembre, la tragédie se poursuit pour les civils et les dernières statistiques annoncent 150 000 personnes déplacées des zones du combat. Il s’agit bel et bien d’un retour à l’année 2004, quand les Houthis ont commencé à prôner une ligne politique similaire à celle du Hezbollah et de l’Iran, suscitant la méfiance des pays voisins. Riyad n’avait alors pas hésité à faire pression sur le gouvernement pour juguler l’influence grandissante des Houthis. Depuis la première semaine du mois d’août, les combats se sont déroulés plus près de la capitale et ont provoqué des dizaines de morts et de blessés de part et d’autre. Depuis le 4 août, c’est la grande escalade militaire : Sanaa est passée à l’offensive. Le pouvoir a prétendu avoir repris le secteur de Harf Sofiyan, considéré comme un bastion important des rebelles nordistes et situé à environ 120 kilomètres au nord de la capitale. Mais un mois après le début des hostilités, la guerre ressemble à une guerre d’usure. La foi idéologique des Houthis et les caractéristiques du terrain montagneux rendent la solution militaire compliquée et la tâche du pouvoir très rude. Face à cette offensive, le dirigeant de la rébellion, Abdel Malik al-Houthi, refuse toute offre de « soumission » et qualifie l’attaque gouvernementale de « crime qui annihile des civils ». La sixième I guerre de Saada semble en être seulement à ses débuts.



POUVOIR

COULISSES

MAURITANIE Discrète évacuation de ressortissants occidentaux du Sahel

LIBYE Kadhafi inamovible et triomphant

elon une source locale, à la fin d’août dernier, le ministère algérien de la Défense aurait permis à des avions occidentaux de transport militaire de traverser l’espace aérien du pays – au cours d’une mission humanitaire d’évacuation de 400 ressortissants installés en Mauritanie, au Mali et au Niger. Au cours du mois de juillet, la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne et les États-Unis ont évacué des dizaines de leurs ressortissants de la région, via le Sénégal. L’alerte terroriste est passée au niveau maximum, après l’attentat-suicide du 8 août dernier contre l’ambassade française à Nouakchott. Si cet acte ne constitue pas l’action la plus violente d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), les services compétents d’Afrique du Nord craignent une agitation plus forte au Sahel.

BEN CURTIS / AP / SIPA

S

our le quarantième anniversaire de la Révolution, Mouammar Kadhafi marque son long règne par deux « triomphes » diplomatiques récents : la libération d’Abdel Bassit al-Megrahi (accusé dans l’affaire Lockerbie et libéré par l’Écosse pour raisons humanitaires) et le

recul suisse à propos de la crise provoquée par Hannibal (un de ses fils). L’ h o m m e d e p a r a d o x e s qu’est M. Kadhafi continue d’étonner. Après avoir été longtemps l’apôtre de l’unité arabe et du panafricanisme, le voici qui se déclare en faveur d’une possible indépendance du Sud

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Soudan. Quant à sa succession, évoquée maintes fois, elle reste hypothétique. M. Kadhafi, bon pied, bon œil, continue de gérer le pays, tout en misant sur ses fils pour l’avenir et en laissant sa succession ouverte entre Moatassem, l’homme de la sécurité, et Saïf al-Islam, le diplomate.

ARABIE SAOUDITE/ÉMIRATS ARABES UNIS Retour au litige frontalier de… 1974 u mois d’août 2009, le directeur du service des passeports au ministère saoudien de l’Intérieur, le général Salem ben Mohamed al-Balhid, a annoncé l’arrêt de la procédure simplifiée de circulation (cela concerne les citoyens munis de cartes d’identité) avec les Émirats arabes unis (EAU), afin de contester la carte géographique des Émirats apparue justement au dos des cartes d’identité. Selon Riyad, les Émirats arabes unis ne font pas état, sur les cartes « incriminées », de l’accord frontalier qui a été

conclu entre les deux pays, en 1974 – et confirmé lors de la visite du prince Nayef à Abou

10 Arabies / Octobre 2009

JEFFREY COOLIDGE / PHOTOLIBRARY

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Dhabi, en 2005. Riyad ne prend pas à la légère cette initiative émirienne, qui signifie que

l’émirat réclame toujours une plus grande part dans le champ pétrolier géant d’Al-Shiba (500 000 barils par jour) et conteste également la limitation de la bande côtière d’AlIdid (Riyad ayant refusé le projet d’un pont reliant les Émirats et le Qatar à travers ses eaux territoriales). C’est un retour à la tension, malgré la persistance du silence émirien face à la fermeté saoudienne. Ce litige frontalier ressuscité demeure donc entier et s’ajoute au retrait émirien du marché monétaire commun.


TERRITOIRES PALESTINIENS Le nouveau Fatah our la première fois depuis vingt ans, quelque 2 300 délégués de l’intérieur et de la diaspora (sauf ceux de Gaza, bloqués par le Hamas) se sont rendus au sixième congrès du Fatah – à Bethléem, du 4 au 14 août dernier. La tenue du congrès, le premier depuis celui d’Alger en 1989, a été un véritable succès. Pourtant, la « vieille garde », menée par Farouk Kaddoumi – président du Comité central du Fatah (proche de Damas) et représentant de la tendance « dure » opposée à Mahmoud Abbas – a tout fait pour empêcher sa tenue. De plus, certains compagnons de Yasser Arafat, dont la plupart vivent en exil et s’opposent aux accords d’Oslo, craignaient l’émergence de nouveaux dirigeants issus de deux intifadas et bien mieux implantés au niveau local.

NASSER SHIYOUKHI/AP/SIPA

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Créant la surprise, le Fatah s’est doté, à la fin du congrès, d’une direction rajeunie avec comme figure de proue Marouane Barghouti – surnommé « le Mandela palestinien ». Treize nouveaux membres ont fait leur entrée au Comité cen-

tral du Fatah – sur les dix-huit qui ont été élus. Les plus en vue sont Mohamed Dahlanes, ancien homme fort du Fatah à Gaza, Djibril Rajoub, ex-chef de la Sécurité préventive en Cisjordanie, ainsi que le négociateur palestinien Saeb Erakat. En revanche, Ahmed Qoreï, ancien

Premier ministre, n’a pas été reconduit. La rénovation effective du Fatah (soutenue par Washington, Riyad et Le Caire) représente un tournant qui pourrait affaiblir le Hamas et inciter Washington à accentuer la pression sur Tel-Aviv afin de relancer le processus de paix.

demeure nécessaire aux deux parties, mais n’est plus ce qu’elle fut auparavant. Damas, soucieuse de reprendre son

influence au Liban et de n o r m a l i s e r s e s l i e n s ave c l’Occident, semble s’inquiéter de l’emprise de Téhéran sur le Hezbollah. Au plan politique, le rapprochement entre Damas et Riyad, qui s’opère progressivement depuis janvier dernier, ne rassure pas Téhéran. Pour les Iraniens, l’Arabie Saoudite coordonne son action avec Washington pour « séparer » la Syrie de l’Iran (ainsi que du Hezbollah et du Hamas). Ces nuages dans l’alliance se font sentir au Liban, où Saâd Hariri ne parvient pas à former un nouveau gouvernement. Elles provoquent ainsi un prolongement de la crise politique au pays du Cèdre.

SYRIE/IRAN Alliance, nuances et méfiance ! u Liban, des sources officielles confirment que le Hezbollah continue de recevoir des armes de tout calibre d’Iran et de Syrie – ou du marché noir. Cependant, une source des Services de sécurité à Beyrouth précise que la pression de Washington et de Tel-Aviv aurait dissuadé Damas de laisser transiter par son territoire des missiles de défense et à longue portée, destinés au Hezbollah. Si cette information est avérée, elle laisse entrevoir des nuages dans l’alliance syro-iranienne. Depuis l’assassinat d’Imad Moughniyeh, en février 2008, et la publication d’un article du Der Spiegel (mai 2009) mettant en cause le Hezbollah dans

l’assassinat de Rafic Hariri, la relation entre le Hezbollah et la Syrie est teintée de méfiance, même si elle

PETROS KARADJIAS / AP / SIPA

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Octobre 2009 / Arabies 11


LE POUV DE L’INT

Etre au cœur d

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VOIR TERVIEW

de l’actualité qui dépasse les frontières « Objectivité t ne signifie pas égalité de traitement, mais donner une chance à chacun d’être entendu » Christiane Amanpour

LE ÉMISSION PHARE À U LUNDI AU VENDREDI

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cnn.com/tonight


IRAK

KHALID MOHAMMED/AP/SIPA

POUVOIR

La fracture se profile… Au lieu d’inaugurer une phase d’apaisement, le retrait américain des villes irakiennes, achevé le 30 juin dernier, sonne comme le prélude à un cycle de déstabilisation. Par Yves DUBOIS u moins 95 personnes ont été tuées et un millier d’autres blessées dans une série d’explosions à Bagdad, mercredi 19 août dernier. Ce mercredi noir, la zone verte hautement protégée a été secouée et la sécurité a été mise en échec. Le 25 août 2009, l’État islamique d’Irak (un groupe qui se réclame d’AlQaïda) a revendiqué les attentats. Mais le

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14 Arabies / Octobre 2009

jour même, Bagdad convoquait son ambassadeur à Damas, imputait les attentats à des membres de l’ex-parti Baas et exigeait l’extradition du leader de sa branche prosyrienne, Mohamed Younès al-Ahmad, et de Sattam Farhan, qui se trouveraient tous deux en Syrie. Le Premier ministre, Nouri al-Maliki, s’est empressé d’imputer ce cycle de violences aux baasistes et aux takfiris « proté-

gés par la Syrie ». Mais ses ministres brillent par leurs contradictions : celui de la Défense, Abdelkader al-Obeidi, accuse l’Iran et la Syrie à la fois, tandis que celui de l’Intérieur, Jawad al-Bolani, loue la coopération entre Téhéran et Damas ! De même, plusieurs personnalités chiites irakiennes accusent la Jordanie, l’Arabie Saoudite et la Turquie d’entretenir la violence à travers des frontières souvent


« poreuses ». Dans ce climat délétère, le général Mohamed Shahwani, chef des Renseignements irakiens (Inis) – et homme formé par des Américains au sein du système irakien reconstruit – jette l’éponge et démissionne. Il quitte le pays pour Londres, après avoir échoué à désigner les coupables. M. Shahwani aurait accusé les proIraniens, soutenus par le bataillon Al-Qods des Pasdarans, d’être derrière la dernière série d’attentats. Selon une source irakienne indépendante : « Le départ de M. Shahwani prive le pays d’une personnalité-clé dans la lutte contre le terrorisme interconfessionnel et contre l’infiltration iranienne. » Tout cela laisse à penser que, sans la protection américaine, les autorités irakiennes sont désormais vulnérables aux pressions, notamment celles de l’Iran. La crise entre Syrie et Irak pose certaines interrogations, non seulement à propos de

la véracité des accusations de M. Al-Maliki, Parmi les autres questions en suspens, mais aussi à propos de ses liens avec celle du statut de Kirkouk demeure entière. d’autres éléments et notamment dans le dia- Kurdes, Arabes et Turcomans se disputent logue syro-américain. En effet, en août der- toujours le contrôle de la riche cité pétronier, une délégation de hauts gradés améri- lière sur fond de rivalité ethnique. De cains a discuté à Damas la coopération l’issue de ce conflit territorial dépendra en sécuritaire en Irak. Ils ont fixé le 20 août grande partie l’avenir du pays entier. Les comme date d’une rencontre aux frontières, derniers développements dans la relation en présence de délégués irakiens. Mais entre le pouvoir central à Bagdad et le pouM. Al-Maliki, en visite à Damas le 18 août, voir autonome kurde ne sont pas encouraaurait refusé toute implication syrienne geants et ne laissent pas présager de soludans la sécurité irakienne, et tout rôle amé- tion. Les Arabes et les Turcomans de ricain négligeant la souveraineté irakienne. Kirkouk comptent sur le Parlement irakien Avec les attentats de Bagdad, la crise a pour supprimer l’article de la Constitution éclaté au grand jour car M. Al-Maliki qui prévoit l’organisation d’un référendum – désavoué dans ses accusations contre la sur l’avenir de cette province riche en Syrie par le président Talibani et par le pétrole du nord de l’Irak – et que le Kurdisvice-président Adel Abed al-Mahdi – jouait tan espère annexer. Pour leur part, les aussi son avenir personnel. Incapable de Kurdes, convaincus d’être majoritaires, s’opposer à Téhéran, il tente de rehausser tiennent à ce référendum. son crédit en s’en prenant à Damas. Les trois provinces formant le Kurdistan Recomposition du paysage politique. représentent 40 000 km 2, mais les forces Le compte à rebours lancé pour les élections kurdes, dans le sillage de la guerre de générales, au début de l’année prochaine, 2003, ont étendu leur présence sur explique en partie l’anarchie meurtrière et le 75 000 km 2 en prenant le contrôle d’une repositionnement politique. Plusieurs ques- partie des provinces de Kirkouk, Ninive et tions s’imposent : Washington n’offre-t-elle Diyala. En visite au Kurdistan, le 2 août dernier, pas l’Irak sur un plateau à l’Iran ? Téhéran exporte-t-elle sa crise interne vers l’Irak ou le Premier ministre irakien Nouri almaintient-elle un certain niveau de violence Maliki, avait affirmé prudemment : interposée ? La discorde sunnite/chiite éten- « L’article 140 est constitutionnel, mais le but est de trouver une due au Yémen redémarret-elle en Irak, son foyer Les incertitudes de la solution pour préserver intérêts des difféd’origine ? La Turquie période transitoire en les rentes composantes du accepte-t-elle le statu quo Irak provoquent une peuple dans le cadre de irakien ? La Syrie rappelle-t-elle à Washington fracture régionale et l’État irakien. » Riche en pétrole, ses offres de service en un retour de la terreur c e t t e p r o v i n c e d e Irak ? quelque 900 000 habiCet écheveau de pistes et d’intérêts mêlés ranime la flamme ira- tants compte plusieurs communautés se kienne. Le 24 août, Téhéran abandonnait disputant le pouvoir : les Kurdes, qui souofficiellement Nouri al-Maliki (et son parti haitent son rattachement au Kurdistan iraAl-Da’wa) en parrainant une nouvelle kien ; les Turcomans, qui se considèrent alliance chiite (surnommée « Alliance natio- comme ses habitants historiques ; les nale ») qui regroupe les Hakim, les Sadr, Assyro-Chaldéens (chrétiens) ou les Ahmad Chalabi et Ibrahim Jaafari. Il s’agit Arabes, souvent arrivés à l’occasion de la là d’assurer la promotion d’une relève aux politique d’arabisation forcée de Saddam dépens de M. Al-Maliki, jugé « aligné » sur Hussein. Les forces américaines déployées dans la Washington. Notons que cette alliance fut annoncée alors qu’Abdel Aziz al-Hakim province disputée de Kirkouk doivent y (chef de l’Asrii) vivait ses derniers jours rester au-delà de la date butoir, fixée à la dans un hôpital à Téhéran… Tout laisse sup- fin de 2011, pour le retrait américain poser que l’ancien Premier ministre Ibrahim d’Irak. La présence américaine joue un rôle al-Jaafari, ou le vice-président Abdel Mahdi dissuasif crucial dans cette province. Voilà (du parti de M. Al-Hakim), sera le nouveau qui donne un aperçu de la complexité du I jeu irakien, plus ouvert que jamais. cheval iranien sur lequel miser à Bagdad. Octobre 2009 / Arabies 15


AVOIR

POINT DE VUE

Regard sur l’économie tunisienne Éditorialiste économique

Par Florence KLEIN-BOURDON

’économie tunisienne peut se décrire avec des chiffres, mais ce qui ressort en premier lieu, c’est le dynamisme et l’esprit d’entreprise des habitants de ce pays. C’est pour cela que depuis des années la Tunisie a su attirer des investissements étrangers pour créer des partenariats. 2 800 sociétés étrangères ont investi ou créé des joint-ventures avec des partenaires locaux, grâce aux avantages en matière douanière et fiscale proposés par le Code d’incitation aux investissements. Le pays peut aussi compter sur ses chefs d’entreprises qui savent se mobiliser à travers le monde pour promouvoir l’économie de leur pays. La Tunisie fait partie des pays émergents et joue un rôle majeur en Méditerranée grâce à sa position géographique qui la place au centre des relations entre l’Occident, l’Orient et l’Afrique, et le pays entend affirmer ce rôle en développant des liens forts avec l’Union européenne. En juillet 1995, la Tunisie fut le premier pays du Sud à signer un accord d’association et de libreéchange avec l’Europe. La Tunisie a eu un taux de croissance moyen de 5 % par an depuis 1987, et le PNB par habitant s’établit à 4 294 dinars. La mission annuelle du Fonds monétaire international (FMI), achevée en juin 2009, a noté dans son rapport que, comme la plupart des économies mondiales, « le pays a connu un ralentissement de sa croissance au premier semestre, dû à la baisse des exportation. Mais, grâce à la résilience de ses recettes de tourisme, des transferts des travailleurs tunisiens à l’étranger et des entrées d’investissements directs étrangers, la position extérieure de la Tunisie demeure solide avec un niveau de réserves confortables avoisinant les 9 milliards de dollars à la fin de mai 2009 ». Le tourisme représente 6 % du PIB et 400 000 emplois avec 37,3 millions de nuitées enregistrées en 2007. Le pays continue à renforcer ses investissements en créant de nouvelles zones touristiques et en développant des activités particulières comme le thermalisme (balnéothérapie, mais aussi eau en bouteille) Les autres secteurs importants sont essentiellement tournés vers les exportations. En ce qui concerne le textile, face à la rude concurrence de la Chine, de la Turquie, de l’Inde et du Bangladesh, la Tunisie réussit à se différencier et à se diversifier, passant du statut d’usine de l’Europe à la production de textiles haut de gamme. L’ajustement n’était pas évident, mais le pays a su s’adapter. PEROUSSE BRUNO / PHOTOLIBRARY

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L’agriculture joue un rôle important avec un climat très favorable et un savoir-faire ancestral dans la production, notamment d’huile d’olive (171 000 tonnes), de dattes et de produits de la mer et la Tunisie a su également développer de nouveaux produits et de nouveaux marchés avec la culture et l’exportation de fruits lyophilisés et de fruits et de légumes surgelés. Évidemment la crise économique mondiale a provoqué une baisse des exportations, mais, dès la fin de 2008, les autorités tunisiennes ont mis en place un plan de relance visant à stimuler la demande intérieure pour compenser cette baisse. Ce plan devrait permettre, s’il se poursuit, une croissance du PIB de l’ordre de 3 % pour 2009 (FMI, juin 2209). Sans exportation massive de matières premières (4,7 millions de tonnes de pétrole et 2,9 millions de tonnes de gaz naturel), contrairement à ses voisins, la Tunisie a dû très tôt trouver d’autres créneaux de développement. Les nouvelles technologies jouent un rôle important et ouvrent une large place aux femmes, nombreuses à la tête d’entreprises de ce type. Les call-centers sont aussi une source d’emplois : on en trouve 216 répartis dans les villes tunisiennes. En ce qui concerne le secteur financier, la Tunisie, qui avait commencé sa politique d’assainissement du système bancaire, a été moins touchée par la crise que la plupart des pays. La Banque centrale encourage la libéralisation et les prises de participation étrangères. Le pays a pour objectif de se conformer aux accords de Bâle II en 2010, en améliorant la gestion des risques des institutions bancaires et en augmentant le taux de provisionnement (56,8 % en 2008). Le vecteur de ce développement se trouve dans l’attachement à l’éducation avec un taux de scolarisation élevé et une représentation féminine importante. Dans l’enseignement supérieur, les femmes représentent 59 % de l’effectif des étudiants. D’ailleurs la prestigieuse université Paris-Dauphine croit particulièrement dans le dynamisme tunisien en matière d’économie et exporte son savoir-faire pour la première fois à l’étranger. L’institut Tunis-Dauphine accueille les premiers étudiant dès le 5 octobre 2009. La Tunisie prouve que, dans un contexte difficile, elle parvient à maintenir le cap et à poursuivre les réformes structurelles avec pour objectif le développement de son commerce international. Ainsi, avec le retour de la croissance mondiale, la Tunisie pourra pleineI ment profiter de la reprise économique.



