TROISCOULEURS #148 - Février 2017

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FÉV. 2017

NO 1 48 GRATUIT

AMERICA NOW

A.  ARNOLD K.  R EICHARDT


LES FILMS DE FRANÇOISE PRÉSENTE

JÉRÉMIE

ELKAÏM

UN FILM DE

TIMOTHÉ

VOM DORP

THÉO

VAN DE VOORDE

GILLES MARCHAND

UNE VARIATION DE SHINING ... ON RECONNAIT LE TALENT DU SCÉNARISTE DE

HARRY UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN POSITIF

©2017 - PYRAMIDE - LOUISE MATAS

AVEC LA PARTICIPATION DE MIREILLE PERRIER , SOPHIE QUINTON , MIKA ZIMMERMAN SCÉNARIO GILLES MARCHAND ET DOMINIK MOLL MUSIQUE PHILIPPE SCHOELLER IMAGE JEANNE LAPOIRIE MONTAGE YANN DEDET SON ANDRE RIGAUT , LOÏC PRIAN , EMMANUEL CROSET DIRECTION DE PRODUCTION DIEGO URGOITI-MOINOT, MIKAEL LUNDBERG ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE CHRISTIAN ALZIEU RÉGIE HENRIK RYHLANDER DÉCORS ET ACCESSOIRES GILLES BALABAUD , THERESIA CABALLERO KNEVEL , JESPER HÖGLUND COSTUMES VIRGINIE MONTEL , SARA PERTMANN CASTING GIGI AKOKA , OPHELIE GELBER , ELODIE BENSOUSSAN , MOA OLSSON PROTHÈSE ET EFFETS SPÉCIAUX FREDERIC LAINE , GUILLAUME CASTAGNE , NICOLAS REY

VALERIE DONZELLI , JEREMIE ELKAÏM COPRODUIT PAR OLIVIER GUERPILLON , FRIDA HALLBERG ET SIMON PERRY COPRODUCTEUR ASSOCIÉ CHRISTER NILSON PRODUCTION EXECUTIVE MINA DRIOUCHE UNE COPRODUCTION LES FILMS DE FRANÇOISE , GÖTAFILM INTERNATIONAL , FILM VÄST AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL + , CINÉ + , DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE EN ASSOCIATION AVEC CINEMAGE 10 DÉVELOPPÉ AVEC LE SOUTIEN DE COFINOVA 10 ET RECTANGLE PRODUCTIONS PRODUIT PAR

au cinéma le 15 février #danslaforetlefilm

FESTIVAL DU FILM DE LOCARNO Piazza Grande


ÉDITO Le monde

du cinéma américain a largement réagi à l’élection de Donald Trump. Dans son discours aux Golden Globes, Meryl Streep a taclé les saillies racistes du nouveau président en énumérant les origines variées des stars présentes dans la salle, quand Scarlett Johansson, réagissant à la misogynie de Trump, l’a apostrophé dans un speech lors de la Women’s March de Washington, le 21 janvier, jour de son investiture. Ce même jour, l’acteur Shia LaBeouf lançait un live stream, à suivre sur le site hewillnotdivide.us. Pendant les quatre ans du mandat présidentiel, le public est invité à venir scander les mots « he will not divide us » devant la caméra, braquée 24 heures sur 24 sur un trottoir du Queens, à New York. À l’heure où l’on écrit ces lignes, Shia himself est sur place, enroulé dans un poncho imperméable, récitant la formule au rythme d’un tambourin. Deux ados s’amènent timidement pour faire un selfie avec l’acteur. Une boîte de donuts passe de main en main. Bref, il ne se passe pas grand-chose, mais quelque chose quand même se produit quand on observe cette dizaine d’inconnus venus se cailler devant la caméra – inquiétude, solidarité, détermination. En couverture de ce numéro, le film American Honey célèbre lui aussi, sous le regard de la cinéaste Andrea Arnold, la force du collectif (avec Shia LaBeouf au casting !). On a choisi de le rapprocher d’un autre, qui sort également en février : Certaines femmes de Kelly Reichardt. Deux beaux films qui, à leur façon modeste, insoumise et rêveuse, offrent une autre vision de l’Amérique, great again. • JULIETTE REITZER



POPCORN

P. 12 RÈGLE DE TROIS : M. NIGHT SHYAMALAN P. 18 TENDANCE : STUPÉFIANT ! • P. 22 LA NOUVELLE : SASHA LANE

BOBINES

P. 28 EN COUVERTURE : ANDREA ARNOLD ET KELLY REICHARDT P. 46 INTERVIEW : PATIENTS • P. 52 PORTFOLIO : PETER CAMPUS

ZOOM ZOOM P. 62 UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN

P. 64 BROTHERS OF THE NIGHT • P. 66 MOONLIGHT

COUL’ KIDS

P. 88 LA CRITIQUE D’ÉLISE : LES TROLLS • P. 90 L’INTERVIEW DE PABLO : PATRICK COHEN • P. 93 FAIS TA BOULE À NEIGE

OFF

P. 101 CONCERTS : AQUASERGE • P. 108 SÉRIES : GOOD BEHAVIOR P. 113 BD : SCALP

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY COORDINATION IMAGE : ALICE.LEMOIGNE@MK2.COM | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE STAGIAIRES : MARILOU DUPONCHEL, OLIVIER MARLAS | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, COLINE CLAVAUD-MÉGEVAND, RENAN CROS, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, HALORY GOERGER, PAULINE LABADIE, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE ET PABLO | PHOTOGRAPHES : YANN AUDIC, VINCENT DESAILLY, PALOMA PINEDA | ILLUSTRATEURS : YANN BASTARD, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, JEAN JULLIEN, PIERRE THYSS | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM | CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com


INFOS GRAPHIQUES

Le

LIBÉREZ LES PÉNIS !

site américain Mr. Man – qui recense toutes les scènes où l’on voit des parties intimes masculines dans les séries et dans les films (il faut bien que quelqu’un fasse le job) – a compté tous les pénis et les culs dans les soixante-dix-huit séries contenant de la nudité diffusées aux États-Unis au 30 juin 2016. De quoi contenter Kevin Bacon qui, dans une vidéo de 2015 pour le site américain Mashable, avait appelé à moins de nichons et plus de zizis à l’écran à travers sa campagne « Free the bacon ». Quelles sont donc les séries contemporaines qui se démarquent le plus dans le full frontal ? • Q. G.

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LOVING DE JEFF NICHOLS (SORTIE LE 15 FÉVRIER) 6


INDIA EXPRESS Les Gangs de Wasseypur-partie 1 collection Christophel

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18 JANVIER 26 FÉVRIER 2017

Forum des Halles forumdesimages.fr


L’AVIS PUBLIC

#CHEZNOUS #FN @20MINUTESCULT

Le « Bloc Patriotique » décrit par Lucas Belvaux dans « Chez nous » ressemble-t-il au Front National ? @MARINEELYSEE

RT @wdesaintjust: "#ChezNous nous a été présenté comme un film parlant d'un mouvement extrémiste. Ça n'a rien à voir avec le FN !" itele @CORTEVILLE1

« C’est clairement un type de film anti Front National » @f_philippot à propos du film CHEZ NOUS de Lucas Belvaux

Belvaux surpris par la violence de la réaction du FN à "Chez nous": "mes personnages sont moins caricaturaux qu'eux"

POPCORN

@CLHEBDO5

@LEMONDE_CULTURE

« Chez nous », le film de Lucas Belvaux qui énerve le FN qui ne l'a pas vu, contrairement à @RaphaelleBacque @NAWAKNAWAK

Les "patriautes" FN ont un souci avec le film "Chez nous". Ils ont aussi un problème récurrent avec l'orthographe et la langue française... 8


SÉANCE DE RATTRAPAGE

DISCIPLINE

Chaque mois, notre chroniqueur Halory Goerger s’offre une séance de rattrapage. Impressions après Le Disciple de Kirill Serebrennikov, vu avec un inconnu. Rentrer dans la salle en ayant pour but de trouver un compagnon de séance. Constater qu’il n’y a qu’un seul spectateur – pas étonnant, vu l’heure et le jour. Comprendre que ce sera juste lui et moi. Se demander si ce serait malvenu de venir s’asseoir à côté de lui. Abdiquer. Voir. Sortir. Faire mine de traîner, se rendre disponible. Le regarder, l’air amène. Ça fonctionne, il parle. — Vous avez vu quoi ? — Comme vous. — Ah. (Comprendre : ah, c’était toi le type derrière moi.) — Oui. (Oui, c’était moi, je suis navré si ma présence vous a incommodé.) — Et vous en avez pensé quoi ? — Je me suis dit que c’était malin mais

profondément théâtral. — C’est une pièce de théâtre, à l’origine. — Je l’ai compris au générique. — Vous ne lisez pas les critiques avant de venir ? — Non, jamais avant, je déteste ça. Après. Parfois. — C’est un beau brûlot contre l’intégrisme. — Oui. J’ai l’impression qu’on a besoin de ce film, j’aime ce qu’il dit, mais, en tant qu’objet filmique, il a besoin de nous. Cet effort, c’est peut-être plutôt celui qu’on demande au spectateur de théâtre. — Peut-être… (Je ne comprends rien à ce que vous me dites, foutez-moi la paix.) — Bonne soirée, monsieur. (Pardon, je vais vous laisser tranquille maintenant.) Rentrer. Chercher le texte de la pièce en ligne. Lire. Remercier le film de nous avoir amené ailleurs. C’est aussi sa fonction. • HALORY GOERGER ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

Chez k , tous les jours à toutes les séances, votre place de cinéma à

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ALAIN DELOIN

LE NANAR IMAGINAIRE POPCORN

Depuis

de lui comme étant l’acteur qui joue le génie. » plusieurs semaines, le Web Quant à Carl, il explique avoir publié une petite américain s’enflamme pour annonce en ligne dans laquelle il offre 1 000 $ un nanar des nineties : intitulé Shazaam, il suit pour une copie VHS du film, qu’il cherche les aventures d’un génie un peu idiot, campé depuis des années. D’autres membres du site par l’acteur américain de téléfilms Sindbad, qui exauce les souhaits de deux enfants. Sauf qu’en ont bien tenté d’apaiser les esprits en avançant qu’ils confondent sûrement avec le navet réalité, Shazaam n’existe pas. Le film ne figure Kazaam de Paul M. Glaser (1996), dans lequel nulle part – ni sur les sites de référencement le basketteur Shaquille dédiés au septième art, O’Neal incarne, justement, ni dans les archives de la un génie bienveillant. Sur presse. Pas de trace non Twitter, d’autres évoquent plus d’une bande-annonce, l’« effet Mandela », d’un extrait ou même phénomène engendré d’une photo… Bref, un film par la malléabilité du fantôme, que les sites États-Unis cerveau humain, et qui Mashable et Slate ont tire son nom du leader commencé à évoquer Océan Atlantique sud-africain : à sa mort fin 2016, à cause des en 2013, de nombreuses remous suscités en personnes ont témoigné ligne. C’est sur le réseau Océan Pacifique avoir assisté à la social Reddit que tout a retransmission de ses commencé : après qu’un funérailles des années internaute a évoqué le plus tôt. Pour en finir avec cette histoire de fou, film, des centaines d’autres ont spontanément Sindbad lui-même s’est fendu d’un tweet, le partagé avec émotion leurs souvenirs de 23 décembre dernier, affirmant qu’il n’y avait Shazaam : l’affiche aux lettres fluo ; cette scène jamais eu de Shazaam, mais qu’il était prêt à dans laquelle une petite fille demande au génie incarner un génie si cela pouvait faire plaisir à de réparer sa poupée ; l’endroit où ils étaient quelqu’un. À bon entendeur… quand ils l’ont vu pour la première fois… Une certaine Meredith confie : « À chaque fois que • COLINE CLAVAUD-MÉGEVAND je tombe sur Sindbad à la télé, je me rappelle ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

JETLAG

À L.A., un vidéo-club a ouvert, uniquement rempli de VHS… de Jerry Maguire. Mais les 14 000 copies du film de Cameron Crowe ne sont pas à louer : glanées ces huit dernières années par le collectif Everything is terrible!, elles sont rassemblées dans le cadre de l’expo « The Jerry Maguire Video Store » à la im8bit Gallery. • C. C.-M.

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« Notre Palme d’or » Cinemateaser

Joel Edgerton est

Richard Loving

Ruth Negga est

Mildred Loving

L L’amour amour plus p plu fort que la haine. NOMINATION

OSCAR

de la Meilleure actrice

Écrit et Réalisé Réali par Jeff

Nichols

LE 15 FÉVRIER AU CINÉMA


RÈGLE DE TROIS

M.  N IGHT SHYAMALAN Quels sont les trois meilleurs psychopathes de l’histoire du cinéma, selon vous ? Hannibal Lecter dans Le Silence des agneaux, c’est certain. Norman Bates dans Psychose. En troisième, je choisirais le Joker incarné par Heath Ledger – j’adore sa performance dans The Dark Knight. Le chevalier noir. Les trois twists finaux qui vous ont mis la tête à l’envers ? Ça, c’est facile. En tête, La Planète des singes, qui m’avait complètement sonné et bouleversé. On m’avait d’ailleurs proposé d’en écrire un remake, mais ça ne s’est pas fait. Bien sûr, il y a aussi Psychose. Et je ne sais pas si en l’espèce on peut parler de twist mais je dirais également Bienvenue, mister Chance avec Peter Sellers. Quel film vous fait rire toutes les trois minutes ? Peut-être pas rire, mais il y en a un qui me fait glousser toutes les trois minutes, c’est

Retour vers le futur. Je pense, par exemple, à cette scène dans laquelle Marty se fait draguer par sa mère et qu’il panique – c’est irrésistible. Un film que vous avez arrêté au bout de trois minutes… Je me souviens avoir stoppé très rapidement le film d’horreur Le Cercle. The ring parce que mes filles avaient trop peur. Et quand elles étaient encore plus jeunes, j’avais fait de même avec Les Goonies. Je n’en avais pas ce souvenir, mais en réalité ce n’est pas vraiment un film pour les plus jeunes. Dès le début, il y a notamment ce gag du pénis de la statue en érection… En le revoyant avec elles, j’ai compris pourquoi on avait inventé le PG-13. [Films déconseillés aux moins de 13 ans, ndlr.] Trois huis clos mythiques ? Douze hommes en colère – je suis fan, j’ai le poster dans mon bureau. Un autre huis clos de Sydney Lumet : Un après-midi de chien.

— : « Split » de M. Night Shyamalan Universal Pictures (1 h 57) Sortie le 22 février

— 12

© UNIVERSAL PICTURES

Le réalisateur de Sixième Sens et d’Incassable avait créé la surprise en 2015 avec The Visit, efficace série B à microbudget. Il reconduit l’expérience avec Split, thriller angoissant et ludique dans lequel il déjoue une nouvelle fois nos attentes (lire la critique page 78). Il a répondu à notre questionnaire cinéphile. Et enfin Breakfast Club de John Hughes. Votre trilogie préférée ? J’aime beaucoup la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Mais j’hésite, je pourrais aussi choisir les trois premiers volets de Star Wars… les « vrais » premiers ! (Rires.) Votre film de trois heures préféré ? Le Parrain, même s’il dure un peu moins, 2 h 55 je crois. C’est une réponse d’autant plus simple que c’est mon film préféré tout court. Trois réalisateurs, morts ou vivants, pour un dîner en tête-à-tête ? Stanley Kubrick, Alfred Hitchcock et… probablement Akira Kurosawa. Si j’ai hésité pour le troisième, c’est parce que je ne parle pas japonais et qu’on aurait sûrement du mal à se comprendre. • PROPOS RECUEILLIS PAR HENDY BICAISE


ABBOUT PRODUCTIONS, REBUS FILM PRODUCTION EN CO-PRODUCTION AVEC LE BUREAU PRÉSENTENT

« UNE QUÊTE UNIVERSELLE ET LUMINEUSE » libération

« UN FILM GÉNÉREUX » télérama

« UNE RÉVÉLATION ! » clap

PHOTO : © PAMELA PIANEZZA / AFFICHE © MARION DOREL

UN FILM DE VATCHE BOULGHOURJIAN BARAKAT JABBOUR JULIA KASSAR TOUFIC BARAKAT

chef opérateur

JAMES LEE PHELAN monteuse NADIA BEN RACHID directrice artistique NADINE GHANEM création sonore RANA EID compositrice et supervision musicale CYNTHIA ZAVEN producteurs CAROLINE OLIVEIRA & GEORGES SCHOUCAIR co - productrice GABRIELLE DUMON productrice associée MYRIAM SASSINE responsable de production CHRISTIAN EID co - producteurs ALEXANDER AKOKA & PHILIPPE AKOKA directrices de production ABLA KHOURY & LARA KARAM CHEKERDJIAN en co - production avec de

FILM FACTORY, SUNNYLAND FILM AS A MEMBER OF ART GROUP avec la participation de L'AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE, du CNC, du MAE et de L’INSTITUT FRANÇAIS, avec le soutien du WORLD CINEMA FUND EUROPE, de LE BERLINALE, du GOETHE INSTITUTE, CREATIVE EUROPE - MEDIA PROGRAMME OF THE EUROPEAN UNION et ENJAAZ - A DUBAI FILM MARKET INITIATIVE soutenu par DOHA FILM INSTITUTE, AFAC, SUNDANCE INSTITUTE ventes internationales THE BUREAU SALES distribution france AD VITAM

AU CINÉMA LE 1 ER MARS


SCÈNE CULTE

POPCORN

RUSTY JAMES

« Si tu mets un miroir contre la vitre, ils essaient de tuer leur propre image. »

Fils

dans un film par ailleurs tourné en noir et blanc. Il compose d’abord un plan rapproché sur les deux frères, vus à travers l’aquarium, qu’il suit, d’un mouvement au timing parfait, dans leur observation. Il enchaîne avec des gros plans des visages, sur lesquels flottent les poissons. The Motorcyle Boy sort un miroir qu’il tend à Rusty : « Si tu mets un miroir contre la vitre, ils essaient de tuer leur propre image. » Le patron de l’animalerie grogne, puis le flic fait son entrée, glacé et menaçant. Quand il traite The Motorcycle Boy de fou, ce dernier poursuit son monologue : « Ils devraient être dans une rivière. Ils ne s’y battraient pas, car ils auraient de la place pour vivre. » Tous les thèmes du film (la filiation, l’altérité, la marginalité, la solitude) sont ici condensés en quelques images puissantes, qui démultiplient le sens du dialogue. Un moment clé de ce film, qui compte parmi les plus beaux de Coppola. • MICHAËL PATIN

d’un père alcoolique et d’une mère absente, le jeune Rusty James (Matt Dillon) essaye de marcher sur les traces de son frère aîné, The Motorcycle Boy (Mickey Rourke), mythique chef de gang qui régnait sur les rues de Tulsa, en Arizona, et essaye à présent de se faire oublier… Après avoir failli couler sa carrière à cause de sa folie des grandeurs (le tournage désastreux d’Apocalypse Now et l’échec cuisant de Coup de Cœur), Francis Ford Coppola sort en 1983 deux « petits films » sur l’adolescence, Outsiders et Rusty James. Le second est un chef-d’œuvre graphique et psychanalytique, aussi rêche sur le fond qu’exubérant sur la forme. Chaque scène mériterait d’être disséquée, mais l’une d’entre elle, en particulier, laisse une marque indélébile : celle où Rusty James retrouve son frère dans une animalerie, occupé à contempler les poissons combattants (le rumble fish du titre original) dans un aquarium. Coppola appuie la charge symbolique de cette scène en prenant le parti de montrer les couleurs vives des poissons,

— : de Francis Ford Coppola

en coffret Blu-ray + DVD + livre (Wild Side)

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C’EST ARRIVÉ DEMAIN

POPCORN

2018

L’ANNÉE OÙ LE CHAT FIT LA LOI

En

phénomène prit son essor et qu’il n’y eut plus assez de chats pour répondre à la demande, les producteurs de films prirent acte de cette mode. Ce fut le début d’une catsploitation – triomphante mais brève. Travellings sur siamois, panoramiques de chartreux, sieste de maine coon en plan-séquence : désormais, tout film se devait d’être une ode aux chats. L’euphorie cinéphéline retomba d’un coup quand les premiers cas de toxoplasmose numérique firent leur apparition : à force de regarder tant de chats, les allergiques et les femmes enceintes développaient à l’égard des images les mêmes symptômes que s’ils avaient côtoyé les bêtes. Par précaution, on remplaça même par des écrans neufs ceux sur lesquels les films à chats avaient été projetés. • CHRIS BENEY — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

direct de l’avenir, retour sur une cinéphilie féline aussi fascinante qu’éphémère. Comment avions-nous fait jusqu’ici, avant que ne déferlent sur les écrans de cinéma ces merveilleux films félins, tous plus extravagants et mignons les uns que les autres ? On se le demandait tant le règne des chats sur les salles comblait de joie les spectateurs… Un exploitant, dont il vaut mieux taire le nom aujourd’hui, avait inauguré un cinéma à chats, sur le modèle des bars à chats : pour l’achat d’un billet, un matou était offert le temps du film, posé sur vos genoux, pour peu que l’animal daigne rester en place – le plus souvent, les bêtes se coursaient entre les rangs, jouaient, miaulaient, ronronnaient, et c’est finalement pour assister à ce spectacle que le public se mit à payer en masse. Quand le

REWIND

JANVIER 1977 AU CINÉMA Mois de la nazisploitation. En salles sortent trois de ces séries B ou Z malsaines (souvent italiennes) sur des nazis commettant des crimes sexuels sadiques : SS Lager 5 L’inferno delle donne de Sergio Garrone, La bestia in calore de Luigi Batzella et L’ultima orgia del III Reich de Cesare Canevari. Une imagerie que Rob Zombie parodiera dans une fausse bande-annonce du diptyque Grindhouse (2007) de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino, avec des femmes loups-garous qui torturent des nazis. Bien fait. • Q. G.

