TROISCOULEURS #167 - février-mars 2019

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N 167

O

FÉV. —   MARS 2019 GRATUIT

LES ÉTERNELS DE JIA ZHANG-KE UNE FEMME D’INFLUENCE



ÉDITO Dans

un paysage rural et sans âge de la Chine centrale – champs cultivés, ciel bleu, collines –, un homme, blessé à la jambe, lâche ses béquilles pour prendre lourdement appui sur l’épaule de la femme qui l’accompagne, et qui ne ploie pas. La scène se passe au début du nouveau film de Jia Zhang-ke, Les Éternels, et annonce la suite : quelques minutes plus tard, la femme ne ploiera pas non plus lorsqu’il s’agira de dégainer une arme pour sauver l’homme (un mafieux) de l’assaut d’une bande rivale. Tout au long du film, Qiao, héroïne puissante et opiniâtre, se dressera ainsi comme un pilier, une force tranquille et insubmersible. La très grande actrice qui l’interprète, Zhao Tao, porte elle-même tout le film (et, pourrait-on presque dire, toute la filmographie de Jia Zhang-ke, son mari), qui court sur trois époques, de 2001 à aujourd’hui – une durée qui permet à nouveau au réalisateur d’Au-delà des montagnes de saisir les mutations de la Chine à l’ère capitaliste. Face à l’hystérie amnésique et un peu niaise de ce nouveau paradigme (dans lequel le film trouve d’ailleurs un vrai souffle comique), Qiao la loyale, la constante, l’obstinée, l’inventive (il faut voir comment, incarcérée puis libérée, elle se reconstruit seule) semble incarner quelque chose de l’ancien monde – une mémoire. Pilier du film et gardienne de l’histoire, c’est bien elle l’éternelle du titre. • JULIETTE REITZER


LES FILMS DU TAMBOUR PRÉSENTE

Festival de Locarno

COMPÉTITION OFFICIELLE PRIX DU JURY ŒCUMENIQUE PRIX DE LA PRESSE PRIX DU JURY JEUNE

PRIX DU PUBLIC PRIX DE LA PRESSE

UN FILM DE ÇAGLA ZENCIRCI ET GUILLAUME GIOVANETTI

AVEC DAMLA SONMEZ EMIN GURSOY ERKAN KOLÇAK KOSTENDIL

www.pyramidefilms.com


POPCORN

P. 12 CHAUD BIZ : LA CHRONOLOGIE DES MÉDIAS • P. 14 RÈGLE DE TROIS : FABRICE DROUELLE • P. 28 LE NOUVEAU : MICHAËL DACHEUX

BOBINES

P. 30 EN COUVERTURE : LES ÉTERNELS • P. 40 INTERVIEW : FRANÇOIS OZON • P. 44 MOTS CROISÉS : BARRY JENKINS

ZOOM ZOOM

P. 56 UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT • P. 60 LA FAVORITE P. 66 MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN

COUL’ KIDS

P. 90 INTERVIEW : MARIE OPPERT • P. 92 LA CRITIQUE DE LÉONORE : MINUSCULE 2 • P. 93 : TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 94 DÉCRYPTAGE : LES FONDATIONS D’ENTREPRISE P. 104 CONCERTS : TOMMY GENESIS • P. 110 SÉRIES : TRUE DETECTIVE

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE: JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : CORENTIN LÊ ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : JULIEN BÉCOURT, HENDY BICAISE, LILY BLOOM, CHARLES BOSSON, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, CORENTIN DURAND, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, ROD GLACIAL, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, DAMIEN LEBLANC, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & LÉONORE, ANNA ET ANNA PHOTOGRAPHES : MIKE IBRAHIM, PALOMA PINEDA, PHILIPPE QUAISSE | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : EVA.LEVEQUE@MK2.COM | RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ALISON.POUZERGUES@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : AGATHE.BONCOMPAIN@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

LE DÉBUT DE LA FIN

Habituellement,

l’écran-titre d’un film arrive en son début. Mais certains réalisateurs aiment se faire remarquer, comme Bi Gan qui, dans Un grand voyage vers la nuit (en salles le 30 janvier), le décale à mi-parcours de son récit. Au-delà de l’anecdote, l’effet produit est souvent plein de sens. • HENDY BICAISE

UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT

Écran-titre à la 75 e minute

de Bi Gan (2019) Le héros se rend dans une salle de cinéma, et, sur l’écran qu’il regarde, c’est le titre du film de Bi Gan qui apparaît. Troublante mise en abyme, qui fait basculer le film dans un long plan-séquence onirique en 3D.

Durée totale du film : 138 min

LES INFILTRÉS

Écran-titre à la 18 e minute

de Martin Scorsese (2006) Pour infiltrer un gang mafieux, un flic se fait incarcérer. C’est une fois la porte de la cellule verrouillée que le titre est révélé, annonçant le piège qui se referme sur le personnage.

Durée totale du film : 150 min

BLISSFULLY YOURS

Écran-titre à la 45 e minute

d’Apichatpong Weerasethakul (2002) Après une longue introduction en ville, c’est presque un second film qui commence avec l’apparition du titre : les deux amants roulent en direction d’une forêt, qu’ils ne quitteront plus.

Durée totale du film : 125 min

SUBURBAN BIRDS

Écran-titre à la 105 e minute

de Qiu Sheng (2019) Ce n’est qu’à la fin du film que le titre envahit le cadre. La frustration affleure… Mais ouf ! il reste une séquence, semblable à la dernière pièce d’un puzzle.

Durée totale du film : 118 min

JELLYFISH

Écran-titre à la 85 e minute

de Kiyoshi Kurosawa (2003) Cette fable sociale aurait paru nettement plus pessimiste sans l’ultime séquence et le dévoilement en surimpression de son titre original – qui signifie littéralement « avenir radieux ».

Durée totale du film : 92 min

CLIMAX

Écran-titre à la 93 e minute

de Gaspar Noé (2018) Comme en écho à ses héros drogués à leur insu, Gaspar Noé place le titre de son film à la toute fin… alors que le générique de fin était au début, et celui du début, au milieu.

Durée totale du film : 93 min

ÉMOPITCH MARIE STUART. REINE D’ÉCOSSE (SORTIE LE 27 FÉVRIER) 6



FAIS TA B.A.

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs). • JOSÉPHINE LEROY POUR VOUS DÉTENDRE AVANT VOTRE ROAD TRIP EN AMÉRIQUE DU SUD Vous allez enfin embarquer pour le voyage de vos rêves. Parce que vous en avez votre claque de lire Le Guide du routard, regardez l’ovni The Last Movie (1971) de (et avec) Dennis Hopper, qui incarne dans cette satire hallucinée du système hollywoodien un cascadeur qui décide de rester au Pérou après le tournage d’un western. Pas besoin de bagages pour ce trip-là.

: « The Last Movie » de Dennis Hopper (Carlotta Films)

POUR VOTRE MEC QUÉBÉCOIS, VENU S’INSTALLER À PARIS POUR VOUS

Night Mayor de Guy Maddin (2009)

© D. R.

Pour l’instant, il pleure tous les matins en chantant sous la douche « Pour que tu m’aimes encore » de Céline Dion. Rassurez-le : cette année, le festival de Clermont-Ferrand rend hommage à son pays, en projetant notamment des courts de Guy Maddin (Night Mayor), Denis Villeneuve (REW FFWD) ou encore Jean-Marc Vallée (Les Mots magiques). C’est tiguidou (« super »), ça !

: Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, du 1er au 9 février à Clermont-Ferrand

POUR VOTRE ONCLE, QUI PROJETTE DE MONTER UN CINÉ-CLUB MILITANT Il s’entend très bien avec les « gilets jaunes » qui campent au rond-point de son village et leur a proposé de monter un ciné-club engagé. Idée de programmation : ce coffret de cinq films (Nuages épars, Au gré du courant…) du Japonais Mikio Naruse. Tournés entre 1954 et 1967, ces beaux films nous immergent avec poésie dans le quotidien de la classe moyenne.

: « Mikio Naruse. 5 films. » (Carlotta Films)

POUR VOTRE COUSIN GERMAIN, UN MÉTÉOROLOGUE ROMANTIQUE

Les Nuits de la pleine lune d’Éric Rohmer (1984)

© D. R.

Avec ses lunettes à double foyer et ses cravates vieillottes, Antoine est assez vieux jeu, et il a du mal à sortir de sa zone de confort. Emmenez-le à la rétrospective que la Cinémathèque française consacre à Éric Rohmer. Sous des dehors rigides, le cinéaste érudit y déploie une subtile fantaisie – voilà une manière élégante de faire passer votre message.

: « Rétrospective Éric Rohmer », jusqu’au 11 février à la Cinémathèque française

POUR VOTRE AMIE COMÉDIENNE QUI ÉCUME DÉSESPÉRÉMENT LES CASTINGS Paralysée par l’angoisse après plusieurs essais ratés, elle est à deux doigts de tout abandonner. Ce portrait fouillé de John Cassavetes, figure tutélaire du cinéma indépendant américain qui auscultait avec brio les failles intimes (Faces), lui redonnera courage. On y mesure à quel point le cinéaste a sans cesse redoublé d’efforts pour concrétiser ses projets.

: « L’Impossible Monsieur Cassavetes » de Sophie Soligny (Séguier, 200 p.)

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NORD-OUEST PRÉSENTE

VINCENT LACOSTE

BENOÎT POELVOORDE

MATHIEU CAPELLA

ANAÏS DEMOUSTIER

Deux Fils un film de FÉLIX MOATI

LE 13 FÉVRIER


HOME CINÉMA

Lampe akari

© D. R.

Chaque mois, une traversée des tendances du design, de l’art de vivre et de la culture portées par le grand écran et disponibles au mk2 store du mk2 Bibliothèque. Ce mois-ci : des objets qui racontent et prolongent le cinéma asiatique. • CORENTIN DURAND

LA LAMPE AKARI 1N Pionnier du design du xx e siècle, Isamu Noguchi aimait rappeler que sa lampe Akari s’inspirait de la tradition des lampions de pêcheurs de la rivière Nagara. Sa fabrication est restée artisanale, ce qui explique pourquoi ce luminaire désormais culte n’a rien perdu de sa chaleur et de son authenticité.

DES LIVRES SUR LA MÉTHODE HAYAO MIYAZAKI

LA RÉÉDITION VINYLE DE LA B.O. DE MEMORIES OF MURDER Après leur livre Memories of Murder. L’enquête, les passionnés de La Rabbia poursuivent leur exploration du premier chef-d’œuvre de Bong Joon-ho avec cette remasterisation de la bande originale du thriller désespéré et burlesque. Plaisir fétiche.

Dans sa collection « L’Art de… », Glénat a publié une série de beaux livres consacrés à la fabrication des films du maître de l’animation japonaise (Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké) rassemblant notamment des aquarelles, des planches, des palettes et des croquis.

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UN COFFRET DVD SUR L’ÂGE D’OR DU CINÉMA JAPONAIS Après le succès du premier volume, Carlotta s’intéresse aux acteurs et actrices du cinéma japonais des années 1930 à 1970, avec ce coffret contenant un livre passionnant et quatre films : Quand une femme monte l’escalier de Mikio Naruse, Le Goût du saké de Yasujirō Ozu, Aveux, théories, actrices de Kijū Yoshida et Mifune. Le dernier des samouraïs de Steven Okazaki.



CHAUD BIZ

POPCORN

CHRONOLOGIQUEMENT VÔTRE

Très

cinéma hexagonal. Auparavant fixée à dix mois, l’arrivée des films sur la chaîne cryptée passe désormais à huit mois, voire même six, sous dérogation et à condition que le long métrage en question ait réalisé moins de 100 000 entrées dans les quatre premières semaines de son exploitation en salles. De son côté, Netflix, qui refuse de sortir en salles ses créations originales (comme, au hasard, Roma d’Alfonso Cuarón), à cause de cette fameuse chronologie, ne risque pas de changer d’avis avec ce nouvel accord : les plates-formes payantes sont toujours soumises à un délai de trente-six mois après la sortie du film. Rien ne change donc pour elles, ou presque. Si elles sont prêtes à mettre la main à la poche en matière d’investissements et de préachat de films, ce délai peut passer à dix-sept mois. Pas sûr que la carotte soit suffisamment alléchante pour un Netflix qui souhaite imposer le day & date (sortie simultanée en salles et sur la plate-forme). Annoncée en grande pompe, cette nouvelle chronologie n’est en fait qu’un pas de Lilliputien. Rendez-vous dans dix-huit mois, pour la clause de revoyure (oui, c’est son nom) qui prévoit la possibilité d’apporter des modifications. Au cas où… • PERRINE QUENNESSON ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

attendue par les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, la nouvelle chronologie des médias a enfin été ratifiée. Ça donne quoi ? On n’y croyait plus. Et pourtant. La nouvelle chronologie des médias est enfin arrivée. Les organisations professionnelles du cinéma et de l’audiovisuel ont toutes ratifié l’accord défini depuis août, qui est entré en vigueur pour quatre ans le 21 décembre dernier – jour même de la signature de Canal+ et d’OCS, bons derniers, qui aiment visiblement se faire remarquer. La chronologie des médias est un accord interprofessionnel (et non un décret ou une loi) qui définit les délais dans lesquels les diverses exploitations d’une œuvre cinématographique peuvent intervenir afin que chacun ait, en théorie, le droit à sa part du gâteau. Dans l’ordre : la salle, la vidéo (DVD et V.O.D.), la télévision, et les plates-formes de streaming. Il était nécessaire que cette exception culturelle bien de chez nous se mette à jour pour suivre la mutation des modes de consommation de films. Alors, objectif atteint ? Pas tout à fait. En réalité, aucun changement majeur n’a eu lieu. Le grand gagnant est Canal+, principal financier du

Le grand gagnant est Canal+, principal financier du cinéma hexagonal.

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CINÉMA DEFACTO PRÉSENTE

Afrique du Sud, Province du Free State. L’écroulement tardif d’une civilisation coloniale. BRENT VERMEULEN

ALEX VAN DYK

JULIANA VENTER

UN FILM DE ETIENNE KALLOS

AU CINÉMA LE 20 FÉVRIER www.pyramidefilms.com


RÈGLE DE TROIS

FABRICE DROUELLE 3 « affaires sensibles » qui auraient tout pour être portées au cinéma ? Elles pourraient l’être toutes ! S’il faut faire un choix, parce que c’est le jeu, j’imaginerais bien un biopic sur Jérôme Cahuzac. Je pense que ce serait assez spectaculaire. Ensuite, j’ai fait une émission assez originale sur l’histoire d’amour entre Brigitte Bardot et Roger Vadim. Ça ferait un joli film romantique et en même temps un peu dur. Puis je verrais bien un film sur l’histoire du pain maudit de Pont-Saint-Esprit. En 1951, les habitants d’une bourgade dans le Gard deviennent tous dingues parce qu’ils mangent du pain dans lequel on trouve une substance proche du LSD. Cette histoire est folle. 3 films qui ont su mettre en scène un fait divers avec talent ? Tout, tout de suite de Richard Berry, incroyablement réaliste sur cette épouvantable affaire Ilan Halimi, jeune juif victime du gang des barbares et de Youssouf Fofana. On y voit bien comment les parents Halimi et la police

deviennent des alliés, avec le même sentiment de désespoir. C’est pour moi le fait divers de ces dernières années le plus traumatisant pour ce pays. Sept morts sur ordonnance de Jacques Rouffio, qui s’inspire des mystérieux suicides, à quelques années d’intervalle, de deux médecins rémois victimes de chantage. Pour sa vitalité, sa force, et sa manière de nous rappeler ce qu’étaient les années 1970. Et puis L’Adversaire de Nicole Garcia, adaptation du livre d’Emmanuel Carrère autour de Jean-Claude Romand. Daniel Auteuil y porte une gravité étonnante. 3 voix de cinéma qui vous envoûtent ? Hors concours et sans hésitation, celle de Paul Meurisse, pour sa tessiture absolument magnifique, la couleur de ses cordes vocales – les gens comme lui ont une autorité par la voix plus que par leur comportement physique. Celle d’André Dussolier, mais juste dans la voix off du Fabuleux destin d’Amélie

— : Affaires sensibles, du lundi au vendredi de 15 h à 16 h sur France Inter

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© CHRISTOPHE ABRAMOWITZ

Du lundi au vendredi dans Affaires sensibles sur France Inter, le journaliste à l’éloquence et au sens du récit toujours entraînants se penche sur les faits divers nébuleux ou sordides, les procès retentissants ou les événements troubles qui interrogent notre société. On s’est demandé si le côté sombre et mystérieux de son émission se retrouvait dans ses goûts cinématographiques. Poulain de Jean-Pierre Jeunet. Et puis la voix de Michel Roux quand il double Tony Curtis dans Amicalement vôtre, car elle me renvoie à mon enfance. Vos 3 films préférés ? Barry Lyndon de Stanley Kubrick, le seul film où la perfection touche tous les domaines : le scénario, le casting, la musique, cette lumière extraordinaire avec les bougies… Le Dictateur de Charlie Chaplin, pour sa portée politique et symbolique, son importance historique. Et mon polar préféré, Nikita de Luc Besson, pour son efficacité incroyable. Le film qui vous fait frissonner une nuit à 3 heures du mat’. Shining de Stanley Kubrick, un film psychanalytique fantastique. C’est le seul qui m’a fait peur. Parce que c’est la peur universelle : celle de ses propres fantasmes.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET


LES FILMS DU LENDEMAIN ET JPG FILMS PRÉSENTENT

D’APRÈS LES MÉMOIRES DE

CASANOVA VINCENT

LINDON STACY

MARTIN

DERNIER AMOUR UN FILM DE

BENOIT JACQUOT SCÉNARIO ET DIALOGUES DE CHANTAL THOMAS

JÉRÔME BEAUJOUR ET BENOIT JACQUOT

D’APRÈS HISTOIRE DE MA VIE DE GIACOMO CASANOVA AVEC LA PARTICIPATION DE VALERIA GOLINO

CRÉATION

ET AVEC JULIA ROY NANCY TATE ANNA COTTIS HAYLEY CARMICHAEL CHRISTIAN ERICKSON NATHAN WILLCOCKS ANTONYTHASAN JESUTHASAN IMAGE CHRISTOPHE BEAUCARNE SON PIERRE MERTENS PAUL HEYMANS OLIVIER GOINARD ASSISTANT MISE EN SCÈNE ANTOINE SANTANA DIRECTEUR DE PRODUCTION ALBERT BLASIUS CASTING ANTOINETTE BOULAT SCRIPTE GENEVIÈVE DUFOUR DÉCORS KATIA WYSZKOP COSTUMES PASCALINE CHAVANNE MONTAGE JULIA GREGORY MUSIQUE ORIGINALE BRUNO COULAIS PRODUCTION DÉLÉGUÉE KRISTINA LARSEN JEAN-PIERRE GUÉRIN EN COPRODUCTION AVEC LUC ET JEAN-PIERRE DARDENNE DELPHINE TOMSON CHARLES S. COHEN PRODUCTION EXÉCUTIVE LES FILMS DU LENDEMAIN UNE PRODUCTION LES FILMS DU LENDEMAIN JPG FILMS EN COPRODUCTION AVEC WILD BUNCH FRANCE 3 CINÉMA LES FILMS DU FLEUVE COHEN MEDIA GROUP AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL + CINÉ + FRANCE TÉLÉVISIONS AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE DE CASA KAFKA PICTURES DU PROGRAMME EUROPE CREATIVE MEDIA DE L’UNION EUROPÉENNE DE LA PROCIREP EN ASSOCIATION AVEC SOFITVCINE 5 ET 6 PALATINE ETOILE 16 CINÉMAGE 13 SOFICINEMA 12 DEVTVCINE 3 VENTES INTERNATIONALES ELLE DRIVER DISTRIBUTION DIAPHANA

LE 20 MARS


RÈGLE DE TROIS

MONIA CHOKRI

Découverte dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan en 2010, l’actrice et cinéaste québécoise incarne une trentenaire acculée par ses mensonges dans le tendre On ment toujours à ceux qu’on aime de Sandrine Dumas (lire p. 87). Depuis Montréal, elle a répondu à notre questionnaire cinéphile. Un film que vous pourriez mater à 3 heures du mat’, une nuit d’insomnie ? Maris et Femmes de Woody Allen [sur la séparation d’un couple new-yorkais, qui provoque une remise en question dans leur groupe d’amis, ndlr]. J’ai vu ce film au moins 324 fois et je ne m’en lasse pas. C’est un scénario impeccable. Une comédie qui vous console au bout de 3 minutes ? The Big Lebowski des frères Coen. Je trouve leur humour hyper fin. C’est la plus grande comédie de l’histoire du cinéma. Ce triangle amoureux que vous trouvez fascinant à l’écran ? Je sais que c’est un peu banal, mais je dirais celui de Jules et Jim de François Truffaut. Jeanne Moreau est d’une modernité incroyable. À une époque comme les années 1960, elle réussit à dégager beaucoup de liberté. Même si les mœurs ont changé, je peux facilement m’identifier à son personnage.

3 scènes de film que vous aimeriez vivre ? La scène mythique d’Un homme et une femme de Claude Lelouch, quand Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant se retrouvent et s’enlacent sur la plage de Deauville. Il y a quelque chose de très incarné dans cet amour entre deux êtres qui ont déjà un vécu. Je suis très fan de Trintignant. Quand je le vois dans des films des années 1960-1970, je me dis même que j’aurais très bien pu tomber amoureuse de lui. La scène de la fontaine de Trevi dans La dolce vita de Federico Fellini. Je l’ai revu récemment et, contrairement à ce dont je me souvenais, Marcello Mastroianni et Anita Ekberg ne s’embrassent même pas ! Ils se prennent dans les bras et leurs lèvres s’effleurent. Le jour arrive et on a l’impression qu’ils ont passé des heures à se regarder sans bouger. C’est la définition du désir pur. Et enfin la scène de Noël où Augustine, la mère de Marcel Pagnol, nous fait la déclinaison des sept desserts de Provence dans

La Gloire de mon père d’Yves Robert. Si le bonheur pouvait se matérialiser, il serait incarné par ce moment de cinéma de mon enfance. 3 films trop méconnus que vous voudriez faire découvrir ? Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher (2018). Il est un peu connu, mais pas assez à mon goût. Je l’ai vu pendant la postproduction de mon film [La femme de mon frère, son premier long métrage, pas encore sorti en salles, ndlr]. Je me suis dit que je n’étais pas digne de pratiquer mon métier tellement j’étais impressionnée. À tout prendre de Claude Jutra. C’est un film québécois de 1964 qui s’inscrit dans la lignée de la Nouvelle Vague. Il est fort possible que ce soit mon film préféré. Le court métrage Fauve de Jeremy Comte qui, à mon humble avis, est le prochain grand cinéaste canadien. • PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE LEROY

— : « On ment toujours à ceux qu’on aime » de Sandrine Dumas Dean Medias (1 h 30) Sortie le 6 mars

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SHANGHAI FILM GROUP, XSTREAM PICTURES (BEIJING), GROUP MEDIA HUANXI, MK PRODUCTIONS, HUAYI BROTHERS, BEIJING RUNJIN INVESTMENT, WISHART MEDIA, ENCHANT PICTURES ET AD VITAM PRÉSENTENT

« JIA ZHANG-KE FILME

LE GRAND ROMAN

« UNE FRESQUE PASSIONNELLE INOUBLIABLE »

DE LA CHINE » TRANSFUGE

« ZHAO TAO

VARIETY

IMPÉRIALE » TÉLÉRAMA

ZHAO TAO

LIAO FAN

UN FILM DE

JIA ZHANG-KE

CRÉATION

SHANGHAI FILM GROUP XSTREAM PICTURES (BEIJING) GROUP MEDIA HUANXI MK PRODUCTIONS HUAYI BROTHERS BEIJING RUNJIN INVESTMENT WISHART MEDIA ENCHANT PICTURES PRÉSENTENT EN ASSOCIATION AVEC HUAXIA FILM DISTRIBUTION SHANGHAI TAO PIAO PIAO FU JIAN HENGYE PICTURES UP PICTURES COPRODUCTEURS ARTE FRANCE CINÉMA AVEC LA PARTICIPATION DE ARTE FRANCE UNE COPRODUCTION FRANCE - RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE DE CHINE UN FILM DE JIA ZHANG-KE LES ÉTERNELS (ASH IS PUREST WHITE) AVEC ZHAO TAO LIAO FAN ET XU ZHENG CASPER LIANG FENG XIAOGANG DIAO YINAN ZHANG YIBAI DING JIALI ZHANG YI DONG ZIJIAN DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE ERIC GAUTIER (A.F.C.) MUSIQUE LIM GIONG SON ZHANG YANG DIRECTEUR ARTISTIQUE LIU WEIXIN MONTAGE MATTHIEU LACLAU LIN XUDONG PRODUCTEURS ASSOCIÉS WANG TIANYUN JOSIE CHOU WAN JIAHUAN ZHAO YIJUN YE NING LIU ZHE COPRODUCTEURS ZHANG DONG STEVEN XIANG JULIETTE SCHRAMECK WANG ZHONGLEI PRODUIT PAR SHOZO ICHIYAMA PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS REN ZHONGLUN JIA ZHANG-KE DONG PING NATHANAËL & ELISHA KARMITZ WANG ZHONGJUN LIU SHIYU ZHU WEIJIE YANG JINSONG COPRODUCTEURS DÉLÉGUÉS FU RUOQING JERRY LI CHEN HUI FELIX XIAO ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR JIA ZHANG-KE DISTRIBUTION AD VITAM © 2018 XSTREAM PICTURES (BEIJING) - MK PRODUCTIONS - ARTE FRANCE TOUS DROITS RÉSERVÉS

LE 27 FÉVRIER AU CINÉMA


SCÈNE CULTE

LES FORBANS DE LA NUIT (1950)

POPCORN

« Tu as toutes les cartes en mains, et pourtant tu es un homme mort, Harry Fabian. Un homme mort. »

Harry

batterie posée sur scène, il improvise un solo victorieux. Contrechamp : le patron compose un numéro de téléphone, prétendument pour vérifier ses dires ; au premier plan, Harry l’accompagne d’un swing chaloupé sur une cymbale. Mais la mélodie chantée dans le combiné est discordante. Ce que veut le boss de cette turne, on le sait déjà, c’est éliminer Harry en le livrant à son concurrent. Un gros plan en légère contre-plongée imprime le dernier sursaut d’orgueil du malheureux. Rire forcé, dents serrées, œil luisant, il avance et empoigne son faux mécène par la manche. Mais le visage gras de celui-ci grignote le cadre avec délectation. « Tu as toutes les cartes en mains, et pourtant tu es un homme mort, Harry Fabian. Un homme mort. » Il ponctue sa phrase, et la scène, d’un unique coup de cymbale. Le glas est sonné. La faucheuse s’installe au pupitre pour le mouvement final. • MICHAËL PATIN

Fabian (Richard Widmark) est un petit arnaqueur avec de grandes ambitions. Autour de lui gravitent l’amoureuse inquiète (Gene Tierney), le riche patron de club pour qui il bosse comme rabatteur (Francis L. Sullivan), l’épouse perfide de celui-ci, ainsi que toute une galerie de paumés et de brutes des bas-fonds de Londres – où le cinéaste américain Jules Dassin vient de s’exiler pour fuir la chasse aux sorcières de Hollywood. Dès l’ouverture du film, Fabian est en fuite ; l’échec à venir de sa nouvelle lubie – devenir un gros bonnet de l’organisation de combats – ne fait aucun doute. Nous sommes devant un film noir. Ce qui compte n’est pas l’issue (fatale), mais la manière d’y parvenir. Une affaire de tempo, celui du jazz, auquel le genre est intimement lié. Urbain, frénétique, percussif. Dans Les Forbans de la nuit, Dassin ne se contente pas de la bande-son de Franz Waxman, mais projette la métaphore rythmique à l’écran. Harry déboule dans la boîte de nuit en sautant par-dessus la rambarde de l’escalier. Bras ouvert, pied léger, il fait le show pour annoncer la bonne nouvelle : tout est prêt pour le combat du siècle. Sur la

— : de Jules Dassin, sortie en DVD (Wild Side) le 27 mars

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“ÉMOUVANT ET HUMANISTE” LA SEPTIÈME OBSESSION

SANTIAGO, ITALIA UN FILM DE NANNI MORETTI

27 FÉVRIER


TROIS IMAGES

VISIONS DU e XVIII SIÈCLE Le xviiie siècle a souvent été pour les réalisateurs un laboratoire d’expérimentation du langage cinématographique, libérant une profusion de visions décalées, fantasmées et baroques. En salles, La Favorite de Yórgos Lánthimos s’inscrit dans cette tradition.

