Marcel Nouzille Mars 2008
QUEL AVENIR POUR L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE FRANÇAIS ? ( Essai de réflexion )
"Au risque d'intervenir dans un domaine qui n'était pas et n'est pas le mien, et au risque de me répéter, je persiste à penser qu'ils n'avaient pas résolu et qu'ils n'ont pas encore résolu un problème interne à l'Eglise, celui de la place d'une école catholique dans l'ensemble des missions que l'Eglise s'assigne et revendique : évangélisation ou réponse à une demande de "consommateurs " même si ce terme peut paraître vulgaire…" (Alain Savary, ministre de l'éducation nationale, dans son ouvrage "En toute liberté", page 172. Hachette 85)
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SOMMAIRE
Etat des lieux 1 – Quand un archevêque lance un pavé dans la mare. 2 – Le contexte religieux et social. 3 – Les familles et les jeunes. 4 – Quels responsables pour les établissements ? 5 – Les exigences de la loi. 6 – Tutelles et directions diocésaines. 7 – Le monde des enseignants. 8 – Les problèmes de gestion. 9 – Quant à l'enseignement public…
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Premières conclusions 1 – Une situation à tout le moins confuse. 2 – Compliquée par l'évolution des mentalités. 3 – Avec des composantes difficiles à évaluer.
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Perspective et prospective 1 – Contingence de l'enseignement catholique. 2 – Spécificité de l'enseignement catholique. 3 – Dérives et tentations. 4 – Les choix à faire. 5 – Avec quelle prospective ? 6 – Les obstacles à vaincre. 7 – Les atouts en main. 8 – Qu'en est-il du caractère propre ?
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Pour répondre à la question 1 – Quel avenir ? 2 – Y a-t-il une voie nouvelle à chercher ? 3 – Une nouvelle approche du contrat d'association.
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Coda
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Annexes
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ETAT DES LIEUX
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1 – Quand un archevêque lance un pavé dans la mare…
A la fin de l'été 2006 la presse s'est fait l'écho d'une initiative insolite de l'archevêque d'Avignon. Monseigneur Cattenoz venait de rendre publique une "Charte diocésaine de l'enseignement catholique", promulguée ad experimentum pour trois ans, charte dans laquelle il énonce la vision de l'enseignement catholique qu'il entend promouvoir dans son diocèse. Ce document ne manquait pas d'être surprenant dans diverses propositions de son contenu et il paraissait même parfois ignorer la législation actuelle qui régit les établissements catholiques sous contrat avec l'Etat. A l'occasion de la rentrée scolaire 2007, l'archevêque a encore "chanté en dehors du chœur" en affirmant sur le même dossier : "Les évêques font fausse route" et en martelant aussi qu'il fallait "dégraisser le mammouth de l'enseignement catholique". Ce point de vue était complété par une proposition de réaménagement des contrats entre l'Etat, l'Eglise et l'enseignement privé. (Lire "Le monde de l'éducation", numéro de septembre/octobre 2007). Ces positions ne pouvaient pas rester sans écho au moment où la conférence des évêques de France s'apprêtait à recevoir le nouveau Secrétaire Général de l'enseignement catholique lors de son assemblée de Lourdes, et dans un contexte où on annonçait qu'une fois de plus l'enseignement catholique ne pourrait pas répondre à toutes les demandes d'inscription nouvelles. (Soit dit en passant, ce constat de quelque 35000 demandes non satisfaites n'est pas partagé dans toutes les régions de France et n'est pas sans ambiguïté). Comme on le constate souvent en pareil cas, l'archevêque d'Avignon a été amené à nuancer ses propos. A l'incompréhension, voire à l'indignation de ses confrères en épiscopat, il a opposé sa totale solidarité avec eux et avec les responsables nationaux de l'enseignement catholique, tout en précisant qu'il disait peut-être à voix haute ce que plusieurs collègues murmuraient plus discrètement entre eux. Sans oublier que, eu égard à l'implantation très diverse de l'enseignement catholique en France, et compte tenu de la sensibilité de chaque évêque, le devenir de cette institution ne préoccupe pas semblablement chacun d'entre eux. Mais, et c'est une innovation, la conférence des évêques a décidé de créer un groupe de travail sur cette question. Il n'en reste pas moins que ce questionnement, porté sur la place publique par un évêque de France, n'est peut-être pas à tenir pour inintéressant ou négligeable. Sans épouser a priori les thèses de monseigneur Cattenoz, dont il faudrait commencer par approfondir les raisons, il existe quand même une opportunité de s'interroger sur l'évolution de l'enseignement catholique en France, en analysant les difficultés et les évolutions auxquelles il est confronté, les risques de dérives qui en découlent et les conditions de son éventuel maintien dans le champ de l'éducation des jeunes.
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2 - Le contexte religieux et social contemporain Puisque c'est de l'enseignement catholique que nous voulons parler ici, évoquons d'abord le contexte ecclésial et social dans lequel cette institution se situe à notre époque. Il n'est pas possible en effet, dans les limites de notre réflexion, de reprendre tout le passé, les gloires et les vicissitudes qu'a connues l'enseignement catholique en France. Sauf à rappeler qu'il est une des composantes fondamentales de l'histoire de l'instruction et de l'éducation en France, qu'il a eu souci des jeunes enfants comme des adolescents et des étudiants, qu'il a cru à la promotion de l'homme par le progrès de l'instruction, qu'il a suscité beaucoup d'initiatives au service des plus pauvres sans pour autant se désintéresser de la jeunesse des autres milieux sociaux. Faut-il préciser enfin qu'il a placé beaucoup d'espoir dans la possibilité d'évangélisation que lui apportait cette présence auprès des jeunes. Il serait vain de nier que les résultats en ce domaine n'ont pas toujours répondu aux espérances, sans doute par manque de discernement quant à la nature de la foi religieuse. Par ailleurs l'enseignement catholique a pu se montrer intolérant ou "impérialiste" à certaines époques. L'histoire nous apprend que la prise en main de la jeunesse a toujours été un risque majeur de dévoiement de tout système à forte connotation idéologique ou religieuse. Ce bref rappel permet de comprendre pourquoi cette institution de l'Eglise a souvent été visée en premier quand d'aucuns ont cru nécessaire d'affaiblir celle-ci. On se contentera modestement ici de faire un point de situation en ce début de 21e siècle en s'appuyant sur l'histoire vécue depuis une cinquantaine d'années. Sans chercher toutes les causes de la situation actuelle, quelles constatations pouvons-nous faire ? En premier lieu, il faut relever une déstructuration dans les mentalités chrétiennes de ce qu'est la foi, de son contenu, des comportements qui en découlent et des moyens de sanctification proposés que sont les sacrements. Dans les années 50, la référence suprême était le livre de catéchisme que tout jeune croyant apprenait par cœur et qui faisait le tour de ces domaines. Il y avait là, pensait-on, l'inventaire complet du catholicisme divisé en trois grandes parties : 1 – Les vérités à croire ; 2 – Les commandements à pratiquer ; 3 - Les sacrements à recevoir. Etait-ce là vraiment l'essentiel de la foi ? Dans son domaine propre de compétences, l'école catholique superposait à l'apprentissage des savoirs l'apprentissage des éléments constitutifs d'une "vie chrétienne". Le succès de l'un et l'autre ne pouvait pas être garanti, du moins l'objectif poursuivi était bien celui-là. Telle était d'ailleurs la demande de la plupart des familles qui faisaient appel à ce type d'école, avec même parfois la préférence donnée à une compétence religieuse plus qu'à une véritable efficacité scolaire. Et comme il n'existait guère alors d'autres sources d'information et d'influence sur l'esprit des jeunes que l'univers familial et le milieu scolaire, on comprend dans quel monde clos se formaient les esprits et les mentalités. Reste à savoir si on avait bien visé le bon objectif que pouvait être une "vie de foi", c'est à dire l'adhésion à une personne et à son message de salut, et pas seulement une pratique religieuse et des principes moraux. Le devenir des jeunes devenus adultes peut laisser dubitatif. La situation est évidemment totalement différente cinquante années plus tard. Que restet-il, dans l'esprit même des croyants adultes, du simple catéchisme de leur enfance ? Sans doute pour la plupart quelques bribes de savoirs, de comportements et de démarches qui émergent parfois lors d'une discussion ou d'un événement plus marquant, malmenées par l'oubli, sélectionnées en fonction des expériences et des réflexions de chacun, influencées par les différentes sources d'information telles que les médias, les rencontres, les voyages, la découverte d'autres cultures…C'est bien l'armature de ce qui avait constitué l'apport religieux de l'enseignement catholique qui se délite. Il est bien difficile alors de savoir ce que les familles attendent maintenant en priorité de l'enseignement catholique.
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A la fois conséquence et cause de ce que nous venons de décrire, nous constatons une rupture dans la chaîne de transmission de la foi chrétienne. "Un Français sur deux ne sait ni quand ni où Jésus est né…La chaîne de transmission se disloque…Chez les moins de 30 ans l'ignorance prend des proportions plus grandes encore…", écrit Jean-Pierre Denis dans son éditorial de "La Vie" du 20 décembre 2007. C'est dans la moitié de ce même 20e siècle que cette rupture s'est consommée. Jusqu'alors les générations de parents avaient plus ou moins à cœur de faire catéchiser leurs enfants avec, au pire, l'argument que "ça ne peut pas leur faire de mal " et qu'ils feront plus tard leur choix personnel. Et l'inscription dans un établissement catholique pouvait au mieux compléter l'éducation transmise et au pire suppléer une carence au sujet de laquelle on avait plus ou moins mauvaise conscience. Le sentiment actuel est tout à fait différent : même si le baptême reste encore souvent vécu comme allant de soi, mais pour quelle raison ? La formation religieuse qui devrait s'ensuivre ne semble pas préoccuper les parents. Les mères qui furent longtemps les vecteurs de cette formation – et qui restent encore le plus souvent les catéchistes actuelles – ne portent plus systématiquement ce souci de transmettre des convictions religieuses, incertaines qu'elles sont elles-mêmes de leur propre foi ou ayant pris quelque distance avec celle-ci. Sur ce sujet, on doit honnêtement constater qu'en l'espace de deux générations on a vu rapidement s'estomper du paysage parental, dans presque toutes les situations, toute référence religieuse explicite tant pour les parents que pour leurs enfants. Et le fait d'avoir été formé dans un établissement catholique n'y change rien, ce qui doit donner à réfléchir. A ce flottement général dans la mentalité des parents s'ajoute une réorganisation de la vie sociale largement déconnectée des rythmes religieux et de la vie liturgique des années. Certes on conserve certaines dates repères, soit parce qu'elles marquent durablement l'imaginaire collectif, ainsi en va-t-il de Noël, soit parce qu'on n'a pas trouvé mieux. Mais tout se passe comme si la structuration du temps était totalement neutre et ignorante de la vie religieuse qui l'a fait exister. On en arrive à parler plus facilement du début et du sens du Ramadan que de ce qu'est le Carême ; on parle de vacances de printemps et non plus de vacances de Pâques, mais il est vrai que les impératifs du tourisme ont banalisé les fêtes pascales ; on défend bec et ongles le "pont" de l'Ascension et le repos du lundi de Pentecôte sans en connaître l'origine et l'explication Qui se souvient encore des jours sacrés de la Semaine sainte où il n'était pas question de travailler…et les établissements catholiques organisaient leurs congés en conséquence. Ces évolutions de mentalités constatées tant chez les croyants que dans la société en général se conjuguent, à l'intérieur même de la société ecclésiale, avec un doute, une suspicion, voire une hostilité exprimée par certaines parties du clergé et des fidèles quant au bien-fondé de l'institution "enseignement catholique". Reproche lui est fait d'être une institution du passé, une institution-refuge, conservatrice, plutôt faite pour un monde de nantis, déconnectée des réalités socio-économiques et culturelles contemporaines, se privant des bienfaits de la diversité et de la confrontation des points de vue. Au fil des années il a pu être de bon ton, même parfois pour certains évêques, de bouder la fréquentation des établissements catholiques et de contester par exemple leur légitimité d'assurer la catéchèse en parallèle avec les structures paroissiales ou les mouvements de jeunesse. On aurait pu penser que c'était là une des missions possibles des enseignants. La leur retirer d'office, n'était-ce pas une solution déconcertante, comme d'ailleurs la leur imposer d'autorité pouvait les mettre dans l'embarras ou heurter leur conscience ? C'est un sujet sur lequel il importerait de se questionner.
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Il est vrai que, dans la perception collective, un certain nombre d'établissements catholiques ont véhiculé une image un peu élitiste et semblé se spécialiser dans l'éducation de couches sociales favorisées par la naissance ou par la richesse. Les jeunes fréquentant ces institutions ont certainement bénéficié de principes éducatifs solides ayant une valeur universelle de formation et reconnus comme tels. Avoir été élève dans des institutions renommées : Jésuites, Oratoriens, Ursulines, Maristes, voire dans tel ou tel établissement diocésain… reste le plus souvent une référence dont on se flatte et s'honore, quel que soit par ailleurs le parcours ultérieur qu'on ait pu connaître.. On pourrait aisément ici citer des noms de personnalités connues et égrener la liste des établissements qui les ont formés. Cette situation n'est pas nouvelle mais, faut-il le rappeler, elle est constatable de la même manière dans nombre d'établissements publics. Pour autant il serait injuste de ne pas faire état, parallèlement, de toutes les intuitions de fondateurs de congrégations masculines et féminines ayant pour objectif prioritaire le service des plus pauvres et la promotion de ceux-ci. Tel saint Jean Baptiste de la Salle, pour ne citer que lui. Comment oublier par exemple tout ce que le développement de l'enseignement technique français doit à la compétence et à l'inventivité pédagogique de congrégations enseignantes ? Sous un autre angle, on ne doit pas oublier que la "question scolaire", pour reprendre une vieille expression désignant un débat bien français déjà évoqué précédemment, reste la braise d'un incendie toujours possible et qui couve encore dans certains cercles. Faut-il rappeler que les deux plus importantes manifestations de rue du demi-siècle passé ont eu pour motifs les dossiers de l'enseignement privé sous contrat, c'est à dire de l'enseignement catholique. La première manifestation en 1984 a voulu élever un rempart contre un projet visant à créer un grand service public unique et laïc de l'éducation en France. La deuxième, en 1993, à l'opposé de la première, a fait obstacle à une modification de la loi Falloux en vue d'autoriser les collectivités locales à financer davantage l'entretien des établissements privés. Il n'est pas excessif de penser que dans les deux situations on s'est sans doute trompé sur les conclusions qu'on a pu tirer de ces mouvements. En 1984, l'enseignement catholique a cru, à tort probablement, qu'il bénéficiait d'un soutien massif de la population et peut-être a-t-il eu tendance à se penser indiscutable. Or c'était probablement un refus de monopole d'état sur l'enseignement que les Français voulaient exprimer. Quant à la deuxième, si elle a fortement mobilisé le front des tenants de l'enseignement public, qui réclamaient plus de moyens pour celui-ci, elle a en réalité cherché à ranimer la flamme de la laïcité, sans pour autant bloquer la mise en place de solutions locales aux problèmes soulevés. Sur ces deux questions que sont la liberté de l'enseignement et la laïcité en France, il y aurait beaucoup à réfléchir et à dire. Ce sont probablement les manifestations les plus visibles d'un vieux conflit entre l'autonomie du politique et celle du religieux, conflit qui n'est pas d'hier en France et n'a probablement pas d'équivalent dans les pays d'Europe voisins. L'histoire des derniers siècles est éclairante sur ces crispations et ces crises qui marquent régulièrement la vie nationale. On ne peut pas nier que l'Eglise a eu pendant longtemps le quasi-monopole de l'éducation et de l'école en France et qu'il a fallu progressivement et parfois rudement lui arracher celui-ci. Pour autant faut-il tomber dans un autre monopole inversé ? Quant à la laïcité, elle s'est structurée dans un contexte de "lutte contre", pour évoluer ensuite chez beaucoup vers une laïcité frileuse et desséchée qui n'ose plus rien dire parce qu'elle ne veut heurter personne. Peut-être gagnerait-elle beaucoup, au delà d'une "distance mise", à devenir une "cohabitation respectueuse", voire une "reconnaissance de la diversité enrichissante pour tous". Le chemin à parcourir reste long mais l'enseignement catholique pourrait peut-être y avoir un rôle à jouer. Nous aurons à y revenir.
