Mémoire de Master:
La mutabilité des Grands ensembles dans le cadre de la rénovation urbaine ENSAL-2013
Remodelage urbain, barre République, Lorient, Perspective Atelier Castro-Denissof, 2002
Ulysse PANEL enseignant encadrant: Vincent Veschambre
«Par principe, je suis contre l’idée de démolir des structures existantes bien souvent réutilisables, parce qu’on nie l’histoire et une quantité de choses qui vont avec; bois, pierres, enduits - travaillés ou non, qu’importe - une quantité de choses? Parfois il est naturel de passer par là, mais je trouve qu’on détruit beaucoup sans raison, systématiquement? De la même façon, je trouve tout aussi systématique et stérile l’attitude paranoïaque qui consiste à vouloir tout préserver. Ce qui est étrange dans la vie et la culture contemporaines, c’est le constant manque d’équilibre, ces attitudes en zig-zag qui passent indifféremment d’un opposé à l’autre, sans souci d’inclusion»1 Alvaro Siza.
1
In :Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
Auteur
PANEL
Titre du Mémoire
La mutabilité des grands ensembles dans le cadre de la Rénovation urbaine.
Maître de Mémoire
ENSAL
Mots clefs
Mutabilité, grands ensembles, développement durable, hard & soft, transformation, projet urbain, rénovation urbaine, réhabilitation, remodelage, démolition
Cadrage
Lyon, la duchère, Paris, Porte Pouchet
Résumé
Abstract
Ulysse
Vincent Veschambre
La question du devenir des grands ensembles divise la communauté des architectes et des urbanistes. Depuis la création de l’ANRU, la démolition prend une importance qui inquiète la plupart des concepteurs, d’une part soucieux d’une préservation d’un patrimoine urbain hérité du modernisme, et d’autre part estimant que la destruction du quart du parc de logement social était irresponsable alors que la France subit une crise du logement. Ainsi, la mutabilité du grand-ensemble, c’est-à-dire sa capacité à muter, entre dans le débat sur la rénovation urbaine car cette notion s’inscrit dans une démarche durable en intervenant dans les différentes échelles décisionelles et projectuelles dans un projet urbain dans ses enjeux spatiaux et sociaux. Nous verrons que le grand-ensemble est une forme adaptable, et qui a su répondre aux enjeux et aux problématiques de l’habitat pendant une période de crise, et qu’il représente un potentiel urbain pouvant intervenir dans les pratiques urbaines actuelles.
Dividing the french conceptors community, the future of urban form called «grand ensemble» (high rise estate housing) is a nowadays cities issue. In deed, the creation of the urban renewal national agency ( ANRU ) launched a very important building demoliton program that worry the most of the french architects, in one hand carrying about the preservation of the modern urbanism, and in the other hand who estimate that the threat of housing crisis in France must encourage to save all the locial housings and not to destroy it. So, notion of mutability in «grand-ensemble» case, explicitly its mutation capacity, is a urban renewal problematic, and furthermore a sustainable development issue including spatial and social consequences of urban project in its differents decision and application scales. We will develop the concept of adaptality of «grand-ensemble», that answered the housing crisis during the fifties in France, and represents a nowadays urban potential
SOMMAIRE Préambule :
8
INTRODUCTION 12 HYPOTHESES 14 PROBLEMATIQUE :
15
MÉTHODOLOGIE 16 PARTIE 1/ Hard & soft : des visions différentes sur les transformations et l’adaptabilité du grand-ensemble 18 PARTIE 2/ La compatibilité des notions de «mutable» et de «durable» à travers l’étude du grand-ensemble intégré au renouvellement urbain 37 CONCLUSION 58 bibliographie 62
Préambule :
L'avenir incertain des grands-ensembles.
La période de la reconstruction en Europe a bouleversé le paysage urbain de la ville européenne. En effet, que ce soit en France, en Allemagne, en Italie ou encore en Angleterre, les principes énoncés par la Charte d'Athènes (1931) ont eu un effet à retardement sur les pratiques constructives des architectes et des élus lors de l'après-guerre. La standardisation des matériaux, et des éléments architecturaux que prônait le mouvement moderne a eu pour conséquence une logique d'industrialisation du bâtiment. Plus tard, pendant les années cinquante, les vastes territoires de la banlieue, majoritairement agricoles, ont été le théâtre d'une expérimentation urbaine et sociale à grande échelle, impliquant les politiques, les concepteurs, et les entreprises de BTP dans le cadre d'opérations immobilières liant logement, aires d'activités commerciales et industrielles, dans lesquelles un ensemble d'habitat pouvait excéder 1000 logements. Le concept de « grand-ensemble » est premièrement définit par Françoise Choay et Pierre Merlin comme « un groupe d'immeubles locatifs comportant un nombre élevé de logements. A partir des années 1950, ce terme s'est répandu pour désigner des groupes de grandes dimensions d'immeubles locatifs, implantés dans des zones d'aménagement ou périmètres d'expansion urbaine spécialement délimités. Ces immeubles ont toujours un minimum de quatre niveaux au dessus du rez-dechaussée et jusqu'à plusieurs dizaines (…). Les espaces intercalaires sont aménagés en aires de stationnement, en espaces verts ou en terrains de sport. »1 Voici ce que l’encyclopédie en ligne Wikipedia nous dit : « Selon le service de l’Inventaire du ministère de la Culture français, un grand ensemble est un «aménagement urbain comportant plusieurs bâtiments isolés pouvant être sous la forme de barres et de tours, construit sur un plan masse constituant une unité de conception. Il peut être à l’usage d’activité et d’habitation et, dans ce cas, comporter plusieurs centaines ou milliers de logements. Son foncier ne fait pas nécessairement l’objet d’un remembrement, il n’est pas divisé par lots ce qui le différencie du lotissement concerté». 1 MERLIN P., CHOAY F., Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, 1996.
préambule
préambule
Selon le "géopolitologue" Yves Lacoste, un grand ensemble est une "masse de logements organisée en un ensemble. Cette organisation n'est pas seulement la conséquence d'un plan masse ; elle repose sur la présence d'équipement collectifs (écoles, commerces, centre social, etc.) [...]. Le grand ensemble apparaît donc comme une unité d'habitat relativement autonome formée de bâtiments collectifs, édifiée en un assez bref laps de temps, en fonction d'un plan global qui comprend plus de 1000 logements". Le géographe Hervé Vieillard-Baron apporte des précisions « : c'est, selon lui, un aménagement en rupture avec le tissu urbain existant, sous la forme de barres et de tours, conçu de manière globale et introduisant des équipements réglementaires, comportant un financement de l'État et/ou des établissements publics. Toujours selon lui, un grand ensemble comporte un minimum de 500 logements (limite fixée pour les Zone à urbaniser en priorité (ZUP) en 1959). Enfin, un grand ensemble n'est pas nécessairement situé en périphérie d'une agglomération. » Nous pouvons donc définir un grand-ensemble par son plan masse, unitaire et en rupture avec le tissu environnant, et par une quantité de logements et d’équipements lui conférant une certaine autonomie de fonctionnement par rapport à la ville traditionnelle. Aussi, son caractère social, étant prioritairement locatif, et financé pour la plupart des opérations par les offices HLM, le rend propice à une occupation essentiellement de mal logés sur le marché de l’immobilier de l’ époque.
Politiques du logement social : la banlieue, terre d’espoirs. Avant de devenir le théâtre de la violence urbaine et du malaise français décrits quotidiennement par les médias français, la banlieue eut son heure de gloire en tant que laboratoire d’une nouvelle politique de l’habitat engagée déjà dans le début du XXème s avec l’émergence du logement social. L’appel historique de l’abbé Pierre en 1954 en faveur des mal logés tira la sonnette d’alarme pour les élus français, et les années cinquante fûrent alors l’occasion d’expérimenter un nouveau type d’habitat social sur le territoire de la périphérie, dans lequel les usagers auraient accès à un confort et des conditions de vie décentes, la ville traditionnelle ne permettant plus ces avantages pour les populations les plus démunies. Ainsi, Eugène Claudius-Petit, ministre de la reconstruction et de l’urbanisme de 1948 à 1956, tenta à travers de grands projets d’habitat d’établir un rapprochement entre les concepteurs et les constructeurs, dans la visée de concrétiser les souhaits des modernes du CIAM : il fallait que le bâtiment soit industrialisé. « de fait, le ministère de la reconstruction, (MRU) dirigé par E.Claudius-Petit, avait voulu que ce projet (cité de Rotterdam à strasbourg) fût un laboratoire préfigurant un nouveau type de relations entre les architectes et les entreprises. Il montrait en clair la voie que devait suivre le secteur industrialisé lancé dans le cadre de la loi des finances de 1951. »1 Cette nouvelle association entre les entreprises du bâtiment et les concepteurs allait créer un nouveau mode d’urbanisme, à la fois rapide et massif, annonçant la venue des grands ensembles dans les banlieues françaises, jusqu’alors vierges d’une urbanisation métropolitaine. 1(François Tomas ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; publications de l’université de Saint-Etienne; 2006)
préambule
Un changement de cap : les raisons de la fin des grands-ensembles. Malgré le rôle de l’État dans le contrôle des pratiques architecturales et urbaines de l’époque, des dérives ont pu naître dans cette période de frénésie dans le secteur de la construction. Tous les efforts dépensés par l’état pour faire des grands-ensembles les nouveaux lieux de l’habitat ont servi surtout à instituer une nouvelle définition de la conception architecturale , celle de la standardisation. Ce changement dans les habitudes constructives françaises a malheureusement créé un réel problème de mise en forme : l’urbanisme et l’architecture vieillissent bien plus mal qu’on n’aurait pu le penser, et ce pour plusieurs raisons : Le rôle de l’architecte dans la conception n’est pas très affirmé, et la manière dont il perçoit ses honoraires engendre automatiquement un manque d’investissement de l’architecte dans la question de la construction. En effet, le calcul s’effectuant sur le coût total des travaux, l’architecte construit en masse et ne se préoccupe plus des façades, de la structure, répétitives car préfabriquées : « les architectes s’enthousiasment pour la préfabrication lourde, et les monceaux d’honoraires qui en découlent. La fonction de l’architecte […] recule au profit de celle du bureau d’étude technique et de la grosse entreprise. […] La France des banlieues se construit. […] à 2% d’honoraires sur le coût de la construction […] nos architectes en chef, prix de Rome, ex académistes, font donc dans le mouvement moderne et le dépouillement Gropius.» 1 Le pouvoir qu’ont eu les ingénieurs, notamment ceux de ponts-et-chaussés et ceux du ministère de la reconstruction, par rapport à celui des architectes a bouleversé l’aménagement et l’urbanisme durant cette période, car initialement formés pour la voirie et les ouvrages d’art, leur méthodes ont reconfiguré la conception de la ville à cette période : « les ingénieurs du ministère de la reconstruction, dont le métier initial est de faire des routes, des ponts ou des voies ferrées et pour qui l’urbanisme est une abstraction vont l’utiliser au maximum. » 2 Ainsi, les ingénieurs n’ont pas tenu compte de l’identité urbaine de la ville traditionnelle et ont condamné la banlieue à déconnecter la voirie du bâti, comme le prône la charte d’Athènes. L’urgence sociale et l’effort de l’état pour mener à bien ces opérations ont mené les opérations à se construire trop rapidement, et peu à peu à effacer la qualité de vie et d’habitat que le mouvement moderne espérait. « Les beaux rêves architecturaux modernes sont loin. Le GE deviennent très tôt « la combinaison du chemin de grue et des plans masses abstraits de l’ école des beaux arts » (Paul Chemetov ; Paris-Banlieue ; o.c. ; 1996) et on s’aperçoit que « les bâtiments emblématiques » (idem) des pères de la modernité ont été confisqués aussi bien par « les entreprises de travaux publics reconverties dans le bâtiment » (idem) « que par ceux des architectes qui se croyait assurés de l’impunité au nom de l’urgence ». Tout le monde chante en cœur un hymne tout à fait consensuel dédié à la ville moderne et les modernes eux mêmes, qui sont au premier rang du chœur, comprennent encore mal que leur mélodie leur échappe »3 1 R. Passant ; Banlieue de banlieue !; Ramsay ; 1986 ; pp 52 et 54. 2 J.Menanteau ; Les banlieues, le monde. ; ed marabout ; 1993 ; pp 54 3 Jean Noël Blanc ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publications de l’université de Saint-Étienne ; 2006
préambule
Parallèlement à un constat sur le leurre qu'ont constitué les grands-ensembles en tant que modèle urbain, vient s'ajouter un ensemble de raisons conjoncturelles la plupart d'ordre politique, annonçant la fin de la politique d'urbanisation des ZUP (zone à urbaniser en priorité). Ces mesures surgissant à la suite d’événements marquants dans l'histoire de France : la deuxième vague d'immigration et le choc pétrolier de 1975, ont fait débuter une politique de remise en cause du territoire de la banlieue à partir de la fin des années 1970. Stigmatisé, le grand-ensemble, symbole de l'habitat moderne et de la périphérie de la ville européenne traditionnelle, se dégrade. La raison s'explique par le départ des classes moyennes vers l'habitat individuel, nouvel eldorado du logement français dans les années soixante-dix, laissant le grand-ensemble habité par les classes sociales les plus démunies. La quasi intégralité du parc de logement étant à vocation locative, l'effet de peuplement massif de populations pauvres et d’origine étrangère a suffit à faire de la banlieue un lieu problématique, pour enfin devenir un « ghetto » selon le point de vue des sociologues enclavé par les nouveaux tracés d'infrastructures, coupé du reste de la ville. « La contestation de la rénovation-bulldozer ; l'opposition à la table rase ; la préoccupation nouvelle pour la ville existante ; l'exigence de respecter ses formes ; y compris les plus banales en apparence; le souci de ne pas rompre avec le passé ; la revendication d'une réhabilitation beaucoup plus soucieuse des particularités urbaines et de l'architecture traditionnelle-ce sont des changements majeurs. »1
Carré rouge, 2005, Mohamed Bourrouissa, courtesy gallerie kamel mennour Un climat social inquiétant, l’image du grand-ensemble dans la société française
1 François Tomas ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publications de l’université de Saint-Étienne ; 2006
introduction INTRODUCTION Après le départ des classes moyennes à la fin des années soixante-dix dans les lotissements périurbains, les populations les plus pauvres, chassées du centre-ville, vinrent à leur tour s’ installer dans les grands-ensembles et ainsi la banlieue devint le lieu du malaise social français tel qu’il est décrit à travers les expressions comme «ghetto». Ainsi, la question actuelle sur le sujet est celle du rôle que joue le grand-ensemble dans les métropoles françaises. Peut-on forcément affirmer que cette forme urbaine n’existe plus dans la culture constructive française, et surtout qu’elle est propice à des formes d’exclusion sociale ? Est-il impossible de revoir des grands-ensembles dans les villes françaises et plus particulièrement les villes centres ? Quel avenir attend la banlieue française dans le développement urbain actuel ? Faut il exclure ce modèle des pratiques urbaines contemporaines sans appel? Est ce que le véritable problème du grand-ensemble n’est pas plus social qu’architectural?
POURQUOI S’INTERESSER AUX GRAND ENSEMBLES ? 1°) Le grand-ensemble est une forme urbaine qui appartient au paysage de la ville. Il en fait partie intégrante. Ainsi les générations actuelles ont évolué dans un milieu peuplé de tours de barres modernes, et elles ont conscience de l’impact de la voirie dans la hiérarchie des espaces de la ville. Nous sommes les enfants de la Charte d’Athènes, et nous devons travailler avec ce que la précédente génération nous a légué. De ce fait, une part importante de la communauté des architectes français actuels s’inquiète sur le devenir de cet élément emblématique de la ville contemporaine:« Il s'agit donc de travailler sur la forme du territoire, aujourd'hui hétérogène, faite d'autoroutes, de barres, de maisons individuelles... Saurons-donner forme à cet informe ? Puisque la ville est un processus, agir sur les grands-ensemble signifie mettre en place des processus, rétablir une normalité démocratique, le droit d'être ensemble à toutes les échelles. Ne pas faire œuvre architecturale mais être de simples réparateurs de ville, c'est à dire amorcer le processus. » 1Antoine Grumbach ; 2005 Les réponses aux problématiques sociales des banlieues apportées par l’ANRU et la démarche de la rénovation urbaine ont pour effet d’effacer la mémoire des quartiers à cause de la destruction du patrimoine architectural des grands ensembles. Est-il possible de conserver cette identité de la périphérie française via des projets de réhabilitation plus généralisés et une politique de patrimonialisation? « Des réalités [grands-ensembles] qu’il faut savoir déchiffrer et sans a priori. Travailler sur ces quartiers, c’est révéler leurs qualités. Certains bâtiments sont très beaux, le Serpentin des Courtillières à Pantin par exemple »2 Djamel Klouche ; 2005 2°) La banlieue française, délaissée à cause de son climat social en tension, reste un territoire urbain au potentiel inexploré. Réserve foncière importante, les banlieues méritent d’être investies et de connaître un développement urbain conséquent. Le grand-ensemble est alors, la forme urbaine qui permet un développement urbain rapide et non consommateur d’espace au sol. Certains architectes pensent encore aux possibilités que les territoires de la banlieue ont pu créer dans 2 Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
2 ibidem
un contexte de crise. Le grand ensemble fut à son époque, une réponse humaniste et hygiéniste à la densité et à la congestion urbaine existant dans la ville dite traditionnelle, et aujourd’hui peut remplir certains objectifs liés à la démarche de développement durable, notamment grâce à une technologie actuelle. Il peut ainsi être performant du point de vue écologique et social, s’il est pensé dans le cadre d’une mixité d’usage et de population. « Après une longue période pendant laquelle la démolition a été taboue, nous voici dans la démolition à outrance érigée en principe. Cela risque de conduire à de graves erreurs d’objectifs, puisqu’une partie importante des problèmes à traiter sont davantage davantage sociaux que structurels ».3 Bernard Paris, 2005 « (...)Le vrai problème des grands-ensembles n'est pas d'ordre architectural mais relève de la qualité des sites. Les 400000 logements construits chaque année au cours des Trente glorieuses ont été abandonnés dans des environnements non traités. »4 Alain Sarfati ; 2005.