POPCORN

En

multipliant les effets de symétrie et de surcadrage ainsi que les grands angles, Yórgos Lánthimos s’invente une grammaire cinématographique rigoureuse pour aborder le xviiie siècle comme un rêve. Dans La Favorite, une servante (Emma Stone) abuse de la confiance de sa patronne, Lady Sarah (Rachel Weisz), pour renouer avec ses racines aristocratiques. C’est elle qui impose son rythme en prenant possession du cadre et en défiant la frontalité de ses compositions. Le xviiie siècle apparaît alors comme une loupe pour observer le chemin d’une émancipation. Dans Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway (1984), un peintre paysagiste est engagé par une femme noble pour peindre douze représentations de sa propriété. En échange, il demande par contrat de pouvoir jouir de sa personne une heure chaque jour. Ce film sensuel, cynique et théorique questionne les vertus du cadrage et reconstruit un monde à partir d’une succession de fragments. Si l’image est symétrique, c’est, comme le dit un des personnages, qu’elle doit, à l’aube du xviiie siècle, assurer la balance entre « l’innocence et l’arrogance ». Barry Lyndon de Stanley Kubrick (1976) s’appuie sur une multitude de références picturales empruntées aux maîtres des jardins anglais (Hogarth, Stubbs, Gainsborough, Constable). Il en rejoue méthodiquement les poses et filme des personnages qui tentent désespérément de s’en extraire. Là encore, le cinéaste magnifie la splendeur et l’éclat d’une époque pour en montrer de manière encore plus brutale et cinglante la violence de classe. • CHARLES BOSSON

— : « La Favorite » de Yórgos Lánthimos

20th Century Fox (2 h) Sortie le 6 février

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NODREAM et MANTARRAYA présentent

“SENSUEL, PUISSANT, SURPRENANT.” - LES INROCKUPTIBLES -

UN FILM DE CARLOS REYGADAS

AU CINÉMA LE 6 FÉVRIER

www.filmsdulosange.fr


LE TEST PSYNÉPHILE

ES-TU PRÊT(E) À PRENDRE LE POUVOIR ?

La citation que tu pourrais te tatouer sur la fesse :

Un monde sans guerre.

Je suis de mon côté, toujours.

Un prêtre qui te demande de le suivre.

Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un flingue et ceux qui creusent.

Une assemblée qui te fixe en pensant « la grosse ».

Les voies du Seigneur sont impénétrables. Tu as toujours été doué(e) pour… POPCORN

L’angoisse qui te réveille à 5 heures du matin ?

Qu’as-tu pensé devant les images en boucle des « gilets jaunes » ?

Remuer la merde.

Les flics sont très méchants.

Garder un secret (même plus gros que toi).

Ah ! le peuple…

Faire des courbettes. Tu vois le dernier jour de ta vie comme…

Pas très catholique tout ça. Pour obtenir ce que tu veux, tu es prêt(e) à…

La mise à mort d’un cerf sacré.

Offrir ton enfant en sacrifice.

Le dernier jour avant l’enfer.

Prendre 30 kg, te raser la tête et teindre tes sourcils en blond.

Une dernière partie de pêche dans le Wyoming.

Jouer la potiche, jeune et jolie.

SI TU AS UN MAXIMUM DE : TU ES PRÊT(E)… ET TU N’ES PAS PRÊT(E) DE LE LÂCHER Tu as l’âme d’une courtisane. Sous des airs de joli chat poudré, tu es une vipère impitoyable et ambitieuse. La Favorite (sortie le 6 février) est comme toi. Ceux qui s’attendent à un film en costumes ampoulé vont être pris de court par ce jeu de massacre abrupt, savamment mis en scène par Yórgos Lánthimos. En très grande forme, le réalisateur grec n’oublie pas, au détour d’une envolée baroque, d’égratigner notre époque. C’est jouissif, méchant, moderne.

TU ES PRÊT(E) PARCE QU’IL LE FAUT 2018 a libéré la parole des femmes ; 2019 libérera la parole des victimes de pédophiles. Grâce à Dieu de François Ozon (sortie le 20 février) s’attaque à la grande menteuse, l’Église catholique, et à son inaction criminelle face aux prêtres pédophiles. Comme les personnages, tu ne sortiras pas indemne de ce film implacable dont le titre fait référence aux mots ignobles prononcés par le cardinal Barbarin – « La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits ».

MÊME UN INFARCTUS NE T’ARRÊTERA PAS. Personne ne te calcule vraiment : pourtant, tu es un être impitoyable. Cela te fait un point commun avec Dick Cheney, héros de Vice (sortie le 13 février), satire ahurissante signée Adam McKay, réalisateur de Very Bad Cops. Autour de ce personnage méconnu dont l’influence sur la géopolitique mondiale est encore palpable aujourd’hui, le film, quasi documentaire, nous plonge dans les arcanes horrifiques de la politique américaine. À voir pour ouvrir les yeux.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22


DIAPHANA FILMS PRÉSENTE

JULIETTE BINOCHE

Celle que vous croyez UN FILM DE

SAFY NEBBOU FRANÇOIS CIVIL NICOLE GARCIA D’APRÈS LE ROMAN DE

CAMILLE LAURENS

le 27 février au cinéma


ALAIN DE L’OMBRE

ou

de

Je

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Cla

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M is s i

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Le cinéma français est peuplé de seconds couteaux à qui les metteurs en scène trop frileux n’ont jamais permis de déchirer la toile. Ils errent de film en film, aiguisés, à l’affût, se constituant des carrières parallèles auxquelles l’absence de succès véritable donne un cachet particulier. Ce mois-ci…

JEAN-ROGER MILO

Quiconque

a déjà croisé sa trogne au détour d’une rediffusion télé n’a pu l’oublier. Il est vrai que l’acteur a longtemps dû subir les affres du délit de faciès. Et pour cause. Tête carrée, oreilles décollées, voix rugueuse : quand Jean-Roger Milo l’ouvre, c’est la rue qui parle… Le réalisateur Yves Boisset est le premier à prêter attention à lui – alors âgé de 20 ans, Milo tourne dans des courts et suit les cours d’art dramatique de Sacha Pitoëff, ancien prof de Gérard Depardieu. Boisset lui offre une silhouette dans La Clé sur la porte en 1978, et le retrouve deux ans plus tard – il crève l’écran dans La Femme flic, auteur d’un coup de pression ô combien malsain sur la pauvre Miou-Miou, jeune inspectrice enquêtant sur les réseaux pédophiles du Nord. Estampillé 100 % brute épaisse, l’acteur enchaîne alors les rôles de loubard et de castagneur dans une pléthore de films aux noms révélateurs : La Bande du Rex, Boulevard des assassins, Les Enragés, Les Loups entre eux… Le plus marquant reste bien sûr Tir groupé de Jean-Claude Missiaen, brûlot de 1982 sur la violence suburbaine, dans lequel l’acteur tue froidement la compagne de Gérard Lanvin, jouée par Véronique Jannot (très mauvais souvenir pour l’actrice, qui se plaindra de sa brutalité auprès du réalisateur).

Le grand public le découvre aussi aux côtés de Jean-Paul Belmondo (L’As des as, Le Marginal) ou dans La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix (une seule scène – de bagarre – et Milo, qui ne fait jamais semblant, envoie Depardieu à l’hosto). L’acteur ne maîtrise plus sa force, et c’est Bertrand Tavernier qui va le calmer et le réorienter. Avec L.627 en 1992, Milo passe de l’autre côté. Il campe un flic nounours condamné à lutter à la fois contre sa hiérarchie et les dealers. Déclic pour Claude Berri, qui lui confie ensuite deux des rôles les plus importants de son parcours : Antoine Chaval dans Germinal et Maurice dans Lucie Aubrac. Après la rue, le rural. La patte rustre de Milo se déploie enfin sur le tapis moelleux du cinéma hexagonal, mais il n’est pas fait pour la célébrité. Deux blockbusters plus tard (Le Pari, Astérix et Obélix contre César), il boucle la boucle en incarnant le « grand frère » du petit délinquant dans le téléfilm de Dominique Ladoge Les Sagards (2000). Son dernier rôle sera furtif dans San Antonio en 2004. On raconte que Gustave Kervern et Benoît Delépine le voulaient à la place de Michel Houellebecq pour l’expérimental Near Death Experience, mais, la vérité, c’est que depuis quinze ans personne n’a de nouvelles de Jean-Roger Milo. Alors un signe, de grâce ! • ROD GLACIAL

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© COLLECTION CHRISTOPHEL

POPCORN

gr

Tir



POPCORN

LE BRAS CASSÉ DU CINÉ

Alexandre,

MARVEL

u n t y p e d e 26 a n s , a d é c i d é d ’a i d e r l a police débordée, comme à Gotham dans Batman : un 1er mai, il s’en est pris salement à un manifestant, avec son costume de super-héros – un casque, qui remplace une carte de police. La presse a compris quelques mois plus tard : en France, il existe des bonshommes, comme lui, qui apparaissent et disparaissent comme des ombres. Ou des fantômes. Le président de la République est mouillé, et pas qu’un peu : Alexandre a assuré sa sécurité, un temps. Avant d’être désavoué publiquement par le Palais. Depuis, le fantôme fait du boucan à tous les étages. Jusqu’en Afrique, où il voyage avec des passeports diplomatiques qu’il n’a pas rendus. Les temps sont durs pour les damnés : même dans les ténèbres, il faut faire du blé. Cet hiver, sa trombine s’affiche partout. Car Alexandre jure qu’il y a du réseau en enfer et qu’il a pu, de ce fait, échanger des textos avec le président en personne sur une messagerie cryptée. Christophe, boxeur de 37 ans, a lui choisi de donner un coup de main à des manifestants en

gilets jaunes encerclés par la police. C’était un samedi après-midi tout gris, le premier de 2019. Il a escaladé une rambarde avec son costume de super-héros : un bonnet noir. Et il s’est mis à faire reculer un flic à coups de pains, quand bien même celui-ci avait son bouclier et tout le reste de l’attirail. Quinze jours d’I.T.T. pour le policier et des internautes choqués ou, a contrario, galvanisés : à mains nues, un homme chauve, a priori sans pouvoirs magiques, a vengé tous ceux qui furent chatouillés un jour par la matraque ici et là sans raison aucune. Le même jour que le Kojak en bonnet noir, des gens ont forcé la porte d’un ministère avec un Manitou. Peut-être ont-ils pris aux mots le président, qui dans un discours, a déclaré : « Qu’ils viennent me chercher. » Et qu’ils se sont trompés d’adresse. Tout est désormais possible dans le Nouveau Monde (2017-2022). Résolution du bras cassé du cinéma : résilier Netflix, parce que ça fait doublon avec le journal télévisé de 20 heures. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA

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Photo : Séverine Brigeot • Design : Laurent Pons / TROÏKA

UN GRAND FILM DE PROCÈS. L’OBS PRENANT DE BOUT EN BOUT. PREMIÈRE

D’APRÈS DES FAITS RÉELS

LE 6 FEVRIER


LE NOUVEAU

POPCORN

MICHAËL DACHEUX

Débarquer

à Paris à 25 ans, se coltiner des boulots précaires, se mettre au clair avec ses désirs… Martin et Léa, les attachants héros de L’Amour debout (lire p. 70), affrontent des épreuves initiatiques que Michaël Dacheux a bien connues. Ce natif de Mont-de-Marsan s’est pris de passion pour le septième art au collège grâce à une prof de français. « Ça ne m’a pas amené de l’évasion, mais au contraire un rapport fort à la réalité », se souvient avec pudeur et sincérité le réalisateur pour qui « on se constitue aussi comme jeune adulte à travers un savoir qui nous sauve ». Après des études de cinéma et deux moyens métrages remarqués, il a tourné ce premier long de façon

« un peu clandestine », un week-end par mois et sans aide financière. Les mots « intime » et « secret » reviennent souvent dans la bouche de ce jeune quadra qui se dit marqué par les films de Maurice Pialat ou de Jean Eustache (« parce que je reconnais la toile cirée, le village, les accents ») et qui apprécie Patrick Wang ou Ira Sachs pour leur « attention romanesque au banal ». On ne saurait mieux définir le charme très prometteur de L’Amour debout. • JULIEN DOKHAN — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « L’Amour debout » de Michaël Dacheux

Épicentre Films (1 h 23) Sortie le 30 janvier

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LES FILMS D’ICI - SébaStIEn OnOMO Et baC FILMS préSEntEnt

“DéLIcat Et pOétIquE”

“BOuLEvErSaNt”

téLéraMa

La crOIX

Cambodge, avril 1975

avec les voix de

BéréNIcE BEjO & LOuIS GarrEL

Design graphique :

FUNAN un film de DENIS DO

une production LeS FiLMS d’ici en coproduction avec Bac cinéMa LunaniMe itHinKaSia WeBSpider productionS epuar aMopiX cineFeeL 4 GaoSHan pictureS et SpeciaL toucH StudioS avec Le Soutien d’euriMaGeS cnc réGion réunion réGion Grand eSt StraSBourG euroMetropoLe cicLic - réGion centre-vaL de Loire en partenariat avec L’anGoa avec Le Soutien du FiLM Fund LuXeMBourG de Screen FLanderS du taX SHeLter du GouverneMent FédéraL BeLGe avec Le Soutien du proGraMMe creative europe - Média de L’union europeenne et de La SaceM avec La participation de tv5Monde « Funan » Bérénice BeJo LouiS GarreL production eXécutive nadine MoMBo adrien cHeF tiM MartenS MuSique oriGinaLe tHiBauLt KientZ aGYeMan conSuLtant production Jean-pauL coMMin SuperviSion MuSicaLe céciLia pietrZKo - GroWn Kid coproduit par david GruMBacH anneMie deGrYSe JuStin SteWart LouiSe GeniS-coSSerat MatHieu roLin arnaud BouLard GiLLeS SitBon produit par SeBaStien onoMo écrit par deniS do et MaGaLi pouZoL avec La participation de eLiSe trinH auteur GrapHique et directeur artiStique MicHaeL crouZat un FiLM de deniS do LeS FiLMS d’ici - Bac cinéMa - LunaniMe - itHinKaSia - WeBSpider productionS - epuar - GaoSHan - aMopiX - cineFeeL 4 - SpeciaL toucH StudioS © 2018 eu_flag_creative_europe_media_co_funded_vect_pos_en_[cmyk].eps

LE 6 MARS / BACFILMS

/ #FUNAN

/ FUNAN

1

15/05/2018

09:35


BOBINES

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JIA

ZHANG-KE

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BOBINES

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BOBINES

COMME UN ROC

Après sa fresque Au-delà des montagnes (2015), le Chinois Jia Zhang-ke compose, avec Les Éternels, une nouvelle tragédie sidérante. Son actrice fétiche, Zhao Tao, impériale comme jamais, campe la compagne déterminée d’un petit chef de la pègre locale mue par un sens de la loyauté hors du commun. À Cannes, en mai dernier, le timide cinéaste – qui, depuis Xiao Wu. Artisan pickpocket en 1997, s’entête à sonder les mutations de son pays – nous a parlé de ce puissant film-fleuve qui intrique magistralement romance, violence et mélancolie. 32


Comme dans Au-delà des montagnes, le récit se déploie sur trois époques différentes. Cet arc temporel très long, qui débute en 2001 et se termine aujourd’hui, correspond au tournant du nouveau siècle qui a vu l’arrivée d’Internet ainsi qu’une évolution fulgurante sur le plan économique et pour ce qui concerne le système de valeurs. De manière concomitante, énormément d’éléments du passé ont été détruits. Sauf qu’on ne s’en rend pas compte au moment où tout cela a lieu ; seul le temps nous permet de faire un travail de mise à distance, de prendre conscience, d’analyser ce qui s’est passé. C’est pour ça que, dans Les Éternels, j’ai eu besoin que le récit s’étende sur dix-sept ans, pour retranscrire cette conscience des changements qui, personnellement, m’est venue petit à petit. Elle fonctionne ici comme une toile de fond et coïncide avec des moments importants, des transitions et des bouleversements dans la vie des personnages. En 2001, c’est le début de cette histoire ; en 2006, l’héroïne sort de prison et part à la recherche de son compagnon, Bing ; et dans le temps présent, elle est encore confrontée à une nouvelle problématique de taille. C’était extrêmement important pour moi de lier la grande et la petite histoire. Vous suivez Qiao, une héroïne discrètement puissante – elle dirige la pègre et sa vie avec beaucoup de fermeté. Est-ce que vous percevez le film comme féministe ? Disons que c’est à mon insu que je me suis retrouvé à faire un film féministe. Au départ, j’avais en tête un récit du point de vue de ce qu’on appelle le jianghu dans la tradition chinoise, c’est-à-dire ces gens [comme des prostitué(e)s, des vagabonds ou des mafieux, ndlr] qui vivent en marge ou de façon souterraine et qui ont leur propre organisation, leur propre système de valeurs [le terme, issu des romans de cape et d’épée chinois, représente aussi, dans son sens actuel, l’aspiration du peuple à la justice, au courage et à la liberté individuelle, ndlr]. Ils sont liés par des notions de loyauté, de fidélité et par un certain nombre de rites. Pour moi, c’était un moyen de donner un point de vue critique sur la société actuelle, sur ce qu’elle impose de façon générale en matière de pouvoir, car ces sociétés souterraines sont mues par leurs propres règles. Et puis, soudain, alors que j’étais concentré sur ce point de vue, je

me suis rendu compte qu’il y avait aussi celui de l’héroïne, un point de vue féminin, qui m’a semblé d’autant plus intéressant. Vous montrez précisément la pègre comme un milieu régi par des principes nobles, comme la loyauté et la droiture. Cela ne pose-t-il pas problème d’en montrer des aspects positifs alors que vous êtes devenu une figure politique en Chine ? [Jia Zhang-ke a été élu député de l’Assemblée nationale populaire pour sa province natale, le Shanxi, en mai 2018, ndlr.] J’ai l’impression qu’il y a eu une incompréhension, en tout cas une méprise, autour de mon élection. Même si je suis aujourd’hui député, même si ça me confère un certain pouvoir, je suis loin de détenir l’entièreté des pouvoirs décisionnels à moi tout seul… Ce qui est intéressant, de mon point de vue, c’est que c’est au contraire une façon pour moi d’avoir un contrôle sur ce qui se passe dans les sphères du pouvoir, et même de formuler une certaine critique, de faire des propositions, et de faire part de mon opinion. C’est de cette façon que je le vois, et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu essayer. Vous avez ouvert un réseau indépendant de salles de cinéma en Chine. Comment fonctionne-t-il par rapport au gouvernement, qui exerce un fort pouvoir sur le cinéma national, notamment à travers son bureau de censure ? Il n’y a pas de soutien ou de lien particulier avec le gouvernement. Pour l’instant, je ne fais qu’utiliser un espace pour aider au maximum le cinéma indépendant. Le gouvernement chinois soutient les blockbusters, c’est la réalité du marché. Mais il soutient aussi, c’est une évidence, les films de propagande. Dans Les Éternels, vous évoquez fugacement le thème des aliens, quand l’héroïne contemple le passage soudain d’une

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Zhao Tao

BOBINES

JIA ZHANG-KE


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BOBINES

« Seul le temps nous permet de faire un travail de mise à distance, de prendre conscience. » soucoupe volante dans le ciel. Est-ce une manière de symboliser les croyances, les espoirs de la Chine en pleine évolution ? Dans une période de bouleversements en tous genres, à quoi sont occupés les gens ? Ils essayent de s’adapter aux changements, et finissent parfois par adopter des valeurs qui ne sont pas forcément celles que moi je considère comme essentielles. Intégrer cette autre dimension de l’univers, soit une échelle radicalement différente qui nous fait comprendre à quel point on est peu de chose, ça aide paradoxalement à se recentrer, à savoir ce que l’on pense. En fait, c’est un peu comme si trois points de vue coexistaient dans mon film : celui de la pègre, celui de l’héroïne, et celui des extraterrestres. Comment avez-vous travaillé sur ce film  avec votre épouse, Zhao Tao ? Comment avez-vous vu évoluer votre collaboration, alors que vous avez déjà tourné sept films ensemble ? C’est important pour moi d’attendre que mon scénario soit suffisamment abouti pour en

faire part à Zhao Tao. À partir de là, on entre dans une phase où l’on échange beaucoup : elle me fait part de la compréhension de son personnage – elle passe même par l’écrit pour cela –, me donne son point de vue, fait des propositions… Pour Les Éternels, elle a aussi fait un important travail de recherches documentaires, puisque c’est difficile de connaître précisément la vie et les personnalités de ces femmes qui évoluent au sein de la pègre. Elle a méticuleusement enquêté sur certains personnages historiques. On a aussi beaucoup échangé sur les costumes, elle s’est impliquée dans beaucoup de stades de la fabrication du film. Votre style de cinéma a beaucoup changé depuis le début de votre carrière. Vous êtes passé d’une mise en scène dépouillée, voire minimaliste, à beaucoup plus de flamboyance dans les trois derniers films. Est-ce que ce parcours trouve un écho avec l’histoire de la Chine ? Je ferais plutôt un parallèle avec mon envie de plus en plus pressante d’écrire des

Zhao Tao

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JIA ZHANG-KE

HORS-LA-LOI Les premières minutes de la filmographie de Jia Zhang-ke s’ouvrent sur une suite de petits délits – le héros éponyme de Xiao Wu. Artisan pickpocket entre dans un bus et se présente comme un policier pour ne pas avoir à payer son ticket. Une fois l’attention détournée, ni vu ni connu, le jeune homme en profite pour dérober le portefeuille de son voisin. Cet attrait immédiat pour la délinquance, le cinéaste l’a depuis toujours entretenu, des bandes rivales de Plaisirs inconnus (2003) jusqu’au deuxième segment de A Touch of Sin (2013), inspiré de la cavale de Zhou Kehua, un criminel chinois suspecté d’une dizaine de meurtres et de braquages avant d’être abattu par les forces de l’ordre en 2012. La troupe de gangsters des Éternels vient ainsi enrichir son univers mafieux inspiré des films d’action hongkongais des années 1980-1990. Clin d’œil révélateur de cet amour du banditisme à l’écran, dans une scène de Still Life (2007), on voit passer à la télévision Le Syndicat du crime de John Woo (1986). • CORENTIN LÊ

romans-fleuves. Cela dit, je pense que ça ne va pas durer très longtemps et que je vais revenir à autre chose. Après avoir fait Au-delà des Montagnes, j’avais encore très envie de faire un film qui couvre une grande période de l’histoire, j’avais besoin de prendre le temps. Et puis, maintenant que j’ai fait ce film-là, j’ai l’impression que, ça y est, j’ai fait ce que je voulais concernant ce travail avec le temps, que je peux passer à autre chose. Ce n’est pas encore sûr, mais c’est possible que je fasse ensuite un film d’époque dont l’action se déroulerait pendant la dynastie Qing [1644-1912, ndlr]. Depuis Au-delà des montagnes, des chansons (« Go West » de Pet Shop Boys dans ce dernier, « Y.M.C.A. » de Village People

dans Les Éternels) et des scènes de danse viennent ponctuer le récit. Que représentent ces échappées ? Il n’y a pas à chercher au-delà du fait que ce sont peut-être les deux chansons de pop music les plus célèbres parmi toutes celles que tout le monde aimait écouter dans les années 1990 et 2000. Si je n’avais pas fait mon film précédent, vous auriez sûrement entendu « Go West » dans celui-là ! Et je suis quelqu’un qui aime beaucoup la danse : je faisais du break dance quand j’étais jeune, et je passais mon temps dans les discothèques. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE / PASCO

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BOBINES

Fan Liao, au centre


LA MÉMOIRE DANS LA PEAU

Plaisirs inconnus (2003)

© HU TONG COMMUNICATION

EN COUVERTURE

Depuis une vingtaine d’années, Jia Zhang-ke s’attelle à filmer les mutations d’une société chinoise coincée entre le folklore de ses traditions et la libéralisation brutale de son économie. Pour relier ces deux faces opposées de la Chine et nourrir ses derniers mélodrames, le cinéaste convoque continuellement des images et des figures de ses films passés.

Dans

la deuxième partie des Éternels, alors que Qiao (Zhao Tao) assiste au spectacle d’un groupe folklorique qu’elle a croisé plus tôt dans le film, un champ-contrechamp vient opposer frontalement l’image du public immobile avec celle d’un chanteur et de ses partenaires, costumés aux couleurs du pays (en rouge et en jaune). Cette opposition du folklore et du peuple par une simple coupe au montage est une image récurrente dans la filmographie de Jia Zhang-ke. On la retrouve entre le jeune Xiao Wu et une pièce de théâtre dans son premier film (Xiao Wu. Artisan pickpocket, 1997), entre une troupe itinérante et son public dans Platform (2001), entre les danseuses et les visiteurs d’un parc d’attractions dans The World (2005) ou entre des villageois et une représentation en costumes traditionnels sur laquelle se clôt A Touch of Sin (2013). Malgré quelques différences (de contexte, de type de spectacle), ces situations reposent

toutes sur la présence simultanée du peuple et de l’imagerie obsolète qu’on lui vend. Cette répétition connaît une variation dans le champ-contrechamp des Éternels – la représentation a lieu dans la même salle où le personnage interprété par Han Sanming dans Still Life (2006) assistait lui aussi à un concert. La séquence y est reproduite à un détail près. Dans le dernier film de Jia Zhang-ke, le chanteur ne se joint plus à son audience, les spectateurs répondant sagement aux paroles chantées sur scène. Le contraste entre la communion de Still Life et la distance des Éternels laisse alors peu de place au doute : la Chine n’est plus capable de renouer avec ses traditions sans être en décalage avec son peuple. Quelque chose s’est brisé entre les Chinois et leur double scénique.

