TROISCOULEURS #145 - Octobre 2016

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OCT. 2016

NO 1 45 GRATUIT

MADEMOISELLE

PARK CHAN-WOOK PLAISIRS DÉCHAÎNÉS



ÉDiTO Jouissif.

Sur près de deux heures trente, le nouveau film de Park Chan-wook (Old Boy, Sympathy for Mister Vengeance) installe une irrésistible montée en puissance, tant narrative que formelle, au diapason de ses deux héroïnes, amoureuses précipitées dans une échappée jubilatoire dans la Corée des années 1930. Sur sa lancée, Mademoiselle ne boude aucun plaisir, sautillant de la farce au romanesque, du sadisme au sentimental, du macabre à l’érotisme – lequel atteint son paroxysme dans les scènes de sexe, aussi explicites que joyeuses. Car c’est bien de joie qu’il est ici question : la joie de faire du cinéma, que Park Chan-wook nous a confirmée en entretien. Elle fait vibrer ce film et lui donne sa puissante énergie, unissant dans une même euphorie le cinéaste, ses héroïnes et le spectateur. Soit la plus belle des étreintes. • JULIETTE REITZER


PUISSANT. PERCUTANT. FABULEUX. CAPTIVANT. ' LE POINT

LE FIGARO

LA CROIX

9 NOVEMBRE

: HABIB MAJIDI, SMPSP • DESIGN LAURENT PONS / TROÏKA

MEMENTO FILMS PRÉSENTE

© PHOTO

L OBS


POPCORN

P. 10 ALAIN DELOIN EN RUSSIE • P.  12 RÈGLE DE TROIS : LESCOP P. 20 LE NOUVEAU : THOMAS SCIMECA

BOBINES

P. 26 FACE À FACE : KEN LOACH • P. 32 EN COUVERTURE : PARK CHAN-WOOK • P.  4 2 FOCUS : ALBERT SERRA

ZOOM ZOOM P. 62 LA FILLE INCONNUE • P.  6 4 11 MINUTES P. 76 RÉPARER LES VIVANTS

COUL’ KIDS

P. 88 LA CRITIQUE D’ÉLISE : MA VIE DE COURGETTE P. 92 LA TOUT DOUX LISTE • P.  93 FAIS TON THÉÂTRE D’OMBRES

OFF

P. 9 6 EXPO : LIZ MAGOR • P.  102 CONCERT : SWANS P. 108 SÉRIE : HIGH MAINTENANCE

ÉDITEUR mk2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY COORDINATION IMAGE : ALICE.LEMOIGNE@MK2.COM | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : MARILOU DUPONCHEL ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : STÉPHANE BEAUJEAN, CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, ARTHUR CERF, RENAN CROS, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, HALORY GOERGER, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, MEHDI OMAÏS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉTIENNE ROUILLON, MARGOT TIOUNINE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, HERMINE WURM, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET LUCIE | PHOTOGRAPHES : VINCENT DESAILLY, ANTOINE DOYEN, PALOMA PINEDA, FLAVIEN PRIOREAU ILLUSTRATEURS : LOUIE CHIN, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, JEAN JULLIEN, PLAYGROUND PARIS PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM | CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com


INFOS GRAPHIQUES

On

VIEUX JEUX

n’a pas vu le temps passer : quinze ans que Renée Zellweger, ce mois-ci à l’affiche de Bridget Jones Baby, incarne à l’écran l’héroïne phare de la chick lit. Vieillir en même temps qu’un héros de fiction, nombre d’acteurs et actrices s’y sont essayé. Ceux-là, notamment, sont longtemps restés collés à la peau de leur personnage. • J. R. & Q. G.

SYLVESTER STALLONE en ROCKY BALBOA ROCKY de John G. Avildsen

1976

40

CREED.

L’HÉRITAGE DE ROCKY BALBOA

A NS

de Ryan Coogler

2016

ARNOLD SCHWARZENEGGER en TERMINATOR T-800 TERMINATOR de James Cameron

1984

31

A NS

TERMINATOR GENISYS d’Alan Taylor

2015

LIV ULLMANN en MARIANNE SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE d’Ingmar Bergman

1973

30

A NS

SARABAND d’Ingmar Bergman

2003

MICHEL BLANC en JEAN-CLAUDE DUSSE LES BRONZÉS de Patrice Leconte

1978

28

A NS

LES BRONZÉS 3 AMIS POUR LA VIE de Patrice Leconte

2006

JEAN-PIERRE LÉAUD en ANTOINE DOINEL LES QUATRE CENTS COUPS de François Truffaut

1959

20

A NS

L’AMOUR EN FUITE de François Truffaut

1979

ÉMOPITCH LA MORT DU ROI LOUIS XIV D’ALBERT SERRA (SORTIE LE 2 NOVEMBRE) 6


PRÉSENTENT

U N

F I L M

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K A T E L L

Q U I L L É V É R É

D’APRÈÈS PHOT D’APR PHOTOO ELISE ELISE PINELLI PINELLI © CRÉDIT CRÉDITSS NO NON ON CONTRA CONTRACTUELS ACTUELS C

RÉPARER LES

VIVANTS

TA H A R R A H I M . E M M A N U E L L E S E I G N E R . A N N E D O R VA L B O U L I L A N N E R S . K O O L S H E N . M O N I A C H O K R I . A L I C E TA G L I O N I . K A R I M L E K L O U ALICE DE LENCQUESAING . FINNEGAN OLDFIELD . THÉO CHOLBI . GABIN VERDET AV E C L A PA R T I C I PAT I O N D E D O M I N I Q U E B L A N C M AY L I S D E K E R A N G A L PA R U A U X É D I T I O N S G A L L I M A R D / V E R T I C A L E S K AT E L L Q U I L L É V É R É G I L L E S TA U R A N D M U S I Q U E O R I G I N A L E A L E X A N D R E D E S P L AT

D’APRÈS LE ROMAN DE SCÉNARIO ET DIALOGUES

LE 1

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© 201 2016 - LES FILMS DUU BÉLIER BBÉLIER - L.F.P .F.P - LES FILMS PELLÉ PELLÉAS PELL AS - FRANCE FRANCE 2 CINÉMA CINÉMA - MARS MARS RSS FIFILMS M - JOUROR JOU O - CN5 PRODU P CTIONS - EZEKIEL EL FFILM LM PR P ODUCTI ODUCT ONN - FFRAKAS RAKAS PRODUCCTIONS RA TION – RTBF

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RÉPARER LES VIVANTS DE MAYLIS DE KERANGAL DANS LA COLLECTION FOLIO


L’AVIS PUBLIC

#JUMANJI #SEXISME @LEBLOGDUCINEMA

Première image de la suite de #Jumanji ! Clairement, avec Dwayne Johnson et Karen Gillan on est loin de l'esprit mignon du premier...

@CLARADELLE

@RHINEVILLE *

Voici à quoi ressemble l'inverse. Sans dec, les mecs, ça vous paraît toujours pas bizarre? #Jumanji

@KARENGILLAN *

Jumanji! Oui je porte des vêtements taille enfant et OUI il y a une raison à ça! Ça en vaut la peine, promis! #Jumanji

STRAPOTIN

« J’ai vu Mulholland Drive le jour de sa sortie. Au moment où les deux actrices s’embrassent, le film s’est mis à ralentir jusqu’à se figer et à se consumer sur l’écran. C’était superbe. J’étais sous le choc. Soudain, écran blanc, silence. Tout le monde frémit. Lynch est un génie. En fait, c’est la bobine qui vient de prendre feu en cabine. On doit évacuer la salle ! DJIBRIL, 34 ANS

»

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*Tweets traduits de l’anglais

POPCORN

Ce malaise Crop top, mini short et bottines, tenue parfaite Il va être cool ce #Jumanji LOL #sexismeordinaire


SÉANCE DE RATTRAPAGE

SAINT-BERNARD — Tu as vu comme le père agit sur le réel de sa fille, et sur le film à la fois ? — Tout ce qu’il invente advient. — Et il va aussi loin que son corps le permet. C’est un vrai clown : il n’a pas de limite. Mais la caméra a l’intelligence de ne pas être uniquement au service de la narration. C’est comme si Maren Ade se payait le luxe de se promener dans son film tout en le réalisant. — Ce qui m’a frappée, c’est que même affublé de ce costume bulgare à poil, on le reconnaît. Son masque est présent dès le début du film. — Dans sa corporéité de gros chien balourd ? — Alors un énorme chien de berger un peu taré, suffisamment grand pour nous prendre dans ses bras. — Moi aussi, je voudrais bien qu’on me prenne dans ses bras. • HALORY GOERGER — ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

Chaque mois, notre chroniqueur Halory Goerger s’offre une séance de rattrapage. Impressions après Toni Erdmann de Maren Ade, vu avec une amie chorégraphe. — Tu noteras que ce film met fin à la malédiction : habituellement, c’est toi qui m’emmènes voir les bons films. Pourquoi ? — Parce que j’ai du goût ? —… — Je vois peu d’images, je me méfie d’elles. Je n’ai pas de recul, mon empathie est immense, alors je me protège en allant voir ce qui me touche pour de bonnes raisons. Quand rien n’est caricatural, j’ai confiance. — Ce sont les 2 h 42 qui t’ont fait du bien, non ? Le temps long permet l’implicite. Ça n’est pas concaténé comme une interview radio. — Et ça crédibilise le chemin narratif, qui amène dans des endroits étranges.

Jubilatoire. À hurler de rire. Luchini désopilant, Luchini est top. Un chef d’ œ uvre. Un pur bonheur. L’OBS

Binoche géniale. LES INROCKS

LE FIGARO

VERSION FÉMINA

LIBÉRATION

Un sommet de drôlerie.

Une comédie féroce. TÉLÉRAMA

STUDIO CINÉ LIVE

Hilarant. Une pépite. LA VIE

LE JDD

En

et

9

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ALAIN DELOIN

À L’EST, RIEN DE NOUVEAU POPCORN

Dans

succès, de trouver des solutions pour l’industrie l’ombre d’un trop lourd héritage, du cinéma. » « Un moyen comme un autre de le cinéma russe bat de l’aile : mettre un coup de projecteur sur des difficultés revue de presse locale. Début septembre, la ignorées depuis vingt ans », rétorque, dans Russie était à l’honneur à la Mostra de Venise : les colonnes d’Izvestia, le producteur Sergey Andreï Kontchalovski, 79 ans, y remportait Selyanov. Le site d’information Rambler News un Lion d’argent pour son film Paradis. Mais renchérit en citant Karen Shahnazarov, le derrière les lauriers se cache une réalité moins directeur des studios Mosfilm, pour qui ces flatteuse. « Aucun film produit en Russie en initiatives ne sont qu’un « événement de plus 2016 n’a été rentable », rapporte Ekaterina consacré au cinéma soviétique [...] Cela nous Mtsitouridze, porte-parole de Roskino a fait subir des pertes, (le pendant local car nous avons dû d’UniFrance) à l’agence assurer des projections de presse RIA Novosti. gratuites tout au long « Cette situation mérite de l’année. » Symbole d’être analysée, car elle RUSSIE d’une industrie jadis témoigne d’un échec Moscou florissante, Mosfilm dans l’attribution des Océan Kazakhstan Mongolie Pacifique – le Hollywood subventions de l’État », moscovite, fondé dans ajoute-t-elle. Proche Chine les années 1920 – a du pouvoir, le quotidien du mal à se libérer de son héritage et aller Izvestia écrit : « Après deux décennies vers des projets innovants. Pour le quotidien d’inaction, les autorités ont décidé de prendre Moskovski Komsomolets, le cinéma russe le problème à bras-le-corps. » Notamment doit se tourner vers la jeune création pour en proclamant 2016 « année du cinéma s’en sortir : « Ce qu’il faut retenir de l’époque russe », et en programmant une centaine de soviétique, ce n’est pas une nostalgie du passé, projections et de rendez-vous dans tout le mais la capacité de discerner et de promouvoir pays. En janvier 2015, le portail gazeta.ru citait des talents. » • MARGOT TIOUNINE le président Vladimir Poutine : « Cet événement sera l’occasion de se souvenir de nos grands ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

JETLAG

À l’époque soviétique, chaque agglomération devait avoir un cinéma d’été à ciel ouvert et un cinéma d’hiver. Les salles russes sont aujourd’hui moins populaires : une place au cinéma Pobeda de Moscou, fraîchement rénové, coûte 500 roubles (7 euros), pour un salaire moyen de 30 000 roubles (400 euros). • M. T.

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RÈGLE DE TROIS

LESCOP Ton album en trois mots ? Chercher, perdre, retrouver. Le film que tu as vu au moins trois fois ? Le Dictateur de Charlie Chaplin. Quand j’étais gamin, je pouvais en réciter des passages entiers. Trois baisers de cinéma qui t’émoustillent ? Ado, j’avais été hyper troublé par une scène d’Indiana Jones et la Dernière Croisade de Steven Spielberg dans laquelle la professeure Elsa Schneider fait un baiser d’adieu à Indiana Jones en lui mordant la lèvre. Il y a aussi celui de A History of Violence de David Cronenberg pendant laquelle les amants s’étreignent et se battent en même temps. Et enfin la scène de baiser torride entre Naomi Watts et Laura Harring dans Mulholland Drive de David Lynch. Tout au long du film, il y a un truc qui monte. La tension érotique est très bien gérée.

Trois films qui ont marqué ton adolescence ? D’abord, un gros teen movie, L’amour ne s’achète pas de Steve Rash. Je me reconnaissais dans le personnage : j’étais un peu le boloss qui tombait amoureux de la chef des pom-pom girls, même s’il n’y avait pas de pom-pom girls en France… Ensuite, Les Révoltés du Bounty de Frank Lloyd. J’adorais la mer, l’aventure, le voyage… Et aussi Les Affranchis de Martin Scorsese. C’est le premier film pour adultes que j’ai aimé. Trois films qui te débectent ? Toute la filmographie de Lars von Trier. Pour moi c’est un personnage affreux. Sa vision du monde est moche. On voit qu’il déteste ses acteurs, qu’il exècre l’humanité. Sa façon de filmer les femmes est dégueulasse et misogyne. Ce n’est pas un misanthrope, comme pouvait l’être, par

— : « Echo » de Lescop, (Pop Noire)

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© ANTOINE CARLIER

Après un premier opus, sorti il y a quatre ans, truffé de références au cinéma, le chanteur ténébreux et romantique revient avec un deuxième album aux accents pop et cold-wave intitulé Echo. L’ancien leader du groupe Asyl a répondu à notre questionnaire cinéphile. exemple, Maurice Pialat, qui essayait de s’aimer lui-même à travers ses propres personnages. Lui, il est toujours malveillant, et au-delà de ça ses films ne sont vraiment pas terribles. Trois films avec des garçons dérangés, comme dans ta chanson ? Ludwig. Le crépuscule des dieux de Luchino Visconti, la symbiose entre un personnage dérangé et un acteur, Helmut Berger, qui ne l’est pas moins. Le Crabe-tambour de Pierre Schoendoerffer, dont le protagoniste ressemble un peu au personnage de ma chanson – il poursuit des rêves étranges. Sinon, Entretien avec un vampire de Neil Jordan. Tom Cruise a très bien donné corps au Lestat du roman d’Anne Rice. Je m’en suis inspiré pour écrire « Dérangé ». • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET



SCÈNE CULTE

POPCORN

MR. MAJESTYK

En

«  C ’est son terrain de chasse. Il nous a amenés ici. » faire monter lentement la pression, adoptant le rythme flegmatique de son personnage et ne recourant à la violence que par soudaines déflagrations. Il faut ainsi attendre les trois quarts du film pour que le basculement s’opère, lors d’une scène de poursuite dans les sublimes paysages du Colorado au cours de laquelle Majestyk utilise la ruse pour séparer puis éliminer ses poursuivants ; un ballet sauvage de tôle froissée et de poussière soulevée défiant les lois de la mécanique qui s’achève lorsque la dernière voiture de tueurs s’engouffre dans un tunnel. Un plan haletant les plonge dans le noir : à l’autre bout, le rond de lumière annonce leur défaite. « C’est son terrain de chasse. Il nous a amenés ici », comprend, un peu tard, Renda. Le chasseur est devenu la proie. Tout rentrera bientôt dans l’ordre (et la morale ?), sur un dernier coup de fusil à pompe. • MICHAËL PATIN

1974, la défaite au Viêt Nam est consommée, Nixon prend la porte, et la société américaine compte ses fractures après une décennie de luttes sociales. Produit de la tension ambiante, le personnage du vigilante (un citoyen décidant seul, hors du cadre de la loi, d’exercer une justice expéditive) s’impose dans le cinéma, du western au polar en passant par la blaxploitation. Après Clint Eastwood, qui règle ses comptes dans L’Homme des hautes plaines (1973) et le premier Dirty Harry (1972), Charles Bronson devient le visage de ce nouveau (anti)héros symbole d’un idéal de justice perverti avec les emblématiques Mr. Majestyk et Un justicier dans la ville, tous deux sortis en 1974. Moins controversé que ce dernier, dont il est le pendant rural, Mr. Majestyk conte l’histoire d’un honnête cultivateur de pastèques qui se retrouve pris en tenaille entre les voyous locaux et un tueur professionnel, Frank Renda (Al Lettieri), dont il a eu le malheur de croiser la route. Richard Fleischer prend le parti de

— : de Richard Fleischer

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"ON AIME À LA FOLIE !" 20 MINUTES

"INOUBLIABLE ! MAGISTRAL !" PARIS MATCH

"SUBLIME ! ON EN REDEMANDE !" LE MONDE

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LE 1ER NOVEMBRE


C’EST ARRIVÉ DEMAIN

POPCORN

2116

L’ANNÉE OÙ L’ON APPRIT À GARDER SES MAINS DANS SES POCHES

En

afin de ne pas courir le risque d’avoir une vision du film déformée par la subjectivité du spectateur-transmetteur. Des attroupements se formaient donc à la sortie des projections. Les cercles se faisaient et se défaisaient. Certains spectateurs monnayant ce service, à un prix inférieur à celui d’une place de cinéma. Pour lutter contre ce nouveau piratage, les studios avaient trouvé une solution radicale : poster des snipers sur les toits des cinémas, chargés de tirer à vue sur les personnes se tenant la main. Il y eut bien des dommages collatéraux, occasionnés par des amoureux enlacés qui ne manquaient jamais de passer par là, mais ceux-ci pesaient bien peu au regard des indiscutables bienfaits de cette méthode. • CHRIS BENEY ILLUSTRATION : PLAYGROUND PARIS

direct de l’avenir, retour sur une forme de piratage qui faillit bien avoir raison du cinéma. On ne serrait plus la main de n’importe qui. La transmission de pensées par le toucher avait transformé les rapports humains. Une simple apposition des paumes permettait de partager avec autrui ses opinions, ses envies et ses souvenirs. Nous étions devenus économes de nos gestes, y compris les récalcitrants non encore dotés de l’implant indispensable aux transferts. Économes de nos gestes et de notre argent : plus besoin d’aller au cinéma en famille. Il suffisait qu’un seul se dévoue. Après la séance, l’émissaire formait une ronde avec les siens, et ces derniers, en un clin d’œil, avaient le souvenir de n’avoir rien manqué d’un spectacle auquel ils n’avaient pourtant pas assisté. Il ne fallait pas attendre, par contre,

REWIND

OCTOBRE 1976 AU CINÉMA

Aubaine : Luc Moullet profite d’une bévue de sa banque, qui lui a versé 75 000 francs par erreur, pour réaliser Anatomie d’un rapport • Hasard : les têtes d’affiche de Mado de Claude Sautet sont Piccolo et Piccoli • Prémonition : L’Aile ou la Cuisse de Claude Zidi s’intitulait initialement Merci patron ! • Pas de bol : dans Bittersweet Love de David Miller, les deux protagonistes tombent amoureux, se marient et font un enfant ; puis découvrent qu’ils sont frère et sœur. • Q. G.

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© Philippe Mazzoni/CINÉ+

A partir du 7 octobre 2016

Les films sont plus intenses avec de la science A l’occasion de la fête de la Science, une programmation spéciale sur

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TENDANCE

LE DOCU-FICTION

POPCORN

REVU

Considéré comme le créateur de l’ethno-fiction, sous-genre du docu-fiction, Jean Rouch est à l’honneur ce mois-ci avec la ressortie de deux de ses films. Dans Moi, un Noir (en salles le 12 octobre), il suit un groupe de jeunes Nigériens exilés à Treichville, une banlieue d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Filmés avec la caméra légère du documentariste, ils se racontent en voix off, doublant parfois les protagonistes avec un décalage savoureux. À leur quotidien fait de galères (jobs sous-payés, difficultés amoureuses…), ils opposent la fiction, se choisissant chacun un pseudo lié au cinéma (Eddie Constantine, Tarzan…) ou se rêvant victorieux d’un combat de boxe. En 1958, année où le film reçoit le prestigieux prix Louis-Delluc, Jean Rouch commence à travailler sur un autre projet qu’il achèvera sept ans plus tard : La Chasse au lion à l’arc (qui ressort le 26 octobre), couronné du Lion d’or à Venise. Il a sillonné le « pays de nulle part », une zone montagneuse à la frontière entre le Niger et le Mali, pour documenter et expliquer de son incroyable ton de conteur les rituels entourant la chasse au lion. Là encore, l’empathie et la magie de Rouch opèrent : sa poésie transcende le réel. • TIMÉ ZOPPÉ

BÉVUE

BIEN VU

Primé à Sundance en janvier dernier, Kate Plays Christine de Robert Greene s’intéresse au triste sort de Christine Chubbuck, une animatrice de télé américaine qui s’est suicidée à l’antenne en 1974. Suivant la préparation de Kate Lyn Sheil, l’actrice choisie pour incarner la journaliste, le docu-fiction, plébiscité en festivals mais dont la date de sortie française n’est toujours pas connue, semble quand même bien glauque. • MARILOU DUPONCHEL

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La 5e édition du festival international du film indépendant de Bordeaux se tient du 13 au 19 octobre. Dans l’affriolante sélection des films en compétition, on a hâte de découvrir Bonheur Académie d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, un docu-fiction intriguant sur des pensionnaires de l’université européenne du bonheur de Raël, avec les déjantés Laure Calamy et Benoît Forgeard. • M. D.



