Logement social et flexibilité à La Réunion - Mémoire de master architecture

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Logement social et flexibilité de l’espace, le cas de la Réunion.

mémoire de fin d’études - janvier 2020

LACROIX VICTORIA

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier - Antenne de La Réunion


Illustration de couverture : Interprétation d’appropriation d’un logement à partir du plan du logement

source : sophie-delhay-architecte.fr


« C’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain. » Pierre Rabhi.

Logement social et flexibilité de l’espace, le cas de La Réunion.

mémoire de fin d’études - janvier 2020

LACROIX VICTORIA

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier - Antenne de La Réunion Suivi de mémoire : Karin Sallière-Trayssac 1


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REMERCIEMENTS

A mon encadrante de mémoire, Karin Sallière-Trayssac, disponible et toujours encourageante au long de ce travail, ainsi qu’aux professeurs enseignants à l’Ecole d’architecture de la Réunion, pour leur aide.

Aux bailleurs et architectes qui ont bien voulu échanger et contribuer à la rédaction de ce mémoire.

Et enfin à mon entourage, pour le soutien dont ils ont su faire preuve.

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SOMMAIRE INTRODUCTION ………………………………………………………………… p.7

PARTIE 1 - QU’EST CE QU’UN LOGEMENT, APPROCHE SOCIOLOGIQUE 1. Appropriation et identité …………………………………………………………………………….… p.12 a. La notion d’habiter…………………………………………………………………………..…………….… p.12 b. L’appropriation dans le logement social ……………………………….……………………….… p.15 2. De la qualité architecturale à la qualité d’usage ……………………………………………… p.17 a. Les attentes d’un logement, par l’habitant …………………………………………….…….…. p.17 b. Le confort par l’acteur ..…………………………………………………………………………………… p.19 3. Le rôle de l’architecte ………………………………………………………….……………………..…… p.23

PARTIE 2 : LE LOGEMENT SOCIAL, APPROCHE HISTORIQUE ET CONTEXTE RÉUNIONNAIS 1. Evolution du logement social ………………………………………………………………….….… p.29 a. Précurseurs et habitat ouvrier ………………………………………………………………….…… p.29 b. HBM et HLM ……………………………………………………………………………………………..…… p.30 c. Industrialisation de la construction ……………………………………………..………………… p.31 d. Les grands ensembles ………………………………………………………………………………….… p.32 2. Evolution du logement social, le cas de la Réunion ……………………………….………… p.34 a. Pauvreté à la Réunion ………………………………………………………………………….………… p.34 b. Les effets de la départementalisation …………………………………………….……………… p.35 c. Les premiers chantiers : 1949-59 …………………………………………………………….…..… p.37 d. Les grands chantiers ……………………………………………………………….……………..……… p.38 e. Periode de mutation ………………………………………………………………….………………….… p.40 3. Les logements sociaux, aujourd’hui ………………………………………………………………… p.42 a. Changements de modes d’habiter ………………………………………………………………….… p.42 b. Evolution des populations à la Réunion ……………………………………………………..…… p.43 > Vieillissement de la population > Evolution des modes de cohabitation > L’occupation du parc social à la Réunion, aujourd’hui c. Les conséquences du rattrapage avec la métropole …………………………………….…… p.46 > Standardisation > Paradoxes climatiques et culturels dans le logement > L’image des logements sociaux à la Réunion

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PARTIE 3 : LA FLEXIBILITÉ, LE POINT DE VUE DE L’ARCHITECTE 1. Le point de départ du logement : la cellule ………………………..……………………..…… p.51 2. Définitions ………………………………………………………………………………………….………..… p.53 a. Évolutivité …………………………………………………………………………………………………..… p.53 b. Flexibilité …………………..……………………………………………………..…………………………… p.54 c. Elasticité ………………………………………………………………………….……………………………… p.57 3. Histoire de la flexibilité …………………………………………………………………………………… p.58 4. Différents procédés de flexibilité ………………………………………………………..…………… p.63 a. Flexibilité intérieure ……………………………………………………………………………….……… p.63 > Définition > Retours d’expériences b. Flexibilité par l’extérieur ………………………………………………………………………………… p.69 > La pièce en plus, étude de cas « La Sècherie - Boskop Architectes » > L’espace extérieur, étude de cas « Quartier du grand parc - Lacaton Vassal » 5. Théorisation de la flexibilité par l’exterieur …………………………………………….……… p.77 6. Mise en application à la Réunion ………………………………………………………………….… p.80 a. Historique …………………………………………………………………………………………………..…… p.80 b. Contexte démographique et culturel ………………………………………..……………………… p.81 c. Obstacles …………………………………………………………………………………………………….…… p.83 > Absence de la compétitivité des bailleurs > Population sociale > Rentabilité et cout > Normes d. Flexibilité ou élasticité pour la Réunion ? …………………………………………………..…… p.85 > Experimentations > Flexibilité > Elasticité

CONCLUSION ………………………………………………………..………… p.88 BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………..…… p.92 ANNEXE ……………………………………………………..……………….… p.95

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DE L'HOMME LIBRE. »

XAVIER ARSÈNE HENRY, LE LOGEMENT", DANS

DANS

"FINALITÉ

TECHNIQUE

DE LA FLEXIBILITÉ DANS

ET ARCHITECTURE", N°311,

OCTOBRE NOVEMBRE 1976.

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INTRODUCTION

Le choix de ce sujet sur les logements sociaux s’explique par mon intérêt de toujours pour les grands ensembles, de part leur densité et concentration d’activités. Je n’ai jamais eu d’expérience de vie dans ce type de logement, et j’étais même assez ignorante face à ces problématiques mais au fil de mon cursus, j’ai pu me rendre compte de mon intérêt grandissant pour la question de l’expérience de l’usager, de l’habitant, la question de l’humain et du social. Cette question m’a semblé d’autant plus interessante dans l’environnement du logement social.

Il implique selon moi une certaine fatalité, car effectivement il est rare que les gens choisissent d’habiter en logement social. Ils sont contraints par ce choix et doivent s’adapter à celui-ci.

L’habitant se trouve face à un logement pour lequel il a attendu parfois des mois, mais qu’il n’a pas forcément sélectionner selon ses envies, ses goûts, son mode de vie et surtout ses besoins. Il n’est pas du tout acteur de son choix, pourquoi ne pas alors, le rendre acteur de son logement ? Lui donner le choix, lui permettre de l’action, une implication et donc une appropriation plus importante qui augmentera le bien-être et le confort de l’habitant.

C’est cette notion d’appropriation que je souhaite développer dans ce mémoire.

Travailler sur le territoire de la Réunion me semblait particulièrement pertinent car les logements sociaux ont marqué l’évolution et le développement de l’ile. Cependant il y a encore de nombreux enjeux et attentes concernant ces logements. En effet de part la pauvreté qui touche trois fois plus de personnes à La Réunion qu’en métropole, les besoins spécifiques en termes de logement sont à prendre en compte. Certains ménages ne disposent pas à l’heure actuelle de leur propre logement et vivent dans une situation de surpeuplement et donc de fait de précarité, d’autres vivent dans un logement inadéquat car de mauvaise qualité, ou vétuste.1

INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Rôle majeur de la croissance et du vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018 1

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C’est un sujet d’actualité, une vraie problématique aujourd’hui, car il y a de plus en plus de population à loger, à cause d’une démographie plus dynamique, et un nombre de logements qui continue d’augmenter plus vite qu’en métropole (+ 0,9 % entre 2010 et 2015). « De 2013 à 2035, 168 900 logements seraient à construire à La Réunion. Ces besoins sont liés pour les deux tiers à l’augmentation attendue du nombre de ménages. »2

Quant à la demande dans le marché public, elle est encore plus élevée à la Réunion qu’en France métropolitaine, puisque le parc social occupe à La Réunion une part plus importante des logements sociaux qu’en métropole : « en 2015, 20 % des ménages réunionnais vivent dans un logement locatif social, contre 15 % des ménages métropolitains. Pour autant, de nombreuses demandes de logements sociaux ne sont pas satisfaites : début 2018, 28 500 demandes de logement social sont en attente, dont 8 600 émanent de ménages déjà logés dans le parc social. La demande est stable depuis plusieurs années malgré des livraisons de logements sociaux plus importantes (+ 4 % d’augmentation du parc en 2015 et en 2016). » 3

Alors, comment faire face aux besoins de flexibilité engendrés par ces changements de mode de vie ?

Comment introduire un maximum de degrés de liberté dans la conception afin de s’adapter aux besoins des familles ?

Peut-on concevoir des formes de logement social suffisamment souples pour permettre une ré-interprétation et une adaptation facilitée par les nouveaux locataires ?

De la cellule standardisée aux rêves de flexibilité, comment faire évoluer le logement social à la Réunion ?

Y a t-il des expériences de logements sociaux flexibles à la Réunion ?

La flexibilité peut-elle nourrir la conception des logements sociaux à La Réunion et y apporter une plus-value ? 2 Synthèse démographique, sociale et économique INSEE - Octobre 2019 3 INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Rôle majeur de la croissance et du

vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018

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Ce travail s’effectue dans le contexte de l’Ile de la Réunion, et fait également appel à des notions générales concernant l’histoire du logement social.

Les logements sociaux sont historiquement conçus à partir d’une logique de standardisation. Cette standardisation peut cependant paraitre inappropriée face à une demande de logement exprimée par une forte population dans le besoin, qui est grandissante mais surtout changeante, et diversifiée.

C’est un secteur du marché public qui a été le support de plusieurs expérimentations et innovations en France et ailleurs.

Nous posons l’hypothèse ici que la flexibilité pourrait être un vecteur d’appropriation du logement social par les habitants et donc apporter une plus-value à ceux-ci. A La Réunion, le logement social a marqué l’évolution de l’ile mais aujourd’hui pourtant, il semble qu’il n’y ai pas d’expérimentations contemporaines en terme de flexibilité.

Nous commençons avec une approche théorique en nous interrogeant sur ce qu’est « habiter » d’un point de vue sociologique, en précisant ce qu’est l’appropriation, l’individualisation, le confort dans le logement. Le but de cette première partie est de rappeler que l’appropriation est nécessaire pour habiter mais également de questionner le rôle de l’habitant et de l’architecte.

Puis nous étudierons l’évolution du logement social d’un point de vue historique et général, pour ensuite recentrer notre travail sur l’étude de l’histoire du logement social à La Réunion.

Jusque-là le travail sera plutôt théorique, car basé sur une majorité d’écrits, livres, et études. La troisième et dernière partie se déroule, elle, dans le cadre d’un travail pratique, un travail de terrain sur le sujet de la flexibilité dans le logement social dans le cas particulier de La Réunion, du point de vue architectural, ou nous tenterons de savoir si les expériences de flexibilité peuvent être adaptables sur ce territoire.

Nous nous appuierons sur des études de projets, et des plans de logements évolutifs réalisés en France métropolitaine ainsi que sur des retours d’expérience pour théoriser la flexibilité par l'extérieur ou élasticité.

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Dans un second temps, par une approche sociologique en terme de méthode, nous questionnerons la faisabilité de cette flexibilité dans le contexte réunionnais grâce à des entretiens avec des usagers, des bailleurs sociaux, et des architectes à La Réunion. L’approche sera également spécifiquement architecturale car la mise en application de cette flexibilité sera étudiée à travers le volet économique, normatif et technique.

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PARTIE 1 QU’EST CE QU’UN LOGEMENT, APPROCHE SOCIOLOGIQUE

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1. Appropriation et identité a. La notion d’habiter Le but de cette partie est de définir ce qu’est ce que signifie «habiter », et ainsi mettre en relation sociologie, anthropologie et architecture.

Habiter ce n’est pas s’abriter. L’homme n’est pas seulement soumis aux besoins. C’est pourquoi les problèmes posés par la construction de son habitat ne se réduisent pas à de simples questions de logement.

En effet l’habiter est une figure primordiale de l’anthropologie de l’espace mais aussi une notion fondatrice de l’architecture. Cette notion rassemble une multitude d’éléments prenant en compte l’espace, le temps, la société.

Selon Heidegger4, 1958, Habiter est un « trait fondamental de l’être ». Il concerne toute l’espace humaine et s’exprime à travers les actions et non pas seulement par l’objet « habitat ». Mais cette notion d’habiter se différencie dans le temps et l’espace, selon les époques, les cultures, les pays.

« Gilles Barbey5 (1986), dans une optique phénoménologique, s’attachera à analyser la nature des liens affectifs que l’habitant établit avec sa chambre personnelle, c’està-dire la production d’une image mentale qui tient compte à la fois de l’expérience même de l’individu et des données spatiales. Par un autre chemin, il s’agit de décrire le processus d’appropriation d’un espace. »6

La notion d’habiter induit donc l’appropriation. Celle-ci est à l’initiative de l’habitant, c’est lui qui fait le choix de s’approprier un espace ou non, et celui qui choisit par quels moyens et sous quelles formes il va le transformer.

Ce processus de transformation, qui différencie l’abri, de la maison, ou encore le « loger » de « l’habiter » peut s’illustrer par des actions quotidiennes : C’est ce que Marion Séguaud7 nous montre dans son ouvrage. Au même titre qu’il est différent

4 HEIDEGGER Martin, philosophe allemand. (1889-1976) 5 BARBEY Gilles, auteur et architecte suisse et français, né en 1932 et décédé en 2017. 6 SÉGAUD Marion, Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer. Armand Colin, « U », 2010, 248 pages. 7 SEGAUD Marion, sociologue et auteur française.

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d’être dans un espace et de l’habiter, il est différent de préparer et de consommer de la nourriture ou encore de traiter du linge et de le ranger.

« S’approprier un espace, c’est établir une relation entre cet espace et le soi (se le rendre propre) par l’intermédiaire d’un ensemble de pratiques. Il s’agit donc d’attribuer de la signification à un lieu ; cela peut se faire au niveau sémantique, à travers les mots et par les objets et les symboles qui leur sont attachés. C’est un processus, un ensemble d’actions qui évidemment varient selon les sociétés, les époques, les individus et qui peuvent souvent être assimilées à des rituels. » 8 L’appropriation n’induit pas seulement une organisation de l’espace commune à des groupes sociaux. Elle se spécifie dans le marquage que chaque individu met en oeuvre : l’installation, l’ameublement, les rangements, la décoration. « Plus que des codes sociaux propres à des groupes, l’espace révèle l’investissement personnel et familial. »9

Selon les époques, et espaces, cette appropriation des habitants, cet acte de transformation n’a pas toujours été favorisée ou même eu lieu. L’appropriation peut s’avérer naturelle dans un espace et totalement contrainte et donc limitée dans un autre. Elle dépend directement de la conception de celui-ci.

C’est seulement dans la seconde moitié du 20ème siècle que la relation entre sciences sociales et architecture va émerger, suite à l’apogée du style moderne, international.

Ce style se concrétise par une architecture fonctionnaliste considérant les bâtiments comme des équipements, des machines à habiter. Il met en scène un homme universel au même titre que ses besoins, dans des bâtiments uniformes.

« De l’architecture photographiée et représentée dans les médias n’émerge que l’aspect esthétique et formel, toute trace humaine est absente. Ce silence des formes questionne cependant certains constructeurs, plus curieux de connaître les

8 SÉGAUD Marion, Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer. Armand Colin, « U », 2010, 248 pages. 9 TAPIE, Guy. Sociologie de l’habitat contemporain. Parenthèses, 2014. 229 pages. Collection Eupalinos

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comportements des occupants, la réception du bâtiment vécu dans la vie quotidienne. »10 Cela va se traduire en pratique par, entre autres, des cellules projetées selon le Modulor11 et standardisées par notamment Le Corbusier12.Il déclarait « Ils s’habitueront » ou encore « ils apprendront à habiter [dans le logement moderne]. »

On comprends donc que tous les concepteurs, à toutes les époques n’ont pas tous conscience de l’impact de l’espace sur le plan sociologique et mental. Cela pose la question du rôle de l’architecte, que nous développerons également dans cette partie.