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Dans un rapport distribué le 28 août dernier, la BCT indiquait en effet que le volume des avoirs nets en devises a atteint 9,8 milliards de dollars – contre 8,14 milliards à la même période, en 2008. Ce montant correspond au financement des importations tunisiennes pour une période de 173 jours. La BCT a par ailleurs souligné que le taux d’inflation a certes baissé sur cette période, mais qu’il s’est ensuite stabilisé. Il s’établit désormais à 3,3 %, contre 5,5 % auparavant.

SYRIE Dépôts records

ALGÉRIE Crédits supprimés e gouvernement algérien n’a pas l’intention de revenir sur la décision d’interdire aux banques l’octroi de crédits à la consommation. C’est du reste ce qu’a affirmé le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui a souligné que son pays « continuera de défendre son économie face aux pressions étrangères ». Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia a également justifié la suppression des crédits liés à l’automobile par la nécessité de maîtriser l’endettement des ménages. Dans ce contexte, M. Djoudi a révélé que la valeur des voitures vendues l’année dernière est de 3,7 milliards de dollars. Une somme qui déstabilise les budgets des familles, nombre d’entre elles étant contraintes d’hypothéquer leurs salaires auprès des banques. C’est donc la fin des crédits à la consommation pour l’automobile, accordés aux particuliers par les filiales des banques étrangères présentes en Algérie. Avec un pouvoir d’achat qui ne cesse de dimi-

nuer en raison de la crise financière, les ménages algériens devront se rabattre sur le marché des voitures d’occasion. Mais les prix de ces dernières commencent déjà à flamber.

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TUNISIE Réserves consolidées

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es mesures économiques décidées par les autorités tunisiennes, au cours des

neuf premiers mois de 2009, ont permis de préserver la majorité des indices macroéconomiques. De plus, et selon la Banque centrale de Tunisie (BCT), le volume global des réserves en devises a considérablement augmenté, sur les six premiers mois de l’année, alors que le dinar a baissé face à l’euro et s’est stabilisé face au dollar.

’ouverture du secteur bancaire améliore de manière significative sa performance globale. Dans ce contexte, la Banque centrale de Syrie a récemment annoncé que la valeur globale des dépôts auprès des établissements locaux a atteint 1,1 trillion de l iv r e s s y r i e n n e s ( e nv i r o n 21,6 milliards de dollars), à la fin d’avril dernier. Les licences octroyées aux banques étrangères, y compris aux établissements islamiques, ont sans doute permis une forte augmentation de ces avoirs. La hausse considérable des investissements arabes, notamment en provenance des pays du Golfe, devrait consolider les positions de ces banques et dynamiser la Bourse de Damas – qui a rouvert ses portes, il y a moins d’un an, après trois décennies de fermeture. La politique de promotion de l’investissement et de l’épargne, initiée par le gouvernement local, devrait contribuer à l’augmentation des dépôts, d’ici à la fin de l’année. Dans ce cadre, les analystes financiers syriens estiment que le montant global des dépôts pourrait atteindre 25 milliards de dollars.

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un moteur essentiel à la croissance du pays. Mais l’élément le plus important à prendre en compte est le volume de l’offre, qui a dépassé celui de la demande de la majorité des produits. Ce phénomène s’explique par la baisse des prix sur les marchés internationaux. Cette situation a suffi pour inciter les commerçants et les banques à proposer des facilités supplémentaires aux consommateurs – soit à travers le crédit direct, soit à travers les différentes formules proposées par les établissements bancaires.

LIBYE Une Bourse étoffée ARABIE SAOUDITE Préserver l’économie a bonne performance économique, les politiques prudentielles adoptées et les réformes appliquées, ces dernières années, ont contribué à la sauvegarde de la finance saoudienne, malgré un contexte de crise. Cette situation a également permis d’enraciner la confiance des investisseurs, aussi bien locaux qu’étrangers. Dans son rapport sur l’avenir immédiat de l’économie saoudienne, The National Bank of Kuwait indique que le recul du taux de la croissance de 1,5 % (en tenant compte de l’inflation) est logique, compte tenu de la baisse des prix des hydrocarbures – principale source de revenus du Royaume. Ce recul sera compensé par les réussites enregistrées au niveau de la diversification des revenus, particulièrement après l’augmentation, certes relative, des exportations hors hydrocarbures. Parallèlement, dans son rapport transmis au roi Abdallah ben Abdelaziz au début de septembre dernier, la Saudi Arabian Monetary Authority

(Sama) a indiqué que, pour la sixième année consécutive, le PIB global a augmenté de 4,5 %. Le Royaume a de plus enregistré son plus fort excédent au niveau de la finance et de la balance de paiement.

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MAROC Augmentation du volume des crédits es banques marocaines ont augmenté le volume de leurs crédits en direction des classes moyennes et des

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foyers à revenus limités. Ces crédits ont atteint 75,5 milliards de dollars, à la fin du mois de juillet dernier. La principale raison du recul des banques sur la fermeté appliquée depuis le déclenchement de la crise est imputable à l’initiative du gouvernement d’Abbas el-Fassi, qui a justement mis en place des fonds de garantie pour ces crédits. Une initiative qui a minimisé les risques et incité les ménages à augmenter leur consommation,

a bourse de Tripoli accueille de plus en plus de sociétés. La dernière en date est la Société libyenne de fer et d’acier, une compagnie publique. Pour le président du Comité du marché financier, Soleïmane al-Choumi, la société s’apprête à vendre 10 % de son capital : une épreuve visant à mesurer l’attrait des investisseurs privés locaux envers l’une des compagnies possédant un volume d’avoirs important. En effet, cette entreprise – dont le capital est évalué à 5,2 milliards de dinars libyens (soit 4,2 milliards de dollars) – rejoindrait dix autres sociétés déjà introduites à la Bourse libyenne – opérationnelle depuis plus de deux ans. Selon Soleïmane al-Choumi, l’introduction de cette société de grande taille constitue un défi pour les autorités libyennes, y compris pour la Bourse des valeurs mobilières (BVM). Aucune date n’a néanmoins été fixée pour son entrée en bourse. De sources concordantes à Tripoli, on apprend que si cette introduction s’avère concluante, deux autres sociétés issues des télécoms, Al-Madar et Libyana, suivront.

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AVOIR

SOCIÉTÉS

Eni. Des ingénieurs et des cadres libyens suivent actuellement des sessions de formation et d’encadrement. La société italienne pourrait se tailler la part du lion lors du prochain appel d’offres, malgré l’annonce faite par la NOC d’une diversification de ses partenaires. Ce qui ne manque pas d’inquiéter les compagnies internationales qui ont soumissionné…

INVESTISSEMENT Diar et Vinci e fonds d’investissement, Qatari Diar, qui a mis la main sur le groupe français Cegelec, négocie la vente de ses parts avec le géant du BTP, Vinci. Ce dernier propose de lui échanger ces parts contre 31,5 millions d’actions du groupe. Si l’affaire se conclut, Qatari Diar deviendrait le premier actionnaire du groupe français de la construction, avec 5 % de participation, laquelle serait assortie d’un engagement de conservation des titres durant trois ans et la possibilité de monter jusqu’à 8 %. De plus, le fonds qatari disposerait d’un siège au Conseil d’administration et son représentant serait également membre du Comité de stratégie et d’investissement. Il reste maintenant à savoir pourquoi Vinci a annoncé son entrée en négociation « exclusive » avec un partenaire étranger, malgré les propositions de groupes français et européens. De sources concordantes à Paris, on apprend que deux raisons sont à l’origine de ce choix… Tout d’abord, les relations politico-économiques privilégiées qui règnent depuis plus de deux ans entre la France et le Qatar et le fait que les deux groupes soient déjà partenaires dans le Golfe. En effet, une entreprise commune a été créée entre Vinci et Qatari Diar pour répondre à l’appel d’offres sur le projet de pont géant reliant le Bahreïn au Qatar.

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L a compagnie nationale du Qatar, Qatar Airways, a décidé de renforcer son activité en lien avec le Maghreb, tout particulièrement avec la Tunisie. La compagnie qatarie a ainsi augmenté son nombre de vols à destination de Tunis, en passant désormais à cinq par semaine. L’actualité de la compagnie a été relativement chargée ces derniers temps. Outre son contentieux avec l’américain Boeing au sujet du retard de livraison du modèle Dreamliner, Qatar Airways a passé commande de 24 appareils Airbus A 320 à l’ouverture du salon du Bourget (juin 2009). Le montant de la transaction s’est élevé à 1,9 milliard de dollars, selon le président directeur-général de la société. Preuve de l’attrait de l’avionneur Airbus auprès de la compagnie, Qatar Airways s’est déjà positionnée sur le prochain modèle d’Airbus, l’A 350, qui sera pour sa part opérationnel dans le courant de l’année 2013.

dal. Alger a décidé d’injecter une somme importante pour garantir la couverture totale des investissements et des projets en cours. Cette décision fait partie des mesures du gouvernement de M. Ouyahia pour limiter, l’importation dans ce domaine et à faire face à d’éventuelles pénuries – comme ce fut le cas, il y a plus de trois mois. Cette décision a pour but de créer sept usines sur le plan national en rattachant l’institution Degromad au complexe de Saïdal. La proposition avait été présentée, en juin dernier, par le directeur général de Saïdal, Rachid Zegwani, dans le cadre de la présentation de la stratégie de la société. Parmi les objectifs, on retrouve l’extension des trois usines existantes. Saïdal prévoit ainsi la production de 703 millions d’unités de médicaments qui couvriront 57 % des besoins internes. Des centres de distribution seront ainsi créés dans les grandes villes du pays : Constantine, Tizi Ouzou, Ennaba, Chlef, Alger, Belabbas et Oran.

PHARMACIE Saïdal consolidée

ÉNERGIE Les plans de la NOC

e gouvernement algérien a, semble-t-il, l’intention de renforcer le fleuron de son industrie pharmaceutique, Saï-

a Libye accorde davantage d’importance à son secteur gazier – jusqu’ici inexploité. Elle a confié à la National

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Oil Company (NOC), dirigée par Chucri Ghanem, la préparation de plans permettant un attrait des géants internationaux dans ce domaine, mais aussi la participation via les Investissements directs nationaux. La nouveauté réside dans le fait que la NOC ne veut plus octroyer de licences d’exploration et de production aux petites compagnies susceptibles de rencontrer des problèmes financiers ou techniques. Avant le lancement de son dernier appel d’offres portant sur le secteur gazier, la NOC a commencé à importer les équipements nécessaires pour développer son industrie gazière, en collaboration avec son partenaire privilégié, le géant italien

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AVIATION Qatar Airways


MANAGERS

LIBYE Chucri Ghanem

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e président de la National Oil Company (NOC) était absent de la dernière

réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), tenue à Vienne, en septembre dernier. Les rumeurs qui ont circulé durant cette rencontre de l’Opep faisaient état de la démission que Chucri Ghanem a présentée au chef de l’État libyen, Mouammar Kadhafi, qui, dit-on à Tripoli, l’aurait refusée. Chucri Ghanem qui ne veut pas s’exprimer sur ce sujet, s’est contenté de prétexter un « empêchement familial ». Le secrétaire général de l’Opep, le Libyen Abdallah Salem al-Badri, conseiller du colonel Kadhafi pour les Affaires pétrolières, a apporté la même réponse à Arabies. Quant à Ali al-Saghir, directeur général de la NOC, qui a remplacé Chucri Ghanem à la réunion de Vienne, il s’est abstenu de répondre aux médias. À Tripoli, des sources concordantes affirment que les véritables raisons du geste de Chucri Ghanem ont pour origine le conflit qui l’a opposé à Moatassem Billah Kadhafi, patron du service de Sécurité nationale, qui « monte » actuellement au sein de l’establishment, et qui aurait imposé Ali al-Saghir au poste de directeur général de la NOC.

ALGÉRIE Djilali Mehri

ARABIE SAOUDITE Mohamed al-Jasser

LIBAN Salah Ezzeddine

omme d’affaires algérien vivant à Paris, Djilali Mehri, président de Sieha – entreprise créée avec le groupe Accor pour la réalisation des chaînes d’hôtels Novotel et Ibis en Algérie –, reconnaît que l’avancement des projets de son groupe est entravé par plusieurs obstacles dont la plupart sont d’ordre administratif. Il cite, à titre d’exemple, un projet de 600 millions de dollars à Madagh (entre Temouchent et Oran). Sieha attend toujours la réponse des autorités de ces wilayas pour mettre le travail sur les rails. Pourtant, l’investissement est bel et bien présent et les plans répondent aux normes définies. M. Mehri, qui a réalisé de nombreux projets touristiques dans sa région de Wade, s’est beaucoup battu pour voir l’inauguration du premier hôtel de la chaîne Ibis en Algérie, au début

ors de la présentation du 45 e rapport annuel au roi Abdallah ben Abdelaziz, Mohamed al-Jasser, le gouverneur de la Saudi Arab Monetary Authority (Sama), a indiqué que le Royaume a réalisé le plus grand excédent de son histoire,

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’homme d’affaires Salah Ezzeddine, qui gérait les investissements de centaines des Libanais (particuliers comme sociétés), vient de faire faillite, laissant derrière lui des « ardoises » estimées par le tribunal en charge de l’enquête à

aux plans des finances publiques et de la balance des paiements. Pour la sixième année consécutive, cet excédent représente 33 % du PIB global, tandis que celui de la balance des paiements se situe aux alentours de 28,6 %. Mohamed al-Jasser a insisté sur le renforcement du rôle du secteur privé, qui a progressé de 4,7 % en 2008. Le gouverneur de la Sama a également déclaré que, malgré les réserves en devises suffisantes pour faire face aux fluctuations du marché des hydrocarbures, l’Arabie Saoudite devra poursuivre sa politique de diversification des ressources et réduire sa dépendance au pétrole, qui demeure une considérable source de revenus. M. Al-Jasser a souligné que le secteur bancaire avait réussi à jouer son rôle, en dépit des effets de la crise financière internationale. Ce secteur a en effet permis le financement nécessaire des activités économiques des sociétés autant que des particuliers.

un peu plus de 500 millions de dollars. Un montant qui est tout de même assez éloigné du chiffre avancé par les médias locaux : 1,5 milliard de dollars. Salah Ezzeddine avait su gagner, au fil du temps, la confiance des déposants de la région du Sud Liban (dont il est issu) et celle des immigrés libanais chiites, notamment en Afrique. Ce qui lui a permis de devenir un « pôle d’attractions » pour les hommes d’affaires et certains grands investisseurs. À Beyrouth, on laisse entendre qu’il compte comme clients des associations caritatives et des députés du Sud Liban. La chute de ce petit empire a permis de dévoiler les activités risquées conduites par celui que l’on surnomme désormais le « Madoff libanais ». Outre le pétrole et les devises, Salah Ezzeddine spéculait en effet sur les pierres précieuses et l’or. Géographiquement, son activité allait des États africains jusqu’aux pays musulmans de l’ex-Union soviétique.

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de 2009. Les autres ouvertures sont prévues pour 2010 dans les villes d’Oran, de Constantine et de Tlemcen. En dépit des rendez-vous fixés, Djilali Mehri demeure sceptique. Ses proches affirment que si les obstacles demeurent, il s’adressera directement au président Abdelaziz Bouteflika pour mettre fin à ces difficultés injustifiables.

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L’annonce d’un changement Pour rééquilibrer la balance commerciale, M. Ouyahia remet de l’ordre dans l’économie. Parviendra-t-il à maintenir le cap, entre résistances internes et pressions internationales ? Par Mourad SAOULI ès son retour à la tête du gouvernement algérien, en juin 2008, Ahmed Ouyahia a affiché clairement son intention de remettre de l’ordre dans les affaires économiques du pays. L’homme occupe le poste pour la troisième fois. En bon commis de l’État, il a toujours

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gardé un œil attentif sur les dossiers sensibles. Après un rapide état des lieux, il n’a pas hésité à tirer à boulets rouges sur son prédécesseur : un fait rarissime en Algérie. Dérogeant à l’obligation de solidarité qu’impose l’Alliance présidentielle, à laquelle appartiennent les deux hommes, M. Ouyahia a accusé publiquement Abdela-

ziz Belkhadem d’avoir « bradé l’économie du pays » et « délaissé le secteur public ». Il ne s’agissait vraisemblablement pas d’une simple course au leadership entre les deux poids lourds de l’Alliance présidentielle, mais bien d’un affrontement entre deux conceptions opposées au sein du même système. Pour mieux se démar-


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quer de la politique adoptée par M. Belkhadem et en l’absence de remaniement ministériel (c’est toujours le cas), le nouveau patron de l’Exécutif a voulu imprimer sa propre vision. Il a ainsi désavoué ouvertement son ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, qu’il a accusé de « tromperie ». Ce n’est pas un hasard si M. Ouyahia a visé celui qui incarne le plus l’option libérale au sein de l’équipe gouvernementale. Les décisions qu’il prendra dans la foulée vont confirmer sa volonté de rompre brutalement avec la politique d’ouverture tous azimuts : recapitalisation des banques publiques, incessibilité du foncier industriel (propriété de l’État), abandon des projets de privatisation du Crédit populaire d’Algérie et d’Algérie Télécom, durcissement des conditions d’investissement pour les sociétés étrangères. Enfin, et c’est là que le changement de cap prend tout son sens, M. Ouyahia a décidé de réhabiliter les sociétés étatiques en privilégiant le partenariat entre le public et le privé. Il prévoit ainsi de créer, à court terme, treize grands groupes publics dans des secteurs aussi stratégiques que la pétrochimie, l’industrie mécanique, la pharmacie, l’électronique ou encore l’agroalimentaire. S’ils voient le jour, ces « treize champions industriels » seront le fer de lance du redéploiement industriel envisagé. Volet économique. Pour les tenants de la ligne libérale, ce changement radical a été perçu comme un abandon (au moins partiel) de la politique d’ouverture dans laquelle s’est inscrite l’Algérie, il y a déjà quelques années. M. Ouyahia apparaît comme porteur d’une mission. Qui l’aurait mandaté ? Les décisions du Premier ministre lui ont-elles été dictées par le président lors de sa nomination ? Rien n’a filtré sur la feuille de route qui lui a été remise à cette occasion, pas plus que sur les raisons qui ont poussé au changement de la tête de l’Exécutif. En revanche, M. Ouyahia s’est engouffré dans la brèche ouverte par le président lui-même, le 26 juillet 2008, à l’occasion de la Conférence des maires. En abordant le volet économique, M. Bouteflika a fait un véritable aveu d’échec : « Nous nous sommes trompés. Nous nous sommes rendu compte que nous

La prospérité algérienne sera aléatoire tant qu’elle dépendra des cours du pétrole et de la valeur du dollar avons fait fausse route. En matière de politique de privatisation et d’investissement, nous nous sommes cassés le nez ! », a-t-il martelé devant une assemblée médusée. Avant de poursuivre sur un ton plus solennel : « J’espère que j’ai été très clair ! Je ne vise personne, c’est une autocritique. Il est vrai que nous avons traversé une période difficile et que nous étions toujours obligés d’emprunter ces sentiers. Mais il faut bien l’avouer, aujourd’hui, ceux qui nous abreuvaient de leurs ordonnances et de leurs fetwas nous ont trompés. Le partenariat et la privatisation, ce n’est pas la même chose… Nous nous rendons compte que nous avons fait fausse route ! D’autres nous diront que c’est la mondialisation. Non ! Cette politique n’est conforme ni à nos ambitions, ni à notre histoire, ni aux vœux de notre peuple. » Les déclarations du président sont interveLE PRODUIT DE… Les importations de l’Algérie ont rencontré un véritable succès puisqu’elles ont augmenté de…

nues à un mois du retour de M. Ouyahia aux commandes du pays. Même s’il s’est montré assez confiant peu après sa nomination quant aux répercussions de la crise financière sur l’Algérie, M. Ouyahia a toutefois alerté le pays sur les risques possibles, à moyen terme. Bien qu’elle ne soit pas directement connectée au système financier mondial, l’économie algérienne n’est sûrement pas à l’abri de la crise qui sévit aux quatre coins du monde. Les bonnes performances financières de ces dernières années doivent être relativisées, en raison du poids de la rente pétrolière sur l’économie – qui représente 98 % des recettes d’exportation (contre 69 %, en 1970). La prospérité de l’Algérie demeurera aléatoire, tant qu’elle sera conditionnée par deux facteurs dont elle n’a pas le contrôle : la fluctuation du dollar et celle des cours du baril de pétrole. ¯ … L’IMPORTATION … 10 %, à hauteur de 9,42 milliards de dollars, au cours des trois premiers mois de l’exercice 2009 Octobre 2009 / Arabies 25


