Régionalisme critique : l'influence du lieu sur l'architecture

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LE REGIONALISME CRITIQUE : L’Influence du Lieu sur l’Architecture

Ugo RIBEIRO.Paolo AMALDI.UE5 Rapport d’études


Je me rappelle le l’expérience de l’arc fléchir. Je crois se main une poignée de métal arrondie

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e temps où je faisais chitecture sans y réentir encore dans ma e de porte, une pièce comme le dos d’une cuillère. Peter Zumthor

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Croquis Faculté d’architecture de Porto. Alvaro Siza

Le Régionalisme Critique

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SOMMAIRE P07-08

Introduction

P10-24

Le régionalisme critique sous une approche théorique

Le régionalisme critique par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre

Le régionalisme critique par Kenneth Frampton

L’esprit de lieu par Christian Norbert-Schulz Ecoles manifestes

P28-44

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Ecole de Porto

Ecole Catalane

Ecoles Suisses

P48-60

La faculté d’architecture de Porto. Alvaro Siza 1987-1993.Portugal

P61-62

Conclusions

P65-66

Bibliographie

P69-70

Table des Matières L’influence du Lieu sur l’Architecture


Chapelle ST Niklaus. Mechernich-Wachendorf. Allemagne. P.Zumthor. 2003-2007

3 maisons à Beinwil am See. Suisse. Livio Vacchini&Silvia Gmür. 1995-1998

INTRODUCTION C’est une relation toute particulière avec le Portugal qui m’a initié à ce vaste thème qu’est le Régionalisme Critique. Depuis toujours, je séjourne régulièrement dans ce pays, quelques semaines par an seulement mais à chaque fois, j’en ressors imprégné de ce qui le compose, le constitue, l’illustre. Cette première approche, je l’ai eu

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malgré moi, sans trop chercher à la comprendre, sans trop essayer de l’analyser. L’architecture m’a offert la possibilité de pouvoir comprendre en partie cette atmosphère si particulière, symbole d’un régionalisme voir d’un « nationalisme » prononcé. Ce rapport à l’architecture m’est apparu l’an

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dernier, au cours du second semestre. La chance m’a été donnée d’avoir un enseignant (en deuxième semestre de licence 2) impliqué sur ce sujet, plus particulièrement sur l’Ecole de Porto et sur Alvaro Siza. Les nombreuses discussions à ce propos m’ont fait réaliser que dans ces régions, l’architecture transcende le lieu, elle le marque tout en le respectant. J’ai donc eu l’occasion de me familiariser peu ou prou avec les différents théoriciens et historiens qui ont une position sur ce mouvement. Ce néologisme a été introduit par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre avant d’être repris plus tard par Kenneth Frampton, historien britannique reconnu, au même titre que ces confrères cités auparavant. A.Tzonis et Liane Lefaivre dans leur ouvrage Critical Regionalism: Architecture and Identity in a Globalized World (2003) s’attachent beaucoup à définir historiquement depuis les grecs jusqu’à nos jours la manière dont le régionalisme a marqué l’architecture que ce soit de manière critique, économique ou romantique. Christian Norberg-Schulz tient également un discours assez intéressant abordant plus le rapport de l’homme aux lieux, la façon dont il se situe dans l’espace plus que le rapport de l’architecture avec le lieu mais ces deux problématiques, sont in fine, complémentaires. K.Frampton quand à lui, aborde ce thème à la fin de l’ouvrage : Histoire et critique de l’Architecture moderne (1981) et le traite en tant que mouvement émergent. Il s’exprime plus tard de manière plus radicale sur le sujet dans un essai : Towards a Critical Regionalism (1983) et développe différents points autour desquels, selon lui, se développe le régionalisme critique.

puisqu’après celles-ci, le capitalisme est érigé en modèle économique. Cette politisation et cette mondialisation de l’architecture est d’autant plus contemporaine avec les impératifs de construction durable chaque jour plus prégnants. L’exemple type est celui du coût écologique du transport des matériaux. Ces questions de durabilité amènent une pression politique supplémentaire créant d’autres impératifs architecturaux. Prenons l’exemple de Luigi Snozzi, un des pères fondateurs de l’école tessinoise qui est révolté face à la politisation de l’architecture. Celle-ci conditionne une architecture éphémère et efficiente qui selon lui devrait être tout l’inverse. Ce phénomène de régionalisme critique a donc pour point de départ des attitudes isolées allant contre le conformisme de la société contemporaine de l’époque. Ces actes architecturaux ponctuels ont lieu dans des régions précises qui par abus de langage se transforme en « école ». On retrouve l’école de Porto, l’école catalane et deux écoles suisses celle du Tessin et celle des Grisons. Il est intéressant d’étudier les contextes dans lesquels sont nées ces architectures ainsi que de comprendre la façon dont les architectes ont commencé à diffuser cette question de l’influence du lieu sur l’architecture. Une étude plus en détaillée d’une réalisation de l’architecte portugais Alvaro Siza : la faculté d’architecture de Porto, viendra terminer le présent rapport.

Ce nouveau mouvement, apparaît alors que le monde change. Le Style International s’est répandu, comme son appellation l’indique, partout. Les cinq points de Le Corbusier - le plan libre, les pilotis, le toit terrasse, la façade libre, la fenêtre bandeau - sont plus ou moins bien appliqués de par le monde. L’expression « Style international » apparaît pour la première fois en 1932 dans un ouvrage de l’historien de l’art Henry-Russell Hitchcock et Philip Johnson –architecte américain—, rédigé à la suite d’une exposition au MoMA de New York intitulée Modern Architecture. L’architecture devient objet, transposable ici ou là. Blanche, elle joue avec la lumière, relègue le lieu au second plan, cherchant avant tout chose une extrême simplicité, entre autre géométrique – simplicité des lignes, formes basiques et matérielle : béton, acier, verre. L’attitude, à la base de ce mouvement, semble à priori être réactionnaire et est due à un mécontentement face aux principes du Style International qui tend à taire les particularités régionales au profit d’une globalisation. C’est un rapport de force qui s’installe entre régionalisme et mondialisme avec sans cesse des allés et venus de l’un à l’autre. Cette mondialisation fait suite aux deux guerres mondiales ainsi qu’à la crise économique,

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LE REGIONALISME CRITIQUE SOUS UNE APPROCHE THEORIQUE

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Le régionalisme critique par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre En 1981, Alexander Tzonis et Liane Lefaivre, tous deux théoriciens de l’architecture, sont à l’origine du néologisme qui nous intéresse tant dans le présent rapport d’étude : « Régionalisme Critique ».

Un terme, deux concepts D’après A. Tzonis, le terme « régionalisme » n’est pas un terme auquel les architectes se réfèrent pour parler de la production architecturale. En réalité c’est un concept choisit par les deux historiens précités et utilisé par eux-mêmes comme un outil d’analyse. Le second terme « critique » est emprunté à l’une des idées du philosophe Kant, allié au régionalisme, il doit permettre une analyse plus précise et plus explicite. La notion de régionalisme détermine une approche qui privilégie le particulier (l’identité même du lieu) par rapport aux dogmes universels. Le concept critique doit souligner la présence d’esprit des architectes vis-à-vis de leurs productions. C’est-à-dire que cette tendance architecturale s’inscrit dans une réalité spatiale mais également spirituelle.

Ordres architecturaux

Le Régionalisme Critique

Selon eux, les fondements de cette manière de penser remontent à Vitruve voir même à l’époque de la Grèce antique. Les ordres, dorique, ionique ou corinthien ne sont pas moins des prouesses techniques que des manières de marquer un territoire, un paysage. C’était une façon d’affirmer la présence d’un groupe et par la même occasion, sa domination sur les autres groupes. De prime abord, on ne retrouve que la notion de régionalisme explicitement abordée par Vitruve dans son traité : De Re Architectura. Selon lui, ce sont les causes naturelles et la rationalité humaine qui doivent dicter la forme architecturale. L’architecture régionale est donc en rapport directe avec des contraintes physiques internes et externes, il prend comme exemple le climat. Le climat a des influences sur la condition physique de l’Homme et donc de ce fait sur l’architecture qu’il va produire pour s’en protéger ou à l’inverse en tirer profit. A cet instant entre en jeu une contradiction dans la pensée vitruvienne. Selon lui, il est normal que les romains du fait de leur environnement, règnent sur le monde et que de ce fait leur architecture émerge à différent endroit de l’empire. Cela vient contredire le postulat émis par Vitruve lui-même : l’architecture régionale est donc en rapport directe avec des contraintes physiques internes et externes. C’est donc à l’extrême opposé du concept de différences régionales qui reconnait l’identité et la diversité des architectures selon leurs régions. On ressent à travers les dires de Vitruve une position intéressante et assez avant-gardiste lorsqu’il parle de causes naturelles et de rationalité humaine, mais celle-ci s’efface devant la recherche d’hégémonie de l’empire Romain à laquelle la majorité des intellectuels de l’époque adhèrent ; déjà, l’architecture subissait des « pressions » politiques.

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Casa dei Crescenzi Le premier acte d’architecture portant les valeurs, aussi minces soient-elles du régionalisme se retrouve dans la Casa dei Crescenzi (XIIème siècle, Ponto Rotto). Une fois de plus, les motivations qui ont nourries ce projet sont d’ordres politiques. Ce qui est important de retenir avant l’acte architectural, c’est l’idée que veut faire passer Niccolò de Crescenzi à travers sa réalisation. Il souhaite s’opposer aux dogmes du Pape dont l’influence s’étend bien au-delà des sept collines de Rome. Avec son mouvement politique il promeut une pensée régionaliste. Cette pensée peut avoir une portée nationale et plus encore. Cependant dans les faits et plus particulièrement dans sa réalisation architecturale, elle sera propre à chaque région puisqu’elle se nourrit de l’identité locale, d’éléments et de matériaux régionaux qu’elle doit en quelque sorte sublimer voir transcender. Comme l’annonçait Vitruve, il y a une partie spirituelle et une partie physique, la réalisation de sa tour de brique concrétise cela.

Régionalisme romantique Au XVIIème siècle, en Europe, va naître un mouvement régionaliste réactionnaire. Celui-ci vient du mouvement artistique « pittoresque » initié en Angleterre. La véritable

source de ce mouvement se trouve dans les peintures du français Claude Gellée dit Claude Le Lorrain résidant alors à Rome. Ses tableaux retranscrivent des paysages mélancoliques où la politique n’a pas sa place. Ses préoccupations se posent sur le site, son anomalie, son irrégularité, la présence de ruines, d’élément inachevés… Il ne cherche pas à magnifier la réalité à la rendre plus belle qu’elle ne l’est, mais il recherche plutôt la vérité du lieu, en quelque sorte, l’atmosphère effective qu’il en émane. Souvent celle-ci est synonyme d’imperfection ce qui va à l’encontre des pensées artistiques d’alors. La tendance de l’époque est aux jardins dit « à la française » où tout y est en ordre, réglé au millimètre et régi par les proportions. Deux personnalités anglaises vont marquer la naissance de ce régionalisme britannique : William Temple (1628-1699) et Anthony Earl of Shaftesbury (1621-1683). Le premier, connu pour avoir publié de nombreux essais fait l’apologie dans l’un d’eux d’une approche stylistique anti-universelle, anti-classique, qu’il n’a jamais trouvé dans aucuns jardins européens. Le second semble encore plus engagé à travers son manifeste Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times en affirmant sa croyance en un ordre naturel et en un régionalisme topographique. Il est persuadé que la Nature, à l’inverse du style classique ou des mouvements politiques du

Casa dei Crescenzi. Ponto Rotto. Italie. Nicolo dei Crescenzi. XIIs.

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Tableau de Claude Gellé

moment, a réellement la capacité de créer les lieux: « I sing of Nature’s order in created beings, and celebrate the beauties which resolve in thee, the source and principle of all beauty and perfection ». Anthony Earl of Shaftesbury, Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times. Ces deux personnes prennent une position totalement radicale par rapport à la philosophie de l’époque en

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rejetant sans équivoque possible l’ordre qui régit alors la société dans laquelle ils vivent. Ils vont même bien audelà en proposant un nouveau credo, le leur : la Nature et son imperfection. C’est la première fois, tant dans l’art (mouvement pittoresque) que dans la façon de se positionner par rapport au monde, que l’on accorde autant de place au paysage, au lieu, à sa faune, à sa flore. Ce régionalisme romantique comme le définit A. Tzonis pose pour la première fois la question de l’environnement dans la façon de penser.

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Johan Wolfgang von Goethe dans : Von deutscher Baukunst (1772) va également faire prendre un tournant au régionalisme romantique. Il y affirme, alors qu’il n’a que dix-neuf ans, que l’architecture gothique germanique est bien au-dessus de l’architecture classique française. En se servant de la cathédrale de Strasbourg pour appuyer ses idées, il compare le style médiéval de la cathédrale avec les critères classiques amenant de ce fait un nouveau niveau de lecture du bâtiment. Cette nouvelle méthode analytique met selon lui en évidence une expérience temporelle : le type de matériaux et les détails révèlent en quelque sorte le passé. Il voyait en cette cathédrale une réalisation étonnante mais barbare dans la masse de détails qu’elle propose. Mais après une nuit passé à la contempler il eut une vision divine de l’architecte médiéval Erwin von Steinbach qui lui montra d’autres qualités intrinsèques à la cathédrale. Le texte qu’il a écrit suite à cela propose trois règles qui définissent le régionalisme romantique. Dans un premier temps le spectateur doit se défaire de toutes conventions acquises vis-à-vis du bâtiment pour entrer dans une relation fusionnelle avec celui-ci. Il faut pour cela se concentrer exclusivement sur certains détails matériels. Cette position a pour objectif de faire rentrer le spectateur en communion (appelé « faint diving » par Goethe) avec le bâtiment et lui faire prendre conscience du puissant caractère qu’il dégage. Cette communion lorsqu’elle atteint son paroxysme fait comprendre au spectateur que l’ouvrage qu’il contemple est en fait une œuvre qui a su se démarquer des acquis de son époque. Cette position est reprise par John Ruskin: « We may live without architecture, worship without her, but we cannot remember without her ». Selon lui, les bâtiments ont la capacité de renseigner sur les pratiques architecturales et non sur les manières de penser ou de vivre des sociétés passées. De ce fait il était contre la restauration des bâtiments anciens (médiévaux) puisque cela leur fait perdre tout leur sens. L’action à avoir vis-à-vis de ceux-ci se doit d’être portée plus sur leur protection plutôt que sur leur réhabilitation. C’est une question assez similaire qu’actuellement Christian de Portzamparc soulève dans son livre Voir, Ecrire (interview de Philippe Sollers -2003) : faut-il reconstruire les tours jumelles de New York à l’identique ou plus hautes qu’elles ne l’étaient auparavant ? Qu’elles symboles auront-elles ? Vont-elles effacer le souvenir des anciennes tours ? Est-ce finalement nécessaire de reconstruire quelque chose ? Ne devraiton pas laisser ce lieu vide ? Ce vide largement chargé de sens spirituel, rappelant assez simplement mais de manière efficace le sentiment d’amertume laissé par les personnes qui ont perdu la vie ce jour-là.