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3 - Les familles et les jeunes Ce n'est pas faire une révélation que de rappeler ici que la proportion de familles choisissant l'enseignement catholique pour des motifs à caractère religieux plafonne à environ 15% , même si l'on doit faire une différence entre le premier et le second degré. Les enquêtes sur le sujet sont assez concordantes. Il importe de plus de préciser que se développent actuellement des écoles catholiques "hors contrat avec l'état", ayant comme objectif la "véritable éducation catholique", qui ne leur paraît plus donnée dans les établissements catholiques "sous contrat". On sait aussi que l'attente des familles varie selon les âges de leurs enfants et qu'il existe à l'égard des plus jeunes de ceux-ci un désir de cohérence plus affirmé entre les valeurs de l'éducation familiale et celle du milieu scolaire. Globalement, ce que recherchent les familles dans l'enseignement catholique c'est un meilleur suivi des enfants, un investissement plus affirmé du corps enseignant dans ses tâches professionnelles, un encadrement plus actif, une coopération plus soutenue, une possibilité plus nette de demander une efficacité à l'établissement scolaire. Cette série d'attentes pose quand même problème. Car l'enseignement public ne manque pas de personnels consciencieux et attentifs à de telles requêtes. Peut-être l'explication serait-elle à chercher dans deux directions. D'une part, dans l'enseignement public, les parents peuvent avoir le sentiment de se confronter à un système massif et "fonctionnarisé", au sens péjoratif qu'on donne parfois à ce terme, système peu apte à s'adapter aux cas particuliers que sont les enfants. D'autre part est-ce que le principe de la gratuité de l'enseignement public n'a pas l'effet pervers qu'on pourrait traduire par une formule-choc : "Puisque çà ne vous coûte rien, vous n'avez rien à dire". A contrario l'enseignement catholique serait plus autonomisé, plus accessible au dialogue puisqu'on y paie son écot et plus attentif à sa "clientèle" pour des raisons commerciales. En définitive les familles, pour la plupart d'entre elles, n'attendent pas que l'enseignement catholique assure une éducation religieuse, même si beaucoup d'entre elles se sentent plutôt en résonance avec les valeurs qu'il tend à promouvoir. Ce qui les intéresse c'est que ce systèmerecours existe et qu'elles puissent l'utiliser si nécessaire, à un moment ou un autre, ce que font près de la moitié d'entre elles. Comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, elles se méfient d'un système éducatif unique. Ce point de vue, qu'on peut comprendre, a une tonalité libérale, consumériste et concurrentielle, mais il ne justifie pas pour l'essentiel l'existence de l'enseignement catholique. Quant aux jeunes, il n'est pas facile de savoir toutes les raisons qui leur font choisir telle ou telle structure éducative. Il va de soi que dans le premier degré le choix est arrêté par les parents. Pour l'entrée en collège on constate de plus en plus que l'influence du groupe des camarades pèse lourd. On va vers le privé si la "boîte" a une image sympathique, y compris dans ses locaux, si on a entendu parler positivement de son ambiance et de son style de fonctionnement, éventuellement de son efficacité. Quant à son caractère religieux, il est souvent de peu de poids, dans un sens comme dans l'autre. Certains jeunes savent-ils même qu'ils sont inscrits dans un établissement catholique, ce qui devrait quand même poser question à celui-ci… Il en va de même pour le second cycle. L'image des "boîtes à curés" n'est plus dans la culture contemporaine. On tient compte des filières de formation, de l'efficacité reconnue, d'une image dynamique, d'un éventuel prestige, sans oublier des facteurs plus personnels : proximité, accessibilité, petite amie…On voit bien que là aussi il y a peu d'eau à amener au moulin de l'enseignement catholique.
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4 – Quels responsables pour les établissements ? Tous les facteurs que nous venons de rappeler sont évidemment déstabilisants pour l'institution "Enseignement Catholique". Ils ont été aggravés par plusieurs évolutions internes liées pour une part aux facteurs précédents. Le fait social et religieux majeur est sans doute la raréfaction des vocations sacerdotales et religieuses. Elle affecte l'organisation et la vie ecclésiale dans son ensemble mais il en est résulté un impact massif en France sur l'enseignement catholique. Pour la simple raison que c'était sur ces vocations que reposait une large part de l'édifice. On a vu au fil des décennies l'effondrement des effectifs des congrégations enseignantes, tant masculines que féminines, et le retrait progressif des prêtres diocésains des établissements scolaires non congréganistes, d'abord pour les fonctions d'enseignement, puis pour l'encadrement éducatif, enfin pour les postes de responsabilité directs et même les services d'aumônerie. Il n'était pas rare en 1950 de compter dans une structure moyenne d'établissement quelque 15 à 20 personnes d'église qui maillaient le fonctionnement de l'établissement, en assuraient la pérennité et en garantissaient les orientations. On mesure le chemin parcouru depuis. A ces situations de crises progressives ou aiguës, il a bien fallu trouver des solutions. Celles-ci n'étaient pas si nombreuses et elles se sont traduites par des regroupements, des restructurations et en dernier ressort des passages de relais aux laïcs. Sur ce point il est piquant de trouver sous la plume d'une historienne la remarque suivante : "[A Niort, vers 1770], les signes de déchristianisation se multiplient…Au collège de l'Oratoire, les confrères laïques, de plus en plus nombreux par suite du manque de vocations, font preuve d'une intolérable indépendance.. Quant aux élèves, ils se livrent à mille espiègleries dont s'amusent leurs parents. Jamais sans doute les adolescents n'ont été si outrageusement gâtés ni moins surveillés"…(Voir "La vie de l'abbé Bion" par M.L. Fracard, page 95). Avec plus de deux siècles de décalage, cette observation ne fait ressortir qu'une fausse similitude du problème. Les temps et les mentalités ne sont plus comparables Il n'en reste pas moins que ce sont toujours les mêmes solutions qui sont mises en œuvre. Avec toutefois des problèmes nouveaux à résoudre sur lesquels nous allons nous arrêter maintenant. En premier lieu, parce qu'ils sont tout particulièrement délicats et importants, les problèmes relatifs aux choix des responsables d'établissements. Une des caractéristiques d’une personne religieusement engagée dans un diocèse ou une congrégation est d'être liée par une promesse ou un vœu d'obéissance à un supérieur religieux. La fonction occupée est donc à la disposition de ce dernier qui peut la transférer à une autre personne s'il le juge opportun. C'est l'application du Droit Canon, en fait le droit propre de la société ecclésiastique. La situation devient tout autre lorsque ce sont des laïcs qui occupent les dites fonctions. Car c'est alors, à strictement parler, le régime commun du droit du travail qui s'applique, avec son cortège de conventions collectives, de contrats de travail, de protections syndicales, de litiges jugés par les conseils de prud'hommes… Il n'est donc plus possible pour un supérieur ou un évêque de décharger de sa mission ou de sa fonction tel ou tel responsable d'établissement, avec toute garantie – ou presque – d'être obéi, quels que soient les motifs de la décision. On peut même formuler la conclusion qu'un religieux chef d'établissement - s'il en existe encore un – qui refuserait de quitter sa responsabilité alors qu'il n'a pas commis de faute professionnelle, aurait canoniquement tort mais gagnerait sans doute un éventuel procès devant le tribunal des prud'hommes, avec vraisemblablement l'appui des syndicats de salariés. Cette conclusion serait encore plus établie dans le cas d'un directeur laïc.
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On objectera à cette hypothèse qu'un responsable d'établissement reçoit une lettre de mission à lui remise par le supérieur religieux qui lui confie la fonction. Ce point est tout à fait avéré mais reconnaissons qu'il n'engage réellement l'intéressé qu'à la hauteur de sa rigueur de conscience et pour autant qu'il fasse siens les arguments qu'on lui avance. Il faut constater qu'en pratique les mutations se font plutôt à la demande des intéressés et que des retraits canoniques de mission sont assez rares et le plus souvent le résultat de négociations discrètes. A défaut de responsables religieusement engagés dans un diocèse ou une congrégation, comment espérer maintenir "l'esprit" des établissements catholiques d'enseignement dans le droit fil des intuitions fondatrices ? Les réponses sont à l'évidence diverses et tiennent tant aux personnes laïques à qui on confie des postes de responsabilité qu'aux organismes de tutelle qui mettent celles-ci en place. Là où des intuitions éducatives et pédagogiques fortes et originales sont portées par une tutelle active et vigilante, les orientations peuvent être reçues et mises en œuvre par des chefs d'établissements convaincus et investis dans une mission qu'ils veulent servir. Il n'en va pas toujours ainsi, soit que les originalités éducatives de l'établissement soient incertaines, soit que la tutelle soit peu prégnante voire inexistante, soit que certains responsables d'établissements manquent de distance critique et poursuivent des objectifs qui soient propres à leur "boutique" ou à leur image personnelle, sans vraiment se préoccuper d'une prospective institutionnelle concertée. Bien évidemment tous ces facteurs peuvent se conjuguer et s'aggraver plus ou moins les uns les autres au détriment de l'institution et de la mission qu'elle est censée assumer. Il serait heureux que tout chef d'établissement lisant ces lignes ne se reconnaisse pas dans ce qui est écrit ci-dessus. Du moins ne pourrait-il pas nier que le risque n'est pas que théorique. Les réflexions qui précèdent tiennent pour l'essentiel aux changements de statut juridique des chefs d'établissements et prouvent, s'il en était besoin, l'importance et les difficultés que représentent pour les organismes de tutelle le choix des candidats, leur formation, leur accompagnement et l'évaluation de leurs prestations. Que l'on ne se méprenne pas cependant sur ces différents points. Il n'est pas question de rechercher des personnalités incertaines pour mieux les "formater" dans une certaine optique, les contrôler dans leur action et les sanctionner positivement ou négativement. Il faut plutôt souhaiter l'inverse : une démarche de "discernement" au sens psychologique et quasiment spirituel du terme, qui permette de retenir des personnalités équilibrées, riches de bon sens, d'aptitudes éducatives et relationnelles, capables d'initiatives et de décisions fermes, capables aussi d'esprit critique et de distance par rapport à leur propre action et enfin conscientes de servir une mission éducative évangélique. Peut-être est-ce trop demander ou trop espérer, mais c'est aussi le prix à payer pour la mise en responsabilité de personnes non tenues par une obéissance religieuse. Quant à la question de l'évaluation, elle pose évidemment des problèmes complexes puisqu'il s'agirait – et le conditionnel n'est pas innocent - d'évaluer le responsable à divers titres : sa vision de la situation, ses choix, ses projets, l'analyse critique de sa prestation, sa gestion des personnes et des biens, l'animation qu'il insuffle dans son établissement. Il faudrait ensuite préciser comment s'articulent les conclusions de cette évaluation avec le contrat de travail et la lettre de mission de l'intéressé… On doit admettre que ce dossier est encore largement à défricher. En arrière-plan se profile en effet la mission des organismes de tutelle sur lesquels nous reviendrons plus loin.
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Reste à évoquer encore une difficulté supplémentaire qui se fait sentir sous un double aspect : celui de la carrière et celui de la rémunération. Voilà bien deux problèmes qui ne tourmentaient pas les évêques et les supérieurs religieux lorsqu'ils nommaient ou déplaçaient des responsables d'établissements scolaires. Or il n'est pas illégitime et scandaleux qu'un chef d'établissement laïc manifeste quelque intérêt pour un parcours professionnel réussi. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il recherche des mutations vers des postes plus importants ou plus prestigieux. Il peut souhaiter simplement expérimenter divers domaines de formations pour élargir son horizon et enrichir sa compétence. Pour sa part la tutelle peut vouloir mettre à contribution ses qualités particulières dans une fonction spécifique. Le risque est réel alors d'une tension entre le service et la carrière, avec le danger que la seconde n'aboutisse à occulter le premier. Ce type d'alternative est inconnu du religieux puisqu'il n'a pas à décider lui-même. Pour un laïc l'arbitrage est plus difficile et appelle beaucoup de modestie lucide chez les partenaires de la décision. Quant à la rémunération, elle constitue aussi un sujet délicat à appréhender et à traiter. Le problème ne se posait qu'exceptionnellement il y a un demi-siècle. Le vœu de pauvreté du religieux ou le train de vie habituellement modeste du prêtre diocésain n'avait à supporter aucune charge familiale ni aucune demande complémentaire de confort, de loisir et d'anticipation des "vieux jours". Il en va autrement maintenant : la rémunération des chefs d'établissements fait l'objet de grilles de rémunération et d'avancement, parfois âprement disputées avec les organismes de gestion employeurs et quelquefois non respectées dans un sens ou dans l'autre. En toute hypothèse cette charge salariale nouvelle et non médiocre fait partie des contraintes auxquelles l'enseignement catholique doit faire face. 5 - Les exigences de la loi Il faudra revenir plus loin sur tout ce qui touche à la fonction enseignante mais il semble au préalable nécessaire de s'arrêter sur les conséquences qui découlent des exigences de la loi. Rappelons d'abord que la législation française concernant les établissements catholiques qui demandent à passer contrat avec l'Etat date de 1959. Elle s'appuie sur l'affirmation que ces établissements peuvent être reconnus comme associés au service public d'éducation et de ce fait sont en droit de bénéficier de subventions publiques pour leur fonctionnement. Pour autant ils sont tenus d'assumer les conséquences de cette association, à savoir l'accueil de tous les enfants sans distinction de religion, le respect des consciences donc la non-imposition d'une démarche religieuse – ce qui n'interdit pas la proposition – et la gratuité de l'enseignement. Cette législation de 1959, dite loi Debré, a subi au fil des années des aménagements, par exemple sur le point de la définition du besoin scolaire reconnu, car on souhaitait éviter la constitution d'un réseau scolaire concurrent, partiellement financé par la puissance publique. De même on a tenté de faire la lumière sur ce qu'était le fameux "caractère propre" d'un établissement privé et sur les conséquences qui pouvaient en découler tant pour la carte scolaire que pour les devoirs des enseignants du privé dans leur fonction. Pour en rester à l'essentiel, retenons en tous cas que les trois points de la loi Debré indiqués ci-dessus n'ont pas été remis en cause. L'Enseignement Catholique était dans son ensemble preneur d'une telle législation car les charges financières qu'il devait assumer pour vivre devenaient insupportables et non "répercutables" sur les familles, sauf à basculer dans un système commercial au service d'une clientèle fortunée. " La proportion d'enseignants laïcs dans les établissements confessionnels avait augmenté et les écoles n'étaient plus, pour beaucoup d'entre elles, en mesure de leur assurer des traitements décents et de faire face aux charges sociales" (Alain Savary, dans son livre "En toute liberté", page 37). Il n'y avait donc pas vraiment de choix mais nul ne pouvait alors exactement prédire ce qu'induirait cette législation, elle-même combinée à d'autres facteurs en évolution.