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TENDANCE

© RDA / AGIP

STUPÉFIANT ! Jean-Pierre Léaud, Jeanne Moreau, Bernadette Lafont et Jean Eustache à Cannes pour présenter La Maman et la Putain, le 18 mai 1973

POPCORN

BIEN VU

Assistant de Jean Eustache, Luc Béraud nous en apprend de belles sur La Maman et la Putain. Dans son livre Au travail avec Eustache (Actes Sud), il raconte notamment comment les producteurs du film ont eu recours à un moyen de pression inattendu pour que celui-ci soit sélectionné au Festival de Cannes. En 1973, le président du festival, Robert Favre Le Bret, n’aime pas ce long métrage inspiré de la vie sentimentale d’Eustache. Pour le persuader de le sélectionner, Pierre Cottrell, le producteur, accompagné de son ami Stéphane Tchalgadjieff (producteur de Rivette), décident de prendre le même avion que lui un jour qu’il se rend au Nouveau-Mexique. Mais, en vol, les deux hommes peinent à le convaincre. Lors d’une escale, les trois larrons ratent leur avion. Favre Le Bret se met à flipper : sa valise est à bord et elle contient des « produits » conseillés par Federico Fellini auxquels il semble totalement accro. Heureusement, Tchalgadjieff peut lui en fournir : il s’agit d’amphétamines. Favre Le Bret auraitil eu peur que le monde entier apprenne qu’il était addict ? En tout cas, La Maman et la Putain atterrit bien en Compétition, et repart avec le Grand prix du jury, présidé cette année-là par Ingrid Bergman – qui ne cachera d’ailleurs pas sa détestation du film. • QUENTIN GROSSET

BÉVUE

DÉJÀ VU

Pour lutter contre la méthamphétamine, le Montana Meth Project a proposé une campagne de sensibilisation pour avertir les (très) jeunes contre les méfaits de cette drogue. L’affiche, qui risque de ne pas plaire à Disney, montre la princesse Elsa de La Reine des neiges, complètement défoncée et menottes aux mains, à côté du message : « Meth, just let it go! » On espère qu’elle sera bientôt libérée, délivrée de la dope, du coup. • M. D.

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Le 1er janvier dernier, le panneau Hollywood est devenu Hollyweed pendant quelques heures. Le magazine Vice a retrouvé les coupables. Zach Fernandez et Sarah Fern désiraient rendre hommage à Danny Finegood, un étudiant en art qui, en 1976, s’était déjà amusé à barrer les lettres o de l’enseigne culte pour fêter l’assouplissement de la législation sur le cannabis. • M. D.



LE NOUVEAU

POPCORN

PABLO PAULY

— : « Patients » de Grand Corps Malade et Mehdi Idir Gaumont (1 h 50) Sortie le 1er mars

Dans

Patients, il joue un jeune homme paralysé après un accident (lire p. 46). Mais l’acteur de 25 ans se tient dans la vie à l’exact opposé de la patience. Le débit est rapide, il parle au présent même quand il parle du passé : « À l’école, je suis l’archétype du cancre. À 16 ans, après m’être fait virer plusieurs fois, on me dit : “Vu que t’es rigolo, tu vas faire du théâtre.” J’ai jamais lu un bouquin et ça m’emmerde plus qu’autre chose, mais j’y vais, et dès le premier cours, je trouve ça extraordinaire. » Après le cours Florent, il laisse tomber tour à tour les très prisés conservatoires de Paris et de Londres, pour tourner. Des petits rôles au cinéma (Discount, Carole Matthieu), et un, plus important, dans la série Les Lascars – « une espèce de fausse racaille cartoonesque » – dans lequel il excelle. Admirateur des jeux physiques et nerveux de Daniel Day-Lewis et Jack Nicholson, il espère s’installer à New York. Et rêve de tourner avec qui ? « Martin Scorsese, pourquoi pas ! Qu’il vienne déjà voir Patients. » • JULIETTE REITZER — PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY 20



LA NOUVELLE

POPCORN

SASHA LANE

— : « American Honey » d’Andrea Arnold Diaphana (2 h 43) Sortie le 8 février

« Du

champagne », commande nonchalamment la Texane de 21 ans, avant notre interview matinale. « Hier, enchaîne-t-elle, on traînait avec des amies dans le Marais. La porte d’un bar gay s’est ouverte, on a entendu du bon son, alors on est entrées et c’était dingue ! » C’est la même curiosité qui a poussé Sasha Lane vers le cinéma : en 2014, elle se prélasse à Miami Beach (elle est alors serveuse et étudie la psycho), se fait repérer par Andrea Arnold et se laisse tenter par le rôle de l’héroïne aventureuse d’American Honey (lire p. 32). La jeune dreadeuse tatouée se sent « connectée à un point flippant » au personnage. Elle se souvient du tournage comme d’un « chaos contrôlé », mais a su se montrer endurante et déterminée – sans doute un vestige de ses performances sportives au lycée. Si elle vient de jouer une lesbienne en thérapie de conversion sexuelle aux côtés de Chloë Grace Moretz chez Desiree Akhavan, elle n’a pas vraiment de plan de carrière et préfère « vivre dans l’instant ». On l’aura compris. • TIMÉ ZOPPÉ — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 22



L’ILLUMINÉ

POPCORN

AMERICAN BEAUTY VU PAR YANN BASTARD

Fan

des couvertures d’heroic fantasy des années 1980, l’illustrateur a choisi de rendre hommage au long métrage de Sam Mendes sorti en France en 2000 pour notre carte blanche. « C’est un film qui m’a beaucoup marqué, vecteur de mélancolie et d’un certain optimisme, surtout cette scène que je trouve à la fois poétique et un peu kitsch – elle a mal vieilli. J’aime bien aussi le parti pris de Sam Mendes de filmer en gros plan un écran de télévision, de magnifier une image floue, surexposée. » • R. S. (ELSHEEPO.TUMBLR.COM) 24


HAPPINESS & PYRAMIDE présentent

CARLA

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FESTIVAL DU FILM DE LOCARNO

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RÉALISÉ PAR CHRISTIAN D’APRÈS UN SCÉNARIO DE

SCHWOCHOW STEFAN KOLDITZ ET STEPHAN SUSCHKE

AVEC CARLA JURI, ALBRECHT ABRAHAM SCHUCH, ROXANE DURAN, JOEL BASMAN, STANLEY WEBER, NICKI VON TEMPELHOFF, JONAS FRIEDRICH LEONHARDI, ‘‘ PAULA ’’ CASTING ANJA DIHRBERG DIRECTION ARTISTIQUE TIM PANNEN COSTUMES FRAUKE FIRL MAQUILLAGE & COIFFURE ASTRID WEBER HANNAH FISCHLEDER SON RAINER HEESCH, BRUNO TARRIERE, JEAN-PAUL BERNARD MUSIQUE JEAN RONDEAU MONTAGE JENS KLÜBER DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE FRANCK LAMM DIRECTEUR DE PRODUCTION KATJA CHRISTOCHOWITZ PRODUCTEURS ASSOCIÉS BARBARA BUHL (WDR), CAROLIN HAASIS (DEGETO) ANNETTE STRELOW (RADIO BREMEN), ADREAS SCHREITMÜLLER (ARTE) CO-PRODUCTEURS LAURENCE CLERC, OLIVIER THERY LAPINEY PRODUCTEURS INGELORE KÖNIG, CHRISTOPH FRIEDEL, CLAUDIA STEFFEN SCÉNARISTES STEFAN KOLDITZ, STEPHEN SUSCHKE RÉALISATEUR CHRISTIAN SCHWOCHOW THE MATCH FACTORY PRÉSENTE UNE PRODUCTION PANDORA FILM PRODUKTION, GROWN UP FILMS EN COPRODUCTION AVEC ALCATRAZ FILMS ET WESTDEUTSCHER RUNDFUNK DEGETO RADIO BREMEN EN ASSOCIATION AVEC PANDORA FILM VERLEIH AVEC LE SOUTIEN DE FILM-UND MEDIENSTIFTUNG NRW DEUTSCHER FILMFÖRDERFONDS FILMFÖRDERUNGSANSTALT, MITTELDEUTSCHE MEDIENFÖRDERUNG NORDMEDIA, DIE BEAUFTRAGTE DER BUNDESREGIERUNG FÜR KULTUR UND MEDIEN, CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE

AU CINÉMA LE 1ER MARS


STEWBALL FILMS ET KMBO PRODUCTION PRÉSENTENT

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NOUS NOUS

FATEN KESRAOUI

MARIERONS AVEC KARIM EL HAYANI FATEN KESRAOUI SYLVIA BERGÉ SOFIANE KESRAOUI SCÉNARIO DAN UZAN ORIANNE MIO RAMSEYER ELSA BOUTAULT-CARADEC IMAGE RAPHAËL RUEB MONTAGE JEAN-CHRISTOPHE HYM SON CLÉMENT MALÉO SAMUEL ELLING MIXAGE MARC DOISNE PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS DAN UZAN VLADIMIR KOKH PRODUCTRICE ASSOCIÉE MUNIA HALABI UNE PRODUCTION STEWBALL FILMS KMBO PRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE DISTRIBUTION KMBO

UN FILM DE DAN UZAN

AU CINÉMA LE 8 FÉVRIER


TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


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Sasha Lane dans American Honey

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© HOLLY HORNER

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AMERICA NOW Ce mois-ci, deux des plus passionnantes cinéastes contemporaines revisitent l’americana, cette mythologie de l’Amérique profonde forgée par le cinéma. Au-delà de leurs nombreux motifs thématiques et formels communs, American Honey d’Andrea Arnold et Certaines femmes de Kelly Reichardt partagent une même vision de l’Amérique actuelle – multiple, vive, poétique – et instillent les mêmes valeurs d’entraide et d’égalité, réinsufflant de l’espoir à un arrière-pays cabossé.

© HOLLY HORNER

American Honey

BANDE Dans American Honey, la jeune héroïne échappe à son misérable destin et à sa solitude en rejoignant une bande de vendeurs itinérants. En l’adoptant d’emblée, l’équipe l’aide à s’émanciper et à se trouver. Relier des inconnus pour révéler la force du groupe, c’est aussi la belle idée de Certaines femmes : en rapprochant par le montage et des échos lointains les destins de femmes terrées dans leur isolement, Reichardt bâtit une communauté qui s’ignore et ouvre discrètement la piste d’une certaine solidarité, tout en célébrant la puissance de la résilience individuelle.

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INVISIBLES Plonger dans le Midwest, c’est sonder l’Amérique blanche et pauvre, celle qui n’intéresse pas vraiment Hollywood. Hors système avec leurs films à petits budgets, Reichardt et Arnold ont eu toute latitude pour représenter ces oubliés : ouvriers esseulés, cowboys friqués morts d’ennui, parents drogués ou croyants obtus. En entrant dans leurs maisons, leurs véhicules, l’héroïne d’Arnold apprend à leur prêter une oreille attentive, tandis que Reichardt montre comment les ruraux taiseux s’expriment davantage par le corps que par le verbe. En privilégiant les expériences intimes plutôt que les grands drames, les deux films humanisent pleinement les rednecks.

En hésitant à intervenir pour raisonner un preneur d’otage à la demande de la police, l’avocate de Certaines femmes soulève insidieusement la question : lui demande-t-on parce que l’homme est son client, ou parce qu’elle est une femme, et qu’on la suppose donc empathique et diplomate ? Par ses questionnements et ses héroïnes mutiques ou antipathiques, le film de Reichardt élargit le spectre des représentations de genre. En montrant, elle, une jeune femme seule qui fonce tête baissée vers le danger en y prenant du plaisir et en évitant les ornières, Arnold contrecarre le traditionnel fatum (souvent le viol ou la mort) qui s’abat trop systématiquement sur les héroïnes en galère.

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Adeptes du format 4/3 depuis plusieurs films, les deux cinéastes confient trouver le format carré idéal pour filmer leurs personnages. Dans ce cadre, les paysages grandioses du Midwest n’ont plus rien d’écrasant : Arnold les montre de loin, derrière une vitre de voiture, pour mieux mettre le mythe à distance, ou de près, captant les détails d’un champ pour le ramener à l’échelle humaine ; quand Reichardt compose des tableaux minimalistes et apaisants. Elles tranchent ainsi avec la tradition du CinemaScope (notamment utilisé dans les westerns des années 1950) et montrent la nature autrement que comme une force hostile que l’humain doit dompter.

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ROUTE Pour connaître l’Amérique profonde, les cinéastes l’ont elles-mêmes parcourue. Pas étonnant, donc, que la route soit aussi importante dans leurs films. Le road trip y est associé à la jeunesse, mais fait plus office de contrainte que de véritable choix : chez Arnold, il faut bouger pour dépasser l’horizon sans espoir de son patelin paumé ; chez Reichardt, on n’ose pas refuser un job qui oblige à faire régulièrement un aller-retour de huit heures sur une seule journée. Le moteur du voyage n’est donc plus un idéal de liberté hérité des années hippies, mais de cruelles contraintes économiques. Ce qui n’empêche pas le voyage lui-même de former la jeunesse…

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Certaines femmes est dédié à une chienne – celle de la réalisatrice –, et le film lui-même est truffé de plans sur des chiens, véritables présences protectrices auxquelles elle prête une grande intelligence. Chez Arnold, un chien participe au road trip comme un membre à part entière de la bande, alors que l’héroïne s’émerveille en silence de l’existence de chaque bête sauvage qui croise son chemin, du plus petit insecte à l’ours le plus sidérant. Dans le regard des deux cinéastes, on sent la volonté de donner de l’importance aux animaux pour mieux faire descendre les humains de leur piédestal, et ainsi placer tous les êtres vivants à égalité.

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CHIENS

CENTRE COMMERCIAL Andrea Arnold et Kelly Reichardt nous l’ont confirmé en interview : chacune a constaté avec dépit l’importance grandissante des centres commerciaux dans l’Amérique rurale, où ils font figure de derniers bastions du lien social. Dans son film, la première subvertit ce temple de la consommation en y déversant sa tapageuse bande de jeunes qui danse sur du Rihanna et en y installant le coup de foudre entre ses deux héros marginaux. Chez Reichardt, l’avocate campée par Laura Dern est absorbée par un spectacle folklorique amérindien en plein mall, renvoi malaisant à la façon dont l’Amérique a soumis ses populations autochtones. • TIMÉ ZOPPÉ

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ELLE ÉTAIT UNE FO

Avec American Honey, prix du Jury au dernier Festival de Cannes, l’Anglaise Andrea Arnold s’offre sa première escapade américaine. Elle applique son approche sociale à la fois tendre et frondeuse (Red Road, Fish Tank) à un pan désolé des États-Unis, le Midwest, et pose son regard bienveillant sur une troupe de jeunes marginaux fêtards qui vendent des magazines en faisant du porte-à-porte. Enjouée et entière, la réalisatrice de 55 ans nous a parlé de son rapport aux États-Unis.

Pourquoi avoir eu envie de filmer cette mythique terre américaine ? Il y a un bail, j’ai lu un article du New York Times sur les mag crews [des équipes qui font du porte-à-porte pour vendre des abonnements, ndlr]. Ce monde m’a captivée, je n’ai pas arrêté d’y repenser. C’est plutôt un truc américain. Le porte-à-porte existe aussi en Angleterre, mais l’échelle n’est pas du tout

la même, on peut quasiment traverser le pays en une journée, alors que l’Amérique, c’est géant. En même temps, les routes sont tellement vides et droites qu’on peut couvrir une longue distance en peu de temps. Dans Fish Tank (2009), le morceau « California Dreamin’ » de Bobby Womack occupe une place importante. Est-ce à dire que, quand vous étiez ado, vous rêviez des États-Unis ? J’avais complètement oublié que cette musique était dans Fish Tank ! J’ai grandi en voyant beaucoup de films américains,

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ça a dû forger mon imaginaire. Plus tard, j’ai passé un an à Los Angeles dans une école de cinéma. J’adorais faire des virées en dehors de la ville, explorer les montagnes et cette immensité qui m’était inconnue. À certains endroits, on ne peut pas situer l’horizon, on sent juste que c’est super loin. Certains gamins des mag crews viennent de petites villes dans le Midwest où on est noyé dans cet horizon lointain, comme dans l’océan. C’est peut-être pour ça qu’ils veulent aller voir ce qu’il y a au-delà… Vous habitez toujours en Angleterre ? Oui, à Londres. Mais je songe à m’installer dans le Montana [dans le nord des États-Unis, à la frontière canadienne, ndlr]. J’ai visité un paquet d’États, mais jamais celui-là. Tout le monde me dit que c’est merveilleux. J’ai besoin de plus de nature dans ma vie… Je rêve d’avoir des ours dans mon jardin. Je vais peut-être me prendre une année pour écrire, ou juste traîner avec les ours, me maquer avec un redneck et prendre un pick-up et un chien. Voire six.

Six chiens ? Non, six mecs ! Vous avez sillonné les États-Unis pour écrire American Honey. Vous aviez besoin de vous sentir légitime pour parler de l’Amérique profonde ? Émotionnellement, j’ai besoin d’être très connectée avec ce que j’écris. J’ai fait plusieurs road trips pour préparer le film. Au moment du tournage, je ne me suis jamais sentie comme une touriste, j’avais fait tant de recherches et rencontré tellement de gens que j’étais très à l’aise. Vous vous jouez de certains mythes américains, comme quand on voit un chien qui porte une cape de Superman et urine dessus. Est-ce que cela traduit votre propre désenchantement par rapport aux États-Unis ? Je n’aime pas expliquer certains éléments, je préfère que les gens s’interrogent sur leur sens. Le chien qui porte la cape de Superman était dans le scénario. En fait, il y avait

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© SUSANNAH BAKER SMITH

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plus de clins d’œil aux super-héros dans le script, mais on n’a souvent pas eu l’autorisation pour les costumes. Cette imagerie des super-héros est extrêmement contrôlée par les ayants droit. Le casting s’est étalé dans le temps. C’était difficile de trouver les bonnes personnes pour camper cette bande de jeunes aux origines et aux personnalités très diverses ? On a surtout fait des castings sauvages, donc ça a été assez compliqué, on a beaucoup bougé. On ne cherchait pas à New York ou à L.A., mais surtout dans le Midwest, où les jeunes ne traînent pas en ville. Ce n’est

pas comme en Angleterre, où la rue est très vivante. Aux États-Unis, beaucoup de gens dépendent de leur voiture, surtout à cause des grandes distances. Je me suis d’ailleurs demandé si ça n’incitait pas à se méfier de l’altérité et du monde en général. En s’enfermant dans sa voiture et en choisissant sa destination à l’avance, on évite les gens qui nous mettent mal à l’aise. C’est pour ça que j’aime Londres : on monte dans le bus et on côtoie tout le monde. Ça fait partie de

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« J’ai besoin de plus de nature dans ma vie… Je rêve d’avoir des ours dans mon jardin. »

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PUR SUCRE Exit les banlieues britanniques (Red Road, Fish Tank) et la campagne anglaise (Les Hauts de Hurlevent) : Andrea Arnold scanne cette fois les bas-fonds des États-Unis, toujours avec son increvable optimisme. Chevillés au corps de la débrouillarde Star (Sasha Lane, lire p. 22), on est embarqués dans l’aventure que lui propose Jake (Shia LaBeouf), tête brûlée qui la séduit au premier regard. Elle intègre un groupe de vendeurs itinérants de magazines et se met à sillonner le Midwest avec ces jeunes chiens fous, dans un gros van où des titres de trap résonnent dans la bonne humeur, mais aussi un peu comme des chants de guerre. C’est qu’il faut motiver la troupe à aller frapper à la porte de l’Amérique des laissés-pour-compte, à côtoyer la bigoterie, la pauvreté, et parfois même le danger. Andrea Arnold ne cherche jamais à retourner l’estomac ; elle évacue tout misérabilisme au profit d’un regard confiant sur ces personnages, que leurs parcours chaotiques n’empêchent miraculeusement pas de rayonner d’énergie. • T. Z .

la vie. Aux États-Unis, les jeunes traînent au Walmart. Ces centres commerciaux sont devenus comme des petits villages. Comment était l’ambiance sur le tournage ? C’était… vivant ! Même éprouvant. Chaque matin, je devais me booster pour aller tourner. Quand on est rentrés chez nous, ma première pensée a été : « Dieu merci, personne n’est mort ! » On a pris soin de tout le monde, mais il y a un moment où… Eh bien, ce sont des adultes. S’ils veulent faire la fête toute la nuit, on n’y peut rien. Je me demandais sans cesse : « Mais où sont-ils ? Qu’est-ce qui se passe ? Bon sang, ils sont allés à la foire !? »

Mais on a fait tout le chemin avec la même équipe et on a tourné chronologiquement. C’était comme une grande famille, complètement folle. Depuis Fish Tank, vous cadrez en 4/3, un format proche du carré. Pourquoi ? Mes films sont centrés sur un seul personnage, et je trouve ce cadre parfait pour une personne, ça me semble très respectueux. Les gens se demandent toujours si je fais ça pour susciter un sentiment de claustrophobie, mais pas du tout, je veux juste donner un beau cadre à mes héroïnes. 35

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« Je déteste l’expression “white trash” ! Personne n’est un déchet. » C’est votre film le plus long. Pourquoi avez-vous voulu l’inscrire dans la durée ? Pourquoi pas ? Je pense que le film reflète en partie l’aventure qu’on a vécue. D’habitude, je n’écris que sur un personnage. Le film ne devait parler que de Star, et je n’avais pas écrit grand-chose sur les autres. Mais, au casting, je les ai trouvés tellement beaux que j’ai voulu les montrer, même si je les ai plus saisis comme un groupe, un ensemble. Je sais que la durée en exaspère certains, mais j’avais de bonnes raisons. Je ne m’excuserai pas !

American Honey évoque le cinéma de Larry Clark et de Harmony Korine. J’aime ces réalisateurs, le rapprochement me flatte. Mais, quand je prépare un projet, je ne regarde jamais de films, pour ne pas être influencée. Je pense qu’on compare mon film aux leurs surtout par rapport aux jeunes, puisqu’ils ont aussi travaillé avec des non-professionnels…

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se dégage du film. J’ai adoré la première saison de Transparent, ça m’a convaincue de m’embarquer dans cette nouvelle expérience. Là, je viens de finir de participer à une autre série de Jill, I Love Dick, avec Kevin Bacon. J’ai tourné cinq épisodes à la suite, ce qui fait… beaucoup. C’était super, mais je ne vais pas mentir : je suis épuisée.

• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ — : « American Honey » d’Andrea Arnold Diaphana (2 h 43) Sortie le 8 février

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Peut-être aussi parce que ces comédiens sont issus de l’Amérique white trash ? Je déteste cette expression, j’essaye de la bannir de ma vie ! Personne n’est un déchet, comment peut-on appeler quelqu’un comme ça ? Les gens utilisent cette expression de manière trop désinvolte. Je connais ces jeunes, ils sont dans mon film, et pour moi ce ne sont pas des ordures, en aucun cas. Comptez-vous tourner votre prochain film aux États-Unis ? Non, je pense rentrer en Angleterre, j’ai besoin de retrouver mes racines. Vous avez réalisé des épisodes de la série américaine Transparent. Comment avez-vous atterri sur le projet ? La créatrice de la série, Jill Soloway, m’a contactée après avoir vu Fish Tank, je crois qu’elle a beaucoup aimé l’intimité qui

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LE GUIDE DE L

Depuis près de vingt-cinq ans, Kelly Reichardt façonne de superbes films fauchés dans l’Amérique rurale. Dans le gracieux Old Joy (2007), les sauvages Wendy et Lucy (2009) et La Dernière Piste (2011), ou le calme mais intranquille Certaines femmes, en salles ce mois-ci (lire la critique p. 43), l’artisane américaine sonde subtilement des figures en marge qui composent avec la solitude de leur condition. Comme elle. Rencontre, par Skype, avec une affable baroudeuse.

Il paraît que vous faites souvent la route d’une côte à l’autre des États-Unis… Quand j’étais petite, mes parents me conduisaient souvent de Miami au Montana pour aller camper. Au lycée, je faisais ce qu’on appelait le drive away : je conduisais la voiture d’une personne riche qui n’aimait pas faire la route à l’endroit de son choix.

Je parcourais le pays comme ça l’été. Quand j’avais ma chienne, Lucy [que l’on voit dans Wendy et Lucy et à qui Certaines femmes est dédié, ndlr], je voyageais en voiture pour lui éviter de prendre l’avion. Je traversais le pays en empruntant les autoroutes à deux voies pour aller en tournage à Los Angeles ou dans l’Oregon depuis New York, où je vis. J’ai fait ça pendant quatorze ans, jusqu’à l’année dernière. Je fais aussi beaucoup de repérages. Pour Wendy et Lucy, j’ai visité trente-neuf États, notamment pour trouver le parking qui tient une grande place dans le film. Au fil du temps, j’ai vu s’étendre 38


A ROUTARDE les horribles centres commerciaux au-delà des abords de l’autoroute. Maintenant, il faut beaucoup s’en éloigner pour trouver la nature. Et puis, je me suis sûrement un peu lassée. Mais quand on entre dans l’ouest du pays, peu importe combien de fois on l’a fait, on a toujours le souffle coupé en découvrant les plaines, c’est très apaisant, surtout quand on vient de New York. Entre l’Est et l’Ouest, à peu près dans le Kansas, j’ai le sentiment qu’il y a un sens, une nécessité à mon voyage. Je ne sais jamais trop où j’habite, mais, dans ce genre de moments, j’ai cette révélation : « Mais oui, en transit. C’est là que je dois vivre. » Et actuellement, vous êtes à New York ? Non, dans l’Oregon. Je garde la maison de Todd [Haynes, réalisateur notamment du récent Carol, ndlr] et lui prête mon appartement à New York, parce qu’il travaille là-bas en ce moment. On s’entraide beaucoup sur nos films, et il coproduit les miens depuis Old Joy. C’est aussi lui qui a fait lire le scénario de Wendy et Lucy à Michelle

Williams [qui joue aussi dans La Dernière Piste et dans Certaines femmes, ndlr] : une véritable aubaine. Après avoir bouclé votre premier long métrage, River of Grass (inédit en France), il vous a fallu pas moins de douze ans pour tourner Old Joy. Pourquoi ? Quand j’ai réalisé ce film, en 1993, la porte n’était absolument pas ouverte pour les réalisatrices. Sans en faire des tonnes, je pense que ça a joué. Il y avait aussi mon ignorance du système : je n’avais pas d’équipe, ni d’argent personnel, j’étais très naïve et je ne savais pas comment m’adresser aux producteurs. J’ai compris que je ne rentrais pas dans les codes de l’industrie du cinéma. J’ai mis dix ans pour apprendre à faire autrement. J’ai recommencé à zéro, en faisant un court métrage en Super 8, puis j’ai économisé pour faire Old Joy, un tournage de deux semaines avec une équipe de six personnes. Le film a miraculeusement atterri à Sundance, et ça m’a aidée à faire Wendy et Lucy.

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Michelle Williams

C’est plus facile aujourd’hui, pour vous, de faire vos films ? Avoir constitué une équipe, avec mes producteurs, Neil Kopp et Anish Savjani, avec qui j’ai fait quatre films, Christopher Blauvelt, mon chef opérateur depuis La Dernière Piste, et Jonathan Raymond, dont j’ai adapté quatre fois les histoires, m’a beaucoup aidée. Pour Certaines femmes, Sony nous a soutenus financièrement, mais c’était quand même un budget très serré. Je suis habituée à faire un « petit cinéma », pour un public réduit, j’ai fini par l’accepter. Mais j’ai l’impression que ça va changer, que mon prochain film pourrait avoir un plus gros budget. C’est un compromis délicat : j’ai envie de continuer à faire mes films dans un cadre intime, mais, physiquement, ça devient difficile, ça demande trop à mon équipe de faire ce genre de films avec ces budgets dans des endroits si reculés, dans la neige… Vous ne pensez pas que ces difficultés ont pu vous mettre dans un état propice à la création ? C’est ce que je répète sans cesse, à moi-même et à mon équipe. Mais, rétrospectivement, je trouve qu’on a eu de la chance que personne ne soit mort sur le tournage de La Dernière Piste… On peut tellement s’endurcir pour un

projet quand on a 20 ans, 30 ans ou même 40 ans, on est prêt à tout. Mais arrive un moment où l’on se dit à l’avance : « Oh, mon Dieu… » Je ne pense pas que La Dernière Piste aurait pâti d’un filet de sécurité. Déjà, pour mettre moins en danger les gens et les animaux. C’était pour éviter ce genre de conditions extrêmes que Certaines femmes est plus statique, moins conçu comme un road movie que vos premiers films ? Les conditions étaient très extrêmes sur ce tournage ! Il ne neigeait pas, mais on avait des températures de – 6 °C ou – 7 °C, et on tournait presque tout le temps en extérieur. Tourner en hiver avec peu d’argent, c’est dur. Et puis, pour la dernière partie, dans le ranch, il y avait plein d’animaux sur le plateau. Quant aux scènes de voiture, on en voit déjà pas mal dans le film, mais on en a tourné beaucoup plus. L’hiver, et les scènes de route : je me dis toujours que je n’écrirais plus jamais ça, mais, au final… Presque tous vos films précédents se déroulent en Oregon. Pourquoi avoir choisi le Montana cette fois ? J’ai tourné River of Grass en Floride, puis j’ai commencé à adapter les histoires de 40


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donc l’écriture de Certaines femmes a été beaucoup plus solitaire que pour les films adaptés avec Jon. Vous avez apprécié cette solitude à l’écriture ? (Elle réfléchit longuement.) J’ai trouvé ça plus dur. Je ne pouvais pas aller prendre un café avec l’écrivain pour me débloquer quand j’étais coincée. C’est plutôt marrant d’écrire avec quelqu’un. Dans mon métier, il y a tellement de moments où on se sent seul… Sur un plateau, on est entouré de gens, mais ça reste un travail solitaire, on ne se sent pas vraiment dans le groupe. Et ensuite je rentre chez moi et je monte seule pendant des lustres. Pour être honnête, ça m’a manqué de ne pas avoir quelqu’un avec qui travailler à l’écriture. Ce n’était pas aussi sympa, mais disons que ça a été.

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Jonathan Raymond, qui se déroulent dans l’Oregon, où il habite. J’aime le travail de Jon, car il met en valeur les espaces. Ses personnages ont un rapport fort à leur lieu de vie, ils font souvent des activités très physiques – ça m’intéresse beaucoup de filmer des corvées. Mais comme il était plongé dans l’écriture de son nouveau roman, j’ai n’ai pas pu collaborer avec lui cette fois. Certaines femmes est adapté d’un recueil de nouvelles de Maile Meloy, qui se déroulent dans le Montana. Elle a préféré ne pas s’impliquer dans l’adaptation,

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« L’hiver, et les scènes de route : je me dis toujours que je n’écrirais plus jamais ça, mais, au final… »


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Vos films sont animés par un vif féminisme, mais qui s’exprime dans des détails : des gestes, des jeux de regard, des phrases discrètes. Vous pensez qu’on les perçoit si l’on n’est pas déjà sensible à ce genre d’idées ? Ce n’est pas le but. La Dernière Piste est un cas différent, parce qu’il s’agissait de revisiter un genre établi [le western, ndlr] du point de vue des femmes, à qui on ne donne habituellement pas la parole dans ce genre très masculin. Mais Old Joy, par exemple, s’intéressait à deux mecs et à la nouvelle masculinité. Cependant, à l’évidence, j’ai un filtre féministe, ça doit imprégner ma manière de filmer. Après, il y a un million de films fait du point de vue des hommes, ce que personne ne remet en question, comme si c’était le point de vue général. Je déteste me dire que le mien est particulier. C’est pour ça que je ne participe jamais aux événements du type women in films. Les cinéastes « femmes », « noirs », « gays »… Mais qui sont donc les cinéastes « tout court » ? Il n’y a pas de messages dans mes films, je partage seulement des histoires. Vos plans sont toujours incroyablement composés, c’est d’autant plus frappant avec les paysages. D’où vous vient ce sens du cadre ? J’adorais la photographie quand j’étais gosse. Faire un cadre est sûrement ce que je préfère dans mon métier. J’aime réfléchir à la manière dont je vais pouvoir les assembler ensuite. C’est si gratifiant quand ça fonctionne comme prévu dans la salle de montage ! J’adore le format carré, je trouve qu’il convient mieux aux personnes. Et aux paysages, d’ailleurs. Mais, bizarrement, tout le monde est rivé sur le rectangulaire. Pareil, les caméras sont très mouvantes maintenant, ça me semble impossible de penser son cadre dans de telles conditions. C’est fou que les

gens aiment autant ça, le mouvement plutôt que la composition… Est-ce que vous vous inspirez de la peinture ? Oui, beaucoup. Ma référence majeure, pour Night Moves, était Charles Burchfield. Pour Certaines femmes, j’ai beaucoup regardé les toiles d’Alice Neel, et les choix de couleurs sont inspirés de celles de Milton Avery. En ce moment, je m’intéresse aux peintres de l’école de l’Hudson. Parfois, à l’écriture, ça aide beaucoup de partir d’images. Et ce qui est génial, quand on prépare un film, c’est que c’est une excuse en or pour aller au MET [Metropolitan Museum of Art à New York,

« Les caméras sont très mouvantes maintenant. C’est fou que les gens aiment autant ça, le mouvement plutôt que la composition. » 42


Lily Gladstone

BONNE DISTANCE En trois segments distincts, Certaines femmes montre diverses trajectoires féminines dans une petite ville du Montana. La composition du premier plan en dit long : un train fonce sur un chemin de fer qui traverse l’écran de haut en bas et scinde le paysage montagneux. Ce sont justement des questions de distance et de frontière qui agitent le film. Une avocate (Laura Dern) ne sait pas où poser les limites avec un client dépressif ; une entrepreneuse (Michelle Williams) s’entête à construire sa maison rêvée, au risque de mettre sa famille à distance ; une gardienne de ranch solitaire (Lily Gladstone) tente de se rapprocher d’une professeure (Kristen Stewart) épuisée par ses trajets. De minces fils nouent les trois segments, comme le hamburger, discret marqueur culturel qui, consommé par toutes les héroïnes mais jamais de la même façon, matérialise avec dérision les fossés entre les personnages autant qu’avec le rêve américain. Kelly Reichardt trouve, elle, la juste distance pour saisir ces parcours complexes et émouvants avec une simplicité désarmante. • T. Z .

ndlr] sans arrêt et commencer à réfléchir à l’aspect, aux couleurs, aux textures du film. On découvre toutes sortes d’artistes qu’on n’aurait jamais connus autrement. Pourquoi montez-vous vos films vous-même ? Au début, parce que j’étais la seule monteuse que je pouvais me payer. Ça m’a aussi appris comment placer ma caméra. Et puis, comme sur un plateau je ne manipule pas moi-même le matériel, j’ai besoin de monter pour mettre physiquement la main à la pâte. Mais parfois, au montage, j’aimerais une personne extérieure pour avoir un regard neuf. À la fin de celui de Certaines femmes,

j’ai eu un assistant qui avait un très bon œil. J’ai trop travaillé seule… La prochaine fois, ça pourrait être bien de laisser le montage à quelqu’un d’autre. J’ai besoin de lâcher prise. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

— : « Certaines femmes »

de Kelly Reichardt LFR Films (1 h 47) Sortie le 22 février

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NOUVEAU GENRE

ENFANTS VOYANTS Film noir, mélodrame, road movie… mais encore ? Derrière les dénominations officielles retenues par les encyclopédies, nous partons chaque mois à la recherche d’un genre inconnu de l’histoire du cinéma. Ce mois-ci : quelques enfants (clair)voyants. enfants jouent dans l’herbe, à la poupée, et autour d’eux une constellation de pâquerettes donne l’impression qu’ils lévitent dans un ciel nocturne. Le père arrive à bout de souffle, la police est à ses trousses. Il a trop peu de temps pour les embrasser. À peine est-il arrivé qu’il a déjà enfoui son butin de malheur dans le ventre de la poupée, et dans le ventre des enfants, un secret brûlant. Le secret brûle sans tarder : quand le père tombe sous les coups de la police, John, l’aîné, se tient le ventre à deux mains, son petit corps replié sur une douleur trop grande pour lui. Ce qui brûle en vérité, dans La Nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955), c’est une double malédiction : le père vient de condamner les

petits à laisser beaucoup trop tôt leur enfance derrière eux, mais en leur barrant d’un même geste le chemin de la vie adulte. Car tout adulte, désormais, sera une menace, résumée dans le visage abject d’un faux pasteur aux yeux déments. John, sa sœur, et la poupée, viennent de recevoir le plus lourd des héritages, sous la forme d’un dessillement brutal : le monde des adultes, qu’ils voient désormais pour ce qu’il est, a la forme d’un cauchemar vrai. Et ce n’est qu’en apparence qu’une adulte leur offrira finalement le salut. Les cheveux blancs de Lilian Gish sont à peine trompeurs : derrière les rides, c’est une autre enfant martyre (celle du Lys brisé, celle des Deux orphelines [D. W. Griffith, 1919 et 1921]) qui leur ouvre sa porte. Soixante

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La Nuit du chasseur de Charles Laughton (1955)

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Shining de Stanley Kubrick (1980)

LUCIDITÉ DES ENFANTS

Rien de tel dans Shining (Stanley Kubrick, 1980), où souffre un autre voyant, pas plus vieux. Dans les couloirs de l’Overlook Hotel, ses parents ne voient que vieilles moquettes et chambres vides. Lui voit des mers de sang, des jumelles infernales, des vieilles

dames obscènes. Il n’y a qu’un enfant pour voir ça, l’histoire vraie d’un hôtel maudit. Et d’ailleurs c’est à force de régression (son vœu morbide de revenir au temps d’avant le couple, avant la paternité, d’être enfin seul avec la machine à écrire qui est comme un gros jouet avec lequel il tape sans fin sa ritournelle de petit garçon – « All work and no play makes Jack a dull boy. ») que le père finira par voir les mêmes fantômes et goûtera durement, jusqu’à en finir pétrifié, la solitude de tous ces enfants voyants auquel le cinéma fantastique a réservé de si beaux films. Tous ces films disent une seule chose : l’âge adulte est celui où l’on cesse de voir, parce que voir fait trop peur – la lucidité est affaire d’enfant ; et celle du cinéma fantastique, donc. M. Night Shyamalan n’a pas légué pour rien à un enfant, dans Sixième sens (1999), le constat pénétrant qu’avait fait un jour le plus grand cinéaste du fantastique. « La vraie minorité sur cette terre, disait Jacques Tourneur, est la minorité des vivants. » • JÉRÔME MOMCILOVIC

© WARNER BROS.

ans plus tard, une autre malédiction frappe un autre enfant, fugitif lui aussi. Là, trois adultes, dont ses deux parents, veillent sur lui du mieux qu’ils peuvent. Mais ils ne peuvent pas grand-chose : le destin incompréhensible de l’enfant de Midnight Special (Jeff Nichols, 2016), son effarante condition de voyant leur font peur autant qu’à lui. Et c’est pour les protéger eux qu’il doit masquer ses yeux sous d’épaisses lunettes de plongée. L’enfant voit trop, trop loin, ses visions l’épuisent, mais, aux adultes à qui, parfois, il les communique, elles sont littéralement insupportables. Sa malédiction est un don, don douloureux mais don quand même, dont le film révélera finalement le potentiel d’enchantement.

Midnight Special de Jeff Nichols (2016)

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NOUVEAU GENRE


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PATIENTS

UN FAUTEUIL POUR DEUX

Dans Patients, qu’il coréalise avec Mehdi Idir (auteur de tous ses clips), le slameur Grand Corps Malade évoque son séjour en centre de rééducation dans les années 1990, après l’accident qui l’a laissé tétraplégique incomplet. Un cruel sas de décompression filmé avec pudeur, justesse et humour (et sans slam). 46


Malgré le handicap qui contraint les personnages à la lenteur, le film est très rythmé, tendu. Grand Corps Malade : Le défi, c’était de filmer des mecs qui se font chier sans faire chier le spectateur. Par exemple, trois ou quatre séquences montrent la routine des patients, la répétition des gestes : la biscotte du matin, l’ouverture des volets… mais avec une recherche esthétique – ralentis, travellings latéraux –, pour que la forme rejoigne le fond. Mehdi Idir : On ne voulait pas trop découper, on préférait les longs plans-séquences. Le rythme, on l’a ensuite imprimé grâce à notre monteuse, Laure Gardette. C’est aussi un film d’époque, avec les vieux « M6 Boutique » et la B.O. très nineties : NTM, Nas, The Roots, Lunatic… M. I. : C’est rare de pouvoir faire un film d’époque sur un passé aussi récent. C’est notre jeunesse. Se souvenir des baskets qu’on portait, des émissions qu’on regardait, de la musique qu’on écoutait. On a même ressorti les vieux sweats Com8 [marque créée par JoeyStarr en 1998, ndlr]. Ces morceaux sont très importants, notamment pour donner du rythme. D’ailleurs, on les a choisis avant

aussi le rapport à l’extérieur – « Quand je serai dehors… » Il y a plein de liens entre la vie en centre et la vie carcérale. G. C. M. : Toujours les mêmes horaires, toujours les mêmes têtes, pas le droit – ni la capacité – de sortir… Dans mon livre, je faisais déjà le parallèle entre le centre de rééduc et la prison. Mais ce n’est pas moi qui l’ai inventé : en centre, on en parle ouvertement. On aurait pu s’attendre à une méditation sur le dépassement du handicap par l’art, et en l’occurrence le slam. Mais l’attente est habilement déjouée. G. C. M. : Je ne voulais pas faire mon autobiopic. C’est pour ça que le héros s’appelle Ben, et pas Fabien comme moi. C’est l’histoire de n’importe quel gamin de 20 piges victime d’un accident. On voulait que ce soit universel. D’où pratiquement aucune allusion au slam, ou à ma vie privée. J’ai enlevé les trucs personnels, comme le fait que j’ai une sœur, par exemple. Cela dit, c’est vraiment mon histoire, et tous les personnages du film ont vraiment existé. Tu es resté en contact avec les gens rencontrés pendant les mois passés en centre de rééducation ? G. C. M. : Certains, oui. Farid [le meilleur ami du héros, handicapé depuis l’enfance, joué dans le film par l’excellent Soufiane Guerrab, ndlr] est resté mon pote, et le kinésithérapeute s’occupe toujours de moi

« En centre de rééduc,

ça vanne dur, parfois même très trash. »  GRAND CORPS MALADE

de filmer, et on a tourné en fonction de ces sons-là, alors qu’on n’était même pas sûr de pouvoir les utiliser. Une scène clippée sur le morceau « The Message » de Nas rappelle une séquence similaire dans Un prophète de Jacques Audiard. Patients est d’ailleurs un huis clos presque carcéral… M. I. : Dans un centre de rééducation, à chaque fois qu’un patient en rencontre un nouveau, il lui dit : « T’as eu quoi, toi ? » C’est l’équivalent du « t’es là pour quoi, toi ? » en prison. Il y a

aujourd’hui. Il nous a d’ailleurs beaucoup aidés techniquement sur le tournage. C’était notre « directeur artistique du handicap ». Sinon, en retournant dans le centre, on a retrouvé Jean-Marie, l’infirmier, qui en réalité s’appelle Jean-Noël. Il fait une petite apparition dans une scène, à côté de son double de fiction. On s’est pas mal amusés à mêler vrai et faux. M. I. : Tous les rôles secondaires, les silhouettes et la figuration, ce sont des gens du centre. Comme c’était à une heure de Paris, pendant deux mois et demi, on était

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BOBINES

INTERVIEW


PATIENTS

« Il y a plein de liens entre la vie en centre de rééducation et la vie carcérale. »  BOBINES

MEHDI IDIR

tout le temps avec eux. Le soir, on buvait des coups ensemble. Et au moment de partir, c’était difficile. L’humour est omniprésent dans Patients. Comment avez-vous abordé le registre comique dans ce contexte dramatique ? G. C. M. : Tout d’abord, la chambrette [Sic] fait partie de notre ADN. On a grandi dans cette culture de la vanne, on vieillit aussi dedans. D’autre part, on voulait éviter le pathos ; le contexte étant déjà très lourd, il fallait injecter un maximum d’humour. Enfin, et surtout, ça reflète la réalité : il y a un vrai humour handicapé. En centre de rééduc, ça vanne dur, parfois même très trash. Je me souviens d’une époque très difficile – et, en même temps, je me suis bien marré. M. I. : Par exemple, lors d’une projection à Lorient, on a rencontré une fille qui s’était fait tirer dessus sur une terrasse pendant les attentats du 13 novembre : une dizaine de balles dans le corps. Eh bien, au centre, ils l’appellent Trou de balle. Pour te dire le niveau de violence de l’humour. G. C. M. : Une autre qui tourne beaucoup : « Tu sais où tu peux trouver un tétraplégique ? Au dernier endroit où tu l’as laissé. » Voilà, c’est une vanne plus difficile à faire quand tu n’es pas toi-même handicapé, c’est sûr. Les handicapés, entre eux, il n’y aucun tabou, c’est sans pitié.