L’anthropologie de l’espace en France, a donc accompagné le mouvement postmoderne dont le but était de contester cet aspect international, en renvoyant à la dimension locale (ou bien, en matière de goût, en renvoyant au sens commun).

Les écrits et recherches anthropologiques nous montrent et nous rappellent que l’habiter n’est pas un acte banal et universel mais qu’il est bien lié aux modes de vie, aux cultures, aux espaces, aux époques.13 Cet acte particulier pourra prendre effet seulement dans une architecture qui le permettra.

L’évolution des modes de vie et leurs conséquences sur les modes d’habiter des groupes sociaux et des populations spécifiques interpellent l’architecture sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif, à propos de l’espace intérieur comme de l’espace extérieur.

10 SÉGAUD Marion, Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer. Armand Colin, « U », 2010, 248 pages. 11 Notion architecturale inventée par Le Corbusier en 1945. Silhouette humaine standardisée servant à concevoir la structure et la

taille des unités d'habitation dessinées par l’architecte. Elle devait permettre, selon lui, un confort maximal dans les relations entre l'Homme et son espace vital. Ainsi, Le Corbusier pense créer un système plus adapté que le système métrique, car il est directement lié à la morphologie humaine.

12 Le Corbusier ou Charles-Édouard Jeanneret-Gris, architecte et urbaniste représentant du mouvement moderne. (1887-1965) 13 J.-P. Loubes, architecte et anthropologue, (2006) parle d’une sorte de mondialisation du phénomène de l’habiter par le

Mouvement moderne.

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b. L’appropriation dans le logement social Nous pouvons aussi évoquer le type de logement qui nous intéresse particulièrement ici, le logement social. L’architecte va parfois livrer un espace favorisant l’appropriation, la transformation par l’habitant et donc la capacité d’habiter mais dans certains cas, cela reste à la responsabilité de l’habitant de « s’habituer » ou d’apprendre à habiter.

Il apparait que l’appropriation est plus difficile et contrainte dans le logement collectif que dans de l’individuel. « La maison individuelle autorise une hiérarchie, une diversité fonctionnelle et une richesse symbolique des espaces absents du collectif, d’où une plus grande probabilité d’appropriation. Plus que cela elle génère un genre de vie. »14

Les HLM classiques n’ont été pensés que comme abris, ou mieux comme logements mais l’homme ne s’abrite pas, il habite. 15

Les études du groupe de travail dans le livre « Qu’est ce qu’habiter » , et leur analyse prouve que les habitants des logements sociaux ne peuvent pas penser l’espace de leur habitat comme lieu du chez soi pour plusieurs raisons :

- Impossibilité du choix du lieu et du site

- Impossibilité du choix du logement

- Souci d’inscription historique et régionale des habitations sociales et manque de soin esthétique

Les résultats des entretiens menés font apparaitre une relation entre les classes sociales et le fait d’habiter, d’être dans l’espace. En effet, plus on monte dans l’échelle sociale, plus les habitants ont tendance à investir le logement et l’habiter à proprement parler. Le logement est ainsi directement et inconsciemment relié à la ville entière comme lieu du pouvoir, du savoir, de l’économique parce que l’homme habite son travail, ses relations, ses loisirs… Mais à l’inverse plus on descend dans l’échelle sociale, plus il apparait que l’habitation se réduit à n’être qu’un volume qui enferme en tenant la famille rassemblée.

14 TAPIE, Guy. Sociologie de l’habitat contemporain. Parenthèses, 2014. 229 pages. Collection Eupalinos 15 SALIGNON, Bernard. Qu’est ce qu’habiter ? Réflexions sur le logement social à partir de l’habitat méditerranéen. Éditions de la

Vilette, 2010. 156 pages. Collection Penser l’espace

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Le devenir comme lieu de projet possible de l’homme, a dans l’habitat, une fonction déterminante. Il est la mesure du degré d’investissement et d’appropriation par l’homme de l’espace habité. Or, « trop de personnes dans les logements sociaux n’ont aucune demande ni aucun projet dans l’espace où elles logent, soit parce que celui-ci est devenu synonyme de leur position de classe bloquée et sans promotion envisageable, soit parce qu’il renvoie et donne une image d’une cité dégradée et dont les relations entre les locataires sont devenues agressives , ce qui entraine un repli sur soi en vue de se protéger. »16 Empêcher ou diminuer ce phénomène, reviendrait à modifier les formes d’habitat et les modalités de vie qui permettent aux nouveaux habitants de se sentir accueillis à l’intérieur d’une organisation qui les entoure et les protège dans un espace différent de celui qu’ils avaient l’habitude de pressentir dans les logements sociaux classiques.

Parfois, parce que l’architecture de l’ensemble a permis aux habitants de ne plus se sentir bloqués dans une histoire et une image imposante et figée des logements sociaux, ils ont pu recréer un mode de vie qui échappe à l’emprise de la forme classique des grands ensembles.

Tout ceci nous montre que le désir d’installation et l’envie de rester, de se projeter dans le futur ne peut exister dans du locatif que s’il est permis par la gestion et la conception de l’ensemble.

« Le logement social n’a pensé les locataires que dans une globalité et une uniformité dont chacun peut percevoir combien elle était réductrice d’usage et inductrice de conduites atomiques. Il convient de faire sortir de l’anonymat et de stéréotypie l’architecture du logement social.. » 17

16 SALIGNON, Bernard. Qu’est ce qu’habiter ? Réflexions sur le logement social à partir de l’habitat méditerranéen. Éditions de la

Vilette, 2010. 156 pages. Collection Penser l’espace 17 Ibidem

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2. De la qualité architecturale à la qualité d’usage a. Les attentes d’un logement, par l’habitant Nous parlions d’appropriation, et nous avons vu que celle-ci n’est pas systématique et apparait dans certains cas seulement. En effet, les habitants ont toujours des attentes face à un logement, qui leur sont propres et c’est pourquoi l’appropriation est un phénomène incertain.

Mais certaines attentes sont communes à beaucoup d’habitants et peuvent nous aider à visualiser et matérialiser le confort ou la qualité d'usage, tout en gardant à l’idée que cette notion est subjective et personnelle et en aucun cas universelle.

Dans l’Étude Logement à Qualité et Cout Maitrisés par Anne Faure, l’exercice suivant a été effectué pour questionner la qualité d’usage à l’aide de visites de terrain, d’entretiens et d’analyses bibliographiques.

« Les indicateurs de la qualité sont nombreux ; certains d’entre eux ont un caractère subjectif. Au cours des trente dernières années, les notions de qualité et de qualité d’usage n’ont pas toujours recouvert les mêmes types d’objets et n’ont pas eu les mêmes référents. »18

En matière de qualité d’un logement locatif, différents points de vue sont observables en fonction des acteurs. Celui du promoteur, du bailleur, du concepteur, tous ont des attentes différentes, nous nous attacherons ici à celles des habitants.

Lors de leurs travaux, les auteurs précisent que la comparaison entre les avis recueillis sur l’ensemble des sites est à prendre avec beaucoup de réserves pour de nombreuses raisons. Des distorsions possibles conduisent à relativiser les avis recueillis, en particulier le poids du parcours résidentiel sur la formation du jugement. Par ailleurs, les opérations ont des caractéristiques différentes : site, taille, parti architectural… qui influent sur les ambiances de quartier de logements sociaux.

Les principales attentes que les habitants ont noter dans cette étude sont de grandes surfaces facilement meublables et des rangements. Cette notion de surface généreuse a également été relevé par Jean Nouvel, qui disait « Un beau logement est un grand logement ».

18 FAURE Anne, Étude Logement à Qualité et Cout Maitrisés, Plan urbanisme construction architecture - L'habitant, l'État, et le

logement social, évaluation de l’approche de la qualité d’usage dans les opérations expérimentales, Aout 2000.

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Illustration 1 : Tableau des principales attentes des habitants

source : étude LQCM « l’habitant, l’état et le logement social

Mais un grand logement est également le plus souvent un logement cher. La surface est un luxe dont tout le monde ne peut pas toujours profiter.

Ce qui nous intéresse ici étant le caractère flexible du logement et son appropriation, nous remarquons notamment l’intérêt de la pièce supplémentaire relevé par les habitants : il comble une lacune des plans classiques où le traitement du linge et son séchage sont rarement bien résolus. Les prolongements du logement (accès indépendant, espace extérieur privatisé) sont généralement très appréciés par les familles qui en disposent et savent en exploiter les diverses utilisations. Les locataires qui n’en n’ont pas fait l’expérience sont sans avis ou déclarent préférer une surface intérieure supplémentaire à la place d’un balcon.

D'une façon plus globale, le modèle unique et unifiant est relevé et critiqué par les habitants.

« Les indications données par les avis recueillis se réfèrent à une organisation du logement qui varie relativement peu depuis de nombreuses années. Les contraintes techniques, mais surtout les habitudes de conception, produisent des plans de cellules qui obéissent aux mêmes principes. On reproduit ainsi assez systématiquement la sacro-sainte séparation jour/nuit ; on regroupe depuis 18


longtemps les pièces humides pour des raisons d’économie, et on renonce à éclairer la salle de bains en jour naturel pour les mêmes motifs… » 19

Pendant longtemps, les concepteurs ont déclaré que les bonnes alternatives de distribution intérieure étaient connues et qu’il valait mieux utiliser le temps d’étude à d’autres fins. Cependant, la famille « lambda » n’a jamais existé et elle existe de moins en moins. Alors le logement « lambda » ne peut perdurer.

Le groupe familial de quatre personnes, le mari la femme et leurs deux enfants, qui était l’archétype pendant longtemps n’est plus la seule option, il s’y ajoute la famille monoparentale, la famille recomposée qui comporte six personnes pendant le weekend et trois durant la semaine, la présence d’un enfant de 30 ans au chômage.

b. Le confort par l’acteur Depuis toujours, l’Homme a besoin de contrôler son espace de vie pour se protéger de l’extérieur. Nous pouvons ainsi en revenir à l’origine du premier abri. Aujourd’hui, les enjeux évoluent et nous ne cherchons plus seulement à nous protéger mais aussi à créer un espace confortable. Comme nous l’avons vu précédemment, les attentes des habitants sont différentes, et le niveau de confort, et d’appropriation en découle. Et si l’habitant devenait acteur de son logement pour justement favoriser cette appropriation, que lui seul sait définir ?

Etre acteur de son logement, sous entends différents niveaux d’investissements : Etre acteur pendant la conception, pendant la construction ou pendant l’exploitation. Dans ce mémoire c’est la dernière partie qui m’intéresse car bien que les démarches de co-construction et de conception partagée soient passionnantes ce n’est pas mon objet d’étude.

19 FAURE Anne, Étude Logement à Qualité et Cout Maitrisés, Plan urbanisme construction architecture - L'habitant, l'État, et le

logement social, évaluation de l’approche de la qualité d’usage dans les opérations expérimentales, Aout 2000.

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Le travail de Lacaton et Vassal20 suit cette quête du confort à travers l’habitant.

Dans leurs réalisations, ils tentent de donner un maximum de pouvoir à l’usager pour lui permettre de choisir le rapport qu’il souhaite entretenir avec son environnement, dans le cas de la Cité Manifeste, par exemple.

Illustration 2 :Coupe du projet « Cité manifeste », Mulhouse par Lacaton et Vassal

source : http://www.lacatonvassal.com/

Illustration 3 : Photos du projet « Cité manifeste », Mulhouse par Lacaton et Vassal

source : http://www.lacatonvassal.com/

Dans ce projet, ils s’appuient sur le système des serres horticoles qui donnent une dimension dynamique au projet. Ils portent aussi une attention particulière sur les ambiances et paysages afin de créer des microclimats au sein des projets. En effet, grâce à l’enveloppe, on ressent une nouvelle atmosphère à l’intérieur du bâtiment permise par la variation de la température, de l’ensoleillement, de l’humidité, du 20 Lacaton et Vassal, agence d’architecture française formée par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal.

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mouvement de l’air… Ce nouvel intermédiaire permet de créer un rapport à l’extérieur et de le réguler. La flexibilité de l’enveloppe donne donc du pouvoir à l’usager et lui permet de choisir le rapport qu’il souhaite entretenir avec son environnement extérieur. 21

Cette notion de choix est primordiale, selon moi, dans le logement et surtout dans le logement social. Dans la mesure où l’habitant ne choisit pas son logement, l’architecte doit pouvoir laisser un certain degré de liberté à l’usager, pour favoriser le confort et l’appropriation. Ce degré de liberté peut se traduire directement par le concept de flexibilité.

L’usager devient acteur à partir du moment où il impact la forme de l’espace selon ses propres besoins. « À partir d’une disposition première, il peut changer les limites intérieures pour recréer une nouvelle organisation qui permettra d’accueillir un autre usage. Les besoins de l’usager variants, l’espace est en constante évolution. »22

L’usager ne doit pas être permis d’agir seulement sur l’intérieur mais également sur le rapport à l’extérieur.

« La relation avec le contexte peut être modifiée par l'usager par le biais de l'enveloppe qui sert d’intermédiaire entre ces deux milieux. »23

Illustration 4 : L'espace comme une substance modelable

source : ensaeco.archi.fr

21 MANDOUL, Thierry, « Climat(s) : nouveau paradigme pour l’architecture ? », Raison publique, 2012/2 (N° 17), p. 141-161.

https://www.cairn.info/revue-raison-publique1-2012-2-page-141.htm

22 VASSAL, Jean-Philippe. Climats - Les conférences de Malaquais, dirigée par Nasrine Seraji. Mars 2012 23Ibidem

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Cela peut également se traduire par des filtres, un espace intermédiaire comme une varangue, entre autres.

Cette partie s’appuie sur le rapport entre la sociologie, l’anthropologie et l’espace. On voit ici que l’appropriation est nécéssaire pour habiter, et non pas juste être logé.

Plusieurs vecteurs peuvent permettre d’augmenter cette appropriation, la flexibilité est l’option étudiée ici.

L’appropriation dans un logement n’est pas systématique, elle n’est pas évidente, ni concrète et toujours justifiée. Il est difficile de savoir en quoi tel espace est appropriable par telle personne car cela est propre à chacun, en fonction des personnes, de leur vécu, de leurs aspirations, de leurs sentiments. En somme, il n’y a pas de recette ou de formule magique pour l’appropriation. Le phénomène d’appropriation peut être accéléré ou ralenti dans un logement. Il survient naturellement, irrémédiablement ou pas du tout.

Le logement, le chez-soi, est l’extension de soi, c’est pourquoi il ne peut être standardisé et universel, ou encore anonyme.

La flexibilité peut permettre de mettre en place suffisamment de degrés de liberté dans la conception pour que l’espace soit appropriable et adaptable pour chaque habitant.

La flexibilité peut donc augmenter le bien-être, le confort dans son logement. On peut maximiser le confort du logement en devenant acteur de celui-ci, en tant qu’habitant : acteur du confort, acteur du rapport a l’extérieur, acteur de l’espace intérieur. Pour permettre à l’habitant d’être acteur, l’espace et le bâtiment doivent se laisser guider, s’adapter, se mouvoir, et être flexibles.

22


3. Le rôle de l’architecte Tout comme l’espace du bâtiment, du logement, qui doit se laisser manipuler et mouvoir, l’architecte doit aussi dans ce cas s’effacer légèrement pour laisser la place au futur habitant.