Les études actuelles notamment en sociologie (cf: MERLIN P., CHOAY F., Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, 1996. ) autour de la problématique de la banlieue ont soulevé la question des conséquences de l’urbanisme et de l’architecture des grands-ensembles, notamment concernant les problématiques de l’appropriation de leurs espaces libres sur les comportements sociaux dans les quartiers dits sensibles. Ainsi y aurait -il des changements à apporter dans ces quartiers afin d’apaiser le climat social dans les banlieues françaises? Les grandsensembles semblent être un sujet d’étude approprié pour comprendre la relation étroite entre social et spatial.
Siem, Radia et Zohra, quartiers des Bleuets, Créteil, 1998; Bruno Boudjela/ Agence vu La richesse de la population des grands ensembles et la notion de mixité sociale sont elles compatibles?
3 ibidem 4 Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
introduction
HYPOTHESES I/ La majorité des grands-ensembles n’est pas forcément immuable. La liberté d’usage, d’implantation et d’appropriation de l’espace libre pourrait permettre une liberté de composition architecturale de cet espace, et ainsi d’y introduire de nouveaux usages sans altérer le fonctionnement initial de l’ensemble. La simplicité constructive de l’édifice et la rationalisation de son mode d’implantation peut permettre de modifier la volumétrie globale de l’édifice, et s’y insérer de nouvelles fonctions. Le principe de la dalle et des mixités de fonctions et d’espaces dans les grands ensembles en font des espaces aux programmes pouvant être complétés. Le grand ensemble peut donc s’adapter au contexte local en intégrant un RDC commercial, ou bien supplanter un socle infrastructurel, accueillir des places de parking, par exemple.
II/ La mutabilité et le développement durable pourraient être compatibles. Dans l’espoir d’endiguer l’étalement urbain et favoriser une mixité sociale dans les centres urbains, la densité est le maître mot de l’urbanisme français d’aujourd’hui, et ce depuis vingt ans. L’architecture d’un grand ensemble est, malgré l’espace libre laissé pour compte au sol, une forme tellement dense qu’elle a la capacité d’accueil d’un petit village. Enfin, la carence en usages et en attractivité que l’on connaît dans la banlieue française pourrait être à son tour corrigée par le potentiel apporté par les nombreux vides du tissu urbain de la périphérie, la place y est. La crise de logement actuelle ressemble à celle qui a marqué les années cinquante en France, pendant laquelle il était impératif de loger les classes moyennes et les premières vagues d’immigration. Le logement périurbain , notamment le grand ensemble, pourrait répondre à des enjeux de la ville française submergée par les problèmes d’étalement urbain, de mobilité urbaine et de connexion dans les grandes agglomérations.
III/ Le grand ensemble est une forme pouvant être durable La présence d’espaces de grandes dimensions permet une véritable liberté pour le végétal de pouvoir se développer, et aussi invite les riverains à s’approprier le sol de manière individuelle ou collective. Ainsi on peut remarquer la liberté d’usages, la liberté d’implantation, la liberté d’appropriation que permet l’urbanisme de dalle et celui du grand-ensemble. La performance spatiale du plan et l’efficacité de l’enveloppe sont recherchées dans cette forme urbaine : on dénote une simplification du dispositif spatial au niveau des circulations, des accès et de l’imbrication (simple) des différents volumes habités. Enfin la recherche de hauteur et de rationalisation de l’implantation permet de libérer les quatre façades du volume et ainsi de multiplier les différentes orientations. La simplification du dispositif spatial a entraîné directement la simplification du procédé constructif, devenu rationalisé et programmé depuis le début du XXe siècle. On remarque ainsi que la construction de ces édifices de grande dimension a été complètement optimisée permettant une construction massive et rapide de cette forme architecturale.
introduction
L’ensemble de ces hypothèses nous mène vers un constat de départ qui est le suivant : le grand ensemble est une forme urbaine qui reste d’actualité et qui mérite d’être adaptée à un contexte urbain contemporain. Cependant, son avenir reste incertain et le débat sur les possibilités et les potentiels qu'il offre dans une visée urbaine et sociale est encore discuté. Ainsi, dans le but d'établir quel pourrait être le rôle de cette forme urbaine dans le développement de la ville aujourd'hui en France, la question de son éventuelle mutabilité doit être soulevée. Mon intérêt pour le sujet vient de la question de la légitimité de l'urbanisme « durable » tel qu'il est sensé être présenté aujourd'hui. Je remarque que la création de l'ANRU a décomplexé la pratique des démolitions afin de mener à bien une politique aux enjeux de mixité qui semblent flous. Faire un urbanisme modèle est-il encore un enjeu actuel face à la complexité de la ville et l'hétérogénéité de sa structure ? Je pense que partir de l'existant et le transformer est un gage de respect des pratiques urbaines antérieures, et constitue un moyen de l'améliorer si besoin et de le sublimer. La leçon des grands-ensembles ne semble pas peser sur la politique de la rénovation urbaine, agissant comme leurs pairs de la génération précédente faisaient, en niant le patrimoine que peut représenter cette architecture et en excluant la possibilité de la mutabilité. Cependant, l'ANRU paraît être un moyen qui montre une certaine efficacité en terme de moyens investis et de pilotage financier pour pouvoir se lancer dans des travaux spectaculaires. L’agence reste à ce jour le seul organisme qui peut transformer l’urbanisme à l’échelle d’un quartier. Y aurait-il un terrain d’entente entre les partisans d’une préservation systématique du cadre bâti dans les grands-ensembles et les objectifs de l’ANRU de mutation des territoires de la banlieue française? Afin de confronter les regards portés sur la rénovation urbaine et d'établir un lien entre cette politique et celle du développement durable, notamment à travers la question du grands-ensemble, forme urbaine problématique dans le tissu urbain français, le mémoire s’attachera à comparer les points de vue des différents acteurs de la construction immobilière en France. Ici la question sociale sera évoquée, notamment dans la problématique du logement social en France, tandis que la question spatiale sera primordiale dans l'étude de la performance architecturale des grands-ensembles.
PROBLEMATIQUE : La mutabilité des grands-ensemble français, à l’heure de la rénovation urbaine, pourrait-elle s’inscrire dans une logique durable? Pour ce faire, nous allons articuler notre travail autour des trois hypothèses précedemment énnoncées, dans un premier temps afin de vérifier si le grand-ensemble est encore actuel dans les enjeux qu’il soulève, et dans un second temps, en prouvant que son caractère mutable entre dans le débat sur le développement durable dans un urbanisme économique.
MÉTHODOLOGIE Choix du corpus: 1°) Ce corpus me permettra de prouver que les différents acteurs partagent un avis commun sur l’objectif de la rénovation urbaine grâce à une mise en évidence des similitudes dans les textes représentatifs des objectifs respectifs. Ouvrages: _Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005, publications de l’agence nationale pour la rénovation urbaine. _François Tomas, Jean Noël Blanc; Mario Bonilla ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publications de l’université de Saint-Étienne ; 2006 _David Mangin; La ville Franchisée; formes et structures de la ville contemporaine; éditions e la Villette: 2004 _Phillipe Panerai, David Mangin, Jean-Charles Depaule; Projet urbain ; éditions Parenthèses; 1999 2°) Ce corpus me permettra de présenter quelques avis favorables à la mutabilité du grand-ensemble dans les principaux acteurs de la rénovation urbaine (architectes et architectes urbanistes) Ouvrages: _Hélène Hatzfeld, Yves Moutton ; les espaces libres, atouts des grands-ensembles ; ed. du Certu ; 2006 _F.Druot, A.Lacaton, J.P.Vassal; «+» les grands ensembles de logements sociaux, territoires d’exception ; Editions Gustavo Gili; 2007 Opérations: _Tour Bois le Prêtre_F.Druot-A.Lacaton-J.P.Vassal 3°) Ce corpus me permettra de montrer que la communauté des chercheurs en architecture et urbanisme sont d’accord pour dire que la mutabilité est compatible avec le développement durable. Ouvrages: _Lauren Andres , Béatrice Bochet ;La mutabilité à l’épreuve de la durabilité ou comment relire la réutilisation des territoires urbains délaissés sous le couvert de la ville durable ;2007 _L.Leblanc, M-C. Bézenech, M. Bourdarion, L.Boyre ; «Renouvellement urbain et mutabilité des tissus constitués»; Jan. 2004; observation de l’habitat et analyse des territoires 4°) Ce corpus me permettra de mettre en évidence un désaccord sur les méthodes mises en place dans le cadre de la rénovation urbaine, notamment dans la préservation ou pas des grands-ensembles, en m’appuyant sur les textes des principaux détracteurs. Ouvrages: _Renaud Epstein; ANRU Mission accomplie? ; 2012 _Jean Patrick Fortin; Le Grand-ensemble, entre pérennité et démoliton; 2010 _Gilles Baudin; La mixité sociale: une utopie urbaine et urbanistique ; 2001 5°) Ce corpus me permettra de montrer que le grand-ensemble est mutable et pourrait donc être durable. Opérations: _GPV La duchère_ B.Paris
Partie 1
1/ Hard & soft : des visions différentes sur les transformations et l’adaptabilité du grand-ensemble
« Au mitan des années cinquante, apparurent d'étranges formes urbaines. Des immeubles d'habitation de plus en plus longs et de plus en plus hauts, assemblés en blocs qui ne s'intégraient pas aux villes existantes. Ces blocs s'en différenciaient ostensiblement et parfois comme systématiquement, s'en isolaient. Ils semblaient faire ville à part. Surtout ils ne ressemblaient pas à ce qu'on avait l'habitude d'appeler ville. Et leur architecture aussi, qui était tellement déroutante. On les a nommés « grands-ensembles » 1 Dans un contexte particulièrement propice à la construction du logement social, les projets se multiplient à vue d’œil dans le tissu périphérique des grandes villes françaises. Pourtant malgré les efforts mis en œuvre pour la réalisation de ce parc de logement social, les projets ont souffert d'un manque de qualité architecturale et urbaine dans leur majorité. Ainsi, dix ans après leur construction, ces bâtiments présentent pour la plupart, des anomalies dans les voiles de façades, notamment au niveau de l'isolation thermique et acoustique. Les français qui ont vécu dans les cités HLM ont manifesté leur mécontentement lors de manifestations, notamment avec la marche pour l'égalité et contre le racisme ou « marche des beurs », première expression d'un malaise social dans la banlieue française en 1983. L'émergence d'une demande populaire d'un renouveau urbain associée à une dénonciation des conditions sociales est représentative des phénomènes de relégation dans la banlieue, engendrés par l'isolement des grands-ensembles par rapport au tissu environnant. «La politique de la ville, programme complexe institutionnalisé dès 1981 , intègre dès le départ, les aspects sociaux économiques, éducatifs et spatiaux, pour agir en faveur de ces quartiers » 2 (Ariella Masboungi ; 2005) Les politiques urbaines ont alors répondu par une série de mesures législatives intervenant directement sur le devenir des formes urbaines dites « sensibles ». Cependant, malgré un consensus sur la nécessité de transformation du tissu de la périphérie française, on remarque que les mesures mises en œuvre ont eu des orientations excluant la problématique sociale. Ici, hard & soft sont des concepts urbains qui très explicitement, indiquent quels sont les types d'orientations mises en œuvre pour changer la configuration urbaine, le fonctionnement et l'organisation de la ville : le dur, le spatial ; le mou, le ponctuel, la petite échelle d'intervention. « Dans ce travail d’ajustement des distances, d’organisation des espacements, l’urbaniste dispose pour sa part d’une boîte à outils diversifiée, avec du hard et du soft : l’urbanisme visible de la localisation des activités, du maillage des infrastructures, de la structuration des espaces ; l’urbanisme invisible des flux économiques, des réseaux sociaux, des pratiques et représentations des citadins, des coûts des services publics, des temporalités, des vitesses. Modifier les tarifs d’une ligne de bus, homogénéiser le mobilier urbain sur un territoire spécifique, créer une conciergerie d’entreprises, dessiner l’emprise d’une trame verte…, c’est transformer des cartes mentales. » Jean Marc Hoffner (directeur agence d'urbanisme bordeaux métropole aquitaine) ; 2013. Ainsi, nous allons voir quelles furent les évolutions et les enjeux de la transformation urbaine dans les périphéries des grandes villes françaises, et plus particulièrelent des grands-ensembles. 1 2
Cornu Marcel ; 1977 Libérer la ville ; Bruxelles, Casterman ; p 60 Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
Partie 1
A/ Les transformations du grand-ensemble français Après l'enthousiasme vient la déception, le patrimoine bâti constitué par les parcs HLM est remis en question. Effectivement, les réhabilitations lourdes en milieu existant dans le cadre du Fonds d'aménagement urbain (FAU), ont requestionné le grand ensemble en tant qu'habitat hygiéniste, et ont même requestionné la légitimité des ces formes urbaines dans le tissu urbain. Dès les années quatre-vingt, le malaise des grands-ensembles devient flagrant, et les habitants des quartier revendiquent le droit à un cadre de vie décent, dénonçant alors une ségrégation. Successivement, des séries de mesures ont changé le paysage urbain de la banlieue, et notamment la forme urbaine des grands-ensembles , en altérant son architecture, ses espaces publics, en changeant ses habitants. Depuis la remise en question de la performance de cette forme urbaine, des réponses sociales et spatiales ont émergé, et l’apparition de la politique de la ville semble venir requestionner la ville moderne, notamment avec la notion de renouvellement urbain dans les années 1980.
« Quelques hypothèses sur les « maladies » dont souffrent certains quartiers ; 1. localisation : souvent séparée de la ville consolidée ou enclave au sein de la ville 2. Coupures urbaines : infrastructures, relief, coupures juridiques 3. Populations en difficultés et insuffisante maîtrise de l'attribution des logements. Concentration de familles dites lourdes et de population d'origine étrangère . 4. Absence de mutabilité. 5. Problèmes spatiaux : absence de limites entre espace public et privé, indifférence par rapport au site, mauvaise qualité architecturale et technique, rez-de-chaussée aveugles, différence avec le tissu dit ordinaire qui fait percevoir ces quartiers comme déshérités. 6. Problèmes économiques et sociaux : population sous qualifiée, chômage, familles monoparentales, déséquilibre des âges, problèmes de drogues, délinquance, etc... » 1 Ariella Masboungi ; 2005 Un hiver à Saint-Denis, 2010, Jean Christophe Bardot/bar Floréal Un constat prématuré sur la vetusté du parc de logement social français
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Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
Partie 1
1_ Historique du grand-ensemble et de la politique des « re » Les accumulations d'interventions sur l'existant, qu'on appellera ici les mots en « re » sont semblables dans leur finalité mais différentes au sens pratique. Réhabilitation, rénovation, reconstruction, renouvellement ont un sens commun, qui dans la pratique urbaine européenne se traduirait par le terme « urban regeneration » . Cependant ces termes renvoient à des modes opératoires différents. La réhabilitation serait une tentative de magnifier l'existant, lui accordant une seconde vie dans la même peau : « démontrer qu'un grand ensemble n'est pas un lieu négatif a priori relève d'une attitude positive visant à reconnaître ses particularités et les valeurs dont il est porteur ». 1 Ariella Masboungi ; 2005 La rénovation serait le moyen d'améliorer le cadre spatial et urbain de l'existant en agissant lourdement sur les équipement en les remplaçant. Celui ci englobe les principaux dispositifs spatiaux comme la réhabilitation, la destruction, la reconstruction, la restauration. La reconstruction est quant à elle, l'affirmation d'une politique volontariste et en faveur du renouvellement urbain, c'est à dire le changement, la transformation, la mutation de l'identité de l'existant. Ainsi, la destruction partielle ou totale de l'existant est prise en considération voire même souhaitée fortement. La politique des mots en « re » est avant tout tourné sur des problématiques appartenant au « hard », l'espace étant le premier outil de transformation urbain. Ceci amène à constater que la question de la transformation des quartiers sensibles est avant tout perçue comme spatiale avant d 'être sociale. Nous allons voir que l'abandon progressif du grand-ensemble comme modèle urbain a amené successivement les politiques de réhabilitation, puis de destruction dans le contexte du renouvellement urbain en France : • Réhabilitations / Banlieue 89 : En 1981, parallèlement à une orientation politique de la ville visant à réhabiliter les grands-ensembles, une mission interministérielle charge Roland Castro et Michel Cantal-Dupart, déjà associés sous le nom de « banlieue 89 », d’intervenir sur l’architecture des grands-ensembles dans le cadre d’un atelier de réflexion interdisciplinaire ayant pour visée d’améliorer l’urbanisme de banlieue. Le concept de Remodelage urbain entre alors en concordance avec les ambitions politiques de l’époque, en pleine reconsidération des potentiels urbains des centres historiques, et déjà déçues par les préceptes de la charte d’Athènes. Il consiste à valoriser le dispositif spatial et l’architecture des grands ensembles par ajouts et suppressions de volumes. Chargé d’une innovation architecturale, ce concept avait l’objectif de faire jouir les habitants d’une qualité d’habitat magnifiée par le geste architectural. Malgré les efforts fournis par ce groupe de recherche, les résultats restent anecdotiques aux yeux des professionnels, jugeant le projet détaché des attentes de la population :« Son caractère populaire et anti-technocratique, volontiers revendiqué et proclamé est donc plutôt trompeur, et ne saurait masquer que ce mouvement, piloté par des professionnels et des élus locaux, a très largement ignoré les habitants, et la société civile en général »2
1 • 2
Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005 David Leyval, La banlieue , l’épreuve de l’utopie ; Publibook, coll : sciences humaines et sociales ; 2009.
