25.07.21
Le jeu de l’instinct Musical instinct Coach, chambriste et soliste, Steven Isserlis est cette année sur tous les fronts au Verbier Festival. Il « aime vivre de grandes expériences musicales » et ne fait pas de différence entre ces casquettes, Steven Isserlis © Chloé Dikotter ni même avec l’écriture, qu’il pratique également : « Tout concourt à communiquer la musique que j’aime ». Il est grand, le mystère de la voix instrumentale ; mais nul besoin de se fixer des règles en tant qu’interprète : « Certaines œuvres demandent une certaine magie, et donc le silence avant de les interpréter, mais décrire précisément quelques images sorties de l’imagination d’un compositeur peut s’avérer utile pour le public ». Le violoncelliste tient sa singularité à une approche libre des œuvres : « Ne jamais jouer tel qu’on croit devoir jouer. Ces conventions d’authenticité sont souvent infirmées. On a beau lire tous les traités que l’on veut, ils se contredisent. Ils décrivent aussi plutôt la façon dont l’on aurait dû à une époque jouer plutôt que celle dont on jouait vraiment, et cela ne traduit pas du tout la réalité d’une époque ». Reste à trouver le point d’équilibre qui fera rayonner naturellement l’interprétation, mais la vérité du jeu vient avant tout : « Il faut se plonger au maximum dans l’œuvre d’un compositeur et bien sûr s’en imprégner, mais surtout ne jamais aller à l’encontre de son instinct ». Il continue à donner des masterclasses pour « être inspiré par de jeunes musiciens et capter des attitudes. Il m’est parfois utile de mettre des mots sur ce que je pense d’une œuvre. Cela me permet de clarifier des choses ». Lui et le violoniste Joshua Bell jouent ensemble depuis 33 ans; ils seront rejoints ce soir par Lahav Shani, dans un programme empreint de judaïsme, où Bloch – « un compositeur très sous-estimé, original et sincère » – côtoie Bruch et Mendelssohn. Steven Isserlis rappelle d’ailleurs que ce dernier, « génie qui a écrit des formes très classiques jusque dans ses derniers opus, mais avec une émotion loin d’être contenue », figure dans son arbre généalogique. Il n’est en outre jamais trop tôt pour transmettre
la musique : « Je pense que les enfants devraient être mis en relation avec les grands compositeurs dès leur plus jeune âge car cela change souvent leur vie. Mozart est un ami qui ne les laissera jamais tomber ». Coach, chamber musician and soloist, Steven Isserlis appears in all capacities at the Verbier Festival this year. He «loves to live the great musical experience» and makes no distinction between these roles, and the same with writing, which he also practises: «It is all about communicating the music that I love. The mystery behind the instrumental voice is great, and there is no need to set rules for yourself as a performer: «Some pieces require magic and no introduction before playing the music, whereas sometimes the audience can be helped by a description explaining the specific images in the composers’ minds». The cellist’s uniqueness lies in a free approach to the works: «Never play in a way that you think is authentic. The rules will be disproved. You can read all the descriptions and theoretical texts ever written but they will always contradict each other. They also describe more how people should play rather than how they actually play, which can subdue the life of the performance.» It remains to find the balance that will make the interpretation naturally radiate, but authenticity comes first: «You have to look as deeply as possible into what the composer wrote and, of course, educate yourself around that, but never go against your instincts.» He continues to give masterclasses to “be inspired by young musicians and receive their new perspectives and raw energy. «It’s a good exercise to formulate my thoughts on a piece into words. It can help to clarify things for me». Isserlis and violinist Joshua Bell have been playing together for 33 years; they will be joined tonight by Lahav Shani, in a programme dedicated to Jewish life and music. Bloch - «such an underrated, original and sincere composer» - sits alongside Bruch and Mendelssohn. Steven Isserlis reminds us that Mendelssohn, «a genius who wrote very classical forms right up to the late works, with an emotion that is far from reserved», is in his family tree. He reminds us that it is never too early to pass on music: «I think that children can be introduced to the great composers at an early age. It often changes their lives. Mozart is the friend who will never let them down.»