LE NOUVEAU

POPCORN

THOMAS SCIMECA

– : « Apnée » de Jean-Christophe Meurisse Shellac (1 h 29) Sortie le 19 octobre Retrouvez l’interview intégrale de Thomas Scimeca sur www.troiscouleurs.fr

Dans

Apnée, il est le maladroit du trio de bras cassés qui se lance dans une quête effrénée de normalité (mariage, CDD). « J’aime bien jouer les mecs un peu cons. L’idée, dans le film comme sur scène [les trois comédiens font partie de la troupe des Chiens de Navarre, ndlr], c’est de jouer sur l’ambiguïté, la confusion entre le personnage et l’acteur, qu’on se demande : “Il est vraiment idiot ?” » Peu à l’aise avec les méthodes du Conservatoire, Thomas Scimeca s’est vite senti comme un poisson dans l’eau avec cette troupe qui travaille l’impro. Aujourd’hui, il se tourne vers le cinéma – on le verra bientôt à l’affiche du Voyage au Groenland de Sébastien Betbeder. « Il faut être efficace tout de suite : t’as une heure pour tourner, et on passe à autre chose, même si t’as été à chier. Il y a encore plein de choses qui m’échappent, c’est hyper stimulant. » Improviser devant l’inconnu, voilà le détonnant moteur de Thomas Scimeca. • RAPHAËLLE SIMON — PHOTOGRAPHIE : ANTOINE DOYEN 20


Un bijou à 4 pattes ! Ellen Burstyn Kieran Culkin Julie Delpy Danny DeVito Greta Gerwig Tracy Letts Zosia Mamet

Le Teckel TODD SOLONDZ

© CARACTÈRES

CRÉDITS NON CONTRACTUELS

UN FILM DE

www.arpselection.com

19 OCTOBRE

www.lecinemaquejaime.com


L’ILLUMINÉ

POPCORN

LOVE ON DELIVERY VU PAR LOUIE CHIN

En

réponse à notre carte blanche, l’illustrateur new-yorkais a mis à l’œuvre son trait graphique et coloré inspiré des comics américains pour rendre hommage à l’univers pop et déjanté de Stephen Chow, le roi de la comédie hongkongaise. « Ses films me font mourir de rire. J’ai grandi avec, on les regardait en famille. Dans Love on Delivery [1994, inédit en France, ndlr], Chow apprend les arts martiaux pour séduire une fille. Ça fourmille de références aux films d’action et à la pop culture. » • (INSTAGRAM : @LOUBOT) 22


L’AMOUR EST DANS LE RING !

FB • Photos by Kuokkasen Kuvaamo © Aamu Film Company 2016

AAMU FILM COMPANY présente en coproduction avec ONE TWO FILMS, FILM VÄST, TRE VÄNNER PRODUKTIONER

LE 19 OCTOBRE


20 MINUTES

UFO DISTRIBUTION présente une production BAXTER FILMS et LES FILMS VELVET

DANIEL VANNET

ROMAIN LÉGER

ET

NOÉMIE LVOVSKY

Artwork : Aksel Varichon (www.aksel-creas.com)

UN FILM DE

LUDOVIC BOUKHERMA ZORAN BOUKHERMA MARIELLE GAUTIER HUGO P. THOMAS AVEC

ROBERT FOLLET, GENEVIEVE PLET, ERIC JAQUET ET ALEXANDRE JACQUES

SCÉNARIO LUDOVIC BOUKHERMA, ZORAN BOUKHERMA, MARIELLE GAUTIER, HUGO P. THOMAS IMAGE THOMAS RAMES SON REMI CHANAUD, RENAUD BAJEUX, CHARLOTTE BUTRAK MARTIAL DE ROFFIGNAC MUSIQUE ORIGINALE HUGO P. THOMAS ET SHAKEDON MONTAGE XAVIER SIRVEN AVEC LA COLLABORATION DE HÉLOÏSE PELLOQUET PREMIÈRE ASSISTANTE RÉALISATEUR CÉLIE VALDENAIRE DIRECTEUR DE PRODUCTION NICOLAS TRABAUD RÉGISSEUR GÉNÉRAL ALEXIS ORLANDINI PRODUCTION DÉLÉGUÉE BAXTER FILMS PIERRE-LOUIS GARNON LES FILMS VELVET FRÉDÉRIC JOUVE, MARIE LECOQ EN COPRODUCTION AVEC M141 AVEC LA PARTICIPATION DE LA RÉGION NORMANDIE DISTRIBUTION FRANCE UFO DISTRIBUTION VENTES INTERNATIONALES ALMA CINEMA

LE 19 OCTOBRE


TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


KEN LOACH

BOBINES

YES WE KEN

Après Le vent se lève (2006), l’humble et discret Ken Loach ramène l’opulente Palme d’or en Grande-Bretagne pour la deuxième fois. Avec Moi, Daniel Blake, il suit deux générations de précaires en lutte contre une administration absurde : Daniel, un menuisier cardiaque contraint par l’agence pour l’emploi de trouver un travail malgré l’avis de son médecin, et Katie, une mère célibataire qui tente de joindre les deux bouts. À travers eux, Loach poursuit vaillamment, à 80 ans, l’engagement qui le motive depuis ses débuts ; clamant, comme dans son discours à Cannes : « Un autre monde est possible et nécessaire. » 26


BOBINES

FACE À FACE

La solidarité de classe est-elle la meilleure réponse face à la violence subie par les plus pauvres ? Je pense même que c’est la seule solution. En ce moment, la droite cherche à diviser la classe ouvrière en clamant que les migrants leur volent leurs emplois. Mais, unie, je pense vraiment qu’elle peut changer le monde. Dans le film, Katie est en difficulté financière et choisit de quitter Londres avec ses deux enfants pour Newcastle. Daniel lui offre son amitié sans rien attendre en retour. Pour lui qui n’a pas d’enfants et dont l’épouse est décédée, c’est comme une nouvelle famille qui peut s’entraider. Ce n’est pas dit

explicitement, mais au fond c’est ce lien, cette solidarité, que raconte cette histoire. Avec votre scénariste Paul Laverty, vous avez passé du temps dans des banques alimentaires pour préparer le film. Quelles images en gardez-vous ? Ce qui est frappant, c’est le nombre croissant de personnes qui ont recours aux banques alimentaires. À Newcastle, où nous avons tourné, il y en a trois, alors que la ville est relativement petite. Dans celle où nous avons filmé, il y a eu environ deux mille personnes qui sont venues le jour de Noël. Je me souviens, par exemple, de cette femme affamée qui n’a pas pu s’empêcher d’ouvrir une boîte de conserve et de la manger sur place [comme Katie dans le film, ndlr], ou encore de cet homme à qui je voulais parler mais qui a refusé parce qu’il avait honte d’être dans cette situation. Il avait faim, mais il est parti, par fierté.

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BOBINES

KEN LOACH Vous collaborez avec Paul Laverty depuis une vingtaine d’années. Qu’a-t-il apporté à vos films ? Entre nous, c’est un échange. Ça fonctionne bien parce qu’on partage la même analyse politique sur les conflits qui traversent la société. Et puis, on a tous les deux la même vision de ce à quoi doit ressembler un film. C’est capital, parce qu’auparavant j’avais travaillé avec des scénaristes avec les mêmes opinions politiques que moi, mais avec qui j’avais des désaccords sur la structure du film, des questions de narration… Ensuite, avec Paul, on a le même goût pour le football. Et surtout, on prend plaisir à travailler ensemble. Quel sens donnez-vous à cette deuxième Palme d’or ? C’est d’abord un honneur pour moi, et pour toute l’équipe qui a contribué à l’élaboration du film. C’est un prix qui permettra que celui-ci soit mieux distribué, ce qui signifie qu’un plus grand nombre de personnes pourra le voir. C’est surtout important parce que, en Grande-Bretagne, la droite et la presse ne pourront pas ignorer le message qu’il porte. Daniel est un peu dépassé par les nouvelles technologies, ce qui s’avère être un facteur excluant pour obtenir un job aujourd’hui. Et vous, vous en êtes où par rapport à ça ? Je ne suis vraiment pas doué, j’arrive à peine à utiliser mon portable. Je pense que la technologie peut être bénéfique comme elle peut être néfaste. Ça dépend qui la contrôle ou l’utilise. Si les grandes entreprises en usent pour virer leur personnel, c’est dangereux. Mais, dans le film, je montre que ça peut aussi rapprocher des gens, notamment quand le jeune voisin de Daniel lui enseigne comment s’en servir. Le film évoque aussi l’absurdité du système : par exemple, la manière dont, pour

communiquer avec les décisionnaires de l’agence pour l’emploi, il faut attendre trois heures au téléphone avant de finalement tomber sur une boîte vocale… C’est pareil chez vous ? C’est un cauchemar, surtout pour les personnes les plus faibles. Ma mère a un jour appelé l’une de ces boîtes vocales. Elle était malade, et sa main tremblait tellement qu’elle n’arrivait pas à presser les touches du téléphone. Comme le temps pour répondre était écoulé, elle a dû recommencer la procédure plusieurs fois… Votre engagement est inchangé depuis vos débuts, et vos films témoignent d’une précarité toujours grandissante. N’êtes-vous pas découragé parfois par cette situation qui semble ne pas s’améliorer ? Non, parce qu’il faut avoir une analyse sur le long terme. C’est une longue lutte dans laquelle est entraînée la classe ouvrière depuis la révolution industrielle. Il y a eu bien des victoires depuis. Il y avait de l’espoir hier, et il y a de l’espoir aujourd’hui. En Europe, il est porté par des mouvements comme Syriza en Grèce, Podemos en Espagne… Bernie Sanders, aux États-Unis, a su faire entendre une autre voix. Et en Grande-Bretagne, le Parti travailliste, autrefois dirigé par des sociaux-démocrates comme Tony Blair, a désormais un leader très progressiste, Jeremy Corbyn [qui vient d’être réélu, ndlr]. C’est le seul chef de parti qu’on a vu soutenir des grèves en se mêlant à ceux qui les faisaient. Vous imaginez François Hollande faire ça ? Pour dépeindre la brutalité du climat social et économique, votre mise en scène se fait assez discrète, plutôt statique. Pour moi, la caméra doit épouser la vision humaine. Si le spectateur était au côté de Daniel et Katie, dans la même salle, ses yeux n’iraient pas se promener aux quatre coins de la pièce, ils resteraient focalisés sur l’action. Il faut que le public oublie la caméra, qu’il ait la sensation d’être avec les protagonistes.

« On sanctionne les gens parce qu’ils ne trouvent pas de travail. Comme si c’était leur faute. » 28


Certains de vos acteurs ont réellement été employés dans des agences pour l’emploi. Sur le tournage, quel était leur sentiment par rapport à ce qu’ils y avaient vécu ? Ils ont clairement quitté leur boulot parce qu’ils trouvaient trop dur de maltraiter ainsi les chômeurs. Ce qu’il y a de plus douloureux aujourd’hui dans ces centres, c’est la manière dont on culpabilise et dont on sanctionne les gens parce qu’ils ne trouvent pas de travail. Comme si c’était leur faute. Pensez-vous que le cinéma social doive rester fidèle à la réalité ? Ou peut-il la modifier pour servir son ambition politique ? Que ce soit dans un film hyper réaliste, un film de science-fiction ou une comédie extravagante, plus que le réalisme, c’est la vérité qui importe. C’est comme un contrat passé avec le spectateur. Avez-vous suivi ce qui s’était passé récemment en France avec les luttes contre la « loi travail » ? Oui, c’est comme ça un peu partout en Europe : les partis de gauche au pouvoir se conduisent comme des partis de droite… Les travailleurs sont de plus en plus vulnérables. En Grande-Bretagne aussi les conditions de travail se dégradent. On y

voit se généraliser les contrats zéro heure. Le salarié est sommé d’être disponible à n’importe quel moment pour l’entreprise, selon les besoins de celle-ci. En revanche, l’employeur, lui, n’est en aucun cas obligé de faire appel à lui dans le mois. En 2007 et en 2012, au moment de l’élection présidentielle en France, vous aviez pris position en apportant votre soutien au candidat du Nouveau parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, puis Philippe Poutou. Allez-vous soutenir le NPA en 2017 ? Je connais Olivier Besancenot depuis quelques années. Son analyse sur ce qui se passe aujourd’hui dans la société me semble être juste. Je vais le rencontrer cette semaine, on va en discuter… • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

– : « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach Le Pacte (1 h 39) Sortie le 26 octobre

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© 2016 SIXTEEN FILMS / WHY NOT PRODUCTIONS / WILD BUNCH / LE PACTE

FACE À FACE


JAMIE LENGYEL

L’ENVERS DU DÉCOR

Cinéphile globe-trotter, le repéreur de décors Jamie Lengyel a emmené Docteur Strange, le héros du nouveau Marvel, des gratte-ciel new-yorkais aux temples tibétains. Rencontre avec un homme qui fait de la planète entière un plateau de cinéma.

On

serait bien en peine de décrire en quelques mots le rôle de Jamie Lengyel. D’ailleurs, cet Anglais affable qui a sillonné les six continents pour dénicher les terres étranges de Jupiter. Le destin de l’univers de Lana et Lilly Wachowski (2015), le Londres apocalyptique des Fils de l’homme d’Alfonso Cuarón (2006) ou la Grèce mythologique du Choc des Titans de Louis Leterrier (2010) a lui-même du mal à raconter son métier, officiellement intitulé « repéreur » (« location scout » en anglais). « Disons que c’est un poste

multicasquette, nous explique-t-il, lors d’une brève halte à Londres. Mon travail s’apparente en premier lieu à celui d’un directeur artistique. Je dois comprendre le projet du cinéaste et décrypter les besoins du scénario pour chercher ensuite les décors. Mais je suis aussi en partie producteur – il faut que je réfléchisse à l’aspect pratique du tournage, tout en gardant en tête les impératifs économiques d’un film. » Le pan production de son métier est, on s’en doute, le plus ingrat, notamment parce que des motifs bassement financiers peuvent

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LE PROFESSIONNEL

© JAMIE LENGYEL

Pendant les repérages de Docteur Strange

le directeur de la photo tout en incitant les producteurs à financer le voyage. » Son pouvoir de conviction a été mis à rude épreuve sur Doctor Strange. « Le décor de Katmandou fut le plus grand défi du film, déjà parce que c’est un pays peu coutumier des tournages, mais surtout à cause du tremblement de terre qui a frappé le Népal alors que nous étions en préproduction [en avril 2015, le Népal a été frappé par une série de tremblements de terre de magnitude 8, ndlr]. Nous avions fait les repérages deux mois avant et, pendant plusieurs semaines, nous avons hésité à retourner sur place. Nous ne parvenions pas à savoir si les lieux repérés étaient encore debout et nous avions peur que les infrastructures ne puissent plus accueillir notre équipe. Mais le réalisateur, le directeur de la photographie et les producteurs avaient bien compris à quel point filmer là-bas serait un atout pour le film. Et puis, c’était bien pour l’image de Katmandou : nous montrerions au monde que l’endroit n’était pas qu’un champ de ruines, qu’il y avait toujours autant de couleurs et de vie. » Surtout, Katmandou apporte une saveur unique au film. « Quand on tourne à Londres, comme c’est le cas de la plupart des blockbusters aujourd’hui, on a le contrôle total sur son environnement parce que l’on a accès à tout le matériel disponible. Mais quand vous allez à Katmandou, vous devez vous accommoder de peu. Vous perdez alors un peu le contrôle, et je pense que c’est ça que cherchent les équipes quand elles tournent en décors naturels, elles veulent se soumettre aux impératifs d’un endroit particulier. » Et si c’était finalement ça, le véritable travail de Lengyel : un guide sachant égarer les cinéastes dans l’univers de leur film ? • JULIEN DUPUY

radicalement conditionner les aspirations artistiques de Lengyel. « Un gros film avec des stars implique une énorme équipe de tournage, dont chaque déplacement représente des sommes d’argent colossales. Beaucoup de pays appliquent une politique d’abattements fiscaux ou de subventions destinés à attirer les gros tournages, ce qui influe énormément sur mes choix. Ces dernières années, c’est devenu un marché très compétitif. »

EN TERRES INCONNUES

Mais dès que Lengyel débute sa longue quête du décor idéal, sa fibre cinéphile reprend le dessus. « Une large part de mon travail consiste à révéler le potentiel visuel des décors. Parfois, je les filme à la GoPro, mais je préfère me limiter aux photos. Je suis un immense fan des films de Wes Anderson, en particulier parce qu’il travaille sur des plans fixes – pour moi, c’est comme ça que s’écrit vraiment la narration d’un film. Alors, je cherche des axes et des compositions qui seront cinématographiques et peuvent inspirer

— : « Doctor Strange » de Scott Derrickson Walt Disney (2 h 10) Sortie le 26 octobre

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« Une large part de mon travail consiste à révéler le potentiel visuel des décors. »


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PARK CHAN-WOOK

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AVEC P

Après avoir fricoté avec les studios hollywoodiens pour le drame pervers et glacé Stoker (2013), Park Chan-wook revient en fanfare en Corée du Sud pour Mademoiselle, thriller bouffon autant que romance lesbienne hyper sexuelle. Dans les années 1930, sous l’occupation japonaise, un escroc dandy presse Sookee, une jeune illettrée, de se faire embaucher comme servante auprès de la belle Hideko afin de voler sa fortune. Le réalisateur d’Old Boy (2004) orchestre un récit d’émancipation féminine diablement jubilatoire.

Vous aviez besoin de vous lâcher après votre expérience américaine pour Stoker ? Dans le magazine américain Flavorwire, après la projection à Cannes [le film était en Compétition cette année, mais en est reparti bredouille, ndlr], j’ai lu une critique de Mademoiselle qui disait : « Le réalisateur

est enivré par sa joie de la mise en scène et veut partager cette ivresse avec tout le monde. » J’aime beaucoup cette expression, ça décrit exactement comment je me sentais. Néanmoins, ce n’est pas lié à mon escapade américaine. Je n’avais pas l’habitude de travailler avec un grand studio, c’est vrai, mais au final ça a été une bonne expérience. Rétrospectivement, je suis content du résultat. Mademoiselle adopte tour à tour le point de vue des trois protagonistes. Il fait de nombreux allers-retours dans le temps et ménage moult rebondissements

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PLAISIR

spectaculaires. Vous aimez brouiller les pistes ? Quand je lisais Du bout des doigts, le roman de Sarah Waters dont je me suis inspiré, j’étais fasciné par la structure – que l’histoire soit racontée à travers des perspectives aussi multiples et avec autant d’allers-retours dans le temps. En y songeant, je me suis rendu compte que j’aimais déjà ce type de construction narrative à mes débuts. D’ailleurs, j’avais divisé mon film JSA. Joint Security Area [réalisé en 2000 mais inédit en France, ndlr] en trois parties nommées « Area », « Security » puis « Joint », soit le titre à l’envers, et l’histoire était aussi racontée selon différents points de vue, avec des allers-retours temporels. Les jeux de regards sont centraux dans Mademoiselle. Comment les avez-vous travaillés ? J’ai voulu faire en sorte que le spectateur questionne en permanence le point de vue adopté. Les sessions de lecture d’histoires érotiques, par exemple, sont d’abord montrées du point de vue du public – cette assemblée de vieux types. La femme qui les

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conte est exposée à leur regard violent, puis elle les regarde à son tour. Il y a aussi les échanges de regards entre les manipulateurs et leur proie, ou entre les deux personnages qui vivent une passion interdite. Tous ces points de vue et ces regards se croisent parfois, sont parallèles à d’autres moments, et permettent de mieux cerner les enjeux entre les personnages. À la fin, par exemple, il y a une scène dans laquelle l’escroc se souvient du moment où il menait la barque sur le fleuve, et où les deux héroïnes étaient assises l’une contre l’autre, en face de lui. Dans ce flash-back, elles regardent dans sa direction, mais il est flou, le point est fait sur le décor derrière lui, pour signifier qu’il n’est pas du tout leur centre d’intérêt. Il ne mérite même pas d’être regardé. Pourtant il a toujours pensé que c’était lui le maître du jeu… Les récits érotiques que l’oncle Kouzuki écrit et fait lire à sa nièce Hideko devant une assemblée d’hommes évoquent beaucoup ceux du marquis de Sade. À quel point son œuvre a-t-elle influencé le film ? J’ai lu Sade avec beaucoup d’intérêt, c’était un écrivain révolutionnaire. J’aime aussi 35


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beaucoup l’interprétation que Pier Paolo Pasolini a faite de son œuvre dans Salò ou les 120 Journées de Sodome. Dans mon film, j’ai fait en sorte que les contes érotiques lus par Hideko soient présentés d’une manière sadienne, sans que ça soit les œuvres de cet écrivain. Je voulais au contraire subvertir la pornographie classique, particulièrement celle de Sade, en mettant le désir des femmes au centre. Mais je pense tout de même que l’oncle Kouzuki est un admirateur de Sade. D’où vous vient cette volonté de placer les femmes au centre ? De ma femme et de ma fille ! Sans elles, ma manière de penser serait restée celle d’un réalisateur masculin ordinaire. Ces deux femmes me font évoluer en permanence. L’oncle dit à un moment : « Je ne suis qu’un vieil homme qui aime les histoires cochonnes. » Peut-on le voir comme votre alter ego en tant que cinéaste ? Je n’ai pas vraiment envisagé l’oncle Kouzuki comme mon alter ego, mais plutôt comme celui de tout réalisateur… C’est quand même un peu différent, parce qu’il ne raconte pas ses propres histoires, il les écrit et apprécie que quelqu’un les lise pour pouvoir observer les auditeurs et imaginer leurs pensées. C’est

un personnage assez pathétique, vu sous cet angle. Certains éléments du film, à commencer par les relations de pouvoir entre maîtres et domestiques, rappellent le classique coréen La Servante (1960) de Kim Ki-young. Quelle importance ce film a-t-il pour vous ? Je suis content que vous le remarquiez, tous les critiques coréens ont vu cette référence. Ce film et ce réalisateur ont eu une influence déterminante sur moi. Pour vous dire, j’aime tellement le film que, quand le DVD est sorti en Corée et que j’ai découvert que Bong Joon-ho avait fait les commentaires pour les bonus, j’ai été extrêmement frustré. Du coup, dès que j’ai su qu’il allait être édité en Blu-ray, j’ai moi-même demandé à faire le commentaire. Même si les liens entre les personnages sont différents, il est vrai que mon film et La Servante traitent tous deux du rapport entre maîtres et domestiques. Les deux films sont aussi animés par la volonté des femmes et par leurs désirs sexuels, qui ne sont pas passés sous silence. En quoi ce thème de la lutte des classes est-il toujours pertinent en Corée du Sud ? Plus le temps passe, plus ce thème, qui était déjà au cœur de La Servante il y a plus de