Régionalisme économique Durant le XIXème siècle les idées reçues sur le régionalisme romantique vont amener des études ayant pour but de le définir précisément. On cherche pour cela

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différencier les régions et ce qui les caractérisent selon des critères architecturaux précis : traitement par rapport au site, organisation spatiale, matériaux utilisés et détails décoratifs. Devant cette recherche d’identité, l’architecture va se perdre et certains vont s’en servir à des fins économiques et politiques : c’est le régionalisme économique. Ce type de régionalisme consiste à abuser de la naïveté de l’Homme. C’est une architecture qui donne au visiteur ce qu’il est venu chercher. Celle-ci est « transparente » dans le sens où elle ne renferme aucune subtilité tant spatiale que spirituelle. Les expositions universelles –comme on le verra plus loin avec l’exposition du Portugal en 1940— sont des événements typiquement caractéristiques de ce régionalisme. Elles permettent de promouvoir le pays et son savoir-faire au niveau international, ce qui n’est finalement rien de plus qu’un coup de pub. La question se pose encore pour les expositions universelles actuelles. Pour avoir assisté à celle du Portugal en 1998, il me semble que ce fut l’occasion pour Lisbonne de se refaire une image internationale –plus high-tech– qui change du centreville pittoresque, symbole de la capitale lusitanienne. Toutefois, en 1924, un jeune américain, Lewis Mumford va redonner du sens au concept régionaliste grâce à son ouvrage : Sticks and Stones, American Architecture and Civilization. Il souhaite donc sauver cette notion du naufrage qu’elle a connu récemment suite à des abus économiques et politiques, et lui redonner une réelle valeur économique mais également environnementale en accord avec les mœurs de la société de l’époque. Selon lui, le régionalisme doit servir les gens à « se sentir chez eux » tout en les prévenants du « style international ». Plus tard, en 1947, L. Mumford dans un article du New York magazine pose encore la question du régionalisme et de sa définition. A cette même époque se tient justement l’exposition de Henry Russel Hitchcock et Philip Johnson : The International Style au MoMA de New York. C’est précisément cela que L. Mumford critique en blâmant les architectes américains qui auraient désertés l’architecture moderne en suivant les opinions architecturales de H.R. Hitchcock et de Siegfried Giedion : nouvelle monumentalité des bâtiments (gratteciel), sobriété des formes et des matériaux…

Théorie de Lewis Mumford Lewis Mumford est ainsi le premier à reposer clairement la question du régionalisme. Il ne s’occupe pas de ceux qui ont déjà existé par le passé (cités ci-avant). Selon lui la question primordiale à laquelle doit répondre le régionalisme est la suivante : comment vivre dans un monde fait de particularités sans les sacrifier et sans pour autant que l’Homme soit sacrifier au profit de celles-ci ? C’est essentiellement pour cette raison que L.Mumford voit les termes modernisme et régionalisme comme deux synonymes. Il ne faut donc pas suivre les idées qui sont diffusées depuis la renaissance et qui tendent

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Photo de l’exposition Modern Architecture. MoMA New York. Etats-Unis. 1932

Dessin des jardins de Versailles

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à effacer l’identité locale au profit d’une universalisation de l’architecture. Il faut inévitablement prendre en compte l’importance du lieu comme il faut savoir prendre du recul sur le régionalisme aussi bien que l’on sait le faire sur le mondialisme. En réalité les deux ne doivent pas être antagonistes mais il faut aspirer à trouver un juste milieu entre le local et le global. Mimer les anciennes réalisations passées n’a donc aucun intérêt, cependant il peut être intéressant de les réinterpréter dans le contexte actuel. Il faut savoir comprendre l’architecture aussi bien que l’on pourrait comprendre l’histoire du lieu ou le lieu lui-même. C’est-à-dire qu’il ne faut pas chercher absolument à utiliser des matériaux locaux si ceux-ci ne sont pas adapter aux fonctionnalités du bâtiment. L.Mumford va jusqu’à dire qu’il vaut mieux abandonner l’histoire si celle-ci ne peut être utile pour les problématiques actuelles, nous protégeant ainsi des interprétations fallacieuses que certains pourraient faire de l’Histoire. De son point de vue, les architectures régionalistes doivent être à la fois proche des conditions de vie de la région et du paysage afin que les habitant se sentent comme chez eux. Chaque culture régionale a un côté universelle. Afin d’utiliser au mieux les ressources locales il faut souvent avoir recours à des techniques qui ne sont plus uniquement locales mais dont les savoirs faires sont internationaux. In fine chaque culture doit à la fois être elle-même mais elle doit également arriver à se transcender (on retrouve cette position dans les propos des architectes Diener&Diener). C’est exactement ce que cherche à véhiculer L.Mumford, l’équilibre entre le global et le local. Ne nier aucun des deux mais savoir intelligemment tirer profit du premier pour enrichir le second.

Christian de Portzamparc. Philippe Sollers. voir Ecrire. 2003

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Au XXIème siècle, ce conflit entre globalisation et diversité n’a toujours pas été résolu et mène à des crises qui prennent de plus en plus d’ampleur avec par exemple la menace nucléaire dans le milieu du XXème siècle –menace qui court toujours comme nous l’avons vu ces dernières semaines—. Selon A. Tzonis, il convient de repenser le régionalisme critique en termes de régions bien que cela implique la prise en compte des relations humaines et des relations avec l’éco système, cela semble plus judicieux que d’appliquer sans fin et bêtement les dogmes reconnus comme universels mais qui mèneraient l’individu à sa propre perte. Le régionalisme critique en architecture n’est autre que la façon d’appréhender socialement, physiquement, spatialement, culturellement…un lieu, une région, de façon à en comprendre son identité. C’est uniquement dans ces conditions que la réalisation finale pourra prétendre à avoir une portée bénéfique aussi bien régionale qu’universelle.

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Le régionalisme critique par Kenneth Frampton « The fundamental strategy of Critical Regionalism is to mediate the impact of universal civilization with elements derived indirectly from the peculiarities of a particular place. It is clear from above that Critical Regionalism depends upon maintaining a high level of critical self-consciouness. It may find its governing inspiration in such things as the range and quality of the local tight, or in a tectonic derived from a peculiar structural mode, or in the topography of a given site ». Kenneth Frampton-Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance.1983

Lorsque Kenneth. Frampton écrit Histoire et critique de l’Architecture moderne, le mouvement moderne s’essouffle et le brutalisme qui lui a succédé n’a pas eu l’effet escompté bien qu’il soit représenté entre autre par Louis I. Kahn. L’architecture prend un tournant historique et K. Frampton regarde d’un œil avisé ce changement. Il produit une critique du mouvement moderne et analyse les mouvements contemporains qui s’annoncent comme le régionalisme critique. A cette époque-là le mouvement n’est pas affirmé, les écoles régionales se cherchent encore bien que la plupart des protagonistes dont on parlera par la suite : Juan Antonio Coderch, Oriol Bohigas, Alvaro Siza, Fernando Tavora, Mario Botta, …exercent, leurs expressions architecturales ne sont pas encore entièrement définies. Dans l’ouvrage susmentionné, K.Frampton aborde en conclusion de celui-ci, la question du régionalisme critique. Comme il le fera en 1983 dans l’article : Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance, K. Frampton se réfère au philosophe Paul Ricœur pour appuyer ses propos et constater la dérive du monde vers une globalisation imminente. Cependant, ces derniers ne restent pas stoïques face à ces événements et sont convaincus qu’il n’est pas trop tard pour sauver l’identité locale sans pour autant fuir la mondialisation : « how to become modern and to return to sources ; how to revive an old, dormant civilization and take part in universal civilization (comment devenir moderne et retourner à ses sources ; comment raviver une vieille civilisation latente et faire partie d’une civilisation universelle) 1» . L’équilibre réside donc dans la capacité des civilisations et des régions à se nourrir de la culture universelle pour recréer une tradition régionale. On ne parle donc plus ici d’architecture vernaculaire, produite ponctuellement et spontanément ici et là autrefois, résultant de la prise en compte du climat, de la culture, de l’artisanat… Cette manière obsolète de faire de l’architecture a été remplacée par différents mouvements qui se succèdent et qui vont être la base du régionalisme critique : mouvement moderne, brutalisme, postmodernisme… 1

La civilisation universelle et les cultures nationales_Paul Ricoeur, 1962

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La lecture de la société moderne que fait K. Frampton porte sur plusieurs points : le rapport entre la culture et la civilisation, l’avènement et la chute des avantgardes, le régionalisme critique et la culture mondiale, la résistance du « lieu », la culture opposée à la nature, le visuel opposé au tactile. A travers cela, il pose les bases de la perception du mouvement architectural qui émerge.

Evolution des sociétés, changements politiques Ce nouveau courant architectural doit son apparition à l’évolution de la société et de ses mœurs, notamment au fait que l’architecture cherche de plus en plus à masquer la dure réalité de la construction –de son monde économique –plutôt qu’à sublimer le contexte dans lequel elle prend place. Selon K.Frampton ce caractère, désormais intrinsèque à l’architecture, n’était pas si présent en 1960, c’est seulement depuis cette date et jusqu’au jour où il a écrit son ouvrage (Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance -1983-) que cette évolution a pris place. A l’époque (1960), l’architecte avait encore une mainmise sur son architecture et la façon dont il allait la mettre en œuvre, mainmise qu’il a visiblement perdue au fil du temps. Cette perte est une résultante de la modernisation de la société et plus particulièrement des principes et des techniques de mise en œuvre développées dans le bâtiment. Bien que K.Frampton affirme que cela puisse nuire quelque peu à l’architecture, cela va aussi fortement la servir. L’architecture au même titre que la société se modernise, c’est grâce à cette modernisation que l’avant-garde apparaît. Cette culture avant-gardiste semble existée depuis le début des années 1900 et bien entendu elle devance l’évolution de la société au même titre qu’elle l’influence. Avantgardisme et modernisme sont liés jusque dans les années 1920 au sein du Purisme (Amédée Ozenfant et Le Corbusier), du Néoplasticisme (Piet Mondrian et Theo Van Doesburg), du Suprématisme (Malevitch) ou du Constructivisme (Vladimir Tatline). A la suite de la crise économique de 1929 et en raison de l’agitation causée par la seconde guerre mondiale, les états et les populations recherche une certaine stabilité, une

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accroche à des valeurs sûres qui ne sont pas en constant changements, de fait les élans de modernisation se font plus discrets et plus ponctuels étant donné qu’ils sont beaucoup moins soutenus politiquement. Ce conflit et les années de reconstruction qui vont suivre divisent le monde au niveau politique. D’un côté le capitalisme va permettre à des pays comme la France de connaitre un renouveau économique grâce à l’aide américaine, de l’autre côté le socialisme et notamment le Stalisnisme renferment l’URSS sur elle-même et sur un pseudo programme de transformation socioculturel. Bien que les intentions politiques de chacun soient différentes, l’architecture occupe bien évidement une place importante. Les mouvements d’avant-garde subissent ces remaniements et se trouvent un tant soit peu éclipsés par ce nouveau tournant prit par le monde à cette époque. Toutefois, Walter Gropius avec le Bauhaus –fermé pendant la deuxième guerre mondiale – avait déjà commencé à diffuser les idées du mouvement moderne qui ne cessent pas malgré les transformations (dont on a parlé plus haut) s’effectuant alors. Les aides qui vont naitre (par exemple le plan Marshall de 1947) vont même constituer une base solide de la globalisation sur laquelle va pouvoir s’appuyer le mouvement moderne.

Questionnement intrinsèque au Régionalisme critique Supremus #58. Jaune et noir. Kazimir Malevitch. 1916

Monument à la Troisième Internationale.Vladimir Tatline.1919-1920.

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C’est suite à la montée en puissance de cette globalisation et de cette perte d’authenticité que vont se manifester des architectures aux traits plus locaux qu’internationaux. K.Frampton se réfère toujours à l’église de Jørn Utzon édifiée à Bagsvaerd (près de Copenhague au Danemark). C’est pour lui l’exemple type, symbole de l’avènement de cette position, s’appuyant à la fois sur le régional mais également sur le global, que de nombreux architectes vont adopter. Il associe dès lors le régionalisme critique à l’étude de la culture mondiale et également à une certaine prise de distance face à l’Histoire architecturale passée, qu’elle soit directement proche ou non. L’architecture, à l’heure actuelle, doit se pratiquer de manière critique imposant une dimension « arrière-gardiste ». Il est essentiel de savoir étudier mais également de comprendre les réalisations passées c’est-à-dire celles du siècle des Lumières (l’auteur insiste beaucoup sur ce siècle qui a permis à la société de progresser énormément) mais aussi celles des mouvements cités plus haut (purisme, néoplasticisme, constructivisme). Ces derniers étaient visiblement favorables à un retour à des formes architectoniques proches de l’époque préindustrielle. L’arrière garde, critique, en plus d’avoir un regard sur les réalisations antérieures, doit avoir la capacité de se servir des avancées technologiques de son temps. Cette conscientisation de l’architecture doit amener des propositions ayant une certaine identité culturelle. Cette architecture doit savoir prendre en compte les analyses

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précédentes mais il faut en plus qu’elle s’inscrive dans les compétences techniques de son époque. Le régionalisme critique est donc différent du vernaculaire ou du Populisme dans le sens où il prend en compte la culture mondiale. Le vernaculaire ne se base clairement que sur le local et sur le savoir-faire artisanal, le populisme se rapproche plutôt d’une revendication des qualités locales pouvant être réalisée par le biais de l’architecture. Il agit ainsi plus comme un médiateur entre la généralité globale et la particularité locale en prenant par exemple en compte la spécificité de la lumière propre au lieu ou la topographie de celui-ci. Ce nouveau mouvement architectural réside dont plus en une stratégie culturelle faisant opposition à la culture globale plutôt qu’en une manière de véhiculer mondialement des aspects locaux. Toutefois il est impensable que ce courant de pensée architectural se cantonne à une lecture régionale de l’architecture. Cette nouvelle approche fait appelle à deux procédés distincts dans le processus d’intervention. Le premier consiste à laisser de côté toute l’hétérogénéité que la mondialisation a amenée au sein de la région, K.Frampton parle de déconstruction du spectre de la culture mondiale. Dans un second temps il faut savoir faire une critique de tous les apports contradictoires que propose cette culture globale. Cela passe notamment par la limitation de l’utilisation des techniques et des technologies visant à optimiser le temps de réalisation. Le régionalisme critique s’intéresse donc au site et à la nature, position que l’on retrouve clairement dans le travail de l’architecte italien Mario Botta dont l’idée principale est de construire le site. La question de la limitation dans l’utilisation des nouvelles technologies, K.Frampton la traduit au sein de l’exemple sur l’air conditionné. L’emploie catégorique de celui-ci lui semble irrespectueux vis-à-vis du local. Il insiste sur la possibilité d’utiliser la ventilation naturelle qui constitue l’un des éléments essentiels, avec l’éclairage, des caractéristiques régionales. L’aspect tactile a également beaucoup d’importance parce qu’il ne peut se résumer à une photo ou à une description. Il doit s’expérimenter. Cette expérience vient en complément de l’expérience visuelle qui, elle, peut être globale.