ALGÉRIE/FINANCES

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AVOIR

Les décisions récemment prises par le gouvernement dans le cadre de la Loi de finances complémentaire (LFC) pour 2009 sont intervenues dans un contexte marqué par un net recul des recettes pétrolières. Lesquelles devraient s’établir à 40 milliards de dollars à la fin de l’exercice 2009, selon les prévisions du ministre de l’Énergie, Chakib Khelil. En 2008, elles se sont établies à 75 milliards de dollars. Parallèlement, la courbe des importations n’a cessé de croître. Pour les trois premiers mois de l’année 2009, elle culminait à 9,42 milliards de dollars, soit une augmentation de 10,07 %, comparé au premier trimestre de 2008. L’année dernière, elle a atteint le pic historique de 39 milliards de dollars. Face au déséquilibre de la balance commerciale, M. Ouyahia avait donc le choix entre laisser la situation se dégrader ou MOUVEMENTS… La nouvelle législation financière de l’Algérie oblige les importateurs à recourir au Credoc afin de limiter… 26 Arabies / Octobre 2009

mettre des garde-fous pour prévenir des dégâts plus importants. Il a choisi la deuxième solution et s’est fixé pour objectif de réduire d’au moins 5 % le volume des importations pour l’année en cours. Garantie de transparence. Parmi les changements importants introduits par la LFC 2009, l’obligation pour les importateurs de recourir au Crédit documentaire (Credoc) comme unique moyen de paiement figure en bonne place. Cette mesure est décriée par les opérateurs algériens, qui la jugent trop lourde pour leur trésorerie et craignent d’être pénalisés par la lenteur des transactions bancaires. À l’inverse, pour les initiateurs de la loi, ce moyen de paiement constitue une garantie de transparence et assure une meilleure traçabilité des opérations commerciales et bancaires. Il est évident que les importateurs qui ne disposent pas d’une surface financière suf… DE FONDS … les transferts abusifs de capitaux, comme en Espagne, où un trafic de 900 millions d’euros a pu être démantelé

fisante seront appelés à disparaître. C’est peut-être l’occasion pour les pouvoirs publics d’assainir ce secteur gangréné par toutes sortes « d’aventuriers » et de redonner ainsi plus de crédibilité à la profession. Contrairement au transfert libre, la traçabilité du Credoc va permettre de freiner l’importation des produits contrefaits et les transferts abusifs de capitaux. Ces derniers étant devenus un véritable fléau. Récemment, les services espagnols de renseignement financier ont alerté leurs homologues algériens de l’existence de mouvements de fonds suspects entre les deux pays. Les montants déclarés à la douane espagnole seraient de 900 millions d’euros. Selon l’enquête préliminaire, ce trafic était organisé par des hommes d’affaires, des importateurs et des commerçants qui agissant par le biais de passeurs. Une fois en Espagne, cet argent était investi dans l’immobilier ou dans le commerce. Cette affaire est loin de révéler l’ampleur de la fuite des capitaux, devenue un véritable « sport national ». Mais ce type de dérive ne doit pas occulter les milliers d’entrepreneurs du secteur privé qui portent à bout de bras l’économie algérienne et qui souffrent autant des tracasseries bureaucratiques que du manque


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d’infrastructures et de services adaptés à leurs métiers. Le gouvernement aurait été bien inspiré de lancer une concertation préalable avec les acteurs économiques crédibles, plutôt que de leur imposer les décisions « par le haut ». Certaines incohérences auraient pu être évitées, comme celle des sociétés bénéficiant de crédits fournisseurs – et qui devront maintenant payer leurs marchandises à l’avance. Même constat pour la suppression de la procuration dans les opérations de domiciliation bancaire des importations, qui oblige le chef d’entreprise à accomplir lui-même les formalités alors qu’elles peuvent être déléguées à un prestataire de service. Sans remettre en cause l’esprit des nouvelles dispositions, le gouvernement gagnerait à lever les obstacles qui menacent la survie de l’entreprise privée. En mettant la barre trop haut, M. Ouyahia s’est gardé une marge au cas où il devrait entamer des négociations avec le patronat, en vue d’arriver à un consensus qu’apparemment il n’exclut pas. Préemption et législation. Pour leur part, les sociétés étrangères ont désormais l’obligation de s’associer à un partenaire algérien à hauteur de 51 % pour les investissements productifs et de 30 % pour l’importation et la revente en l’état. Elles devront également recourir aux financements locaux pour leur fonctionnement. La LFC 2009 instaure également le droit de préemption en faveur de l’État et des entreprises publiques sur les cessions d’actions par des porteurs étrangers ou au profit de ces derniers. Cette disposition vient combler le vide juridique qui a permis à Orascom de céder ses deux cimenteries au français Lafarge pour 8,8 milliards d’euros, en réalisant une plus-value de 1,5 milliard de dollars. Informées après la transaction, les autorités algériennes ont déploré le manque de loyauté du groupe égyptien, d’autant que ce dernier a largement bénéficié d’aides de l’État et de financements locaux. Après la vague de protestation qui a suivie la promulgation de la LCF 2009, les groupes étrangers n’ont pas quitté l’Algérie – alors que la rumeur le laissait entendre. Le fait que la loi ne soit pas rétroactive a contribué à apaiser les esprits. À l’exception de quelques cas qui ont reconsidéré leurs projets d’investissement, à

Les sociétés étrangères ont désormais l’obligation de s’associer à un partenaire algérien à hauteur de 51 % l’exemple de la société tunisienne GIF Filter qui a renoncé à la construction d’une usine, la majorité des sociétés étrangères affirme pouvoir finalement s’adapter à la nouvelle réglementation. Après avoir abandonné l’idée d’investir dans la construction d’une cimenterie à Constantine, le cimentier Lafarge a entamé des négociations avec la Sonatrach pour le lancement de plusieurs projets à travers le pays. Enfin, les groupes étrangers qui envisageaient de s’installer prochainement en Algérie n’ont pas tous renoncé à leur projet. Le meilleur exemple étant celui du géant français de l’assurance Axa, qui vient de réitérer son désir de travailler en Algérie malgré le durcissement des condi-

tions d’investissement. Pour Axa, le marché algérien est toujours attractif. L’autre changement notable concerne l’interdiction des crédits à la consommation, à l’exception du crédit immobilier. Le gouvernement entend ainsi protéger les ménages algériens du surendettement. Le risque est réel, surtout que le pouvoir d’achat de la majorité des Algériens est en baisse. En réalité, cette interdiction touche plus particulièrement le secteur de l’automobile, qui, à lui seul, a capté 80 % des crédits à la consommation accordés par les banques, en 2008. Les retombées sur l’activité des concessionnaires n’ont pas tardé. Le marché des véhicules de tourisme a reculé ¯ Octobre 2009 / Arabies 27


ALGÉRIE/FINANCES

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Les pressions sur Alger vont s’accentuer lors des prochains rounds de négociation pour adhérer à l’OMC de 22,6 %, au cours de juillet 2009. Si l’interdiction faite aux particuliers d’importer des véhicules de moins de trois ans est levée, les concessionnaires devront investir… ou disparaître. Il faut dire que, jusqu’à présent, ils ont eu la part belle, se contentant de faire de la revente sur un marché où la demande et très forte. À l’instar de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), certains pays ont émis de vives critiques sur les changements engagés en Algérie. Cette attitude est pour le moins paradoxale. Elle intervient au moment où ces mêmes pays, chantres du capitalisme, dérogent à leurs propres principes en protégeant leurs économies et en injectant des fonds publics dans les banques et entreprises privées pour leur éviter la banqueroute. Les pressions exercées sur l’Algérie vont probablement s’accentuer lors des prochains rounds de négociation, en vue 28 Arabies / Octobre 2009

de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC. Elles visent à pousser le gouvernement annuler tout ou partie des nouvelles dispositions. Sauf que M. Ouyahia ne l’entend pas de cette oreille. « Nous ne ferons pas marche arrière », a-t-il déclaré au début du mois de septembre 2009, à l’occasion de l’ouverture de la session d’automne du Parlement. Les intérêts des Algériens. Avec cette ingérence dans les affaires algériennes, un nouveau front est ouvert. La tension avec la France est à son comble, en raison des répercutions des nouvelles mesures sur les entreprises françaises, plus particulièrement sur le port de Marseille. Selon Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État au Commerce, 35 à 40 % du trafic à partir de ce port est destiné à l’Algérie et le chiffre d’affaires de certaines sociétés dépend à 75 % de ces exportations. La réponse de M. Ouyahia est tombée comme

un couperet : « Ce qui nous intéresse, ce sont les intérêts des Algériens et non ceux des autres. » Il est trop tôt pour évaluer toutes les répercussions de ce changement de cap qui, sans aucun doute, sera renforcé par le projet de la Loi de finances pour l’année 2010 – actuellement à l’étude. Comme à son habitude, M. Ouyahia prendra tous les risques, y compris celui de servir de fusible si la situation se gâte. En dehors de petits aménagements qu’il pourra concéder, il n’a pas l’intention de reculer sur l’essentiel. Mais le vrai défi pour l’Algérie se trouve ailleurs. Le pays doit s’affranchir du « cauchemar » de la rente pétrolière, mettre fin à l’économie de bazar en empêchant l’importation de produits parasites et encourager une production locale tournée à la fois vers les besoins du citoyen et l’exportation. Le Premier ministre Ouyahia saura-t-il mettre l’Algérie sur cette voie ? Les mois à venir apporteront une I première réponse.



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L’argent par les fenêtres… Les enquêtes sur les scandales liés aux empires financiers de la famille saoudienne Al-Gosaibi et de l’homme d’affaires koweïtien Maân al-Saneh n’ont pas dévoilé les tenants et les aboutissants de cette histoire. Mais l’affaire secoue le marché financier saoudien et ceux des pays du Golfe… Par Pierre FAUCHART

L

e dernier rebondissement de l’épineuse affaire de la famille Al-Gosaibi est la position de la banque centrale, la Saudi Arabian Monetary Authority (Sama), qui,

30 Arabies / Octobre 2009

par la voix de son gouverneur, Mohamed al-Jasser, affirme : « Il n’est pas question de racheter les avoirs en difficulté des sociétés endettées, comme les groupes Saâd et Ahmed Hamad al-Gosaibi & Bro-

thers. » Les deux sociétés mènent aujourd’hui des batailles juridiques auprès des tribunaux américains, après une chute financière. La baisse de la valeur de leurs avoirs pourrait être de 22 milliards de dollars et


aura sans doute des répercussions négatives sur quelque 120 banques dans le monde. Tout a éclaté lorsque, à la fin du mois de mai 2009, la Banque centrale a gelé les comptes du milliardaire koweïtien Maân al-Saneh, P-DG du groupe Saâd. La famille Al-Gosaibi accuse M. Al-Saneh d’une escroquerie d’un montant de 10 milliards de dollars. Des banques internationales comme Citigroup et BNP Paribas ont alors déjà entamé des procédures. Les débuts. L’histoire a commencé avec Maân al-Saneh (né en 1955), fils du commerçant koweïtien Abdel Wahed. Il a fait ses études aux États-Unis avant de revenir chez lui pour rejoindre l’armée de l’Air en tant que pilote. Pour des raisons inconnues, il a fui avec son avion en Arabie Saoudite, où il a demandé asile. Il s’est installé dans l’Est du Royaume, au début des années 1980. Il s’y est marié à Sana’a, fille d’Abdelaziz al-Gosaibi, abandonnant sa nationalité koweïtienne pour devenir citoyen saoudien. La famille Al-Gosaibi a pour sa part commencé ses activités commerciales dans les années 1940, à travers son doyen Hamad. Ce dernier était à l’époque un des plus important hommes d’affaires de l’Est du pays. À tel point que l’on a donné son nom à la salle « Al-Nakhil », au sein de la chambre de commerce et d’industrie de la région – la troisième du pays, après celles de Riyad et de Djeddah. Il faisait alors partie des hommes d’affaires que le gouverneur de l’époque, M. Saoud ben Jalawy, consultait régulièrement Hamad al-Gosaibi a été, à deux reprises, président du conseil d’administration de

l’institution. En plus de son activité boursière, la famille a créé, en partenariat avec Aramco, une société de distribution d’hydrocarbures (des stations-service). Par la suite, elle s’est engagée dans le domaine de la vente de pièces de rechange automobiles. Au milieu des années 1950, elle a inauguré la première usine Pepsi d’Arabie Saoudite. Son principal client était alors la société Aramco. Cela a permis de tisser de bonnes relations avec la direction de cette dernière et de devenir son principal four-

– aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Il a de plus créé un réseau d’affaires allant du shipping (prestation dans le domaine du transport) à l’assurance, des agences de voyages à la représentation locale de Pakistan Airways. Abdelaziz a présidé le groupe en lui donnant le nom du père fondateur (et en mettant en évidence le rôle de ses frères), tout en gardant le siège de la société à Khubar. Il a occupé le poste de P-DG de la Saudi American Bank (Samba), pour plu-

M. Al-Saneh a été accusé par la famille Al-Gosaibi d’une escroquerie de 10 milliards de dollars nisseur, notamment dans le domaine des pipelines, des générateurs et des pneus. Abdelaziz al-Gosaibi, né à Jubaïl en 1921, était le « cerveau » de la famille, après le décès de son père. Il a commencé son parcours comme comptable au port d’Al-Koubar… Il a rejoint son père quelques années plus tard, pour créer une usine Pepsi. Il a décroché ensuite la représentation exclusive des machines Blaxton, vendues au ministère saoudien de l’Agriculture. Un bon départ pour construire un hôtel cinq étoiles à Khubar et regagner le monde de la banque et des investissements UNE HISTOIRE… La famille Al-Gosaibi a commencé ses activités commerciales au cours des années 1940 avant d’inaugurer…

sieurs sessions consécutives. Il a également joué un rôle important dans la fusion avec la banque United Saudi. Il a présidé d’autres établissements comme la Société saoudienne de ciment, la chambre de commerce et d’industrie de l’Est et la Société d’électricité de cette même région. Il était aussi un des fondateurs de l’Union des assurances du Golfe. Sana’a, fille d’Abdelaziz al-Gosaibi, et épouse de Maân al-Saneh, exerce dans les associations de bienfaisance. Elle est d’ailleurs la vice-présidente de l’association Fatate al-Khalije (Fille du Golfe), ¯ … DE FAMILLE … une usine Pepsi, une dizaine d’années plus tard, et de prospérer dans le secteur de l’automobile Octobre 2009 / Arabies 31


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La société Al-Gosaibi indique que M. Al-Saneh a falsifié quelque 400 documents pour obtenir des prêts présidée par la princesse Jaouaher, fille du prince Nayef ben Abdelaziz – ministre saoudien de l’Intérieur. L’itinéraire de Maân al-Saneh est pour sa part passionnant. Après s’être installé en Arabie Saoudite, il regagna le département boursier du groupe Al-Gosaibi, où il prouva rapidement ses compétences – ce qui a attiré l’attention d’Abdelaziz. Il a ainsi grimpé les échelons jusqu’à participer à la gestion du groupe, avec son beauUNE POIGNÉE … L’un des plus gros coups de Maân el-Saneh a été le rachat de 360 millions d’actions du groupe bancaire… 32 Arabies / Octobre 2009

père. Il est connu pour être un rude négociateur, très intelligent et n’aimant pas les médias. Cependant, il ne cache pas sa fortune. Il est un collectionneur d’objets d’arts, notamment islamiques. Il a récemment fait des dons importants pour l’implantation de soixante reins en faveur de malades en attente. Son sérieux et sa fidélité ont incité la famille Al-Gosaibi à l’adopter. Abdelaziz l’a ainsi aidé à créer le groupe Saâd. Mais il a tout de même … DE DOLLARS … britannique Hongkong and Shangai Banking Corporation (HSBC), pour quelque 6,6 milliards de dollars

gardé ses fonctions au sein du groupe AlGosaibi après le décès d’Abdelaziz, en mai 2002, et l’arrivée de son frère Soleïman aux commandes. Rachat partiel d’HSBC. Du temps de son beau-père, il avait créé la société Saâd pour la sous-traitance et les services financiers, à Khubar. Cette société mère donna naissance à plusieurs filiales dont la Société Saâd pour le voyage et le tourisme (1984), le complexe de logements AlWaha, les écoles nationales Saâd, l’hôpital Saâd (2001) et la société du même nom pour la technologie de l’information (2006). Il a également construit une mosquée qui porte son nom, à Dahran. À la mort d’Abdelaziz al-Gosaibi, la femme d’Al-Saneh a hérité d’une somme colossale qui s’est ajoutée aux avoirs de son mari qui, en 2007, rachèta 360 millions d’actions d’une des plus grandes banques britanniques, HSBC, pour 6,6 milliards de dollars.


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Il est fort probable que les difficultés du groupe Saâd aient commencé lorsque ce dernier a annoncé qu’il tentait de lever 5 milliards de dollars sur les marchés pour financer le rachat des actions d’HSBC et le remboursement de ses dettes. À la fin de l’année 2008, les avoirs de la société s’élevaient à 30 milliards de dollars alors que les dettes du groupe Al-Gosaibi avoisinaient 35 milliards. En mai 2009, des rumeurs ont affirmé que les autorités saoudiennes avaient arrêté Maân al-Saneh. Rumeurs rapidement démenties, mais le mal était fait. Une semaine plus tard, l’agence internationale de notation des risques Standard & Poor’s avait abaissé son évaluation concernant le groupe Saâd, ce dernier se trouvant dans l’incapacité de régler une partie de ses dettes envers la Deutsche Bank. La descente aux enfers a alors commencé. Tous les créanciers, banques et institutions financières, se sont manifestés pour demander de l’argent à Maân al-Saneh. Un comité a été formé par des banques arabes et occidentales du Golfe pour négocier avec le groupe Al-Gosaibi. Un endettement personnel. Ce dernier a déclaré qu’il n’était pas au courant de cette dette d’International Bank Corporation (gérée par Maân al-Saneh, qui possède 25 % des actions), la famille AlGosaibi n’intervenant pas dans la gestion de l’établissement. Le gendre aurait donc escroqué ladite famille. Au même moment, il s’est avéré que M. Al-Saneh était endetté personnellement envers 37 parties, dont BNP Paribas, Citigroup, Arab Bank Ltd, le groupe financier Samba, Abu Dhabi Commercial Bank et Bank Muscat (sultanat d’Oman). Dans ce contexte, la Sama (qui suivait de près l’évolution de cette affaire) a, le 8 mai dernier, adressé une note à toutes les banques locales. Le document demandait de geler tous les avoirs et comptes de Maân al-Saneh, ainsi que ceux de sa femme et de quatre de leurs enfants. M. Al-Saneh a rapidement riposté en expliquant que la crise a contribué à mettre plusieurs grands groupes en difficulté. Ce qui a engendré une baisse soudaine des facilités offertes à son groupe, de la part des banques régionales et internationales. Au début de juillet dernier, le groupe Ahmed Hamad al-Gosaibi & Brothers a intenté un procès contre M. Al-Saneh pour avoir détourné plus de 10 milliards de dol-

lars. Le groupe a affirmé avoir découvert environ 400 documents falsifiés que M. AlSaleh aurait utilisés pour obtenir des prêts au nom de la famille Al-Gosaibi. Action qui n’a cependant pas évité à cette dernière les demandes de règlement de créances, provenant des différentes banques. La majorité des questions posées par Arabies aux banques et aux institutions financières en litige avec les groupes Saâd et AlQosaibi ont reçu des réponses floues… voire pas de réponse du tout ! La banque HSBC, dont M. Al-Saneh est un des plus gros actionnaires, indique que l’activité de sa holding (au sein d’HSBC) se trouve audessous des normes de risque – de 3 %.

