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SÉRIE – VISITORS DE SIMON ASTIER
LE GUIDE DES SORTIES PLATEFORMES
VISITORS
SÉRIE
Après la saga Hero Corp, qui a duré dix ans, Simon Astier, tombé dans la SFF (sciencefiction & fantasy) quand il était petit, signe avec Visitors une comédie fantastique réjouissante, multipliant les références aux films et séries qui ont bercé son enfance. Une aventure aux frontières du réel, entre E. T. et X-Files, dont il est le mélancolique héros.
Pointe-Claire, paisible petite ville fictive, voit son quotidien bouleversé par le témoignage d’un fermier caricatural à souhait – il aurait vu deux étranges lumières se percuter dans le ciel. Mais, voilà, la collision n’a vraisemblablement laissé aucune trace… jusqu’à ce que Richard (Simon Astier), ancien patron d’une boutique de jeux vidéo, désormais flic, ne découvre un mystérieux vaisseau spatial. Flanqué de collègues hostiles, d’amis déçus et d’une compagne (Tiphaine Daviot) autoritaire et volage, Richard n’est comme qui dirait pas aidé. Surtout quand le FBI s’en mêle, laissant sous-entendre l’existence d’un complot gouvernemental… Ça vous rappelle X-Files ? Les films de Steven Spielberg ? C’est normal. À quelques encablures du pastiche façon Mais qui a tué Pamela Rose ?, Simon Astier, vieux geek assumé, rend un hommage tendre et drôle à ses premières amours ciné-cathodiques. « J’ai été éduqué par Spielberg. Mes parents n’étaient pas souvent là, donc j’ai grandi avec des films et séries qui m’ont appris à gérer les gens, les choses, mes peines, mes drames. Et quand je vois la naïveté absolue avec laquelle Spielberg construit, par exemple, un monde où les dinosaures sont accessibles… je me dis que c’est ça, le secret : être sincère et ne jamais douter une seconde de l’univers que l’on crée. » Mais Visitors n’aligne pas les références pour le seul plaisir des trentenaires et quadras biberonnés à la culture pop des années 1980-1990 : la série nous embarque dans une aventure palpitante, servie par une belle brochette de seconds rôles (Grégoire Ludig et David Marsais du Palmashow, Delphine Baril, Vincent Desagnat), un héros touchant et une réalisation léchée. En mélangeant technologies, codes culturels et géographiques, Astier parvient même à nous surprendre et à bousculer nos repères, dans un univers qui semble pourtant familier. « Si j’utilise le genre, c’est sûrement un biais pudique. J’aime qu’une histoire m’emmène dans un monde fantastique – dans tous les sens du terme, c’est-à-dire hors du commun, hors de chez moi. S’il y a de la magie,
un élément hors du réel, ça me permet de voyager beaucoup plus vite. C’est aussi une manière pour moi, quand j’écris, de toucher à l’intime encore plus fort. Comme Hero Corp, Visitors ne parle que de choses qui me traversent : la mélancolie d’une vie qui peut nous échapper parce qu’on se sent redevable, où l’on peut passer complètement à côté de celui ou celle qu’on aime… Mais la porte d’entrée, c’est un spectacle, dans le sens vraiment littéral du terme. J’aime bien quand le truc est spectaculaire. » L’acteur, scénariste et réalisateur est bien connu des fans de SFF francophone : Kaamelott (de son demi-frère, Alexandre, dans laquelle il incarne Yvain, le beau-frère du roi Arthur), Hero Corp (cinq saisons diffusées entre 2008 et 2017), Le Visiteur du futur (créée en 2009 par François Descraques et déclinée en long métrage à la rentrée), Mortel (deux saisons sur Netflix, dont il réalise la moitié des épisodes). Un genre longtemps boudé par la télé française, mais revenu en force ces dernières années : Missions, Infiniti, OVNI(s), Ad Vitam, Trepalium… Désormais bankable, la SFF ? « À partir du moment où l’on fait un projet pour les autres ou pour toucher une cible marketing, on se perd. Et les spectateurs ne sont pas dupes : ça se voit et ça rompt un lien sincère. On peut transporter les gens où on veut, mais seulement si on le fait avec beaucoup de conviction. »
Visitors de Simon Astier, sur Warner TV
NORA BOUAZZOUNI
PRAYERS FOR THE STOLEN
FILM
Prayers for the Stolen de Tatiana Huezo, sur Mubi TRISTAN BROSSAT
Les sorties du mois
Après plusieurs docus remarqués dénonçant la pauvreté et le climat de violence qui touchent d’autant plus durement les femmes au Mexique, Tatiana Huezo consacre à ces vies empêchées une première fiction particulièrement réussie.