Concours Palais des Soviets. URSS. Boris Iofane. 1932

On retrouve généralement au travers des questions soulevées par K.Frampton des similitudes à celles posées par A.Tzonis et L.Lefaivre. Celle qui revient de manière récurrente concerne l’équilibre entre global et local vers lequel doit tendre l’architecture.

Bauhaus.Dessau.Allemagne.W.Gropius.1925-1926

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Plan et Coupe Eglise Bagsvaerd.Danemark.Jorn Utzon.1976

Casa Bianchi. Lugano. Suisse. Mario Botta. 1973

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Le Genius loci par christian norberg-schulz L’espace existentiel Dès ses premiers écrits théoriques, C. NorbergSchulz s’essaie à une nouvelle façon de lire l’architecture qui prend le contrepied parfait des dogmes du mouvement moderne et du brutalisme. Il pense que le lieu dépasse la définition fonctionnaliste donnée par l’architecture (mouvement moderne), puisqu’il influence les êtres humains (position similaire à ce que disait Vitruve cf. Le régionalisme critique par Alexander Tzonis). Dans l’ouvrage Genius Loci : Paysage, Ambiance, Architecture (1980), C. Norberg-Schulz propose d’autres outils pour analyser les productions architecturales. Précédemment dans Intentions in Architecture (1963), il avait recourt à une analyse scientifique de l’architecture, selon lui cette méthode n’est pas obsolète mais elle est incomplète puisque ces procédés analytiques ne permettent pas la prise en compte du milieu. C’est pour cette raison que dans Existence, Space and Architecture (1971) il introduit le concept d’espace existentiel dénué de tout sens mathématique qui se concentre essentiellement sur les relations existantes entre l’homme et son milieu. Ce concept d’espace existentiel fait apparaître deux notions distinctes celle d’espace et celle de caractère qui elles-mêmes appellent les principes d’orientation et d’identification. L’architecture est la représentation concrète des notions précitées, c’est la réalisation de l’espace existentiel. De plus la concrétisation fait appel à deux autres concepts philosophiques le rassemblement et la chose (venant de Heidegger). C. Norberg-Schulz emprunte également au philosophe allemand la notion d’habiter : « l’homme habite lorsqu’il réussit à s’orienter dans un milieu et à s’identifier à lui, ou plus simplement, lorsqu’il expérimente la signification du milieu»1. L’habitation doit donc proposer des espaces, des lieux, décents où la vie peut prendre place, c’est plus qu’un espace qui serait, à l’image d’un refuge, temporaire et rudimentaire : « un lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue. Depuis l’antiquité, le genius loci, l’esprit du lieu, est considéré comme cette réalité concrète que l’homme affronte dans la vie quotidienne. Faire de l’architecture signifie visualiser le genius loci : le travail de l’architecte réside dans la création de lieux signifiants qui aident l’homme à habiter »1.

1 NORBERG SCHULZ Christian, 1979. Genius Loci : Paysage, Ambiance, Architecture. trad. fr. 1981, Pierre Mardaga. 213p. 2 LE CORBUSIER, 1923. Vers une architecture. Champs arts. 253p.

Le Régionalisme Critique

Le théoricien norvégien veut proposer une lecture existentielle de l’architecture après avoir passé plusieurs années comme à analyser celle-ci de manière purement scientifique. Il vient se confronter au mouvement moderne qui à l’inverse a mis de côté cette question d’existentialisme au profit d’autres questions entre autre socio-économiques qui selon l’auteur ne sont utiles que

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que pour proposer un « cadre au tableau ». Elles permettent d’offrir « un espace pour le déroulement de la vie mais elles ne déterminent en rien les significations existentielles2 ». Cette pensée rejoint l’évolution sociétale que décrit K.Frampton mais elle s’inscrit dans la négation du mouvement moderne et du capitalisme. Cet existentialisme n’est donc quasiment pas abordé par les modernistes, toutefois Le Corbusier lui reconnait une utilité dans Vers une architecture (1923): « L’Architecture c’est pour émouvoir. L’émotion architecturale, c’est quand l’œuvre sonne en vous au diapason d’un univers dont nous subissons, reconnaissons et admirons les lois »2. Plus tard, Louis I. Khan, qui appartient plutôt au mouvement brutaliste (qui hérite du mouvement moderne) parvient à cristalliser toute l’importance du caractère existentiel que revêt un bâtiment à travers une seule question : « Que veut être l’édifice ? ». Typiquement c’est l’exemple souvent cité par les enseignants : « lorsque Louis.I Khan a eu à réaliser la bibliothèque Exeter la position qui a guidée sa conception est la suivante : « Qu’est-ce que représente, pour moi (Louis I.Khan) une bibliothèque ? ». Cette dimension existentielle marque l’histoire mais sa signification traverse le temps. L’histoire commence à prendre forme dès lors où de nouvelles architectures représentent concrètement cette notion d’espace existentiel qui met en exergue rappelons le, le concept d’identification et plus particulièrement la notion de : comment habiter le lieu ? C’est principalement la question que traite C. Norberg Schulz dans son ouvrage : Genius Loci : Paysage, Ambiance, Architecture : « Le lieu représente cette part de vérité qui appartient à l’architecture : il est la manifestation concrète du fait d’habiter propre à l’homme, et l’identité de l’homme dépend de l’appartenance aux lieux» 1.

Le lieu et l’individu La structure du lieu regroupe le paysage (analyse spatiale, rapport au ciel, au terrain) et l’implantation (analyse du « caractère »). Le terme espace revêt donc différentes significations. Les distinctions les plus courantes sont l’espace tridimensionnel et le champ de perception. Aucun d’eux ne prend en compte l’espace concret qui est en vérité l’espace réel que l’on côtoie quotidiennement, ces deux définitions restent abstraites. L’espace concret comprend une foultitude de qualités le rendant hétérogène. Les définitions strictes ont ainsi du mal à rendre compte de l’espace concret. Plusieurs personnalités du milieu architectural comme Giedion (distinction extérieur/intérieur), Kevin Lynch (concepts du « nœud », du « parcours », des « limites ») ou Paolo Portoghesi (concept du « système de lieu » ; définition mathématique de l’espace qui reste malgré tout en rapport avec des actions concrètes) ont essayé de définir cet espace concret. D’autres propriétés étroitement liées à ce dernier sont également importantes : centralisation (importance d’un espace fermé par rapport à son environnement), direction (développement

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Bibliothèque d’Exeter, New Hampshire, Etats-Unis. Louis I.Khan.1972

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–horizontal ou vertical— de l’environnement autour d’un espace fermé), rythme (continuité avec laquelle se développement l’environnement autour d’un espace fermé). La fermeture d’un espace est déterminée par une limite qui elle-même est définie par une ou plusieurs ouvertures : « la frontière au sens générale c’est le mur au sens particulier» 1. On commence à voir naitre les notions de limite et d’épaisseur intrinsèques à l’espace et à la matière qui le constitue. Ce sont ces notions sur lesquelles, de nos jours, se focalisent de nombreux architectes. Le caractère du lieu est plus générique et concret que le terme espace, il peut exprimer une atmosphère générale (on retrouve le rapport au terrain et au ciel) mais également la matérialité substantielle des éléments. Il est également temporel, le lieu change suivant les saisons, les jours… La question qui peut notamment se poser concerne la manière dont le bâtiment sera posé sur le sol (question soulevée par Vittorio Gregotti puis Mario Botta) puis la manière dont il dialogue avec le ciel. Si on revient à une définition plus archaïque, l’espace c’est ce qui se trouve entre le ciel et la terre. L’individu doit donc avant tout chose assimiler l’interaction qu’il existe entre ciel et terre pour pouvoir habiter entre ces deux éléments. Cette compréhension n’est pas attendue dans sa dimension scientifique mais plutôt dans une expérience de significations. D’après C. Norberg-Schultz

Vue aérienne de Monteriggioni. Italie.

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l’individu ne peut se sentir chez lui que s’il a eu une ou des expériences de significations rendant ainsi le lieu signifiant. Le chez soi est un endroit que l’on reconnait, le lieu où l’on a grandi par exemple. Un lieu particulier. Cette singularité est déterminée par différents facteurs qui varient : lumières ou végétations, sol mou, sol dur, présence de vent… Ces réalités portent notre « existence ». Le milieu naturel qui nous entoure est donc constitué de structures et de significations. La connaissance de cet environnement vient avant tout d’une expérience essentielle avec la nature. Il existe plusieurs modes de connaissance de la nature qui remonte aussi loin que remonte la vie humaine. L’un d’entre eux consiste en une mise en relation des forces naturelles avec des éléments concrets. C’est ce rapport au monde qui est présent dans bon nombre de « cosmogonies3 archaïques » ou l’on cherche à expliquer le processus de chaque chose. Les éléments comme la terre, le ciel, la végétation ou l’eau ont des significations très importantes notamment l’eau : symbole de la fertilité qui engendre toutes les autres formes. Un deuxième mode de connaissance met en avant « l’abstraction d’un ordre cosmique systématique du flux des événements »3. La conception du monde est de fait structurée et les directions principales ont à l’image des axes en mathématiques, un sens. Pour exemple, dans l’Egypte ancienne, l’Est représente le domaine de naissance/vie (levé du soleil) alors que l’Ouest endosse l’image de la mort. Un autre mode de perception du monde lie plutôt le caractère singulier du lieu naturel avec des connotations humaines. Les grecs avaient par exemple des dieux anthropomorphes auxquels ils dédiaient des lieux selon leur fonction. Zeus, qui avait besoin d’avoir un regard sur tous et sur tout s’est vu confier les montagnes.

La signification permet d’appréhender le milieu mais la question de la signification artificielle, résultat de phénomènes économiques et culturels se pose. L’homme ne peut créer des significations uniquement siennes. Chaque signification doit être évidente et prendre racine dans une localité particulière. L’architecture romantique, cosmique ou classique dénote différentes manières de s’enraciner dans la nature. Pour être significatives et de fait signifiantes, les inventions humaines doivent avoir un rapport avec les structures et des organismes naturels déjà présents –sans parler de mimétisme – sans quoi elles terminent isoler dans un monde artificiel, coupées de la réalité finissant par être oubliées. L’architecture réside dans l’action de faire les lieux. Par le fait de construire, l’homme transmet aux significations une présence concrète, et il rassemble les édifices afin de visualiser et de symboliser sa propre forme de vie comme une totalité. C’est ainsi que le monde quotidien devient cette demeure significative dans laquelle l’homme peut habiter.

Structure et signification Le genius loci fait ainsi appel aux concepts de « signification » et « structure ». Le concept de « signification » induit un rapport particulier entretenu avec les autres objets. L’objet n’a de sens que lorsqu’il est amené à côtoyer d’autres objets. Le principe de « structure » renvoie à une organisation et une hiérarchisation des rapports. Ces deux concepts constituent donc un tout, celui du lieu. Les attitudes personnelles et les attitudes collectives sont influencées par le « climat » du milieu, une des caractéristiques du lieu. L’Homme vit dans les changements des quatre dimensions : rythme du jour et de la nuit, saisons et Histoire. L’individu subit finalement la nature. Cette soumission au milieu naturel et l’importance de celui-ci est reconnue par plusieurs historiens (Herder -notion de climat –Arnold Toynobee – notion de « défi et réponse » -.) qui admettent également la capacité qu’à l’Homme à se recréer un monde à lui. In fine l’Homme arrive à maîtriser la nature sans pour autant s’en isoler.

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3 « Science ou système de la formation de l’Univers » définition donnée par le Dictionnaire de l’Académie française différent de la cosmologie : « science des lois générales par lesquelles le monde physique est gouverné ».

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Le RĂŠgionalisme Critique

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Les théoriciens dont on vient de parler ont des réflexions et des questionnements similaires et sont contemporains (début des années 1980). On retrouve de façon récurrente l’instauration d’un rapport de force entre global et local structurant les notions de limites et de signification. Ce dernier sujet est réellement posé par C.Norberg Schulz plus que par les autres, sa posture semble plus spirituelle et plus axée sur la (re)définition précise des concepts qui permettent la lecture de l’espace. Ces thématiques sont désormais régulièrement manipulées par les architectes – notamment la notion d’épaisseur et de limite— et semble faire parties du langage architectural courant bien que souvent le manque de précision sur celles-ci est cruel. Ce que propose C.Norberg Schulz constitue donc un excellent complément aux propos d’A.Tzonis, L.Lefaivre et K.Frampton et permet également de saisir plus rapidement les postures dans lesquelles se placent les architectes. Comme le dit Carme Pigem (architecte du groupe catalan RCR) : « il est toujours difficile de parler de soi, c’est toujours plus simple et plus joli lorsque c’est quelqu’un d’autre qui le fait à ta place ». Les analyses faites par les théoriciens s’appliquent aux régions que l’on va étudier par la suite. Ce qui semble différer d’une « école » à une autre c’est la radicalité des positions, les influences architecturales subi –filiations— et le contexte socio-économique dans lequel sont apparus ces mouvements.

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Le RĂŠgionalisme Critique

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Ecoles Manifestes

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ECOLE DE PORTO « No idea of opposition between landscape – perception and construction of the land – and object – fragment of the land – has any place in the teaching of Architecture ». (A.Siza).

