Gaia Scienza Numéro 2 – Septembre 2010
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2010 The Internationalist Foundation
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Sommaire Editorial – Waiting for the plumber · 5
Nevs & Rabbit pour les dessins de marges
Family Science · 11 Dr Rabbit
Untitled · 17
Etienne Camperez
Les Shadocks jouent au golf en un trou · 23 Nevs, Camperez, & Rabbit
Une monnaie de singe · 31 Polen Lloret
Die Vermessung der Dinge (durch Guillaume Carreau) · 39 Roland Albrecht
Sound of Silence · 43
With a comment of Sean O’Hagan
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Editorial – Waiting for the plumber Nevs & Rabbit pour les dessins de marges Comme tout grand mythe qui se respecte, celui de la “consommation” a son discours et son anti-discours, c’est-à-dire que le discours exalté sur l’abondance se double partout d’un contrediscours “critique”, morose et moralisant, sur les méfaits de la société de consommation et l’issue tragique qu’elle ne peut manquer d’avoir pour la civilisation tout entière. Ce contrediscours est lisible partout: pas seulement dans le discours intellectualiste, toujours prêt à se distancier par le mépris des « valeurs primaires » et des « satisfactions matérielles », mais aujourd’hui dans la culture de masse » elle-même: la publicité se parodie de plus en plus, intégrant la contre-publicité dans sa technique publicitaire […] Ce réquisitoire incessant fait partie du jeu: c’est le mirage critique, l’antifable qui couronne la fable – la phrase et l’antiphrase de la consommation. Seuls les deux versants ensemble constituent le mythe. Jean Baudrillard, La société de consommation, 1970
Nous sommes en 2010, quelque part dans l’histoire, toujours en proie aux déboires de notre conscience, aux problèmes analytiques et aux aventures périlleuses de la synthèse. Car à mesure que progressent
la spécialisation d’un côté et le subjectivisme de l’autre, progressent également les replis communautaires. Rien ne se perd, tout se transforme. Question d’identité et d’appartenance, phénomène anthropologique ou instinct grégaire, des cultures naissent par le souci de différenciation qu’implique la nécessité de se définir soi-même comme étant à la fois dans et en-dehors de. Dans la télé, en-dehors de l’anonymat. Dans le temple, en-dehors du profane. Dans ma maison, en-dehors de la rue. Dans la merde, en-dehors de mon entreprise. En général le « dans » définit ce qui me protège et le en-dehors ce qui m’est hostile. Le but, c’est avant tout de survivre. Dans le jeu des privilèges et de la valorisation symbolique, on fait feu de tout bois: l’habit, la nourriture, le moyen de se déplacer, le choix des objets de consommation, le ton et le rythme de nos propos. Je parie que l’homme capable de tenir n’im-
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porte quelle discussion en alexandrin serait le roi des plateaux télévisés. Comme le meilleur des slameurs. Peu importe ce que l’on dit si on le dit bien et surtout au bon moment et au bon endroit. Mais si les paroles doivent s’assortir à un milieu social, le contraire est par contre beaucoup moins vrai. Pour preuve tous les grands créateurs morts dans la misère et l’indifférence. La grande force des théories du libéralisme économique, c’est justement qu’elles intègrent dès le début des notions scientifiques révolutionnaires pour notre Weltanschuung. C’est par exemple le cas avec le Darwinisme. Quand le marché s’auto-régule par les lois de la concurrence et de la « main invisible », il le fait en supprimant les plus faibles et les moins aptes à la guerre économique. L’idéologie et la croyance de ce groupe de penseurs, c’est la croissance à tout prix pour réaliser l’œuvre de dieu (ou de l’Esprit d’ Hegel) par le biais de l’activité de l’homme. Mais comme on
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est dans un modèle politique dit démocratique, ils ne sont pas seuls au gouvernail: il y a aussi des socialistes – au sens le plus large du terme. Le socialiste, lui, est pétri de morale humaniste. Il dit: « D’accord, va pour la croissance, mais il faut faire en sorte de protéger les plus faibles ». Ça c’est un reste de la culture judéochrétienne, c’est-à-dire une composante sociale réelle, avec ses institutions et son dogme, qui ont deux mille ans d’histoire. On peut au moins penser que la charité et les aides sociales « limitent les dégâts » et que par conséquent c’est « bien ». Mais c’est plus que ça en réalité: cela permet en fait de maintenir le système libéral en cultivant et en conjuguant le discours humaniste à toutes les sauces, à tous les styles. En attendant de recevoir le nouveau messager de dieu (surveillons facebook), les écosystèmes et les grands patrons trinquent. Le suicide des uns fait le bonheur des autres. Et puis tant que le frigo est plein on peut continuer de se purger de la violence dans l’hyperréalité de l’art et du « journalisme ». « Ô douce indignation, terreau et levain des industries culturelles, en écoutant tes lamentations je trouve les limites et les justifications à mon intérieur cuir et à la couleur de mes papiers peints! Je n’ai pas vendu mon âme au diable, je le jure devant le monde en couleur de mon écran-plat-dolby-surround ». Mais là n’est pas le meilleur, chers amis! Le meil-