L’architecte influe t-il sur le mode de vie des habitants ou est-ce l’inverse, l’usager qui influence la conception architecturale ? La question sous-jacente est celle du rôle de l’architecte, et de sa place dans la conception.

On peut distinguer à ce sujet deux courants de pensée qui diffèrent.

Dans le premier cas, ce sont pour la majorité des architectes rattachés au mouvement moderniste, qui défendent une totale liberté de l’architecte dans la conception, sans se soucier de la personne qui habitera dans le logement, sans se soucier de la façon dont celui-ci prendra vie.

D’autres, même s’ils ne peuvent répondre à toutes les demandes, s’y essaient car, conscients de l’impact de leur dessin sur la vie des futurs habitants.

Un des freins à l’appropriation du logement par les habitants peut être l’architecte lui-même en imposant sa façon de concevoir le logement, son mode de pensée et sa vision du logement.

Le Corbusier déclarait : « Tenir compte de ce que la famille exprime ? Non je ne crois pas qu’on puisse le faire. Il faut concevoir et discerner, puis offrir, poser à qui de droit »24

L’architecte ici se place en tant que sachant, il connait l’importance de l’humain dans l’architecture puisqu’il a par exemple fait ses recherches sur le Modulor25 , mais nous comprenons qu’il étudie l’homme en tant qu’être physique et non pas en tant que futur habitant, ou être pensant. Il apparaît comme une mesure, un outil et non comme la finalité de la conception.

24 Le Corbusier, dans CHOMBART DE LAUWE Paul-Henry, Famille et habitation tome I, Sciences humaines et conception de

l’habitat, 1960, p.200. Citation extraite de BRESSON S, DENEFLE S., DUSSUET A. & ROUX N. Habiter le Corbusier, p.7. 25 Notion architecturale inventée par Le Corbusier en 1945, voir illustration.

23


Illustration 5 : Explication du modulor

source : cursus.edu.fr

24


D’autres architectes vont de cette façon, mettre de coté le volet sociologie, qu’on ne peut retirer à l’architecture si l’on souhaite que les habitants s’approprient l’espace et se sentent chez eux.

Un autre exemple est celui des logements Nemausus26 de Jean Nouvel qui ont marqué l’histoire des expérimentations et innovations dans le logement social selon moi. En effet, il s’agissait de donner plus d’espace aux logements pour permettre plus de liberté d’aménagement pour l’habitant.27

Succès de ce coté là, mais de l’autre, les habitants ne pouvaient toucher aux murs de béton. Cette interdiction est une contrainte de taille pour un habitant voulant se projeter et s’approprier l’espace. On trouve beaucoup d’exemples de ce genre chez les architectes de cette période, cela montre leur attachement à l’image de leur logement, mais également leur place dans la conception et la vie du logement.

Illustration 6 : Photos du projet « Nemausus », à Nîmes par Jean Nouvel

source : http://www.jeannouvel.com/

26 Nemausus est un ensemble de deux immeubles de logements situés dans le sud de Nîmes conçus par Jean Nouvel. Son

souhait est de donner plus d'espace aux logements sociaux. Pour cela, les dessertes sont rejetées à l'extérieur du bloc formé par le bâtiment. Les matériaux de construction sont sans finition et rappellent un bâtiment industriel. Cela entraîne une économie permettant d’offrir des logements plus spacieux. De ce point de vue, Nemausus est une preuve qu’il est possible de bâtir du logement social autrement. 27 https://www.lemoniteur.fr/article/nemausus-le-nouveau-logement-social.1902524

25


A contrario, des architectes vont développer une pensée et une façon de concevoir avec la notion de l’habiter, la question des modes de vie du quotidien. Monique Eleb28 disait dans un de ses livres « Messieurs les architectes, soyez un peu moins sculpteurs, un peu plus sociologues! »29

La vision de l’architecture a donc sans aucun doute évolué, et la composante sociologique prends sa place, tant bien que mal dans la pensée et la conception du logement.

Alors qu’il y avait déjà certaines expérimentations d’architecture participative, aujourd’hui beaucoup d’architectes se sentent concernées par cette tendance, les habitants participent à différents degrés à la conception, ou construction de leur logement.

Nous pouvons citer Alejandro Aravena avec son projet « Elemental » où il livre des logements non finis, dans le but de laisser les habitants continuer la construction, ce qui augmente évidemment la participation.

Illustration 7 : Photos du projet « Elemental», au Chili par Alejandro Aravena

source : darchitectures.com 28 Psychologue et sociologue française. 29 ELEB Monique, BELLANGER F., Questions et hypothèses sur l’évolution de l’Habitat, p.27

26


Il n’est pas question ici d’étudier ce type d’architecture participative, mais plutôt la flexibilité en tant que vecteur d’appropriation et d’implication de l’habitant, une façon peut-être moins extreme de l’impliquer, au quotidien.

27


PARTIE 2 LE LOGEMENT SOCIAL, APPROCHE HISTORIQUE ET CONTEXTE RÉUNIONNAIS

28


2. Evolution du logement social a. Précurseurs et habitat ouvrier Le logement social, ou l’habitat social existait déjà sous certaines formes, il y a plusieurs siècles. En effet, au 19ème siècle, des penseurs imaginent des modèles d’organisation sociale avec tous les équipements collectifs nécessaires et des bâtiments d’habitations pour les ouvriers et leurs familles, dans une logique fonctionnelle.

Charles Fourier30 en 1829, conçoit le « Phalanstère » comme un dispositif expérimental, comportant un bâtiment avec mille six-cents sociétaires, des équipements collectifs, et des espace d’agricultures. Sa théorie part d’une critique féroce de la société de son époque, marquée par la révolution industrielle naissante, qu’il nomme la civilisation. Il y oppose un projet social qui s’appuie sur une nouvelle organisation des relations individuelles. 31

Illustration 8 : Plan d’un phalanstère

source : charlesfourier.fr

Godin32 , lui, remplace le phalanstère par le familistère, mais dans la même logique d’habitat social. Le Familistère de Guise se traduit par la création de logements destinés à offrir aux ouvriers un certain confort. « Au-delà de ses préoccupations 30 FOURIER Charles, philosophe français. (1772-1837) 31 Nathalie Brémand (2009). "Charles Fourier (1772-1837)". Les premiers socialismes - Bibliothèque virtuelle de l’Université de

Poitiers. Publié en ligne le 16 mars 2009. URL : <http://premierssocialismes.edel.univ-poitiers.fr/collection/charlesfourier>. (Consulté le 08 décembre 2019) 32 GODIN Jean-Baptiste André, industriel français. (1817-1888)

29


hygiénistes il cherche à créer un lieu de collectivité dans lequel les ouvriers pourront conquérir culture, dignité et responsabilités, et remplacer le capital dans la direction des usines. »33

Illustration 9 : Photo de l’intérieur du familistère avec simulation de population

source : animaviva-prod.com

Deux phénomènes vont ensuite se développer à la fin du siècle des lumières et vont avoir d’importantes répercussions sur les conditions de travail, de logement et de vie des populations de toutes les classes sociales, et laborieuses tout en entrainant un brusque afflux de la population vers les grandes villes.

1. La croissance urbaine

2. L’industrialisation (profit maximum des ouvriers; regroupement de ceux ci donc carence de logements : logements taudis, caves…)

Jessica Dos Santos (2013) « Le Familistère de Guise : habitat collectif et autonomie ouvrière »Dans Revue du Nord 2008/1 (n° 374), pages 63 à 76 Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2013 33

30


b. HBM et HLM L’Etat intervient avec la loi Siegfried en 1894 qui met en place les HBM, puis en 1928 avec la loi Loucheur qui est symbolique de la prise de conscience de l’Etat pour le besoin d’aide à la résorption de la crise logement.

Au lendemain de la guerre, l’Etat reste assez immobile face au problème du logement. Quelques actions sont lancées par le Ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme pour accélérer la production de logements sociaux appelés désormais Habitations à Loyer Modéré. C’est à cette époque que s’impose progressivement, comme solution à la crise du logement, le recours systématique à des habitations normalisées, répondant aux besoins universels de l’homme, théoriquement adaptable à tous les types de population.

c. Industrialisation de la construction : l’architecture moderne au service de l’habitat social Le Bauhaus pose les bases de la construction standardisée pour le peuple avec des procédés de construction moderne,

des orientations architecturales et urbaines

avant-guardistes mais responsables de l’aspect monumental des bâtis des villes.

Des chantiers expérimentaux seront plus tard organisés dans les différentes villes : Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille en 1946, entre autres.

Illustration 10 : Cité Radieuse, à Marseille

source : http://blog.bluet-design.fr/

31


« Espace fonctionnel favorisant l’intégration sociale par le brassage harmonieux des classes sociales au sein d’une communauté locale. Le grand ensemble devait être le creuset dans lequel allaient se constituer les formes de sociabilité de l’homme de l’an 2000 »34 Ces opérations préfigurent une nouvelle organisation de l’industrie du bâtiment, fondée sur la préfabrication, l’hygiénisme, le fonctionnalisme, incarnant donc les principes de l’architecture moderne. Le béton armé/ banché,

le métal sont les

nouveaux moyens permettants de s’engager dans la voie de la standardisation défendue plus tôt par le Bauhaus. Le Corbusier soutient le logement collectif, et tout comme Godin, l’équité, dans l’unité d’habitation.

A la fin des années 1950, les Zones à Urbaniser en Priorité sont mises en place par l’Etat. Elle rend possible l’équipement rapide de terrains avec de nouvelles opérations d’urbanisme et programmes de logements sociaux. A partir de la fin 1950, on assiste à la création de ruptures radicales dans l’évolution de la morphologie urbaine et à la création de nouveau type de quartier, les grands ensembles, barres et tours.

d. Les grands ensembles La production des grands ensembles s’explique à partir de 2 éléments :

Un fonctionnalisme codifié dans la charte d’Athènes35 : chaque fonction sociale doit avoir son espace spécifique et une rationalisation économique pour rentabiliser les installations de travaux.

Ainsi, dans les années 50-60, habiter dans les grands ensembles HLM représente une promotion. Les français de divers milieux sociaux (ouvriers, employés, cadres) veulent accéder aux logements collectifs disposant d’un certain confort pour l’époque, et d’une image moderne.

Mais très vite, c’est le désenchantement, les grands ensembles sont mal reliés à la ville, et exclus sur le plan physique et symbolique.

34 STÉBÉ, Jean-marc. Le logement social en France (1789 à nos jours). Presses universitaires de France, 2009.128 p. Que sais-je

(p.90)

35 La charte d’Athènes a constitué l’aboutissement du IVème Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM, en 1933 sous

l’égide de Le Corbusier. Le thème en était « la ville fonctionnelle ». Urbanistes et architectes y ont débattu d’une extension rationnelle des quartiers modernes.

32


« On pensait que l’agrégation d’individus sur un espace restreint permettrait l’élaboration de liens sociaux. »36

« La proximité physique n’exclut pas la distance sociale elle peut au contraire la révéler »37 (Grafmeyer, Joseph, 1984). Le grand ensemble, initialement emblème du progrès et de la modernité, convoité par une grande partie de la population va, au fur et à mesure, se couvrir de honte, de critique, jusqu’à finalement être rejeté.

36 STÉBÉ, Jean-marc. Le logement social en France (1789 à nos jours). Presses universitaires de France, 2009.128 p. Que sais-je

(p.93)

STÉBÉ, Jean-marc. Le logement social en France (1789 à nos jours). Presses universitaires de France, 2009.128 p. Que sais-je (p.94) 37

33


2. Evolution du logement social, le cas de la Réunion a. Pauvreté à la Réunion Revendiquée depuis la fin des années 1930, la départementalisation prends effet en 1946 et malgré cette avancée, la situation reste critique à la Réunion, à cause de la malnutrition, le paludisme, et les pénuries. L’habitat précaire est endommagé par les trois cyclones dévastateurs de 1944, 1945, 1948. La majeure partie de la population réunionnaise vit alors dans des paillotes.38

Le passage a la modernité s’amorce dans les années 50.

Illustration 11 : Photos anciennes de Saint-Louis, à l’ile de la Réunion

source : https://www.sidr.fr/notre-histoire

Apres la seconde guerre mondiale, la situation socio économique de la Réunion, est catastrophique. « La Réunion était un territoire profondément sous développé et sous alimenté, dont la population était de plus en plus nombreuse. Depuis la grande époque du XIXe siècle, une bonne partie des choses avaient été laissées a l’abandon : routes, écoles, hôpitaux, port, projets irrigation, adduction d’eau, reboisement, électrification. La guerre de 1939-45 n’avait fait qu’accroitre le marasme, en remplaçant la sous alimentation par la faim et le dénuement. L’ile possédait toutes les caractéristiques du pays sous développé. Il fallait hausser fortement le niveau de vie par une alimentation plus riche, un habitat décent, une surveillance sanitaire entièrement à organiser. L’espoir d’un avenir meilleur réside avant tout dans une plus grande intégration a la France. »39

38 LEVENEUR, Bernard. 60 ans de culture urbaine, Société Immobilière du département de La Réunion. Editions du 4 Epices,

2009. 156 p.

39 DEFOS DU RAU, Jean. L’ile de la Réunion, Étude de géographie humaine. Thèse de doctorat d’État : Géographie : Bordeaux :

Université de Bordeaux : 1960. 716 p.

34


b. Les effets de la départementalisation Grâce à la départementalisation : La Réunion accède à un certain statut et des fonds financiers sont débloqués pour financer des infrastructures telles qu’écoles, routes,

et hôpitaux. Mais elle va aussi provoquer un exode rurale massif et un

accroissement de la population qui va augmenter l’ampleur du problème de l’habitat social. Bidonvilles et cités sont alors les cadres de la vie quotidienne des populations pauvres et résument l’un des principaux enjeux de la politique sociale à La Réunion : le logement.

Avant la départementalisation, à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’ile est plongée dans la pauvreté, l’isolement et la famine. Lors du changement de statut voté le 19 mars 1946, un changement radical du contexte économique et social va être opéré. Les uniques ressources de l’ile qui provenaient de la filière de la canne à sucre vont peu à peu être remplacées par la création de nouveaux secteurs d’activité, et les capitaux venus de métropole qui vont augmenter jusqu’à engendrer un boom économique. Puis la mise en place des différentes instances administratives, l’apparition de grandes entreprises, l’ouverture d’importants chantiers d’aménagement et le développement du commerce créent des nouveaux emplois, concentrés essentiellement dans les centres urbains. Attirée par la perspective d’y trouver un travail, une population toujours plus nombreuse afflue vers les villes qui connaissent alors une remarquable croissance en plus de la démographie qui elle aussi augmente. « De 40 pour mille en 1946 , le taux de natalité passe a 52 pour mille en 1952 alors que les actions entreprises dans le domaine sanitaire et social; lutte contre les épidémies, construction de foyers et d’hôpitaux font tomber le taux de mortalité de 22 pour mille en 1946 a 10 pour mille en 1964.» 40

La poussée démographique, l’amélioration des conditions de circulation et l’essor économique général sont à l’origine de l’urbanisation très rapide qui touche l’ensemble des communes.

Les plus défavorisés ne parviennent plus à se loger à cause des montants et de la rareté des biens locatifs. Ceux-ci n’ont d’autres choix que de s’installer dans les bidonvilles qui prolifèrent à la périphérie des grandes agglomérations.

40 WOLFF, Eliane. Quartiers de vie : Approche ethnologique des populations défavorisées de l'île de la Réunion. Université de la

Réunion, 1989. 207 p.