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On ne doit pas non plus oublier que la loi Debré avait comme objectif lointain la possibilité d'une intégration de l'enseignement privé, ce qui évidemment marquait une philosophie et une économie spécifiques du texte. Il n'est pas difficile de comprendre que cette première perte d'autonomie financière a entraîné dans son sillage la remise en cause d'un certain nombre de libertés. Citons pour exemples la liberté de recrutement des élèves, l'obligation de respecter les horaires et programmes officiels, la contrainte de soumettre les enseignants à des critères externes et objectifs de compétence et à des évaluations par des fonctionnaires d'état… Toutes ces sujétions ne sont pas d'égale prégnance et n'ont pas que des effets négatifs, ne serait-ce que parce que certaines d'entre elles permettent de lever le doute sur la qualité des prestations assurées par l'enseignement catholique. Mais elles sont quand même totalement nouvelles et peuvent peu à peu faire courir le risque d'une perte d'originalité, d'une frilosité dans les initiatives pédagogiques, d'une soumission systématique aux contraintes administratives ou aux injonctions des services d'inspection…On passe ainsi d'une culture d'auto-nomie à une acceptation au moins partielle d'une hétéro-nomie. La deuxième conséquence de cette nouvelle situation se situe dans le domaine des parcours de formation proposés ou envisagés par les établissements catholiques. Dans la mesure où le financement des heures d'enseignement et les charges de fonctionnement dans les établissements privés sont prises en charge par la puissance publique, le sérieux économique a imposé que celle-ci ne finance pas systématiquement deux réseaux parallèles , l'un public, l'autre privé; sauf parfois en cas de "besoin scolaire reconnu", comme par exemple une importante demande des familles se portant par choix vers l'enseignement privé sous contrat. La liberté de créer ou de dédoubler des sections d'enseignement dans les établissements sous contrat a donc été limitée pour s'inscrire dans une carte scolaire d'ensemble des parcours de formations. A quoi s'est ensuite ajouté le choix très politique et pragmatique des pouvoirs publics de contenir les moyens alloués aux établissements privés au moins dans les mêmes limites que ceux alloués aux établissements publics. Ce qui se ramène à ne pas tenir compte des effectifs réels ou possibles des élèves. Cette nouvelle donne a fait naître une nouvelle ambiguïté, que certains voudraient regarder comme une démarche de complémentarité entre enseignement public et enseignement privé sous contrat. On pourrait en quelque sorte partager le gâteau…La rigueur économique s'en trouverait certes largement satisfaite, mais est-ce là la vérité du problème ? Soyons clair au risque d'être provocateur : l'enseignement public n'est-il pas fondé à proposer à toutes les familles et à tous les jeunes la totalité des parcours de formations que ceux-ci peuvent attendre ? Au nom de quoi devrait-il restreindre son champ de propositions et partager certains parcours de formation avec les établissements privés sous contrat ? C'est en fin de compte imposer à certaines familles qui peuvent ne pas le vouloir un parcours scolaire passant par l'enseignement privé. Parallèlement n'est-ce pas aussi introduire un "cheval de Troie" dans la conception et les structures de l'enseignement privé, en l'intégrant "de facto" et en limitant a priori ses perspectives. Entrer dans une pure démarche de complémentarité c'est constater la rançon d'une dépendance économique et c'est aussi mettre en avant un argument qui ne peut être satisfaisant ni pour l'un ni pour l'autre partenaire. A moins qu'on ne veuille y deviner en filigrane la figure du serpent commençant à avaler la souris…
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Dans un ordre voisin on ne saurait mettre entre parenthèses les divergences qui peuvent se manifester entre les priorités académiques de carte scolaire retenues par les instances publiques et ce que peuvent être les priorités ecclésiales souhaitées par les responsables de l'enseignement catholique. Le maintien d'une petite école privée en milieu rural n'aura pas nécessairement la même valorisation sous le regard d'un directeur diocésain et à l'aune d'un inspecteur d'académie. Il peut en aller de même pour une section particulière de l'enseignement technologique ou pour le maintien d'une expérience originale et innovante. Jusqu'où est-il légitime et possible de demander à la puissance publique de financer des choix spécifiques de l'enseignement privé, voire de l'Eglise. 6 – Tutelles et directions diocésaines C'est à dessein que nous distinguons ici les fonctions de tutelle et les activités des directeurs diocésains parce que ces deux réalités ne sont pas exactement superposables et recouvrent deux modèles différents. Les établissements congréganistes tiennent en effet leur existence de l'initiative d'un fondateur de congrégation ayant comme objectif l'enseignement et l'éducation. La responsabilité de la congrégation est donc de maintenir et de prolonger l'intuition spirituelle originelle et originale, ce qu'on nomme la tutelle. Celle-ci est assurée de manière cohérente pour tous les établissements relevant de la même congrégation. Son action est d'ordre plutôt "spirituel" et elle s'attache essentiellement à ce qui fait la spécificité éducative et pédagogique de ses ressortissants. Mais elle n'a pas habituellement pouvoir sur ce qui concerne les problèmes administratifs et les dossiers plus techniques des diocèses d'implantation. Pour leur part, les établissements d'obédience diocésaine trouvent leur origine et leur raison d'être dans des décisions épiscopales. Les directeurs diocésains de l'enseignement catholique sont tout à la fois les mandataires de leurs évêques pour tout ce qui touche à l'animation pastorale et à la vie de ces institutions - et c'est pour eux aussi une fonction tutélaire. Par ailleurs ils sont les interlocuteurs de fait des autorités civiles pour les aspects administratifs et les dossiers concernant tous les établissements implantés dans leur diocèse. Ces diverses activités tutélaires et administratives ont donc les limites territoriales du diocèse. On perçoit sans peine les difficultés que peuvent générer ces appartenances et responsabilités diverses. Elles sont évidemment les conséquences de l'application du droit propre de l'Eglise, le droit Canon dont nous avons déjà parlé. Mais elles se marient souvent mal avec les découpages administratifs de la France actuelle et les responsabilités de chaque collectivité territoriale. Certaines tutelles congréganistes sont actives et animent avec détermination les établissements qui relèvent de leur compétence : visites, sessions de formation pour les responsables, propositions d'activités spécifiques…D'autres congrégations n'ont plus les moyens ou la capacité d'exercer une véritable tutelle et certaines préfèrent transférer la responsabilité tutélaire aux diocèses d'implantation. Quant aux directeurs diocésains ils bénéficient d'une autonomie plus ou moins large par rapport aux évêques qui les ont nommés. Ils doivent en toute hypothèse exercer la double mission de "tuteur et d'administrateur" des établissements diocésains. La charge est lourde et, à juste raison, elle appelle des délégations. Il paraîtrait normal que soient déléguées en priorité les tâches les moins "porteuses de sens" que sont les activités administratives et de se réserver en première importance les fonctions tutélaires.
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Or bien souvent on constate la situation inverse : l'animation pastorale et la tutelle des établissements diocésains sont confiées à des tiers tandis que le directeur diocésain s'absorbe dans des activités moins essentielles à une visibilité évangélique de l'enseignement catholique. Comment interpréter cette bizarrerie qui pourrait laisser croire que le fonctionnement des établissements est plus important que l'esprit qui devrait les faire vivre, les dynamiser et renforcer leur identité et leur attractivité ?
7 - Le monde des enseignants Il importe d'aborder maintenant un nouveau dossier de notre réflexion : tout ce qui concerne les conditions de la fonction enseignante. Le constat qui s'impose au fil du temps c'est que le corps enseignant échappe de plus en plus à la responsabilité de l'enseignement catholique. Si l'entrée dans la profession reste encore pour une large part le résultat d'un choix du candidat et d'un accord collégial institutionnel des chefs d'établissements, le recrutement définitif se fonde sur un concours public, sur une formation contrôlée et financée par l'Etat, sur une reconnaissance finale de compétences dépendant de la puissance publique et sur une affectation relevant de la responsabilité des recteurs d'académie et du ministère de l'Education Nationale. Par la suite l'enseignant du privé connaît un statut qui le rapproche de plus en plus de son collègue fonctionnaire. Pour dire les choses sommairement il faut reconnaître que son rattachement au chef d'établissement et à l'enseignement catholique tient davantage à sa volonté personnelle qu'à une obligation statutaire. On constate là une évolution importante de la situation : à une implication personnelle forte pouvant accompagner une compétence professionnelle malassurée, se substitue une compétence professionnelle solide plus ou moins portée par une implication personnelle, variable selon les personnes et les périodes. Cette évolution peut être par certains aspects considérée comme positive. La compétence professionnelle "désaliène" en quelque sorte d'une sujétion de la personne à une structure institutionnelle. Elle permet aussi de clarifier la distinction entre activités professionnelles et choix personnels car il s'agit évidemment de deux domaines différents, vécus par une même personne mais qui ne relèvent pas du même dynamisme. La compétence professionnelle peut évoluer, s'enrichir, se diversifier au fil du temps tout en restant dans le même axe de perfectionnement. Les choix personnels sont d'un autre ordre et traduisent des évolutions plus intimes quant aux valeurs de référence dans la vie et aux priorités concrètes qui en découlent. Il n'existe pas d'espace de liberté pour la compétence alors qu'on ne peut pas contester la liberté de conscience. Pour autant durant toute l'époque où les responsabilités pédagogiques et éducatives des établissements catholiques étaient pour l'essentiel entre les mains des clercs, des religieux ou des religieuses, il se vivait une cohérence entre les valeurs de références personnelles. Le danger était alors de privilégier ces valeurs au détriment de compétences professionnelles, même si on souhaitait que celles-ci soient excellentes ou à tout le moins convenables. Les rares cas d'évolutions de choix personnels devenant difficilement compatibles avec les valeurs du groupe institutionnel se traduisaient alors par un retrait volontaire des intéressés ou par un rejet plus ou moins imposé par la collectivité.
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On perçoit là aussi bien les clarifications qui s'opèrent au bénéfice des personnes que les affaiblissements qui en résultent pour la cohérence et la cohésion des équipes éducatives. Et à propos de celles-ci, voilà encore qu'une autre évolution se fait jour. Pendant longtemps il allait de soi que le choix des personnes entrant dans la composition de ces équipes relevait de la responsabilité principale du chef d'établissement. Les évolutions rappelées ci-dessus et les conséquences qui en ont été tirées dans l'administration des carrières et des emplois ont fait que la marge de choix laissée aux responsables d'établissements se trouve de plus en plus réduite et qu'il devient bien difficile pour ceux-ci d'avancer des arguments recevables par une commission de l'emploi pour contester une affectation. On peut même voir apparaître des blocages de situation, les autorités rectorales refusant parfois de pourvoir un poste en cas d'opposition persistante du responsable d'établissement à une nomination qui ne lui semble pas adaptée. On peut comprendre qu'il faille mettre des limites à ce qui pourrait parfois relever de préférences subjectives, de petits arrangements sous-jacents ou de combines. Mais en voulant éviter ces abus et faire prévaloir une certaine objectivité, on malmène éventuellement un autre facteur fondamental en éducation : la cohésion d'une équipe pédagogique, certes riche de ses diversités mais aussi soudée autour d'un projet porté par chaque membre. Sur ce dossier du monde des enseignants on ne peut que trouver intéressant le texte d'orientation approuvé par le Comité National de l'enseignement catholique en juillet 2007. Ce document intitulé : "Etre professeur dans l'enseignement catholique " fourmille de thèmes intéressants et de propositions constructives. Reste à savoir comment celles-ci peuvent être reçues par les maîtres en fonction et par des candidats à l'entrée dans l'enseignement catholique. Car rien n'est plus respectable que la liberté de conscience et le droit de chacun d'évoluer dans ses convictions. Ecrire qu'une "communauté éducative respecte les itinéraires des personnes qui ont choisi d'en faire partie…,se fonde sur l'adhésion libre et active à un projet éducatif commun qui se réfère explicitement à l'Evangile et à l'enseignement de l'Eglise catholique…se construit dans le débat, voire la confrontation…" correspond à des positions qui se veulent respectueuses des personnes mais dont les limites restent incertaines. Et on ne peut qu'être perplexe devant les problèmes juridiques qui pourraient découler de la mise en oeuvre de tel ou tel point de ce texte d'orientation. Ne risque-t-on pas de voir resurgir une tension entre le "professionnel" et le "personnel" ? Lorsque se conjuguent la présence d'un chef d'établissement peu assuré de sa mission évangélique et ecclésiale, la diversité d'une équipe éducative et pédagogique qui tient à garder ses distances et sa liberté de conscience individuelle, des demandes de familles et de jeunes pour qui les choix confessionnels ne sont pas prioritaires, il ne faut pas être surpris de constater une évanescence de l'animation pastorale dans un établissement. Comme le dit, et sur ce point on ne peut que l'approuver, l'archevêque d'Avignon déjà cité plus haut, on glisse vers un "humanitarisme bon teint", ce qu'il considère comme un "abus des valeurs de solidarité et d'ouverture à tous". C'est là le plus petit dénominateur commun, qui ne peut susciter de réelles oppositions et entraîne un certain capital de sympathie, voire de participation active. Si, de surcroît, on a supprimé les activités libres expressément religieuses et gommé les symboles et les signes des références évangéliques de l'institution, on nage en pleine ambiguïté mais rien n'est vraiment dérangeant pour personne. C'est dans cette perspective qu'il faut entendre les paroles de Paul Malartre, ancien Secrétaire général de l'enseignement catholique qui dit craindre "le risque de l'indifférenciation, au point d'en arriver à un faux pluralisme scolaire et que plus rien ne nous distingue de l'enseignement public en termes de projet éducatif." Et de préciser son inquiétude en évoquant "des chefs d'établissements parfois démissionnaires, des projets qui n'ont plus aucune référence catholique ou font montre d'une très grosse discrétion, par peur que cela ne gêne le recrutement…(Voir "Le Monde.fr" du 10/09/07).
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8 - Les problèmes de gestion Il serait également naïf de négliger d'autres aspects de la situation de l'enseignement Catholique, aspects moins nobles en apparence mais qui ont en réalité un poids important dans l'évolution actuelle des choses. En premier lieu on doit citer les charges financières de plus en plus lourdes que représentent l'entretien et le renouvellement du parc immobilier, les équipements techniques nécessaires aux formations dispensées, le respect des pratiques d'hygiène, les mises aux normes de sécurité des locaux d'accueil, normes en constante évolution et de plus en plus coûteuses. Le temps n'est plus où on pouvait faire fonctionner une école dans des locaux chargés d'histoire…et de vétusté, travailler dans des laboratoires scientifiques disposant d'équipements sommaires ou dépassés, ou ignorer les machines-outils contemporaines…Les frais de fonctionnement prévus par la législation en vigueur n'ont pas vocation à financer ces dépenses nouvelles pourtant indispensables. C'est donc l'appel aux subventions des collectivités territoriales (commune, département, région) qui va tenter de trouver les financements permettant de faire face à ces dépenses incontournables. Comme il se doit en pareil cas, l'attribution de subventions publiques d'équipement entraîne une convention imposant un amortissement des subventions parallèle à l'amortissement des équipements financés, assorti d'un droit de reprise éventuel. Rien là que de normal mais qui souligne la réalité d'une activité "à crédit", au moins provisoirement. S'y ajoutent pour les sections à vocation technique les collectes de taxe d'apprentissage auprès des entreprises. Cette quête de fonds n'est pas contestable en soi et elle est également pratiquée, au moins partiellement, par les établissements publics. Faut-il évoquer également l'hypothèse évoquée par certains d'un "forfait d'internat", ayant pour objectif d'alléger les charges des familles choisissant ce mode d'éducation ou devant en assumer la nécessité ? Et, pour faire bonne mesure, n'oublions pas l'énorme problème du parc immobilier des établissements catholiques (entretien et constructions nouvelles), dont le financement reste légalement à la charge des associations propriétaires et pour lequel on appelle à l'aide les collectivités territoriales de bonne volonté. On peut donc constater que se créent ainsi de nouvelles situations de dépendance tant par rapport aux fonds publics qu'envers les entreprises. Il en résulte plusieurs conséquences plus ou moins acceptées et reconnues. Apparaît d'abord la nécessité de compétences de plus en plus affinées pour assurer le suivi nécessaire de ces problèmes de gestion. Il faut bien ensuite reconnaître qu'on s'enfonce de plus en plus dans une perte fondamentale d'autonomie et d'initiative. L'enseignement catholique devient tributaire de tout ce que veulent bien accepter et financer ses partenaires publics : les ouvertures de classes ou de sections, les moyens horaires d'enseignement, les choix des enseignants, les subventions de fonctionnement, les aides aux investissements, la collecte et l'utilisation de la taxe d'apprentissage…Voilà bien des contraintes qui ne se prêtent guère à une capacité d'originalité. En forçant un peu le trait on aboutit ainsi à constater une troisième conséquence : l'illusion de l'autonomie ou la mauvaise foi d'affirmer celle-ci alors qu'on demande de plus en plus l'aide de la puissance publique. C'est ce statut plus qu'ambigu que soulignait Alain Savary autour des années 82 – 85.
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Dans ce contexte économique de plus en plus complexe, il faut malheureusement constater que l'enseignement catholique a longtemps fait preuve d'un manque de professionnalisme dans la gestion des personnes et des biens. Sans doute en raison de ses origines cléricales ou religieuses, il a beaucoup été marqué par deux caractéristiques : l'utilisation de compétences bénévoles et l'atomisation de ses centres de gestion. Ces deux spécificités deviennent de plus en plus inadaptées aux conditions actuelles d'organisation et de fonctionnement des établissements scolaires. La bonne volonté ne suffit pas à créer la compétence, la compétence ne s'invente pas comme par enchantement : elle demande formation et expérience, elle a donc un coût. Quant à l'atomisation de la gestion, elle a certes l'avantage de coller à la réalité au plus près du terrain, et c'est une bonne chose quand elle est adossée à des compétences, mais elle a l'énorme faiblesse de disperser les capacités de synergie et de prospective. On doit également faire le constat que l'enseignement catholique donne parfois l'impression de prendre ses aises avec la législation et la réglementation en vigueur, que ce soit pour le respect du Code du travail ou des conventions collectives, dans le jeu normal des structures représentatives des personnels, dans l'acceptation des contre-pouvoirs et des instances légales de contrôle… Ces manières de faire ne lui sont pas propres mais elles altèrent, et c'est quand même bien dommage, son image qui devrait être celle d'un comportement social irréprochable et d'un fonctionnement transparent. 9 - Quant à l'enseignement public… Pour diverses raisons, dont certaines ont été évoquées ci-dessus, on doit constater une évolution de l'enseignement public en lui-même et dans ses relations avec l'enseignement catholique. Sans doute l'opinion publique a-t-elle eu un certain poids en faisant comprendre qu'une tentation monopolistique ou trop polémique ne correspondait pas à son souhait et qu'elle tenait à l'existence d'un pluralisme du système éducatif, soit par conviction ou ne serait-ce qu'à titre de recours. Nombre d'enquêtes ont prouvé qu'une large minorité de familles, pour des raisons diverses, ont utilisé ce pluralisme pour l'éducation de leurs enfants. Cet état de l'opinion a sans doute obligé l'enseignement public à un nouveau souffle et un dynamisme plus affirmé au service des jeunes et des familles. Il en est résulté un gain certain de la qualité de la prestation fournie. Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de constater que le service public de l'éducation a largement puisé pour son évolution dans des concepts et des intuitions de l'enseignement catholique : projet d'établissement, communauté éducative, suivi individualisé des élèves, tutorat, études surveillées…On ne va pas se plaindre que de telles démarches éducatives et pédagogiques aient fait tache d'huile. Certains responsables de l'enseignement public reconnaissent volontiers une telle filiation et vont jusqu'à souhaiter que l'enseignement catholique continue à être un laboratoire d'innovations. Comme l'a dit un jour publiquement devant ses collègues un inspecteur pédagogique : "Nous n'attendons pas de l'enseignement catholique qu'ils nous apprenne les démarches pédagogiques disciplinaires : çà, nous savons le faire. Mais nous avons besoin qu'il demeure un laboratoire de recherche et un lieu d'innovations dans les domaines fondamentaux de la formation des jeunes". Ce nouvel état d'esprit est sans doute également dû à une meilleure connaissance réciproque des partenaires. Il est évident que pour des raisons techniques et organisationnelles les chefs d'établissements publics et privés sont amenés à collaborer en concertation avec les instances académiques. Il est clair aussi que la formation des enseignants du privé, leur évaluation systématique par les corps d'inspection, leur participation aux jurys d'examens ont modifié les regards réciproques. Avoir réussi les mêmes concours et assurer des fonctions similaires favorisent une certaine estime professionnelle de part et d'autre, et même parfois des volontés de collaboration.
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PREMIERES CONCLUSIONS
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1 - Une situation à tout le moins confuse…
Si l'on veut bien admettre que l'état des lieux présenté ci-dessus est assez fidèle à la réalité vécue, alors il faut constater que l'enseignement catholique français est amené à tenir des positions difficilement conciliables et à ce que le vocabulaire philosophique appelle des "apories". Au sens originel du terme une aporie est une absence de passage, une voie sans issue, quelque chose comme une impasse. Par extension du sens c'est un embarras intellectuel, une contradiction dans les réponses possibles à une même question, un problème apparemment sans solution satisfaisante et qui semble pourtant nécessaire à formuler. Pour ne rappeler que quelques exemples développés ci-dessus, quelle conciliation est envisageable entre l'autonomie que l'enseignement catholique demande à conserver et l'hétéronomie qui découle d'une association acceptée avec l'Etat et d'un appel aux diverses sources de financement extérieures dont il a besoin pour vivre. Cette tension entre autonomie et hétéronomie traduit une première aporie. Dans un autre registre quel pouvoir d'autorité et de gouvernance subsiste pour des chefs d'établissements - qui pourtant veulent le conserver - à l'égard d'enseignants qu'ils ne peuvent plus choisir et qui relèvent désormais d'un statut de droit public ? Quant à la compétence professionnelle de ceux-ci, nécessaire et désormais garantie par l'Etat, comment l'articuler avec un droit de liberté de conscience et d'évolution des convictions personnelles au fil du temps ? Quels sont les critères objectifs qui permettront de juger du respect du contrat du travail ? Quand bien même le "devoir de réserve" par rapport aux références de l'institution serait appliqué par tout un chacun, que resterait-il alors d'une originalité éducative qui devrait caractériser l'établissement ? Et qui porterait, mis à part, espérons-le, le chef d'établissement, la responsabilité d'une référence explicite à l'enseignement catholique ? Pour les personnes se profilent plusieurs alternatives qui font problème et qu'on peut résumer comme suit : convictions personnelles et compétence professionnelle, mission et fonction, engagement et réserve, personne et rôle, choix personnels et solidarité collective…Telles sont quelques-unes des apories évoquées plus haut. 2 - Compliquée par l'évolution des mentalités Aux sujets que nous venons d'évoquer s'ajoutent des éléments socioculturels contemporains qui ne sont pas sans marquer la réalité du vécu. Il est clair que nous vivons désormais dans une société soumise à la tyrannie de l'instant et du changement. Dans la vie familiale comme dans la vie sociale, la mode du jour est chassée par celle du lendemain, l'activité professionnelle n'est pas durable, les couples se défont presque aussi rapidement qu'ils se font, les outils technologiques sont rapidement obsolescents, les moyens de déplacements sont rapides et facilement accessibles. La vague sans cesse renouvelée des informations véhiculées par de nombreux supports ne permet pas d'approfondir et de s'approprier la qualité des contenus…Dans un pareil tourbillon, comment donner place à une démarche éducative, quelle qu'elle soit, puisque celle-ci ne peut s'enraciner et se déployer qu'en y "mettant le temps" ?
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Cette société de la vitesse et du changement permanent est aussi une société relativiste, superficielle et laïcisée. Les voyages au loin, les mouvements migratoires des populations, l'intérêt pour la nouveauté exotique ont mis à mal les repères sociétaux, les croyances religieuses et les rituels sociaux. On ne se réfère plus d'emblée au corpus des valeurs éthiques et religieuses de son groupe social d'origine, de sa culture, de sa civilisation. Tout devient recevable spontanément, peut-être parce que tout est simplement effleuré. Ce qui paradoxalement induira aussi le repli identitaire frileux lorsqu'on croira percevoir une menace sur sa propre vision des choses. Comment alors s'intéresser à ce qui peut structurer en profondeur une conception réfléchie et critique du monde et de l'existence tant pour soi que pour ses enfants? Notre monde est de surcroît devenu un univers du quantitatif, de l'avoir toujours plus, de la consommation à outrance. Les possibilités de répondre à ce besoin d'avoir, quitte à créer celui-ci, sont sans limites et on a oublié que la série des nombres était infinie… Le quantitatif est un puits sans fond qu'on ne saurait épuiser et qui appelle toujours un "encore". Or la construction d'une personnalité est un phénomène qui relève du qualitatif, à savoir la découverte et l'appropriation de quelques valeurs qui permettent de hiérarchiser les questions et donner du sens et du prix à une existence. On voit bien là encore le hiatus qui peut s'établir entre l'acte éducatif et les appels du quotidien. Sur cette évolution complexe des mentalités, entendons ce qu'a écrit Jean Claude Guillebaud dans son ouvrage "La tyrannie du plaisir" à la page 390. "En définitive [la crise de l'école] s'analyse essentiellement comme une crise de la transmission à laquelle l'illisibilité de l'avenir n'est pas étrangère. Que transmettre ? Dans quelle perspective ? Pour quelle sorte de projet collectif ? Voilà des questions auxquelles il est devenu difficile de répondre. Comme la famille l'école souffre de l'incertitude du temps et se trouve incapable d'assurer son propre pouvoir généalogique. Elle ne parvient plus à inscrire l'individu désaffilié dans la continuité d'une histoire. Elle peine autant à transmettre un héritage qu'à désigner un futur. Elle est en réalité subvertie par la dictature de l'instant…". 3 - Et difficile à évaluer Dans l'esprit d'une démarche contemporaine à la mode, on peut évidemment être tenté par une évaluation de ce qu'on pourrait appeler "l'efficacité" de l'enseignement catholique. Resteraient alors à préciser les champs d'évaluation et les critères à appliquer en fonction des objectifs à atteindre. Le chantier est évidemment immense et complexe. On se limitera donc, dans le cadre de cette réflexion, à noter quelques points qu'il serait souhaitable de considérer. Disons d'abord que parler de l'enseignement catholique en général c'est parler d'un monde extrêmement varié, ne serait-ce d'ailleurs qu'en raison des tranches d'âges de jeunes qui constituent ce monde. Il est évident qu'on ne peut pas évaluer de la même manière la qualité d'une classe maternelle et celle d'une classe terminale de lycée. Les objectifs à atteindre et la demande des familles et des jeunes varient beaucoup dans cet éventail. Si nous restons dans cette approche par niveau, peut-être quand même peut-on se risquer à proposer une évaluation positive quant au premier degré, tant pour la qualité pédagogique que pour l'exigence éducative. Mais l'évaluation serait sans doute aussi positive en ce qui concerne l'enseignement public du premier degré. Cette similitude peut s'expliquer par le fait que, le plus souvent, le socle des apprentissages fondamentaux et des valeurs d'éducation est partagé par la plupart des familles pour cette tranche d'âge.
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Si on s'intéresse au premier cycle du second degré, l'évaluation pédagogique et éducative de l'enseignement catholique devient plus variable selon les établissements et les contextes sociaux. L'autonomisation de plus en plus précoce des adolescents, les moyens technologiques dont ils disposent, la diversité des structures familiales et de l'environnement social font que la demande des familles et des jeunes n'a plus une réelle homogénéité et que la réponse de l'institution devient plus incertaine et plus flottante Il reste que la qualité pédagogique demeure un critère déterminant et que l'encadrement des collégiens par une équipe éducative ferme sans excès est souvent un "plus" que l'on décerne assez facilement à l'enseignement catholique. Dans le second cycle des lycées la demande et l'évaluation des utilisateurs portera d'abord sur l'efficacité pédagogique et les résultats aux examens préparés, comme le prouvent les classements rituels annuels qui paraissent dans la presse pour aider à "Choisir un bon lycée"…Ce premier critère d'évaluation sera habituellement tempéré par d'autres : niveau de la sélection, attention aux parcours scolaires individuels, aide à l'orientation…Tous ces critères ont bien sûr à voir avec une attitude éducative mais sans que celle-ci soit perçue comme déterminante pour une évaluation. Disons pour faire sommaire que les résultats aux examens sont d'abord mis en avant et qu'on admet en second lieu que d'autres éléments à la fois pédagogiques et éducatifs concourent au niveau des résultats. Dans un tel schéma d'évaluation, celui que retiennent la plupart des médias, les chroniqueurs ne manquent pas de constater, voire souligner, que l'enseignement catholique fait plutôt mieux que l'enseignement public, au moins dans les classements en tête de palmarès. "Notre palmarès établit que, sur les 461 meilleurs lycées de France, 61,5% sont privés…" écrit le journal "L'Express" en novembre 2007. Dans le peloton des 20 meilleurs, 17 établissements sont privés, toujours selon le même magazine. On peut certes applaudir un tel score et c'est sans doute lui qui frappera l'opinion. Mais ce n'est pas être mal-pensant que de s'interroger aussi sur le sens ambigu de ces résultats au regard de ce que peuvent être les divers objectifs de l'enseignement catholique. Et si les exigences de l'Evangile étaient plus faciles à constater dans les lycées situés en queue de peloton ? Car il faudrait quand même souligner que, dans les critères d'évaluation évoqués ci-dessus, il n'y a rien qui prenne en compte nettement une qualité de prestation d'ordre anthropologique, spirituel, religieux, voire "confessant". Ce qu'on peut comprendre de la part d'évaluateurs publics mais qui n'est pas totalement satisfaisant au regard de ce qu'on pourrait attendre de l'enseignement catholique. On répondra sans doute à cette réserve que la prestation indiquée ci-dessus est difficile à évaluer et se trouve plus ou moins véhiculée dans la qualité du service pédagogique et éducatif qui permet les résultats affichés. Peut-être ! Mais on pourra estimer que la réponse est un peu courte pour être totalement convaincante. Un établissement catholique ne peut se satisfaire d'être très performant en oubliant que, dans un autre ordre, "les premiers seront les derniers". C'est bien cette ambiguïté et ce risque qu'a voulu souligner le questionnement de Monseigneur Cattenoz. L'enseignement catholique peut-il et doit-il se satisfaire d'être efficace et "reconnu" dans ses résultats scolaires ? On sait bien sûr que le volet religieux de l'éducation ne préoccupe maintenant qu'une minorité de familles dans leur choix de l'enseignement catholique (10 à 15 % de celles-ci). Pour autant faut-il les décevoir sans vergogne au motif qu'elles ne sont pas les plus nombreuses et que ce n'est pas ce qu'attendent d'abord les autres parents ? C'est bien là la question essentielle que doivent se poser et poser les responsables de l'Eglise catholique de France : Pourquoi leur faudrait-il soutenir et faire perdurer l'enseignement catholique s'il n'assure plus ou peu une mission évangélisatrice auprès des jeunes de ce pays ? Nous voilà donc renvoyés à la réflexion formulée il y a plus de vingt ans par Alain Savary et qui figure en exergue de notre texte.
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PERSPECTIVE ET PROSPECTIVE
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1 - La contingence de l'enseignement catholique. Que ce titre un peu abscons ne fasse pas peur. Rappelons en simplifiant les choses que la contingence c'est le contraire de la nécessité. Est nécessaire ce qui doit exister pour qu'une fin soit atteinte. Si tel n'est pas le cas, on est devant un moyen contingent, non indispensable, peutêtre intéressant et "facilitateur", mais dont l'absence n'interdit pas d'atteindre la fin. Pour ce qui nous concerne ici, quelle est la fin poursuivie? A l'évidence c'est annoncer un sens de la vie, c'est faire connaître cette Bonne Nouvelle, c'est évangéliser. Pour atteindre cette fin l'école catholique n'est pas un moyen nécessaire, c'est-à-dire indispensable. Il y a toujours eu et il existe toujours d'autres formes d'action pour permettre des parcours d'évangélisation. Certains perdurent au fil des siècles, d'autres disparaissent parce qu'ils ne sont plus adaptés ou parce qu'ils sont remplacés La liste en serait longue : qu'on pense aux confréries ou à certaines corporations, aux activités hospitalières de congrégations religieuses, aux sociétés sportives ou musicales, aux patronages… Il est exact historiquement que l'enseignement est un moyen qui a pour lui une grande ancienneté. Pour une large part il a été l'œuvre inlassable des membres de l'Eglise, des moines, des congrégations enseignantes, des clercs…ce qui ne prouve pas qu'il a toujours été efficace car on constate qu'il a parfois vu se retourner contre son message ou perdre celui-ci de vue ceux qui en avaient bénéficié. L'enseignement et l'éducation ont d'ailleurs toujours été privilégiés par les grands courants de pensée, par les tenants des religions comme par les idéologies. Que l'enseignement puisse à certaines conditions être un vecteur d'évangélisation n'est pas contestable mais cela ne lui donne pas pour autant "les paroles de la vie éternelle". Que l'enseignement catholique ait pu exister, qu'il ait prospéré, qu'il ait été utile, voire important, ne prouve pas pour autant qu'il puisse ou doive perdurer. On ne peut pas nier qu'il a été partie prenante de l'histoire de la France et de son évangélisation, sans oublier quand même qu'il a vécu une constante évolution : il a eu l'initiative, il a connu le quasi-monopole, il s'est vu imposer la diversité, il a été maltraité, parfois exclu, il a repris pied, il a accepté l'association à la puissance publique et de ce fait sa soumission à celle-ci, peut-être ira-t-il un jour vers l'intégration… Nous sommes bien dans l'ordre des moyens et donc de la contingence au regard de la visée d'une fin qui, elle, ne change pas. L'enseignement catholique n'est donc pour l'Eglise qu'un moyen contingent au service de sa mission d'évangélisation. C'est d'ailleurs bien ainsi que le considèrent de nombreux parents qui s'appuient sur d'autres moyens pour poursuivre le même objectif. Quant à la Cité et à l'Etat qui ont mission d'instruire et d'initier à la vie civique et sociale, il leur appartient d'assumer cette obligation par des moyens appropriés, sans nécessairement avoir recours à l'enseignement catholique.
