le Quotidien N° 3

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18.07.21

Élégance, grâce et dextérité sur la scène des Combins Daggers and swords meet elegance and grace with the Georgian National Ballet ‘ Sukhishvili ’ Georgian National Ballet « Sukhishvili » © droits réservés

L’histoire commence lors du festival mondial de danse folklorique à Londres en 1935, où Iliko Sukhishvili reçoit avec son groupe de danseurs géorgiens la Médaille d’or des mains de la reine d’Angleterre. Le Georgian National Ballet « Sukhishvili » naîtra dix ans plus tard de la volonté de fer de cet homme et de son épouse Nino Ramishvili, et illuminera depuis lors les scènes du monde entier dans un art hérité de génération en génération. Aujourd’hui, les petits-enfants des créateurs de la troupe perpétuent la tradition d’un ballet à la technicité et à l’esthétique impressionnantes, attaché à ses racines entre l’Europe et l’Asie. La compagnie se consacre à la transmission de la mémoire populaire collective de Géorgie à travers la recréation d’un savoir-faire ancestral ancré dans le XXIe siècle et issu de la synthèse des courants chorégraphiques des dernières décennies.

The story begins at the World Folk Dance Festival in London in 1935, where Iliko Sukhishvili and his group of Georgian dancers were awarded the Gold Medal by the Queen of England. The Georgian National Ballet ’Sukhishvili’ was born ten years later from the determination of this man and his wife, Nino Ramishvili. Since then, the group illuminated stages all over the world in an artform that has been passed down from generation to generation. Today, the grandchildren of the troupe's founders carry on the tradition of ballet, with its impressive technicality and aesthetics, connected to its roots between Europe and Asia. The company is dedicated to keeping alive the popular memory of Georgia through the enjoyment of their ancestral know-how, anchored in the 21st century, and resulting from the synthesis of the choreographic trends of the last decades.

Les poignards et les sabres font partie intégrante de l’univers masculin du Georgian National Ballet « Sukhishvili », dans un enchevêtrement de pas ardus et de sauts stupéfiants. Les danseuses usent de l’élégance et de la grâce comme force première, permettant une sensation visuelle de glissement caressé sur le sol. L’expérience théâtrale est indissociable de la démarche, c’est pourquoi une musique originale de tradition orale, enseignée dans les rangs de la compagnie, est jouée en direct pendant les spectacles. Les costumes sont en outre confectionnés artisanalement avec des tissus naturels dans l’esprit chaleureux de la troupe. L’ensemble chorégraphique et musical a son musée à Tbilissi, détient le record des levers de rideau pendant les rappels au Teatro alla Scala, a été couronné à deux reprises meilleur show de Broadway, et a même inspiré l’univers de la mode, en particulier les ceinturons de la collection Yves Saint Laurent après son premier passage à Paris.

Daggers and swords are an integral part of the masculine universe of the Georgian National Ballet ’Sukhishvili’, in a tangle of demanding steps and spectacular jumps. The dancers use elegance and grace as their primary strength, allowing a visual sensation of gliding across the floor. The theatrical experience is inseparable from the process, which is why original music from the oral tradition, taught throughout the company, is played live during the performances. The costumes are also made by hand with natural fabrics in the warm spirit of the troupe. Amongst the troupe’s achievements, the choreographic and musical ensemble has its own museum in Tbilisi, holds the record for curtain rises during encores at the Teatro alla Scala, has twice been crowned best Broadway show, and has even inspired the world of fashion – in particular the belts in the Yves Saint Laurent collection after its first run in Paris.

Thibault Vicq


Le retour radieux de Julius Baer avec le Verbier Festival en musique live Julius Baer on a joyous return to live music with the Verbier Festival

© Nicolas Brodard

Depuis plus d’une dizaine d’années, Julius Baer soutient le Verbier Festival, qui réunit dans les Alpes suisses des artistes reconnus et des étoiles montantes. Ici comme partout, la promotion des jeunes talents est inscrite dans nos engagements. Des initiatives comme la Verbier Festival Academy, le Berlin Prize for Young Artists et le «Young Russian Pianists Concert» nous tiennent particulièrement à cœur.

For over ten years, Julius Baer has supported the Verbier Festival, which brings together established and emerging artists in a unique way. As with all of our commitments, our focus with the Festival in the heart of the Swiss Alps is promoting young talent. That is why initiatives like the Verbier Festival Academy, the Berlin Prize for Young Artists and the ‘Young Russian Pianists Concert’ are particularly close to our hearts.

Les musiciens du monde entier ont déployé des trésors d’ingéniosité pour nous rendre plus supportables les 15 mois écoulés en l’absence de musique live. Ils se sont invités virtuellement dans nos salons pour des concerts en solo, en duo, voire avec des orchestres complets. Le Verbier Festival, organisé lui aussi en mode virtuel en 2020, restera un très bon souvenir. Malgré ces beaux moments offerts par les canaux numériques, nul ne contestera désormais que rien ne remplace le direct. Quel bonheur que l’édition 2021 du Verbier Festival se déroule à nouveau sous sa forme habituelle !