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Partie 1 • Ministère de la ville / Loi LOV / GPV / ZUS : Dans la continuité des premières associations ou groupes d’études sur l’urbanisme de la périphérie, le ministère de la ville, créé lors du second mandat de François Mitterrand, est créé en 1990, porté à l’époque par Michel Delebarre. Ce ministère se focalise sur les problématiques urbaines de la banlieue, et ainsi institue les ateliers « projet urbain », mêlant les acteurs de l’aménagement urbain autour de la question du développement de la ville. Ces groupes ont pour l’ambition de produire des nouvelles pistes de recherche dans la production de la ville après le modernisme. Les mesures prises par le ministère de la ville recoupent les secteurs de l’emploi, de l’éducation, de la sécurité, et ce qu’on appelle « légalité des chances » à travers une loi emblématique : la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 (loi LOV). Celle ci s’articule avec le code de l’urbanisme et celui de la construction en particulier. Le comité interministériel des villes lance plus tardivement en 1999 (gouvernement Jospin, J.P. Chevènement au ministère de la ville) les GPV , outils urbains, contractuels et financiers, afin de répondre aux problématiques spatiales des sites défavorisés pour lesquels les DSQ et les contrats de ville (créés en 1989) ne parviennent pas à trouver une solution. Ces GPV marquent le début d’une reconquête urbaine de la banlieue à travers des interventions lourdes, basées sur la démolition quasi systématique des bâtiments qui présentaient des symptômes de vieillissement prématuré, et ont pour but de réinsérer les quartiers alors devenus ZUS (zone urbaine sensible : loi n°96987 14 Novembre 1996) dans le tissu de la ville. Les outils de transformation de ces sites sont la création des ZRU et des ZFU, au niveau contractuel et juridique, et dans le champ de l’urbanisme, la modification de la trame viaire et l’ajout de nouveaux équipements sont les principaux instruments au service du désenclavement.
• Loi SRU /ORU / PNRU : Dans la continuité de ce qu’annonçait le GPV dans la définition d’une mixité sociale dans la rénovation urbaine, le gouvernement fait voter la loi SRU du 13 décembre 2000. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ou loi Gayssot, constitue un bouleversement majeur dans l’urbanisme en remplaçant les documents d’urbanisme de l’époque par des nouveaux outils juridiques intégrant la notion de mixité dans l’occupation du territoire et l’aménagement urbain. Ces modifications profondes de l’urbanisme français s’accompagne de nouveaux outils de rénovation urbaine tels que les Opérations de rénovation urbaine (ORU), dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi Borloo du 1er Aout 2003), contrôlées par l’ANRU. L’agence nationale pour la rénovation urbaine assure la mise en œuvre de ces ORU et leur financement dans le cadre du PNRU, le programme national de rénovation urbaine. Ce programme permet d’avoir une cohérence au niveau national et de garantir aux EPCI de bénéficier des financements pour pouvoir agir localement dans le cadre de la rénovation urbaine. Ainsi, la succession de ces mesures urbaines met en évidence un besoin de changer conjointement le cadre urbain et les objectifs sociaux, mêler «hard» et «soft», pour pouvoir répondre à la problématique de la banlieue, devenue un territoire véritablement marginalisé. Nous remarquons que la majorité des acteurs du renouvellement urbain suivaient
une directive commune dont les maîtres mots sont la densité, la mixité...
2_ Des objectifs communs aux acteurs de la rénovation urbaine et définis par le PNRU: la poursuite de la transformation spatiale Parmi les directives explicités sur le site web de l’ANRU, quatre thématiques ont été abordées et constituent des modèles de développement urbain actuels :3 diversification : Le modèle uniforme que représente le grand ensemble est synonyme de malaise pour les français. La multitude de typologies et de formes urbaines permet en effet de renforcer le caractère urbain de la périphérie, la diversité étant le caractère le plus intrinsèque à la ville selon les urbanistes. « L’idée est d’inventer la ville d’aujourd’hui et de demain qui doit apprendre à maîtriser la diversité des architectures. Si vous avez des avenues avec des immeubles lisses, tout devient froid alors que dans un paysage varié, le « lisse » devient un joyau. Je crois en cette complexité et cette saveur. Effectivement c’est plus facile de se dire « on fait tout pareil », mais j’encourage la diversité. » 4(Christian de Portzamparc ; 2009) mutabilité du foncier : Dans la continuité de cette diversification de l’architecture et de la forme urbaine, l’idée que la ville doit se régénérer automatiquement est défendue par les urbanistes français et notamment à travers une analyse plus poussée sur les problèmes que constitue la gestion des grands-ensembles. Le découpage parcellaire est mal identifié et les propriétaires fonciers, à savoir les bailleurs sociaux, se partagent les unités de voisinages sans que les habitants n’aient le pouvoir de contester. Cette crainte de l’unité administrative et financière à l’échelle d’une opération immobilière a effectivement sonné la tirette d’alarme chez certains architectes urbanistes comme Jacques Lucan sur le cas des nouveaux projets urbains comme Boulogne-billancourt et ce qu’il appelle le «macro-lot» Désenclavement : L’action de l’ANRU a pour but d’empêcher les formes de relégation urbaine et sociale dans certaines zones urbaines. Les grands-ensembles témoignent du malaise que connaît la banlieue, à la fois lieu de grande diversité sociale, notamment en accueillant de grandes communautés étrangères, et lieu de ségrégation, dans lequel toutes les catégories défavorisées ont été accueillies. Ces populations subissent un isolement par rapport aux populations plus aisées regroupées dans les centre-villes, notamment au niveau de la desserte en transport, des équipements présents sur place. La rénovation urbaine tente d’analyser les besoins des habitants de ces zones défavorisées, et d’y répondre par des projets urbains ou d’aménagements adéquats. Mixité sociale : Dans le but de redonner un second souffle a la banlieue, les mesures prises par l’ANRU sont de renforcer la mixité dans le parc de logement social. En effet, cette mixité sociale prônée par les urbanistes a pour but de sortir de la logique d’introversion, d’enclavement des zones urbaines sensibles, en introduisant des nouvelles catégories de populations, et permettre de créer un dynamisme économique et social dans ces zones. A travers ces objectifs, nous remarquons que la forme urbaine du grand-ensemble est déjà jugée comme contraire à l’idée du durable que défend l’ANRU, notamment 3 4
Voir: site web de l’ ANRU Edito Bâti-actu, Octobre 2009 «j’encourage la diversité» C. De Portzamparc
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par la prépondérance des réponses sociales apportées par l’agence. Contrairement à ce que proposait le projet banlieue 89 à l’époque des réhabilitations des grandsensembles, la spatialité n’est plus le seul moyen de traiter la question des espaces sensibles, le social semblant être un paramètre qu’il faut introduire dans le projet urbain. La création des CUCS, contrats urbains de cohésion sociale, parallèlement à l’ANRU dans le cadre de la loi Borloo, permet de constituer le volet social de la rénovation urbaine, le spatial étant le travail réservé pour le PNRU. Aménagement urbain, réhabilitation , résidentialisation , démolition/reconstruction sont des exemples de pratiques urbaines liées à la rénovation urbaine qui ont pour but de favoriser une mixité sociale et un désenclavement des grands ensembles. Nous allons voir que les politiques urbaines sont effectivement favorables à des transformations spatiales lourdes en banlieue : « (…) C’est bien entendu la palette de l’ensemble des modes d’interventions (réhabilitation, restructuration, résidentialisation, construction ou reconstruction, réagencement des espaces publics …) qui doit être utilisée en fonction des caractéristiques de chaque quartier. » 5 Jean Louis Borloo, ancien ministre de la cohésion sociale ; 2005.
« De l’avis de beaucoup d’observateurs, le « soft » est en retard sur le « hard », décalage que met en évidence, par contraste, la dynamique lancée avec la création de l’ANRU. » 6 Jean Frébault, président de la 5e section du conseil général des Ponts et Chaussées ; 2005 « Faire des quartiers en difficulté de vrais quartiers de ville, et de populations aujourd’hui marginalisées des citoyens à part entière, telles sont les ambitions du programme national de rénovation urbaine. Il ne s’agit guère de stigmatiser les grands-ensembles sous prétexte que cette forme urbaine serait à bannir, ni d’ignorer l’attachement des habitants à des quartiers qui font partie de leur histoire, de leur culture, de leur vie sociale et de leur ancrage dans la société. Mais il faut réparer de lourdes erreurs et porter remède à de graves dysfonctionnement pour agir en faveur de l’équité urbaine et sociale en refusant les coupures urbaines, l’environnement médiocre et l’absence de qualité d’une certaine forme d’habitat et d’urbanisme. »7 Jean Louis Borloo, ancien ministre de la cohésion sociale ; 2005.
5 6 7
Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005 ibidem ibidem
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L’avis semble partagé par une majorité de concepteurs, aussi voulons nous comparer les points de vue de professionnels de la construction à celui de l’ANRU. Nous allons voir non exhaustivement que la plupart des avis sur la question de la banlieue rejoint l’idée de la transformation spatiale des quartiers sensibles. Ici Jacques Lucan exprime le caractère mutable des espaces libres des grands-ensembles français dans une interview donnée à la revue Ecologik en décembre 2012: « Ils [les espaces extérieurs des grands-ensembles] ont d’abord la qualité d’êtres souvent vastes, les bâtiments pouvant être très éloignés les uns des autres. Cela n’est pas nécessairement ressenti comme positif par les habitants: pour eux, c’est plus souvent une vacuité peu rassurante qui l’emporte que l’impression d’être dans un jardin ou un parc comme les tenants de l’urbanisme moderne l’imaginaient en leur temps. Cependant, cette vacuité offre ou devrait offrir des possibilités de transformation et de construction. Si pour répondre à des exigences de développement durable, l’étalement spatial des conurbations doit faire place à leur densification, il est probable qu’il faille investir les grands-ensembles de qualités urbaines»1 Jacques Lucan; 2012. De même, François Tomas , Jean Noël Blanc et Mario Bonilla livrent un bilan optimiste quant à l’avenir de la banlieue en mettant en évidence qu’il est obligatoire de traîter la question sociale: «Si l’on veut vraiment leur (grands-ensembles) donner une nouvelle chance, il faut certes, les faire évoluer urbanistiquement et architecturalement lais en leur donnant la diversité sociale qui a été la leur vers la fin des années soixante»2 Ainsi nous remarquons de la part de la majorité des acteurs professionnels de la rénovation urbaine que les grands-ensembles français sont encore un terrain d’étude important pour la transformation de la périphérie. Nous en déduisons aussi que malgré les nombreux essais de modifications spatiales des grands-ensembles, il subsiste un réel problème social dans la banlieue française. De ce fait, nous pouvons dire que le grand-ensemble a pu accepter les transformations spatiales successives de la politique de la ville, et que pourtant le cadre social n’a pas pu être amélioré. Ceci constitue un argument de poids pour le travail de l’ANRU, légitimant la démolition d’une grande part de cet urbanisme, jugé inadéquat, inapproprié au contexte durable de la ville contemporaine. Cependant il apparaît, malgré un certain consensus sur l’urgence de transformation de la banlieue, que cette notion de changement est encore discutée. En effet, le levé du tabou sur la démolition des grands-ensembles français depuis la création de l’ANRU a entraîné la destruction admise et défendue par les politiques urbaines d’une part importante de grands-ensemble dans le parc de logement social français, pour pouvoir équilibrer les quotas en logement social à l’intérieur des centres urbains. Ceci inquiète un bon nombre des professionnels de la conception, notamment des grands noms de l’architecture et de l’urbanisme contemporain français, car il apparaît que l’ANRU est un dispositif coûteux. De ce fait, la légitimité de la destruction de ces logements sociaux pose problème car dans un contexte de crise économique et de crise du logement, l’argument du gaspillage de ressource est légitimement avancé. 1 2
Jacques Lucan, Ecologik 2012 François Tomas, Mario Bonilla, Jean Noêl Blanc ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publica-
tions de l’université de Saint-Étienne 2006
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B/ Les enjeux urbains et métropolitains soulevés par les potentiels du grand ensemble français « L'enjeu est clair : sommes-nous encore capables de contribuer modestement au développement des villes, c'est-à-dire non seulement d'étendre les territoires urbanisés et d'accroître le nombre de bâtiments mais de continuer à proposer aux habitants un cadre susceptible de s'adapter aux changements de modes de vie et aux modifications économiques ? Ou verrons nous se perpétuer les dysfonctions et les problèmes issus des urbanisations récentes ? Devrons nous à nouveau démolir dans quinze ans les logements construits aujourd'hui ou reconvertir à grand frais des équipements inutiles avant d'avoir été achevés. […] en d'autres termes que nous avons encore à tirer des leçons de cette expérience, et que face aux échecs de l'urbanisme moderne il est plus que temps de [la ville] s'en inspirer. » 1 Phillipe Panerai, David Mangin, Jean-Charles Depaule ; 1999. La question de « l'échec » de l'urbanisme moderne énoncée ici doit inspirer la nouvelle génération d'architectes sur les conséquences d'un urbanisme planifié, et interroger la validité du caractère immuable des formes construites hier par rapport à celles construites aujourd'hui. Est il vraiment pertinent de condamner la forme urbaine du grand-ensemble alors que les travaux de la rénovation urbaine dans le cadre du PNRU commence à éprouver des difficultés de résultat notamment dans les objectifs sociaux escomptés ?
1_ intégrer les GE dans un espace urbain partagé : potentiels de l’espace libre des grands-ensembles. Dans les principales critiques adressées aux grands-ensembles, la question de l’espace public semble être une problématique difficile à solutionner, tant cette notion renvoie à l’identité du quartier et de la mémoire du lieu. Les opérations de rénovation urbaine ont une fâcheuse tendance à vouloir créer des nouveaux pôles urbains à l’intérieur du tissu des ZUS, et ce, en dépit de l’existence de lieux déjà appropriés par les habitants. Cependant, l’aménagement urbain a su montrer plusieurs fois à travers des opérations emblématiques, depuis la création des ateliers « projet urbain » et des GPV, que l’espace public pouvait être une solution au désenclavement de certaines zones sensibles.
L’espace public et l’espace libre : quelles distinctions ? La quantité d’espace « libre » dans les anciennes ZUP est complètement démesurée par rapport à celle qu’il existe dans le « tissu constitué » de la ville traditionnelle. Autrefois critiqué parce que cet espace de la ville traditionnel était trop étriqué pour pouvoir accueillir des usages dépassant le cadre de la ville, en particulier celui de la mobilité moderne symbolisée par la voiture, les qualités spatiales qu’il offre sont aujourd’hui recherchées dans la rénovation urbaine, proposant une échelle suffisante pour un rapport de proximité entre les habitants. Ici l’espace libre est un espace public géant mais complètement infertile en urbanité et donnant lieu à une relégation dans les quartiers aujourd’hui classés en ZUS. L’incompréhension des habitants par rapport aux potentiels de cet espace libre les condamne à s’exclure 1
Phillipe Panerai, David Mangin, Jean-Charles Depaule; Projet urbain; 4e de couverture; ed Parenthèses; 1999
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d’une logique d’appropriation comme elle existe dans la ville traditionnelle. Une grande partie des concepteurs, auxquels s’ajoutent une majeure partie des sociologues français, s’accorde à dire que les espaces libres sont résiduels et sousinvestis. David Mangin avance l’argument de l’abandon de la rue traditionnelle dans cet espace, à la fois zone d’échange et d’activité commerciale dans la ville «ancienne», et la violence des grandes voies rapides, source d’enclavement des quartiers: « Ce découpage (zonage/voirie) physique atomise la pratique quotidienne de la ville. Il engendre de véritables phénomènes de relégation interne pour les habitants, une « double peine » urbanistique en quelque sorte. Déjà soumis aux nuisances introduites par la voie rapide, ceux ci se voient, par surcroît, écartés du centre ville et de ses services par des infrastructures rendues quasi infranchissables pour cause de priorité à la vitesse, ou par de grandes enclaves à contourner avant d ‘accéder aux transports collectifs et aux équipements publics »2 David Mangin ; 2004 Dans l’ouvrage Les espaces libres, atouts des grands ensembles , les auteurs affirment que l’espace public du grand-ensemble semble trop vaste pour y introduire des usages à l’échelle de l’habitat, et subit une problématique d’identification de son statut par ses usagers : _« Il n’y a pas de repère, pas de lisibilité. L’espace public, l’espace privé sont indéfinis » 3 Damien Falque, responsable d’agence à Vaulx-en-Velin ; 2005. _ « C’est un joli paysage mais personne n’éprouve le besoin d’y faire quoi que ce soit » 4 Michel Roz ; 2005.
