Carte blanche - De l'art pour la ville, de la ville pour l'art - Mémoire

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CARTE BLANCHE De l’art pour la ville De la ville pour l’art Pour des lieux de libre pratique artistique dans les espaces publics urbains de Montpellier

Mémoire de Master Art & Architecture par Valentin Garcia et sous la direction d’Eric Watier



École Nationale Supérieure d'Architecture de Montpellier Mémoire de master Art & Architecture Valentin Garcia

CARTE BLANCHE De l’art pour la ville De la ville pour l’art Pour des lieux de libre Pratique artistique dans les Espaces publics urbains de Montpellier

Soutenu le 24 janvier 2018 Membres du jury : Eric Watier : Artiste, professeur ATR à l'ENSAM, directeur d'étude. Gui Jourdan : Architecte, maître assistant TPCAU à l'ENSAM. Frédéric Saint-Cricq : Architecte, maître assistant TPCAU à l'ENSAM. Patrick Perry : Enseignant en histoire de l'art à l'ESBAMA.



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Préambule

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Introduction

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I. Le contexte Montpelliérain : « la ville inventée »

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1-Une ville déjà Métropole

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1.1-Statut national, une démographie en augmentation

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1.2-Ville du sud, ville cosmopolite, ville culturelle, ville en mouvement, ville verte…

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1.3-Rénovation du centre historique et développement périphérique : le devenir d’un entre-deux

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2-Ergonomie & espaces publics

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2.1-Proportions et organisation public/privé à l’échelle de la ville

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2.2- Piétonnisation du centre et connexion aux périphéries par la voie douce

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2.3-Espace public : aspect historique, matérialité et présence végétale

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2.4-Caractéristiques des lieux principaux de rassemblement

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3-Les différentes pratiques artistiques diffusées à Montpellier

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3.1-Orientation culturelle générale de la ville : dimension urbaine des projets

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3.2-Les établissements publics, Le 1% artistique et la commande

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3.3-Les lieux d’art et événements culturels : centre et périphérie différenciés

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a- Des lieux d’art classiques aux lieux permanents de l’éphémère

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b- Les manifestations culturelles et lieux d’accueil des interventions artistiques extra-muros

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3.4-Les lieux de l’alternatif : l’art omniprésent dans la ville 1


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II. L’exemple de Nantes comme modèle possible

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1-Description rapide du contexte Nantais.

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1.1-Une métropole recomposée

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1.2-Ergonomie & espaces publics

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2-Une politique culturelle innovante

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2.1-Le passé industriel au service d’une ville en reconversion

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2.2-Un projet urbain

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2.3-L’île de Nantes comme volonté d’ancrer une tradition culturelle

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3-Des comportements publics adaptés ?

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3.1-Extension et transformation d’un tissu urbain culturel

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3.2-Des créations « acceptées » par l’espace public

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4-Intégration ou instrumentalisation de la création dans la ville ?

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III. Vers des espaces publics plus ouverts aux pratiques artistiques contemporaines

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1-L’espace public, un nouveau lieu d’exposition ? D’expérimentation ?

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2-Créations en cadre légal/illégal : question de la conservation

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2.1- L’art dans la ville : tantôt valorisé tantôt réprimé

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2.2-Squats culturels, friches artistiques : quand le temporaire se pérennise

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3-Les nouveaux médias : prolongement intemporel de l’espace public

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4-L’installation artistique vecteur d’interactions sociales

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4.1-Les artistes dans la rue mais pourquoi ?

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4.2-Conditions de la création dans l’espace public 2


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4.3-Un nouveau lien entre art et architecture

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5-L’art investit le passant (dans la ville)

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5.1-L’installation prend place dans un milieu vivant

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5.2-L’art pour les gens, par les gens

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5.3-L’initiative artistique à l’origine d’une qualité urbaine

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Conclusion

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Remerciements

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Bibliographie

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Iconographie

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Préambule

Parmi les territoires humanisés, la ville telle qu’on la connaît aujourd’hui semble être le sujet au cœur des enjeux de nos sociétés contemporaines, autrement dit, un des milieux les plus exposés aux problèmes sociopolitiques et environnementaux. Car dans un monde où plus de la moitié de la population vit en milieu urbain, la ville est depuis longtemps un lieu de fourmillement permanent, de cumul des richesses, d’innovation, etc. Cependant c’est aussi le catalyseur des plus grandes injustices et des phénomènes sociaux les plus curieux. De ce fait et au détriment de l’univers contemplatif de la campagne, la ville devient dès le XIXe siècle le terrain de jeu préféré des créateurs, une source inépuisable d’inspiration et de sujets d’expérimentation. Comme l’explique l’historien et critique d’art Paul Ardenne : « La ville devient alors un « Chronotope » essentiel, hautement magnétique, de la création moderne 1. » Les conditions principales de cette fascination sont à l’évidence liées au foisonnement des populations, à la concentration de l’activité et à la diversité des cultures, mais elles sont aussi et surtout dues à l’interaction de tous ces phénomènes au sein de l’espace public. Les divers comportements qu’on a pu y observer au fil des époques – dont la propagande, les manifestations ou bien l’affichage publicitaire – nous en font la démonstration, ces lieux apparaissent donc comme ceux de la visibilité, de l’expression du pouvoir mais aussi de l’opinion publique. Dans la thèse qu’écrit Jürgen Habermas à l’origine de la démocratisation du terme d’espace public – devenu depuis un ouvrage de référence à ce sujet – il définit ce dernier comme un lieu symbolique qui se trouve à l’articulation entre Etat et société civile, au sein duquel l’Etat doit rendre public des faits et obtenir un retour de la part des citoyens. Il décrit alors : « le processus au cours duquel le public constitué d'individus faisant usage de leur raison s'approprie la sphère publique contrôlée par l'autorité et la transforme en une sphère où la critique s'exerce contre le pouvoir de l'État 2. » Par conséquent, la notion de “publicité“, au sens premier de la diffusion d’informations grâce aux médias, apparaît comme un élément phare de la théorie d'Habermas. Pour lui elle doit s’établir dans un rôle constitutif de l'espace public et fonctionner comme principe de contrôle du pouvoir politique. 1 Paul

Ardenne, « L’art dans l’espace public : un activisme », Montréal, Les Plumes, revue édredon, 2011, p.3. 2 Jürgen Habermas, L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, thèse, 1962, Paris, Payot, réed. 1988.

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On peut alors supposer que n’importe quel objet installé par les autorités dans l’espace urbain partagé, s’il véhicule un message dans le domaine public (quel qu’il soit), peut être considéré comme élément de publicité et donc subir un retour critique citoyen. On constate donc que cette notion, dans le sens de la définition d’Habermas, a pu prendre de nombreuses formes dans les lieux publics urbains, dont l’expression par des pratiques artistiques. La sculpture publique – suivant son époque – toujours évocatrice et soumise à interprétation, pourra donc être considérée comme telle. Pourtant, nombre de ces éléments physiques qui composent l’espace public de nos villes occidentales sont hérités de périodes non démocratiques et sont, encore aujourd’hui, l’expression même de ce pouvoir et de sa domination sur les peuples. Comme l’explique Philippe Simay à propos de l’expression artistique dans sa forme historique : « Elle exprimait moins la vision personnelle de l’artiste que leur capacité à traduire, dans une forme reconnaissable, des perspectives communes. Les premières sculptures publiques ont ainsi pris la forme de la statuaire et du monument, à teneur religieuse ou politique. Elles incarnaient les valeurs des classes dirigeantes ou de leurs institutions et devaient être regardées comme une manifestation de leur autorité 3. » Sculptures, affichages ou bien gravures, s’érigent alors en références à des moments d’histoire, toujours choisies par l’autorité et imposées au public, mettant en scène des évènements ou bien des personnes qui ont participé à son institution. On parle alors de sculpture commémorative. Nombreuses de ces œuvres encore existantes symbolisent des valeurs qui ne sont plus tolérées dans nos démocraties actuelles. Même celles du XXe siècle, tantôt propagande au sein des régimes totalitaires, tantôt mémorial de fait de guerre, l’expression artistique dans la ville est restée très contrôlée et sous couvert de l’Etat. On observe tout de même un glissement s’opérer avec l’indépendantisme de l’art qui amène les artistes à sortir des formes traditionnelles et à émanciper leurs pratiques. Malgré cela, leur apparition officielle dans les lieux publics reste pleinement dépendante de la décision des autorités. « L’artiste au XXe siècle choisit son sujet, les matériaux qu’il va employer, la forme qu’il va leur donner, etc. Il expose un propos qui lui appartient […]. Il ne sert plus alors directement un pouvoir, qui encadre cependant encore les conditions de son expression dans l’espace public 4. » L’individu habitant la ville, qu’il le veuille ou non, se voit alors obligé de s’accoutumer cette présence au sein de l’espace qu’il parcourt quotidiennement. L’artiste lui-même peut incarner cet individu contraint, avec un regard encore plus critique car concerné. Cette présence régulière de publicité, au sens de l’œuvre dédié à l’expression d’une autorité, apparaît Philippe Simay, « La sculpture controversée. Réflexions sur l’avenir d’un art public », p.2, Rue Descartes, n°71, Paris, Cairn, 2011, p. 66-75. 4 Pierre-Alain Four, « Place de l’art public : artistes, commanditaire, statut des œuvres », GRAND LYON VISION CULTURE, Grand Lyon prospectives, 2010, p.3. 3

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aujourd’hui comme un héritage que les villes se doivent de conserver fièrement, investissant alors beaucoup d’énergie à leur mise en valeur. Daniel Buren, plasticien et théoricien qui s’intéresse aux formes d’arts dites en contexte réel, s’exprime clairement sur ce phénomène et va même jusqu’à parler de ses dérives : « Il est certain que l’art public, que le citadin n’a d’autre choix que de subir, constitue bien un élément de « pollution », une qualité qu’il doit à sa sur-présence, à son autorité, à sa fréquente arrogance en termes de visibilité […]. Conservée vaille que vaille, l’œuvre d’art publique de caractère historique se découvre faussement vitalisée, elle apparaît moins comme un legs préservé du passé que comme l’élément d’une grammaire du présent urbain assujettie à la norme somptuaire ou touristique 5. » Mais à partir de la révolution industrielle la notion de publicité a pris un tout autre sens aux yeux du grand public. Peu à peu perverti par la promotion privée qui a littéralement envahi l’espace public et transformé la définition de ce mot, il semble alors se lier durablement à toutes formes de consommation. Comme évoqué précédemment, cette époque marquante a aussi donné lieu à un radical changement dans le monde de l’art avec l’apparition du modernisme qui rompt avec l’Académie et l’autorité de l’État. On constate alors aujourd’hui que panneaux, arrêts de bus, places et façades servent alors de vitrine à notre société de consommation, noyant ainsi le peu de diffusion publique encore présent dans un flot incessant d’images vendeuses. Les œuvres d’art elles-mêmes entrent dans la catégorie des objets “consommables“, certains artistes comme ceux du courant Pop’art assument cette posture et jouent délibérément avec. Les autorités et les entreprises participent aussi au phénomène en achetant des pièces qui viendront contribuer à l’image de leur établissement. Dans certaines villes nouvelles on pourrait même parler de scénographie aux enjeux politiques et économiques à l’échelle d’un territoire urbain. De plus en plus même les campagnes culturelles prennent des airs d’opérations promotionnelles, adoptant des stratégies similaires à certains lobbies commerciaux. La pratique artistique est ainsi détournée pour mettre en avant le pouvoir d’action des décideurs politiques tout en prétendant diffuser de la culture pour tous, action qui en fait sert surtout à marquer leur passage (mandat) et promouvoir leur image dans la ville et son rayonnement. Même si en 1939 Walter Benjamin anticipe déjà certaines dérives de la production artistique dans son essai L’œuvre d’art dans sa reproductibilité technique, et que beaucoup critiquent le phénomène de marchandisation des œuvres, celle ci est encore observable aujourd’hui (à son apogée ?) et

Daniel Buren, 2005, cité par Paul Ardenne dans « L’art dans l’espace public : un activisme », Montréal, Les Plumes, revue édredon, 2011, p.6.

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perdure dans le système de mondialisation des échanges 6. En conséquence ne faut-il pas questionner les enjeux actuels de l’ensemble de ces présences visuelles au sein de l’espace public? Cette mise en scène promotionnelle du lieu commun ne pourrait-elle pas épargner des zones “libres“ à l’expression artistique, citoyennes, à l’échange culturel et à l’expérimentation? Ce mémoire s’intéresse donc aux démarches d’interventions artistiques contemporaines dans l’espace public de la ville et à leur impact sur l’usage, l’organisation et le statut des lieux communs. Il s’inscrit dans la volonté de prolonger ce travail au travers de mon projet final d’études afin d’approfondir les recherches et tenter d’entrevoir des formes d’adaptations de la ville à la pratique artistique. Ma démarche se veut personnelle et située sur le territoire de Montpellier dont je suis originaire et où j’ai presque toujours vécu. Ce travail s’attachera à analyser des phénomènes locaux qui découlent d’une problématique globale. Pour ce faire j’ai choisi d’étudier les démarches de la ville et des artistes. A Montpellier mais aussi dans d’autres villes de France dont Nantes qui incarnera ici l’exemple principal de confrontation du fait de leurs dimensions comparables. On s’intéressera autant aux pratiques d’ordre officiel qu’aux créations sauvages qui composent l’espace public urbain.

En octobre 2017, pour l’inauguration du nouveau pont baptisé Youri Gagarine s’inscrivant dans un projet public, Philippe Saurel fait installer une réplique de la sculpture du cosmonaute présente au musée de la conquête de l’espace de Kalouga en Russie. Cette démarche s’inscrit dans la volonté de la municipalité de « promouvoir les échanges entre les deux villes ». 6

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Introduction

La relation entre l’art et le territoire urbain passe aujourd’hui par la condition de son expression et donc par son rapport à la sphère publique. On peut observer actuellement que les phénomènes et les problématiques urbaines – dont l’invasion publicitaire – sont au cœur du travail de nombreux artistes. Que ce soit par l’étude du regard et du corps dans l’espace ou bien alors pour des motivations plus politiques. L’espace public est perçu alors comme un terreau d’interrogations sur le sens et l’usage de la ville, lieu où le créateur peut exprimer diverses postures. Il est donc question ici de la place de l’artiste dans la fabrication et l’évolution de la ville contemporaine. Il est important de souligner que les phénomènes qui nous intéressent se manifestent différemment dans les villes européennes que dans celles du reste du monde. Le rapport à la culture est une donnée profondément dépendante de l’histoire des civilisations et d’autant plus lorsqu’il s’agit de sa relation avec la création de la cité. Bien que le modèle occidental ait été largement diffusé sur les continents voisins lors de la période colonialiste, l’organisation des espaces de la ville et la relation public-privé en son sein est souvent restée propre à la culture constituée localement. A titre d’exemple, la comparaison formulée par Jean-Jacques Terrin dans la préface du livre La Ville des créateurs caractérise bien cette idée : « D’une façon générale, que ce soit en Amérique du Nord, […] à New York ou […] à Montréal, la création est considérée comme résultant d’activités initiées par des acteurs économiques privés, tandis qu’en Europe, cette capacité reste souvent associée aux acteurs publics, que ce soit par la mise en place de politiques publiques transversales comme à Nantes, ou par l’institutionnalisation de l’action collective comme à Lyon 7. » Ces observations nous permettent donc d’affirmer que les conditions dans lesquelles les communautés créatives prennent place dans la ville dépendent de l’héritage historique et politique du lieu. Dans le cas de ce mémoire on s’attachera à l’étude du sujet sur le territoire européen, et plus particulièrement en France où le rapport entre production artistique et espace urbain a toujours intéressé les autorités publiques. Pendant longtemps la création de la ville est restée fermée au travail des artistes qui ont dû consacrer leurs talents au service de l’Eglise ou de l’Etat. La conception de l’espace urbain était confiée aux urbanistes et aux architectes qui faisaient appel aux artistes “académiques“ pour participer à 7Jean-Jacques

Terrin, « La ville et ses créateurs », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèses, 2012, p.15.