En dépit de ces tiraillements, il semble qu’une issue se profile. Le 18 septembre dernier, un comité gouvernemental saoudien a été créé pour trouver un accord entre le groupe Saâd et les banques locales créancières. Le lendemain, la télévision saoudienne a annoncé que le groupe avait trouvé une formule pour régler les dettes envers les établissements financiers locaux. M. Al-Saneh a également fait savoir que sa société mène actuellement la restructuration de ses dettes évaluées à 22 milliards de dollars. D’autre part, Saoud al-Gosaibi, membre délégué du groupe Al-Gosaibi, a annoncé qu’il n’a pas vendu ses parts, malI gré un grand besoin de liquidités. Octobre 2009 / Arabies 33


LIBAN

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Les défis du gouvernement Ses indices économiques soutiennent la croissance et ses avoirs dépassent 100 milliards de dollars… Mais le Liban demeure confronté à une dette exorbitante, qui constitue une bombe à retardement. Par Samir SOBH, Beyrouth e flou qui entoure la situation politique à la veille de la formation du nouveau gouvernement de Saâd Hariri, actuel chef de la majorité, relègue la situation financière du pays au deuxième plan. Poli-

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34 Arabies / Octobre 2009

tiques, économistes et banquiers répètent quotidiennement que le taux de croissance national atteindra 6 %, à la fin de 2009. Ces prévisions recoupent celles de la Banque du Liban. Dans les milieux financiers du pays du Cèdre, on indique que la

balance des paiements a enregistré un excédent cumulé de 2,1 milliards de dollars, au premier semestre de 2009 – contre seulement 83 millions de dollars, au cours de la même période en 2008. Quant au déficit budgétaire du pays, il est d’environ


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4 milliards. Cet excédent serait dû à la hausse significative des avoirs du secteur bancaire – en hausse de 17,2 %, à 104 milliards de dollars. Les spécialistes estiment que le secteur se trouve aujourd’hui renforcé. En atteste le transfert de 51 % des dépôts de la monnaie américaine à la livre libanaise : un mouvement qui consolide la confiance accordée à la monnaie nationale. Parallèlement, plusieurs facteurs ont contribué à cette performance économique, bien qu’elle soit relative. Parmi ces éléments, citons les autorisations accordées dans le domaine de la construction immobilière, qui a enregistré des chiffres records avec 6,3 millions de m 2 – ce qui représente une augmentation de 23 % comparé au premier semestre de 2008. Un autre indice important qui influe directement sur la croissance est le tourisme. Le nombre de visiteurs devrait ainsi être supérieur à 2 millions de personnes, à la fin du mois de décembre 2009. Autre signe de croissance : l’augmentation de 48 % du nombre de voitures importées, depuis le début de l’année et jusqu’à la fin du mois de juillet. Cette hausse devrait permettre une augmentation des recettes de l’État de plus de 30 %. D e s i n d i c e s p o s i t i f s . L’indice de confiance des consommateurs demeure à un bon niveau, à 64,4 points, alors qu’il a reculé de 72 à 50 points dans la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena). Mais ces indices positifs, dont on peut suppposer qu’ils sont à même de renforcer le PIB (pour atteindre 32 milliards de dollars), n’auront que des répercussions provisoires tant que la stabilité politique interne ne sera pas davantage affirmée. Cette incertitude constante a d’ailleurs constitué le talon d’Achille de l’économie libanaise, tou au long de ces cinq dernières années. Quoi qu’il en soit, et en dépit de nombre d’analystes, le Liban et son futur gouvernement sont désormais confrontés à une situation complexe, liée au poids de la dette publique. Laquelle pourrait atteindre, selon les institutions financières internationales, 58 milliards à la fin de 2009. Ce qui représente environ 215 % du PIB global – signifiant ainsi que l’Exécutif du pays du Cèdre sera dans l’incapacité de faire face. Et que le gouvernement n’aura, tout comme ceux qui l’ont précédé, que des promesses « à offrir » pour atténuer les

Les analyses démontrent que le taux de croissance du Liban atteindra quelque 6 % à la fin de l’exercice 2009 protestations – certaines se profilent d’ores et déjà. La majorité et l’opposition – qui doivent en principe former un gouvernement d’union nationale – se retrouvent ainsi dans le même bateau. En effet, le poids de la dette est devenu beaucoup trop lourd, eu égard aux moyens de toutes les parties au pouvoir. Une situation qui diminue l’influence du Liban face aux forces régionales et internationales – surtout en ce qui concerne les compromis politiques qui se mettent actuellement en place. Les experts financiers, qui ont suivi la situation des pays émergents en période de crise, ont publié des prévisions négatives concernant le Liban. Ils critiquent vivement la confiance excessive émanant des responsables politiques et économiques locaux. Ils n’avaient pas prévu la hausse CONFIANCE… L’indice de confiance des consommateurs au Liban demeure à un assez bon niveau, qui est de 64,4 points, alors que…

des dépôts auprès des banques locales – de 30 à 100 milliards de dollars – alors que, pendant ce temps, le pays demeure confronté à des troubles politiques et sécuritaires. Il s’agit d’un phénomène qui laisse à penser que le pays est capable de contourner toutes les thèses financières traditionnelles. La Banque centrale voit dans ces dépôts une occasion d’augmenter ses réserves. Le problème, c’est que les banques locales n’ont plus la souplesse d’autrefois qui leur permettait d’investir davantage. C’est ce qui a incité le ministère des Finances à mettre sur le marché des bons du Trésor pour une valeur de 2 500 livres libanaises – un montant qui dépasse les besoins de financement –, simplement pour aider les banques à absorber les liquidités. ¯ … RELATIVE … dans la zone englobant le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, il a reculé pour passer de 72 à 50 points Octobre 2009 / Arabies 35


LIBAN

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Sur les 7,4 milliards de dollars de dons promis lors de la conférence Paris III, 1 milliard a été octroyé au Liban Il reste désormais à savoir si le gouvernement sera capable de profiter des avantages financiers acquis par les établissements bancaires. Le volume des dépôts est au plus haut et dépasse les besoins en crédit du secteur privé. La Banque centrale possède pour sa part des réserves en devises, ce qui la rend plus solide pour prendre les mesures adéquates et faire face à toutes les éventualités – en premier lieu desquelles une attaque de la livre libanaise si une nouvelle période instabilité se présentait. Il est désormais impératif de reconnaître la gravité du problème de la dette et ses éventuelles conséquences sur l’économie LE POIDS DE … Selon les institutions internationales, le poids de la dette publique au Liban est susceptible de s’élever… 36 Arabies / Octobre 2009

du pays. Il faut donc trouver un traitement radical qui assurera non seulement le paiement du service de la dette, mais qui en réduira graduellement l’essentiel. Ce qui ne pourra être fait grâce aux seuls efforts des Libanais, qui auront besoin d’une forte contribution des pays arabes et occidentaux. États donateurs. Or, les expériences précédentes dans ce domaine se sont avérées décevantes, notamment au niveau des apports des États donateurs, décidés lors des conférences de Paris II et III. À la suite de cette réunion, qui date de 2007 – après laquelle les participants avaient promis d’octroyer 7,4 milliards de dollars deman… LA DETTE … à quelque 58 milliards de dollars, à la fin de l’année, ce qui représenterait 215 % du PIB global du pays

dés par Jacques Chirac, alors président de la république française –, les transferts n’avaient pas excédé 1 milliard : une somme insuffisante pour éponger ne seraitce qu’une petite partie de la dette et qui a servi uniquement au remboursement partiel des intérêts. Les montants réels pour sauver radicalement le Liban de ce fléau ne sont pas encore disponibles. Le plus important, pour l’instant, c’est que le pays ne s’enlise pas davantage dans la dette publique. Il ne faut pas s’attendre à des miracles, car le Liban n’a ni pétrole ni gaz , deux ressources capables de lui assurer des revenus lui permettant de payer ses dettes – ou du moins de les rééchelonner. Le futur chef du gouvernement, quel qu’il pourra être, ne disposera que de bien peu de marge de manœuvres… La dette et son service prennent chaque jour un peu plus d’ampleur ; les revenus du tourisme et des autres secteurs ne parviennent même pas à rembourser les échéances liées aux intérêts. Ainsi, toute fuite en avant de la part de ce futur gouvernement aura des conséquences directes sur la stabilité du I système entier.



ALGÉRIE/CONSOMMATION

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Le crédit met la clé sous la porte Annoncée avant le Salon d’Alger, la suppression des crédits à la consommation est un coup dur pour les sociétés du secteur automobile. Mais elle peut aussi éviter des situations dramatiques… Par Mekioussa CHEKIR, Alger xception faite du secteur de l’immobilier, les Algériens n’auront plus accès aux crédits à la consommation. C’est ce qui a été récemment annoncé par le gouvernement et contenu dans la Loi de finances complémentaire (LFC 2009, article 75). Cette mesure, qui a pris de court les Algériens, concerne toutes les banques, privées et publiques, qui sont toutefois autorisées à poursuivre le traitement des dossiers en instance. À l’issue de l’adoption par l’Assemblée populaire nationale (APN) de l’ordonnance portant sur la LFC 2009, le 3 septembre dernier, le ministre des finances, Karim Djoudi, a expliqué que cette nouvelle dis-

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38 Arabies / Octobre 2009

position vise essentiellement à protéger les ménages contre les risques de surendettement. « Il y a aujourd’hui des ménages qui sont de plus en plus attirés par les avantages offerts par les crédits à la consommation, mais qui se retrouvent en fin de mois dans des situations difficiles à arbitrer, entre le paiement de leurs crédits et la nourriture de leur famille », a-t-il expliqué. Cette disposition devrait donner un coup d’accélérateur au secteur de l’immobilier et faciliter l’accès des citoyens au logement. « Il est plus utile pour les ménages d’avoir un logement que d’avoir une voiture », a ajouté M. Djoudi. L’État algérien veut ainsi inciter les banques à s’orienter davantage vers le crédit immobilier pour

mieux résorber le problème du logement – en tête du « palmarès » des préoccupations des citoyens. Car, en dépit de la forte demande en la matière, le montant des crédits à la consommation accordés par les banques à l’immobilier est seulement de 140 à 150 milliards de dinars. Actuellement, le nombre d’emprunteurs au titre de ce crédit est de 500 000 à 600 000 personnes seulement, alors qu’il existe un potentiel de plus de 7 millions de demandeurs de logements pour une population qui compte plus de 35 millions d’habitants. Pour y remédier, la LFC 2009 prévoit, entre autres mesures, des programmes de consolidation de la bonification des crédits à l’immobilier, une annula-


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tion de l’Impôt sur le revenu global (IRG) sur les loyers pour stimuler la location de logement et, enfin, la mise en place d’un crédit du trésor à 1 % pour permettre aux postulants de financer leur habitation. De tous les secteurs qui se retrouvent pénalisés par cette décision, c’est celui de l’automobile qui en ressentira le plus l’impact. Et pour cause, sur plus de 100 milliards de dinars de crédits à la consommation accordés par les banques en 2008, plus de 80 % étaient destinés aux crédits automobiles. Une situation qui, selon Karim Djoudi, a été à l’origine de la hausse des importations de véhicules et de pièces de rechange, à hauteur de 3,7 milliards de dollars l’an passé. Du coup, l’État algérien entend mettre de l’ordre dans le marché de l’automobile et freiner la cadence des importations de véhicules qui classent le pays au deuxième rang continental – après l’Afrique du Sud. Après plus de cinq ans d’existence du crédit automobile, quelque 250 000 Algériens ont été à même de s’offrir une voiture grâce à ce financement. Difficultés financières. Depuis son lancement, la formule du crédit automobile a connu une évolution annuelle de quelque 30 %. Pour les 600 000 Algériens de la classe moyenne qui se trouvent ainsi annuellement exclus de ces facilités de paiement, la déception est énorme. Ils sont nombreux à avoir été contraints de retirer leurs dossiers fraîchement déposés au niveau des banques ou d’abandonner définitivement l’idée d’acheter un véhicule neuf. Une bonne partie des Algériens voient ainsi leurs difficultés financières s’accentuer et s’attendent à avoir de plus en plus de mal à s’en sortir. Il va sans dire que, en plus des citoyens, les différents concessionnaires automobiles ne comprennent pas cette mesure et accusent donc le coup. Le président de l’Association des concessionnaires automobiles d’Algérie (AC2A), Mohamed Baïri, estime cette décision « injustifiée et hasardeuse » et déplore le fait que son organisation n’y ait pas été associée. Il évoque une baisse prévisionnelle des ventes de 40 %. Toyota Algérie, qui occupe la troisième position en termes de ventes pour les sept premiers mois de l’année 2009, va connaître une baisse « de 15 à 20 % », anticipe le représentant de la marque en

Les ventes de voitures neuves devraient pâtir de la décision gouvernementale…

Algérie, Nouredine Hassaim. Omar Rebrab, patron de Hyundai Algérie, qui occupe la deuxième place après Renault, se veut plus optimiste. Il prévoit une chute de « 10 % seulement, en raison du faible pourcentage que représente le crédit » au sein de ses ventes. Pour le concessionnaire Sovac, le coup sera en revanche plus dur. Son représen-

manque à gagner. Ils devront aussi se rabattre sur les marchés publics, les entreprises et les plus nantis. Les banques ne sont pas en reste – plus particulièrement celles du secteur privé dont les pertes seront considérables. Dès la publication de ce texte, la Société générale a mis en place une cellule de crise. Avec cette décision de supprimer le crédit auto-

En 2008, sur 100 milliards de dinars de crédits à la consommation, 80 étaient destinés à l’automobile tant, Mourad Oulmi, s’attend à une baisse de 30 % – des pertes énormes. Cette décision est intervenue à quelques semaines seulement du Salon international de l’automobile d’Alger, qui a eu lieu du 30 septembre au 8 octobre, ce qui a obligé les concessionnaires à revoir leurs projections s’agissant des baisses à effectuer sur les véhicules. En tout état de cause, les concessionnaires sont contraints de revoir leur stratégie de commercialisation pour réduire le À GUICHETS… Avec les concessionnaires automobiles, les banques en activité en Algérie font figure de grands perdants puisque seul…

mobile, c’est le marché des automobiles d’occasion qui en retire les dividendes. Dès la publication de la LFC 2009, les prix des automobiles d’occasion ont grimpé en l’espace d’une semaine de près de 60 000 dinars (600 euros) pour les vo i t u r e s d e m oy e n n e g a m m e , e t d e 100 000 dinars pour celles de classe supérieure. Le marché de l’occasion avait commencé à flamber après l’instauration de la taxe pour l’achat des voitures neuves, qui oscille entre 50 000 et 150 000 dinars. I … FERMÉS ! … le logement demeure accessible via le crédit et qu’il représente la modeste somme de 150 milliards de dinars Octobre 2009 / Arabies 39


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MAGHREB/COSMÉTIQUES

La beauté, un luxe au parfum enivrant Le Maghreb central, qui n’a pas son pareil dans l’art de l’élégance, est l’une des destinations privilégiées des parfums et cosmétiques des grandes marques internationales de Paris, New York, Rome, Riyad… Bienvenue dans l’univers de la beauté : une qualité qui n’a pas de prix ! Par Anne SAMAR u moment où les économies des trois pays de la zone Maghreb montent en puissance, l’offre en cosmétiques et parfumerie de luxe suit la tendance. Les circuits de distribution se

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40 Arabies / Octobre 2009

multiplient et, par voie de conséquence, apparaissent centres de beauté et de remise en forme. Télévision satellitaire et presse internationale aidant, le marché est pénétré par quantité de marques étrangères dont le prestige et la renommée déterminent les

choix des consommateurs. Yves Saint Laurent, Lacoste, Hugo Boss, Calvin Klein, Kenzo… Autant de noms pour autant de fragrances et de maquillages. Pour satisfaire les appétences d’une clientèle experte et exigeante, la profession s’est organi- ¯


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MAGHREB/COSMÉTIQUES

En Algérie, les importations de parfums et de produits de beauté étaient de 91 millions de dollars, en 2008 sée et assure la commercialisation de ces produits d’exception via des chaînes de détaillants et des boutiques de luxe, à Alger, Rabat ou Tunis. Et pas seulement… Car bien d’autres villes maghrébines rivalisent désormais pour proposer les mêmes articles. S’exportent ainsi élixirs et cosmétiques qui rehaussent l’éclat et le velouté du teint. « Les jeunes filles du Maghreb portent divinement bien les maquillages expressifs et contrastés qui font ressortir la profondeur du regard », atteste en connaisseuse Zoubida Chergui, commissaire générale du Salon du mariage oriental de Paris, dont la troisième édition a lieu en octobre 2009. Les parfums connaissent le même succès. À l’instar de Givenchy, présent sur l’ensemble des pays du Maghreb depuis longtemps déjà, et qui jouit d’une très forte notoriété en raison de son lien avec la haute couture. « Les parfums Givenchy, de même que les produits soin et maquillage, sont distribués dans des points de vente PRODUITS En Algérie, les parfums les plus vendus sont Nina et Lolita Lempicka, pour les femmes, et Black XS, pour les hommes 42 Arabies / Octobre 2009

sélectifs agréés sur le marché domestique comme dans les aéroports, cela dans la plupart des grandes villes de la zone géographique », atteste Sacha Léonard, manager chez Givenchy. Il ajoute que les parfums les plus appréciés dans cette région sont les lignes féminines comme Ange ou Démon, Very Irresistible Givenchy, ou bien des gammes plus classiques, comme Organza. Côté masculin, la palme revient à Pi Néo, lancé l’année dernière. Raffinement et splendeur. L’Algérie est un marché très prometteur. « Le pays fait face à une demande croissante en termes de parfums et de produits cosmétiques. En perpétuelle augmentation, les importations nationales sont estimées à 91 millions de dollars, en 2008 », estime UbiFrance. La clientèle apprécie en effet les marques étrangères – et la touche française figure en bonne place. Une filière de distribution des produits de luxe ainsi que des services de soins, avec une politique commerciale offensive et une stratégie marDISTRIBUTION Le système de la franchise se développe en Algérie, où une enseigne comme Zohara bénéficie de 14 points de vente

keting adaptée s’est ainsi structurée depuis quelques années. Un réseau de franchises, créé par Ahlem-Hélène Perrotte s’est constitué via Zohara Parfums et sa filiale, HelenB. La chaîne dispose de quatorze parfumeries implantées d’Est en Ouest, dans les principales villes de la façade méditerranéenne du pays. Elle est représentante exclusive des plus grandes marques internationales de parfums, maquillage et crèmes, tel Guerlain dont le succès en l’Algérie est, dixit la distributrice, « incroyable ». Parmi les produits les plus en vogue figure également la gamme de maquillage d’Yves Saint Laurent avec bien entendu les très éclatants fards à lèvres. S’agissant des parfums, Paco Rabanne « explose » les ventes avec Black XS. Nina de Nina Ricci est un autre favori ainsi que Lolita Lempicka. La créatrice du concept Zohara, arrivée voilà huit ans sur le marché algérien, constate aujourd’hui avec enthousiasme l’évolution de la situation. « Les boutiques ont eu beaucoup de succès. Pour cela nous n’avons pas hésité à nous attacher les compétences de Denis Costa, l’architecte spécialiste dans le domaine, le créateur des ambiances des boutiques Cartier et Hermès. Par ailleurs, nos collaboratrices recrutées dans les écoles de commerce algériennes ont été formées par la maison Guerlain. » Et le résultat est plus que probant ! En atteste les ouvertures prévues prochainement, à Oran et Blida. Arcancil, une ligne proposant maquillage


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et produits de manucure, fait également florès sur le territoire. Mascara et khôl kajal, fond de teint et autre gloss sont quelques-unes des déclinaisons qui font le bonheur de ces dames d’Alger et des 24 wilayas où la marque est présente. « Nous sommes distribués depuis deux ans

sur ce marché, via une centaine de points de vente, à Alger, Oran, dans le Sud… Le potentiel de croissance du pays sur ce segment est important. La part des dépenses consacrées au maquillage est en effet importante. L’Algérienne est très coquette et très exigeante, s’agissant de la qualité.