2 - La spécificité de l'enseignement catholique Cette contingence que nous venons d'évoquer nous amène donc à pousser plus loin la réflexion et à entrer dans la problématique propre de l'enseignement catholique. Que veut-on dire par cette formule ? Très expressément que cette institution ne se ramène pas à un ensemble de problèmes à résoudre.
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Un problème c'est un obstacle qui empêche provisoirement d'aller plus avant dans la réflexion ou dans l'action. C'est une question ou une suite de questions à résoudre. La recherche de la solution passe par une démarche rationnelle extérieure au problème, une analyse des composantes et de leurs enchaînements. On peut donc en conclure qu'à plus ou moins long terme il y a une solution à ce problème, ce qu'on désigne sous le terme "explication". Une problématique c'est bien aussi un ensemble de questions mais qui correspondent à un thème unique complexe avec une interférence des questions, un lien sous-jacent entre elles et une dynamique interne spécifique. On ne peut aborder une problématique qu'en faisant appel à d'autres moyens que la simple rationalité, en essayant de se situer "à l'intérieur" et en cherchant le "foyer de sens" à partir duquel les éléments constitutifs de la problématique se hiérarchisent, se mettent en perspective et se justifient. Une problématique appelle une "compréhension". Pour ce faire il peut d'ailleurs être parfois nécessaire d'ouvrir le système pour introduire une variable nouvelle ou de faire entrer le système dans un ensemble plus vaste. Il y a donc une complexité de la problématique qui rend sa compréhension difficile, voire impossible, fragile et aléatoire dès lors qu'on n'a pas déterminé et reconnu le foyer de sens lui-même. Il reste que l'on peut contester, voire récuser, l'existence ou la validité de ce foyer de sens lui-même. Ce qui a pour conséquence de malmener, voire d'annuler la problématique et de la renvoyer à la contingence de problèmes à traiter. Il appartient donc à ceux qui pensent qu'il y a problématique de la faire constater comme incontournable, eu égard à la qualité du foyer de sens lui-même, à la pertinence des enjeux qui en découlent et des finalités qui sont recherchées. Il est bien difficile de récuser que la quête d'une vision de la personne et de l'existence ne soit une question fondamentale pour l'humanité. On se rappelle la question lancinante qui court à travers le roman de Soljenitsyne "Le pavillon des cancéreux" : "Qu'est-ce qui fait vivre les hommes ?". Toutes les civilisations, toutes les cultures, tous les arts, toutes les spiritualités ne font que reprendre de diverses manières ce questionnement fondamental. Pour en revenir à l'institution "enseignement catholique", elle ne peut être traitée que dans le cadre d'une problématique. La complexité de ce qu'elle représente va bien au delà de problèmes juridiques, financiers, administratifs ou sociaux. Tous ceux-ci ne peuvent devenir intelligibles que dans le rayonnement d'un foyer de sens précis, auquel il faut se référer sans cesse. Faute de quoi le système se dés-articule parce qu'il est dés-orienté, parce qu'il devient in-signifiant et retombe dans la contingence. Dans le dossier qui nous intéresse, quel est donc ce foyer de sens ? Très clairement il est à placer dans la proposition d' une vision évangélique de la personne et de l'existence. Ce qui est en cause ici c'est donc l'adjectif "évangélique" qui qualifie clairement la vision proposée. Il faut reconnaître que cette vision évangélique ne s'impose pas comme indiscutable en soi. Elle n'est qu'une vision parmi d'autres. Pour autant elle a droit à ne pas être récusée a priori, elle peut être proposée à l'homme et être appréciée aux fruits qu'elle peut produire. Pour éclairer ce qui vient d'être dit, nous proposons ici un extrait de l'intervention faite par monseigneur Housset, évêque de La Rochelle et Saintes en 2007, lors de l'inauguration du nouvel ensemble scolaire Fénelon-Notre Dame de La Rochelle. Souhaitant apporter une clarification sur la place des établissements catholiques en France, monseigneur Housset précise :
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"Leur spécificité (celle des établissements), leur seule spécificité, consiste à essayer de vivre et de proposer, de manière explicite, le sens évangélique de la personne et de l'existence, dans la transmission des savoirs et le fonctionnement courant de l'établissement. Ceci dans le respect de la liberté de conscience de chacun…" Et l'évêque d'ajouter un peu plus tard :" Il est catholique sans être confessionnel. Il accueille en effet des élèves qui ne sont pas catholiques, parfois dans de grandes proportions. Loin d'être incompatible, cet accueil correspond au projet éducatif se référant explicitement à l'Evangile…".Il semble que l'essentiel soit dit par ces quelques phrases et il est indispensable de s'y arrêter de façon détaillée. L'insistance est d'abord mise sur le fait que l'enseignement catholique n'a qu'une seule spécificité : vivre et proposer le sens évangélique de la personne et de l'existence. Ce qui coupe court à toute autre justification, laquelle ne serait pas fondée sur l'essentiel et l'originalité. Ce sens évangélique de la personne et de l'existence, il faut essayer d'une part de le vivre et d'autre part de le proposer de manière explicite. Apparaît donc là une triple exigence pour tout établissement catholique : essayer de vivre, s'efforcer de proposer, et ce d'une manière explicite. On ne peut pas être plus clair. Un établissement catholique doit porter, d'une manière ou d'une autre, un témoignage de vie référé à l'Evangile. Il doit par ailleurs le faire connaître et en proposer le partage à tous ses membres. Il doit enfin aller au-delà d'une simple inspiration sous-jacente et affirmer explicitement au nom de Qui il est ce qu'il est. Le champ d'application de ces exigences est double : bien sûr la transmission des savoirs, ce qui est le propre d'un établissement scolaire, mais aussi le fonctionnement courant de la vie sociale dans l'établissement. Ce deuxième champ n'est pas secondaire par rapport au premier auquel on serait tenté de penser en priorité et il est peut-être plus vaste... S'ensuit le rappel que la liberté de conscience de chacun doit être cependant respectée parce qu'elle est constitutive de l'unicité et de la liberté d'une existence d'homme. A quoi s'ajoute la distinction capitale entre une attitude catholique, preuve de l'ouverture aux autres, et un comportement confessionnel qui serait à l'inverse signe d'une fermeture sur un "entre nous" à connotation "communautariste". Ces quelques phrases de l'évêque de La Rochelle précisent donc très clairement ce qu'est la spécificité de l'enseignement catholique, et rappelons qu'il y a insistance sur le fait qu'elle soit la seule. Il n'est pas dit que cette spécificité soit reconnue et vécue par tous les membres de l'institution, ni qu'elle soit facile à mettre en œuvre et respecter. Mais voilà qui donne un contenu à ce foyer de sens évoqué plus haut et qui trace la ligne de partage entre le droit fil et les dérives et tentations qui guettent l'institution. 3 - Dérives et tentations Dérives et tentations sont nombreuses et elles contaminent plus ou moins l'univers de l'enseignement catholique, au risque de lui faire perdre la spécificité dont nous venons de parler. Une première tentation serait pour lui de partir du postulat qu'il est indispensable au système scolaire français. Eu égard à son ancienneté, à son enracinement dans les diverses époques, à son efficacité pédagogique, éducative et même spirituelle, il ne lui semblerait pas possible d'envisager la simple hypothèse qu'il puisse disparaître. C'est évidemment ignorer la spécificité justificatrice et c'est en revenir au moyen qui se prend pour la fin, avec tout ce que cela suppose de prétention, d'intolérance et d'exigence indue.
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Il se pourrait aussi que, plus subtilement, on se réfugie derrière la nécessité et la demande d'un système scolaire pluraliste. Puisqu'il est reconnu qu'il n'est pas sain d'accepter un système monopolistique d'éducation, soyons le recours qui fait exister la diversité. De fait c'est bien ce rôle qu'on lui demande souvent de jouer et qu'il assure assez volontiers. Ce n'est pas nécessairement une aberration, s'il s'agit de "servir" des personnes, mais en pareille situation il ne faut pas "vendre son âme" et gommer un caractère catholique pour mieux attirer le chaland. Sous couvert d'enseignement catholique on peut aussi devenir établissement privé à étiquette catholique mais qui glisse plus ou moins discrètement vers un statut d'entreprise commerciale au service d'une clientèle, voire du profit. On est là bien loin du "vivre et proposer, de manière explicite…" évoqué plus haut. Mieux vaudrait alors tomber le masque et s'affirmer comme privé non confessionnel. La tentation existe aussi de se situer comme établissement d'excellence, tant pour la qualité des résultats aux examens que pour une certaine qualité d'éducation dispensée à des jeunes favorisés par la naissance, par la fortune ou par le statut social. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec le Sermon sur la montagne et les Béatitudes ? A l'opposé, on doit aussi évoquer la tentation "communautariste " qui pousserait à n'accueillir que des jeunes issus de familles aux caractéristiques culturelles, sociales et spirituelles homogènes, dans un monde scolaire protégé, à l'abri des vents et tempêtes d'autres milieux sociaux. Il est clair qu'on est là aussi en contresens avec ce que signifie le terme "catholique" dans ses exigences. Sans énumérer davantage, on voit bien que ces dérives se coupent du foyer de sens dont nous avons parlé plus haut et qu'elles ne sont plus qu'elles-mêmes : on ne voit plus en quoi elles devraient encore être cautionnées par l'institution "Eglise". Dans cette optique il serait important que les autorités de tutelle se montrent plus vigilantes et plus exigeantes et qu'elles fassent à tout le moins les mises en garde nécessaires. C'est pour elles un travail de discernement qui appelle du temps et une analyse en profondeur des instances des établissements puisqu'il leur faudrait évaluer, comme le précise Mgr Housset, le "sens évangélique" tant dans la "transmission des savoirs" que dans le "fonctionnement courant de l'établissement". 4 - Les choix à faire Toutes les pages qu'on vient de lire n'ont fait que mettre en lumière des réalités vécues et des réflexions théoriques relatives à l'existence et la vie de l'enseignement catholique. Il est patent que la réalité et les justifications intellectuelles ne sont pas vraiment en cohérence. Le fossé se creuse entre les situations concrètes vécues, avec leurs composantes administratives, juridiques et financières, et les demandes justifiées des responsables de l'Eglise de France pour un enracinement, un ressourcement et un épanouissement évangélique des établissements. Sans doute peut-on penser que nombres d'évêques de France sont perplexes devant une telle situation, même s'il n'est ni facile ni adroit de le dire publiquement. Ils constatent qu'effectivement les exigences qu'ils manifestent sont souvent bien loin du réel. Les déclarations quelque peu dérangeantes de l'archevêque d'Avignon ont sans doute obligé l'épiscopat à serrer les rangs et à s'interroger, monseigneur Cattenoz nuançant quant à lui des propos qui prêtaient d'ailleurs le flanc à critique. Mais rien n'est vraiment mis au clair sur le fond et se pose la question abrupte : qu'espérer de l'enseignement catholique pour l'évangélisation des jeunes ? Certains évêques ont misé sur cette institution, constatant que c'était encore là qu'on pouvait "rejoindre" une partie de ceux-ci. D'autres n'en font pas une priorité, pour diverses raisons d'ailleurs. La question posée par Alain Savary il y a plus de vingt ans reste d'actualité.
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Les responsables nationaux de l'enseignement catholique français ont sans doute fait de leur mieux pour insuffler, chacun à sa manière, un dynamisme pédagogique et éducatif inspiré par l'Evangile. Les multiples conclusions et propositions dégagées par les travaux des différentes "Assises" depuis près de dix ans ont voulu proposer de bonnes pratiques dans les établissements. Sur ce sujet on lira avec intérêt le texte de Paul Malartre rendant compte de cette démarche d'assises : "Est-il encore possible d'éduquer ?". Qui mieux est, les conclusions de ces Assises se sont coulées dans des formulations souvent heureuses, fondées sur des réflexions anthropologiques bienvenues et loin des recommandations de "pratiques religieuses" largement surannées. Elles cherchaient par ce cheminement à être mieux accueillies par les divers personnels des établissements et à susciter une large adhésion à l'intérieur et aussi hors du champ de présence de l'enseignement catholique. Le résultat est loin d'avoir été nul mais il s'est heurté à d'autres sujets de préoccupation internes. On ne peut pas oublier en effet que, pour être moins "paquebot" que l'enseignement public, l'enseignement catholique est quand même un bateau lourd et "peu manoeuvrant", comme on dit en termes de marine. Lui donner une nouvelle orientation demande des convictions solides, des capacités de persuasion durables, du temps, de la persévérance. De plus le bateau était lancé vers un rapprochement avec l'enseignement public, pour le statut des maîtres et leurs retraites par exemple, comme aussi pour la formation de ceux-ci dans un creuset commun au risque de l'effacement d'une identité propre, tandis qu'émergeait parallèlement une demande de respect du "personnel" indépendamment du "professionnel". Proposer un nouveau cap n'allait pas dans le sens du mouvement en cours et ne pouvait être bien accueilli que par une partie de l'équipage. Il n'en résulte pas nécessairement un échec à terme des nouvelles orientations. Peut-être faudra-t-il d'abord expérimenter et comprendre que le véritable avenir viendra non pas d'un retour aux pratiques passées ou de fascinations présentes sans avenir, mais d'une reprise en compte du foyer de sens évoqué plus haut, la seule boussole justificatrice qui permettra de ne pas se perdre sur les récifs. Quant à l'opinion publique, elle a dans l'ensemble organisé le malentendu en demandant à l'enseignement catholique de jouer un rôle qui n'était pas exactement le sien et qu'il n'a pas su, pas pu, ou pas dû refuser. Forts de ce malentendu qu'ils ont sans doute contribué à entretenir parce que, d'une certaine manière, il leur était utile, les établissements catholiques se sont adaptés et ont pris le risque d'affadir leur spécificité. 5 - Avec quelle prospective ? Tous ces éléments de réflexion ayant été rappelés, que peut-il advenir de l'enseignement catholique en France dans les années à venir ? Reconnaissons d'abord que cette question n'est pas neuve puisqu'en mai 1973 elle était déjà posée par Paul Aubret, alors Secrétaire général adjoint. Quand on relit le texte d'une intervention qu'il avait faite dans une session nationale de cadres éducatifs, on ne peut qu'être frappé par certaines similitudes d'analyse avec ce qu'on écrit en 2008. Avec des phrases comme celles-ci :"Si demain l'enseignement catholique devait venir à disparaître…c'est parce que de l'intérieur il se serait lui-même dissous…Si pendant dix ans encore nous n'avons rien à dire, c'est un fait, ce sera terrible…". Trente-cinq années plus tard la deuxième assertion ne s'est pas clairement confirmée, mais la première reste une réelle interpellation, peut-être prophétique.