Instabilité politique : montée en puissance de Antonio de Oliveira Salazar

Salon de thé. Matosinhos.Portugal.Alvaro Siza.1958-1963

Logements Bouça.Porto.Portugal.Alvaro Siza. 1977

Le Régionalisme Critique

L’instabilité politique du Portugal faisant suite à l’exil du Roi en 1910 et au non fonctionnement de la République proclamée le 5 Octobre 1910 laisse place à la montée du nationalisme. En 1926, un coup d’état militaire, organisé par le Général Gomes da Costa met fin à la République. En 1928, Antonio de Oliveira Salazar est appelé au poste de ministre des finances. Ce poste va lui permettre petit à petit de prendre les pleins pouvoirs, ce qu’il fait en 1932. La signature en 1933 de la nouvelle constitution portugaise : Estodo Novo est caractérisé par un nationalisme ardent, à la limite du fascisme présentant tout de même quelques différences avec le régime italien par exemple. En effet, le régime portugais met en avant la volonté de conserver ses structures historiques et se refuse à la conquête de nouveaux territoires, sans pour autant donner l’indépendance à ses colonies. C’est une vision très conservatrice de l’Homme à l’inverse du fascisme qui veut créer un « Homme nouveau ». Comme ailleurs, ce changement politique radical va entrainer un développement des zones agricoles. Cellesci vont être un support intéressant pour l’architecture moderne, citons par exemple le projet de maison de Carlos Ramos en 1929. Bien que cette période de restructuration soit courte, puisque le pays sombre par la suite dans un ralentissement économique sans précédent, les premières années du régime semble avoir amené une modernité tant sur le point stylistique que sur le point programmatique, le garage à plusieurs étages réalisé dans le centre de Porto par Rogério de Azevedo en 1932 l’illustre parfaitement. De nombreuses maisons pouvant être considérées comme « modernes » ont également vues le jour à cette même période. Elles sont construites à la périphérie de Porto par Manuel Marques, Jorge Viana… Notons que le qualificatif « moderne », employé à plusieurs reprises pour décrire les architectures de Carlos Ramos, Rogério de Azevedo, et les autres n’a rien à voir avec le Style International. Ce terme est là pour souligner la contemporanéité, en 1930, de leurs œuvres. Cette contemporanéité stylistique vient entre autre du mouvement Art Déco ayant pour tête de file Robert Mallet-Stevens.

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Exposition mondiale portugaise, Lisbonne 1940 L’exposition mondiale portugaise qui se tient de Juin à Décembre 1940 à Lisbonne est le premier événement culturel de l’Estado Novo. Il a lieu bien évidement avant tout pour faire de la « propagande » et montrer le faste régime nationaliste. En réalité, cette exposition met en avant la vision d’un homme : A.d.O Salazar sur l’histoire portugaise et l’identité nationale qu’il tourne de façon à légitimer les actes qu’il a eu, notamment la nouvelle constitution, depuis qu’il a de l’influence au sein du gouvernement portugais. Pour l’occasion, des monuments historiques, traditionnels et des villages traditionnels vont être réhabilités. A l’image de l’exposition universelle de Vienne en 1873 qui mettait en avant le Heimatstil 1, on retrouve une présentation de la diversité que l’on peut retrouver au sein de la maison portugaise avec toute une série de maisons réalisées par les architectes Cassiano Branco et Antonio Varela. Ces réalisations, à la limite du ridicule et caricaturales sont condamnées en 1947 par deux architectes, Francisco do Amaral dans le magazine Arquitectura et Fernando Távora à qui l’on doit l’essai suivant : « The problem of the Portuguese House » publié dans Cuadernos de Arquitectura. Ils veulent en quelque sorte rétablir « une certaine vérité » par rapport à ce qui a été vu lors de l’exposition. Leur deux réflexions se résument en une interprétation critique des spécificités portugaises, qu’elles soient régionalistes ou vernaculaires, au sein de la maison traditionnelle. C’est en quelque sorte ce qui va lancer la question du régionalisme critique, disons plutôt que c’est explicitement le point d’entrée sur le sujet. F.Távora n’a pas peur d’affirmer que l’étude de l’architecture portugaise, ou de la construction au Portugal n’a pas encore été réalisée. Bien que certaines personnes (des archéologues) aient écrit sur ce sujet, ils n’ont pas su donner un sens contemporain à leurs propos, ce qui serait somme toute le plus intéressant pour avancer.

Émergence d’une position critique Fernando Távora a été l’un des fondateurs du mouvement : Ecole de Porto. Il a tout d’abord une réflexion architecturale (fortement prononcée dans sa thèse de fin d’étude : « A house Overlooking the Sea ») qui s’inscrit dans le mouvement d’alors c’est-àdire moderne (on sous-entend ici Style International) subissant l’influence de Marcel Breuer. Il représente le Portugal au CIAM 8, 10 et 11 ayant lieu respectivement à Hoddesdon (1951), Dubrovnik (1954) et Otterlo (1959). Il agit donc à un niveau international mais également à un niveau national comme l’atteste la publication, en 1955 d’une étude : Arquitectura Popular em Portugal, portant sur le caractère paysagé, climatique et sur le mode de vie portugais2 . Malgré sa présence sur le

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devant de la scène internationale et sa confrontation directe avec le mouvement moderne, il prend peu à peu de la distance par rapport à ce dernier à l’inverse par exemple de Rui Pimentel ou de Alfredo Viana de Lima. Ce recul commence à se faire ressentir alors que F. Távora travaille dans le même temps avec un certain Alvaro Siza encore étudiant à l’école de Porto. Ensemble ils vont marquer un tournant dans la manière de penser l’architecture contemporaine portugaise : c’est la naissance de l’Ecole de Porto. L’approche devient néo-vernaculaire voire quasiment brutaliste, ce que l’on peut retrouver dans le pavillon de tennis qu’il a réalisé au parc de Quinta da Conceição à Matosinhos. Cette nouvelle architecture va se nourrir des voyages qu’ils (F.Távora, A. Siza et plusieurs architectes de Porto) vont réaliser en 1968. Successivement ils se rendent aux Pays-Bas, en Suède mais surtout en Finlande où ils apprécient longuement le travail de Alvar Aalto notamment la mairie de Säynätsalo. Un autre événement va inévitablement marquer un tournant dans l’histoire architecturale portugaise : la Revolution dos Claveles3 (la Révolution des Œillets) ayant lieu le 25 avril 1974. Nuno Portas alors secrétaire d’Etat chargé de l’habitat et de l’urbanisme instaure les SAAL – Serviço Ambulatório de Apoio Local – ces services ont pour objectif de loger les populations les plus démunies. Ils visent également à repenser l’urbanisation des agglomérations portugaises. Symbolisée par les faibles moyens économiques, le recours à l’auto construction, l’aide spontanée proposée par les habitants aux équipes d’architectes, cette méthode étonne. Elle prend fin en 1976 avec l’arrivée au pouvoir du socialiste Mario Soares. Cependant ces échanges avec les futurs occupants et cette opportunité de diriger le projet du début à la fin en travaillant dans un contexte historique sont les faits notables de cette courte période et marqueront toute une génération d’architectes :

« SAAL was the opportunity for a generation of architects to work in historical centre. In Oporto most of the operations were incorporated on the half circle surrounding the historical centre, where workers were living in poorly built houses ». Alvaro Siza-Interview réalisé par Alejandro Zaera. El Croquis, n°.68/69, p. 24-25 Les premières œuvres d’A.Siza sont donc très marquées par ces deux expériences ainsi que par l’envie de réinterpréter la tradition portugaise sous des traits plus modernes. La maison de Thé Boa Nova (195863) à Leça da Palmeira emprunte beaucoup à l’Hotel de ville de Säynätsalo surtout en ce qui concerne son toit. Il renvoie à celui-ci de par l’utilisation du bois et de par sa forme. Toutefois lorsqu’il s’agit du reste, l’architecte portugais n’oublie pas de se servir d’un matériau plus local : le granit. Cette association va être récurrente durant les seize premières années

L’influence du Lieu sur l’Architecture


Stade municipal de Braga.Braga.Portugal. Eduardo Souto de Moura.2004

Pavillon de tennis. Matosinhos.Portugal.Fernando Tavora. 1960

Le RĂŠgionalisme Critique

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ou Alvaro Siza commence à exercer. Sa démarche comme on l’a dit plus haut a une véritable filiation avec la façon dont Alvar Aalto pensait son architecture. Comme il le dit lui-même, les meilleures réalisations de l’architecte finlandais ont été construites aprèsguerre. A cette période l’objectif est de faire renaître la Finlande de ses cendres ou plutôt de ses ruines en réaffirmant son identité. On peut en quelque sorte voir une certaine similitude entre le contexte finlandais et le contexte portugais. Le Portugal après la révolution des œillets et la fin de la dictature salazariste cherche un second souffle. Celui-ci va notamment passer par les SAAL et la recherche d’une nouvelle architecture en accord avec les nouveaux objectifs du pays. A ce titre-là Alvaro Siza rejoint l’un des points de la théorie de Lewis Mumford sur le régionalisme critique, plus précisément celui qui concerne le rapport de force entre passé et présent. Il tient cette critique vis-à-vis de l’architecture traditionnelle portugaise qui constitue selon lui un patrimoine culturel utilisable par rapport à des problèmes concrets. Cette reconnaissance culturelle notamment celle de l’architecture traditionnelle s’est faite à la fin des années 1950 avec la parution de l’ouvrage précité de F.Távora : Arquitectura Popular em Portugal. Dans tout ce patrimoine certaines choses sont valables, dans ce cas il faut s’en servir, mais d’autres ne le sont pas –elles ne sont que romantisme –ce qui est inintéressant. C’est in fine ce que L.Mumford affirmait quelques années plus tôt : il vaut mieux laisser

1 Style architectural caractérisé par l’utilisation de bois en façade et de poutres sculptées ainsi que des pierres de bossage. L’exposition universelle de 1873 mettait ce style en avant : tous les pavillons étaient construits de la sorte. 2 Il a été aidé pour cette étude par Rui Pimentel et Antonio Méneres. 3 Révolution pacifiste qui entraine la chute de la dictature salazariste.

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l’Histoire de côté si elle ne peut pas servir les problèmes actuels. L’ouvrage de F.Távora a permis à l’architecture portugaise d’évoluer sans pour autant lui imposer de modèle formel, mais simplement en renseignant sur les différentes cultures et le rapport que les habitants ont avec leur environnement suivant les différentes régions. Une fois de plus on retrouve des bribes de la pensée de L.Mumford –les formes de régionalismes doivent être à la fois proches des habitants mais également du lieu dans lesquels elles se trouvent afin que ceux-ci se sentent chez eux –. Ce mouvement c’est largement diffusé si bien que désormais l’architecture portugaise bien qu’elle connaisse des disparités suivant les régions, montre qu’elle possède une base commune. Porto compte toujours de nombreux architectes du fait de cette « école de Porto ». Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura y exercent toujours mais la région de Lisbonne avec Gonçalo Byrne, Aire Mateus, Ricardo Bak Gordon (diplômé de l’école de Porto) ou João Luis Carrilho da Graça possède également –comme expliqué plus haut –son langage architectural. On se trouve encore à une échelle intermédiaire ou le local emprunte, non seulement au global, mais beaucoup plus au national, pour réinterprété son caractère identitaire. Une action que L. Mumford n’avait visiblement pas envisagée partant peut être du principe que tout ce qui n’est pas local est global ?

Piscine Leça da Palmeira de Porto, Portugal.Alvaro Siza.1966

L’influence du Lieu sur l’Architecture


ECOLE CATALANE

« Le souci majeur dont ils font preuve à l’égard des caractéristiques spécifiques d’une région, allié à leur ouverture sur une vaste gamme d’influences et de techniques extérieures. La société Martorell, Bohigas et Mackay a adopté une attitude de « régionalisme critique » dès le début des années cinquante ». FRAMPTON Kenneth

Période pré-Républicaine : la génération 1925

Revue A.C. GATEPAC.Première publication.1931

En Espagne, dans le courant des années 1920 naît un état d’esprit progressiste qui va favoriser l’atmosphère propice à l’avènement de la République le 12 avril 1931. Ce groupe de professionnels madrilènes nommés « générations de 1925 » par Carlos Flores (architecte espagnol) est par la suite soutenu la plupart du temps officiellement, par le nouveau régime républicain. Ces personnes sont des architectes diplômés entre 1918 et 1923 comme par exemple : Rafael Bergamín, Luis Blanco Soler, Fernando García Mercadal. Il aurait été plus logique de choisir l’appellation: « génération de 1927 » afin de souligner la coïncidence avec la génération de poètes, philosophes et écrivains qui existaient alors. Federico Garcia Lorca et Juan Ramon Jimenez faisaient partie de ceux-ci. Ce collectif d’architectes travaille coupé des idées extérieures et C. Flores doute de « la possibilité d’arriver à une architecture valable ». Ils prennent en compte les différents mouvements européens et les expérimentent pour mieux en comprendre les valeurs. Ces expérimentations souvent intuitives et formelles, atteignent difficilement le fond et la motivation que véhiculent effectivement ces nouveaux courants architecturaux. En réalité, ce qui ressort des réalisations de cette époque relève d’une différence superficielle et non conceptuelle. Finalement cette architecture s’écarte sans trop s’écarter des générations précédentes, les bases conceptuelles semblent restées identiques viennent seulement s’y ajouter les nouveautés de la modernité vue dans différentes revues.

une position souvent radicale qui va influencer les générations futures. La revue Arquitectura de Madrid, leurs permet de faire passer un message fort et de diffuser ces nouvelles postures. Placée sous la rédaction de José Moreno Villa (poète et peintre) elle regroupe dès 1918 (année de la première publication) bon nombre d’architectes avant-gardistes. Son influence est telle qu’en 1927, Theo Van Doesburg collaborent avec eux ayant, lui-même des revendications à exprimer, («polémique entre artisanats de Wendingen et formules plastiques industrielles de De Stijl » O. Bohigas1) et des informations à faire passer notamment sur les CIAM ou le Werkbund allemand. Un homme a cependant joué un rôle majeur par rapport aux autres, F. Garcia Mercadal. Il assure en quelque sorte la transition vers la nouvelle génération de 1925 essentiellement grâce à ses chroniques sur l’actualité architecturale dans le monde publiée entre 1927 et 1929. Sentant l’intérêt pour ce mouvement moderne devenir de plus en plus massif, mais aussi parce que cela lui tient à cœur : « une chose m’a préoccupé très tôt : parvenir à ce que les figures les plus représentatives de l’architecture moderne arrivent à être connues personnellement en Espagne»1 (F. Garcia Mercadal), F. Garcia Mercadal organise des conférences où interviennent Le Corbusier, Gropius, T. Van Doesburg….