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leur, c’est que ce n’est ni la fin de l’histoire, ni la mort de l’art! Le messie a toujours plus de chance de débarquer le week-end que le plombier. Vive le royaume des canalisations! Vive Mario! i
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Family Science Dr Rabbit 6:30 pm. As every Sunday evening, the Tilly’s gather around a roasted chicken in their aristocratic dining room. Charles (the meditative father) occupies the edge of the table. Richard (the rebellious son) hates sitting in front of such a boring mother. Louise (the devoted but severe mother) hates sitting in front of such an insolent child. “Junior, could you bring the bottle of CabernetSauvignon? You will find it on the serving hatch.” “Oh, mom! It’s always me who has to get things from the kitchen. Why not daddy this time?” “You perfectly know why, says Charles. And even when they’ll remove my plaster, you ought to be helping us. Now get this bottle, would you.” “That’s unfair. Why does the only person deprived of the delights of wine has to serve it to the privileged? I feel like a citoyen in the early 18th Century obliged to unpaid labour when counterrevolution revived the corvée.”
Painting by Edward del Rosario, Untitled (Family Dinner), 2008. 18 x 16 in. Oil on linen mounted to panel
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“Listen, says Louise, who laid the table when you were pretending to work? Who prepared the food? Who put your bottle of Coke on the table? We are all citoyens here. Rousseau would say that our family arrangement is a fair social contract.” “Your mother’s right, Junior. You know how life is in a truly democratic model, where the scribe in the morning becomes cook in the afternoon and governor in the evening. And remember that even the Kibbutz only approached, but never attained this ideal. But here you are: we, the Tilly’s, are the first historical manifestation of genuine application of this political model.” He gives up trying to dismember his chicken wing with the silver cutlery and resolves to grab it with his free hand, despite the stabbing gaze of his wife. “I grant you, dear father, that you’ve touched upon my favourite political arrangement. But I disagree with your argument: community service should serve the public good, not only a local elite of wine tasters. So I’ll fetch your bottle on the condition that you approve my thesis on the fall of the Communards.” “You mean your statement that the Parisian Commune failed because the working class was not yet developed enough?” “Yes. Or better said: that this failure is an expression of the prevalent social structure, for it reveals
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the embryonic state of the French working class in this point of history. So, is that a deal?” He seems proud of his offer. “I don’t like these kind of deals”, mumbles Charles. He is now involved in the tricky exercise of dangerously removing the fatty, roasted skin from the chicken wing, a few centimetres above his brandnew white shirt. “But I recognise that explaining the fall of the Commune only through the action of elite groups was giving me some troubles lately…” After a short moment of intense concentration, he hits the table with his plaster. “OK, let’s do like this instead: you bring us the wine, and we swap your thesis on the Commune with mine on the Luddite movement.” “Mmmh… All right, you win, I get this damned bottle… But only because your interpretation of Luddism doesn’t undermine the pivotal role of sabotage and alienation in the workplace.” He walks nonchalantly towards the kitchen. “He doesn’t win, Junior,” says Louise aloud. “He’s your father and he has served the public good since old times in which you weren’t even born. You should therefore respond to him with respect and devotion.” Charles sighs, staring vaguely at the tablecloth, with his mutilated chicken wing on his right hand, as if it were a cigarette. “I don’t know if we are raising him up as we should, darling.”
