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MK2 CURIOSITY – LE BEL INDIFFÉRENTDE JACQUES DEMY
LE BEL INDIFFÉRENT
FILM
À partir d’une pièce de Jean Cocteau, le jeune Jacques Demy affichait déjà son désir de stylisation à travers ce film inquiet de 1958, dans lequel il a su autant assumer une certaine théâtralité qu’insuffler toute la dimension spectrale du cinéma.
C’est comme un passage de relais lorsque Jean Cocteau offre à Jacques Demy, 26 ans, auteur d’une poignée de courts métrages (Les Horizons morts, Le Sabotier du Val de Loire) et futur réalisateur des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, les droits d’adaptation de sa pièce Le Bel Indifférent. Le texte se présente comme le monologue d’une femme délaissée adressant une lancinante complainte à son amant qui s’est barricadé dans un cruel mutisme. Voyant peut-être en ce jeune cinéaste un héritier de son lyrisme furieux et de ses visions troublantes, le poète laisse à Demy toute liberté pour donner sa version à la fois exaltée et vénéneuse de ce drame qui, avant cela, avait été interprété sur scène en 1940 par Édith Piaf et Paul Meurisse. Avec le décorateur Bernard Evein, Demy choisit d’assumer, même de faire sentir, que le sublime texte de Cocteau a été écrit pour le théâtre. Les rideaux, les tréteaux, tout cela reste apparent dans le film. Dans ce huis clos, chambre d’hôtel tapissée d’un rouge criant, ce simulacre renvoie aux illusions de la protagoniste qui attend obstinément un homme qui ne veut plus d’elle. Si celui-ci finit par apparaître, c’est pour ne dire aucun mot, et on ne sait même pas s’il l’écoute lorsqu’elle lui confie tous ses espoirs et sa rancœur pendant qu’il se rase ou qu’il lit le journal. Des paroles à sens unique, vaines, comme prononcées par un fantôme. Demy laisse le spectateur indécis quant à qui, de l’homme ou de la femme, est quasiment devenu un spectre. On ne sait pas si elle s’est évaporée de son esprit à lui, ou bien si lui la hante méchamment. Le cinéaste crée cette atmosphère chimérique à travers sa manière d’envisager un décor à la beauté plastique étouffante. Ses lents mouvements de caméras accompagnent l’actrice Jeanne Allard dans une sorte de torpeur, d’engourdissement, qui lui donne l’air de se débattre comme une âme errante. Lorsqu’elle se penche à la fenêtre donnant sur un noir opaque seulement éclairé par le néon d’un dancing, le vert des rideaux évoque d’ailleurs la gamme chromatique glauque du Vertigo d’Alfred Hitchcock, autre chefd’œuvre aux accents fantastiques sur l’obsession amoureuse, étonnamment sorti la même année.
à voir du 10 au 17 février sur mk2 Curiosity, gratuit
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