Toutefois, les œuvres proposées par cette génération n’en reste pas moins intéressantes au même titre que leurs nombreux écrits au sein desquels ils prennent

Le Régionalisme Critique

On retrouve ici une recherche d’équilibre entre le mouvement moderne et l’architecture régionale. Bien que cela reste timide au départ (mimétisme des tendances actuelles au sein d’œuvres régionales) cela prend vite du sens grâce à des personnes qui intellectuellement ont compris le potentiel pouvant être

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emprunté au mouvement moderne sans pour autant nier leurs appartenances à une région. C’est exactement ces revendications que la revue souhaite faire saisir à cette génération de 1925. Les premières réalisations de cette génération 1925, sont par exemple El Rincón de Goya (Zaragoza, 1927-1928) de F. Garcia Mercadal. Il est considéré comme la première architecture portant l’emprunte du rationalisme européen. Cette considération s’appuie sur la priorité accordée au fonctionnel et sur la réflexion programmatique qu’a eu l’architecte. La Casa de las Flores (Madrid, 1930-1931) de S. Zuazo ou encore la cité universitaire de Madrid commencée en 1927 et terminée en 1936, sont également d’autres projets significatifs de cette génération de 1925.

L’influence culturelle de la Seconde République (1931-1939) A cette époque, les conséquences du Krach de 1929 commencent à se faire sentir en Europe. Le secteur du bâtiment ne saurait y échapper. S’ajoute à cela la proclamation de la Seconde République qui ne va pas permettre de redynamiser ce secteur. Paradoxalement, l’attitude de la République se veut progressiste : « Un nouveau régime politique devenant sol fertile d’un mouvement culturel »1.

Elle a permis à bon nombre d’architecte « instable esthétiquement 1» d’adopter les styles nouveaux. Ces élans progressistes et modernes se sont complètement éteints avec l’implosion de la dite République et l’exil des architectes qui étaient profondément liés à ces mouvements. Bien que cette dernière ait été une expérience trop courte pour que l’architecture espagnole en soit durablement marquée, il y a tout de même certains projets d’envergure réalisés durant cette période. Nous avons vu auparavant que la Cité universitaire de Madrid en fait partie. Le plan d’extension de Madrid ainsi que la polémique face au mouvement moderne, émergence du GATEPAC (groupe avant-gardiste catalan) ont lieu à cette même période. Ce renouveau culturel laisse un peu plus de la place à l’architecture pour s’imprégner des styles nouveaux et pour s’exprimer. On retrouve alors deux types de modernisme : _Un groupe entièrement intégré aux avant-gardes européennes et de ce fait prônant les valeurs rationalistes: GATEPAC (Groupo de Artistas y Técnicos Españoles para el Progreso de la Arquitectura Contemporánea). O.Bohigas désigne ce courant comme « rationaliste ». On retrouve par exemple : Josep Lluis Sert ou José Manuel Aizpurúa Azqueta.

Casa de las Flores. Madrid. Espagne. Secundino Zuazo, 1930-1932

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L’influence du Lieu sur l’Architecture


_Un second groupe composé de la quasi-totalité des architectes madrilènes de « la génération 1925 » et d’architectes barcelonais. Ils sont partagés et adoptent les aspects superficiels de la modernité provenant de l’Art déco français ou de la Sécession viennoise mais gardent ancré profondément les méthodes d’un éclectisme plus ou moins classique. O.Bohigas désigne ce courant comme « autre modernité ». Secundino Zuazo Ugalde ou Rafael Bergamín Gutiérrez font par exemple parti de ceux-ci. Ces foyers avant-gardistes, qui vont en se généralisant, sont minoritaires avant l’avènement de la Seconde République. Ils ont sans aucun doute influencés les réalisations politiques de l’époque. Cette avantgarde artistique se trouvait entre autre à Madrid ou en Catalogne comme on le verra par la suite avec l’exemple des GATCPAC et GATEPAC. Toutefois comme on l’a précisé plus haut cela s’estompe rapidement avec la chute de la République. A partir de ce moment deux voies opposées sont suivies par les architectes : soit on assiste à un retour aux réactions anti-culturelles face au franquisme ou alors ceux qui ne veulent pas abandonner le modernisme s’exile. La Guerre civile éclate en 1936, amenée par des conflits sociaux, économiques, culturels et politiques. Elle se termine en 1939 avec la mise en place d’une dictature par Francisco Franco qui dure jusqu’en 1975.

Cas particulier de la Catalogne A l’image des transformations ayant lieu à Madrid, la Catalogne assiste à l’émergence d’une architecture avantgardiste qui se produit alors que la dictature de Primo de

Rivera faibli et que dans le même temps les prémices de la République se dessinent. Quand bien même la situation politique et culturelle semble être la même qu’à Madrid, « le processus culturel progressiste » évolue d’une toute autre façon. Avant la Première Guerre Mondiale, la Catalogne était reconnue culturellement dans toute l’Europe grâce au Modernismo, mouvement artistique qui s’inscrit dans la continuité de l’Art Nouveau ou de la Sécession viennoise. Cette période faste, ne se poursuit pas après la guerre. La situation culturelle devient alors confuse et très complexe à résumer du fait de sa grande diversité, on entre dans le Noucentisme. Bien que ce courant artistique soit malaisé, O. Bohigas se permet d’en donner les grandes lignes directrices : «Il s’agit d’un mouvement d’esprit classique et normatif, méditerranéiste, basé sur le renouveau historique, national et institutionnalisant de la Catalogne, guidée culturellement par Eugeni d’Ors et politiquement par Enric Prat da Riba1». Finalement, durant les années 1920 et 1930, l’architecture catalane et le résultat « d’une cacophonie stylistique ». Certains architectes prêchent toujours le Modernismo comme Josep Maria Jujol ou César Martinell. D’autre sont plutôt influencés par la Sécession viennoise ainsi que par des courants locaux et internationaux qui en découlent. On retrouve tout de même un certains nombres d’éléments communs au sein de cette cacophonie stylistique simplement parce que chacun de ces styles sont directement ou indirectement liés à l’impulsion progressiste donnée par le Modernismo. Si l’on approfondit cela, on s’aperçoit rapidement que leur idéologie est commune. Cette idéologie constitutive de la politique catalaniste de Prat da Riba nous ramène d’une certaine façon au Noucentisme. On retombe ainsi sur la volonté de modernisation, de culture cosmopolite

Rincon de Goya. Zaragoza. Espagne. Fernando Garcia Mercadal. 1926-1928

Le Régionalisme Critique

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et d’autonomie face à la culture madrilène. Ramon Puig Gairalt, Adolf Florensa, Antoni Puig Gairalt pour ne citer qu’eux font partis des architectes qui suivent les volontés relatées précédemment. En contrepartie de cette architecture noucentiste se développe une architecture antinoucentiste. Cette dernière est « attardée, éclectique, d’appart, intoxiquée par des restes indigestes des beaux-arts1 ». Elle est le symbole de l’anti catalanisme puisqu’étant souvent le fruit des commandes officielles de la dictature de Primo de Rivera. Pere Doménech, Francesc de P. Nebot ou Eusebi Bona suivent donc un tout autre parcours architectural en marge du progressisme qui anime la Catalogne et globalement l’Espagne avant l’arrivée de la République. Ce progressisme est en quelque sorte continue tout au long de cette période et se caractérise par des événements qui se démarquent de ce tohu-bohu stylistique. Les expérimentations avant-gardistes ne seront jamais aussi nombreuses qu’en 1928. L’usine Myrurgia de Antoni Puig Gairalt semble être le symbole même de ces années fastes au même titre que l’exposition organisée en avril 1929 dans les galeries Dalmau de Barcelone à laquelle participe A.P Gairalt mais aussi une nouvelle génération de jeunes architectes pour la plupart issu de l’école de Barcelone comme Josep Lluis Sert ou Josep Torres. Cette exposition fut le premier acte dans la constitution d’un groupe de réflexion sur l’architecture: le GATEPAC.

GATCPAC/GATEPAC

Réalisation du GATEPAC

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Nous avons déjà précisé la cohérence stylistique des œuvres du groupe madrilène et l’aspect plus hétérogène de celles du groupe catalan. Aucun de ceux-ci n’a réussi à franchir le pas dans leur conception architecturale. C’est-à-dire que l’épanouissement du rationalisme architectural européen comme le définit le Bauhaus n’a pas encore été atteint. Il faut attendre pour cela qu’une nouvelle génération d’architectes, plus jeunes, apparaisse. Elle se distingue d’abord en Catalogne ce qui n’est pas étonnant puisque c’est dans cette région que l’élan progressiste est le plus fort pour des raisons simple : elle est plus proche de l’Europe et moins régionaliste que le reste de l’Espagne. Un homme est particulièrement représentatif de cette génération : Josep Lluis Sert. Marqué par son expérience au sein de l’agence de Le Corbusier (il y travaille dès l’obtention de son diplôme), il souhaite véhiculer le nouveau mouvement en Espagne et fonde parallèlement une agence à Barcelone avec Sixte Illecas. L’exposition de Dalmau (1929), comme précisé précédemment, va être le point de départ de cette large diffusion du mouvement moderne. Cette exposition est l’occasion de réunir un groupe de jeunes architectes. Les échanges qui ont lieu durant cet événement font émerger l’idée « d’un groupe

L’influence du Lieu sur l’Architecture


de travail et de discussion » sur l’architecture et l’urbanisme. Nait alors suite au rapprochement de S. Illescas, Germá Rodríguez Arias, Ricardo Churruca et Francesc Fábregas le GATPAC (Groupo d’Artistes i Técnics Catalans pel Progrés de l’Arquitectura Contemporánia). A Madrid, Garía Mercadal s’imprègne de la culture européenne et suit en parallèle le même cheminent progressiste qui existe en Catalogne. Titulaire de la bourse Pensión de Roma il réside à Rome, voyage dans toute l’Europe et effectue des rencontres marquantes que ce soit P.Behrens ou L.Mies Van der Rohe. De retour en Espagne en 1927, ces échanges culturels s’expriment au sein du fameux Rincón de Goya : première architecture moderne espagnole. García Mercadal cherche à faire fructifier ce mouvement dans la région madrilène en organisant les cycles conférences dont nous avons déjà parlé. Le Corbusier y donne deux conférences créant la polémique. Il s’exprime de nouveau devant les élèves catalans –beaucoup plus réceptifs à ses propos –ce qui va sceller l’idéologie du GATCPAC. En 1930 est organisé à Saint-Sébastien une exposition d’art et d’architecture sur les nouveaux mouvements radicaux émergents en Espagne. Comme lors de 1929 très vite arrive la suggestion d’organiser un groupe de réflexion national visant à stimuler les architectes espagnols sensibles à ces nouvelles positions. Une réunion a lieu le 26 octobre 1930 pour officialiser la formation du GATEPAC, le C de catalan est remplacé par le E de espagnol. Les architectes viennent de toute l’Espagne : Madrid, Bilbao, Saint-Sébastien et majoritairement de Barcelone. La portée de cette organisation reste simplement théorique. Seul le GATCPAC a la possibilité de réaliser concrètement ses idées pour des raisons politiques : il dispose du fort soutien de la République. Il publie également régulièrement la revue AC (trimestrielle) de 1931 jusqu’en 1937 constituant un excellent apport pour comprendre la tâche du GATEPAC.

Concours Groupe scolaire Bogatell. Barcelone. Espagne. GATCPAC. 1932

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Grup R

GRUP R_BOHIGAS.MARTORELL.MACKAY Bohigas.Martorell.Mackay

Ce collectif d’architecte est fondé en 1951 par Josep Antoni Coderch. Il rassemble entre autre O. Bohigas, J. Gili i Moros, Josep Maria Martorell, Manuel Valls Vergés. Les questions qu’il pose à l’architecture se trouvent dans ses dimensions artistique, sociale et technique. Ils réalisent pour cela des séminaires auxquels participent des architectes et historiens étrangers comme A.Aalto, G.Ponti ou B.Zevi. Ces réflexions sont marquées par la production architecturale de l’Italie du nord où le contexte socioculturel est proche de celui de la Catalogne. On retrouve une fois de plus un rapport global/régional. Certains architectes italiens cherchaient une modernité qui prenait à la fois en compte l’histoire architecturale régionale mais également les progrès techniques et les questions socio-culturelles.

O.Bohigas fonde en 1951 avec Martorell une agence d’architecture à laquelle se joint l’anglais David Mackay en 1963. O.Bohigas est un des architectes les plus représentatif du régionalisme catalan. Très tôt MBM se place dans cette posture précise : utiliser intelligemment dans un contexte local les progrès universels, on retrouve ainsi le rapport de force local/global. Influencé par le noucentisme, le modernismo et inévitablement le GATCPAC, la position qu’ils prennent préfigure la politique de décentralisation qui existe aujourd’hui dans toute l’Espagne. On note ainsi une volonté de s’approprier et d’exprimer les technologies nouvelles, à condition qu’elles se révèlent économiques et adéquates mais également une détermination à développer les capacités d’artisanat encore vivantes dans la région.

Las Cocheras. Barcelone.Espagne. Josep Antoni Coderch. 1968-1971 1

Modernité en architecture dans l’Espagne républicain. Oriol Bohigas.1998

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Appartement s pour enseignants.Pineda. Espagne. MBM Arquitectos. 1967-1969

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ECOLES SUISSES

«Ne construit pas de manière pittoresque. L’homme qui s’habille de manière pittoresque n’est pas pittoresque, mais un bouffon. Le paysan ne s’habille pas de manière pittoresque. (...) Construit aussi bien que tu es capable de le faire.» Adolf Loos. Trotzdem. 1930

Les deux cantons suisses qui attirent ici notre intérêt sont le Tessin et les Grisons. Bien qu’ils soient accolés et bien qu’ils aient une frontière commune avec l’Italie, les histoires architecturales de ceux-ci ont été marquées par des architectes et des théoriciens différents. La première « école » hérite des pensées de Aldo Rossi et de Vittorio Gregotti, deux architectes italiens de renoms alors que la seconde doit sa richesse plus à Fabio Reinhart (architecte Suisse assistant de Aldo Rossi à l’ETH Zurich) et Miroslav Šik (de nationalité tchèque mais exerçant en Suisse). Malgré tout, on retrouve les mêmes remises en cause d’un canton à l’autre mais aussi entre les régions que l’on a abordées avant : une position réactionnaire parfois radicale face au Neues Bauen 1 . Fort d’une typologie exceptionnelle avec la présence des Alpes et de vallées, ainsi que d’une faune et d’une flore particulière, le site (le rapport que l’architecte entretient avec lui), le genius loci en quelque sorte, ne peut être passé sous silence. Clairement, dans ces lieux où l’atmosphère y est si singulière, l’architecture moderne ne peut y trouver sa place. Sans remettre en cause les progrès techniques et architecturaux qu’a amenés le mouvement moderne, on ne peut que louer l’attitude des architectes qui ont su voir en ces lieux toute la merveille qu’il fallait protégée et avec laquelle il faut savoir composer.