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cinquante ans, prend de l’importance. La Corée du Sud a effectué une transition très rapide vers une société capitaliste, les fossés entre les classes se sont creusés. On peut comparer cette situation à celle des États-Unis et de l’Europe, mais les valeurs capitalistes y sont souvent plus dissimulées. En Corée, c’est très prégnant. Tout le monde voit que les gens pauvres sont désespérés, qu’ils baissent les bras. C’est vraiment préoccupant. Et cette colère larvée

ne se transforme pas en mouvement ou en action, ça n’appelle pas au changement, on sent juste une inquiétude qui flotte. Mais ça peut exploser à tout moment. C’est ce que vous avez voulu exprimer avec le personnage de la servante, Sookee, qui justement est toujours en mouvement, pleine d’énergie ? Je viens de vous donner mes observations personnelles sur la Corée du Sud, mais Mademoiselle ne dépeint pas l’état actuel du pays. Le personnage de Sookee n’est pas motivé par la colère, c’est une jeune femme très optimiste et proactive. Mais c’est vrai que la scène dans laquelle elle détruit la bibliothèque suggère la possibilité de faire exploser les classes supérieures, l’impérialisme, les règles colonialistes. Les scènes de sexe entre les deux héroïnes sont très joyeuses, parfois même drôles, comme ce plan de cunnilingus du point de vue du vagin. Comment les avez-vous pensées ? Je suis ravi que vous utilisiez le terme « joyeux », parce que c’est exactement ce que j’ai tenté d’exprimer. La première scène de sexe entre les deux femmes commence comme un faux exercice pédagogique, elles prétendent que c’est un jeu et échangent des dialogues plein d’humour, puis ça évolue jusqu’à ce que Hideko demande à Sookee de ne jamais l’abandonner. Le climax est atteint quand elles se prennent la main. Je me suis dit avant le tournage : « Je vais réaliser les scènes de sexe comportant le plus de dialogues de toute l’histoire du cinéma. » J’en avais marre de voir toujours des scènes focalisées sur les mouvements des corps et l’homme qui veut atteindre l’orgasme le plus vite possible. Je ne voulais pas montrer ça de manière linéaire, avec des gens qui ne font que haleter et

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« Je voulais subvertir la pornographie classique en mettant le désir des femmes au centre. » transpirer. Au contraire, j’ai essayé de retranscrire l’intimité à travers les dialogues, la connexion émotionnelle, qu’on sente les cœurs des héroïnes qui explosent dans chaque plan. Vos cadres sont très précis, et la photographie de vos films, extrêmement soignée. Dans Mademoiselle, vos mouvements de caméra sont plus fluides et variés que jamais, et vous osez les couleurs vives. Diriez-vous que vous êtes un formaliste ? Avant tout, il faudrait définir ce que vous entendez par « formaliste ». Si c’est dans le sens de créer de belles images seulement pour le plaisir, ce n’est pas mon intention. Mais je crois fermement que la forme est aussi importante que le fond – je ne peux pas les séparer – et que, pour exprimer quelque chose, il faut trouver la forme la plus adéquate. En cela, je suis proche du formalisme de Yasujirō Ozu, que l’on considère souvent comme le plus grand dans ce domaine. J’ai envisagé Mademoiselle comme un film élégant et sophistiqué qui célèbre la beauté des femmes et de leur amour, donc j’ai cherché la forme qui selon moi correspondait le plus à cette idée. Beaucoup de films sud-coréens sortent sur les écrans français. C’est une industrie qui semble très dynamique, portée notamment

par de jeunes cinéastes comme Yeon Sang-ho avec Dernier Train pour Busan ou July Jung avec A Girl at My Door… Il y a toujours eu une forte production de films en Corée du Sud, et c’est vrai que beaucoup de jeunes réalisateurs sont révélés chaque année. Du coup, peu de cinéastes de l’ancienne génération travaillent encore. Du haut de mes 53 ans, je suis l’un des plus vieux encore en activité, avec Kim Jee-woon [réalisateur de Le Bon, la Brute et le Cinglé en 2008, ndlr]. Il y a aussi des gens comme Hong Sang-soo et Kim Ki-duk, mais ils ne sont pas vraiment au centre de l’industrie puisqu’ils font des films d’auteur. Pour en revenir aux jeunes, je vous recommande The Truth Beneath de la réalisatrice Lee Kyoung-mi [sorti en juin dernier en Corée du Sud, mais pas encore distribué dans le reste du monde, ndlr], qui montre à quel point le cinéma sud-coréen peut être vibrant et plein d’énergie. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER ET TIMÉ ZOPPÉ

— : de Park Chan-wook The Jokers/Bac Films (2 h 25) Sortie le 2 novembre

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LES FILMS DU FLEUVE ET ARCHIPEL 35

PRÉSENTENT

ADÈLE HAENEL

PHOTO : CHRISTINE PLENUS . CRÉDITS NON CONTRACTUELS.

UN FILM DE JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE OLIVIER BONNAUD JÉRÉMIE RENIER LOUKA MINNELLA

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UN TRAJET NOMMÉ DÉSIR Park Chan-wook a lentement dépouillé son cinéma du pessimisme et de la violence brute et graphique qui ont fait de lui un cinéaste culte pour aboutir à l’explosion de beauté, d’humour et de sexe joyeux de Mademoiselle. Chronologie non exhaustive de cette montée du plaisir.

JSA. JOINT SECURITY AREA (2000) Le premier film à gros budget de Park, après deux premiers longs bricolés et tombés dans l’oubli, suit une enquête sur une fusillade entre des soldats du Sud et du Nord à la frontière entre les deux Corées. Le cinéaste fantasme la réunification de son pays à travers une amitié interdite entre militaires ennemis, avant de se laisser broyer par le pessimisme : presque tout le monde meurt à la fin.

SYMPATHY FOR MISTER VENGEANCE (2003) Attention, le titre est trompeur : en anglais, « sympathy » signifie « compassion ». Et autant dire que le film est aussi sympa qu’une porte de prison. Avec ses lumières verdâtres, son ambiance oppressante et sa violence sauvage, c’est une méditation sordide sur la vengeance, notamment celle d’un sourd-muet qui se fait voler un rein en voulant sauver sa sœur gravement malade.

OLD BOY (2004) Le film emblématique de Park déroule la vengeance d’un homme enfermé pendant quinze ans pour une raison qu’il ignore. Toujours dans des tons glauques, la mise en scène se fait plus pop : la violence est stylisée dans des scènes devenues cultes, comme une baston sanglante dans un couloir. Bien qu’ambiguë, la chute est cette fois plus douce : le héros et sa fille, ignorant leur lien, poursuivront-ils leur romance ?

LADY VENGEANCE (2005) En prison, Geum-ja mûrit pendant treize ans sa vengeance contre l’homme qui l’a forcée à avouer un infanticide qu’elle n’a pas commis… Plus nerveux et rythmé que ses prédécesseurs, Lady Vengeance se laisse gagner par des couleurs chaudes, jaunes et orangées. Park donne le pouvoir à son héroïne, véritable moteur du récit, qui applique son plan machiavélique avec une rage sourde.

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MADEMOISELLE (2016) Pic d’optimisme et d’hédonisme atteint avec ce film jouissif. En filmant un dédale de manipulations avec une virtuosité et une délectation qui font plaisir à voir, Park Chan-wook parvient au summum de sa maîtrise narrative. Le sexe – non plus la violence – prend toute la place et se pratique avec beaucoup d’amour. Surtout, le couple au cœur du récit s’affranchit des obstacles et de la violence.

STOKER (2013) Dans le premier film américain du cinéaste, une jeune fille reçoit la visite de son séduisant oncle, qu’elle ne connaît pas. Chatoyant et élégant, Stoker est surtout un peu guindé. En rétention, le suspense et la tension sexuelle n’en finissent pas de monter jusqu’au troublant orgasme que l’héroïne atteint seule, sous la douche, en repensant à une strangulation commise par son oncle. Avant d’elle-même choisir de tuer.

THIRST. CECI EST MON SANG (2009) Après cette folle embardée, le cinéaste resserre la vis mais s’intéresse encore à d’atypiques mœurs. Un prêtre transformé en vampire se lance dans une relation torride avec une femme mariée. Jouant sur le clair-obscur et l’imaginaire érotico-vampirique, Park travaille pour la première fois à égalité les pulsions de vie et de mort mais n’offre pas pour autant d’issue positive à ses personnages tourmentés.

JE SUIS UN CYBORG (2007) Virage loufoque pour le cinéaste sud-coréen, avec cette comédie complètement perchée. En contant les frasques d’une patiente d’asile psychiatrique qui se prend pour un cyborg (elle refuse de s’alimenter mais lèche des piles pour « recharger ses batteries »), il rend son cinéma plus léger, et même romantique. La bride est presque trop lâchée : le délire visuel et narratif affaiblit la puissance dramatique.

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• TIMÉ ZOPPÉ — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL


FRANK HENENLOTTER

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LE BIS DANS LA PEAU

Basket Case, Elmer le remue-méninges, Frankenhooker. Si ces titres ne vous disent rien, c’est que vous êtes une personne de bon goût. Tant pis pour vous. Car les films de l’Américain Frank Henenlotter comptent parmi les plus hallucinants jamais enfantés – malgré des budgets ridicules. Rencontre avec le dernier géant du cinéma d’exploitation, de passage à Paris mi-septembre pour l’Étrange Festival. 42


PORTRAIT simplet trimbale son frère siamois difforme dans une panière en osier qu’il n’ouvre que pour laisser ce dernier massacrer ceux qui les ont séparés ; mais il rencontre une fille, et le frérot jaloux le fait tomber d’un immeuble (Basket Case). Un savant fou en herbe perd sa fiancée dans un accident de tondeuse à gazon et tente de recoller sa tête sur des morceaux de prostituées, mais la créature s’empresse de retourner faire le tapin (Frankenhooker). Comment un cinéphile américain, passionné par les films de John Ford, Howard Hawks ou Alfred Hitchcock, est-il devenu le maître incontesté de la comédie trash fauchée et outrancière ? L’histoire de Frank Henenlotter est d’abord celle d’un garçon devenu accro très tôt au cinéma. « J’étais un gamin solitaire. J’étais odieux avec presque tout le monde et je n’avais aucun ami. Regarder la télé était mon activité favorite. À l’époque, je me fichais du genre ou de la qualité des films. Ce qui me plaisait, c’était l’artifice du cinéma, la manière, si différente de la vie réelle, dont

addiction en appelle une autre : après la coke, le cinéma : il se met à la réalisation en 1982. Son premier long métrage, Basket Case, réalisé pour 35 000 dollars, le fait passer de simple consommateur à agent du désordre de la 42e rue. « À cette époque, il y avait tellement de salles qu’on pouvait vendre n’importe quoi. J’étais conscient que Basket Case était mauvais. Je pensais qu’il resterait une semaine à l’affiche, mais il a squatté la séance de minuit pendant deux ans et demi dans un cinéma de Greenwich Village. » Fort de ce succès (que la vidéo transformera en culte), il signe entre 1988 et 1990 trois films délirants (Basket Case 2, Elmer le remue-méninges, Frankenhooker) qui déclinent tous la thématique centrale de son existence, celle de l’addiction. Addiction au sexe (de la levrette entre monstres à l’explosion de putes), aux drogues (du parasite Elmer au « supercrack »), à l’autre (fiancées ou parents) et, bien sûr, au cinéma (les incessantes citations de Frankenhooker). Soit autant de témoignages d’amour à la 42e rue et à ses monstres de

« J’étais conscient que Basket Case était mauvais. Je pensais qu’il resterait une semaine à l’affiche. » les personnages parlaient et bougeaient. Il y avait là une fausseté, mais une fausseté hypnotisante. » Tout aurait pu s’arranger s’il n’avait découvert, lors d’une sortie scolaire au musée d’Histoire naturelle, la 42e rue de Manhattan.

MONSTRES ET STUPÉFIANTS

À l’orée des années 1970, les innombrables cinémas du quartier, splendides mais décrépits, exploitent les films de séries B et de séries Z. Il s’y sent comme chez lui. « J’adorais l’enthousiasme des spectateurs. De petits détails suffisaient à les exciter : la violence, les accidents de voiture, les seins, les flingues, les mallettes de cash – tous les clichés de l’exploitation. Par contre, si le film était ennuyeux, il y avait du grabuge. Ils jetaient de la bouffe sur l’écran, certains allumaient leur radio, des bagarres éclataient. » À l’extérieur, le spectacle est tout aussi pittoresque : putes, clochards, junkies et marginaux de tout poil se mélangent. Pour Henenlotter, une

chair et de silicone dans lesquels la satire l’emporte toujours sur le gore, comme si l’humour était le seul rempart fonctionnel à la folie. Ainsi, au début de Frankenhooker, lorsque le héros confie à sa mère, dans un monologue troublant, sa crainte de perdre ce qui lui reste de raison, celle-ci lui répond : « Tu veux un sandwich ? » Mais les temps changent et, après un Basket Case 3 tourné sans plaisir en 1992, Henenlotter disparaît en même temps que le New York qu’il aimait, retournant à la cinéphile déviante (la collection Sexploitation de Something Weird Video) au moment où Manhattan est nettoyé de ses freaks. Voir ses films reste la meilleure manière d’éprouver la jubilation toxique de cet enfer perdu, en attendant qu’il n’essaye à nouveau – après le dégoûtant et décousu Bad Biology en 2008 –, par le biais de la fiction, de lui redonner vie. • MICHAËL PATIN PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

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Un


ALBERT SERRA

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L’INTIMITÉ DU MYTHE

Après don Quichotte, les Rois mages, Casanova et Dracula : le Roi-Soleil. Avec La Mort de Louis XIV, sidérant huis clos accompagnant les derniers jours d’agonie du roi (interprété par Jean-Pierre Léaud), Albert Serra confirme qu’il n’a pas son pareil pour descendre de leur piédestal les grandes figures patrimoniales.

Injustement

reléguée en Séances spéciales à Cannes, la dernière œuvre du réalisateur espagnol a pourtant fait office de petit événement, avec sa promesse de métafilm funérailles associant l’apôtre de la monarchie absolue et l’enfant sauvage de la Nouvelle Vague, Jean-Pierre Léaud. Il faut dire que Serra a su faire de chaque film un objet de curiosité en soi. Après Crespià (2003), un premier long métrage en forme d’hommage farfelu à sa région d’enfance, la Catalogne, ce drôle d’oiseau à lunettes et moustache fit sensation avec Honor de cavallería (2007), une adaptation contrebandière de Don Quichotte, qui impressionna par sa manière de déambuler avec assurance et

dilettantisme dans les pages du roman de Cervantes. Tourné avec beaucoup d’audace et quelques dizaines de milliers d’euros, le film s’attachait au quotidien rudimentaire de Quichotte et de son fidèle écuyer Sancho, l’un et l’autre à bout de forces, désorientés par la fatigue, profitant de chaque séquence pour reprendre leur souffle, à l’ombre d’un sous-bois ou en bordure d’une rivière. Car telles se présentent les icônes que Serra catapulte sans préambule devant sa caméra : épuisées, abattues, condamnées à l’égarement, et en même temps totalement décontractées, impulsives, presque ivres à force de dérives et de digressions. Ces courants contraires dessinent l’horizon narratif de son film suivant, Le Chant des 44


FOCUS oiseaux (2009), qui accompagne les Rois mages à la recherche du divin enfant – mais dans lequel, très vite, la quête messianique vire à la randonnée cahotante. L’occasion de préciser que les relectures des mythes, chez Serra, se doublent toujours d’un précis de physiologie : ici, les Rois mages sont avant tout des vieillards, carcasses pataudes et encapuchonnées, qui se traînent laborieusement de paysage désolé en paysage désolé, de mer de sable en dénivelé rocailleux, comme trois retraités alcooliques qui se lanceraient dans un dernier trek. Nul hasard à ce que ses deux films suivants fassent du cheminement littéral vers la mort leur programme, au point d’inclure cette réalité dans leur titre : Histoire de ma mort en 2013, La Mort de Louis XIV aujourd’hui. Le premier invite à la table d’une même fiction deux grandes figures de la jouissance désabusée, Casanova et Dracula, qui habitent les 2 h 20 du film sans jamais se croiser. Le second fait se superposer deux ogres de la culture française, Louis XIV et Jean-Pierre Léaud, l’un offrant ses traits à l’autre, et vice versa. Au-delà des étincelles provoquées par pareille collision, ce goût du crossover absurde a pour mérite d’installer chaque œuvre sur une ligne de partage trouble, brouillant les frontières du récit autant que la perception du spectateur. Ainsi, dans La Mort de Louis XIV, difficile de déterminer

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BOBINES

AU-DEVANT DE LA MORT


BOBINES

ALBERT SERRA

s’il s’agit davantage d’une fiction sur un monarque qui décède, ou d’un documentaire sur un acteur qui dépérit. D’autant que Serra enregistre l’extinction de ces deux astres tout en s’employant à les ramener, là encore, à une dimension triviale et presque fonctionnelle. Dans le dossier de presse, le cinéaste parle de « réintroduire le mythe dans sa banalité ». Soit, ici, faire de la mort du roi des rois avant tout l’histoire de quelqu’un qui meurt. Si la chambre de Louis XIV (décor quasi unique

du film) regorge d’indices sur les origines royales du malade, elle demeure de bout en bout cette pièce sombre et calfeutrée, moitié tour d’ivoire, moitié tombeau, où, étouffant de chaleur sous sa perruque, un homme est tout simplement abandonné par la vie.

AUTOPSIE CINÉMATOGRAPHIQUE Habitué aux grands extérieurs majestueux et écrasants, le cinéaste se frotte pour la première fois au huis clos. Mais sa mise

LE FABULEUX PANTHÉON D’ALBERT SERRA

DON QUICHOTTE DANS HONOR DE CAVALLERÍA (2007) D’un côté, un don Quichotte agonisant et désillusionné, sentant partout l’odeur de la mort ; de l’autre, un Sancho délaissé par son maître et insatisfait, maltraitant le sol avec son épée comme un gamin boudeur. Cette adaptation à l’air libre du chef-d’œuvre de Cervantes s’apparente à une promenade dans la nature après une grosse gueule de bois.

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LES ROIS MAGES DANS LE CHANT DES OISEAUX (2009) Trois ombres progressent dans l’immensité diaphane d’un désert. Ils sont nobles, savants, et à la recherche du Messie. Mais ils sont aussi vieux, un peu empotés, et toujours en désaccord sur le chemin à prendre. Au moment de s’agenouiller devant l’envoyé du ciel, le film se suspend : les Rois mages ont-ils accédé à la transcendance ?


FOCUS

CASANOVA ET DRACULA DANS HISTOIRE DE MA MORT (2013) Casanova vs Dracula. L’un exista véritablement, il décéda en 1798 ; l’autre n’est qu’une chimère, née sous la plume de Bram Stoker un siècle plus tard. Peu importe, Serra opère quand même cette rencontre au sommet, sous la forme d’un duel à distance entre superwomanizers de la culture moderne. Résultat : victoire sur tapis vert du prince des ténèbres.

Difficile de déterminer s’il s’agit davantage d’une fiction sur un monarque qui décède, ou d’un documentaire sur un acteur qui dépérit. renvoyer le calvaire de Louis XIV, achevé là aussi par une éviscération brutale censée permettre de déterminer les causes du décès. Mais cet acte illustre surtout d’un dernier coup de bistouri les intentions narratives de plus en plus affutées du réalisateur, cet art de l’autopsie cinématographique qui tend moins à ressusciter les mythes du passé qu’à en sonder l’intimité organique et sensible. Car chez Serra, héros et grands récits séculaires ont beau conserver leur nature insondable, ils continuent d’exhaler, longtemps après la séance, une étourdissante saveur de cadavre et de peinture fraîche. • LOUIS BLANCHOT

— : « La Mort de Louis XIV » d’Albert Serra Capricci (1 h 45) Sortie le 2 novembre

LOUIS XIV DANS LA MORT DE LOUIS XIV (2016) S’agitant comme des mouches autour d’un pot de confiture, la camarilla du Roi-Soleil se creuse la tête : comment guérir le souverain de cette étrange infection ? Impossible, le monarque est surtout un vieillard, et son dépérissement paraît venir à point nommé, manière d’expier, en quelques râles, toute l’emphase et la vanité de soixante-douze années de règne. • L. B.

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BOBINES

en scène conserve, malgré ce revirement, son acuité phénoménale, cette manière d’amalgamer en quelques secondes toute l’intensité sensible de son environnement. Surtout, ce resserrement spatial a pour conséquence une épuration des enjeux : en effet, autant Serra s’amusait à filmer entre les lignes les récits de Quichotte et des Rois mages, vagabondant dans les coulisses de leur odyssée, y faisant s’épanouir chaque temps mort, autant il compulse les derniers jours du Roi-Soleil avec un souci factuel de greffier, rivant son découpage aux moindres variations de santé de son personnage. Raison pour laquelle, de tous ses films, La Mort de Louis XIV est peut-être son plus fort, son plus acéré, son plus émouvant aussi. Le réalisateur y trouve une sorte d’équilibre, de tension diluée – et pourtant permanente – à même de tempérer les ardeurs poseuses d’un cinéma se laissant parfois volontiers emporter par la radicalité de son élan. Ici, pas une seule scène de trop, mais un souci d’auscultation maniaque, une rigueur distante et souple qui donne la sensation que le film se détache naturellement de son socle référentiel, telle une peau morte encore frémissante. Dans Histoire de ma mort, une séquence s’offrait à la contemplation du cadavre d’un bœuf. Corps monstrueux mais sans vie, que des laquais s’employaient à dépouiller et démembrer, sous l’œil curieux et attentif de Casanova, lequel ne pouvait retenir cette remarque élémentaire : « Regardez : la voilà, la réalité. » C’est à cette même fatalité anatomique que semble


NOUVEAU GENRE

TERRORISTES EN CAGE

Film noir, mélodrame, road movie… mais encore ? Derrière les dénominations officielles retenues par les encyclopédies, nous partons chaque mois à la recherche d’un genre inconnu de l’histoire du cinéma. Ce mois-ci : le huis clos terroriste. il y a toute la structure muette des gestes. Un lacis de trajets : à pieds, en voiture, en métro, sans autre bruit que la circulation autour. Des décors longés, auscultés, mesurés avec une discipline froide dont l’objet reste longtemps mystérieux. Des armes chargées, rangées ; parfois toute une quincaillerie qui, assemblée puis fourrée de chimie ou d’électronique, dessine doucement l’idée d’une bombe. Ou alors un corps, endormi et lové dans une malle, qu’on vient ranger derrière une trappe secrète : un kidnappé. Le spectateur n’est sûr de rien tandis qu’il se laisse hypnotiser par le ballet abstrait de ces gestes, qui d’ordinaire est réservé à autre genre. Les codes ici sont ceux du film de casse, sauf qu’il y a quelque

chose de plus grand qu’une banque à braquer. C’est la réalité elle-même qu’on va mettre en joue, pour en faire naître une autre, dans les cendres. Dans Nocturama (Bertrand Bonello, 2016), un escadron d’adolescents aux motifs incertains déclenche une nuit de terreur à Paris. Dans Buongiorno, notte (Marco Bellochio, 2004), quelques membres des Brigades rouges enlèvent le président de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro. Dans L’Ultimatum des trois mercenaires (Robert Aldrich, 1978), un ancien général fugitif prend, avec quelques autres, possession d’une base nucléaire pour obliger le président américain à révéler au pays les raisons véritables de la guerre du Viêt Nam. Dans Night Moves (Kelly Reichardt, 2014), trois

© COLLECTION CHRISTOPHEL

BOBINES

D’abord

Buongiorno, notte de Marco Bellochio (2004)

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© COLLECTION CHRISTOPHEL

NOUVEAU GENRE

militants environnementalistes font sauter un barrage au beau milieu de la nuit. Depuis le lieu des opérations, l’onde de leur coup d’éclat doit percer la gaze de mensonge qui, pour eux, recouvre insupportablement le monde.