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l’ornementation du lieu. Cette séparation à donné lieu à des villes rigides et à une mauvaise connaissance du grand public de ce que peut être l’expression artistique. « Pour ceux qui aiment la ville haussmannienne, c’est assez bizarre parce que c’est quand même une ville militaire, vous voyez, c’est comme si c’était une ville qui n’était faites que d’ordre, et c’est vrai que c’est une ville qui est plutôt décorative qu’artistique. Ce n’est pas une ville qui révèle ce que pourrait être l’art urbain et je pense que les artistes ont été exclus de la ville. On les a utilisés au XIXe s. pour faire du décor mais on ne les a pas utilisés pour concevoir la ville 8. » Cette conception de la pratique artistique n’est bien sûr plus d’actualité mais l’intégration du travail des artistes dans la création de la ville est un phénomène très récent, encore plus qu’on ne l’imagine car même au XXe s. suite à leur émancipation de l’académie, leur champ d’action principal s’est vu réduit à l’espace du musée. Ce fait a conduit à une forme de spécialisation du public concerné par les travaux d’artistes (sorte d’ “élite“ culturelle), souvent liée au statut social et aux conditions d’accès à la culture. Par la création d’œuvres spécifiques à l’exposition dans un cadre muséal, les créateurs de cette époque ont subi un certain détachement de l’espace urbain. D’après Daniel Buren, la réclusion dans le musée dans une phase finale a coupé le travail des artistes à l’accès à un public élargi qui selon lui est « un public tout aussi éclairé potentiellement mais non spécialisé et surtout dont l’éducation artistique n’a jamais été faites 9. » Le fait que la pratique de l’art à cette époque résulte de la création destinée aux espaces neutralisés que sont ceux du musée ne traduit pas une absence totale de leur travail dans l’espace public de la ville. Cela démontre seulement le manque d’investissement qu’avaient les artistes sur les questions sociales des populations que regroupent les espaces urbains. Ce phénomène est en partie dû à cette volonté d’émancipation de l’art qui a conduit les artistes à « avoir abandonné le statut d’artisanat […] au nom de l’autonomie de l’art » 10. Mais à cette recherche d’indépendance totale s’opposera une nouvelle contradiction, elle conduira les créateurs à s’affronter au danger qu’est celui du marché. En effet, comme énoncé dans l’avant-propos, l’œuvre d’art en échappant à l’académie et au mécénat est devenu marchandise. À cette affirmation on peut rajouter que finalement « la sculpture publique moderne n’a jamais gagné sa véritable autonomie11 ». Dans sa nouvelle forme moderne remplaçant les monuments conventionnels, elle apparaît souvent déconnectée du réel par sa lecture complexifiée et n’exerce plus vraiment sa « fonction mémorielle 12 ». La Patrick Bouchain dans ZEVS covering, documentaire de Christophe Caubel, France 2, 2006. Daniel Buren, A force de descendre dans la rue, l'art peut-il finir par y monter?, Paris, Sen&Tonka, 2014, p.41. 10 Philippe Simay, « La sculpture controversée. Réflexions sur l’avenir d’un art public », Rue Descartes, 2011/1 n°71, p. 66-75. 11 Idem. 12 Idem. 8 9

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prolifération de ces créations révèle ainsi leur aspect d’outil culturel au service des décideurs politiques. De fait, « L’aspect instrumental de ces sculptures n’échappe d’ailleurs pas au public 13 » et peut décrédibiliser le travail de l’artiste. L’œuvre, indépendamment de son « caractère autoréférencé14 » et sans représentation directe d’un pouvoir en particulier, peut se détourner de son sens artistique premier quand le public prend connaissance de l’origine de sa commande et des raisons de sa présence (à quoi/qui sert-elle ? Qui a payé ? Comment ?). Ainsi – excepté certains courants comme celui du Bauhaus qui voyait art et technique fusionner pour revenir à une forme d’artisanat émanant de tout, ou bien les Dadaïste qui entrent avec provocation dans un rapport à l’art en décalage avec leur époque, basant leurs créations sur le hasard et la performance, ou encore le Muralisme mexicain – il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour voir apparaître des pratiques artistiques plus en rapport avec les lieux et les réalités sociales. En effet, bien que le concept d’Art social remonte au XIXe siècle, porté par les mouvements anarchistes et révolutionnaires français qui trouvent leur genèse dans les pensées de philosophes tels que Proudhon, il n’a jamais vraiment connu d’expression plastique concrète (excepté sous forme de périodiques). Malgré les nombreux écrits qui l’ont théorisé, le concept d’Art social est resté très marginal car il s’oppose au monde de l’art tel qu’on le connaît. On peut cependant interpréter une part d’incarnation inconsciente de certaines valeurs de l’Art social dans des phénomènes d’expression visuelle ou plastique apparus atour des années 1960. Parmi eux, considérés comme art ou non, on peut citer le Dazibao en Chine, le Papelógrafo au Chili, puis parallèlement aux Etats-Unis et en France, les happenings du courant Fluxus et enfin l’Art urbain (ou Street art). Ces derniers courants ont fortement contribué à la remise en question du statut de l’Art et au retour des questions sociales et politiques dans la production artistique. Ils apparaissent dans le contexte d’un monde en guerre et en pleine révolution culturelle. A l’opposé du mouvement Fluxus qui s’étouffe au cours des années 1970, l’Art urbain s’est répandu exponentiellement et a pu prendre de nombreuses formes avec à sa fondation des artistes comme Gérard Zlotykamien, Ernest-Pignon-Ernest et Daniel Buren. On peut identifier aussi certains travaux de Christo et Jeanne-Claude comme entrant dans cette logique d’intervention artistiques questionnant la ville aux yeux de tous. Collages, installations, pochoirs, mosaïques, graffitis, tags, projections, flash mobs… Ces pratiques ont envahit peu à peu les villes et ont su soulever la question des conditions d’expression de l’art dans l’espace public urbain. Mais ces formes d’interventions pour le plus souvent sauvages, bien que véhiculant des messages ou bien participant à l’appropriation des espaces urbains, restent en marge de la création de la ville qui souvent cherche plutôt à les neutraliser. Pourtant il est intéressant de voir que depuis la fin du XXe 13 14

Ibid. Ibid.

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siècle, villes et artistes s’intéressent de plus en plus au rôle que peut jouer la pratique artistique dans l’espace public et à son utilité sociale, notamment dans les projets urbains ou architecturaux. Ainsi on peut voir augmenter les partenariats entre ville, urbanistes, architectes et artistes en amont des projets urbains. « Depuis une vingtaine d’années les esprits ont quelque peu changé et l’idée d’inviter un artiste à réfléchir sur la transformation d’une place ou bien encore sur l’érection d’une œuvre dans la rue fait partie de cette réalité, de ce nouveau champ d’exploration si longtemps refusé aux artistes et offert presque exclusivement aux architectes 15. » En France, on constate dernièrement une évolution des politiques culturelles allant dans le sens de la promotion de ces pratiques, mais on peut souligner un décalage entre le travail des créateurs, les attentes du grand public et les choix des instances publiques. En effet, l’implication des artistes dans la création de la ville – selon l’orientation et les conditions données par les autorités – peut produire différent effets sur sa population : d’une meilleure cohésion sociale jusqu’au phénomène de gentrification. On s’interroge alors sur la médiation des démarches artistiques par l’état, interrogation qui soulève elle-même nombre d’autres questions : Dans quelle mesure la création doit-elle être accompagnée? Doit-il y avoir un lieu public dédié à ces pratiques ou bien la notion de mobilité estelle primordiale? Comment intégrer le travail des artistes à l’aménagement urbain? Comment construire une politique culturelle s’appuyant sur la création dans l’espace public? Doit-elle imposer au public des œuvres qu’il n’apprécie pas au nom de la libre expression artistique ou doit-elle diffuser des pratiques plus consensuelles? Car comme le soulève Paul Ardenne, « dorénavant, l’artiste sort en » et sa pratique, avec comme premier exemple celui de l’Art urbain, influe directement sur son environnement.

ville 16

Ainsi, la considération et l’acceptation de cet impact au sein de la conception de la ville est une des nouvelles responsabilités des politiques culturelles. Nous vient alors le questionnement qui sera le fil conducteur de ce mémoire : quels sont les enjeux de l’intégration des pratiques artistiques dans l’organisation de l’espace public et dans la création de la ville? Nous chercherons dans un premier temps à situer la question en considérant la ville et sa gouvernance comme le point de départ dans l’organisation culturelle au sein de l’espace public. On définira ainsi le terrain d’étude qui nous intéresse, ici Montpellier, ses caractéristiques et sa situation politique actuelle. Nous y étudierons aussi l’orientation culturelle de la ville et les démarches de créations artistiques diffusées pour essayer d’entrevoir les Daniel Buren, Op. cit. p40. Paul Ardenne, « L’art dans l’espace public : un activisme », Montréal, Les Plumes, revue édredon, 2011, p.4. 15 16

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enjeux de ces pratiques dans l’espace public urbain. Tenant compte de l’importance de la temporalité dans le contexte d’une urbanité en processus de mutation, nous nous efforcerons de montrer différents moments pour englober l’ensemble des contraintes liées à la création dans l’espace commun. En troisième temps nous exposerons l’exemple de la ville de Nantes comme une métropole qui base une partie de son développement économique futur sur une politique culturelle ultra-dynamique et tournée vers le secteur de la création. On y observera certains résultats et les possibilités offertes par ce type d’organisation mais nous verrons aussi les dangers que ces “villes créatives“ peuvent cacher. Enfin nous chercherons à dresser un constat sur la nécessité d’ouvrir les espaces publics de nos villes aux pratiques des artistes contemporains. A travers l’analyse de différentes démarches artistiques dans l’espace urbain, nous pourrons observer que le statut de leur expression publique se renouvelle continuellement, encore plus à l’ère de l’apogée du média web. Nous observerons également la présence physique de l’art dans la ville et l’impact socio-spatial qu’il peut générer.

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I.

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Le contexte Montpelliérain : « la ville inventée » 1-Une ville déjà Métropole

1.1-Statut national, une démographie en augmentation Récemment passée 7ème ville de France, avec sa population municipale d’environ 280 000 personnes et une aire urbaine de plus de 600 000 habitants, la ville est déclarée depuis 2015 comme “Montpellier Méditerranée Métropole“. Elle se place parmi les villes françaises en fort développement. Cette montée en puissance s’inscrit dans la continuité de la politique que menait l’ancien maire Georges Frêche visant à projeter Montpellier comme capitale du Languedoc, maintenant dissout dans la grande région Sud-ouest où Toulouse s’impose. Montpelier montre une démographie en hausse et une forte volonté d’étendre son territoire urbain. Mais malgré la forte attractivité de la ville qui attire des milliers d’étudiants chaque année, des problèmes de gestion de sa population commencent à émerger. En effet, bien que 40% des nouveaux arrivants s’y installent pour trouver un emploi 17, le prix du logement reste un problème pour les ménages les moins aisés qui se rabattent alors sur les périphéries. Ce phénomène est d’autant plus problématique que Montpellier est la 4ème ville de France ayant le trafic le plus “embouteillé 18 “. Comme l’explique le géographe et urbaniste Alexandre Brun, « On augmente les temps de parcours, le bilan carbone des ménages. Cela a un effet pervers social en termes de mixité et sur le développement durable 19 ». Il explique dans un second temps qu’il y a un décalage entre l’image que renvoie la ville et sa « réalité sociale et économique 20 » où le taux de chômage est en augmentation : « Le taux de chômage des 15-64 ans était en 2016 de 21,5 %. Le taux de pauvreté, c’est 26 %. Or, plus vous avez d’habitants, plus vous augmentez le chômage, si vous n’avez pas de socle de grandes industries et d’emplois pour les absorber 21. » 1.2-Ville du sud, ville cosmopolite, ville culturelle, ville en mouvement, ville verte… En effet c’est l’image que Montpellier cherche à renvoyer et cela semble se confirmer quand elle apparaît comme la 4ème ville préférée des français 22 en termes de qualité de vie, derrière Toulouse (3ème), Nantes ( 2ème) 17 https://www.francetvinfo.fr/politique/reforme-territoriale/qui-de-toulouse-ou-montpellier-sera-lacapitale-de-la-grande-region-sud-ouest_773991.html 18 http://www.huffingtonpost.fr/2017/02/20/le-palmares-des-25-villes-de-france-les-plus-embouteilleesselo_a_21717835/ 19 http://www.midilibre.fr/2017/12/23/montpellier-7e-ville-de-france,1607341.php 20 Idem. 21 Idem. 22 https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/bordeaux-metropole/bordeaux/bordeauxreste-ville-preferee-francais-1076025.html

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et Bordeaux (1ère). Ainsi avec des critères basés sur le climat, l’environnement, la culture ou encore le dynamisme économique, Montpellier reste attractive et se place dans les villes au développement prometteur malgré ses problèmes territoriaux. 1.3-Rénovation du centre historique et développement périphérique : le devenir d’un entre-deux La ville donne beaucoup d’importance à son centre ancien et le montre bien dans les dernières actions d’aménagement qu’elle y a réalisé : reconstruction “ en grandes pompes “ du parvis du Peyrou, aménagement d’une ligne de tramway périphérique de l’écusson (ligne 4), nettoyage en profondeur de l’église Sainte Anne… Les moyens ne manquent pas pour redorer le blason de la ville ancienne et lui donner les moyens de satisfaire un afflux touristique qui ne faiblit pas (plus de 5 millions de touristes en 2016 23). D’autre part la ville fait preuve d’une ambition énorme quant à son développement périphérique avec une grande quantité de projets urbains. Ces derniers encerclent peu à peu la ville avec des apparitions en particulier au sud de la métropole (voir carte 24).

http://www.montpellier-tourisme.fr/Preparer-Reserver/Pro-Presse/Chiffres-cles-Observatoire Rapport d’étude pour la tranche ferme, concours pour l’élaboration du projet urbain de la ville de Montpellier, Studio 012, Bernardo Secchi & Paola Viganò, 2012, p.141. 23 24

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Mais à l’image de cet étalement urbain, des problèmes fonciers ressurgissent et laissent à penser que la ville doit reconsidérer sa densification et la répartition des projets dans son aire urbaine. « Depuis le XIXe siècle, Montpellier n’a cessé de consommer de l’espace rural. Il ne faut plus aujourd’hui penser à l’extension de la ville aux dépens de sa périphérie, mais à comment opérer le renouvellement urbain, réinvestir un tissu existant pas très dense. Montpellier est une ville qui est en train de se dilater. L’économie est quasi exclusivement résidentielle et la dynamique démographique appelle à poursuivre ce modèle limité. Jusqu’où va-t-on aller25 ? » C’est pourquoi la réhabilitation des zones délaissées, la gestion des modes de déplacements entre centre et périphérie, et la densification du tissu urbain semblent être les nouvelles questions à intégrer avec priorité dans le projet urbain de la métropole. La ville doit donc se construire sur ellemême, certains vides doivent être comblés, réhabilités et densifiés.

2-Ergonomie & espaces publics

2.1-Proportions et organisation public/privé à l’échelle de la ville Avec une superficie de 434 km2 et une densité de 1036 habitants/km2 Montpellier est plus étendue que jamais. Du petit bourg qui voit le jour au XIème siècle, elle est devenue une ville constituée : une partie intra-muros riche et dense (îlots haussmanniens, ruelles médiévales et cours méditerranéennes), des faubourgs, des banlieues et périphéries. Un tissu urbain qui semble être de plus en plus lâche, accompagné d’un réseau de voiries qui le structure et le segmente : axes primaires, voiries et ruelles. Montpellier est une ville-support, avec ses pleins et ses vides : son bâti et ses espaces libres. Son centre comprend l’ensemble de quartiers 26 que sont l’Ecusson, la Comédie, Figuerolles, Boutonnet, les Beaux arts, etc. En bref le bourg et ses faubourgs, ce qui représente environ 83 000habitants. Ce sont des quartiers en mutation progressive qui restent fondus dans une apparente unité culturelle. Le noyau ancien de l’Ecusson constitue ainsi une centralité publique et participe autant à l’image qu’à l’identité de la ville. Il est un épicentre piéton auquel se superposent un ensemble d’usages et de pratiques connectées par les espaces “vides“ appartenant à l’espace public : des rues, des places, des parcs, etc. Ces espaces du dehors sont capables d’accueillir des organisations sociales et culturelles. Une ville où il fait bon vivre et qui s’articule autour de cette Ecusson comme l’appuie l’illustration de Benoit Cesari exposée ci-après. Le centre est un ensemble de lieux publics qui se piétonnisent à mesure que l’on s’approche de son centre. 25 26

http://www.midilibre.fr/2017/12/23/montpellier-7e-ville-de-france,1607341.php Projet d’aménagement et de développement durable (PLU, éditions novembre 2015)

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2.2-Piétonnisation du centre et connexions aux périphéries par la voie douce Au fil du temps, on assiste à une piétonnisation systématique du centre de Montpellier. En janvier 2016, Philippe Saurel lance un nouveau projet d’aire piétonne en centre ville. Le centre piétonnier compte déjà 78 hectares et est l’un des plus importants d’Europe 27. Piétonniser le centre ville apporte de nombreux bénéfices à l’espace public tels que l’amélioration de la qualité de l’air et la diminution des nuisances sonores 28, mais aussi la complication du fonctionnement des commerces (notamment leur accès) qui doivent alors rivaliser avec les zones commerciales périphériques. Ce phénomène offre un environnement urbain plus sécurisé et accessible au piéton, ce qui invite ses usagers à le parcourir et à se l’approprier. Les interactions piétons/routiers sont rendues possibles par les services de transports de la ville. Partenaire de la mobilité au quotidien, la TaM (Transports de l’Agglomération de Montpellier) propose une palette de services pour les déplacements sur le territoire : 4 lignes de tramways, 36 lignes de bus, 56 vélo-stations Vélomagg 29, 6 parkings en centre-ville et 9 en périphéries, de nombreux stationnement sur la voirie et des véhicule en autopartage. Tant de mesures qui permettent de limiter la voiture au profit des voies douces et qui désengorgent la ville de la présence automobile. De plus, elles permettent une bonne desserte des transports à l’échelle régionale et départementale (train, avion, tramway à proximité des autoroutes). https://www.capital.fr/polemik/doit-on-pietonniser-les-centres-villes-1226764 https://www.actu-environnement.com/ae/news/pietonnisation-revolution-centre-ville-montpelliermobilite-27515.php4 29 http://www.tam-voyages.com/ 27 28

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Le piéton gagne donc en droit et en action en agissant consciemment (transports en communs, marches). Par ailleurs, Montpellier qui possède déjà le plus grand espace piéton français 30 souhaite continuer son optimisation ainsi que le développement des transports propres et de l’éco-mobilité. Avec son plan local de déplacement, les objectifs sont multiples : création d’un plan piéton, extension des zones piétonnes, facilitation des déplacements piétons, mise en service de nouvelles lignes de transports et développement des pistes cyclables. La ville arbore le blason d’un espace public parcourable, propice à l’animation. 2.3-Espace public : aspect historique, matérialité, présence végétale Ville médiévale, Montpellier a conservé le caractère ancien de son centre historique et dispose d’éléments architecturaux forts d’intérêts. L’Ecusson est caractérisé par une percée bordée d’appartements de style Haussmannien qui comprend la rue Foch, la rue de la Loge et la rue de Maguelone. De ces rues commerçantes entrecoupées des places principales s’articulent des ruelles piétonnes aussi, moins larges, qui longent les bâtisses en pierres anciennes et débouchent sur des places plus intimes, ombragées, et parfois sur des cours plus insolites. Un patrimoine ancien qui se doit d’être entretenu. La mission Grand Cœur prend en charge la mutation de Montpellier Centre. Elle a pour objectif d’élargir, de redynamiser et surtout de faire vivre le centre d’agglomération. En effet, la qualité de l’espace public contribue à l’animation et à la vitalité économique et sociale de la ville. Tous travaux d’aménagement dans la zone devront respecter une chartre de qualité élaborée par la mission Grand Cœur. L’intérêt est principalement porté sur l’homogénéité des matériaux, du mobilier urbain et des mises en œuvre 31. Un ensemble de conditions à respecter pour préserver le tissu existant et s’y intégrer au mieux.

30 31

http://www.montpellier.fr/3258-projet-de-plan-local-de-deplacement-urbain-montpellier.htm Projet d’aménagement et de développement durable (PLU, éditions novembre 2015)

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Au delà, la ville cherche depuis les années 2000 à créer un lien entre les espaces verts, pour assurer une connexion entre les différentes périphéries 32. Elle adopte le slogan « respirez, vous êtes à Montpellier » et sur son site internet, le message semble clair : « Créer de nouveaux espaces verts est une nécessité afin de faire "respirer " la ville. Montpellier réalise actuellement un réseau vert qui reliera les espaces verts entre eux tout en permettant aux habitants de se déplacer dans un cadre naturel. Ce Réseau Vert a ainsi un double rôle : celui de continuité écologique mais aussi un rôle fonctionnel de déplacement doux33. » C’est pourquoi on pourra dire que les voies douces favorisent l’interaction des usagers sur leur territoire et accroit l’animation des espaces publics urbains : ce sont des lieux accessibles et agréables. Espaces de déplacements et d’usages de la ville, ce sons les “vides“ laissés par les “pleins“ qui forment la maille de l’espace public qui donne accès aux principaux lieux de vie et de rassemblement, (voir carte d’Armelle Caron).