L’ÉTERNEL RETOUR

Si la sève mélodramatique des derniers films de Jia Zhang-ke s’écoule de cette fracture ouverte entre passé et présent, la puissance

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DÉCRYPTAGE

Les Éternels (2019)

tragique de ceux-ci est amplifiée par la présence de Zhao Tao, figure favorite du cinéaste devenue un guide permettant au spectateur de voyager à travers son œuvre. La première séquence des Éternels – Qiao endormie dans un car bondé au début des années 2000 – résonne en ce sens avec celle qui démarrait son tout premier film, Xiao Wu. Artisan pickpocket, lorsqu’un jeune délinquant embarquait dans un bus. Dans la première partie des Éternels, une des tenues de Zhao Tao – frange et veste rouge sur un haut noir orné d’un papillon – est identique à celle d’une autre Qiao, qu’elle incarnait dans Plaisirs inconnus (2002), troisième long métrage de Jia Zhang-ke, lui aussi situé à Datong. La deuxième partie des Éternels, située dans la ville de Fengjie, poursuit cette voie rétrospective. L’actrice y porte la même chemise jaune, la même queue-de-cheval et tient la même bouteille d’eau que dans Still Life, qui se déroulait

dans les mêmes décors à moitié submergés par les eaux. Plus qu’un simple clin d’œil, ces reprises permettent à Jia de résumer la trajectoire de son cinéma, passé de l’errance spatiale à la remémoration de ce qui n’est plus. C’est la tragédie postmoderne du « déjà vu, déjà révolu » – le réalisateur ne peut plus revisiter Plaisirs inconnus et Still Life sans leur apposer un cachet éminemment nostalgique. Idéaux passés et temps présent seraient-ils, pour le cinéaste chinois, les deux versants irréconciliables d’une même société et d’une même œuvre ? La réponse est plus mesurée que celle que l’on aurait pu envisager, car outre rejouer le passé pour nous rappeler la distance croissante nous séparant de ces temps révolus, cette tendance à la rétrospection a aussi pour objectif de combler, par le cinéma, la brèche grandissante entre le monde et l’individu. La multiplicité des régimes et des modes de vie, la nostalgie des actes manqués, les intimités secouées par la transformation générale de toute une société : peut-être est-ce justement aux mélodrames de Jia Zhang-ke de donner à la Chine d’aujourd’hui un reflet fictionnel qui lui soit (enfin) fidèle. • CORENTIN LÊ

Les Éternels (2019)

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BOBINES

Zhao Tao est un guide permettant au spectateur de voyager à travers l’œuvre de Jia Zhang-ke.


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LES AMANTS CRIMINELS

Comme dans Au-delà des montagnes, l’intrigue se déploie en trois temps. Comme dans A Touch of Sin, la violence ne prévient pas. Et comme toujours, Zhao Tao, l’actrice fétiche de Jia Zhang-ke, livre une performance stupéfiante.

Le

cœur des Éternels, c’est un couple criminel : Bin (Liao Fan), parrain de la pègre de Datong, dans la province du Shanxi, et sa compagne, Qiao (Zhao Tao). Le film décrit leur relation à trois différentes époques (en 2001, 2006 et 2018), durant lesquelles ils affrontent les épreuves personnelles autant qu’ils subissent les transformations de la Chine – Jia Zhang-ke évoque ainsi en filigrane la construction du barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yang-Tsé ou l’intensification des flux migratoires économiques. Au-delà du discours sociopolitique qu’elle charrie, cette exploration du territoire permet à Jia d’enrichir sa romance. Si le cinéaste fait défiler les années au sein de chacun de ses films depuis Platform (2000), et se déplacer les personnages à travers le pays depuis Still Life (2006), l’errance des héros semble ici se déployer sans bornes et tous azimuts. Qiao et Bin fendent l’espace et le temps avec un espoir, celui de retrouver la plénitude passée de leur apogée. La mise en scène explicite cet état de grâce durant le premier acte du film, lorsque le couple est encore soudé,

à l’image du reste du clan : Jia filme ainsi en plans longs, unissant les personnages, insistant sur les accolades et les poignées de mains. Au deuxième et au troisième acte, le découpage des scènes est plus marqué, isolant les personnages en plus de les séparer par des portes closes ou de les priver de contact physique. Des deux amants, Qiao est celle qui paraît vouloir résister à l’inéluctable. Jia Zhang-ke dresse le portrait d’une femme trahie, d’une femme volée, puis celui d’une révoltée, interprétée de façon impétueuse et impérieuse par Zhao Tao. Qiao traverse les régions et les âges avec une ardeur et une détermination admirables, à tel point que si l’issue de l’intrigue sentimentale importe toujours, c’est la façon dont son personnage saura la réaccorder à ses désirs qui nous intéresse désormais. • HENDY BICAISE

— : « Les Éternels » de Jia Zhang-ke Ad Vitam (2 h 16) Sortie le 27 février

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BOBINES

INTERVIEW

AU CŒUR DES HOMMES

Avec Grâce à Dieu, qui dépeint la quête de justice d’hommes (incarnés par Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud et Éric Caravaca) victimes dans leur enfance d’un prêtre pédophile, François Ozon signe un grand film choral centré sur la libération de la parole. Offrant à cette histoire vraie un puissant souffle cinématographique et politique, le réalisateur de 51 ans, auteur de 8 femmes ou de Potiche, se retrouve pour une fois au cœur de l’actualité sociétale et judiciaire. Rencontre. 40


Chose rare dans votre filmographie, vous racontez des faits réels d’une brûlante actualité.

même si ce fut étrange pour eux de se voir représentés par des acteurs. On est frappé dans le film par la sensation de vitesse. Vous exposez d’emblée les faits, comme pour affirmer leur véracité. Il n’y a pas dans le film de suspense par rapport aux faits, car ils sont déjà dans la presse et dans tous les témoignages que l’on peut lire sur Internet. Le suspense est par contre émotionnel. Il concerne les répercussions sur l’intimité des personnages et sur leurs familles. Comme j’avais accumulé énormément de matière sur le sujet, je voulais aller droit au but et être tout de suite dans la tension et l’action. Ce qui permettait ensuite d’adopter cette construction en effet domino, où l’on passe d’un personnage à l’autre. Cette construction permet aussi de varier les rythmes et les genres filmiques. Est-ce pour mieux faire circuler la parole ? J’ai aimé les personnages que j’ai rencontrés et j’ai eu envie de les montrer comme des héros. Car leurs actes sont héroïques : c’est très compliqué de libérer sa parole quand on a 40 ans, que ce soit par rapport à ses proches, à son travail, au regard extérieur… C’est un vrai combat. Pour bien mettre les protagonistes en valeur, il fallait que je m’adapte au caractère de chacun, car ils ont tous réagi différemment. Avec Alexandre (Melvil Poupaud), on est dans un style solennel et respectueux de l’institution religieuse. Avec François (Denis Ménochet), c’est plus rentre-dedans, le film devient nerveux et son rythme s’accélère. Avec Emmanuel (Swann Arlaud), on entre dans le registre du drame social, avec davantage de souffrance et une ampleur différente. Le thème de la libération de la parole fait également penser au mouvement #MeToo. Une séquence avec l’épouse d’Alexandre semble même y faire allusion. La libération de la parole est un phénomène très contemporain. On assiste à de grands

J’ai toujours évité de faire des films sur l’actualité. Je cherche plutôt à être intemporel et je voulais ici parler de la fragilité masculine, ce qui m’a amené à découvrir les témoignages de l’association La Parole libérée [fondée en 2015 par d’anciens membres d’un groupe de scouts victimes de pédophilie, ndlr]. Touché par le récit du dénommé Alexandre, j’ai rencontré ce père de famille qui m’a donné une documentation très complète relatant sa démarche et ses échanges de mails avec le cardinal Barbarin [actuel archevêque de Lyon, dont le procès pour non-dénonciation d’agressions sexuelles de mineurs de 15 ans se tient au moment où nous bouclons ce numéro, ndlr]. J’ai ensuite rencontré d’autres victimes ainsi que leur entourage. Tout ce travail journalistique m’a donné envie de réaliser un documentaire, mais les membres de l’association avaient été si émus en 2016 par Spotlight, et notamment par le générique de fin qui dresse la liste de tous les cas de pédophilie dans l’Église à travers le monde, que j’ai opté pour la fiction. Avant de donner au film sa forme cinématographique pure et dure, je m’étais aussi dit qu’on pourrait en faire une série. Vous avez suivi le procès du cardinal Barbarin, dont le jugement sera rendu début mars ? Oui, je l’ai suivi avec attention. On peut s’étonner que le procès de Philippe Barbarin, qui concerne la non-dénonciation des actes, arrive avant le procès de Bernard Preynat, le prêtre qui est l’unique auteur de ces actes pédophiles et qui a déjà tout avoué. Mais j’étais très curieux de voir la stratégie de la défense. Les protagonistes du film sont également venus témoigner, et l’un d’eux a rappelé combien la parole avait été un moyen de reconstruction énorme pour lui. Les victimes de Preynat ont heureusement déjà fait bouger les choses, comme l’indiquent les cartons à la fin du film, mais leur combat continue. D’autant que la parole peut être aussi libératrice que destructrice. Les membres de La Parole libérée ressentent aujourd’hui à la fois de la fierté et de l’angoisse, car ils sont vraiment mis à nu par cette affaire. Ils ont d’ailleurs vu le film fin décembre et ont été bouleversés,

Swann Arlaud et Josiane Balasko

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BOBINES

FRANÇOIS OZON


INTERVIEW

Melvil Poupaud, à droite

BOBINES

« Je veux que le spectateur juge par lui-même, je n’impose rien. » bouleversements concernant les abus sexuels et toutes sortes de délits cachés qui sont soudain révélés, en partie grâce aux réseaux sociaux. Tout le monde est très connecté aujourd’hui, et cette accélération de la communication imprègne d’ailleurs le film. J’ai comme tout le monde observé #MeToo, mais l’histoire de Grâce à Dieu s’attaque davantage au silence d’une institution. Cela m’intéressait de voir ici les victimes se confronter à la justice, ce qu’il n’y a pas toujours eu avec #MeToo. Quand quelqu’un dénonce quelque chose, on lui demande constamment : « Mais pourquoi tu ne l’as pas dit avant ? » Je voulais raconter comment cette délicate question de la prescription est traitée sur le plan judiciaire. Le film ne se montre jamais anticlérical. Il s’interroge simplement en filigrane sur le mode de fonctionnement de l’Église. Mes films ne sont pas là pour apporter des réponses, mais pour poser des questions. Je veux que le spectateur juge par lui-même, je n’impose rien. Quand j’ai fait Jeune & Jolie, tout était très ouvert aussi, et cela pouvait perturber. Sauf qu’ici la cause est juste – personne n’est pour la pédophilie. Le film est donc plus facile à accepter. Je m’intéresse certes aux victimes, mais je garde un regard très objectif sur le cardinal Barbarin [interprété par François Marthouret, ndlr] et sur le père Preynat [interprété par Bernard Verley, ndlr].

Vous avez pourtant conscience que Grâce à Dieu possède une forte dimension politique ? Je ne vais pas dire que le film n’a pas de message. On s’investit forcément quand on se frotte ainsi à l’actualité. Je montre, par exemple, à quel point des attouchements commis par des adultes sont destructeurs pour des enfants. Les flash-back soulignent cette sidération et cette incompréhension qu’on enfouit dans sa mémoire avant qu’elles ne ressurgissent des années plus tard et provoquent de grosses crises. Moi, je reste dans ma position de cinéaste en décrivant les sentiments des personnages, mais j’espère que les gens s’empareront du film et qu’il produira des effets. Car il a régné pendant trop longtemps un silence assourdissant autour de ces questions. Et je sais que la plupart des catholiques veulent que ces problèmes de pédophilie soient enfin réglés. L’Église doit désormais prendre ses responsabilités et faire sa révolution. • PROPOS RECUEILLIS PAR DAMIEN LEBLANC PHOTOGRAPHIE : PHILIPPE QUAISSE / PASCO

— : « Grâce à Dieu »

de François Ozon Mars Films (2 h 17) Sortie le 20 février

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“LA PLUS BELLE PREUVE D’AMOUR D’UN PÈRE À SON FILS.” Première

“Pudique et bouleversant” Madame Figaro

“ Timothée Chalamet confirme son talent” Le Journal du Dimanche

Steve Carell Timothée Chalamet Maura Tierney et Amy Ryan

PAR LE RÉALISATEUR DE ALABAMA MONROE

Crédits non contractules.

Selection Officielle

AU CINÉMA LE 06 FÉVRIER © 2018 AMAZON CONTENT SERVICES LLC.


MOTS CROISÉS  C’est là la seule préoccupation de l’artiste : recréer, à partir du désordre de la vie, cet ordre qui est l’art. Chronique d’un pays natal (1973) « Je suis d’accord ! Les films que je réalise sont très simples : ils parlent de choses qui arrivent aux gens, de comment ceux-ci les ressentent et y répondent, de comment cela affecte leur vision du monde et d’eux-mêmes. Mais c’est parfois difficile de comprendre de quoi on veut parler, de saisir ce qu’on pense, d’ordonner les choses. À un moment, j’ai enfin réalisé ce que j’étais en train de faire à travers mon œuvre, et je pense que ça m’a mené vers un certain cinéma, tranquille, presque méditatif. »

HARLEM BLUES Après l’oscarisé Moonlight, Barry Jenkins signe une adaptation éminemment politique du roman Si Beale Street pouvait parler de James Baldwin, mélo sur la séparation forcée de deux jeunes amants afro-américains, Tish et Fonny, après que ce dernier est accusé à tort de viol par une jeune Portoricaine et incarcéré. Tensions entre la communauté noire et la police, dénuement de certains quartiers de New York… Jenkins porte avec talent la révolte et l’émotion contenues dans l’œuvre de Baldwin : nous l’avons fait réagir à des extraits des livres de l’audacieux écrivain.

Je ne souhaite à personne d’être obligé de regarder un être aimé à travers une vitre. Si Beale Street pouvait parler (1974) « C’est la première phrase dite en voix off dans le film. Aimer quelqu’un à travers une barrière matérielle est pour le moins compliqué, même si l’amour est bien là. Ce que j’apprécie avec cette citation, c’est qu’elle évoque à travers le motif de la vitre du parloir tous les obstacles auxquels vont se confronter Tish et Fonny pour pouvoir vivre leur amour. Par exemple, pour la mère de Fonny, la religion est comme une vitre qui l’empêche d’aimer réellement son fils [elle n’accepte pas que Tish soit enceinte, car l’enfant a été conçu hors mariage, ndlr]. »

J’emploie le mot amour ici non pas seulement au sens personnel mais dans celui d’une manière d’être, ou d’un état de grâce, non pas dans l’infantile sens américain d’être rendu heureux mais dans l’austère sens universel de quête, d’audace, de progrès. La Prochaine Fois, le feu (1963) « Je pense que Baldwin parle du prétendu rêve américain, de ses mensonges qui disent que, si on naît et si on est élevé aux États-Unis, 44


BARRY JENKINS

ils sont présentés d’une manière qui tente de montrer les choses à vif. À travers les couleurs du film, par exemple, on a essayé de synthétiser les émotions de Tish, car le film est dans une certaine mesure raconté de son point de vue. Comme elle est dans une période très sombre de son existence – elle doit donner la vie alors que son amant se trouve dans une sorte de purgatoire –, on a voulu rendre d’autant plus intenses ses souvenirs de passion, qui à l’écran paraissent plus saturés et luxuriants. »

Le foyer n’est peut-être pas un endroit mais simplement une condition irrévocable.

Accepter son passé, son histoire, ne signifie pas s’y noyer ; cela signifie apprendre à en faire bon usage. Un passé inventé ne peut servir à rien. Il se fendille et s’écroule sous les pressions de la vie comme l’argile en temps de sécheresse.

La Chambre de Giovanni (1956)

« Baldwin a écrit Si Beale Street pouvait parler en France [l’écrivain s’est expatrié en France en 1948, notamment à cause des discriminations qu’il a subies en tant que Noir et gay aux États-Unis, nldr], il aurait pu écrire sur les taudis à Paris ; mais non, il a situé son intrigue à Harlem. Même s’il n’était pas physiquement en Amérique, celle-ci était toujours avec lui, comme un muscle qui continue de fonctionner après la mort : la France ne pouvait pas être son foyer, il n’était pas d’ici. Je crois que c’est ce qu’il a voulu exprimer. Dans Beale Street, Tish et Fonny s’interrogent sur le lieu où ils vont vivre : Tish ne se sent chez elle qu’à Harlem, même si – théoriquement – c’est plus sale ou plus dangereux que dans d’autres quartiers de New York, parce que c’est une zone populaire laissée à l’abandon par les autorités. »

Être sensuel, pour moi, c’est respecter et tirer joie de la force de la vie, de la vie elle-même et d’être présent dans tout ce que l’on fait, de l’effort d’aimer à la fabrication du pain. La Prochaine Fois, le feu (1963)

« La sensualité, c’est d’abord une présence. La Prochaine Fois, le feu n’est pas une fiction ; c’est un essai, et, pourtant, lorsque Baldwin décrit des choses concrètement, en détail, cette description porte comme un sentiment. C’est ce que j’essaye aussi de faire dans mes films. Parfois, je relate des événements vraiment dramatiques, mais esthétiquement

La Prochaine Fois, le feu (1963) « Quand Baldwin parle de “passé inventé”, je crois qu’il parle d’événements comme la fête de Thanksgiving, pendant laquelle la prétendue bonne entente entre les Indiens et les colons est célébrée ; c’est pour moi un passé inventé, parce que ces festivités occultent totalement la part sombre de l’histoire américaine, avec des crimes, des meurtres… Dans Beale Street, un ami de Fonny qui a fait de la prison vient lui rendre visite. Il y a d’abord des rires, des blagues. C’est comme un déni du passé. Puis cet ami parle à Fonny du temps où il était incarcéré. Il reconnaît ce qu’on lui a fait injustement subir. Cette conversation honnête, ouverte, semble alors comme une thérapie pour lui. Pour moi, cette séquence concentre tout le travail qu’en tant qu’Américains on devrait engager à propos de notre propre histoire. Pour avancer, il nous faut faire comme un examen de conscience, affronter nos traumatismes. Le livre a été écrit en 1974 ; on est en 2019, et pourtant il reste bien des blessures dont nous n’avons jamais parlé.

• PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA — : « Si Beale Street pouvait parler » de Barry Jenkins Mars Films (1 h 57) Sortie le 30 janvier

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BOBINES

on aura accès au bonheur – à condition de se conformer à ce qu’on attend de vous, de suivre un chemin tout tracé. C’est difficile de parler pour lui mais je pense qu’il veut dire que si les Noirs suivent cette idée de l’amour dictée par le rêve américain, ce ne sera pas un amour réel. Ça résonne beaucoup avec Beale Street où l’amour est une direction, pas une destination. On ne peut pas le quantifier, c’est immatériel, et mes personnages l’ont compris. »


INTERVIEW

NOUVELLES TERRES L’Argentin Mariano Llinás a pris au mot l’expression « film-fleuve » : La flor, tourné sur dix ans et découpé en six épisodes, dure presque quatorze heures et fait déborder la fiction. Comme seul fil de ce film composite, ludique et pas résumable, quatre actrices démentes (Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa et Laura Paredes) qui s’illustrent dans une multiplicité de registres (film d’espionnage, film musical, série B…). Une aventure haletante, motivée par le goût de la narration, dont nous parle un réalisateur même pas fatigué.

Vous dites avoir réalisé La flor pour les quatre actrices principales. D’où viennent-elles ?

d’habitude. Par la suite, elles m’ont proposé de faire un film sur la pièce. J’ai accepté, mais en disant : « Plutôt que la pièce, on va faire tous les films ensemble. » La notion d’auteur me semble absurde : La flor n’est pas « mon » film, c’est « notre » film.

Je les ai vues pour la première fois à Buenos Aires il y a quinze ans, tandis qu’elles jouaient une pièce intitulée Neblina. J’étais alors en train de réaliser mon premier film, Histoires extraordinaires, qui comme La flor tente de réfléchir à la manière dont la fiction peut être un véhicule d’intensité. Quand j’ai vu ces quatre filles, j’ai compris : on pouvait aller là où la fiction ne va pas

En préambule du film, vous vous adressez aux spectateurs et vous leur expliquez avoir voulu refaire, dans l’épisode 1, une série B comme à l’époque où les Américains savaient en tourner. Cette mélancolie d’un cinéma qui n’existe plus est-elle ce qui vous a mené à La flor ? Je pense que La flor veut prouver à tous – y compris à nous-mêmes – que cette idée du cinéma est encore possible. L’importance de

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Pilar Gamboa, Elisa Carricajo, Laura Paredes et Valeria Correa dans l’épisode 6

ce média dans la vie des gens s’amenuise, et cela a un effet sur la manière de concevoir les films. Mais je crois quand même que La flor ne verse pas dans la nostalgie ; au contraire, c’est un objet qui se veut révolutionnaire, dans l’acception surréaliste du terme, c’est-à-dire au sens de « changer la vie ». On a tourné pendant plusieurs années, mais on n’a pas monté une seule image avant la fin du tournage. Je crois que le réalisateur d’un film doit être un rêveur et que le monteur doit être très strict, voire policier. Vu que la version finale du film dure presque quatorze heures, c’est le rêveur qui a gagné. Et c’est important, parce que nous sommes à une époque où la présence dans un film d’une momie maléfique qui s’empare de l’âme des vivants

[il s’agit de la trame du premier épisode, ndlr] est presque intolérable pour des spectateurs cultivés. Je considère cela comme une défaite pour la poésie. Il faut donc se battre. Plus on avance dans La flor, moins on cherche à reconnaître le genre du film qu’on regarde. C’est voulu ? Les genres ne sont pas une fin en soi ; ils sont un tour de magie, une ruse pour que le spectateur accepte la présence de vampires ou de batailles sans trop se poser de questions. Dans notre cas, l’attrait du genre a d’abord fonctionné comme un moyen pour que le spectateur prenne confiance. Quand viennent les derniers épisodes, il est déjà là depuis assez longtemps pour comprendre ce qu’il regarde ; du coup, on a la liberté de faire des choses plus étranges. Ce jeu sur les genres vous a forcément mené à faire varier votre mise en scène, mais qu’en est-il de la façon de diriger vos actrices ? Je dirais que, plus que les genres, c’est le temps long du tournage qui les a menées à modifier leur jeu. Au début, le travail avec les filles était extrêmement rigoureux. C’est de là que viennent ces violents changements d’état émotionnel et ces longs monologues de la première partie. Avec le temps, c’est devenu plus énigmatique : je les ai à peine dirigées. Elles avaient habité le film assez longtemps pour que l’ancienne notion de « direction d’acteurs » devienne bizarre. Un projet d’une telle ampleur, tourné sur dix ans, a-t-il donné lieu à des tensions avec elles, qui le portent à bras-le-corps ? L’idée d’acteurs se disputant un rôle est typique du système cinématographique que nous détestons. Une chose que nous ne ferons jamais, c’est un casting. C’est là que l’on peut voir la perversité du cinéma industriel : le réalisateur, comme s’il était un roi de l’antiquité, lève ou abaisse son

SANS COMMUNE MESURE Comme La flor, beaucoup de films ont étiré leur durée dans une voie réflexive, comme pour jouer avec les spectateurs sur leurs propres limites et tenir un discours sur les normes arbitraires (pourquoi l’heure et demie est le standard ?) qui régissent la longueur des projections. On pense aux expérimentations sur le temps réel d’Andy Warhol qui voulait « voir le temps passer » à travers les 321 minutes de Sleep (1964) ou les 485 minutes d’Empire (1965). Mais aussi à la déconstruction critique des médias de masse et de leur « monoforme » à l’inconséquente rapidité par Peter Watkins qui, dans son documentaire de 14 h 30, Le Voyage (1987), leur opposait des entretiens privilégiant l’écoute au long. Plus proche du projet de Mariano Llinás qui interroge les possibilités de la fiction, Out 1 de Jacques Rivette promettait d’ouvrir un film à l’improvisation totale, jusqu’à ne rien prévoir de sa durée au préalable – le film fait 12 h 55, mais il aurait pu continuer longtemps. • Q. G.

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BOBINES

MARIANO LLINÁS


INTERVIEW

Épisode 3

BOBINES

« C’est un film où les choses se passent de façon capricieuse. » pouce devant ses victimes. Ce genre d’activité que nous nous sommes résignés à appeler « cinéma » (celui des vedettes, des laboratoires et des fonds de coproduction) n’est qu’un gros appareil bureaucratique auquel les vrais cinéastes ont l’obligation de s’opposer. Parmi les nombreuses références du film, plusieurs se rapportent à Tintin. Qu’est-ce que vous aimez dans la manière de raconter d’Hergé ? C’est sa façon de dessiner qui nous a influencés. Godard dit que Hitchcock est le plus grand créateur de formes du xxe siècle : je pense qu’on pourrait dire la même chose d’Hergé. Sa limpidité ainsi que son traitement de la couleur, de la ligne, de la synthèse dans le cadre font que j’ai beaucoup d’admiration pour lui. L’aspect ludique du film repose aussi sur le fait qu’en tant que spectateur on cherche à trouver des échos entre les différentes histoires qui nous sont contées. Conseilleriez-vous d’en chercher ou bien de ne rien projeter ? C’est vrai qu’aujourd’hui les spectateurs aiment regarder un film en essayant d’y trouver des liens cachés. Je ne pense pas que ce soit pratique dans le cas de La flor. C’est un film où les choses se passent de façon capricieuse, sans qu’il y ait un sens ultime à l’ensemble. Je conseillerais aux spectateurs de se laisser emporter comme s’ils étaient à la dérive, au milieu d’un fleuve.

De quelle manière avez-vous pensé la diffusion du film, qui sort en France en quatre parties étalées sur le mois de mars ? On a fait presque quinze films avec notre collectif d’artistes, El Pampero Cine [qui trouve des méthodes de production alternatives, comme pour La flor, qui a été financé hors de l’industrie, sans budget prévisionnel ni plan de travail, et se tournait seulement lorsque les différents collaborateurs étaient disponibles, ndlr], et c’est la première fois que l’un d’eux a été acheté par un distributeur, le Français ARP Sélection. C’est miraculeux. Mais c’est cette distribution classique qui sera pour nous expérimentale. Je crois que la sortie conventionnelle donne beaucoup d’importance au premier jour. Pour nous, ce n’est pas du tout essentiel. Notre idée, c’est plus qu’on se souvienne de ce film dans des années, qu’il soit visible longtemps et par tout le monde. Que faire après un tel film qui contient (presque) tout le cinéma ? Je crois que La flor manque de scènes de cheval. Vous ne trouvez pas ? Il faut trouver une solution. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET

— : « La flor » de Mariano Llinás ARP Sélection (13 h 34) Sortie en quatre parties les 6, 13, 20 et 27 mars

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« Un superbe premier film sur l’amour entre deux soeurs »

Long Way Home un film de

Jordana Spiro LE 13 FÉVRIER AU CINÉMA


MICROSCOPE

LES NEUF CIGARETTES Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : une dizaine de cigarettes dans Tous en scène de Vincente Minnelli.