La question de l’interaction entre l’habitant et l’espace de rencontre. Les interventions sur ces espaces peuvent prendre des formes différentes dans la mesure ou elles dépendront des contextes et de l’environnement dans lesquels elles viendront s’insérer. La création de nouveaux usages dans la périphérie est alors complémentaire à la question de l’espace public , l’interaction et les échanges entre les habitants étant alors complètement dépendants de ces espaces à muter. Faire interagir, que ce soit dans l’utilisation ou bien dans la conception, l’usager est au centre des prérogatives. Ces qualités spatiales qu’offrent l’espace libre des grands-ensembles ont eu pour effet de créer des usages spécifiques dans le territoire de la périphérie. « Démolir sans avoir la conviction absolue que le lieu va changer vraiment de nature soit par sa mixité sociale, par ses activités ou ses équipements , n’est pas une solution »5 Alain Sarfati ; 2005. Les apparitions de jardins ouvriers et de potagers sur le parvis végétalisé d’une barre symbolise l’autonomie spontanée et imprévue que fait naître cet espace imprécis. Le caractère symbiotique que prend la relation entre l’habitant et le sol est significative de la place qu’a pris l’habitat collectif des années cinquante et soixante dans la mémoire des habitants. Ainsi les aménagements doivent prendre en compte ce caractère assez sauvage de l’appropriation de l’espace en banlieue et valoriser certains aspects à défendre à travers la palette des interventions de la rénovation urbaine : 2 David mangin; La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine; éd de la Villette; 2004 3 Yves Moutton, Hélène Hatzfeld ; Les espaces libres, atouts des grands-ensembles; ed du certu; 2005 4 ibidem 5 ibidem
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« Par une diversité de processus de transformation, transposition, ajout, innovation, se constituerait ainsi une boîte à outil particulièrement adaptée à ces espaces » Yves Moutton, Hélène Hatzeld ; 2005.6 La mutation possible de l’espace libre serait alors le moyen d’introduire un dialogue entre la rénovation urbaine et ceux qui subissent la politique de la ville depuis qu’ils habitent dans les grands-ensembles. Les enjeux qui étaient initialement défendus par l’ANRU dans la question de l’espace public du grand-ensemble étaient d’établir un retour à un usage urbain de ces espaces libres et de réintroduire la diversité et la mixité sociale. Cependant le terme de mixité sociale divise car au sens strict du terme, cette diversité existe dans les quartiers ZUS, dans lesquels les plus grands creusets français s’établissent. La mixité sociale serait donc une mixité économique ? En tout cas l’espace public est avant tout le lieu de représentation des pouvoirs de la politique urbaine dans le renouveau urbain, et de valorisation du territoire. Cet espace public sur-dimensionné et enclavant le quartier dans lequel les grandsensembles s’érigent, en abstraction avec le sol, paraît pourtant précieux à l’heure ou l’étalement urbain est également critiqué et certaines thèses d’architectes comme celle défendue par Rem Koolhaas, annoncent la fin d’un distinguo entre la périphérie et la ville -centre : « Nous posons que les espaces libres [des grands-ensembles] comportent des aspects positifs en eux-mêmes Cette hypothèse est fondée sur un changement de regard : une contrainte ou un manque peuvent être perçus comme un atout. Ainsi en est il de la grande dimension, de l’apparence vide ou de l’absence de limites qui peut se révéler des qualités par la liberté, par la plasticité qu’elles offrent »7 Yves Moutton, Hélène Hatzfeld ; 2005
Intervention sur l’espace libre d’un grand-ensemble, équipe Bernardo Secchi et Paolo Vigano pour le Grand-Paris, 2008
La possibilité d’introduire des nouvelles fonctions introduit la notion de mutabilité de Grand ensemble
6 Yves Moutton, Hélène Hatzfeld ; Les espaces libres, atouts des grands-ensembles; ed certu ; 2005 7 ibidem
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2_ interventions sur la forme : de nouvelles typologies d'habitat ?: L'expérimentation sur l'espace public permet de recréer un lien social estimé perdu depuis la déshérence des ZUP. Cependant nous remarquons que ce qui constitue l'essence de l'urbanisme moderne dans la banlieue française est la question du logement. Effectivement, le mot logement ici reflète bien la politique de la reconstruction, rationaliste et quantitative, dans laquelle l'échelle de l'habitat et de l'usage urbain a été supprimé : la rue corridor, la maison individuelle, la placette, sont les tabous de l'urbanisme moderne. Les grands-ensembles ont été construits dans un idéal qui privilégiait le rapport à l'homme et au paysage, la parcelle et la rue étant des artefacts de la vieille ville, source de congestion et impropre à l'épanouissement de l'homme moderne. Tout collectiviser, et tout géométriser a été le paradigme de la reconstruction : « la restriction des espaces de statut privé et son corollaire l'éloge des espaces libres, le refus des attributs emblématiques de la ville historique – la rue et son alignement d'immeubles, le centre ville – structurant l'organisation des grands-ensembles. »1 Yves Moutton, Hélène Hatzeld ; 2005. La conséquence sur l'habitat a été celle de l'édification de superstructures déconnectées du sol, aux dimensions trop puissantes pour pouvoir en faire un habitat à l'échelle humaine, et qui négligent la sphère privée des habitants . Cependant, certains architectes revendiquent de plus en plus les qualités architecturales de ensembles collectifs du modernisme et adoptent un parti architectural a contre-courant du PNRU. La réhabilitation étant inscrite dans le cahier des charges de l'ANRU, des groupes de concepteurs proposent la transformation de ce patrimoine sans aucune démolition, l'argument économique et écologique étant des valeurs inscrites dans une démarche durable.
+ « plus » : Jean Phillipe Vassal, Anne Lacaton, Frédéric Druot. Dès 2004, le groupement Druot/Lacaton/Vassal fait émerger l’idée que le bâtiment du grand-ensemble peut servir de support à un travail de réhabilitation lourde permettant de récupérer des surfaces de manière économique et permettant de conserver l’identité du lieu. En effet le contexte de la pénurie de logements en France incite à réfléchir sur la légitimité d’un plan national destiné à la destruction du quart du parc de logement social, et de concevoir un urbanisme durable permettant le réemploi de l’architecture existante dans une démarche de mutabilité. L’argument principal énoncé par le groupe est que la norme du logement social actuel réduit la surface des logements au profit d’une économie dans la reconstruction de bâtiments neufs, tandis que la proposition du groupe permettrait la récupération d’espaces inexploités dans des bâtiments voués à la démolition. Les qualités d’espaces offertes seraient ainsi supérieures à celles proposées dans le cadre de la reconstruction-démolition du PNRU. « Offrir des surfaces de logements 2 fois plus généreuses et baignées de lumière naturelle, offrir des typologies diversifiées et hors normes, des facilités de services et d’usages, considérer la qualité des intérieurs et des espaces communs comme préalable à la qualité urbaine sont des objectifs contemporains. »2 Anne Lacaton, Jean Phillipe Vassal, Frédéric Druot, 2004 L’exploitation des potentiels existants est l’enjeu du travail de ces architectes. 1 2
Yves Moutton, Hélène Hatzfeld ; Les espaces libres, atouts des grands-ensembles; ed du Certu; 2005
Anne Lacaton, Jean Phillipe Vassal, Frédéric Druot, «+»: PLUS - Les grands ensembles de logements - Territoires d’exception; ed: Gustavo Gili; 2007
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Remodelage urbain : Castro-Denisoff : L’association Banlieue 89 créée en 1981 par Roland Castro et Michel Cantal Dupart, qui devint ensuite une mission interministérielle en 1983 s’est attachée à améliorer le cadre de vie des habitants de grands-ensembles choisis par la mission à travers des interventions architecturales sur le bâti. La particularité du groupe est la problématique sociale initiale s ‘attachant sur l’objectif de faire une « révolution en banlieue » et de recréer une cohésion sociale dans les espaces de la périphérie, déshérités. Le principe de remodelage urbain est alors un concept inventé par Roland Castro qu’il développe dans un livre « (re)modeler, métamorphoser », qui consiste à transformer l’architecture de manière affirmée des grands-ensembles afin de changer l’image qu’ils dégagent. L’argumentation est la suivante : «l’ambition affichée est de prendre, chaque fois que possible, le contre-pied des options radicales et traumatisantes que sont les destructions. Plutôt qu’ « éradiquer (...) recomposer, restructurer, recoudre…»3 Agence Castro-Denissof; 2013 Ainsi, le vut de l’opération est la valorisation de l’existant par l’architecture, afin de recréer un cadre de vie agréable pour les habitants et sortir du malaise social que représentaient les barres d’immeubles et les tours du modernisme. Le concept de remodelage urbain déjà entrepris lors de la mission Banlieue 89 et a permis de conserver l’identité du lieu tout en améliorant l’image véhiculée par cet urbanisme décrit comme violent par le coupe Castro-Denissof : « A « démolir reconstruire », Sophie Denissof et moi préférons « reconstruire avant de démolir ». Le remodelage est un travail impressioniste qui s’appuie sur l’architecture pour créer de l’urbain. Le sentiment de dignité s’améliore quand on habite quelque part et non dans le même machin que tout le monde. »4 Roland Castro ; 2005.
Perspective du remodelage de la barre Balmont à la Duchère, Atelier Castro-Denissoff, 2008 L’idée d’un changement d’image du grand-ensemble à travers son architecture
3 4
Descriptif de l’ouvrage (re)modeler, métamorphoser sur le site de l’agence Castro-Denissoff. Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
C/ La tour Bois-le-Prêtre : intervention par les Architectes Frédéric Druot, Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal. Nous allons voir que le grand-ensemble peut-être un support à l’expérimentation urbaine et architecturale et constitue dans certains cas une réponse à des enjeux urbains et sociaux liés à la crise du logement, et une alternative au déploiement financier colossal que représente le PNRU Dans la publication de « + », le recueil des concepts et propositions architecturales établis par les architectes, nous allons nous rendre compte que leur attitude face au grand-ensemble n'est pas inscrite dans une nostalgie et une apologie de l'esthétique de ce modèle urbain, mais semble porter sur les aspects que l'ANRU déplore dans ces constructions, et tente de constituer une alternative à la démolition reconstruction en généralisant la théorie que la réhabilitation est à coup sur, plus économique, plus écologique et plus sociale. Ce recueil propose de repenser la forme telle qu'elle est, mais de l'améliorer, de lui donner un plus, grâce à des interventions localisées et stratégiques. Nous remarquons que spatialement, les interventions répondent à chaque problématiques pointées du doigt par la rénovation urbaine : les qualités spatiales des logements, le traitement des sols et des RDC, l'insertion urbaine et les échelles de proximité, sont tour à tour, analysées et améliorées . En effet, ces interventions ne mobilisent pas de destruction, seulement des ajouts, et permettent d'effectuer les travaux dans des édifices occupés, et permettent de réaliser des économies véritables dans le prix du mètre carré. Nous allons voir comment dans un contexte bien réel, les enjeux et les souhaits dégagés par le groupe « + » ont été mobilisés et mis en pratique pour pouvoir corriger sans destruction, un immeuble habité, en passe d'être démoli.
La tour Bois -le-Prêtre, avant / aprés, Book Frédéric Druot_2011 La recherche d’une mutabilité de l’architecture.
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La question du logement: La base de la notion de « l'habiter » « la conservation et la mise en évidence au cas par cas des capacités structurelles, géographiques et spatiales de ces grandes constructions afin d'opérer un bouleversement des dispositifs d'habitation actuels.. (…) 1. Offrir des surfaces de logements deux fois plus généreuses et baignées de lumière naturelle, 2. Offrir des typologies diversifiées et hors norme 3. Offrir des facilités de service et d'usage 4. Considérer la qualité des intérieurs et des espaces communs comme préalable à la qualité urbaine 5. Faire de l'économie le vecteur de cette qualité »1 quatrième de courverture de « + ». Contrairement aux approches de la rénovation urbaine, le point de départ de la proposition des architectes Druot, Lacaton, Vassal, est celui de partir du logement pour arriver à l'urbain, se positionnant à contre-courant de l'attitude généralisée actuellement qui consiste à faire l'impasse sur le parc de logement des années 50 jusqu'à soixante-dix. En effet, l'impératif de mixité sociale défendu par l'ANRU et le déni du potentiel architectural des logements construits à cette époque, est la base de cette idée de résistance des architectes du groupe « + » : les objectifs sociaux de la rénovation urbaine sont trop flous et leurs résultats sont difficiles à évaluer. La tour Bois-le-Prêtre est située dans le 17e arrondissement de Paris, à la frontière avec Clichy, et est un immeuble construit en 1962 par Raymond Lopez. Ayant déjà subit une opération de réhabilitation en 1990 par le BET TecTEAM, cette tour n'est pas un grand-ensemble à proprement parler, mais constitue une référence des opérations proposées et projetées par le groupe « + » . En effet, cette tour s'inscrit dans la même mouvance moderne que ses consœurs de la périphérie parisienne, avec un abandon de l'alignement, une orientation déconnectée du contexte urbain mais orientée Nord/sud (avantage énergétique certain dans un contexte actuel de recherche de performance thermique) avec un immense espace libre occupé par un parking. Dans le cadre d'une grande opération de renouvellement urbain (un GPV dans le cadre de la rénovation urbaine) de la porte Pouchet, un concours pour la réhabilitation totale de la tour est lancé par l'OPAC de Paris. Les architectes invités sont : Architekturbüro Halle, Atelier Philippe Madec, Atelier Castro-Denissof-Casi, Tania Concko architectes urbanistes, Dominique Perrault Architecture. Le but initial du concours était de donner une qualité urbaine au quartier grâce à la réhabilitation de la tour, mais l'équipe lauréate a tourné son avantage à une mise en pratique du recueil « + » et l'argument économique a prévalu sur l'argument urbain. Pour déterminer les besoins des habitants, une mission de concertation a été faite par les maîtres d'ouvrages, au cours de laquelle les questions des gains d'espace ont permis à la maîtrise d’œuvre de créer à la fois une nouvelle modénature de façade et de recréer de nouvelles typologies du T1 bis au T7. Mais l'essentiel du projet 1
F.Druot, A.Lacaton, J.P.Vassal; «+» les grands ensembles de logements sociaux, territoires d’exception; ed: Gustavo Gili; 2007
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provient de l'ajout de jardins d’hiver de 16 à 33 m², prolongés par des balcons de 6 à 18 m² aménagés devant les façades Est et Ouest . Chaque appartement gagne en effet une superficie supplémentaire de 20 à 60 m2. Ce confort de vie ajouté permet à la fois une régulation thermique de l'enveloppe et une ouverture vers l'extérieur grâce aux logias/ balcons.
Schéma d’intention, Book Frédéric Druot_2011 Simplicité du dispostif contructif et technique et nouveaux usages projetés en façade.
Ce qui prévaut dans l'opération de la tour Bois-le-Prêtre est avant tout la qualité spatiale apporté dans le projet initial. La mutation de l'existant comme préalable est durable, car elle n'entraîne pas de destruction tout en permettant le changement de l'usage : 3650 m2 de SHON ont été ajoutés à un édifice qui en faisait 8900. « La construction de ces ensembles immobiliers a permis de métamorphoser les conditions de logement de milliers de gens et garanti le passage d’un état d’insalubrité à un état de décence. Quarante années plus tard, la décence ne doit pas être un maximum. Le logement doit avoir comme objectif le plaisir d’habiter et non plus sa mise en attente, trouver les correspondances simples avec des besoins sociaux et familiaux contemporains, être une facilité pour les habitants. » 2 Frédéric Druot ; 2004.
Plan d’intervention Book Frédéric Druot_2011 Plus du tiers de la superficie initiale ajouté
2
Book Frédéric Druot, 2004
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La question énergétique et économique Ici, le positionnement économique permet aussi de peser dans l'argumentaire de la réhabilitation, car il est clair que selon le contexte, l'intervention ciblée permet de limiter le coût total de l'opération, d'autant plus que les objectifs du Grenelle environnement a fixé de ramener la consommation des bâtiments anciens à 80kwh/ m2 d'ici 2020. L'opération Bois-le-Prêtre est labellisée HQE, et n'a coûté que 11,2 M € ce qui par rapport à une démolition-reconstruction est très peu. Les matériaux tous préfabriqués (comme l'architecture du bâtiment initial) a diminué le coût total par rapport à une réhabilitation classique, ou le matériau est mis en œuvre sur le chantier. L'ajout sur la façade de ces modules, « pluggés » directement dans la dalle existante présentent deux avantages : « D'une part le seuil encastré permet d'amortir les tolérances de planéité des planchers existants. D'autre part, l'entrée d'air frais est discrètement positionnée en sous-face du cadre des baies. Ce dernier s'accompagne aussi de rails pour des rideaux épais, qui, outre leur rôle d'occultation, accroissent le confort thermique et acoustique » AMC n° 209-Oct 2011. Cependant la qualité escomptée n'a pas été évacuée par cette procédure, étant donné que « l’OPAC veut démontrer qu’en dépensant moins (100.000 € par logement contre les 170.000 € nécessaire à une démolition reconstruction) l’opération sera plus réussie que dans du logement neuf». (Françoise-Hélène Jourda ; 2004, AMO) Ainsi, plus qu'une opération technique de réhabilitation, le projet est récompensé par l'équerre d'argent par son caractère social, où le bilan énergétique est finalement réduit par le choix d'une intervention sur l'existant et par la mise en œuvre de procédés économes en énergie pendant le chantier, et des possibilités d'usages qui réduisent le risque de dépenses énergétiques par les habitants. La mutabilité est même déclinée dans l'échelle de la pratique de l'habitat dans lequel le fait de bouger un rideau, ouvrir une fenêtre va être un choix de l'usager qui déterminera sa propre consommation énergétique. L'architecture très simple et très neutre du projet laisse la place à l'appropriation par l'usager et laisse le libre arbitre dans l'utilisation des espaces rajoutés.