PRISON MENTALE

© COLLECTION CHRISTOPHEL

Mais le monde au contraire va resserrer son emprise, dessinant autour d’eux un orbe fatal. Ils visaient un autre lieu, né de leurs espoirs (ce qu’on appelle une utopie) ; leur geste à l’inverse va les clouer sur place. Commence alors le troisième temps du film, qui voit les personnages enfermés là où devaient, selon leurs plans, s’ouvrir pour tous les portes d’une réalité nouvelle. Le centre commercial dans lequel les adolescents de Nocturama trouvent refuge est une ironique souricière : c’est le modèle réduit du monde qu’ils croyaient pouvoir détruire, une maison de poupées dont ils se découvrent les jouets. Dans L’Ultimatum des trois mercenaires, le soldat idéaliste pensait pouvoir faire surgir la vérité de son caveau atomique : le film

s’achève sur le triomphe cinglant et funeste des mensonges du lobby militaire sur toute forme de probité politique. Ailleurs, le pouvoir n’a même pas besoin de riposter : dans la nasse où ils se retrouvent piégés, les activistes finissent asphyxiés par les apories de leur lutte – le feu s’éteint de lui-même une fois confinés les étudiants enragés du Sex Jack de Kōji Wakamatsu (1970). « C’est nous qui sommes en prison avec lui depuis deux mois », réalise finalement la jeune femme de Buongiorno, notte, dans l’appartement où elle séquestre Aldo Moro et où sa culpabilité l’étrangle plus fort que la justice de classe. Sa prison, où le détenu est devenu son geôlier, est une prison mentale. Le personnage de Jesse Einsenberg, dans l’admirable Night Moves, y finira irrémédiablement enfermé alors même qu’il est, lui, libre de ses gestes : prisonnier d’un œil qui est, sous la forme d’un bête miroir de surveillance dans un grand magasin, l’œil de la société entière, ou peut-être seulement le sien. • JÉRÔME MOMCILOVIC

Night Moves de Kelly Reichardt (2014)

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BOBINES

L’Ultimatum des trois mercenaires de Robert Aldrich (1978)




BOBINES

PORTFOLIO

TRANSMUTATIONS 52


© SMITH – SPECTRE PRODUCTIONS – GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE – 2016

BOBINES

PORTFOLIO

Photographie, série TRAUM, 2015

SMITH,

30 ans, qui œuvrait jusqu’à peu sous le nom de Dorothée Smith, s’est fait connaître avec de doux portraits de ses proches trans. Depuis, son saisissant travail ne se déploie plus seulement en photographie : comme ses sujets, il s’hybride. En 2014, son projet photo et vidéo Spectrographies s’adjoint d’un moyen métrage hanté convoquant des fantômes (Jacques Derrida, Pascale Ogier…). Avec sa nouvelle œuvre de fiction, TRAUM, montrée dans l’expo collective « Entropia » au Transpalette, à Bourges, SMITH multiplie les médiums (textes, photos, films…) pour explorer le terrain de la transfiguration en télescopant sciences et mythologie de façon vertigineuse. Soit l’histoire de Yevguéni, un opérateur de lancement de fusées qui se transforme en femme après avoir tué accidentellement un cosmonaute nommé Vlad – qui lui se réincarne en drone. • TIMÉ ZOPPÉ 53


BOBINES

TRANSMUTATIONS

Photographie, série TRAUM, 2015 « C’est le siège du Parti communiste français, à Paris, que j’ai filmé dans Spectrographies et dans TRAUM. Avec mon coauteur Lucien Raphmaj, on a d’abord imaginé TRAUM comme un court métrage, mais, avant de pouvoir tourner, on a essayé de raconter au plus juste l’histoire des deux personnages avec les mediums qui s’y prêtaient. Les artistes qui travaillent sur la transdisciplinarité, comme Apichatpong Weerasethakul, me nourrissent beaucoup. Mais j’admire aussi les gens qui sont capables de tout faire tenir dans un film. En 2012, j’ai coécrit un scénario avec Marie NDiaye, mais le film a été retardé. J’aimerais vraiment qu’un jour on s’y mette. »

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© SMITH – SPECTRE PRODUCTIONS – GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE – 2016

BOBINES

PORTFOLIO

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© SMITH – SPECTRE PRODUCTIONS – GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE – 2016

BOBINES

TRANSMUTATIONS

Thermogramme, série TRAUM, 2015-2016 « Il y a quelques thermogrammes dans le film, quand Yevguéni cauchemarde. L’idée est venue d’un précédent projet. Je me suis fait implanter une puce dans le bras, qui était raccordée à une installation dans une exposition. Les gens qui entraient dans la pièce étaient détectés automatiquement par un dispositif caméra thermique/Kinect/vidéoprojecteur relié à ma puce. Je ressentais leur chaleur grâce à un vêtement connecté à ce dispositif. Dans TRAUM, c’est comme si ça faisait partie du journal intime de la psyché de Yevguéni, qu’il pouvait revoir Vlad, et aussi se voir lui-même à travers le point de vue du fantôme de Vlad. » 56


© SMITH – SPECTRE PRODUCTIONS – GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE – 2016

BOBINES

PORTFOLIO

Photographie, série TRAUM, 2015 « Sur cette photo, Yenia, la nouvelle figure de Yevguéni, est en train de se décoller de lui. Dès mes débuts, j’ai utilisé ce type de lumières très pâles. Le corps a l’air de se fondre dans le décor. Quand j’ai commencé la photo, plusieurs références littéraires me hantaient, notamment Paul Verlaine et Les Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau – c’est kitsch, mais j’avais 17 ans. J’aimais leur travail sur l’indétermination, quelque chose d’imprécis dans l’identité, qui est vaporeux, intouchable, comme une fumée. Et puis, les descriptions de Rousseau donnent l’impression que le paysage est une partie de lui-même. Pour retranscrire tout ça, j’ai choisi d’être toujours à la limite de la désaturation, entre le jour et la nuit. »

— : « TRAUM », dans l’exposition collective « Entropia », du 8 octobre au 8 janvier au Transpalette – Centre d’art contemporain (Bourges)

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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


FIDÉLITE

ET

PA N - E U R O P É E N N E WILD BUNCH

PRÉSENTENT

5 OCT. Le Cancre de Paul Vecchiali Shellac (1 h 56) Page 66

© 2016 PAN-EUROPEENNE - CURIOSA FILMS - MOANA FILMS - WILD BUNCH - TF1 FILMS PRODUCTION - CASA PRODUCTIONS - VERSUS PRODUCTION - PHOTO : COCO VAN OPPENS

E N A S S O C I AT I O N AV E C

LAM BERT

WILSON

U N AVEC

LAURENT LUCAS,

AUDREY

F I L M

D E

TAUTOU

J É R Ô M E

PIERRE

L’Odyssée de Jérôme Salle Wild Bunch (2 h 02) Page 80

Captain Fantastic de Matt Ross Mars (2 h) Page 89

Cigognes & compagnie de Nicholas Stoller et Doug Sweetland Warner Bros. (1 h 27) Page 78

Deepwater de Peter Berg SND (1 h 47)

NINEY

S A L L E

BENJAMIN LAVERNHE DE LA COMÉDIE FRANCAISE , VINCENT HENEINE, THIBAULT DE MONTALEMBERT, ROGER VAN HOOL, CHLOÉ HIRSCHMAN, ADAM NEILL, OLIVIER GALFIONE, MARTIN LOIZILLON, ULYSSE STEIN, RAFAËL DE FERRAN, CHLOÉ WILLIAMS

SCÉNARIO JÉRÔME SALLE ET LAURENT TURNER ADAPTATION ET DIALOGUES JÉRÔME SALLE MUSIQUE ORIGINALE ALEXANDRE DESPLAT IMAGE MATIAS BOUCARD DÉCORS LAURENT OTT A.D.C MONTAGE STAN COLLET COSTUMES CARINE SARFATI SON MARC ENGELS, FRÉDÉRIC DEMOLDER, SYLVAIN RETY, JEAN-PAUL HURIER 1ER ASSISTANT RÉALISATEUR BRIEUC VANDERSWALM SCRIPTE ELODIE VAN BEUREN CASTING GIGI AKOKA COIFFURE ET MAQUILLAGE RICK FINDLATER SUPERVISEUR EFFETS VISUELS MARC JOUVENEAU DIRECTRICE DE POSTPRODUCTION SUSANA ANTUNES PRODUCTRICE EXÉCUTIVE CHRISTINE DE JEKEL DIRECTEUR DE PRODUCTION OLIVIER HELIE PRODUIT PAR NATHALIE GASTALDO GODEAU, PHILIPPE GODEAU, OLIVIER DELBOSC, MARC MISSONNIER PRODUCTEUR ASSOCIÉ JÉRÔME SALLE LIBREMENT INSPIRÉ DES OUVRAGES « MON PÈRE, LE COMMANDANT » DE JEAN-MICHEL COUSTEAU ET « CAPITAINE DE LA CALYPSO » DE ALBERT FALCO ET YVES PACCALET UNE COPRODUCTION PAN-EUROPÉENNE, CURIOSA FILMS, MOANA FILMS, WILD BUNCH, TF1 FILMS PRODUCTION, CASA PRODUCTIONS, VERSUS PRODUCTION, VOO, BE TV AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL+, OCS, TF1 AVEC LE SOUTIEN DU PROGRAMME MEDIA DE L’UNION EUROPÉENNE ET DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE ET D’INVER INVEST AVEC LA PARTICIPATION DE LA WALLONIE PRODUCTEURS ASSOCIÉS JACQUES-HENRI ET OLIVIER BRONCKART VENTES INTERNATIONALES WILD BUNCH

Chouf de Karim Dridi Pyramide (1 h 48) Page 66

Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier Pathé (3 h 11) Page 70

Dead Slow Ahead de Mauro Herce Potemkine Films (1 h 14) Page 68

La Fille inconnue de Jean-Pierre et Luc Dardenne Diaphana (1 h 46) Page 62

Poesía sin fin d’Alejandro Jodorowsky Le Pacte (2 h 05) Page 68

12 OCT.

19 OCT. Apnée de Jean-Christophe Meurisse Shellac (1 h 29) Page 20 et 80

Le Teckel de Todd Solondz ARP Sélection (1 h 30) Page 70

Le ciel attendra de Marie-Castille Mention-Schaar UGC (1 h 40) Page 78

Bridget Jones Baby de Sharon Maguire StudioCanal (2 h 04)

Homo Sapiens de Nikolaus Geyrhalter ASC (1 h 34) Page 72

Mercenaire de Sacha Wolff Ad Vitam (1 h 44) Page 78

Miss Peregrine et les enfants particuliers de Tim Burton 20 th Century Fox (2 h 07) Page 89

Willy 1er de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas UFO (1 h 22) Page 72

Les Pépites de Xavier de Lauzanne Rezo Films (1 h 28) Page 78

Une vie entre deux océans de Derek Cianfrance Metropolitan FilmExport (2 h 13) Page 78

Brice 3 de James Huth Gaumont (1 h 35) Page 80


Bleeder de Nicolas Winding Refn La Rabbia (1 h 38) Page 74

Doctor Strange de Scott Derrickson Walt Disney (2 h 10) Page 30

BEN AFFLECK

ANNA KENDRICK

J.K. SIMMONS

AVEC

JEFFREY JON BERNTHAL TAMBOR

ET

JOHN LITHGOW

MR WOLFF IL RÈGLERA VOS

COMPTES.

#MRWOLFF

Mr Wolff de Gavin O’Connor Warner Bros. (2 h 10)

SORTIE EXCEPTIONNELLE

LE 1ER NOVEMBRE DÈS 18H

Moi, Daniel Blake de Ken Loach Le Pacte (1 h 39) Page 26

26 OCT. Jack Reacher Never Go Back d’Edward Zwick Paramount Pictures (1 h 58)

JOUR2FÊTE présente

Jennifer Connelly

Cillian Murphy

Mélanie Laurent

L’ATTRAPE-RÊVES un film de Claudia Llosa

Sing Street de John Carney Mars (1h46) Page 74

Les Beaux Jours d’Aranjuez de Wim Wenders Alfama Films (1 h 37) Page 82

Ta’ang Un peuple en exil, entre Chine et Birmanie de Wang Bing Les Acacias (2 h 27) Page 76

11 minutes de Jerzy Skolimowski Zootrope Films (1 h 21) Page 64

La Mort de Louis XIV d’Albert Serra Capricci Films (1 h 45) Page 44

L’Attrape-rêves de Claudia Llosa Jour2fête (1 h 34) Page 82

JENNIFER CONNELLY – CILLIAN MURPHY – MÉLANIE LAURENT – WILLIAM SHIMELL – PETER MCROBBIE – IAN TRACEY – ANDY MURRAY avec la participation exceptionnelle de OONA CHAPLIN et pour la première fois à l’écran WINTA McGRATH & ZEN McGRATH Produit par JOSÉ MARÍA MORALES, IBON CORMENZANA, PHYLLIS LAING Coproduit par IGNASI ESTAPÉ, MIGUEL MORALES, SANDRA HERMIDA, MARK JOHNSON, CLAUDIA LLOSA, JÉRÔME VIDAL Directeur de Production SANDRA HERMIDA, RHONDA BAKER Directeur de la Photographie NICOLAS BOLDUC Montage GUILLERMO DE LA CAL Chef décorateur EUGENIO CABALLERO Musique MICHAEL BROOKS Son FABIOLA ORDOYO, MARC ORTS 1er assistant réalisateur DANIELA FORN Producteur exécutif SANDRA TAPIA Superviseur effets spéciaux LLUIS CASTELLS Costumes HEATHER NEALE Maquillage DOUG MORROW Coiffure TRAVIS MARSZALEK Casting MERETIDH TUCKER (US), SHAHEEN BAIG (UK), CARMEN KOTYK (Canada) Écrit et réalisé par CLAUDIA LLOSA

AU CINÉMA LE 26 OCTOBRE

RITA PRODUCTIONS BLUE SPIRIT PRODUCTIONS GEBEKA FILMS ET KNM

PRESENTENT UN FILM DE CLAUDE BARRAS ECRIT PAR CELINE SCIAMMA INSPIRE DU ROMAN DE GILLES PARIS

AUTOBIOGRAPHIE D’UNE COURGETTE EDITIONS PLON – PARIS

MUSIQUE ORIGINALE DE SOPHIE HUNGER EN COPRODUCTION AVEC LA RADIO TELEVISION SUISSE ET SRG SSR FRANCE 3 CINEMA RHONE ALPES CINEMA HELIUM FILMS AVEC LA PARTICIPATION DE L’OFFICE FEDERAL DE LA CULTURE (DFI) CINEFOROM ET LE SOUTIEN DE LA LOTERIE ROMANDE EURIMAGES CANAL + FRANCE TELEVISIONS CINE + CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE (AVANCE SUR RECETTES ET NOUVELLES TECHNOLOGIES EN PRODUCTION) INDIE SALES COMPANY ET INDIE INVEST SUISSIMAGE REGION RHONE ALPES REGION POITOU-CHARENTES DEPARTEMENT DE LA CHARENTE DANS LE CADRE DU POLE IMAGE MAGELIS FOCAL ET LA FONDATION ERNST GOHNER SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE LA VILLE DE GENEVE L’ETAT DE GENEVE ET LE CANTON DU VALAIS

Ma vie de Courgette de Claude Barras Gebeka Films (1 h 06) Page 88

Le Mystère Jérôme Bosch de José Luis López-Linares Épicentre Films (1 h 24) Page 82

L E N O U V E AU C H E F - D ’Œ U V R E D U R É A L I S AT E U R D E O L D B OY

THE JOKERS

E N A S S O C I AT I O N AV E C PRÉSENTENT

B AC F I L M S

Mademoiselle de Park Chan-wook The Jokers/ Bac Films (2 h 25) Page 32

CJ ENTERTAINMENT PRÉSENTE UNE PRODUCTION MOHO FILM ET YONG FILM UN FILM DE PARK CHAN-WOOK “MADEMOISELLE” KIM MIN-HEE KIM TAE-RI HA JUNG-WOO CHO JIN-WOONG KIM HAE-SOOK ET MOON SO-RI PRODUCTEUR DÉLEGUÉ MIKY LEE CO-PRODUCTEUR DÉLEGUÉ JEONG TAE-SUNG RESPONSABLE FINANCIER MICHELLE KWON CO-RESPONSABLE FINANCIER BANG OK-KYUNG INSPIRÉ PAR LE ROMAN “DU BOUT DES DOIGTS” DE SARAH WATERS SCÉNARIO DE CHUNG SEO-KYUNG PARK CHAN-WOOK PRODUIT PAR PARK CHAN-WOOK SYD LIM CO-PRODUCTEURS YOON SUK-CHAN KIM JONG-DAE WONJO JEONG PRODUCTEUR ASSOCIÉ JAY LEE DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE CHUNG CHUNG-HOON DÉCORS RYU SEONG-HEE MONTAGE KIM SANG-BUM KIM JAE-BUM MUSIQUE CHO YOUNG-WUK COSTUMES CHO SANG-KYUNG PRISE DE SON BAE IL-HYUCK MAQUILLAGE ET COIFFURE SONG JONG-HEE EFFETS SPÉCIAUX LEE JEON-HYOUNG SON KIM SUK-WON MIXAGE JUNG GUN RÉALISÉ PAR PARK CHAN-WOOK © 2016 CJ E&M CORPORATION, MOHO FILM, YONG FILM. TOUS DROITS RÉSERVÉS

Olli Mäki de Juho Kuosmanen Les Films du Losange (1 h 32) Page 82

Mal de pierres de Nicole Garcia StudioCanal (1 h 56) Page 80

Manuel de libération d’Alexander Kuznetsov Nour Films (1 h 20) Page 80

La Fille du train de Tate Taylor Metropolitan FilmExport (1 h 51)

1er NOV. Réparer les vivants de Katell Quillévéré Mars (1 h 40) Page 76

2 NOV. La Folle Histoire de Max et Léon de Jonathan Barré StudioCanal (1 h 38)

Snowden d’Oliver Stone Pathé (2 h 14) Page 82


FILMS

ZOOM

ZOOM

LA FILLE INCONNUE

Le

chemin vers la rédemption est bardé d’embûches chez les frères Dardenne. La Fille Inconnue respecte l’adage avec son enquête médico-policière menée par l’intense Adèle Haenel. Un polar réconciliateur dans lequel on cherche moins les coupables que les victimes.

Jenny est dévastée. Tout est pourtant parti d’une soirée banale pour la jeune médecin généraliste officiant à Seraing, près de Liège. Pour montrer à son stagiaire l’importance du respect des horaires par les patients, elle décide de ne pas ouvrir la porte de son cabinet fermé depuis une heure quand retentit un coup de sonnette nocturne. Par principe : n’est-il pas vrai qu’un docteur fatigué délivre de moins bons diagnostics ? Bien sûr, en se montrant si froide et si intransigeante face à cette situation (qui suscite, au contraire, chez l’étudiant une réaction plus spontanée et humaine : le désir d’ouvrir la porte), Jenny a voulu bien faire, appliquer à la lettre son propre leitmotiv, énoncé un peu plus tôt : « Si tu veux être un bon médecin, tu dois être plus fort que tes émotions. » Bien sûr, elle

ne pouvait pas savoir que lors de sa petite démonstration d’autorité (péché d’orgueil avoué plus tard) se jouait la vie de la personne appuyant sur la sonnette. Mais lorsqu’elle apprend que cette dernière est morte quelques heures après sur les rives de la Meuse, Jenny ne peut plus se cacher derrière son manuel du bon petit docteur : elle doit cette fois « ouvrir la porte ». Autrement dit : ne pas refouler ses émotions, leur faire face. De cette culpabilité initiale accouche une odyssée inquiète jouant avec les codes du polar. À l’instar de son héroïne, le film semble lutter contre l’ankylose émotionnelle. Par le dialogue et l’action. Ce qui donne un conte moral abrupt, chevillé au réel, dont la justesse documentaire est moins portée sur la démonstration de force que sur l’économie de trait – pas de doute, on est bien chez les Dardenne. Caméra à l’épaule, montage troué d’ellipses sèches, musique absente : leur esthétique est ici élaguée jusqu’à l’épure. Le mince pouvoir d’incarnation du récit repose sur les solides épaules d’Adèle Haenel, parfaite en doctoresse réinventée en détective privée amatrice, solitaire et nicotinée.