BOBINES

Fred

Astaire, né Frederick Austerlitz, fume comme une locomotive dans Tous en scène, seizième film de Vincente Minnelli, le plus triste et le plus gai des grands musicals hollywoodiens : neuf cigarettes pour cent douze minutes de film. La première dans le train qui le dépose d’Hollywood à New York sous les traits de Tony Hunter, génie jumeau, comme lui grand danseur, comme lui sur le retour – Fred et Tony ont 54 ans. Tony a disparu des écrans, son image n’a survécu que dans le sourire figé qu’il offre à une réclame de cigarettier, parmi d’autres feuilletées

La cigarette de Fred Astaire est le sceptre par où rayonne la majesté intacte de Tony Hunter. dans le train par deux gros bourgeois goguenards. « Je ne fume que les meilleures : des Templeton », dit la réclame – Astaire, lui, prenait la pause pour Camel. Les bourgeois ricanent au souvenir du danseur, qui avait fait se pâmer leurs bourgeoises il y a un siècle et qui fume aujourd’hui tout seul dans les oubliettes du spectacle. « Vous avez du feu ? » demande en se joignant aux rires leur voisin de siège, son visage masqué par le menu du wagon-bar. La cigarette est déjà allumée quand les bourgeois finissent par reconnaître, pétrifiés, l’inconnu : Tony Hunter bien sûr, qui a éteint d’une bouffée les braises de l’humiliation. Sur le quai de

la gare, la deuxième cigarette est allumée par des photographes, qu’il croit venus pour lui mais qui sont là pour Ava Gardner, rincée par les flashs sitôt qu’elle descend à son tour. Toni reste seul, abandonné sur le quai avec sa gloire fanée et sa cigarette allumée pour rien. Alors il fume, et chante, et danse, dans son costume croisé couleur volutes : c’est le premier numéro du film, la chanson s’appelle « By Myself ». Mais Tony n’est pas vraiment seul, puisque pour Fred la moindre cigarette est déjà un partenaire de danse. Il faut voir le petit tube blanc rouler entre ses doigts, passer d’une main à l’autre pour rejoindre la bouche comme par un tour de passe-passe, souligner d’un trait de fumée le chaloupé inimitable : la cigarette de Fred Astaire est le sceptre par où rayonne la majesté intacte de Tony Hunter. C’est une épée et un bouclier, dressés contre le temps qui passe ; la fumée fait un manteau de regrets, mais c’est le plus élégant des manteaux. Tony s’y drape chaque fois qu’on lui fait sentir le poids de son âge, chaque fois que la situation rappelle : « I’ll go away by myself ». À la fin du film, c’est sur scène qu’on allume sa cigarette, parce que le succès est revenu. Au bout de l’allumette et du passe-coude de feutrine noire, il y a Cyd Charisse, qui ne fume pas. Cyd s’appelle Gabrielle et Toni en est amoureux, mais en la matière la modestie du vieux danseur est plus grande encore, si bien qu’il ne s’en est même pas rendu compte. Alors c’est un autre, dans le train de nouveau, qui le lui fera comprendre. Comment ? En lui offrant la cigarette et l’allumette que, pour une fois, il a oublié de brandir entre lui et l’évidence triste de ses sentiments. Ce geste amical, minuscule et si beau (offrir une cigarette pour soulager un cœur lourd, et pour dire qu’on a tout compris), dit à lui seul tout ce qu’Hollywood avait à nous dire de l’amour. L’amour, c’est quand Fred Astaire oublie de fumer. • JÉRÔME MOMCILOVIC 50


BOBINES

MICROSCOPE

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30 JANV.

Don’t Forget Me de Ram Nehari JHR Films (1 h 25) page 82

La Dernière Folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli Pyramide (1 h 34) page 82

L’Amour debout de Michaël Dacheux Épicentre Films (1 h 23) pages 28 et 70

Fahavalo Madagascar 1947 de Marie-Clémence Paes Laterit Productions (1 h 30) page 82

My Beautiful Boy de Felix Van Groeningen Metropolitan FilmExport (2 h 01) page 84

Si Beale Street pouvait parler de Barry Jenkins Mars Films (1 h 57) page 44

Ulysse et Mona de Sébastien Betbeder Sophie Dulac (1 h 22) page 82

Tout ce qu’il me reste de la révolution de Judith Davis UFO (1 h 28) page 84

Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan Bac Films (2 h 18) page 56

Minuscule 2 Les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud Le Pacte (1 h 32) page 92

Une intime conviction d’Antoine Raimbault Memento Films (1 h 50) page 84

Les Estivants de Valeria Bruni Tedeschi Ad Vitam (2 h 08) page 58

6 FÉV.

Les Ritournelles de la chouette Collectif Cinéma Public Films (49 min) page 93

Pearl d’Elsa Amiel Haut et Court (1 h 22) page 68

La Favorite de Yórgos Lánthimos 20 th Century Fox (2 h) pages 20 et 60

Sorry to Bother You de Boots Riley Universal Pictures (1 h 51) page 68

Nuestro tiempo de Carlos Reygadas Les Films du Losange (2 h 53) page 72

Le Silence des autres d’Almudena Carracedo et Robert Bahar Sophie Dulac (1 h 35) page 72

Skate Kitchen de Crystal Moselle Makadam (1 h 47) page 70

Arctic de Joe Penna Les Bookmakers / The Jokers (1 h 37) page 82

Dans la terrible jungle de Caroline Capelle et Ombline Ley Les Acacias (1 h 21) page 74

13 FÉV.


Amal de Mohamed Siam Juste (1 h 23) page 76

Deux fils de Félix Moati Le Pacte (1 h 30) page 74

Vice d’Adam McKay Mars Films (2 h 12) page 76

“ PEU M’IMPORTE SI L’HISTOIRE NOUS CONSIDÈRE COMME DES BARBARES ” RÉALISÉ PAR RADU JUDE

SCREEN AUSTRALIA in association with CREATE NSW, SCREENWEST AND LOTTERYWEST AVEC LA PARTICIPATION DE L’AIDE AUX CINEMAS DU MONDE, CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMMEE - INSTITUT FRANCAIS in Coproduction with CMS GULF, SEAT 26, SANDBOX, STUDIO KGB, WIDE OUT, ADHESIVE PRODUCTION present an INVISIBLE REPUBLIC and DOLCE VITA FILMS in association with THE KOOP production SLAM a film by PARTHO SEN GUPTA Starring ADAM BAKRI, RACHAEL BLAKE, REBECCA BREEDS, DARINA AL JOUNDI, ABBEY AZIZ with DANIELLE HORVAT as AMEENA and RUSSELL DYKSTRA Director of Photography BONNIE ELLIOT ACS Production Designer CLAYTON JAUNCEY Editor ANNICK RAOUL Costume Designer SHAREEN BERINGER Original Music ERYCK ABÉCASSIS Sound Designer NICOLAS BECKER Casting Director LEIGH PICKFORD Original Slam Poetry by CANDY ROYALLE Financed in association with FULCRUM MEDIA FINANCE and MEDIA SUPER Produced with the assistance of SCREENWEST & LOTTERYWEST inanced in association with CREATE NSW Principal Development and Production Investor SCREEN AUSTRALIA Executive Producers ALAA ALASAD, AYA AL BLOUCHI, ALISSAR GAZAL, REMI PRECHAC, GRADY HABIB, NICOLAS BOURGEOIS Produced by MICHAEL WRENN, TENILLE KENNEDY and MARC IRMER Coproduced by CHARLES BILLEH Written and Directed by PARTHO SEN GUPTA

GUILLAUME

MERLANT GOUIX

Les Éternels de Jia Zhang-ke Ad Vitam (2 h 16) page 30

Long Way Home de Jordana Spiro Condor (1 h 27) page 84

La Chute de l’empire américain de Denys Arcand Jour2fête (2 h 09) page 86

Santiago, Italia de Nanni Moretti Le Pacte (1 h 20) page 64

Alita Battle Angel de Robert Rodriguez 20 th Century Fox (2 h 01)

Destroyer de Karyn Kusama Metropolitan FilmExport (2 h 03) page 86

Celle que vous croyez de Safy Nebbou Diaphana (1 h 41) page 87

Euforia de Valeria Golino Paname (1 h 55) page 86

Jeune bergère de Delphine Détrie KMBO (1 h 31) page 87

Grâce à Dieu de François Ozon Mars Films (2 h 17) page 40

La Liberté de Guillaume Massart Norte (2 h 26) page 86

Marie Stuart Reine d’Écosse de Josie Rourke Universal Pictures (2 h 05) page 87

Les Funérailles des roses de Toshio Matsumoto Carlotta Films (1 h 48) page 62

Les Moissonneurs d’Etienne Kallos Pyramide (1 h 44) page 86

Wardi de Mats Grorud Jour2fête (1 h 20) page 93

de papier LES DRAPEAUX de Nathan DE PAPIER Ambrosioni FESTIVAL PREMIERS PLANS D’ANGERS Compétition premiers longs métrages français

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE LA ROCHE-SUR-YON

Prix du public

UN FILM DE

NATHAN AMBROSIONI AVEC

NOÉMIE MERLANT GUILLAUME GOUIX SÉBASTIEN HOUBANI JÉRÔME KIRCHER ALYSSON PARADIS ANNE LOIRET ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR NATHAN AMBROSIONI STÉPHANIE DOUET IMAGE RAPHAËL VANDENBUSSCHE MONTAGE NATHAN AMBROSIONI MUSIQUE MATTHEW OTTO SON LAURENT BENAÏM ALEXANDRE HECKER JOCELYN ROBERT ELSA DEPARDIEU UNE PRODUCTION SENSITO FILMS EN COPRODUCTION AVEC ECLAIR ORAGE FILMS TSF AVEC LE SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR DU DÉPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES VENTES INTERNATIONALES LOCO FILMS DISTRIBUTION REZO FILMS

Rezo Films (1 h 42) page 84

PRODUIT PAR COSTUMES

CRÉATION

© SENSITO FILMS - ECLAIR CINÉMA - ORAGE FILMS - TSF - 2018

ET DE LA

27 FÉV.

Rencontrer mon père d’Alassane Diago JHR Films (1 h 50) page 78

Les Drapeaux

SENSITO FILMS PRÉSENTE

NOÉMIE

« Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares » de Radu Jude Météore Films (2 h 20) page 78

Le Chant du loup d’Antonin Baudry Pathé (1 h 55)

20 FÉV.


Jusqu’ici tout va bien de Mohamed Hamidi Mars Films (N. C.)

Funan de Denis Do Bac Films (1 h 24) page 88

Nice Girls Don’t Stay for Breakfast de Bruce Weber La Rabbia (1 h 30)

Stan & Ollie de Jon S. Baird Metropolitan FilmExport (1 h 37) page 88

McQueen de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui Le Pacte (1 h 51) page 88

KMBO PRÉSENTE

UNE PRODUCTION ELEMENT PICTURES EN ASSOCIATION AVEC FÍS ÉIREANN/SCREEN IRELAND,

Rosie Davis de Paddy Breathnach KMBO (1 h 26) page 88

THE BROADCASTING AUTHORITY OF IRELAND ET RTÉ “ROSIE” SARAH GREENE MOE DUNFORD ELLIE O’HALLORAN RUBY DUNNE DARRAGH MCKENZIE MOLLY MCCANN ANDREW LOWE RODDY DOYLE PRODUIT PAR EMMA NORTON RORY GILMARTIN JULIETTE BONASS ÉCRIT PAR RODDY DOYLE RÉALISÉ PAR PADDY BREATHNACH ©ELEMENT PICTURES LIMITED 2018

CASTING LOUISE KIELY MONTEUR ÚNA NÍ DHONGHAÍLE MUSIQUE STEPHEN RENNICKS COSTUMES LOUISE STANTON DÉCORS MARK KELLY DIRECTOR DE LA PHOTOGRAPHIE CATHAL WATTERS PRODUCTEURS EXÉCUTIFS ED GUINEY

Maguy Marin L’urgence d’agir de David Mambouch Océans Films (1 h 50)

Teret (La charge) d’Ognjen Glavonic Nour Films (1 h 38) page 88

On ment toujours à ceux qu’on aime de Sandrine Dumas Dean Medias (1 h 30) pages 16 et 87

Le Mystère Henri Pick de Rémi Bezançon Gaumont (1 h 40)

Depuis Médiapart de Naruna Kaplan de Macedo Docks 66 (1 h 40)

La flor. Partie 1 de Mariano Llinás ARP Sélection (3 h 30) page 46

Nos vies formidables de Fabienne Godet Memento Films (1 h 57)

Lune de miel d’Ioana Uricaru ASC (1 h 28)

6 MARS

Bêtes blondes de Maxime Matray et Alexia Walther UFO (1 h 41) page 80

LUNA KWOK

UN FILM DE

LIU XIAOYI

YEO SIEW HUA

AKANGA FILM ASIA MM2 ENTERTAINMENT FILMS DE FORCE MAJEURE & VOLYA FILMS PRÉSENTENT EN ASSOCIATION AVEC 13 LITTLE PICTURES AVEC LA PARTICIPATION DE SINGAPORE FILM COMMISSION L’AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE LE MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES L’INSTITUT FRANÇAIS HUBERT BALS FUND OF INTERNATIONAL FILM FESTIVAL ROTTERDAM THE NETHERLANDS FILM FUND “LES ETENDUES IMAGINAIRES” (A LAND IMAGINED) UN FILM ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR YEO SIEW HUA AVEC PETER YU LIU XIAOYI LUNA KWOK JACK TAN KELVIN HO ISHTIAQUE ZICO GEORGE LOW ANDIE CHEN IMAGE HIDEHO URATA DÉCORS JAMES PAGE COSTUMES MEREDITH LEE MONTEUR DANIEL HUI SON DAMIEN GUILLAUME MIXEUR GILLES BENARDEAU MUSIQUE TEO WEI YONG PRODUCTEUR ASSOCIÉ DAN KOH PRODUCTEUR ASSOCIÉS MELVIN ANG NG SAY YONG CO-PRODUCTION GARY GOH JEAN-LAURENT CSINIDIS DENIS VASLIN PRODUCTION FRAN BORGIA VENTES INTERNATIONALES VISIT FILMS DISTRIBUTION EPICENTRE FILMS

Les Étendues imaginaires de Yeo Siew Hua Épicentre Films (1 h 35) page 80

La flor. Partie 2 de Mariano Llinás ARP Sélection (3 h 10) page 46

Rebelles d’Allan Mauduit Le Pacte (1 h 27)

Sibel de Guillaume Giovanetti et Çağla Zencirci Pyramide (1 h 35) page 87

Ma vie avec John F. Donovan de Xavier Dolan Mars Films (2 h 10) page 66

We the Animals de Jeremiah Zagar LFR Films (1 h 34)

Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

PETER YU

13 MARS

Mon bébé de Lisa Azuelos Pathé (1 h 27)


LUX FOR FILM et KMBO PRÉSENTENT

Quitter la ville pour la campagne

UN FILM DE

DELPHINE DÉTRIE

AU CINÉMA LE 27 FÉVRIER 2019


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LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE

UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT

Après Kaili Blues, récompensé à Locarno en 2015, le deuxième film de Bi Gan a fait sensation à Cannes, notamment grâce à son plan-séquence de près d’une heure en 3D. Mais Un grand voyage vers la nuit dépasse largement le simple tour de force technique. Avec ce stupéfiant polar onirique, le cinéaste chinois se pose en héritier crédible d’envoûteurs tels qu’Apichatpong Weerasethakul, Wong Kar-wai ou David Lynch.

Le

jour de sa sortie en Chine, Un grand voyage vers la nuit a remporté 38 millions de dollars, dépassant ainsi le blockbuster américain Venom. Un exploit qui n’a pas tardé à susciter des réactions hostiles de la part des spectateurs – la plupart d’entre eux s’étaient fait duper par une campagne marketing qui promettait une petite comédie romantique. L’anecdote a de quoi faire sourire tant le deuxième film de Bi Gan n’a rien de la bluette standard. Le cinéma du jeune prodige de 29 ans impose un rythme volontiers déroutant. La narration refuse la linéarité, le temps a tendance à se dilater sans coupe de montage, ou à s’abolir en ellipses, les scènes s’écoulent et s’enchevêtrent les unes dans les autres, avec leur logique interne, fluide et organique, pour former l’équivalent audiovisuel d’un flux de conscience. C’était déjà le cas dans Kaili Blues, qui suivait l’itinéraire halluciné d’un poète raté. Cette fois, on épouse les pensées mélancoliques d’un homme de retour dans sa ville natale, obsédé par une femme en robe de satin vert. S’il n’est pas


FILMS

© D. R.

3 QUESTIONS À BI GAN PAR J. R.

poète – Luo est tueur à gage –, il s’exprime lui aussi en fin lettré, par le biais d’une voix off à la musicalité mystérieuse. Ses souvenirs se mélangent à ce qu’il vit, à ce qu’il perçoit, et vice versa. « Était-ce la dernière fois que je l’avais vue ? La mémoire humaine se rouille », médite ainsi Luo, tandis qu’à l’écran défilent des décors en ruine en de langoureux travellings. C’est dans cette atmosphère de fin du monde aqueuse, proche du spleen d’un Wong Kar-wai, que le film s’engouffre de l’autre côté du miroir, en 3D. Le cinéaste scinde ainsi son film en deux parties à la façon d’un David Lynch ou d’un Apichatpong Weerasethakul. Après avoir creusé la profondeur de champ dans le premier mouvement en 2D, Bi Gan orchestre une plongée vertigineuse dans l’inconscient de son héros, un trip liquide en plan-séquence et en relief, aérien et éclairé aux néons, où les rêves surgissent de l’écran tels des feux de Bengale, éphémères et presque palpables, tandis que les signes, jusqu’alors nébuleux, trouvent leur sens dans la sensualité.• ÉRIC VERNAY

Après le bon accueil international fait à Kaili Blues, a-t-il été facile de produire et de financer ce deuxième long métrage ? En fait non, ça n’a rien à voir avec le succès du premier film, malheureusement… Même si aujourd’hui la Chine soutient beaucoup de jeunes artistes, seuls ceux qui sont de bons produits, attirants et séduisants, obtiennent des aides financières. Le film est très impressionnant de maîtrise formelle. Vous n’avez pas fait d’école de cinéma, vous avez appris seul ? J’ai fait une école de télévision pas très connue. D’ailleurs, un de mes professeurs, qui avait vu mes courts métrages, n’arrêtait pas d’insister pour que je fasse du cinéma. Il a même pris l’avion pour aller le dire à ma mère, à Kaili. Mais je ne suis pas les conseils de telle ou telle personne, je fais à ma façon pour aboutir au film que j’ai en tête. Personnellement, je pense que je ne suis pas encore mûr artistiquement. Ce n’est pas de la fausse modestie : quand on veut être le meilleur, il faut se considérer comme un amateur pour s’améliorer tous les jours. Votre usage de la 3D est spectaculaire et inédit. Vous étiez frustré de la manière dont le cinéma l’utilise généralement ? Non, je ne regarde pas trop les films en 3D. Et même si j’ai passé beaucoup de temps à faire des essais pour maîtriser cette technique, je ne pense pas que je referai un film en 3D. Elle correspond juste bien à ce que je voulais pour ce film, à savoir évoquer la beauté, la poésie et l’ambiance que provoquent les souvenirs.

— : de Bi Gan Bac Films (2 h 18) Sortie le 30 janvier

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FILMS

LES ESTIVANTS

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Six

ans après son Château en Italie, l’actrice et réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi nous revient gorgée de nouveaux tourments à épancher dans Les Estivants, dernier chapitre tragicomique – en date – de son roman familial. Dans une villa chic de la Côte d’Azur, une grappe de privilégiés bulle en famille. Mais alors que chacun affiche un large sourire, la paix des ménages ne tarde pas à voler en éclats sous la tension d’intrigues d’une hilarante cruauté. Valeria Bruni Tedeschi interprète ici Anna, une cinéaste déboussolée par sa séparation d’avec Luca (Riccardo Scamarcio), alter ego de Louis Garrel (avec lequel Bruni Tedeschi entretint une relation amoureuse dans la vraie vie). La réussite du film se niche d’abord dans le traitement de cette rupture, que valide sans cesse la dissymétrie des façades. Car tandis que Luca reste impassible, le visage d’Anna ruisselle d’une pluie d’affects contradictoires,

incapable de contenir les orages et les éclaircies de sa météo intérieure. On pense alors à la Juliette Binoche d’Un beau soleil intérieur (Claire Denis, 2017), œuvre dévolue au climat d’un visage filmé comme un paysage versatile. Et pour qui aime les acteurs, le film sera d’autant plus jouissif qu’il redouble le pugilat d’Anna/Valeria d’un autre jeu de massacre, au sein de familles que l’on adore détester : celle du cinéma français, de la grande bourgeoisie, des Parisiens, et bien sûr des Sarkozy-Bruni (Valeria Golino et Pierre Arditi, très drôles). Dans le genre des films d’acteurs, c’est dire si cette ode à l’autodérision tombe à pic, un mois après Louis Garrel et son vaudeville ectoplasmique, L’Homme fidèle. • ADRIEN DÉNOUETTE

— : de Valeria Bruni Tedeschi Ad Vitam (2 h 08) Sortie le 30 janvier

3 QUESTIONS À VALERIA BRUNI TEDESCHI Diriez-vous, film à l’appui, que plus on est triste, plus on est drôle ? Pas toujours, et pas tout le monde. En ce qui me concerne, je trouve toujours les petits désastres de la vie quotidienne très drôles. Apprendre à en rire nous les rend plus supportables. J’ai beaucoup de gratitude pour les vrais comiques. J’ai découvert Blanche Gardin : un délice.

Rire de soi, pour vous, est-ce la condition sine qua non pour se filmer ? Oui. En général, j’ai le goût de l’autodérision dans la vie et lorsque je fais l’actrice. Mais si je me filme moi-même, c’est absolument obligatoire. J’essaye d’aimer et de respecter mon personnage. De trouver du plaisir à « appuyer doucement où ça fait mal », comme disait Barbara. 58

Quel délai prenez-vous par rapport à vos blessures avant de vous mettre à écrire ? On dit souvent qu’il faut laisser passer au moins sept ans pour parler d’un événement douloureux. Je ne sais pas s’il y a un chiffre précis, mais en tout cas il faut un peu de distance. Et en même temps, je crois vraiment qu’il n’y a pas de règle.


“PERFORMANCES STUPÉFIANTES. UN DUO BRILLANT… PROCHE DE LA PERFECTION”

HHHH

HHHH

HHHHH

Time Out

The Telegraph

The Times

“EXTRÊMEMENT DRÔLE” The Telegraph

“INCROYABLEMENT ÉMOUVANT” Awards Circuit

J OH N C .

STEVE

R E I L LY

COOGAN

La véritable histoire du plus grand duo comique.

3BAFTA

NOMINATIONS

DONT

MEILLEUR ACTEUR

“UN PUR PLAISIR” Radio Times

MEILLEUR FILM BRITANNIQUE

JOHN C.REILLY

LE 6 MARS

Stan Laurel and Oliver Hardy licensed by Larry Harmon Pictures Corp. © eOne Features (S & O) Limited, British Broadcasting Corporation 2018

#StanEtOllie

MEILLEUR ACTEUR

www.StanEtOllie.com


FILMS

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LA FAVORITE

Pour

la première fois, Yórgos Lánthimos (Canine, The Lobster) a délaissé l’écriture du scénario à des tiers pour La Favorite, satire grinçante de la cour d’Angleterre au xviiie siècle. Son cinéma en ressort gagnant, galvanisé par son superbe trio d’actrices. Aux premières loges d’une couronne d’Angleterre menacée par les rivalités, Sarah Churchill (Rachel Weisz), influente duchesse, entretient une relation secrète avec l’instable reine Anne (Olivia Colman), obnubilée par des lapins qu’elle chérit faute d’avoir pu devenir mère. Pendant ce temps Abigail (Emma Stone), une femme déchue fraîchement débarquée à la cour, gravit les échelons et use de tous les stratagèmes possibles pour reconquérir son rang. Grâce à la trajectoire de cette antihéroïne borderline, feignant la candeur et l’innocence avant d’exécuter les pires bassesses, Yórgos Lánthimos parvient à insuffler au film une énergie motivée par une ligne claire : celle d’une ascension sociale fulgurante, au cours

de laquelle chaque marche enjambée est synonyme d’un plaisir grisant. Si, dans ses précédents films, le cinéaste grec cherchait à piéger ses comédiens dans les mailles d’un filet conceptuel, il privilégie cette fois un canevas minimaliste réduit à sa moelle vengeresse (la cour d’Angleterre, un triangle amoureux et les rapports de domination qui s’y jouent) qui devient le laboratoire idéal pour mettre en lumière la palette de jeu de son trio de tête. S’appropriant avec force leurs rôles respectifs – celui d’une reine débauchée, d’une duchesse indétrônable et d’une femme fatale à la sensualité débordante –, Olivia Colman, Rachel Weisz et Emma Stone brillent à chacune de leurs apparitions. Dans cette basse-cour où homards et canards de course côtoient une noblesse abrutie par la luxure, les cabotins sont rois. • CORENTIN LÊ

— : de Yórgos Lánthimos 20th Century Fox (2 h) Sortie le 6 février

3 FILMS AVEC DES LAPINS LA RÈGLE DU JEU de Jean Renoir (1939) Des chasseurs de lapins se chamaillent dans un château en Sologne. Personne – lapins compris - ne ressortira indemne de ce chef-d’œuvre du cinéma français.

MONTY PYTHON. SACRÉ GRAAL ! de Terry Gilliam et Terry Jones (1975) Les bras cassés de la Table ronde cherchent le Graal dans cette farce hilarante devenue culte. Pour ce faire, ils devront combattre un redoutable lapin tueur. 60

DONNIE DARKO de Richard Kelly (2002) Dans ce modèle du film labyrinthe, un adolescent dérive vers un monde cauchemardesque dans lequel il dialogue avec un lapin humanoïde aux yeux exorbités.


©CARACTÈRES

Elisa Carricajo Valeria Correa Pilar Gamboa Laura Paredes

Director: Mariano Llinás Producida por El Pampero Cine Producción: Laura Citarella Fotografia y Cámara: Agustín Mendilaharzu Montaje: Agustín Rolandelli, Alejo Moguillansky Sonido: Rodrigo Sánchez Mariño Arte: Laura Caliguri


FILMS

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LES FUNÉRAILLES DES ROSES

Inédit

en France, Les Funérailles des roses (1969) de Toshio Matsumoto s’insère dans le milieu drag japonais des années 1960 en n’oubliant jamais d’être follement avant-gardiste. Un an après la disparition de son auteur, on hume encore ce parfum d’insolence avec délectation. Au détour d’un plan de Masculin féminin (1966) de Jean-Luc Godard, on voit Jean-Pierre Léaud tombant sur deux hommes qui s’embrassent clandestinement dans des toilettes. Les Funérailles des Roses ressemble un peu à ce qu’aurait pu faire Godard s’il s’était attardé pendant tout un film sur ce couple – et s’il avait manifesté plus d’intérêt pour les drogues, l’horreur, et le pinku eiga japonais [forme de cinéma érotique, ndlr]. Car si l’on trouve quelques similarités entre les deux films (goût pour la distanciation, portrait sociologique esquissé avec des entretiens documentaires, désinvolture, étude sur la sexualité…), on peut dire que ce premier long métrage frondeur de Toshio Matsumoto, décédé en 2017, s’aventure dans des contrées encore plus radicales et alors peu (pas ?) visitées : le milieu LGBTQ tokyoïte des années 1960. On y entre, dans une narration très mentale, à travers les yeux bientôt crevés d’Eddie (charismatique Peter), hôtesse drag du bar Le Genet dans le

quartier de Shinjuku. Le trajet de l’héroïne est vertigineux puisqu’elle va tuer sa mère puis coucher avec son père – oui, on est ici dans une variation timbrée et finalement horrifique du mythe d’Œdipe. En plus d’être un aventureux traité d’avant-garde, ce fleuron atypique de la Nouvelle Vague japonaise est aussi un précieux document historique entrecoupé d’extatiques saillies abstraites ou surréalistes. Tous les acteurs, des amateurs recrutés dans des clubs LGBTQ souterrains, évoquent ainsi avec sincérité un quotidien forcément contreculturel. On flamboie à poil sous substances en regardant du Jonas Mekas ou en assistant aux happenings remuants de la troupe de performers Zero Jigen, dont les membres engageaient leur propre corps pour contester le capitalisme japonais. Dans un cinéma nippon que d’aucuns rangent bien vite dans la case zen et prude, il faut vraiment souligner la place faite à la sensualité et à la surexcitation dans ce film qui fleure bon l’odeur de poudre des feux d’artifice de Kenneth Anger. • QUENTIN GROSSET

Une variation timbrée et horrifique du mythe d’Œdipe.