32 33

http://www.trameverteetbleue.fr/sites/default/files/fiche_experience_montpellier_0.pdf http://www.montpellier.fr/

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2.4-Caractéristiques des lieux principaux de rassemblement Ces lieux se concentrent principalement en bordure ou à l’intérieur du cœur de ville. On peut y comprendre la place centrale de la Comédie qui se prolonge en esplanade publique. A l’ouest, la promenade du Peyrou s’aligne avec les bâtiments emblématiques de la ville et se prolonge visuellement sur l’Aqueduc des Arceaux. Et enfin Antigone à l’est, quartier s’étendant vers le Lez dans une succession de places publiques, ensemble imaginé dans les années 1980 par Ricardo Bofill. Ce sont ces Trois lieux principaux de rassemblement qui forment la grande diagonale piétonne qui traverse le cœur de ville. On trouve aussi de nombreuses places en son centre, comme l’emblématique place de la Préfecture au nom peu connu de place des Martyrs de la Résistance, prolongée directement par la place du Marché aux Fleurs. Autour d’elles, différentes placettes propices aux activités sociales et commerciales dans la ville : la place Jean Jaurès, la place de la Canourgue, la place Sainte-Anne et la place Saint-Roch (pour ne citer qu’elles). Des lieux de rassemblement secondaires qui s’articulent autour de la percée est-ouest et qui sont le parvis de bâtiments remarquables (préfecture, églises, musées), de commerces et services (restaurants, bar, galeries d’art, etc.) et d’habitats denses (3 ou 4 étages).

La place de la Comédie est un lieu emblématique de la Ville. En tant que place centrale, c'est elle qui est pavoisée lors des commémorations nationales ou des manifestations sportives et culturelles. « L’espace public joue un rôle particulier dans la ville de Montpellier, compte tenu d’une part du climat (l’espace public comme lieu du dehors) et d’autre part du mode de vie propre à Montpellier (la pavane, la fête, la rencontre). […] L’un des enjeux du projet urbain aujourd’hui est de passer d’un espace public comme lieu d’accueil des flux à un espace public comme lieu à part entière, pensé par et pour la diversité des usages : un espace public non-exceptionnel, peu dispendieux en investissement et en entretien, mais pensé en accord avec les pratiques urbaines (les flux en faisant évidemment partie) et en permettant toutes les expressions 34. »

34 Rapport d’étude pour la tranche ferme, concours pour l’élaboration du projet urbain de la ville de Montpellier, Studio 012, Bernardo Secchi & Paola Viganò, 2012, p.141.

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En périphérie, ces lieux de rassemblements sont peu présents. Le lien avec le tissu existant manque souvent et la connexion entre centre et périphéries en est mise à mal. La ville souhaite le maximum de confort dans ses usages et tente alors de redynamiser son espace public en formant des continuités. Elles forment un ensemble d’interactions qui s’entremêlent et au cœur desquelles la culture est un point central. La ville s’engage ainsi à mettre à la disposition de tous, un patrimoine culturel fort. 3-Les différentes pratiques artistiques diffusées à Montpellier

3.1-Orientation culturelle générale de la ville : dimension urbaine des projets Ville d’art et de science, Montpellier est riche de nombreux projets, événements, manifestations et équipements publics. Parmi eux une bonne partie est dédiée à la diffusion culturelle et artistique. La Direction de la Culture et du Patrimoine de la Ville appuie une politique culturelle forte qui s’adresse à tous les publics 35. En effet, Philippe Saurel a présenté en 2015 la politique culturelle de la ville de Montpellier et de la Métropole lors d’une conférence de presse : 61,2 millions d’euros de budget culturel (50,8 pour la Métropole et 10,4 pour la Ville). « Avec un des budgets consacré à la culture des plus importants en France [...] Montpellier et sa Métropole n'a de cesse de rayonner par son excellence culturelle [...] Philippe SAUREL, le Président-Maire a fait de la Culture un des 7 piliers de développement du territoire métropolitain36 […]. » Avec ce nouveau budget, la ville propose tout au long de l'année des manifestations culturelles nombreuses et variées. Elle est un pôle de création artistique pour toutes les formes d'art et d'expression. Musique, cinéma, théâtre, danse, peinture, sculpture, photographie... C’est un véritable paysage d’événements qui continue de se dessiner avec pour prochains horizons des lieux culturels nouveaux et réhabilités. Nous avons l’exemple du projet de Centre d’art contemporain qui prendra place dans les 3000m2 de l’Hôtel Montcalm et qui s’ouvrira au public début 2019. Ou encore du projet de relocalisation du Conservatoire à Rayonnement Régional (CRR), dans l’ancienne maternité Grasset en janvier 2020. Dans l’ancienne résidence militaire de l’hôtel Montcalm, les travaux sont dirigés pour accueillir cette nouvelle grande institution d’art qui s’appellera le MoCo. Le projet de Centre d’art contemporain tendra à consolider la place croissante qu’occupe Montpellier dans le secteur culturel, et plus particulièrement dans le domaine de l’art en complétant les « outils » publics déjà existants. 35 36

http://www.montpellier.fr/23-direction-de-la-culture-et-du-patrimoine.htm http://www.montpellier3m.fr/actualite/politique-culturelle-de-montpellier-et-sa-m%C3%A9tropole

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Le MoCo, le "Montpellier Contemporain" est une structure qui va regrouper trois pôles : l'Ecole des Beaux Arts, La Panacée et le futur aménagement de l'Hôtel de Montcalm. Des objectifs culturels nouveaux sont donc exprimés : « Faire de la culture un axe prioritaire à Montpellier, c'est lui donner un nouveau souffle, une nouvelle inspiration. Ce qui n'est pas anodin dans la période historique que nous traversons où notre monde a besoin d'une certaine liberté de ton. De liberté tout court. C'est pourquoi nous avons fait le pari de la culture gratuite, et elle l'est aujourd'hui à 90%. Le pari aussi de rayonner comme ville culturelle de l'Europe Méditerranéenne 37 ». De grands chantiers sont prévus aux horizons 2020 qui en s’associant à la transversalité des actions culturelles, patrimoniales et touristiques, ont pour ambition de faire de la Métropole Montpelliéraine une référence culturelle d’excellence au cœur de la Méditerranée. Mais toute cette stratégie de mise en valeur des lieux publics intervientelle pour l’amélioration de la qualité de vie et des interactions sociales de l’ensemble des riverains, ou finalement, pour une simple promotion touristique de la ville? La question demeure mais la ville continue pourtant de dynamiser le périmètre établi par le projet Grand Cœur. Le problème des périphéries perdure et le maire continue sa politique culturelle territoriale dans une vision organisée à partir de la centralité : « Montpellier devient le centre de la Métropole, et doit donc vasculariser l'ensemble du territoire 38 ». Il souhaite donc intervenir sur la globalité de la Métropole mais avec le cœur de ville comme point de départ de toutes les actions. 3.2-Les établissements publics, Le 1% artistique et la commande Considérée à l’échelle du territoire national, la commande publique est une procédure chargée d’accompagner des aménagements publics. Sa vocation civique est pourtant souvent mal interprétée et nourrit nombre de malentendus entre institutions, communauté artistique et public. Comme le dit Nathalie Leleu, chargée d’études et de réalisations culturelles au Musée national d’art moderne du Centre Pompidou à Paris : « Longtemps les œuvres issues de la commande publique furent reléguées au rayon des commémorations nationales, des aménagements de ronds-points et des décorations d’édifices comme les parfaits poncifs de l’art officiel dans l’espace public 39. » A Montpellier, on remarque pourtant que les œuvres d’art misent en place dans l’espace public n’ont pas la même nature à l’intérieur du centre historique qu’en dehors. Il semble que le centre ville de Montpellier ait

37 https://www.latribune.fr/economie/france/a-montpellier-le-maire-fait-le-pari-de-la-culture563389.html 38 https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/economie/collectivites/2016-02-16/montpellierphilippe-saurel-rebat-les-cartes-du-centre-ville.html 39 https://www.cairn.info/revue-cites-2002-3-page-131.htm

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quasiment exclu l’art contemporain alors qu’il apparait fréquemment en périphérie, notamment dans l’animation des parvis ou bien des ronds points. Par ailleurs, pour se concentrer sur ce dernier cas particulier, l’installation d’œuvre isolée sur un giratoire est-elle un objet de plus dans ce paysage urbain déjà encombré ou bien une réelle œuvre de sens? La question demeure et chacun semble avoir son avis. De la commande publique des Arènes de Ludger Gerdes (40 m de diamètre sur 8 m de haut) à celle d’Hommage à Confucius d’Alain Jacquet, la monumentalité de ces œuvres pérennes s’affiche donc seulement en périphérie de ville. Cette dernière pièce mise à l’épreuve de la critique et du temps a été surnommée ironiquement “la saucisse et le donuts“ au détriment de son caractère d’origine se voulant plutôt savant. Il s’agit en effet d’une composition binaire en hommage au père de l’environnement informatique.

« Aujourd’hui, il serait plus juste de parler de “demande“ plutôt que de “commande“ publique 40 ». Daniel Buren remet ici en cause le terme de “commande“ publique. En effet, synonyme d’ordre, la commande d’art était par le passé une représentation du pouvoir, pour sa glorification. Mais de nos jours elle est une demande de la ville à ses acteurs, qui tentent avant tout d’apparaître pour la qualité du paysage urbain et donc pour ses usagers. La “demande“ publique est donc un outil d’aménagement du territoire, à la fois culturel, social et politique. Dans les établissements publics, la ville souhaite instruire les jeunes concitoyens sur l’importance de l’art en son sein. Dans cette démarche les « Journées du 1% artistique » voient le jour à Montpellier en 2014. Ces manifestations s’inscrivent dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. Il s’agit d’un événement porté par un ensemble de ministères dont ceux de la Culture, de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ainsi que le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation en lien avec le Réseau Canopée, l’association Art+Université+Culture et les collectivités territoriales.

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Daniel Buren, Op. cit. p. 20.

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Cette vision promeut le 1% artistique comme un atout pour le parcours d’éducation artistique et culturelle des jeunes. Il aurait ainsi pour but de cultiver leur sensibilité et leur curiosité, de développer leurs connaissances et de favoriser la rencontre avec les œuvres et les artistes 41. Pour exemple, l’Université de Montpellier a même une application de géolocalisation des œuvres issues du 1% artistique 42 sur son campus. La culture tente ainsi d’être connectée et offre un paysage scolaire qui se veut attrayant, dans l’ère de son temps, voué à devenir un outil pédagogique.

En marge des lieux d’art traditionnels, ces espaces isolés tentent de se diversifier et d’étendre l’art à la ville. Les œuvres habitent les périphéries. Mais le centre historique et ses espaces muséaux restent cependant l’espace d’accueil premier des événements culturels et des programmes artistiques. 3.3-Les lieux d’art et événements culturels : centre et périphéries différenciés a- Des lieux d’art classiques aux lieux permanents de l’éphémère La ville propose un parcours muséographique 43 “classique“, qui rassemble le Musée du Vieux Montpellier, la Pharmacie et Chapelle de la Miséricorde et le Musée de l’Histoire de Montpellier Xème – XVIème siècles, centrés autour de l’histoire et de l’évolution de la ville. Mais on peut y visiter aussi des espaces d’expositions contemporains. En effet, le Musée Fabre est un établissement public restructuré en 2007 (9200m2). Avec ses expositions temporaires et ses collections permanentes (collection Pierre Soulages par exemple), le musée est à la fois classique et contemporain, un lieu culturellement riche et ancré dans le territoire. Au-delà de cet exemple, quelques lieux permanents de l’éphémère gèrent des expositions temporaires, comme des expositions photographiques pour le Pavillon Populaire, d’arts contemporains pour le Carré Sainte-Anne et du patrimoine régional pour l’Espace Dominique Bagouet. http://www.ac-montpellier.fr/cid119589/1-artistique.html https://unpourcentartistique.umontpellier.fr/ 43 http://www.leguidemontpellier.com/montpellier/musees.php 41 42

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Le Carré Sainte-Anne, église néogothique désacralisée à la fin des années 1980, est un institut-monument depuis 1991 et devient espace d’exposition d’art contemporain en 2011 44. Espace de qualité, il se situe sur la place Sainte-Anne et offre un cadre spatial agréable, culturellement très riche par son architecture mais aussi ouvert aux créations contemporaines. Les partenaires culturels comme la Galerie Saint-Ravy (dédiée aux nouveaux talents), permettent d’apporter un soutient dans l’engagement culturel de la ville, au même titre que quelques équipements culturels qui y sont rattachés. Ces équipements jouent un rôle dans la politique culturelle de la ville et cherchent à y ramener des pratiques artistiques plus libérées, mais ces derniers restent pourtant trop peu présents à Montpellier et ne représentent pas la dimension expérimentale que peut avoir un vrai centre culturel contemporain. Bien que le Carré Sainte-Anne ou le Musée Fabre tentent de dépasser les “traditions muséales“, ce sont les établissements de la Panacée et du FRAC (Fond Régional d’Art Contemporain) qui sont les seuls à transmettre une réelle expérience contemporaine renouvelée. Le FRAC est fondé en 1982 et se constitue comme une institutioncollection, avec le statut d’association 45. En tant que collection publique d’art contemporain, il réunit près de 1500 œuvres réalisées par environ 470 artistes. L’établissement comporte aussi un espace ouvert au public dans lequel se renouvellent des expositions in situ d’œuvres où bien d’artistes qu’il soutient.

44 45

http://www.artcontemporain-languedocroussillon.fr/lieu-34.html http://www.artcontemporain-languedocroussillon.fr/lieu-1.html

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Inaugurée en juin 2013, la Panacée est une fille unique de la ville de Montpellier car elle semble y être le seul véritable exemple Centre de Culture Contemporaine. Autant ouvert aux artistes qu’au public, elle partage la rénovation de ses bâtiments avec une résidence universitaire. Comme un cas à part dans le centre historique de la ville, elle dispose d’une large diversité d’espaces qui en font à la fois un lieu de vie, d’exposition et de création. Elle se définit donc comme une authentique plateforme créatrice et expérimentale, genre d’équipement encore très peu répandu dans la métropole montpelliéraine. b- Manifestations culturelles et espaces d’accueil des interventions artistiques La Direction de la Culture et du Patrimoine de la Ville avec les Chargés de Missions (arts visuels, cinéma, spectacles vivants, arts plastiques, etc.) instruisent les demandes des associations culturelles, gèrent le soutien apporté par la ville aux acteurs de son territoire (médiation avec les autres directions, instruction, suivi des subventions…) 46 et coordonnent ainsi de nombreuses manifestations culturelles à rayonnement national. On trouve parmi elles, la Comédie du Livre, l’Agora des savoirs, Montpellier Danse, les Zones Artistiques Temporaires (ZAT), le Cœur de Ville en Lumière et la Fête de la Musique. Autant de manifestations qui semblent donner à l’usager un rôle d’acteur de la ville, et qui prennent place au sein de lieux de passages et de rassemblements. Côté centre, la ville met en place des festivals qui subliment son caractère historique et sont en lien avec le tissu existant. On peut prendre pour exemple celui de Cœur de Ville en Lumières apparu en 2013 sur le modèle d’événements comme la Fête des Lumières à Lyon. La manifestation donne à voir le temps de quelques soirées une mise en lumière des édifices caractéristiques de Montpellier, des sites qui sont choisis pour leur intérêt architectural mais aussi pour leur dégagement suffisant en tant que lieux de rassemblement. En périphérie de la ville, le Domaine d’O, Domaine départemental d’art et de culture, est un établissement industriel et commercial (EPIC) qui propose une programmation diversifiée en termes d’expressions artistiques (théâtre, arts visuels, rencontres 47). Un lieu culturel multiforme qui s’adapte temporairement avec sa saison artistique d’hiver de septembre à mars (“Saperlipopette“, festival jeune public) et celle de mai à août (Arabesque, 46 47

http://www.montpellier.fr/23-direction-de-la-culture-et-du-patrimoine.htm http://www.herault.fr/culture/domaine-d-o

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Le Printemps des Comédiens, Folies d’O, le festival Radio France, Nuits d’O). Ce parc public de 23 hectares de verdure à l’écart du centre intègre divers équipements tels que le Théâtre Jean-Claude Carrière, le Théâtre d’O ou encore le Château d’O, ancienne “Folie“ montpelliéraine. La ville fait aussi des efforts dans sa démarche globale en créant de nouveaux points d’interactions culturelles par le réaménagement d’espaces verts qui pourront accueillir ensuite des évènements. L’apparition du concept de ZAT (Zone Artistique Temporaire) courant 2009 vise à mettre en place des rendez-vous artistiques gratuits dans divers lieux de l’espace public montpelliérain. Les événements doivent apparaître deux fois par an et le temps de quelques jours. Comme l’explique son créateur Pascal Le Brun-Cordier : « contextuelle, la ZAT est à chaque fois pensée et mise en œuvre en fonction des spécificités du lieu avec lequel elle entre en dialogue 48 ». Sa première édition voit ainsi le jour dans le quartier d’Antigone en 2010. Friand des espaces urbains comme ceux des faubourgs tels Boutonnet ou Figureolles, la manifestation s’intéresse de plus en plus aux grandes zones paysagères propices de rassembler les foules. Après le parc Méric en 2011 puis le parc Malbosc en 2014, c’est le parc Montcalm qui a du accueillir la ZAT #11 en 2017, un véritable “théâtre à ciel ouvert“ 49 réunissant artistes et habitants autour d’œuvres éclectiques surprenantes et participatives. La 12ème édition ZAT se fera en avril 2018 au parc de la Rauze dans le quartier de Près d’Arène. La direction artistique est confiée pour la troisième année consécutive, à Pierre Sauvageot, directeur de Lieux publics, Centre national de création en espaces publics à Marseille.