Elle est d’ailleurs au fait de toutes les tendances », confirme Anne Delleur, présidente d’Arcancil Paris. Reines de beauté. Au Maroc, c’est le même engouement pour les parfums et les autres palettes de soins du visage et du corps portant l’empreinte des grands ¯ Octobre 2009 / Arabies 43


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créateurs mondiaux, qui s’exposent dans les principales artères chics des villes du royaume, à Casablanca, Rabat, Marrakech… Comme le confirme Siham Boulila, chef de publicité et directrice de Trésors d’Orient, « la femme marocaine achète les produits d’Europe. Le made in France est apprécié, dont Dior, en particulier, un parfum qui fait rêver ». 44 Arabies / Octobre 2009

Pour satisfaire à la demande de consommateurs dont les dépenses sur ce segment sont en constante augmentation (d’environ 15 % en 2006, selon la Mission économique française), les produits du gotha de la création en cosmétique et en parfumerie trônent dans les rayons et les vitrines. Boutiques spécialisées, grandes surfaces, instituts de beauté et centres de remise en forme offrent un large choix de parfums

(75 % du marché) et de produits de soin et de maquillage (25 % des ventes). Sur cette dernière partie, L’Oréal arrive en tête. Quant à Avon, l’enseigne américaine, elle s’est implantée en 2001 au Maroc et a créé une plate-forme logistique à destination des marchés du Maghreb, d’Afrique noire et du Moyen-Orient. La France est le premier fournisseur en crèmes de soins, parfums et produits de


Depuis 2006, le taux de croissance du secteur s’établit à 15 % au Maroc et à 12 % en Tunisie maquillage. Les plus grandes griffes ont pignon sur rue. À l’instar de Christian Dior, qui avait élu domicile à la Mamounia de Marrakech avant de choisir un deuxième lieu d’élection à Casablanca. Également sise à Dar al-Baïda, la marque du créateur de parfum Arabian Oud, qui diffuse via ses 500 boutiques. « Arabian Oud a été créée à Riyad, en Arabie Saoudite, par Abdelaziz al-Jasser. Aujourd’hui, c’est le premier réseau de distribution de parfums orientaux ayant exporté un savoir-faire traditionnel à l’international. Nous sommes notamment présents à Londres depuis douze ans, à Paris sur les Champs Élysées et à Casablanca », explique Firas al-Murabet, directeur d’Arabian Oud France. Ainsi, dans certaines villes marocaines, un véritable cartel du luxe s’est organisé. La capitale économique en est la plus emblématique illustration. Classée dans le Top 10 des destinations pour le tourisme d’affaires en Afrique et au Moyen-Orient, elle concentre dans l’un de ses quartiers les plus huppés, le Triangle d’or, les célébrissimes enseignes qui ont largement investi les espaces commerciaux et les galeries marchandes. De nombreux franchisés s’y sont installés. Marionnaud, première chaîne de parfumerie à s’implanter au Maroc est quant à elle située boulevard d’Anfa, depuis 2004. Une autre franchise dédiée au service de la beauté tant féminine que masculine est Beauty Success. Cette dernière compte à son actif cinq bou-

tiques au Maroc et propose du très haut de gamme à des clients conseillés par des professionnels de l’esthétique. Parfumerie et cosmétiques connaissent un même essor en Tunisie. Terre d’élection de la maison Hermès, qui l’a choisie en 2007 pour présenter la nouvelle création du maître Kelly-Calèche, Tunis est aussi la terre natale d’Azzaro, tout aussi célèbre créateur de parfums. Durant les trois dernières années, le taux de croissance du secteur a enregistré une hausse de 12 %. Sur ce segment est positionné le groupe Kilani, importateur et distributeur de produits cosmétiques et de parfums. En 2007, il a racheté Fatales, qui dispose de huit points de vente (six à Tunis, un à Sfax un autre à Sousse) et bientôt d’un neuvième, à Bizerte. Parmi ces derniers, deux sont sous enseigne Nocibé. Athena ben Slama, directrice commerciale et marketing de Fatales, confirme l’impact des produits de luxe sur la clientèle tunisienne. « On pourrait croire que ce secteur est touché par la crise, mais ce n’est pas le cas. Nos résultats sont en hausse, sur les MAQUILLAGE Sur le segment marocain du maquillage, le français L’Oréal domine, suivi de l’enseigne américaine Avon

huit premiers mois de l’année. D’ailleurs, sur 50 000 cartes de fidélité distribuées à notre clientèle, 30 000 sont activées quatre fois par an pour des achats de parfums et, dans une moindre mesure, de cosmétiques et de soins. Au Top 5 des meilleures ventes, citons Lancôme et son eau de parfum Hypnôse, puis Dior, Givenchy, Guerlain et, pour les hommes, Code de Giorgio Armani. » Un salon à Tunis. Un autre acteur incontournable dans le domaine est Point M., société qui a été créé en 2001 par Ulysse Trading and Industrial Companies (Utic), un groupe privé tunisien présidé par Taoufik Chaïbi, dans le cadre d’un partenariat avec Marionnaud qui détient la représentation de grands noms de la cosmétique, dont Chanel. Trois espaces beauté et parfumerie sont actuellement ouverts à Tunis, dont l’un dans la galerie commerciale Carrefour. Ainsi dirigé, le secteur s’épanouit à loisir. A fortiori grâce au rendez-vous annuel des opérateurs de la profession : le Salon international de la cosmétique et des équipements du bien-être, Cosmetica dont la 10 e édition aura lieu du 30 avril au 3 mai 2010, à Tunis. I TOP CINQ Parmi les cinq meilleures ventes de parfums en Tunisie, citons Lancôme, Dior, Givenchy, Guerlain et Armani Octobre 2009 / Arabies 45


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TUNISIE/ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

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Les raisons d’un plébiscite En octobre 2009, Zine el-Abidine Ben Ali se présente pour un cinquième mandat. Depuis 1987, il est réélu tous les cinq ans au suffrage universel : un choix qui ne doit rien au hasard… Par Samir SOBH, Tunis i les loyalistes, notamment les 3 000 000 adhérents au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), ni les partis d’opposition (qui ne comptent pas plus de 500 000 personnes) n’ont jamais répondu à une question essentielle : pourquoi les Tunisiens votent-ils en faveur de M. Ben Ali ? Une question que les médias occidentaux, qui critiquent souvent les résultats de l’élection présidentielle en Tunisie, ne se posent pas. Jamais ces médias n’ont approché la vérité : la moitié des partis d’opposition n’arrive pas à rassembler plus de 10 000 sympathisants. Au point qu’un ancien opposant, retourné récemment au pays, ironisait : « Il y a un parti dont le secrétaire général peut réunir ses partisans dans une cabine téléphonique ! » Pourquoi les Tunisiens éliraient-ils donc M. Ben Ali pour la cinquième fois consécutive ? Les raisons sont nombreuses et variées : social, économie, politique, tolérance… Autant d’éléments qui ont renforcé, depuis le changement du 7 novembre 1987, la stature d’un homme issu d’un milieu social modeste et conscient des souffrances des plus démunis. Pour atténuer ce fléau, il a d’ailleurs initié un fonds baptisé « 26/26 » (du nom du compte courant postal 26-26). Cet instrument social a réussi, en dix ans, à réduire considérablement le taux de pauvreté dans le pays. Ce n’est pas le gouvernement tunisien ou les médias proches du pouvoir qui en font état, mais les chiffres des Nations unies et de la Banque mondiale.

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Il est difficile de battre un homme qui a prouvé, dans les situations les plus critiques – les effets du 11-Septembre ou la récente crise financière –, qu’il n’était aucunement prêt à céder sur les acquis sociaux mis en place depuis son arrivée. Des convictions qui ont pu être vérifiées lorsque le FMI a tenté d’imposer son programme d’ajustement structurel ou lorsque les tenants du nouvel ordre mondial ont essayé de forcer la main à la Tunisie pour rejoindre l’économie de marché. À l’époque, M. Ben Ali répétait que le prix de la mondialisation ne se paierait pas « au détriment des acquis sociaux du peuple tunisien ». C’est la première raison pour laquelle les Tunisiens votent en faveur de M. Ben Ali. Consolidation et développement. Une autre raison majeure est la consolidation et le développement de la classe moyenne – la plus importante du monde arabe, qui représente 76 % de la population active du pays. Cette catégorie sociale a joué un rôle primordial pour endiguer la vague intégriste qui voulait s’emparer du pouvoir. Dans ce contexte, la majorité des Tunisiens votent en faveur de M. Ben Ali, lequel a réuni tous les ingrédients du bienêtre, malgré des ressources naturelles limitées. Faut-il rappeler que la Tunisie ne possède ni gaz ni pétrole, au contraire de ses voisins algérien et libyen ? En effet, en encourageant le privé à concentrer ses activités sur le capital humain, M. Ben Ali a remporté son pari et gagné la confiance des citoyens. ¯ Octobre 2009 / Arabies 47


TUNISIE/ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

La création de divers instruments financiers – la Banque tunisienne de solidarité (BTS) et la Banque pour le financement des PME (BFPME) – joue en faveur du président. En effet, la BTS accompagne les projets de ceux qui ne peuvent accéder aux crédits bancaires habituels. Quant à la BFPME, elle constitue une expérience inédite dans le monde arabe. Depuis sa création, en 2005, elle a approuvé 51 projets. Le montant global des approbations de l’établissement s’élève à 11 809 000 dinars – soit 232 000 dinars par projet. Toujours en ce qui concerne les arguments favorables à M. Ben Ali, on retrouve la hausse régulière annuelle des salaires, quelle que soit la conjoncture interne ou externe – sans parler du revenu moyen par habitant, le plus élevé dans son environnement maghrébin. Les avantages sociaux accordés aux femmes – outre le statut juridique qui leur est accordé et qui est le plus avancé du monde arabe – consolident le

l’école primaire jusqu’à l’université) est gratuite. D’autre part, les facilités pour l’octroi de crédit, notamment pour le logement, sont devenues un symbole du pari social du président. Lorsque 85 % des familles tunisiennes sont propriétaires, comment peut-on imaginer qu’une population puisse voter pour un concurrent de M. Ben Ali ? Le président tunisien a toujours voulu que l’économique aille de pair avec le social, afin de préserver le pays de toute mauvaise conjoncture. Le fait d’assurer un taux de croissance régulier de 5 %, pendant plus de vingt ans, constitue un atout majeur pour le régime mis en place par M. Ben Ali. En dépit d’aléas politiques et économiques, la Tunisie a réussi à tirer son épingle du jeu, depuis le mois de novembre 1987. Elle devrait réussir à poursuivre l’exécution de tous ses projets définis dans ses différents plans de développement économique. Rappelons ainsi que le chef de l’État suit de très près l’avancement de chacun de ces programmes. Il va jusqu’à initier des entretiens

choix visant à soutenir l’idée d’un pluralisme politique, d’une libéralisation économique sans excès ainsi que de l’instauration d’une société équilibrée et solidaire : autant d’éléments qui constituent la base du programme électoral de M. Ben Ali. Comment peut-on concevoir qu’un candidat qui améliore les avantages sociaux accordées aux femmes enceintes, divorcées ou célibataires puisse perdre ? Après tout, M. Ben Ali a le soutien de la majorité des femmes de son pays. Ces dernières représentent plus de la moitié d’une population de 10 millions de personnes. Les prestations sociales, assez avancées, couvrent près de 85 % des besoins dans le domaine de la santé – un système d’ailleurs bien noté par les organismes internationaux du secteur. À cela s’ajoute le niveau élevé du système éducatif, où la scolarité (de LES ATOUTS… La création d’instruments financiers, comme la Banque tunisienne de solidarité ou la Banque pour le… 48 Arabies / Octobre 2009

individuels avec les ministres concernés et les responsables des projets. Tout retard en ce qui concerne les dates de livraison est ainsi sanctionné. Cette attitude est bien évidemment suffisante pour que le citoyen s’accroche à son président et soutienne ainsi une nouvelle candidature de ce dernier. Par ailleurs, au plan macroéconomique, la majorité des indices sont au vert. Pour ceux qui sont dans le rouge, l’État déploie des efforts considérables afin d’atténuer l’ampleur des déficits. Ce qui s’applique à la dette extérieure, laquelle ne constitue pas un danger structurel. Idem pour le service à la dette. La bonne notation accordée par les agences internationales spécialisées, comme Moody’s ou Standard & Poors, concernant le risque financier de la Tunisie vient renforcer la notoriété du pays. Et … DU PRÉSIDENT … financement des petites et moyennes entreprises, joue indéniablement en faveur du président Ben Ali

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En Tunisie, neuf partis animent l’espace politique et plus de 9 000 associations rythment la société civile

ainsi encourager les Investissements directs étrangers (IDE). L’un des derniers témoignages en date est celui d’une étude de « International Real Estate Investment Gambles », cabinet de conseil international en investissements immobiliers sur les opportunités offertes. Selon l’institution, la Tunisie occupe la 4 e position au niveau mondial. Elle bénéficie également de l’une des plus fortes croissances économiques au sein des pays émergents. Cette croissance se base principalement, selon le FMI, sur un renforcement massif du secteur agricole et sur une croissance stable dans la construction. L’attrait des investissements au cours de ces trois dernières années, aussi bien auprès des pays du Golfe que des entreprises européennes, démontre que la Tunisie continue d’être attractive dans bien des domaines. En atteste l’installation des géants aéronautiques européens, comme


EADS et Airbus. Ces derniers ont ouvert des usines de fabrication d’accessoires qui seront exportés vers le monde entier. Parallèlement, le nombre grandissant de sociétés étrangères qui se positionnent sur le marché local, notamment dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication (TIC), ne cesse d’améliorer l’image du pays. Innovation politique. La réforme constitutionnelle votée en 2002 a amené à un Parlement bicaméral avec une nouvelle institution : la Chambre des conseiller, qui siège aux côtés de celle des députés. Grâce aux initiatives prises par M. Ben Ali, qui a permis un renforcement politique au sein du Parlement, les législatives du 24 octobre 2004 ont permis à l’opposition de remporter des sièges supplémentaires à la Chambre des députés (37 au lieu de 33). Par ailleurs, la représentation des femmes est de 22,7 % à la Chambre des députés et de 15,2 % à la

Chambre des conseillers. D’autres institutions constitutionnelles consolident l’État de droit : le Conseil d’État avec ses deux organes – le Tribunal administratif et la Cour des comptes – le Conseil économique et social ainsi que le Conseil constitutionnel dont les avis s’imposent à tous les pouvoirs. En outre, neuf partis politiques animent l’espace politique et plus de 9 000 associations impulsent la société civile. La stabilité politique et sécuritaire imputable à la bienveillance du président joue un rôle significatif dans le choix des Tunisiens. « Si ma fille peut sortir tard le soir et revenir à la maison sans être agressée, cela me suffit », confiait, à Arabies, Adel, enseignant de gauche auparavant opposé au régime de M. Ben Ali. Il est aujourd’hui l’un des plus fervents défenseurs de la politique du président. D’autre part, les Tunisiens estiment que M. Ben Ali a eu le mérite d’écarter le dan-

ger représenté par les intégristes qui voulait mettre le pays « à feu et à sang ». De fait, on vote de nouveau pour lui car il est aussi un symbole de la lutte contre le terrorisme. Les Tunisiens, qui sont plutôt engagés pour les causes arabes, notamment pour la question palestinienne, apprécient les positions politiques de M. Ben Ali. Ces options politiques qui ont le mérite d’être constantes et non conjoncturelles. Elles le rendent donc incontournable… La politique étrangère de « juste milieu » qui consiste à ne pas prendre position garde le pays à l’écart des querelles (notamment au Maghreb) et permet à la Tunisie de jouer un rôle d’intermédiaire. Les Tunisiens sont tous aux côtés de leur président en ce qui concerne son projet de solidarité internationale. Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, les Tunisiens voteront cette fois encore pour Zine elI Abidine Ben Ali. Octobre 2009 / Arabies 49


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TUNISIE/SOCIÉTÉ

Des défis et un programme Au moment où Zine el-Abidine Ben Ali brigue un cinquième mandat à la tête de l’État tunisien, le pays peut se targuer d’avancées sociales et économiques importantes. Malgré la crise… Par Hakima KERNANE epuis la réélection du président Ben Ali en 2004, la politique gouvernementale s’est concentrée sur la nécessité de relever les défis qui portent sur l’accélération du rythme de la croissance et la consolidation des acquis, dans tous les domaines. La préservation des équilibres socio-économiques globaux a constitué un objectif essentiel visant à permettre au pays de maintenir son développement. La Tunisie affiche un PIB en hausse de 5,1 %, en dépit du ralentissement de l’activité dans la zone européenne – le grand parte-

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naire commercial du pays. L’inflation est maîtrisée, malgré l’augmentation des prix des matériaux de construction et des denrées alimentaires. Elle a atteint 5 % en 2008. Le secteur bancaire tunisien est confronté à des difficultés depuis plusieurs années – notamment en raison de la fragmentation de l’activité. Mais un rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié en juillet 2008, constate que le secteur déploie des efforts pour progresser, malgré la baisse sensible du nombre de prêts (de sept points depuis 2004). La Société tunisienne de banque et la Banque de l’habitat ont annoncé

que leurs bénéfices étaient respectivement de 9,3 et 14 %, pour l’exercice 2008. Le centre financier offshore Tunis Financial Harbour (TFH) sera construit à Kalaât el-Andalous. Ce projet sera réalisé en quatre étapes et permettra la création de 16 000 emplois permanents et devrait générer des revenus annuels de 40 millions de dollars. Il sera constitué de quatre groupes d’affaires dont un centre d’investissement et de conseil, un centre d’affaires, un autre d’assurance et une bourse financière internationale censée attirer les institutions financières internationales.