15 ans d’harmonies 15 years of Harmony Pour nous, ce quinzième anniversaire est d’abord le symbole d’une fidélité. Et la fidélité est une valeur très importante dans ce monde si instable, où les choses se font et se défont. Au début, il n’a pas été facile de maintenir notre engagement à chaque édition du Festival, mais nous avons tenu bon. Même l’an dernier, malgré le Covid, nous avons tenu à être présents. En l’absence de concerts, nous avons eu l’idée d’un festival virtuel, fait d’un mélange de best of et d’inédits. Nous avons diffusé des concerts enregistrés lors des éditions précédentes du Verbier Festival, en les associant à de nouvelles captations. Nos équipes sont allées exprès dans le monde entier, à Moscou, New York, Saint-Pétersbourg, Tokyo, etc. : pour enregistrer des entretiens et des concerts exclusifs. Joshua Bell et Daniil Trifonov, par exemple, ont joué des sonates ensemble pour la première fois, là où ils habitent, près de New York. Au total, nous avons proposé dix-huit soirées, exactement comme lors d’un vrai festival ! Quatorze soirées étaient consacrées à une figure iconique de Verbier, quatre autres étaient thématiques. L’autre dimension que nous fêtons avec ce quinzième anniversaire, c’est l’esprit d’innovation. Lorsque Medici.tv a été créé, mon projet était regardé avec condescendance par certains. L’idée d’une plateforme de concerts en ligne semblait « exotique », « anecdotique ». Depuis, le monde entier a adopté le streaming, et aujourd’hui, avec le Covid, tout le monde s’y est mis.
Pour Hervé Boissière, fondateur et directeur de la plateforme de musique classique en ligne, l’événement est placé sous le double signe de la fidélité et de l’innovation. Quelle est votre audience aujourd’hui ? A chaque édition du Festival, nous dépassons maintenant le million de vues. Un tiers de notre audience est en Europe, un tiers sur le continent américain, un tiers sur le reste du globe. En Europe, le public regarde en général en direct les premiers soirs, pour assister en particulier au concert et au discours d’ouverture de Martin Engstroem. Puis il est impossible de tout regarder en direct, il y a une offre tellement incroyable. Dans le reste du monde, l’audience est principalement en différé à cause du décalage horaire. Le Covid impose-t-il une organisation spéciale cette année ? La situation sanitaire contraint à des concerts moins longs, sans entracte et avec une jauge réduite. Il y aura deux concerts chaque soir aux Combins. Cette édition 2021 va donc aller de pair avec une montée en puissance du nombre de concerts. Et pour nous, du nombre de captations. Cet été, nous en ferons non pas deux par jour comme d’habitude, mais souvent trois. Cela nécessitera un planning différent et une autre gestion des live et des différés.
Vous avez pris récemment la direction de la chaîne Mezzo. Est-ce un changement important pour votre collaboration avec Verbier ? Nous allons faire cette année le premier direct de Mezzo à Verbier. Mezzo avait quelque fois diffusé Verbier, mais il y a très longtemps et n’avait jamais fait de direct. En tant que nouveau directeur de la chaîne, cela me plaisait de créer une synergie. Un vrai message de cette nouvelle alliance ! Le Verbier Festival, enfant de Martin Engstroem, est l’un des festivals qui propose la plus extraordinaire densité d’artistes de premier plan en deux semaines. Le quinzième anniversaire de notre collaboration consacre non seulement notre fidélité, mais notre envie commune d’être des pionniers. Quinze ans à œuvrer ensemble c’est formidable, et c’est une aspiration à continuer bien sûr !