L’objectif est d’amener le spectateur-usager à appréhender l’espace et la manière dont l’art ou l’architecture le produit. Que ce soit la compagnie chorégraphie autrichienne Willi Dorner ou le performeur berlinois Johan Lorbeer, les performances artistiques de la première édition envahissent Antigone et proposent à l’usager de lever les yeux et de s’intéresser aux interstices urbains, au plein et au vide. Pascal Le Brun-Cordier, « ZAT Montpellier : une stratégie poétique pout stimuler l’imaginaire urbain », La ville est ses créateurs, sous la direction de Jean-Jacques Terrin, Marseille, Parenthèses, 2012, p.159. 49 http://zat.montpellier.fr/sites/default/files/ressources/PDF-programmes/zat_programme_2017.pdf 48

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Il s’agit là d’une : « démonstration artistique éloquente de la manière dont nous habitons la ville et dont la ville nous habite50 ». La ZAT offre ainsi une nouvelle manière de découvrir la ville et semble redynamiser certains quartiers en proposant de s’y focaliser temporairement. La tendance à se retrancher plus régulièrement dans les parcs reflète pourtant une sorte de timidité des autorités qui semblent de pas vouloir prendre de risques. En effet, bien qu’étant des lieux intéressants, ils sont tout de même moins contraignants que les espaces urbains à proprement dit. Pourtant, le choix du site conditionne la réussite de l’événement, pour ses caractéristiques mais aussi pour sa visibilité et ses accès. De plus, au vu des éditions dans les faubourgs ou bien à Antigone, on remarque que de ses contraintes urbaines naissent souvent les projets les plus riches et troublants à la fois. Ils sont d’ailleurs très suivis par le public qui s’étonne de cette présence artistique dans la ville. A quand la prochaine ZAT en milieu urbain ? 3.4-Les lieux de l’alternatif : l’art omniprésent dans la ville Au-delà des pratiques artistiques conventionnelles, les usagers et acteurs de l’espace public, peuvent prendre le parti d’apparaître de manière clandestine par des créations dites “sauvages“. Proche du centre de Montpellier, des espaces publics plus ou moins visibles sont ainsi appropriés de manière autonome par les créateurs. Des artistes y interviennent ou bien des étudiants s’en emparent le temps d’un workshop. Allant de la micro-installation à la performance en passant par le Street-art, ce sont autant de pratiques artistiques qui habitent et font vivre nos rues. La ville est donc un lieu de création perpétuelle à travers ces interventions créatives ou via les simples gestes d’appropriation des lieux par les usagers. Le Quai du Verdanson représente un exemple de choix quant à l’appropriation d’un espace public artistique non-officiel qui se renouvelle dans le temps. En effet, coupée par ce long canal de béton vide d’aménagements, la ville aurait pu rester simplement dans l’ignorance de ce lieu mais la créativité des street-artistes actifs de Montpellier et partout ailleurs en a fait une sorte de musée du Graffiti à ciel ouvert. A contrario des lieux d’expositions artistiques traditionnels, les quais du Verdanson offrent souvent la vision des artistes en plein travail 51. Sa temporalité en est une force puisque sans cesses recouvertes les œuvres se suivent mais ne se ressemblent pas. Aujourd’hui l’association Line Up dont l’objectif est de promouvoir la culture du graffiti et du street art propose même des visites organisées des lieux 52 désormais entrés dans une relation de “tolérance“ avec les autorités publique qui en tirent une visibilité touristique.

Pascal Le Brun-Cordier, Op. cit. p.159. http://www.pixandlove.com/index.php/bd-illustration-photo/les-photos/graphiste-montpellier/streetart-quai-du-verdanson-montpellier 52 https://e-metropolitain.fr/2017/05/21/street-art-plongee-dans-les-quais-du-verdanson/ 50 51

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Mais les artistes peuvent aussi se réapproprier la rue en toute légalité lorsque la ville permet des actions officielles. En effet c’est le cas de « Art Station : un peu d’art dans ce monde de pub 53 ». Cet événement s’est déroulé en juin 2016 à la station tramway du Corum. Au programme, 24 affiches publicitaires remplacées par les œuvres d’art de 13 artistes urbains contemporains tels que Levalet, Sean Hart, Astro et Ose. Le projet a été porté par Blended Gallery & Cercle Rouge. A l’origine c’est un questionnement sur la place de la publicité dans la ville qui engage le mouvement. Il s’agit de transformer une de ses parties en galerie éphémère. Cette première édition ouvre la voie à d’autres initiatives et inspire des villes telles que Paris 54.

On peut donc y voir l’apparition de Street publicitaire, c’est le nom qui a été donné à l’exposition collective au Café Joseph, place Jean Jaurès. Réalisée en parallèle du projet de la station Corum, le café fait écho à l’exposition. Ces projets sont intéressants et remettent sans cesse en question les usages de la ville. En effet, les publicités dans ses apparitions actuelles ont tendance à encombrer le paysage de la cité, allant parfois jusqu’à le polluer complètement. Mais qu’en est-il réellement de toutes ces créations artistiques dans l’espace urbain ? Ne sont-elles pas plus intéressantes que les affichages publicitaires ? La ville est un espace collectif où la limite entre intervention artistique et aménagement urbain peut rester floue. L’important est sans doute de travailler à l’insertion d’une forme d’art ancrée au lieu, propice à la qualité de l’espace public et aux interactions de ses usagers-acteurs.

https://www.anousparis.fr/a-voir/art-station-un-peu-dart-dans-ce-monde-de-pub/ http://www.exponaute.com/magazine/2016/10/21/art-station-linitiative-qui-veut-remplacer-la-pubpar-de-lart-dans-le-metro/ 53 54

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II.

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II. L’exemple de Nantes comme modèle possible 1-Description rapide du contexte Nantais

1.1-Une métropole recomposée La ville de Nantes est passée de communauté urbaine au statut de métropole en 2015 suite à l’application de la loi MAPTAM (modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles). Elle regroupe aujourd’hui un ensemble de 24 communes et s’étend sur un territoire de plus de 500 km². Actuellement sixième ville de France, la population de la municipalité s’élève à 300 000 habitants alors que celle de l’aire métropolitaine en regroupe plus de 600 000. La maire actuellement mandataire est Johanna Rolland, membre du parti socialiste, elle prend le relais de Patrick Rimbert qui avait assuré la transition après la démission en 2012 de l’ancien maire devenu premier ministre Jean Marc Ayrault. Le territoire de la métropole est bipolaire : il s’articule en charnière entre le port de Saint-Nazaire (quatrième port de France) et la capitale de la région Pays de Loire. En ce sens la ligne ferroviaire Paris-Montparnasse-Nantes est l’une des plus pratiquées du pays. Par cela Nantes représente une ville stratégique qui tire son importance de sa dynamique nationale et de sa présence sur l’Atlantique. La métropole s’organise autour de la jonction des fleuves de l’Ebre et de la Loire. Ce dernier connecte directement les communes de Saint-Nazaire et de Nantes séparées pas une cinquantaine de kilomètres. La ville s’est construite dès l’origine sur les bords des fleuves (à l’époque beaucoup plus larges) où l’on peut trouver aujourd’hui la partie historique. Construite au nord de la Loire par les romains puis les chrétiens, c’est la zone du quartier actuel du Bouffay qui représente le centre antique de la cité. A l’époque de la révolution industrielle la ville se développe autour d’une activité commerciale forte, appuyée par la présence du port et de zones d’activités comme les chantiers navals qui s’installent sur l’île Beaulieu (maintenant appelée “ île de Nantes “). Suite à des problèmes d’inondations récurrentes (1910-1930), la ville est le chantier de grands travaux de comblements et son rapport aux fleuves s’en voit modifié, plus proche de son état actuel.

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La période d’après guerre conforte la ville dans son développement autour de l’industrie et des chantiers navals qui pourtant disparaissent à la fin des années 1980, laissant derrière eux un lourd héritage urbain. Durant cette période de désindustrialisation de l’ouest de l’île, la ville conduit une vaste opération d’aménagement sur sa partie est et y construit un ensemble de logements, centres commerciaux, et bureaux comme « symbole du passage de la ville à l’activité tertiaire 55 » qui accueilleront notamment des services de l’Etat décentralisés à Nantes. Bien qu’héritière d’un passé urbain compliqué, la ville dont les fiches industrielles ternissent l’image pendant plus de vingt ans est la première de France à s’équiper d’une ligne de tramway moderne en 1985 et le TGV arrive quelques années après. A la fin des années 1980 la municipalité engage un processus de réflexion urbaine à l’échelle du territoire pour envisager la reconversion des vestiges industriels et définir les axes du futur développement de l’aire urbaine. La métropole est alors celle qui connait la plus forte croissance dans les années 1990 est devient la troisième place financière après Paris et Lyon.

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https://www.nantes.fr/home/dans-votre-quartier/ile-de-nantes/histoire-du-quartier-ile-de-nant.html

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1.2-Ergonomie & espaces publics Selon une étude menée en 2016 56, la ville de Nantes apparait comme la deuxième ville plus agréable de France après Bordeaux et devant Toulouse et Montpellier. Au vu des critères basés sur le climat, l’environnement et la culture, il y a fort à penser que le cadre de vie et la culture sont les éléments forts de la métropole (120 jours de pluie par an contre 58 pour Montpellier57). Avec de nombreux réseaux de transports publics (3 lignes de tramway et quantité de bus) et un centre historique entièrement réaménagé dont des grandes parties devenues piétonnes en 2013, la municipalité fait preuve d’une volonté de s’embellir et d’endiguer le problème de la voiture dans le cœur de ville. Pourtant elle doit aussi faire face au problème de l’étalement urbain et des zones commerciales excentrées qui entraînent des difficultés de connexions des périphéries à son centre pourtant complètement rénové.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/bordeaux-metropole/bordeaux/bordeauxreste-ville-preferee-francais-1076025.html 57 http://www.meteofrance.com/climat/france/nantes/44020001/normales 56

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Bien que marqué par son passé industriel, le paysage nantais offre aujourd’hui une grande richesse dans les espaces publics aménagés. On trouve de nombreux parcs aménagés dans l’ensemble de la ville et les autorités s’attachent à valoriser le traitement de l’espace public tout particulièrement dans le centre-ville où l’on peut trouver de nombreux équipements à ciel ouvert.

2-Une politique culturelle innovante

2.1-Le passé industriel au service d’une ville en reconversion Lorsque la municipalité lance en 1989 la phase de réflexion sur le futur projet urbain de Nantes la ville est encore meurtrie par ces gigantesques zones industrielles délaissées, en particulier sur l’île de Beaulieu désormais appelée “ île de Nantes “ qui en est recouvert. A cette époque ces friches totalement désertées ternissent l’image de la ville et n’apportent rien au dynamisme économique qu’elle tente de retrouver. Mais ces quartiers composés de hangars et d’usines laissent néanmoins de nombreuses possibilités de reconversion et les élus locaux en ont bien conscience, d’autant plus que la zone concernée se situe en plein centre de l’aire urbaine. L’île apparaît dans le contexte d’une périurbanisation croissante et de l’étalement urbain comme une réserve foncière importante pour redensifier la ville depuis l’intérieur. L’île de Nantes devient alors à la fois un atout majeur et un enjeu qu’il faut considérer comme primordial pour l’avenir de l’organisation urbaine. Même si une grande quantité de bâtiments devront être détruits pour laisser place au nouveau projet, on entrevoit alors la possibilité d’utiliser les structures déjà existantes pour accueillir de nouveaux programmes. La situation en bord de fleuve permettra la construction de “waterfront“ et d’aménagements en bordure de Loire. On projette aussi la requalification des rives comme étant un facteur d’attractivité, en particulier dans le cas de leur réappropriation par les piétons et de la reconnexion entre fleuve, cité et habitants. Le maire, à cette époque Jean-Marc Ayrault pour qui « urbanisme et culture forme un tout 58 », décide avec l’équipe qui l’entoure d’orienter la stratégie du projet urbain dans la direction de la mixité entre un nouveau quartier de vie et des aménagements culturels. Cette action sera menée dans le but de rendre ce nouveau cœur de ville attractif pour les habitants et les touristes, « pour que le lieu soit vivant, attirant pour l’extérieur 59 ».

Cité par Olivier Caro dans « Nantes, le grand mix », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèses, 2012, p.134. 59 Ariella Masboungi (dir), Nantes, la Loire dessine le projet, Paris, éditions de la Villette, 2003. 58

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2.2-Un projet urbain La particularité du projet mis en place pour l’aménagement de l’île de Nantes, c’est que celui ci est construit sur un principe de collaboration entre les acteurs, ouvert aux initiatives pouvant émerger du territoire même, et se basant sur une forme de « coproduction de l’espace public avec des artistes et acteurs culturels 60 ». En effet le projet n’apparaît pas comme l’œuvre d’un acteur unique et se construit plutôt dans la mise en accord de nombreux partenaires qui collaborent dans une vision évolutive du programme. Les acteurs principaux du projet sont la communauté urbaine de Nantes (Nantes Métropole), la ville de Nantes, la Samoa (société d’économie mixte dédiée à l’aménagement de l’île et créée en 2003 qui associe Saint-Nazaire, Rezé, la région et le département aux acteurs nantais) et Smets/UapS qui rassemble des architectes-urbanistes, des paysagistes et des bureaux d’études pour assurer la maîtrise d’œuvre urbaine. C’est la Samoa (maître d’ouvrage du projet) qui se charge de « trouver les conditions pour la constitution d’un milieu en réseau qui décloisonne les pratiques et les typologies d’acteurs 61 » notamment avec l’appui des participants locaux qui sont à même de valoriser les spécificités du site. Ainsi le projet s’adapte aux initiatives des différents acteurs et prend en compte les possibilités d’installations d’entreprises et de créateurs au sein du programme. Olivier Caro, « Nantes, le grand mix », La ville des créateurs, sous la direction de Jean-Jacques Terrin, Marseille, Parenthèses, 2012, p.134. 61 Idem. 60

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Alors qu’en général un plan urbain est dessiné et fixé dès la création du projet, ici, on enlève les barrières de cette rigidité pour laisser place au spontané et à la proposition. « Le plan s’applique au territoire, le projet émane du territoire62. » Ainsi va naître un véritable quartier de la création, à la croisée entre art et urbanisme, donnant vie à des espaces publics aux possibilités débordantes et à des aménagements importants pour la dynamique culturelle de la ville. Ce choix place alors l’activité culturelle comme le nouveau secteur économique de la ville qui l’emploie comme outil d’ordonnance urbaine régénératrice. Les différents scénarios étudiés vont conduire finalement à retenir dans un premier temps le projet des Machines de l’île qu’ont imaginé Pierre Orefice et François Delarozière pour « accompagner le projet urbain 63 ». Les grandes nefs du site des chantiers (anciennement dédiées à la construction navale) sont alors réhabilitées et « transformées en un nouvel espace public de la ville, lieu couvert imaginé à partir du projet 64. » Ces édifices de grande ampleur sont laissés majoritairement vides et deviennent un lieu modulable dans le temps où s’installent dans un premier temps la Galerie des machines avec les ateliers de construction de la compagnie. « Ce vide programmatique permet une diversité des usages : ouverture d’ateliers sur l’espace public, installation d’un spectacle de rue, etc 65. »

Faisant suite à la dynamique déjà amorcée localement s’engage un processus surprenant de renvoi de balle entre organisateurs d’événements culturels et les responsables des projets urbains et territoriaux. Jean Blaise, fondateur du Lieu Unique, impulse une nouvelle vague de création de “ microprojets “ qui va prendre place dans la ville sous la forme de la biennale Estuaire. Le festival de création artistique in situ s’établira sur tout le territoire du fleuve allant de Nantes jusqu’à Saint-Nazaire. Il engagera ainsi un 62 L’Ile de Nantes : du territoire industriel au « quartier de la création ». Genèse d’un projet, Département Géographie et Territoires, Ecole Normale Supérieure, Paris, 2013 libre de droits. 63 Olivier Caro, Op. cit. p.135. 64 Idem. 65 Idem.

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véritable processus de renouvellement artistique et créatif des espaces publics et paysagés de la métropole. Trois éditions sont programmées par sont concepteur pour instaurer efficacement la démarche dans le territoire et « construire une nouvelle identité en faisant émerger de nouveaux usages, un imaginaire partagé autour de cet espace 66. » Installée temporairement ou bien durablement, ces créations auront pour but de créer des dispositifs de réappropriation du territoire en faisant découvrir des lieux aux habitants et aux visiteurs qui seront amenés ainsi à en percevoir eux-mêmes les enjeux. C’est de cette manière que ce nouveau projet s’inscrit finalement dans une mécanique de transformation du territoire qui peu à peu va dépasser ses propres enjeux artistiques. Dans une volonté politique, Jean Blaise va mobiliser les acteurs du projet urbain vers de nouvelles ambitions. « Sur l’île de Nantes, projet urbain et biennale vont construire des synergies. Estuaire fait de l’île son port d’attache et y installe l’œuvre de Buren, “Anneaux“. La première biennale permet d’engager le projet du Hangar à Bananes qui en devient le principal lieu de vie et regroupe des bars, des restaurants et le pavillon du Frac 67. »

Cette initiative va forcer le maître d’ouvrage du projet urbain (Samoa) à s’émanciper des procédures classiques pour s’adapter à l’événement, tant sur le plan du calendrier que sur celui des aménagements nécessaires. Cette nouvelle manière de faire est un engagement risqué pour l’entreprise mais elle se voit saluée le jour de l’inauguration où une foule de visiteurs vont parcourir ces nouveaux espaces publics pour y dénicher les œuvres. 2.3-L’ile de Nantes comme volonté d’ancrer une tradition culturelle Déjà bien amorcées par la galerie des Machines et la biennale Estuaire, les pratiques artistiques et culturelles sont désormais accompagnées en amont avec l’apparition progressive d’un véritable “ quartier de la création “. La ville investit durablement en décidant la construction d’équipements sur les différents sites du projet de l’île, eux même générateurs de créations et d’événements. 66 67

Olivier Caro, Op. cit. p.135. Ibid. p. 137.

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La ville impulse la construction d’équipements publics comme par exemple le bâtiment de La Fabrique qui prend place sur une partie attenante au site des chantiers, un équipement consacré aux musiques actuelles et à la création numérique. Le projet urbain facilite aussi l’implantation d’entreprises innovantes qui peuvent impulser toujours plus de création en participant ensuite au projet global. On pourra citer le bâtiment Manny comme emblématique de ce processus : siège du groupe de design Coupechoux, qui a lui même porté la maîtrise d’ouvrage du projet dessiné par l’agence d’architecture Tetrarc (aussi maîtres d’œuvre de La Fabrique). Ensuite, la ville décide d’ancrer la création dans sa dimension éducative en faisant implanter les écoles nationales supérieures d’art et d’architecture au sein de l’île. Dans un premier temps c’est l’ENSAN (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes) qui voit le jour en 2009 avec pour concepteurs du bâtiment les célèbres architectes Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal. L’Ecole Supérieure des Beaux-arts de Nantes Métropole (ESBANM) – livrée en juin 2017 par le cabinet Frankli Azzi architecture – s’inscrit dans un procédé plus long et encore plus en rapport avec la démarche du projet urbain. En effet le projet naît d’une réhabilitation du site des anciennes halles Alstom (entreprise de transports et turbines électriques), héritage direct du passé industriel de l’île. Avant même de devenir L’ESBANM certaines parties des halles auront pu héberger une cinquantaine d’entreprises à partir de 2005 et pendant près de dix ans.

