2 minute read

La carte de visite de l’Eternel

PAR ELIE KLING

On est très loin, non seulement de la société égyptienne, mais également de la société grécoromaine laquelle était divisée en deux :

Advertisement

La première des dix paroles énoncées dans notre paracha qu’en français on s’entête à traduire, je ne sais pourquoi, les dix commandements, ressemble davantage à une présentation de l’orateur qu’à un véritable commandement (ce qui explique sans doute que le texte hébraïque préfère la dénomination des dix paroles à celle des dix commandements).

« Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’a fait sortir d’Egypte, du foyer d’esclaves »

Même si certains, comme Maïmonide, pensent trouver derrière ce verset la Mitsva de croire en D.ieu, il faut bien reconnaître que la formulation n’est pas celle caractéristique des Mitsvot. Pas de verbes à l’impératif comme dans « Ne tue pas » ou « Respecte ton père et ta mère » qui suivront bientôt.

« Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’a fait sortir d’Egypte, du foyer d’esclaves » ressemble davantage à une « carte de visite » de l’Eternel. Et nos commentateurs de s’étonner pourquoi, parmi tous les titres dont D.ieu aurait pu se prévaloir, au premier rang desquels celui du « Créateur du ciel et de la terre », a-t-il choisi celui du libérateur d’Israël ?

Il semble qu’il y ait à cela deux raisons essentielles. LA PREMIÈRE c’est la place prépondérante que ce titre donne à l’abolition de l’esclavage. Je suis Celui qui t’a fait sortir, pas seulement de la terre d’Egypte, ce qui aurait pu être interprété comme soulignant uniquement un D.ieu libérateur national du peuple hébreu, mais de la maison de l’esclavage, ce qui sousentend qu’en sortant d’Egypte le peuple a l’obligation morale, religieuse et bientôt juridique, de sortir également de la société esclavagiste qu’il a connu au pays des pharaons.

Comme le souligne encore la quatrième parole, celle où il sera question du chabbat, dans sa version du livre de Devarim, que nous lisons cette semaine : « Respecte le jour du chabbat… afin que ton serviteur et ta servante se reposent tout comme toi. Et tu te souviendras que tu étais toi-même esclave en Egypte mais que D.ieu t’en a sorti d’une main forte et d’un bras étendu ».

Sous-entendu : … et s’il t’en a sorti, ce n’est pas pour que tu rebâtisses une société esclavagiste chez toi, en Erets Israël !

Chez toi, en Erets Israël, une fois par semaine, tout le monde s’arrêtera de travailler. Et les six autres jours, tout le monde travaillera!

- Les esclaves qui travaillaient tout le temps;

- Les citoyens qui étaient des hommes libres et qui, n’ayant pas à supporter la charge du labeur, pouvaient s’adonner aux tâches plus nobles, telles la conception de la cité, l’art, la philosophie ou la science.

Une société où tout le monde travaillerait six jours et où tout le monde s’arrêterait de travailler le septième était inimaginable pour un esprit gréco-romain.

LA DEUXIÈME RAISON pour laquelle D.ieu préféra se présenter en tant que libérateur du peuple d’Egypte plutôt qu’en tant que Créateur de l’Univers, c’est que les hébreux étaient témoins du premier et pas du second. Il était fondamental (au sens propre du terme) que les dix paroles reposent sur une réalité historique vécue et non sur un postulat théologique difficilement démontrable. Comme le dira Moïse à plusieurs reprises dans son dernier discours que constitue le livre de Devarim : « Vous avez entendu… », « Vos yeux ont vu ». Si la foi d’Israël a su se maintenir si longtemps et traverser d’innombrables dangers, c’est parce qu’à l’origine elle repose sur un évènement historique dont nos ancêtres furent à la fois les témoins et les acteurs.

« Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’a fait sortir d’Egypte ».

Arrêtez-moi si je dis des bêtises…

This article is from: