En jeu, maladie chroniques et éducation à la santé par le sport

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invité

Nouveau partenaire de l’Ufolep

Dr Jean Gautier, fondateur d’Asalée : esprit d’équipe vs maladies chroniques L’Ufolep des Deux-Sèvres animera dès janvier des activités sportives pour des patients suivis par des infirmières exerçant au sein de cabinets médicaux. Présentation d’un partenariat innovant.

J

ean Gautier, vous présidez l’association Asalée, qui promeut le travail en équipe entre médecins généralistes et infirmières dans le cadre du suivi de maladies chroniques. D’où vient l’initiative de cette démarche, qui aujourd’hui apparaît comme pionnière ? J’exerce depuis près de quarante ans dans une petite commune des Deux-Sèvres. J’ai pu constater l’évolution de la demande des soins, caractérisée par la place grandissante des maladies chroniques, et la raréfaction des praticiens en zone rurale. Or ce sont les généralistes, plus que les médecins hospitaliers, qui accueillent ces patients. C’est pourquoi, avec plusieurs confrères, et en collaboration avec l’Union régionale des médecins de Poitou-Charentes, nous avons imaginé en 2003 un mode de fonctionnement visant à améliorer le suivi des patients souffrant de certaines pathologies : le diabète de type 2, les troubles respiratoires liés au tabac (1), les risques cardio-vasculaires et les troubles cognitifs.

Médecin généraliste en zone rurale Médecin généraliste établi depuis 1975 à Châtillon-sur-Thouet (DeuxSèvres, 3000 habitants), Jean Gautier est l’un des fondateurs en 2004 de l’association Asalée – acronyme de « Action de santé libérale en équipe » -, dans laquelle il a réuni des médecins, des infirmières et des ingénieurs. Le protocole expérimenté par Asalée repose sur la collaboration entre une infirmière et des médecins généralistes au sein d’un cabinet médical, avec l’appui de l’association. Il est financé par la Sécurité sociale et les infirmières sont en majorité salariées par celle-ci. L’objectif est l’amélioration de la qualité des soins par délégation aux infirmières des consultations d’éducation à la santé concernant le diabète, l’hypertension artérielle, le dépistage des troubles cognitifs après 75 ans et les risques cardiovasculaires. Les infirmières assistent également le médecin pour le dépistage de certains cancers (sein, col de l’utérus, colon). Ces protocoles de coopération sont agréés par la Haute autorité de santé (HAS). ●

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Quelle était l’idée ? L’idée était que, dans le cadre de protocoles clairement définis, les médecins puissent déléguer à une infirmière certaines tâches de suivi, de dépistage et d’éducation à la santé. L’intérêt montré par les pouvoirs publics nous a depuis confortés dans cette approche. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, affirmait encore tout récemment que le médecin généraliste doit aussi s’occuper du tabagisme, tandis que la coopération entre médecins et infirmières est encouragée. Le Conseil d’État vient également de prendre un décret relatif à l’évaluation de notre action. Que représente le réseau d’Asalée aujourd’hui ? Asalée réunit 300 infirmières (pour 167 équivalents temps plein) exerçant aux côté de plus d’un millier de médecins, dans une soixantaine de départements. Cellesci sont rémunérées par l’association, grâce à un financement accordé au terme d’une convention avec le ministère de la Santé et la Sécurité sociale. J’insiste sur le fait que leur posture est différente de celle d’une infirmière de soin qui se déplace à domicile. Concrètement, comment la prise en charge des patients fonctionne-t-elle ? Lorsque le patient vient consulter son médecin, celui-ci lui explique qu’une infirmière peut l’aider à prendre en charge sa pathologie. Il entre ensuite avec elle dans une démarche d’éducation à la santé et de suivi. Il peut revoir l’infirmière sans passer par le médecin, et celle-ci peut prescrire elle-même certains examens dans le cadre de protocoles bien établis. Le tout en concertation avec le médecin, bien évidemment. Pourquoi Asalée s’est-elle rapprochée de l’Ufolep ? Nous avons reçu un courrier de l’Ufolep des Deux-Sèvres mettant l’accent sur son offre d’activités physiques. Or cela faisait longtemps que nous souhaitions ajouter l’exercice physique à la prise en charge thérapeutique des patients souffrant de diabète. Les contacts pris ont abouti à la signature d’une convention qui a pour objet, dans un premier temps, l’animation d’un programme d’activités physiques pour des groupes d’une quinzaine de personnes. À compter du 1er janvier 2015, celles-ci


crédit Asalée

participeront dans trois villes des Deux-Sèvres – Thouars, Niort et Parthenay – à deux séances hebdomadaires sur une période de dix-huit semaines. Et après ? La grande question est : les patients continueront-ils à « bouger » ? On sait que la sédentarité est un facteur aggravant du diabète et du risque cardio-vasculaire. On sait aussi que la réadaptation à l’effort est un facteur important pour les patients souffrant de troubles respiratoires liés au tabac. Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de recommander l’activité physique aux patients, il faut un accompagnement. Quand on prescrit une boîte de comprimés, on peut raisonnablement penser que le patient va aller les acheter à la pharmacie et les prendre. Mais quand on lui dit d’aller marcher deux fois par semaine, c’est beaucoup moins sûr. Même si les campagnes d’information et l’évolution actuelle de la société tendent à rendre plus naturel le fait de se bouger. Avez-vous déjà mené des expériences de ce type ? L’an passé, dans le nord du département, un collègue et l’infirmière du cabinet avaient mené une expérimentation consistant à proposer de la marche à pied avec un programme éducationnel, à la grande satisfaction des patients qui y ont participé. Ce qu’il faut considérer, c’est que l’activité physique est aussi importante que les médicaments… Mais on est encore dans le règne de la chimie, même si les coûts sont devenus explosifs, alors que ça ne coûte rien de marcher. Juste un peu d’énergie de la part du patient… L’idéal ne serait-il pas de pouvoir donner aux patients les coordonnées d’une association au sein de laquelle ils pourraient pratiquer une activité physique encadrée ? Tout à fait. Après, il restera toutefois la question du coût (2). Pour les personnes en grande précarité, ce sera un obstacle. ● Propos recueillis par Philippe Brenot (1) Il s’agit plus précisément de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). (2) Celui de cette expérimentation est intégralement pris en charge par l’association.

Mesurer l’impact sur la santé En vertu de la convention signée le 3 juillet dernier, des animateurs de l’Ufolep des Deux-Sèvres assureront à partir de début janvier, et pendant dix-huit semaines, deux

séances hebdomadaires d’activités physiques pour des groupes d’une quinzaine de patients souffrant de diabète de type 2. Il incombe à l’Ufolep de proposer d’une part une fiche de suivi et une grille d’évaluation, et d’autre part des contenus pour les séances. De leur côté, les infirmières d’Asalée auront d’ici-là identifié les patients susceptibles d’y prendre part, et prescrit des activités physiques. Parallèlement à l’évaluation qui sera réalisée à la fin de l’expérimentation, des capteurs permettront d’estimer si, à chaque séance, la dépense physique est suffisante pour avoir un effet sur la santé des patients. Il est à souligner qu’avant même sa mise en œuvre, cette initiative commune a été retenue par l’ISCA (International Sport and Culture Association) dans le cadre de l’appel à projets du dispositif Move Transfer. Assorti d’une aide méthodologique et d’une petite contribution financière, celui-ci soutient des actions de promotion de l’activité physique auprès de populations difficiles à atteindre, et susceptibles d’être reproduites sur d’autres territoires ou dans d’autres pays.

Jean Gautier : « Il ne suffit pas de recommander l’activité physique aux patients, il faut un accompagnement. »

Partenariats santé Ces partenariats se veulent de long terme et

Imaps

Comme les partenariats déjà noués avec l’Imaps (plateforme de promotion du sport santé) ou

évolutifs. À titre d’exemple, la collaboration

la MGEN (mutuelle), la convention signée avec

engagée avec l’Imaps il y a deux ans ne porte

l’association Asalée témoigne du souci de l’Ufo-

plus seulement sur la géolocalisation de nos

lep de faire équipe avec des organismes sociaux.

associations afin d’orienter les pratiquants

Le but poursuivi est la mise en commun, pour

potentiels. Désormais, l’Imaps apporte aussi

plus d’efficacité, de nos compétences de fédéra-

son expertise et sa caution scientifique pour

tion dédiée au sport pour tous avec celles de structures interve-

l’élaboration de notre projet sport-santé et de nos formations

nant dans le domaine de la prévention et de la santé.

en ce domaine. ● Laurence Nadaud, adjointe à la DTN Ufolep

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