Les visages de l’ONU
Piet Wostyn
En mars dernier, le belge Piet Wostyn revenait d’un poste de deux ans en Équateur chez ONU Femmes, dans le cadre du programme des Jeunes Experts Associés (JEA) des Nations Unies. En tant que seul homme de son équipe à Quito, la capitale équatorienne, il a fait connaissance avec l’ONU depuis une perspective unique.
© Piet Wostyn
Piet Wostyn (Belgique) – Analyste de programme (JEA) pour ONU Femmes (2014-2016)
Précédemment en poste à Quito, Équateur Deux ans d’ancienneté à l’ONU Diplômé en psychologie du travail et de l’entreprise, et en étude de la culture et du développement (CADES) A débuté comme collaborateur administratif chez VLIR-UOS A pris part au Programme Junior du CTB, et au programme des JEA de l’ONU Expériences de terrain en Bolivie, Pérou, Bénin, Équateur, avec des missions au Suriname, Congo Kinshasa.
« Suivre un Master en études de la culture et du développement m’a beaucoup motivé à aller plus loin dans la coopération au développement » En quittant l’enseignement secondaire, Piet a choisi d’étudier la psychologie. « Quand j’ai choisi d’étudier la psycho, je n’avais pas vraiment d’idée claire de ce que je voulais faire, mais je trouvais que cette discipline offrait un large spectre de sujets. » Il s’est
ensuite lancé dans un master de deux ans en psychologie du travail et de l’entreprise, et est parti en Erasmus à Valence en Espagne pendant la première année. « C’était une expérience captivante qui a élargi mes horizons. J’ai vécu dans un nouvel environnement et rencontré des gens venus de pleins de pays différents. » Lors de sa seconde année de master, il est parti en stage à Cuenca en Équateur, une expérience qui a éveillé son intérêt pour la coopération au développement. « Inspiré par ce séjour, j’ai décidé de suivre un second master en études de la culture et du développement (CADES) à l’université de Louvain (KUL). Je suis très content d’avoir fait ce choix car ce deuxième master m’a énormément motivé à m’orienter vers la coopération au développement. Ça a aussi été utile pour évaluer mon stage en Équateur et voir les erreurs que j’avais pu commettre. » Pour le moment, Piet est retourné travailler à la KUL, où il était employé avant son départ pour Quito. Piet en était déjà à six ans d’études quand il a décidé de prendre une année sabbatique pour faire du volontariat. « Vers la fin de mon année CADES, je suis entré en contact avec Catapa, une petite asbl qui travaille dans le domaine de l’exploitation minière en Amérique latine. J’ai travaillé avec eux pendant six mois en Bolivie, puis au Pérou pendant six autres mois. » Cela ne semble peut-être pas être un choix évident à faire pour un étudiant, mais cette année de volontariat à beaucoup aider Piet pour la suite. « J’ai beaucoup appris et me suis construit une expérience de terrain. Ça m’a été très utile pour les candidatures qui allaient suivre. » L’année qui a suivi son volontariat a été très variable : « J’ai envoyé beaucoup de candidatures et je suivais en même temps une formation d’enseignant. Et comme il fallait quand même que je me nourrisse, sur le côté, je faisais aussi beaucoup de jobs étudiants. De plus, j’ai continué à travailler pour Catapa en tant que bénévole depuis la Belgique. » Par la suite, il a trouvé en emploi en tant que collaborateur au sein du siège bruxellois de VLIR-UOS, une organisation qui soutient les partenariats entre les universités flamandes et les pays du Sud pour trouver des solutions innovatrices aux défis mondiaux et locaux. « C’était très intéressant de découvrir la coopération au développement du point-de-vue universitaire. » En même temps,
« Je voulais me familiariser avec la coopération au développement internationale et multilatérale » Après quatre ans à travailler pour la KUL, Piet a décidé de signer pour le programme des JEA des Nations Unies. « J’avais déjà repéré des postes de JEA depuis un petit temps. Ce genre de fonctions m’intéressait beaucoup car, lors de mon volontariat en Bolivie et au Pérou, j’avais travaillé au niveau local. J’avais ensuite expérimenté la coopération au développement universitaire avec VLIR_UOS, puis au niveau bilatéral avec CTB. Désormais, je voulais aussi me familiariser avec la coopération au développement internationale et multilatérale. » Piet a donc envoyé sa candidature pour un poste chez ONU Femmes à Quito ; il a été invité à une entrevue de sélection à