Musicians around the globe have done their best to make the last 15 months without live music more bearable for us all. They have given numerous concerts – solo, in a duet or even with a full orchestra ensemble – in our living rooms via live stream. The Verbier Festival also took place virtually in 2020 and remains highly memorable. For all the wonderful moments musicians have shared with us digitally, one thing has become clear: nothing can replace the live music experience! We are therefore delighted that the Verbier Festival is taking place on location again in 2021.

Recentrons-nous maintenant sur l’actualité et réjouissons-nous du programme des deux prochaines semaines : des rencontres, fortuites ou planifiées, avec des passionnés du monde entier, des discussions stimulantes et surtout, ce qui nous a si douloureusement manqué au cours des 15 derniers mois, de grands moments musicaux.

Now, let’s focus on the events and enjoyment that await over the next two weeks: planned reunions and chance encounters with people from all over the world, stimulating conversations – and, above all, the musical flights that we have so sorely missed over the past 15 months.


L'art, demain the future of art

Sarah Kenderdine © droits réservés

Quand on évoque la technologie dans la musique, on pense surtout au streaming et aux enregistrements. Quels sont les autres domaines d’application ? Le streaming live a vite revêtu une grande importance durant la pandémie de Covid. On se rend compte aujourd’hui de la valeur tangible d’un événement en direct. On voit aussi à quel point les archives et les enregistrements sont essentiels. Un journal britannique a même écrit que l’archive avait usurpé l’expérience du direct pendant la crise Covid, ce qui me semble extrêmement intéressant au vu de mon domaine d’expertise dans la recherche sur la création et la réutilisation des archives numériques. En transformant ces archives en un dispositif immersif, on peut obtenir un espace vivant d’interactions réellement incarné, comme dans une salle de concert munie d’un espace sonore de pointe, mais dans une dimension 100% participative, où l’on peut choisir ce que l’on veut écouter. Cela donne naissance à de nouveaux modes d’engagement. Ces installations convoquent le meilleur des artistes, et notre travail vise à rendre accessible l’offre musicale la plus abondante au public le plus large. Comment avez-vous utilisé la musique et la technologie dans le cadre d’expositions ? Que pouvons-nous tirer de ces succès pour rendre le spectacle vivant plus immersif ? Tous les interprètes et artistes avec lesquels je travaille – directeurs de théâtres, chorégraphes, poètes, musiciens – comprennent le potentiel de la captation de représentations et les applications créatives qui en découlent. On peut proposer au public un replay, un remix et des fonctionnalités plus larges, comme par exemple isoler des éléments, voire se concentrer sur un instrument ou sur certains détails. Le V&A Museum, à Londres, a notamment présenté une superbe exposition sur l’opéra. On pouvait se déplacer dans les espaces avec des écouteurs qui diffusaient la musique

en fonction de l’endroit où l’on se trouvait. Cela permettait une expérience augmentée au-delà de l’expérience muséologique, car augmentée par l'univers de l’opéra. Et cela fonctionnait incroyablement bien. L’expérience localisée m’intéresse particulièrement pour rapprocher le public et les technologies. Même le spectacle vivant peut-être augmenté aujourd’hui grâce au numérique. À l’opéra, on peut obtenir des surtitres dans toutes les langues grâce à des lunettes de réalité augmentée. Sur scène, on peut transformer les mouvements et costumes des interprètes à l’aide de projections en temps réel lors de leurs déplacements sur scène, potentiellement en réponse aux expressions du public. Les artistes et les interprètes doivent impérativement garder le contrôle de la direction artistique technologique pour créer une œuvre cohérente et authentique qui puisse mêler la chorégraphie et la composition avec ces formes d’augmentation. La technologie doit toujours être intégrée de façon homogène, avec des usages rigoureusement définis – pas seulement un effet utilitaire ou gadget –, sinon on risque de se retrouver avec ce qui s’apparentent à du « kitsch multimédia ». La technologie est une force créative et un outil de collaboration. Dans mon travail, je dispose d’un laboratoire plein de formidables systèmes interactifs et immersifs haute fidélité, et je peux partager le résultat de mes recherches avec de nombreux artistes et interprètes. C’est précisément l’exploration de ces outils et la collaboration qui permettent de créer de nouvelles œuvres. La table-ronde à laquelle vous participez aujourd’hui regroupe justement à vos côtés un spécialiste de la musique, un spécialiste du design et une journaliste. Les frontières entre les formes artistiques sont ainsi abolies… Nous vivons dans un monde transdisciplinaire. La fusion des genres, en termes muséologiques – art et technologie, art et science –, est un principe fondamental de notre époque. Dans l’histoire de l'art des nouveaux médias, on voit très clairement que les idées qu’on imagine nouvelles aujourd’hui ont en fait déjà trente ans. Ces idées circulent dans la société pendant des années, puis émergent dans des œuvres d’art populaires qui deviennent un jour mainstream. Nous avons accès à tous types d’immersions aujourd’hui, mais surtout parce qu’elles sont dictées par des impératifs économiques. Ces idées se retrouvent ensuite sur scène et dans l’esprit des gens. Il est intéressant de retracer tout ce cheminement, mais un artiste cherche toujours à accéder à une forme esthétique inédite.