35


Un premier recensement des zones insalubres, en 1959, va constituer le point de départ d’une politique en matière de logement social.

Le terme bidonville apparait dès 1960 dans la thèse de Jean Defos du Rau, géographe français ayant fait une thèse sur la Réunion.

« La paillote misère du genre bidonville se rencontre dans les banlieues très misérables de St Denis ou des principales agglomérations, la ou le flux du peuplement dépose l’écume de l’habitat. Ces demeures sont des cases élémentaires toutes petites (2m sur 2m) ou caisses et fer blancs d’essence entrent pour moitié, formant des rapiéçages disparates. Cet aspect de bidonville est du autant a l’incurie qu’a la misère; il est ancien; on s’en plaignait déjà en 1895 »41

On comprends que le terme fait appel à deux critères : mode de construction mais aussi mode d’habitation.

Illustration 12: Photos anciennes des bidonvilles du quartier des Camélias, à l’ile de la Réunion

source : https://www.sidr.fr/notre-histoire

Tous les décideurs et travailleurs sociaux sont forcés de constater que cette population en marge doit se voir attribuer un habitat rédempteur, conforme aux normes de la société. On assiste là aux sources des enjeux de l’habitat social à la Réunion, reloger les populations des bidonvilles.

41 DEFOS DU RAU, Jean. L’ile de la Réunion, Étude de géographie humaine. Thèse de doctorat d’État : Géographie : Bordeaux :

Université de Bordeaux : 1960. 716 p.

36


c. Les premiers chantiers : 1949-59 En 1949, la nécessité de loger est donc urgente et la création de la SIDR et l’action du Credit agricole va permettre la construction de logements. C’est la période des grandes opérations favorisées au départ par la promulgation de la loi anti-bidonvilles ou loi Debré. On démolit des quartiers entiers et leurs habitants sont relogés par centaines dans les appartements neufs des cités édifiées à la périphérie des villes.

C’est la naissance de nouvelles notions d’urbanisme à la Réunion, un urbanisme contemporain. Des fonds financiers sont débloqués pour construire des infrastructures telles qu’écoles, routes, et hôpitaux.

Des lotissements sortent de terre et le style créole disparait peu à peu. Ces logements se voient disposer de services novateurs sur l’ile comme des accès routiers neufs, de l’eau courante et de l’électricité alors que ce n’est pas le cas partout.

Les habitants des logements sociaux sont pour la plupart mieux lotis que d’autres habitants de kaz a terre par exemple. L’arrivée des logements sociaux va donc de paire avec la modernité et les avancées technologiques.

Ce sont des architectes du sud de la France (Gaston Petit, Lucien Barbé, Bellaguet et Fleury Linossier), qui sont chargés d’étudier la mise en oeuvre de logements avec des plans type.

On remarque que la SIDR se montrait tout de même sensible aux modes de vie des réunionnais en déclarant qu’il convient de « faire agréer des cellules nouvelles conçues en tenant compte des goûts de la clientèle et de son mode de vie et des possibilités d’utilisation de matériaux locaux. »42

Mais l’urgence ne permet pas d’appliquer ce voeu. Les bâtiments sont certes mieux conçus en terme d’hygiène, mais la prise en compte du mode de vie de la clientèle ne se vérifie pas, et pour cause les habitant perdent leur repères au passage de la kaz a terre à la kaz en l’air. Les matériaux locaux sont seulement utilisés lors d’opérations de logements individuels et en accession à la propriété, mais pour la majeure partie du parc social de l’époque, il s’agit bien d’immeubles en béton.

42 LEVENEUR, Bernard. 60 ans de culture urbaine, Société Immobilière du département de La Réunion. Editions du 4 Epices,

2009. 156 p.

37


d. Les grands chantiers Il s’en suit une période d’essor de construction, l’ère des grands ensembles à La Réunion dans les années 1950-1970.

C’est le fruit d’une industrialisation progressive du secteur du bâtiment et des procédés de pré-fabrication du béton provenants de la métropole, mis en oeuvre à La Réunion.

Les opérations se succèdent, notamment sur les terrains de la SIDR, contribuant au développement d’une nouvelle esthétique urbaine, normalisée, dans l’esprit des maitres de l’architecture contemporaine européenne.

Les grands ensembles de la SIDR sont considérés comme l’écho dans l’ile d’une politique nationale « des ensembles de logements collectifs souvent en nombre important, construits entre le milieu des années 50 et le milieu des années 70, et marqués par un urbanisme de barres et tours inspirés des préceptes de l’architecture moderne ».43

Illustration 13 : Photos de la construction de logements sociaux au Port

source : https://www.sidr.fr/notre-histoire

Par architecture moderne, entendons l’architecture issu des concepts du CIAM

(Congès International d’Architecture Moderne, 1933) et de la Charte d’Athènes en 1941, par Le Corbusier.

Cette charte compte 95 points sur la planification et la construction des villes. Parmi les sujets traités : les tours d’habitation, la séparation des zones résidentielles et les voies de transport ainsi que la préservation des quartiers historiques et autres 43 LEVENEUR, Bernard. 60 ans de culture urbaine, Société Immobilière du département de La Réunion. Editions du 4 Epices,

2009. 156 p.

38


bâtiments préexistants. Le principal concept sous-jacent a été la création de zones indépendantes pour les quatre « fonctions » : la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures de transport. La charte a également fait l'objet de critiques, principalement pour manque de flexibilité.

Les logements sont nés dans un contexte d’urgence sociale, au détriment d’une esthétique, en réponse à des situations de crise.

L’aspect normatif des constructions tient aussi a la reprise de plans types et à la reconduction de marchés auprès des mêmes entrepreneurs sur plusieurs opérations réparties dans toute l’ile.

Sur le plan architectural, les méthodes utilisées sont celles des barres d’immeubles. Il s’agissait de ce que l’on appelle une architecture de chemin de grue : il y avait une grue, une centrale à béton et autour, on construisait des logements de la façon la plus économique, les mêmes logements étaient superposés les uns sur les autres avec une industrialisation la plus forte possible. L’aspect esthétique était rudimentaire mais la qualité de vie dans le logement, d’un point de vue de l’accès à l’eau courante, à l’électricité, et à l’hygiène était bien supérieure à celle de l’habitat réunionnais de l’époque.

On assiste à de nouvelles techniques de constructions :ascenseurs, murs banchés, prises électriques encastrées, donc à une industrialisation des procédés. C’est une révolution pour l’époque.

Parfois, des efforts sur l’architecture sont faits, avec quelques interventions d’architectes de renom comme Marc Vanuvanberg, Christian Tolede, et également des architectes locaux car, isolement géographique oblige, il n’y avais pas autant de recours aux architectes métropolitains qu’aujourd’hui.

« Il fallait aller vite, avant d’aller bien. »44 (BAJARD Olivier, directeur général de la SHLMR). Il y avait un enjeu majeur de salubrité, de santé publique, ces travaux ont permis de donner un coup d’élan au développement du territoire.

VERT M PROD réal. SHLMR, une histoire du logement social à la Réunion. YouTube, 16 aout 2017 https://www.youtube.com/ watch?v=AWVl7ZRCiu4 44

39


e. Periode de mutation Pendant une certaine période, la SIDR va contacter les architectes locaux pour la mise sur le marché d’un type de maison ébauche comprenant les murs et les éléments d’un équipement réduit au minimum : un seul point lumineux, une ou deux cloisons. Il s’agit donc d’un logement évolutif car l’occupant devra l’améliorer au fur et à mesure, selon ses gouts et ses moyens financiers.

Pour la SIDR, le Logement Très Social avec participation en nature parait mieux adapté à la lutte anti bidonvilles mais les grosses entreprises BTP ne répondent pas aux appels d’offres. En 1979, on compte 26 opérations

de ce type, avec 1106

logements. En 1983 : on compte 7000 LTS construits, pour un relogement de 20 000 personnes alors que l’objectif initial était de 12600 LTS. Le bilan est plutôt négatif, les logements restent vides ou peu occupés notamment car les couts de viabilité sont jugés excessifs, tout comme le coût du foncier. Les quartiers comportants ces types de logements vont évoluer négativement, face à l’inadaptation de ceux-ci au modes de vie des habitants.45

Les LTS pour la première fois intègrent des possibilités d’extensions :

- « à partir du bloc central indépendant, les blocs chambres peuvent être montés ultérieurement

- la construction traditionnelle, utilisant les matériaux usuels et des méthodes simples, permet la mise en oeuvre par une main d’oeuvre artisanale ou familiale

- les extensions sauvages pourront donc s’intégrer sans heurts aux bâtiments existants ».46

- On se pose donc déjà la question de l’adaptation des familles, de l’appropriation et d’une certaine évolutivité, et flexibilité du logement.

Ce type de logement est remplacé par les Logements Evolutifs Sociaux en 1986 avec l’accession à la propriété.

Ce sont des parcelles étroites et profondes, une mitoyenneté avec le voisin et un étage pour les chambres. L’évolutivité est limitée à l’intérieur, grâce à un système de pré-dalles à grande portée autorisant la mobilité des cloisons au gré des besoins, ce qui n’augmente pas la superficie des logements. L’évolutivité par l’extérieure est 45 LEVENEUR, Bernard. 60 ans de culture urbaine, Société Immobilière du département de La Réunion. Editions du 4 Epices,

2009. 156 p.

46 HOURY, Jean-Pierre. Le logement à la Réunion, Mai 1991. Ecole d’architecture Languedoc-Roussillon.

40


réduite voir inexistante, la seule possibilité est de rajouter des tôles bon marché pour adjoindre les dépendances nécessaires.

Il y a donc déjà une prise en compte des besoins d’évolutivité et de flexibilité des logements.

Les années 1980 restent tout de même sous l’influence d’une esthétique normalisée

alors que les années 1990-2000 se démarquent. La SIDR remet en cause sa démarche trop normalisée et le recours aux architectes devient plus systématique.

41


3. Les logements sociaux, aujourd’hui a. Changements de modes d’habiter Il y a eu à al Réunion des bouleversements de vie.

Les réunionnais modestes vivaient comme nous l’avons vu précédemment, pour la plupart dans des « kazes à terre », ou bidonvilles, dans des familles nombreuses. Ceux qui se sont vu attribuer des logements sociaux ont du donc s’adapter à ce nouveau mode de vie.

Les premières installations se sont fait dans l’euphorie, les familles n’étant pas habituées à avoir l’eau courante et l’électricité.

Mais s’en suit une déstructuration du mode de vie des familles déplacées. En effet, les logements neufs accueillent des pratiques traditionnelles pas toujours compatibles avec les normes métropolitaines de construction et de vie. Nous sommes loin du quotidien avec les animaux domestiques dans la cour, les ordures sauvages devant la kaze, le lavage du linge dans la rivière. Ce fut un choc.

« Les gens jettent n’importe quoi par les fenêtres… On trouve de tout : des fauteuils cassés, des cartons dégoulinants, les déchets des parcs animaux. Malgré tout il y a quelque progrès : les cochons ont disparu des balcons. Il y a moins de 10 ans, les gorets passaient la journée sur les balcons et couchaient la nuit dans la salle de bain. Tous les déchets atterrissaient au pied des immeubles ou dans le couloir. Ce temps aujourd’hui est révolu, restent les poules et les lapins… »47

« Pas nettoyés pendant deux jours les blocs empestent et les détritus s’amoncelles partout. Ce n’est pas la faute des locataires ils ne sont pas éduqués. Ils n’étaient pas préparés à vivre dans ce type de logement. C’est vrai qu’il était absurde de les installer sans transition dans des immeubles collectifs »48

L’adaptation à un habitat fixe à des situations fondamentalement mobiles a rapidement été une préoccupation majeure des gestionnaires de logements sociaux. L’affectation des habitants effectuée selon des normes administratives rigides, ne prenait pas en compte l’évolution future de la famille. Ainsi le F2 affecté au jeune 47 WOLFF, Eliane. Quartiers de vie : Approche ethnologique des populations défavorisées de l'île de la Réunion. Université de la

Réunion, 1989. 207 p. 48 Ibidem

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couple avec un enfant se révélera bientôt trop exigu avec l’arrivée d’autres enfants, voir du cousin que l’on hébergera pour un moment qui dure ou de la grand-mère qu’on ne peut laisser à la rue.

Pour répondre à ces besoins, des aménagements de l’espaces ne vont pas sans rappeler les constructions évolutives et plus ou moins anarchiques du bidonville qui apparaissent. Des vérandas sont transformées en chambres supplémentaires, en garage, en stockage. Des tôles sont dressées dans les jardins pour protéger la vie intime de la famille, et abritent un poulailler caché ou une petite cuisine au feu de bois.

Ces transformations de l’espace qu’on pourraient croire anarchiques, ne le sont pas, elles répondent à l’organisation de la kour créole et traduisent de remarquables capacités d’adaptation et d’imagination.

b. Evolution des populations à la Réunion Comme nous l’avons vu précédemment, les modes de vie ont évoluer au rythme des nouvelles formes d’habitat. Mais qu’en est-il des habitants, comment la population a t-elle évoluer et comment évoluera t-elle ?

L’anticipation des besoins en logements est primordiale pour orienter les politiques publiques à mettre en oeuvre dans le cadre de l’aménagement des territoires. Cette problématique est particulièrement prégnante à La Réunion, marquée par une croissance démographique plus forte qu’en métropole.

> Vieillissement de la population « Entre 2013 et 2035, le vieillissement de la population expliquerait 31 % de la croissance du nombre total de ménages à La Réunion, soit 35 000 ménages supplémentaires. »49 Le vieillissement de la population réunionnaise est directement lié à l’augmentation de l’espérance de vie, qui a progressé de six mois en moyenne par an depuis le début des années 1950. Sur le long terme, cela va provoquer une augmentation de la part des seniors réunionnais actuels.

En 2050, il y aurait autant de seniors que de jeunes.

49 INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Role majeur de la croissance et du

vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018

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> Evolution des modes de cohabitation L’évolution des modes de cohabitation est également à prendre en compte, même si elle aura un impact plus faible que la hausse de la population et son vieillissement sur l’augmentation du nombre de ménages. La mise en couple plus tardive, les séparations plus fréquentes, la progression du nombre de personnes seules, sont autant d’éléments qui tendent à accroître le nombre de ménages, et donc le nombre de logements à construire.

Illustration 14 : Tableau de la répartition des ménages par type à la Réunion source : INSEE, Recensements de la population.

Les données et conclusions de l’INSEE, nous confirment que l’évolution des logements est un sujet et une problématique d’actualité, à étudier de façon sérieuse. En effet, ils déclarent : « Dans le futur, les logements existants seront aussi amenés à évoluer. Par exemple, certains logements seront fusionnés ou scindés, d’autres pourront changer d’usage et se transformer en local commercial ou de stockage, ou l’inverse. »50

« À La Réunion, le nombre de personnes par ménage diminuerait de 2,7 en 2013 à 2,3 en 2035 »51 . Cela s’explique par le vieillissement de la population, mais également par l’évolution de la taille des ménages. Une baisse de la taille des ménages induit mécaniquement une augmentation du nombre de ménages, nécessitant davantage de logements pour héberger tous les habitants.

50 INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Role majeur de la croissance et du

vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018 51 Ibidem

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Illustration 15 : Tableau de l’évolution du nombre de personnes dans les familles

source : INSEE, Recensements de la population.

Nous nous rendons facilement compte que ces phénomènes et tendances observées sur l’évolution de la population, rejoignent finalement les tendances de la métropole. A ce jour, le type de famille de la Réunion se rapproche des familles métropolitaines mais cela n’a pas toujours été le cas.