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Que constatons-nous aujourd'hui ? D'abord qu'il faut faire avec l'évolution de la société au fil des décennies. On sait que pour des raisons de démographie, de géographie économique et sociale, de conditions matérielles, de problèmes immobiliers…nombre d'établissements du premier et du second degré ont déjà disparu de la carte, soit par suppression pure et simple, soit par restructuration et regroupement. Ces modifications d'implantations et de présence vont se poursuivre à coup sûr. Cette évolution permanente des situations n'est pas nouvelle et nous serions bien inspirés d'avoir une meilleure connaissance de l'histoire ancienne et récente des implantations et des activités des établissements catholiques. Beaucoup de nos questionnements sur ce point précis en seraient éclairés et apaisés. Le phénomène est sans doute amplifié à notre époque par l'apparition au fil du temps d'un maillage plus serré d'établissements publics sur l'ensemble du territoire national. Plus récents et appuyés par des moyens financiers consistants, disposant souvent d'un corps enseignant de valeur, ces établissements peuvent se montrer plus séduisants, mieux équipés et plus sécurisés que les établissements privés dont certains sont vénérables et chargés d'un prestige ancien, mais frappés d'obsolescence immobilière et parfois d'immobilisme pédagogique et éducatif. Peut-on suggérer aussi qu'il semble y avoir pour toute institution humaine et toute entreprise un cycle de vie limité qui se décline en naissance, croissance, maturité et déclin. Ces structures, tant matérielles que sociales, qu'avec nos courtes vues humaines nous serions tentés de croire plus fortes que le temps, connaissent elles aussi le sort commun d'apparaître, de croître mais aussi de s'étioler et de disparaître. Rares sont celles qui perdurent et passent le siècle et ce n'est dans presque tous les cas qu'au prix de mutations profondes qui les régénèrent. En quoi l'enseignement catholique échapperait-il à cette universelle fragilité ? Il reste quand même à s'interroger sur ce qu'il peut advenir des établissements catholiques actuellement en activité et dont le cycle de vie ne semble pas actuellement compromis. Plusieurs scénarios sont possibles. Soit on s'emploie à ce que perdure la situation actuelle, avec toutes les ambiguïtés, les compromissions et les vicissitudes que nous avons tenté d'inventorier. Le lent processus de décomposition et donc d'in-signifiance va se poursuivre au fil du temps et, comme l'a dit Paul Aubret, l'enseignement catholique se sera un jour lui-même dissous dans l'indifférenciation générale, comme par une sorte d'entropie inévitable. Faut-il s'en attrister ou s'en réjouir, ou rester indifférent ? En fin de compte il importe peut-être peu que l'enseignement catholique ait "fait son temps", si ce n'était qu'un moyen adapté à une période de l'histoire de l'évangélisation ! Mais il serait peut-être alors nécessaire de clarifier la perspective et de laisser au temps le soin de régler tranquillement les situations en cours. L'autre hypothèse est qu'on soit convaincu que la source évangélique de l'institution "enseignement catholique" reste éternellement jaillissante et qu'elle est toujours capable d'irriguer un réseau d'instruction et d'éducation au service de la jeunesse. Si on se place dans cette perspective, c'est alors tout un travail de clarification et de revitalisation qu'il faut entreprendre, avec la perspective de choix clairs et de remises en cause lourdes de conséquences. Réaffirmer clairement à quel foyer de sens l'institution se rattache et quelles exigences en découlent. Nous avons écrit plus haut que le foyer de sens qui pouvait produire et justifier une dynamique originale c'était l'interpellation évangélique et les valeurs qu’elle portait, en particulier le respect de chaque personne dans son originalité parce qu'elle est visage de Dieu, le souci préférentiel du pauvre et du "mal loti", le refus de la fascination de la richesse et de la puissance, l'ouverture à la diversité…Ce sont de telles valeurs, et d'autres encore, qui devraient animer une identité éducative forte et originale capable d'attirer l'attention et de susciter la demande. Il devrait en résulter une capacité d'imaginer, d'inventer et d'expérimenter des réponses innovantes aux problèmes contemporains que nous pose l'éducation de la jeunesse. Ce dynamisme peut et doit s'appuyer sur la longue expérience engrangée au fil du temps mais avec des outres neuves parce que le vin est toujours nouveau.
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Est-il nécessaire de préciser que ce n'est sans doute pas la voie dans laquelle s'est engagée la majorité de l'enseignement catholique depuis quelques décennies... Il est évidemment hors de question de revenir à des manières de faire qui seraient réactionnaires et inefficaces. Mais on ne peut pas davantage s'enfoncer dans des façons de penser et d'agir qui vont dans le sens de la plus grande pente et de la norme acceptée par nivellement et uniformisation. Dans son dernier ouvrage "Comment je suis redevenu chrétien", l'écrivain Jean Claude Guillebaud précise que ce qui est évangélique c'est d'être "dans le subversif plus que dans le normatif". Belle interpellation pour l'enseignement catholique ! Soyons clairs et directs : c'est aux instances tutélaires de l'enseignement catholique (évêques, directeurs diocésains, supérieurs de congrégations enseignantes) qu'il appartient de prendre leurs responsabilités et de se montrer exigeants pour les établissements qu'elles accompagnent. Il sera sans doute nécessaire d'y mettre du temps et de la pédagogie, de proposer des choix clairs, de mettre les structures devant des alternatives sans ambiguïté et de tirer les conséquences de leurs réponses. Puisque nous venons d'évoquer le rôle des tutelles, l'occasion est bonne pour s'interroger sur ce qu'on appelle les "visites de tutelle". Il semble qu'elles soient actuellement souvent effectuées dans un esprit large et débonnaire, nourries de quelques conversations et échanges qui ne durent que quelques heures. Est-ce vraiment suffisant si l'on veut correspondre aux précisions que formule monseigneur Housset et que nous avons rappelées. Une visite de tutelle ne devrait-elle pas être une sorte d'audit du fonctionnement d'un établissement au regard de sa spécificité ? Donnons quelques exemples. Quels sont les signes matériels visibles pour tous, usagers et visiteurs, du rattachement à l'enseignement catholique ? "Qu'il y ait un signe de vie chrétienne dans chaque établissement", a demandé monseigneur Rouet, archevêque de Poitiers. Et pour aller au-delà de signes matériels, quelle est la part de budget consacrée à des animations spirituelles et pastorales ? Est-elle proportionnelle aux besoins ? Comment se vivent ces activités ? Quel est le contenu des documents présentant l'établissement et quelle est la cohérence réelle avec le vécu quotidien, par exemple dans quel esprit se déroule un conseil de classe ? Comment est respectée la législation sociale en vigueur en ce qui concerne les instances sociales, les droits des personnels, l'emploi des handicapés. Quelles structures sont mises en place pour que chacun se sente partie prenante de la vie et du rayonnement de la "boîte" ? On pourrait continuer l'énumération des questions et il serait probablement intéressant de formaliser une grille de critères significatifs. Au-delà de cette analyse qui demande du temps et sans doute plusieurs intervenants, quel rapport-miroir est renvoyé aux responsables d'établissements et quelle publicité interne est donnée à ce compte-rendu ? Et bien sûr quelles conséquences en sont tirées tant par l'institution "enseignement catholique" que par les intéressés pour d'éventuelles "corrections de trajectoire". Certains pourront penser qu'on propose ici un véritable "coup de barre" par rapport à la situation actuelle. Mais outre qu'il ne pourra se faire qu'avec le temps nécessaire, il ne révèle pas un repli frileux sur des positions conservatrices, voire traditionalistes. Bien au contraire, il s'efforce de faire s'accorder la réalité vécue au foyer de sens dont l'institution se réclame. Au fil du processus les rangs pourront sans doute se clairsemer mais la situation en sortirait clarifiée. On peut penser en effet qu'un enseignement catholique réellement évangélique a peut-être un avenir plus qualitatif que quantitatif. N'est-ce pas préférable au "risque de l'indifférenciation" signalé par Paul Malartre et dont nous avons fait état plus haut.
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6 - Les obstacles à vaincre Alors qu'elle paraît déterminante pour l'avenir de l'enseignement catholique, la correction de trajectoire que nous venons d'évoquer n'est pas facile et simple à mettre en œuvre. Les raisons de ces difficultés sont diverses et parfois conjoncturelles mais on peut quand même en identifier quelques-unes plus structurelles. Rappelons d'abord les évolutions évoquées au début de ce travail pour ce qui concerne la question des responsables d'établissements et le dossier des enseignants. Avec de bonnes raisons on a quand même beaucoup mis l'accent sur les questions touchant aux problèmes financiers et aux personnels enseignants, points sur lesquels les syndicats de maîtres ne pouvaient qu'attiser les feux et faire émerger des solutions ayant comme objectif d'améliorer leur sort et de rapprocher leur statut de celui de leurs collègues du "public". Ce faisant, on a sans doute quelque peu oublié que tout devait s'articuler autour des jeunes, de leur formation et de leur avenir. Les constats qu'on peut faire ne vont peut-être pas exactement dans ce sens. Quand un chef d'établissement n'a plus le droit de construire une équipe pédagogique adaptée aux besoins réels de ses élèves, quand on a conforté chez nombre d'enseignants l'idée qu'ils exerçaient une profession libérale en milieu scolaire, que leur affectation dépendait d'un dossier administratif et qu'ils occupaient des "postes" conformes autant que possible à leurs intérêts personnels, on s'est peut-être rapproché de ce qui se pratique dans l'enseignement public. Mais s'est-on posé la question de savoir si ce modèle était le bon ? Et si le modèle souhaitable se définissait par : un enseignant présent à plein temps dans son "bahut", disposant entre ses cours d'un bureau (et de la technologie complémentaire) où préparer ses cours, corriger ses copies, recevoir des familles ou des élèves, débattre avec ses collègues, participer aux instances internes… et rentrer chez lui le soir libre de tout souci professionnel ? On connaît des chefs d'établissements qui ont rêvé de cette expérience. Il est troublant de constater que ce sont ces divers modèles qui font débat dans l'opinion, même si beaucoup d'enseignants campent sur leur statut actuel par conservatisme ou par confort. L'enseignement catholique s'est toujours réclamé d'une autre approche du "métier d'enseignant", plus investi sur le souci des élèves, tant à titre personnel qu'au sein d'une équipe pédagogique. Il est en train de s'en éloigner au moment précis peut-être où son expérience aurait pu être facteur de progrès pour toute la communauté enseignante. On devine donc la difficulté d'une proposition nouvelle d'évolution professionnelle. Sans doute faudrait-il aussi réfléchir sur les procédures de recrutement et de formation des personnels enseignants. Sur quels critères s'appuyer pour retenir une candidature, comment collaborer avec les IUFM tout en conservant une originalité affirmée ? Dans le même temps il est nécessaire de développer une attractivité des modes de travail et de vie de l'enseignement catholique vis à vis de jeunes intéressés par le métier d'enseignant. Leur proposer non pas un grand souffle d'aventure, ce qui serait excessif, mais des possibilités d'exprimer leur créativité et leur générosité, à rebours d'une fonctionnarisation peut-être confortable mais peu ambitieuse et à la longue desséchante. On débattra longtemps pour savoir s'il faut préférer le risque de la chèvre de monsieur Seguin à la sécurité du troupeau dans la vallée… Mutatis mutandis, c'est un problème similaire qu'il serait indispensable de poser pour les responsables d'établissements. Et avec encore plus de soin parce qu'ils sont appelés à devenir les responsables des communautés éducatives et que l'avenir de l'enseignement catholique repose en partie sur leur capacité à leur donner du dynamisme professionnel et du souffle spirituel.
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On voit bien que la voie est étroite qui permet de respecter les personnes tout en ayant souci de la qualité de l'institution et des jeunes dont elle a la responsabilité. Loin de dévier vers un corps de personnels "bien-pensant et dévoué en tous domaines" (et d'ailleurs comment s'en assurer), chercher les profils dont le passé a révélé le respect et le souci des autres, l'inventivité, le dynamisme pédagogique et éducatif et, pourquoi pas, des convictions personnelles pourvu qu'elles soient ouvertes. 7 - Les atouts en main Compte-tenu de son évolution depuis plusieurs décennies, l'enseignement catholique s'est chargé de quelques handicaps qui ne facilitent pas le maintien de son originalité. Cependant il garde en main quelques atouts importants dont il devrait faire un meilleur usage. Il conserve d'abord des espaces de liberté qui lui sont propres. Dès lors qu'il respecte les horaires et les programmes officiels, il a toutes possibilités d'être original, inventif et créatif dans l'organisation de son fonctionnement. Il est exact que çà et là des établissements usent de cette faculté, notamment pour l'organisation de l'espace et du temps, pour des initiatives pédagogiques innovantes, pour des rythmes scolaires moins monotones…Il semble pourtant que ces initiatives soient de moins en moins nombreuses, comme si le corps social s'ankylosait peu à peu et ne se permettait plus de mouvements qu'on croit dangereux. Est-ce paresse, timidité, peur administrative, infondée d'ailleurs ? Comme il a été signalé plus haut, on a connu des inspecteurs intéressés et demandeurs de telles initiatives. Cette liberté va de pair avec une certaine autonomie des établissements. Pour une fois qu'il existe en France un système non-jacobin ! Cette autonomie n'exclut pas un nécessaire maillage et une cohérence des réseaux d'établissements. Il est quand même piquant de constater que ce principe d'autonomie est une des hypothèses actuelles avancées pour l'évolution de l'enseignement public. Mettre l'instance de décision au plus près du terrain donne évidemment de la souplesse et responsabilise les décideurs tant devant leurs supérieurs hiérarchiques que devant leurs subordonnés. Là encore l'enseignement catholique a une carte à exploiter, mais le veut-il vraiment ? Espaces de liberté et autonomie sont en mesure de libérer l'imagination pour des innovations pédagogiques fortes. A-t-on oublié qu'il y eut même un temps où avait été encouragée par le ministère de l'Education Nationale la liberté d'utilisation par les établissements de 10% du temps d'enseignement ! Cette liberté sous contrôle a été engloutie dans les sables des habitudes. Mais l'enseignement catholique a-t-il fait assez pour "exploiter le filon" et en montrer toute la fécondité ? Alors que tant de bourgeons pourraient encore éclater et s'épanouir! Cette démarche d'innovation pourrait en priorité bénéficier aux plus démunis et aux plus pauvres, car l'Evangile ne nous laisse pas le choix, mais elle devrait surtout permettre la recherche du parcours de réussite pour chacun. Tous les jeunes qui nous sont confiés méritent l'innovation. Allons encore plus loin et affirmons qu'une des cartes positives de l'enseignement catholique serait sa laïcité, laquelle pourra paraître paradoxale dans un établissement catholique. Et pourtant …Nous ne parlons pas ici de cette laïcité frileuse et recroquevillée qui ne dit rien, qui ne risque rien, s'abritant derrière une obligation de réserve du fonctionnaire afin de ne pas déplaire à quiconque. Cette laïcité a peut-être été nécessaire à certaines périodes de notre histoire, mais elle ne correspond plus à la situation contemporaine. On a même entendu, il y a quelques années, un recteur d'académie dire sans ambages : "La laïcité et la neutralité de l'enseignement public ne sont plus soutenables". Sous une autre forme c'est aussi ce qu'exprime Régis Debray dans un entretien paru dans le journal "Sud-Ouest" le 20 décembre 2004, quand il précise qu'il est nécessaire de "passer d'une laïcité d'incompétence à une laïcité d'intelligence".
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Il se trouve en effet que seuls sont enrichissants et structurants pour les hommes les sujets qui ne relèvent pas du savoir objectif, de l'univers indiscutable des sciences. Ces questions sont celles autour desquelles se nouent les choix essentiels de l'existence humaine, se déterminent des choix, se mettent en œuvre des politiques. Pour quoi les hommes se combattent-ils ? Certainement pas de nos jours pour des motifs mathématiques ou scientifiques. Mais pour quoi s'enthousiasment-ils ? Pour quoi créent-ils ? Pour quoi aiment-ils ? Pour quoi vivent-ils ? Une laïcité qui se tait sur de telles questions est une laïcité qui mutile l'homme. Pour citer à nouveau Jean Claude Guillebaud : "La laïcité ce n'est pas la peureuse révision à la baisse des points de vue, c'est leur libre expression dans un rapport robuste et dialogique". A quoi font écho les paroles de monseigneur Albert Rouet, archevêque de Poitiers, quand il a dit en novembre 1995: " Le respect de l'homme c'est de lui proposer des choix… La vraie tolérance c'est d'apprendre à débattre…Que les questions qui passionnent les jeunes soient favorisées dans nos établissements". Dans cette perspective l'enseignement catholique devrait avoir un rôle totalement novateur à jouer, aussi bien entre les adultes qu'avec les jeunes des lycées : non pas taire mais dire… Mais ne pas tenir un discours unique, accepter la diversité des points de vue, les différences, étant entendu que l'institution propose un discours de valeurs qui demande lui aussi à être respecté.. Monseigneur Rouet dit encore ceci : "L'Eglise est convaincue qu'il n'y a aucun chemin unique qui soit suffisant, si l'on veut comprendre l'homme". C'est bien là le paradoxe : l'enseignement catholique devrait être le lieu de la parole libre, de la parole respectueuse de l'autre, enrichie de sa contradiction et de sa différence, ouverte au débat, au dialogue, aux recherches, aux témoignages. L'enseignement catholique n'a rien à imposer, il doit plutôt proposer des points d'appui, des "prises" au sens qu'on emploie en escalade, afin que les jeunes fassent leur propre ascension, qu'ils se fraient une voie vers leur sommet. Formulé avec une autre image disons qu'il n'appartient à personne de leur dicter un cap mais qu'on doit plutôt leur apprendre à lire dans les étoiles. Evoquons aussi tout ce peut apporter une vie sociale démocratique et contractualisée. On nous serine le terme de citoyenneté. Nous ne pouvons donc pas oublier qu'une société humaine , grande ou petite, repose sur un certain consensus des attitudes et des comportements de tous ses membres. Un établissement scolaire doit être le lieu d'apprentissage de cette vie en commun. Ce n'est pas parce qu'il est composé d'adultes et de jeunes, situés différemment, qu'on doit renoncer à toute recherche de contrat passé et respecté tant dans la vie pédagogique que dans des structures de vie collective. Là encore l'enseignement catholique pourrait être exemplaire et inventif. 8 - Qu'en est-il du caractère propre ? On a pu constater que la réflexion qu'on vient de lire n'a jamais évoqué la fameuse formule de "caractère propre" qui a été si souvent citée, et contestée, quand on évoquait le droit à exister de l'enseignement catholique. L'honnêteté intellectuelle oblige à dire que cette expression n'a aucun contenu permettant d'en faire une catégorie juridique " a priori", catégorie à laquelle pourrait être confronté le réel d'une situation. Le caractère propre n'existe pas en soi, il apparaît en fin d'action comme témoignage d'une manière de vivre qui se justifie d'elle-même par son évidence. Le caractère propre n'est pas antérieur à la vie de l'institution, il est le dynamisme propre qui anime la vie de celle-ci. Il se construit et s'explicite au fil du temps, des choix et des actions menées, jusqu'à s'imposer comme indiscutable.. Il est la traduction en actes de l'énergie dégagée par le foyer de sens , celui qui éclaire la problématique qu'il sous-tend. De même qu'il n'existe pas de champion sportif "a priori" mais un projet initial épaulé par une volonté, puis beaucoup d'activités d'entraînement et de progrès, et enfin un résultat qui un jour s'impose mais devra pour durer être soutenu par un effort constant…
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De manière un peu similaire on pourrait faire un sort à une autre formule rabâchée, celle du "besoin scolaire reconnu". De quel besoin s'agit-il ? Et reconnu par qui ? Quel sens a l'adjectif "scolaire" ? Faut-il le situer dans l'ordre du quantitatif, un nombre d'élèves par exemple ? Ou serait-il plus judicieux de penser à une demande éducative exprimée ? Mais cette dernière est bien difficile à évaluer et comment est-elle mesurable ? On constate combien cette formule protéiforme est, comme la précédente, interprétable selon les désirs et les options du moment.