A l’intérieur des espaces tampons «pluggés» Book Frédéric Druot_2011 La recherche d’une qualité architecturale dans une architecture à l’image difficile
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Partie 1 Synthèse : L'opération de la tour bois-le-Prêtre change du carcan habituel démolition-reconstruction, et permet un véritable usage social à travers une intervention spatiale dont l'échelle ne concerne que le bâtiment, et non pas l'espace public. La politique de la rénovation urbaine est, malgré les chiffres qu'elle annonce en terme de réhabilitation par rapport aux chiffres des démolition-reconstruction, encore loin d'un respect de l'identité sociale du lieu. Ainsi, à travers une simple opération de rénovation, les architectes ont pu valoriser une architecture semblant perdue d'avance et lui donner une seconde vie grâce à une mutabilité spatiale qui se voit à travers l'échelle des espaces communs et du logement. Vue sur la Défense et la skyline parisienne depuis un des balcons ajoutés
Vue depuis les balcons Book Frédéric Druot_2011 Les dégagements et les points de vue offrent un spectacle rare dans la banlieue parisienne
Cependant, dans le contexte du grand-ensemble, la problématique sociale est aussi présente, et c'est face à cette question que les points de vues semblent s'éloigner : ainsi l'ANRU se positionne directement en tant que défenseur de la mixité sociale et pense apporter une réponse sociale via le projet urbain, en mettant en place des dispositifs spatiaux et des principes sociaux basés sur la transformation urbaine, la mutation du territoire. Le groupe « + » émet plus de réserve, pensant que l'échelle d'intervention est inversée : partir de la base de la ville, de ce qui constitue son échelle cellulaire, à savoir l'habitat, et plus particulièrement le logement. Considérer que le logement puisse répondre à des enjeux sociaux à l'échelle d'un quartier est le point de départ de ce travail condensé dans « + », et les enjeux de la mixité sociale peuvent intervenir directement dans l'immeuble en créant des typologies.
synthèse A travers l’histoire des transformations de la forme urbaine des grands ensembles et la mise en évidence des potentiels urbains et architecturaux qu’ils soulèvent, nous avons tout d’abord montré que le grand-ensemble est une forme qui a su s’adapter aux exigences urbaines de la politique de la ville, et qu’il reste encore un sujet d’étude actuel. Les outils de la transformation ont bien sur différentes échelles de mise en application et varient selon les cas dans lesquels on y a recours, mais agissent au service d’une adaptabilité de la ville, et ainsi constituent une introduction à la notion de mutabilité, suggérant à la fois l’économie de moyens et de ressources, mais aussi une spontanéité et un automatisme d’acceptation de la mutation réduisant les impacts sur la ville et ses habitants. Nous avons vu qu’il était nécessaire de recourir à une transformation de la forme urbaine des grands-ensembles et que la politique de la ville a manifesté très rapidement le besoin d’intervenir dans les ZUS. Cependant, les divergences concernant la mutabilité des formes urbaines héritées du modernisme semblent avoir divisé la communauté des différentes catégories de métiers de la conception et de la construction. Pour pouvoir se pencher sur la question de la mutabilité, et notamment dans la problématique de la rénovation urbaine et du grand-ensemble, il convient d’analyser toutes les relations que cette thématique entretient avec le développement durable.
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2/ La compatibilité des notions de «mutable» et de «durable» à travers l’étude du grand-ensemble intégré au renouvellement urbain
Depuis le début de la politique urbaine dans les années quatre-vingt, l'abandon de la planification se fait progressivement et la notion de développement durable apparaît dans les pratiques urbaines en France. En effet, la publication du rapport Brundtland en 1987, définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Les problématiques environnementales sont depuis très peu de temps, intégrées dans le processus de conception des architectes et ce à cause de l'arrivée tardive du débat sur l'écologie et la protection environnementale, notamment à travers des événements emblématiques tels que le sommet de la Terre à Rio en 1992, la création de l'Agenda 21, et la rédaction de la charte d'Aalborg en 1994. Ce concept se base sur la conciliation de l'économie, du social et de l'écologie, afin de trouver un équilibre entre ces trois enjeux déterminant la notion de durable dans tout projet et toute création humaine. La politique de la ville en France est inscrite dans cette démarche, pensant l'urbanisme sur le long terme et surtout en prenant en compte l'existant . Ainsi, l'amélioration urbaine des lieux qui présentent des symptômes d'un manque d'intégration, d'un enclavement, d'une relégation fait partie de la démarche du développement durable. La loi SRU (2000) définit des objectifs d’urbanisme durable applicable à un nouveau plan d’aménagement aux échelles nationales (DTA), régionales (SCOT) et urbaines (PLU). Le concept de mutabilité semble s'opposer étymologiquement à cette notion de développement durable, mais semble trouver un sens commun d'un point de vue urbain. Initialement introduit comme un outil de régénération du parcellaire, le mot mutabilité désigne pourtant un phénomène plus général qui se traduit par un concept de réutilisation suivant le principe de «la ville sur la ville». « S’inscrivant directement dans le volet foncier du renouvellement urbain en France, la mutabilité urbaine rejoint les orientations d’une ville plus dense et plus compacte, réutilisant ses espaces existants. »1 Lauren Andres , Béatrice Bochet ; 2007 « Ces dynamiques [mutabilité] font partie intégrante de l’histoire des villes, même si l’ampleur des transformations qu’elles impliquent reste extrêmement variable (Chaline 1999, Rodrigues Malta 2001)» 2 Bien qu'il ait une valeur intemporelle et universelle, l'introduction de ce concept dans la logique urbaine est récente et paraît encore jeune dans sa mise en application : « Alors que le référentiel de la ville durable a investi le langage scientifique et politique en matière de dynamiques territoriales, la question de la mutabilité peut, encore à l’heure actuelle, être considérée comme émergente »3. Aujourd’hui, les espérances urbaines d’un réemploi des territoires déjà exploités et d’une densification « intra-muros » en réponse à l’étalement péri-urbain, nouveau souffre douleur des urbanistes, amènent la périphérie urbaine en tant que premier lieu d’expérimentation des projets à vocation durable.
1
Lauren Andres , Béatrice Bochet ;La mutabilité à l’épreuve de la durabilité ou comment relire la réutilisation des territoires urbains délaissés sous le couvert de la ville durable. (essai), 2007
2 3
ibidem ibidem
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A/ Les processus de mutation et le principe de la mutabilité urbaine: L’ANRU définit le renouvellement urbain comme une composante spécifique de la thématique de la mutabilité. Cependant l’agence considère la mutabilité comme étant «l’aptitude des territoires à muter»1 et insiste sur le caractère urbain de ce concept nouveau: «La mutabilité est entendue à la fois comme probabilité ou la potentialité de mutation spontanée par le jeu du marché ou l’action de certains acteurs publics dans le sens d’une valorisation ou d’une dévalorisation, et comme le potentiel d’intervention de la puissance publique»2. De ce fait, la mutabilité urbaine serait le une composante du volet foncier de la politique urbaine nationale ou bien des EPCI. Ainsi le renouvellement urbain au sens de l’ANRU serait une mutabilité des espaces en «friche» initiée par les pouvoirs publics: «Ce qui distingue le renouvellement urbain de la simple évolution des tissus urbains est davantage, tel que le souligne O.Piron, Le fait qu’un ensemble d’acteurs aient collectivement acté la perte de valeur d’un territoire. [...] Le renouvellement urbaine est donc une forme spécifique de mutation dans laquelle la puissance publique est moteur et acteur principal» Cependant, le renouvellement urbain en France s’intéresse, dans la pratique urbaine depuis la fin des années 1980, à la mutabilité des espaces en marge, et est compatible avec la politique de la ville. Ainsi, la rénovation urbaine, plus récente, serait l’association des principes du renouvellement urbain et de la politique de la ville: «Plusieurs termes sont utilisés: recyclage urbain, régénération urbaine er renouvellement urbain entre autres. Des débats existent encore notamment sur les espaces concernés par le renouvellement urbain: certains auteurs considèrent que seules les friches industrielles sont à considérer, d’autres ont une approche beaucoup plus large incluant les quartiers d’habitat social, les copropriétés dégradées, les parc ancien de façon générale»3 Dans ce mémoire, l’hypothèse soulevée de la mutabilité des grands-ensembles ne se borne pas à l’étude des mécanismes foncier à une échelle métropolitaine car cela constitue un autre sujet d’étude plus vaste. L’objectif ici est d’établir que le concept de mutabilité peut prendre un autre sens si on le transpose au domaine de la conception architecturale. De ce fait nous considérons que toute construction a un caractère mutable, et que la mutabilité urbaine n’est pas le seul processus pouvant agir dans le sens de la rénovation urbaine.
1
Rapport: «Renouvellement urbain et mutabilité des tissus constitués»; L.Leblanc, M-C. Bézenech, M. Bourdarion, L.Boyre; Jan. 2004; observation de l’habitat et analyse des territoires
2 3
Ibidem Ibidem
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1°) Mutabilité urbaine et mutabilité architecturale Dans le cadre du mémoire, nous proposons d’utiliser le terme de mutabilité architecturale pour définir la mutabilité spatiale et/ou programmatique d’un ou plusieurs bâtiments. Nous allons maintenant essayer de proposer un lien entre les notions de mutabilité urbaine et de mutabilité architecturale. En partant du postulat que la mutabilité urbaine et un outil du renouvellement urbain se basant sur la facilité et la spontanéité des changements de statuts juridiques et économiques d’un lieu, posons que la mutabilité architecturale constitue une réponse efficace à des enjeux spatiaux. Plus précisément, nous voyons que le changement d’état du point de vue spatial, et/ou programmatique d’un point spécifique pourrait alléger l’intervention générale portée sur un lieu, et créer des économies de moyens et de temps. Ce principe peut s’apparenter à la politique spatiale des «re», sauf que nous considérons, à l’instar de la mutabilité urbaine, que c’est un moyen de réveiller des potentiels architecturaux et urbains d’endroits choisis, et non une politique générale. La démarche de développement durable est aujourd’hui incontournable dans toutes les échelles du renouvellement urbain en France, que ce soit dans les objectifs et dans les moyens. De ce fait, nous allons nous intéresser aux caractéristiques et aux critères constituant une piste de rapprochement entre les enjeux du développement durable et ceux de la mutabilité architecturale et urbaine: L’action de l’ANRU est décomposée actuellement en deux échelles décisionnelles: le PNRU exprime des objectifs nationaux chiffrés, en termes de moyens et de résultats pour la rénovation urbaine, tandis que les EPCI les appliquent localement. De ce fait, les terrains d’études, à savoir les ZUS, pour la mutabilité urbaine peuvent être les même que pour la mutabilité architecturale.
mutabilité architecturale, thématique du Grand-Paris, axonométrie schématique présentée par l’équipe AJN; J.Nouvel, J-M. Duthilleul (AREP), M. Cantal-Dupart; 2008
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2_ Quels sont les outils de la mutabilité des grands-ensembles ? Maîtrise du foncier ou mutabilité urbaine L'urbanisme de nos villes européennes anciennes est avant tout une accumulation sédimentaire de tissus urbains. Le plus souvent ce que l'on remarque dans la ville traditionnelle c'est le rôle de la parcelle, comme unité administrative et comme séparation directe entre l'espace public et l'espace privé. D'après ce constat, les architectes et urbanistes de la rénovation urbaine ont conclu que le retour à la ville traditionnelle était la solution pour la gestion du patrimoine foncier des ZUS. Effectivement, la division parcellaire du tissu urbain des anciennes unités de voisinage dont les bailleurs ne pouvaient assurer la gestion intégrale tant le découpage administratif était indéterminé, est préconisée actuellement dans les cahiers des charges de la rénovation urbaine. Cet outil, permet de faciliter le mécanisme de destruction-reconstruction, non pas dans le sens de ce que la rénovation urbaine dans le cadre de l'ANRU met en exergue, mais dans une vue plus générale qu'on pourrait qualifier vernaculaire. Ceci permet le mouvement perpétuel du tissu urbain, sa modification ponctuelle rendue possible grâce à un principe généralisé de constitution de la ville sur la ville. L'accumulation est ainsi le moyen selon la rénovation urbaine de créer du neuf, changer la configuration urbaine et d'installer des nouvelles typologies, donc de créer une mixité sociale. Cependant, l'ANRU applique le mécanisme de destruction-reconstruction uniquement dans le but de construire du neuf, et non dans un soucis d'adaptabilité de l'existant, dont la logique constructive et d'implantation est associée à des grands espaces, avec des bailleurs sociaux et non privés. Cela implique que l'existant est inapte à la rénovation urbaine et que son caractère immuable rentre en contradiction avec la durabilité souhaitée, illustrée par la spontanéité et la facilité d'un montage opérationnel avec la parcelle comme unité foncière. Ainsi la question de la mutabilité dans l'outil foncier évacue l'hypothèse de conserver les grands-ensembles et leur particularités parcellaires dans la politique appliquée par l'ANRU. Certains architectes pensent cependant que la mixité sociale espérée peut être obtenue en conservant la forme urbaine du grand-ensemble, avec cependant une densification des espaces résiduels qui environnent les bâtiments. « trois principes d'action semblent particulièrement efficaces : la compacité (remplir les vides urbains) par l'insertion de nouvelles formes urbaines ; l'adaptabilité ou comment dézoner : S'appuyer sur le patchwork et la géographie. Les démolitions sont à réserver aux cas qui le nécessitent (désenclavement, extrème vétusté, etc.). »1 Equipe Roland Castro / Atelier Castro-Denisoff-Casi ; 2008. Ce point de vue rend le territoire de la périphérie intéressant dans le sens où la mutabilité est un phénomène applicable et surtout envisagé. L'occasion de créer un laboratoire urbain dans la périphérie contredit la thèse de l'immuabilité du grand-ensemble. Législatif : L'avenir du logement social réside aussi dans le parc existant. La communauté des architectes et des urbanistes ont conscience que l'économie de moyen et de ressource garantie l'efficacité d'un projet durable. Dans la politique du logement social qu'a promulgué l’État depuis le début du XXe siècle, les principaux textes ont conduit à la réalisation de formes urbaines destinées à accueillir les populations défavorisées, dans une philosophie humaniste et paternaliste. L'erreur fatale 1
Réhabiliter les grands-ensembles, plaquette de présentation Grand Paris; 2008
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a été la diversification des aides sociales et très sociales qui au lieu de profiter aux populations les plus démunies ont annoncé la ségrégation spatiale. Ainsi, l'effet inverse est tout aussi envisageable. Créer l'attractivité des grands-ensembles par la valorisation du parc de logement social peut profiter à une politique en faveur d'une mixité sociale. Effectivement, la loi SRU est l’événement déclencheur de la quête de mixité dans le parc de logement français, en imposant 20% de logements sociaux dans les nouvelles constructions, et a aussi été le premier événement marquant une prise de conscience de la crise du logement en France. Le consensus qui s'est effectué au travers du rapport Piron (1990) et du rapport Delarue (1991) est de réintégrer le grand-ensemble dans l'urbanisme de droit commun et ainsi, pouvoir modifier la structure administrative de cette forme urbaine. La création des ateliers « projet urbain » et plus tard des contrats de ville ont été les premières tentatives de modification de l'existant tout en conservant la mémoire du lieu, en garantissant l'action publique dans les interventions. Ce modèle d'intervention permet la mutabilité à travers des mesures sociales associées à l 'efficacité d'un financement public. Aujourd'hui les CUCS constituent le lien social entre les interventions « hard » de l'ANRU et les enjeux du renouvellement urbain, et permettent des donner une orientation commune à tous les acteurs de la rénovation urbaine notamment au niveau des EPCI et des concepteurs. Ces contrats s'articulent sur l'observation et aboutissent à une planification et une programmation qui s'établissent autour des besoins identifiés au niveau national et au niveau local. Ce mode d'action rend le dispositif adaptable et permet de transformer les espaces concernés en prenant en compte l'existant et en envisageant les conséquences du futur projet grâce à la délégation du programme de rénovation urbaine au niveau des EPCI. La mutabilité architecturale: La spatialité et les transformations construites Le processus de valorisation du territoire de la périphérie passe par des actions visibles, retentissantes, dans le but de véhiculer l’idée de mutation de la banlieue.
« Les constructions neuves et les restructurations de logements existants permettent d’offrir une offre typologique importante, très diversifiée et en accord avec les modes de vie actuels de la société » 2 Djamel Klouche 2008 L’outil le plus perceptible de la mutabilité des grands-ensembles est bien sur spatial. Plus qu’esthétique, les résultats d’une mutation de l’espace ont des conséquences sur l’habitat, le confort de vie, l’économie du projet, le rapport à l’espace public. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du bâti, les interventions sur l’existant ont pour but de révéler les qualités intrinsèques de cet urbanisme de la modernité. Aujourd’hui critiqué, ce fût pourtant une révolution technique et sociale sans précédent au niveau de l’urbanisme, la majorité du parc de logement français souffrant de vétusté ou sous-équipé. Hygiénique, bon marché, le grand-ensemble est un modèle urbain qui a pu accueillir plus de 6 millions de logements sociaux, un espoir d’habitat de qualité pour les populations démunies. La mutabilité au niveau spatial se décline selon plusieurs types d’interventions : La réhabilitation du bâtiment : l’adjonction de nouveaux usages ou de nouveaux dispositifs architecturaux au niveau du bâti est, entre autres, un des piliers de la politique de l’ANRU. Le traitement de l’enveloppe, la conversion des espaces servants, sont certains exemples des travaux de réhabilitation dans le contexte du développement durable. L’aménagement urbain : l’espace public est le lieu qui favorise les échanges et qui détermine un cadre de vie de quartier. L’altérer ou bien le conserver est un choix 2
Ariella Masboungi; «Régénérer les Grands-ensembles»; éd. de la Villette; 2005
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qui aura des conséquences dans les pratiques urbaines et contribuera à créer ou bien détruire des usages. La critique souvent émise vis à vis du grand-ensemble est celle concernant l’indétermination du statut de son espace public, à la fois sur-dimensionné et inadapté aux usages collectifs, le sol appartenant dans son intégralité aux bailleurs sociaux. Ces opérations d’aménagement peuvent prendre la forme de travail sur l’existant ou bien d’ajout de matériel urbain, d’équipements publics et ou de proximité, de gestion de l’espace public. La résidentialisation : par rapport aux critiques émises sur l’espace public , la question de l’espace privatif et du rapport au sol prend une forme de retour au dispositifs spatiaux de la ville traditionnelle. La résidentialisation est effectivement une méthode permettant de créer des espaces collectifs privatifs et de gérer la propriété privée. « La résidentialisation, qui consiste à donner un caractère privé aux immeubles, par exemple en posant des grilles à l’entrée ou en aménageant un jardin au pied de l’immeuble, permet une appropriation de l’immeuble par ses habitant »3
synthèse Les outils de la transformation ont bien sur différentes échelles de mise en application et varient selon les cas dans lesquels on y a recours, mais agissent au service d’une adaptabilité de la ville, et ainsi constituent une introduction à la notion de mutabilité, suggérant à la fois l’économie de moyens et de ressources, mais aussi une spontanéité et un automatisme réduisant les impacts sur la ville et ses habitants. Nous avons vu qu’il était nécessaire de recourir à une transformation de la forme urbaine des grands-ensembles et que la politique de la ville a manifesté très rapidement le besoin d’intervenir dans les ZUS. Cependant, les divergences concernant la mutabilité des formes urbaines héritées du modernisme semblent avoir divisé la communauté des différentes catégories de métiers de la conception et de la construction.