Dans le rôle principal, Pablo Pauly incarne avec beaucoup de naturel ce va-et-vient permanent entre bagout potache et gravité rentrée. Comment l’avez-vous choisi ? G. C. M. : Notre directeur de casting cherchait une ressemblance physique avec moi. On a vu défiler une bonne quinzaine de Ben, grands, aux yeux bleus. En gros, c’était moi en beau gosse, ça me gênait ! Souvent, ils étaient plutôt bons dans les scènes d’émotion, mais quand il fallait envoyer de la vanne au milieu de quatre autres chambreurs, ils existaient un peu moins. Donc on a oublié la ressemblance physique, et là on a vu Pablo. Il avait alors une grosse touffe de cheveux et une énorme barbe rousse, donc on l’a pris uniquement pour son jeu. Et, finalement, c’est peut-être celui qui me ressemble le plus. • PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC VERNAY PHOTOGRAPHIE : VINCENT DESAILLY

— : « Patients » de Grand Corps Malade et Mehdi Idir Gaumont (1 h 50) Sortie le 1er mars

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« LINA EL ARABI EST EXCEPTIONNELLE » PREMIÈRE ★★★★

SÉLECTION OFFICIELLE TORONTO

MEILLEURE ACTRICE MEILLEUR ACTEUR ANGOULÊME

PRIX DU PUBLIC PRIX DES LYCÉENS BASTIA

PRIX DU JURY ÉTUDIANT PESSAC

AU CINÉMA LE 22 FÉVRIER 2017 noceslefilm

noceslefilm




BOBINES

PORTFOLIO

CAMPUS MOVIES 52


COURTESY L’ARTISTE ET CRISTIN TIERNEY GALLERY © PETER CAMPUS 2017

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PORTFOLIO

R-G-B, 1974

En

1973, Peter Campus marque le jeune art vidéo avec Three Transitions, essai depuis abondamment commenté. Grâce au fond vert, il donne l’illusion qu’il se poignarde dans le dos, s’efface le visage puis brûle son propre reflet… Cet attrait pour l’expérimentation visuelle remonte sans doute à l’adolescence, quand le New-Yorkais s’entiche des films des magiciens de la couleur Michael Powell et Emeric Pressburger. Il étudie ensuite le documentaire et travaille pour la télé, ce qui le dégoûte des grosses équipes de tournage. En 1966, après avoir réalisé, seul, un court métrage expérimental (« une bouse », rigole-t-il aujourd’hui), il se rend à l’évidence : sa vocation, c’est l’art vidéo. Alors que le Jeu de Paume consacre à l’artiste de 80 ans sa première exposition monographique française, Peter Campus nous a parlé de l’influence du cinéma sur son œuvre. • TIMÉ ZOPPÉ 53


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Three Transitions, 1973 « J’ai commencé la vidéo d’art en 1970, influencé par le cinéma underground en plein essor – et notamment par les films de Stan Brakhage. En 1973, une chaîne de télé d’Austin a invité des artistes à utiliser ses studios. Plus tard, j’ai collé les trois séquences que j’y avais tournées et j’ai montré le résultat dans des galeries. À l’époque, la grande différence entre le cinéma et la vidéo était l’instantanéité : on ne pouvait pas regarder les rushes en direct sur un plateau de cinéma. En fait, j’ai simplement détourné des outils de télévision très banals. La vidéo est ironique : les “transformations” n’en sont pas vraiment, je détruis mon image mais on en retrouve une autre, la même, en dessous. » 54


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Set of Coincidence, 1974 « J’adore les films à la narration classique, mais, dans mon travail, je m’en éloigne, pour privilégier l’image en m’inspirant de domaines très divers. Dans Set of Coincidence, les superpositions font référence à la mécanique quantique, qui démontre que plusieurs moments peuvent exister en même temps ; déjà, dans les peintures chinoises du xiie siècle, différentes étapes du voyage d’un personnage étaient représentées dans une seule œuvre. Le bruit d’image, dans la seconde partie de la vidéo, évoque ce qui se trouve au-delà de notre monde, en écho aux croyances de certaines tribus amérindiennes qui considèrent qu’on ne voit que la surface des choses. Je pense que c’est le rôle de l’art et du cinéma de faire référence à la partie invisible. »

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BOBINES

CAMPUS MOVIES

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A wave, 2009 « Quand j’ai découvert Deux ou trois choses que je sais d’elle… de Jean-Luc Godard, j’ai été frappé par les plans insistants sur une tasse de café. Cette idée de rendre extraordinaire quelque chose de tout à fait banal m’a beaucoup marqué. Entre 2008 et 2015, j’ai fait cette série d’œuvres abstraites. J’ai modifié les pixels des photos pour les rendre carrés, ça enlève beaucoup de détails dans les images et leur donne un aspect plus basique. Sur celle-ci, j’ai remodelé une vague en larges carrés pour la déconstruire. Ça permet d’en révéler le mouvement, mais aussi des couleurs qu’on ne voit pas dans la photo d’origine. »

— : « Video ergo sum » du 14 février au 28 mai au Jeu de Paume

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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


1 FÉV. ER

Nous nous marierons de Dan Uzan KMBO (1 h 16) Page 80

15 FÉV.

Un jour dans la vie de Billy Lynn d’Ang Lee Sony Pictures (1 h 50) Page 62

Silence de Martin Scorsese Metropolitan FilmExport (2 h 41) Page 76

David Lynch The Art Life de Jon Nguyen, Olivia Neergaard-Holm et Rick Barnes Potemkine Films (1 h 30) Page 72

Moonlight de Barry Jenkins Mars (1 h 51) Page 66

Le Concours de Claire Simon Sophie Dulac (1 h 59) Page 70

Loving de Jeff Nichols Mars (2 h 03) Page 73

Jackie de Pablo Larraín Bac Films (1 h 40) Page 68

Brothers of the Night de Patric Chiha Épicentre Films (1 h 28) Page 64

Fukushima mon amour de Doris Dörrie Bodega Film (1 h 44) Page 77

La Femme qui est partie de Lav Diaz ARP Sélection (3 h 46) Page 74

American Honey d’Andrea Arnold Diaphana (2 h 43) Page 22 et 32

L’Indomptée de Caroline Deruas Les Films du Losange (1 h 38) Page 77

Yourself and Yours de Hong Sang-soo Les Acacias (1 h 26) Page 74

14 DÉC. 8 FÉV.

Dans la forêt de Gilles Marchand Pyramide (1 h 43) Page 80

Gimme Danger de Jim Jarmusch Le Pacte (1 h 48) Page 76

Et les mistrals gagnants d’Anne-Dauphine Julliand Nour Films (1 h 19)

Rock’n Roll de Guillaume Canet Pathé (2 h 03) Page 80

Sahara de Pierre Coré StudioCanal (1 h 26) Page 89

Cruel d’Éric Cherrière Aanna Films (1 h 48)

L’Empereur de Luc Jacquet Walt Disney (1 h 22) Page 89


Madame B Histoire d’une Nord-Coréenne de Jero Yun New Story (1 h 11) Page 80

De sas en sas de Rachida Brakni Capricci Films (1 h 22) Page 82

Les Oubliés de Martin Zandvliet Bac Films (1 h 41)

Chez nous de Lucas Belvaux Le Pacte (1 h 58) Page 80

Les Fleurs bleues d’Andrzej Wajda KMBO (1 h 38) Page 82

Tramontane de Vatche Boulghourjian Ad Vitam (1 h 45) Page 83

Les Derniers Parisiens de Hamé et Ékoué Haut et Court (1 h 45) Page 78

Lion de Garth Davis SND (2 h 09) Page 82

T2 Trainspotting de Danny Boyle Sony Pictures (1 h 57) Page 83

Certaines femmes de Kelly Reichardt LFR Films (1 h 47) Page 38

Noces de Stephan Streker Jour2fête (1 h 38) Page 82

Personal Affairs de Maha Haj Sophie Dulac (1 h 28) Page 83

Split de M. Night Shyamalan Universal Pictures (1 h 57) Page 12 et 78

La Papesse Jeanne de Jean Breschand Shellac (1 h 31) Page 82

Paula de Christian Schwochow Happiness/ Pyramide (2 h 03) Page 83

Fences de Denzel Washington Paramount Pictures (2 h 18)

À ceux qui nous ont offensés d’Adam Smith The Jokers (1 h 39) Page 83

22 FÉV. A Cure for Life de Gore Verbinski 20 th Century Fox (2 h 26)

Roues libres d’Attila Till Pretty Pictures (1 h 42)

1ER MARS Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir Gaumont (1 h 50) Page 20 et 46

11 JANV.

Fixeur d’Adrian Sitaru Damned (1 h 39) Page 79

20th Century Women de Mike Mills Mars (1 h 58) Page 79


FILMS

UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN

Dans

ce film ultra immersif, le réalisateur de Tigre et dragon nous fait partager le stress post-traumatique d’un soldat américain célébré en héros national dans un stade de football. Un cauchemar virtuose.

Vendu comme un objet d’avant-garde technologique, le nouveau film d’Ang Lee cumule tous les sigles de la modernité : 3D, HFR (high frame rate ou « très haute fréquence d’images par seconde ») et 4K (haute résolution). Petit problème : très peu de salles sont équipées pour le projeter dans les conditions idoines. La mauvaise nouvelle, c’est que celles-ci ne se situent pas dans l’Hexagone. Les plus motivés pourront néanmoins se rendre à New York, Los Angeles, Taipei, Shanghai ou encore Pékin, les rares villes où le film est pour l’instant présenté en relief et à une fréquence de 120 images par seconde. Et la bonne nouvelle dans tout ça ? C’est que le film d’Ang Lee est merveilleux. Et ce même lorsqu’il est visionné en 2D et à une fréquence de 24 images par seconde, « à l’ancienne ». Nous sommes en 2005, deux ans après l’invasion américaine en Irak. Le film, adapté d’un best-seller de Ben Fountain (Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, Albin Michel, 2012), évoque ce chaos humain par le biais du regard traumatisé d’un

soldat texan de 19 ans. Billy Lynn (Joe Alwyn, bluffant en solide gaillard aux yeux d’enfants) s’est montré vaillant au plus fort d’une terrible embuscade, sous l’objectif d’une caméra – donc devant l’Amérique entière. L’administration le rapatrie avec sa compagnie, les Bravos, le temps d’une brève mais triomphale permission aux airs de tournée rock ’n’ roll. En héros. Clou du spectacle, une apparition en treillis aux côtés des Destiny’s Child de Beyoncé à la mi-temps d’un match de football à Dallas. Ang Lee n’est bien sûr pas dupe de cette propagande aux effets grossiers. Et, en même temps, elle semble le fasciner. Toute la force de sa mise en scène consiste à rendre sensibles simultanément deux choses a priori contradictoires : l’efficacité du show pyrotechnique à l’américaine et sa fausseté obscène. Par un habile jeu de montage alterné et de flash-back en surimpressions, les souvenirs irakiens de Billy Lynn resurgissent et contaminent la mascarade patriotique jusqu’à l’effroi. Nourrie de projections mentales, cette narration bicéphale n’est pas sans rappeler le précédent film de Lee, L’Odyssée de Pi. « Ce sont deux films sur le passage à l’âge adulte, dans lesquels deux régimes de réalité différents sont amenés à cohabiter au sein d’un même récit, indique le cinéaste taïwanais. Le jeune Indien Pi accomplissait un voyage spirituel.

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FILMS

« Après l’adrénaline du champ de bataille, le retour à la normalité est bien souvent impossible. »

SEULS CONTRE TOUS

À travers les yeux de Billy, on dévisage ainsi Steve Martin – ou bien est-ce Steve Martin qui nous dévisage ? –, dans le rôle d’un homme d’affaires cynique qui tente de refourguer l’histoire des Bravos à moindres frais pour le cinéma. L’acteur comique n’a jamais été si inquiétant. L’occasion aussi, pour Ang Lee, d’insérer dans ce drame un discours satirique

sur la machine à rêves hollywoodienne (les commentaires très méta de l’impresario de fortune des soldats, incarné par Chris Tucker) et la valeur marchande, dérisoire, de l’héroïsme. Mais le cœur du film est sans doute ailleurs, dans son aspect purement sensitif, mais aussi émotionnel. Dans le cocon formé par une émouvante amorce d’histoire d’amour, ou dans la camaraderie pleine de tendresse des Bravos qui se disent « je t’aime » comme on crierait « taïaut ». « Ce n’est pas quelque chose qu’on se dit très souvent au travail dans la vie courante, mais je n’ai rien inventé : les soldats américains se disent ce genre de chose au combat. Car c’est eux contre le reste du monde. En rentrant à la maison, personne d’autre ne pourra comprendre ce qu’ils ont traversé. » Après cette violente odyssée, on aurait presque envie, nous aussi, de les réconforter. • ÉRIC VERNAY

— : d’Ang Lee

Sony Pictures (1 h 50) Sortie le 1er février

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ZOOM

Avec Billy Lynn, je voulais qu’on ressente physiquement cette sensation de folie que la plupart des soldats éprouvent en rentrant chez eux. Après l’adrénaline du champ de bataille, le retour à la normalité est bien souvent impossible, car ils sont devenus hypersensibles. Je voulais leur témoigner mon empathie en épousant leur point de vue. » L’agression du monde extérieur est notamment palpable lors des scènes de dialogues. Les interlocuteurs de Billy sont filmés en plans frontaux, regard caméra. « J’utilise ces plans pour immerger les spectateurs, comme s’ils participaient eux-mêmes aux conversations, car c’est un film à la première personne. »

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ANG LEE


FILMS

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BROTHERS OF THE NIGHT

Dans

un bar du Vienne interlope, l’Autrichien Patric Chiha, qui signe avec Brothers of the Night son troisième long métrage, a suivi les errances nocturnes d’une bande de jeunes Roms bulgares fauchés qui se prostituent. Dans ce documentaire ardent et onirique qui assume à fond l’artifice, le cinéaste les fantasme comme des marins menteurs ou des voyous hâbleurs qui prennent la pose, se vantent, racontent des histoires. Vienne, la nuit. Dans ce bar louche et étroit, camouflé dans un quartier où pourtant tout le monde sort, il faut sonner pour entrer. Derrière la porte, une dizaine de jeunes crâneurs, gel dans les cheveux, jeans ultra serrés et vestes de cuir brillant, se pavanent devant le comptoir pour attirer les clients, des

hommes plutôt âgés de la classe populaire viennoise. Quand Patric Chiha, un soir qu’il était en repérages pour un autre film, a débarqué par hasard dans cette tanière mystérieuse, il a été frappé par les silhouettes insolentes qui se détachaient dans l’obscurité et la fumée des cigarettes. « J’ai tout de suite eu envie de savoir qui ils étaient, de filmer leurs visages. Le film pose la question : que vaut mon corps quand je suis jeune ? Pour ces garçons, le corps n’est pas sacré. Ils ne le ménagent pas ; au contraire, ils le brûlent avec les drogues, l’alcool, la danse. » Ces corps, dont le style à la virilité fière et ambiguë a immédiatement interpellé Chiha pour sa cinégénie, ne sont jamais objectivés ou exotisés. Son regard est plutôt dans le registre de l’idéalisation. Il a vu en eux de vrais héros de cinéma. C’est pourquoi il leur a proposé

Les fétiches convoqués nous renvoient à de vieilles légendes, aux films de Kenneth Anger ou aux dessins de Tom of Finland. 64


FILMS

Les jeunes hommes qu’il a filmés exagèrent tout le temps, friment sans s’excuser. C’est avant tout cette tendance à se mettre en scène que le cinéaste voulait recueillir. Et c’est pour cela que le documentaire de Chiha tire autant vers la fiction : le cinéaste les a toujours encouragés à se raconter comme ils le voulaient (puisqu’ils s’expriment entre eux dans une langue mêlant romani, bulgare, turc et dialecte viennois, le réalisateur ne comprenant de toute façon pas ce qu’ils disaient au moment du tournage) et s’ils le voulaient (ils étaient payés pour leur présence sur le plateau, qu’ils soient filmés ou pas). D’où un dispositif qui met la parole au centre : il ne s’agit pas de filmer des passes (bien que les garçons l’aient proposé à Chiha) mais de les écouter raconter comment ils vivent la prostitution. De fait, en plus des séquences durant lesquelles le cinéaste les a suivis dans leur environnement (le bar où ils travaillent,

— : de Patric Chiha

Épicentre Films (1 h 28) Sortie le 8 février

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ZOOM

LA NUIT ON MENT

l’appartement insalubre qu’ils partagent à dix, la boîte de nuit qu’ils fréquentent tous les vendredis), la production a loué des espaces de jeu très stylisés qui servaient d’ateliers d’improvisation. Pendant ces séances, les protagonistes parlent de leur part d’ombre avec innocence, malice ou mélancolie. Y sont évoqués les passes, l’exil, les familles restées au pays. Mais le film transcende la chronique du tapin ordinaire. À l’écran, ce sont leurs fantasmes et ceux du réalisateur qui se mêlent dans des bas-fonds brumeux où jaillissent de sublimes jeux de lumière. Les fétiches convoqués (la moto, le bonnet de marin, le tatouage…) nous renvoient à de vieilles légendes, aux films de Kenneth Anger ou aux dessins de Tom of Finland, à une imagerie gay old school, limite cliché mais toujours sulfureuse, qui exalte avec lyrisme une marginalité fascinante. La nuit on ment. Alors pourquoi ne pas se parer ou se farder comme des vieux mythes toujours incandescents ? • QUENTIN GROSSET

ZOOM

un jeu étrange : faire un film ensemble. « Au début, ils ne comprenaient pas très bien ce que je voulais. Moi non plus d’ailleurs. On a passé un an ensemble. On a bu, fumé, joué au billard. Ils ont progressivement senti que je n’était pas un chasseur de vérité, que je n’avais rien à leur voler. Ils étaient d’accord pour tourner, à condition que le résultat ressemble vraiment à un film de fiction. Et qu’ils soient beaux à l’écran. »


FILMS

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MOONLIGHT

Trois

étapes du parcours d’un jeune garçon vers l’affirmation de son identité. Un somptueux mélodrame, pudique, sensible et profondément politique, qui marque la naissance d’un cinéaste important.

Personne ne l’avait vu venir. Pourtant, depuis sa présentation aux derniers festivals de Telluride et de Toronto en septembre, Moonlight est un véritable phénomène comme seul le cinéma indépendant américain peut en produire. Encensé à juste titre par la critique, récompensé aux Golden Globes, soutenu par une Amérique traumatisée par le résultat de la dernière élection présidentielle et le départ de Barack Obama, ce récit d’une enfance chaotique dans les quartiers noirs de Miami arrive à point nommé. Pourquoi ? Parce qu’il ose un cinéma politique et pourtant ultra stylisé, social et néanmoins universel, qui bouscule les préjugés et place la sensibilité et l’émotion au centre de tout. Divisé en trois chapitres marqués par de fortes ellipses dramatiques, le film suit le parcours de Chiron, jeune gay afro-américain des quartiers pauvres, vers une forme de paix intérieure, un cessez-le-feu intime qui met le spectateur K.O. Adapté d’une pièce de théâtre autobiographique, le film formule ainsi avec beaucoup de subtilité et de pudeur une quête effrénée et chaotique vers la douceur. À hauteur d’enfant, d’adolescent puis d’homme, Barry Jenkins filme l’Amérique des déclassés

en leur donnant une dimension romanesque, quasi mythologique, qui transcende la violence sociale. Moonlight est un conte de fée réaliste où les bonnes fées sont des trafiquants (merveilleux Mahershala Ali, très émouvant), les sorcières, des mères fracassées et trop aimantes, et où le baiser tant attendu pourrait bien effectivement libérer le héros de son sommeil. Empruntant son romantisme et sa mise en scène ultra sensorielle au cinéma formaliste asiatique du début des années 1990 (Wong Kar-wai, Hou Hsiao-hsien), Jenkins ose dépasser le misérabilisme attendu de son sujet pour mieux formuler une œuvre composite, complexe, qui bouleverse autant par la puissance de son récit que par le tour de force politique qu’elle opère et les barrières idéologiques qu’elle fait tomber. Un film profondément beau et intelligent, baigné d’une grâce folle. • RENAN CROS

— : de Barry Jenkins Mars (1 h 51) Sortie le 1er février

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L E P E I N T RE Q U I S’OPPOSA À L A D I C TAT U RE SOVIÉT IQUE

K M B O

P R É SE N TE

LES F L E U R S

BLEUES (AFTERIMAGE)

AKSON STUDIO, TELEWIZJA POLSKA S.A., NATIONAL AUDIOVISUAL INSTITUTE, EC1 ŁÓDŹ - THE CITY OF CULTURE, CAMERIMAGE FILM FESTIVAL - TUMULT FOUNDATION POLISH FILM INSTITUTE PRÉSENTENT UN FILM LES FLEURS BLEUES (AFTERIMAGE) SCÉNARIO, D’APRÈS UNE IDÉE DE ANDRZEJ WAJDA ANDRZEJ MULARCZYK AVEC BOGUSŁAW LINDA EWA BRODZKA ASSISTANT RÉALISATEUR MAREK BRODZKI SON MARIA CHILARECKA KACPER HABISIAK MARCIN KASIŃSKI MAQUILLAGE JANUSZ KALEJA COSTUMES KATARZYNA LEWIŃSKA CHEF DÉCORATEUR MAREK WARSZEWSKI DÉCORATRICE INGA PALACZ MUSIQUE ANDRZEJ PANUFNIK MONTEUR GRAŻYNA GRADOŃ PSM DIRECTEUR DE PRODUCTION PAWEŁ GABRYŚ PRODUCTEUR EXÉCUTIF MAŁGORZATA FOGEL- GABRYŚ PRODUCTEUR MICHAŁ KWIECIŃSKI DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE PAWEŁ EDELMAN PSC RÉALISATEUR ANDRZEJ WAJDA CO-FINANCÉ PAR LE

PRODUCTEUR ASSOCIÉE ET CASTING

L E

DE R N I E R

C H E F

A N D R Z E J

D ’ Œ U V R E

D E

W A J D A

AU CINÉMA LE 22 FÉVRIER


FILMS

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JACKIE

Le

Chilien Pablo Larraín s’aventure aux États-Unis pour un passionnant anti-biopic de la veuve de John Fitzgerald Kennedy durant les jours qui suivent l’assassinat de son mari.