En effet, les familles étaient plus nombreuses ce qui induisait de plus grands logements, jusqu’a T6 parfois en logement social. Aujourd’hui on tend vers des familles moins nombreuses voir monoparentales car il y a beaucoup de seniors et femmes ou hommes vivants seuls ou avec enfant.

De ce fait, La Réunion, au même titre que la France métropolitaine doit faire face au changement, en intégrant ces nouveaux ménages dans son offre, avec notamment des logements plus petits.

> L’occupation du parc social à la Réunion, aujourd’hui Le parc social occupe à La Réunion une part plus importante des logements qu’en métropole :

avec en 2015, 20 % des ménages réunionnais qui vivent dans un

logement locatif social, contre 15 % des ménages métropolitains. La forte demande actuelle en logements sociaux à La Réunion est liée au niveau de vie plus faible qu’en métropole et à la pauvreté trois fois plus répandue dans l’île.

Et pourtant, malgré cette forte demande, tous les demandeurs de logement social ne sont pas satisfaits : début 2018, 28 500 demandes de logement social sont en attente.

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« Le logement social contribue fortement à la construction de logements sur l’île. Au 1er janvier 2017, le parc locatif social de La Réunion compte 70 400 logements sociaux. La croissance du parc locatif social (+ 4 % en 2016) est deux fois et demi plus rapide qu’en France métropolitaine. Au cours des années 2012-2016, 14 800 logements sociaux ont été mis en service, soit 3 000 livraisons en moyenne par an »52

c. Les conséquences du rattrapage avec la métropole > Standardisation Les nouveaux matériaux, tel que le béton, ont permis de construire autrement et plus rapidement, grâce à la mise en place de système de préfabrication par exemple, qui sera d'ailleurs un tremplin pour la standardisation des logements collectifs de l'époque. En effet, par sa rapidité de mise en œuvre et sa qualité de résistance, le béton a permis de construire plus rapidement, plus solidement, des logements en grande quantité et à des échelles nettement plus importantes.

Par l'application du béton et de la standardisation, la conception de ces logements de masse a été réfléchie comme une possibilité de reproduire et répéter de mêmes volumes, avec une structure simple. L’aménagement reste encore très lié à un modèle métropolitain alors qu’il devrait être pensé à l’échelle réunionnaise.

Les réunionnais écartés de la responsabilité réelle de l’aménagement de leur pays ont fini par adhérer à la doctrine d’imitation de la métropole et du rattrapage.53

Les réunionnais ne se sont pas appropriés leur espace.

52 INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Role majeur de la croissance et du

vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018 53 ETAVE Corinne, WATIN Michel et CHABRAND Didier. Ville, habitat, aménagement : actes du Forum-débat, Ile de la Réunion du

8 avril au 14 décembre 1993. Océan éditions, 1994. 246 p.

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L’objectif des pouvoirs publics depuis la départementalisation ne varie pas : il est celui du rattrapage quantitatif et qualitatif avec la métropole. De cette volonté de rattrapage et de ce souhait de se couler dans un moule métropolitain, une des conséquences est la standardisation de l’offre en inadéquation avec une demande diversifiée.

> Paradoxes climatiques et culturels dans le logement Cette standardisation pose en effet problème à La Réunion, car les conditions sont différentes de celles de la métropole sur plusieurs points, le contexte culturel et historique, et le climat, entre autres.

L’habitat créole est issu de multiples mélanges avec des principales caractéristiques. Cette façon d’habiter est le fruit de rapports sociaux et déterminent une forme particulière de sociabilité.54

Souhaite t-on retrouver cette sociabilité dans le contexte actuel ? Pas forcément mais il s’agirait d’adapter le logement au contexte et non à un idéal dicté par la métropole.

Le fait qu’il y ai un climat différent à La Réunion a forcément des conséquences sur les formes d’habitats et des conséquences également du fait du rattrapage avec la métropole. Du temps des habitations traditionnelles, cases et villas de maitres, le climat tropical était pris en compte. Au fil du développement de l’ile et des logements standardisés, cette particularité s’est perdu.

ll a fallu un certain temps pour que les logements commencent à s’adapter au climat de l’ile, soient bien orientés, et ventilés, et cela grâce notamment aux lois de RTAA DOM55.

Les habitants des immeubles occupent un logement de type collectif plutôt par obligation que par véritable choix. En attendant une hypothétique mutation qui leur permettrait de quitter leur « park poule » pour une case, ils transposent tant bien que

54 ETAVE Corinne, WATIN Michel et CHABRAND Didier. Ville, habitat, aménagement : actes du Forum-débat, Ile de la Réunion du

8 avril au 14 décembre 1993. Océan éditions, 1994. 246 p.

55 Règlementation thermique, acoustique et aération pour les bâtiments neufs en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à La

Réunion.

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mal leur mode de vie traditionnel dans ces espaces conçus selon une rationalité qui leur est étrangère.

Il existe bel et bien un mode d’habiter créole, et même s’il n’est pas systématiquement transposé dans chaque habitation, on sent que les familles tentent d’investir l’espace selon le modèle de la kour.56

A travers une étude d’une famille et des logements correspondants on comprends que le nombre d’habitants du logement ne cesse de varier au gré des événements familiaux, que ce soit sur le long ou court terme. Décès du mari de la fille, fils qui séjourne chez sa femme et chez sa mère, ou encore présence des petits enfants.

Cela s’avère être révélateur d’un besoin d’adaptation du logement à la famille, et à ses besoins et usages.

« En effet la famille créole montre par ses aménagements de l’espace, ses besoins d’extension. L’affectation des habitants effectuée selon des normes administratives rigides, ne prenait pas en compte l’évolution future de la famille, très vite alors, pour répondre à ces besoins des aménagements de l’espaces plus ou moins anarchiques apparaissent. Des vérandas sont transformées en chambres supplémentaires, en garage, en stockage. Des tôles sont dressées dans les jardins pour protéger la vie intime de la famille, et abritent un poulailler caché ou une petite cuisine au feu de bois. »57

Ces transformations de l’espace qu’on pourraient croire anarchiques répondent à l’organisation de la kour créole traditionnelle et traduisent des capacités d’adaptation et d’imagination de l’époque.

WATIN Michel. Habiter : approche anthropologique de l'espace domestique à La Réunion. Sciences de l’Homme et Société. Université de la Réunion, 1991. 56

57 WOLFF, Eliane. Quartiers de vie : Approche ethnologique des populations défavorisées de l'île de la Réunion. Université de la

Réunion, 1989. 207 p.

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> L’image des logements sociaux à la Réunion L’image des logements est vite passée de positive à négative, des les premiers problèmes, dégradations physiques et sociales.

L’architecture dite de béton était certes moderne pour l’époque mais, il s’agissait tout de même d’une nouvelle architecture en rupture totale avec l’architecture créole héritée de la période coloniale.

Tous les réunionnais ne sont pas aussi enthousiastes face à l’évolution brutale des logements qui s’oppose de fait à la tradition réunionnaise.

Beaucoup d’entre eux restent fidèles au modèle « kase kour », animaux.

Dans un « bâtiment » le mode de vie est différent.

La SIDR et les bailleurs sociaux ont le désir de moderniser la SIDR avec de nouvelles orientations, une nouvelle image.

« Il va falloir faire preuve comme vous l’avez fait, d’imagination, d’adaptabilité, l’habitat de l’an 2020 est à inventer dans sa forme, l’utilisation de la terre, l’implantation en terme de fonctionnement urbain, de fonctionnement social et de bien-être »58 (Jean Daubiny, préfet de la Réunion, 1999)

Cette partie sur l’évolution du logement social à La Réunion, nous a permis de faire le point sur le passé et l’existant de la situation sur le territoire. Nous avons vu que le logement social avait beaucoup évolué, et d’une façon très rapide et brutale à La Réunion face aux populations présentes, à leur culture, au climat et aux formes d’habitat déjà présentes. Cette forme d’habitat doit pouvoir s’adapter aux différentes populations, différents modes de vie, différents climats, en s’éloignant donc des logiques de standardisation et de généralisation. Cette adaptation peut être permise par la flexibilité de l’espace.

58 VERT M PROD réal. SHLMR, une histoire du logement social à la Réunion. YouTube, 16 aout 2017 https://www.youtube.com/

watch?v=AWVl7ZRCiu4

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PARTIE 3 LA FLEXIBILITÉ, DU POINT DE VUE DE L’ARCHITECTE

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Dans un premier temps nous questionnerons la cellule : point de départ de la conception du logement. Puis nous rentrerons dans le sujet de la flexibilité en expliquant ce qu’elle est, selon des définitions théoriques, et d’un point de vue historique ensuite.

S’en suivra une théorisation basée sur la confrontation entre les définitions théoriques et les études de cas à Nantes et Bordeaux. Cette théorisation de l’élasticité permettra de questionner la mise en application de ce procédé à La Réunion, avec pour support les entretiens menés avec les acteurs locaux du logement social.

1. Le point de départ du logement : la cellule Avant d’aborder la flexibilité du logement, il me semblait importer de parler de « cellule ». L’idée dominante est celle d’un espace clos.

En biologie, la cellule est l’unité de base de tout organisme. Sa membrane permet de créer une entité, séparée du milieu extérieur dans le cas des organismes unicellulaires, ou des autres cellules dans le cas des organismes pluricellulaires. (Futura sciences).

Illustration 16: Shéma d'une cellule, en biologie

source : schoolmouv.fr

Parler de cellule est important pour questionner le logement lui même avant de parler de son ensemble, dans sa qualité d’espace clos, en tant qu’entité.

Ce qui m’intéresse dans ce mémoire est la notion d’espace flexible et extensible, celle-ci est étudiée dans le livre PAN 87, à travers la perception de l’espace et des

51


surfaces, en créant une illusion perceptive ou en différenciant les usages dans le temps.59

Il s’agit de comprendre l’espace, de l’appréhender pour pouvoir le penser différemment. Les candidats du PAN 87 se sont nourris de cette étude de la cellule dans l’espace pour proposer une modification des rapports entre les différents espaces proches, travailler sur les relations, les limites entre pièces pour réintroduire une souplesse dans l’affectation des lieux.

Il y a également la notion de dissociation de l’espace potentiel, de l’espace virtuel, dans le sens ou l’espace n’est pas toujours utilisable, ou fonctionnel.

L’espace et le temps doivent être étudiés dans un même temps et superposés pour mieux le comprendre. Il s’agit de la psychologie de la perception.

Les candidats partent du postulat suivant « Symboliquement c’est la grande pièce qui nourrit l’idée de la dimension. et c’est aussi pratiquement le parcours… On peut vivre dans petit parce que la perspective est grande et l’espace appropriable virtuel… comme en bateau »60

(J P Guerin et J. de Vulpian)

Le but étant de faire appel aux savoirs de la psychologie de la perception, en jouant avec les vues, les diagonales, en jouant avec l’image mentale de la pièce, les déplacements, la multiplicité des pratiques possibles.

59 ELEB, Monique. Penser l’habiter ; le logement en questions (PAN 14 1987), Paris, Plan Construction et Architecture, Liège,

Pierre Mardaga, 1988, (rééd. 1990 et 1995), (avec A. M. Châtelet et T. Mandoul).

60 ELEB, Monique. Penser l’habiter ; le logement en questions (PAN 14 1987), Paris, Plan Construction et Architecture, Liège,

Pierre Mardaga, 1988, (rééd. 1990 et 1995), (avec A. M. Châtelet et T. Mandoul).

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2. Définitions a. Évolutivité Avant de définir la flexibilité, il est nécéssaire de passer par la notion d’évolutivité.

En effet, l’évolutivité est plus qu’une notion connexe, elle est en fait la notion générale dans laquelle la flexibilité, l’élasticité, l’adaptabilité, la modularité, l’incrémentation se classent. L’évolutivité est le terme le plus général qui englobe tous les différents procédés.

Si l’on essaie de sortir du champ de l’architecture pour définir cette notion, nous aboutissons à des similarités.

L’évolutivité est définie par le caractère évolutif d’une maladie, ou la capacité d’évolution d'un système. Par évolutivité, on désigne une aptitude à évoluer. L'adaptabilité de l'individu ou du groupe social à son milieu, donc sa capacité d'évolution, son évolutivité, sont une condition impérative à leur survie. (Larousse)

En informatique matérielle et logicielle et en télécommunications, l’évolutivité, extensibilité ou « scalabilité » désigne la capacité d'un produit à s'adapter à un changement d'ordre de grandeur de la demande, en particulier sa capacité à maintenir ses fonctionnalités et ses performances en cas de forte demande.

Selon René J. Chevance, le mot anglais « scalability » , formé sur l'adjectif scalable dérivé du verbe to scale (« changer d'échelle »), « n'a pas d'équivalent communément admis en français ». Les traductions utilisées sont extension graduelle, évolutivité, facteur d’échelle, extensibilité, passage à l’échelle, ou capacité à monter en charge.

La « scalabilité » est donc la capacité d'un dispositif informatique à s'adapter au rythme de la demande.

En architecture, l'évolutivité est assurée par la flexibilité (possibilité d'aménager ou de réaménager l'espace à surface donnée) et l’élasticité (faculté d'accroître ou diminuer une surface). L'évolutivité permet de faire face à une certaine obsolescence des besoins et des goûts.

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b. Flexibilité Très souvent la flexibilité est moins définie que présupposée. Elle intervient dans de nombreux domaines et champs :

En anatomie, la flexibilité est la latitude de mouvement d'une articulation, qui peut être augmentée par des étirements articulaires (souplesse).

En physique, la flexibilité désigne la propriété selon laquelle un matériau souple peut être aisément courbé ou plié sans se rompre.

En psychologie, flexible est synonyme de souple et docile. La flexibilité renvoie à la caractéristique d'un individu (ou d'une organisation humaine) se traduisant par la facilité à appréhender des données sous des angles différents, à imaginer des solutions diverses à un problème ou des usages variés et nouveaux à un objet, une méthode ou un dispositif.

En économie, la flexibilité caractérise la souplesse de l’organisation et des moyens de production vis-à-vis des évolutions de la demande et de l'environnement économique.

Lorsque l’on s’intéresse justement à la définition de la notion de flexibilité dans le champ de l’entreprise et de l’économie, on comprends les caractères généraux de la flexibilité, et les notions de capacité d’adaptation, et de réaction face à l’incertitude reviennent systématiquement.

Jean-claude Tarondeau61 (1999) définit la flexibilité ainsi « l’aptitude [d’un système] à se transformer pour améliorer son insertion dans l’environnement et accroître ainsi sa probabilité de survie ». Dans cette définition intervient la notion d’insertion, et de survie qu’on peut aisément comparer à l’insertion et la survie dans un espace donné, le logement dans notre cas d’étude.62

Robert Reix63 (1997) définit la flexibilité de la manière suivante : « 1) la flexibilité est un moyen de faire face à l’incertitude; 2) elle peut s’exprimer en termes d’étendue du

61 Jean-Claude Tarondeau est agrégé des universités en sciences de gestion et professeur honoraire en stratégie et management

à l’ESSEC Business School.

62 MAGGI, Bruno. Critique de la notion de flexibilité

Dans Revue française de gestion 2006/3 (no 162). [consulté le 08 décembre 2019]. Disponible sur : http://www.cairn.info 63 Robert Reix est un des fondateurs de l’association scientifique AIM et de la revue Système d’Information et Management.

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champ potentiel des décisions possibles ou en termes de facilité de changement d’un état; 3) sa valeur est assimilable à une valeur d’option ».

Gerwin Gelinck64 (1987,1993) note que la flexibilité a été généralement proposée comme la réponse d’adaptation à l’incertitude de l’environnement, et plus précisément comme un ensemble de réponses à différentes manifestations de l’incertitude.