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“You better not spoil your shirt, eating like a CroMagnon. Else I trade you the laundry against the Dreyfus affair.” i
NB. Though this story is purely fictional, it has been inspired by one single real fact—the existence of this book: The Rebellious Century, 1830–1930. Charles Tilly, Louise Tilly, & Richard Tilly. Published by Harvard University Press in Cambridge, Massachusetts.
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Untitled Etienne Camperez I The girl’s eyes focus. On the plastic bottle. I am surprised that the dry air carries enough molecules to wrap the bottle in a layer of condensated water. On the wooden table, surrounded by a dozen indigenas in practical, make-shift clothing, Coca Cola is alien. Desirable. Reified advertisement. Before the drink touches the girl’s bad teeth, I get served in a glass with ice cubes. The smiles around me oscillate between pride and embarrassment, vanity and humility: of course they recognize that my European eyes measure what the presence of the bottle implies: its price, the transportation, the temperature, its not being pulque (the home-brewed, waterish brew that they keep in used plastic bottles that foreigners never really learn to appreciate - except when writing home of course). I came here by foot. The road had been too rocky. My shoes, trousers, shirt, specs are covered in dust and flies. I am thirsty. I help myself nonchalantly
to a second glass. This is my contribution to accelerate the process. II Compared to the hordes of toddlers, adolescents above sixteen or seventeen are rare in this place. They are: en el Norte. The fantastic income differences have driven them first to Mexico City, then across the RĂo Bravo. I had learned to love the arid and somewhat wild nature in the valleys. I remember my goose bumps when I found myself followed at night by the stray dogs roaming the nothingness between two subsistence farms. But everybody around me seemed to be trying to get away from the slow, non-material lifestyle so perfectly adapted to the land. Why? I met people coming back with US number plates on shiny pick-ups. Some of them owned houses, in the North and the valleys. Some even had papers, employees, medical coverage. Many migrant kids go to US schools. I cherished my patch-work knowledge of European philosophy. My insistence on the individual freedom of choice was like the idiotic pride of patriots raising the flag of whatever nation they happen to be born into. We associate melancholy to the past, but melancholy also refers to the future if the
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looming loss is inevitable. I forced myself to understand choices rather than to judge them and decided to study economics. How does money nurture these ridiculous, irreversible transformations? III It is unlikely that you get a good answer to a mediocre question. I learned how choices are framed in economics (along with zillion other sophisticated and more or less useless thought experiments). Of course I turned to sociology, just like my friends who started off in engineering, law or political science. And like the boy who comes to school with his new Adidas (Nike just having dropped out of fashion), I now fancy to think about choices in the vocabulary of structures and meaning. Most of the mechanics of “advanced” and “emerging” economies can be subsumed under the profitable exploitation of the human desire for social differentiation. Social actions refer incessantly to the Other: whether this is hell, heaven or both depends on your relative position in social relations. The Other can be your neighbour, your neighbour’s wife—or the entire US of A. Too bad that the grammar of this phenomenon has already been charted in all details by more talented writers forty years ago.
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Photo by Pierre. Untitled, 2008.