Dallas, Texas, 22 novembre 1963. Une décapotable fuse sur le bitume. Elle fuit les balles meurtrières qui viennent d’atteindre le 35e président des États-Unis au cou et en pleine tête… C’est le cœur traumatique de l’anti-biopic de Pablo Larraín, savant puzzle narratif gravitant autour du drame comme les éclats d’une vitre autour d’un impact. Soit un plan-séquence rapide au cours duquel la caméra rattrape la voiture en la survolant tel un spectre curieux – sur la banquette arrière, le cadavre encore chaud de JFK repose sur les genoux de Jackie. L’ex-First Lady, en larmes, reviendra sur cet instant avec moult détails sanglants au micro d’un journaliste. Avant de se raviser. Car l’important est moins l’authenticité sordide du témoignage que la trace laissée par son récit dans l’héritage politique de John Fitzgerald Kennedy.

Malgré son expatriation nord-américaine, et un sujet a priori éloigné de ses problématiques habituelles sur le refoulé politique du Chili, Larraín retombe en fait sur l’un de ses motifs clés : l’art très politique du storytelling. Comme dans ses films No (2013) et Neruda (sorti début janvier), il s’agit de « fabriquer » l’histoire, au détriment de la vérité s’il le faut. Au diable, donc, l’émotion réelle qui submerge Jackie. Elle la garde pour Dieu et les couloirs kubrickiens de la Maison-Blanche, dans lesquels elle déambule seule, ivre de rage et de chagrin. Au diable, aussi, ceux qui lui déconseillent d’organiser des funérailles dans la rue, par mesure de sécurité : si Abraham Lincoln y a eu droit, pourquoi pas son mari ? De ce duel intérieur entre la raison et l’affect naît un fascinant portrait tragique. • ÉRIC VERNAY

— : de Pablo Larraín Bac Films (1 h 40) Sortie le 1er février

L’ASSASSINAT DE JFK EN 3 SÉQUENCES Zapruder Film d’Abraham Zapruder (1963) Ce home movie documentant le meurtre fascine car, comme l’écrit Jean-Baptiste Thoret dans 26 secondes : l’Amérique éclaboussée, « il montre tout mais n’explique rien ».

JFK d’Oliver Stone (1992) Dans ce film-dossier imbriquant faits réels et fiction, l’assassinat bénéficie d’une reconstitution spectaculaire. Captée par sept caméras, le tournage de cette scène a coûté quatre millions de dollars. 68

Mad Men saison 3, épisode Les Grands de Barbet Shroeder (2010) Le drame, du point de vue du peuple américain. Barbet Shroeder filme un moment suspendu, irréel, durant lequel les personnages restent stupéfaits devant leur poste de télévision.



FILMS

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LE CONCOURS

Claire

Simon délaisse les clairières enchantées du bois de Vincennes (Le Bois dont les rêves sont faits) pour se pencher sur un autre écosystème, celui de La Fémis, au moment du concours d’entrée dans cette prestigieuse institution. Filmée de haut, une horde de concurrents pénètre dans l’enceinte de l’établissement, décidés à entrer à La Fémis, Graal des écoles de cinéma en France, avant de prendre place pour la première épreuve. Du plan du millier d’anonymes entassés dans l’amphi à la photo de classe de la cinquantaine de candidats reçus quelques mois après, Claire Simon filme les différentes phases du concours en s’intéressant au tout, pas au particulier. Depuis les entrailles de La Fémis, la cinéaste, directrice du département réalisation de l’école pendant onze ans, filme la machine, le système concours, ce drôle de scénario

inventé par notre méritocratie républicaine, avec ses étapes, ses codes, ses juges et ses jugés. Mais au-delà du témoignage anthropologique passionnant, Le Concours touche par sa grande sensibilité. En montrant les membres du jury défendre corps et âme « leurs » candidats et s’affronter autour de profonds désaccords éthiques (faut-il privilégier le talent ? l’égalité des chances ?), le film révèle que, en dépit du système de notes un peu froid, l’admission se joue d’abord sur un facteur humain. Du bois de Vincennes aux salles d’examen trop éclairées, Claire Simon sait toujours où poser sa caméra pour saisir l’humanité là où elle est. • RAPHAËLLE SIMON

— : de Claire Simon

Sophie Dulac (1 h 59) Sortie le 8 février

3 QUESTIONS À CLAIRE SIMON Vous vouliez vous essayer au documentaire sur une institution à la Frederick Wiseman ? Oui, mais pas comme Wiseman, justement, même si j’admire son travail. Lui s’intéresse aux forces en présence à un moment x, sans se préoccuper du scénario du lieu. Moi, je colle au scénario dans lequel les gens se projettent – j’ai filmé toutes les étapes du concours.

On a l’impression que vous auriez pu filmer n’importe quel concours d’entrée de grande école… Oui, c’est le système qui m’intéresse avant tout. On m’a reproché de faire de l’entre-soi avec ce documentaire sur une école de cinéma, mais, au contraire, c’est un film sur un rite de notre société. La question du concours, c’est le passage des générations. 70

Et vous, pour ce qui vous concerne, avez-vous déjà passé un concours ? Non, je suis trop trouillarde. Cela dit, je dois souvent défendre mes films devant le CNC, et c’est comme passer un concours. Les gens ne comprennent jamais ce que je veux faire. Au bout de treize films, c’est lassant. On m’a demandé si ce film était une revanche… Peut-être, inconsciemment !



FILMS

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DAVID LYNCH. THE ART LIFE

Habituellement

peu disert sur sa vie et la genèse de ses films, David Lynch se livre comme jamais dans ce documentaire, qui propose une plongée rêveuse et entêtante dans le cerveau de l’un des plus grands créateurs contemporains. Ceux qui veulent décoder l’œuvre labyrinthique de David Lynch ne le font pratiquement jamais à l’aune de sa biographie – ce n’est pas forcément l’angle le plus évident pour décrypter le style d’un auteur qui privilégie l’onirisme, les visions tordues, les chausse-trapes. Avec ce documentaire en forme de portrait trouble, on se dit pourtant que ses souvenirs sont une clé pour mieux le comprendre. En prenant le parti de ne raconter que sa jeunesse (son enfance heureuse dans une famille qui déménageait souvent, sa découverte de la peinture, sa méfiance envers les écoles d’art dans lesquelles il a étudié, à Boston et à Philadelphie…), le film s’écarte d’emblée du catalogue des grands moments de sa vie. Le réalisateur de Mulholland Drive (2001) est suivi dans son atelier, s’adonnant à son travail de plasticien en compagnie de sa fille

en bas âge, Lula. À ces images où l’artiste apparaît concentré, silencieux, se mêlent des archives inédites (photos de famille, courts métrages de jeunesse, croquis, peintures…) sur lesquelles les réalisateurs s’appuient pour relater son parcours de jeune peintre. Mais c’est surtout sa voix flottante et nasillarde qui conduit le récit, le déforme, le fait dévier. Lynch est un très grand conteur, et quand il parle de la fois où, tout jeune homme, une nuit, il s’est volontairement enfermé dans une morgue, ou du moment où il a montré sa cave remplie d’animaux morts à son père, on bascule tout de suite dans son univers jeté et fascinant. Le film n’est jamais didactique ou scolaire, ses auteurs ayant préféré mettre en valeur les zones d’ombre du personnage et les mystères de ses peintures. Si bien qu’à la fin on est un peu perdu, et c’est réjouissant. On ne sait plus si c’est l’homme qui éclaire l’œuvre, ou bien le contraire. • QUENTIN GROSSET

Sa voix flottante et nasillarde conduit le récit, le déforme, le fait dévier.

— : de Jon Nguyen, Olivia Neergaard-Holm et Rick Barnes Potemkine Films (1 h 30) Sortie le 15 février

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Jeff Nichols transpose l’histoire vraie d’un couple mixte persécuté par l’État ségrégationniste de Virginie à la fin des années 1950. Illégal, le mariage de Mildred et Richard Loving (c’est leur nom) les condamne à un exil de près de dix ans dans le district voisin de Columbia. Nichols dit avec précision l’infinie violence d’un racisme institutionnalisé et l’impact de l’histoire des Loving sur le mouvement des droits civiques – emmené par la combative Mildred Loving (impressionnante Ruth Negga), le couple a porté l’affaire jusque devant la Cour suprême des États-Unis. Mais le cinéaste, dont tous les films témoignent d’une grande estime à l’égard de la sentimentalité des personnages (Shotgun Stories, Take Shelter, Mud, Midnight Special), bouleverse surtout par sa manière

de rendre hommage à la patience et à l’abnégation des Loving pour faire exister leur amour. Raccord avec les personnages humbles et renfrognés de l’Amérique rurale qui peuplent son cinéma (ici, l’acteur Joel Edgerton, taiseux à souhait, fait des merveilles), Nichols filme le grand amour sans envolées lyriques (mouvements de caméra caressants, lumière douce, musique discrète) mais comme une force tranquille et insubmersible, installée dans un quotidien simple et ancrée dans le sol poussiéreux du sud des États-Unis. C’est la puissance et la singularité de Loving, beau film d’amour terre à terre. • JULIETTE REITZER

— : de Jeff Nichols Mars (2 h 03)

Sortie le 15 février

3 QUESTIONS À JEFF NICHOLS Avez-vous abordé le film comme un biopic ? Je l’ai plutôt envisagé comme un instantané d’une période précise, quoiqu’assez longue, de leur vie. Je l’ai abordé en termes de saisons, car l’enjeu était de montrer le passage du temps. C’est une grande part de leur punition : on les a privés de temps dans la maison qu’ils s’étaient choisie.

Comment décririez-vous Mildred Loving, la vraie héroïne du film ? C’est elle, l’agent du changement. C’était une femme magnifique, pleine de grâce. Après la mort de son mari, elle a dit : « Il me manque, il prenait soin de moi. » C’est à la fois très beau et très modeste, car, comme on le voit dans le film, c’est elle qui prend soin de lui. Tout est là. 73

À la douceur de l’histoire d’amour s’oppose la brutalité policière. Oui, je voulais faire ressentir une violence psychologique diffuse, cette peur permanente qui est la nature insidieuse du ségrégationnisme. Particulièrement dans les États du Sud, la communauté noire est encore aujourd’hui traitée différemment des autres, notamment par la police.

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L’Américain

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LOVING


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LA FEMME QUI EST PARTIE

— : de Lav Diaz ARP Sélection (3 h 46) Sortie le 1er février

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Couronné

du Lion d’or à la Mostra de Venise en 2016, le dernier film-fleuve du Philippin Lav Diaz joue sur les contrastes pour tracer le parcours d’une femme qui sort de prison. Horacia purge injustement une peine depuis trente ans, mais l’aveu tardif d’une de ses codétenues entraîne sa libération. La voilà recrachée dans la société philippine de 1997. Lav Diaz oppose d’emblée sa routine presque douce dans la prison, où elle organise des lectures de ses contes, à l’activité économique qui agite le pays à l’époque, alors que les immeubles poussent comme des champignons. En tentant de retrouver son fils et de se venger du mafieux qui l’a fait incarcérer, Horacia s’attache à plusieurs exclus (un vendeur ambulant, une SDF et un travesti) et recompose un amer et déchirant succédané de sa famille perdue. Par des jeux de noir et blanc et une temporalité qui se contracte et se dilate sans cesse, le cinéaste donne corps aux dilemmes moraux de la bienveillante mais revancharde Horacia, ainsi qu’au fossé béant entre les riches et les pauvres, toile de fond richement travaillée du film. • TIMÉ ZOPPÉ

YOURSELF AND YOURS

— : de Hong Sang-soo Les Acacias (1 h 26) Sortie le 1er février

En

vingt ans de carrière, Hong Sang-soo aura réalisé vingt films pile ; tous déclinant en un réflexe imperturbable le même programme romanesque, soit l’attraction mutuelle et changeante entre hommes et femmes au gré de leurs rencontres fortuites ou intentionnelles. Si Yourself and Yours se démarque, malgré une étoffe et un imaginaire en tout point similaires aux dix-neuf autres, c’est qu’il opère un basculement subtil de l’univers du cinéaste dans le surnaturel. En effet, il y a quelque chose qui tient de la nouvelle fantastique dans l’étrange récit de cette fille solitaire qui, dans le bar où elle a pris ses habitudes, se fait aborder par une suite d’hommes qui chaque fois reconnaissent en elle une ancienne aventure tandis qu’elle ne reconnaît personne, oubliant même d’une scène à l’autre ses nouveaux prétendants. Inutile de préciser que Hong Sang-soo exploite avec une grâce sans pareille ce paradoxe narratif jamais éclairci, lequel survit à tous les efforts de la raison pour tramer un élégant ruban de Möbius affectif dont les courbes malicieuses semblent renfermer, l’air de rien, absolument tout le mystère du désir entre les êtres. • LOUIS BLANCHOT

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POTEMKINE FILMS présente

Un film de JON NGUYEN RICK BARNES OLIVIA NEERGAARD-HOLM Produit par JON NGUYEN JASON S. SABRINA S. SUTHERLAND Co-produit par DOMINICK DUDA ANDERS V. CHRISTENSEN KRISTINA MAAETOFT UDSEN MARINA GIRARD-MUTTELET Montage OLIVIA NEERGAARD-HOLM Image JASON S. Musique JONATAN BENGTA Musique additionnelle JOSEF MARIA SCHÄFERS STELLA LUNCKE CLAYTON THOMAS BERND ÖSZEVM Design sonore PHILIP NICOLAI FLINDT Producteurs exécutifs ADAM GOLDBERG LAWRENCE MAKOW CHRISTOPHE VANDAELE KURT S. KITTLESON ALEXANDRE GAMA VINCE DI MEGLIO AGA WASIAK JOSEFINE BOTHE Une production DUCK DIVER FILMS En association avec KONG GULEROD FILM XANF STUDIO et HIDEOUT FILMS Avec la participation du CENTRE NATIONAL DU CINÉMA Distribution POTEMKINE FILMS

AU CINÉMA LE 15 FÉVRIER


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GIMME DANGER

— : de Jim Jarmusch Le Pacte (1 h 48) Sortie le 1er février

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Jim

Jarmusch, à l’invitation d’Iggy Pop lui-même, retrace dans un documentaire classique mais efficace la folle saga des Stooges. De leurs débuts à Detroit à leur reformation en 2003, l’iguane impétueux et ses acolytes se confient au cinéaste dans des entretiens posés et très intimes. Ils reviennent chronologiquement sur les frasques de leur groupe séminal – pas de punk rock sans les Stooges – qui a pourtant eu une première vie éphémère (différentes formations et une séparation entre 1967 et 1974). L’alternance entre interviews, images d’archives, animations très drôles à la Beavis and Butt-Head et extraits de films donne une bonne idée de ce que peut être une vie rock. Là où Jarmusch a eu du nez, c’est aussi dans le timing : il est assez émouvant de voir les membres du groupe disparus récemment (les frères Asheton, Steve Mackay…) revenir d’outre-tombe pour parler de leur trajectoire. Mais le plus fou, c’est quand même de se dire qu’Iggy Pop, vieux sage à la silhouette toujours athlétique, est encore debout après sa vie d’excès en tous genres. On est rassurés : en fait, l’attrait du danger, ça conserve pas mal. • QUENTIN GROSSET

SILENCE

— : de Martin Scorsese Metropolitan FilmExport (2 h 41) Sortie le 8 février

Trente

ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Martin Scorsese pour parvenir à adapter Silence, un roman de Shūsaku Endō qui décrit le calvaire d’un missionnaire dans le Japon du xviiie siècle. Une trentaine d’années, c’est aussi ce qui sépare le réalisateur américano-italien de La Dernière Tentation du Christ – sa première incursion dans le genre périlleux de la fresque chrétienne –, film dans lequel il s’agissait déjà pour lui d’explorer les affres et tourments de la dévotion religieuse… Silence accompagne le chemin de croix intérieur d’un prêtre (Andrew Garfield) en butte aux persécutions du shogunat – qui voit dans le christianisme le cheval de Troie de l’Occident et souhaite l’éradiquer. Rapidement pris dans les rets de ses oppresseurs, ce missionnaire se retrouve dès lors placé devant un dilemme : apostasier, ou condamner ses ouailles à une agonie sans fin. Mais le film a plus d’une corde à son arc et profite de cette histoire d’abjuration forcée pour offrir une éprouvante réflexion sur les apories de la foi, à la fois tranquillisée dans la forme et incroyablement torturée dans le fond. • LOUIS BLANCHOT

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FUKUSHIMA MON AMOUR

— : de Doris Dörrie Bodega Films (1 h 44) Sortie le 15 février

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du Japon, la réalisatrice allemande Doris Dörrie prend appui sur les décombres de Fukushima pour filmer avec grâce la renaissance de Marie, jeune femme venue d’Allemagne dans l’espoir de trouver une direction nouvelle à sa vie. Dans un endroit dévasté par la catastrophe nucléaire de 2011, les personnes âgées ayant refusé de partir habitent dans des préfabriqués de fortune, leur quotidien à peine égayé par la fantaisie de Marie, tour à tour clown ou prof de cerceau. Quand, une énième fois, l’exilée est interrogée sur les raisons de sa présence, elle éclate en sanglots : « Parce que je suis une connasse qui pensait se sentir mieux en aidant les gens qui vont mal. » À la fois drôle, âpre et touchant, le récit se pare d’atours fantastiques en pénétrant la maison en ruines de Satomi, geisha hantée par le destin funeste de sa dernière apprentie. Sertis dans un écrin en noir et blanc, quelques plans sur la danse d’un rideau, caressé par le vent, ou sur la couleur ternie de photos anciennes suffisent à invoquer spectres d’un passé douloureux et angoisses d’un futur incertain… Petit précis de résilience au cœur des terres irradiées. • OLIVIER MARLAS

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Amoureuse

L’INDOMPTÉE

— : de Caroline Deruas Les Films du Losange (1 h 38) Sortie le 15 février

Deux

créatrices affrontent leurs démons dans le cadre enchanteur de la villa Médicis : une première œuvre au charme voluptueux. Coscénariste des derniers films de Philippe Garrel, Caroline Deruas raconte l’emprise qu’exercent sur nous les êtres, les lieux, les œuvres, jusqu’à nous engloutir… ou nous libérer. Camille, écrivain (Clotilde Hesme), et Axèle, photographe (Jenna Thiam), sont en résidence à la villa Médicis, à Rome, « la ville la plus riche d’histoire, la plus instructive et qui parle le plus à l’imagination ». Entre ces deux artistes au profil opposé (la première a les pieds sur terre et du vague à l’âme, la seconde est une boule de feu tombée du ciel) se noue une relation mêlant rivalité et fascination. Si l’esprit de sérieux guette, il est chassé subito par la partition allègre de Nicola Piovani ou les apparitions de Lolita Chammah et Virgil Vernier, éléments comiques de cette colo chic. Osant l’onirisme échevelé (des sculptures qui prennent vie) et le réalisme trivial (la question des coupes budgétaires), Deruas, ex-pensionnaire de la Villa, ouvre avec gourmandise toutes les portes de cette maison hantée propice au syndrome de Stendhal. • JULIEN DOKHAN

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FILMS

LES DERNIERS PARISIENS

— : de Hamé et Ékoué Haut et Court (1 h 45) Sortie le 22 février

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En

suivant Nas (Reda Kateb) reprendre ses marques après vingt-quatre mois de prison, les cinéastes Hamé et Ékoué, par ailleurs membres du groupe de rap La Rumeur, filment tout à la fois le renouveau d’un magouilleur ambitieux et l’atmosphère si particulière d’un quartier mythique de Paris. Le banlieusard rêve de réussite en organisant dans le bar de son frère aîné (Slimane Dazi) des soirées renouant avec le Pigalle festif des années 1990. Pulsé par la bande-son excellente de Demon et Pepper Island, le film chemine avec nervosité entre drame familial violent et trajectoire de petits gangsters, lorgnant du côté de Mean Streets de Martin Scorsese (1976). Portée par un plaisir évident à filmer les dessous de Pigalle, la caméra valorise ses travailleurs invisibles – épiciers, videurs, barmen, employés de kebabs – évoluant au milieu des touristes et des néons d’un boulevard populaire aujourd’hui pris en étau par les enseignes bobos. Mais le quartier est aussi le territoire d’une lutte sans merci pour le pouvoir et l’argent (filmé, constamment, passant de main en main) où Nas et ses acolytes viendront confronter leurs rêves de grandeur à la réalité du business. • PAULINE LABADIE

SPLIT

— : de M. Night Shyamalan Universal Pictures (1 h 57) Sortie le 22 février

Après

The Visit, qui lui avait permis de s’essayer au found footage, M. Night Shyamalan embrasse à nouveau les codes d’un pur thriller de série B avec Split, qui met en scène trois adolescentes séquestrées par un homme des plus inquiétants. C’est peu de le dire, puisque Kevin est atteint de trouble de la personnalité multiple, son esprit étant morcelé en vingt-trois identités distinctes, dont certaines mal intentionnées. Quand deux d’entre elles affirment croire en l’existence d’une vingt-quatrième personnalité, plus redoutable que toutes les autres, le film renoue avec une thématique chère à M. Night Shyamalan : celle d’une histoire à laquelle il faut qu’au moins un personnage croie pour qu’elle puisse se réaliser. De quoi convoquer le souvenir d’autres personnages à la portée méta chez le cinéaste – « Ceux dont on ne parle pas » dans Le Village, ou la bien nommée Story dans La Jeune Fille de l’eau. Le réalisateur prolonge ainsi son discours récurrent sur la construction de la fable au cinéma et la croyance presque active du spectateur. Cela ne fait aucun doute, le pouvoir de suggestion de M. Night Shyamalan est intact. • HENDY BICAISE

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FILMS

FIXEUR

— : d’Adrian Sitaru Damned (1 h 39) Sortie le 1er mars

20TH CENTURY WOMEN

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ses succès en festivals, Adrian Sitaru reste un cinéaste méconnu parmi ses pairs de la fameuse « nouvelle vague roumaine ». Après l’excellent Illégitime (2016), il confirme son talent avec Fixeur, son cinquième film, dans lequel il n’est plus question d’inceste, mais de journalisme et de prostitution. Le rapprochement entre les deux activités peut paraître incongru : des liens se dessinent pourtant, alors que l’on suit le parcours du jeune et ambitieux Radu. Engagé comme fixeur par un reporter français pour aller interroger une mineure victime d’un réseau de proxénétisme franco-roumain, Radu remet peu à peu en question le bien-fondé de leur démarche – les vertus prétendument informatives de leur reportage télé pèsent-elles vraiment quelque chose face à la violence de leur intrusion dans la vie de cette adolescente traumatisée ? Tout en nous invitant à nous positionner sur l’échiquier moral de chaque situation (toujours complexe ou ambiguë), Sitaru ne se départit jamais de son sens aigu du désamorçage comique. D’où un film aux tonalités poreuses, aussi retors que ludique. • ÉRIC VERNAY

— : de Mike Mills Mars (1 h 58) Sortie le 1er mars

Pour

son troisième long métrage, le réalisateur américain Mike Mills (Âge difficile obscur, Beginners) a voulu rendre hommage aux femmes qui l’ont élevé. D’inspiration autobiographique donc, ce film doux-amer qui se déroule dans la Californie de la fin des années 1970 est une jolie chronique de l’adolescence du jeune Jamie, qui vit entre sa mère, Dorothea (Annette Bening), la locataire de cette dernière, Abbie (Greta Gerwig), et sa meilleure amie, Julie (Elle Fanning). Quand Abbie initie Jamie au féminisme et au punk, que Julie l’éveille aux sentiments, Dorothea voit son fils mûrir, mais aussi un peu s’éloigner… Mike Mills confronte trois générations de femmes indépendantes et montre ce qui les relie, ce qui les sépare. À travers son alter ego Jamie, il relate ce qu’elles lui ont toutes apporté dans sa formation intellectuelle. Ces souvenirs portent une belle question : comment grandissait-on à la fin du xx e siècle ? Mills répond avec nuance et sensibilité en écrivant de vrais beaux portraits, chaque protagoniste étant bien plus qu’une simple incarnation de poncifs générationnels. • QUENTIN GROSSET

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Malgré


FILMS NOUS NOUS MARIERONS

Karim est un jeune boxeur amateur tiraillé entre son désir immense de passer pro et le besoin de rassurer Faten, sa future épouse, en lui garantissant un train de vie stable. Si le portrait du couple manque de nuances (la femme est un brin naïve, l’homme, un peu trop égoïste), le film trouve son souffle dans les scènes d’entraînement et de combat. • O. M.