Mi-médecin mi-enquêtrice, Jenny traverse de mornes décors gris bleuté, l’air buté. 62


FILMS

CONFESSIONS SALVATRICES

Mi-médecin mi-enquêtrice, elle traverse de mornes décors gris bleuté, l’air buté. Sur sa trajectoire, les témoins se confondent avec les patients, les indices, avec les diagnostics. Car leurs corps, si on les écoute attentivement, révèlent bien souvent

ce que l’esprit a voulu garder captif. Chez l’un, le stress du non-dit occasionne de la tachycardie, et la peur d’être dévoilé, des maux d’estomacs. Chez l’autre, la culpabilité nourrit l’insomnie. Cette somatisation généralisée devient la matière première du travail d’enquête de Jenny, dont le stéthoscope se mue en sérum de vérité. Mais il ne s’agit pas de coincer les menteurs à la manière d’un flic manipulateur. Plutôt de les libérer du poids qui les étouffe – autrement dit, de les soigner. Le secret professionnel en bandoulière, Jenny soulage les âmes tel un psy ou un curé. Mais sans le piédestal professionnel ou spirituel, car les interrogatoires de Jenny fonctionnent de manière réciproque et horizontale – elle se considère coupable, elle aussi. Les confessions qu’elle arrache à ses témoins-patients les allègent autant qu’ils l’aident, elle, à remonter sa propre piste rédemptrice. Vers la réconciliation, d’une douce et déchirante humilité. • ÉRIC VERNAY

— : de Jean-Pierre et Luc Dardenne Diaphana (1 h 46) Sortie le 12 octobre

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L’affliction ne paralyse pas Jenny, mais la pousse vers l’avant. Au lieu de fuir sa part de responsabilité en acceptant un poste lucratif dans un hôpital, elle l’affronte en restant dans son modeste cabinet. Un sacrifice professionnel qui lui permet d’enquêter sur la fille décédée. Personne ne connaît encore le nom de la jeune prostituée africaine. Trouver son identité permettrait de mettre un nom sur sa tombe. Et, pourquoi pas, de faire la paix avec son envahissant fantôme. Comme Marion Cotillard, qui s’adonnait à un exténuant porte à porte pour garder son emploi dans le précédent film des Belges (Deux jours, une nuit), Adèle Haenel est en mouvement constant. Mobile, au volant ou à pied, collée à son smartphone ou aux interphones, elle joint en quelque sorte la parole à la pensée, agissant et dialoguant souvent simultanément.

ZOOM

Le stéthoscope se mue en sérum de vérité.


FILMS

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11 MINUTES

À

78 ans, Jerzy Skolimowski (Le Départ, Deep End, plus récemment Essential Killing) semble prendre plaisir à troubler les spectateurs en les prenant tous de vitesse. Depuis 2008 et Quatre nuits avec Anna, le réalisateur polonais semble lui-même vouloir rattraper le temps, après dix-sept années sans tourner. Il distille ainsi un sentiment d’urgence dans un film régi par un compte à rebours implacable : chaque personnage est suivi en temps réel, durant onze minutes. Au début du film, les onze différentes intrigues (un mari jaloux qui veut empêcher sa femme de le tromper, un réalisateur tentant de séduire une actrice en la manipulant, un étudiant qui cherche à faire un hold-up…) s’entrecoupent à un rythme effréné sans que la nature de leur lien ne soit exposée : on sait juste que tout se passe à Varsovie. Dans un chassé-croisé de points de vue (dont

celui d’un chien) et de régimes d’images différents (smartphones, vidéosurveillance, webcams…), Skolimowski se plaît à brouiller les pistes à l’aide d’un montage vertigineux (il y en aurait eu soixante-cinq versions) qui place toujours dans l’inquiétude vive de ce qui va se passer. Peu à peu, quelques indices relient les différentes histoires : le bruit menaçant d’un avion qui atterrit, une tache sombre qui apparaît dans le ciel, une autre sur un écran… Jusqu’à ce que l’on comprenne que l’amas impétueux de sources d’images variées annonçait en fait le projet de Skolimowski : tout le film est un jeu galvanisant sur le caractère illusoire, trompeur, des images. • QUENTIN GROSSET

— : de Jerzy Skolimowski Zootrope Films (1 h 21) Sortie le 2 novembre

3 FILMS EN TEMPS RÉEL (OU PRESQUE) Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda (1962) En une heure trente de film, Varda raconte deux heures de la vie de Cléo. Entre angoisse et enchantement, on suit les déambulations de la jeune femme attendant les résultats d’une analyse médicale.

La Fille seule de Benoît Jacquot (1995) Au petit matin, Valérie annonce à son copain qu’elle est enceinte, avant de filer à l’hôtel, où elle commence un boulot de femme de chambre. Au plus près d’elle, Jacquot filme le temps de sa réflexion.

64

Victoria de Sebastian Schipper (2015) À Berlin, en sortant de boîte de nuit, Victoria se retrouve malgré elle mêlée à un braquage… Un sentiment d’immersion totale pour ce film réalisé en un seul plan séquence.



FILMS

CHOUF

— : de Karim Dridi Pyramide (1 h 48) Sortie le 5 octobre

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Après

Bye-bye et Khamsa, Karim Dridi clôt sa trilogie marseillaise avec Chouf, un thriller au cœur du trafic de drogue plein d’énergie et de trognes. Sofiane, brillant étudiant de 24 ans issu des quartiers pauvres de la cité phocéenne, avait toutes les cartes en main pour s’en sortir. Mais le meurtre de son frère par un caïd local l’aspire dans les rouages de la pègre. Animé par le désir de vengeance, ce retour en arrière n’est pas exactement un retour à la case départ. Car pour se faire accepter par les dealers et infiltrer efficacement leur système, le jeune homme peut désormais appliquer sur le terrain les principes appris en école de commerce. Business is business. Les fans de The Wire ne seront pas dépaysés devant le parcours de cet antihéros préférant, à l’instar du voyou à lunettes Stringer Bell, se servir de sa jugeote plutôt que d’un calibre. Le polar de Dridi partage également avec la série de David Simon sur Baltimore un soin porté au détail documentaire (argot en forme de jargon « professionnel ») au service de la consistance des personnages et du récit, hyper incarné. • ÉRIC VERNAY

LE CANCRE

— : de Paul Vecchiali Shellac (1 h 56) Sortie le 5 octobre

Deux

ans après Nuits blanches sur la jetée, Paul Vecchiali signe un film aux airs de bilan d’une existence. Il y incarne Rodolphe, un vieillard irascible et misanthrope auquel son fils rend visite. Le jeune « cancre », interprété par Pascal Cervo, s’incruste et s’installe dans la villa provençale où le cinéaste vit et a tourné ses derniers films. Là, le dispositif minimaliste est assumé, manière pour Vecchiali de revendiquer son identité d’artisan du cinéma. Une à une, les femmes de la vie de Rodolphe viennent sonder son amour. Inégal, Le Cancre vaut surtout pour ce bal d’actrices – mention spéciale à Édith Scob, hilarante en bonne sœur bredouillante et exaspérée. « Je les ai toutes aimées de la même façon », assure Rodolphe à son fils, le regard dans le vague. En vérité, il n’a qu’une obsession : revoir Marguerite, son premier amour. Difficile de ne pas penser à Jacques Demy, vieil ami de Vecchiali, lors de l’apparition onirique de Catherine Deneuve dans le rôle de cet amour. Celui qui a donné un sens à tous les autres. Celui qui n’a pas marché, aussi. Peut-être le seul possible, semble dire le cinéaste. • ARTHUR CERF

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“ Ce film est tout bonnement génial ” Numerama

AU CINÉMA LE 2 NOVEMBRE ONE PIECE GOLD Histoire originale et Superviseur de la production Eiichiro Oda (D’après le manga ONE PIECE publié par Shueisha) Scénario Tsutomu Kuroiwa Réalisation Hiroaki Miyamoto Musique Yuki Hayashi Direction de l’animation Naoyuki Wada Conception des personnages / Supervision de l’animation Masayuki Sato Conception des décors Nobuto Sue Couleurs Rumiko Nagai Montage Masahiro Goto Direction des images de synthèse Satoshi Nozawa Planning Shinji Shimizu & Hiroyuki Sakurada Production Kei Kajimoto & Yuta Kano Manager de production Tetsuo Inagaki Présenté par Fuji Television Network, Shinichi Ogawa / Toei Animation Co., Ltd., Katsuhiro Takagi / Toei, Hidenobu Muramatsu / Bandai, Yoshitaka Tao / Bandai Namco Entertainment, Satoshi Ohshita

WWW.ONEPIECEGOLD-LEFILM.FR


FILMS

DEAD SLOW AHEAD

— : de Mauro Herce Potemkine Films (1 h 14) Sortie le 5 octobre

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Sombre

et envoûtant portrait d’un cargo nommé Fair Lady filmé avec éclat comme un vaisseau fantôme, Dead Slow Ahead est un documentaire sans pareil sur la solitude des marins qui peuplent l’imposante embarcation. Tirant vers le film d’horreur avec son rythme torpide et inquiétant, ce film de l’Espagnol Mauro Herce (qui a passé deux mois et demi à bord) est parsemé de fulgurances visuelles. De l’Ukraine à La Nouvelle-Orléans, dans les ports où le bateau fait escale, le cinéaste filme les grues de chantier comme des monstres aux gueules voraces et acérées ; quant à la cale, dans laquelle est entreposée la marchandise (du blé et du charbon), il lui donne l’ampleur d’une cathédrale froide et majestueuse. Herce souligne le caractère impersonnel des espaces qu’il parcourt. Les hommes sont filmés en train de travailler, souvent seuls, sauf lorsqu’ils téléphonent à leurs proches restés à terre ou qu’ils s’adonnent à une séance de karaoké, scène à la fois très belle et angoissante, dans laquelle leurs visages soudain illuminés semblent disparaître derrière le clignotement d’un stroboscope. • QUENTIN GROSSET

POESÍA SIN FIN

— : d’Alejandro Jodorowsky Le Pacte (2 h 05) Sortie le 5 octobre

Après

son enfance dans une petite ville chilienne dans La danza de la realidad (2013), Alejandro Jodorowsky réenchante son passage à l’âge adulte, plombé par la dureté de son père, dans le Santiago des années 1940 et 1950. La filmographie de Jodorowsky a toujours été indissociable de sa famille. Ici, son fils Brontis, qui apparaît dans presque tous ses films, joue le père du cinéaste, alors que ce dernier est incarné par un autre de ses enfants, Adan. Cette thérapie familiale tordue se déploie dans le style baroque cher au réalisateur d’El Topo (1975). Poesía sin fin rejoue des épisodes romancés de la vie du jeune homme dans des ambiances tranchées, tour à tour glaciales et chaleureuses, truffées d’éléments théâtraux parfois too much : passants aux masques uniformes, décors outranciers… Mais rien de plus raccord avec l’âme de poète exalté de l’auteur, qui semble de plus en plus soucieux, à l’approche des 90 ans, de retrouver les élans de liberté frondeuse qui le tenaillaient à l’époque. Et qui a bien compris que faire la paix avec son père, par le biais du cinéma, était la clé de voûte de cette cure de jouvence. • TIMÉ ZOPPÉ

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FILMS

LE TECKEL

— : de Todd Solondz ARP Sélection (1 h 30) Sortie le 19 octobre

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Selon

un célèbre aphorisme, l’humour serait « la politesse du désespoir ». Une formulation imparable que Todd Solondz a placée, depuis Bienvenue dans l’âge ingrat (1996), au centre de sa filmographie. Chantre de l’ironie poivrée, fin observateur des désabusements de l’humanité, le cinéaste du New Jersey a toujours su aiguiser sa caméra pour mieux déloger ce satané vernis qui enjolive les maux de ses personnages. Avec Le Teckel, l’intéressé ne déroge pas à son modus operandi habituel et balade un toutou court sur pattes dans les confins de l’existence d’une série d’êtres en proie à la solitude, à la maladie et à la dépression. Auréolé du Prix du jury à Deauville, ce drame, où le rire se fait pudique, est organisé en quatre sketchs impeccablement découpés et agencés. Il y a cet enfant remis d’un cancer qui veut empêcher la stérilisation de sa chienne, ce professeur de cinéma désenchanté (excellent Danny DeVito) ou cette vieille dame délaissée et esseulée (Ellen Burstyn). Des destins délavés, admirablement mis en scène, que Solondz croque avec la combinaison de noirceur, de poésie et de malice qu’on lui connaît. • MEHDI OMAÏS

VOYAGE À TRAVERS LE CINÉMA FRANÇAIS — : de Bertrand Tavernier

Pathé (3 h 11) Sortie le 12 octobre

De

Becker à Renoir, de Renoir à Gabin. De Constantine à Melville, de Melville à Sautet. Sans véritable fil conducteur – si ce n’est un plaisir contagieux –, Bertrand Tavernier plonge dans ses souvenirs de cinéma et partage ses madeleines de Proust (dont quelques pépites oubliées) à travers une série d’extraits de films admirable – et admirablement commentée. Ce film est d’abord celui d’un cinéphile insatiable, qui a du mal à enlever le gras (d’où quelques longueurs) – mais peut-on le blâmer d’être gourmand face à de si délicieux bonbons ? Ce film est aussi celui d’un critique au regard affûté et à l’analyse précieuse. « On sent toujours battre le cœur des personnages. La mise en scène tend l’émotion comme on tend un muscle. » En quelques plans de Casque d’or (1952), Tavernier dévoile toute la richesse du cinéma de Becker. C’est enfin le film d’un témoin de premier rang, qui observe, et fabrique, le cinéma français de l’intérieur depuis des d’années, et qui partage anecdotes et réflexions sans langue de bois – les élans pétainistes de Renoir, les colères de Sautet… De ce voyage, Tavernier tire un précieux témoignage sur le cinéma et sur la France. • RAPHAËLLE SIMON

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FILMS

HOMO SAPIENS

— : de Nikolaus Geyrhalter ASC (1 h 34) Sortie le 19 octobre

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Le

réalisateur autrichien Nikolaus Geyrhalter, auteur en 2007 du remarqué Notre Pain quotidien, se fend d’un long métrage en plans fixes, sans histoire ni personnage, aux allures de trip post-apocalyptique. Et c’est captivant. Des rues, un cinéma, un hôpital, une prison, abandonnés ; une plage, battue par les vents… Plastiquement superbe, Homo Sapiens frappe avant tout par son pouvoir hypnotique. Mais le film interroge aussi, silencieusement, la disparition possible des êtres humains d’environnements qu’ils ont façonnés et sur lesquels la végétation reprend ses droits. On pense à la vidéo d’art, en particulier à Reflecting Pool (1979) de Bill Viola – dans la forêt, un homme se jette dans une piscine, mais il se fige dans les airs puis disparaît alors que la nature continue de bouger. L’un et l’autre film, par l’étonnement qu’ils provoquent (Homo Sapiens n’ennuie jamais tant chaque plan fourmille de détails dont l’œil raffole), cherchent à modifier notre regard pour que l’on éprouve des lieux, mais aussi le manque – ou pas – des individus dans ceux-ci. Noble et ambitieux projet. • TIMÉ ZOPPÉ

WILLY 1ER

— : de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas UFO (1 h 22) Sortie le 19 octobre

Projeté

dans le cadre de l’audacieuse programmation ACID du dernier Festival de Cannes, Willy 1er est un récit initiatique rythmé et surprenant. Daniel Vannet, un ancien illettré, repéré par le quatuor de réalisateurs sorti de l’école de la Cité de Luc Besson, y joue Willy, un quinqua qui n’a jamais quitté le domicile familial. Accablé par le chagrin après le suicide de son frère jumeau, Willy décide de sortir du bois. D’avoir un travail, un appartement, un scooter et des copains. « Et je vous emmerde ! » répète-t-il, pour se donner le courage de brandir ses ambitions. Échappant à la caricature misérabiliste, comme Willy au giron familial, le film se joue des clichés et raconte l’épopée modeste d’un personnage tantôt drôle et attachant, tantôt colérique, lâche et homophobe. Lors d’une scène avec sa curatrice, interprétée par Noémie Lvovsky, le ton monte, les gros plans sont nerveux, laissant présager le pire. Puis la tension redescend, grâce à Daniel Vannet, excellent en bonhomme difficile à cerner. La force des réalisateurs est d’aimer leur personnage sans l’idéaliser. Et de s’amuser avec lui sans jamais être moqueur. Un premier film prometteur. • ARTHUR CERF

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Jafar Panahi, Pardé, 2013 © DR - © Centre Pompidou, direction de la communication et des partenariats, Conception graphique Ch. Beneyton, 2016

JAFAR PANAHI

En partenariat média avec

Dans le cadre du

RÉTROSPECTIVE INTÉGRALE EXPOSITION LIVRE 7 OCTOBRE 13 NOVEMBRE 2016


FILMS

SING STREET

— : de John Carney Mars (1 h 46) Sortie le 26 octobre

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En

2007, John Carney réalisait Once, un premier film qui décrivait comme aucun autre les rouages de la création musicale. Avec Sing Street, il s’attache cette fois à montrer le moment précis où un artiste se révèle pour se détacher du commun des mortels. C’est ce qui arrive vite au jeune Conor lorsqu’il décide de monter un groupe de rock amateur dans l’Irlande des années 1980. Certes, il le fait d’abord pour les beaux yeux d’une fille. Mais le film décrit tout aussi finement ses autres motivations, qu’il s’agisse de réussir là où son frère a échoué, ou de s’affranchir de ses parents, sur le point de divorcer. La musique devient un exutoire pour l’ado, comme l’illustre la séquence déchirante et néanmoins dansante de son premier concert : sur scène, face à des camarades de classe pas très enthousiastes, et alors que sa famille et sa bien-aimée n’ont même pas fait le déplacement, il fantasme une communion endiablée avec un public extatique dans une ambiance à la Grease. John Carney veille jusqu’au bout à préserver cette ambivalence, audacieuse et payante : souligner la tristesse de son héros, tout en donnant le sourire aux spectateurs. • HENDY BICAISE

BLEEDER

— : de Nicolas Winding Refn La Rabbia (1 h 38) Sortie le 26 octobre

On

connaissait Pusher, la trilogie mafieuse que tourna Nicolas Winding Refn entre 1996 et 2005, avant de décoller vers la Grande-Bretagne puis les États-Unis avec le succès que l’on sait (Drive, The Neon Demon). Son deuxième film, Bleeder (1999), n’était en revanche jamais sorti sur nos écrans. Faute enfin corrigée. L’occasion de revenir aux origines d’une filmographie à la fois trash et à fleur de peau, laquelle s’est spécialisée dans la radiographie stylisée de mâles mutiques, incapables de sentiments mais prompts à tous les emportements. Comme dans Pusher, le réalisateur danois balade ses courtes focales dans les rues crasseuses de Copenhague en quête de ses décors fétiches (vidéo-club glauque, discothèque underground, snacks défraîchis), où se tapit le quotidien peu reluisant d’une meute de mufles égarés. Progressivement corrompu par la violence imprévisible de ses protagonistes, le film vaut surtout pour la belle histoire d’amour empoté entre Mads Mikkelsen et Liv Corfixen – devenue la femme du cinéaste, auteure en 2014 d’un documentaire au titre éclairant, My Life Directed by Nicolas Winding Refn. • LOUIS BLANCHOT

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FILMS

TA’ANG

— : de Wang Bing Les Acacias (2 h 27) Sortie le 26 octobre

ZOOM

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Les

Ta’ang, minorité ethnique birmane, sont au cœur d’une guerre civile à la frontière chinoise. Depuis février 2015, de violents affrontements armés ont contraint des centaines de milliers de personnes, et notamment d’enfants, de femmes et de personnes âgées, à faire route vers la Chine. Fidèle à sa démarche d’observation patiente, Wang Bing pousse avec ce film l’immersion documentaire à son point limite. À ces lieux fixes et peuplés de personnages auxquels nous avait habitués son cinéma d’auscultation (et dont À l’ouest des rails demeure l’exemple le plus admirable) se substitue ici une foule de réfugiés sans visage. Au gré des changements de programmes soudains, des sentiers boueux et des repas pris en marchant, ce ne sont pas seulement les migrants, mais tout le film qui se trouve déboussolé. Si bien que le cinéaste, dont la présence incongrue étonne parfois les enfants, semble lentement passer du statut de témoin à celui de simple corps ballotté. Pour la première fois, et après deux films aussi attentifs que Les Trois Sœurs du Yunnan et À la folie, ce n’est pas Wang Bing qui dicte le cadre, mais plutôt le flux des Ta’ang qui l’emporte dans sa virée chaotique. • ADRIEN DÉNOUETTE

RÉPARER LES VIVANTS

— : de Katell Quillévéré Mars (1 h 40) Sortie le 2 novembre

Avec

fougue et lyrisme, Katell Quillévéré adapte un roman de Maylis de Kerangal qui suit la greffe du cœur d’un ado à une mère de famille affaiblie. Les sentiments, dont le cœur serait le siège, déferlent dans Réparer les vivants. Mais ce que l’organe représente avant tout, c’est le mouvement. Différents rythmes animent les deux parties du film. On voit d’abord le jeune Simon (Gabin Verdet), avant son accident, grimper à vélo une colline comme un fou pour séduire une fille (Galatéa Bellugi) ; plus tard, sa receveuse au cœur usé, Claire (Anne Dorval), se fait porter jusqu’à la salle de concert où se produit son ex (Alice Taglioni). La circulation est aussi essentielle pour les personnages secondaires (le personnel hospitalier, les fils de Claire…), à peine caractérisés. Cet art de la touche légère, que la cinéaste maîtrisait dans Suzanne (2013), se fait ici plus hasardeux, tantôt risible (la passion du personnage de Tahar Rahim pour un oiseau), tantôt vibrant (la bienveillance de la chirurgienne campée par Dominique Blanc). Au final, la force de cette foule hétérogène mobilisée comme un seul cœur emporte le morceau. • TIMÉ ZOPPÉ

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JOUR2FÊTE présente

« UN FILM QUI INCITE À FAIRE LA PAIX AVEC LE MONDE ET AVEC SOI-MÊME. » ABUS DE CINÉ

Jennifer Connelly

Cillian Murphy

Mélanie Laurent

L’ATTRAPE-RÊVES un film de Claudia Llosa

JENNIFER CONNELLY – CILLIAN MURPHY – MÉLANIE LAURENT – WILLIAM SHIMELL – PETER MCROBBIE – IAN TRACEY – ANDY MURRAY avec la participation exceptionnelle de OONA CHAPLIN et pour la première fois à l’écran WINTA McGRATH & ZEN McGRATH Produit par JOSÉ MARÍA MORALES, IBON CORMENZANA, PHYLLIS LAING Coproduit par IGNASI ESTAPÉ, MIGUEL MORALES, SANDRA HERMIDA, MARK JOHNSON, CLAUDIA LLOSA, JÉRÔME VIDAL Directeur de Production SANDRA HERMIDA, RHONDA BAKER Directeur de la Photographie NICOLAS BOLDUC Montage GUILLERMO DE LA CAL Chef décorateur EUGENIO CABALLERO Musique MICHAEL BROOKS Son FABIOLA ORDOYO, MARC ORTS 1er assistant réalisateur DANIELA FORN Producteur exécutif SANDRA TAPIA Superviseur effets spéciaux LLUIS CASTELLS Costumes HEATHER NEALE Maquillage DOUG MORROW Coiffure TRAVIS MARSZALEK Casting MEREDITH TUCKER (US), SHAHEEN BAIG (UK), CARMEN KOTYK (Canada) Écrit et réalisé par CLAUDIA LLOSA

AU CINÉMA LE 26 OCTOBRE


FILMS MERCENAIRE

Recruté par un club de rugby, Soane quitte l’île de Wallis pour le sud-ouest de la France. Dès son arrivée en métropole, il est confronté à une série d’épreuves (racisme, persécution, premiers émois). Mêlant film noir, approche documentaire (genre dont il vient) et chronique sentimentale, Sacha Wolff livre un premier film audacieux. • MARILOU DUPONCHEL

— : de Sacha Wolff (Ad Vitam, 1 h 44) Sortie le 5 octobre

LES PÉPITES

En 1995, un couple de touristes français découvre à Phnom Penh une décharge où travaillent des enfants. Pour les sauver, ils créent une école qui a depuis pris en charge près de 10 000 gamins. Alternant témoignages de certains d’entre eux, images d’archives et séquences de classe, le documentaire exploite à plein l’ampleur romanesque de l’histoire. • M. D.