3
Rapport Grosdidier à l’Assemblée Nationale n°997, p. 20.
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3_ Lier social et spatial à travers la mutabilité? Nous constatons que l’évolution de la politique du logement social en France et l’apparition progressive de la politique de la ville et du renouvellement urbain prend en compte la question de l’usager dans la mise en œuvre de programmes de rénovation urbaine. Les contrats de ville puis les CUCS ont successivement permis la contractualisation et le financement des opérations d’ordre social et ont permis de compléter les politiques d’aides sociales par subventions et allocations dans les zones marginalisées. Le changement majeur qui s’opère actuellement est l’apparition de la question de la place de l’habitant dans la phase conceptuelle, voire décisionnelle du projet, pour pouvoir répondre aux enjeux sociaux des sites les plus marqués par des phénomènes liés à l’exclusion sociale. • Consultation : Le changement de position vis-à-vis de l’usager au niveau du renouvellement urbain a commencé avec l’introduction de la consultation depuis la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983. Celle ci devenue obligatoire, permettait aux habitants et riverains concernés par une opération d’aménagement ou bien une politique de développement de pouvoir s’exprimer librement sur le projet. Cette forme de recueil de l’avis de la population prend plusieurs formes, passant de l’enquête publique, au sondage jusqu’aux réunions publiques, et permet de cibler les attentes des habitants. • l’analyse urbaine : A l’opposé de la consultation qui doit recueillir un avis populaire, se place l’analyse qui consiste à établir une liste des besoins par les professionnels de la programmation et de la conception en architecture, en urbanisme et en développement territorial. Ce diagnostic permet d’identifier le type d’intervention à choisir pour répondre aux enjeux spécifiques d’un site. Dans le cas de l’analyse des ZUS, les architectes devront analyser les ambiances et les caractéristiques environnementales au même titre que les particularités, positives ou négatives, de l’urbanisme et de l’architecture. Cet avis professionnelle permet de dégager des objectifs urbains aboutissant à une qualité de vie adaptée au contexte du projet. • L’AMO : Dans la continuité du travail d’analyse, se trouve l’assistance à la maîtrise d’ouvrage dont les objectifs de conseil pour piloter le projet proposé par le maître d’œuvre et ainsi de garantir le bon fonctionnement de l’opération et de ce fait d’assurer la mission de gestion de projet par le maître d’ouvrage • la concertation : Lier le point de vue professionnel au point de vue public permet d’aboutir à un consensus d’où découlerait la décision de projet, et ce de manière participative dans tous les secteurs. L’enjeu de la concertation est d’échanger des points de vue et des idées pour préparer le futur projet. Cependant, la prise en compte de l’avis de la population n’est pas obligatoirement applicable, et la décision finale peut totalement exclure les remarques dégagées pendant la concertation • la démocratie participative : Exceptionnelle et peu souhaitée par les élus, cette méthode consiste à associer les concepteurs et les populations concernées par un projet urbain et/ou architectural dans la mise en forme d’un cahier des charges. Cela permet de créer un équilibre entre la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’usage, et constitue la forme la plus démocratique de conception et de décision dans le champ de l’architecture et de l’urbanisme.
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Les enjeux soulevés par les grands-ensembles entrent dans la ligne de mire du développement durable, en réinterrogeant par leurs problématiques les trois piliers : le social avec la prise en compte des difficultés que connaissent les habitants et la proposition de solutions construites (ou non), l'environnemental avec la prise de conscience de l'impact qu'aura le projet avant, pendant et après la construction dans la gestion des ressources et des énergies, et enfin l'économique dans le choix du mode opératoire et contractuel au niveau des puissances publiques.
« Urbanistes et aménageurs ont le devoir de se demander systématiquement en quoi leurs projets vont modifier la vie sociale et l’insertion économique, s’inscrire dans une politique de peuplement plus équilibré aux différentes échelles. » Jean Frébault ; 2005.1 Nous allons maintenant nous focaliser sur les moyens de mise en œuvre d'un projet urbain durable dans lequel la question de la mutabilité est bien intégrée par les acteurs de la conception urbaine et architecturale.
La mutabilité du Grand-ensemble et sa compatibilité avec des objectifs durables; perspective d’intention,équipe : F. Geipel; G. Andi + Systematica / LIN; 2008
1
Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
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B/ La prospective urbaine et les souhaits d'une périphérie intégrée au programme du développement durable La ville, considérée hier comme un réseau simplifié de zones réservées à une seule fonction, se définit aujourd'hui comme un système complexe de « fragments de ville » dont les usages changent et se diversifient au fil des ans. La planification a été abandonnée au profit de la prévision, de l'anticipation sur l'évolution possible de la ville. La complexification de la ville a amené aussi une diversification de ses acteurs, et notamment une création de nouveaux champs de recherche sur les possibles connexions entre maîtrise d'ouvrage, maîtrise d’œuvre, maîtrise d'usage. La banlieue a été véritablement le laboratoire le plus important de l'urbanisme du XXe siècle en France. Les nouvelles formes urbaines côtoient les plus anciennes, mais dans une articulation mal identifiée entre l'espace et les usages. Lier social et spatial est l'objectif principal des nouvelles politiques urbaines. Actuellement , la question de l'usage est pointée du doigt par la communauté des architectes, et l'apparition de nouveaux équipements publics à vocation sociale et culturelle interroge les vertus de l'unique intervention spatiale dans les zones sensibles. L'action durable qui est menée dans les ZUS est évidente : apporter des nouveaux usages est une réponse sociale à la relégation de ces espaces. « Les interrelations entre la dimension sociale du quartier et l'ambiance sensible sont fortement présentes dans les grands ensembles. La particularité de la vie sociale dans ces quartiers (délinquance, pauvreté, chômage, insécurité) (Avenel, Colin, 2007) est la préoccupation majeure des habitants vis-à-vis de leur environnement. »1 Amar Bensalma, Marjorie Musy, Nathalie Simonnot ; 2010 Ainsi on recherche une nouvelle manière d'appréhender le territoire de manière à ce que l'on puisse continuer la rénovation urbaine, mais cette fois en préservant les valeurs du lieu, sa mémoire, et en valorisant ses particularités. Ceci rentre directement dans la ligne de conduite établie par la théorie du développement durable : renforcer les liens sociaux dans les territoires marginalisés ; rendre performant ce qui était mal vécu ; économiser les espaces et valoriser l'existant. De ce fait, la communauté des chercheurs en sciences sociales et urbaines interrogent la légitimité des programmes de transformation spatiale dans les territoires péri-urbains. A l’échelle d’un grand ensemble, ces transformations pourraient prendre la forme d’un RDC commercial, d’un programme d’ équipement public inclus dans l’unité de voisinage. L’urbanisme de la banlieue permet d’ajouter du neuf, sans forcément détruire l’existant.
1_ les nouveaux usages et les nouveaux programmes de la périphérie : valorisation et économie. « Contrairement à la doctrine qui a fondé la création des grands-ensembles, les modes d’intervention pour les régénérer s’éloignent résolument d’une pensée unique, s’adaptant à chaque cas de manière contextuelle. » Ariella Masboungi ; 2005.2 Un mot est entré récemment dans le vocabulaire des élus dans la description des futurs projets présentés pour la ville. Le mot « stratégie » évoque un pari simple 1 Amar Bensalma, Marjorie Musy, Nathalie Simonnot ; les grands-ensembles: de la ville moderne à la ville durable. Quelles transformations? Quelle durabilité? essai; 2010
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Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005
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de valorisation du territoire dans une logique économique. Investir, s’approprier, dynamiser, toutes ces logiques s’appliquent à une vision de l’urbanisme très ciblée et aux objectifs de résultats. La politique urbaine de l’ANRU se veut d’être efficace pour pouvoir perpétuer l’action de la rénovation urbaine car les constats observés dans les ZUS indiquent une nette différence du niveau de richesse par rapport aux territoires urbains du centre ville : « en 2009, en France métropolitaine, le revenu fiscal moyen par unité de consommation de la population des ZUS s’élève à 12 345 € annuels, soit à peine plus de la moitié (55%) de celui de leur unité urbaine. La pauvreté est plus prégnante en ZUS : en 2010, la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté (964 € mensuels) y est de 36,1%, un taux 2,9 fois plus élevé que celui de leurs agglomérations. »3 La complexité des conditions sociales dans lesquelles évoluent les habitants de la banlieue brouille malheureusement la vue des observatoires, ne pouvant pas donner une solution miracle pour pouvoir répondre au problème de l’emploi. En effet, la part des aides sociales perçues et le taux de chômage sont si important que ces zones n’arrivent pas à se relancer économiquement, et pire, adoptent des solutions alternatives qui entrent dans l’illégalité voire même financent le crime et la délinquance dans les zones les plus sensibles. Ainsi les créations d’emploi et de secteurs dynamiques sont projetés dans les ZUS actuellement et dans le cadre de la rénovation urbaine. L’échelle du micro est clairement identifiée comme l’échelle pertinente pour pouvoir répondre aux enjeux sociaux de la banlieue : « A Grenoble comme aux Courtillières ou à la Cité des Provinces de Troyes, nous cherchons [l’AUC] à proposer des micro-programmes (associatifs, culturels, ludiques …). susceptibles de dynamiser le territoire. L’enjeu est de rechercher de nouvelles fonctions, de nouveaux accompagnements pour ponctuer l’ensemble d’un site de micro-centralités, à l’image des points d’acupuncture sur un corps humain. » 4 Djamel Klouche ; 2005. Des programmes plus ambitieux prennent aussi le jour dans la périphérie, comme des projets de centre commerciaux ou de pôles d’activité comme témoigne notamment le cas de la ville de Vaulx-en-velin avec le centre commercial de la Soie. Dans cet exemple et celui qu’évoque Djamel Klouche, la mutabilité est bien sur au centre du débat, en étant un enjeu de la revalorisation des territoires concernés : l’existant est le support du projet. La cohabitation des micros projets et de la création de nouveaux pôles urbains ont tout deux le but d’altérer l’organisation globale et locale des territoires dans lesquels ils s’insèrent. Nous remarquons qu’il est possible également d’introduire la mutabilité dans une procédure à vocation sociale, notamment à travers des structures associatives permettant le dialogue avec la population qui habite les zones marginalisées. Ici la mutabilité consiste à d’utiliser les lieux comme outil de promotion du dialogue social, et de pouvoir trouver des solutions spontanées sans altérer l’esprit du lieu, la mémoire des habitants, et de conserver l’existant comme support du développement durable . Le manque d’équipements à vocation culturelle et l’émergence d’une culture spontanée dans les banlieues françaises évoquent le malaise culturel dans ces lieux, et dénonce une exclusion vécue par la population. Le lancement de l’appel à projet « Pour une dynamique culturelle dans les quartiers» en 2009 par le gouvernement, illustre la problématique programmatique et sociale que subit la périphérie française, et tente de revaloriser ce territoire en généralisant l’accès à la culture. 1 Rapport 2012 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. 2 Ariella Masboungi; «Régénérer les Grands-ensembles»; éd. de la Villette; 2005
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Enfin le transport urbain est une problématique qui est étudiée depuis le début de la politique de la ville et de nombreux architectes pensent que le désenclavement par le transport en commun a permis de redonner des éléments de valorisation du territoire de la périphérie française. On remarque que l’action du Grand Paris est fortement liée à la notion de transports au niveau de l’agglomération. « Désormais desservis par la plupart des moyens de transport public, y compris le tramway et le métro, proches des nouveaux centres commerciaux ou de loisirs comme des universités ou des hôpitaux, rapprochés des centres villes par l’explosion périurbaine, il est très rare que l’on puisse dire d’un grand-ensemble qu’il est isolé » 5 François Tomas ; 2006
Travail sur les stratégies urbaines d’intégration des quartiers «sensibles» Atelier du Grand Paris 2013
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François Tomas, Mario Bonilla, Jean Noêl Blanc ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publica-
tions de l’université de Saint-Étienne 2006
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C/ Les divergences entre la politique de l'ANRU et l'avis des concepteurs sur l’adaptabilité urbaine des grands-ensembles Bien que l'ANRU soit l'organisme le plus approprié, notamment par son mode d'intervention à la fois financier, juridique et opérationnel, pour répondre à la problématique du renouvellement urbain en banlieue, il existe une inadéquation entre le désir de mixité et les objectifs sociaux que défend l'agence, et la mise en pratique via les instruments de la rénovation urbaine. Les projets proposés sont critiqués par les acteurs de la construction et leur vertus durables sont remises en cause. En effet, dès lors que le renouvellement est critiqué également, y a -t-il véritablement une raison logique pour continuer la démolition des grands-ensembles ? Nous constatons que la politique urbaine menée par l’action de l’ANRU est une politique extrêmement coûteuse, et que les obligations économiques sont si fortes aujourd’hui qu’il est urgent de reconsidérer les arguments d’une possible conservation du parc social des grands-ensembles. Nous avons vus précédemment que la question des objectifs sociaux de la rénovation urbaine étaient indissociables de la question de la transformation des espaces urbains de la banlieue française. Cependant, au bout de trente années de politique de la ville, la question sociale demeure encore trop complexe: faut-il associer les interventions spatiales et sociales dans un projet urbain? Faut il les traiter séparément? La question divise parce que dans le cas d’une politique nationale, les cas particuliers sont beaucoup trop fréquent, les grands-ensembles présentant des caractéristiques différentes selon les quartiers, selon les villes. Nous allons voir ce qui constitue les principales faiblesses, selon l’avis des concepteurs et des chercheurs dans le domaine de la construction en France, des orientations prises par l’ANRU, dans le devenir des grands-ensembles
1_ Les reproches faits à l’ANRU et la question de la conservation du Grand-Ensemble Le débat qui anime le plus les acteurs de la rénovation urbaine est celui de la destruction des grands-ensembles jugés insalubres. Nous notons que les critères de sélection des projets de démolition sont établis dans le cadre d'une logique durable. Effectivement l'ANRU base ses efforts sur les quartiers classés en ZUS jugés les plus prioritaires, et le travail s'effectue autour de problématiques urbaines et sociales identifiées sur le site concerné. Cependant le PNRU semble être détourné de l'action des contrats de ville, se basant prioritairement sur des interventions spatiales. Ainsi, la recherche en aménagement et en urbanisme commence à pointer du doigt l’action de l’ANRU, mettant en évidence les contradictions de sa démarche, notamment dans des articles en réaction au bilan de l’ANRU I. « En même temps qu’elle a orienté d’importants moyens vers ces deux programmes qui visent à transformer les grands ensembles (banalisation urbaine par la démolition-reconstruction, diversification fonctionnelle par l’exemption fiscale), la loi Borloo a amorcé un désengagement étatique des contrats de ville dont les actions bénéficiaient aux habitants des quartiers prioritaires, pour les renvoyer vers les politiques de droit commun ou les laisser à la seule initiative des collectivités lo-
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cales » Renaud Epstein ; 2012 Outre cette distinction entre spatial et social, les ambitions de l'ANRU restent très vastes et le doctrinal objectif de mixité sociale semble être sujet de discordes. Les moyens mis en œuvre semblent être subis par la population et décrivent parfois une volonté prétextée par la rénovation urbaine de faire du neuf. « Le fait que la solution d’hier soit désormais considérée comme une vaste erreur collective à l’origine des problèmes d’aujourd’hui n’empêche pas que la politique de rénovation urbaine partage de nombreux points communs avec les politiques qui ont donné naissance aux grands ensembles. Dans un cas comme dans l’autre, la pratique aménageuse s’appuie sur l’idée –aussi ancienne que l’urbanisme– suivant laquelle l’intervention sur le cadre bâti pourrait transformer les individus et la société »2 Renaud Epstein ; 2012 « Aux chercheurs qui ont montré que les opérations de urbaine ne produisaient pas la mixité sociale attendue, les promoteurs de la rénovation urbaine ont régulièrement objecté qu’il était trop tôt pour l’affirmer. Trois ans après le terme initialement prévu d’un programme qui devait en durer cinq, et alors que se prépare un PNRU 2, cette position devient difficile à tenir. Le révisionnisme historique a désormais remplacé le déni de réalité : « certes les opérations de rénovation urbaine ne sont pas parvenues à rétablir la mixité sociale dans les quartiers, mais ce n’était pas leur objectif », explique-t-on.» 3 1
Aussi, c’est dans la question de la performance de l’existant que s’articule aujourd’hui le débat sur la rénovation urbaine, et la définition d’une conduite urbaine inscrite dans le développement durable doit être appliquée dans les projets conduits par l’ANRU. Ainsi, les opérations spatiales conduites par l’ANRU sont elles suffisantes pour définir une véritable qualité urbaine dans les ZUS ? Nous allons voir que les architectes qui critiquent l’action de l’ANRU estiment que la notion de durable des opérations de renouvellement urbain est traitée superficiellement. Des architectes tels que Philippe Vignaud défendent l’argument de l’absence de rapports entre les interventions spatiales et les enjeux sociaux: « L’urbain ne peut pas tout. Ce qui est cassé dans le champ social ne peut pas être réparé dans celui de l’urbain. On ne remplacera pas la formation et l’accès à l’emploi par une forme urbaine, par des HLM repeintes ou restructurées, ou, dans le meilleur des cas, par du développement durable. L’ANRU a laissé le ghetto urbain, social et ethnique, se reconstituer sur lui-même. »4 Philippe Vignaud, architecte urbaniste ; 2010 D’autres tels que Paul Chemetov accusent l’absence de recherche de qualité architecturale des nouveaux logements sociaux au profit d’un respect des normes techniques doctrinal et inflexible. « La première qualité d’un logement est d’être habitable. Or, soit le mépris des conventions de vie, soit l’application bête de la norme, soit la contrainte économique font qu’aujourd’hui, une bonne partie des logements sont moins habitables que les logements des années 70 qu’on détruit. Certes, ils étaient mal isolés, certes l’acoustique, les ascenseurs… D’accord, d’accord… Mais la taille suivait. »5 Paul Chemetov ;2012. 1 2 3 4 5
Renaud Epstein; ANRU Mission accomplie? ; 2012 ibidem ibidem Dany Stive ; Interview Philippe Vignaud; l’Humanité; Avril 2010 Aurélie Champagne; interview Paul Chemetov; http://www.rue89.com/ ; octobre 2012
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Partie 2 Les acteurs des projets ANRU sont eux mêmes en proie à un doute par rapport à l’efficacité des outils de la rénovation urbaine:
« Il apparaît que les projets ANRU remplissent difficilement les objectifs assignés au PNRU... La majorité des projets ANRU pâtissent de l’absence de définition claire des enjeux majeurs. Ils se limitent souvent à une série de programmes et d’opérations physiques...Pour accompagner les actions et réorienter les objectifs que poursuit l’agence depuis plus d’un an, le CES a lancé plusieurs chantiers sur les questions majeures qui doivent désormais guider l’action de l’ANRU- la participation des habitants, la mobilité, l’école et le relogement». 6 Gérard Hamel ,Président du conseil d’administration de l’ANRU ; 2006 Nous constatons donc que le grand-ensemble reste d’actualité dans la problématique sociale et urbaine de la banlieue française. Ainsi la question de sa destruction semble diviser les acteurs de la construction, mettant en évidence les pro-rénovation urbaine et les anti, pourtant favorables à une transformation des territoires de la périphérie urbaine des grands villes françaises. Nous allons voir que cette capacité d’adaptation au changement qu’a connu le grand-ensemble français lance l’hypothèse de sa mutabilité.