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IV The capitalist cancer feeds on social differentiation: they are perfect complements. Of the many postures among which we can choose I prefer the following. First: make sure to develop a sophisticated understanding of humanity’s incapacity to make sensible choices. In the face of hopelessness you disdain the naivety of “solutions”. You differentiate yourself by ostentatious mating and/or painful art. I think Houellebecq is an adorable specimen of this type. Second: you are born under a lucky star and protected by the mantra of la vie est belle, le monde pourri. Unfortunately you cannot decide to be happy: you have to be gifted with spirituality, immune against cynicism. Many people I love fall in this category. Third: you stubbornly waste your life to the gaieties of knowledge (enlightenment is still waiting for the grand finale!). The elegant business cards of the radical folks from Absurdistan subtly indicate their profession: Chroniqueur de l’Apocalypse. V What’s the point in producing a record? “Even if I knew that tomorrow the world would go to pieces, I
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would still plant my apple tree,â€? said Martin Luther. With a different haircut he could have been from Absurdistan. If everybody was busy planting apple trees maybe our world would not go to pieces after all. But when Martin was deported to America and crowned Black King, he was shot into in the cheek, smashing his jaw, the spinal cord and the shoulder. RĂo de Flageiro, 4 April 2010 i
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Les Shadocks jouent au golf en un trou Nevs, Camperez, & Rabbit Sur la planète Shadock,* vivaient des Shadocks. L’activité préférée des Shadocks consistait à pomper. Les Shadocks pompaient, pompaient, pompaient. Ils pompaient essentiellement du Cosmogold, dont les usages étaient multiples et variés. Sur la planète Shadock, on utilisait le Cosmogold pour faire tourner des machines de toutes sortes qui permettaient aux Shadocks de se mouvoir, de travailler, de manger ou encore de se divertir. Bref, on peut dire sans se tromper que le Cosmogold était au cœur de la pompeuse civilisation des Shadocks. Ainsi donc, pendant des décennies, les Shadocks pompèrent et brûlèrent des quantités tout à fait pharamineuses de Cosmogold, si bien que les réserves venaient à manquer. C’était un gros problème pour tous les Shadocks qui trouvaient que l’utilisation et * http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Shadoks
le commerce du Cosmogold était tout de même un bon moyen de continuer à développer des machines qui faisaient d’autres machines et qui permettraient sans aucun doute à un maximum de Shadocks d’être heureux. Par chance, des géographes et des géologues Shadocks découvrirent qu’il y avait encore beaucoup de Cosmogold caché très profondément sous les océans. Les horizons de la pompeuse civilisation Shadock étaient donc, selon les Grands Techniciens Shadocks, à la fois sous l’eau et sous la terre qui était sous l’eau. Le problème était que c’était très profond. Bien que les Shadocks étaient passés maîtres dans l’art de faire des trous – ils en avaient déjà fait beaucoup dans les déserts, dans les forêts et même dans les montagnes – ce trou-là nécessitait la création d’une Mégapompe. Ainsi, des Shadocks Savants se réunirent pour réfléchir au projet de construction de cette Mégapompe. Les Gibbies, qui depuis leur planète (à droite de celle des Shadocks) rigolaient bien, leur firent tout de même remarquer que l’aventure était très périlleuse. Mais comme les Gibbies étaient les ennemis des Shadocks, que les quantités de Cosmogold escomptées étaient vraiment énormes et que la Cosmocorp avait fait l’année précédente des profits nets très importants, on estima qu’il était logique et nécessaire de faire ce trou. La seule condition était que l’on désigna
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pour ce travail des Shadocks très responsables. Le congrès des Shadocks applaudit, donna un Bon Point, et on lança la construction de la Mégapompe. La Mégapompe était magnifique, les Shadocks qui y travaillaient en étaient très fiers. Elle avait des jolis pistons et des jolis cadrans qui mesuraient tout un tas de choses qui prouvaient bien que la machine était fiable. Ainsi, les Shadocks pompèrent, pompèrent, pompèrent. Dès les premiers litres de Cosmogold, les Shadocks de la Cosmocorp sabrèrent le Champagne et se moquèrent des Gibbies qui roulaient à vélo. Mais très rapidement, il se trouva que la Mégapompe réagissait de la même manière que la bouteille de Champagne. Alors, des Techniciens Shadocks alertèrent d’autres Techniciens Shadocks qui alertèrent d’autre Ingénieurs Shadocks qui alertèrent les Experts Shadocks qui n’eurent pas le temps d’alerter les Grands Experts Shadocks puisque sous les influences conjointes de plusieurs niveaux de pressions, le Super Trou creusé par les Shadocks venait de faire sauter le bouchon de la Mégapompe. En attendant de reboucher le trou, les Grands Experts Shadocks résolurent dans un premier temps de reboucher le Champagne. Selon l’avis de tout les Shadocks qui avaient fini d’applaudir, c’était une vraie catastrophe. Le trou n’arrêtait plus de fuir, de fuir, de fuir. Et il fuyait