Tous ces équipements peuvent donner ensuite naissance à des projets annexes qui participent à la qualité de l’espace public qui les entoure. Comme à côté de l’école d’architecture où l’on peut trouver l’Absence, sorte d’œuvre d’art habitée par une cafeteria qui sert à la fois aux étudiants et aux visiteurs et peux accueillir de petits événements. 40


La ville et les opérateurs urbains investissent aussi dans le secteur de la création au travers de la mise à disposition d’ensembles de locaux à bas coût pour les artistes ou les entreprises créatives. Ces véritables pépinières d’entrepreneurs et d’associations se construisent dans la même logique que pour l’école des Beaux-arts, c'est-à-dire sur le principe de réhabilitation des anciens hangars déjà présents sur l’île. Lieu emblématique de ces exemples de rénovation entrant dans le cadre du projet urbain : l’ancien Karting est un espace de travail modulable de 1200m² avec 12 cellules aménagées accueillant aujourd’hui déjà plus de quarante entreprises du secteur des industries culturelles et créatives. Ci-dessous une illustration de l’opération du projet de l’île de Nantes.

3-Des comportements publics adaptés ?

3.1-Extension et transformation d’un tissu urbain culturel L’exemple de la transformation de l’île de Nantes nous montre combien il est possible d’inviter la créativité du milieu culturel dans la production de l’espace public de la ville. Mais toutefois il est important de dire que dans ce cas précis l’action culturelle créative était à la fois au cœur et à l’origine du projet. Qu’en est-il des espaces publics des zones urbaines construites ou déjà en transformation ? Quelles y sont les apparitions culturelles ? Comment s’établissent leur connexion avec les centralités culturelles ? Il est impossible ici de traiter précisément de l’ensemble des espaces de la ville de Nantes mais entrevoir rapidement deux cas particuliers peut suffire pour montrer l’importance de ces questions. Ceux qui nous intéressent ici sont le centre historique et le quartier Malakoff. 41


Comme on a vu dans la partie sur l’ergonomie et les types d’espaces publics que la ville cherche à mettre en place, le centre ancien a été la cible de nombreux efforts quant à la qualité paysagère et à l’usage des lieux de rassemblement (rues, places). Mais il est intéressant d’y confronter la question des apparitions culturelles contemporaines dans l’espace public, en particulier lorsqu’il s’agit d’interventions artistiques. Dans le cadre de la biennale Estuaire – relayé par le festival Le Voyage à Nantes depuis 2012 – la création contemporaine s’immisce chaque année dans les espaces publics de la ville le temps de la saison estivale, y compris dans ceux du centre historique. En effet les lieux s’y prêtent et les gens aussi. Il y a beaucoup de passage et chacun peut rentrer à sa façon en contact direct avec les œuvres installées. Ce foisonnement renouvelé chaque saison questionne les usages des lieux et développe une forme de qualité urbaine dans la diversité des approches à l’espace. Les productions temporaires sont aussi parfois le moyen d’introduire des sujets allant de la violence à l’humour.

Mais dans les parties anciennes de la ville on pourrait dire que ces manifestations contemporaines se font plus discrètes lorsqu’il s’agit d’aménagements permanents. A l’image du Musée des Beaux-arts de Nantes ou du jardin des plantes, les équipements culturels sont moins visibles et les créations artistiques pérennes plus douces et ludiques. Comme si ces interventions devaient, au vu de leur temporalité, rester plus légères et abordables pour le grand public.

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Cependant, une installation de l’édition de 2017 voulue pérenne s’est montrée particulièrement ambitieuse en s’accrochant sur le château des Ducs, évènement qui n’a pas manqué de créer la polémique. Imaginé par l’agence Tact Architectes et le plasticien Tangui Robert, l’œuvre Paysage glissé est un long toboggan qui longe les fortifications du château depuis le haut des remparts jusqu’aux douves.

Tel un prototype, l’ouvrage a été confronté à des problèmes de retard, de qualité de réalisation et de sécurité, l’installation a dû donc être fermée au public puis démontée pour un réajustement du dispositif. Même si les critiques des passionnés du château continuent d’accabler le projet, il sera réinstallé en 2018 pour vérifier son usage et entrevoir peut-être sa version finale et pérenne. L’exemple du quartier Malakoff est tout autre. Non loin des centralités culturelles, son positionnement enclavé derrière la gare ferroviaire a eu tendance à relativement l’isoler de ces pratiques artistiques. Sa construction date de 1971, elle s’inscrit dans un contexte de forte pénurie de logement et fait partie du projet de la ZUP (Zone à urbaniser en priorité) de Beaulieu aménagée par la SELA (Société d’équipement de Loire Atlantique). L’objectif du projet est de construire 1600 logements sociaux à moindre coût, ce qui donne lieu à un projet d’ensemble de onze tours de seize étages et de cinq “ barres “ incurvées de dix étages chacune. En son centre trône un centre commercial, seul véritable équipement amené au projet qui s’est construit en zone marécageuse. Le quartier se rempli de personnes aux moyens financiers réduits qui ont pourtant besoin de se loger décemment. Rapidement, des problèmes sociaux apparaissent et l’ensemble se voit affligé de la réputation de “ quartier sensible “ à cause des problèmes de drogues et de violences. A l’exception des graffitis, la présence d’une action culturelle ou artistique de la part de la ville sera quasi inexistante jusqu’à l’apparition du projet de renouvellement urbain et de la biennale Estuaire. Le nouveau projet urbain du quartier Malakoff se constitue entre 2001 et 2004 où les premières opérations prennent effet sous la forme de deux 43


nouveaux ponts sous les lignes ferroviaires dont un où passe un boulevard reliant la gare. Cette première étape s’accompagne aussi d’une volonté de renouvellement du parc immobilier qui se traduit par la destruction puis reconstruction de la quasi totalité des logements sociaux (seulement 400 ne seront pas reconstruits). Mais le projet urbain s’attarde peu sur les logements et voit plus loin, le programme s’enrichit de nombreux équipements publics – principalement dédiés au sport et à l’éducation – ainsi que d’une zone d’activités commerciales et administratives. Enfin le quartier se voit reconnecté à la ville par des pistes cyclables et des nouvelles lignes de bus, de plus la municipalité y projette en 2015 le passage de la future ligne 5 du tramway. Peu à peu le projet d’origine de reconstruction de Malakoff va s’intégrer à une dynamique urbaine bien plus vaste : le quartier d’affaires Euronantes. Ce dernier va transformer littéralement la zone sud de la gare avec une grande quantité de nouveau bâtiments aux diverses architectures contemporaines, en écartant la possibilité d’y intégrer une partie artistique. Par conséquent on peut remarquer que d’une cité HLM peut finalement émerger son strict opposé qui apparaît ici comme un pôle d’affaires directement accolé à la gare. Mais bien que très proches des centralités culturelles de la ville, le quartier ne propose pourtant aucun équipements de cet ordre. Par ailleurs, jusqu’à aujourd’hui une seule installation du parcours pérenne de la biennale Estuaire a pris place dans le nouveau projet urbain de Malakoff. L’œuvre solitaire est créé dans une relation privilégiée avec La Petite Amazonie, une zone naturelle marécageuse protégée Natura 2000.

On peut aussi soulever le fait que le parcours saisonnier des expositions temporaires du Voyage à Nantes n’est encore jamais passé dans le quartier Malakoff. Un fait qu’on peut éventuellement attribuer aux problèmes de violences toujours présents qui y rend difficile l’accès aux visiteurs… Mais de ces observations émerge une question intéressante : les interventions artistiques dans l’espace public peuvent-elles participer à la résolution de ces problèmes sociaux qui perdurent malgré les efforts programmatiques de la ville ? 44


On pourra donc conclure cette partie en évoquant le fait qu’il est important de considérer l’implantation des équipements culturels et des créations artistiques sur l’ensemble du territoire, car la multitude et le foisonnement sont souvent plus forts que la séparation ou concentration des fonctions. 3.2-Des créations « acceptées » par l’espace public Un des points forts de la politique culturelle de Nantes passe par l’intégration de la création artistique dans les différents espaces publics de la ville. La biennale d’art Estuaire et son remplaçant le festival du Voyage à Nantes, ont déjà durablement inscrit les pratiques d’installations temporaires dans le paysage urbain. Ce sont les œuvres qui, en y trouvant une place pérenne marquent quotidiennement les visiteurs et les habitants qui sont plus à même de se les approprier. Les espaces publics aménagés et leurs possibilités d’occupations ouvrent donc la voie à de nouvelles démarches qui trouvent peu à peu un moyen de jouer un rôle dans la vie de la cité. On voit d’ailleurs certaines pièces d’abord pensées éphémères qui ont finalement réussi à s’implanter durablement dans la ville, soit dans le lieu d’origine soit dans un lieu public aux meilleures possibilités d’accueil. L’acceptation des créations par l’espace et le public dépend souvent de l’œuvre du temps et de l’expérience, car, pour savoir comment se comporter dans les lieux publics les artistes ont d’abord besoin de pouvoir y expérimenter. En effet, les conditions de création pérenne étant contraignantes dans l’espace public, le cadre de l’éphémère permet certaines pratiques qui, autrement, n’auraient pu prendre place que dans le contexte du musée, du lieu d’art fermé ou dans la sphère privée. « Une telle exposition à l’échelle d’une ville, permet d’expérimenter, à partir du moment où l’information nécessaire est faite, les réactions des habitants, leur degré de tolérance 68. »

Daniel Buren, A force de descendre dans la rue, l'art peut-il finir par y monter?, Sens&Tonka, 2014, p.88. 68

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4-Intégration ou instrumentalisation de la création dans la ville ?

La ville de Nantes démontre clairement son investissement pour l’action culturelle et artistique dans la ville, mais cependant il est possible d’entrevoir certaines limites quant au type de processus engagé. Ce qui en est révélateur transparaît dans l’attitude générale d’un projet comme celui de l’île de Nantes. Emblématique d’une forme de « gouvernance par projets 69 » selon Gilles Pinson, la dynamique se construit sur un réseau d’acteurs réunis par la création d’un projet urbain entier. Cependant, bien qu’investissant le passant et l’habitant dans sa ville, le projet de l’île de Nantes n’implique que peu les usagers dans son processus de création. Bien que certaines œuvres puissent créer un débat public, il ne tourne jamais autour de l’organisation même du quartier qui reste entre les mains des acteurs-décideurs du projet qui continuent de l’orienter vers un futur cluster industriel de la création. Cette nouvelle centralité prend le nom de “ quartier de la création “, avec toutes les questions sociales qu’impliquent le fonctionnement d’un nouveau cœur urbain. Elle favorise les potentialités singulières à l’île dans le but de démarquer la ville et son rayonnement à l’échelle du territoire français et européen. Les éléments comme le nouveau CHU ou le palais de justice construit par Jean Nouvel contribuent à l’affirmation de cette nouvelle centralité administrative. D’autre part, bien que semblant promouvoir l’ensemble des initiatives liées à la création, ces reconversions se traduisent souvent par la culture du loisir ainsi que par l’ancrage progressif d’un cluster culturel et économique de la connaissance, sorte de nouveau secteur dynamique de la ville basé sur l’industrie culturelle. Cette concentration géographique des acteurs culturels vouée à l’attractivité et au développement économique de l’île de Nantes soulève pourtant le problème de leur absence dans d’autres zones de la ville, notamment dans les quartiers en difficultés. En effet, les villes qui se tournent vers l’activité culturelle comme nouveau pôle économique ont tendance à l’utiliser comme une image de marque dans leur stratégie politique qui peut alors dénaturer la dimension première de l’action culturelle publique. Les risques sont de l’ordre du phénomène progressif de gentrification dû à la concentration d’une classe “ créative “ mais peuvent aller jusqu’à la manipulation des projets dédiés à la création pour les mettre aux services des bénéfices économiques. Comme l’a expliqué Paul Ardenne au cours d’un séminaire à Lausanne en s’inspirant des écrits de Walter Benjamin, « toute réalité construite par l’homme qui se présente comme un instrument de culture peut se transformer en un instrument de barbarie 70 ». L’instrumentalisation évoquée représente

http://www.geographie.ens.fr/L-Ile-de-Nantes-du-territoire.html Paul Ardenne, « Une fiction complaisante ? », La ville des créateurs, sous la direction de Jean-Jacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.222. 69 70

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pour lui « ce qu’est la barbarie néolibérale avec un esthétique de la gentillesse71 ». Il est donc important d’avoir conscience de ces ambigüités dans la construction d’un projet urbain de la sorte où décideurs politiques et créateurs se mettent ensemble au service de la ville, mais pas toujours pour les mêmes raisons. Bien qu’à l’initiative des créateurs armés d’une volonté réelle d’expérience artistique dans l’espace public, les Machines de l’île par exemple sont désormais installées dans une véritable dynamique touristique et économique de la ville. « C’est là tout le paradoxe, le cynisme ou la grande intelligence de ces processus : ceux qui, par leur position sociale, sont les plus à même de les critiquer (les artistes, les chercheurs), contribuent à leur émergence et à leur médiatisation 72. » De plus, les reconversions culturelles et les constructions de logements apparaissent majoritairement dissociées dans l’espace de l’île. Comment faire le lien entre la partie Ouest où continue de se développer le quartier de la création et la partie Est où se construisent des logements sociaux et des projets de requalifications urbaines planifiées ? En conséquence, il est important de continuer à questionner l’action artistique dans l’espace public, et le rôle des institutions dans la diffusion culturelle. Tout ceci dans le but de rechercher l’adaptation de ces méthodes à l’ensemble de la ville pour promouvoir une véritable qualité urbaine au service du débat, de la mixité et de l’interaction sociale, de la conscience des lieux, et pas seulement une dynamique économique à l’échelle de la ville et de son rayonnement. « Derrière l’intervention de l’artiste, ce qui est en jeu, ce n’est pas tant la production d’une œuvre mais ce que cette intervention provoque dans l’organisation de l’action urbaine voir dans l’institution elle-même 73. »

71 Paul Ardenne, « Une fiction complaisante ? », La ville des créateurs, sous la direction de Jean-Jacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.222. 72 Ibid. 73 Elsa vivant, « Faire la ville avec les créateurs ? », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.231.

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III.

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III. Vers des espaces publics ouverts aux pratiques artistiques contemporaines 1-L’espace public, un nouveau lieu d’exposition ? D’expérimentation ?

« Quittant le musée, l’œuvre d’art n’est plus expressément conçue pour lui et peut adhérer au monde, en épouser les sursauts, en occuper les lieux les plus divers tout en offrant au spectateur une expérience sensible originale74. »

Comme on a pu l’énoncer au sein de l’introduction, les démarches d’appropriation de l’espace public par les artistes sont apparues parallèlement en France et aux Etats-Unis au cours des années 1960, période au climat politique international complexe et en mutation. Durant cette période la pratique artistique a été remise en question par la communauté elle-même : « de nombreuses voies ont été ouvertes, des questions ont été posées tant à l’art lui-même qu’à la société par des formes d’actions dont le sens et la pertinence sont toujours d’actualité, bien au-delà des contextes spécifiques de l’époque75. » Cette rétrospective a permis d’assoir le « principe d’intervention urbaine76 » sur le socle historique de la pratique artistique et ainsi d’entrevoir sa place et ses ramifications. Car de toute évidence, ces comportements artistiques dans leur forme primitive (graffiti, happenings) sont apparus dans un premier temps de manière spontanée dans la rue avant d’atteindre les milieux savants de l’art. C’est alors que « face aux multiples expériences d’art urbain, d’art sociologique et même d’art corporel, s’est posée la question des limites de l’art 77 » ainsi que celle de la nature et du nom de ces interventions. Ainsi, bien avant qu’apparaisse le mouvement du Street-art, de nombreux artistes et théoriciens d’art s’intéressent déjà à la rue et s’attachent à réfléchir à ce phénomène. Land art, art action, art contextuel, art in situ, art relationnel… Ils prennent de nombreuses formes nouvelles qui ont toutes en commun la condition d’une pratique contextuelle, au sens large du terme. Hervé Fischer, Nicolas Bourriaud ou encore Jan Swidzinski sont parmi les premiers à écrire sur ces nouvelles conceptions de l’art.

Paul Ardenne, Un Art contextuel, Paris, Flammarion, 2002, p.28. Alain Snyers, « Les interventions urbaines, un genre artistique démocratique », Espace public, pratiques artistiques et imaginaires sociaux, revue Inter, Art actuel, n°111, p. 29, Editions Intervention, 2012. 76 Ibid. 77 Ibid., p.30. 74 75

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« L’art contextuel s’oppose à ce qu’on exclue l’art de la réalité en tant qu’objet autonome de contemplation esthétique78. » Ce sont donc par définition des pratiques qui prennent corps dans un contexte réel existant, physique, temporel, social et parfois politique. « La première raison d’être de l’art contextuel relève d’un désir social : intensifier la présence de l’artiste à la réalité collective. De multiples façons – se l’approprier, l’esthétiser, la politiser… –, mais toujours dans une perspective d’implication79. » A cette époque Paris est un des principaux centres névralgiques de la création artistique et les artistes Gérard Zlotykamien, Ernest-Pignon-Ernest et Daniel Buren vont être les initiateurs de l’art urbain. A ces artistes occupant déjà le théâtre de la rue succéderont différents mouvements, plus ou moins conventionnels, dont une nouvelle génération d’artistes de la rue qui eux seront directement influencés par la culture du graffiti nord-américain. Pratiquant leur art dans l’anonymat pour signer leurs pièces tout en se dissimulant des autorités, l’influence anglophone se faisait déjà largement ressentir dans leurs pseudonymes au caractère léger, en rupture avec l’intellectualisme dont le milieu de l’art pouvait faire preuve. Ce sont les artistes de rue comme Bando, Spirit et Epsylon Point qui en premier, importeront ces pratiques dans les rues de la capitale française, rejoints ensuite par le célèbre Blek le Rat, Jef Aérosol ou encore Miss Tic. C’est d’ailleurs Epsylon Point qui en 1979 importe pour la première fois le Street-art à Montpellier en imposant à la ville ces célèbres pochoirs « Et si ! 80 ». Le peintre aux tendances anarchistes « refuse à se ranger sous un genre, une norme ou une époque. Il y infiltre des connotations ou des questions sociétales ainsi que sexuelles 81 » ce qui montre bien le virage que l’expression artistique prend à cette époque. Il devient populaire, dénonce l’œuvre marchande en la rendant inaccessible et sort littéralement de son carquois intellectuel figé. Invasif, parasitaire, contestataire, le Street-art se répand peu à peu dans la ville de Montpellier. En 1999 ce sont les artistes déjà bien connus Space Invader et Zevs qui décident, dans le cadre de leur collaboration « @nonymous 82 », d’envahir la ville en disposant les quelques 44 pièces dans la ville, tel un virus artistique. Ils laissent leur marque à l’échelle du lieu, mais aussi à l’échelle de la ville : l’ensemble des œuvres disposées dans la ville forment à chacun leur emblème.