ECOLE TESSINOISE Mouvement Neorationaliste : La Tendenza La Tendenza (mouvement néorationaliste italien) développé durant la fin du XX° siècle, semble être une tentative de protection de l’architecture contre toutes les contraintes infligées par la société de consommation, tant sur le point de vue économique que technique, régissant les villes contemporaines. Cette position tire son essence de deux textes d’architectes italiens : L’Architettura della città d’Aldo Rossi (1966) et La Costruzione logica dell’architettura de Giorgio Grassi (1967).

1

Terme allemand désignant l’architecture moderne qui a émergée en Allemagne.

Le Régionalisme Critique

Les positions prisent au sein de ses deux écrits s’intègrent plus dans une pensée urbaine dont l’une des parties concerne l’architecture locale. Aldo Rossi prône une insertion en accord avec ce que la ville a préétablie, c’est-à-dire en accord avec la morphologie qu’elle crée en évoluant. G.Grassi s’intéresse plus à une manière logique et raisonnée de produire l’architecture. Leurs façons de penser l’architecture intègrent également les besoins quotidiens des habitants mais ils ne cherchent pas à produire une architecture ergonomique comme le mouvement moderne : « la forme suit la fonction ». Ils prennent le contre-pied de ce crédo et voit l’architecture

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comme totalement autonome. A.Rossi se rend compte que les programmes liés à la modernité ne sont pas en adéquations avec les notions qu’il veut présenter à travers son architecture, pour se faire il doit avoir recours à des emprunts historiques et vernaculaires. L’hôtel de ville qu’il a conçu à Trieste en 1973 illustre cette pensée dans le sens où il prend la forme forme pénitentiaire. Celle-ci peut être interprétée à la fois comme un hommage à la tradition architecturale locale du XIXème mais également comme une certaine critique du pouvoir politique. Il souhaite à tout prix éviter l’aphorisme du mouvement moderne qui selon lui se base sur « une logique positiviste et une foi aveugle dans le progrès ». Vittorio Gregotti a également pris part à ce mouvement architectural et à sa diffusion. La Tendenza a eu une influence très importante dans le Tessin où suite à cela, une école architecturale rationaliste voit le jour. On y retrouve bon nombres des idées et propositions de A.Rossi et V.Gregotti notamment dans les productions architecturales de Mario Botta et Aurélio Galfetti.

Territoire de l’Architecture par Vittorio Gregotti « Avant de poser pierre sur pierre, l’homme a posé la pierre sur la terre pour marquer un lieu dans l’univers inconnu ». « Cette modification qui transforme le lieu en chose de l’architecture fonde l’acte originel et symbolique de la prise de contact avec le sol, avec le milieu physique, avec l’idée de nature comme totalité, à travers la construction du principe d’enracinement ». Vittorio Gregotti, Territoire de l’architecture.1966 L’ouvrage Il Territorio dell’Architettura (le territoire de l’architecture) écrit par Vittorio Gregotti est très intéressant dans la définition même d’une méthodologie de travail, d’un rapport au site et aux professions périphériques à l’architecture. Il est considéré comme un

ouvrage référence qui va proposer une nouvelle manière de projeter. Les questions que soulève cet ouvrage sont celles que se posent V.Gregotti depuis déjà un certain temps. Il a l’occasion de concrétiser toutes ces nouvelles problématiques et les réponses qu’il commence a amené dans son projet de la section introductive de la XIIIe Triennale de Milan (1964). Le sujet qui focalise notre attention est bien évidemment le rapport au site, V.Gregotti y consacre un chapitre entier : « Cette deuxième partie cherchera à fonder du point de vue de l’architecture une technologie formelle du paysage antropo-géographique2»3 . V. Gregotti pose un questionnement profond sur l’idée de paysage et de nature comme ensemble de toutes les choses et souvenir des configurations passées. La nature n’est plus vue comme force indéchiffrable mais comme un ensemble de choses matérielles dont le projet doit révéler les raisons et les relations. L’environnement ne doit pas être un site où se perd l’architecture mais à l’inverse un matériau extrêmement riche pour le projet d’architecture. « Si l’on part du principe d’enracinement, comme la réalisation architecturale se trouve posée sur le sol, l’environnement devient le matériau prédominant de l’œuvre architecturale3 ». Cet ouvrage doit être vu comme un tout constitué de parties inséparables les unes des autres. Les questions portant sur rapport à l’histoire et au sur les nombreux matériaux (dans le sens d’outils) de l’architecture sont donc toutes aussi importantes.

Echelle

antropo-géographique

de

l’intervention architecturale

Les disciplines qui entrent en jeu doivent dans un premier temps être mises en place. Il faut déterminer les limites du domaine « géographie » afin de pouvoir déterminer précisément l’aire d’impact de l’architecture s’il l’on veut pouvoir utiliser les différentes études réalisées (par les professions périphériques) à bon escient. D’après les géographes, il apparaît deux aires de travail où les

Nouveau siège de l’Université de la Calabre, Cosenza, Italie. Gregotti Associati. 1973

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L’influence du Lieu sur l’Architecture


architectes exercent. La première est définie par le facteur d’échelle, en dessous d’une certaine échelle l’environnement et sa définition spatiale nécessite une précision tant technique que constructive que l’architecture est capable d’apporter. La seconde réside en une interprétation des études géographiques. En effet, la géographie apparaît comme une étude objective de l’instant présent. C’est un travail pragmatique sur l’environnement et non une interprétation esthétique des signes culturels ou esthétiques que l’on peut en tirer. C’est donc sur cet aspect-là que peut entrer en jeu l’architecture.

Section d’introduction à la XIIIe Triennale de Milan.Italie. Vittorio Gregotti. 1964

Les artistes modernes ont aussi eu un rôle essentiel dans l’expérimentation et la proposition de nouvelles perceptions de l’espace, de sa dynamique spatiale et temporelle. C’est in fine un des points que K.Frampton aborde dans son ouvrage Histoire et critique de l’Architecture moderne en parlant des nouveaux mouvements artistiques (purisme, suprématisme…) qui se diffusent et l’impact qu’ils ont sur la nouvelle perception de l’espace. De ces expériences-là, V.Gregotti pose une question qui semble extrêmement importante : « Comment notre (pour nous, architectes) perception du paysage devient-elle perception esthétique ? Comment, en d’autres termes, acquiert-on la conscience de la qualité figurale du paysage ? »2. Selon lui, il existe deux manières d’y répondre. Soit cette conscience à un rapport avec la symbolique du lieu. Tel ou tel lieu choisit par un groupe d’individu est chargé de sens à leur yeux pour des raisons diverses et variées et se démarque, de ce fait, des paysages environnants. Ce rapport au site est défini comme « direct » par V.Gregotti. L’autre positionnement possible face au site est bien entendu « indirect » et passe par la perception d’une représentation quasi objective que l’on a eu de celui-ci à travers une foultitude de techniques de représentation : peinture, cinéma….

Environnement modifié par l’œuvre ou par la présence de l’homme. GREGOTTI Vittorio,1966.Le territoire de l’architecture.trad.fr.1982, l’Equerre.167p. 4 BOTTA Mario, 1996. Ethique du bâti. trad. fr. 2005, coll. Eupalinos. Parenthèse. 125p. 5 Aurelio Galfetti. http: //www.hebdo.ch/mario_botta_architecte_figuratif_22190_.html 2 3

Casa Bernasconi. Carona. Suisse. Luigi Snozzi. 1990

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Ethique du Bâti par Mario Botta L’œuvre de Mario Botta est la plus significative de cette région. Elle exprime parfaitement bien cette relation entre questionnement du lieu (rapport au local) et adaptation à des méthodes extérieures (emprunt à la technique et à la technologie universelles).Il ne faut pas oublier que M.Botta a aussi travailler au côté de grands architectes alors qu’il était encore jeune : Le Corbusier, Louis I.Khan et Carlo Scarpa. On retrouve d’ailleurs un peu de chacun dans ses œuvres. M.Botta distingue architecture et œuvre architecturale. La première, abstraite est beaucoup moins riche que la seconde qui est la seule capable de combler les demandes de l’Homme et de la société dans laquelle il vit. Cette œuvre architecturale représente donc concrètement une synthèse de la pensée de l’architecte et de la réalité. Comme nous l’avons expliqué précédemment cette région suisseitalienne est fortement marquée par la présence des Alpes. La réalité, représente avant tout pour M.Botta les conditions géographiques auxquels est confrontée son architecture. Cette opposition permet de « transformer un état de nature en état de culture ». Cela implique donc la création d’un nouvel équilibre spatial qui est le symbole d’une triple interaction entre « l’idéologie de la pensée, l’abstraction du dessin et le monde de la réalité4 » créant ainsi, selon l’architecte tessinois, un moment d’histoire. Dans ces conditions l’architecture est bien évidement une manière de rendre compte des nouvelles questions qui marquent la société et les changements qu’elle subit. Cette contextualisation, est très enrichissante

pour le projet et pour l’architecte qui doit faire en sorte que le projet concorde avec cette même réalité. Cela rejoint l’idée que l’on « ressort toujours grandi d’un échec ». Cela va également dans le sens d’une nouvelle méthodologie de projet, développé par V.Gregotti dans Territoire de l’architecture disant que l’architecte n’est plus seul décideur et qu’il existe des professions périphériques à prendre en compte en vue de bonifier le projet. On retrouve également les idées de C.NorbergSchulz : « une ligne du projet se transforme en mur, un morceau de dessin devient construction, une couverture devient protection4 » lorsqu’il introduit la notion de limite et d’épaisseur deux caractéristiques parmi d’autre, symboliques du projet. Livio Vacchini, Luigi Snozzi ou Aurelio Galfetti partage également les mêmes postures et vont participer à construire l’identité architecturale du Tessin. «Nous avons des contacts presque journaliers. Mais si nous avons travaillé ensemble, cela ne nous empêche pas de faire des choses différentes dans un grand respect mutuel.» Une école tessinoise? C’est un peu un mythe. Je parlerais plutôt d’affinités entre quelques architectes, Luigi Snozzi, Livio Vacchini, Mario Botta et moi. Elles tiennent au rapport avec le contexte, le territoire, la ville.». Mario Botta et Aurelio Galfetti ouvrent même une école d’architecture à Mendrisio qui représente une autre manière de diffuser leurs idées.

Ecole. Paspels. Suisse.Valerio Olgiati.1999.

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L’influence du Lieu sur l’Architecture


ECOLDE DES GRISONS Le canton des Grisons est surtout connu pour l’image luxueuse et huppée que donne St Moritz ou Davos. Toutefois la production architecturale la plus intéressante se trouve dans une autre partie du canton, plus calme, moins médiatisée. Malgré cela l’expérience architecturale y bat son plein, celle-ci compte notamment Peter Zumthor étant en rapport directe avec la réalité architectonique existante : montagnes et vallées. Doiton parlé de « l’école des Grisons » ou plutôt comme le dit A.Galfetti à propos de la production architecturale du Tessin : « d’affinités entre quelques architectes » ? Ce qui est sûr c’est qu’on ne peut nier l’existence d’un langage architectural commun prenant en compte la singularité du site. De ce fait on peut situer cette production par rapport au monde et parler ainsi de régionalisme critique. L’école des grisons n’est en aucun cas, au même titre que les autres écoles, un clan aux dogmes architecturaux précis, on serait donc plus tenté de se rapprocher des propos d’A.Galfeti.

L’architecture Analogue

rapport avec la tradition. Les deux architectes précités enseignaient au côté d’Aldo Rossi lorsqu’il était encore en place à l’ETH Zurich. Ils sont donc profondément marqué par les nouveaux concepts qu’il manipulait et leurs faisaient manipuler. D’ailleurs on retrouvait déjà le terme d’architecture analogue. Lorsqu’en 1983 F.Reinhart remplace A.Rossi, ils continuent (avec M.Sik, L.Ortelli et d’autres) à promouvoir ce positionnement mais ils vont l’orienter de manière différente. Les travaux réalisés pendant les premières années sont caractérisés par une recherche d’identité. L’opposition au mouvement moderne est clairement revendiqué, l’architecture recherchée se positionne plutôt en équilibre entre tradition et modernité. La question de la tabula rasa ou de la conservation pose donc problème mais n’oublions pas la citation d’Adolf Loos en introduction de cette partie. Le rapport entre tradition et innovation semble donc essentiel. Il faut arriver à se défaire des dogmes traditionnels (questions de la conservation) sans pour autant chercher à recréer l’espace de toute pièce en partant de zéro (question de la tabula rasa). On se retrouve une fois encore dans un rapport : histoire du lieu-rapport universel-critique et innovation architecturale.

Durant les années 1980, deux architectes et enseignant à l’ETH Zurich vont théoriser une manière de projeter connue sous le nom « d’architecture analogue ». La théorie avancée par Fabio Reinhart et Miroslav Sik se concentre sur deux points importants. Le premier est l’attention pour ce qui est ordinaire et simple, et la recherche poétique de cet ordinaire. Le second est le

Eglise St Antonius. Egg. Suisse. Miroslav Sik. 1988-1997

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De l’atelier

de

Fabio Reinhart

vers l’atelier de

Haldenstein Malgré tout cette théorie va laisser ses marques chez les étudiants qui vont passer dans l’atelier de F. Reinhart. Cette nouvelle théorie architecturale aura amené une confrontation directe avec l’histoire et la tradition et une prise de recul par rapport aux valeurs véhiculées par les modernes. Un autre événement a probablement dû motiver les étudiants à suivre cette réflexion, celui concernant les tentatives de sauvegarde des villages traditionnels avec la mise en place de règlements de construction. Certes l’aspect rural et pittoresque était toujours présent mais cela annulait complètement toute possibilité d’évolution pour ces villages. D’où l’intérêt porté à ces questions de traditionalisme non figé, de régionalisme et d’évolution architecturale. Plusieurs architectes, après avoir travaillé au sein de l’atelier de F.Reinhart vont se rendre chez P.Zumthor à Haldenstein. Ce dernier a une manière différente de projeter son architecture. Il base plus celle-ci sur les expériences quotidienne qu’il a pu connaître : «elles constituent le stock d’ambiances et d’images dont je cherche à prendre la mesure par mon travail d’architecte.» . C’est la manière qu’il a de se défaire de forte identité locale qui est trop souvent un frein à l’architecture. Ses deux ouvrages Atmosphère et Penser l’Architecture sont d’ailleurs exclusivement représentatifs des expériences quotidiennes qu’il a pu avoir avec l’architecture :

Eglise St Antonius. Egg. Suisse. Miroslav Sik. 1988-1997

« Quand je pense à l’architecture, des images remontent en moi. Beaucoup de ces images sont en rapport avec ma formation et mon travail d’architecte. […] D’autres évoquent mon enfance. Je me rappelle le temps où je faisais l’expérience de l’architecture sans y réfléchir. » 7. L’architecture des Grisons regroupe donc à la fois la pensée de F.Reinhart et de l’architecture analogue mais également celle de P.Zumthor. Andrea Deplazes, Valentin Bearth, Christian Kerez font partis des architectes représentatifs de ces deux façon de projeter.