— : de Toshio Matsumoto Carlotta Films (1 h 48) Sortie le 20 février

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Sélection Officielle Panorama

PRIX DU PUBLIC PRIX DE LA PAIX

PEDRO ALMODÓVAR

PRÉSENTE UN FILM DISTRIBUÉ PAR SOPHIE DULAC DISTRIBUTION

RÉALISÉ PAR ALMUDENA CARRACEDO & ROBERT BAHAR UNE COPRODUCTION SEMILLA VERDE PRODUCTIONS LUCERNAM FILMS AMERICAN DOCUMENTARY | POV INDEPENDENT TELEVISION SERVICE LATINO PUBLIC BROADCASTING EN ASSOCIATION AVEC EL DESEO AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DE BERTHA FOUNDATION CORPORATION FOR PUBLIC BROADCASTING AVEC LA PARTICIPATION DE BLUE ICE DOCS “LE SILENCE DES AUTRES” PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS POUR EL DESEO PEDRO ALMODÓVAR AGUSTÍN ALMODÓVAR ESTHER GARCÍA PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS POUR POV JUSTINE NAGAN CHRIS WHITE PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ POUR ITVS SALLY JO FIFER PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ POUR LPB SANDIE VIQUEZ PEDLOW MUSIQUE ORIGINALE LEONARDO HEIBLUM & JACOBO LIEBERMAN MONTAGE KIM ROBERTS, ACE RICARDO ACOSTA, CCE DIRECTRICE DE LA PHOTOGRAPHIE ALMUDENA CARRACEDO PRODUIT ET RÉALISÉ PAR ALMUDENA CARRACEDO & ROBERT BAHAR

© 2018 Semilla Verde Productions Ltd. All rights reserved.

Création graphique : EMMA BOUTBOUL

LE 13 FÉVRIER


FILMS

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SANTIAGO, ITALIA

Le

nouveau film de Nanni Moretti (La Chambre du fils, Mia madre) est un documentaire qui exhume, par de nombreux témoignages, l’histoire d’anciens demandeurs d’asile chiliens qui se sont réfugiés dans l’ambassade italienne sous le régime militaire de Pinochet. Chili, 1973. Après le coup d’État militaire du général Pinochet, près de six cents demandeurs d’asile ont trouvé refuge à l’ambassade italienne, à Santiago. Accueillis pendant un an par deux diplomates italiens dans la villa de l’ambassade, ces asilos y ont formé une communauté. L’Italien Nanni Moretti a tiré de cette histoire un documentaire épuré et passionnant dans lequel il donne la parole à certains d’entre eux – pour beaucoup accueillis par la suite en Italie – ainsi qu’à deux militaires. Si le film répond aux codes du documentaire historique (images d’archives et témoignages face caméra), il déborde de ce cadre serré en exaltant, au cœur de l’horreur, une force vitale qui repose en partie sur la capacité de résilience inouïe des victimes du régime Pinochet. Ainsi, plusieurs d’entre eux racontent crûment les tortures qu’ils ont subies. Refusant de se laisser submerger par les émotions qu’elles pourraient à juste titre susciter en eux, ils

dégagent au contraire une force surprenante. Un élan vital qui transparaît notamment quand, à tour de rôle, ils narrent la façon dont ils ont escaladé, dans un recoin échappant à la vue des militaires armés jusqu’aux dents, le mur de l’ambassade, par-delà lequel ils ont recréé la société dont ils ont été sèchement privés. Par contraste, un militaire, interrogé dans la prison où il purge sa peine, justifie la torture par une prétendue éthique d’État, mais paraît à l’écran rabougri, comme enfermé psychologiquement dans le mythe du bon soldat. Sans prendre de gants, Moretti le rencogne, d’abord hors champ puis face caméra, le poussant dans ses retranchements. Le cinéaste, qui ne prétend jamais à la neutralité, dessine au final un portrait au vitriol de l’Italie d’aujourd’hui qui, fermée sur elle-même, n’est plus la terre d’accueil qu’elle était hier. À l’arrivée, son documentaire nous fait prendre de la hauteur sur les événements, un peu à l’image de ce plan panoramique dans lequel il observe d’en haut la ville de Santiago. • JOSÉPHINE LEROY

Nanni Moretti dessine un portrait au vitriol de l’Italie d’aujourd’hui.

— : de Nanni Moretti

Le Pacte (1 h 20) Sortie le 27 février

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ZOOM

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KMBO PRÉSENTE

SORTIE LE 13 MARS 2019 65


FILMS

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MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN

Pour

sa première production américaine, Xavier Dolan (Les Amours imaginaires, Juste la fin du monde) signe, à travers le récit d’une rencontre entre deux solitudes dans le courant des années 2000, une ode puissante à la « fan attitude ». Auteur d’un ouvrage réunissant les lettres qu’il a échangées avec la vedette de télé John F. Donovan (excellent Kit Harington), disparue dix ans auparavant à l’âge de 30 ans, Rupert, un jeune acteur, raconte à une journaliste dans un café londonien pourquoi ces courriers ont changé le cours de leurs vies. Une série de flash-back étourdissants nous propulsent ainsi en 2006. Cette année-là, aux États-Unis, Donovan crève l’écran dans une série surnaturelle pour ados qui, avec ses effets spéciaux cheap, fait la joie extatique de ses jeunes fans (et n’est pas sans rappeler la mythique « Trilogie du samedi » sur M6). Parmi eux, Rupert (surprenant Jacob Tremblay), un collégien américain qui, harcelé par une brute de son bahut, vit mal son emménagement en Angleterre… Faisant des lettres manuscrites l’échappatoire salvatrice de deux âmes esseulées qui dissimulent leurs souffrances intimes (pour préserver sa carrière, Donovan

cache son homosexualité), Dolan transcende leurs disparités – ni les différences d’âge ou de milieu ni la distance géographique n’empêchent leur rapprochement. Touchant presque au religieux, cette fascinante communion entre un jeune fan et son idole, baignée dans une lumière chaude, est d’une certaine manière empreinte de nostalgie. À l’ère des réseaux sociaux et du virtuel, rédige-t-on encore des courriers à la main dans l’espoir de recevoir dans nos boîtes aux lettres une réponse ? Sans renoncer à ses thèmes de prédilection (le rapport compliqué aux mères – ici incarnées avec force par Natalie Portman et Susan Sarandon –, ou bien encore la peur du rejet ressenti par ses personnages, souvent issus des communautés LGBTQ+) ni à son goût prononcé pour les bandes-son pop qui galvanisent les sentiments, Dolan critique un système hollywoodien qui broie l’individu et adresse en même temps une belle lettre d’amour aux fans qui, happés par leurs rêves démesurés, sont comme touchés par la grâce. • JOSÉPHINE LEROY

Dolan transcende les disparités de ces deux âmes esseulées.

— : de Xavier Dolan

Mars Films (2 h 10) Sortie le 13 mars

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T E N K . T V, L E S C O N T E S M O D E R N E S , C I N E N I C F I L M ET

JOUR2FÊTE

PRÉSENTENT

UN FILM DE

MATS GRORUD

SCÉNARIO ET RÉALISATION MATS GRORUD DIRECTION ARTISTIQUE ET GRAPHISME RUI TENREIRO IMAGE SARA SPONGA ET NADINE BUSS ANIMATION PIERRE-LUC GRANJON ET HEFANG WEI STUDIO FOLIASCOPE CONSULTANTS SCÉNARIO TRYGVE ALLISTER DIESEN, STÅLE STEIN BERG ET ROBIN JENSEN SOUND DESIGN CHRISTIAN HOLM, ERIK BJERKNES MONTAGE SILJE NORDSETH, KARSTEIN MEINICH MUSIQUE NATHANAËL BERGÈSE PRODUCTEURS FRODE SØBSTAD - TENK.TV, PATRICE NEZAN ET LAURENT VERSINI - LES CONTES MODERNES, ANNIKA HELLSTRÖM - CINENIC FILM EN CO PRODUCTION AVEC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINÉMA ET FILM I VÄST, AVEC LE SOUTIEN DE NFI, CNC, SFI, EURIMAGES, CREATIVE EUROPE, VIKEN FILMSENTER, FRITT ORD, FOND FOR LYD OG BILDE, RÉGION GRAND EST, STRASBOURG EUROMÉTROPOLE, GÖTEBORG CITY, SACEM, NRK, SVT, EUROPAFILM, FOLKETS BIO, DISTRIBUTION JOUR2FÊTE

AU CINÉMA LE 27 FÉVRIER


FILMS

PEARL

— : d’Elsa Amiel Haut et Court (1 h 22) Sortie le 30 janvier

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Maquillages

savants, bikinis pailletés et gros muscles : pour son premier long métrage, la Française Elsa Amiel pousse la porte d’un monde fabuleux, celui du bodybuilding féminin. Dans un immense hôtel isolé en périphérie urbaine se tient une grande compétition type Mister ou Miss Univers. Léa Pearl, synthèse exceptionnelle entre les traits féminins de Vénus et les muscles virils d’Apollon, a toutes les chances de décrocher le titre cette année ; mais c’est sans compter sur son ex, qui débarque sans crier gare pour lui confier de force la garde de leur jeune fils. La beauté de ce quasi-huis clos tient autant à son interprète principale, l’intense culturiste suisse Julia Föry, qu’à la façon dont la cinéaste filme ces corps hors norme (au plus près de leur chair et de leur sueur, abolissant la distance qui nous ferait les regarder comme des phénomènes de foire) et l’hôtel labyrinthique qui abrite le concours (comme un lieu fantomatique dans lequel on croise des silhouettes de colosses qui traînent leur spleen), éclatant élégamment au passage un grand nombre de préjugés sur les genres. • TIMÉ ZOPPÉ

SORRY TO BOTHER YOU

— : de Boots Riley Universal Pictures (1 h 51) Sortie le 30 janvier

Jusqu’où

sommes-nous prêts à aller pour nous élever sur l’échelle sociale ? Le rappeur Boots Riley pose la question dans sa première réalisation, une comédie ultra rythmée et profondément anticapitaliste. Quand un télémarketeur noir découvre qu’en utilisant une « voix de Blanc » – doublée par le comédien David Cross – il peut décupler ses ventes, il devient la coqueluche de ses boss (dont le plus fou est joué par un Armie Hammer exalté), accède aux étages supérieurs de son entreprise, là où l’argent coule à flots, et se coupe de ses proches (Tessa Thompson, Steven Yeun). Dans la lignée de Get Out – l’excellent Lakeith Stanfield, vu dans le film de Jordan Peele, tient ici le rôle principal –, Sorry to Bother You prend aussi la question du racisme pour toile de fond. Boots Riley, à coup de bricolages formels à la Gondry et de vannes bien senties sur les cultures blanches et afro-américaines, ne raille pas seulement la cupidité des puissants, mais dézingue aussi l’instinct de Rastignac qui sévit en chacun de nous – qui sommes prêts à nous arranger avec nos principes pour quelques billets de plus. • PERRINE QUENNESSON

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SANS PREUVES, OÙ CHERCHER LA VÉRITÉ ?

“Un très grand film” France Inter

le 13 mars au cinéma


FILMS

L’AMOUR DEBOUT

— : de Michaël Dacheux Épicentre Films (1 h 23) Sortie le 30 janvier

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Comme

les héros balzaciens avant lui, Martin vient défier Paris. Mais si le provincial de 25 ans « monte » à la capitale, c’est autant par ambition – il veut devenir cinéaste – que par désir de reconquête sentimentale. Hélas, son ex-copine Léa, qui fait des visites guidées sur les rives du canal de l’Ourcq, veut tourner la page. Chacun tente alors de repartir de l’avant, de se réinventer en tâtonnant : elle en fréquentant un compositeur plus âgé, lui en partant à la découverte de son homosexualité… Il y a dans ce premier long métrage de fiction de Michaël Dacheux (lire p. 28) un rejet du naturalisme qui fait de ce dernier un héritier de Paul Vecchiali (dont on retrouve l’acteur fétiche, Pascal Cervo), et une préciosité du langage qui rappelle Eugène Green, en moins aristocrate. Dacheux observe avec tendresse une classe moyenne supposée sans histoires, lettrée sans être assommante d’érudition, traversée de paradoxes, et c’est justement cet aspect a priori banal qui fait tout le sel secret de son chassé-croisé urbain, au champ magnétique ouvertement eustachien – Françoise Lebrun joue ici son propre rôle. La grandeur d’âme rayonne en ces attachants égarés. • ÉRIC VERNAY

SKATE KITCHEN

— : de Crystal Moselle Makadam (1 h 47) Sortie le 30 janvier

Pour

sa première fiction, Crystal Moselle s’intéresse au parcours de Camille (Rachelle Vinberg), jeune skateuse new-yorkaise bringuebalée entre grandes aspirations et frustrations typiques de l’adolescence. Si la relation tumultueuse qu’elle entretient avec sa mère vient crisper les amitiés et les sessions de skate aériennes si chères à la jeune femme, elle lui permet aussi de se forger une identité propre… En 2015, la réalisatrice américaine s’illustrait déjà avec The Wolfpack, documentaire sur une fratrie recluse dont le rapport au monde s’était construit via la quantité inouïe de films engloutis au fil des années – ou comment traiter habilement la façon dont la fiction peut nourrir le réel. En suivant un vrai collectif de skateuses rencontrées dans le métro, Moselle renverse ici le procédé, la caméra rivée à leurs planches. Les dialogues, réflexions et figures acrobatiques de cette émouvante galerie de jeunes femmes disent la sororité qui mature en des nuances aussi subtiles que la lumière de l’été. Toutes transpirent la conviction presque forcenée d’arriver à bon port malgré les chutes et accrocs. • LAURA PERTUY

70



FILMS

NUESTRO TIEMPO

— : de Carlos Reygadas Les Films du Losange (2 h 53) Sortie le 6 février

ZOOM ZOOM

Avec

Nuestro tiempo, Carlos Reygadas passe devant sa propre caméra, invitant à ses côtés sa véritable épouse, Natalia Lopez, et leurs enfants. Si le film n’a rien d’autobiographique, il n’en apparaît pas moins personnel. Délaissant la lutte des classes, prééminente dans Bataille dans le ciel (2005) ou Post tenebras lux (2013), le cinéaste circonscrit cette fois son récit à la seule étude d’un couple bourgeois. Il l’imagine épanoui par une relation libre, jusqu’à ce que le manque de transparence de la femme rende le mari fou de jalousie. Reygadas ausculte ce basculement à travers une succession de disputes, houleuses, pointilleuses, et rythmées par les piques injustes et cruelles de son personnage. En marge de quoi vont s’imposer trois séquences époustouflantes : en filmant une ville sous la pluie semblable à un visage en larmes, les entrailles d’une voiture comme les corps de deux amants s’affairant et enfin la carlingue d’un avion s’ouvrant telle une poitrine dont on arracherait le cœur, Reygadas rappelle le génie de sa mise en scène et complète brillamment sa réflexion sur le caractère épidermique de toute déréliction amoureuse. • HENDY BICAISE

LE SILENCE DES AUTRES

— : d’Almudena Carracedo et Robert Bahar Sophie Dulac (1 h 35) Sortie le 13 février

En

1977, l’Espagne a fait voter une loi d’amnistie qui interdisait le jugement des crimes franquistes et occasionnait la libération des prisonniers politiques. Cette loi, c’est donc l’occultation et l’oubli d’exécutions, d’actes de tortures ou d’enlèvements commis pendant la dictature. Almudena Carracedo et Robert Bahar suivent le combat acharné de citoyens qui ont décidé de faire appel à la justice hors du pays, en Argentine, pour essayer de mettre fin à ce silence de toute une nation qui a considérablement affecté leur vie. Car ce qui caractérise surtout ce documentaire sur l’importance du devoir de mémoire, c’est l’urgence : alors que les victimes sont elles-mêmes assez âgées, il leur reste peu de temps pour faire condamner leurs bourreaux encore en liberté avant que ceux-ci ne meurent. À ce propos, l’image la plus frappante et désolante du film est celle de cette vieille femme qui n’aura pas pu aller se recueillir sur la sépulture décente de sa mère. Toute sa vie, elle a pourtant espéré que le corps, qui gît sans considération sous une route qui recouvre une fosse commune, soit exhumé. • QUENTIN GROSSET

72


Photo & artwork © Aksel Varichon

UFO DISTRIBUTION PRÉSENTE UNE PRODUCTION AGAT FILMS & CIE - APSARA FILMS

JUDITH DAVIS CLAIRE DUMAS

MALIK ZIDI MÉLANIE BESTEL

NADIR LEGRAND SIMON BAKHOUCHE AVEC LA PARTICIPATION DE MIREILLE PERRIER

YASIN HOUICHA SAMIRA SEDIRA PATRICK BELLAND SLIM EL HEDLI EMILIE CAEN JEAN-CLAUDE LEGUAY

SCÉNARIO JUDITH DAVIS, CÉCILE VARGAFTIG MISE EN SCÈNE MARIE WILLAUME COLLABORATION À LA DIRECTION D’ACTEURS CLAIRE DUMAS SCRIPTE CAROLINE LELOUP IMAGE EMILIE NOBLET MONTAGE CLÉMENCE CARRÉ SON JEAN-BARTHÉLÉMY VELAY, ANTOINE DAHAN, AYMERIC DUPAS DIRECTION DE PRODUCTION DIMITRI LYKAVIERIS RÉGIE VICTOR SICARD DÉCORS AURORE CASALIS COSTUMES MARTA ROSSI MAQUILLAGE AMÉLIE JAVEGNY CHEF ÉLECTRICIEN ETIENNE LESUR CHEF MACHINERIE BRUNO CELLIER MUSIQUE JULIEN OMÉ, BORIS BOUBLIL PRODUCTEURS MARINE ARRIGHI DE CASANOVA, PATRICK SOBELMAN UNE COPRODUCTION APSARA FILMS, AGAT FILMS & CIE, ACME PRODUCTION EN PARTENARIAT AVEC L’AVANTAGE DU DOUTE AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE EN ASSOCIATION AVEC SOFITVCINE 5 VENTES INTERNATIONALES DOC & FILMS DISTRIBUTION UFO


FILMS

DEUX FILS

— : de Félix Moati Le Pacte (1 h 30) Sortie le 13 février

ZOOM ZOOM

Comédien

vu chez Thomas Lilti, Sophie Letourneur ou Gilles Lellouche, Félix Moati signe, du haut de ses 28 ans, son premier long métrage, mais n’y apparaît pas. Un choix qui cadre bien avec cette histoire d’effacement et d’absences où l’on suit un trio composé d’un père en deuil (Benoît Poelvoorde) et de ses deux fils. Tous traversent une crise existentielle : la figure paternelle troque étrangement sa carrière de médecin contre celle d’écrivain improvisé, sous le regard inquiet de l’étudiant dissipé Joachim (Vincent Lacoste) et de l’adolescent rêveur Ivan (Mathieu Capella), plombés quant à eux par des difficultés sentimentales. Cette famille d’écorchés évolue dans une atmosphère nonchalante et dépressive, heureusement dynamisée par une tonalité jazzy et un sens aigu de la fantaisie. D’abord solitaires, ces trois cœurs tourmentés sont progressivement poussés dans leurs retranchements par un entourage féminin qui les aide à lutter contre l’abattement. Grâce au pouvoir consolateur du collectif et au charme du casting, le cinéaste en herbe réussit à marier élégance et mélancolie. • DAMIEN LEBLANC

DANS LA TERRIBLE JUNGLE

— : de Caroline Capelle

et Ombline Ley Les Acacias (1 h 21) Sortie 13 février

Tourné

dans un institut médico-éducatif des Hauts-de-France, ce documentaire fait d’une bande d’ados en situation de handicap les acteurs d’un étonnant teen movie. Les cadres larges sont le terreau de l’imprévu, de l’accident surréaliste ou spectaculaire – une crise violente peut intervenir à n’importe quel moment. Sans jamais accoler un commentaire surplombant, les deux réalisatrices tentent de regarder ces jeunes gens avec l’innocence de la découverte. On partage leur quotidien, leur imaginaire, leurs angoisses, qui se révèlent proches de celles d’ados non atteints de handicap tant se crée ici, dans cette communauté en vase clos, une mécanique de groupe universelle : il y a la fille populaire flanquée de sa copine moins sûre d’elle, les nerds regardant des soaps devant leur PC ou se déguisant en super-héros, le clown de la classe, le rebelle, mais aussi – et c’est sans doute le plus beau personnage – celle qui, sous une allure gauche et réservée, développe un don pour le chant, qu’elle exprime en battant la mesure sur tout ce qui se présente devant elle. Un teen movie d’un genre nouveau, ludique et touchant. • ÉRIC VERNAY

74


PATRICK ÉMMANUEL ABELLARD FLORENCE LONGPRÉ EDDY KING GENEVIÈVE SCHMIDT PAUL DOUCET DENIS BOUCHARD YAN ENGLAND DAVID SAVARD ROSE-MARIE PERREAULT ALAIN GOULEM CATHERINE PAQUIN-BÉCHARD MUSIQUE VAN ROYKO PATRICE BENGLE MONTAGE ARTHUR TARNOWSKI COSTUMES SOPHIE LEFEBVRE ORIGINALE MATHIEU LUSSIER LOUIS DUFORT SON MARTIN DESMARAIS LOUIS GIGNAC CRÉATION PRODUCTEUR DIRECTEUR DE PRODUCTEURS SONORE MARIE-CLAUDE GAGNÉ CASTING LUCIE ROBITAILLE DÉLÉGUÉ CHRISTIAN MÉNARD POSTPRODUCTION GEORGES JARDON ASSOCIÉS DOMINIQUE BESNEHARD VICTOR LOEWY PATRICK ROY MARTIN DESROCHES DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE

DIRECTEUR ARTISTIQUE

PRODUIT PAR

DENISE ROBERT

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR

DENYS ARCAND


FILMS

VICE

— : d’Adam McKay Mars Films (2 h 12) Sortie le 13 février

ZOOM ZOOM

Après

The Big Short. Le casse du siècle, incursion en bande organisée dans les arcanes de Wall Street à la veille de la crise financière de 2008, l’Américain Adam McKay se penche sur l’histoire peu connue de Dick Cheney, vice-président de George W. Bush entre 2001 et 2009. C’est l’impressionnant Christian Bale qui incarne celui qui fût le discret marionnettiste de la politique américaine. Dans ce biopic fourmillant teinté d’un humour acerbe, McKay n’hésite pas à faire exploser le quatrième mur et vulgarise avec verve les montages politiques complexes qui ont permis à ce faux inoffensif de tirer les ficelles du pouvoir, souvent pour le pire – le film défend l’hypothèse que, durant la guerre d’Irak en 2003, il a favorisé en sous-main une multinationale du pétrole dont il avait été le PDG. Parallèlement à ces procédés cyniques, on s’étonne d’être ému par le parcours d’un homme qui, plus jeune, était plus intéressé par la gnôle que par la politique, puis qui, repêché par une ambitieuse épouse (brillante Amy Adams), a accepté ce destin. Ni complaisant ni complotiste, le film rend cette période de l’histoire américaine passionnante. • JOSÉPHINE LEROY

AMAL

— : de Mohamed Siam Juste (1 h 23) Sortie le 20 février

Le

« printemps arabe » est passé et la révolution a été bravement menée. La jeune Amal, une forte tête qui aime invectiver la police, y a perdu son petit ami. Sa colère, partagée avec celle d’un peuple prêt à tout enflammer pour faire valoir ses droits, est le point de départ de ce passionnant documentaire de Mohamed Siam. Retraçant l’évolution du pays, de sa fièvre post-Tahrir à sa situation actuelle, par l’entremise d’un portrait au long cours (six ans de tournage en plus d’archives vidéo d’Amal enfant), le documentariste explore les paradoxes d’une Égypte divisée par son appétence pour le désordre et l’autoritarisme. Ainsi, la trajectoire personnelle d’Amal – passée des rangs des révoltés à ceux des forces de l’ordre – reflète autant cette dichotomie collective qu’elle est le résultat d’une profonde désillusion. Malgré cette impossibilité d’entretenir la flamme révolutionnaire, la jeune femme continuera pourtant de tenir tête aux instances d’un pouvoir encore plus pernicieux : celui du patriarcat. C’est que sa résignation politique cache la persistance d’une assurance féministe qu’aucun drame familial, aucune révolution sociale, aucun régime religieux ou militaire n’aura réussi à altérer. • CORENTIN LÊ

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FILMS

« PEU M’IMPORTE SI L’HISTOIRE NOUS CONSIDÈRE COMME DES BARBARES »

— : de Radu Jude Météore Films (2 h 20) Sortie le 20 février

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Que

reste-t-il du massacre d’Odessa, perpétré contre des milliers de Juifs et de Tziganes par l’armée roumaine sur ordre du dictateur fasciste Ion Antonescu, en 1941 ? De nos jours, Mariana, une metteuse en scène maligne et butée, veut reconstituer cet épisode tragique dans une pièce qu’elle compte présenter gratuitement au public, sur la place centrale de Bucarest. Mais, peu à peu, elle se heurte aux critiques des représentants de la ville et de certains comédiens qui veulent la censurer, voire réécrire l’histoire. Dans un écho permanent entre la fiction théâtrale et cinématographique, le Roumain Radu Jude (Aferim!) questionne la représentation des génocides. À travers l’obsession de Mariana, qui occupe tout son temps à s’instruire sur le sujet en lisant ou regardant des archives, il dénonce le déni de la société par rapport à son propre passé. Comme pour contrer ce refoulement, il insère dans la modernité des fragments de la guerre – on pense à ces scènes durant lesquelles Mariana déambule autour du musée militaire de Bucarest. On ressort du film avec le sentiment que l’héroïne est un peu le double du cinéaste, qui livre ici un combat important contre l’obscurantisme. • JOSÉPHINE LEROY

RENCONTRER MON PÈRE

— : d’Alassane Diago JHR Films (1 h 50) Sortie le 20 février

Du

temps, il en aura fallu au Sénégalais Alassane Diago, pour revoir ce père qui avait subitement quitté le foyer alors qu’il était encore enfant. Durant des années, Diago n’a reçu aucune nouvelles de son géniteur, avant de s’envoler pour le Gabon afin de rencontrer cet homme, qui a refait sa vie aux côtés de sa deuxième épouse et de leurs enfants. C’est en grande partie chez eux qu’il a tourné, pendant un mois et demi, cet émouvant documentaire. Sans qu’une once de violence ne fasse déborder ces retrouvailles, le fils blessé ouvre un long dialogue en plans fixes – comme pour créer entre eux une routine – avec son père taiseux. Au tournant d’une banale conversation sur le cinéma ou sur les chèvres que ce dernier élève avec dévouement, le cinéaste, futé, aborde le sujet qui lui brûle les lèvres : pourquoi a-t-il été abandonné avec sa mère, qui épingle encore sur ses murs des photos de cet ex-époux et s’en remet à Dieu pour justifier son départ ? À la fin du film, une étrange inversion se produit : alors qu’Alassane Diago, d’habitude hors champ, s’intègre dans sa deuxième famille et passe brièvement devant la caméra, l’image de sa mère, absente, nous revient en boucle à l’esprit. • JOSÉPHINE LEROY