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Des progrès considérables ont également été accomplis en matière de privatisation. Les entreprises se tournent de plus en plus vers les marchés des capitaux pour leur financement – comme Poulina, considéré comme la plus grande capitalisation sur la Bourse des valeurs mobilières (BVMT). Le groupe Artes, spécialisé dans la distribution automobile, a ouvert son capital à 39 %. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de lever 90 millions de dollars. Toujours dans le secteur de la finance, on note la privatisation partielle du géant de l’assurance, Star, dont 35 % des actions ont été achetées par le français Groupama. L’apport de la société du savoir est incontestable pour le développement social et économique du pays. La politique gouvernementale dans ce domaine a été axée sur l’adaptation des programmes de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle aux besoins des entreprises et du marché de l’emploi, de même que des grands projets lancés ces cinq dernières années. Les autorités souhaiteraient d’ailleurs accentuer leurs efforts et prévoient la création de 84 000 postes afin de répondre à 95 % des demandes additionnelles, dont près de 50 % émanent de diplômés de l’enseignement supérieur. En termes d’enseignement et de formation, la Tunisie a réussi à relever le taux de scolarisation et de réussite dans de nombreuses institutions éducatives, dans l’enseignement universitaire et a réussi à faire baisser sensiblement le taux d’analphabétisation. Le savoir et les TIC. La pénétration des Technologies de l’information et de la communication (TIC) était un axe majeur du programme présidentiel, entre 2004 et 2009. À ce sujet, les statistiques publiées par le ministère des Technologies de l’information et de la communication montrent que la part du secteur dans le PIB s’est renforcée pour atteindre près de 10 %, en 2008, contre 7,8 % en 2007. Actuellement, l’objectif du gouvernement est d’atteindre 13,5 % du PIB, d’ici à 2012. En ce qui concerne les TIC, le pays a été classé, en 2008, à la 35e position par le Forum économique mondial en termes d’aptitudes, d’accessibilité et de réglementation. Dans le domaine de la téléphonie, par exemple, le pays enregistre des résultats très satisfaisants. Un appel d’offres international vient d’être lancé pour attribuer une nouvelle licence de téléphonie globale. Cela amènera

Le projet du Lac de Tunis.

le pays à libérer le secteur de la téléphonie fixe et à accueillir un troisième opérateur de la téléphonie mobile. Le tourisme a enregistré une croissance régulière au cours de l’année 2008. En

au nord de la capitale, dont les travaux devraient être achevés en 2015. La société Al-Maabar, d’Abou Dhabi, se chargera du lancement du programme « Bled el-Ward » qui sera réalisé sur 5 000 hectares et l’investissement qui y sera consacré devrait atteindre 10 milliards de dollars. Il faut noter que le gouvernement a mis en place un important programme de construction d’infrastructures, dans le secteur des transports portuaire et maritime. Un nouvel aéroport international sera ainsi construit à Tunis pour 700 millions de dollars. Un port en eaux profondes, près d’Enfidha, sera également réalisé pour 2 milliards de dollars. Le groupe d’investissement koweïtien « Al-Mal Investissement KSC », avec le groupe Hutchison Port Holding (HPH), et le canadien SNC Lavelin ont fait part de leur intérêt pour ce projet. Ces réalisations occuperont une position centrale dans le développement des échanges commerciaux entre les pays méditerranéens. Toujours dans les transports, des travaux sont prévus pour la réalisation d’un nouveau réseau ferroviaire régional et la construction de nombreuses routes à travers tout le territoire. Un appel d’offres a été lancé, en juin

La Tunisie affiche un PIB en hausse de 5,1 %, malgré le ralentissement de l’activité dans la zone Europe octobre de cette même année, les recettes touristiques ont même augmenté de 9 %. Une hausse qui a permis au pays de générer 1,8 milliard de dollars sur les neuf premiers mois de l’exercice. Toujours dans le même secteur, des projets immobiliers et d’infrastructures gigantesques sont en cours, comme celui de la société émirienne Sama Dubai – qui a entamé les travaux de construction de son programme Porte de la Méditerranée. Cet ensemble immobilier, qui sera réalisé sur les berges du Lac du Sud, coûtera la bagatelle de 25 milliards de dollars. Le promoteur émirien Bukhatir a engagé la construction d’une cité sportive LA FINANCE… Le projet de centre financier offshore Tunis Financial Harbour permettra la création de 16 000 emplois…

2009, pour la réalisation de l’autoroute entre Sfax et Gabès – les travaux devraient commencer en novembre 2009. D’autres projets verront le jour dans le cadre du programme établi par le gouvernement : construction de l’autoroute Oued Zarga-Bou Salem, élargissement de l’autoroute entre le sud de Tunis et Hammamet. La fin de l’année s’annonce décisive. En effet, des élections présidentielles et législatives seront bientôt organisées. Le président Ben Ali a présenté son dossier de candidature au Conseil constitutionnel, conformément aux dispositions de la Constitution. Au pouvoir depuis le 7 novembre 1987, il ¯ … À BON PORT … et devrait générer à terme des revenus annuels qui s’élèveront à quelque 40 millions de dollars Octobre 2009 / Arabies 51


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TUNISIE/SOCIÉTÉ

est certain d’honorer un cinquième mandat. Selon les éléments de son programme, la jeunesse et la lutte contre l’extrémisme seront des axes centraux : « La Tunisie restera toujours la nation du dur labeur, de l’effort, de la modération, du dialogue, de la tolérance, de la solidarité et de la concorde », a déclaré le président tunisien.

selon les notations des différents organismes mondiaux, comme le FMI. Le pays vient d’être classé en 69e position sur un échantillon de 183 nations, selon le rapport Doing Business 2010 qui fait état des règlements qui facilitent la pratique des affaires. Des réformes dans différents secteurs ont permis de maîtriser les conséquences des

La Tunisie entend généraliser le développement de toutes ses régions en encourageant les investissements La Tunisie est le pays le moins peuplé et le plus moderne du Maghreb. Plus de deux tiers des familles tunisiennes sont propriétaires et un Tunisien sur cinq possède une voiture. La santé et l’éducation sont accessibles à tous. Il faut dire que les réalisations de la Tunisie restent fidèles aux objectifs du XIe Plan du programme « Pour la Tunisie de demain » (2004/2009). En effet, les résultats sociaux et économiques sont satisfaisants, TRANSPORT… Le pays met en place une série d’aménagements pour le réseau des transports qui vise à améliorer les voies… 52 Arabies / Octobre 2009

mouvances enregistrées dans l’économie mondiale, alors que le monde traverse une crise financière internationale. Malgré la forte augmentation des prix des matières premières et des produits alimentaires de base, la Tunisie a obtenu une croissance positive imputable à la contribution des exportations ainsi qu’au concours des secteurs porteurs de l’économie nationale – comme le tourisme et l’agriculture. … DE PERSONNES … de communication : mise en place de voies ferrées, construction ou agrandissement d’autoroutes

L’avenir économique de la Tunisie est axé essentiellement sur le renforcement de la compétitivité des produits nationaux, en facilitant les procédures et les réglementations du commerce extérieur. Les pouvoirs publics ont mis l’accent sur l’amélioration de la qualité des produits et des services ainsi que la réduction des coûts et la diversification des biens destinés à l’exportation. Cette dernière a fortement contribué au maintien de l’équilibre de la balance commerciale du pays. Le pays ambitionne de généraliser le développement de toutes ses régions, en encourageant notamment les investissements. Cela ne peut être possible sans l’amélioration des structures de base indispensables à la mise en place des activités économiques et sociales. L’État tunisien compte mettre l’accent sur l’aménagement des zones industrielles et la mise en place des infrastructures et des technologies modernes dans les régions éloignées, car, selon le programme du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, la préservation des acquis sociaux de toutes les catégories sociales et l’amélioration du revenu par habitant demeurent des axes majeurs qui permettront au pays d’atteindre le niveau de déveI loppement escompté.


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Un marché fermé à la crise Projets d’infrastructures, propriétaires en nombre… À l’heure d’une crise qui a justement pris racine dans ce secteur, l’immobilier tunisien affiche une bonne santé et des ambitions à la hausse. Par Véronique NARAME 54 Arabies / Octobre 2009


e marché de l’immobilier tunisien se porte bien. L’offre est variée. Le rapport qualité/prix est attractif, malgré une sensible augmentation annuelle des prix du logement. Et le potentiel dédié à cet investissement s’accroit régulièrement. Selon des experts, le marché financier et le système bancaire sont relativement épargnés par la crise internationale, car le crédit immobilier en Tunisie ne représente que 10 % du PIB. Ce qui expliquerait l’attractivité et la solidité de ce secteur. À cela s’ajoute le fait que les Tunisiens font montre d’une indéfectible propension à l’accession à la propriété. Le pays peut en effet se prévaloir de compter 77,4 % de propriétaires. Comparativement, la France en compterait 57 % (selon l’Insee) et le Royaume-Uni 71 %. Ces bons résultats sont le fruit d’une politique avisée menée par les autorités en faveur du logement, en général, et de l’accession à la propriété, en particulier. « Nous avons considéré le logement comme un facteur fondamental de stabilité de l’individu et de la garantie de son équilibre social et psychique », déclarait à ce propos, en 1996, le président Ben Ali, lors de la Conférence des Nations unies sur les établissements humains, à Istanbul. Au ministère de l’Équipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, on s’est attaché à la mise en application de cette intention politique : « Une stratégie volontariste, audacieuse et cohérente a été arrêtée en juin 1988. Elle a très vite donné des résultats probants. Les indicateurs issus du recensement général de la population et de l’habitat, établi en 2004, sont là pour en témoigner. En effet, pour la période allant de 1994 à 2004, le nombre de logements a connu une augmentation annuelle moyenne de 63 540 unités, avec un taux de croissance estimé à 3,4 % par an. » La kyrielle d’opérations immobilières finalisées ou en cours de réalisation sur l’ensemble du territoire atteste ainsi de la bonne santé du secteur de l’habitat. Les programmes résidentiels concernent non seulement les Tunisiens, mais aussi la clientèle étrangère, de plus en plus encline à franchir le Rubicon, tout comme les Tunisiens qui résident à l’étranger. Parallèlement, le tourisme dit « résidentiel » va en s’amplifiant, notamment sur la façade maritime, de Zarzis à Bizerte et jusqu’au Cap Bon. Une nouvelle

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Tunis Sports City, une des réalisations majeures des prochaines années…

clientèle choisit de s’y établir afin de bénéficier de la douceur du climat et des avantages socio-économiques proposés. Les autorités ont décidé d’adapter la législation du foncier, de sorte que les étrangers puissent devenir propriétaires d’une résidence secondaire. Un décret signé par le président de la République autorise désormais les non-résidents souhaitant s’installer dans le pays à importer des effets et biens mobiliers exonérés de taxe à hauteur de 15 000 dinars par

en effet se prévaloir d’être une destination largement appréciée. Outre les sept millions de visiteurs drainés par l’offre d’activités de plaisance et le thermalisme, la thalassothérapie ou encore le tourisme à des fins médicales, s’adjoint un tourisme d’affaires. La Tunisie gagne en compétitivité. Elle s’est hissée, en 2009, à la première place de l’Africa Competitiveness Report, document produit par le Forum économique mondial, en collaboration avec la Banque africaine de

Entre les années 1994 et 2004, le nombre de logements en Tunisie a connu une augmentation annuelle de 3,4 % foyer, en plus de l’importation défiscalisée d’une voiture particulière. Doté d’une économie saine et dynamique, intégrée dans le jeu du commerce international, le pays jouit d’excellentes perspectives de développement. Cet élément est de nature à favorise l’investissement immobilier. Au carrefour de l’Europe, du MoyenOrient et de l’Afrique, et à seulement deux heures de vol des principales capitales européennes, ce pays du Maghreb central peut INCITATION… Pour inciter à l’achat, les autorités ont décidé d’un abattement fiscal de 90 % pour toute personne désirant s’implanter…

développement (BAD) et la Banque mondiale. Elle est classée 36e à l’échelle internationale et 5e dans le monde arabe. En outre, selon les projections du Fonds monétaire international (FMI), elle devrait enregistrer une croissance de 4 %, en 2010. Tous ces paramètres cumulés ont pour conséquence d’attirer des capitaux étrangers dans des opérations immobilières. Ce que confirme l’Agence de promotion des investissements extérieurs (Fipa). Le volume ¯ … FISCALE … dans le pays alors que les non-résidents peuvent désormais bénéficier d’une exonération de 15 000 dinars par foyer Octobre 2009 / Arabies 55


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TUNISIE/IMMOBILIER

Les projets immobiliers se multiplient aux quatre coins du pays…

des Investissements directs étrangers (IDE) dans les activités touristiques et immobilières a en effet atteint 150,2 millions de dinars, au cours des sept premiers mois de l’année 2008. Ces résultats très satisfaisants ont sans doute joué en faveur du classement de la Tunisie dans le quarté gagnant des meilleurs sites d’investissement mondiaux par International Real Estate Investment Gambles, en 2009. Pour décrocher ce trophée, il lui a fallu réunir trois conditions : une économie en pleine croissance, un environnement d’investissement stable et le fait d’être perçue comme une destination de vacances. Le nombre important de grands projets de construction de centres d’affaires et de résidences de standing programmés – dont la grande majorité par des investisseurs et promoteurs étrangers venus du Golfe – corrobore encore davantage ce diagnostic optimiste. Référons à titre illustratif aux deux investissements de taille de Gulf Finance House (GFH). Le premier concerne une plate-forme technologique multimédia comINVESTISSEMENT… Au cours des sept premiers mois de l’exercice 2008, le volume des investissements directs… 56 Arabies / Octobre 2009

prenant aussi des projets immobiliers, résidentiels et de loisirs. Le deuxième, Tunis Financial Harbour, est un gigantesque centre international d’affaires autour duquel s’agrège un complexe résidentiel avec villas de luxe. L’ensemble est piloté par le même investisseur du Bahreïn, pour 3 milliards de dollars. Sera aussi aggloméré au Port Financier le projet Porta Moda, cité dédiée aux grands noms de la mode, de l’ameublement, du design, et comprenant des espaces résidentiels. Elle sera réalisée par le groupe Abu Dhabi Investment House. Mais ce n’est pas tout… Sur les berges du Lac de Tunis, un projet de classe internationale se profile : celui de la holding Sama Dubai : Century City et Mediterranean Gate ». Farhan Faraidooni, président du groupe, ambitionne de répondre aux besoins de toutes les catégories de la société et d’être une référence en matière de développement durable dans la région. Le coût de l’opération est estimé à 25 milliards de dollars. Al-Maabar lance pour sa part « Bled el-Ward », une … ÉTRANGER … étrangers dans le domaine de l’immobilier a atteint, en Tunisie, la somme de 150,2 millions de dinars

cité du futur, dans la région de l’Ariana. Quant à Bukhatir Group, il se maintient sur le devant de la scène avec Tunis Sport City (5 milliards de dollars) et la zone résidentielle haut de gamme Cedar, dont la commercialisation a commencé pendant l’été. À ces opérations d’envergure s’ajoutent bien d’autres programmes résidentiels. Lors du 2e Salon tunisien de l’immobilier à Paris en 2009, 17 000 unités comprenant appartements, maisons, bureaux, espaces consacrés aux activités commerciales et lots ont été présentés par les professionnels. Une enquête menée par Orsaf, l’organisateur de cet événement, indique qu’au palmarès des villes les plus recherchées, en termes d’investissement immobilier, figure bien évidemment Tunis et sa proche banlieue. Les autres régions étant par ordre d’intérêt le Sahel (19 %), Cap Bon (15 %), le Sud (10 %), la banlieue nord (9 %), le Nord (7 %), ainsi que la banlieue sud (2 %). En tous lieux s’édifient ainsi appartements et villas. Un panorama de ces réalisations sera d’ailleurs présenté à l’occasion des Journées partenariales tuniso-francaises organisées par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI), les 26, 27 et 28 octobre 2009, à Tunis. À cette occasion, un atelier sur le thème « Les sociétés françaises et les grands projets immobiliers et d’infrastructure en Tunisie » sera organisé dans l’intention d’exposer les opportunités qui en découlent. Pour l’heure, les annonces de signatures de contrats pour la réalisation de projets de résidences et d’études continuent. À Hammamet, nos confrères d’Econostrum rapportent que la création d’un complexe hôtelier et immobilier représentant un investissement de 120 millions d’euros est prévu entre le groupe tunisien Mrabeti et des partenaires tchèques. La société de promotion immobilière Ennassim, agréée par le ministère de l’Équipement et de l’Habitat, présente pour sa part ses prestigieuses opérations. À Aïn Zaghouan, à proximité des jardins d’ElMenzah, sur les collines d’Ennasr, des appartements de haut standing à l’architecture originale se profilent, alliant confort et commodités. Marbre blanc, faïencerie de premier choix, isolation thermique et acoustique, chauffage central et climatisation, parking, ascenseur, conciergerie, espaces verts… Toutes les conditions sont remplies pour satisfaire durablement les I desiderata de la clientèle.



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TUNISIE/HÔTELLERIE

La qualité de la réception Responsable d’un établissement Azdrubal, Mohamed Ali Jlaiel explique comment la Tunisie est parvenue à un niveau d’excellence et nous fait part des perspectives du secteur pour 2010. Propos recueillis pas Christophe GOMEZ omment évaluez-vous la place du tourisme au sein de l’économie tunisienne, qui se développe à un bon rythme alors que le pays n’a ni gaz ni pétrole ?

C

58 Arabies / Octobre 2009

Il est vrai que nous n’avons pas les ressources que possèdent les pays voisins, mais nous avons cette volonté d’aller de l’avant, de capitaliser ce que nous possédons et d’essayer de bâtir un pays stable, jouissant d’une renommée internationale. Nous avons

capitalisé sur les ressources humaines, qui sont plus fiables que les ressources naturelles. Les ressources naturelles s’usent alors que le facteur humain peut sans cesse se développer, comme au Japon. Le tourisme bénéficie d’une part assez prépondé-


rante, 7 %, dans le PIB national. En dehors de ce qui contribue à sa réussite, de ces chiffres et de la devise qui nous permet de compenser le déficit commercial – qui se résorbe malgré tout –, le tourisme nous inculque un esprit de tolérance. Il s’agit d’écouter les autres, de se montrer accueillants et de partager nos richesses avec tout le monde : une dimension rarement comprise. Diriez-vous que le tourisme fait partie du développement économique du pays dans son environnement maghrébin ? Bien sûr, le tourisme tunisien fait partie de cette démarche de développement durable, qui nous permet de créer des emplois. Il y a 300 000 familles qui travaillent dans le tourisme, l’hôtellerie et les activités annexes. Dans les villes de Hammamet et de Tabarka, de nombreuses familles travaillent dans ce secteur. L’Algérie ou encore la Libye ont de très beaux atouts touristiques. Cependant, beaucoup de touristes algériens et libyens se rendent en Tunisie. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Pour attirer des touristes, il ne suffit pas d’avoir des monuments historiques : il faut une culture de l’accueil. C’est le principal atout. La Tunisie offre un paysage diversifié. Nous avons le Sahara, la mer, les montagnes, les paysages arides — comme au

« Le tourisme génère 7 % du PIB tunisien et a déjà contribué à la création de quelque 300 000 emplois » Sud, où l’on peut aussi se baigner. Nous bénéficions d’un paysage identique à certains pays européens. Dans la population, on constate une tolérance particulière des Tunisiens. Les institutions locales sont fiables. Beaucoup de Libyens viennent pour la qualité de nos hôpitaux et des soins qui y sont pratiqués. Vous pouvez vous promener n’importe où en Tunisie le soir, vous ne craignez rien. Ce n’est pas le tout d’avoir des douanes compétentes. Dans les terres, la sécurité est garantie, grâce à cette classe moyenne – 80 % de la population – qui provoque cette stabilité et cette solidarité. Quant aux nécessiteux, nous avons le devoir de les aider à s’en sortir. Quelles sont les contraintes auxquelles la Tunisie se trouve confrontée pour s’ouvrir à d’autres pays – comme les États-Unis ? Ces contraintes, pour le moment, sont AVANTAGE… Pour attirer de nouveaux touristes, la Tunisie dispose de nombreux atouts naturels sur son territoire…

réelles et constituent tout un ensemble : les affaires, le tourisme, le balnéaire, les soins. Il faut que tous ces éléments se rassemblent et on commence à assister à cette évolution avec l’émergence de certains projets comme le nouvel aéroport international de Hammamet, actuellement en construction. Il est à mi-chemin entre Sousse et Hammamet. Ce sont les affaires qui vont ramener le tourisme – et inversement. Il y avait à un moment donné une incompréhension des destinations via lesquelles les clients pouvaient bénéficier d’une thalasso ou de soins. On commence à se rendre compte de ce phénomène. Quel a été l’impact de la crise économique ? Elle n’a épargné aucun pays. Mais le tissu de l’économie tunisienne ne repose pas sur un seul critère. C’est un pays qui aurait pu faire le choix d’une croissance de 10 ou ¯ … CONCURRENTIEL … comme le Sahara, la mer Méditerranée, les montagnes ainsi que le Sud du pays, aux paysages arides Octobre 2009 / Arabies 59


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TUNISIE/HÔTELLERIE

« La crise n’a épargné aucun pays, mais l’économie de la Tunisie ne repose pas sur un seul critère » de 15 %. Le fait qu’elle soit de 6 % a été calculé au départ pour ne pas avoir affaire à une chute. Prenons un exemple, celui du secteur du textile. En 2005, avec le démantèlement de l’Accord multifibres, tout le monde s’inquiétait de l’émergence de la Chine et de ses produits. Et là, miracle, la Tunisie s’en sort car le pays travaille sur le segment du luxe. Ce pays est riche de ses ressources humaines et de sa proximité. L’ensemble de ces éléments fait la richesse nationale. Cette symbiose permet d’avancer À CONTRE… Au lieu de viser une croissance comprise entre 10 et 15 %, la Tunisie a tablé dès le départ… 60 Arabies / Octobre 2009

avec la certitude que nous pouvons maîtriser notre développement. Comment voyez-vous les perspectives pour l’année 2010 ? Je reste optimiste. Je reviens sur l’exemple de l’aéroport et les efforts déployés par les Tunisiens pour ce projet. Nombre d’entre eux ont fait le choix de se diriger vers la qualité, le service, la clientèle, car ils ont compris que cette diversité peut nous permettre de nous développer et de rompre … COURANT … sur un taux de 6 %, qui lui permet de ne pas connaître la même chute que beaucoup de pays développés

avec l’image d’une destination à bas prix. Je crois en la thèse de trois ou quatre hommes d’affaires capables d’aller de l’avant dans ce secteur. La chaîne d’hôtels Hasdrubal et d’autres établissements de luxe y contribuent. Assiste-t-on à un tourisme de masse, à une activité sélective ou aux deux ? On se dirige vers une activité à tendance sélective, mais nous aurons tout de même les deux. Il existe plus de 700 hôtels en Tunisie, il en faut pour tous. Mais le pays a surtout besoin de développer le segment du luxe. Et seul le bouche-à-oreille permet de faire en sorte que les gens d’une certaine classe sociale aient confiance en nos services. Dans un autre établissment Hasdrubal, nous avons un taux de fidélité de 60 %. C’est le premier hôtel Hasdrubal. Je suis très partisan de cette politique qui consiste à fidéliser les clients par la qualité des I prestations.