Dans ces définitions, la flexibilité apparait systématiquement comme une réponse, un moyen face à une situation où elle opère en tant qu’amortisseur de l’incertitude dans le sens où elle facilite l’adaptation, et limite les chocs.

Toutefois ces définitions ne font – généralement – pas référence à l’étymologie du terme « flexibilité », alors que la référence étymologique semble nécessaire pour la définition d’une notion. Dans les langues d’origine latine, mais aussi dans la langue anglaise, flexibilité (flexibility) dérive de flexum, d’origine nominale de flectere (fléchir) ?

Flexible se dit de ce qui fléchit aisément et, par extension, de ce qui s’adapte à différentes conditions, à différentes circonstances (Le Robert).

Si l’on bascule dans le champ de l’architecture, la flexibilité est définie par : l’aptitude d’un espace construit à se plier à une utilisation évolutive ou différente. La notion de flexibilité peut se limiter au plan ou s’étendre a l’interrelation des cellules d’un organisme. (apparue il y a un siècle, avec l’essor des édifices commerciaux, elle tend a s’imposer dans d’autres domaines, notamment pour les musées et salles d’exposition.

« Les bâtiments flexibles sont conçus pour répondre aux situations changeantes dans leur utilisation, leur fonctionnement ou leur emplacement. C'est une architecture qui s'adapte plutôt que de stagner; transformer plutôt que restreindre; est un motif plutôt que statique; interagit avec ses utilisateurs, plutôt que les inhibe. C’est une forme de design qui, par essence, est interdisciplinaire et multifonctionnel; par conséquent, il est souvent innovant et exprime les problèmes de design contemporains »65 64 Gerwin Gelinck est professeur au département de physique appliquée et président de l’électronique flexible à grande surface. 65KRONENBURG, Robert. Flexible - Une architecture pour répondre au changement. Éditions Norma, 2007. 240 p.

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> La flexibilité classique « permet des transformations internes à chaque appartement (modification de la position des pièces, de leur dimension, de leur nombre, de leur destination, les modifications maximales pouvant être obtenues lorsque la mobilité des pièces humides est permise par le procédé). »66

La flexibilité intérieure permet donc de modifier l’agencement intérieur du logement dans une structure de gros oeuvre préalablement établie avec des variantes, dans le but de s’adapter aux besoins changeants des occupants.

Le mot flexibilité suggère un potentiel pour le mouvement, et donc pour le changement. Sa finalité est de permettre à l’habitant de se sentir moins en situation d’habitat forcé, de créer des potentiels d’appropriation et de ne plus figer des modes de vie indépendamment de la demande.

Il existe une autre forme de flexibilité que nous allons tenter de théoriser, qui est la flexibilité par l’élasticité.

66 Chatelet (Anne-Marie), Eleb-Vidal (Monique), Mandoul (Thierry), Penser l’habité, le logement en questions, Bruxelles, Edition

Pierre Mardaga, avril 1995, p103

56


c. Elasticité La flexibilité définie plus haut dans son sens premier, induit donc des changements internes au sein d’un espace. Mais lorsque vient s’ajouter l’enjeu d’agrandissement de l’espace, on parle alors de flexibilité par la surface, flexibilité par l’extérieur ou flexibilité par élasticité.

Dans d’autres champs de connaissance, celui de l’anatomie par exemple : l’élasticité se définit par l’aptitude d'un corps à reprendre, après sollicitations, la forme et les dimensions qu'il avait avant d'être soumis à ces sollicitations. C’est une propriété que possèdent certains tissus (muscles, artères, poumons, etc.) de se laisser distendre puis de revenir à leur forme et à leur volume primitifs lorsque la cause qui les a déformés a cessé d’agir. (Larousse)

L’élasticité peut aussi être évoquée dans le cas de l’opposition face au phénomène de rigidité.

En architecture, elle permet de modifier la surface des appartements par la possibilité d'y additionner - ou d'en soustraire - des espaces de réserve ou des pièces d'un appartement à un autre, d'additionner plusieurs appartements.

Elle vient là aussi s’opposer aux systèmes d’habitations fixes, rigides.

Nous préciserons cette notion lors de la théorisation de celle-ci.

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3. Histoire de la flexibilité Certains chercheurs s'entendent sur le fait que la notion d'évolutivité est un acte qui fut d'abord vernaculaire avant d'être le sujet de recherche de nombreux architectes dès les années 20.

« L'idée d'un habitat qui soit facilement adaptable aux changements dans la vie des humains qu'il héberge est naturellement très ancienne, comme toute idée-force — qui ne se laissent pas oublier. Nous soutiendrons même volontiers qu'elle se situe aux origines de l'habitation, et que l'habitat évolutif peut être considéré comme l'habitat des origines, au plan anthropologique. »67

L'habitat évolutif n'est pas lié simplement à une approche technique mais surtout dû à un état d’esprit ce qui explique aussi que selon les pays, la flexibilité et l’évolutivité ne surviendront pas de la même façon et aux mêmes époques.

Au Japon, depuis le XIe siècle, la maison japonaise est le seul exemple d’architecture évolutive standardisée. Tandis qu’à l’inverse, depuis le Moyen-Âge et jusqu'au XVIIIe siècle le logement français va évoluer dans le sens d'un habitat de plus en plus figé.

Illustration 17: Photo de l’intérieur d'une maison japonaise munie de panneaux coulissants, appelés "shoji".

source : maisonetjardin.fr 67 PERIANEZ, Manuel. L’habitat évolutif

projet, 1993. 144 p.

: du mythe aux réalités. Éditions Paris : Plan construction et architecture, Programme cité-

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Le modèle de la maison, avec sa spécificité des fonctions des pièces ce qui a pour conséquence "la gélification de l'espace". Ce changement vers un espace distribué et figé est en grande partie dû à la recherche de l’intimité, dans la culture française.

Monique Eleb et Raymond Fichelet approfondissent ces recherches sur les origines de l'architecture évolutive en France en analysant l'évolution du logement depuis le Moyen-Âge. Selon eux l’habitat occidental est par nature une construction naturellement peu évolutive :

"La maison rigide, de par sa construction, ne se prête pas comme la maison japonaise à une quelconque mobilité. En France la maison traditionnelle telle qu'on la conçoit est faite en pierre lourde, faite pour durer, pour protéger." C'est aussi un choix idéologique : "Faire un choix de durée et de permanence correspond aussi au nucléus, à la famille conjugale stable , de la Chrétienté latine."68

Illustration 18 : Photo d'une maison traditionnelle bretonne en pierre

source : maison-monde.com

68 ELEB Monique, FICHELET Raymond. Le logement évolutif. Éditeur Délégation générale à la recherche scientifique et technique,

1974. 318 p.

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Les premières réalisations de logements évolutifs savants se situent globalement au début des années 1920 en Europe.

Le logement évolutif débuterait en 1924 avec la maison Schröder à Utrecht de Rietveld69. Son caractère évolutif tient à la flexibilité de l'espace intérieur produit par les cloisons coulissantes.

Illustration 19 : Photo de l’intérieur de la maison Schroder

source : latelierdacote.blogspot.com

En France, la première réalisation flexible est reconnue à l'architecte Henri Sauvage, grâce à la réalisation d'un immeuble Rue des Amiraux en 1929, qui intègre des cloisons sèches démontables, permettant d'adapter l'espace du logement.

C'est dans les années 50 que les recherches sur la notion d'évolutivité s’accélère.

On répond à l'évolution des pratiques par des systèmes mobiles, modulables qui peuvent s'adapter à l'habitant et évoluer dans le temps.

Depuis le Xe CIAM tenu à Dubrovnik en 1956, la question de la mobilité est également au centre de nombreux débats, notamment liée à la conscience d’un rythme de vie accéléré et d’une progressive dématérialisation de certaines opérations quotidiennes. L’architecture traditionnelle, pérenne, statique, apparaît pour certains obsolète, on la compare à un « poids mort » dont il va falloir se défaire pour s’adapter à la vie dynamique de la seconde moitié du XXe siècle.

C’est ainsi que de nouvelles formes d’habitat vont être proposées, s’inspirant le plus souvent des principes d’habitat minimum des peuples nomades, de la caravane ou de la capsule spatiale. Guidés par des exemples célèbres comme le prototype de 69 RIETVELD Gerrit, architecte et designer néerlandais. (1888-1964)

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Maison de week-end de Charlotte Perriand70 (1934) ou le Cabanon de Le Corbusier à Cap Martin (1950), les architectes vont imaginer des solutions adaptées – selon eux – aux exigences de la nouvelle société : les projets de logements mobiles, transportables, parfois même périssables, et souvent réduits à de simples cellules équipées, fleurissent ainsi.

On prévoit de les réaliser à la chaîne, dans des matériaux à faible coût, avec une prédilection pour le plastique qui connaît alors la plus grande popularité, suite au succès de la Maison tout en plastique présentée en 1956 au Salon des Arts Ménagers à Paris par Ionel Schein, Yves Magnant et R.-A. Coulon, et considérée comme une première mondiale. La préfabrication est alors prisée pour des raisons financières mais aussi parce qu’elle offre l’avantage de proposer une architecture plus ludique et plus participative, et donc d’impliquer l’habitant dans la phase de construction (assemblage des modules, position des ouvertures, couleurs, aménagements), lui permettant ainsi d’être autonome et de ne pas s’installer dans un confort conformiste.

Illustration 20 : Photo de la maison de week-end

de Charlotte Perriand.

source : journaldudesign.fr

Illustration 21 : Prototype de la maison

tout en plastique de Ionel Schein, Yves

Magnant et R-A Coulon.

source : frac-centre.fr

70 PERRIAND Charlotte, architecte et designer française. (1903-1999)

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Certains architectes tentent alors de théoriser cette pensée comme le groupe hollandais, SAR. En France, un engouement pour l’habitat évolutif va apparaitre à partir des années 60, jusqu’aux années 70.

Illustration 22 : Schéma de la méthodologie du SAR

source :Dessin de Habraken, années 70. Image issue du Collectif, Dossier « La question du logement.1 Du rêve participationniste à la flexibilité », Technique et architecture, n° 311, octobre/ novembre 1976, p 30

Suite à cette période c’est plutôt l’architecte participative qui sera mise en avant. L’architecture évolutive va au fil du temps ralentir, avec quelques ré-apparitions ponctuelles.

Nous découvrirons certaines de ces réalisations parmi la classification des différents procédés de flexibilité.

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4. Différents procédés de flexibilité On peut décomposer le concept de flexibilité en deux grandes parties, la flexibilité intérieure et la flexibilité par l’extérieur ou flexibilité par la surface qui est finalement le concept d’élasticité.

a. Flexibilité intérieure > Définition La flexibilité intérieure est un procédé que je qualifierais de « léger » car il a peu d’impact sur le logement et sur les modes de vie des habitants. Cette flexibilité est atteinte par deux moyens, la mobilité des cloisons ou le plan libre, et également dans une moindre mesure, le concept de polyvalence de l’espace.

Le système de cloisons mobiles, ou parois coulissantes rappelle l’exemple des maisons japonaises, mais dans le cas de logement collectif il suppose une structure constituée de refends porteurs avec de plus grandes portées ou une structure poteaux-poutres qui permet de créer une liberté d’aménagement à l’intérieur des logements.

Cette ossature constitue la base du bâtiment, et permet d'imaginer différents aménagements, sans contraintes de murs porteurs. Bien que la paroi coulissante puisse être un avantage concernant l'usage de l'espace, elle pose des contraintes techniques comme par exemple le défaut technique d'avoir une très mauvaise résistance phonique. Ce défaut peut facilement poser des problèmes de gestion de l'intimité pour les usagers.

Prenons l’opération « 18 logements HLM », de Pierre Oudot et Léon Pétroff à Villepinte pour illustrer ce concept. L'opération propose diverses typologies de logements, du studio au T4, dans lequel l'architecte a choisi des parois coulissantes, certaines amovibles, pour permettre la flexibilité des appartements.71

Pour concevoir ces logements flexibles, Pierre Oudot a décomposé différents rythmes de vie :

- Petits rythmes quotidiens avec déplacements des activités sur la surface du logement

71 A cause de la destruction de ce bâtiment, nous n’avons pas pu fournir d’illustration ou de plans.

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- Besoin d'intercommunication entre les pièces ou besoin d’isolement.
 - Autres rythmes hebdomadaires, mensuels ou annuels ( mercredi, fêtes, vacances, dimanche).

Au final, l’espace peut devenir plus grand et varié, en conformité avec le type de réunion : famille, invité ou amis des enfants.

Cette flexibilité interne génère trois grandes modifications dans le logement : l'agrandissement des pièces, l'augmentation de la typologie et la modification du rapport entre les pièces. Ces caractéristiques laissent supposer diverses appropriations des logements dès l'emménagement dans l'appartement, mais aussi des possibilités d'évolutions des usages en fonctions des besoins de la famille. C'est le mobilier qui va indiquer l'usage de la pièce.

Illustration 23 : Hypothèses d'évolution du logement montrant les différents rapport entre les pièces grâce à la paroi coulissante

source : Plans issus du Collectif, Dossier « La question du logement.1 Du rêve participationniste à la flexibilité », Technique et architecture, n° 311, octobre/novembre 1976, p92.

La flexibilité « intérieure » sous entend également le concept du plan libre.

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Le plan libre est un des cinq points de l’architecture moderne tels que les a définis Le Corbusier en 1926. Cependant Le Corbusier n'en est pas l'inventeur, c'est lui qui a donné le nom à cette technique déjà utilisée par d'autres architectes comme Ludwig Mies van der Rohe. En utilisant des poteaux de béton armé ou de l'acier, les murs de refend sont éliminés et les espaces peuvent être composés sans contraintes.

Au niveau résidentiel, Le Corbusier a imaginé le système DomIno (maison et innovation en latin). Le système DomIno a été conçu autant pour les maisons économiques que les villas. Ce système permet d’articuler les pièces autours des éléments structuraux et de composer librement les façades et les plans.

Illustration 24 : Croquis du système Domino

source : fncaue.com

La principale qualité d’un plan libre est de procurer une grande flexibilité et de permettre des recompositions multiples. D’un point de vue architectural, il produit un espace amorphe et indéterminé qui se caractérise par sa singularité.

Au niveau de l’architecture, le plan libre reste impersonnel et sans saveur. Il faut donner vie au plan libre : « Le plan libre est neutre et non anonyme. » (Koolhaas et Mau, 1995) De plus, il faut donner un programme au plan libre : ce dernier, seul, ne contribue pas au programme du bâtiment. Le plan libre s’appropriera le potentiel engendré par le programme fonctionnel. La principale qualité du plan libre est qu’il n’en a aucune; c’est ce qui l’entoure qui le caractérise.

Le plan libre, c’est une suggestion indéterminée d’espace qui n’est ni figé, ni clairement défini. C’est un espace cru (raw space). La structure est déterminée et fixe, mais l’espace demeure général afin d’accommoder non pas une seule fonction, 65


mais plusieurs (Schneider et Till, 2007). Le plan libre permet de modifier l’espace et donne une liberté pour la définition des usages immédiats et futurs.

Pour Rem Koolhaas72 sa neutralité enregistre les performances, événements mouvements, changements, accumulations, soustractions, disparitions, mutations, fluctuations, oscillations, déformations. En soi le plan libre n’as pas de programme, il est le lieu potentiel des programmes. C’est donc un plan qui se définit par les qualités qu’il n’as pas ; par ce qu’il permet et non par ce qu’il est ; sa qualité est d’être sans qualité, générique, sans parcours, sans articulations, ni séquences spatiales. Toutes les possibilités de partition du logement sont possibles car il n’y a pas de murs à l’intérieur du bâtiment, cela sous entend une liberté totale qui implique un travail structurel en amont important.