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FILMS

BÊTES BLONDES

— : de Maxime Matray et Alexia Walther UFO (1 h 42) Sortie le 6 mars

ZOOM ZOOM

Présenté

à la Semaine de la critique à Venise, ce premier long métrage y a remporté le Prix du film le plus innovant. Alexia Walther et Maxime Matray signent un road movie maboul et macabre qui nous fait voyager sur le chemin le moins balisé qui soit : celui du rêve, du non-sens, de l’hallucination. Dès la première scène, le spectateur est aussi désorienté que le héros : Fabien, ex-star de sitcom en proie à des pertes de mémoire, se réveille au milieu d’une forêt. Il y croise un garçon qui trimballe dans son sac la tête de son défunt amant. Au gré des péripéties de ce film-kamoulox, Fabien se retrouvera aux prises avec diverses créatures (des hommes-chats, une grenouille, beaucoup de saumon fumé…) et substances (de la boue, du poppers, beaucoup d’alcool…). L’ahuri Fabien (génial Thomas Scimeca) rappelle les gros bêtas qu’affectionne Quentin Dupieux. On pense aussi aux grosses bêtes qui peuplent le cinéma de Bertrand Mandico. Mais au-delà de l’humour et des trouvailles visuelles, il est ici surtout question de deuil et de culpabilité. Finalement, une vraie humanité se niche au cœur de ces bêtes blondes. • JULIEN DOKHAN

LES ÉTENDUES IMAGINAIRES

— : de Yeo Siew Hua

Épicentre Films (1 h 35) Sortie le 6 mars

Le

jeune Singapourien Yeo Siew Hua a décroché le Léopard d’or à Locarno en 2018 avec ce thriller politique et onirique qui aime cultiver les fausses pistes. À Singapour, un tandem de policiers mène l’enquête sur un chantier d’aménagement du littoral après la mystérieuse disparition de plusieurs ouvriers. En remontant le cours des événements, ils creusent l’histoire d’un des disparus, Wang… et nous voilà plongés dans la reconstitution de la vie de celui-ci, sans savoir s’il s’agit d’un flash-back ou du fruit de l’imagination des enquêteurs. Télescopant avec talent les différents points de vue et temporalités, le cinéaste fait décoller son alarmant récit, qui explore la terrible condition des travailleurs immigrés pauvres dans la fourmillante cité-État de Singapour, vers des contrées plus vaporeuses. À mesure que se tisse la toile complexe de l’enquête se dessinent les liens entre les protagonistes, donnant là aussi lieu à de sublimes moments suspendus, comme lorsqu’un ouvrier bangladais, devenu ami avec Wang, lui masse doucement la nuque pour le délester un instant de l’insoutenable poids de sa réalité. • TIMÉ ZOPPÉ

80


“Un regard d’une infinie tendresse”

“Une authentique émotion”

“Une émouvante relation fraternelle”

“Un mélodrame flamboyant”

POSITIF

LE MONDE

TÉLÉRAMA

H T FI LM , I N D I G O F I L M

ET

LA SEPTIÈME OBSESSION

RA I C I N E M A

PRÉS ENTENT

RICCARDO

VA L E R I O

SCAMARCIO

M ASTA N D R E A

UN FILM DE VA L E R I A G O L I N O I SA B E L LA F ERRA RI VA LE NT INA C E RV I

JAS MINE TR IN C A

E T AV EC AN D R E A G E R M AN I M AR Z I A U BA L D I I A I A FO RTE

LE 20 FÉVRIER AU CINÉMA


FILMS FAHAVALO. MADAGASCAR 1947

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle promet aux combattants malgaches l’indépendance de Madagascar. Son inaction provoque une insurrection en 1947. Soixante ans plus tard, Marie-Clémence Paes est allée recueillir la parole des insurgés dans ce précieux documentaire mêlant images d’archives et entretiens face caméra. • C. L .

— : de Marie-Clémence Paes (Laterit Productions, 1 h 30) Sortie le 30 janvier

ULYSSE ET MONA

Une étudiante aux Beaux-Arts (Manal Issa) part sur les traces d’un artiste contemporain (Éric Cantona) qui a brusquement arrêté sa carrière et vit isolé dans une demeure dans la forêt… Avec sa tendresse habituelle, Sébastien Betbeder (Le Voyage au Groenland) orchestre une rencontre burlesque autour de laquelle gravite une galerie de personnages décalés. • T. Z .

— : de Sébastien Betbeder (Sophie Dulac, 1 h 22) Sortie le 30 janvier

DON’T FORGET ME

Pensionnaire d’un centre de traitement de l’anorexie, la jeune Tom profite du passage de Niel, un tubiste psychotique, pour s’échapper. Le temps d’une nuit d’errance en liberté, ils tombent amoureux et oublient leurs troubles respectifs… Dans cet attachant film de cavale, deux paumés tendent un miroir critique à la société israélienne. • Q. G.

— : de Ram Nehari (JHR Films, 1 h 25) Sortie le 30 janvier

ARCTIC

Un scientifique chevronné se retrouve seul sur des terres gelées au milieu de l’océan Arctique à la suite d’un accident d’avion. Après avoir secouru une jeune femme ayant, elle aussi, survécu à un accident, il tente une ultime traversée. Cette fuite à hauts risques accouche d’un survival épuré, dans lequel Mads Mikkelsen peut montrer toute l’étendue de son talent. • C. L .

— : de Joe Penna (Les Bookmakers / The Jokers, 1 h 37) Sortie le 6 février

LA DERNIÈRE FOLIE DE CLAIRE DARLING

Claire Darling (Catherine Deneuve) pense vivre le dernier jour de sa vie. Elle organise un vide-greniers pour débarrasser sa maison ; ce qui pousse sa fille, Marie (Chiara Mastroianni), à revenir après un long silence… Julie Bertucelli joue sur la confusion entre présent et souvenirs pour imaginer un film onirique et attachant sur la mémoire. • Q. G.

— : de Julie Bertuccelli (Pyramide, 1 h 34) Sortie le 6 février

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“Un séduisant film noir” LIBÉRATION

PETER YU

06 MARS

LUNA KWOK

UN FILM DE

YEO SIEW HUA

WWW.EPICENTREFILMS.COM

LIU XIAOYI


FILMS MY BEAUTIFUL BOY

Dans son premier film anglophone, Felix Van Groeningen (La Merditude des choses) dépeint le calvaire de Nicolas (Timothée Chalamet), accro à l’héroïne, et de son père, David, qui tente de le sortir de cette spirale infernale. Sans mièvrerie et à travers une narration elliptique, ce film offre une partition dramatique inattendue à Steve Carell, très juste en père blessé. • Q. G.

— : de Felix Van Groeningen (Metropolitan FilmExport, 2 h 01) Sortie le 6 février

TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA RÉVOLUTION Angèle est sur le carreau après plusieurs échecs dans sa recherche d’un emploi dans l’urbanisme. Avec ses amis, elle monte un groupe pour militer contre la dépression néolibérale et les injustices sociales… Réalisatrice et actrice pleine d’énergie, Judith Davis porte à elle seule ce premier long métrage vigoureux et engagé. • C. L .

— : de Judith Davis (UFO, 1 h 28) Sortie le 6 février

UNE INTIME CONVICTION

Simple citoyenne, Nora (Marina Foïs, qui campe un personnage fictionnel inspiré par le réalisateur) est persuadée de l’innocence de Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme. Elle convainc le célèbre avocat Éric Dupond-Moretti (Olivier Gourmet) de le défendre en appel… Pour son premier long métrage, Antoine Raimbault signe un haletant film de procès. • Q. G.

: d’Antoine Raimbault (Memento Films, 1 h 50) Sortie le 6 février

LES DRAPEAUX DE PAPIER

Vincent (Guillaume Gouix) revient dans la vie de sa sœur, Charlie (Noémie Merlant), après avoir purgé une longue peine de prison. Les deux solitaires s’apprivoisent malgré le comportement parfois colérique de l’ancien détenu… Si quelques situations paraissent stéréotypées, ce film prometteur (le réalisateur a 19 ans) aborde le lien fraternel avec sensibilité. • Q. G.

— : de Nathan Ambrosioni (Rezo Films, 1 h 42) Sortie le 13 février

LONG WAY HOME

Tout juste libérée de prison, Angel, 18 ans, rejoint sa jeune sœur, Abby, dans un pensionnat de Philadelphie. Ensemble, elles cherchent à retrouver leur père, qui est aussi le responsable du drame qui les a séparées… À travers ce portrait écorché d’une jeunesse américaine livrée à elle-même, Jordana Spiro mêle avec sobriété drame social et récit de vengeance. • Q. G.

— : de Jordana Spiro (Condor, 1 h 27) Sortie le 13 février

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“ PEU M’IMPORTE SI L’HISTOIRE NOUS CONSIDÈRE COMME DES BARBARES ” RÉALISÉ PAR RADU JUDE

AU CINÉMA LE 20 FÉVRIER


FILMS EUFORIA

Le riche et extraverti Matteo (Riccardo Scamarcio) se rapproche à tâtons de son frère, l’amer et taciturne Ettore (Valerio Mastandrea), lorsque celui-ci tombe gravement malade… Pour son deuxième long métrage en tant que réalisatrice, l’actrice Valeria Golino a l’art de rendre perceptible ce qui fait le nœud de cette relation tout en non-dits. • Q. G.

— : de Valeria Golino (Paname, 1 h 55) Sortie le 20 février

LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN

Docteur en philo, Pierre-Paul est aussi un livreur qui broie du noir. Par hasard, il se retrouve mêlé à un hold-up qui tourne mal et récupère un gros pactole… Après Le Déclin de l’empire américain et Les Invasions barbares, le Canadien Denys Arcand parodie le polar états-unien pour attaquer d’un ton grinçant la manière dont l’argent régit le monde. • Q. G.

— : de Denys Arcand (Jour2fête, 2 h 09)

Sortie le 20 février

LA LIBERTÉ

En Corse, dans une prison à ciel ouvert où sont rassemblés des criminels sexuels, Guillaume Massart a réalisé un documentaire saisissant. Avec distance et neutralité, il nous rapproche peu à peu des détenus, laissant les paroles s’étirer au fil d’entretiens en cellules ou de déambulations sur la plage, pour esquisser sans démagogie l’éventualité d’un pardon. • C. L .

— : de Guillaume Massart (Norte, 2 h 26) Sortie le 20 février

LES MOISSONNEURS

Dans une communauté de fermiers blancs sud-africains, la vie d’un ado est bouleversée par l’arrivée dans sa famille d’un orphelin de son âge, gouailleur et provocateur… Dans une lumière crépusculaire, ce premier film aborde avec délicatesse une multiplicité de thèmes forts (la communauté en zone rurale, le poids de la religion, l’orientation sexuelle). • T. Z .

— : d’Etienne Kallos (Pyramide, 1 h 44) Sortie le 20 février

DESTROYER

Une détective de la police de Los Angeles cherche à se venger d’un gang californien qu’elle a infiltré plus jeune. Transformée en bad lieutenant impulsive et alcoolique, vampirisant chaque plan et menant son enquête d’une main de fer, Nicole Kidman est la pièce maîtresse de ce thriller nerveux visiblement inspiré par l’ampleur des films de Michael Mann. • C. L .

— : de Karyn Kusama (Metropolitan FilmExport, 2 h 03) Sortie le 20 février

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FILMS MARIE STUART. REINE D’ÉCOSSE

Élisabeth Ire règne sans partage sur les îles britanniques ; jusqu’à ce que Marie Stuart revienne réclamer le trône d’Écosse, qui lui revient de droit… Un souffle de modernité parcourt cette fresque historique grâce à la fraîcheur de jeu de Saoirse Ronan, qui campe une Marie Stuart pleine d’empathie face à une Margot Robbie habitée en reine Élisabeth crispée. • T. Z .

— : de Josie Rourke (Universal Pictures, 2 h 05) Sortie le 27 février

JEUNE BERGÈRE

Stéphanie a concrétisé le rêve d’un certain nombre de trentenaires d’aujourd’hui : quitter la frénésie de la ville pour calmer le rythme et renouer avec la terre. Ce docu dynamique sur une graphiste parisienne devenue bergère normande montre que c’est loin d’être de tout repos, entre apprentissage du métier, concurrence déloyale et embûches administratives. • T. Z .

— : de Delphine Détrie (KMBO, 1 h 31) Sortie le 27 février

CELLE QUE VOUS CROYEZ

En espionnant son amant grâce à un faux profil de jeune femme sur les réseaux sociaux, une prof (Juliette Binoche) commence une relation virtuelle avec un garçon moitié plus jeune qu’elle, sans oser lui révéler sa véritable identité… Par le biais de cette héroïne touchante et complexe s’ouvre une belle réflexion sur le statut des femmes célibataires après 50 ans. • T. Z .

— : de Safy Nebbou (Diaphana, 1 h 41)

Sortie le 27 février

SIBEL

Muette, la jeune Sibel utilise la langue ancestrale sifflée d’une commune reculée du nord-est de la Turquie. Mise à l’écart par les villageois, elle va souvent à la chasse au loup dans la forêt, pour leur prouver sa force. Elle y rencontre un homme blessé… Récit d’émancipation brut et mystérieux, le film convainc par son ambiance proche du conte. • Q. G.

— : de

G. Giovanetti et Ç. Zencirci (Pyramide, 1  h  35)

Sortie le 6 mars

ON MENT TOUJOURS À CEUX QU’ON AIME

Tout roule pour Jewell Stone (Monia Chokri) : son groupe de rock enchaîne les dates et son couple avec Paul (Jérémie Elkaïm) dure depuis des années. C’est du moins ce qu’elle fait croire, avec l’aide de son ex, à sa mamie américaine quand celle-ci débarque à Paris… En prenant la forme d’un road trip intimiste, cette comédie tire le joli portrait de trentenaires largués. • J. L .

— : de Sandrine Dumas (Dean Medias, 1 h 30) Sortie le 6 mars

87


FILMS FUNAN

Récompensé à Annecy, ce film d’animation déchirant revient sur la prise de pouvoir des Khmers rouges au Cambodge dans les années 1970… Pour son tout premier long métrage, Denis Do narre le morcellement d’une famille et parvient, sous les doux traits de son animation, à ne pas passer sous silence la violence terrassante des événements. • C. L .

— : de Denis Do (Bac Films, 1 h 24) Sortie le 6 mars

STAN & OLLIE

En 1953, Stan Laurel et Oliver Hardy, sexagénaires plus vraiment fringants, tentent un come-back. Pour regagner en popularité et tenter de financer un projet de film, le tandem se lance dans une dernière tournée… Jon S. Baird dévoile les mésententes intimes du duo légendaire dans cette comédie dramatique où Steve Coogan et John C. Reilly s’en donnent à cœur joie. • C. L .

— : de Jon S. Baird (Metropolitan FilmExport, 1 h 37) Sortie le 6 mars

MCQUEEN

Entretiens avec ses proches, archives spectaculaires de ses créations et des défilés qu’il concevait comme des spectacles décadents, le créateur britannique Alexander McQueen se dévoile ici en génie hyperactif (il créait jusqu’à quatorze collections par an, pour sa propre marque et pour Givenchy) irrémédiablement happé par ses démons – il s’est suicidé à 40 ans. • J. R.

— : de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui (Le Pacte, 1 h 51) Sortie le 13 mars

TERET (LA CHARGE)

En 1999, dans une Serbie en guerre, un camionneur doit mener à Belgrade une cargaison dont il ignore la nature… De ce postulat froid et pesant, qui laissait présager le pire, Teret (La charge) finit par prendre le contrepied pour se révéler, non sans quelques lugubres détours, comme un film guidé par la lumière d’une jeunesse inébranlable. • C. L .

— : d’Ognjen Glavonic (Nour Films, 1 h 38) Sortie le 13 mars

ROSIE DAVIS

Depuis la voiture qui contient tous leurs biens, une trentenaire acculée (géniale Sarah Greene) lutte pour tirer sa famille de la précarité, tout en jonglant entre ses quatre enfants… Parfaite illustration de la (sur)charge mentale, cette haletante chronique sociale irlandaise, jamais misérabiliste, creuse la veine sensible et obstinée des frères Dardenne ou de Ken Loach. • J. R.

— : de Paddy Breathnach (KMBO, 1 h 26) Sortie le 13 mars

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Monia Chokri Jérémie Elkaïm

Dean Medias Pio & Co présentent

Fionnula Flanagan et avec

Marthe Keller

un film de

Sandrine Dumas

« Un road trip émouvant et drôle »

AU CINÉMA LE 6 MARS AVEC

GÉRALDINE MARTINEAU, ALEX DESCAS, MARC CITTI, MAGNE HÅVARD BREKKE

SANDRINE DUMAS, NATALIA REYES ET HÉLÈNE ANGEL, LIBREMENT ADAPTÉ DE « LA VALSE DES AFFLUENTS » DE THÉO HAKOLA IMAGE NATHALIE DURAND (A.F.C), ISABELLE JULIEN MONTAGE BARBARA BASCOU MUSIQUE ORIGINALE DELPHINE CIAMPI SON JEAN-PAUL MUGEL, RAPHAËL GIRARDOT, NATHALIE VIDAL DÉCORS DENIS RENAULT (A.D.C) COSTUMES CAROLE GÉRARD DIRECTION DE PRODUCTION CHRISTOPHE VIALARET UNE PRODUCTION PIO & CO, TEMPIO, LES FILMS PELLEAS, YUNDAL AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE ET DE L’IMAGE ANIMÉE COPRODUCTEURS PIERRE-ALEXIS DUMAS, PHILIPPE MARTIN & DAVID THION, CHARLES-ERIC BAUER PRODUCTEURS SANDRINE DUMAS & JEAN-LUC ORMIÈRES UN FILM RÉALISÉ PAR SANDRINE DUMAS SCÉNARIO DE

Design Graphique © MACHA KASSIAN-BONNET / WWW.MACHAKA.ORG

Transfuge


COUL’ KIDS

MARIE OPPERT COMÉDIENNE ET CHANTEUSE

Anna et Anna ont interviewé Marie Oppert, une jeune actrice et chanteuse de 22 ans qui monte sur scène depuis l’âge de 10 ans. Elle interprète au Théâtre Marigny l’héroïne de la comédie musicale Peau d’âne, adaptée du film que Jacques Demy a réalisé en 1970.

Tu chantes, tu joues la comédie… es-tu aussi musicienne ? Oui, j’ai commencé le piano à 6 ans, j’étais au conservatoire pendant toute ma scolarité en horaires aménagés. J’ai aussi pratiqué la clarinette, mais à cause d’un appareil dentaire – les fameuses bagues –, j’ai dû arrêter. Tu chantes tous les jours pour t’entraîner ? Je prends toujours des cours de chant, pour continuer à progresser et à découvrir ma voix. Je la travaille comme un instrument, même s’il faut parfois lui accorder un peu de repos, surtout quand on chante tous les soirs sur scène comme moi en ce moment. Tu connaissais le film Peau d’âne avant de faire cette comédie musicale ? Je l’ai vu à 6 ans, mais je n’avais pas saisi toutes les subtilités de l’histoire. (Rires.) C’était un honneur pour toi de reprendre le rôle que tenait Catherine Deneuve dans le film ? Oh oui ! C’est un tel mythe. As-tu rencontré Michel Legrand, le compositeur de la musique originale ? On a enregistré le disque du spectacle sous sa direction avant même que les répétitions ne commencent. Sur le titre « Amour, amour », il


L’INTERVIEW D’ANNA ET ANNA, 14 ANS LE DÉBRIEF « On est allées dans les loges, dans les coulisses, et surtout on a touché les robes : couleur du temps, couleur du soleil, et la plus belle, couleur de lune. »

s’imaginait en train de voler comme des oiseaux. Mais la mise en place a été très compliquée. Ce n’est pas nous qui décidons de nos déplacements dans l’air, mais les techniciens qui font bouger les cordes. Ce n’est pas facile de chanter sans aucun appui au sol et serrés par un harnais ! Mais maintenant qu’on a pris nos repères, on apprécie ce moment en apesanteur. As-tu le trac avant de monter sur scène ? Oui, mais c’est positif, c’est l’adrénaline qui monte. Si je ne la sens pas, je m’inquiète. C’est bon de sentir un peu de stress quand même. Est-ce que c’est dur de chanter et de jouer la comédie en même temps ? Pour moi, c’est la même chose. La comédie musicale, c’est du théâtre, mais quand les personnages n’ont plus les mots pour exprimer leurs émotions, la musique et la danse prennent le relais. • PROPOS RECUEILLIS PAR ANNA ET ANNA (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) — PHOTOGRAPHIE : MIKE IBRAHIM

m’a accompagnée à l’orgue. C’était magique. Ensuite, il a assisté aux répétitions, et il était là à la première. Il s’est levé à la fin du spectacle, et toute la salle avec lui. C’était très émouvant. Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton rôle ? Peau d’âne grandit au fur et à mesure de l’histoire. C’est d’abord une enfant, et à la fin du spectacle elle est devenue une femme. J’aime vivre et recréer ce parcours tous les soirs comme si c’était la première fois. Quel est ton moment préféré du spectacle ? J’aime beaucoup la chanson « Les Insultes ». C’est un moment que je partage avec toute la troupe. Il y a aussi la chanson « Recette pour un cake d’amour ». Je suis seule sur scène quand je la chante, et je m’adresse plus frontalement au public. Je sens que les gens ont envie de chanter avec moi, et j’en vois même qui ont du mal à se retenir. Tu n’as pas peur de tomber quand tu interprètes une chanson, suspendue dans les airs avec le prince ? Au début, on était hyper contents, on

— : « Peau d’âne », jusqu’au 19 février au Théâtre Marigny, dès 7 ans

TOI AUSSI TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

« À la fin du spectacle, au moment du salut, la troupe réunie sur scène chante la chanson du cake d’amour : “Dans une jatte, dans une jatte plate…” Toute la salle connaissait les paroles et chantait avec les artistes, c’était émouvant. »


LA CRITIQUE DE LÉONORE, 8 ANS

« Dans ce film, une coccinelle va jusqu’au bout du monde pour sauver son fils. “Jusqu’au bout du monde”, c’est un endroit où il fait beaucoup plus chaud qu’ici, avec des palmiers et le soleil qui brille. Je crois que les gens qui ont fait le film veulent montrer la vraie vie des insectes. D’ailleurs, on peut sentir ce que ressentent les insectes. Parce que même si je ne parle pas “insecte”, je les comprends par leurs gestes. En même temps, il y a aussi des hommes dans le film : sans eux, on rigolerait moins, et il n’y aurait pas d’histoire, puisqu’ils essaient de construire un immeuble là où il y a une belle vue et plein d’insectes qui vivent. C’est bizarre, parce que je voulais que ce soit les insectes qui gagnent, alors que je suis une humaine. Mais des fois, les humains font des choses qu’ils ne devraient pas faire, et là ils veulent détruire la nature. C’est super mal ! Ma maison aussi, ils l’ont construite sur de la nature, et je sais bien qu’en dessous il y a plein d’insectes morts. Finalement, je crois qu’on a fait ce film pour qu’on comprenne mieux la nature. » bizarre

COUL' KIDS

MINUSCULE 2

LE PETIT AVIS DU GRAND Après les fables cartoonesques de la série télévisée et un premier long métrage (sorti en 2014) à mi-chemin entre le western et l’heroic fantasy, ce deuxième opus cinéma de la saga Minuscule s’inscrit dans la lignée du récit d’aventures, citant Les Aventuriers de l’arche perdue ou African Queen. Et même si le film est entièrement muet et se refuse à tout anthropomorphisme, Minuscule 2 ne rechigne pas à développer des situations et des émotions complexes, grâce à la maîtrise du langage cinématographique de ses auteurs. • JULIEN DUPUY

LIS L’ARTICLE ET RETROUVE LE MOT ÉCRIT À L’ENVERS !

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— : « Minuscule 2. Les mandibules du bout du monde » de Thomas Szabo et Hélène Giraud Le Pacte (1 h 32) Sortie le 30 janvier, dès 5 ans


T E N K . T V, L E S C O N T E S M O D E R N E S , C I N E N I C F I L M ET

JOUR2FÊTE PRÉSENTENT

TOUT DOUX LISTE © DREAMWORK ANIMATION

L’ÉPOPÉE ARTISTIQUE DE LA TRILOGIE DRAGONS EXPO

À l’occasion de la sortie du Monde caché, troisième opus de la saga Dragons, le musée Art Ludique sort de ses murs pour dévoiler les secrets de fabrication des studios DreamWorks, à grand renfort de dessins originaux et de peintures numériques ayant servi à la préparation des films. Et c’est gratuit. • C. L .

UN FILM DE

MATS GRORUD

: jusqu’au 24 février

au 2A rue Montalembert, dès 7 ans

LES RITOURNELLES DE LA CHOUETTE CINÉMA Escargots malicieux, tortues exauçant les vœux et princes déchus cohabitent dans ces cinq courts métrages colorés qui rappellent que la fable animalière est avant tout le reflet du monde des hommes – là où l’humilité et la simplicité sont les plus belles des vertus. • C. L .

: Collectif (Cinéma Public Films,

49 min), sortie le 6 février, dès 3 ans

WARDI CINÉMA Une jeune Palestinienne de 11 ans vit à Beyrouth avec sa famille. Un jour, elle se voit confier par son arrière-grand-père la clé d’une maison en Galilée, dans le village duquel il a jadis été chassé. À travers une animation en volume truffée de détails, Wardi évoque l’histoire de tout un peuple condamné à l’exil. • C. L .

: de Mats Grorud (Jour2fête, 1 h 20) Sortie le 27 février, dès 11 ans

CABANES

© M. CHALLE

EXPO Si les draps accrochés à l’aide d’épingles à linge ne suffisent plus à vos bambins, emmenez-les visiter cette exposition consacrée aux cabanes improvisées. Elle propose des édifices à déconstruire et à reconstruire, pour révéler toute l’ingéniosité des enfants. • C. L .

: jusqu’au 5 janvier 2020 à la Cité des sciences

et de l’industrie, dès 2 ans

AU CINÉMA LE 27 FÉVRIER


OFF

CECI N’EST PAS DU CINÉMA

Violin Phase d’Anne Teresa de Keersmaeker, à l’occasion du festival Échelle humaine à Lafayette Anticipations, septembre 2018


ART CONTEMPORAIN

CREUSER LES FONDATIONS

Du mastodonte Louis Vuitton à Lafayette Anticipations en passant par La Fab d’agnès b., qui ouvrira au printemps, les fondations d’entreprise tournées vers l’art contemporain ont le vent en poupe à Paris. Le signe que les centres d’art publics et les musées ne sont plus à la hauteur ? Le mécénat privé semble en tout cas trouver les ressources pour redynamiser la création.