— : de Xavier de Lauzanne (Rezo Films, 1 h 28) Sortie le 5 octobre

LE CIEL ATTENDRA

Marie-Castille Mention-Schaar (Les Héritiers, 2014) filme les parcours croisés de deux adolescentes : Mélanie, 16 ans, partie pour la Syrie, et Sonia, 17 ans, arrêtée sur le point de commettre un attentat en France. Passé ses intentions pédagogiques un peu trop appuyées, c’est dans son aspect quasi documentaire que le film est le plus convaincant. • M. D.

— : de Marie-Castille Mention-Schaar (UGC, 1 h 40) Sortie le 5 octobre

UNE VIE ENTRE DEUX OCÉANS

Un couple vit seul sur une île, se désolant de ne pas avoir d’enfant, quand un matin la mer charrie un couffin… Après The Place Beyond the Pines, Derek Cianfrance livre une nouvelle fresque qui se bonifie au fil du temps et de l’intrigue : des personnages aux décors, des enjeux dramatiques à la charge émotionnelle, l’enrichissement est permanent. • H. B.

— : de Derek Cianfrance (Metropolitan FilmExport, 2 h 13)

Sortie le 5 octobre

CIGOGNES ET COMPAGNIE

Au mont Cigognes, la fabrication et la livraison de bébés, désormais déléguées aux humains, ont été remplacées par une fructueuse entreprise de vente par correspondance. Mais lorsque Junior, coursier cigogne, et Tulip, employée humaine, réenclenchent la machine à fabriquer les bébés, rien ne va plus ! Une comédie loufoque et réjouissante. • M. D.

— : de Nicholas Stoller et Doug Sweetland (Warner Bros., 1 h 27) Sortie le 12 octobre

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CAS — D’ÉCOLE(S)

5 OCTOBRE 18 NOVEMBRE 2016 Forum des Halles forumdesimages.fr

EN 70 FILMS

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FILMS L’ODYSSÉE

À bord de la Calypso, Cousteau explore les fonds marins avec son équipage et sa famille… Si ce biopic sombre parfois dans la sensiblerie, le réalisateur a la bonne idée de s’écarter de l’hagiographie en se concentrant sur la relation conflictuelle, qu’on suit sur plusieurs décennies, entre Cousteau (Lambert Wilson) et son fils Philippe (Pierre Niney). • Q. G.

— : de Jérôme Salle (Wild Bunch, 2 h 02) Sortie le 12 octobre

MANUEL DE LIBÉRATION

À leur majorité, Yulia et Katia sont transférées d’un orphelinat à un internat neuropsychiatrique en Sibérie, et privées de leurs droits. Les deux femmes s’engagent alors dans une lutte acharnée pour reconquérir leur capacité civile et leur indépendance… Critique acerbe de la société russe, ce documentaire est aussi un poignant récit d’émancipation. • M. D.

— : d’Alexander Kuznetsov (Nour Films, 1 h 20) Sortie le 19 octobre

APNÉE

La dérive de Céline, Thomas et Maxence, un trio d’amoureux en quête de bonheur à travers la France… Venue du théâtre, la troupe des Chiens de Navarre convertit sur grand écran son énergie punk. D’où un ovni trépidant zigzagant, au gré de saynètes hilarantes, entre le surréalisme d’un Buñuel et les provocations anars d’un Blier période Les Valseuses. • É. V.

— : de Jean-Christophe Meurisse (Shellac, 1 h 29) Sortie le 19 octobre

BRICE 3

À ceux qui cherchent Brice 2, ne vous fatiguez pas : le surfeur jaune l’a « cassé ». Dans cette suite de Brice de Nice (2005), l’avatar à mèche de Jean Dujardin, devenu vieillard, raconte ses aventures – comme cet épisode qui l’a vu partir sauver son ami Marius, à Hossegor puis à Hawaii – à une poignée d’enfants avec lesquels il est génialement odieux. • T. Z .

— : de James Huth (Gaumont, 1 h 35) Sortie le 19 octobre

MAL DE PIERRES

Dans les années 1950, Gabrielle (Marion Cotillard, habitée), mariée sans son consentement, est si frustrée de ne pas connaître la passion qu’elle en attrape des calculs rénaux… De facture classique, le film déroule la condition de son héroïne et sa rencontre avec un beau lieutenant blessé (Louis Garrel) en clouant au pilori une société misogyne. • T. Z .

— : de Nicole Garcia (StudioCanal, 1 h 56) Sortie le 19 octobre

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DÉCOUVREZ LA TECHNIQUE QU’IL Y A DERRIÈRE UN BAISER DE CINÉMA. EXPO DU 05/10/2016 AU 29/01/2017 DE MÉLIÈS À LA 3D : LA MACHINE CINÉMA

Grands mécènes de La Cinémathèque française

Ami de La Cinémathèque française

Mécènes de l’exposition

En partenariat avec

BILLETS FNAC.COM et CINEMATHEQUE.FR En partenariat média avec

Le Mépris, Jean-Luc Godard, 1963. Photographie Ghislain Dussart/DR.


FILMS OLLI MÄKI

Finlande, été 1962 : en lice pour le championnat du monde professionnel des poids plume, Olli Mäki porte tous les espoirs du pays. Mais, tombé amoureux, le champion n’a pas la tête au combat à venir… Un antifilm de boxe à la mélancolie larvée, où il est moins question pour le héros d’une victoire sur le ring que dans sa vie personnelle. • Q. G.

— : de Juho Kuosmanen (Les Films du Losange, 1 h 32) Sortie le 19 octobre

LE MYSTÈRE JÉRÔME BOSCH

Jardin d’Éden, fantaisie dionysiaque ou satire ? Comment appréhender Le Jardin des délices, célèbre triptyque de Jérôme Bosch, univers fou et bariolé où hommes, animaux et créatures difformes s’entrelacent ? En consultant artistes, historiens ou philosophes, José Luis López-Linares parvient à éclairer une œuvre destinée à rester mystérieuse. • M. D.

— : de José Luis López-Linares (Épicentre Films, 1 h 24) Sortie le 26 octobre

L’ATTRAPE-RÊVES

Nana a deux fils. Le cadet est malade, et elle tente de le guérir par tous les moyens. Récit chamanique, road movie, drame ? L’Attrape-rêve esquisse plusieurs pistes, ce qui fait sa singularité – mais aussi ses limites. Il convainc davantage par sa photographie léchée (lumière bleutée des terres canadiennes) et par le jeu brillant de Cillian Murphy. • M. D.

— : de Claudia Llosa (Jour2fête, 1 h 34) Sortie le 26 octobre

SNOWDEN

Après JFK ou Né un 4 juillet, Oliver Stone se fait de nouveau le biographe des États-Unis, avec cette fois un pan de leur histoire immédiate : le scandale de la surveillance américaine révélé par Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt). Écrite sous le patronage du véritable Snowden, cette aventure est racontée sans nuance mais de façon captivante. • ÉTIENNE ROUILLON

— : d’Oliver Stone (Pathé, 2 h 14) Sortie le 1er novembre

LES BEAUX JOURS D’ARANJUEZ

Wim Wenders pose sa caméra 3D, qu’il affectionne depuis Pina (2011), dans une villa et son jardin, près de Paris. Il y met en scène un écrivain (Jens Harzer) imaginant l’échange entre des allégories de « l’homme » (toujours impeccable Reda Kateb) et de « la femme » (Sophie Semin). À l’exigence des dialogues répond une douce ambiance estivale. • T. Z .

— : de Wim Wenders (Alfama Films, 1 h 37) Sortie le 2 novembre

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ENTRÉE GRATUITE Les Rendez-vous design et lumière Jeudi 8 décembre à 19h Dessiner des parcours par la lumière sur l’espace public

Les Entretiens de Chaillot 3 octobre à 19h Clément Vergély, architecte, Lyon 14 nov. à 19h O’Donnell+Tuomey, architects, Dublin 5 déc. à 19h Freaks architectes, Paris

Développement culturel Cinéma La ville balnéaire à l’écran Vendredi 28 octobre à 19h Pauline à la plage Vendredi 4 novembre à 19h À propos de Nice Du côté de la côte Royan aujourd’hui, vue de la mer © Photographie, Philippe Souchard-Ville de Royan

Plateforme de la création architecturale Duos et débats

Vendredi 18 novembre à 19h La Baie des anges Vendredi 25 novembre à 19h La main au collet / To catch a Thief Vendredi 2 décembre à 19h Folies de femmes / Foolish Wives Vendredi 9 décembre à 19h Jeunes filles à marier

Résidence critique Mardi 13 décembre à 18h Soirée Cinéma : Construire l’ambivalence au cœur des villes Projection du film SOS Fantômes 2, et débat avec Sam Azulys

Mardi 18 octobre à 18h L’espace informatique, de la science-fiction cyberpunk à l’art de construire : pour une approche de l’architecture par le médium Mardi 29 novembre à 18h Le blob sur grand écran et ailleurs : petite mythologie de la maison dévorante

Colloques, conférences & débats Hommage à Roger-Henri Guerrand Lundi 17 octobre de 14h30 à 19h

Tous à la plage ! Cycle de trois conférences Mercredi 16 novembre à 19h De l’horrifique à l’érotique, aller à la plage du xvıııe siècle à nos jours Mercredi 23 novembre à 19h Tous à la plage ! Chronique de l’architecture littorale (1929-1975) Mercredi 7 décembre à 19h Invention et âge d’or des stations de bord de mer

Mercredi 12 octobre à 18h30 Soirée débat Philippe Rahm versus Didier Fiúza Faustino

Catastrophes urbaines

Cours publics

Mardi 4 octobre à 19h 11 09 01, september 2001

Le Laboratoire du logement

Mardi 8 novembre à 19h La terre outragée

L’espace public à Paris, figures capitales d’une métropole dans l’histoire

Mardi 22 novembre à 18h30 Construire en bois, une stratégie d’innovation ?

Mardi 6 décembre à 19h Même la pluie

Jeudis 29 sept. et 17 nov. à 19h

Photographie Images / Cité

Les Rendez-vous métropolitains

Mercredi 5 octobre à 19h Autour de John Brinckerhoff Jackson (1909-1996)

Les Rendez-vous critiques

Jeudi 13 octobre à 19h La presqu’île de Caen Quand le paysage fabrique la ville Mardi 8 novembre à 19h Dunkerque. L’après-Neptune, le Grand Large Mardi 13 décembre à 19h Nice, nouvelles stratégies urbaines « grands paris cosmopolites » Mardi 11 octobre à 18h30 [In]hospitalité Mardi 6 décembre à 18h30 « Grands Paris Cosmopolites » [im]mobile

Autour de « Tous à la plage ! » Mercredi 9 novembre à 19h Le balnéaire en cartes postales : autour de la collection de David Liaudet Mercredi 14 décembre à 19h Autour de la collection de photographies du Conservatoire du littoral

Écosophies Mercredi 19 octobre de 9h30 à 18h Nouvelles Richesses Report from... La Biennale d’Architecture de Venise

PROGRAMME COMPLET ET INSCRIPTIONS SUR CITECHAILLOT.FR

Tarifs des Cours publics sur citechaillot.fr

Jeudi 3 novembre à 18h30 Conférence introductive L’espace public à Paris. Enjeux et débats Jeudi 10 novembre à 18h30 A l’ombre des pouvoirs : l’espace public à Paris au Moyen Âge Jeudi 17 novembre à 18h30 La fabrique de l’espace public parisien sous l’Ancien Régime : ordre et désordre Jeudi 24 novembre à 18h30 L’espace public, un espace circulé : tensions, équipements et régulations (Paris, Europe, fin xvıııe - xxe siècles) Jeudi 1er décembre à 18h30

Innovations techniques et enjeux politiques : les riches heures de l’espace public parisien au xıxe siècle


LE TEST PSYNÉPHILE

ES-TU NORMAL(E) ?

Ton plus grand moment de solitude ?

Ton code wi-fi ?

Le jour où tu n’as eu aucun message, zéro, pas même un de ta mère.

Shambala. #lafille#du#1er#qui#souffre# d#incontinence#verbale.

Le jour où une meuf chelou t’a expliqué que c’était toi qui devais sauver le monde, pas Bruce Willis.

ZOOM

ZOOM

Le jour où quelqu’un t’a dit : « Ne le prenez pas mal mais vous êtes quoi ? » La phrase magique que tu as toujours rêvé d’entendre ?

Tu n’en as pas. Tu vis dans une boucle temporelle où le wi-fi n’a pas encore été inventé. L’épitaphe sur ta tombe, ça serait quoi ? « Quand quelqu’un refuse de t’ouvrir sa porte, au bout d’un moment tu arrêtes de frapper. »

« I like you very much. Just as you are ». Oui, et en anglais seulement. « J’ai quelque chose à te montrer, mais promets-moi de ne pas t’enfuir. » « Regarde, y a Thor dans le ciel ! » La dernière fois qu’on t’a regardé(e) comme un freak ?

« Ci-gît une vieille fille qui a fini par être dévorée par des bergers allemands. » « Marvel m’a TUER. » Ta plus grande interrogation existentielle : Comment ai-je pu prendre un kilo et demi depuis le milieu de la nuit ?

Tu as lâché Hulk…

Cape ou pas cape ?

C’était lorsque ton ex t’a croisé(e) au rayon « développement personnel ».

Si le monde n’a aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ?

C’est tous les jours Halloween, non ? Enfin, pour certains d’entre nous.

TU AS UN MAXIMUM DE : TU ES NORMAL(E), ENFIN… PRESQUE Malgré tes efforts, tu ne parviens pas à devenir adulte. Ne change rien ! Au lieu de passer ta soirée à chialer en écoutant Céline Dion, va voir Bridget Jones Baby de Sharon Maguire (sortie le 5 octobre). Enceinte et toujours aussi hilarante, Bridget va t’offrir deux heures de pure jubilation coupable.

TU ES UN(E) PARANORMAL(E) DU DIMANCHE Le 26 octobre sort le dernier opus de la saga Marvel, Doctor Strange de Scott Derrickson. Annule ta semaine « jeu de rôle grandeur nature » ! Voir un blockbuster réussi sur le maître des arts mystiques, c’est quand même plus cool que de jeter des oranges en criant : « Boules de feu ! »

TU ES… PARTICULIER(E) Il y a bien longtemps, tu avais compris que tu étais un être différent et que la vie ne te ferait pas de cadeaux. Tu te trompais ! Les résidents aux pouvoirs étranges de la dernière fable de Tim Burton, Miss Peregrine et les enfants particuliers (sortie le 5 octobre), vont te réconcilier avec ta bizarrerie.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 84



L’événement, c’est qu’il y en a un par jour

Dès septembre, retrouvez les séances de programmation culturelle mk2 dans l’ensemble de nos cinémas. Cycle de conférences, débats, ciné-concerts, ateliers etc., sur des sujets pa ssi onnants autour d u ciné ma , l’a r t , la musique, les connaissances, la création digitale. . . Billetterie et renseignement sur www.mk2.com/evenements

Toute une vie autour du cinéma


LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 8 ANS

COUL' KIDS

MA VIE DE COURGETTE

« Les créateurs de Ma vie de Courgette ont fabriqué leur film en pâte à modeler avec un style “comme si c’était mal fait”. L’herbe, par exemple, c’est comme des gros morceaux de plastique. Et il y a plein d’autres choses bizarres : Courgette a les cheveux bleus ; ses yeux sont entourés d’un tube gris ; et puis, à moins d’être enrhumé tout le temps, c’est pas possible d’avoir le nez rouge comme les personnages. Le style pas réaliste de Ma vie de Courgette, c’est comme si les créateurs du film nous disaient sans nous parler : “Faites attention les enfants ! C’est pas parce qu’on est dans un orphelinat qu’on est aussi heureux que Courgette et ses copains.” Parce que je pense que les enfants dans les orphelinats sont plus tristes que les personnages du film. En tout cas, je trouve que c’est bien que l’on parle d’eux dans un film. Déjà, je pense que ça leur fait plaisir, et puis c’est comme de raconter un cauchemar : après avoir fait le pire cauchemar de ma vie, je l’ai raconté, et je me sentais mieux après. Ma vie de Courgette, c’est un peu pareil. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Ma vie de Courgette tient du pari impossible : faire un film destiné (aussi) aux enfants et relatant, sans fard, le quotidien d’un jeune orphelin dans un foyer. L’écriture, jamais condescendante (Céline Sciamma au scénario), évite au film de sombrer dans le mélodrame. La finesse de l’animation contribue à construire des personnages émouvants, et le choix de l’image par image place une distance poétique vis-à-vis de la dure réalité du récit. Prototype culotté, Ma vie de Courgette est surtout un projet d’une cohérence imparable. • JULIEN DUPUY — ILLUSTRATION : PABLO COTS

— : « Ma vie de Courgette » de Claude Barras Gebeka Films (1 h 06) Sortie le 19 octobre Dès 6 ans

COUL’ KIDO EST CACHÉ 3 FOIS DANS CETTE DOUBLE PAGE… SAURAS-TU LE RETROUVER ?

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CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COUL' KIDS

................................................................. ................................................................. En bref : Signature et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CAPTAIN FANTASTIC Un père et ses six enfants vivent au fin fond de la forêt, coupés de la société. Ceux-ci sont élevés à la dure, initiés aux méthodes de combat et de survie, et dans le culte du philosophe Noam Chomsky. C’est lorsque la famille doit choisir entre la marge et la norme que le film révèle ses enjeux, mais aussi son humour. • HENDY BICAISE

: de Matt Ross (Mars, 2 h)

IE N D

MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS Pour éclaircir le mystère de la mort de son grand-père, Jacob part à la recherche des enfants dotés de pouvoirs magiques qui peuplaient ses histoires… Tim Burton greffe son imaginaire macabre à l’univers foisonnant du best-seller de Ransom Riggs. • QUENTIN GROSSET

: de Tim Burton (20th Century Fox, 2 h 07)

Sortie le 12 octobre

Sortie le 5 octobre

Dès 12 ans

Dès 7 ans

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© 20TH CENTURY FOX

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !


L’INTERVIEW DE LUCIE, 11 ANS

JEAN-DANIEL

VUILLERMOZ CRÉATEUR DE COSTUMES

COUL’ COUL' KIDS

Comment es-tu devenu costumier ? J’ai toujours aimé me déguiser et habiller les autres. Petit, je récupérais les Barbie de ma sœur, et avec des bouts de tissus je leur créais des vêtements que je vendais ensuite aux filles de mon quartier. Trop fort ! Oui, et ça marchait très bien ! Plus tard, vers 15 ans, à l’école, j’ai vu un film sur Molière réalisé par Ariane Mnouchkine, avec plein de costumes. Ça m’a donné envie, mais je ne savais pas du tout comment ça se passait. Je pensais que c’était comme un catalogue de La Redoute, qu’il y avait un stock de costumes quelque part, qu’il suffisait de dire : « Tiens, j’ai besoin d’un costume Louis XIV, je vais le commander. » Évidemment, ça ne marche pas comme ça. Comment ça marche, alors ? Le metteur en scène me parle de son projet, il me dit ses envies. Par exemple, pour Oliver Twist. Le musical, Ladislas Chollat voulait de la couleur. Le spectacle raconte l’histoire de gens pauvres, que l’on représente souvent dans des vêtements sombres. Pour moi, c’était intéressant de créer des costumes qui soient misérables mais aussi très colorés. J’ai beaucoup pensé aux films de Tim Burton, comme Charlie et la chocolaterie. Et c’est toi qui couds les costumes ? Non, je dessine les costumes de chacun des personnages, je présente mes croquis au metteur en scène. Si ça lui plaît, je m’installe dans un atelier avec toute une équipe – il y a des spécialistes des chapeaux, de la coupe, de la couture… C’est là qu’on fabrique les costumes.

Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ? Chaque projet est différent. Je peux faire des films, des pièces de théâtre, des comédies musicales. C’est très varié, je ne m’ennuie jamais. L’histoire d’Oliver Twist se déroule en 1837. Du coup, j’ai fait des recherches sur la période romantique. J’apprends toujours plein de choses. Est-ce qu’il t’est déjà arrivé un truc catastrophique avec un costume ? Une fois, on partait répéter une pièce en province. J’ai confié une robe à une comédienne, et elle l’a oublié dans le train. Là, j’étais mal ! Qui se fait gronder dans ce cas-là ? On s’est fait gronder tous les deux : la comédienne qui avait accepté de transporter la robe, et moi qui la lui avais confiée ! Mais c’est moi qui ai dû refaire la robe, pas la comédienne ! • PROPOS RECUEILLIS PAR LUCIE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : FLAVIEN PRIOREAU —

: « Oliver Twist. Le musical »

mis en scène par Ladislas Chollat à la salle Gaveau

COMME LUCIE, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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LE DEBRIEF Lucie a rencontré Jean-Daniel Vuillermoz, créateur de costumes pour le théâtre et le cinéma, afin de lui parler de son travail sur le spectacle Oliver Twist. Le musical, à l’affiche en ce moment. « On avait rendez-vous salle Gaveau, une salle de concert qui ressemble à un hôtel 5 étoiles. J’ai interviewé Jean-Daniel dans les coulisses. Il m’a fait visiter, j’ai vu tous les costumes, les perruques, et même des danseurs répéter. Il est vraiment trop gentil. À la fin, j’avais l’impression de le connaître depuis longtemps. » • LUCIE


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY SILENCE, MOTEUR, ÇA TOURNE  !

CINÉMA

Pour les enfants, une programmation qui permet d’observer les coulisses du cinéma avec des films dont l’action se déroule sur un tournage, de La Nuit américaine de François Truffaut au Caméraman de Buster Keaton, en passant par Chantons sous la pluie de Stanley Donen. Pour les parents, une occasion de (re)voir ses classiques.