Yves Lion73, lui, se sert de ce plan libre pour y intégrer le concept de la bande active. La bande active est une façade épaisse qui accueille les pièces humides, produite de façon industrielle.

L’espace résiduel entre les deux bandes devient ainsi entièrement libre d’aménagement, totalement flexible. La prouesse réalisée par ce projet se trouve dans la distinction entre les équipements « techniques » de la « zone humide » du logement par rapport à la « zone sèche ».

Illustration 25 : Photo de l’intérieur d’un appartement d’Yves Lion, Vue sur la bande active

source : i.pinimg.com 72 KOOLHAAS Rem, architecte et urbaniste néerlandais. (1944-) 73 LION Yves, architecte et urbaniste français. (1945-)

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> Retours d’expériences La flexibilité intérieure peut être qualifiée de légère ou de flexibilité à court terme car elle permet de modifier son logement simplement, sans travaux lourds, et très rapidement. Elle est plutôt bien appropriée par les habitants.

Cependant, cette flexibilité ne répond qu'à un besoin d'adaptation à l'échelle du quotidien et de changement léger, elle ne répond pas à une évolution de la typologie familiale par le manque d'espace dans les logements.

Les procédés tels que la mobilité des parois, système assez différent de l'habitat conventionnel, n'offre pas la même intimité que des parois classiques. La conséquence est donc un manque d'intimité qui peut être gênant pour certaines personnes.

L’adaptation sur des temps courts équivaut à la personnalisation de son logement. Elle va permettre d’adapter un logement entre différents habitants successifs, accompagner la croissance d’un enfant, modifier la configuration d’une pièce lors d’un événement. Cela est permis par trois dispositifs : la paroi mobile et la paroi amovible, la polyvalence des pièces et cela sous entend le plan libre, qui va permettre cette liberté d’aménagement.

Un des problèmes majeurs du plan libre, est qu’il peut apparaitre comme un espace cru, impersonnel.

Nous avons pris le parti de théoriser et de questionner, plus précisément la mise en application de la flexibilité par l’extérieur plutôt que la flexibilité intérieure car après le travail entamé, celle-ci apparaissait déjà comme plus adaptée. La mise en application d’une flexibilité intérieure dans les logements sociaux de La Réunion sera tout de même débattue lors des entretiens.

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b. Flexibilité par l’extérieur ou élasticité Vient ensuite la flexibilité de surface, extérieure, appelée « élasticité ». Cette flexibilité intervient dans le court mais aussi dans le long terme et d’une façon plus permanente.

On suppose qu’elle apporte davantage de plus-value aux logements car on parle ici de surface ajoutée, donc cela sous entendrais plus d’impact.

Cette surface ajoutée peut prendre la forme d’une pièce en plus, dans d’autres cas en faisant appel à l’espace extérieur.

C’est la quantité d’espace comme préalable esthétique. Jean Nouvel74 revendique d’ailleurs lui aussi l'espace comme postulat d'esthétisme avec la réalisation du Nemausus en 1987 à Nimes : « la quantité d’espace est un critère esthétique, un critère de vie : une belle pièce est une grande pièce, un beau logement est un grand logement. »

Nous allons étudier 2 cas pour expliciter le concept d’élasticité.

-LA SECHERIE de Boskop architectes

-QUARTIER DU GRAND PARC de Lacaton Vassal

74 NOUVEL Jean, architecte français. (1945-)

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> La pièce en plus, étude de cas « La Sècherie - Boskop Architectes »

Illustration 26 : Photo de l’opération « La Secherie »

source : sophie-delhay-architecte.fr

L’opération Ilot 2 « La Secherie » se situe à Nantes, dans la ZAC Bottière-Chénale.

Elle est composée de 55 logements locatifs sociaux de type maison de ville avec patios et terrasses.

La proposition des architectes est présentée comme une alternative à l’immeuble collectif social vertical, avec une attention particulière sur les relations entre le logement et la ville et sur la personnalisation des choix et des usages par les habitants.

« Les comportements contemporains sont mobiles et flexibles. Comment rendre possible et inventer de nouveaux modes d'associations / dissociations d'individualités plus ou moins intimes, dans des configurations plus où moins stables ? L'organisation spatiale nécessite ainsi plus de mobilité, plus de flexibilité. Les indépendances, associations, rapprochements doivent pouvoir prendre diverses

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formes dans les lieux où l'on vit ensemble : respirations du logement, circuit / court circuit, capsularisation de l'espace avec associations / dissociations, etc. »75

(Francois Delhay)

Le premier travail consista à réorganiser les densités sur l’horizontalité, et « mettre à plat » le collectif. Ce ne sont plus des barres mais un système de bandes alternées construites/non construites qui sous entend une porosité, des passages, rencontres, venelles qui se multiplient. A terme ce projet atteint une densité de 120 logements à l’hectare (ce qui correspond à la densité d’une barre très haute.)

Chaque logement est constitué de trois bandes, dont deux construites et une végétalisée.

Illustration 27 : Plan et coupe de l’opération « La Secherie »

source : lecourrierdelarchitecte.com 75 DELHAY, François. La réponse de Boskop aux comportements contemporains mobiles et flexibles [en ligne]. Publié le 08 juillet

2009 [consulté le 10 novembre 2019] http://www.cyberarchi.com/article/la-reponse-de-boskop-aux-comportements-contemporains-mobiles-etflexibles-08-07-2009-12489

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Puis, dans un second temps, la réflexion s’est portée sur l’organisation du logement, définie en « pièces ». La pièce est l’unité de base. Le logement est donc constitué de ces pièces d’environ 16m2, de forme régulière. Elles sont ensuite juxtaposées mais sans y définir les fonctions pour permettre un maximum de possibilité et augmenter l’appropriation des habitants. Le résultat est un plan neutre, qui permet de développer une polyvalence des espaces. Le plan est neutre à l’échelle du logement avec cette ensemble de pièces non déterminées mais il l’est également à l’échelle de l’opération avec l’ensembles des logements qui peuvent se juxtaposer, se doubler, se dissocier ou s’associer avec donc un maximum de possibilités.

« Avec l’espace neutre, c’est bien la question d’adaptabilité qui est posée. S’adapter à de nouvelles fonctions, rendre possibles des usages totalement imprévisibles à l’origine, permettre aux utilisateurs de transformer leur espace pour répondre à de nouveaux besoins etc. Les programmistes ne demandent jamais dans les cahiers des charges que les espaces, quel que soit le programme, puissent s’adapter à l’imprévu. Ce n’est évidemment pas leur rôle. Celui-ci est au contraire de quantifier ce qui est prévu. »76

Illustration 28 : Plans de l’opération « La Secherie » , selon 3 interprétations différentes

source : sophie-delhay-architecte.fr

76

Nicolas Michelin, architecte français.

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Outre cette polyvalence de l’espace, ce qui m’intéresse ici est surtout le concept de la pièce en plus développé. En effet on remarque que les bandes ne sont pas découpées « par logement » mais bien par ensemble de pièces comme expliquées précédemment, on constate donc l’apparition d’une pièce supplémentaire en bout de jardin qui s’ajoute aux autres pièces du logement et l’agrandit.

Certains habitants l’utilisent comme un bureau, comme une chambre d’ami ou pour un adolescent en quête d’indépendance, ou encore comme un lieu de travail, pièce de rangement. Il s’agit d’offrir un ailleurs tout en restant chez soi.

Illustration 29 : Plan de l’opération « La Secherie » , selon 3 temps différents et 3 différentes connexions de la pièce en +

source : sophie-delhay-architecte.fr

Toute fois, pour des raisons budgétaires apparues au cours du chantier, l’architecte déplore que cette pièce ne soit pas équipée d’alimentation et d’évacuation en eau, qui la rendrait plus fonctionnelle. Pour certains habitants cette pièce n’est pas une expérience si positive, il y a par exemple les familles avec enfants en bas âge qui ne réussissent pas a se l’approprier. Autre regret, il apparait que le fait de pouvoir échanger la pièce supplémentaire entres habitants n’est pas connu des habitants.

« C’est aux habitants d’inventer un logement qui leur ressemble. Soit en fonction de leur mode de vie (chacun choisit ou est son séjour ou sa chambre), soit en fonction du plaisir procuré par chacune des pièces (suivant sa relation au jardin, l’orientation 72


au soleil ou l’indépendance de son accès par exemple). Ce sont des logements qui peuvent être plus petits ou plus grands dans le temps. Nous avons ainsi mis en place un système de portes coulissantes entre les pièces permettant d’agrandir ou diminuer l’impression d’espace à son gré pour accompagner sans bouleversement les changements dans la vie des locataires. »77

Le logement prouve ici sa capacité à évoluer avec la famille, à grandir selon les besoins et accueillir différents modes de vie, différentes familles.

« Je ne veux pas construire pour l’éternité. Il faut accepter que l’architecture soit une aventure qui nous échappe dés qu’elle est livrée » « Plutôt que de s’interposer entre l’habitant et sa relation au monde, il faut au contraire mettre en œuvre les conditions de son épanouissement sans le prédestiner. » (Sophie Delhay)78

77

Extrait de l’entretien de Sophie Delhay dans le journal de projet Bottiere Chenaie, juin 2007, n3

78 Ibidem

73


Illustration 30 : Plan de l’opération « La Secherie » en tant que motif

source : sophie-delhay-architecte.fr

74


> L’espace extérieur, étude de cas « Quartier du grand parc - Lacaton Vassal »

Illustration 31 : Photo de la réhabilitation des 530 logements dans le quartier du grand parc, avant et après

source : bybeton.fr

A Bordeaux, Lacaton et Vassal illustrent parfaitement cette élasticité par l’extérieur avec le projet de réhabilitation de 530 logements dans le quartier du grand parc. L’équipe Lacaton & Vassal architectes propose d’augmenter la surface de tous les logements en les prolongeant par des jardins d’hiver et des balcons de 3m80 de profondeur. Ces extensions sont réalisées sur les façades longitudinales, orientées sud, grâce à la construction d’une charpente métallique extérieure. Greffées, sur 15 étages, aux façades existantes, ces structures extérieures agrandissent l’espace d’usage d’environ 20 m² offrant ainsi la possibilité, comme dans une maison, de vivre à l’extérieur tout en étant chez soi. Véritables jardins d’hiver, elles permettent un réglage bioclimatique des températures et font évoluer la performance énergétique globale des bâtiments au-delà de l’objectif BBC rénovation sans aucun ajout de produit isolant sur la façade.79

79 BAMBOU, Pierre. Réhabilitation grand angle au Grand Parc. [consulté le 10 octobre 2019]

[en ligne] https://www.aquitanisphere.com/Rehabilitation-grand-angle-au-Grand-Parc.htm?ob=p&pg_id=152

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Illustration 32 : Axonométries, avant et après extension

source : archdaily.com

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5. Théorisation de la flexibilité par l’extérieur Ces analyses de cas me permettent d’extraire des informations. La théorisation, ou généralisation me sert à lier ces informations extraites avec les définitions théoriques. Il s’agit donc de confronter la théorie et la pratique.

Qu’est ce que je déduis de ces réalisations et des définitions ? Qu’est ce qui est généralisable et donc transposable ailleurs ?

A partir des analyses et des définitions, on voit que la pièce en plus est une donnée généralisable, au même titre que l’espace extérieur en tant qu’agrandissement de la surface du logement.

Revenons à la définition de l’évolutivité « l'évolutivité est assurée par la flexibilité (possibilité d'aménager ou de réaménager l'espace à surface donnée) et l’élasticité (faculté d'accroître ou diminuer une surface) ». L'évolutivité permet de faire face à une certaine obsolescence des besoins et des goûts.

Dans ces études de cas, la pièce en plus et la terrasse donnent effectivement la possibilité

de faire évoluer le logement, dans ce cas précis en augmentant ou

diminuant la surface du logement.

L’élasticité permet donc l’agrandissement de la surface intérieure par l’extérieur. En effet, l’espace extérieur privatif est depuis longtemps une qualité précieuse pour un logement.

L’extension peut prendre la forme d’un balcon, d’une loggia et peut accueillir divers usages. Le balcon est utilisé pendant la période estivale, lorsque le climat est doux et permet de lui donner l’usage d’un jardin. On peut alors y aménager un petit salon d’été, ou une salle à manger. Les habitants s’approprient l’espace grâce à l’objet. Ils recréent ainsi un espace privé à l’extérieur, correspondant à leurs besoins que l’espace intérieur des logements ne peut satisfaire complètement. Mais parfois cet espace réduit devient rapidement un coin de rangement pour les objets qui redoutent moins les intempéries, ou pour étendre son linge.

77


Les loggias gardent les mêmes usages, entre salons ou rangement, mais avec des temporalités différentes. Quand le balcon n’est utilisé que l’été la loggia offre une qualité d’espace semi-extérieur l’hiver. Certains habitants utilisent même cet espace comme une pièce en plus pour y aménager leur bureau. La loggia peut être à la fois considérée comme un espace extérieur ou bien comme une pièce en plus en fonction des modes de vie des habitants.

La terrasse serait incluse dans la grille des pièces intérieures et en cas de besoin serait transformable et aménageable au même titre que l’intérieur.

L’espace extérieur est donc perçu comme espace tampon et espace potentiel, des possibles, tout comme ce que nous voyons dans l’étude de cas de Lacaton et vassal avec la transformation de 540 logements à Bordeaux.

L’espace dans un bâtiment flexible se divise en différents types de zones. Les zones traditionnelles sont les zones intérieures et extérieures. Afin de maximiser l’efficacité de ces zones, la zone tampon vient renchérir la transition qu’effectue l’usager de l’intérieur vers l’extérieur et vice versa. L’espace tampon, c’est la zone qui se trouve entre les parois ou entre une double peau. C’est un espace qui peut être ajouté ou soustrait aux zones intérieures / extérieures, par exemple en fonction des différents moments de la journée.

La zone tampon permet le passage graduel entre l’intérieur et l’extérieur. Kronenburg renchérit cette idée de l’usage multifonctionnel de la zone tampon : « […] une sorte de zone tampon dans laquelle beaucoup de choses peuvent se produire. Cela permet à l’espace dédié d’être correctement desservi […], mais permet également aux activités imprévues et ponctuelles d’en sortir au besoin.»80

Illustration 33 : Schéma des différents rapports avec l’exterieur

source : Essai, DUCLOS Nicolas « Exploration de la flexibilité, Le cas de Owl’s Head »

80

KRONENBURG, Robert. Flexible - Une architecture pour répondre au changement. Éditions Norma, 2007. 240 p.

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La terrasse en tant qu’espace extérieur peut donc également agir en tant que réserve pour des pièces indépendantes, « pièce en plus ».

La pièce en plus justement est elle aussi une donnée commune à la théorie et la pratique. Elle permet d’additionner ou de soustraire des espaces de réserve ou des pièces d’un appartement à un autre, selon la définition. Dans le cas de Boskop, elle est détachée du logement, mais pourrait aussi bien y être associée physiquement. Dans tous les cas elle permet un espace d’appropriation, avec un usage indéterminé.

79


6. Mise en application à la Réunion a. Historique La théorisation effectuée précédemment nous a permis de généraliser la notion d’élasticité, nous pouvons donc maintenant questionner la mise en application de ce procédé ailleurs, en dehors des lieux des cas d’étude. Le territoire d’étude qui nous intéresse ici est La Réunion.

Historiquement, on trouve des expériences de logement évolutif par des maisons individuelles en bande, en accession à la propriété. La flexibilité y était présente mais sans la volonté et sans la main mise du bailleur. Cette expérience était connue sous le nom LES, Logement Evolutif Social.