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Dessin de Guillaume Carreau
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beaucoup! Alors les Chefs Shadocks de la Cosmocorp furent invités par le Chef des Shadocks pour parler de la Mégafuite. Pendant ce temps, le Cosmogold se répandait partout, ce qui faisait vraiment désordre pour des gens responsables. Les Shadocks ne voyaient plus de la même façon le Cosmogold selon qu’il était dans les stations de Cosmogold ou dans la nature. Ainsi, quand le trou se comportait comme une bouteille de Champagne, le « Cosmogold-qui-rend-riche » devenait le « Cosmogold-qui-embarrasse ». Les Shadocks ne savaient donc plus ce qu’ils voulaient! Bientôt, les Shadocks de la côte s’encosmogoldisaient. Il y avait des Shadocks qui se plaignaient, d’autres qui ramassaient le Cosmogold, d’autres qui partaient et d’autres enfin qui se suicidaient dans le Cosmogold, ce qui était très embêtant! Mais tout ça ne réparait pas la Mégafuite. Les Experts décidèrent donc qu’on ne pouvait pas rester à ne rien faire en regardant benoitement se déverser le Cosmogold dans l’eau. Ils réfléchirent intensément. Comme les Shadocks n’avaient que des Mégamachines à faire des trous mais pas à les reboucher, on déclara qu’il fallait faire deux catégories: le Cosmogold qu’on mettrait en bas, et le Cosmogold qu’on mettrait en haut. Pour le faire se déposer tout en bas de l’eau, on aspergea le Cosmogold de Toxogold.
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Le Toxogold était très bien parce qu’il était invisible. Ensuite, on jeta des Shalumettes sur l’autre partie du Cosmogold qui brûla et partit en fumée très noire tout en haut du ciel. Très vite, on constata l’existence d’une troisième catégorie: le Cosmogold qui restait visible et dont on ne savait pas quoi faire. A la télévision, des Shadocks de la Cosmocorp déclarèrent qu’on travaillait beaucoup pour trouver des solutions et que la Mégafuite n’était en fait pas si Méga que ça. D’autres Experts Shadocks déclarèrent que la Mégafuite était en réalité plus Méga que ce que l’on croyait. Lors du diner avec les dirigeants de la Cosmocorp, le Chef des Shadocks déclara qu’en l’absence de solution pour reboucher le Trou, il fallait une Méga Amende. Certains Shadocks applaudirent le Chef des Shadocks, mais d’autre firent remarquer que tout ça ne solutionnait pas ce qui restait, de l’avis de tout le monde, un « Méga Problème ». Beaucoup de Shadocks parlèrent, parlèrent, parlèrent. Des Cinéastes Shadocks très imaginatifs disaient avoir des solutions. Mais les Grands Experts Shadocks n’étaient pas convaincus. Alors un autre Shadock émit l’hypothèse de faire exploser une Méga Bombe pour arrêter la Mégafuite. Mais dans la mesure où on était pas sûr de faire pire que bien, on pensa qu’il fallait mieux prévenir que guérir et continuer
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à pomper. Il valait mieux en effet continuer de pomper même s’il ne se passait rien qu’arrêter de pomper et qu’il se passe quelque chose d’encore pire. Les Gibbies proposèrent aux Shadocks des solutions, mais comme les Shadocks étaient les ennemis des Gibbies, ils répondirent que les machines Gibbies n’étaient pas compatibles aux problèmes Shadocks. Pendant ce temps, le Cosmogold continuait de fuir, de fuir, de fuir et les Shadocks pompaient, pompaient, pompaient. Ainsi, devant l’immensité du problème et le vide des solutions en rapport avec ce problème, un Expert Shadock en Communication expliqua que la fuite du Trou n’était en fait un problème que selon certains points de vue. L’ Expert expliqua que l’astuce consistait soit à ne pas appeler un chat un chat, soit à ne pas appeler un chat du tout, c’était selon les cas de figures. En attendant donc de trouver quelque chose de plus concret (comme par exemple un Mega Entonnoir ou une Mega Cloche) on pouvait donc d’une certaine manière reboucher le trou en cessant d’en parler. Comme le fait d’en parler ne rebouchait pas le trou, ne pas en parler le reboucherait peut-être. Les Shadocks trouvèrent l’idée tout à fait ingénieuse et applaudirent! On se dépêcha de récupérer ce qu’il y avait à récupérer avant de payer l’amende et on partit en vacances là où les plages étaient propres. i
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Une monnaie de singe Polen Lloret Un petit conte « à la Voltaire » circule sur Internet. Nous le rapportons ici dans la colonne gauche du tableau qui suit. Nous le commentons dans la colonne de droite du tableau. Il nous semble en effet mériter quelques « points sur les i », tant il est « paradigmatique » de l’affairisme ambiant (et pas seulement boursier). 1–Une fois dans un village, un homme apparut et annonça aux villageois qu'il achèterait des singes pour 10 $ chacun. Les villageois, sachant qu'il y avait des singes dans la région, partirent dans la forêt et commencèrent à attraper les singes.