Le public, qui connaît ces outils et s’attend à les voir dans l’industrie culturelle, est également à prendre en compte… De nombreuses expositions produites dans les musées ne montrent malheureusement pas l’étendue de tout ce qu’il est possible de faire en matière de technologie. J‘observe aussi qu’il y a un vrai manque de connaissances à ce sujet. On va voir progressivement les jeunes générations – beaucoup plus à l’aise avec le numérique que les curateurs et les directeurs actuels – arriver dans le monde culturel, mais l’un des défis des musées est de mettre le numérique au service de la programmation plutôt que du marketing, contrairement à ce qui a été fait depuis des années. On ne peut transmettre un message que si l'on comprend le média. Les musées vont externaliser la technologie requise pour les expositions, plutôt que de développer ces départements en interne. Mais quand un procédé intéressant sera mis en place, on ne saura pas en interne comment il aura été développé et comment il devra être maintenu ou même étendu. C’est un cycle malheureux qui dépend en partie de politiques d’acquisition. Notre époque est extrêmement fertile pour inventer la nouvelle scène culturelle, qu’elle soit au musée, dans un théâtre ou dans une salle de concert.

When we talk about technology in music, we mainly consider streaming and recording. What else does it encompass? Live streaming has become so important all of a sudden with the Covid pandemic. Now we can appreciate how palpable a live event is. We have also have experienced the emphasis and importance of archives and records. One British journal actually said that the archive had usurped the live experience during the Covid crisis, which I thought was an interesting reflection especially in my domain of research focused on creating and reusing digital archives. If you transform these archives into an immersive system, you have the potential for an interactive, performative, embodied space, like being in a concert hall with great audio environment, but fully participatory, so you choose what you want to listen to and you generate a new mode of engagement. These installations combine the best of different artists, and the work we are doing is to give access to an incredible wealth of music for the widest audience.

How have you used music and technology to bring an exhibition to life? How might we apply this to performance art to make them more immersive? Every performer and artist that I work with – theatre directors, choreographers, poets, musicians –they all see real potential for creating new articulations of a particular performance through capturing these performances and allowing the audience to replay, remix and recombine, and for example to isolate and focus on specific instruments or details. The V&A Museum in London made a wonderful exhibition about opera. As you moved around the exhibition, you wore headphones with location-based audio that was triggered depending on where you were. This allowed for the experience to be augmented beyond the museological experience, augmented with the atmosphere of opera. It worked incredibly well. I am very interested in the situated experience by bringing live audience and technologies together. Even live performance can be augmented today with digital material. For instance, with opera you can have the subtitles in any language using augmented reality glasses, or even on stage the performers’ movements and costumes can be transformed with projections as they move around the stage, in real time, possibly in response to audience interventions. The artists and performers must oversee the creative direction of technology, this is fundamental to creating a unified, authentic piece of work that combines the choreography and composition with these forms of augmentation. Technology should always be seamlessly integrated and it’s purposes rigorously refined – not the focus or a gimmick – otherwise you end up with something that is “multimedia kitsch”. Technology is a creative force and a tool for collaboration. For example, I have a laboratory full of exciting, high fidelity immersive and interactive systems for my own work, and I can share my knowledge and new explorations with various artists and performers–this is how we can explore these tools in the creation of new work, through collaboration. In today’s talk you are with a music specialist, a design specialist and a journalist. This is all about breaking the barriers between all art forms… We live in a very transdisciplinary world. The fusion of genres in the museological sense – art and technology, art and science – is a fundamental principle of our era. In the history


of media art, we can see very clearly that the ideas that we think are new today are actually are 30 years old. These ideas are circulating in society for many years, and then they emerge into the world as popular artworks and suddenly they become mainstream. We’ve had all sorts of immersion as our disposal today, but mainly where there has been an economic imperative. This way of thinking will burst onto the scene and into people’s consciousness. It is really interesting to think how that works.; but for an artist, one is always trying to achieve a new kind of aesthetic form, something fresh. It is also about the audience, who knows all these tools and expects them to be used in art… Unfortunately, a lot of exhibitions produced in museums are not an innovative example of what is possible. I also see that there is a real failure of knowledge about what is possible. Gradually we will see younger people coming up with a more profound digital understanding than the curators and directors today, but one of the challenges in museums is that the digital is put into the marketing department when it should be in the curatorial department. Unless you understand a medium, you cannot possibly deliver the message. Many museums will outsource the technology required for exhibitions and exhibits, rather than developing these departments internally. When something interesting is created there is no internal understanding of how it was developed and needs to be maintained or even expanded. It is a unfortunate cycle dependent partly on procurement policies. This is an extremely rich time to invent a new stage, actually, whether it is a museum exhibit or a play, or a concert.


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