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Le remède tunisien Le tourisme de santé est une offre en plein essor en Tunisie, où les techniques médicales n’ont rien à envier aux pays occidentaux. Par Anne SAMAR 62 Arabies / Octobre 2009


’agissant de médecine, de pharmacopée et de thermalisme, la Tunisie recèle un extraordinaire patrimoine qu’elle a su préserver et optimiser au fil du temps. La santé est au cœur des priorités de l’État et les dépenses dans ce domaine atteignent 7,5 % du budget – près de 6 % du PIB. C’est donc naturellement que ce pays prend sa place sur la scène internationale pour confirmer sa pleine vocation au développement d’un pôle d’exportation et de services de santé. « Au regard des potentialités du marché mondial et des atouts de la Tunisie, la santé – enveloppant l’industrie paramédicale, l’industrie pharmaceutique, les services de santé, la télémédecine, les biotechnologies et les activités R&D – pourrait être un moteur de la croissance de la prochaine décennie. » Annoncé dans la newsletter de la Fipa, en décembre 2008, le rôle du pays comme pôle international d’exportation dans le domaine de la santé se confirme. Pour organiser cet ambitieux programme, les pouvoirs publics ont mis en place une stratégie performante. Impulsée par Mondher Zenaidi, ministre de la Santé publique, elle s’attache à l’optimisation des prestations et au respect des normes internationales et de l’éthique médicale. Concertation. Une autre priorité est de consolider le secteur médical privé dans le système sanitaire national et d’actualiser le cadre législatif et réglementaire. Le tout en concertation avec la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé publique chargée des Établissements hospitaliers, Najoua Miladi. Côté infrastructures, on comptabilise 117 cliniques privées avec près de 2 600 lits, 1 393 cabinets dentaires, 99 centres de dialyses et 3 371 cabinets médicaux dont 51 % sont spécialisés. Dans la région de Bizerte, d’importantes réalisations ont vu le jour : 8,5 millions de dinars ont été investis dans ce secteur qui compte 8 établissements dans cette zone. Les investisseurs étrangers sont très présents sur le segment des équipements à l’échelle nationale. Comme le groupe hospitalier nippon Tokushukai, qui a choisi Tunis pour installer un grand hôpital privé, le premier du genre en Afrique et dans le monde arabe. Au nord de Tunis, c’est la société AlMaâbar (Abou Dhabi) qui impulse le projet Bled el-Ward, programme d’aménagement d’une grande cité médicale. Sur 5 000 hectares – dont 2 600 de plans d’eau – et pour

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Thalasso, balnéo, thermalisme… La Tunisie perpétue une tradition qui fut romaine avant de devenir arabe un montant de 10 milliards de dollars, il est prévu des prestations de qualité incluant des centres de recherche médicale. Parallèlement, le « dragon » tunisien prend des dispositions pour que les compétences s’ajustent à la montée en force de ces activités, notamment via des spécialités – comme la gériatrie. Les avancées sont aussi très significatives dans l’activité Recherche & Développement. Mentionnons à cet effet l’étude moléculaire sur la maladie de Parkinson dans la population tunisienne, menée par une équipe de l’Institut GAMME… Outre le bien-être, la Tunisie propose des services de santé très variés avec notamment la chirurgie esthétique…

national de neurologie, ainsi que les tests neuropsychologiques pour le diagnostic précoce des troubles de la mémoire. On peut ajouter la réalisation d’une greffe de cornée, tout comme une intervention cardiaque très délicate sur un bébé de 9 mois. Parmi les priorités du XIe Plan (2007-2011), la production de médicaments génériques, de vaccins, de bio-médicaments et de phytomédicaments figure en bonne place – tout comme leur exportation. O n e nv i s a g e a u s s i d e d é ve l o p p e r l’externalisation des activités de R&D et ¯ … DE SOINS … la gériatrie, la neurologie, l’urologie, l’ophtalmologie, l’orthopédie ou encore les soins dentaires Octobre 2009 / Arabies 63


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TUNISIE/SANTÉ

Une étude moléculaire a été menée sur la maladie de Parkinson au sein de l’Institut national de neurologie des biotechnologies et des technopôles sont en construction. Le travail remarquable de la Tunisie dans la gestion électronique de données pour le Centre national de la pharmacovigilance a été primé aux « Technology in Government in Africa », cette année, un prix qui récompense l’investissement en matière d’utilisation effective des Technologie de l’information et de la communication (TIC). Forte de ce savoir-faire, la Tunisie s’est spécialisée dans le tourisme médical et est classée deuxième en Afrique, après l’Afrique du Sud. Elle pointe par ailleurs à la 27e position dans l’indice des services de santé établi par le Forum de Davos. En 2008, 150 000 visiteurs ont été reçus pour du tourisme de santé. Des villages à destination des personnes âgées d’Europe et d’Amérique du Nord en séjour longue durée à Hammamet, Djerba, Sousse s’organisent. Ces prestations sont prolongées par le touAU PLANNING… Le XIe Plan tunisien, qui s’étale de 2007 à 2011, compte parmi ses priorités la production ainsi que… 64 Arabies / Octobre 2009

risme de convalescence. Des interventions chirurgicales de tout ordre sont pratiquées : esthétique, ophtalmologique, urologique, orthopédique, cardiovasculaire ainsi que dentaire. « Les particuliers ainsi que des États – en l’occurrence, arabes, africains et européens – font de plus en plus appel aux compétences médicales et paramédicales tunisiennes », souligne l’agence TAP. En 2007, 102 000 patients étrangers ont été accueillis pour ce type de soins. Au niveau du Maghreb, quelque 40 000 patients – principalement Libyens et Algériens – viennent chaque année (depuis plus de deux décennies) s’y faire soigner. Les recettes générées par les soins médicaux dispensés aux étrangers ont atteint 55 millions de dinars en 2006, soit une hausse de 22,2 %, comparé à 2005. En moyenne, les dépenses d’un patient s’élèvent à 3 000 euros alors que celles d’un touriste sont comprises entre 300 et 400 euros. … DES PRIORITÉS … l’exportation de médicaments génériques, de vaccins, de biomédicaments et de phytomédicaments

Cette option médicale vaut à la Tunisie d’avoir été élue à la vice-présidence du Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’avoir été choisie pour accueillir le siège du Centre méditerranéen pour la réduction de la vulnérabilité. Là-dessus s’est greffé le tourisme de congrès internationaux. Des événements importants se sont succédé, parmi lesquels le colloque international francophone de médecine nucléaire et la réunion régionale de l’OMS sur la santé maternelle et infantile en Méditerranée orientale. En outre, le congrès africain de neuropédiatrie, et celui de la Fédération maghrébine des maladies respiratoires ainsi que de la Société italienne de pédiatrie préventive et sociale se sont aussi déroulés en Tunisie. L’essor d’une activité. Au deuxième rang mondial en thalassothérapie, c’est une destination incontournable dans le tourisme de bien-être. Thalasso, balnéo, thermalisme, spa… À cela s’ajoutent une eau de mer riche en sels minéraux et en oligo-éléments, et un sous-sol qui recèle des sources thermales à profusion. Quelque 150 000 curistes étrangers – dont une importante clientèle française et anglo-saxonne – ont ainsi bénéficié des centres tunisiens en 2007. Toute la gamme de techniques de détente leur est proposée. « Soins énergétiques, shiatsu, stone-therapy [massage aux pierres chaudes et froides], réflexologie plantaire, reiki, massage indien ou aux herbes, relaxation marine… la Tunisie offre le meilleur en fonction des nécessités de chacun, dans des atmosphères "zen" », confirme l’Office national du tourisme tunisien (ONTT). Cette riche et performante gamme de soins ne saurait être totalement satisfaisante si elle ne profitait pleinement, en premier lieu, aux Tunisiens. Et c’est le cas. Dans le souci de garantir la qualité de vie et le bienêtre pour tous, 95 % de la population a en effet accès aux services de santé publique dans un rayon de moins de 5 km. Cela a été rendu possible grâce au taux de couverture médicale, qui a pour sa part plus que doublé depuis 1987 – avec un médecin pour 930 habitants, en 2007. Quant à la médecine de spécialité, elle est généralisée dans toutes les régions. De cette manière, la Tunisie a pu prématurément réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement, dont l’échéance fixée lors du Sommet des Nations unies, à New York en 2000, devait initialeI ment être atteints en 2015 !



AVOIR

COMMUNICATION

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milliards de dirhams ont été nécessaires pour le rachat total du groupe marocain Méditel

TWITTER Le petit oiseau va sortir au Maghreb

EN BREF Harris s’intéresse de près à la Tunisie En raison du fort développement des Technologies de l’information et de la communication (TIC) au Maghreb, les sociétés internationales du secteur se montrent de plus en plus intéressées par des investissements dans la région. C’est le cas de la multinationale Harris Corporation, (5 milliards de dollars de recettes annuelles et 15 000 employés), qui envisagerait, selon les informations de Business News, une implantation au Maghreb. La compagnie, spécialiste des solutions radio, câble et satellite, envisagerait ainsi de s’installer tout d’abord en Tunisie, puis en Algérie et au Maroc. Comme quoi, le Maghreb devient attractif…

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ue faites-vous actuellement ? Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce nouveau réseau web qu’est Tw i t t e r ( t r a d u c t i o n d e

« gazouillis », d’où le p’tit oiseau), il s’agit d’un concept comportant des messages plus courts destinés à ce qu’on appelle des suiveurs (followers).

Maghreb IP, le ramadan de tous les records ?

MOBISUD/SFR Maroc Telecom revend Mobisud France à SFR

Les chiffres définitifs du Maghreb ne nous étaient pas parvenus à l’heure où nous bouclions ce numéro, mais le ramadan 2009 risque d’être celui de tous les records en termes d’investissements publicitaires (IP). Certaines estimations ont ainsi fait état d’une progression de 40 %, à 75 millions d’euros, pour la région. Un bilan complet dans le prochain numéro…

’était un peu prévisible ! Le géant français de la téléphonie SFR (ou Société française de radiotéléphonie) a pris le contrôle de Mobisud France, au cours de l’été. Pour rappel, Mobisud avait été lancée à la fin de l’année 2006 dans l’Hexagone. Selon le journal Les Échos, elle aurait déjà eu du mal à attirer 60 000 clients (40 000 selon d’autres estimations), alors que son marché est estimé à environ 5 millions de personnes sur

66 Arabies / Octobre 2009

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le territoire français. Malgré un chiffre d’affaires en hausse au cours de l’exercice 2008, elle aurait tout de même perdu plusieurs millions d’euros (certaines estimations font état de 19 millions), l’année dernière.

Il suffit de taper le nom de la personne pour savoir ce qu’elle fait à un instant T. Parmi les accros les plus célèbres de cet outil on trouve un certain Barack O., président de cinquante États d’Amérique du Nord. Mais revenons-en à la sphère arabe, qui compte, selon l e s i t e S p o t O n , e nv i r o n 15 000 usagers du réseau. Les Émirats arabes unis, avec leur lot d’entrepreneurs et de travailleurs expatriés, se taillent la part du lion (40 %), suivis du Maghreb (22 %), des pays du Golfe (15 %) puis de l’Arabie Saoudite et du Levant (11 % chacun). L’utilisation est encore confidentielle, puisqu’en Tunisie, par exemple, elle concerne un peu moins de 400 personnes (un chiffre qui a tout de même progressé de 20 % au cours de l’été). Au Maroc également, le phénomène commence à prendre de l’ampleur et devrait connaître un certain succès, si on s’en réfère à celui rencontré par le site Facebook. Le petit oiseau va sortir…

SFR, qui détenait auparavant 16 % des parts de la société (contre 66 % pour Maroc Telecom et 18 % pour le groupe Saham) accapare désormais 82 % des actions d’opérateur virtuel. Les 18 % restant étant toujours aux mains de la société Saham. Si Maroc Telecom s’est débarrassé de sa filiale française, il n’en est rien en ce qui concerne la Belgique, où Mobisud compterait quelque 100 000 clients. Plat pays, mais marché volumineux…


FINANCE.COM/AKWA La compagnie Méditel devient exclusivement marocaine

EN BREF

WHITE STAR / MONICA GUMM / PHOTOLIBRARY

Mobile, le Maroc compte 23 millions d’abonnés

e consortium marocain composé du groupe financier Finance.Com, de Fipar – qui est une filiale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) appartenant à l’État marocain – et de la compagnie d’assurance RMA Wataniya a acquis, au début du mois de septembre dernier, le deuxième opérateur du marché marocain, Méditel, en rachetant 65 % de ses parts à l’espagnol Telefonica et à Portugal Telecom.

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La valeur de la transaction atteint un montant de 9 milliards de dirhams – ce qui représente 1,14 milliard de dollars. Ainsi, le capital de Méditel est détenu à hauteur de 100 % par des Marocains, dont 80 % pour Finance.Com, une filiale de la BMCE Bank, d’Othmane Benjelloun. Le reste, à hauteur de 17 %, est la propriété de la société Hodelco, elle-même filiale du groupe Akwa (de l’homme

d’affaires et ministre de l’Agriculture et la Pêche maritime, Aziz Akhenouche). Le marché marocain de la téléphonie mobile est aujourd’hui réparti entre trois groupes locaux : Maroc Télécom (partenaire de Vivendi), Méditel et Wana (une filiale du géant ONA), qui a vendu 31 % de ce dernier au groupe koweïtien Zein, au début de l’année 2009, pour plus de 300 millions de dollars.

SONATRACH/ALCATEL-LUCENT Alcatel-Lucent choisi par le géant pétrolier pour la gestion des réseaux ourniture, installation, déploiement, gestion de projet, intégration et mise en place des services de communication de la société nationale des hydrocarbures… Telles seront les principales missions à remplir pour la com-

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pagnie française AlcatelLucent, choisie par le géant pétrolier Sonatrach pour gérer la modernisation de son système d’information. Le montant du contrat qui unit désormais les deux entreprises est de 12 millions

d’euros et concernera 157 sites algériens. Pour rappel, AlcatelLucent est le deuxième groupe mondial en la matière, derrière Cisco Systems. La société emploie plus de 75 000 salariés et gère des activités dans environ 130 pays.

Au Maroc, les abonnés à la téléphonie mobile étaient au nombre de 23,5 millions de personnes à la fin du mois de juin dernier – contre 21,4 millions un an plus tôt, selon l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Laquelle précise que ces abonnés se répartissent ainsi : 14,3 millions pour Maroc Telecom (60,71 % des parts de marché), 8,63 millions pour Méditel (36,69 %) et 612 000 pour Wana (2,6 %). Entre mars et juin 2009, le nombre d’abonnés mobiles de Maroc Telecom a reculé, passant de 14,63 à 14,3 millions de personnes. Ses deux concurrents ont respectivement vu le nombre de leurs abonnés progresser de 8,36 à 8,63 millions et de 521 000 à 612 000. Pour la téléphonie fixe, les chiffres de l’ANRT montrent une hausse du nombre d’abonnés à fin du mois de juin 2009, à environ 3,27 millions.

Le Diplo en Algérie Selon des informations révélées par CB News, le mensuel Le Monde diplomatique sera bientôt diffusé en Algérie par l’intermédiaire du quotidien El-Khabar. Ce dernier tire à 600 000 exemplaires quotidiens, alors que Le Monde diplomatique diffuse en France à hauteur de 240 000 exemplaires et dans le monde à 2,4 millons de tirages – pour 71 éditions sur l’ensemble du globe. Octobre 2009 /Arabies 67


SAVOIR

ON EN PARLE

CINÉMA Élia Suleiman, l’humour et le silence pour armes Par M’hamed ALAOUI omment, au cœur d’une prison en guise de patrie, ouvrir les vastes horizons qui s’offrent à notre vue et à notre méditation, comme si un mur orbe concédait quelque liberté ? Comment, du drame qui a pris racine avec le désespoir comme humus, faire germer les pousses salubres de l’humour ? C’est le pari que s’est assigné Élia Suleiman dans son dernier film, Le Temps qu’il reste, loin des tropismes tentants. Pari d’autant plus difficile que le cinéaste entend embrasser dans un même élan l’histoire tra-

PHOTO / D.R

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avant 1948, et qu’Élia Suleiman saisit dans le regard qu’il porte sur sa famille, déployant l’éventail de son humour. La facture ? La concision, une colère rentrée et l’importance accordée au silence, une succession de saynètes, plan large, cadre fixe, beauté sèche et sobre de la perspective et de la lumière, parfois presque des tableaux animés où sourd la sédition ; le tout confinant à l’épure. La partie narrative du film sert de repère, ou de cadre nécessaire pour nous situer dans l’Histoire : la signature de la reddition, le

Avec Le Temps qu’il reste, Élia Suleiman confirme les promesses d’Intervention divine.

gique de la Palestine, depuis 1948, et la chronique des Suleiman, sa propre famille… Un taxi quitte l’aéroport de Tel-Aviv… À l’arrière, en flou, Élia Suleiman, de retour chez lui à Nazareth part retrouver sa mère veuve et malade. Éclate aussitôt un orage, vite aveuglant, et le chauffeur de taxi s’arrête sur le bas-côté, coupé de sa base, se demandant : « Où suis-je ? Comment rentrer à la maison ? » Le ton est donné. Le taxi est arrêté comme la vie des Palestiniens, figé comme cette photo montrant la reddition signée en 1948 à Nazareth, ville où Élia a grandi. Israël naissait, la Palestine devenait un pays en suspens. Et le sous-titre du film, « chronique d’une présence-absence » est éloquent. On suit la vie de ces Palestiniens qui ont résisté à l’expulsion et qui résistent aux vexations quotidiennes, devenus Israéliens malgré eux, comme les Suleiman, minorité arabe étrangère dans ce qui fut leur pays 68 Arabies / Octobre 2009

refus du père entré en résistance, son arrestation par Tsahal, la formation du couple Suleiman qui allait donner naissance à Élia, la mort de Nasser, l’Intifada, les affrontements armés ; il n’en reste pas moins qu’Élia nous donne à voir son Histoire, sa Palestine meublée de ses souvenirs et revisitée par son art, aidé de l’apport de ses parents qui ne sont plus ; les notes laissées par le père et associées aux lettres que la mère faisait parvenir aux membres de la famille contraints à l’exil. Film du refus, Le Temps qu’il reste invente d’autres expressions de sédition. C’est l’entêtement du petit Élia à l’école, à répéter que « les Américains sont des impérialistes », malgré les réprimandes du maître. C’est une dizaine de secondes de projection de Spartacus parlant de révolte dans le film de Kubrick. L’insurrection, c’est dans la parole rentrée du regard dédoublé : le metteur en scène regardant Élia, qui, à son tour

(enfant puis adulte), regarde ce qui l’entoure, sans un mot, mais qui dit la tendresse, l’absurde, la mélancolie… et l’infinie lassitude engendrée par plus de soixante ans d’occupation. « Rentre chez toi ! » Certains propos valent leur pesant de sémantique. À un barrage, on tire sur les lanceurs de pierres. Passe alors une jeune mère avec sa poussette (Eisenstein n’est pas loin), un soldat israélien lui lance : « Rentre chez toi ! » Et elle : « Non, toi, rentre chez toi ! » Un crieur de journaux, à qui on demande La Patrie, répond : « Je n’en ai plus, il ne reste que Tous les Arabes, que je donne pour rien. » L’humour, qui n’est pas un simple adjuvant, sert à détourner l’usage des armes de l’occupant. Une saynète montre le va-etvient d’un Palestinien sortant de chez lui pour déposer un sac dans la poubelle sur le trottoir d’en face, portable collé à l’oreille pour inviter un ami à une soirée qui « déchire » au Byblos, sans un regard pour le char menaçant planté devant chez lui et dont le canon suit chacun de se mouvements. Et que dire de ces soldats, venus interdire la soirée pour raison de couvre-feu et qui, pris par le rythme de la musique, se mettent à danser dans leur véhicule ? Le film est plein de tendresse. Contre toute attente, le moment bouleversant n’est pas celui de la vieille mère d’Élia mourante dans son lit d’hôpital, mais bien celui où elle est assise à son balcon, immobile, indifférente et absorbée dans ses souvenirs. Élia dépose près d’elle une radio qui diffuse une vieille chanson arabe. Lentement, son pied se met à esquisser un frêle balancement. Que de verbe dans le silence du fils ! La scène finale est à garder dans les annales. Minuscule, au pied de l’énorme masse de béton du mur de séparation israélien, le cinéaste-personnage Élia se saisit d’une perche, prend son élan et fait le mur ! Avec Le Temps qu’il reste, Élia Suleiman vient confirmer qu’il est tout simplement un I cinéaste. Et un grand !