1.1–« L’homme qui apparaît » n’a qu’une caractéristique : il-a-de-l’argent, donc un capital, c’est donc un capitaliste. D’où lui vient cet argent ? Des « liquidités » qu’un gouvernement, via une banque, lui a allouées pour le sortir d’une banqueroute ? Des économies de toute une vie ? Peu importe : il est le-monsieur-quia-de-l’argent-et-qui-paie-cash. Point à la ligne.\ 1.2–« Les villageois » sont déjà « monétisés » : ils-courent-après-l’argent. Ce n’est pas trivial, dans un
pays à singes. En Amazonie, les villageois (dans leurs cases) ne courent pas après l’argent. En Inde, ils y courent peut-être davantage, mais ils ont des tabous sur le respect de la vie animale. En Afrique… etc. Bref, admettons que d’un côté, ce capitaliste, de l’autre, ces villageois, ont acquis la mentalité des pays dits « développés », où les hommes, ou bien « ont de l’argent », ou bien « courent après l’argent », ou bien… l’un et l’autre à la fois, ce qui est le nec plus ultra du « développement ». 2–L’homme en acheta des centaines à 10 $ pièce et comme la population de singes diminuait, les villageois arrêtèrent leurs efforts.
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2–Le choix du capitaliste de « faire des affaires » dans le « marché des singes » n’est pas argumenté. A juste titre d’ailleurs, quand on verra la fin. Les singes sont pour lui « prétexte à affaires », et tout peut devenir « prétexte à affaires ». Un capitaliste « classique » pourrait s’intéresser aux singes comme cobayes, comme futurs hôtes de zoos, ou animaux de compagnie (le trafic d’animaux à ces usages est parmi les premiers, à l’international). Non, ici, on le verra, il s’agit d’un capitaliste-financier qui ne s’intéresse qu’à l’argent, c’est-àdire à « faire fructifier » le sien, en ponctionnant celui des autres.
3–Alors, l’homme annonça qu’il achetait désormais les singes à 15 $. Les villageois recommencèrent à chasser les singes. Mais bientôt le stock s’épuisa et les habitants du village retournèrent à leurs occupations.
3–Tout affairiste doit commencer par créer une demande pour l’offre qu’il se propose d’apporter. Ou inversement… Ici, il offre de l’argent et demande des singes. Ailleurs, il pourrait proposer des singes contre de l’argent… s’il était un homme de « l’économie réelle ». Mais nous verrons qu’il ne l’est pas, et que c’est un « financier pur ». Dans quelque sens que se fassent les transactions, l’essentiel, c’est de créer un sentiment de pénurie (pour faire monter les cours) ou de rareté (pour les faire descendre), et de prélever sa dîme sur les flux, aller et retour. Comme une usine marémotrice : on turbine à la montée des flots comme à la descente. L’essentiel, c’est de connaître
Image by Laurato, Monkiland.