6 7

Peter Zumthor, Eine Anschauung der Dinge, Haldenstein, 1992. ZUMTHOR Peter, 2006. Penser l’architecture. trad. fr. 2006, Birkhäuser, 95p.

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Chapelle ST Niklaus.Mechernich-Wachendorf.Allemagne. P.Zumthor.2003-2007

L’influence du Lieu sur l’Architecture


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Les deux « écoles » ibériques semblent apparaître dans des contextes similaires. Effectivement, ce sont des collectifs d’architectes, qui durant la courte période pendant laquelle ils sont soutenus politiquement, vont marquer une page de l’architecture régionale. On pense notamment au SAAL (Portugal) ou aux GATCPAC/ GATEPAC (Espagne). Le contexte suisse est un tant soit peu différent et semble, a priori, moins politisé. Toutefois les questions posées sont sensiblement les même que ce soit au Portugal, en Espagne ou en Suisse, chacune des régions ayant un fort caractère paysagé. Précisons également que les nombreux écrits : essais ou revue, jouent un rôle fondamental au niveau de la diffusion régionale, nationale et mondiale de ce mouvement. Reconnaissons une fois de plus l’intelligence des architectes de ces régions qui ont compris l’extrême richesse des lieux dans lesquels ils travaillent et in fine, pour lesquels ils travaillent. Voyons cela plus en détail avec l’étude de la remarquable faculté d’architecture de Porto réalisée par le non moins connu architecte portugais Alvaro Siza entre 1987 et 1994.

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L’influence du Lieu sur l’Architecture


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La faculté d’architecture de Porto. Alvaro Siza 1987-1994. Portugal

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L’influence du Lieu sur l’Architecture


CONTEXTE ECONOMIQUE Ce projet, emblématique du travail de A.Siza et de la ville de Porto profite sans doute de l’adhésion du Portugal à l’Union Européenne datant de 1986. En effet, le Portugal et l’Espagne qui sortent de la dictature et qui entrent en même temps dans l’Union Européenne vont au départ beaucoup profiter des aides économiques qui leurs sont allouées pour se reconstruire. Bien que ce projet profite de ces aides, il va également « subir » la durée des ajustements à faire relativement à la demande d’entrée dans l’union européenne. Ceux-ci prennent plusieurs années, ce qui a pour effet d’étaler le projet sur sept ans de 1987 à 1994. La faculté d’architecture de Porto marque un tournant dans la carrière de l’architecte portugais. Après avoir réalisé des projets de plus petites envergures : Casa de Chá (Maison de Thé –1958-1963) à Boa Nova, la piscine de Leça da Palmeira (1961-1966) à Porto ou des maisons pour particuliers à Modelo do Minho entre 1964 et 1971. La commande de l’école d’architecture de Porto annonce donc l’accession, pour A. Siza, à des programmes plus importants. Celle-ci s’inscrit dans la continuité d’autres projets qui sont également menés par l’architecte à cette époque : l’école d’éducation de Setúbal (1986-1993), le centre galicien d’Art contemporain (1988-1993) et la bibliothèque universitaire d’Aveiro (1988-1994). Pour Alvaro Siza au-delà de l’importance programmatique et significative que revêt le projet de la faculté d’architecture de Porto, ce qui l’enthousiasme particulièrement c’est l’occasion qui lui est offerte de pouvoir construire à Porto. Il apprécie également tout particulièrement la reconnaissance que lui accordent ses paires, en effet, ce projet ne fait pas l’objet d’un concours, mais ce sont les architectes de la région qui ont recommandé A.Siza –ancien élève de l’école-- au commanditaire : le ministère de l’Education. Cette commande du ministère de l’Education arrive en raison de la séparation entre le département d’architecture et l’école des Beaux-Arts en 1980. Celuici se rattache alors à l’université de Porto. En attendant la construction de la nouvelle faculté, le département s’installe dans le pavillon Carlos Ramos également réalisé par Alvaro Siza entre 1985-1986.

Centre galicien d’art contemporain .St Jacques de Compostelle. Espagne. Alvaro Siza. 1988-1993

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Librairie Universitaire d’Aveiro. Portugal. Alavaro Siza. 1995

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Ecole normale supĂŠrieure de Setubal. Portugal. Alvaro Siza. 1986-1994

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CONTEXTE GEOGRAPHIQUE Comme nous l’avons présenté dans les pages précédentes, Porto est le symbole du renouveau architectural au Portugal. Quand bien même Lisbonne serait la capitale économique du pays, il n’y a, à cette époque-là, aucun doute sur la capitale architecturale du Portugal (la réponse ne serait pas aussi simple actuellement du fait des nombreux architectes qui ont émergés à Lisbonne. Nous en avons cité quelques-uns auparavant). Porto est donc par excellence le berceau de l’architecture portugaise et du régionalisme critique qu’elle incarne. La faculté d’architecture prend place sur les rives du Douro entre des jardins organisés en terrasses avec des murs de soubassement en pierre ou de luxueuses demeures du XVIII° s. et du XIX° s. A cette époque ces terres appartenaient à la bourgeoisie de Porto. Désormais, elles accueillent le campus de l’université qui s’est installé dans de nouveau locaux mais également dans des anciens édifices de cette époque. L’architecture répond à l’évolution du contexte social, ce qui explique notamment les logements qui s’érigent derrière la faculté d’architecture, logements auxquels se réfèrent notamment l’architecte. La parcelle, par rapport au programme est relativement grande (au moins trois fois supérieure à la superficie du programme), d’autant plus que l’architecte choisi de construire sur plusieurs niveaux, réduisant l’emprise au sol et augmentant l’importance du vide.

après cela que peuvent rentrer dans la pensée, du projet et de l’architecte, les autres facteurs influents sur la conception de l’œuvre architecturale. A.Siza se réfère également au pavillon Carlos Ramos qu’il a construit plus tôt (1985-1986) dans l’attente du commencement des travaux de la nouvelle faculté. Cette dernière va avoir inconsciemment une certaine filiation avec ce pavillon, entre autre de par sa forme : centrée sur un vide intérieur. La maison rouge, située en face du pavillon Carlos Ramos va elle aussi jouer un rôle certain sur le projet de l’architecte portugais. Précisons également qu’au nord de la parcelle se trouve l’autoroute menant à Lisbonne. La circulation y est quotidienne et dense créant ainsi des nuisances sonores avec lesquelles doit composer l’architecte. Ajoutons à cela un programme très strict édicté par des professeurs et l’université elle-même.

Comme pour chaque bâtiment qu’il conçoit A. Siza ne s’appuie que sur une chose, ou plutôt sur plusieurs choses qui sont préexistantes. Ainsi on retrouve un rapport au site, notamment dans la première idée qui va le guider pendant un certain temps puis qu’il finira par abandonner. Ce concept d’idée forte qui serait le point de départ et la ligne conductrice du projet est pour A.Siza extrêmement importante. Il faut savoir garder un certain cap, une certaine image représentative du projet qui peut être concrète ou mentale. C’est seulement

Autoroute

Faculté d’Architecture

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.Pavillon Carlos Ramos .Maison Rouge

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PROGRAMME&ORGANISATION « Je suis un fonctionnaliste », pour l’architecte originaire de Matosinhos (petite ville au sud de Porto), l’un des points inhérents au projet est le problème de la forme. Tout architecte doit amener des réponses aux problèmes fonctionnels, mais la vraie architecture commence dès l’instant où le projet intègre la notion de liberté. Celle-ci permet ainsi le développement du projet dans d’autres directions. Le programme, ici très strict, comme spécifié plus haut, était étudié pour 500 élèves et comprenait : des salles de cours, un auditorium, une salle d’exposition et une bibliothèque (pour indication, la surface maximum constructible était de 5 000 m², celle de l’Ensal est de 3 500 m²). A.Siza a pris le parti de regrouper toutes les activités liées à l’enseignement dans la même partie de l’école : la partie sud (les quatre tours) du côté le plus attrayant, ayant vue sur les rives du Douro. L’autre partie du programme, à laquelle on ajoute l’administration, se trouve dans les locaux nord, directement exposés au bruit de l’autoroute, toutefois moins dérangeante pour les activités qui s’y tiennent – les espaces ont moins besoin de lumière. Toutefois lorsqu’elle est nécessaire, celle-ci est zénithale ce qui permet de garder les murs d’enceinte quasiment plein. Les nuisances sonores extérieures s’en trouvent de ce fait amoindries.

En Haut : Jardins en terrasse sur les rives du Douro En Bas : Vue depuis Gaia sur le palais episcopal

Idée première Pour ce projet, A.Siza n’a pas changé ses habitudes. Il a passé une fois de plus beaucoup de temps sur le site à dessiner « pour moi, le dessin est un instrument de travail qui fonctionne très bien. » 1 . C’est en observant le site depuis la rive opposée, à Gaia, que lui est apparue une forme architecturale ayant une certaine ressemblance avec le palais épiscopal2 : bâtiment imposant, prenant place au milieu de maison individuelle de petite taille, transgressant de fait l’échelle urbaine de manière violente. Pendant un certain temps l’architecte va garder cette image en tête et va dessiner maintes et maintes formes qui prennent en compte la topographie du site. Il souhaite que le projet s’adapte à la déclivité caractéristique de ce lieu et voyait à cette occasion un seul grand volume, relatif à l’importance du projet. Ce bâtiment à plusieurs étages s’inspire du cloître et du patio central tout en nous rappelant également le palais épiscopal. A.Siza s’imagine un volume qui dominerait le bâti environnant de par son échelle plus importante et qui surplomberait également les rives du Douro affirmant ainsi tout l’importance culturelle qu’il renferme. Finalement après plusieurs essais peu convaincants il considère que le programme du palais épiscopal et celui de l’école d’architecture sont trop différents pour que la forme du second soit du même registre que celle du premier. Néanmoins sans pour autant changer la manière

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1 MACHABERT Dominique, BEAUDOUIN Laurent, 2008. Alvaro Siza, une question de mesure. Le Moniteur. 277p. 2 Ancienne résidence de la famille Bishops à Porto. Son architecture est représentative du style baroque et rococo. Le bâtiment original a été construit entre le XII° s. et le XIII° s. mais celui qui est donné à voir actuellement date de 1737.

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En Haut : Croquis de Alvaro Siza. Faculté d’architecture de Porto. En Bas : Vue depuis la faculté sur le Douro

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dont le programme sera distribué l’architecte fragmente quelque peu ce dernier en accord avec les contraintes dictées par l’environnement –déjà précisé plus haut.

Faculté d’architecture de Porto (FAUP) La fragmentation du programme donne donc dix bâtiments dont les différences architecturales sont délibérément accentuées. Ils sont disposés à la manière des pièces d’un puzzle finalement terminé. La forme triangulaire du site a eu beaucoup d’importance sur la manière dont prennent places les bâtiments. Comme on l’a spécifié plus haut, les contraintes liées à l’environnement, le pavillon Carlos Ramos mais également la maison rouge ont aussi eu de l’influence sur la réalisation de A.Siza. Aucuns bâtiments ne semblent être privilégiés par rapport à un autre. Il n’y a ni entrée principale ni même façade principale. Pourtant on trouve une certaine subtilité dans le travail de cellesci. Toutefois si l’on veut pouvoir l’apprécier il faut se trouver de l’autre côté du fleuve, à Gaia. A.Siza a utilisé la végétation, dense, présente sur la parcelle pour cacher l’évidente cohérence et la complexité que porte son projet. Il souhaite de plus donner l’image d’un bâtiment qui a pris forme en même temps que la dite végétation. Mais bien que cela soit assez subtil, il me semble encore plus adroit de sa part le fait qu’il ne laisse finalement qu’une seule « tour » complètement visible aux regards des passants, rappelant sans aucun doute possible le palais épiscopal. Il retrouve donc finalement, certes à moindre échelle, cette idée de mainmise du bâtiment sur son environnent direct.

En Haut : Plan du pavillon Carlos Ramos En Bas : Plan de la Faculté d’architecture

Bibliothèque Salle d’Expositition

Auditorium

Salles de Cours

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L’alignement des quatre tours –inspirées par les bâtiments construits dans les années 50 juste derrière la faculté— regroupant les salles de classe s’appuient sur la maison rouge. Le vide laissé entre les deux tours par A.Siza doit, selon lui, rompre le rythme que pourrait installer cette linéarité et proposer un point de vu plus généreux sur le fleuve. Pour d’autre, l’architecte a vue trop grand et les moyens économiques ne permettaient tout simplement pas d’avoir cinq tours. Les trois autres bâtiments –situés en face (rappelons une fois encore, pour parer au bruit de l’autoroute) — sont en ruptures les uns avec les autres au niveau de leurs formes bien qu’ils constituent un tout construit. Cette rupture semble évidente du fait des différents registres formels utilisés : lignes droites, lignes courbes et diagonales. La cour dessinée par A.Siza tient une place exceptionnelle. Sa forme rappelle inévitablement le pavillon Carlos Ramos, c’est notamment un des effets recherchés par l’architecte. Quant à sa matérialité, elle interroge. Finalement les réponses ne mettent que peu de temps à arriver, le minéral, renforce la fonction de la cour, qui doit rassembler les deux parties du programme, elle fonctionne in fine comme un hub. Plus loin, elle se végétalise et s’organise en plateaux qui ne sont pas sans rappeler ceux où se trouvaient au XIX°s –et sur lesquels se trouvent parfois encore— de magnifiques jardins. La majorité de la vie étudiante ne se déroule donc pas dans les salles de classes ou à la bibliothèque mais entre les deux parties du programme. Il a conçu cette école comme une petite ville utilisant les différences de niveau pour créer de nombreux espaces de vie comme la sorte de second patio sur lequel donne désormais le bar/restaurant de la faculté. Un autre espace est aussi assez significatif, celui du sous-sol, qui prend l’allure non innocente d’un labyrinthe, forme que l’architecte apprécie bien qu’il ne supporte pas que l’organisation d’un bâtiment, quel qu’il soit, ne soit pas clair. Il n’apprécie guère les bâtiments où l’on se sent perdu. L’idée de parcours occupe donc une position très importante dans sa manière de concevoir l’architecture. Le parcours dans cette école existe : c’est l’expérience de la lumière. Cependant il ne cherche pas à obliger les gens à aller dans telle ou telle direction mais il leurs en offre les possibilités. On se retrouve en quelque sorte devant ce qu’on pourrait appeler une multiplicité d’organisations.