— : de Dan Uzan (KMBO, 1 h 16) Sortie le 8 février

ROCK’N ROLL

Guillaume Canet, à qui une jeune comédienne a dit qu’« il n’était pas très rock », a peur de devenir un acteur ringard. Il surprend son entourage en allant très loin pour se débarrasser de cette image fanée… Plutôt à l’aise dans le registre potache, Canet livre une autofiction parodique dans laquelle quelques trouvailles visuelles font sourire. • Q. G.

— : de Guillaume Canet (Pathé, 2 h 03) Sortie le 15 février

DANS LA FORÊT

Vivant avec leur mère, Tom et Benjamin profitent de l’été pour retrouver leur père, en Suède. Dans une cabane isolée, au bord d’un lac, où chaque bruit, chaque silence éprouve l’imaginaire, le frère cadet a des visions qui l’empêchent de dormir… Inégale dans l’écriture des personnages, l’excursion vaut surtout pour sa dimension fantastique. • O. M.

— : de Gilles Marchand (Pyramide, 1 h 43) Sortie le 15 février

CHEZ NOUS

Infirmière dans une petite ville près de Lens, Pauline accepte d’être la candidate aux élections municipales du Bloc patriotique (qui ressemble à s’y méprendre au Front national) et se retrouve modelée à son image… Si les personnages sont trop souvent réduits à des sociotypes, le film décrypte brillamment la mécanique du discours populiste. • Q. G.

— : de Lucas Belvaux (Le Pacte, 1 h 58) Sortie le 22 février

MADAME B. HISTOIRE D’UNE NORD-CORÉENNE Avec une économie de moyens manifeste, ce documentaire suit le périple d’une Nord-Coréenne qui traverse la Chine, le Laos et la Thaïlande pour retrouver sa famille réfugiée en Corée du Sud. La vie de Madame B, si riche qu’elle semble sortie d’une fiction, permet d’aborder sans concession la situation des passeurs profitant de la détresse des clandestins. • O. M.

— : de Jero Yun (New Story, 1 h 11) Sortie le 22 février

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POTEMKINE FILMS PRÉSENTE

APRÈS RUMBA ET LA FÉE, LA NOUVELLE COMÉDIE D’ABEL & GORDON EMMANUELLE

RIVA

PIERRE

RICHARD

DOMINIQUE

ABEL

UN FILM DE

PHOTO LAURENT THURIN-NAL / GRAPHISME JÉRÔME LE SCANFF

ABEL & GORDON

AU CINÉMA LE 8 MARS ABEL & GORDON UN FILM DE

FIONA

GORDON


FILMS DE SAS EN SAS

Pour sa première réalisation, la comédienne Rachida Brakni engouffre sa caméra dans une prison où, par une journée étouffante, elle suit l’attente infernale pour le parloir d’un groupe de femmes en visite. Si le dispositif de ce huis clos aux personnages très caractérisés est un peu théâtral, la cinéaste parvient à saisir une belle énergie de groupe. • R. S.

— : de Rachida Brakni (Capricci Films, 1 h 22) Sortie le 22 février

LA PAPESSE JEANNE

Figure légendaire, la Papesse Jeanne (Agathe Bonitzer, toute en retenue) aurait profité d’une vacance du pouvoir au ixe siècle pour accéder au trône papal. Librement adapté, le récit historique se mue en voyage spirituel ; favorisant l’atmosphère à l’intrigue, il nous entraîne en Corse, dans des décors naturels qui invitent à la contemplation. • O. M.

— : de Jean Breschand (Shellac, 1 h 31) Sortie le 22 février

LES FLEURS BLEUES

Décédé en octobre, l’auteur de L’Homme de fer célèbre dans cet ultime film Władysław Strzemiński, peintre d’avant-garde opposé au régime communiste. Loin de la modernité prônée par son héros, Wajda fait le choix du classicisme. Mais on est ému de voir ce vétéran saluer un artiste résistant, au moment où le pouvoir polonais renoue avec la censure. • J. Do.

— : d’Andrzej Wajda (KMBO, 1 h 38) Sortie le 22 février

LION

À Calcutta, un petit garçon est adopté par un couple australien. Devenu adulte, et obsédé par des bribes de souvenirs de son enfance, Saroo (intense Dev Patel) part en quête de son passé. Inspiré d’une histoire vraie, Lion est une grande fresque mélodieuse qui sublime les immenses territoires indiens tout en questionnant la complexité des liens filiaux. • P.  L .

— : de Garth Davis (SND, 2 h 09) Sortie le 22 février

NOCES

En Belgique, Zahira, une lycéenne d’origine pakistanaise, indépendante et joyeuse, voit son univers menacé quand sa famille lui impose soudainement un mariage traditionnel… Porté par la très charismatique Lina El Arabi et des seconds rôles inspirés, le film parvient à distiller une émotion certaine, au prix de quelques facilités de scénario. • O. M.

— : de Stephan Streker (Jour2fête, 1 h 38) Sortie le 22 février

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FILMS À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS

Perdus au milieu de la campagne anglaise, les Cutler font partie d’une communauté vivant à l’écart du monde, en marge de la loi. Chad (Michael Fassbender) souhaite un autre horizon pour ses enfants, mais son père (Brendan Gleeson) entend bien préserver les traditions… D’une tension constante, ce drame familial est singulièrement bien écrit. • O. M.

— : d’Adam Smith (The Jokers, 1 h 39) Sortie le 1er mars

PAULA

Centré sur Paula Modersohn-Becker, peintre d’avant-garde et figure majeure de l’Expressionnisme allemand, ce biopic s’installe de manière classique (l’initiation à Worpswede), avant de prendre une tournure plus ludique en nous plongeant dans l’effervescence culturelle du Paris des années 1900 où l’on croise notamment la route de Rodin et de Rilke. • O. M.

— : de Christian Schwochow (Happiness/Pyramide, 2 h 03) Sortie le 1er mars

PERSONAL AFFAIRS

Tandis que, à Nazareth, un couple âgé se dissout lentement dans la routine, leurs enfants et amis, dispersés entre Ramallah et la Suède, tentent de concilier aspirations personnelles et entraves quotidiennes (ennui, répression politique). Premier long métrage, cette chronique israélienne capte avec tendresse l’éternelle fuite du temps. • O. M.

— : de Maha Haj (Sophie Dulac, 1 h 28) Sortie le 1er mars

TRAMONTANE

Dans une petite ville libanaise, au moment d’obtenir son passeport pour partir en Europe, un jeune chanteur aveugle découvre qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents, et qu’il est même apatride… Exhumant les traumatismes de la guerre civile (1975-1990), ce drame à l’envoûtante musique ausculte le passé sans aucun moralisme. • O. M.

— : de Vatche Boulghourjian (Ad Vitam, 1 h 45) Sortie le 1er mars

T2 TRAINSPOTTING

À la fin du premier volet, Mark Renton quittait Édimbourg avec une belle valise remplie de billets, laissant ses potes junkies Sick Boy, Begbie et Spud dans la mouise, la dope et l’ennui. Vingt ans après, le revoilà dans un film nostalgique où les personnages sont tombés dans une addiction aussi dévastatrice que l’héroïne : l’esprit de revanche. • Q. G.

— : de Danny Boyle (Sony Pictures, 1 h 57) Sortie le 1er mars

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LE TEST PSYNÉPHILE

ES-TU (ENCORE) AU TOP ?

Quelle est ta réaction quand on te demande ton âge ?

Quelqu’un te fixe dans la rue… Tu fais un sourire charmeur et t’aperçois trop tard que ce n’est pas toi que l’on fixait.

Tu es choqué(e), c’est si impoli.

Tu décides de fixer la personne en retour pendant quarante-huit heures.

Tu ricanes et rejoins ta meute.

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Tu gifles la personne avant de répondre. Quelle est ta dernière folie ? Acheter des pilules à la rose pour parfumer tes flatulences.

C’est une habitude à prendre. Quel relou de soirée es-tu ? Tu es la fille qui repart avec le plus beau gosse de la soirée, à minuit, même pas saoule.

Tenter de relancer la mode de la queue de rat. Ah, non, quitter une conférence de presse en citant Éric Cantona. Ou… « Je ne peux pas l’avouer, je ne me comprends pas moi-même. » Si ta vie était un film, ce serait… Un road movie enfiévré à travers les États-Unis avec une bande de marginaux.

Tu es celui qui débarque en tenue nazie à une soirée déguisée années 1980. Tu es le vieux beau qui met toutes les adolescentes mal à l’aise en boîte. Es-tu jaloux(se) ? Uniquement de Marilyn Monroe et de Grâce Kelly.

Un biopic envoûtant et mélancolique qui va rafler tous les oscars.

Affreusement, de tous les jeunes cons qui pensent que tu n’es pas rock.

Une comédie satirique sur la crise de la quarantaine.

La jalousie, c’est un truc de vieux.

SI TU AS UNE MAJORITÉ DE : OUI, TU ES AU TOP (ET C’EST AFFREUSEMENT AGAÇANT) Tu es parfait(e) en toutes circonstances, comme Natalie Portman, et donc tu sais déjà qu’il faut aller admirer sa performance dans Jackie (sortie le 1er février), le biopic hypnotique du cinéaste chilien Pablo Larraín – le talent inouï du réalisateur de Neruda va te décoiffer. C’est un chef-d’œuvre.

NON, TU ES UN HAS BEEN (ET ÇA TE FAIT DISJONCTER) Tu vas te sentir très proche de Guillaume Canet dans son film Rock’n roll (sortie le 15 février). Mise en abyme déjantée de ses propres doutes, ce cinquième long métrage, tourné avec sa bande de potes habituelle (Marion Cotillard, Gilles Lellouche…) est une comédie grinçante, jubilatoire et inattendue.

NON, TU ES PLUTÔT AU FOND (MAIS TU T’Y PLAIS BIEN !) Alors laisse-toi embarquer dans le van d’American Honey (sortie le 8 février), le nouveau film d’Andrea Arnold. La réalisatrice offre enfin à Shia LaBeouf un rôle à la hauteur de sa folie. Il excelle et nous emporte, avec sa meute de clochards célestes, dans une Amérique désenchantée. C’est dérangeant, sensuel, dément.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 84


Majdal Films et Sophie Dulac Distribution présentent

“ Une chronique légère des anicroches ordinaires ” Le Monde

HAÏFA 2016 PRIX DE LA CRITIQUE

PRIX DU MEILLEUR FILM

PERSONAL AFFAIRS

UN FILM DE MAHA HAJ AVEC AMER HLEHEL, DORAID LIDDAWI, MAHMOUD SHAWAHDEH, SANA SHAWAHDEH, HANAN HILLO, MAISA ABD ELHADI, ZIAD BAKRI, JIHAN DERMELKONIAN COSTUMES HAMADA ATALLAH MAQUILLAGE RASHA SULIEMAN SON RAJA DUBAYAH 1ER ASSISTANT RÉALISATEUR EHAB BAHOUTH CASTING AMER HLEHEL MUSIQUE ORIGINALE HABIB SHEHADEH HANNA MIXAGE SON MICHAEL GOOREVICH PHOTOGRAPHIE ELAD DEBI MONTAGE VÉRONIQUE LANGE DIRECTRICE DE PRODUCTION LAURA HAWA PRODUCTEURS EHAB ASSAL, MUNTHER HAJ UN FILM PRODUIT PAR BAHER AGBARIYA, ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR MAHA HAJ, AVEC LE SOUTIEN DE L’ISRAEL FUND FOR FILM PRODUCTION

A U C I N É M A L E 1ER M A R S


avec Natalie Portman et Greta Gerwig

RAID DINGUE avec Ryan Gosling et Emma Stone

JACKIE

de et avec Dany Boon

LA LA LAND

LUMIÈRE ! L’AVENTURE COMMENCE

composé et commenté par Thierry Frémaux

LION

avec Dev Patel et Nicole Kidman

ET LES MISTRALS GAGNANTS de Anne-Dauphine Julliand de Grand Corps Malade et Mehdi Idir

ROCK’N ROLL

PATIENTS

avec Guillaume Canet et Marion Cotillard

de Stephan Streker

NOCES

CINQUANTE NUANCES PLUS SOMBRES avec Dakota Johnson et Kim Basinger

AMERICAN HONEY de Martin Scorsese

avec Shia LaBeouf et Sasha Lane

SILENCE

LEGO BATMAN, LE FILM

avec les voix de Stéphane Bern, Rayane Bensetti et Natoo

UGC CINE CITE – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine

T2 TRAINSPOTTING de Danny Boyle

Seul ou à deux, à partir de 17,90€ par mois

sur les frais de dossier

Offre valable du 1er février au 7 mars 2017

Plus de 1000 films par an dans près de 700 salles Conditions sur ugc.fr et au 01 76 64 79 64

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LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 8 ANS

COUL' KIDS

LES TROLLS

« Les Trolls sont des petits bonshommes avec des truffes à la place du nez et des cheveux qu’ils peuvent contrôler. Ils essaient d’échapper aux Bergens, qui ressemblent beaucoup à la vraie version des Trolls tels qu’on peut les imaginer, avec des visages pleins de moisissures. La seule chose qu’ils ont trouvée pour être heureux, c’est de manger les Trolls. En plus, les Bergens sont guidés par une dame qui pourrait avoir le prix Nobel de la méchanceté. La princesse des Trolls croit que tout n’est que cupcake et arc-en-ciel, ce qui n’est pas bien du tout. Le monde n’est pas fait que de ça, il peut devenir très mauvais ; et il y a l’école, aussi. En plus, ça n’existe pas, quelqu’un qui n’a jamais été triste. Et je pense que c’est important de savoir qu’on va être triste, parce que, comme ça, on pourra se préparer à conserver sa joie. Il faut être joyeux mais un peu prudent cactus. L’autre chose qui m’embête dans Les Trolls, c’est qu’ils se font des câlins tout le temps. Si l’heure du câlin tombe à un moment où tout le monde est en colère, ils vont se bagarrer et se fâcher pendant très longtemps. Alors que, nous, c’est seulement quand on est heureux qu’on fait des câlins. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Conte pop tout entier dédié aux vertus de l’optimisme, Les Trolls rappelle Little Big Planet : à l’image de ce jeu vidéo culte, le film, avec ses paysages faits de feutrine, de coton et de laine, semble se dérouler dans une maison de poupées. Au milieu de ce monde outrancièrement kawaii se distingue un personnage étonnant : celui de la repoussante souillon Bridget, amoureuse introvertie d’un roitelet capricieux. Rien que pour ce petit monstre très attachant, Les Trolls vaut le coup d’œil. • JULIEN DUPUY — ILLUSTRATION : PABLO COTS

— : « Les Trolls » de Mike Mitchell et Walt Dohrn Sortie en Blu-ray et en DVD le 20 février (20th Century Fox) Dès 5 ans

RETROUVE LE MOT INTRUS QUI S’EST GLISSÉ DANS LA CRITIQUE D’ÉLISE : C_ _ _ _ _ 88


CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Prénom et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !

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L’EMPEREUR

SAHARA

Douze ans après le succès de La Marche de l’empereur, Luc Jacquet nous immerge à nouveau en Antarctique, à hauteur de manchots à la démarche pataude et à la fourrure majestueuse. Le destin touchant d’un mâle tentant de protéger son fils résonne comme un appel à la sauvegarde d’une nature sublime mais fragile. • O. M.

Dans le désert du Sahara, un intrépide serpent bleu (Omar Sy au doublage) et son ami scorpion froussard traversent l’oasis qui appartient aux riches serpents verts… Ce film d’animation français, où chaque grain de sable est la promesse de rencontres inattendues, réjouit par son sens de l’humour et le bagout de ses reptiles. • O. M.

: de Luc Jacquet (Walt Disney, 1 h 22)

: de Pierre Coré (StudioCanal, 1 h 26)

Sortie le 15 février

Sortie le 1er février

Dès 6 ans

Dès 5 ans

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COUL' KIDS

Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


L’INTERVIEW DE PABLO, 17 ANS

PATRICK COHEN JOURNALISTE

COUL' KIDS

Vous avez toujours voulu être journaliste ? J’ai eu assez tôt cette idée en tête. Vers 14 ans, je lisais Le Monde, et, quand il se passait quelque chose d’important, j’achetais plusieurs quotidiens pour comparer les articles. Un peu plus tard, j’ai étudié le droit, et là j’ai hésité – j’aurais pu choisir d’être avocat, ou juge. Vous écoutiez la radio aussi ? Oui, chez moi, il y avait toujours une radio allumée ; ma mère, en particulier, l’écoutait beaucoup dans la cuisine. Étudiant, j’ai animé une émission, et j’adorais ça : parler, partager, passer des disques. Il y en a qui veulent être DJ en boîte ; eh bien moi, c’est à la radio que j’aimais faire ça. Votre émission commence à 7 heures. Ce n’est pas trop dur de travailler si tôt le matin ? J’ai un rythme complètement décalé. Mon réveil sonne à 3 heures et j’arrive à 4 heures à France Inter pour une réunion. Retrouver toute l’équipe en pleine nuit pour travailler et faire de la radio ensemble, c’est un moment que j’aime beaucoup. Donc votre journée se termine à 9 heures ? Non, quand l’émission est finie, je ne pars pas tout de suite, on discute avec l’équipe. Vers midi, je rentre chez moi dormir deux heures, et puis à 17 h 30 je retourne travailler, mais cette fois-ci à la télévision. J’ai des journées bien remplies ! Vous avez le temps de vous distraire, d’aller au cinéma ? À part pendant les vacances, j’ai vraiment la tête dans le guidon, mais la musique et le cinéma comptent beaucoup dans ma vie. J’aime les grands classiques, les films de Jean Renoir, Jacques Demy, Franck Capra. Quand

j’étais petit, j’adorais le dessin animé Le Livre de la jungle, pour la qualité de la musique et du dessin. Au mois d’avril, il y a l’élection présidentielle. Est-ce que vous votez ? Oui, je vote, et ça a toujours été très important pour moi. Vous interviewez beaucoup de personnalités politiques. Ce n’est pas trop dur de cacher vos opinions quand vous n’êtes pas d’accord avec eux ? Ah non, pas du tout. Ce n’est pas mon rôle de donner mon avis. Mon travail de journaliste m’oblige à rester neutre et à donner la parole à des invités qui ont des idées différentes, et peu importe ce que je pense.

• PROPOS RECUEILLIS PAR PABLO (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : YANN AUDIC

COMME PABLO, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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- HERGÉ -

POUR LA PREMIÈRE FOIS EN COULEURS !

LE DEBRIEF

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© HERGÉ-MOULINSART 2017

EN PARTENARIAT AVEC

© HERGÉ-MOULINSART 2017

Pablo a interviewé Patrick Cohen dans les locaux de Radio France. Le journaliste de France Inter présente l’émission d’information matinale la plus écoutée de France. « Pour aller au lycée, je me lève à 7 heures, et, même quand je ne suis pas bien réveillé, j’écoute la matinale de Patrick Cohen. C’était amusant de rencontrer quelqu’un que je ne connais pas personnellement mais dont la voix m’est très familière. Je veux devenir journaliste, alors c’était aussi impressionnant, mais il est très souriant et je me suis senti à l’aise. » • PABLO


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY

HAKADÉMIE

ATELIER

Des comédiens nous content les légendes de l’Océanie pour nous faire découvrir ses coutumes, son art et ses magnifiques tatouages maoris. Pour finir la visite en beauté, on se lance en famille dans l’apprentissage très tonique du haka, danse rendue célèbre par l’équipe de rugby néo-zélandaise.