3 JOURS CLÉS POUR LES DÉCIDEURS IT

03 04 05 novembre 2009 Office des Changes, Casablanca

Salon International sur les Technologies de l’Information Partenaire Officiel

Opération soutenue par le Ministère Délégué au Commerce Extérieur

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SAVOIR

LIRE

Orient-Occident, le choc ? Les impasses meurtrières, Christian Chesnot, Antoine Sfeir, ed. Calmann-Levy, 18 €

Les vertus immorales, Kébir M.Ammi, éd. Gallimard, 206 p.

Valse avec Bachir, Ari Folman et David Polonsky, éd. Casterman, 2009, 143 p., 15 €

PHOTOS / D.R

Par M. ALAOUI Par E. DUPUIS

Par A. SAMAR

e glorieux nom de Moumen fut choisi pour moi en cet an de grâce 1502 de l’ère chrétienne : divers recoupements m’ont permis de retenir cette date, funeste pour les premiers souverains wattassides... » Kébir M. Ammi a choisi le genre romanesque pour nous faire un autre récit d’une histoire qui commence à Salé, ville située sur la côte océanique marocaine. Son narrateur, Moumen, est initié, aux côtés d’un savant acquis à la mystique d’Ibn Arabi, à la lecture, avant qu’il ne franchisse le pas pour la lointaine Amérique… Sous la plume sans complaisance de l’auteur, se déroule le fil de ses pérégrinations à la découverte du Nouveau Monde. Impitoyable navigation où les rencontres s’avèreront souvent hasardeuses, voire extrêmement dangereuses, ce qui obligera cet antihéros d’infortune à dissimuler ses origines et à redoubler de ruse pour survivre à la vindicte qui frappe les Maures. Il croisera un Anglais rompu au commerce aux côtés duquel il tentera d’atteindre Gibraltar, avant de poursuivre seul, pour enfin s’embarquer en compagnie de trois Castillans. Périlleuse traversée de l’océan durant laquelle Moumen se révèlera être un précieux compagnon car sachant lire et soigner. Et trancher des gorges aussi, pour sauver sa peau, lorsqu’il sera débarqué sur le continent. Son aventure se poursuivra à la découverte d’une terre, et de l’amour aussi, avec une Iroquoise. Avant que ne se déchaîne la folie meurtrière d’un Hollandais. Et que ne s’ensuivent d’autres coups de folie, au nom de croyances diverses…

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70 Arabies / Octobre 2009

ne lecture hâtive du titre nous inciterait à penser qu’il s’agit là d’un énième ouvrage portant sur « l’inévitable » choc qui existerait entre l’Occident et l’Orient. Il n’en est rien, même si les deux journalistes, éminents spécialistes du Moyen-Orient, ne nient pas les fossés artificiellement creusés par certains entre deux « civilisations ». S’ils sont d’accord pour rappeler que l’Occident porte une large part de responsabilité, ils entendent rappeler que ce sont aussi les dirigeants orientaux euxmêmes, ou les « pâles copies » que sont leurs héritiers, qui en sont également coupables. Depuis des décennies, le monde arabe connaît une interminable descente aux enfers. Livrée aux appétits des puissances occidentales après la Première Guerre mondiale, cette région est devenue le terrain d’affrontement de multiples rivalités. La découverte du pétrole en Irak et en Arabie Saoudite dans les années 1930 a encore aiguisé les convoitises européennes et américaines ; quant à la création de l’État d’Israël en 1948, alors vécue par le monde arabe comme « la catastrophe », elle n’est toujours pas acceptée. Est-ce une fatalité si les Arabes ne connaissent ni le repos ni la paix ? L’islam est-il insoluble dans la démocratie ou dans la République ? Cette enquête sans complaisance tient son originalité du fait qu’elle fut avant tout menée sur le terrain durant plusieurs années, au contact du quotidien et bien souvent au plus près des maux qui ravagent la région. Le livre de ces spécialistes incontestables du monde arabe se veut une analyse clinique et complète des crises enchevêtrées du Moyen-Orient. Un examen, presque de conscience, pour mieux comprendre une région dont l’avenir demeure encore et toujours une des clés de notre stabilité.

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oman graphique, Valse avec Bachir est une bande dessinée issue des préparatifs du film d’animation, sur fond de documentaire qui reçut un accueil chaleureux au festival de Cannes et obtint le César du meilleur film étranger. Quand on a été témoin d’horreurs, suffit-il de laisser faire l’œuvre de l’inconscient censée être réparatrice ? « Non », répond le cinéaste Ari Folman. Appelé israélien à 19 ans, il était envoyé en 1982 à Beyrouth pour faire la guerre. Il fut alors témoin des massacres de Sabra et Chatila. Un quart de siècle est passé. Mais Ari Folman n’a aucun souvenir de cette période. Il décide d’aller à la recherche de ses anciens camarades de guerre, éparpillés dans le monde, ressentant un besoin de vérité sur cette période et sur lui-même. Avec cette question terrible : « Qu’ai-je fait lors des massacres perpétrés par les chrétiens phalangistes, exécutant des centaines de civils palestiniens dans les camps des réfugiés, avec le laisser-faire coupable de l’armée israélienne ? » Véritable démarche de psychanalyse, ce voyage le plonge dans les méandres de sa mémoire. S’entrechoquent présent et passé, fantasmes, hallucinations et « vérités » – attestées ou inventées. Cette mémoire reconstituée à coups de témoignages successifs, le cinéaste la traduit en images qui relatent sa propre histoire. L’adaptation de l’œuvre sur papier étonne par sa fidélité, la puissance du même réalisme poétique recherché dans le film. L’esthétique et le traitement chromatique s’associent pour côtoyer l’indicible. Par ce récit qui fouille son inconscient, la société israélienne se trouve face à sa mémoire. Valse avec Bachir, passée la réussite formelle tant à l’écran que désormais en bande dessinée, restera une leçon nécessaire contre la barbarie.

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EN VITRINE

DÉFENDU e nouveau Gloss 2009, imaginé par Nicolas Degennes pour Givenchy, est une texture légère, sensuelle et couture… Gloss interdit est une véritable incarnation de l’esprit Givenchy ! Les indices ? Une silhouette sophistiquée et chic, un applicateur pinceau professionnel, des couleurs vibrantes, une formule haute performance ! PHOTOS / D.R

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RETOUR AUX SOURCES e dernier-né de la gamme Guerlain Homme n’échappe pas à la règle : chaque parfum de la marque est unique. À la fois piquante et rafraichissante, L’Eau de Parfum Intense dévoile la meilleure part de l’homme, celle qui met en valeur sa sensualité et sa ténacité. La menthe poivrée et le rhum appuyé procurant à l’ensemble une sensation inimitable…

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LA SIMPLICITÉ EN AVANT ’expression de la sobriété règne au sein de la collection de montres Montblanc ! Cette ligne, dont le design et le fonctionnement se limitent à l’essentiel, accueille le nouveau venu Montblanc Star 4810 Chronograph Automatic. Quand la réduction au plus simple peut satisfaire aux exigences les plus élevées en matière de forme et de fonctionnalité, c’est la quintessence de la mesure du temps. Tout simplement…

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LE TEMPS QUI TOURNE arry Winston présente sa nouvelle collection de montres rares, Histoire de Tourbillon, consacrée à l’artisanat de l’une des « complications » horlogères les plus exclusives. Cette série d’exception, qui comporte cinq modèles, explore la fonction du tourbillon tout en rendant hommage à l’engagement continu d’Harry Winston en faveur de l’innovation dans la haute horlogerie. Vingt pièces seulement sont proposées par modèle, pas de temps à perdre…

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Page réalisée par le service commercial d’Arabies

Octobre 2009 / Arabies 71


SAVOIR

ENTRE NOUS

MAGHREB e marché de l’automobile du Maghreb a bien changé depuis les années 1980 et L 1990, où les rares voitures européennes se résumaient à quelques vieilles Peugeot ou Renault. Désormais, ce ne sont plus les modèles obsolètes en Europe qui sont présents sur le marché maghrébin, mais bel et bien les mêmes véhicules. C’est là toute la différence entre l’époque actuelle et les années 1990 : le marché a rattrapé son retard. Les modèles présents en Afrique du Nord sont de plus en plus modernes et comportent toutes les options auparavant réservées aux seuls conducteurs du Vieux Continent. Bref, à l’image du Maghreb, ils se modernisent d’année en année. Pourtant, on sent les plus grandes marques

mondiales encore réticentes à investir le marché maghrébin. Pourquoi ? Peut-être parce que la clientèle est encore trop ciblée ou que le spectre du terrorisme les freine pour investir dans une région qui demande à monter en puissance… Il faut que les entreprises européennes, américaines et asiatiques prennent véritablement le marché d’assaut, sous peine de se voir reléguées par la concurrence une fois le segment définitivement ouvert à une concurrence pure et parfaite – soit la définition la plus courante du capitalisme : une idéologie qui a mis du temps à s’imposer techniquement au Maghreb, mais qui est enfin lancée.

Politique, Économie : Khattar Abou Diab, Philippe Baran, Akima Bedouani, Mekioussa Chekir, Pierre Fauchart, Hakima Kernane, Christian Malar, Anne Samar, Véronique Terkmani. G Culture, Société : Dominique Francœur, Philippe Cendrier.

Franck Leroy Versailles, France

Abou Dhabi : Gerald Butt ; Beyrouth : Ed Blanche; Dubaï : Paul Weston ; Londres : Rory Mulholland ; Tunis : Moncef Mahroug

ALGÉRIE

ÉGYPTE

es projets urbains envisagés par l’Algérie font « plaisir à lire ». « Enfin » serait même le terme approprié ! Signe de l’ouverture globale du marché algérien, ce désir de faire évoluer le paysage urbain est une véritable avancée, à l’heure où l’économie florissante du monde arabe (je veux parler de Dubaï et d’Abou Dhabi) fait bien la preuve de ses capacités avec des constructions modernes et multiples. Il faut que l’Algérie continue d’œuvrer à la réalisation de nombreuses tours. Car avec l’argent du pétrole et du gaz, les investisseurs ne manqueront pas le jour où les appels d’offre se multiplieront. Espérons qu’alors la capitale, Alger, ne sera pas la seule concernée et que des villes comme Constantine ou Oran pourront également profiter de ce véritable essor de la construction. L’Algérie a les moyens (et les partenaires) de ses ambitions. À elle d’en profiter !

l est encore trop tôt pour se prononcer, mais l’accession de Farouk Hosni à la direction de l’Unesco s’apparente à une véritable reconnaissance pour le monde arabe. Car un Égyptien (et plus globalement un responsable politique issu de la sphère arabo-musulmane) à la tête de l’une des plus grandes organisations onusiennes constitue, à mon sens, une avancée majeure en termes de représentativité. Si l’intéressé est contesté à bien des niveaux, notamment pour certaines prises de position quelque peu tranchées, il n’empêche que son expérience au ministère égyptien de la Culture servira, à bien des égards, la cause de la culture mondiale.

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Nour el-Khebib Oran, Algérie 72 Arabies / Octobre 2009

I

Jean-Christophe Daou Montpellier, France

MAROC ’ai constaté dans vos colonnes que le Maroc pousse sa collaboration avec l’OCDE. Une bonne nouvelle à l’heure

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LE MENSUEL DU

MONDE ARABE ET DE LA FRANCOPHONIE

18, rue de Varize 75016 Paris Tél. : +33 1 47 66 46 00 Fax : +33 1 43 80 73 62

RÉDACTEUR EN CHEF

YASSER HAWARY (Tél. : +33 1 47 66 46 00)

RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS

LILA D. SCHOEPF (Tél. : +33 1 47 66 95 15)

SAMIR SOBH (Tél. : +33 1 47 66 96 93)

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

GUILLAUME COCONNIER COLLABORATEURS G

CORRESPONDANTS

CONCEPTION & DIRECTION ARTISTIQUE

où le Royaume entame un vaste programme de restructuration, notamment pour sa capitale politique, Rabat. Il ne reste plus qu’à faire profiter les travailleurs locaux de ces investissements et une classe moyenne pourra alors voir le jour.

RANDA KHOURI ADMINISTRATION Arabies : Mensuel édité en France par la Société de Conseil en Communication S.A.R.L. au capital de 124.000 FF. RC. Paris 86 BO 1718

GERANT - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

JULIEN HAWARY Responsable administratif : MAGUY PANIAGUA

(Tél. : +33 1 47 66 95 14)

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MANUEL DIAS Tél. : +33 1 47 66 95 14 E-mail : dias@arabies.com

MEDIALEADER Régie de Presse

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’ai beaucoup apprécié l’article du docteur Saint-Jean, qui explique (et c’est assez rare dans les médias) la maladie d’Alzheimer de façon très abordable, sans se montrer trop alarmiste. Il est vrai que de nombreux médias ont une fâcheuse tendance à montrer ce genre de maladies sous leur plus mauvais jour, le marketing de la peur étant bien plus profitable en termes d’audience et/ou de lectorat.

J

Tél. : +33 1 47 66 46 00 / +33 1 42 12 06 12 Fax : +33 1 47 63 63 31 ABONNEMENTS CATHERINE DOBARRO

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KAMEL GRAPHIC 6, Villa St.Charles 75015 PARIS Tél : +33 6 20 61 62 25 IMPRESSION

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Ilies Hadji Rabat, Maroc

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je souhaite être informé de l’évolution politique, économique et culturelle du monde arabe. Veuillez enregistrer mon abonnement à Arabies pour un an - 11 numéros - au tarif mentionné ci-dessous. Veuillez trouver ci-joint mon règlement : K Chèque bancaire ou postal à l’ordre de : Arabies Tarifs Individuel K Mandat international (étranger) France 48 € K Carte de crédit : 0 Visa 0 American Express 0 Eurocard

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FRANCOPHONIE

Président international de l’Alliance francophone

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Visa francophone, l’utopie enfin partagée Par Jean R. GUION

epuis plus de quinze ans, à l’exemple de l’anglophone francophile Oscar Wilde, nous faisons, au sein de l’Alliance francophone, des rêves suffisamment grands pour que nous puissions ne pas les perdre de vue lorsque nous les poursuivons. Depuis plus de quinze ans, nous rêvons d’une francophonie ouverte sur le monde certes, mais surtout réellement ouverte à ceux qui partagent notre langue sans pour autant pouvoir partager, faute de moyens, leurs projets et leurs rêves ! Nous rêvons d’une identité francophone qui puisse permettre aux locuteurs de notre langue de se sentir membres à part entière d’une communauté culturelle et politique au sens noble du terme. Car la francophonie, reconnaissons-le, n’a de sens et d’intérêt que dans la mesure où elle représente un espace de partage des valeurs de liberté, de fraternité et d’égalité… sans frontières ! Un de nos rêves récurrent était la mise en place d’un « passeport francophone » devenu, Europe oblige, un « visa francophone » qui permettrait à nos sœurs et frères de langue, et donc de culture, de pouvoir circuler dans l’espace francophone, afin d’enrichir notre patrimoine commun culturel, économique et scientifique. Plus d’une fois nous avons été qualifiés d’utopistes par ceux qui n’avaient pas lu Édouard Herriot qui, lui, considérait à juste titre que l’utopie n’était qu’une réalité en puissance… Il y a quelques semaines le ministre français de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, probablement plus conscient que d’autres de l’abîme qui se creuse – en particulier entre l’Afrique et la Francophonie – a demandé à ses collègues du gouvernement 74 Arabies / Octobre 2009

de bien vouloir réfléchir à un projet qui s’inspire du nôtre et il nous a demandé de lui transmettre nos propositions ! En dehors de toute considération politicienne, si ce projet se concrétise, même partiellement dans un premier temps, Alain Joyandet s’inscrira alors dans l’Histoire de notre langue comme un de ceux qui l’auront sauvée de la sclérose et du mépris.

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TRIBUNE

Souhaitons que les détracteurs de cette idée généreuse et salvatrice, conservateurs frileux d’idées toutes faites, ne détournent pas cette dernière en alibi ou en élément de communication visant à cacher de sombres intentions. Plus qu’une escroquerie morale, ce serait un crime civilisationnel ! L’Alliance francophone vient donc de démontrer, comme l’écrivait Dom Helder Camara, que lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve… alors que lorsqu’on rêve à plusieurs, c’est déjà une réalité. I L’utopie partagée est donc bien le ressort de l’Histoire.

Cette rubrique permet à diverses personnalités d’exprimer leurs opinions en toute liberté.


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N° 270 — Octobre 2009

LIBAN LES DÉFIS DU GOUVERNEMENT GOLFE L’ÉPINEUSE AFFAIRE AL-GOSAIBI LE MENSUEL DU MONDE ARABE ET DE LA FRANCOPHONIE

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TUNISIE

MAGHREB Les cosmétiques se font la part belle

ALGÉRIE

Visions opposées

IRAK Un retrait et une fracture qui se dessine

DÉVELOPPER NOTRE PARC AVEC DES CENTRALES NUCLÉAIRES NOUVELLE GÉNÉRATION, C’EST GARANTIR VOTRE ALIMENTATION EN ÉLECTRICITÉ. En combinant des sources d’énergie à faibles émissions de CO2 telles que le nucléaire, le gaz naturel et les énergies renouvelables, nous vous assurons un approvisionnement constant en énergie compétitive tout en luttant contre le réchauffement climatique. Redécouvrons l’énergie. Une énergie plus sûre, plus respectueuse, mieux consommée. www.gdfsuez.com

Pour rééquilibrer la balance commerciale, Ahmed Ouyahia remet en question la politique économique d’Abdelaziz Belkhadem. Pourra-t-il maintenir le cap, entre résistances internes et pressions internationales ?

N° 270 — Octobre 2009

© Ch.Guibbaud/Abacapress - Crédit photo : Hiroshi Higuchi / Gettyimages - SAATCHI & SAATCHI - GDF SUEZ: SA AU CAPITAL DE 2 259 627 708 € - RCS PARIS 542 107 651

Le président Ben Ali face aux électeurs

L ’ É N E R G I E

E S T

N O T R E

A V E N I R ,

É C O N O M I S O N S - L A

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Belgique ..................4.46 € Réunion ..................6.86 € Liban .......................5000 L Sénégal............. 2 000 CFA Comores ...........2 000 CFA

Luxembourg...........4.74 € Canada .................7.95 $ C Arabie Saoudite....... 25 SR Mali...................2 000 CFA Djibouti...................5.19 €

Suisse...........................8 FS USA.....................5.90 $ US É.A.U. ......................25 DH Gabon............... 2 000 CFA Allemagne...............6.14 €

Grèce.......................4.11 € Maroc ......................24 DH Koweït ................. 2.75 DK Guinée..................... 6.86 € Italie ........................5.17 €

Antilles........................... 6.86€ Tunisie............................2.5 DT Côte-d'Ivoire ......... 2 000 CFA Afrique zone CFA . 2 000 CFA Algérie ......................... 120 DA

M 03319 - 270 - F: 4,50 E

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