: jusqu’au 2 novembre à La Cinémathèque, dès 8 ans

VIRÉE A LA FERME

DÉCOUVERTE

Agneaux, chevreaux, porcelets, canetons s’installent pour quelques jours dans le parc de la Villette. L’occasion, pour nos petits hommes citadins, d’apprendre à nourrir et à soigner des bébés animaux, sous la surveillance d’un clown fermier. Ce n’est pas seulement mignon, c’est aussi gratuit.

: du 28 octobre au 2 novembre à la Villette, dès 6 ans

COUL' KIDS

C’EST UN CAP

THÉÂTRE

Des cascades, des duels, des capes et des épées, de la musique live, sans oublier la drôlerie et la poésie du mousquetaire Cyrano de Bergerac. Une version écourtée mais néanmoins fidèle à la pièce originale, idéale pour découvrir ou réviser les répliques cultes du classique d’Edmond Rostand.

: à partir du 20 octobre au théâtre Le Ranelagh, dès 10 ans

• CÉCILE ROSEVAIGUE

ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

KIDS FRIENDLY

ÉCOUTER LA NATURE

EXPO

« Le Grand Orchestre des animaux » réunit des peintures, des photos, des vidéos, des dessins d’artistes contemporains autour du travail de Bernie Krause, un musicien et bioacousticien américain qui enregistre les sons, souvent inaudibles par l’oreille humaine, des animaux terrestres et marins dans leur habitat sauvage. Fascinant.

: jusqu’au 8 janvier à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, dès 2 ans

TOUS EN PISTE !

CIRQUE

Sous chapiteau, dix compagnies de cirque contemporain présentent leurs créations : clowns, acrobates, funambules, jongleurs côtoient musiciens et danseurs. Sans oublier le brunch des dimanches et le grand bal populaire du samedi. Dix jours intenses à partager avec ses enfants.

: du 7 au 16 octobre à la pelouse de Reuilly, dès 6 ans

VERSION FRANÇAISE

CONCERT

Chanter en français des tubes anglais traduits littéralement, c’est le concept des Franglaises, douze artistes adeptes de l’absurde. On passe avec jubilation des chansons de Michel Fils-de-Jacques à celles des Petits Pois aux Yeux Noirs. Un régal ! Si votre enfant ne reconnaît pas tous les titres, il sera séduit par l’ambiance et les chorégraphies déjantées.

: jusqu’au 14 janvier à Bobino, dès 9 ans

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FAIS TON CINÉMA

THÉÂTRE D’OMBRES Raconte des histoires à tes amis en animant ces MATÉRIEL : ciseaux, pics à brochettes, papier, PDF du motif (à imprimer silhouettes découpées dans du papier ! Dans une pièce scotch, sur le site). plongée dans l’obscurité, place les devant une source TEMPS DE RÉALISATION : 10 minutes. À PARTIR DE 4 ANS, avec un adulte. de lumière pour faire apparaître sur le mur un joli • PAR POULETTE MAGIQUE théâtre d’ombres. 1 2 3 4

TOUTES LES ÉTAPES SUR WWW.POULETTEMAGIQUE.COM/THEATREDOMBRES 93


de Alexandre Castagnetti

TAMARA

BRIDGET JONES BABY L’ODYSSÉE

avec Sandrine Bonnaire et Noémie Merlant

avec Renée Zellweger, Patrick Dempsey et Colin Firth

avec Lambert Wilson, Pierre Niney et Audrey Tautou

LE CIEL ATTENDRA

MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS de Tim Burton

LES TROLLS avec les voix de Louane Emera et M. Pokora avec Marion Cotillard et Louis Garrel

MAL DE PIERRES

avec Jean Dujardin et Clovis Cornillac

BRICE 3

MA VIE DE COURGETTE de et avec Rokhsareh Ghaem Maghami

OLLI MÄKI

SONITA

de Juho Kuosmanen

DOCTOR STRANGE de Ken Loach

avec Benedict Cumberbatch et Tilda Swinton

MOI, DANIEL BLAKE

RÉPARER LES VIVANTS

avec Tahar Rahim et Emmanuelle Seigner

MADEMOISELLE

UGC CINE CITE – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine

de Claude Barras

de Park Chan-Wook

Seul ou à deux, à partir de 17,90€ par mois

sur les frais de dossier

Offre valable du 12 octobre au 1er novembre 2016 Plus de 1000 films par an dans près de 700 salles Conditions sur ugc.fr et au 01 76 64 79 64

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OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


EXPOS

LIZ MAGOR

© TONY HAFKENSCHEID ; SITE PHOTOGRAPHY

— : jusqu’au 29 octobre à la galerie Marcelle Alix, jusqu’au 19 décembre au Crédac (Ivry-sur-Seine)

Liz Magor, Casual, 2012

OFF

En

cette rentrée, deux expositions sont consacrées à cette artiste canadienne, méconnue en France, qui manie avec délicatesse l’art de « (re)mettre du baume » aux objets perdus – et au cœur. Emballages, couvertures, peluches… autant de petites choses a priori sans valeur ni avenir qui font l’objet de transformations, soins et autres reprises leur conférant une force aussi tranquille qu’irrésistible. Étrangement, on se prend d’affection pour ces objets de seconde main chargés d’histoires, délaissés, abîmés par la vie et l’usure, qui nous enrobent d’une chaleur bienveillante et que l’on est tenté de toucher à notre tour, comme pour leur rendre un peu du réconfort qu’ils diffusent. Accrocs et tâches deviennent les grains de beauté de vieilles couvertures en laine sorties du pressing, suspendues au mur sur cintres. Moulées en silicone, des housses de protection de vêtement reposent sur des chaises, évoquant l’habit ou la peau qui épouse le corps. Des moulages réalisés en gypse polymérisé à partir de boîtes en cartons donnent naissance à des coffres translucides hermétiquement fermés renfermant livres et papiers, ou à de petits ou grands socles muraux accueillant ici un petit oiseau naturalisé sur un gant jaune, là un ensemble de coupures de revues des années 1970. Entre pétrification et seconde vie, ces caressantes vanités nous offrent une troublante lecture de l’empreinte du temps et des êtres passés. • ANNE-LOU VICENTE

On se prend d’affection pour ces objets de seconde main chargés d’histoires.

SERVANE MARY

L’artiste franco-suisse regroupe dans cette nouvelle exposition, intitulée « Babyliss », une série d’images d’archives de gangs de motardes des années 1940 à 1970. Un pan du pouvoir des femmes au sein d’une communauté mythique se révèle à nous. Transférées sur des plaques d’aluminium et de cuivre ondulées, les photographies présentent leurs sujets de dos, comme pour indiquer une histoire oubliée et à suivre ; comme tout droit sorti d’un fer à friser : ça chauffe. • HERMINE WURM

Une percée grandiose sur un paysage, une voiture dont les vitres sont passées à la chaux... Les photos de Martin d’Orgeval s’obstinent à bloquer le regard. De même, la déambulation dans l’exposition (intitulée « Revoir ») n’est que butée pour un voyeur empêché d’assouvir ses désirs. Le fantasme autour de ce qui est caché ouvre un univers onirique au visiteur, qui tente de se repérer grâce aux éléments familiers que l’artiste laisse apparaître. • H. W.

: jusqu’au 5 novembre à la galerie Triple V

MARTIN D’ORGEVAL

: jusqu’au 30 octobre

à la Maison européenne de la photographie

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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

Vous rêvez d’aller à Art Basel Miami ? Vous êtes fan de Madonna ? Bingo : la star accompagnera deux néophytes tirés au sort (après s’être inscrits sur le site de sa fondation caritative Omaze) à la prochaine édition de la foire d’art contemporain, en décembre. • Après s’être dénudée sous L’Origine du monde de Gustave Courbet en 2014 puis sous Olympia d’Édouard Manet en janvier dernier au musée d’Orsay, l’artiste-performeuse Deborah De Robertis a dégusté, le 4 septembre, une pastèque posée entre ses cuisses au musée Guimet, lors de l’exposition du photographe japonais Araki. Si les visiteurs l’ont applaudie, elle s’est fait, comme les fois précédentes, sortir manu militari par la sécurité. • Un mystère vieux de cent vingt ans a été enfin résolu : une tâche, longtemps prise pour une déjection d’oiseau, sur le célèbre Cri de 1893 d’Edvard Munch, a récemment été identifiée par des chercheurs belges comme une bête trace de cire. • Idée shopping : Karl Lagerfeld a sorti, en partenariat avec le fabricant allemand Faber-Castell, un « kit d’artiste » pour tous les petits créateurs en herbe – enfin, des créateurs déjà un peu riches, parce que la « Karlbox » coûte la bagatelle de 2 500 €. • Pour éloigner les jeunes du terrorisme, l’Italie mise sur la culture : pour leurs 18 ans, 574 000 Italiens vont recevoir 500 € en bons pour des activités culturelles. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL


SPECTACLES

DANSE DE NUIT — : de Boris Charmatz du 7 au 9 octobre à la friche industrielle Babcock, La Courneuve (45 min)

© BORIS BRUSSEY

OFF

Sortir

la danse contemporaine des théâtres, la mêler à l’obscurité et aux bruits de la ville, voici la promesse de Boris Charmatz. Dans les monumentales halles de la friche industrielle Babcock, le chorégraphe et directeur du musée de la Danse vous invite à un rite nocturne. Avec Danse de nuit, il prolonge l’expérience qu’il a initiée à Rennes, Fous de danse, un week-end entier pour déployer l’expression chorégraphique sur les places et dans les rues. Cette fois, ni ateliers d’initiation ni participation du public, mais une pièce nomade pour six danseurs. Parler et danser en même temps, travailler sur la contrainte des corps en mouvement : on retrouve dans cette nouvelle création la signature de Boris Charmatz. Mais quelque chose de l’énergie joliment brouillonne de la ville se faufile dans son écriture. Les gestes des danseurs semblent avoir été rechargés à cette électricité particulière. Rapides et vifs, ils se font moins précis, plus bruts. Éclairés par intermittence, ils tracent des tatouages éphémères sur l’épiderme urbain, des dessins voués à disparaître au moment de leur apparition. Les interprètes parés de leurs costumes carnavalesques se métamorphosent à leur tour en silhouettes fantomatiques, comme pour hanter le public regroupé autour d’eux. Doucement, ils semblent ranimer le souvenir d’autres dessinateurs, tombés sous les balles en janvier 2015. Le rite nocturne devient alors une tentative pour conjurer le souvenir traumatique des attentats. Une séance collective d’exorcisme. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Les gestes des danseurs tracent des tatouages éphémères sur l’épiderme urbain.

HEARING

TRISTESSES

Que s’est-il passé cette nuit-là dans ce pensionnat pour filles de Téhéran ? Samaneh accuse sa camarade Neda d’avoir laissé un garçon rentrer dans l’établissement mais elle ne l’a pas vu, seulement entendu. A-t-elle rêvé ? À partir de cette intrigue ténue, Amir Reza Koohestani (Dance on Glasses, Amid the Clouds, Timeloss) braque le projecteur sur la difficulté à se défaire de ses croyances. En filigrane, c’est de la place des femmes dans la société iranienne dont il est question. • A. J.-C.

Quotidien étriqué, humiliations et frustrations sur fond de montée de l’extrême droite : l’ambiance est aussi étouffante que morose sur la petite île Tristesses. La tension grimpe encore d’un cran lorsqu’un cadavre est retrouvé. Et pourtant, vous allez rire. Entre polar et film d’horreur, Anne-Cécile Vandalem signe, avec son humour grinçant, une pièce hautement politique. Pour asservir un peuple, quoi de plus efficace que de l’engluer dans le désespoir ? • A. J.-C.

au Théâtre de la Bastille (1 h 10)

à L’Onde (Vélizy-Villacoublay) (2 h 10)

: du 11 au 19 octobre

: les 7 et 8 octobre

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RESTOS

POUR UNE BOUCHÉE DE PAIN

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© MATHILDE DE L’ÉCOTAIS

Dans un pays où le jambon-beurre résiste encore au burger, la boulangerie est le haut lieu du snacking. Thierry Marx l’a bien compris en ouvrant un lieu hybride et dans l’air du temps où il concocte des sandwiches originaux et gastronomiques.

THIERRY MARX – LA BOULANGERIE Thierry Marx est un chef heureux, très occupé par son restaurant doublement étoilé, Sur Mesure, à l’hôtel Mandarin Oriental. Avec ses écoles, Cuisine mode d’emploi(s), il mouille aussi sa veste de cuisine comme citoyen engagé, au service de la formation et de l’insertion professionnelle. Il lui restait à réaliser un rêve d’enfant : ouvrir une boulangerie. Il a beaucoup pétri lors de son apprentissage et de son tour de France avec les Compagnons du devoir, ça lui manquait. Le voilà désormais dans le pétrin, avec un lieu au décor zen imaginé par sa compagne, la photographe et designer Mathilde de l’Écotais. Silhouette du chef à la Hitchcock, banquettes en cuir et demi-scooters pour s’asseoir à la table haute où l’on peut grignoter tranquillement. Car, plutôt qu’une simple boutique à pains, il faut mettre au capital de Marx d’avoir choisi de fusionner boulange et cuisine. C’est qu’il aime le goût chaud, Marx. Aux manettes, le Meilleur ouvrier de France Joël Defives prépare des pains à base de farines biologiques (baguette à 1,10 €) mais aussi des breadmakis (à partir de 7 €), clin d’œil au Japon qu’il aime tant. Du pain de mie toasté, fourré et roulé – voilà la recette –, déclinée en gambas, avocat, pamplemousse ou pastrami, ou encore façon croque-monsieur avec le jambon de Gilles Vérot. En guise de dessert, on recommande chaudement la tarte Maître, pomme et macaron (4,50 €/part) ou la tartelette au chocolat noir (4,90 €). Gourmandise mode d’emploi. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 51, rue de Laborde, Paris VIIIe

PANIFICA

CHAMBELLAND

Chez François Brault, les farines sont majoritairement bio. On se pose sur quelques tables pour déguster des sandwiches focaccia ou pain suédois, saumon fumé, et une panna cotta rhubarbe. • S. M.

Ici, tous les pains sont à base de farine de riz. Dans un espace en mode brocante, on se régale d’un sandwich thon, cream cheese ou d’une soupe pois cassés carottes. Menus à partir de 8 €. • S. M.

: 15, avenue Trudaine, Paris IXe

: 14, rue Ternaux, Paris XIe

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C’EST DOUX ! Où manger ? Quoi commander ? Suivez le régime alimentaire de @PhamilyFirst sans prendre un Instagram de gras. Ce mois-ci : un mois fou food à Paris à petit prix.

Paris à prix tout doux : le leitmotiv de cette chronique qui fera la nique aux assiettes qui vous coûtent plus d’un billet rouge. Un goutte-à-goutte d’adresses au top du goût (et à moindre coût), en commençant par le restaurant chinois Fleur de mai sur l’avenue de Choisy. L’élu de mon cœur dans ce coin-là de Paris, avec ses délicieux raviolis de crevettes, mouillés dans un bouillon ou déposés sur ses nouilles. Ajoutez-y le tofu frit et vous aurez une version semi-healthy du paradis. À deux minutes en tuk-tuk, le Vietnamien Pho Bida, rue Nationale, sert une soupe ph phénoménale. Panière d’herbes fraîches et merveilleux bouillon, de quoi faire des heureux pour moins de 10 €. Finissez la balade dans le XIIIe arrondissement de Paris par du lèche-vitrine à la rôtisserie Ang, avenue d’Ivry. Les viandes laquées vont se la coller avec votre bol de riz. Une barquette mixte canard/poitrine de porc croustillant à partager en famille. Côté sucré, Boneshaker vient bousculer la scène du beignet trouilloté avec son doughnut 100 % gluten frit. Boston, on a un problème : la première bouchée de leur Cream Doughnut est un sugar rush instantané. Votre cerveau convoque votre double menton pour une réunion d’urgence. Enfin, pour ne pas finir sur une note salée, squattez le banc de Broken Biscuits et sa petite allée pavée. Un havre de paix en plein XIe. Voilà, c’est tout. À moins de 10 balles, c’est déjà pas mal ; un point c’est doux. • JULIEN PHAM — ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN


CONCERTS

SWANS — : le 9 novembre au Trabendo

© NRIKO.COM

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Les

cygnes électriques du chaman Michael Gira reviennent pour d’ultimes messes noise, rituels soniques, transes psychédéliques. Attention aux coups de foudre. « J’ai besoin de dormir. Ces tournées sont épuisantes. Et puis nous avons atteint notre sommet, sans doute que les choses iront de mal en pis désormais. » Dernier album (The Glowing Man) et dernière tournée sous cette incarnation, les Swans de Michael Gira quittent la scène sur un climax – ils sont considérés par certains (dont nous sommes) comme l’un des meilleurs groupes du monde live pour leurs cérémonies rock, psychédéliques et incantatoires. Gira explique ainsi sa volonté de saisir les corps, de nimber l’espace, en jouant à très fort volume sonore : « Un fort volume permet plus de résonances, et donc plus d’harmoniques, ces notes créées par la combinaison d’autres notes, voletant partout dans la pièce. Elles ne sont pas vraiment jouées, mais elles apparaissent, comme créées par Dieu. » Vieillissant, fatigué, Michael Gira est plus mystique que jamais, citant Jésus, Marie, Joseph dans ses longues chansons-gospels (« Cloud of Unknowing », 25 minutes inspirées d’un texte chrétien mystique), mais aussi des kōan zen ou des mantras hindous, dans un syncrétisme inspiré par les penseurs pérénialistes (Aldous Huxley, René Guénon), le LSD ou la méditation, voies d’accès au temps dilaté « où le temps n’est plus une succession d’instants, mais un continuum ». Bon trip. • WILFRIED PARIS

« Nous avons atteint notre sommet, les choses iront de mal en pis désormais. » MICHAEL GIRA

PITCHFORK MUSIC FESTIVAL

NØFORMAT!FESTIVAL

Le kraut-art-rock hypnotique de Suuns et l’electro-jazz stellaire de Floating Points, M.I.A., DJ Shadow, Moderat, Todd Terje, Chet Faker, Warpaint… Name dropping alléchant pour cette sixième édition maousse, qui s’ouvre sur une rafraîchissante « avant-garde » party à Bastille : deux jours, sept salles et quarante-deux jeunes pousses épatantes (coucou Okay Kaya et Requin Chagrin). A must. • ETAÏNN ZWER

Esprit sensible, modèle coopératif et catalogue aventureux : depuis douze ans, la magie du label Nø Format! opère. Elle adoucit encore cette rentrée en réunissant les maîtres de la kora et du violoncelle Ballaké Sissoko et Vincent Segal, le griot malien Kassé Mady Diabaté, l’élégant blues bassa de Blick Bassy, le « singwriter » Chocolate Genius Inc. et la Broadway folk sublime d’Ala.ni (mi-Judy Garland mi-Billie Holiday) – entre autres trésors. Un pur moment de grâce. • E. Z .

:

du 25 au 29 octobre à la Grande Halle

de la Villette, au Trabendo et dans différents lieux à Bastille

: les 21 et 22 octobre au Théâtre du Châtelet

102



BONS PLANS À GAGNER

VINCENT DELERM © CAUBOYZ TOTOUTARD VINCENT DELERM 2016

ALBUM

— : « À présent » (Tôt ou tard)

Une

« Cristina »), de chœurs féminins et d’échos gracieux – à Serge Gainsbourg-Jeanne Birkin ; à la musique de Michel Legrand ; à Dominique A sur « Les chanteurs sont tous les mêmes », duo amusé avec Benjamin Biolay ; à Marceline Loridan-Ivens, enfin, dont la voix espiègle, extraite du documentaire Chroniques d’un été (1961) de Jean Rouch et Edgar Morin, scande « Êtes-vous heureux ? ». Conjuguée au présent, au je comme au nous, la question infuse cette bande originale – celle d’un film-vérité fabuleux : la vie, célébrée comme elle va. • ETAÏNN ZWER

OFF

nuit, un amour, un lieu, hier, demain : qu’est-ce qui nous tient ? Trois ans après l’incise expérimentale des Amants parallèles, le crooner Nouvelle Vague renoue avec la chanson orchestrée pour saisir, en photographe, ces instants-là, sur un sixième disque studio instruit, raffiné et touchant. Somptueusement serti de cordes et cuivres romanesques par Clément Ducol et Maxime Le Guil, ce disque cinéphile (forcément) capture onze Polaroid joliment mélancoliques (forcément). Une collection tout à la fois intimiste et peuplée de portraits (sublime

IL ÉTAIT PLUSIEURS FOIS…

EXPO

Raconter la Bible en son et en image ? C’est le pari de l’écrivain Frédéric Boyer et du dessinateur Serge Bloch. Reprenant trentecinq extraits de l’Ancien Testament, ils proposent une exposition immersive (textes, dessins, musique) avec une approche ludique des grands mythes bibliques. • MARILOU DUPONCHEL La Création ou les premières paroles, extrait de Bible, les récits fondateurs, de Serge Bloch et Frédéric Boyer, Bayard Éditions, 2016

: « Il était plusieurs fois… une traversée»

jusqu’au 19 février au Centquatre

RÉTROSPECTIVE JAFAR PANAHI

CYCLE

Figure majeure du cinéma iranien (Le Cercle, Taxi Téhéran), Jafar Panahi est interdit de filmer dans son pays, et d’en sortir. C’est donc virtuellement qu’il répondra aux questions du public et du critique Jean-Michel Frodon, le 22 octobre. Cette rétrospective s’accompagne d’une exposition de photos inédites. • M. D.

: du 7 octobre au 13 novembre

au Centre Georges Pompidou

GROUPE ACROBATIQUE DE TANGER

CIRQUE

Après trois spectacles acclamés par le public, le Groupe acrobatique de Tanger revient avec une nouvelle création baptisée Halka portée par quatorze acrobates vibrant au rythme des tambours, ribabs et autres instruments. Cela promet de belles envolées, entre tradition et modernité. • M. D.