Il ne fait pas bon vivre dans les montagnes mexicaines du Guerrero rongées par les cartels, contre lesquels la police semble impuissante – quand elle n’est pas complice. Élevée par sa mère, Ana comprend dès l’enfance qu’elle vivra dans la peur. Celle de devoir se réfugier dans un trou pour échapper aux cartels, de voir ses parentes et amies assassinées ou violées, et d’être obligée de se couper les cheveux pour ressembler à un garçon et éviter d’être enlevée. Ses jeux avec ses deux amies dans les maisons désertées par ceux qui ont choisi l’exil ne sont qu’une fugace échappatoire. Les plans de caméra à hauteur de ses yeux d’enfant nous font ressentir de manière d’autant plus intense la violence des hommes. Contrairement à son père, lâchement parti aux États-Unis, et que sa mère tente désespérément de joindre du haut de la seule colline où le réseau passe, Ana ne veut pas quitter sa terre. Apaisante, la nature est omniprésente et éveille tous les sens. Pour s’extraire de la violence, Ana n’a d’autre choix que de fermer les yeux, pour mieux écouter les bruits salvateurs de la forêt et des bêtes. Dans la nuit noire, les aboiements d’un chien suffisent à avertir du danger. Et rien de plus efficace pour jouer à deviner à quoi pense sa camarade que de coller sa tête contre la sienne… La caméra légère de Tatiana Huezo tourne autour de ces corps entrelacés pour mieux faire sentir l’importance de cet autre sens qu’est le toucher. Ce contact est aussi une façon pour Ana de se reconnecter à une humanité en laquelle elle a besoin de croire pour grandir sans sombrer. Devenue ado, elle trouvera un peu de réconfort dans les bras d’un garçon, et dans les cours d’un professeur dont la douceur tranche avec la dureté du monde dans lequel elle évolue. Les leçons de ce maître prolongent la dimension animiste du film, lorsqu’il demande à ses élèves de former le corps d’un petit personnage à partir d’objets et de matières. Le film joue habilement avec les éléments. L’eau froide du lac dans lequel plonge Ana n’en est pas moins réconfortante, contrairement au liquide empoisonné largué par des hélicoptères pour détruire les récoltes, brûlant la peau des villageois n’ayant pas eu le temps de s’abriter. Évitant un excès de symboles, Prayers for the Stolen (récompensé d’une mention spéciale dans la section Un certain regard à Cannes l’an dernier) trouve le juste équilibre entre de belles séquences contemplatives et des scènes de grande tension.
© Arte
ANTONIO BANDERAS ET PEDRO ALMODÓVAR. DU DÉSIR AU DOUBLE
Documentaire, sur Arte.tv
Révélé en 1982 dans Le Labyrinthe des passions d’Almodóvar, Antonio Banderas succombe dix ans plus tard aux sirènes de Hollywood, pour mieux retrouver le Madrilène à partir de 2011. Classique dans la forme mais efficace, ce docu montre comment le cinéaste a projeté ses obsessions sur le beau Latino. • T. B.
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WE OWN THIS CITY
Série, à partir du 26 avril sur OCS
Vingt ans après The Wire, le prolifique duo Simon-Pelecanos (The Deuce, Treme) est de retour à Baltimore, sur fond de manifestations contre les violences policières, pour relater l’histoire vraie d’une unité de police souveraine, éclaboussée par une gigantesque affaire de corruption et d’extorsion. Une série chorale et politique, quasi documentaire. • N. B.
LE FLAMBEAU LES AVENTURIERS DE CHUPACABRA
Série, en mai sur Canal+
La Flamme, drôlissime parodie du Bachelor, se paye, pour sa deuxième saison, un autre totem de la téléréalité : Koh-Lanta. Marc (Jonathan Cohen), toujours aussi odieux et crétin, va devoir affronter d’ex-prétendantes (Ana Girardot, Géraldine Nakache) et de nouveaux candidats (Laura Felpin, Mister V). • N. B.