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POUR REPONDRE A LA QUESTION
Le goût de la vérité mène trop souvent dans le fossé et la lucidité est une vertu de vieux. Pour personne seule et tombée du train… Où irait-on s'il fallait dire ce qui est, tel quel ? On ne fonce jamais mieux que dans le brouillard. (R. Debray "Un candide en terre sainte", page 376)
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1 - Quel avenir ?
On ne prolongera pas plus avant cette réflexion, même si elle reste évidemment incomplète, même si on a soulevé et tenté d'analyser beaucoup de questions. Il faut maintenant risquer une réponse à la question initiale : "Quel avenir pour l'enseignement catholique français ? Car il est honnête de poser une conclusion, celle-ci n'engageant que l'auteur des pages qu'on vient de lire. Et celui-ci a pris bonne note de l'assertion de Régis Debray, relevée dans son dernier ouvrage paru. Pour autant, si l'on doit formuler notre point de vue d'une manière abrupte et sans nuance, ce sera pour dire que l'avenir de l'enseignement catholique en France, tel qu'il se présente actuellement, est très incertain et très compromis. Mais que faut-il attendre de l'avenir d'un enseignement privé qui s'abriterait sous l'étiquette catholique mais qui n'en serait qu'une version abâtardie et privée de son souffle vital ? Cette conclusion n'est pas nécessairement plaisante à formuler. Julien Gracq écrit dans son livre "Le rivage des Syrtes", à la page 310 : "De quoi peut encore se réjouir la pierre inerte, si ce n'est de redevenir le lit d'un torrent ? ". On peut craindre que le torrent ne se soit largement asséché… Donnons donc ici quelques justifications à cette conclusion plutôt pessimiste. Quand on fait le bilan de toutes les analyses évoquées plus haut, force est de constater que les éléments en faveur d'un avenir solide d'un enseignement catholique ne sont pas ceux qui ont le plus de chance d'être efficacement mis en œuvre et ce pour trois raisons. Ils se réfèrent expressément à des valeurs qui ont leur source dans le message évangélique, ce qui n'est pas une mince exigence. Ils appellent des choix et des engagements spirituels forts. Ils ne sont pas portés par un contexte social et religieux favorable. Ces trois caractères sont en réalité minoritaires dans le paysage français actuel. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il n'existe pas et que n'existeront pas des établissements s'efforçant de vivre dans la mouvance évangélique autant qu'il leur est possible. Fort heureusement des témoins continuent à vivre ou à se lever sans pour autant être d'inspiration passéiste ou traditionaliste. De tels établissements restent possibles, au-delà de toute référence sociale ou de toute tendance politique, parce qu'ils ont choisi de situer leur raison d'être à un autre niveau, celui d'une certaine quête de sens dans la démarche éducative. Il n'est pas certain qu'ils soient nombreux mais on doit souhaiter que leur rayonnement soit important. Rappelons ensuite que l'enseignement catholique a été amené à mettre en œuvre des solutions permettant de répondre à deux problèmes majeurs. D'une part la raréfaction des personnels religieux enseignants qui constituaient sa force originale. D'autre part une asphyxie financière liée à la rémunération de personnels laïcs, aux frais de fonctionnement de plus en plus lourds et à des fragilités immobilières considérables. Ces solutions ne pouvaient pas être appliquées sans effets collatéraux pervers. L'engrenage dans lequel il a bien fallu mettre le petit doigt a peu à peu modifié substantiellement l'esprit et le fonctionnement concret des établissements. Même s'il faut avoir l'honnêteté de rappeler que certaines voix s'étaient élevées dès la création des contrats avec l'Etat pour dire leurs craintes et leurs réticences face à un processus qui leur paraissait gros de risques pour l'identité de l'enseignement catholique. A tout le moins, les décennies qui ont suivi ne leur ont pas totalement donné tort.
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Est-il encore possible de corriger la trajectoire actuelle ? Rien n'est moins sûr. L'enseignement catholique ne pourrait plus se passer de subventions publiques tant pour son fonctionnement que pour ses investissements. Par ailleurs l'argument développant la thèse que l'Etat avait besoin de l'enseignement privé pour accueillir tous les jeunes à scolariser a été fondée mais n'est plus exacte aujourd'hui. De plus l'irruption tout à fait justifiée du droit du travail dans les relations sociales amène à une distinction claire entre les convictions personnelles et les compétences professionnelles, ce que ne pouvait pas connaître le droit canon : la nature de la communauté éducative en est profondément modifiée. Enfin la prise en main progressive par la puissance publique de la gestion des personnels enseignants retire toute capacité de choix aux responsables d'établissements. Voudrait-on retrouver l'autonomie qu'il faudrait alors inventer des solutions à tous ces points, ce qui paraît irréaliste et hautement improbable. Car ce sont toutes les contraintes apparues depuis un demi-siècle qu'il faudrait détricoter, ce qui n'irait pas sans créer des impasses techniques, des difficultés sociales et des imbroglios juridiques. L'avenir le plus probable est une certaine prospérité d'établissements dont il faudrait avoir le courage de dire qu'ils ne sont plus catholiques, même s'ils leur reste encore quelque filiation et quelque inspiration dans l'héritage qu'ils gèrent. Lorsqu'il arrive que le label "catholique" soit vendeur, ils le mettent en avant autant que nécessaire, pour le remplacer plus souvent par l'adjectif "privé", moins compromettant et qui ratisse plus large. Dans la vie courante on ne voit pas clairement où se situe la différence avec un établissement public, où est le "plus" ou le "autrement" qui marquerait une originalité. Mais il se trouve que cette manière de se situer rencontre une bonne adhésion sociale. Finalement il serait plus honnête de dire qu'il existe actuellement en France un ensemble d'établissements privés ayant passé contrat avec l'Etat et associés au service public de l'éducation. Certains de ces établissements veulent expressément vivre dans une mouvance évangélique mais tous ou presque sont regroupés sous la bannière protectrice, et pratique pour l'Etat, de l'enseignement catholique de France. Telle est la réalité crue qu'il faut bien reconnaître. Dès lors une interrogation de fond se pose : Pourquoi les responsables nationaux de l'Eglise continuent-ils à cautionner, dans l'ordre qui est le leur, un ensemble plus qu'ambigu et à nommer, pour en assurer le fonctionnement en leur nom, un Secrétaire Général national et dans chaque diocèse un Directeur Diocésain ? On peut en donner plusieurs raisons, reste à savoir si elles sont convaincantes. On peut dire d'abord, l'Evangile aidant, qu'il est difficile avant la moisson de séparer le bon grain de l'ivraie, et qu'il ne faut pas éteindre la mèche qui fume encore. Ces formules qui relèvent plus du bon sens et de l'expérience populaire que d'une révélation transcendante restent des arguments secondaires mais qui ne sont pas totalement à rejeter. Dans un registre différent, il apparaît que la situation actuelle maintient une possibilité d'influence dans la société, et sur un dossier éminemment sensible, celui de l'éducation de la jeunesse. On est là dans un champ privilégié de présence "temporelle" et sociale. Il semblerait donc insensé d'abandonner hâtivement cette position stratégique d'exception alors que beaucoup d'autres champs ont dû être désertés pour diverses raisons. Qu'on pense à la santé, aux personnes âgées, aux orphelins, aux handicapés…Plus de cornettes ou de robes noires dans les hôpitaux, les prisons de femmes, les maisons de retraite, les orphelinats, les instituts spécialisés… Mais si pourtant ces retraits nous aidaient à nous interroger sur les changements des modes de présence au monde ?
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Il faut admettre aussi qu'il est bien difficile de donner la qualification durable de "catholique" à un établissement, quelles que soient au demeurant les exigences qu'on pourrait faire valoir à partir des visites de tutelle. La réalité du vécu est souvent mouvante parce qu'elle est largement tributaire des personnes qui successivement animent celui-ci. Sans oublier toutes les situations immobilières, souvent complexes, qui sont liées à l'existence et au fonctionnement des établissements Ces problèmes immobiliers ont une forte inertie et sont moins faciles à modifier que le maintien ou le retrait du label "catholique". Alors tout le monde fait "comme si". A commencer par les pouvoirs publics qui font "comme si" l'enseignement catholique était monolithique et global, comme si le Secrétaire général, représentant personnel de l'épiscopat, hiérarchie religieuse se référant au Droit Canon, était un interlocuteur qualifié pour traiter des problèmes de société, régis par un autre type de droit. Mais n'est-il pas entendu que cet interlocuteur est censé représenter quelque 20% du système éducatif français. Les Directeurs diocésains, quant à eux, font "comme si" ils étaient représentatifs des établissements de leur pré-carré devant les autorités académiques. Nommés eux aussi par les évêques et à titre personnel, ils parlent au nom de chefs d'établissements qui ne les ont pourtant pas choisis, alors que les contrats avec l'Etat relèvent de la compétence des responsables d'établissements et des présidents des organismes de gestion. Bel exemple des "petits arrangements" entre le droit canon et le droit qui régit la société. Et les chefs d'établissements font "comme si" ils étaient tous "serviteurs de l'Evangile", et il faut, sans illusion, souhaiter qu'ils le soient tous puisqu'ils ont la responsabilité de l'animation pastorale de leur structure. Il n'en va pas tout à fait de même pour les personnels enseignants à qui s'impose quand même, nous l'avons évoqué, un devoir de réserve par rapport aux orientations de leur établissement d'exercice. Quant aux familles, elles font confiance à ces établissements, certaines "comme si" ils étaient vraiment catholiques, et d'autres "comme si" elles occultaient ce qualificatif au bénéfice de l'adjectif "privé". C'est donc la stratégie du "comme si" qui régit globalement en France l'existence de l'enseignement catholique. Elle n'est pas satisfaisante et elle est sans doute dangereuse parce que rien n'est finalement vrai et que de ce fait tout est fragile et vulnérable. Ce qui ne rend pas optimiste quant à l'avenir de l'enseignement catholique. Peut-être n'y a-t-il pas cependant d'autre solution à mettre en œuvre actuellement, parce qu'il faut prendre acte d'une longue histoire qui laisse des traces, parce qu'il faut garantir une certaine stabilité de la situation présente et une paix scolaire toujours vulnérable, parce qu'il y a besoin peut-être d'une lente décantation et d'une maturation de solutions nouvelles. L'histoire récente nous a appris il y a quelque vingt-cinq ans qu'on ne peut pas traiter efficacement le problème sensible de l'éducation dans un climat trop politique et trop passionnel, dans un délai de temps trop court au regard de l'histoire. 2 - Y a-t-il une nouvelle voie à chercher ? C'est évidemment la bonne question à laquelle il faudrait tenter de trouver une réponse, dès lors que la situation actuelle n'est pas satisfaisante au regard de ce qu'on pourrait attendre d'un enseignement "catholique" et n'annonce pas d'évolution favorable. Mais rappelons au préalable ce qui a coloré les différentes étapes du dossier depuis un demi-siècle.
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La loi de 1959, dite loi Debré, proposait trois hypothèses à l'enseignement privé : l'intégration, le contrat simple, le contrat d'association. La première solution n'a été retenue que par un petit nombre de cas particuliers. Le choix entre les deux autres solutions a fait l'objet de nombreux débats. Le contrat simple en effet maintenait une certaine indépendance des établissements vis à vis de la puissance publique et, en particulier, laissait les enseignants en situation de salariés des organismes de gestion. Le contrat d'association se montrait beaucoup plus "invasif" dans les structures et le fonctionnement des établissements tout spécialement pour la situation des enseignants, mais avec une meilleure prise en charge globale des questions financières qu'il fallait résoudre. La perspective du contrat d'association envisageait la possibilité d'une intégration à terme dans l'enseignement public des signataires de ce contrat. Le choix entre les deux types de contrat a d'abord été varié selon les régions et les diocèses. Les établissements du premier degré ont souvent eu au départ une préférence pour le contrat simple à l'inverse de ceux du second degré. Pour faire court disons que progressivement c'est la solution de l'association qui a prévalu, souvent dans l'intérêt des personnels enseignants et pour des avantages financiers ou pratiques. Ce faisant l'enseignement catholique a pris un risque certain et a peut-être commis une erreur de clairvoyance à terme. Peut-on aller jusqu'à écrire qu'on a privilégié "enseignement" au détriment de "catholique" ? Nul ne contestera que la qualité de l'enseignement soit un objectif capital mais il faut bien aussi reconnaître que celui-ci n'est pas l'apanage exclusif des établissements privés, et qu'il est à l'évidence recherché aussi dans l'enseignement public. En d'autres termes l'enseignement catholique n'a d'originalité et d'intérêt que s'il assume pleinement et indissolublement son qualificatif. En privilégiant le contrat d'association n'a-t-on pas fait le choix qui obérait l'avenir et prédisposait à cette intégration rampante, finalement dans la logique annoncée de la loi de 1959 ? Le choix qui a été retenu a peut-être été bénéfique pour la pérennité mais au détriment progressif de la spécificité. Après l'alternance politique de 1981 les pouvoirs publics ont souhaité mettre en place "un grand service public, unifié et laïc, de l'Education nationale". On sait tout le travail de consultation, concertation et négociation mené alors par le ministre de l'époque, monsieur Alain. Savary, afin de trouver une solution acceptable et respectueuse de tous. L'intéressé en a raconté les péripéties dans un ouvrage intitulé "En toute liberté". Le projet de création d'établissements d'intérêt public, regroupant par bassins les établissements publics et privés concourant à la formation, cherchait d'abord à harmoniser dans la concertation l'existence et le financement des différents partenaires. On pourrait dire que c'est l'unification qui a été recherchée en priorité. Sur le point qui nous intéresse ici, à savoir la liberté d'exprimer le caractère catholique d'un établissement privé, le projet de loi ne semblait pas apporter de modification fondamentale à ce qu'imposait déjà le contrat d'association organisé par la loi de 1959. On se souvient dans quel contexte ce projet a été abandonné… On avait pourtant alors frôlé l'assentiment des différents partenaires et c’est sur des questions mineures et sur de fortes réactions de l'opinion que le projet a été abandonné. On a peut-être perdu alors l'opportunité d'une voie nouvelle pour un système éducatif unifié dans sa diversité. Plus récemment, dans un essai paru au début de 2005 et intitulé "Nous mettrons nos enfants à l'école publique", Philippe Meirieu a tenté un "remake" du projet de loi de 1984.• Après avoir dénoncé les incohérences et les contradictions de la situation actuelle, l'auteur constate qu'il n'y a plus en France d'enseignement catholique proprement dit mais en fait un "enseignement privé emporté dans une logique de marché•. Il faut donc, selon lui, abandonner le double réseau "public-privé" et refonder une école de la nation dans laquelle des établissements et des équipes pédagogiques seront liés par un projet éducatif par rapport auquel ils seront évalués. C'est cette hypothèse d'un seul réseau unifié qui explique le titre de l'ouvrage.