: jusqu’au 16 octobre à la Villette

104

© D. R. ; IAN GRANDJEAN

Taxi Téhéran de Jafar Panahi, 2015


DOM JUAN THÉÂTRE

— : de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier © JEAN LOUIS FERNANDEZ

jusqu’au 4 novembre à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (2 h 30)

Trois

avec le public. S’il faut saluer l’irréprochable distribution, la réussite de cette adaptation doit beaucoup à sa scénographie, conçue par Jean-François Sivadier, Daniel Jeanneteau et Christian Tirole. Cette affolante machinerie d’astres en constante évolution est presque élevée au rang de personnage principal. Elle vient tirer le classique vers le mythe, vers l’éternelle question de la transcendance, qu’elle prenne le visage du dépassement de soi, de Dieu, ou tout simplement du ciel. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES OFF

cent cinquante ans après sa création, le Dom Juan de Molière reste un mystère. Libre penseur, enfant pourri gâté de la noblesse, libertin amoral ou provocateur invétéré, il résiste à toute tentative de définition. Plutôt que de lisser cette complexité, Nicolas Bouchaud campe un Dom Juan ambigu et semeur de doute. Magnifique beau parleur, il embobine ceux qui croisent son chemin avec autant d’aplomb que d’ironie, et n’hésite pas, dans sa recherche de nouvelles limites à franchir, à interagir

MATTHIEU CHEDID ET MARTIN PARR

hergé

: du 4 octobre au 29 janvier

Grand Palais

à la Philharmonie de Paris

Paul Nemerlin, Hergé © Adagp, Paris, 2016 © Hergé-Moulinsart

HERGÉ

EXPO

Remontant le fil de la carrière du plus célèbre des auteurs de bande dessinée belges, cette exposition explore l’œuvre du père de Tintin, l’intrépide reporter à la blonde houppette, à coups de planches originales, de photographies et d’écrits prêtés par le musée Hergé. • MARIE FANTOZZI

: jusqu’au 15 janvier au Grand Palais

HODLER MONET MUNCH

EXPO

Comment suggérer les variations de la lumière sur l’eau malgré l’immobilité de la peinture ? l’éclat éblouissant du soleil ? Issus de pays et de courants différents – Impressionnisme, Postimpressionisme, Symbolisme –, ces trois contemporains du tournant du xxe siècle ont en commun d’avoir mis la peinture à l’épreuve de l’impossible. • M. F.

: jusqu’au 22 janvier Claude Monet, Impression soleil levant, 1872

au musée Marmottan Monet

© ANNE FOURES ; CHRISTIAN BARAJA

28 septembre 2016 15 janvier 2017

Mécène d’Honneur

EXPO

Créée à Arles en 2015, « MMM » est pensée comme un dialogue entre Matthieu Chedid et Martin Parr. Neuf pistes sonores composées par le musicien français guident le visiteur au fil des quelque cinq cents clichés du grand photographe britannique. Une déambulation poétique et sensorielle. • M. D.

105 SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS


SONS

SHABAKA & THE ANCESTORS — : « Wisdom of Elders » (Brownswood Recordings) En concert le 28 mars 2017 à La Maroquinerie

OFF

© YVONNE SCHMEDEMANN

Un

vent de révolution souffle sur le jazz britannique. Ces dernières années, une assemblée de jeunes artistes s’est attachée à décloisonner le genre en le confrontant aux musiques actuelles. Jusqu’à voir émerger une figure rassembleuse, celle du saxophoniste Shabaka Hutchings. Londonien d’origine barbadienne, il a déjà imposé sa vision panoramique avec le groupe Sons of Kemet (de La Nouvelle-Orléans aux Caraïbes en passant par l’Éthiopie), embrassé les dernières innovations électroniques avec The Comet Is Coming, et même ravivé l’esprit de la no-wave avec Melt Yourself Down. « Notre génération n’a pas peur de mélanger le jazz avec d’autres genres, là où la précédente s’inscrivait avant tout dans la tradition, avec le swing comme dénominateur commun. Plutôt que de chercher à prouver notre maîtrise des classiques, nous jouons la musique que nous aimons. » Derrière cette déclaration d’indépendance, il y a la volonté de casser les échelles de valeur pour toucher le public au-delà de l’habituel

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Le premier titre de film qui me vient à l’esprit, c’est Entretien avec un vampire de Neil Jordan [1994, avec Brad Pitt et Tom Cruise, ndlr]. C’était mon film préféré quand j’étais jeune. J’aime toujours beaucoup sa noirceur

(et vieillissant) parterre d’initiés. Wisdom of Elders s’apprécie ainsi comme une suite de chansons aux contours mouvants, étirées et profondes, à l’image de l’introductif « Mzwandile » et de sa ligne de contrebasse que l’on ne peut s’empêcher de fredonner. « Quand je compose, j’entends une mélodie dans ma tête et j’essaye de la coucher sur le papier. Je ne me demande pas ce qui serait juste d’un point de vue technique. Mon mot d’ordre est la clarté, il faut que ça produise un effet immédiat. » Enregistré en Afrique du Sud avec six musiciens du cru, il offre à l’afro-jazz un nouveau souffle, personnel et décomplexé. Une répétition, un concert et une journée de studio ont suffi pour « capturer cette expression spontanée » (chaque titre est enregistré en première prise), à laquelle une production sophistiquée offre une brillance aussi contemporaine qu’intemporelle. Ne reste qu’à lui souhaiter un destin à la Kamasi Washington, son cousin d’Amérique : réaliser le grand hold-up jazz de l’année. • MICHAËL PATIN

et son atmosphère gothique. Peut-être a-t-il influencé souterrainement ma manière de jouer du saxophone, mais j’ignore si on peut le percevoir en écoutant cet album… Tant pis, je vais rester sur ce choix étrange. » • SHABAKA HUTCHINGS

106


JUKEBOX

M.I.A. Moderat CASPIAN POOL : « Photographic

Memory » (Indiemusic)

Caspian Pool porte le survêt avec panache. Le lycra, c’est parfait pour le sportswear et les danses saccadées, mais c’est aussi une matière douce prisée par les fétichistes des années 1980. L’habit étincelant reflète en tout point le nouvel EP du duo annécien, qui mêle avec une insolente élégance les instrus façon jeux d’arcade de Jimmy Q et la voix cristalline de la charismatique chanteuse Low Bird. • QUENTIN GROSSET

AGNES OBEL

: « Citizen of Glass » ([PIAS])

Auréolée de succès dès ses deux premiers albums (Philharmonics en 2010, Aventine en 2013), Agnes Obel poursuit sa voie humblement, sans s’égarer. Citizen of Glass distille une réflexion lucide sur notre époque avide de fausse transparence et de vrais faux-semblants. D’où ce fragile « citoyen de verre » contemporain sculpté par les variations cristallines de la Danoise, aux reflets kaléidoscopiques. • ÉRIC VERNAY

AGAR AGAR

: « Cardan » (Cracki) Repéré cet été avec l’entêtant single « Prettiest Virgin » (au clip mixant Les Sims et le Carrie au bal du diable de Brian De Palma !), le duo français signe un premier EP infernal, maquillé d’une synth-pop âprement bien roulée. Basses acides, sonorités rave nineties et voix fêlée suave : ces cinq titres filent avec une désinvolture classe, entre balade américaine fantasmée, monde de synthèse flouté et frissons nocturnes. HOT. • ETAÏNN ZWER ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

Nick Murphy (Chet Faker) DJ Shadow Bat for Lashes Todd Terje & The Olsens Tale Of Us Daphni Explosions in the Sky Warpaint Flavien Berger Mount Kimbie Motor City Drum Ensemble SUUNS Floating Points Live Minor Victories Parquet Courts Brandt Brauer Frick Acid Arab Live Shame ABRA Whitney Joey Purp Bonzai Porches C Duncan Avelino Aldous RH

BILLETS ET INFOS

PITCHFORKMUSICFESTIVAL.FR


SÉRIES

HIGH MAINTENANCE © 2016 HOME BOXOFFICE, INC. ALL RIGHTS RESERVED

— : Saison 1 sur OCS et OSC Go —

OFF

Prolongement

d’une websérie à succès, High Maintenance et son héros livreur de weed cultivent sur HBO le même rapport hédoniste à la comédie qu’en ligne. Depuis son apparition sur le Net en 2012, High Maintenance n’a reçu que des louanges, au point d’être signée en exclusivité sur la plate-forme Vimeo. La télé était la suite logique, d’autant que la greffe réussie de l’hilarante Broad City sur Comedy Central a aiguisé l’intérêt des chaînes pour les formats web (à suivre également, Insecure sur HBO et Haters Back Off sur Netflix). Sauf qu’avec sa structure dilettante, sa durée élastique, son humour délicat et son héros anonyme campé par un hirsute inconnu (le cocréateur du show, Ben Sinclair), High Maintenance était moins adaptable clé en main

REVOIS

et aurait tout aussi bien pu se perdre en chemin. Sinclair et sa partenaire, Katja Blichfeld, ont bénéficié d’un budget en hausse – cela se voit à l’image. Sur le fond, High Maintenance continue de ne ressembler à rien de connu : une flânerie brooklynienne (des caméos de Lena Dunham et Gaby Hoffmann), faussement désinvolte dans sa narration, et vraiment généreuse dans sa manière de faire tourner comme un gros joint son imperturbable protagoniste d’un client – ou d’une simple connaissance – à un autre, pour raconter leur histoire. En ressort une collection étonnamment harmonieuse de courts métrages aussi disparates que les personnalités croisées (la Carrie Bradshaw du pauvre, un indécrottable fêtard sexagénaire, et même… un chien sentimental). Hautement récréatif. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

THE NIGHT OF

INDIAN SUMMERS

THE NIX

Le polar de l’été dernier était à l’origine un projet porté par le regretté James Gandolfini. John Turturro le remplace dans le rôle de John Stone, l’avocat de Nasir Khan (Riz Ahmed), un étudiant accusé du meurtre d’une jeune femme. Rigoureuse, bouleversante ; une grande série signée par deux immenses plumes, l’écrivain Richard Price et le scénariste Steven Zaillian (La Liste de Schindler). • G. L .

Situé sur les contreforts de l’Himalaya en 1932, d’où les fonctionnaires britanniques administraient le sous-continent indien chaque été pour échapper à la chaleur, ce « Downtown Abbey en Inde » ne se repose pas que sur son cadre chatoyant. La fresque allie aussi finement que son aînée romanesque et grande histoire, ici sur fond de montée du mouvement d’indépendance. • G. L .

Depuis Angels in America en 2003, on attendait de revoir Meryl Streep dans un premier rôle à la télé. Il a fallu pour la convaincre l’entregent de J. J. Abrams, qui produit The Nix chez Warner Bros. en attendant de lui trouver un diffuseur. Dans cette minisérie tirée d’un roman de Nathan Hill, la star jouera une hippie accusée de complot dont le fils décide de déterrer le passé. Prometteur. • G. L .

: Saison 1 sur OCS Go

: Saison 1 sur Arte

108

: Saison 1 en développement



JEUX VIDÉO

OFF

MOUNT & BLADE. WARBAND

Saga

— : One, PS4, PC (Paradox Interactive) —

de stratégie culte, Mount & Blade débarque enfin sur consoles, six ans après la sortie de son dernier épisode sur PC. Le jeu prend place dans un Moyen Âge imaginaire où les guerres entre royaumes vont bon train. Lâché(e) en pleine nature avec le strict minimum vital, vous incarnez un(e) apprenti(e) guerrier(ère) qui va devoir rouler sa bosse pour réussir. À partir d’une carte de campagne, vous êtes libre de vaquer à vos occupations habituelles comme bon vous semble – vous arrêter dans un bourg ou un château, y discuter avec les habitants, faire commerce de vos biens ou de vos services pour quelques deniers dans l’espoir d’enrôler de nouveaux mercenaires. Vous pouvez devenir commerçant, pillard ou chasseur de primes, forger des alliances avec des suzerains locaux

ou comploter contre eux, ou encore courtiser l’héritier(ère) d’un trône pour l’épouser. Si vous réussissez à éviter la mort lors d’une rixe avec des bandits ou d’un tournoi d’escrime, vous pourrez même devenir un chef de guerre renommé, capable de mener des dizaines de soldats à l’assaut de forteresses lors de batailles grandeur nature – en mode solo ou multijoueur… Il vous faudra toutefois faire preuve d’une certaine indulgence. Sorti en 2010 sur PC, Warband accuse aujourd’hui un sacré coup de vieux esthétiquement parlant. Mais peu importe, aucun RPG n’ayant su proposer une simulation de la vie médiévale aussi complète et aussi réaliste que la sienne. Dans les moments les plus intimes comme les plus épiques, Warband est toujours prêt à nous surprendre. • YANN FRANÇOIS

GROW UP

VALLEY

Cette suite de Grow Home en reprend le principe, mais transposé à l’échelle d’une planète entière. Aux commandes d’un petit droïde, il vous faut rejoindre votre vaisseau perché dans le ciel en escaladant les parois de la flore géante locale. Vertigineux. • Y. F.

Équipé d’un exosquelette à la mobilité prodigieuse, un homme arpente une vallée pour percer son secret. Seul hic : pour recharger son énergie, il doit ôter la vie des arbres et animaux alentours. Une belle parabole écolo sur la bioéthique. • Y. F.

: PC, PS4, One (Ubisoft)

: PC, PS4, One

(Blue Isle Studios)

110

PHOENIX WRIGHT: ACE ATTORNEY. SPIRIT OF JUSTICE En vacances à l’étranger, Phoenix Wright assure la défense d’accusés dans des procès faisant appel à la magie… Ce nouvel épisode propose un défi de taille : faire triompher la vérité cartésienne face aux forces occultes. • Y. F.

: 3DS (Capcom)


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Ce mois-ci, notre choix s’est porté exclusivement sur des jeux français. Ce tour de l’Hexagone commence par Seasons After Fall (Swing Swing Submarine, PC, Mac), un jeu qui mélange plate-forme et réflexion dans un écrin de toute beauté et met en scène un renard qui peut à l’envi changer les saisons et transformer certains éléments du décor pour mieux franchir les obstacles qui parsèment la forêt. Avec Mother Russia Bleeds (Le Cartel, PC), je troque la douceur champêtre pour le gore anar. Prisonnier des geôles d’une URSS ubuesque, je dois fuir en cognant tout ce qui bouge : matons, petites frappes, et même cochons ou chiens enragés. Le jeu ne respecte rien ni personne mais reste un hommage fascinant au beat ’em all des années 1980 (Double Dragon). Surexcité à force de tataner du soviet, je me rue sur Strike Vector EX (Ragequit Corporation, PS4, One). Ici, on se bastonne aux commandes de gros mecha aériens. Les combats sentent bon la tôle froissée et l’arcade à l’ancienne, tout en exigeant une précision chirurgicale dans les manœuvres. Même constat avec NeuroVoider (Flying Oak Games), dans un tout autre registre. Lâché dans un labyrinthe 2D envahi de robots tueurs, je nettoie les couloirs au napalm tout en esquivant les tirs de mes ennemis, avant de piller leur carcasse pour améliorer mon mecha. Plaisir primaire mais ô combien maîtrisé qui me pousse à crier pour la quatrième fois : « Cocorico ! » • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

INSTRUCTIF ET ÉMOUVANT

Télérama

PASSIONNANT Studio Ciné Live CAPTIVANT Libération

RICHE ET BOULEVERSANT Les Inrocks

FÉMINISTE ET MILITANT Grazia POIGNANT ET SALUTAIRE aVoir-aLire

EN IRAN, LEUR VOIX EST INTERDITE, MAIS ELLES SE LÈVENT ET CHANTENT !

ACTUELLEMENT EN DVD ET VOD

Retrouvez l’ensemble de notre catalogue sur www.jour2fete.com


LIVRES

À

AQUARIUM

détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière, et c’est ce monde-là qu’on connaît ensuite, pour toujours. » Pour autant, malgré cette culmination de violence, Vann revient finalement dans le schéma du conte et conclut même sur une note d’optimisme. Aquarium se résout ainsi en roman du pardon, voire du double pardon – pardon de Sheri à son

tort ou à raison, on se méfie toujours des romans dont le narrateur est un enfant. C’est soit mièvre, soit invraisemblable, soit les deux, comme les premières pages d’Aquarium, le nouveau roman de David Vann. L’héroïne, Caitlin, a 12 ans ; elle vit seule avec sa mère, Sheri, qui trime dur sur le port et n’est jamais là pour la sortie de l’école. Alors, en l’attendant, Caitlin se réfugie chaque soir à l’aquarium municipal de Seattle, où elle admire les poissons… C’est du Dickens, avec un pathos un peu gênant. Mais, bientôt, l’intrigue s’accélère. Caitlin sympathise avec un vieux bonhomme, amateur de faune marine… qui n’est autre que le père de Sheri, ressurgi après dix-neuf ans d’absence. Sheri veut l’envoyer au diable, mais Caitlin s’est attachée à lui. C’est alors que le roman bascule, et que l’on oublie ses préventions du début. Remplie de haine contre ce père qui l’a abandonnée, Sheri se met en tête d’infliger à sa fille les mêmes souffrances qu’elle a vécues, pour lui montrer combien cet homme est mauvais.… Impossible d’en dire plus sans ruiner la savante progression mise au point par Vann. Sachez simplement que le gentil conte social, saturé tout à coup d’une incroyable violence psychologique, devient un récit du dysfonctionnement familial et du sadisme dans lequel l’auteur scrute la relation mère-fille et l’omnipotence des parents. « Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous

OFF

Sheri se met en tête d’infliger à sa fille les mêmes souffrances qu’elle a vécues. père, pardon de Caitlin à Sheri. Abandonnant la question du crime originel et de la pulsion de meurtre qui le hantaient, Vann inaugure peut-être avec Aquarium un nouveau cycle dans son œuvre. Sous le signe, cette fois, de la rédemption. • BERNARD QUIRINY

— : « Aquarium » de David Vann, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Laura Derajinski (Gallmeister, 280 p.)

DU VENT

LES ENFANTS PILLARDS

LE NOYAU BLANC

Une flic séquestrée, de nos jours. L’armée romaine en manœuvres, dans l’antiquité. Le rapport ? Ce sont deux romans d’un certain Walque… héros du roman de Xavier Hanotte, Du vent. Une métafiction sympathique et bien troussée, façon poupées chinoises. • B. Q.

Réédition d’un beau roman de Jean Cayrol (1911-2005) paru en 1988 : ses souvenirs de garçonnet en 1918, quand il se réfugie avec ses cousins sur la côte girondine, sans adultes… Belle évocation poétique et sobre de la guerre, vue par les yeux d’un enfant. • B. Q.

Rien ne va pour Stolzenburg, chargé de cours à l’université de Leipzig. À 59 ans, il désespère d’être titularisé. Ses recherches n’intéressent personne. Et le fisc lui tombe dessus… Réaliste, caustique, cruel, le portrait d’un perdant de la mondialisation. • B. Q.

(Belfond, 432 p.)

(L’Éveilleur, 208 p.)

(Métailié, 272 p.)

: de Xavier Hanotte

: de Jean Cayrol

112

: de Christoph Hein


BD

OFF

PATIENCE

En

— : de Daniel Clowes (Cornelius) —

ouverture, un couple échange sur les angoisses de l’enfant à naître, sur les problèmes d’argent à régler, sur les petits boulots à trouver. En conclusion, l’espace étoilé remplit la page, et un homme qui a eu la chance de voyager dans le temps commente les mystères de l’existence. Nul besoin de préciser que l’homme de la fin est le même que celui qui se confiait à sa femme dans les premières pages pour comprendre que Daniel Clowes tente ici quelque chose de totalement nouveau. Patience est en effet un récit de science-fiction, construit comme un film d’Alfred Hitchcock. Il raconte l’odyssée d’un homme du futur qui tente d’empêcher le meurtre de sa femme dans le passé. Évidemment, les paradoxes temporels et les errances de cette entreprise irréfléchie ne manquent pas. Le caractère obsessionnel des personnages de Clowes, son écriture toujours écartelée entre irritation et désespoir se conjuguent ici à un dessin aux couleurs pop. Les amateurs de Clowes seront agréablement surpris par ce récit psychologique, tortueux et haletant. Mais les profanes aussi. • STÉPHANE BEAUJEAN 113


mk2 SUR SON 31 JEUDI 6 OCT. UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art roman. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

JEUDI 13 OCT. NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « La prise de vue et la composition. » Les applis incontournables de prise de vue, le mode manuel d’un smartphone, les accessoires et les retouches de base.

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA L’Émigrant de Charlie Chaplin, avec Mélissa Laveaux.

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Gambetta

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’art gothique. »

à 20 h

SAMEDI 8 OCT. UNE HISTOIRE DE L’ART « L’Expressionisme en Allemagne. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

LUNDI 10 OCT. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Frick Collection de New York. »

: mk2 Nation à 12 h 30 LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Quelle France peut-on encore aimer ? », avec Raphaël Glucksmann, à l’occasion de la sortie de son essai Notre France (Allary Éditions).

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Paris vaut bien une messe ! Une ville dévote. »

: mk2 Grand Palais à 20 h LES RENDEZ-VOUS DES DOCS Projection des Vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz (2016).

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 11 OCT. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le western : au niveau de la ceinture ! »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

SOIRÉE BREF En compagnie d’Emmanuel Finkiel : Salinger est mort de Benjamin Serero, Chasse royale de Lise Akoka et Romane Guéret et Madame Jacques sur la Croisette d’Emmanuel Finkiel.

: mk2 Quai de Seine à 20 h

à 19 h 30

MARDI 18 OCT. CONNAISSANCE DU MONDE « Norvège et les îles Lofoten. »

: mk2 Nation à 14 h UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Le cinéma documentaire : la vérité, rien que la vérité. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 3 NOV.

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 15 OCT. UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Cubisme ou la décomposition des formes. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Qu’est-ce que le Big Bang ? »

: mk2 Quai de Loire

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Charlot et le chronomètre et Pour gagner sa vie de Charlie Chaplin, avec FM Laeti.

: mk2 Gambetta à 20 h

SAMEDI 5 NOV. UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Futurisme : l’exaltation du monde moderne. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 11 h

à 11 h

LUNDI 17 OCT. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Peut-on “danser sa vie”, et danser toute sa vie ? Réflexion sur cette citation de Prince : “Nous allons tous mourir un jour, mais avant que cela n’arrive je vais danser ma vie.” »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

LUNDI 7 NOV. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Barnes Foundation de Philadelphie. »

: mk2 Nation à 12 h 30 LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Notre rapport à l’argent nous résume-t-il ? », avec Pascal Bruckner.

: mk2 Odéon (côté St Germain)

à 18 h 30

à 18 h 30

HISTOIRE DE L’OPÉRA « De Monteverdi à Mozart : l’aventure baroque. »

HISTOIRE DE L’OPÉRA « Lumière sur La Flûte enchantée de Mozart. »

: mk2 Bastille

: mk2 Bastille

à 20 h

à 20 h

LÀ OÙ VA LE CINÉMA. À LA DÉCOUVERTE DES ARTISTES DU FRESNOY « États du monde 1 : douleur et résurgence. » João Pedro Rodrigues, Chantal Akerman, Enrique Ramirez.

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Entrer dans la modernité, le renouveau d’Henri IV. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Une renaissance parisienne, François Ier et ses artistes. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

114

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 8 NOV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Tiré d’une histoire vraie : du réalisme à l’état pur. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h



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