Bruxelles et a pu partir pour l’Équateur en mars 2014. Il est arrivé au bureau d’ONU Femmes de Quito, dans une équipe d’une quinzaine de personnes. « Avant de partir, je n’étais pas vraiment un expert en questions de genre. Ça a par conséquent été une expérience très enrichissante. J’ai remarqué qu’il est particulièrement difficile d’élaborer des politiques d’égalité des sexes et de les mettre en œuvre dans une culture aussi clairement machiste. » Hormis un informaticien et un chauffeur, Piet était le seul homme de l’équipe. « C’était un contexte particulier d’être le seul homme de l’équipe de programmes. Ça a rendu les choses très intéressantes, mais ce n’était pas simple de formuler ma vision des choses dans un monde de femmes. J’étais en position minoritaire. »
« La notion de genre est encore trop peu abordée dans la problématique du changement climatique » En tant qu’analyste de programme, Piet a travaillé sur le thème de l’autonomisation économique, l’un des six objectifs stratégiques d’ONU Femmes. « Le but était d’intégrer une perspective genrée
dans différents projets et programmes de manière concrète. Ma mission était de donner l’assistance technique nécessaire à divers partenaires et de suivre attentivement les processus initiés de sorte qu’il y ait un progrès systématique. » Un des projets-clés sur lequel travaillait Piet consistait en l’intégration de la perspective du genre dans le discours sur le changement climatique. « ONU Femmes travaillait sur un projet en partenariat avec le Programme alimentaire mondial (PAM) et le ministère équatorien de l’environnement pour améliorer la protection des communautés locales contre les impacts du changement climatique. La tâche d’ONU Femmes était d’introduire la notion de genre dans ce projet au travers de plusieurs mesures et activités. » Ce n’était pas une sinécure. « La notion de genre est encore trop peu abordée dans la problématique du changement climatique. Mais quand vous voulez monter quelque chose de concret, vous devez prendre en compte le fait que la réalité des hommes et celle des femmes sont différentes. Vous devez envisager avec précision et pour chaque projet quel impact une activité pourrait avoir sur les relations hommes/femmes et quels résultats nous désirons atteindre. » Le projet en question visait à informer les communautés sur le changement climatique et ce qu’ils peuvent faire contre ça. Ensuite, on consulte les communautés pour voir quelles sont les manières les plus efficaces pour s’armer contre le changement climatique. « Vous entrez alors dans un monde généralement masculin parce que vous parlez avec les dirigeants d’une communauté, les chefs d’un gouvernement, les maires locaux, etc. Ceux-ci vous parlent par-exemple de la construction d’un canal d’irrigation, qui est souvent considéré comme un domaine spécifiquement masculin. Mais parfois, il s’agit de soutenir l’horticulture à petite échelle, un domaine dans lequel les femmes sont plus actives, nécessaires et même efficaces. Le but est d’intégrer les visions des deux sexes et aussi de donner une voix aux femmes. »
© Piet Wostyn
Piet suivait la formation Infocycle de la Coopération technique belge (CTB), l’agence de développement belge, et il s’est ainsi retrouvé dans le bassin de recrutement de leur programme Junior. Six mois plus tard, Piet a pu s’envoler vers le Bénin pour débuter son nouveau job d’assistant junior. « Ça a été une expérience très stimulante puisqu’il s’agissait surtout de travailler sur le terrain. » Mais le projet pour lequel je travaillais a rencontré des obstacles institutionnels et politiques. Ça a été très frustrant et stressant d’atteindre certains résultats dans cette situation complexe. En tant que Junior, ça vous ouvre les yeux. Mais en même temps, j’ai beaucoup appris grâce à une bonne coopération avec mon superviseur. » Quand Piet est revenu en Belgique, il a pu immédiatement intégrer le Bureau international de la KUL. « Mon expérience chez VLIR-UOS a été très pratique. J’ai dirigé trois gros programmes de coopération institutionnelle universitaire, un en Équateur, un au Pérou, et un autre au Suriname, et j’ai aussi participé au démarrage d’un nouveau programme de coopération au Congo. »
Lancement de la campagne HeForShe à Quito. Pour donner le coup d’envoi à un discours inclusif, ONU Femmes organise par exemple des ateliers lors desquels la routine journalière de l’épouse est comparée à celle du mari. « Les femmes sont responsables pour tout, elle travaillent dans l’économie