La

France a une longue histoire avec les fondations d’entreprise, qui prolifèrent désormais dans sa capitale. Si la Fondation Cartier, créée en 1984, fait figure de pionnière, le statut de fondation d’entreprise a été légalement décrété en 1990 afin de favoriser le mécénat de longue durée des entreprises en contrepartie d’avantages fiscaux. Depuis une dizaine d’années, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à investir de cette manière, peut-être parce que, au-delà de l’avantage fiscal, la frontière entre public et privé s’est estompée au fil du temps, les pouvoirs publics ayant déserté le champ de la culture. Les moyens alloués à la création artistique ont sensiblement diminué avec l’austérité budgétaire, ouvrant les vannes au mécénat privé. Plus flexibles que les musées – alourdis par une gestion complexe des fonds publics –, ces nouveaux espaces d’exposition favorisent une circulation plus ouverte, en adaptant la création artistique à leur conception architecturale, et visent la pointe de la création actuelle.

TÊTES CHERCHEUSES

Lorsque la Fondation Ricard ouvre ses portes en 1999, c’est un véritable appel d’air pour une scène artistique française alors émergente.

Sa directrice, Colette Barbier, revendique son statut de tête chercheuse au sein d’un centre d’art « à échelle humaine, plutôt qu’un lieu gigantesque où se posent des questions plus difficiles en matière de production. Nous sommes davantage dans l’idée de pouvoir financer des monographies, d’accompagner des performances, de soutenir des artistes quand ils ont des expositions à l’extérieur ». La Fondation Ricard ne constitue pas de collection et joue un rôle assez similaire à celui d’un FRAC (« Fonds régional d’art contemporain », des centres publics qui font circuler des œuvres d’art contemporain dans toute la France). Elle a contribué à lancer la carrière de commissaires d’expositions et d’artistes aujourd’hui établis sur la scène internationale – Tatiana Trouvé, Mathieu Mercier, Isabelle Cornaro, Lili Reynaud-Dewar, Neïl Beloufa… Initiée par Guillaume Houzé, directeur de l’image du groupe Galeries Lafayette et fervent collectionneur d’art, Lafayette Anticipations poursuit une ambition similaire de soutien à la création contemporaine depuis son lancement en 2013, mais en décuplant ses moyens de production. « Notre credo est de ne proposer que des œuvres qui ont été fabriquées sur place, sur un mode de création qui laisse la part belle au collectif, explique

© MARC DOMAGE

ARTS PARALLÈLES Si les fondations sont aujourd’hui légion et monopolisent toute l’attention, elles ne doivent pas faire oublier que de nombreux lieux indépendants, réunis sous la bannière des artist-run spaces, poursuivent une démarche prospective avec des moyens nettement plus limités. Dans Paris et sa proche banlieue, toutes sortes d’initiatives favorisent l’expérimentation à leur (petite) échelle – qu’il s’agisse de centres d’art et de recherche subventionnés, à l’image des Laboratoires d’Aubervilliers ou de Bétonsalon, d’espaces d’ateliers et de production comme DOC ! dans le XIXe arrondissement, de galeries à but non lucratif pilotées par des artistes et des commissaires (Glassbox, Treize, Sundogs, Shanaynay), d’espaces de création alternatifs (Le 6b, Wonder/Liebert, Pauline Perplexe) ou de librairies d’art célébrant l’autoédition (Section 7, P38, Hon). C’est aussi sur ce terreau underground que se fabrique l’art de demain. • J. B.

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© AURÉLIEN MOLE

ART CONTEMPORAIN

Vingtième prix de la Fondation d’entreprise Ricard

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Ces nouveaux espaces d’exposition visent la pointe de la création actuelle. son directeur délégué, François Quintin. Nous disposons de trois ateliers équipés de machines performantes, en partenariat avec des artisans et des entreprises qui participent pleinement au projet artistique. » Conçu par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, l’impressionnant bâtiment de verre et de béton offre trois plateaux modulables en fonction des expositions ou des performances qui s’y déroulent. Des conditions hors norme pour un centre d’art, propices à accueillir également de la danse ou des concerts.

TENDRE DES PASSERELLES

Pour autant, les fondations privées la jouent-elles solo par rapport aux institutions publiques ? À l’instar de Colette Barbier, François Quintin estime qu’elles sont complémentaires. « Nous n’avons pas vocation à nous substituer aux institutions publiques : je milite pour que ces dernières continuent d’exister à la hauteur de leurs ambitions. Il est donc nécessaire de créer une dynamique entre les deux. Notre capacité d’intervention en tant que lieu de production permet justement de travailler assez librement avec des structures privées ou publiques. » Un fonctionnement bien différent de La Fab d’agnès b., qui ouvrira au printemps prochain dans le XIIIe arrondissement. La mécène et collectionneuse d’art a constitué son fonds de dotation en toute autonomie. Elle y déploiera sa propre collection tout en présentant des expos mouvantes, au fil de ses découvertes. « Nous sommes loin des fondations semi-muséales qui sortent de terre en ce moment, assure Sébastien Ruiz, secrétaire général dudit fonds.

Le fonds de dotation est transversal. Nous serons en capacité d’accueillir des concerts, des lancements, des projections… Nous gardons notre autonomie, car nous ne sommes pas éligibles aux tutelles publiques, ce qui nous donne une liberté de ton et de programmation. » D’autres initiatives telles que le MAIF Social Club, lancé en 2017, démontrent aussi qu’une fondation peut jouer le rôle d’intermédiaire entre le grand public et des propositions artistiques recoupant les innovations sociétales et environnementales. « Nous sommes un laboratoire, nous ne cherchons pas à être successful, mais à prendre des risques, souligne sa directrice, Chloé Tournier. C’est un lieu gratuit, tout est en libre accès – expositions, espace de coworking, bibliothèque, conférences, spectacles, performances et ateliers pour adultes et enfants. » Cet espace met l’accent sur des formes événementielles visant un public plus large, à l’écart du sanctuaire de la galerie ou du musée. « Nous soutenons beaucoup de projets orientés autour d’une forme d’interaction. La consigne ici, c’est “prière de bien vouloir toucher”. » N’est-ce pas précisément cette liberté que l’on recherche en vain chez les institutions publiques ? Ce décloisonnement des pratiques et des moyens de production redessine peu à peu le paysage de l’art à Paris. Mais, à voir se renforcer les inégalités économiques, le principe des vases communicants entre intérêts général et privé ne semble pas encore fonctionner de manière optimale. Car, si certains artistes se retrouvent dotés de moyens pharaoniques, n’est-ce pas au détriment d’autres moins en vue, voués à se serrer la ceinture ? • JULIEN BÉCOURT 96


Le cinéma soigne son look

16 janvier 28 février 2019

forumdesimages.fr

Design graphique : ABM Studio – Visuel : Mauvais Sang © Tamasa distribution, Subway / Quai des brumes / Le Grand Bleu © Collection Christophel

France années 80


EXPOS

PHOTO : © CENTRE POMPIDOU / PHILIPPE MIGEAT / DIST. RMN-GP ; © ADAGP, PARIS, 2018

VASARELY — : « Vasarely. Le partage des formes », du 6 février au 6 mai au Centre Pompidou

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Du

Vasarely, Alom, 1968

logo de Renault jusqu’au mobilier urbain, l’évocation de Vasarely est une madeleine du Paris des années 1970. Graphiste à l’agence Havas, ce natif de Hongrie marche dans les traces du Bauhaus avant de développer un langage formel qui anticipe l’op art et l’art cinétique. Reliefs sphériques, surface, vibrations, lumière, mobilité : le psychédélisme déteint sur la modernité visuelle, accrochant l’œil par des illusions optiques et des polychromies acidulées inspirées des prismes du cristal. En l’espace de trente ans, Vasarely produit la bagatelle de 10 000 tableaux. L’abstraction picturale s’y fond dans le design décoratif, à la lisière du kitsch. Son projet de « cité polychrome du bonheur », une fondation ouverte en 1976 à Aix, trouve une résonance dans les utopies et le productivisme des Trente Glorieuses. Peu d’artistes se seront vu confier de leur vivant une telle production d’objets manufacturés, dont l’exposition offre un large éventail. Mode, design ou musique (Michel Polnareff et David Bowie le plébiscitent), Vasarely le visionnaire est omniprésent, avant de tomber en désuétude et de sombrer dans l’oubli. Ironie du sort : il aura fallu attendre que soient effacées toutes les traces de sa présence à Paris (la façade de RTL, démontée l’an dernier, en était l’ultime vestige) pour que l’artiste, considéré par ses détracteurs comme un publicitaire, trouve de nouveau grâce dans une institution muséale. Donnant à voir des œuvres rares, cette rétrospective porte un nouveau regard sur son travail ancré dans la culture populaire, à l’ambition de « folklore planétaire ». • JULIEN BÉCOURT

Le psychédélisme accroche l’œil par des polychromies acidulées.

DECEBAL SCRIBA

FUTOMOMO

Première exposition en France de l’artiste conceptuel roumain né en 1944 – et pourtant installé en Île-de-France depuis 1991. L’occasion de découvrir des pièces historiques des années 1970 et 1980 (des œuvres sur papier, des photographies documentant ses performances et installations…) qui témoignent avec une rare force poétique de la nécessité (toujours actuelle) d’inventer des moyens d’expression parallèles et de faire parler et (se) réfléchir le corps et l’univers auquel il appartient. • ANNE-LOU VICENTE

Futomomo : un drôle de mot qui, en japonais, désigne dans le shibari (une pratique érotique de bondage) un nœud servant à encorder la jambe. Ne vous attendez pas à des photos et encore moins à des ateliers pratiques dans cette exposition collective réunissant un ensemble d’œuvres (des vidéos, des sculptures, des peintures, des installations) qui montrent en même temps qu’elles les incorporent la fétichisation du quotidien et notre regard libidinal sur les choses. • A.-L. V.

: jusqu’au 23 mars

à la galerie Anne-Sarah Bénichou

: jusqu’au 30 mars au CAC Brétigny

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ART COMPRIMÉ

Orbetello, 1974. © Succession Luigi Ghirri

Regarder de l’art peut-il nous rendre (vraiment) malade ? Oui, si l’on en croit le syndrome de Stendhal, un malaise soudain face à une œuvre, particulièrement opérant semble-t-il dans la ville de Florence où des centaines de cas ont été relevés. Dernière victime en date de ce mystérieux phénomène : un septuagénaire italien qui a eu une crise cardiaque face au chef-d’œuvre de Sandro Botticelli La Naissance de Vénus (1485) au musée de la Galerie des Offices le mois dernier. • Le Louvre est le musée le plus visité du monde et a même battu en 2018 son propre record de fréquentation annuelle : 10,2 millions de visiteurs – soit une hausse de 25 % par rapport à 2017. Merci qui ? Les touristes étrangers de retour à Paris, l’exposition Delacroix et… le clip de Beyoncé et Jay-Z ! Sorti en juin dernier, « Apeshit » – dans lequel le couple américain pose fièrement dans les galeries du Louvre – aura donc été aussi un bon coup de pub pour le musée. À noter qu’il sera désormais possible d’y passer la soirée du premier samedi du mois, gratos. • Pour fêter ses 350 ans, l’Opéra de Paris a donné carte blanche au plasticien français Claude Lévêque, connu pour ses installations de néons. Il a notamment imaginé un diadème lumineux sur le toit de l’Opéra Bastille et une paire de pneus dorés géants sur l’escalier central de l’Opéra Garnier. Inutile de préciser que ces Saturnales n’ont pas été du goût de tout le monde, comme en témoignent les nombreuses réactions indignées sur les réseaux sociaux. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

Pescara, 1972. © Succession Luigi Ghirri

Rimini, 1977. © Succession Luigi Ghirri

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

1, PLACE DE LA CONCORDE . PARIS 8e

Exposition organisée par le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, en collaboration avec le Jeu de Paume, Paris, et le Museum Folkwang, Essen. Le Jeu de Paume est subventionné par le ministère de la Culture. Il bénéficie du soutien de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, mécène privilégié. En partenariat avec l’Institut culturel italien de Paris Médias associés :

Remerciements à l’Hôtel Chavanel, Paris


SPECTACLES

BUILT TO LAST — : de Meg Stuart, du 20 au 24 mars au Théâtre des Amandiers (Nanterre, 2 h)

© EVA WÜRDINGER

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« Construit

pour durer ». Le titre est un piège, ou un clin d’œil ironique pour une pièce de danse, par définition éphémère. C’est que, au premier abord, il fait moins référence au spectacle lui-même qu’à sa bande-son, truffée de monuments de la musique classique et moderne. Une première pour Meg Stuart, qui préférait jusqu’alors s’entourer de compositeurs vivants pour créer sur mesure. Que faire de ces œuvres si intimidantes, comment jouer avec Beethoven, Rachmaninov, Stockhausen et Schönberg – pour ne citer qu’eux – sans se faire écraser par leur puissance évocatrice ? Rien d’autre, peut-être, que de les mettre en mouvement. Dans cette création qui emprunte au collage, comme souvent chez la chorégraphe américaine, les cinq interprètes traversent les siècles musicaux en tableaux successifs, tentant de trouver, par leur corps et leurs gestes, une place dans cette scénographie symbolique, entre le système solaire qui flotte au-dessus d’eux – symbole de l’éternité – et cette pâle figure de dinosaure en carton qui trône à leur côté. Réflexion sur la durée et l’universalité des œuvres panthéonisées par la culture occidentale, Built to Last est aussi une ode existentialiste à la vulnérabilité humaine et à sa grâce fugace. Celle qui fut décrite au début de sa carrière comme la chorégraphe du désastre et du désenchantement fait briller sur cette pièce l’espoir et le désir du changement – car il n’est d’éternité que le cycle des constructions et des destructions, les mouvements permanents de réinvention, de soi comme du monde. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Une ode existentialiste à la vulnérabilité humaine et à sa grâce fugace.

TOURISTA

POURAMA POURAMA

Après avoir adapté Le Loup des steppes de Hermann Hesse, Tanguy Malik Bordage se lance dans un autre exercice théâtral acrobatique : convoquer le monde dans les toilettes publiques d’un aéroport. Guidé par le fantôme aimant de sa mère, tragiquement disparue dans un accident de voiture en Inde, il met en scène les doutes, les joies et les rages d’une génération, avec l’insolence de ceux qui n’ont pas dit leur dernier mot. • A. J.-C.

De son autofiction scénique, Gurshad Shaheman compose un voyage à travers le temps et son identité mouvante. Un récit-fleuve qui nous emmène de son Iran natal à son arrivée en France, en passant par ses émois amoureux de jeune adulte. Tout en sobriété, accompagné des chansons de la diva iranienne Googoosh et d’un repas traditionnel, il se met à nu. Il faut parfois en passer par là pour redevenir maître de son destin. • A. J.-C.

au Théâtre de Vanves (2 h)

au Nouveau Théâtre de Montreuil (4 h 30)

: de Tanguy Malik Bordage, le 12 février

: de Gurshad Shaheman, du 8 au 17 mars

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22 NOV 2018 — 15 MARS 2019

LES ÉTERNELS DE JIA ZHANG-KE, LE 27 FÉVRIER 2019 AU CINÉMA

UNE SAISON EN ASIE

130 FILMS, DES MASTERCLASS, DES AVANT-PREMIÈRES… INFOS ET RÉSERVATION SUR WWW.

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RESTOS

TABLES OUVERTES

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© JULIE LIMONT

La ville ne fait pas toujours un bel accueil aux sans-abri, aux réfugiés, aux personnes en situation de handicap. La table peut et doit être le lieu privilégié de cette attention à l’autre. On le démontre à Ground Control, chez Joyeux ou au Refettorio.

GROUND CONTROL DES CHAMPS La Lune Rousse frappe encore. Denis Legat et son équipe ont déjà créé Ground Control au dépôt du Charolais de la gare de Lyon, en 2017. Fin 2018, ils ont cette fois investi la galerie 26, sur les Champs-Élysées. Improbable mais vrai ! Ce nouveau projet culinaro-culturel est né de la rencontre avec Stéphane Jégo, chef fulminant et emblématique de la bistrote parisienne canaille (L’Ami Jean, Paris VIIe). Le lien s’est fait autour du Refugee Food Festival de Marine Mandrila et Louis Martin, qui œuvrent pour l’intégration des réfugiés par la cuisine. Tous ces joyeux activistes étaient faits pour s’entendre. Ground Control des Champs, ce sont trois espaces : un café-brocante (divines viennoiseries du B.O.U.L.O.M de Julien Duboué), une galerie d’art, et un restaurant-cantine à prix doux tenu par Émeline Aubry et qui a embauché des réfugiés en cuisine. Stéphane Jégo, qui ne transige jamais avec la qualité, a embarqué ses fournisseurs dans l’aventure, les Bayard (pommes de terre), Emmanuel Volle (lentilles), Grefeuille (agneaux Allaiton), Éric Roy (mini légumes) ou Laure Fourgeaud (fromages de chèvre). Que du lourd pour une carte sans chichi : soupe de maman Philomène au parmesan, pot-au-feu veggie, pêche du jour, fromages et cochonnaille comme qui rigole, baba gin et citron noir, et l’immanquable riz au lait « made in Jégo », une tuerie ! On se dépêche, la résidence est censée durer neuf mois. Le temps d’accoucher d’un nouvel antre du « bien manger » ? À suivre ! Formule : 18 €. Plat du jour : 15 €. Desserts : 4 à 8 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: 26, avenue des Champs-Élysées ou 17, rue de Ponthieu, Paris VIIIe

JOYEUX

REFETTORIO

Joyeux est né de l’engagement de Yann et Lydwine Bucaille Lanrezac : intégrer les personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Depuis 2018, à Rennes puis à Paris, ils ont ouvert des cafés où l’on sert toute la journée du sucré (tartes et gâteaux) et du salé (quiches, salades, soupes) cuisinés sur place à base de produits frais. Carte : de 9 à 15 €. • S. M.

Si vous tenez ce magazine entre les mains et que vous ne savez ni où dormir ni où manger, ce petit paragraphe est pour vous. Dans la crypte de l’église de la Madeleine, le chef trois étoiles Massimo Bottura a installé son Refettorio, ouvert aux « hôtes bénéficiaires ». Si vous tenez ce magazine et que tout va bien pour vous, vous pouvez les servir en devenant bénévole. • S. M.

: 23, rue Saint-Augustin, Paris IIe

: Église de la Madeleine, Paris VIIIe

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LES CONFÉRENCES FRANCE INTER Cycle « Cerveau »

Les clés de l’attention et de la concentration Séance unique au cinéma en direct simultané de Radio France Mardi 5 février 2019 à 20h Une conférence animée par

Liste des salles de cinéma sur franceinter.fr

Crédit photo : Radio France, Christophe Abramowitz

MATHIEU VIDARD LIONEL NACCACHE


CONCERTS

TOMMY GENESIS — : le 22 février à La Bellevilloise • « Genesis » (Downtown Records)

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La

rappeuse canadienne Tommy Genesis sait détourner le fétichisme hip-hop en leçon d’empowerment féministe, conjuguant manipulation des affects les plus reptiliens et critique de la société du spectacle. Dans le clip de « Tommy », celle qui se présente comme une fetish rapper se filme nue dans une baignoire laiteuse, adoptant les postures lascives de l’imagerie pornographique, tout en évoquant sa solitude et sa précarité (« She drive a Ford, Tommy / She can’t afford Tommy »). Dans celui de « 100 Bad », hymne lancinant du teenage movie American Assassination, elle se joue des codes du luxe et du machisme R&B, en une galerie d’images ambiguës – s’étirant sur un tapis de tampons hygiéniques, flottant dans un costume d’homme dix fois trop grand ou faisant mine d’enfourner dans son vagin des brassées de billets de banque. L’ancienne étudiante en art dit s’inspirer des travaux de Nobuyoshi Araki, de Tracey Emin ou de Richard Prince – dans la vidéo de « Lucky », elle reprend sa série Girlfriends en incarnant une cow-girl hyper sexuée mais portant les attributs de la virilité hollywoodienne : cheval (d’acier), Stetson et six-coups. Sur Genesis, cette fan du groupe punk Melvins est passée du rap expérimental de son premier label Awful Records (Father, Abra) aux bangers du rap et de la trap mainstream, portée par les productions hypnotiques de Charlie Heat, Darnell Got It ou Charli XCX. Posant pour Calvin Klein, ou avec M.I.A. pour une pub Mercedes, ouvrant en 2018 pour Dua Lipa, Tommy Genesis est bien en passe de devenir la Madonna des millenials. • WILFRIED PARIS

Celle qui se présente comme une fetish rapper se joue du machisme R&B.

SCRATCH MASSIVE

BLU SAMU

Sept ans après Nuit de rêve – disque hypnotique –, une myriade de side projects et un habile tour de piste en solo, Maud Geffray et Sébastien Chenut se retrouvaient cet automne sur l’élégiaque Garden of Love. Groove glacé, sensualité eighties et voix vaporeuses : teintée du soleil de L.A., leur electro-techno façon film noir n’a rien perdu de son aura (pour preuve : « Sunken » ou « Fantôme X ») et invite à poursuivre live cette entêtante rêve party. • ETAÏNN ZWER

Le rap belge bouillonne et s’écrit aussi au féminin, entre Shay (ex-protégée de Booba), Coely (déjà adoubée aux États-Unis) et la nouvelle venue : Blu Samu. Épaulée par ses « frangins » du collectif 77, la Belgo-Portugaise a arpenté tous les festivals avec deux EP en poche (dont la pépite Moka), et elle a la cote. Pas étonnant, du désarmant « I Run » à l’espièglerie laid-back de « Goose », sa fraîcheur rauque et son hip-hop ondulé de soul-funk font des merveilles. • E. Z .

: le 7 mars à La Gaîté Lyrique

: le 13 mars au Point Éphémère

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OFF

Un

tétromino en forme de L chute lentement vers la base de l’écran. Un renversement à 90 degrés, un pas chassé à droite, et le voici qui se greffe à ses congénères pour former quatre lignes parfaites, libérant ainsi notre espace de jeu, et un peu de notre charge mentale avec. Ces gestes, nous les connaissons par cœur, nous qui avons joué à Tetris jusqu’à pas d’heure. Alors pourquoi rempiler ? Parce que Tetris Effect est réalisé par Tetsuya Mizuguchi, génie du jeu vidéo sensoriel et père de chefs-d’œuvre intemporels comme Lumines ou Rez. À travers vingt-sept thèmes musicaux, qui vont de l’eurodance mainstream à la revisite electro de joyaux du classique, le célèbre casse-tête se livre ici sous une multitude de scénographies différentes, de plus en plus hypnotiques. Chaque manipulation, chaque mouvement de tétromino, chaque ligne réussie possèdent un son propre, qui vient se superposer à la bande-son principale et créer une partition unique, en fonction des performances des joueurs. Et la VR dans tout ça ? On pourrait croire que, cantonnée à cet écran fixe qui s’emplit de formes géométriques, elle reste une coquetterie superflue. En réalité, elle tisse un cocon sensitif de plus en plus moelleux, dont on peine à s’extraire. Comme si Mizuguchi, en exhumant un concept vieux comme le monde, cherchait à nous ouvrir les portes d’une nouvelle perception, où tout n’est qu’harmonie formelle et transe musicale. Bien joué : on n’avait jamais vu ça. • YANN FRANÇOIS

Et la VR dans tout ça ? Elle tisse un cocon sensitif de plus en plus moelleux, dont on peine à s’extraire.

CORBEAU. LA LÉGENDE

DÉRACINÉ MÉLANCOLIE SURNATURELLE

CONTE AMÉRINDIEN Baobab (à qui l’on doit les excellents Asteroids! et Invasion!) revient avec ce conte immersif et intergénérationnel inspiré d’une vieille légende amérindienne. Celle de Crow, volatile qui brille autant par son ramage que par son plumage, qui décide un jour, pour sauver sa planète d’un hiver interminable, de se rendre au centre de l’univers pour plaider sa cause. En plus d’un casting vocal (le chanteur John Legend) et d’une technique impeccable, le film cache une belle morale sur le sacrifice de soi. • Y. F.

: (Baobab Studios), dès 6 ans

Dans cet orphelinat reclus, le temps s’est arrêté et nous errons à l’état d’ectoplasme. Il faut se plonger dans le quotidien des pensionnaires, figés comme des statues de cire, lire leurs pensées et retrouver des objets qu’ils ont égarés un peu partout pour modifier leur destin. Déraciné semble enfantin, et sa bienveillance reste empreinte d’une mélancolie troublante – ici, tout n’est que poésie mortifère et angoisse du temps qui passe. Ses fêlures sont superbes, mais réservées à un public averti. • Y. F.

: (Sony), dès 12 ans

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PLANS COUL’ À GAGNER

MICHAEL JACKSON EXPO © DAVID LACHAPELLE

— : « Michael Jackson. On the Wall », jusqu’au 14 février au Grand Palais

Sur

David LaChapelle, An Illuminating Path, 1998

les années 1980 et aujourd’hui, on mesure le génie marketing du king – qui peut se targuer d’être identifiable à des mocassins pointés vers le sol et maintenus en l’air par des ballons ? On réalise surtout à quel point il a catalysé les rêves et espoirs de ses fans, notamment ceux issus de la communauté afro-américaine – dans un clip militant filmé en gros plan, l’artiste Susan Smith-Pinelo agite sa poitrine, ornée d’un collier « ghetto », en écoutant « Working Day and Night ». La machine Michael Jackson n’est pas prête de s’éteindre. • JOSÉPHINE LEROY OFF

une grande toile kitsch signée Kehinde Wiley, le roi de la pop, assis sur une jument peinte à la sauce fantasy et protégé par deux anges venus de la Renaissance, apparaît dans une posture napoléonienne. Ce mix des genres donne le ton de l’exposition du Grand Palais, qui nous fait découvrir des œuvres hommages à Michael Jackson, disparu il y a près de dix ans. À travers les travaux hétéroclites de près de quarante artistes (un portrait bleu-noir tentaculaire de Keith Haring, un triptyque religieux de David LaChapelle…) créés entre

© PHOTO BPK BERLIN DIST. RMN-GRAND PALAIS IMAGES BSTGS ; MUSÉE DU QUAI BRANLY – JACQUES CHIRAC, PHOTO GAUTIER DEBLONDE ; SISTER PRODUCTIONS

FERNAND KHNOPFF

EXPO

Maître du Symbolisme belge, Fernand Khnopff (1858-1921) n’a pas eu les honneurs d’une exposition à Paris depuis près de quarante ans. Un manque comblé par cette sélection de près de cent cinquante œuvres étranges et sensuelles : femmes aux regards transparents, ombres inquiétantes, figures mythologiques, paysages brumeux… Sublime. • C. L .

Fernand Khnopff, I Lock My Door Upon Myself, 1891

: « Fernand Khnopff. Le maître de l’énigme », jusqu’au 17 mars au Petit Palais

FENDRE L’AIR

EXPO

L’art de la vannerie en bambou a stimulé de nombreux artistes japonais. Méconnu en Occident, cet artisanat investit le musée du quai Branly dans un espace épuré où sont rassemblées plus de cent cinquante pièces : récipients et objets décoratifs de l’ère Meiji côtoient de spectaculaires créations contemporaines. • C. L .