78 Jan Swidzinski, « L’art comme art contextuel », manifeste, Hygiénisme, revue Inter, Art actuel, n°68, p. 46-50, Editions Intervention, 1997. 79 Paul Ardenne, Op. cit. p.41. 80 https://www.artsper.com/fr/artistes-contemporains/france/10420/epsylon-point 81 Idem. 82http://streetart-montpell.over-blog.net/article-space-invader-attaque-de-montpellier-en-1999-aveczevs-98800112.html

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« Il est à noter que Montpellier est la seule ville où les envahisseurs ont été placés de manière à faire apparaitre un grand Space invader lorsqu’on les place sur le plan de la ville83. »

Ce type d’interventions incarne le conflit idéologique entre l’Etat et une partie de la population qui conteste son autorité. Cette fois, ce ne sont pas les ouvriers qui descendent dans la rue pour incendier la ville mais bien les créateurs qui s’immiscent de toute part pour déranger l’ordre établi, trouvant parfois le moyen d’y glisser des messages ou simplement de détourner ceux déjà présents. Zevs par exemple, un peu à la manière de Daniel Buren lors de ces « Affichages Sauvages », se consacrera durablement à la pratique du détournement publicitaire visant à critiquer la société de consommation, sans pour autant délaisser sont travail sur les ombres. Mais ces pratiques intrusives ne plaisent pas à tout le monde, et bien que visuellement intéressantes, elles restent souvent incomprises et ne participent pas toujours à la qualité de l’espace public. Certains pratiquants du Street-art remettent en question l’aspect de ces apparitions et cherchent à les rendre plus compréhensibles. Mathieu Tremblin par exemple, avec ses travaux de « Tag clouds », récupère des murs aux nombreux tags pour les repeindre en une traduction à la typographie classique et lisible, au risque de s’attirer la fureur des “tagueurs“ en question.

L’artiste anglais Banksy devient reconnu internationalement grâce à sa pratique engagée du Street-art qu’il utilise pour donner son avis sur des problèmes sociétaux plus ou moins locaux. Ses peintures au caractère 83 http://streetart-montpell.over-blog.net/article-space-invader-attaque-de-montpellier-en-1999-aveczevs-98800112.html

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explicite sont aujourd’hui connues de tous et ont pris place aux quatre coins de la planète, notamment dans des zones de conflits armés où il a dû prendre des risques pour peindre ses œuvres. Pour la plupart avec humour, elles critiquent la société actuelle et véhiculent des messages d’espoir, de tolérance, d’amour ou bien de rébellion. Le Street-art devient même une action humanitaire lorsque l’artiste JR décide de parcourir le monde pour coller des affiches monumentales et dénoncer aux yeux de tous des problèmes sociaux graves. Il utilise alors l’art comme une arme visuelle, dont il se sert pour générer le débat, et qui, grâce au puissant relais des réseaux sociaux, arrive très vite à faire influence sur les sujets abordés. Par conséquent, bien que l’énorme mouvement de la création artistique dans l’espace urbain ne se limite pas au Street-art (au sens où on l’entend aujourd’hui), ce dernier s’est démocratisé aux quatre coins du globe et les villes ont déjà commencé à s’approprier le phénomène. A Montpellier, bien que toujours illégales, on peut observer de très nombreuses pièces dans l’ensemble de la ville qui participent ainsi à la création d’un nouveau paysage urbain. La ville s’est déjà bien approprié le phénomène en organisant des visites guidées 84 (payantes) pour découvrir l’univers du Street-art montpelliérain. Ces pratiques sont même enseignées dans un cadre scolaire via les interventions de l’association Line Up qui dispense des cours théoriques sur l’art du graffiti. Les élèves ont même eu l’occasion de visiter les abords du Verdanson, un lieu unique et coloré, un célèbre bastion du graffiti de la ville. Emergent alors certaine questions délicates : le Street-art est-il un nouveau type d’art public ? Y a-t-il des conditions à l’acceptation ou au retrait de certaines œuvres ? Car bien qu’il soit plus invasif et moins contrôlable que l’art public plus conventionnel, il semble qu’il ait gagné sa place dans l’espace public.

2-Créations en cadre légal/illégal : question de la conservation

« Je trouve que là il y a un mouvement nouveau, qui fait que peut être dans cet ennui général, comme toujours, c’est peut être les plus libres – et ce sont surement les artistes les plus libres dans ce monde – qui reprennent possession de l’espace public, pour y faire des choses qui apparemment ne sont pas conforment à la réglementation 85. »

84 85

http://www.montpellier3m.fr/evenement-agenda/visite-guid%C3%A9e-street-art-vue-densemble Patrick Bouchain dans ZEVS covering, documentaire de Christophe Caubel, France 2, 2006.

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2.1-L’art dans la ville : tantôt valorisé tantôt réprimé On constate une présence permanente d’un type de contrôle exercé par l’Etat dans la gestion des permissions d’occupation dans l’espace public, dans l’acceptation ou non de certaines pratiques, la conservation ou non des pièces, et dans la reconnaissance ou non de certains lieux comme praticables. Suivant l’orientation politique de l’autorité en place les réactions peuvent prendre différentes formes. Cependant, parfois, certaines municipalités en arrivent à reconsidérer des œuvres existantes, simplement car jugées déplaisantes ou bien parce qu’elles ont l’intention de les remplacer par les pièces qu’elles auront sélectionné elles-mêmes sous leur mandat. Daniel Buren précise que « cette explosion publique peut aller jusqu’à la destruction de l’œuvre par vandalisme anonyme ou bien par le vandalisme des autorités ellesmêmes 86. » Il poursuit en évoquant la sculpture de René Ghiffrey à Toulon dont la sculpture fut démolie au bulldozer après l’ordre du maire (Front National) en juillet 1996. On peut alors questionner le rapport entre l’autoritarisme de certains partis politiques et l’acceptation des œuvres dans le domaine public. A Montpellier il a rarement été observé ce genre de comportement de la part des autorités publiques, mais on peut citer tout de même l’exemple de l’œuvre monumentale de Francesco Marino Di Teana qui avait été découpée au chalumeau en 2009 par les services de la mairie. La pièce de 17 mètres de haut nommée « Hommage à Laurent le Magnifique » qui faisait partie des œuvres du 1% du lycée Mermoz à Montpellier, était très peu mise en valeur et mal entretenue, elle présentait des risques. Le fils de l’artiste avait déjà alerté les responsables de son entretien. La sculpture aurait pu être restaurée comme celle d’Orléans 87 mais le service culturel de la région Languedoc Roussillon a préféré s’économiser l’effort et l’argent de la rénovation au profit d’une amputation d’une partie de l’œuvre. Plus d’une tonne d’acier avait été ainsi jetée à la benne et la sculpture fut alors complètement défigurée dans un profond manque de respect pour le travail de l’artiste 88. Si les artistes eux-mêmes peuvent décider parfois de détruire leurs œuvres, dans un geste spontané ou bien par conviction, il en est tout autrement lorsque ce sont les autorités publiques responsables qui prennent la décision sans consulter les détenteurs des droits d’auteur, ou bien juste des spécialistes. Pour ce qui est des nouvelles œuvres publiques, le comportement des décideurs voue la production artistique dans l’espace public de leur territoire, via leurs choix, à prendre forme soit dans la neutralité, soit dans la forme imposée. Daniel Buren, Op. cit. p. 28. http://www.sculpture-architecture.com/sculptureorleans.html 88 http://www.sculpture-architecture.com/sculpturemonumentaledetruite.html 86 87

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Elle apparaît souvent dans sa forme neutre lorsqu’on cherche à créer le consensus en exposant plusieurs propositions à un ensemble de personnes qui ne sont pas spécialistes du sujet. Le cas le plus courant reste celui d’une décision votée en conseil municipal, appuyée parfois par une consultation préalable de la population riveraine, qui en porterait la responsabilité « On aura loisir de faire remarquer que l’on a ainsi choisi une méthode démocratique par excellence. En fait, une méthode mal appropriée au sujet abordé et donc, finalement, malgré les apparences, anti-démocratique 89. » La production artistique émerge dans sa forme imposée lorsque la décision est impulsée par une volonté du maire ou d’un responsable public, qui, par son influence et force persuasive, arrive à installer une pièce qui lui tient particulièrement à cœur. Dans ce cas aussi, la démarches semble peu démocratique et se justifie seulement du fait que la municipalité juge assez important la diffusion des valeurs véhiculées par l’œuvre. Face à cette situation il y a fort à penser que la communauté citadine qui s’intéresse aux actions culturelles des instances publiques réagisse, notamment par rapport à l’usage des fonds publics pour cette installation. A Montpellier l’exemple des dix statues polémiques qu’a fait installer Georges Frêche pour la Place des Grands-Hommes est représentatif des problèmes entrainés par ce type de décision. Elles ont été inaugurées en deux temps, les cinq premières statues en 2010, et les cinq autres en 2012. La sélection provocatrice des personnes choisies a déclenché à chaque fois un violent retour critique 90. La réaction citoyenne a même pris une forme de réponse artistique orchestrée par le collectif des Encubeurs Anonymes, critiquant ouvertement les nouvelles sculptures publiques en “ encubant “ leurs têtes 91.

« La "Place des Grands Hommes" est un irrésistible appel à l'encubage. D'affreux dictateurs côtoient de vénérables sages dans un absurde mélange absurdement placé au milieu (mais légèrement à l'écart) d'un temple de la consommation 92. »

Daniel Buren, Op. cit. p. 32. http://www.midilibre.fr/2012/07/23/les-statues-de-meir-et-mao-font-polemique,538270.php 91 http://touche-coule.blogspot.fr/2013/02/touche-coule-se-deplace.html 92 Idem. 89 90

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Finalement, la forte implication des décideurs et le regard des autorités sur la production artistique, qu’ils soient au nom du respect des valeurs démocratiques ou alors de la volonté d’affirmer une identité de ville, finissent par créer un sentiment de manque de représentation des citoyens dans les choix culturels. Par ailleurs, l’importance et les fonds accordés à ces gestes politiques réduisent le nombre et la diversité des projets ou démarches intéressantes à soutenir. En ce qui concerne les démarches de créations nouvelles dans un cadre officiel mais cette fois-ci à l’initiative des artistes, le phénomène de “ régulation “ par le contrôle des autorités est régulièrement observable. En particulier quand l’œuvre représente un geste audacieux et même si elle est temporaire. Aussi on pourra s’attrister de voir que pour certains projets – de nature exceptionnelle ou non – l’obtention des autorisations nécessaires peut être sévèrement compliquée à avoir auprès des institutions. L’exemple du travail des artistes Christo & Jeanne-Claude est représentatif de ces difficultés. Majoritairement autofinancées et immuablement temporaires, les installations du duo créateur ont souvent eu du mal à prendre place dans l’espace public. Pour exemple, ils ont du mener 24 ans de combat administratif pour réaliser l’emballage du Reichstag et 10 ans pour celui du Pont Neuf. A l’échelle de Montpellier ces complications se font aussi ressentir, qu’il s’agisse de grandes actions ou simplement de petites installations. En effet on a pu constater que même des démarches sérieuses comme des ateliers mis en place par les écoles d’art ou d’architecture peuvent se heurter à la difficulté administrative. En 2017, un Workshop 93 de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier (auquel j’ai participé) n’a pas pu voir le jour de manière officielle pour ces mêmes raisons administratives. L’impossibilité de déterminer la nature des travaux des étudiants 3 mois avant la période de création-installation a poussé les étudiants à occuper l’espace public temporairement sans autorisations. L’action s’est terminée sans sanctions des autorités mais les forces de l’ordre ont fait retirer immédiatement certaines installations, pourtant supervisées et sécurisées par les étudiants présents en permanence sur les lieux. On se demande alors quel est le rapport entre le caractère des démarches et leur acceptation simplifiée ou non par les autorités. Que reflète cet état de fait ? Ne serait-il pas intéressant d’augmenter le dialogue et les possibilités d’occupation des lieux publics ? Pour ce qui est de l’appropriation sauvage de l’espace public par les artistes le phénomène est encore plus complexe. Malgré toutes les formes de répression que peuvent organiser les autorités publiques, l’action autonome de l’individu déterminé reste hors de portée des filets de l’Etat. Bien qu’il puisse condamner, il n’empêchera pas la récidive. Bien qu’il puisse nettoyer, il n’empêchera pas l’apparition de nouvelles créations.

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Intitulé « Architectures de poche » et organisé par l’enseignant-architecte Patrick Buffart.

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« Quant aux graffitis, plus fréquents, ils semblent rester l’apanage d’un vandalisme public et quotidien et peuvent s’exercer sans discernement sur tout et n’importe quoi. Bien que dommageables, ils ne sont que rarement irrémédiables et peuvent être nettoyés 94. » L’apparition des créations sauvages est souvent révélatrice d’un problème ou d’une qualité. D’un problème lorsqu’elles apparaissent en critique d’une situation et qu’elles profitent de celle-ci pour en tirer avantage comme support de leur création (par exemple sur les pignons aveugles, portails métalliques commerciaux, panneaux de pub ou de signalisation…). D’une qualité lorsque la création artistique se saisie d’une opportunité crée par le lieu ou l’œuvre précédente pour y participer, rajouter sa touche ou simplement se rendre encore plus visible (par exemple en s’installant sur les endroits passants ou souvent pris en photo). Mais ces Street-artistes s’intéressent plus souvent aux bâtiments même qu’aux œuvres d’art déjà existantes. « Le vandalisme officiel de l’Etat étant relativement rare, on pourrait donc se réjouir du relatif manque de vandalisme anonyme. […]La plupart des œuvres sont tellement insignifiantes ou médiocres que personne, même les vandales, ne s’y intéressent pas 95. » On pourrait dire aujourd’hui que cette insurrection créative reflète parfois un effet de mode mais l’origine du mouvement de l’Art urbain entraîne une profonde implication sociale des artistes dans le lieu commun, qu’elle soit consciente ou non. Cependant, la question du respect du lieu et de ses occupants conditionne l’acceptation de ces pratiques souvent provocatrices. S’il y a plainte, la mairie se voit alors obligée d’intervenir et de rendre au lieu son aspect d’origine. Là où il est possible de se questionner c’est lorsque le choix de la destruction ou de la conservation de l’œuvre est exprimé directement par les services publics de manière systématique. A Montpellier on peut observer depuis la fin du 20ème siècle une augmentation de la présence du Street-art dans la rue ainsi qu’un changement progressif du regard de la ville quant à ces intrusions visuelles dans l’espace public. On constate aujourd’hui que ces œuvres urbaines clandestines intéressent de plus en plus la municipalité pour l’attrait touristique qu’elles peuvent représenter. En effet, le Street-art est devenu très populaire dans la dernière décennie et peu attirer beaucoup de monde, ce qui représente un réel intérêt économique pour la commune. Ce phénomène met pourtant à jour un paradoxe : d’un côté on supprime une œuvre, de l’autre on en profite en la mettant en avant.

94 95

Daniel Buren, Op. cit. p. 29. Ibid., p. 30.

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« Montpellier est la seule ville de France qui a une brigade anti-tag et dont l’Office de tourisme organise des visites sur le graffiti. C’est étonnant, mais c’est un fait 96. » Ainsi on pourrait se poser les mêmes questions que pour les œuvres publiques officielles : quelle est la place de l’artiste dans ce système ? Quelles sont les conditions d’acceptation des œuvres? Mais à celles-ci s’en superposent de nouvelles concernant le cadre légal dans lequel ces pratiques s’inscrivent : est-il clairement écrit qu’il est adaptatif ? Comment les institutions justifient-elles leurs choix de légalisation? Dépendent-ils de l’œuvre ou du lieu ? Il peut parfois surprendre de voir une pièce disparaitre du jour au lendemain. A Montpellier, les objectifs du maire sont clairs : « rendre la ville plus belle et plus propre 97 », mais ce ne sont pas les services de la mairie qui s’en chargent, c’est l’entreprise Ciel-Vert qui a été désignée comme prestataire du nettoyage des lieux publics. Un système de nettoyage gratuit pour les habitants qui n’ont qu’à appeler ou envoyer un message pour que les travailleurs de la société interviennent. Mais à part le fonctionnement sur le principe des plaintes – qui par ailleurs ne sont pas répertoriées publiquement ce qui pourrait être utile, tout en respectant l’anonymat des plaignants – la destruction de certaines œuvres par l’entreprise reste encore un mystère. Préciser publiquement les conditions du nettoyage semble pourtant important quand on sait que « le budget annuel de la lutte anti-tags et affiches sauvage s’élève 1’200’000 €. Il faut ajouter à cela 60’000 € pour les prestations occasionnelles 98. » D’autre part, bien que les créations sauvages dans l’espace public ne soient pas vraiment maitrisables, elles peuvent être canalisées et limitées par l’attribution d’espaces ouverts à ces pratiques. Outre l’installation de murs ou de panneaux dédiés à cela – qui ne sont que peu appréciés des artistes à cause du “ cadre imposé “ – certains lieux emblématiques comme celui du canal du Verdanson finissent par acquérir un statut particulier. Son occupation par les créateurs au caractère toléré des autorités en a fait un lieu majeur du Street-art à Montpellier. Pourtant on ne connait pas trop le cadre légal exact de cette tolérance et de nombreux autres lieux délaissés de la ville pourraient être ouverts à la création. En effet la ville qui cherche à véhiculer l’image d’une “capitale du Street-art “ ne mène pas la vie simple aux artistes 99. Mais le problème du statut juridique des lieux et de la législation des pratiques du Street-art dans la rue ne se limite pas à la question de la conservation, il implique aussi celle du comportement des forces de l’ordre http://l-e-journal.fr/street-art-a-montpellier-vandale-ou-vendable https://e-metropolitain.fr/2016/10/27/montpellier-chasse-aux-affiches-sauvages/ 98 Idem. 99 https://ledoc-info.com/2017/07/30/street-art-montpellier-potentiel-gache/ 96 97