2. Les arguments favorables à une conservation du grandensemble Le malaise des grands-ensembles français est la raison de la création de la politique de la ville et plus actuellement du PNRU, dont l’objectif respectif est de changer le cadre de vie de ces quartiers, afin de favorise la cohésion sociale dans la périphérie des grandes villes. Cependant, les résultats de ces actions ne sont pas tous concluant, et nous remarquons que problématiques sociales sont les principaux justificatifs d’une réponse spatiale. Ainsi une question nous apparaît pertinente: est il justifié de tirer des leçons urbaines du grand-ensemble et non pas des leçons spécifiquement sociales? L’urbanisme ultra dense tel qu’il a été pratiqué dans les métropoles d’Amérique du Nord ou bien le modernisme en Asie n’a pas proprement créé de problématique sociale. Nous partageons donc l’avis des architectes qui défendent la thèse que la forme urbaine du grand-ensemble n’a pas été la cause directe de la dégradation du climat social en banlieue, même si nous admettons cet urbanisme présente des symptômes au point de vue urbain qui ont maintenu une ségrégation spatiale d’une catégorie de population devenue de plus en plus défavorisée. Ainsi, les architectes et les urbanistes se positionnant à contre-courants par rapport à la finalité de la rénovation urbaine se posent la question de l’éventuelle mutabilité des grand-ensembles, forme la plus critiquée du patrimoine architectural du XXe siècle en France. On note que le soucis principal de cet objectif de mixité sociale, est qu’il est difficilement évaluable, et qu’on arrive à faire dire ce qu’on veut à propos des résultats de l’ANRU. Outre la mixité sociale espérée, la question du patrimoine détruit et de la mémoire 6
Rapport d’information ANRU; 2006
de quartier divise les architectes. La notion de patrimoine du XXe siècle introduite récemment, et la création d’un inventaire patrimonial mettent même en lumière les qualités architecturales des grand-ensembles, et illustre la façon dont la nouvelle génération d’architecte a su s’approprier cette forme urbaine en tant qu’héritage du modernisme. Djamel Klouche explique que ce patrimoine est déjà apprivoisé, approprié et qu’il ne faut pas l’effacer de nos mémoire, dans le soucis d’éviter les mêmes erreurs qui ont préfiguré l’urbanisme moderne, la « tabula rasa » : « (…) Nous assistons à un mouvement de refus de l’espace moderne au bénéfice d’une vision de la ville, tout aussi contestable. Il faut sortir de ce dilemme pour se rattacher à la réalité, à son hybridation. Même si les procédures tendent toujours à simplifier, à nier toute forme de complexité. »7 Djamel Klouche ; 2005 D’autres architectes comme Jean-Patrick Fortin déplorent la démolition généralisée et le gaspillage d’espace que cela entraîne alors que la France subit une crise du logement : « une tabula rasa comparable aux rénovations des années soixante qui concernaient les îlots insalubres ou des friches industrielles et incompatible avec la crise du logement des débuts du XXe siècle. »8 Jean-Patrick Fortin ; 2010. Ainsi la question d’une éventuelle mutabilité de ces formes urbaines est devenue prégnante dans le débat sur la démolition-reconstruction. Nombreux sont les architectes et urbanistes qui voient les vertus du grand-ensemble et leur potentiel urbain malgré les critiques, parfois violentes sur l’urbanité qu’ils ont porté. En effet, la taille des appartements, les orientations, les vues dégagées, la modularité de l’architecture sont des critères initiaux qui sont attractifs dans la majorité des grands-ensembles. La nécessité de la transformation est incontestée, mais les formes qu’elle peut prendre divise, et certains caractères de qualité insoupçonnés dans cette forme urbaine sont à prendre en compte pour un urbanisme respectueux de l’existant. Le reproche de la décontextualisation et de l’abstraction volumétrique et spatiale qui a été fait sur les grands-ensembles est aujourd’hui a remettre en question tant ces formes ont vécu et accueilli. « Au delà de l’application des lois de protection et de la mise en œuvre de démolitions sélectives, la reconstruction critique est la démarche patrimoniale qui a la volonté de reconstruire une forme urbaine identifiée, dont on a su reconnaître les éléments de permanence avec une architecture qui s’inscrit organiquement dans des traces constructives, en évitant sa reproduction. »9 Jean-Patrick Fortin ; 2010. La mutation des grands-ensembles est souhaitée. Que ce soit par la démolition ou par la mutabilité, il est admis que la transformation de cette forme urbaine doit concilier le spatial et le social. Nous allons voir de quelle manière la mutabilité du grand-ensemble prend forme, et quels sont les instruments urbains qui peuvent constituer une alternative aux destructions.
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Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005 Jean Patrick Fortin: «Le Grand-ensemble, entre pérennité et démoliton», essai, 2010 ibidem
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D/ Le GPV de la Duchère : Les outils de la mutabilité et la notion de durable dans un projet urbain. Depuis les années cinquante, le quartier de la Duchère, sur les hauteurs des monts d'or Lyonnais, est sujet à de nombreuses mutations. Son histoire marquée par des projets à caractère urbain et social montre quelles ont été les différentes étapes et pensées de l'urbanisme de la politique urbaine et de la politique de la ville depuis plus de cinquante ans.
Historique : 1. période de construction du grand-ensemble : 1958-1960 2. Années soixante et soixante-dix : politique de dynamisation du quartier avec la création d'associations et d'équipements culturels. 3. Années quatre-vingt : fragilisation de la population et dégradation du parc de logement. Inscription du quartier en DSQ en 1986. 4. Années quatre-vingt-dix : Politiques de réhabilitation et de réaménagement de l'espace public et renforcement des structures sociales_ premières émeutes. 5. Années 2000 : création d'un GPV en 2001_PNRU en 2003. Les objectifs de désenclavement de ce plateau, tournant le dos à la ville de Lyon et écrasant les quartiers des quais de Saône par l'imposante massivité des barres et des tours, ont été très tôt établis dans les orientations urbaines qui ont germé pendant les années 1980. On remarque que la volonté d'améliorer les équipements et l'urbanité du quartier a été lancée dès le programme DSQ, mais que malgré les efforts fournis par les collectivités locales pour maintenir le parc de logement social Lyonnais attractif, les vacances et les dégradations persistent et les nombreux projets lancés en dans les années 1990 (Programme pluriannuel développement solidarité en 1990, reconduction de la charte DSQ en 1991, contrat de ville en 1994, programme volontariste « 80 mesures pour la Duchère , démolition de la « barre 200 » en 2001) n'aboutissent pas à une valorisation de ce patrimoine moderne. La création de l'ANRU et l'application du PNRU n'épargne pas la ZUF de la Duchère et vient ainsi complètement reconfigurer le quartier. Ainsi l'association du GPV et du PNRU donne lieu à un écoquartier présentant de nombreux éléments urbains et architecturaux qui s'accumulent époque par époque. Le projet devient en 2005 une ZAC dans laquelle les différentes opérations suivent une logique de phasage.« Ce projet est étudié de manière diachronique à partir d’une grille d’analyse préétablie, visant à faire ressortir les différentes phases de l’opération (situation initiale, montage du projet, maîtrise foncière, conduite de l’opération, bilan) et sur chacun de ces temps, souligner les acteurs impliqués, leurs objectifs, les systèmes de contraintes dont ils ont eu à tenir compte, les procédures également qu’ils ont mis en œuvre. »1
Une démarche inscrite dans une logique durable :
Nous allons voir que les prescriptions du GPV de la Duchère annonçait déjà une prise en compte des principes du développement durable, notamment dans la question sociale et dans l'application d'une diversité en faveur d'une mixité sociale dans le quartier. La création de la ZAC en deux phases de 2005 à 2012 prend des ambitions environnementales en démocratisant le logement social HQE à la Duchère. 1
Extrait de l’analyse du GPV Lyon la Duchère par la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU) 2013
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Partie 2 Le respect de l'existant : le remodelage de la barre Balmont et la tour panoramique. « C'est en tant qu'élément de ce grand paysage qu'a été conçu le remodelage de cette barre . Lequel s'inspire de la manière dont Le Corbusier dessinait ses unités d'habitation, tels de grands paquebots ». 2 Roland Castro ; 2011 En 2010, le GPV de la Duchère évalue que l'action de Roland Castro dans le développement de son principe de remodelage urbain va dans la même direction que les volontés choisies pour recomposer l'urbanité de la Duchère. Celui ci défend l'idée que l'urbanisme moderne est infertile dans les relations humaines et sociales mais qu'il peut devenir un support à la mutation en pouvant accueillir de nouvelles architectures en son sein : « Le grand ensemble produit par la pensée rationaliste est un système atrocement violent, une figure marquée par l'absence de la géographie, de l'urbanité, du parcellaire, du tracé des rues ... faut-il opposer à cette violence celle de la démolition ? La table rase fait des ravages sur le plan symbolique. Que démolit-on sinon un bien commun, une figure de progrès d'un coup répudiée, le refuge d'existences humiliées ? » 3 Roland Castro ; 2005. La stigmatisation de ces quartiers viendraient effectivement constituer une justification au sentiment d'exclusion des populations qui vivent dans les grandsensembles. Changer l'image d'un quartier en conservant son urbanisme, mais en l'améliorant, est une façon d'appliquer une démarche durable. L'idée défendue sur ce projet, est que la valorisation amènerait de nouvelles populations à venir s'établir à la Duchère : la création de maisons de villes perchées sur les toits de la barre permet d'amener une catégorie plus « haut standing » et ainsi permettrait une diversité des classes dans le bâtiment. La transformation du Rez de chaussé augmenterait le rapport au sol et permettrait d'établir une urbanité dans une recherche de « vie de rue » : la modénature maçonnée des deux premiers niveaux constitue le sous bassement « urbain », l'accroche au sol et 'adjonction de la nouvelle aile perpendiculairement par rapport à l'immeuble existant est une façon de créer une séparation entre l'espace public et le jardin intérieur et de créer une façade urbaine. « Ils rétablissent un rapport entre les sols de la barre et du boulevard et construisent une hiérarchie entre rue et jardin. (...) Ainsi, on requalifie la rue, on tisse des liens entre la rue et la barre , on domestique la grande échelle » 4 Roland Castro ; 2011 A l'intérieur, les logements on été modifiés pour créer de nouvelles typologies et effectuer un gain d'espace grâce à des éléments semi-extérieurs. La tour Panoramique de la Duchère est un des emblèmes du quartier. Construit en 1972, cet édifice de 79 mètres est visible depuis les rives de Saône dans le centreville de Lyon et constitue un repère urbain depuis sa construction. Dans le projet de ZAC établi par la communauté du Grand-Lyon et les concepteurs Bernard Paris et Alain Marguerit, cet élément symbolique prend sa place et demeure intact en tant que jalon initial de l'aménagement du plateau. La problématique urbaine de la conservation de l'existant découle de la notion de pérennité de l'architecture de ce quartier, dont les ¾ ont été démolis dans le cadre 2 Stéphane Miget; Roland Castro dans l’article : « Barre Balmont à Lyon: une réhabilitation pour casser l’image des HLM» ; le Moniteur; Juin 2011
3 Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005 4 Stéphane Miget; Roland Castro dans l’article : « Barre Balmont à Lyon: une réhabilitation pour casser l’image des HLM» ; le Moniteur; Juin 2011
du GPV et de la ZAC et critiquée par les Lyonnais qui pensent que l'urbanisme moderne a isolé la Duchère de la ville de Lyon et l'a exclue de l'urbanisme de la ville. L'enjeu social de la valorisation de ce patrimoine difficile est avant tout de pouvoir réintégrer les habitants de la Duchère dans un sentiment d'appartenance à la ville de Lyon.
Un urbanisme durable à la Duchère perspective présentant la mutabilité urbaine du grand-ensemble; 2008 source: GPVladuchère.org
Les enjeux de la nouveauté du parc de logement Le programme très ambitieux de la ZAC de la Duchère est d’introduire la mixité sociale dans le projet urbain à travers le mélange des typologies, des formes urbaines et des programmes. La reconfiguration de ce quartier passe également par de lourdes interventions sur la voirie et sur le patrimoine construit. Inscrit au PNRU, le programme de la ZAC se base sur la densification du quartier et sur la requalification de l’existant notamment à travers des opérations de réhabilitation et de démolition-reconstruction nombreuses, à savoir 1700 logements détruits pour 1700 reconstruits. « Dans la pratique, le volet urbain du GPV de la Duchère prend beaucoup plus d‘importance que le volet économique et le volet social du point de vue des sommes investies dans la démolition-reconstruction et dans l‘aménagement d‘équipements et d‘espaces publics. Sur le volet urbain, le logement constitue le levier principal de retour à l‘équilibre, selon des objectifs généraux qui sont définis comme suit : renouveler l’offre de logements par des opérations de démolitions/reconstructions décomposer le quartier en unités résidentielles à partir d’un maillage de rues et d‘îlots requalifier les espaces libres et relier les équipements. »5Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; 2006. Toujours dans l’objectif de favoriser la mixité sociale, la mutabilité du foncier est envisagée dans sa caractéristique spatiale qui consiste à densifier le tissu mais aussi dans sa caractéristique purement financière en changeant la structure du parc de logement. L’objectif de passer de 85% à 55% de logement sociaux vient complètement altérer ce parc et doit permettre à de nouvelles populations de venir s’établir dans le quartier. La mutabilité est aussi assurée par l’échelle des nouvelles constructions et la simplicité de leur montage financier : un architecte est associé à un groupe de promotion immobilière qui traitent ensemble un îlot ou un immeuble. 5
Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; Fiche rapport POPSU: GPV la Duchère ; 2006.
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L’impact social ce renouvellement du parc de logement à la Duchère est équilibré par le relogement des 1700 familles dans la ville de Lyon dans de nouvelles structures sociales. « La particularité lyonnaise du projet ANRU est que le dossier comprend un volet global habitat – en trois tranches - pour assurer la reconstitution de l’offre locative sociale à l’échelle de l’agglomération, et quatre projets sur chacun des grands quartiers en difficulté, Lyon La Duchère, Rillieux-la-Pape, Vaulx-en-Velin et Vénissieux. »6 Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; 2006 L’impact environnemental est lui aussi pris en compte dans cette opération spectaculaire en faisant intervenir dès la phase de conception un paysagiste, Alain Marguerit, et un architecte spécialisé HQE ,Pascal Gontier.