: jusqu’au 26 mars au musée du quai Branly – Jacques Chirac, dès 6 ans

BOL D’AIR

CINÉ-CONCERT

Sur scène, un violoniste et un pianiste interprètent des airs d’Europe de l’Est ; sur l’écran, sept courts films d’animation russes défilent, de toutes les époques (de 1927 à 1997). Le spectacle Florilège au fil des neiges est plein de poésie.

: du 22 février au 5 mars à l’Espace Paris Plaine, dès 3 ans

COUL' KIDS

POILADE

THÉÂTRE

Dans Le Petit Poilu illustré, deux anciens soldats de la Première Guerre mondiale, autrefois artistes de cabaret, reviennent de l’au-delà. Ils atterrissent dans la chambre d’un enfant pour lui raconter la Grande Guerre. L’origine du conflit, la vie dans les tranchées, les batailles… rien n’échappe à l’irrésistible duo de clowns.

• CÉCILE ROSEVAIGUE

ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

: jusqu’au 1er avril au théâtre Essaïon, dès 9 ans

KIDS FRIENDLY

MACHINE À REMONTER LE TEMPS

PATRIMOINE

Depuis mi-décembre, on peut visiter la Conciergerie muni d’un HistoPad, une tablette tactile qui permet de visionner en réalité augmentée les lieux tels qu’ils étaient au Moyen Âge et à la Révolution. Cette visite immersive propose aussi une chasse au trésor virtuelle.

: à la Conciergerie, dès 8 ans

GO, BUSTER

CINÉMA

Un étudiant tombe amoureux d’une jeune sportive. Pour la séduire, il s’essaie à l’athlétisme et se lance dans de multiples démonstrations aussi spectaculaires que maladroites. Sportif par amour de Buster Keaton (1927) est projeté sur grand écran et accompagné par un pianiste en live : un plaisir à partager avec les petits cinéphiles.

: le 15 février à l’auditorium du Louvre, dès 5 ans

À VOS MASQUES, PARTEZ !

CARNAVAL

Jadis très populaire mais tombé dans l’oubli, le carnaval de Paris parade à nouveau dans les XIXe et XXe arrondissements depuis 1997. Pour profiter de la fête, il suffit de se joindre au cortège. Les enfants sont les bienvenus, d’autant plus que cette année le thème est « la ronde des fruits et légumes ».

: le 26 février dès 14 h, départ place Gambetta, dès 3 ans

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FAIS TON CINÉMA

BOULE À NEIGE Bas les moufles ! Avec un vieux pot en verre et quelques paillettes, tu peux fabriquer une boule à neige en restant bien au chaud chez toi.

1

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MATÉRIEL : bocal en verre, colle forte, paillettes de différentes tailles, sapins miniatures, eau. TEMPS DE RÉALISATION : 15 minutes. À PARTIR DE 4 ANS, avec un adulte. • PAR POULETTE MAGIQUE

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TOUTES LES ÉTAPES SUR WWW.POULETTEMAGIQUE.COM/BOULEANEIGE 93



OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


EXPOS

© COURTESY DE L ARTISTE ET DE LA GALERIE ALLEN, PARIS, BELO-GALSTERER, LISBONNE ET KRONENBERG WRIGHT, SYDNEY

MEL O’CALLAGHAN — : du 2 février au 8 mai au Palais de Tokyo •

: du 9 février au 11 mars à la galerie Allen

OFF

L’artiste

Mel O’Callaghan, Woe Implores Go, 2016

australienne Mel O’Callaghan articule performance, sculpture et vidéo pour donner à voir jusqu’où le corps et l’esprit peuvent nous entraîner. Effort et répétition constituent des leitmotivs de son œuvre ambitieuse au cœur de laquelle résident l’homme et sa condition, mis à l’épreuve – et en danger. Intitulée « Dangerous on-the-way », son exposition au Palais de Tokyo se présente comme un environnement immersif qui nous guide vers la projection monumentale d’un film stupéfiant réalisé à Bornéo. Deux fois par an, les membres de la tribu Orang Sungai s’engouffrent au péril de leur vie dans une grotte située en plein cœur de la jungle malaisienne afin d’y récolter des nids d’oiseaux, un mets très prisé des Chinois. Un geste qui demeure ici hors champ, l’artiste ayant choisi de se focaliser sur l’environnement (sur)naturel dans lequel ils progressent et sur les effets tant physiques que psychologiques de leur périlleux rituel – juchés sur d’instables échelles en corde s’élevant à plus de 120 mètres de haut, ils se balancent sur les parois rocheuses et glissantes, s’encourageant mutuellement avec cris et chants jusqu’à entrer dans une forme de transe collective. Poursuivant son exploration de l’expression plastique du franchissement des seuils et des états altérés, l’artiste a récemment entrepris une série de peintures sur plaque de verre qu’elle montre parallèlement à la galerie Allen : deux masses colorées viennent s’y épancher et s’y confronter dans un jeu de résistance et d’alliance. La lutte continue. • ANNE-LOU VICENTE

Effort et répétition constituent des leitmotivs de son œuvre ambitieuse.

CY TWOMBLY

BERNARD BUFFET

Toiles à demi vierges, taches de couleur et motifs ressemblant à des gribouillis : les créations de Cy Twombly (1928-2011) génèrent autant d’admiration que d’incompréhension. Une grande rétrospective au Centre Pompidou permet d’y voir plus clair dans cette œuvre revisitant la peinture d’histoire de façon inédite. Cent quarante peintures, dessins, sculptures, photographies plus ou moins connus témoignent des recherches plastiques de l’inclassable maître américain. • MARIE FANTOZZI

Si le public connaît le nom de Bernard Buffet, peu sont familiers de l’œuvre du peintre français (1928-1999). Pour lui rendre justice, le musée d’Art moderne de la ville de Paris lui consacre une rétrospective chronologique avec cent de ses toiles, en partie issues de sa collection. L’occasion de voir ou de revoir les visages émaciés, les silhouettes anguleuses et les teintes sourdes des scènes religieuses, allégoriques ou historiques qui ont fait de lui un artiste incontournable du xxe siècle. • M. F.

: jusqu’au 24 avril au Centre Pompidou

: jusqu’au 26 février au musée d’Art moderne de la ville de Paris

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ART COMPRIMÉ

Théâtre de l’Europe

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

ATELIERS BERTHIER 17e 25 FÉVRIER – 26 MARS

Un amour impossible d’après le roman de Christine Angot adapté par l’auteur mise en scène Célie Pauthe avec Maria de Medeiros Bulle Ogier

THEATRE-ODEON.EU 01 44 85 40 40

© Élisabeth Carecchio

Une marque sud-coréenne de cosmétiques, qui s’était de toute évidence fortement inspirée des dessins emblématiques d’enfants boudeurs du Japonais Yoshimoto Nara pour le packaging d’un de ses produits, a réagi au courrier d’avertissement que lui a adressé l’artiste de façon pour le moins kafkaïenne en portant plainte contre lui pour violation du droit d’auteur. • Une Anglaise de 8 ans, qui avait, le mois dernier, envoyé une lettre adressée à « n’importe quelle maison » à Paris, avec quelques questions sur la France, a reçu une réponse… du musée du Louvre. • Grande première au Vatican : une femme a été pour la première fois nommée à la tête des opulents musées de la cité-État. Barbara Jatta, archiviste et historienne de l’art italienne, en était la vice-directrice depuis juin. Cette annonce est raccord avec la volonté affichée du pape François d’encourager la réduction des inégalités hommes-femmes. • Une rétrospective de l’œuvre du toujours aussi anonyme et célèbre Banksy, organisée par son ancien agent, Steve Lazarides, se tiendra à Anvers à partir du 13 janvier au Shopping Stadsfeestzaal, un centre commercial. • Passer par la case prison et perdre ses trésors : en Espagne, des détenteurs d’œuvres d’art condamnés pour corruption peuvent voir leurs biens saisis et offerts au musée Reina Sofía. Une aubaine pour l’institution madrilène ! • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

@TheatreOdeon


EXPOS

ÉCLECTIQUE — : « Éclectique. Une collection du xxie siècle », © MUSÉE DU QUAI BRANLY - JACQUES CHIRAC, PHOTO CLAUDE GERMAIN

jusqu’au 2 avril au musée du quai Branly – Jacques Chirac

OFF

Jusque-là

Gardien reliquaire ngulu, Gabon, xixe siècle

réservée à l’intimité des bureaux de Marc Ladreit de Lacharrière, la collection de l’homme d’affaires français s’expose au public. Soit une soixantaine d’œuvres qui vont des classiques jusqu’aux arts premiers. Dans une élégante vitrine, la couleur bois d’un bouclier de Papouasie-Nouvelle-Guinée cohabite avec l’outrenoir de Pierre Soulages. Plus loin, à proximité des singulières peintures de Simon Hantaï ou de Serge Charchoune se dresse un impressionnant masque malagan (fabriqué lui aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée au xxe siècle dans le cadre de rites funéraires). À la vue de ces surprenantes associations de chefs-d’œuvre – aux deux tiers non occidentaux –, le visiteur comprend vite que ce qui les réunit est intimement lié à la plus délicate et la plus inclassable des valeurs : le goût d’un collectionneur. Embrassant plusieurs périodes historiques, la dimension affective et esthétique de chaque pièce tient lieu de cohérence. Initiée il y a plus de cinquante ans, c’est au tournant des années 2000 que la collection de Marc Ladreit de Lacharrière se détourne vraiment du tropisme occidental, quand des créations longtemps sous-estimées, en provenance d’Afrique et d’Océanie, trouvent refuge entre les murs du pavillon des sessions du Louvre et, un peu plus tard, du musée du quai Branly. Ici, toutes les œuvres sont enrichies par une notice informant de leur origine, mais surtout de leur date d’acquisition, des précédents collectionneurs ainsi que des différentes galeries qui les ont hébergées. Des trésors qu’elle révèle, la lumière glisse naturellement vers le rôle des passeurs et découvreurs, qui estompèrent la distance entre deux rives pour mieux comprendre les différentes formes d’histoire et de beauté du monde. Peut-être est-ce là le sens d’une collection. • OLIVIER MARLAS

La couleur bois d’un bouclier de PapouasieNouvelle-Guinée cohabite avec l’outrenoir de Pierre Soulages.

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SPECTACLES

ALEXANDRA BACHZETSIS — : « Private. Wear a mask when you talk to me »

© BLOMMERS ET SCHUMM

d’Alexandra Bachzetsis Les 21 et 22 février au Centre culturel suisse (50 min)

OFF

« À

quoi appartient-on, culturellement et corporellement ? » C’est avec cette question en tête qu’Alexandra Bachzetsis a commencé à travailler son seul-en-scène. Coécrite avec le philosophe Paul B. Preciado, livres d’ethnographie ou de sociologie à l’appui, sa pièce Private. Wear a mask when you talk to me est fondée sur une recherche extrêmement rigoureuse. Elle n’en est pas moins joyeusement ludique. Lorsque les spectateurs entrent dans la salle, elle est là, sur scène, à se maquiller, femme fatale avec sa grande chevelure de jais. Cinquante minutes durant, la performeuse glisse imperceptiblement d’un corps à un autre et s’amuse des codes de la culture pop. Elle tombe le survet’, et c’est une vamp en latex, icône sixties de la féminité glamour, qui se déhanche langoureusement sur du James Brown. Elle s’assoit, et c’est la pose typique d’un homme sur le banc d’un vestiaire, jambes écartées, qui se dessine. Chorégraphe suisse d’origine grecque, la jeune femme s’est récemment installée à Athènes. En janvier dernier, elle nous recevait dans son studio d’Exárcheia, un quartier connu pour être le bastion des artistes comme des anarchistes. « Je ne crois pas qu’il existe de gestes féminins ou masculins, mais, pour trouver un langage autre, il faut s’intéresser aux stéréotypes. Ce que je travaille, c’est un voyage d’une posture à une autre, l’espace “entre”. » Face à ce corps en perpétuelle transformation, ces stéréotypes genrés s’épuisent plus qu’ils ne se donnent à voir. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

« Elle est là, sur scène, à se maquiller, femme fatale avec sa grande chevelure de jais. »

SAGA

LE VIDE

Jonathan Capdevielle livre avec Saga une pièce autobiographique à la frontière du merveilleux. L’écriture du spectacle est le fruit d’un long travail d’enquête, mais le performeur entend surtout y renouer avec le regard de l’enfant qu’il a été. La scène se peuple de figures quasi métaphoriques (un ours, un rugbyman). Alors, le roman d’apprentissage d’un petit gars des Pyrénées, élevé entre petit banditisme et séance de spiritisme, flirte avec le conte. • A. J.-C.

À 15 mètres du sol, sept cordes sont suspendues. Fragan Gehlker s’empare de l’une d’entre elles, commence son ascension et évite de justesse une première chute. Débute alors une interminable ronde : grimper, chuter, recommencer. Inspiré du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, Le Vide est un duo vertigineux pour un circassien et un violoniste. Une variation sur l’absurdité de notre existence qui n’a rien de tragique : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » • A. J.-C.

au Théâtre des Amandiers (Nanterre) (2 h)

de Saint-Quentin-en-Yvelines (1 h 20)

: du 21 au 26 février

: du 3 au 11 mars au Théâtre

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CONCERTS

AQUASERGE — : le 2 mars à La Maroquinerie •

: « Laisse ça être » (Almost Musique) © AUDREY GINESTET

en 2005, le groupe-nébuleuse toulousain Aquaserge sort un cinquième album de danse-musique au titre farceur, francophile et probablement opéraïste de Laisse ça être (« Let it be » in english). Férus de pataphysique, de dadaïsme et de situationnisme, les membres du groupe de chanson française progressive aiment les jeux de mots, depuis leur nom, mariant Serge Gainsbourg au liquide qu’il devait le moins consommer, jusqu’au récent Guerre EP, moins beatlesien que tolstoïen… Ils s’amusent ici à chanter de panoramiques harmonies vocales, comptines enfantines ou chansons cryptées (façon résistants ou insurgés) sur des rythmiques asymétriques, moins inspirés par la variété d’ici que par les transes de partout ailleurs. « On pensait à ce que nous avait dit Bertrand Burgalat, que ce serait bien de faire des chansons dansantes où la batterie ne tomberait pas sur tous les temps. » En résulte une étrange musique-monde (qu’ils préfèrent à « musique du monde ») aux pas de danses compliqués dans laquelle jazz, bossa ou afrobeat prennent Stereolab, Robert Wyatt ou Magma par le bras, en chansons à tiroirs et slogans, ritournelles qui font le tour du monde. Ce tour magique et mystérieux passe par Paris tandis que les deux Julien (Barbagallo et Gasc) du groupe, suractifs qui ne sont pas à un paradoxe près, continuent de défendre leurs albums respectifs. Le paradoxe n’est-il pas le meilleur moteur de l’esprit (et du corps aussi donc) ? • WILFRIED PARIS

En résulte une étrange musique-monde aux pas de danses compliqués.

THE XX

REQUIN CHAGRIN

Nouvel album et « nouvelle ère » pour le trio londonien qui révise sa pop minimaliste et rêveuse sur I See You, troisième opus inspiré par l’échappée solo de son discret leader – et beatmaker de génie – Jamie xx (avec In Colour en 2015). Que les cœurs tendres se rassurent : spleen, amour, voix pâles et sensualité sont toujours de mise, mais la formule magique a gagné en liberté et en hypnose dansante. Les retrouvailles sur scène promettent d’être joyeuses. • ETAÏNN ZWER

La scène franco-underground cache des trésors que le label La Souterraine a plaisir à débusquer. Bonne pioche avec la pop garage vaporeuse et cousue main de Marion Brunetto alias Requin Chagrin – qui n’a de féroce que le nom. Évoquant tour à tour les sixties ou les eighties, Indochine (« Adélaïde »), Elli et Jacno ou Nico, ses confidences mélancoliques, ensoleillées de guitares surf, planent entre l’aube et la nuit. La bal(l)ade est charmante, les âmes sensibles seront ravies. • E. Z .

: les 14 et 15 février au Zénith

: le 23 février au Point Éphémère

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OFF

Fondé


RESTOS

TOUT FEU TOUT FLAMME

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© NICOLAS LOBBESTAEL

L’année 2017 sera celle du partage ou ne sera pas. Parmi les multiples dernières ouvertures parisiennes, les nouvelles tables de Jean-François Piège, Mathieu Moity et Juan Arbelaez sont à ce titre particulièrement réconfortantes. On vous dit pourquoi.

CLOVER GRILL On a beau être au xxie siècle, avoir inventé des tas d’appareils sophistiqués pour faire la cuisine, le premier talent d’un chef renvoie à des aubes lointaines : la maîtrise de la flamme. Jean-François Piège, technicien hors pair et Pic de La Mirandole de la gastronomie, le sait mieux que quiconque. En marge de son Grand Restaurant, dans lequel il pratique une cuisine de haut vol, le pilier de l’émission Top Chef vient donc d’ouvrir un nouveau lieu, Clover Grill, déclinaison canaille de son bistrot Clover (5, rue Perronet, Paris VIIe). Comme son nom l’indique, ici l’on braise à tour de bras. Et pas n’importe quoi ni n’importe comment. Olivier Metzger, boucher trois étoiles, livre en express du bœuf prime angus du Kansas ou du black market d’Australie, que l’on admire dans l’armoire de maturation. On partage le canard de madame Burgaud, la poulette de Bresse ou le gigot d’agneau de lait, on se régale d’un cœur de romaine ou de riz koshihikari grillés, voire d’une pizza soufflée. Au dessert, la broche continue de tourner pour l’ananas, et le feu de crépiter pour la banane rôtie ou la tarte aux fruits grillés. Si les assiettes sont sauvages, le décor est chic – cuir, marbre, acajou et miroirs, avec azulejos au mur. Les Piège ont le culte du beau. Avec cela, on vous met aussi une carte de neuf cocktails troussée par les petits gars de l’Experimental Cocktail Club, et une épicerie attenante (Clover Shop) pour des sandwiches gourmets. Qu’est-ce qu’on dit ? Menu : 69 €. Carte : à partir de 50 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 6, rue Bailleul, Paris Ier

IRATZE

LEVAIN

Mathieu Moity reçoit dans trois ambiances, comptoir, salle à manger, table d’hôte. La carte change au gré de ses humeurs, mais il y a toujours du poulpe et du cochon. Tapas : 4-17 €. Menus : 44-68 €. • S. M.

Juan Arbelaez réinvente le bar à tartines. On recommande la Jean-Claude Dus, au vacherin des Bauges (8 €), les plats à partager, comme la volaille jaune des Landes (80 € à quatre), et même le pain perdu (8 €). • S. M.

: 73, rue Amelot, Paris XIe

: 3, rue d’Aguesseau, Boulogne-Billancourt

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C’EST DOUX ! Un mois fou food à Paris avec notre chroniqueur. Où manger ? Quoi commander ? Suivez le régime alimentaire de @PhamilyFirst sans prendre un Instagram de gras. Ce mois-ci : le 13 vous porte bonheur.

de

et

Sony Labou Tansi Dieudonné Niangouna mise en scène

Dieudonné Niangouna du 21 février au 18 mars 2017

Le périple initiatique à la recherche des bouis-bouis asiatiques place ses coups de Stabilo sur le XIIIe arrondissement de Paris. Un chiffre qui portera bonheur à vos prochains repas dans le quartier. La boussole s’affole et nous indique Lao Lane Xang 1 et son délicieux nem lao, une malicieuse salade laotienne au riz croustillant et au porc fermenté. Question à choix multiples : où se mitonne la meilleure soupe ph du quartier ? Un duel digne des Olympiades entre Ph Bida, et son bouillon juste, précis, et à la panière d’herbes ultra fraîches, et Ngoc Xuyen Saigon, qui sert très certainement la cuisine vietnamienne la plus proche des rues de Hô-Chi-Minh-Ville. Jouez-y des coudes et testez la soupe de vermicelles bún bò Hu et son équilibre parfait. Dans la rue parallèle, Phó Taì a été élu meilleur bò bún de Paris par un grand quotidien. Un titre à remettre en jeu au plus vite, avec le plus grand respect du bout de mes doigts. À deux pas, la cantine Đ ng Tâm y va de son plat hippie au milieu de sa carte tradi avec le c m gà đen. Ce poulet grillé servi avec des bananes plantains rend hommage au passé sénégalais du proprio vietnamien. Enfin, à la volée : un repas thaï de taille chez Thai-Vien 1 & 2, le tofu frit et raviolis crevettes de Fleur de mai et le lôc lac avec œuf du New Hoa Khoan. Heureux détenteur du parchemin, partez maintenant sereinement à la quête du ventre plein ! • JULIEN PHAM ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

www.colline.fr 01 44 62 52 52

de

Dorothée Zumstein mise en scène

Julie Duclos du 23 février au 17 mars 2017


BONS PLANS À GAGNER

JAOUI ET BACRI EXPO THEÂTRE

— : « Cuisine et dépendances » et « Un air de famille » d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri © PASCAL VICTOR

en alternance actuellement au Théâtre de la Porte Saint-Martin

Cuisine et dépendances

Les

codes de la morale bourgeoise et le mythe de la réussite sociale. S’ils peuvent à première vue paraître extrêmement stéréotypés, les personnages se révèlent à travers les conflits aussi humains que complexes. Couronnées du Molière du meilleur spectacle comique à leur création, ces pièces ont toutes deux été adaptées au cinéma. Elles reviennent sur les planches, présentées en diptyque, sous la direction d’Agnès Jaoui. Presque trente ans plus tard, il est à parier qu’elles n’ont rien perdu de leur acuité. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

OFF

huis clos d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri finissent toujours en règlements de comptes caustiques. Dans Un air de famille, tous les non-dits des Ménard resurgissent au cours de l’anniversaire de la belle-fille, dans un festival de vannes et d’ironie. Dans Cuisine et dépendance, c’est à l’occasion d’un dîner entre vieux copains perdus de vue que les rancunes éclatent. Dans le cadre resserré d’un restaurant ou d’un appartement, la satire sociale n’est jamais loin, écorchant avec autant de finesse que d’humour les

INDIA EXPRESS

CYCLE

Des mélodrames ancrés dans la tradition musicale (L’Assoiffé de Guru Dutt, en soirée d’ouverture) aux polars urbains contemporains (Psycho Raman d’Anurag Kashyap), le cinéma indien a su associer les prises de vues en studio aux décors naturels. Nous immergeant à Mumbay, Delhi ou Chennai, culture et histoire se déclinent ici en soixante films envoûtants. • O. M.