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qui peuvent être amenées à intervenir. En 2007, un jeune graffeur est mort d’une chute venant se rajouter à la liste des intrépides voulant échapper à l’arrestation. Cependant, il est tout de même important de souligner le fait que ces personnes agissent en conscience des dangers qu’ils prennent dans la pratique de leur art. Ils se confrontent aux risques de l’escalade et de la poursuite, dans le but de perpétuer leur conquête de l’espace urbain, alors qu’ils pourraient aussi pratiquer au sol. 2.2-Squats culturels, friches artistiques : quand le temporaire se pérennise De nombreuses appropriations spontanées voient le jour à cause de la situation de certains individus en précarité. Ils profitent des espaces délaissés par la ville ou des édifices à l’abandon pour s’y installer et subvenir à leur besoin de logement. Ce phénomène est accentué par la crise du logement, due au problème de pénurie foncière et ses résultats, comme la spéculation immobilière ou la simple augmentation des loyers. Pourtant on constate que de nombreux édifices encore en bon état, publics ou privés, restent inoccupés durant de longues durées, ce qui conforte certaines personnes dans la volonté de “squatter“, geste devenu parfois plus volontaire que subi. Mais ces occupations, malgré les conditions précaires dans lesquelles vivent le gens et la difficulté pour aménager le lieu et y perdurer, s’accompagnent souvent d’actions solidaires. De nouvelles Initiatives voient le jour, auxquelles se greffent des acteurs aux moyens plus importants, comme parfois certains riverains dont l’engagement social se voit accentué par la conscience des conditions d’occupation de ces lieux. S’en suit souvent la création d’associations par les personnes concernées qui viennent en aide aux personnes en difficulté et qui cherchent à véhiculer une image positive du projet. Cet accompagnement est nécessaire pour réunir les moyens d’aider ces populations souvent en difficultés administratives. Ainsi, dans un mouvement solidaire, ils profitent de la liberté régnant dans ces lieux nonofficiels pour créer du partage de ressources et de la diffusion culturelle gratuite et adaptée à ces individus coupés du système conventionnel. Dans une dynamique d’espoir apparaissent de nombreux projets d’aide qui passent par la création d’évènements culturels et solidaires. La réunion de ces nouveaux occupants avec les habitants qui s’intéressent à leur problème peut générer des opportunités de partage de connaissances et de savoir faire ouvert à tous. Ces lieux véhiculent un message clairement affiché dans la confrontation directe qu’ils ont face à la ville. Ils s’accompagnent souvent de moments de débats et de créations artistiques alternatives au système classique diffusé par les grandes instances culturelles. A l’opposé du phénomène d’élite culturelle que certaines galeries peuvent parfois soutenir par leurs choix éditoriaux, ils promeuvent la mixité des cultures, l’accès à la connaissance pour tous, l’ouverture d’esprit, les processus d’échange et le refus de la société marchande. 58


A Montpellier de nombreuses initiatives de cette sorte ont vu le jour mais se sont toujours heurtées au problème de l’expulsion autoritaire de la ville. Du point de vue des associations on peut compter plus de 50 squats montpelliérains alors que le préfet de l’Hérault Pierre de Bousquet affirme qu’ils ne représentent qu’une dizaine de lieux « illégalement occupés par plus de 15 personnes 100. » Pourtant, bien que certains restent encore inconnus, les squats existants sont généralement fermés assez rapidement après leur découverte. Un fait qui ne règle pas le problème, selon les dires d’un squatteur : « un squat qui ferme, c'est un autre qui ouvre 101. » Les occupations comme celles de Luttopia, la Maison Hantée, le Kalaj, le Royal occupé ou plus dernièrement la Soucoupe, sont bien représentatives de ces phénomènes. Ouverts pour plusieurs mois ou plusieurs années, ces squats montpelliérains on développés les uns après les autre de nombreuses initiatives de diffusion culturelle gratuite. L’exemple du Royal occupé est significatif : ancien cinéma occupé durant un an, ces habitants ont pu partager de nombreux projets avec les résidents de la ville. Projections, concerts, expositions, débats : autant d’actions gratuites basées sur un principe de participation libre qui ont permis à ses habitants d’occuper et d’animer ce lieu. Mais on constate finalement que malgré ces nombreuses tentatives, la constitution de lieux alternatifs et créatifs qui pourrait rentrer durablement dans le patrimoine de la ville est inexistante à Montpellier. La ville, dans la démonstration d’une certaine intolérance à l’existence des squats, ne laisse aucune place à ces établissements d’abord squattés puis ensuite devenus légaux. Des projets de la sorte on pu voir le jour dans d’autres villes et sont devenues intéressantes à l’échelle des quartiers (par exemple l’immeuble 59 Rivoli à Paris 102). Au même titre qu’un équipement culturel officiel, ils peuvent attirer de nombreux visiteurs et ainsi participer à la réalité économique de la ville. Le nouveau phénomène des “ friches culturelles “ entrant dans la logique d’un urbanisme transitoire est donc une solution à la non-occupation de certains de la ville. Projets initiés pour la plupart par le bas, c'est-à-dire par les squatteurs, les associations ou encore les artistes, finissent toujours par profiter aussi aux possesseurs des lieux et aux instances publiques. Ces initiatives prennent racines sur la base de la confiance entre acteurs et se concrétisent par une convention d’occupation précaire ou encore un bail emphytéotique, à titre gracieux ou à contribution symbolique. Ces nouveaux lieux publics de la création sont pourtant déjà controversés car ils peuvent se voir rapidement institutionnalisés dans un processus de marketing territorial qui dénature leur caractère libre et spontané. 100http://www.midilibre.fr/2013/06/04/squats-de-montpellier-1-6-un-squat-qui-ferme-c-est-un-autre-qui-

ouvre, 710432.php 101 Idem. 102 http://www.59rivoli.org/qui-nous-sommes/

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« Toujours guettés par la neutralisation de leurs pratiques, ces lieux doivent savoir rester agiles en gardant une nécessaire distance critique face à l’enthousiasme généralisé. C’est à cette condition qu’ils déjoueront le piège tout tracé de l’institutionnalisation : devenir soit un équipement soit un instrument 103. »

3-Les nouveaux médias : prolongement intemporel de l’espace public

Il semble évident qu’il faut se résoudre aujourd’hui au fait que par l’Internet, les nouveaux médias sont mobiles et nous accompagnent tout au long de notre traversée de l’espace public. L’impact et la place des réseaux sociaux dans la vie publique passent aussi par cette notion de mobilité. On peut alors confronter la vision d’Habermas – qui est celle « de la ville et de la cité 104» où se rendent perceptibles les rencontres physiques entre individus – avec une nouvelle définition du lieu public, qui se caractérise par une autre démarche : « celle des réseaux, que l’on peut définir comme une médiation institutionnelle et technologique de l’espace 105. » Ainsi, leur présence permanente et l’importance acquise par ces réseaux créent une rupture avec le contexte physique réel, et finissent par transformer l’espace public urbain. Ce processus prend racine dans le désintéressement relatif dont l’individu fait figure lorsque son attention dédiée au réseau surpasse celle pour son environnement direct. « Ce qui semble dominer les logiques qui orientent ces transformations de l’espace public est ce que l’on peut appeler sa « dématérialisation », voire son “ invisibilisation “. 106 » L‘espace public devient peu à peu une notion qui se détache de son contexte matériel pour s’attacher à son principe connecté car « au fur et à mesure de l’accroissement de la complexité des médiations qui le représentent, ce sont les modalités de l’appropriation de l’espace public et de l’acquisition de la maîtrise de ses usages qui deviennent elles-mêmes de plus en plus complexes 107. » A l’heure de la ville dite “ créative “, l’observation de ces phénomènes nous annonce déjà ses limites et le modèle qui tend à la remplacer. Paul Ardenne parle de l’ « espace culturel explosé 108 » dans le sens de la dissémination des présences artistiques et créatives dans la ville : https://www.enlargeyourparis.fr/friches-squats-legaux-urbanisme-transitoire Bernard Lamizet, « Nouveaux espaces publics », paragr. 33, Perspectives en communication Première partie, revue Communiquer, n°13, p. 15-31, UQAM, Département de communication sociale et politique, 2015. 105 Idem. 106 Ibid. paragr. 37. 107 Ibid. paragr. 39. 108 Paul Ardenne, « Une fiction complaisante ? », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.213. 103 104

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« Dissémination géographique d’abord : les « créatifs », sans relâche, sont en quête de lieux mieux adaptés à leurs besoins […] Dissémination symbolique ensuite, à laquelle la culture Internet contribue maximalement. […] Tout un chacun, grâce à l’Internet, télécharge ses données, partage, transfère et se crée une culture qui lui est propre. […] A terme, peu ou prou, toute politique culturelle est inadaptée, décontextualisée, sinon vaine 109. » Par conséquent, il est important de se questionner sur les réseaux sociaux et les nouveaux moyens de diffusion de l’art : le web est-il un nouveau type de galerie publique permanente? N’y a-t-il pas un réel danger à la dématérialisation des pratiques artistiques ? En cela l’intervention urbaine devient donc très importante dans le sens où elle extrait l’individu pour le replacer dans son contexte réel en jouant sur l’effet de curiosité.

4-L’installation artistique vectrice de réflexions et d’interactions sociales

4.1-Les artistes dans la rue mais pourquoi ? « L’art ne doit pas perdre de vue que son objet le plus vaste est de “révéler à la conscience les puissances de la vie spirituelle”. L’aiguisement des sens de l’artiste – aiguisement qu’il doit accroître par tous les moyens – lui permet aussi de révéler à la conscience collective ce qui doit être et ce qui sera. L’œuvre d’art n’est valable qu’autant que passent en elle les reflets tremblants du futur110. » Il semble ainsi, selon Walter Benjamin, que l’art dans son approche première joue un rôle dans la société humaine et développe une fonction qui est liée au questionnement de “ ce qui doit être et ce qui sera “, et donc implicitement ce qui ne doit pas être et ce qui ne sera pas. On peut donc parler d’une forme de recherche des limites du faisable dans le but d’augmenter la conscience du possible, personnelle d’abord pour l’artiste, puis collective au moment ou il partage son expérience. Dennis Oppenheim le rejoint en introduisant cette notion de limite du faisable ou du montrable, mais à cela il rajoute la dimension de visibilité et d’exploration d’un dehors de la galerie. En cela il se rapproche de la définition d’Habermas concernant l’espace public comme un lieu de l’information libre, et dans ce cas, artistique.

Paul Ardenne, Op. cit. p.213. Walter Benjamin en citant André Breton, texte supposé : L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, version de 1939. (http://www.zones-subversives.com/article-walterbanjamin-et-l-art-entre-marchandise-et-emancipation-115449268.html) 109 110

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« […] il me semble que l’une des fonctions principales de l’engament artistique est de repousser les limites de ce qui peut être fait et de montrer aux autres que l’art ne consiste pas seulement en la fabrication d’objets à placer dans des galeries ; qu’il peut exister, avec ce qui est situé en dehors de la galerie, un rapport artistique qu’il est précieux d’explorer 111. » La rue et le lieu public deviennent alors à la fois un sujet et un support de l’expérimentation artistique au pouvoir révélateur et visible de tous, d’autant plus dans nos sociétés modernes où cette visibilité se voit prolongée par les nouveaux médias qui diffusent en permanence. Il y a pourtant une nuance à émettre quant à cette importance de l’expérimentation lorsqu’on introduit la notion de vie démocratique et donc du respect d’autrui. Bien qu’importante à observer, cette expérience pourra questionner, satisfaire ou parfois choquer certains individus et il est impossible d’y imaginer l’acte artistique comme totalitaire et autoritaire dans une temporalité prolongée. L’expérience vécue devra donc se placer dans un laps de temps défini – bien qu’extensible par sa visibilité sur le réseau Internet – et une fois seulement qu’elle a pu être intégrée et comprise par la majorité des individus, alors sa condition d’installation pérenne pourra être débattue. Cependant de nombreux sujets sont déjà apparus dans l’espace public et méritent aujourd’hui de s’affronter à l’expérience artistique pour vérifier leur véritable sens aux yeux au du grand public de la ville. Pour exemple, les apparitions massives de “ pub “ comme procédé de promotion privé qui se sont vues développées à outrance par la société de consommation sont aujourd’hui la cible de nombreux artistes. Ils cherchent alors à poser la question de leur place dans la sphère publique en la confrontant au geste artistique engagé.

A Montpellier comme ailleurs on a largement pu observer ces actions “ anti-pub “ et le débat généré a abouti à de belles initiatives. Dans la première partie de ce mémoire on a pu voir que Montpellier a accordé l’initiative à l’association Cercle Rouge de remplacer temporairement les pubs de l’arrêt de tramway du Corum par les œuvres de divers artistes. Mais certaines villes vont plus loin, Grenoble par exemple a littéralement supprimé l’affichage publicitaire de l’agglomération pour y planter des arbres à la place. La ville de São Paulo au Brésil à fait de même et ces espaces alors libérés ont été ouverts à la création : peintures et photographies ont désormais envahit l’espace public. 111

Dennis Oppenheim en 1969, cité par Ardenne Paul, Un Art contextuel, Flammarion, 2002, p.36.

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Certains détournements des lieux peuvent entraîner un débat sur le statut et les usages de ces derniers dans le but d’une éventuelle amélioration future, ou d’un réemploi du lieu. L’initiative bien connue des “ parking days “ en fait partie mais on peut aussi observer des événements de cet ordre à plus grande échelle grâce à l’implication des artistes dans le processus, comme à Lausanne par exemple : « La transformation d’un carrefour en espace public apaisé, le temps d’un événement temporaire, a contribué à la réflexion en amont sur le devenir de cet espace public. Le détournement temporaire de l’espace en a révélé les enjeux tout en testant des dispositifs de limitation de la circulation, contribuant ainsi aux discussions avec les riverains et commerçants concernés 112. » On peut imaginer la même démarche à l’échelle de Montpellier appliquée à des espaces comme les giratoires par exemple, qui sont souvent des immenses “ no man’s land “. Et que se passerait-il si on décidait de questionner une installation artistique telle que « Hommage à Confucius » de Alain Jacquet sur le rond point de la faculté de sciences ? « L’intervention des créateurs remet la question des usages de l’espace au centre de l’action urbaine, en les révélant ou en en proposant de nouveaux 113. » Par conséquent, ces actions artistiques sont infinies : l’art est dans la rue pour parler, pour questionner, pour discuter, pour provoquer, pour montrer, pour s’exclamer, pour partager, pour sublimer, pour faire vivre, pour aider, pour construire ou encore participer à la ville… 4.2-Conditions de la création dans l’espace public On a pu voir que l’expression artistique dans l’espace public ne relève pas des mêmes conditions que celles dans le musée. Par ailleurs on observe certaines ambigüités du langage et des appellations pour dénommer l’art dans la rue et l’art dans le musée. Mais ces décalages sont aussi les indices de la différenciation de ces deux pratiques. Artistes et décideurs doivent être conscients de cette distinction lorsqu’un projet s’envisage. Ils doivent les considérer comme deux approches éloignées par la contrainte de la visibilité universelle. « Oublier ce truisme, c’est se heurter immédiatement à de pénibles incompréhensions et à des erreurs monumentales, des conflits obligatoires et toujours néfastes. Parmi ceux-ci, celui de Richard Serra avec la ville de New York me semble être l’exemple par excellence de tout ce qu’il ne faudrait ne pas faire, du côté du commanditaire comme du côté de l’artiste114. »

Elsa vivant, « Faire la ville avec les créateurs ? », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.227. 113 Idem. 114 Daniel Buren, Op. cit. p. 35. 112

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A ces conditions d’expression consciente des artistes dans l’espace public s’ajoutent celles établies par la ville elle-même. De l’ordre de la loi, la norme, ou la règle urbaine, elles sont mises en place à l’échelle nationale ainsi qu’à l’échelle locale. Ces dernières contraignent l’artiste voulant créer de manière officielle dans l’espace public à se soumettre à un ensemble de critères et à présenter son travail aux autorités en amont de l’installation pour qu’elles le valident. Bien que possiblement discutables avec les responsables politiques, ces « contraintes obligatoires, draconiennes 115 » sont les limites réglementaires auxquelles la création doit faire face, notamment concernant les conditions de sécurisation de l’intervention. En cela la pratique artistique dans l’espace développe un nouveau rapport à celle de l’architecture qui émerge de ces mêmes contraintes environnementales. 4.3-Un nouveau lien entre art et architecture Ce nouveau lien émerge du principe de création dans un espace physique existant avec ces composantes environnementales, spatiales, matérielles, sociales, politiques et parfois même budgétaires. Il passe par la création dans un milieu vivant et contraignant. La responsabilité de l’artiste devient plus lourde, et l’expression artistique, censée toujours vouloir “ dire “ quelque chose, devient un geste démocratique (ou anti-démocratique). Dans tous les cas l’œuvre se place dans une relation au lieu et à ceux qui l’habitent. Au même titre que le bâtiment d’un architecte, l’installation d’un artiste devient alors une proposition concrète qui peut alors générer toutes sortes de situations dans l’espace urbain. Ces nouvelles conditions poussent parfois à la collaboration entre les deux praticiens qui peuvent trouver avantage à cette réflexion commune, tant pour l’un que pour l’autre. Certaines collaborations peuvent se poursuivre sur des décennies prolongeant alors la réflexion dans une volonté de recherche commune et continue, parfois aussi de l’ordre de l’entraide. C’est le cas de l’architecte Patrick Bouchain qui travaille depuis maintenant plus de vingt ans sur les projets de l’artiste in situ Daniel Buren.

5-L’art investit l’habitant, le passant (dans la ville)

5.1-L’installation prend place dans un milieu vivant Dans la ville contemporaine, la création au sein des espaces publics apparait de manière complexe et dépendante de ses occupants. C’est en 115

Daniel Buren, Op. cit. p. 23.