: « Fendre l’air. Art du bambou au Japon », jusqu’au 7 avril Vue de l’exposition

au musée du quai Branly – Jacques Chirac

FLORENCE LAZAR

EXPO

Restructuration d’une ville de Seine-Saint-Denis, utilisation de pesticides dans les bananeraies des Antilles, conflit en ex-Yougoslavie… L’exposition « Tu crois que la Terre est chose morte… » rassemble des photos et des documentaires de la Française Florence Lazar et dévoile son dernier projet, 125 hectares, sur le combat d’une agricultrice martiniquaise. • C. L . 125 hectares de Florence Lazar (2019)

: jusqu’au 2 juin au Jeu de Paume

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


SONS

JESSICA PRATT — : « Quiet Signs » (City Slang) Sortie le 8 février

OFF

© A. DOLA BORANI

La

dernière fois que Jessica Pratt s’est fait entendre, elle traversait une zone de turbulences : déménagement de San Francisco à Los Angeles, séparation amoureuse, deuil maternel. C’était il y a quatre ans, une éternité. Si le retour de la Californienne a quelque chose de plus apaisé, les nuages demeurent. « Après deux longues années de tournées, je me suis sentie exténuée, physiquement et mentalement, confie la musicienne. J’étais vidée, je n’avais plus rien à donner. L’album explore ces ténèbres intimes, mais de manière moins frontale que sur le précédent disque, où j’étais dans une réaction spontanée de survie. Sur Quiet Signs, c’est plus contemplatif, moins désespéré. » Le décor, jusqu’alors dépouillé, s’est étoffé d’orchestrations, d’orgues, de flûtes, de cordes. Le disque s’ouvre sur quelques notes de piano rêveuses à la Erik Satie, sur un fil entre souffle pastoral et déprime urbaine. Puis, accompagnée de sa guitare, la trentenaire enroule ses neuf chansons dans

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM  ? « Le premier morceau de mon album est une référence à Opening Night de John Cassavetes, un film que j’adore. Gena Rowlands est fantastique. Mais si mon disque était un film, l’actrice principale serait une inconnue. Ce serait un drame, un film d’auteur avec un côté

un mouvement ondulatoire fascinant, aussi hypnotique que les rouleaux d’un torrent. Avec ce disque atemporel, Pratt s’inscrit dans la lignée des prêtresses folk du début des années 1970, Linda Perhacs, Sibylle Baier, Karen Dalton, Vashti Bunyan. Une ascendance éthérée qu’elle ne nie pas, ajoutant au passage quelques habitués de sa platine comme Scott Walker, Marianne Faithfull ou Burt Bacharach. Pratt fait sienne cette tradition racée de songwriters, à l’aune de son curieux grain vocal, qui, balayé par de lumineux arrangements, semble léviter. « En studio, l’ambiance était silencieuse, concentrée. Ça m’a fait penser à une scène de théâtre. Non que je sois actrice, je n’ai aucune expérience dans ce domaine. Mais je me suis rendu compte que j’avais écrit des chansons peu évidentes à chanter. Il fallait donc que je m’exerce durant l’enregistrement, comme une comédienne sur scène, qui essaie des choses pour trouver l’interprétation la plus juste. » Habitées, ses mélopées ont l’évidence troublante d’un songe enfoui. • ÉRIC VERNAY

abstrait. Et quelques notes d’humour également. Il serait question de combats intérieurs, d’introspection. Un film raconté à la première personne, du point de vue de l’héroïne. L’atmosphère y serait primordiale, avec des silences et un soin porté aux détails, comme chez Aki Kaurismäki. » JESSICA PRATT

108


JUKEBOX

“NOTRE PALME D’OR” TÉLÉRAMA

“LE NOUVEAU CHEF-D’ŒUVRE DE LEE CHANG-DONG” FRANÇOIS BÉGAUDEAU - TRANSFUGE

BRUIT NOIR : « II/III »

(Ici d’ailleurs)

Nouveau tour de piste (noire) pour Pascal Bouaziz, qui remâche son dégoût du monde, des autres, de lui-même, sur les nappes neigeuses et les beats stalactites de Jean-Michel Pirès. Pas de quartier : on juge les vivants, on énumère les morts ; l’épigramme est amer, la mémoire glacée. Inutile d’espérer ici un rachat par l’art ni un semblant de catharsis. Bruit Noir ne voit que le gouffre. • MICHAËL PATIN

STEVE GUNN

: « The Unseen in Between » (Matador)

Ancien accompagnateur de Kurt Vile, Steve Gunn revendique depuis une dizaine d’années son lopin de terre cosmopolite sur le continent americana (ses influences vont de Pentangle aux râgas indien). Aussi discret que bosseur, le chanteur-guitariste flingue pour de bon la concurrence grâce à cette collection de chansons pop-folk-country au parfum de classiques : intemporel et inaltérable. • M. P.

R. STEVIE MOORE

: « Afterlife » (Bar None) Cette voix caoutchouteuse, ces mélodies acrobatiques, ces contrepieds harmoniques : c’est le retour de R. Stevie Moore, 67 ans et plus de quatre cents disques au compteur, parrain du home recording et maître à penser d’Ariel Pink (notamment). Passant l’histoire de la pop au tamis de sa fantaisie, il trouve dans Afterlife mieux que quelques pépites : l’emplacement de la fontaine de jouvence. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

DISPONIBLE EN DVD, BLU-RAY ET VOD


SÉRIES

TRUE DETECTIVE © HBO

— : saison 3 sur OCS —

OFF

Après

des déconvenues et quatre ans de pause, le mètre étalon du polar télé de la dernière décennie revient en grande forme, porté par l’acteur oscarisé de Moonlight, Mahershala Ali. Finis l’arrière-plan urbain, la patine néonoir et les égarements narratifs de la saison 2, étrillée en son temps : le scénariste Nic Pizzolatto remise au placard les postures pour revenir aux fondamentaux de True Detective, largement copiés depuis (de Sharp Objects à La isla mínima). Puisque c’est le principe de cette anthologie criminelle, on repart de zéro – nouvelle intrigue, nouvelle distribution, nouveau décor –, mais avec cette fois comme un air de déjà-vu. Difficile de ne pas songer à la saison 1 devant cette affaire de meurtre et d’enlèvement d’enfants dans l’Amérique profonde (les Ozarks), les multiples temporalités (1980, 1990 et 2015)

REVOIS

et le duo de flics à la chevelure plus ou moins fournie selon l’époque (Mahershala Ali et Stephen Dorff). Mais loin d’être un remake des aventures de l’intarissable Rust Cohle joué par Matthew McConaughey en 2014, cette saison 3 dépouillée démontre que Pizzolatto, aussi vite descendu en flammes qu’il avait été porté aux nues par la critique, n’est pas une arnaque. Ici épaulé par l’excellent réalisateur Jeremy Saulnier (Green Room), l’auteur déroule une intrigue plus sophistiquée que jamais (sur la fin, le narrateur Hays est atteint par la maladie d’Alzheimer, ce qui rend ses souvenirs contestables) avec une sobriété insoupçonnée. Mieux, il s’efface derrière sa star. À raison : Ali est trois fois étincelant en flic d’abord fougueux, puis rongé par le doute, et enfin, totalement paumé avec l’âge. Un spectacle à lui tout seul. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

WANDERLUST

THANKSGIVING

DEADWOOD

Pour relancer sa sexualité en berne, un couple de quinquas londoniens décide d’un commun accord de s’autoriser à aller voir ailleurs… Plutôt que le vaudeville, le dramaturge britannique Nick Payne opte dans sa première série pour une étude de caractère sensible et intelligente qui fait la part belle à ses acteurs, Toni Collette en tête. Aguicheur. • G. L .

Le numéro deux d’une entreprise, recruté par la concurrence, décide de trahir son employeur… L’occasion, pour Nicolas Saada, de décliner en mode corporate toute la grammaire parano des films d’espionnage qu’il affectionne, avec rendez-vous secrets et filatures. Une minisérie un peu froide, mais d’une élégance vénéneuse. • G. L .

C’était devenu un running gag : à chaque année, sa rumeur d’une réunion du casting pour le fameux téléfilm de conclusion de la saga western de David Milch promis en 2006 par HBO. Il aura fallu attendre treize ans mais ça y est : des images du tournage ont fuité. Al Swearengen (Ian McShane) et compagnie seront bientôt de retour. Enfin ! • G. L .

: saison 1 sur Netflix

: intégrale sur Arte en février

110

: en 2019 sur OCS


LE FESTIVAL 100 % SÉRIES

GRATUIT

SERIES MANIA HartlandVilla

22>30 MARS 2019


JEUX VIDÉO

OFF

KINGDOM. TWO CROWNS

Suite

— : Raw Fury (PS4, One, PC, Switch) —

d’un premier épisode très prometteur, Two Crowns confirme le talent indéniable de la série Kingdom à renouveler le jeu de stratégie. Monarque à la tête d’une petite armée, nous contemplons les terres désolées d’une île sur laquelle notre bateau vient de s’échouer. Ici, tout n’est que ruine et désolation. Et il va falloir tout reconstruire, fissa, car chaque nuit des monstres sortent de leur tanière et fondent sur notre base pour nous dévorer. Heureusement, la main-d’œuvre ne manque pas, et il suffit de lui assigner les tâches et les ressources adéquates pour que tout ce beau monde s’affaire à ériger des défenses. Sur le papier, Kingdom n’invente rien. Et pourtant, voilà bien un jeu de stratégie qui a su bousculer les conventions (visuelles) du genre. Pas de vue

SUPER SMASH BROS. ULTIMATE Vingt ans que Super Smash Bros réussit la prouesse de réunir des héros de tous horizons (licences Nintendo, mais aussi Sonic ou Metal Gear) sur le même ring. Avec ses 74 combattants, ce nouvel épisode s’impose comme l’aboutissement d’une formule increvable. • Y. F.

: Nintendo (Switch)

aérienne : la caméra reste collée aux basques de notre suzerain(e), qui doit multiplier les allers-retours à travers son royaume, luimême réduit à un plan 2D minimaliste mais superbement détaillé (le pixel art est à son comble). La réflexion se double alors d’un effort physique : il nous faut sans cesse rester en mouvement pour aller récolter puis redistribuer les ressources nécessaires à l’effort collectif, donner des ordres à nos ouailles, repousser un ennemi de plus en plus vorace et, enfin, réparer notre embarcation et quitter cette île maudite… pour mieux refaire naufrage sur une nouvelle, encore plus vaste et hostile. L’exercice a beau se répéter des heures durant, l’intelligence et la tension dramatique que celui-ci implique sont telles que l’on galoperait pour lui jusqu’au bout du monde. • YANN FRANÇOIS

JUST CAUSE 4

GRIS

Véritable ode à la régression, Just Cause trouve enfin un terrain de jeu à la hauteur de ses ambitions. Destruction rigolarde et pastiche des pires scénarios hollywoodiens sont ici servis par une maîtrise technique qui rend l’expérience perpétuellement jouissive. • Y. F.

Dans un décor jonché de statues en ruine et de formes abstraites, notre héroïne tente d’atteindre une destination mystérieuse. Balade contemplative ? Reproduction spatiale d’une psyché féminine ? Nul ne sait, et peu importe tant Gris est beau à tomber. • Y. F.

: Square Enix (PC, PS4, One)

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: Nomada Studio (PC, Switch)


Chaque mois, notre chroniqueur explore les mondes du jeu vidéo indépendant en donnant la parole à l’un de ses créateurs.

Comment raviver un monument sans le dénaturer ? Cette question, Game Atelier se l’est souvent posée au cours de la fabrication de Monster Boy, formidable combo entre jeu de plate-forme et jeu d’aventure. Repéré en 2010 avec Flying Hamster, relecture finaude du shoot ’em up à l’ancienne, ce studio parisien a toujours eu, selon son directeur Fabien Demeulenaere, un amour irrépressible pour le rétro. « Nos jeux ont tous la même ambition : ressusciter l’esprit PC-Engine et Super Nintendo qui nous fascinait gamins, et ressembler aux anime qui se faisaient à l’époque, entre kawaii et délire cartoonesque. » Au départ, ce Monster Boy ne devait être qu’une simple suite à Flying Hamster, sous forme d’hommage au mythique Wonder Boy créé en 1986 par Ryuichi Nishizawa. Mais ce dernier, conquis par le projet, leur a carrément donné le droit d’en faire une suite officielle et s’est engagé à les épauler comme consultant. Pas moins de quatre ans et demi ont été nécessaires pour peaufiner ce conte (un héros enfant capable de se transformer en animal) aux ambitions folles, codéveloppé avec l’éditeur allemand FDG Entertainment. « Réhabiliter ce type de jeu, qui a un peu disparu des radars, ça demande du temps : il faut faire en sorte qu’il n’y ait jamais de temps mort ni de remplissage, tout en gommant la rigidité et la frustration des jouabilités de l’époque », explique Demeulenaere. Le trip a beau être nostalgique, il n’en n’oublie jamais d’être moderne et enchanteur. • YANN FRANÇOIS

— : « Monster Boy et le Royaume maudit »

(Game Atelier | PS4, One, Switch, PC)


LIVRES

Tiens,

L’APPEL

encore un roman-biopic. On ne compte plus ces récits sur la vie d’un personnage célèbre, qu’il s’agisse d’une star du rock (Bye Bye Elvis, de Caroline de Mulder), d’un compositeur (Harmonie, harmonie de Vincent Jolit, sur Arnold Schönberg), d’un nazi (La Disparition de Josef Mengele d’Olivier Guez) ou d’un sportif (La Petite Communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, sur Nadia Comaneci). Fanny Wallendorf, elle, se penche sur le sauteur en hauteur Dick Fosbury, l’inventeur de la technique de saut en rouleau dorsal qui porte son nom. Son Appel n’est cependant pas un biopic au sens strict : le nom de Fosbury n’est pas cité, et les éléments biographiques, s’ils sont exacts, sont réduits à l’essentiel. Le personnage de Fosbury est en fait un prétexte pour parler de thèmes comme la vocation, la persévérance et l’audace. Et Dick n’en a pas manqué. Au début, sa technique ne convainc personne : les juges renâclent à valider ses performances, les esthètes conspuent son inélégance, les entraîneurs réclament qu’il revienne au saut ventral ou en ciseaux. Mais Dick tient bon, poliment, obstinément, en garçon rigide et habité. Sa confiance dans sa manière de sauter tient presque de la foi religieuse. Ce n’est pas un hasard si Fanny Wallendorf raconte sa découverte du dorsal comme une sorte d’épiphanie, ou un appel de l’au-delà. « Avant d’entamer les trois dernières foulées, il sent son corps changer d’axe, son dos s’incliner au maximum, il accélère et, au lieu de lancer sa jambe d’appel pour attaquer la barre de côté,

il pivote à cent quatre-vingts degrés… » Même si l’auteur affirme ne pas s’être documentée sur le sport, ses pages sur les compétitions et sur les exploits de Dick comptent parmi les plus vivantes et captivantes du récit. Les chapitres sur la vie amoureuse de Dick et sur son adolescence normale dans l’Oregon sont plus convenus, même s’ils décrivent bien l’atmosphère de l’Amérique des sixties et les valeurs de la classe moyenne dont Dick est

OFF

Fanny Wallendorf se penche sur le sauteur en hauteur Dick Fosbury.

UNE VIE DE SOLEIL On connaissait l’autoportrait de l’artiste en jeune homme ; voici l’autoportrait de l’auteur en plagiste : Jean-Marie Planès remonte le temps, dans ce beau livre de souvenirs articulé autour des auteurs qu’il a aimés et des plages qu’il a fréquentées, d’Hossegor à Arcachon. • B. Q.

: de Jean-Marie Planès (Arléa, 126 p.)

issu. Ainsi garde-t-il en tête l’adage seriné par son père : « Mange ta soupe et lave ton bol. » Entraîne-toi, un objectif après l’autre, et agis comme il faut. Beaucoup de rigueur, une touche de génie : ainsi naissent les champions. Dick en fut un grand, un vrai héros de roman, et celui-ci passe allègrement la barre. • BERNARD QUIRINY

— : « L’Appel »

de Fanny Wallendorf (Finitude, 346 p.)

LES PORTRAITS DE LAURA BLOOM

LA VRAIE VIE DE VINTEUIL

Un photographe et un taxidermiste ont un projet de livre en commun. Au milieu d’eux, l’énigmatique Laura Bloom… Déconcertant et envoûtant, le nouveau roman de Philippe Renonçay bouleverse la chronologie pour évoquer le temps, les images et l’histoire. • B. Q.

L’un des compositeurs français les plus célèbres du xixe siècle n’a même pas existé : c’est Georges Vinteuil, l’auteur de la sonate qui enchante Charles Swann, chez Proust… Jérôme Bastianelli imagine sa vie, dans cet exercice de style richement documenté. • B. Q.

(Buchet/Chastel, 200 p.)

(Grasset, 268 p.)

: de Philippe Renonçay

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: de Jérôme Bastianelli


BD

LA TOURNÉE Des livres ?

Bijoux, devises étrangères, documents importants, médicaments ?

Non. J’en ai besoin pour... C’est moi qui les ai écrits.

Ces livres ont de la valeur.

Vous les avez écrits ? Tous ? Tout seul ?

OFF

Premières éditions, exemplaires signés, livres rares, de collection ?

Pas d’objets de valeur ?

Je ne sais pas si vous avez remarqué, monsieur, mais nous sommes très occupés, en ce moment.

C’est-à-dire, oui. Ce sont tous le même livre.

— 21par Hélène Duhamel (Çà et là, 272 p.) : d’Andi Watson, traduit de l’anglais —

G.  H.  Fretwell

doit assurer la promotion de son nouveau livre. D’hôtels en librairies, il erre ainsi dans les rues pavées d’une ville labyrinthique sans âge et sans voitures. Chaque étape de son parcours se révèle frustrante, car personne ne vient aux séances de dédicaces. Pire, la police le suit à la trace et semble le soupçonner d’être le fameux « tueur à la valise ». La solitude du protagoniste est permanente, et sa naïveté en fait une victime systématique. La société est hostile ou, au mieux, indifférente à son sort. Ce cauchemar d’auteur, un hommage manifeste à l’œuvre de Franz Kafka, permet au bédéaste britannique Andi Watson une satire acide du monde de l’édition et, plus largement, de la société contemporaine. Éditeurs inaccessibles réservant leurs efforts aux auteurs les plus rentables, libraires sans entrain, mépris général pour la littérature au profit du sensationnalisme et, au final, la perspective d’autodafés : quelles que soient les angoisses ayant présidé à la genèse de ce livre, elles ont permis un bel exorcisme, drôle et glaçant. • VLADIMIR LECOINTRE 115


mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 26 MARS CYCLE JUNIOR Pour les enfants à partir de 5 ans.

: mk2 Bibliothèque, mk2 Quai de Loire et mk2 Gambetta, Les samedis et dimanches matins

JEUDI 31 JANV. ARCHITECTURE ET DESIGN « Le Brutalisme. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « Les photographes humanistes. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « Le Romantisme en Europe. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 2 FÉV. L’ART CONTEMPORAIN « Peindre en Allemagne après la guerre. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Michel-Ange. »

: mk2 Beaubourg à 11 h LE PHOTO LIVE DE 6MOIS « La cause des femmes. » Présentation de quatre photoreportages publiés dans la revue 6Mois.

: mk2 Quai de Seine à 11 h

DIMANCHE 3 FÉV. ENTRONS DANS LA DANSE « Les danses jazz. »

: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine) à 11 h

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Ulysse. »

: mk2 Quai de Seine à 11 h

LUNDI 4 FÉV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Edgar Degas, L’Absinthe (1875-1876). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Les musées du Vatican. »

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Quand la fatigue nous sauve… »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PORTRAITS DE FEMMES « Mata Hari. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30 SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de L’Homme sans passé.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45 ACID POP « Cinéma américain : reste-t-il encore des artisans ? » Projection de Thunder Road.

LUNDI 11 FÉV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Paul Cézanne, Les Grandes Baigneuses (1894-1905). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Kunsthalle de Hambourg. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Qu’est-ce qui distingue la persévérance de l’entêtement ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain)

: mk2 Quai de Seine à 20 h

à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La vie de bohème. »

PORTRAITS DE FEMMES « Joséphine Baker. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 5 FÉV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Analyse d’un classique : Vertigo. » Suivi de la projection d’Obsession (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 7 FÉV. ARCHITECTURE ET DESIGN « Le design organique. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « L’événement photographique. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « Réalisme et Naturalisme. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 9 FÉV. L’ART CONTEMPORAIN « L’Actionnisme viennois et le body art. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Titien. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

DIMANCHE 10 FÉV.

: mk2 Bastille

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Thésée et le minotaure. »

(côté Beaumarchais) à 12 h 30

: mk2 Quai de Seine à 11 h

116

: mk2 Parnasse à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « La Belle Époque parisienne. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 12 FÉV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « L’anticipation : quand la science effraie. » Suivi de la projection de La Planète des singes (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 14 FÉV. ARCHITECTURE ET DESIGN « La naissance du design industriel en France. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « Du Kodak Brownie à l’iPhone : tous photographes ? »

: mk2 Quai de Loire à 20 h UNE HISTOIRE DE L’ART « La photographie, un nouveau médium. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 16 FÉV. L’ART CONTEMPORAIN « Les nouveaux médias : de l’art vidéo à l’art numérique. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h


L’AGENDA FASCINANTE RENAISSANCE « La Renaissance allemande. »

ARCHITECTURE ET DESIGN « L’école d’Ulm. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

: mk2 Bibliothèque

DIMANCHE 17 FÉV.

(entrée BnF) à 20 h

SAMEDI 23 FÉV.

ENTRONS DANS LA DANSE « L’éclosion de la danse contemporaine en France. »

L’ART CONTEMPORAIN « Le graffiti. »

: mk2 Bastille

: mk2 Bastille

(côté Fg St Antoine) à 11 h

(côté Beaumarchais) à 11 h

INITIATION À L’ART EN FAMILLE « La chute d’Icare . »

: mk2 Quai de Seine à 11 h

LUNDI 18 FÉV. 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Pablo Picasso, Guernica, (1937). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « L’Accademia de Venise. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Qu’est-ce qu’être cool ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PORTRAITS DE FEMMES « Gertrude Stein. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Paris et ses dames. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 19 FÉV. UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « La science-fiction : quand la science inspire. » Suivi de la projection de Her (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 21 FÉV. LA PHOTOGRAPHIE « Censure érotique. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Le scandale impressionniste. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

DIMANCHE 24 FÉV. INITIATION À L’ART EN FAMILLE « Les 12 travaux d’Hercule. »

: mk2 Quai de Seine à 11 h

LUNDI 11 MARS 1 HEURE, 1 ŒUVRE « Egon Schiele, L’Étreinte (couple d’amoureux II) (1917). »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

ARCHITECTURE ET DESIGN « La révolution électronique : le cas du Japon. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

SAMEDI 16 MARS L’ART CONTEMPORAIN « La photographie contemporaine. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Albrecht Dürer. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

DIMANCHE 17 MARS ENTRONS DANS LA DANSE « La danse sur les scènes du monde. »

: mk2 Bastille (côté Fg St Antoine) à 11 h

LUNDI 18 MARS

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le musée archéologique de Naples. »

1 HEURE, 1 ŒUVRE « Jackson Pollock, Autumn Rhythm (1950). »

: mk2 Bastille

: mk2 Bastille

(côté Beaumarchais) à 12 h 30

(côté Beaumarchais) à 11 h

PORTRAITS DE FEMMES « Hannah Arendt. »

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Tate Modern de Londres. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « Quelle(s) identité(s) ? » Projection de Pays rêvé.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 45

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Faut-il tendre l’autre joue ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Des Années folles aux années noires. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 12 MARS UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « L’épouvante : jouer à se faire peur. » Suivi de la projection des Yeux sans visage (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 14 MARS UNE HISTOIRE DE L’ART « Après l’Impressionnisme. »

: mk2 Beaubourg à 20 h LA PHOTOGRAPHIE « L’ère du numérique. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h

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PORTRAITS DE FEMMES « Coco Chanel. »

: mk2 Parnasse à 18 h 30 ACID POP « Il n’y a pas de différence entre un film historique et un film de science-fiction. » Projection d’Un violent désir de bonheur.

: mk2 Quai de Seine à 20 h PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « De Pompidou à Mitterrand. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 19 MARS UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « L’horreur : game over. » Suivi de la projection de Suspiria (à réserver en complément de la conférence).

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h


mk2 SUR SON 31

UNE SAISON EN ASIE CULTISSIME  !

LES FILMS D’ANIMATION

— : à 17 h 35 au

: à 11 h au mk2 Bibliothèque, à 16 h  au mk2 Parnasse

DIMANCHE 3 FÉV. Sword Art Online. Ordinale Scale de Tomohiko Itō DIMANCHE 10 FÉV. Okko et les Fantômes de Kitarō Kōsaka

OFF

DIMANCHE 17 FÉV. Hana et Alice mènent l’enquête de Shunji Iwai

LES FILMS D’ÉPOUVANTE —

: à 22 h au mk2 Bibliothèque

VENDREDI 1er FÉV. Le Vagabond de Tokyo de Seijun Suzuki VENDREDI 8 FÉV. : Belladonna d’Eiichi Yamamoto VENDREDI 22 FÉV. : Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho

SAMEDI 23 FÉV. Patéma et le Monde inversé de Yasuhiro Yoshiura

RÉTROSPECTIVE WONG KAR-WAI

LUNDI 25 FÉV. Fireworks d’Akiyuki Shinbō et Nobuyuki Takeuchi

au mk2 Bibliothèque

LES FILMS D’ÉROTICO-GENRE —

: à 22 h au mk2 Odéon (côté St Michel)

VENDREDI 1er FÉV. La Saveur de la pastèque de Tsai Ming-liang

DIMANCHE 3 FÉV. Le Château ambulant de Hayao Miyazaki DIMANCHE 10 FÉV. Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa DIMANCHE 17 FÉV. Coming Home de Zhang Yimou

RÉTROSPECTIVE JIA ZHANG-KE — : à 11 h et à 22 h

DIMANCHE 24 FÉV. After School Midnighters de Hitoshi Takekiyo

MARDI 26 FÉV. Your Name de Makoto Shinkai

mk2 Gambetta

— : à 11 h et à 22 h

MERCREDI 6 FÉV. Les Cendres du temps JEUDI 7 FÉV. Chunkging Express VENDREDI 8 FÉV. Les Anges déchus SAMEDI 9 FÉV. Nos années sauvages DIMANCHE 10 FÉV. Happy Together LUNDI 11 FÉV. The Grandmaster

VENDREDI 8 FÉV. Nouvelle cuisine de Fruit Chan

au mk2 Bibliothèque

MERCREDI 13 FÉV. ET VENDREDI 22 FÉV. : Au-delà des montagnes JEUDI 14 FÉV. ET MARDI 26 FÉV. : A Touch of Sin VENDREDI 15 FÉV. : I Wish I Knew. Histoires de Shanghai SAMEDI 16 FÉV. ET DIMANCHE 24 FÉV. : 24 City DIMANCHE 17 FÉV. ET SAMEDI 23 FÉV. : Still Life LUNDI 18 FÉV. ET LUNDI 25 FÉV. : The World MARDI 19 FÉV. ET JEUDI 21 FÉV. : Plaisirs inconnus

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LES FILMS DU POISSON PRÉSENTE

Télérama

CATHERINE

DENEUVE

CHIARA

MASTROIANNI

UN FILM DE

JULIE SAMIR

GUESMI

ALICE

BERTUCCELLI

TAGLIONI

LAURE

CALAMY

AU CINÉMA LE 6 FÉVRIER


UNE CRÉATION ORIGINALE ¢


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