L’innovation et l’ambition Véritable laboratoire urbain, le projet de la Duchère mobilise tous les acteurs de la rénovation urbaine dans tous les échelons décisionnels à savoir les bailleurs sociaux, l’ANRU, les groupes de promotion immobilière, les concepteurs et la population via la concertation. Les ambitions de mixité et de diversité sont ainsi mis en forme à travers un projet urbain portant sur la structure du parc de logement tel qu’il a été expliqué dans le dernier paragraphe, mais aussi sur les espaces publics, l’armature urbaine (voiries et trames vertes) et les équipements publics et de proximité. L’innovation est évidente dans le projet urbain : associer une ZAC a un GPV est très ambitieux dans le cadre du PNRU, car les objectifs ne sont pas obligatoirement partagés par les différents acteurs dans un projet mixte tel qu’une ZAC. L’audace réside aussi dans le pari de revaloriser une zone dans laquelle 80% du parc de logement est à vocation sociale, et qui a connu des grands épisodes de malaise social. Autant investir dans un territoire aussi marginalisé est une marque de fabrique des projets de l’ANRU, même si le processus peut être critiqué, il en reste pas moins exceptionnel dans les moyens investis : « Les objectifs du GPV restent bel et bien dans la continuité des politiques menées précédemment, bien qu‘à une échelle plus large et privilégiant une approche quelque peu différente : s‘il comprend toujours des opérations lourdes de renouvellement urbain et « Le GPV est un tournant volontariste et ambitieux », Le Progrès, Dossier « La Duchère : d’hier à demain », 28 octobre 2005, p. 2. »7 Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; 2006
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Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; Fiche rapport POPSU: GPV la Duchère ; 2006. ibidem
Partie 2
Agir de manière généralisée dans des échelles d’interventions stratégiques est une conduite que se force d’adopter le projet de rénovation urbaine de la Duchère. Prendre en compte le local pour agir globalement, dans une optique durable est effectivement le principe de conception du projet urbain. Ce projet s’inscrit dans une recherche d’équilibre entre les valeurs paysagères et sensibles du site, et les objectifs urbains de reconduire une diversité dans le parc de logement, créer une nouvelle centralité grâce à l’insertion de nouveaux équipements et le désenclavement par la création de nouveaux liens piétons avec la ville de Lyon. La question du grand-ensemble est donc traitée en deux échelles : la première s’attache à définir territorialement ce que représente le grand-ensemble par rapport à son contexte géographique paysager et quelles sont les particularités économiques et sociales en comparaison avec la ville de Lyon, et la deuxième échelle vise à recréer de l’urbanité avec l’architecture déjà présente, et celle en voie de construction.
CONCLUSION DE LA PARTIE : Deux points de vues s'opposent : ceux qui pensent que la spatialité constitue une réponse directe aux enjeux de la rénovation urbaine pour le cas des grands-ensembles, et ceux qui estiment qu'une réponse urbaine, dans le cadre d'un projet mixte d'aménagement et de lots, peut amener une mixité sociale considérée comme inexistante dans les grands-ensembles classés en ZUS. La question de la mutabilité est abordée par ces deux points de vue, dans son contexte durable : intervenir sur l'existant est déjà une première avancée dans cette problématique qui a l'avantage de pouvoir déterminer une forme d'adaptabilité et d'autonomie. Cependant, dans le contexte du grand-ensemble, la problématique sociale est aussi présente, et c'est face à cette question que les points de vues semblent s'éloigner : ainsi l'ANRU se positionne directement en tant que défenseur de la mixité sociale et pense apporter une réponse sociale via le projet urbain, en mettant en place des dispositifs spatiaux et des principes sociaux basés sur la transformation urbaine, la mutation du territoire. Le groupe « + » émet plus de réserve, pensant que l'échelle d'intervention est inversée : partir de la base de la ville, de ce qui constitue son échelle cellulaire, à savoir l'habitat, et plus particulièrement le logement. Considérer que le logement puisse répondre à des enjeux sociaux à l'échelle d'un quartier est le point de départ de ce travail condensé dans « + », et les enjeux de la mixité sociale peuvent intervenir directement dans l'immeuble en créant des typologies.
Partie 2
Conclusion
CONCLUSION
Avoir choisi le grand-ensemble comme un support d'un projet inscrit dans le développement durable semble être un choix paradoxal. La quasi intégralité de la communauté des concepteurs agissant dans le cadre de la rénovation urbaine ont déjà considéré que cette forme était vouée à l'échec, ses formes disgracieuses la privant d'un rapport d'urbanité, la déconnectant du sol, laissé quant à lui à l'abandon et illustrant l'absence d'intérêt que les puissances publiques accordaient aux grandsensembles. Comment faire pour partir d'une forme détestée par les architectes, par l’État et par ses habitants, et la rendre durable au sens du rapport de Brundtland ? L'enjeu de ce mémoire était de confirmer l'éventuelle « mutabilité » du grand-ensemble, lui accordant le si précieux label « durable », et ainsi de vérifier si parier sur le dernier cheval était concevable en urbanisme. A travers la comparaison des points de vue des acteurs de la rénovation urbaine et de la mise en évidence des outils de la mutabilité, nous avons vus que les enjeux semblaient être différents, que ce soit au niveau de la mise en pratique, mais aussi au niveau des objectifs initiaux : ainsi la sainte mixité sociale défendue que ce soit par les architectes et par les gouvernements depuis la rénovation urbaine, est remise en question aujourd'hui, et la question de la démolition inquiète certains esprits, considérant cette politique similaire à celle de la tabula rasa du modernisme. Nous avons vu également à travers l'élaboration de procédés inscrits dans une mutabilité d'une forme urbaine considérée immuable, que la technologie actuelle et le bon sens permettaient de dire que la forme est encore performante. Les opérations actuelles s'articulent pourtant dans la recherche d'une nouvelle urbanité, réfutant systématiquement la possibilité d'un usage urbain de la forme trop architecturée du grand-ensemble. Les appropriations de l'espace libre semblent contredire ce point, et la levée de boucliers des habitants faces aux destructions faites au nom du développement durable et de la rénovation urbaine illustre l'incompréhension encore persistante entre social et spatial.
La mixité sociale : écran de fumée? Les objectifs de mixité sociale ne peuvent pas être pris en compte si les acteurs du projet urbain et de la rénovation urbaine n'agissent pas en faveur des populations concernées. En effet, nous remarquons que cet objectif plus ou moins respecté dans le cadre du PNRU, met en évidence l'absence de cohésion sociale dans la banlieue française. Cependant, la « mixité sociale » existe belle et bien dans ces quartiers, dans lesquels toutes les ethnies et toutes les origines se côtoient et vivent ensemble. La crainte d'un communautarisme violent, voire créateur de criminalité dans certaines zones sensibles est effectivement à l'origine d'un sentiment d'insécurité dans les quartiers, et la politique volontariste de l'ANRU est de travailler spatialement dans ces zones. Le désenclavement serait la solution à cette congestion spatiale, le moyen d'ouvrir les portes du ghetto pour faire venir les populations dans la banlieue. Pourtant les opérations démolition-reconstruction s'effectuent de manière à reconstruire en dehors des ZUS : y a-t-il un véritablement changement pour les populations des grands-ensembles ?
« La mixité demande à être contrôlée et si nécessaire corrigée au cours de la vie d'un quartier. Il y a trente ans, les logements sociaux proposaient une mixité des populations et de leurs revenus. « Faire de l'accession » n'a de sens que si l'on précise la typologie, les surfaces, les montages financiers... Veut on des familles
Conclusion
primo-accédantes ou des produits de défiscalisation qui amèneront des locataires ? Des outils de suivi doivent absolument mesurer les risques de constitution de nouveaux ghettos de façon préventive. » 1 « Mon expérience d'architecte conseil dans le département du Nord est à ce titre représentatif : 8 à 10 000 logements vont être démolis malgré une demande énorme et une vacance quasi nulle . On remplace souvent de petites barres R+3 ou R+4 par de l'habitat individuel selon une idéologie très présente ici comme ailleurs, avec ses conséquences - étalement en contradiction avec le développement durable, difficultés de déplacements, répétitivité, anonymat, déficit d'échange spatiaux. »2 Bernard Paris ; 2005 Ainsi est-il judicieux de parler d'une véritable relation social/spatial à l'échelle d'un quartier ? Nous voyons que cette relation se base sur des critères qui ne peuvent pas être généralisés et que la diversité des grands-ensembles empêche de pouvoir soulever des similitudes dans leur nécessités de transformation. La tendance des urbanistes à vouloir répondre aux problématiques sociales par des interventions spatiales est un phénomène qui se généralise depuis le début de la politique de la ville. Pourtant encore aujourd'hui, personne n'est accordé sur le fait qu'on arrive pas à évaluer le résultat social d'une opération d'urbanisme. « Ce mode de raisonnement est, selon nous, fondé sur un syllogisme qui se résumerait ainsi : il y a des problèmes sociaux, or la société est urbaine, donc les problèmes sociaux sont des problèmes urbains. Le corollaire est alors le suivant : si on agit sur l’espace, on règle ces problèmes... »3 G. Baudin ; 2001
La démolition est elle compatible avec la mutabilité? « Un projet n'est qu'une impulsion de mutation qui se poursuit dans le temps. Il ne suffit pas qu'un projet existe, il faut qu'il vive. Le faire vivre, c'est engager des démarches avec les partenaires. Un projet est par nature en mutation permanente, porteur même de sa propre révocabilité. I l doit être capable d'absorber les facteurs d'évolution, jusqu'à se fondre et disparaître dans le projet suivant. »4 Gilles Rousseau ; 2005 La possibilité d'adopter un changement et de muter, c'est précisément ce que l'urbanisme durable est capable d'effectuer. La destruction du patrimoine « immuable » va a l'encontre de cette idée que l'existant est capable de s'adapter au changement. Ainsi, nier la possible évolution du grand-ensemble ne constitue pas une réponse qui peut s'inscrire dans une démarche durable. Pourtant la démolition est défendue par l'ANRU de telle sorte qu'elle en devient l'instrument de la transformation. Transformer c'est accepter la destruction, et l'accumulation excessive est une nostalgie qui va à l'encontre de l'innovation urbaine : « Je suis frappé par le côté extrêmement statique qui a prévalu à la conception des grands-ensembles, véhiculé par l'idéologie d'une ville achevée et immuable. Ces quartiers présentent une sorte de fixité avec des formes d'urbanisation qui n'ont pas bougé depuis leur réalisation. Mon vœu est d'introduire du mouvement, de les faire entrer dans la mobilité générale de la ville »5 François Grether ; 2005 1 Ariella Masboungi; «Régénérer les Grands-ensembles»; éd. de la Villette; 2005 2 ibidem 3 Gilles Baudin; La mixité sociale: une utopie urbaine et urbanistique; essai; 2001 4 Ariella Masboungi; «Régénérer les Grands-ensembles»; éd. de la Villette; 2005 5 ibidem
Conclusion
La démolition d'un ensemble de logement aussi important qui peut être encore performant, ne peut pas être durable tant qu’ elle peut avoir des conséquences sur la mémoire des habitants, et qu'elle favorise le déplacement de ces derniers. Pourtant démolir pour transformer va dans le sens de la mutabilité : le territoire qui avance et qui prend le pari de la nouveauté. Ainsi quel sens donne-t-on à la transformation dans l'enjeu de la banlieue française ? Y a-t-il une bonne manière de faire ou bien tous les outils sont à disposition ? La concertation doit aider l'ANRU a trouver la voie la plus démocratique possible dans la prise de décision. La participation de la maîtrise d'usage dans le processus de conception serait alors l'outil le plus approprié pour créer le lien social.
Réponse à la problématique : La réponse au questionnement initial du mémoire «La mutabilité des grands-ensemble français, à l’heure de la rénovation urbaine, pourrait-elle s’inscrire dans une logique durable?» n'est pas évidente. On note que la question de la mutabilité peut intervenir dans toutes les échelles de la transformation, et qu'elle ne peut pas justifier la préservation totale même si cette notion s'oppose à la suppression. Le lien que la mutabilité entretient avec la notion de durable peut ainsi se présenter dans plusieurs formes et plusieurs applications. L'échelle architecturale peut ainsi répondre à des problématiques urbaines telles que le projet de la tour Bois-le-Prêtre a pu le montrer, tandis que la mutation foncière et urbaine implique une reconfiguration sociale à l'échelle du logement. La mutabilité répond donc à cette nécessité de transformation du grand-ensemble, malgré les enjeux différents que cette notion soulève dans la rénovation urbaine, tant les acteurs privilégieront le hard ou le soft. Cependant, dans ce mémoire, nous avons pu montrer que malgré un avis favorable de la part des acteurs de la construction et de l’aménagement urbain en France, la nécessité de transformer la banlieue soulève des problématiques différentes, et que pour une faible part des architectes français, le grand-ensemble peut constituer un support d’expérimentation à la mutabilité, et par conséquent, peut intervenir aux enjeux du renouvellement urbain de manière durable. Nous conclurons donc qu’il existe des moyens économiques convaincants qui sont fondés sur le réemploi de la forme urbaine du grand-ensemble qui peuvent s’inscrire dans la rénovation urbaine.
Ouverture : La ville traditionnelle semble être le souhait de l'urbanisme actuel : travailler en îlot, définir public/privé, donner une échelle humaine au logement et à l'habitat plus généralement. Pourtant, la mobilité, l'échange territorial généralisé est un héritage du modernisme, aujourd'hui critiqué. La leçon d'architecture dont les architectes de la rénovation urbaine et du développement durable nous font l'éloge actuellement voit véritablement plus loin que celles de leurs prédécesseurs ? Ces bâtiments HQE, BBC, «passiv haus » vont il mieux vieillir que les grands-ensembles ? La réhabilitation des centres anciens a démontré que tout pouvait être reconstruit à partir de l'existant, tandis que le grand-ensemble a prouvé que l'action généralisée de manière massive était une solution à court terme.
Conclusion
bibliographie
Livres: _Ariella Masboungi; Régénérer les Grands-ensembles; éd. de la Villette; 2005 _François Tomas, Jean Noël Blanc; Mario Bonilla ; Les grands ensembles, une histoire qui continue ; Publications de l’université de Saint-Étienne ; 2006 _F.Druot, A.Lacaton, J.P.Vassal; «+» les grands ensembles de logements sociaux, territoires d’exception; 2007 _Hélène Hatzfeld, Yves Moutton ; les espaces libres, atouts des grands-ensembles ; ed. du Certu ; 2006 _David Mangin; La ville Franchisée; formes et structures de la ville contemporaine; éditions e la Villette: 2004 _Phillipe Panerai, David Mangin, Jean-Charles Depaule; Projet urbain ; éditions Parenthèses; 1999 compléments: • Jacques Lucan ; Où va la ville aujourd’hui ? Formes urbaines et mixité ; éditions de la Villette; 2011 • David Leyval, La banlieue , l’épreuve de l’utopie ; Publibook, coll : sciences humaines et sociales ; 2009. • MERLIN P., CHOAY F., Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, 1996. • R. Passant ; Banlieue de banlieue !; Ramsay ; 1986 • J.Menanteau ; Les banlieues, le monde. ; ed marabout ; 1993 ; pp 54
Essais: • •
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Gilles Baudin; La mixité sociale: une utopie urbaine et urbanistique ; 2001 Amar Bensalma, Marjorie Musy, Nathalie Simonnot ; les grands-ensembles: de la ville moderne à la ville durable. Quelles transformations? Quelle durabilité? ; 2010 Lauren Andres , Béatrice Bochet ;La mutabilité à l’épreuve de la durabilité ou comment relire la réutilisation des territoires urbains délaissés sous le couvert de la ville durable ;2007 Jean Patrick Fortin; Le Grand-ensemble, entre pérennité et démoliton; 2010 Renaud Epstein; ANRU Mission accomplie? ; 2012
Rapports: • •
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Rapport 2012 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles. Joseph Graven, Ophélie Ignace, Gaëlle Le Genissel ; Fiche rapport POPSU: GPV la Duchère ; 2006. Rapport Grosdidier à l’Assemblée Nationale n°997, 2003 Rapport: «Renouvellement urbain et mutabilité des tissus constitués»; L.Leblanc, M-C. Bézenech, M. Bourdarion, L.Boyre; Jan. 2004; observation de l’habitat et analyse des territoires
Articles: •
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Jean-François Guet; Ville désirable ou ville durable : quelle place pour les espaces verts?, métropolitiques ; débat; Avril 2012. Stéphane Miget; Barre Balmont à Lyon: une réhabilitation pour casser l’image des HLM ; le Moniteur; Juin 2011 Olivier Bonin; Une alternative pour les banlieues; interdépendances ; article ; 2005 Aurélie Champagne; interview Paul Chemetov; http://www.rue89.com/ ; octobre 2012 Dany Stive ; Interview Philippe Vignaud; l’Humanité; Avril 2010
ICONOGRAPHIE: Sources photographiques: 1°) Brochure de l’exposition: GRANDS-ENSEMBLES ,de 1960 à 2010, regards photographiques ; 2010 http://www.esam-c2.fr/IMG/file/programmation_culturelle/brochure_grands_ ensembles.pdf _ Carré rouge, 2005, Mohamed Bourrouissa, courtesy gallerie kamel mennour
_ Siem, Radia et Zohra, quartiers des Bleuets, Créteil, 1998; Bruno Boudjela/ Agence vu _ Un hiver à Saint-Denis, 2010, Jean Christophe Bardot/bar Floréal
2°) Book Frédéric Druot: Opération Tours Bois-le-Prêtre http://www.druot.net/Book-Tour-Bois-le-Pr%C3%AAtre-FR.pdf, 2011
_La tour Bois -le-Prêtre, avant / aprés, Book Frédéric Druot_2011 _ Plan d’intervention Book Frédéric Druot_2011 _A l’intérieur des espaces tampons «pluggés» Book Frédéric Druot_2011 _Vue depuis les balcons Book Frédéric Druot_2011
3°) Fiche présentation Grand-Paris: Réhabiliter les Grands-ensembles; 2008
_Intervention sur l’espace libre d’un grand-ensemble, équipe Bernardo Secchi et Paolo Vigano pour le Grand-Paris, 2008 _Mutabilité architecturale, thématique du Grand-Paris, axonométrie schématique présentée par l’équipe AJN; J.Nouvel, J-M. Duthilleul (AREP), M. Cantal-Dupart; 2008 _La mutabilité du Grand-ensemble et sa compatibilité avec des objectifs durables; perspective d’intention,équipe : F. Geipel; G. Andi + Systematica / LIN; 2008
4°) Présentation du GPV La Duchère. http://www.gpvlyonduchere.org/
_Un urbanisme durable à la Duchère perspective présentant la mutabilité urbaine du grand-ensemble; 2008
5°) Atelier Castro-Denissof http://www.castro-denissof.com _ Remodelage urbain, barre République, Lorient, Perspective Atelier Castro-Denissof, 2002 _Perspective du remodelage de la barre Balmont à la Duchère, Atelier Castro-Denissoff, 2008