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l’heure des marées… ou même, de les créer soi-même. C’est ce que notre capitaliste est en train de faire, en poussant à la hausse le cours du singe. 4–L’offre monta à 20 $ et la population de singes devient si petite qu’il devint rare de voir un singe, encore plus d’en attraper un. L’homme annonça alors qu’il achèterait les singes 50 $ chacun.
4–Le cours du singe continue à monter… Une bulle est en train de se former. Les villageois n’en ont cure, car ils ont empoché leur « monnaie de singes », et se croient à l’abri. Avec cet argent, on pourra toujours aller à la ville (ou au comptoir) acheter des biens et des services tout à fait tangibles (sauf dévaluation monétaire, mais ne divergeons pas.
5–Cependant, comme il devait aller en ville pour affaires, son assistant s’occuperait des achats.
5–Toute opération financière bien montée met en œuvre des « compères » (comme au jeu de bonneteau). Ils ont d’ailleurs droit à leur part des dépouilles. Ce seront par exemple « les médias » (spécialement financiers), les agences de notation etc. Ici, comme nous sommes dans un conte philosophique, le Compère est un homme de chair et d’os.
6–L’homme étant parti, son assistant rassembla les villageois et leur dit : « Regardez ces cages avec tous ces
6–L’habileté du Compère (presse, agences de notation etc.) est essentielle pour porter l’estocade (la « crevaison de la bulle »). Ici, il feint de devenir l’allié des villageois (les
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Graffiti by Jef Aerosol, London. Photo by mermaid99. Licence Creative Common.
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singes que l’homme vous a achetés. Je vous les vends 35 $ pièce et lorsqu’il reviendra, vous pourrez les lui vendre à 50 $. »
« petits porteurs ») en leur suggérant un « coup mirifique ». C’est la martingale, « l’augmentation de capital à laquelle vous pourrez souscrire prioritairement » etc. « C’est le moment où on peut devenir riche, si on a le goût du risque », « si on ne se dégonfle pas ». Le moment est critique : les villageois ont encore en mains l’argent des « achats » du capitaliste. Certains vont sortir de la nasse, et l’employer à des usages concrets (nourriture, logement etc.). Tout en se demandant s’ils ne passent pas à côté de la fortune (dur, de rester prudent)…
7–Les villageois réunirent tout l’argent qu’ils avaient, certains vendirent tout ce qu’ils possédaient, et achetèrent tous les singes.
7–Mais l’essentiel du « troupeau » des villageois est hypnotisé : depuis le temps que le cours du singe monte… Ils font comme au 17ème siècle lors de la « bulle » des tulipes de Hollande, comme au 18ème siècle lors de la banqueroute de Law, comme au 19ème-20ème siècle avec les emprunts russes etc. : « quitte ou double ! » et culbute à chaque fois. Mais les villageois n’ont pas en tête tout ce passé. Par contre, le capitaliste le connaît par cœur, et l’imite, avec « sophistication ».
8–La nuit venue, l’as-
8–L’assistant et son patron dispa-
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sistant disparut. On ne le revit jamais, ni lui ni son patron…
raissent… on ne sait où. Peut-être même pas très loin ? De nos jours, pour disparaître, il suffit de se cacher derrière des sociétés écrans, domiciliées de préférence dans les « trous noirs » que sont les paradis fiscaux.
9–… mais beaucoup de singes qui couraient dans tous les sens.
9–La Capitaliste et son Compère sont ici des amateurs. Ils ont « rendu les singes » aux villageois. De vrais professionnels les auraient « écoulés » ailleurs ou euthanasiés (c’est cher à nourrir et à soigner), tout en les « vendant à découvert » (c’està-dire avec promesse de vente, à terme). Et vive la préservation de l’environnement !
10–Bienvenue dans le monde de la Bourse !