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Ayant fait un sort à la spécificité possible de l'enseignement catholique, Philippe Meirieu ne s'attarde pas sur la possibilité pour celui-ci d'expliciter son foyer se sens et de manifester concrètement ce qui le caractérise. Sauf à accepter que le projet éducatif porte en lui l'exigence catholique et soit respecté par tous les membres de la communauté éducative, ce qui n'est pas très neuf dans son principe. De ce bref rappel historique il ressort que, depuis 1959, c'est la logique du contrat d'association qui s'est progressivement imposée. Cette démarche a en quelque sorte mis en œuvre ses potentialités dans les domaines qui pouvaient relever de son champ de compétences. Telle une araignée, elle a d'abord tissé sa toile et y a peu à peu pris au piège un enseignement catholique insuffisamment combatif dans sa base pour maintenir l'affirmation de sa propre spécificité. Plus ou moins cautionné par un contexte social à consensus mou, celui-ci s'est laissé ligoter dans des contraintes successives d'ordre administratif ou d'orientations pédagogiques qu'il aurait pu ne pas faire siennes. Il a oublié ce qu'il avait à faire valoir en propre au point que Philippe Meirieu a cru pouvoir constater la mort apparente de l'enseignement précédemment catholique. Il lui est alors paru possible de prendre le meilleur des deux systèmes pour envisager l'apparition d'une "nouvelle école de la nation". Or il reste nombre d'espaces de liberté à exploiter dans divers domaines, comme nous l'avons déjà signalé, et c'est peut-être là qu'il faut chercher les gisements d'originalité qui pourraient redonner une possibilité d'avenir à l'enseignement catholique. Faute de quoi et par une curieuse inversion des rôles, de laboratoire d'inventivité l'enseignement sous contrat devient une sorte de clone de l'enseignement public, lequel met en œuvre et avec raison nombre de concepts expérimentés par son "challenger". 3 - Une nouvelle appropriation du contrat d'association ? La situation actuelle étant ce qu'elle est devenue depuis cinquante ans, on voit mal comment revenir en arrière tant pour le fonctionnement administratif et financier des établissements sous contrat que pour les évolutions de mentalités qui en ont résulté aussi bien chez les enseignants que dans l'opinion publique. Pour tenter de poursuivre ce qui serait sa mission spécifique, l'enseignement catholique ne semble avoir que deux hypothèses : soit rebâtir à neuf son autonomie en s'affranchissant des contraintes du contrat d'association à l'Etat, mais n'est-ce pas quelque peu utopique ? soit utiliser au maximum les espaces de liberté déjà évoqués qu'il a sans doute trop délaissés… Très bien, nous dira-t-on, mais concrètement, quelles propositions pouvez-vous avancer ? Essayons d'en préciser quelques-unes, sans être exhaustif. En ce qui concerne les savoirs et la transmission des connaissances, le contrat d'association ne formule qu'une seule obligation : respecter les horaires et les programmes fixés par le ministère de l'Education Nationale. Pour appliquer cette exigence légitime, aucun parcours pédagogique n'est vraiment imposé ou interdit: toute démarche peut donc être expérimentée mais il importe évidemment d'en évaluer l'efficacité pour rester crédible. De renoncement par paresse intellectuelle en renoncement par crainte d'inspecteur pédagogique, on va donc suivre le train-train appliqué presque partout et qui manque souvent d'attrait. Ne peut-on donc pas être inventif sur l'organisation du temps, sur la globalisation éventuelle des horaires, sur le regroupement de plusieurs classes de même niveau pour un cours magistral commun permettant ensuite des suivis individualisés de travaux d'élèves, sur des semaines thématiques spécialisées, sur des complémentarités de compétences d'enseignants…
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A toutes ces initiatives certains répondront qu'il faut prendre en compte les résistances de certains enseignants à l'innovation. Ce n'est pas faux mais c'est en encourageant des expériences et en laissant le choix concerté des modalités de mise en œuvre qu'on fera évoluer les mentalités et les pratiques. L'alignement sur le "pédagogiquement correct" est sans doute une tentation constante chez nombre d'enseignants. C'est donc dans une perspective dérangeante que peut se manifester la force d'un projet d'établissement décliné en projet éducatif, projet pédagogique, projet d'éveil religieux… De tels projets, clairement, fermement et concrètement établis, devraient être perçus comme "à prendre ou à laisser". Il importe qu'un enseignant en début de carrière ou en demande de mutation ait une connaissance préalable du profil de l'établissement où il souhaite travailler, qu'il sache donc où il va "mettre les pieds" et qu'il se détermine en connaissance de cause. Les chefs d'établissements sous contrat déplorent souvent de ne plus avoir le choix de leurs enseignants. Et si c'était plutôt aux candidats à un emploi d'être confrontés à des exigences annoncées et d'être amenés ensuite à accepter ou se retirer. En termes de psychologie il est bien préférable de choisir un établissement avec ses caractéristiques plutôt que d'être affecté par argumentation administrative. Si nous évoquons maintenant le qualificatif de catholique, ce ne sera évidemment pas pour nous enliser dans des aspects secondaires ou des détails de vie concrète. Les rites ne sont pas l'essentiel de la foi chrétienne qui est d'abord un pari et un engagement. Et n'oublions pas non plus que le contrat d'association fait obligation d'accepter tout élève, quelle que soit sa confession religieuse. Cette exigence devrait d'autant plus aiguillonner un souci de connaître, et de faire connaître, les grandes inspirations religieuses qui animent les hommes, et tout spécialement nos contemporains. Peut-on souhaiter qu'un jeune chrétien en sache un peu plus sur l'Islam que professe son voisin de classe, et réciproquement ? Ignorants de leur propre monde religieux et culturel imprégné de christianisme, les jeunes n'ont qu'une très vague connaissance des autres perceptions du monde vécues par tant d'autres hommes. Et on sait que l'ignorance porte en elle la méfiance, voire l'hostilité. Dans cette perspective ne serait-il pas possible d'organiser, en sus des cours des programmes officiels, des modules obligatoires de connaissance des religions, dont les contenus seraient adaptés aux tranches d'âge et aux niveaux de formation ? Les rattachements à l'histoire, à la géographie, à l'éducation artistique, à l'économie, aux mentalités, aux modes de vie, aux codes culturels, sont foisonnants… Qui pourrait assurer ces modules ? Evidemment des enseignants ou des personnes de niveau comparable, pour ne pas en faire des affaires de spécialistes purs, tel un aumônier ou un animateur en pastorale, ou des travaux de seconde zone plus ou moins dévalorisés. Il faudra bien sûr susciter des candidats parce que cette nouveauté, comme toute innovation, suscitera des réticences. Comme il faudra du temps pour que se crée un nouveau climat favorable. Il va sans dire que les personnels assurant ces modules devraient pouvoir être rémunérés, si toutefois ils le souhaitent. Dans notre monde où le coût est un signe d'importance, cette rémunération possible éviterait le risque de dévalorisation. Qu'on ne lève pas les bras au ciel devant cette charge supplémentaire ! D'abord parce qu'il serait certainement intéressant parfois de s'intéresser à la hiérarchie des diverses dépenses éducatives consenties par les établissements. Ensuite parce que la contribution demandée aux familles par les structures scolaires sous contrat a pour objet, avec les charges immobilières, le financement des activités de caractère propre. Cette affectation obligée est-elle vraiment respectée ?
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Reste enfin que des propositions de vie et d'actions expressément chrétiennes devraient être offertes aux jeunes et aussi aux adultes, et qu'on sache aller au-delà d'un "humanitarisme de bon teint", pour reprendre la formule de monseigneur Cattenoz. Dans ce domaine il y a sans doute des attentes insatisfaites auxquelles on ne répond pas ou on répond mal. Il est vrai que nos mentalités d'adultes ont beaucoup de mal à rejoindre et à comprendre ce qui serait adapté à la jeunesse actuelle, certes capable de ferveurs et d'exigences si toutefois celles-ci restent ponctuelles. C'est sans doute avec elle qu'il faut inventer des formes nouvelles de vie chrétienne. Nous venons d'évoquer quelques exemples d'initiatives possibles dans le domaine de la pédagogie puis dans le domaine de l'élargissement des connaissances. Il y aurait lieu de réfléchir aussi à tout ce qui pourrait s'inventer en ce qui concerne l'environnement et l'univers du quotidien dans lequel baigne un lieu scolaire. Quelques exemples seront les bienvenus. On a vu au fil du temps que les lieux de culte des établissements scolaires étaient progressivement désaffectés parce que très peu utilisés et occupant des surfaces parfois importantes. Et ils sont devenus gymnases, amphithéâtres, salles de cours, de télévision ou de réunions…On peut comprendre cette évolution, encore faut-il en assumer les conséquences. Le réemploi d'une chapelle à un usage autre n'est possible qu'au prix de modifications substantielles de son apparence afin de ne pas "profaner", c'est à dire rendre profane sans précautions, ce qui avait précédemment un usage religieux. A trop banaliser l'espace, on brouille chez les utilisateurs les repères sensoriels et les valeurs qu'ils portent. S'y ajoute le fait que c'est un signe d'interpellation religieuse qui est supprimé. N'est-il pas alors indispensable de créer un autre lieu de questionnement visible de tous et utilisable par tous ? Ce peut être un oratoire, un lieu de silence et de réflexion, un espace de lecture spécialisé, différent de la salle de documentation… Eviter le piège de la banalisation de l'espace appelle aussi d'éviter la banalisation du temps. On a dit combien le calendrier civil et donc scolaire se désolidarisait du temps spirituel et religieux. N'est-il pas du rôle d'un établissement catholique de souligner de diverses manières la structuration du temps en rapport avec les diverses fêtes religieuses marquantes dans les principales religions. Sans tomber dans ce choix aberrant qui ferait qu'on rappellerait les rites du Ramadan ou du Yom Kippour alors qu'on négligerait le sens des fêtes et rites chrétiens, tels l'Avent, Noël, le Carême ou le triduum pascal …Il est vrai que les médias nous ont précédés dans cette démarche…Raison supplémentaire d'aller à contre-courant. Refuser de banaliser le temps c'est aussi refuser la monotonie d'un calendrier et permettre que la communauté éducative connaisse des temps de respiration, des coupures dans la vie quotidienne, des moments pour se retrouver tous dans le "non-scolaire". Les modalités peuvent être diverses : conférence, débat, spectacle, chorale, animation sportive, fête patronale de l'école, "charivari" festif, décoration exceptionnelle…Il est important de noter que ce sont toujours ces moments d'originalité que les anciens élèves conservent en mémoire, bien plus marquants pour eux que la succession monotone des heures de cours. C'est donc un domaine où il est important que de telles activités "fassent sens" et qu'on ne les tienne pas pour secondaires. Il n'est pas nécessaire ici de poursuivre une liste de propositions qu'un peu d'imagination prolongerait. Mais on voit très bien que beaucoup pourrait être fait même dans le cadre d'un contrat avec l'Etat. Pour peu qu'on le veuille et tout spécialement que le chef d'établissement en ait le souci et sache susciter ou prendre en compte de semblables initiatives. Il lui faut être audacieux mais clairvoyant, inventif mais réfléchi, dynamique mais réaliste. Il lui faut surtout avoir la conviction que son établissement doit bien sûr transmettre des savoirs mais doit aussi ouvrir au foisonnement de la vie, avec tout spécialement la vie spirituelle. Si l'on voulait donner dans le paradoxe on pourrait écrire qu'un "bon" chef d'établissement aurait à se montrer plus attentif aux activités "hors contrat" qu'à celles qui sont contractuellement incontournables.
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Mais comment vont réagir les familles, pourraient demander certains ? Il y a fort à parier que toutes ces initiatives ne seraient pas pour déplaire à la plupart d'entre elles, pour peu qu'elles en soient clairement informées par le projet d'établissement et éventuellement partie prenante.. Pour elles aussi comme pour les enseignants, ce serait un projet "à prendre ou à laisser", nulle n'étant obligée de choisir une démarche éducative qui ne lui conviendrait pas. Mais un établissement qui vivrait fortement et généreusement une vie pédagogique de qualité, dans un environnement éducatif et spirituel très ouvert, ne pourrait pas ne pas séduire des parents et des jeunes. Telle pourrait être l'image d'un établissement catholique sous contrat.
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CODA
"Faut-il consentir au déclin inéluctable ou réagir aux pesanteurs ? ". Cette formule d'Odon Vallet dans un ouvrage récent ("Dieu n'est pas mort…" page 8) semble pouvoir être appliquée à la situation actuelle de l'enseignement catholique français. Dans les pages qu'on vient de lire on a pu constater la complexité de la situation, les incertitudes du présent et les risques évidents d'une véritable perte d'identité. Les biologistes nous apprennent que l'identité d'un vivant c'est tout à la fois les caractéristiques stables reçues par héritage génétique et une adaptation permanente à l'environnement pour vivre et se développer. L'enseignement catholique est-il actuellement au clair sur son dossier génétique, c'est à dire son foyer de sens et ses valeurs de référence ? Pour une large part cette situation tient à la disparition quasi-totale des clercs et des "religieux" de l'univers éducatif et scolaire, et à son corollaire obligé, la fin de l'application du droit canonique et la mise en œuvre du droit du travail. Quelles que soient les qualités des laïcs qui s'y investissent et certains avec d'admirables convictions, un enseignement catholique fragilisé quant à son foyer de sens révèle alors toute sa contingence. Il ne serait pas honnête par ailleurs d'imputer toutes les situations floues actuelles à la mise en œuvre des contrats avec la puissance publique. C'est donc l'ensemble du système qu'il faut refonder à frais nouveaux. Car ce n'est pas demain que les clercs reviendront ou que les contrats actuels seront inutiles. Est-ce irréaliste et à rebours des évolutions de la société et de l'Eglise ? Bien malin qui peut l'affirmer sans risque ! Par contre on peut être à peu près certain que, si rien n'est fait, les pesanteurs actuelles emporteront dans l'in-signifiance ce qui était l'enseignement "catholique". On comprend alors que les évêques de France se soient récemment penchés à nouveau sur ce dossier. Dans son numéro spécial de mars 2008 centré sur les catholiques de France, l'hebdomadaire "La Vie" relève que le nouveau Secrétaire Général de ce vaste ensemble qu'est l'enseignement catholique est "ce pilote habile et sage [choisi] pour reconduire (lentement mais sûrement) l'école catholique à sa mission confessante et redevenir un outil pour l'annonce de l'Evangile". Mission impossible ou défi à relever ? Les pessimistes ne manqueront certainement pas d'éléments pour annoncer l'impasse. Les optimistes pourront toujours se rassurer en chantant avec Jacques Brel : "On a vu souvent rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux ".
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ANNEXES Liste des ouvrages cités P. Aubret
Intervention aux journées d'études de l'APES en mai 1973.
R. Debray
Un candide en Terre Sainte.
M.L. Fracard
La vie de l'abbé Bion (à Niort à la fin du 18e siècle).
J. Gracq
Le rivage des Syrtes.
J.C. Guillebaud
La tyrannie du plaisir.
J.C. Guillebaud
Comment je suis redevenu chrétien.
P. Malartre
Est-il encore possible d'éduquer ?
Ph. Meirieu
Nous mettrons nos enfants à l'école publique.
A. Savary
En toute liberté.
A. Soljenitsyne
Le pavillon des cancéreux.
O. Vallet
Dieu n'est pas mort mais il est un peu malade.
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Information complémentaire Né en 1933, le rédacteur de ces pages de réflexion a suivi des études de théologie au Grand Séminaire de Poitiers. Il est par ailleurs titulaire d'une licence de philosophie délivrée par l'Université de Poitiers. Après avoir enseigné pendant 9 ans, il a été chef d'établissement dans deux lycées catholiques de l'académie de Poitiers durant quelque 32 années. Il s'est parallèlement investi dans les questions relatives à la formation des personnels. Actuellement prêtre retraité, il assure encore quelques missions au service de l'enseignement catholique. Les notations qu'on peut lire ici sont le fruit d'une expérience et d'une réflexion personnelles. Elles sont de ce fait contestables. Loin d'être des certitudes, elles sont plutôt à lire comme de graves inquiétudes, conclusions d'un examen de conscience s'appuyant aussi bien sur des réussites que sur des médiocrités, des insuffisances, des ratés et des bonnes occasions perdues. M.N.
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