Propos recueillis par Laetitia Le Guay-Brancovan
Vadim Repin & Hervé Boissière © Nicolas Brodard
To Hervé Boissière, the founder and CEO of the online classical music platform, this celebration goes hand in hand with fidelity and innovation. For us, this fifteen-year anniversary is above all a symbol of dedication. Loyalty is one of the most important values in the world, especially during these unstable times, where plans are made and then changed. At first, it was a challenge to persevere with our annual edition, but we never gave up. Even last year, during the pandemic, we held onto being present. With the lack of live concerts, we came up with the idea of a virtual festival, comprised of best of and unpublished recordings. We broadcast previous Verbier Festival concerts alongside newly recorded concerts and performances. Our teams travelled across the world to Moscow, New York, Saint Petersburg, and Tokyo to record interviews and exclusive concerts. For example, Joshua Bell and Daniil Trifonov played together for the first time, near NYC. In total, we offered eighteen evenings, just like a real festival! Fourteen evenings were dedicated to an iconic Verbier figure, then the other four were thematic or subject oriented. We also wanted to celebrate the innovative nature of the platform. When Medici.tv was first created, people were often condescending towards the idea of an online concert platform, as it appeared “exotic” and “worthless” to them. Since then, the world revolves around streaming platforms and especially today with the Covid situation.
Who is your current audience? During every edition of the Verbier Festival, we always exceed 1 million views. A third of our audience is located in Europe, another third in North and South America, and then the other third is across the rest of the world. The audience in Europe mostly stream the opening night live to watch Martin Engstroem’s speech. Thereafter, it is impossible to watch everything live because there is such an amazing offer. In the rest of the world, the audience is often delayed due to the time zones. Does Covid require a special organisation this year? The health situation requires shorter concerts, with no intermission and a smaller audience. There are two concerts each evening at the Combins. This edition will therefore go hand in hand with an increase in the number of concerts and for us, the number of recordings. This summer, there will be often three concerts per day, instead of usually two. This will require a different schedule and a different way of managing live and pre-recorded shows.
You recently took over the management of the Mezzo channel. Is this an important change in your collaboration with the Verbier Festival? This year we will be doing Mezzo’s first live broadcast in Verbier. Mezzo has broadcast Verbier a few times before, but it was a long time ago and never a live broadcast. As the new director of the channel, I was happy to create a synergy here. It is a real pleasure from this new alliance! The Verbier Festival, the brainchild of Martin Engstroem, is a festival that offers the most extraordinary density of first-class artists in one fortnight. The fifteenth anniversary of our collaboration is not only a testament to our loyalty, but also to our common desire to be pioneers. Fifteen years of partnership is wonderful, and it is an aspiration to cotninue!
Interview by Laetitia Le Guay-Brancovan.
Les boursiers de la Fondation Neva : sur le chemin de l’excellence Neva Foundation scholar recipients on the road to excellence
Jean-Efflam Bavouzet & Elizaveta Ukrainskaia – masterclasse de piano © Lucien Grandjean
Sans doute n’y a-t-il pas pire punition pour un musicien professionnel que de ne pouvoir jouer devant un public. De même, pour un jeune talent en formation, voir son parcours interrompu brutalement et son horizon soudainement bouché est une cruelle épreuve de patience. Nous sommes donc très heureux, à la Fondation Neva, de permettre à 12 musiciens et musiciennes russes de retrouver cette année le chemin de la Verbier Academy et de relancer leurs perspectives de carrière en côtoyant ce que le monde de la musique compte de plus grands musiciens ou chefs d’orchestre. En 10 ans de partenariats, plus de 200 boursiers ont ainsi bénéficié de ce tremplin et de l’école de l’excellence qu’est le Verbier Festival. Cette mission d’accompagnement de la jeunesse est au cœur de notre activité depuis la création de la fondation en 2008 et au cœur de ce qui nous lie avec le Verbier Festival.
There is no worse punishment for a musician than not being able to perform in front of an audience. Likewise for a young training musician, seeing his career brutally disrupted and his future perspective suddenly clogged can be cruelly challenging. We are therefore delighted that at the Neva Foundation, we enable twelve Russian musicians to have the chance to be in the Verbier Academy this year, and stimulate their career prospects by encountering the world’s greatest musicians and conductors. Within ten years of partnerships, more than two hundred scholars benefited from this help and from the school of excellence that is the Verbier Festival. Supporting young people has been at the heart of our philosophy since the creation of the Foundation in 2008 and is at the bottom of our relationship with the Verbier Festival.