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L’expérience de la Lumière Les questions de la lumière, de la pénombre et de l’obscurité font parties selon A.Siza des mœurs des pays du sud il se réfère à l’expérience de la lumière que l’on peut avoir lorsque l’on se rend à l’Alhambra de Grenade. L’entrée par le jardin baigné de la lumière du soleil nous conduit à un patio où se trouvent des arcades qui tamisent celle-ci et créent de l’ombre. Le lieu suivant est une loggia où la lumière y est encore moins intense, la pièce qui la suit est plongée dans la pénombre et ainsi de suite. Ce parcours, selon A.Siza conduit à une certaine sérénité. L’idée de parcours et d’expérience de la lumière est donc bien présente. Finalement elle permet autant l’orientation que la découverte de sensations nouvelles. La salle d’exposition est par exemple traitée comme un monolithe blanc (il s’oppose au modernisme qui voulait la transparence de l’architecture) où la lumière est zénithale et indirecte. On retrouve ici la notion de filtre et de lumière tamisée propice à un espace d’exposition où l’on cherche du calme pour contempler et apprécier les œuvres s’y trouvant. A la bibliothèque, la lumière est également zénithale. Le volume qui amène celleci rentre dans le plafond à la manière d’un couteau, ce qui explique sa forme saillante et « agressive » malgré cela, on retrouve quelque peu l’atmosphère de la salle d’exposition. Toutefois la lumière y est plus forte étant donné que l’activité s’y déroulant (la lecture) demande plus de confort lumineux. Ce travail, plein de finesse, de la lumière se retrouve également dans les quatre « tours » d’enseignements, identiques dans leur organisation spatiale. La lumière est justement là pour marquer un changement. La lecture plastique que l’on a en façade est donc différentes puisque les fenêtres et les brises soleils varient suivant la façon dont la lumière est amené à l’intérieure du bâtiment. La faculté d’architecture de Porto est le bâtiment qui symbolise A.Siza, nous pourrions en parler pendant encore plusieurs lignes mais il semble que rien ne pourra supplanter l’expérience physique, réelle du bâtiment : la déambulation dans les couloirs, l’expérience de la lumière. Une enseignante m’a dit un jour : « on ne peut comprendre réellement l’architecture de A.Siza qu’en visitant ses bâtiments » j’attends donc avec impatience le jour où l’occasion de marcher sur les traces du maître portugais me sera offerte.

En Haut : Bibliothèque En Bas : Couloir menant à l’Auditorium

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Traitement de la lumière : Salle d’exposition (au dessus) et salle de cours.

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Salles de cours

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Couloir menant à la salle d’exposition

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CONCLUSION Au fil de la lecture des différents ouvrages voyant que les références à d’autres œuvres plus anciennes sont multiples et variées, force a été de constater que l’influence du lieu sur l’architecture est une question complexe. Intégrant des dimensions, historiques, socioéconomiques, géographiques, politiques et bien d’autres encore, le régionalisme critique propose véritablement une architecture orientée selon des problèmes locaux relatifs aux thématiques venant d’être citées. C’est justement ces différentes prises de positions et également cette opposition au Style International qui vont permettre à ce mouvement de se faire connaître. En réalité, après lecture des positions d’A.Tzonis, L.Lefaivre, K.Frampton et C.Norberg-Schulz on ne peut plus se permettre de dire que le régionalisme critique est né pour s’opposer au Style International. De toute évidence, régionalisme critique et architecture sont intrinsèquement liés. Le régionalisme critique a existé dès les premiers actes architecturaux. Prenons les deux formes qui selon Vitruve peuvent à elles seules expliquer l’architecture : la grotte et la cabane. Ces deux formes architecturales prennent déjà en compte le milieu, elles renferment au plus profond d’elles-mêmes cette prise de position critique que l’individu, doué de raison, est capable d’avoir par rapport à son environnement. Finalement si l’on prend un peu de recul sur les conditions d’émergences du régionalisme critique, on s’aperçoit que le Style International, ne lui a pas permis de se créer, mais qu’il l’a simplement révélé un peu plus. Ces recherches m’ont donc permis de mesurer toute la subtilité de la question posée en préambule. L’idée d’explorer cette thématique selon plusieurs points de vue (théoriciens et écoles manifestes), sans compter les avantages que cela représente pour la culture générale, a su trouver une grande richesse dans la diversité des propos tenus par les théoriciens et les différentes « écoles ». Il en ressort tout de même des points communs notamment celui qui propose d’intégrer de manière critique, la pensée globale –au sens universelle—à la pensée locale. Les études des théories sur le sujet sont restées en rapport avec des historiens et architectes contemporains. Ils renvoient inévitablement à des philosophes et à des penseurs qui les ont précédés. C’est ce qui permet d’affirmer qu’Architecture et Régionalisme Critique sont profondément liés. Il faudrait désormais passer plus de temps sur les concepts de Kant –notion d’esprit critique— de Heidegger –notion de rassemblement et de chose— ou encore sur les écrits manifestes de Lewis Mumford – Le Mythe de la Machine ou Technique et Civilisation— qui ont marqué un tournant sans précédent dans cette manière de se positionner par rapport au lieu. La même démarche pourrait être réalisée avec d’autres écrits d’A.Tzonis, L.Lefaivre1 , K.Frampton2 ou C.Norberg Schulz3 .

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Il semblait plus pertinent de rentrer dans ce sujet en étudiant leurs partis pris qui sans surprise m’ont orienté – comme nous l’avons déjà dit –vers des positions remontant à des époques plus anciennes. En ce qui concerne les écoles manifestes l’intérêt portait sur le contexte qui les ont fait « naître » et se développer. La démarche est donc tout l’inverse de la précédente, c’est-à-dire que l’on part de la « racine » en vue de comprendre le pourquoi et le comment de ces positions. Maintenant, il serait sans doute très intéressant d’orienter les recherches vers une école en particulier et de s’immerger totalement dans celle-ci pour « communier » avec le mouvement. Cela semble sans aucun doute possible la meilleure façon de comprendre l’état d’esprit des architectes qui produisent ces architectures si sensibles, en tout point de vue. Ces démarches, je l’espère, pourront voir le jour l’année prochaine à l’occasion du mémoire et du stage devant être réalisés durant le cycle Master. La question qu’il est permis de se poser à l’issue de ces quelques pages ne porte ni sur la véracité de ce mouvement ni sur sa légitimité. Il serait regrettable de perdre les identités locales au profit de l’internationalisation de celle-ci. Cependant il serait tout autant stupide de ne pas se servir des progrès techniques et technologiques–qui pour la peine ne sont pas forcément locaux mais bien internationaux— au profit de la culture locale. C’est finalement une démarche qui est inévitable de nos jours, les architectes se nourrissent des expériences culturelles qu’ils ont eues, en travaillant dans des agences étrangères, ou en collaborant avec celles-ci. Tous les architectes que l’on a cités jusqu’alors dans le présent rapport d’études représentent très bien cette idée. La question qui se pose porte sur la forme future que le régionalisme critique semble commencé à prendre. La notion d’écologie — de développement durable— : économie d’énergie, de moyens, réduction du gaspillage de matière, performances thermiques, acoustiques et lumineuses…ne mènerait-elles pas vers un régionalisme performentiel ? Cette ouverture repose sur deux notions : l’avènement d’une nouvelle aire architecturale basée sur le paramétrique et sur les expériences architecturales réalisées dans la région du Vorarlberg en Autriche. Depuis le début des années 1980, cette région à développer une manière de faire de l’architecture en cohérence avec ces préoccupations écologiques. Les quelques 500 constructions incarnant cette démarche ainsi que celles qui sont en cours, sont très médiatisées et propose déjà cette nouvelle position durable du régionalisme. A celle-ci viendrait se coupler l’architecture paramétrique. Certaines agences agences commencent à utiliser des logiciels qui permettent en fonction des nombreux paramètres extérieurs de produire des formes 1 Towards a Non-Oppressive Environment, Cambridge: MIT Press, 1972 Tropical Architecture, Critical Regionalism in an Age of Globalization, London: Wiley-Academy 2001 co-authors L. Lefaivre and Bruno Stagno 2 AThe Evolution of 20th-Century Architecture: A Synoptic Account. Springer, New York, 2006. 3 Intentions in Architecture MIT Press, Cambridge, Mass., 1965. Existence, Space and Architecture Praeger Publishers, London, 1971

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(insistons sur le fait que ces logiciels produisent des formes et non de l’architecture) répondant aux différents critères : performance thermiques, acoustiques… Cette manière de procéder permet d’avoir un large éventail de formes plus ou moins performantes qui viennent nourrir les élans créateurs de l’architecte. M. Philipe Marin, chercheur au laboratoire MAP-ARIA de l’école travaille notamment sur des logiciels permettant cela. L’étude non exhaustive proposée présentement offre donc beaucoup de points à approfondir. A ce niveau-là,

nous avons déjà émis des directions dans lesquelles ces améliorations peuvent s’orienter. L’intérêt recherché portait sur l’acquisition de bases solides ouvrant justement les portes à des recherches plus détaillées. Terminons simplement sur la note positive laissant présager tout le potentiel futur qui réside dans ce mouvement. Les théories et les réalisations architecturales en cohérence avec celui-ci ne semblent pas prêtes de s’arrêter, bien au contraire elles plutôt vont sans aucun doute avoir tendance à attirer les regards, les critiques des architectes, historiens, philosophes…de notre temps.

Chappelle Oberrrealta. Suisse. Chrisitan Kerez. 1993

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BIBLIOGRAPHIE

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Podcast Emission Métropolitains – France Culture – François Chaslin - Rencontre avec Mario Botta http://www.touslespodcasts.com/annuaire/culture/ arts/103-episode524392.html

Film documentaire L’école de Siza. Richard Copans Stan Neumann. 26’. Arte Video

Conférences Dominique Gauzin-Muller. ENSA Lyon. 2010 Luigi Snozzi. ENSA Saint-Etienne. 8 février 2011 Conférence RCR Architecte (Carme Pigem). Cité de l’architecture et du patrimoine. Paris (retransmission vidéo)

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Tables des matières

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P05-06

Sommaire

P07-08

Introduction

P09-10

Le Régionalisme critique sous une approche théorique

P11-16

Le régionalisme critique par Alexander Tzonis et Liane Lefaivre Un terme, deux concepts Casa dei Crescenzi Régionalisme romantique Régionalisme économique Théorie de Lewis Mumford

P17-20

Le régionalisme critique par Kenneth Frampton Evolution des sociétés, changements politiques Questionnement intrinsèque au Régionalisme critique

P21-24

Le génie du lieu par Christian Norberg-Schulz L’espace existentiel Le lieu et l’individu Structure et signification

P27-28

Ecoles Manifestes

P29-32

Ecole de Porto Instabilité politique : montée en puissance de Antonio de Oliveira Salazar Exposition mondiale portugaise, Lisbonne 1940 Émergence d’une position critique

P33-38

Ecole Catalane Période pré-Républicaine : la génération 1925 L’influence culturelle de la Seconde République (19311939) Cas particulier de la Catalogne Gatcpac/Gatepac Grup R_Bohigas.Martorell.Mackay

P39-44

Ecoles Suisses Ecole Tessinoise Mouvement néorationaliste : la Tendenza Territoire de l’architecture par Vittorio Gregotti

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Echelle antropo-géographique de l’intervention archictecurale Ethique du bâti par Mario Botta Ecole des Grisons L’Architecture Analogue De l’atelier de Fabio Reinhart vers l’atelier de Haldenstein

P49-60

La faculté d’architecture de Porto. Alvaro Siza 1987-1994.Portugal Contexte économique Contexte géographique Programme&Organisation Idée première Faculté d’architecture de Porto (FAUP) L’expérience de la Lumière

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P61-62

Conclusion

P69-70

Bibliographie

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C’est celle que ma m j’entrais dans le Aujourd’hui encore, ce parait comme un sign trée dans un monde f

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main saisissait quand e jardin de ma tante. ette poignée-là m’apne particulier de l’enfait d’atmosphères et d’odeurs diverses. Peter Zumthor

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ARCHITECTURE [n]

The art or practice of designing and constructing buildings.

REGIONALISM [n]

The theory or practice of regional rather than central systems of administration or economic, cultural, or political affiliation.

CRITIC [n]

ARCHITECTURE [nf]

Art de construire.

REGIONALISME [nm]

Tendance à promouvoir les intérêts, la culture, les traditions, etc., d’une région. Expression propre à une région.

CRITIQUE [nf]

A person who judges the merits of literary or artistic works, especially one who does so professionally.

Art de juger les productions littéraires, les ouvrages d’art, etc.

The question about the influence of the place on architecture is almost born with Architecture itself. Nevertheless after economic and politic conflicts tendency has oriented itself towards capitalism and a world culture is coming out, which is walking on local identity. Each place, each space is different from the one that follows or precedes it. Some “local schools” thanks to reasoned architects doing clever architectures, have preserved the genius loci from globalization. But what will happen next when mankind is still running after progress and power, what place will have the regionalist question in the next ten years? Vorarlberg have already made a shy proposition with his sustainable architecture but will that be enough?

La question de l’influence du lieu sur l’architecture est quasiment née avec l’architecture elle-même. Cependant suite à des conflits d’ordres économiques et politiques, la tendance s’est orientée vers le capitalisme et à l’avènement d’une culture mondiale, marchant sur l’identité locale. Chaque lieu, chaque espace est différent de celui qui le suit ou qui le précède. Certaines « écoles régionales » grâce à des architectes raisonnés produisant des architectures intelligentes, ont su préserver ce genius loci. Mais qu’en sera-t-il à l’avenir alors que l’Homme court toujours après le progrès et le pouvoir, quelle place occupera la question régionaliste dans les prochaines années ? Le Vorarlberg, propose timidement une réponse avec son architecture durable. Cela suffira-t-il?

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon


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