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La performance anti-crise de l’utilité sociale

ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE La performance anti-crise de l’utilité sociale

C’est une économie différente qui tient toute sa place dans les Hauts-de-France. Elle active plus de 200 000 travailleurs dans le sanitaire et social, l’éducation, l’insertion, le sport, la culture ou la communication. La génétique du mode coopératif et de l’esprit mutualiste continue de faire ses preuves dans la région

«Je suis très agréablement surprise, observe Hager Khezami, la directrice de la caisse régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS). Je n’ai même jamais connu ça, un nombre aussi important de reconversions en faveur de l’ESS. Avec la crise, l’an passé, nous avons accueilli de nombreux porteurs de projet voulant donner un nouveau sens à leur vie professionnelle. »

L’économie sociale et solidaire recense environ 10 % des emplois régionaux avec 350 créations d’entreprise en 2020 et près de 500 estimées en 2021. Le réseau Tremplin, qui les accompagne, ne chôme pas. Composé de 24 structures de l’insertion ou services aux personnes, des boutiques de gestion espace (BGE) aux crèches, il multiplie les interventions, soulagé du maintien, voire du développement des activités en temps de Covid. Dans l’ESS, 60 % des emplois sont situés dans les métiers du sanitaire et du social, autant dire des secteurs premiers de corvée, les fameuses « premières lignes » face au Covid.

Aides-soignants, aides ménagères, salariés de l’insertion, du soutien aux personnes âgées ou handicapées, aux jeunes... Tous ces métiers ont accusé le coup. En ce début d’année, on recensait la perte de 3 640 postes dans la région, une situation inédite car les créations d’emploi ont toujours été plus importantes que les destructions depuis 2014. « Certes, une grande partie des emplois perdus ont été retrouvés avec les déconfi nements dans la restauration, le sport, la culture ou la jeunesse », souligne Hager Khezami.

À l’échelle territoriale

Une situation globalement restaurée donc et un essor des projets. En proportion, l’ESS aurait beaucoup mieux amorti le choc des confi nements que les entreprises plus traditionnelles qui ne mettent pas en priorité la recherche de l’utilité sociale ou du bien commun. L’une des raisons tient au statut de délégation de service public souvent attribué aux acteurs solidaires et sociaux. Si la crise a pu condamner les plus fragiles, en général le modèle économique de la délégation a pu jouer son rôle protecteur en assurant notamment le paiement des salaires et en stimulant l’activité. Asteria (services de soins à domicile à Somain et à Lille) a fait passer son effectif de 10 à 60 salariés. ID Formation, premier acteur ESS de la formation au nord de Paris a franchi la barre des 500 salariés. Entre autres exemples... Point de rencontre et de convergence, la nouvelle plate-forme Esshdf.org est ainsi davantage fréquentée. Construite en lien étroit avec les services de l’état, elle stimule les projets, met en valeur les ambassadeurs de l’ESS, comme Refl ets d’Opale, cette fondation née cette année à l’initiative d’une vingtaine d’entreprises du littoral pour soutenir les projets d’intérêt général. Car l’échelle de l’ESS est avant tout territoriale : les projets doivent avoir un impact direct dans les bassins de vie.

200 000

L’économie sociale et solidaire concerne 200 000 emplois dans les Hauts-de-France, les deux tiers dans le Nord et le Pas-de-Calais, un quart dans la métropole lilloise.

16 000

L’économie sociale et solidaire compte 16 000 entreprises dans la région dont 400 innovantes pour une masse salariale brut de 6 milliards d’euros par an. 80 % des employeurs sont associatifs

Évident ! rassemble déjà plus d’une cinquantaine d’entrepreneurs sociaux en quête d’innovation.

La chambre régionale de métiers et de l’artisanat travaille avec la CRESS sur le développement des reprises d’activité en mode coopératif, via notamment les fonds de commerce des petits magasins et artisans. Du pur local : Abbeville utilise ce biais pour tenter de revitaliser son centre-ville. La communauté urbaine de Dunkerque s’associe à la BGE qui accompagne les créateurs d’entreprise. Objectif : développer l’économie, encore locale. à Lens, on s’interroge sur la création d’activités agricoles sociales et solidaires. Des écopoles surgissent, déjà une quinzaine dans la région, alors qu’un grand chantier s’est récemment ouvert avec l’Ademe, l’agence de l’environnement, l’état et la Région sur la transition écologique et sociale dans les Hauts-de-France. Là encore, prime au local, au service de toute la région.

Évident ! L’incubateur de l’innovation sociale et solidaire

Évident ! L’incubateur créé il y a trois ans à Lille au sein d’Initiatives ET cité (premier cluster de l’économie sociale et solidaire dans le Nord et le Pas-de-Calais) rassemble déjà plus d’une cinquantaine d’entrepreneurs sociaux en quête d’innovation. Ce groupement spécialisé dans l’accompagnement de projets complexes avait besoin de cet incubateur, le plus important de la région, qui entame sa cinquième session autour des thèmes transversaux du « care » (aide aux publics fragiles, solidarité, handicap, inclusion, économie des seniors) et de la transition écologique (économie circulaire, circuits courts, effi cience énergétique). Évident ! accueille une communauté régénérante de porteurs de projet à fort impact social dans les territoires de la région, intervenant dans des champs aussi variés que les maraîchages, les recyclages et reémplois, les circuits courts alimentaires, les aides aux plus démunis, le zéro déchet, la plantation d’arbres, etc.

• Yannick Boucher

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