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effet son caractère vivant qui définit la difficulté d’y intervenir de manière juste, car il ne représente pas une image figée mais bel et bien en mouvement, en constante évolution. Il est nécessaire d’avoir conscience qu’à ce truisme il faut rajouter celui de la diversité des points de vue des individus qui le parcourent. Ainsi, l’intervention artistique de nature permanente devra s’immiscer dans cet univers mouvant et y trouver sa place dans le temps. « La rue n’est pas un territoire conquis. Au mieux, un terrain à conquérir et pour se faire il faut d’autres armes que celles forgées depuis un siècle dans l’habitude parfois complaisante du musée 116. » L’artiste, s’il cherche l’acceptation de son intervention par la sphère publique, doit donc fournir un nouvel effort en adaptant son comportement. Vivant, l’espace bouge, se transforme, et parfois c’est l’installation elle-même qui développe ce principe de mobilité, modularité. A l’inverse, si elle apparait statique, ce sont alors les usagers qui la rendent vivante et qui la font exister, ne serait-ce qu’en la regardant. « Sortir l’œuvre de la caverne, c’est en modifier la nature, passer de la forme qui recherche ou produit l’effet plastique à une forme qui épouse les faits concrets pour rendre compte, pour mieux les mettre en perspective ou les soumettre à un examen critique. L’artiste, dans le même mouvement, se définissant comme un être de proximité117. » Face à ces nouvelles conditions de création apparaissent aussi de nouvelles possibilités : l’installation peut avoir de nombreux objectifs et inviter le passant à adopter certains comportements induits par l’action de l’artiste. Ce dernier peut donc prendre part aux problématiques urbaines et par son travail, aider à leur étude ou même leur résolution. 5.2-L’art pour les gens, par les gens D’après Daniel Buren, l’autonomie de l’œuvre n’existe pas, ou peu, seulement dans le contexte neutralisé du musée. Son travail, qualifié par luimême comme in situ, est dévoué depuis la fin des années 1960 à la démonstration de cette affirmation. D’autre part, selon lui l’espace public a comme avantage de « réduire à néant toutes velléités d’une autonomie quelconque de l’œuvre qui s’y expose 118. » En acceptant cette nouvelle perte d’autonomie de l’œuvre, qu’elle soit construite durablement ou installée temporairement, l’intervention urbaine dans l’espace public de la ville se constitue avec son environnement directe et indirect. L’artiste rentre en contact avec le lieu et ses occupants par le biais de la création. Daniel Buren, Op. cit. p. 44. Paul Ardenne, Un Art contextuel, Flammarion, 2002, p.36. 118 Daniel Buren, Op. cit. p. 74. 116 117

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« Ouvrir le sens et la portée de l’œuvre d’art, recourir pour ce faire à des gestes réclamant un authentique contact, c’est réévaluer la notion de « société ». C’est vider cette dernière de tout caractère abstrait et, pour l’artiste, se confronter à elle sur le mode du contact 119. » Bien qu’il y ait un effort à fournir de la part des créateurs, le visiteur aussi doit se mettre en condition de bonne réception. Avec ses qualités, sa culture, sa notion de beau, qu’il soit amateur initié ou non, grâce à l’effort qu’il fournit à l’abord de l’objet il accède à une forme de compréhension en se l’appropriant et peut ainsi développer sa propre vision de l’œuvre, s’y retrouver. « Le spectateur doit inventer, avancer à tâtons. Inventer son chemin presque autant que l’artiste lui-même tente de trouver le sien. Devenir son collaborateur 120. » Les projets d’aménagements culturels ou d’installations artistiques au sein de l’espace public peuvent aussi voir le jour dans une démarche collaborative ou/et participative qui peut littéralement augmenter l’appropriation du lieu par ces habitants. 5.3-L’initiative artistique à l’origine d’une qualité urbaine Les projets en collaboration avec les instances publiques locales sont intéressants dans la mesure où ils questionnent les possibilités d’occupation des lieux publics. Ils démontrent par leur réalisation, que les espaces urbains, si on les ouvre à l’appropriation artistique ou créative, prennent alors une toute autre dimension et investissent les habitants dans leur ville. Les différents acteurs du projet peuvent le voir évoluer et participer au débat en collaboration directe avec les créateurs, dans une relation de confiance grâce aux réunions en amont de la réalisation. Ainsi, artistes, décideurs et usagers s’accordent sur les nouveaux usages du lieu et de son aspect. Mais c’est lorsque l’initiative vient directement des créateurs et qu’elle se manifeste temporairement que les projets prennent alors une réelle dimension participative. L’intervention, se passant ainsi des contraintes liées à la pérennité, peut apparaitre de mille formes y compris dans des pratiques nécessitant peu de compétences techniques et qui se rendent alors accessibles à toutes et tous. C’est dans cette situation où le processus de participation est le plus fort : le spectateur quitte son statut de simple observateur pour devenir acteur. A Montpellier, quelques associations ou collectifs de créateurs tentent d’initier peu à peu ces pratiques dans l’espace urbain. Collaboratives ou participatives, elles ont déjà pu se rendre visibles dans certains lieux publics de la ville.

119 120

Paul Ardenne, Op. cit. p.31. Daniel Buren, Op. cit. p. 49.

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Pour ne citer que quelques exemples, l’association Mama Sound 121 organise régulièrement des événements sur un ou deux jours dans les parcs de Montpellier. Ils y mettent en place des concerts, des spectacles, des expositions, installations et autres pratiques artistiques accessibles gratuitement et pour tous. Le collectif Parenthèse 122 a organisé différents types d’événements et installations dans les espaces publics du centre de Montpellier, comme leurs projets « On a sauvé les murs » ou « Do you read me ? » Dernièrement c’est le collectif U//Lab 123 qui a focalisé son travail sur les faubourgs et périphéries comme pour le projet « Maison des sages » à la Paillade et leur action Place Salengro.

Comme on le voit ici, ces démarches ont pu investir peu à peu la ville mais sont souvent compliquées par les autorités locales qui restent encore timides dans l’acceptation ou l’impulsion des projets. De plus on peut remarquer que ces interventions s’inscrivent toujours dans un temps relativement court et que leur fréquence est encore faible. Bien que l’action éphémère permanente puisse être une solution à la création en milieu urbain, il faudrait au moins qu’il s’agisse vraiment d’un foisonnement soutenu par la ville. Mais dans ce cas il est tout de même intéressant de se demander comment ces pratiques peuvent-elles participer http://www.mamasound.fr/ http://www.collectifparenthese.com/ 123 https://u-lab.co/ 121 122

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à la création pérenne dans les lieux publics : l’intervention temporaire déjà apprivoisée par les usagers ne peut-elle pas générer la création d’un projet pérenne ? Malgré la tendance à promouvoir les pratiques d’occupations artistiques temporaires dans l’espace public, et à l’exception de certaines fresques disséminées dans la ville, on ne trouve à Montpellier encore aucun exemple de projets devenus pérennes à partir de l’action temporaire des créateurs. Le projet de la place Mazagran à Lyon nous montre pourtant les possibilités développées par ces nouvelles manières de concevoir l’espace public, en collaboration entre les créateurs et les usagers avec le champ libre des autorités locales. En 2003, dans le cadre de la politique de la ville, la Galerie d’art contemporain Tator a passé commande à l’artiste jardinier Emmanuel Louisgrand pour investir temporairement un parking sauvage du quartier de la Guillotière. Face au succès rencontré une association est créée pour assurer la pérennité de cet espace de verdure, l’îlot d’Amaranthes. Avec le soutien des partenaires publics et des habitants, le premier jardin va s’agrandir jusqu’en 2008 où se rajoutent un jardin partagé utilisé par une association d’habitants, une terrasse de café́ associatif, des arbres et une placette. Mais c’est en 2011 que la mairie entre en scène et lance un projet d’aménagement de l’espace public à grand budget et organise alors des réunions publiques. Après une longue période de concertation et plusieurs propositions, les travaux d’aménagement de la place Mazagran débutent au printemps 2014 et finiront un an après. « La création d’un jardin artistique à Lyon, dans le quartier Mazagran, oblige la collectivité (le Grand Lyon) à repenser son mode opératoire en matière de créations d’espaces publics, bouleversant des savoir-faire acquis et reconnus. Ces pratiques exploratoires invitent à imaginer d’autres dispositifs pour expérimenter, tester, identifier et évaluer l’apport des créateurs au processus de production de la ville 124. » Dans ce cas de figure on peut souligner que les artistes agissent plus comme des traducteurs que des créateurs, cherchant alors à révéler le lieu, le « faire parler » au travers de leur travail, pour tenter de faire apparaitre son histoire ou sa vocation à partir du quotidien des habitants qui y vivent.

Elsa vivant, « Faire la ville avec les créateurs ? », La ville des créateurs, sous la direction de JeanJacques Terrin, Marseille, Parenthèse, 2012, p.231.

124

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CCL.

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Conclusion

« Au demeurant, ces initiatives sporadiques nous rappellent qu’à l’ombre des grands récits qui ne cessent de monopoliser la quête de notoriété des métropoles, les pratiques artistiques et culturelles représentent un réservoir de sens dont il faut savoir se saisir pour construire la ville de demain 125. »

Si la ville était un organisme, la création artistique pourrait alors s’apparenter à la fois à son infection et à son remède, capable d’en soulever les problèmes, de parasiter l’espace, mais aussi de l’adoucir et de lui donner un sens, une vie. Par rapport à son engagement culturel voulu dynamique et diversifié, la ville de Montpellier fait pourtant preuve de timidité quant à l’intégration des pratiques artistiques dans la vie et la création de l’espace urbain. Malgré l’apparition d’événements comme la Z.A.T. en 2010 et l’apparente ouverture aux pratiques artistiques dans la rue, cela reste aujourd’hui difficile d’intervenir de manière spontanée dans l’espace public de la ville. Pourtant, de nombreux exemples nous montrent la richesse de ces projets et les avantages qu’ils peuvent apporter dans la gestion du territoire. Ces exemples sont déjà visibles en France comme on l’a vu mais existent depuis déjà longtemps dans d’autres communautés (en Amérique du sud par exemple). Bien que certains comportements puissent causer des problèmes de gestion de l’ordre et de propreté, les interventions artistiques dans l’espace public représentent un moyen d’expression vecteur de phénomènes positifs, pour la ville et ses habitants. Leur prise en considération génère le dialogue, et peut donc aider à résoudre les problèmes dont ils font l’objet. Les enjeux de l’intégration des pratiques artistiques dans les espaces publics urbains sont donc multiples, et concernent un ensemble de critères intéressants dont je me propose de citer quelques exemples… Parmi eux, l’amélioration du cadre de vie et des interactions sociales, l’occupation et l’entretien des lieux délaissés, l’éducation culturelle gratuite, la sensibilisation aux sujets importants de la ville, la création d’un nouveau corps de recherche collaborative, des réflexions et expérimentations urbaines, la valorisation des savoir-faire, l’attractivité économique, la mise en relation des différents acteurs de la ville, la valorisation du patrimoine, etc.

125 Charles Ambrosino, « Ces esthétiques qui fabriquent la ville », La ville des créateurs, sous la direction de Jean-Jacques Terrin, Marseille, Parenthèses, 2012, p.199.

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Dans cette optique il est donc important de montrer que si on amène intelligemment les instances publiques de nos villes à prendre conscience de ces possibilités (bien que cela remette en question leur organisation plus « classique »), elles peuvent alors rentrer dans le processus créatif et accepter les initiatives, ou encore proposer sans instrumentaliser. On aura compris que les villes peuvent véritablement tirer avantage de ce choix qui vise à ouvrir leur rapport à l’occupation du domaine public sans pour autant en perdre le total contrôle. On aura compris aussi que, lorsqu’elles jouent un rôle de soutien aux projets et à leurs diversités, cela ne lui coûte pas plus cher, et ne l’empêche pas de continuer à construire des établissements culturels en menant de son côté une politique plus conventionnelle, traditionnelle (il en faut pour tout le monde…). On aura compris par ailleurs que la métropole montpelliéraine doit investir plus d’énergie dans la réflexion sur la forme que pourraient prendre les nouveaux lieux publics de partage et de pratique artistique libérée. On aura compris enfin, que l’objet de ce mémoire est donc la documentation et la recherche des conditions d’applications de ces utopies concrètes, pour tenter de les appliquer à la ville de Montpellier dans un travail de projet. Ainsi on pourra le qualifier de socle théorique à l’expérimentation dessinée que mon projet final d’étude va tenter de traiter. Le défi de cet exercice sera de ne pas tomber dans le piège de l’institutionnalisation globale des espaces publics. Espaces qui devront restés, dans cette logique, comme des ardoises où l’expérimentation est maîtresse d’un dessin qui se recompose sans cesse, mais où parfois l’éphémère devient pérenne.

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Remerciements Je tiens particulièrement à remercier : Eric Watier pour son suivi et son appui tout au long de l’année, Lisa pour son aide et son soutient précieux, Rémi pour m’avoir prêté le livre La ville des créateurs, Hugo, Antoine et Louis pour les bons conseils et leur accueil chaleureux, Lamine pour son full-support dans la dernière ligne droite, Ma famille pour le moral et les corrections. Valentin Garcia

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Vidéographie Ardenne Paul, conférence, "mon corps en ville", 2012. Bonneaud Vincent, Revouy François, Street Art - Salamech / Al Sticking / Smole - exposition "Parcours" @ Montpellier, Reportage et interviews, 2012. Caubel Christophe, ZEVS covering, documentaire, France 2, 2006. Dion Cyril, Laurent Mélanie, Demain, documentaire, 2015. Sosno Sasha, interview 640, Marilia de Laroche, 2002.

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Iconographie 17

Secchi Bernardo ; Viganò Paola, carte du SCOT (Schéma de cohérence territoriale) de Montpellier à l’horizon 2020, Rapport d’étude pour la tranche ferme, concours pour l’élaboration du projet urbain de la ville de Montpellier, Milan, Studio 012, 2012, p. 21.

19

Cesari, Benoit, aka Bnito, « Carte d’illustration de la ville de Montpellier » illustration, 2016.

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Photographies Montpellier vielle ville, rue Voltaire, rue de l’Ancien Courrier, rue Joubert.

21

Caron, Armelle, « Villes rangées, Montpellier », 2014 © Armelle Caron

22

La place de la Comédie avant et après sa piétonnisation. A gauche : la place des années 1960, photographie de la collection Paul Génelot. A droite : la place piétonne des années 2000 (photo du site de la ville http://www.montpellier-tourisme.fr).

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A gauche : Jacquet, Alain, « Hommage à Confucius », 2000, commande publique, avenue Augustin-Fliche, quartier des Universités Sciences et Lettres, Montpellier, photographie (auteur inconnu). A droite : Gerdes, Ludger, artiste allemand, « Sans titre », 2000, commande publique, place d’Ernest Granier à l’intersection de l’avenue Mondial 98 et de l’avenue de Boirargues, Montpellier, photographie d’Elodie Ratsimbazafy.

26

Bury, Pol, « Colonnes », 1974, entrée du campus Triolet, place Eugène Bataillon, Montpellier, photographie (auteur inconnu).

27

Exposition du cabinet Superstudio au FRAC de Montpellier, 2016, photographie de Pierre Schwartz

28

La Panacée, Montpellier, photographie du restaurant imaginé par Pierre Schneider et François Wunschel, années 2000, photographie (auteur inconnu)

29

A gauche et au centre : Compagnie Willi Dorner, 2010, « Bodies in urban spaces », quartier d’Antigone, Montpellier, ZAT #1, 2 photographies d’Agathe Salem et Marc Abed A droite : Lorbeer, Johan, 2010, « Tarzan », quartier d’Antigone, Montpellier, ZAT #1, photographie d’Agathe Salem et Marc Abed

31

2016, « Art Station : un peu d’art dans ce monde de pub», station de tramway Corum, Montpellier, 3 photographies publiées par Busk Magasine 78


33

Comblement progressif des bras de Loire. Source : projet Rives de Loire)

34

Bloc-diagramme du centre de Nantes, «la ville rivulaire» in Atlas des paysages de Loire-Atlantique © www.paysages.loire-atlantique.gouv.fr

35

Dans le sens de lecture : Ré-aménagement du cours Olivier de Clisson, Nantes © www.wikipedia.org Barto + Barto, Passerelle Schoelcher, trait d’union entre le centre historique et l’île de Nantes, 2001 © www.iledenantes.com Espace public piétons et cycles de quartier Malakoff, aux abords de la petite amazonie, Nantes, photo personnelle Atelier de paysages Bruel Delmar, Le mail Haroun Tazieff et le canal de recueil des eaux pluviales, Eco-quartier Bottière-Chênaie, Nantes, 20052010 Fortier, Bruno, Le miroir d’eau, Nantes, 2015 © www.wikipedia.org

37

Corbineau, Antoine, A Map of Nantes (zoom sur l’île de Nantes) © Antoine Corbineau

38

A gauche: Atelier de l’île de Nantes, espace public du Parc des Chantiers, 2009, au fond, les Ateliers des Machines île de Nantes, Photo personnelle A droite: Atelier de l’île de Nantes, espace public du Parc des Chantiers, 2009, Exposition L’art est aux Nefs, 2015, photographie de Sandrine Merrien

39

Buren Daniel, Les Anneaux et le quai du Hangar à Bananes, Nantes, juillet 2017, photo personnelle

40

A droite : Lacaton et Vassal, Ecole d’architecture de Nantes, 2009, Nantes, © Lacatonvassal A gauche : T/E/S/S, reconversion des anciennes halles Alstom 4&5 en Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole, 2013/2017 Nantes © tess En bas : Atelier Van Lieshout, L’Absence, 2009, © Atelier Van Lieshout

41

Le Quartier de la Creation de l’île de Nantes, en cours © www.nantes.fr

42

Dans le sens de lecture : Mauger Vincent, Résolution des Forces en Présence, Place du Bouffay, Nantes, 2014, photographie de Martin Argyroglo © Martin Argyroglo photographe 79


Pernont Laurent, La terre où les Arbres Rêvent, 2017, Place Royale, Nantes Ponti Claude, Les bancs, Jardin des Plantes, Nantes, 2013 Ponti Claude, Dépodépo, Jardin des Plantes, Nantes, 2016 43

Robert Tangui & Tact Architectes, Paysage Glissé, Château des Ducs, Nantes, 2017 © tact-architectes

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Photo personnelle, Péage Sauvage, œuvre de l’Observatorium – Rotterdam – Pays-Bas, quartier Malakoff, Nantes, juillet 2017.

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Compagnie la machine, Le Grand Elephant, Les machines de l’île de Nantes, 2007

51

En haut: Space Invader & Zevs, Attack of Montpellier, 1999 En bas : Tremblin Mathieu, avant/après l’installation d’un de ses Tag Clouds, 2010

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Les encubeurs anonymes, Place des Grands Hommes, Montpellier, 2005 & 2010

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de gauche à droite : Buren Daniel, affichage sauvage recouvrant cinq affiches publicitaires, Paris,1969 Id. Zevs, It’s a Wonderful world.com, Paris, 15 décembre 2017 Zevs, Liquidated Logos, Paris, 2015

67

Dans le sens de lecture : Collectif Parenthèses, installation pour « on a sauvé les murs », Montpellier, du 10 mars au 11 mai 2014 Id. U-Lab, construction « atelier n°10 » : la maison des sages, quartier de la Paillade, Montpellier, 2016 U-Lab, construction « l’atelier n°6 » : la maison des sages, quartier de la Paillade, Montpellier, 2016

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