« Ceux qui étaient au départ sceptiques au sujet de l’égalité des sexes sont eux-mêmes devenus les ambassadeurs de ce message » La plus grande satisfaction pour Piet est de faire le bilan des résultats obtenus. « Dans le cadre du projet autour du changement climatique par exemple, nous avons réussi à développer une autre manière de travailler. Ceux qui étaient au départ sceptiques au sujet de l’égalité des sexes sont eux-mêmes devenus les ambassadeurs de ce message. » L’aspect le plus difficile était le côté bureaucratique. « J’ai trouvé qu’une des choses les plus difficiles étaient les complexités administratives contre lesquelles on doit lutter. De plus, la communication interne du bureau s’en trouvait perturbée. Ça n’a pas été simple de trouver ma place et de travailler avec tout le monde, parce que chacune évolue un peu dans son propre monde. » Les conditions de vie et de travail que décrit Piet étaient plutôt agréables. « Quito est une grande ville où on peut trouver tout ce dont on a besoin, bien que les transports et le trafic puissent être pénibles. Mais j’habitais dans un appartement proche du bureau, donc je pouvais y aller à pied. » Cependant, quand on travaille dans un endroit comme Quito, il faut prendre en compte les vicissitudes de la nature. « Lorsque j’étais là, il y a eu quelques petits tremblements de terre et c’était quand même effrayant. Quito se trouve également au milieu d’une zone volcanique. Le Cotopaxi (un grand volcan à 50 km de Quito) est entré en éruption pour la première fois en septembre 2015. Alors dans ces cas-là, c’est tout-de-suite « tout le monde sur pont ! » L’impact n’a pas été énorme là où j’étais, mais il était toujours possible qu’une grande menace arrive à proximité. » Aussi, la criminalité est ce dont Piet se souvient le plus. « Tout ce qui concernait la sécurité était suivi à la lettre. Nous étions donc prévenus lorsqu’une vague de criminalité déferlait sur la ville. On constater par exemple qu’il
y avait soudainement plus de cas où quelqu’un qui prenait un taxi se faisait kidnapper. »
« Quand vous êtes sur le terrain, taisez-vous et observez » Les conseils de Piet aux jeunes gens qui envisagent une carrière internationale ou dans l’humanitaire : « Faites beaucoup de volontariat et essayez d’en faire sur de longues périodes. Et lorsque vous êtes sur le terrain, taisez-vous et observez ce qu’il se passe autour de vous. Essayez de comprendre précisément ce qu’il se passe et pourquoi. J’ai le plus appris dans des moments où j’ai pu tenir ma langue et parler d’une situation que j’avais vue, plus tard, avec un collègue ou un superviseur. Il est aussi important de prendre un peu de distance par rapport à ce qu’il se passe. » Piet partage également une astuce très concrète : « Quand vous êtes sur le terrain, essayez de savoir avec précision qui vous voulez comme superviseur. Ça peut être quelqu’un de l’organisation de contrôle de votre propre pays, ou de l’organisation sur le terrain, mais essayez d’en trouver un vous-même. Déterminez vos objectifs de manière à savoir où vous voulez aller et ce que vous espérez apprendre. Discutez régulièrement avec votre superviseur afin de pouvoir évaluer votre propre performance. De cette manière, vous aurez une idée de la façon dont les autres vous perçoivent en tant que collègue et en tant que personne, et vous pourrez vous améliorer et peut-être même vous découvrir. »
© Piet Wostyn
domestique, l’économie invisible. Tôt le matin, elles amènent les enfants à l’école après avoir préparé le petit-déjeuner, elle nourrissent les bêtes, elles nettoient la maison et lessivent les vêtements. Le soir, elles préparent le repas, font la vaisselle et mettent les enfants au lit. On voit bien que la femme est la clé de voûte de la famille. Faire comprendre ça est un signal très fort. Une partie de la problématique est naturellement liée à la répartition des tâches, mais on voit aussi souvent que ce partage de responsabilités renforce les stéréotypes et fait que les femmes manquent d’égalité des chances. »
Atelier à Puyo (zone amazonienne) pour promouvoir la participation des femmes autochtones dans les organisations et déterminer ensemble leur agenda politique.
UNRIC BENELUX (benelux@unric.org) – Juillet 2016 – Auteur : Gaia Verhulst – Traduit du néerlandais par Alexiane Renier