No 4 21 juillet 2019
le Quotidien ACADEMY
MAINSTAGE
LE VFO : UNE EXPÉRIENCE DE LA VIE D’ORCHESTRE À UN RYTHME PROFESSIONNEL
Sergei Babayan ©Marco Borggreve | Daniil Trifonov ©Dario Acosta
DE BACH À SCHUMANN, L’UNION SACRÉE EN SCÈNE Daniil Trifonov et son ancien professeur Sergei Babayan s’étaient réunis à Verbier en 2015 pour exécuter avec brio les suites pour deux pianos de Rachmaninoff. Ce soir, le tandem se reforme pour prendre un cap plus germanique. Outre le choc des titans qu’implique la présence des deux instrumentistes, l’alléchant panorama de plus d’un siècle de musique nous met la puce à l’oreille. Inscrit dans le catalogue des concertos pour deux claviers de Bach, le BWV 1062 a la particularité de tirer son origine d’une fameuse pièce du compositeur pour deux violons et orchestre. Mozart a aussi donné la place qu’elle mérite à sa pièce, la numérotant comme une œuvre pour un seul piano soliste, et la réorchestrant plus amplement trois ans après son écriture. Au xixe siècle, l’Andante et Variations pour deux pianos op.46 de Schumann comporte dans sa version initiale deux violoncelles et un cor supplémentaires. Témoins d’une histoire de la polyphonie pianistique et de l’évolution de l’idéal esthétique, ces trois œuvres, tout sauf figées, seront défendues par les deux interprètes avec une générosité sans limite. Gábor Takács-Nagy animera un VFCO qui s’adaptera à chaque époque dépeinte, incluant en préambule de concert une œuvre contemporaine où l’alto prend le pouvoir sans les armes.
Sergei Babayan and his former student Daniil Trifonov left a mark when gathered in Verbier in 2015 to play Rachmaninoff’s Suites for Two Pianos. Tonight, the duet is coming back for a more Germanic programme. Additionally to the pleasure of listening to these great two instrumentalists, a one-century-period music panorama is being unveiled. Yet Bach’s BWV 1062 was actually composed from his famous Concerto for Two Violins, it is part of his catalogue for two harpsichords. Mozart gave his piece the importance it deserved by numbering it among solo piano concertos and adding some new instruments to the score three years after the first writing. In the 19th century, Schumann’s Andante and Variations For Two Pianos Op. 46 was initially composed for two more cellos and one more horn. It turns out that the piano polyphony of three works shows the evolution of ideal aesthetics and will be played with limitless generosity by both interpreters. Gábor Takács-Nagy will conduct the VFCO for this concert, opening on a contemporary piece dominated by a smooth viola.
Sur l’esplanade des Combins, à l’issue de trois heures de répétition de Die Frau ohne Schatten avec Valery Gergiev, la violoniste Cigdem Tuncelli s’enthousiasme : « Ce qui est incroyable avec Gergiev, c’est combien sa direction est musicale. Il ne nous dira pas : « c’est faux », mais : « essayez de chanter davantage ». Il règle les problèmes techniques à travers la musicalité. Il a une gestuelle très personnelle qui nous oblige à maintenir une très grande attention. Die Frau ohne Schatten est une oeuvre colossale. « C’est historique, nous a dit Gergiev, qu’un orchestre de jeune arrive à jouer cet opéra.» Le travail avec le VFO, c’est l’expérience de la vie d’orchestre à un rythme professionnel. Nous donnons pendant le Festival six programmes, dont un opéra, avec cinq chefs différents. Chacun apporte une présence, un style, une couleur. Le travail est intense : deux jours de répétitions, un jour avec générale et concert. Puis l’on passe au programme suivant avec un nouveau chef. La face cachée du Festival, c’est le travail que nous avons fait en amont, pendant trois semaines, avec Derrick Inouye, chef assistant du MET Orchestra. C’est un coach exceptionnel. Il prépare chaque programme en fonction des versions des chefs avec qui nous allons jouer en concert. Le VFO a conforté ma vocation d’intégrer un orchestre. Ce partage, cette unité au sein d’une collectivité, c’est incroyable. Et puis il y a le moment galvanisant du concert. L’extrême attention de chacun. La transmission au public. C’est la magie de la scène ». Propos de Cigdem Tuncelli recueillis par Laetitia Le Guay-Brancovan
Thibault Vicq
21 juillet | 19:00 | Salle des Combins
Cigdem Tuncelli ©Ilan Ernst