: jusqu’au 26 février au Forum des images DVD

Deux copines, Dounia et Maïmouna, laissent tomber leur B.E.P. pour suivre la trace de la charismatique Rebecca, une dealeuse qui se fait respecter comme nul autre dans leur cité… Puissant et rageur, ce premier long métrage de la réalisatrice Houda Benyamina est un portrait de jeunes filles de grande ampleur. • Q. G.

: d’Houda Benyamina (TF1)

JUSTE LA FIN DU MONDE

DVD

Avec Juste la fin du monde, auréolé du Grand prix à Cannes, Xavier Dolan nous convie à un fracassant huis clos familial dans lequel tout le monde a son mot à dire mais personne n’est prêt à entendre. Le réalisateur matérialise le conflit à travers une mise en scène abrupte et signe un habile portrait d’écorché vifs hâbleurs ou de perdants au verbe haut. • Q. G.

: de Xavier Dolan (TF1)

© HAPPINESS DISTRIBUTION ; EASY TIGER ; SHAYNE LAVERDIERE - SONS OF MANUAL

DIVINES

SUR TROISCOULEURS.FR/BONSPLANS


L’événement, c’est qu’il y en a un par jour

Dès septembre, retrouvez les séances de programmation culturelle mk2 dans l’ensemble de nos cinémas. Cycle de conférences, débats, ciné-concerts, ateliers etc., sur des sujets passi onnants autour d u ciné ma , l’a r t , la musique, les connaissances, la création digitale. . . Billetterie et renseignement sur www.mk2.com/evenements

Toute une vie autour du cinéma


SONS

KADHJA BONET — : « The Visitor » (Fat Possum)

OFF

© SINZIANA VELICESCU

C’est

l’histoire d’une Californienne élevée par des parents passionnés de musique classique pour qui apprendre à jouer d’un instrument ne se discutait pas. Dès l’âge de 5 ans, elle s’escrime sur le plus dur de tous, le violon. À la maison, les mélopées savantes de Claude Debussy ou de Dmitri Chostakovitch ne laissent aucune place aux tubes des stars de la télévision. Un beau jour, la jeune Kadhja n’en peut plus. « Je me suis rebellée de manière très violente contre cet endoctrinement musical », nous confie-t-elle. La musique ne comptera plus, pendant longtemps, parmi ses préoccupations. Jusqu’à son entrée à la fac, quand elle se décide enfin à ériger son propre panthéon, traçant des diagonales dans un siècle de pop culture. C’est alors qu’elle redécouvre sa familiarité avec les instruments (elle joue de tout : du violon bien sûr, mais aussi de la batterie, de la basse, de la guitare, des claviers) et apprivoise sa voix miraculeuse, union du cristal et du velours. « Je pense que j’ai beaucoup de chance d’avoir connu un tel

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Je pense que ma musique correspondrait bien à un film comme Metropolis de Fritz Lang. Un film avec une tonalité sombre mais une atmosphère haute en couleur. Un film mal dans sa peau, curieux et affamé, plein d’espoir mais aussi

fossé dans mon parcours, explique-t-elle. J’ai arrêté de jouer pendant assez longtemps pour oublier tout ce qu’on m’avait appris. » Son premier album, The Visitor, est de son propre aveu un disque sans méthode, une suite d’expérimentations dirigées uniquement par le plaisir de créer. Plus proche d’un rêve de musique que d’une quelconque école, où l’on pourrait entendre en réduction nos plus beaux souvenirs de soul féminine, de pop orchestrée, de jazz cool et de musique brésilienne (elle reprend Milton Nascimento pour le bouquet final), des années 1960 à nos jours, The Visitor ne ressemble à rien d’autre dans la production contemporaine. « Certaines chansons me sont vraiment apparues en rêve, avoue-t-elle. Quand je me réveille avec une mélodie dans la tête, je cours chercher un enregistreur avant de l’oublier, mais il n’en reste déjà que des fragments. C’est à partir de ces bribes de rêves que je travaille. » On connaissait le genre dream-pop, voilà à quoi ressemble la dream-soul. Un baume de l’âme, désormais en vente libre. • MICHAËL PATIN

souvent honteux et dans la retenue. Solennel à certains moments, stupide à d’autres, et finalement en paix avec lui-même. Quand j’y repense, ça me rappelle aussi Brazil de Terry Gilliam. Un univers parallèle, une dystopie teintée d’un subtil surréalisme. » • KADHJA BONET

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JUKEBOX 8

févr

9 avr

17

5/7 rue de Fourcy 75004 Paris Téléphone: 01 44 78 75 00 Web: www.mep-fr.org M Pont-Marie ou Saint-Paul

Ouvert du mercredi au dimanche inclus, fermé lundi, mardi et jours fériés.

AUSTRA

: « Future Politics » (Domino)

Comment sublimer notre époque angoissante ? Sur ce troisième album avec son groupe Austra, qui évoque autant Kate Bush que The Knife, Katie Stelmanis tente d’expier la déprime ambiante par la musique. Engagée, féministe, queer, écolo, la chanteuse canadienne compose des hymnes electro-pop à la fois spleenétiques et dansants célébrant les noces hivernales entre les machines et le cœur humain. • ÉRIC VERNAY

BING & RUTH

: « No Home of the Mind » (4AD)

Depuis dix ans, David Moore égrène ses paysages sonores cinématographiques. Le pianiste du Kansas revient sous la bannière de son ensemble à géométrie variable Bing & Ruth pour un album envoûtant, conjuguant l’ambient avec le minimalisme américain hérité de Steve Reich. Dix-sept pianos ont été utilisés pour élaborer les dix plages de No Home of the Mind, comme autant de subtiles variations émotionnelles. • É. V.

SAMPHA : « Process »

(Young Turks)

Des stars telles que Drake, Kanye West, Solange ou Frank Ocean s’arrachent le timbre de voix plaintif si particulier de Sampha. Après deux EPs, le Londonien de 27 ans s’affirme enfin sur un LP coproduit avec Rodaidh McDonald (The xx, King Krule). Un album personnel dans lequel sa soul anxieuse et bleutée flirte avec d’électrisantes textures electro, sans s’interdire d’imparables torch songs au piano. • É. V. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

© Vincent Perez

VINCENT PEREZ IDENTITÉS Avec le soutien de Central Dupon Images

En partenariat média avec


SÉRIES

© TURNER ENTERTAINMENT NETWORKS, INC A TIME WARNER COMPANY. ALL RIGHTS RESERVED

GOOD BEHAVIOR — : Saison 1 sur OCS —

OFF

Après

sa prestation dans Downton Abbey, elle aurait pu camper à jamais les ladies à l’heure du thé. Michelle Dockery réussit avec Good Behavior le plus dur pour une actrice : se réinventer totalement en un rôle. Arnaqueuse professionnelle tout juste sortie de prison, cheveux filasse, cernes marqués, elle y est une autre femme. Fatale, surtout à elle-même, malgré son envie de se ranger et d’obtenir la garde de son fils. Mais chassez le naturel… et revoilà Letty lancée dans ses combines. Jusqu’à sa rencontre fortuite avec Javier, un bel Argentin tueur à gages qui en fait sa prisonnière/complice/maîtresse. Pour le personnage, du chaos naîtra peut-être, qui sait, la rédemption. Pour la comédienne britannique, les choses sont plus claires : sa

REVOIS

seconde carrière se joue ici et elle ne laissera pas filer sa chance. Épais accent américain en bandoulière, tour à tour ivre, défoncée, manipulatrice puis fébrile, elle s’évertue à gommer méthodiquement toute trace de respectabilité nobiliaire qui pourrait lui rester de la pincée Lady Mary Crawley. Chanteuse de jazz à ses heures, Dockery y va même de ses vocalises le temps d’une scène. La totale ! Être pris à témoin de ce numéro de charme adressé à Hollywood pourrait s’avérer vaguement gênant. Le fait est que Dockery est forte, bien servie par un script épuré et élégant de Blake Crouch (Wayward Pines) et un sparring-partner à sa hauteur (Juan Diego Botto). Et que l’on n’a qu’une envie : encourager les studios à la faire tourner. Pour leur bien. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

DIRK GENTLY

GUYANE

THE HANDMAID’S TALE

Basé sur les écrits du maître britannique du loufoque Douglas Adams (Le Guide du voyageur galactique), ce polar fantastico-comique du scénariste américain Max Landis (Chronicle) frôle souvent l’hystérie. On y croise Elijah Wood, des machines bizarres, une jeune fille transformée en corgi, une secte d’occultistes chauves, une maladie improbable… Chargé mais drôlement inventif. • G. L .

Faire revivre l’esprit du Salaire de la peur dans une série d’aventures cette fois vraiment filmée en Amérique du Sud (Henri-Georges Clouzot tourna dans le Midi) : la promesse de Guyane était séduisante. Le script ne se montre pas à la hauteur, mais force est de constater que la forêt amazonienne est magnifique sous la caméra de Kim Chapiron. Et qu’Olivier Rabourdin fait un convaincant parrain orpailleur. • G. L .

Cette nouvelle adaptation du roman de Margaret Atwood La Servante écarlate – après celle de Volker Schlöndorff en 1990 – est annoncée pour fin avril sur la plate-forme vidéo américaine Hulu. On a hâte de voir ce qu’inspirera en 2017 cette dystopie dans laquelle les femmes se trouvent privées de leurs droits après l’instauration d’une dictature, avec dans le rôle principal Elisabeth Moss (Mad Men). • G. L .

sur Netflix

sur Canal+

sur Hulu

: Saison 1 à rattraper

: Saison 1 à découvrir

108

: Saison 1 prochainement



JEUX VIDÉO

OFF

THE LAST GUARDIAN

Chef-d’œuvre

— : PS4 (Sony) —

de délicatesse, The Last Guardian était illustre avant même sa sortie. Pas moins de dix ans ont été nécessaires à Fumito Ueda (auteur des inoubliables Ico et Shadow of the Colossus) pour mener à bout ce projet colossal. Pourtant, derrière ce chantier pharaonique se cache une histoire des plus intimes : la rencontre et l’amitié naissante entre un petit garçon et une bête géante baptisée Trico, qui ressemble à un croisement entre un chien et un griffon. Prisonniers d’un dédale de ruines, les deux compagnons vont devoir coopérer pour s’enfuir. Dans la peau du garçon, il vous faudra, au moyen de commandes ou de gestes simples, réussir à communiquer avec Trico et à vous frayer avec lui un chemin à travers le décor, quitte à lui grimper

dessus pour atteindre certaines hauteurs inaccessibles. S’il reste un jeu de réflexion (les niveaux sont architecturés comme de grands puzzles), The Last Guardian vaut surtout pour l’affection qu’il réussit à tisser entre ces deux êtres dissemblables. D’un réalisme saisissant, Trico affiche un comportement imprévisible, comme si la bête avait sa propre autonomie et existait à notre contact, tout l’intérêt du jeu consistant à l’observer, à comprendre ses réactions et ses initiatives pour ne faire plus qu’un avec elle. Bien plus qu’un simulateur de dressage, The Last Guardian est une fable bouleversante sur l’empathie et la solidarité. Toutes ces années de développement n’ont pas été vaines : depuis que The Last Guardian s’est invité dans nos consoles, celles-ci ont gagné une âme. • YANN FRANÇOIS

FINAL FANTASY XV

PICROSS 3D. ROUND 2

DISHONORED 2

Attendu depuis des années, le nouveau blockbuster du RPG japonais est enfin arrivé. Si les combats épiques et le romanesque en grande pompe sont au rendez-vous, l’épisode prend le parti de se raconter comme un road movie entre potes. Et ça paie. • Y. F.

À partir d’une idée simple (trouver, dans une grille numérotée, les cubes à éliminer pour révéler des formes ou des objets), Picross 3D. Round 2 offre un concept aussi minutieux que génialement relaxant. Ce qui fait de lui le meilleur jeu de poche de l’année. • Y. F.

Nouveau joyau du jeu vidéo français, Dishonored 2 déplace son action dans les rues d’une ville insulaire gangrenée par la folie et la misère sociale. Une fois de plus, la splendeur du décor urbain se mêle à l’un des meilleurs gameplays au monde. • Y. F.

: PS4, One (Square Enix)

: 3DS (Nintendo)

Softworks)

110

: Xbox One, PC, PS4 (Bethesda


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Parce que le jeu de parc d’attractions est un genre en voie d’extinction, l’ambition de le dépoussiérer qu’affiche Planet Coaster (Frontier Developments, PC) suffit à me mettre en joie. Non seulement le jeu reprend tous les codes du genre, mais il pousse le concept créatif et gestionnaire au stade supérieur. Que l’on cherche à construire un élément de décor ou le tracé d’une montagne russe, tout y est modulable et échangeable avec d’autres joueurs, dans une ambiance éternellement jouasse et bon enfant. Quand je passe à Orwell (Osmotic Studios, PC), la rupture de ton est totale. Comme son nom le suggère, le jeu raconte le quotidien d’une société répressive qui observe les moindres faits et gestes de ses habitants pour détecter d’éventuelles menaces. Dans le rôle d’un de ces mouchards, j’épluche chaque jour les données et les messages laissés sur les réseaux sociaux par mes cibles pour constituer un dossier à charge. Épuré à l’extrême, le gameplay n’en reste pas moins glaçant de lucidité : désormais, le moindre mot peut nous perdre. Seule solution : pour survivre, vivons planqués ! Ça tombe bien : Shadow Tactics. Blades of the Shogun (Mimimi Productions, PC) ne me demande que ça. Dans le Japon médiéval, à la tête d’une troupe d’assassins, je dois m’introduire au cœur de forteresses bien gardées, rester invisible et effacer toute trace de mon intrusion. Pari réussi : je ne suis plus qu’ombre et pas feutrés. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


LIVRES

À

CHALEUR

ma gauche, Igor Azarov, ancien sous-marinier de l’armée rouge, 60 ans. À ma droite, Niko Tanner alias « le Pieu de Thor », célèbre acteur porno finlandais, 49 ans. Depuis plusieurs années, ces deux athlètes au moral d’acier s’affrontent en Finlande dans une compétition unique au monde : le championnat de sauna. Le principe ? Les concurrents sont enfermés dans un sauna chauffé à 110 °C ; un demi-litre d’eau est versé sur le poêle toutes les trente secondes. Les deux plus résistants sont qualifiés pour le tour suivant, jusqu’à la finale. Ça a l’air d’un gag, mais c’est tout à fait sérieux : ce championnat existe bel et bien, au même titre que d’autres disciplines farfelues fort prisées des Scandinaves (le porter d’épouse, l’avalage de piments, etc.). En 2010, l’un des candidats est même décédé à la suite de graves brûlures, ce qui a provoqué l’arrêt du concours. Une tragédie burlesque dont s’inspire Joseph Incardona dans Chaleur, roman inclassable qui tient à la fois de la comédie noire, du polar et du drame psychologique. Derrière le côté saugrenu de la compétition, c’est un authentique duel au sommet qui se joue : Igor l’ascète contre Niko le jouisseur, deux hommes au style opposé qui incarnent chacun un mode de vie, un aspect de l’histoire (la discipline soviétique pour l’un, l’hédonisme occidental pour l’autre), bref, une vision du monde. Même si, le vrai combat, c’est peut-être à lui-même que chacun le livre. Igor et Niko sont en effet au bout du rouleau,

aux prises avec l’échec et la vacuité de leur existence : Igor pense à sa famille brisée ; Niko, à sa sexualité dépourvue de sens ; les deux songent à la mort qui s’avance… Le fait divers tragi-comique, avec son côté insolite et dérisoire, se transforme sous la plume d’Incardona en réflexion sur les challenges

OFF

Les concurrents sont enfermés dans un sauna chauffé à 110 °C. que l’on s’impose, et sur les enjeux qui rendent la vie digne d’être vécue. Le style au cordeau, façon polar, joue beaucoup dans l’efficacité de ce petit roman surprenant qui, jusqu’au dernier mot, fait grimper la température. • BERNARD QUIRINY

— : « Chaleur » de Joseph Incardona (Finitude, 160 p.)

L’IMMEUBLE CHRISTODORA

JE M’APPELLE NATHAN LUCIUS

LES PREMIERS

Des années 1980 aux années 2010, Tim Murphy retrace quarante ans d’histoire américaine à travers la vie des habitants d’un immeuble new-yorkais. Une saga parfois bavarde, des héros un peu bobos, mais un roman ambitieux et bien construit. • B. Q.

« Tue-moi, Nate. Tue-moi. » Madge, malade, est au martyre. Nathan s’interroge : faut-il l’aider à mourir, ou pas ? On dirait un roman sur l’euthanasie, c’est en fait un thriller psychologique captivant, première traduction d’un talentueux romancier sud-africain. • B. Q.

En janvier 2013, sept Français ordinaires se sont mis à voler. Des super-héros hexagonaux ! Loin des comics Marvel, Xabi Molia fait de ce sujet en or une comédie satirique de haute tenue, ainsi qu’un roman générationnel sur les quadras d’aujourd’hui. • B. Q.

(Plon, 495 p.)

(Métailié, 235 p.)

(Seuil, 350 p.)

: de Tim Murphy

: de Mark Winkler

112

: de Xabi Molia


BD

OFF

SCALP

:

— de Hugues Micol (Futuropolis, 192 p.)

C’est

l’histoire de John Glanton, un homme qui apprit à tuer pour l’indépendance du Texas (1836), puis confirma ses talents dans la guerre contre le Mexique (1846-1848) durant laquelle la sauvagerie était de mise tant qu’elle favorisait la vision expansionniste des États-Unis. La guerre finie, avec son gang, il continua à creuser son sanglant sillon, payé par les autorités mexicaines pour tuer des Apaches : 200 $ le scalp d’un guerrier, 150 $ celui d’une femme ou d’un enfant. Sur près de deux cents pages d’un noir et blanc sauvage, Hugues Micol nous convie ainsi à une danse macabre de carnages et de destruction. L’ignoble est parfaitement humain, et l’artiste montre bien comment il peut se conjuguer avec les intérêts des États. Il ne limite pas toutefois son approche au matérialisme historique et restitue la part de mystère insondable qui entoure une existence consacrée au mal : que contemple avec une telle intensité le regard délavé du chef d’orchestre de ce ballet funèbre ? que rumine cet homme qui n’ouvrira la bouche que face à la mort, pour blasphémer ? • VLADIMIR LECOINTRE 113


mk2 SUR SON 31 JEUDI 2 FÉV. CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Charlot s’évade de Charlie Chaplin, featuring Lou Marco.

: mk2 Gambetta

LES RENDEZ-VOUS DES DOCS « Justice post mortem. » Projection de Qui a tué Ali Ziri, suivie d’un débat avec le réalisateur, Luc Decaster.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Réalisme et Naturalisme : une représentation de la vie quotidienne. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 6 FÉV. AVANT-PREMIÈRE Brothers of the Night, en présence du réalisateur, Patric Chiha.

: mk2 Beaubourg à 19 h 45

LUNDI 13 FÉV. AVANT-PREMIÈRE L’Indomptée, en présence de la réalisatrice, Caroline Deruas.

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 20 h

LUNDI 20 FÉV. LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La galerie des Offices de Florence. »

MARDI 21 FÉV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Avoir le rythme dans la peau. Ralenti ou avance rapide ? »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

SOIRÉE BREF Programmation thématique autour d’Agnès Varda. Projection des Photographes d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux, de Quelque chose des hommes de Stéphane Mercurio et d’Ulysse d’Agnès Varda.

: mk2 Quai de Seine à 20 h

JEUDI 23 FÉV. NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « Le montage vidéo au smartphone. » Familiarisez-vous avec les différentes applis de montage vidéo, synchronisez le son, ajoutez de la musique, des effets et postez vos créations sans ordinateur.

: mk2 Bibliothèque

MARDI 28 FÉV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Mettre l’image en musique : la bonne partition. » Projection du Mépris de Jean-Luc Godard.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 2 MARS CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Charlot chef de rayon de Charlie Chaplin, featuring JP Manova.

: mk2 Gambetta à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Le scandale impressionniste. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

LUNDI 6 MARS LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « L’Ermitage de Saint-Pétersbourg. »

: mk2 Nation à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Faut-il se fier à ses intuitions ? » Avec Albert Moukheiber.

: mk2 Odéon (côté St Germain)

: mk2 Nation

à 19 h 30

à 18 h 30

à 12 h 30

UNE HISTOIRE DE L’ART « La photographie, un nouveau médium. »

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Paris et ses dames, de Louise Michel à Coco Chanel. »

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Peut-on accepter sans se résigner ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 25 FÉV.

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La vie de bohème, de Montmartre à Montparnasse. »

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Le mystère des galaxies : qu’est-ce que la matière noire ? »

: mk2 Grand Palais

: mk2 Quai de Loire à 11 h

à 20 h

HISTOIRE DE L’OPÉRA « Lumière sur Carmen de Bizet. »

: mk2 Bastille à 20 h

LUNDI 27 FÉV. LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La confiance en soi est-elle vraiment une qualité ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) LÀ OÙ VA LE CINÉMA À LA DÉCOUVERTE DES ARTISTES DU FRESNOY « Corps spectraux. » Dorothée Smith, Ico Costa, David Rodes.

à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Une ville en mouvement, la Belle Époque parisienne. »

: mk2 Beaubourg

: mk2 Grand Palais

à 20 h

à 20 h

: mk2 Grand Palais à 20 h

HISTOIRE DE L’OPÉRA « Les grands interprètes de l’opéra. »

: mk2 Bastille à 20 h

MARDI 7 MARS CONNAISSANCE DU MONDE « La Sicile. »

: mk2 Nation à 14 h

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Aller chercher son public : interdit au plus de 16 ans. » Projection des Beaux Gosses de Riad Sattouf.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

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