10–En fait : « Bienvenue dans le monde des affaires », dont la Bourse n’est que l’aspect le plus « dématérialisé » et le plus caricatural. i
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Die Vermessung der Dinge (durch Guillaume Carreau) Mit einer Erläuterung von Roland Albrecht,* Direktor des Museum der Unerhörten Dinge † Alexander von Humboldt bereiste die halbe Welt, um „Maß zu nehmen“ von der Erde und tüftelte an einem Schnittmuster aller Erscheinungen. Johann Carl Friedrich Gauß wollte die „Figur der Erde“ ausfindig machen und berechnete das Schnittmuster, aus dem diese Figur geschneidert ist. Daniel Kehlmann führte beide in einem gut bemessenen Buch zusammen und erntete großen Erfolg. Guillaume Carreau, ein junger Künstler aus der französischen Hafenstadt Nantes, vermisst kleine unerhörte Dinge eines Museums in Berlin und ver* http://www.rolandalbrecht.de † http://www.museumderunerhoertendinge.de
fertigt kunstvolle technische Zeichnungen von Dingen, die es schon gibt, die also nicht mehr konstruiert werden müssen, nicht konstruiert werden können. Leonardo da Vinci, der als einer der Väter des technischen Zeichnens gilt, ging es um die genaue, detaillierte Abbildung von mechanischen Prozessen, die auf Grund seiner Zeichnungen wieder rekonstruiert oder überhaupt erst konstruiert werden konnten. Guillaume Carreau geht den umgekehrten Weg: Er dekonstruiert durch eine Konstruktionszeichnung einen Gegenstand aus einem Museum, indem er aus einem völlig untechnischen Gegenstand eine genaue, akribische technische Zeichnung anfertigt. Jeder Gegenstand eines Museums ist aus dem Prozess der direkten Vermarktung genommen, ist nur noch ein Gegenstand der Forschung. Museumsdinge berichten über die kulturelle Leistung eines Landes,
Image, Guillaume Carreau, La Rose de Goethe.
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eines Volkes und sogar der Menschheit. Eine technische Zeichnung eines Museumsdings ist an sich überflüssig, es sei denn, sie dient der Dokumentation. Guillaume Carreau zeichnet akribisch die GoetheRose, eine Papierrose, die 14 Tage in Karlsbader Sprudelwasser lag, an der sich Eisenkristalle angelagert haben und die dadurch einen versteinerten Ausdruck bekommt. Goethe führte eine solche Rose auf seiner Italien-Reise mit und eine solche wundersame Rose ist im „Museum der Unerhörten Dinge“ aufbewahrt. Guillaume Carreau lernte das Berliner Museum bei einer Gastausstellung im Frühjahr 2006 in Nantes kennen und fing an, einige ausgestellte Exponate als technische Zeichnungen zu Papier zu bringen. Zwei Teile aus der Schreibmaschine von Walter Benjamin, die Rückseite eines Bilderrahmens und Ausschnitte der Vorderseite eines Bildes von Cornelis Cornelisz van Haarlem, aber auch eine Oliveneichel sowie ein Kinderspielauto, an dessen Entwicklung der russische Künstler Malevitsch mitgewirkt hat, sind Gegenstände seiner Zeichnungen. Es sind Dinge, die nicht nur durch ihre haptische Erscheinung existieren, sondern erst durch ihre narrative Auslegung größere Bedeutung bekommen. Es sind Dinge, die sich genau genommen einer technischen Aneignung entziehen. Indem Guillaume Carreau diese Dinge in Konstruktionszeichnungen in ihrer nackten Sachlichkeit
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darstellt, entreißt er ihnen nicht ihr Geheimnis, ihren Zauber, was ja der eigentliche Grund und Zweck einer technischen Zeichnung ist, sondern Guillaume Carreau gelingt es, in seinen Bilder den unscheinbaren Dingen noch ein zusätzliches Geheimnis zu geben, indem er z. B. die Goethe-Rose in zehnfacher Größe, in Hunderten von Vermessungen darstellt, ihm gelingt es auf wunderschöne Weise, mit Mitteln der Konstruktion, das Befremdliche wie auch das Ästhetische eines solchen Unterfangens darzustellen. i
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Sound of Silence With a comment of Sean O’Hagan
Photo by Dash Snow, Untitled, 2005 Digital C-Print 50.8 x 50.8 cm
Snow’s Polaroids first appeared on the pages of Vice. The anti-art, ultra-real, everything-is-disposable thrust of the magazine, aligned with its terminally cool sneer, may have tainted many people’s view of Snow’s work from the off. i