Le projet LES de la SIDR proposait des parcelles étroites et profondes, une mitoyenneté avec le voisin et un étage pour les chambres. L’évolutivité était limitée à l’intérieur, grâce a un système de pré-dalles a grande portée autorisant la mobilité des cloisons au gré des besoins, ce qui n’augmentait pas la superficie des logements. L’évolutivité extérieure est réduite voir inexistante, la seule possibilité était de rajouter des tôles bon marché pour adjoindre les dépendances nécessaires.

En effet, les habitants achetaient la structure mais rien n’étant fini à l’intérieur. Ils devenaient donc acquéreurs d’un logement non fini et certains avaient beaucoup de facilité à s’approprier le logement. D’autres par contre ne finissaient parfois jamais l’aménagement intérieur ou alors le faisait avec des malfaçons telles, que l’habitat devenait insalubre.

Selon la SIDR, la flexibilité serait toujours possible mais surtout en accession à la propriété. A savoir qu’à ce jour, ils ne livrent plus d’opération d’accession, et encore moins avec une possibilité de flexibilité.

80


b. Contexte démographique et culturel Il apparait que suite à un changement des tailles des familles, nous faisons face à un changement de typologies. Il y a donc un besoin d’adaptation du logement à la taille des familles, sachant que ce besoin n’est pas linéaire et non prévisible, une flexibilité des espaces serait donc bienvenue.

« Peut-être que nous viendrions un jour à une modularité à l’échelle du bâtiment pour faire varier les typologies entres elles. On trouve beaucoup de grands logements de l’époque car il y avait des grandes familles, aujourd’hui on ne fait plus de T6 et peu de T5, beaucoup de familles sont monoparentales donc nous avons plutôt besoin de petites typologies. Si cette typologie s’inverse ou s’équilibre, si il y a un besoin de moduler les typologies, ou si nous comptons de plus en plus de familles monoparentales, de jeunes et de personnes âgées les T3 et T4 s’avéreront trop grands donc le fait de pouvoir changer ces grands logements en petits est interessant et à anticiper au lieu de tout casser. Il faut y réfléchir »81

La SIDR commence à faire des essais de mélange de typologies avec des logements destinés à des familles (T4, T5) et des logements étudiants et/ou pour personnes âgées (T1 T2). Mais ils n’imaginent pas pour l’instant de logements communicants, pas de connexion. Ce qui pourrait marcher ici, selon eux, car il y a des liens forts entre les générations.

Les mutations de la société entrent donc en compte et se traduisent par une modularité plutôt qu’une flexibilité ou élasticité.

Le lien à la culture, et donc au contexte réunionnais est peu pris en compte. Si l’on enlève des observations le recours à la varangue, il ne reste rien du mode de vie, des usages réunionnais. Le fait de s’ombrager avec la végétation, ou par une toiture légère, à certaines heures de la journée, en fonction du vent et du soleil, par exemple.

Parfois, l’habitat créole reprends sa culture de l’habitation de la parcelle lorsque son logement se situe au rez-de-chaussée avec un jardin. Ce n’est pas assimilé dans la majorité des conceptions de logements collectifs qui reprennent un modèle hexagonal, avec l’ajout d’une varangue.

81 Entretien Vincent TOURMEZ

et Jean-François KEISER, directeur de la maitrise d’ouvrage à la SIDR, le 18 novembre 2019.

81


« On pense le logement comme en métropole, on le pense comme un espace fermé, et comme un espace a répartition fonctionnelle, alors que je pense que culturellement ce n’est pas ça. (…) On a toujours cru, ou plutôt on nous a souvent fait croire que l’architecture créole se résumait au style, mais il s’agit bien de l’usage »82 (Eric HUGEL)

82 Entretien Eric HUGEL, architecte à TT ARCHITECTES, le 20 novembre 2019.

82


c. Obstacles > Absence de la compétitivité des bailleurs Face à ces obstacles, les maitres d’ouvrage peuvent difficilement être demandeurs d’évolutivité ou d’élasticité. Et pourtant sans cet engagement de leur part, il ne pourra pas y avoir d’évolution sur l’offre des logements sociaux à la Réunion.

Et pourtant les études de cas, et exemples de réalisations lors de l’explication des procédés mettaient bien en avant ces notions de flexibilité, élasticité. Pourquoi cela serait possible ailleurs et pas à la Réunion ?

Il se trouve qu’à la Réunion, il y a une totale absence de compétitivité entre les bailleurs sociaux, aucun d’entres eux n’a le besoin de se démarquer.

Du fait de l’absence de compétitivité et de concurrence, ils essaient d’augmenter plus ou moins leur patrimoine. Alors qu’en France il y a tellement de bailleurs, que certains ont besoin de faire rentrer des loyers, donc ils ont besoin d’avoir des idées, de faire des expérimentations et d’essayer de loger les habitants avec plus de confort.

Certains maitres d’ouvrages, et bailleurs ont des ambitions et arrivent donc à des résultats probants.

> Population sociale De plus il faut prendre en compte le type de population visée, les logements sociaux de La Réunion ne visent pas les mêmes habitants que des logements sociaux de Bordeaux ou Paris. Le logement social intéresse pour une grande partie la classe moyenne et intermédiaire en France, alors qu’à la Réunion, ce sont surtout les minimaux sociaux qui sont logés.

Toutefois, cette population très sociale n’est pas constante et située partout.

La composition de la population réunionnaise est variée selon les villes, selon les quartiers et même selon les immeubles.83

Le public en fonction de la où on va

construire n’est pas forcement le même, et les constructions ne seront pas les mêmes non plus.

A titre d’exemple, dans une opération réhabilitée au Port, le contrôle d’accès n’a jamais pu être mis en oeuvre car il était à chaque fois vandalisé, les câbles coupés, du jour au lendemain. La SHLMR a donc laisser tomber le fait de contrôler l’accès. Ceci n’était pas valable pour la totalité des immeubles du même lot. 83

83


Parfois les habitants vont s’approprier les lieux de façon illimitée, à 100% avec par exemple des prolongement de la terrasse, ou de la forte appropriation des balcons. C’est surtout observable donc sur les espaces extérieurs, qui sont de fait une notion important dans la culture de la Réunion.

Tous les habitants à la Réunion n’ont cependant pas cette culture, parlons par exemple de la part de population mahoraise et comorienne. En effet, dans certains cas, se pose la question de l’usage selon les origines et cultures.

Julien Castelnau nous livre, que par exemple, ils ne prennent pas de bain, utilisent la baignoire comme si c’était une douche, a l’extérieur de celle-ci. Cela amène donc des problèmes d’humidité, et de moisissures dans la salle de bain.

La question de la responsabilité et de l’adaptation se pose donc.

« Est-ce à nous de les sensibiliser sur l’usage ? Ou est-ce à nous de prendre en considération cet élément pour adapter les salles de bain ? » 84

Ce raisonnement a bien sur ses limites, mais cela relève un débat. Quel est le rôle du bailleur social ? Le rôle de l’architecte ?

La population va varier d’un locataire à l’autre, d’un quartier à l’autre, il est donc difficile de généraliser certaines solutions.

> Rentabilité et coût Malgré tout, les habitants sont intéressés par ce qu’ils payent. L’élasticité coute cher. En réhabilitation, cette politique par ajout de surface va diminuer à cause de l’équation économique.

En logement social neuf, la SIDR ne fait pas d’élasticité, car leur objectif est que cela coute le moins cher possible pour qu’il y ai les loyers les plus faibles pour la population qui a le moins de besoins à La Réunion. Ils ont des surfaces à respecter plutôt qu’une liberté à donner aux locataires. L’élasticité dans le logement, par extension de varangue revient à environ quinze mille euros, et un ajout de surface intérieure de 10m2 équivaut à environ 50 euros en plus à payer, soit environ 1/3 du loyer médian.

84 Entretien Julien CASTELNAU,

responsable de la politique du logement à la SHLMR, le 02 décembre 2019.

84


La SIDR estime qu’ils sont dans des surfaces déjà confortables de logement, dans le neuf et que les prestations dans le social n’ont rien à envier au privé.

L’architecte Eric HUGEL et Julien CASTELNAU, s’entendent sur le fait qu’il faut trouver un meilleur compromis entre maintenance, coût, durabilité qui est nerf de la guerre.

Comment bien construire avec des couts limités ?

« On veut toujours réduire les couts pour rentrer dans le niveau de solvabilité, mais il faut regarder à l’envers. »85 « Parfois on sous investit dans des solutions d’entrées de gamme mais en terme d’entretien et de maintenance, ce n’est pas rentable sur le long terme. Aujourd’hui, la logique de cout global n’est pas une réalité dans les projets. » 86

> Normes Dans les années 1980 - 1990, les gens étaient responsables du respect de la réglementation dans le cadre de l’accession à la propriété, aujourd’hui il ne serait plus possible de fournir une coquille vide et laisser l’habitant aménager l’intérieur comme c’était permis à l’époque, à cause des normes.

La réglementation évoluant, les réponses ne sont pas toujours les mêmes et sont corrélées à celle-ci. Les réglementations incendie, thermique, incendie, et PMR conditionnent donc les réponses.

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Entretien Eric HUGEL, architecte à TT ARCHITECTES, le 20 novembre 2019.

86 Entretien Julien CASTELNAU,

responsable de la politique du logement à la SHLMR, le 02 décembre 2019.

85


d. Flexibilité ou élasticité pour la Réunion ? > Experimentations La question de la flexibilité en tant qu’innovation se justifie ici, dans l’optique où la SHLMR essaie d’expérimenter sur des opérations tests plus exemplaires et vertueuses, pour voir dans quelles mesures ils vont pouvoir les appliquer dans d’autres opérations plus classiques.87

Il est donc interessant de voir, que malgré l’absence à l’heure d’aujourd’hui d’évolutivité dans les logements, les maitres d’ouvrage sont conscient de ces problématiques, et éveillés aux enjeux d’un futur proche.

> Flexibilité Concernant le locatif, la flexibilité parait difficile selon la SIDR, car les cloisons mobiles sont peu efficaces d’un point de vue technique et chères. « Une des solutions serait d’utiliser des briques de terre cuites qui sont légères et solides, faciles à casser et a remonter et sont un bon isolant. Ici il n’y a pas de construction en terre donc ce n’est pas possible pour le moment, mais nous pouvons nous inspirer de l’auto-construction à Mayotte où par exemple une pièce en plus peut être aménagée pour l’adolescent. »88

Il n’y donc pas vraiment de flexibilité à proprement parler à ce jour dans le patrimoine immobilier de la Réunion, même si la réglementation PMR a conduit à une certaine forme de flexibilité, d’adaptation pour pouvoir rendre le logement évolutif et habitable par tous.

Il y a par contre des réflexions au sujet de la flexibilité chez la SHLMR, dans le cadre bien précis des logements seniors. Ces logements se doivent d’être petits, T1, T1 BIS, voir T2, car les personnes âgées sont souvent seules avec peu de moyens.

Utiliser des parois amovibles et mettre en placeuse flexibilité permettrait de répondre peut-être à la question de la création d’intimité, et à la délimitation de l’espace.

Opération Les Villas Urbaines Durables, Le Guillaume. Projet avait une volonté mais ne fonctionne pas aussi bien; Problématiques d’humidité dans les hauts et dans ce cas, moisissures dans les salles de bain. 87

88 Entretien Vincent TOURMEZ

et Jean-François KEISER, directeur de la maitrise d’ouvrage à la SIDR, le 18 novembre 2019.

86


> Élasticité Il n’y a pas à ce jour d’expérience significative innovante en terme d’élasticité, dans le contexte du logement social de la Réunion. Il y a par contre, dans la réhabilitation par la SIDR entre autres, des extensions de logement.

L’ajout de varangue n’est pas vraiment de l’élasticité, elle intervient par la force des choses dans des cas où les logements sans extérieur et exigus, devaient être remis à un niveau de dignité.

Ce sont des bâtiments qui ont 25/30 ans, où l’adaptation tropicale n’a pas été faite, et où l’ajout de varangue, de nouvelles ouvertures, sont mis en place pour améliorer le confort mais en premier lieu pour la remise au normes.89

Toutefois, les réflexions futures semblent converger vers la conception de logements pour seniors, aussi bien à la SIDR, que la SHLMR.

Ils évoquent la pièce en plus comme potentiels « logements de passages » ou espaces d’accueil de la famille, des enfants, des petites enfants, dans le cas où le logement serait trop petit pour pouvoir les accueillir. Cela favoriserait et faciliterait les visites de la famille, pour lutter contre l’isolement.

« Tout est possible, on s’efforce de trouver les idées qui vont bien, il faut se poser la question. Certaines opérations le permettent, d’autres non, à nous de voir ou on peut se positionner en fonction. »90 Cette partie, a donc permis de questionner la mise en application de la flexibilité à La Réunion. Nous avons pu voir que la flexibilité par l’extérieur était plus adaptée de part le climat, et la culture de l’ile. Celle-ci n’est pas présente actuellement, mais les acteurs du logement, architectes, bailleurs sont plus ou moins conscients de la plusvalue que celle-ci pourrait apporter pour les habitants, malgré les nombreux obstacles à sa mise en place.

89 Dans le patrimoine de la réhabilitation des logements sociaux par ajout de varangue, on peut citer la réhabilitation des

logements sociaux dans le quartier de Ravine Blanche à Saint-Pierre par exemple. 90 Entretien Julien CASTELNAU,

responsable de la politique du logement à la SHLMR, le 02 décembre 2019.

87


CONCLUSION Le but de ce mémoire était de questionner la mise en application de la flexibilité dans les logements sociaux à la Réunion.

Les casquettes successives de sociologue, historienne, architecte, et également usager de l’espace m’ont permis de mener à bien cette réflexion.

En effet, dans la première partie, sous l’angle de la sociologie, nous avons pu vérifier que l’appropriation était nécéssaire pour habiter, et non pas juste être logé. Nous avons vu la spécificité de la notion d’habiter et de l’importance de l’appropriation. L’appropriation dans un logement n’est pas évidente et propre à chacun, mais la flexibilité peut permettre de mettre en place suffisamment de degrés de liberté dans la conception pour que l’espace soit appropriable pour chaque habitant.

Nous avons vu que la flexibilité peut augmenter le confort dans le logement. On peut maximiser le confort du logement en devenant acteur de celui-ci et pour permettre à l’habitant d’être acteur, l’espace et le bâtiment doivent être flexibles. Si un bâtiment s’avère être flexible, c’est aussi en quelque sorte que l’architecte permet le fait que l’habitant sois impliqué dans la vie et le devenir du logement. Cela soulève donc aussi la question du rôle de l’architecte, que nous avons évoqué.

La deuxième partie sur l’évolution du logement social à La Réunion, sous l’angle historique, nous a permis de faire le point sur le passé et l’existant de la situation sur le territoire. Nous avons constaté que le logement social avait beaucoup évolué, et d’une façon très rapide et brutale à La Réunion. Cette forme d’habitat ne s’est pas forcement bien adapté à la culture, au climat et aux différentes populations, différents modes de vie car la situation était urgente, il s’agissait à cette époque de reloger un maximum de population et d’améliorer les conditions de vie de l’époque. Une certaine logique de standardisation et de construction de masse régnait alors qu’aujourd’hui la situation n’est plus la même et les priorités sont différentes. La population, les modes de vie sont en contante évolution et les besoins changeants avec une quête du confort plus présente.

Enfin, nous avons pu définir ce qu’était la flexibilité, sous l’angle de l’architecture, qui se divise finalement en deux parties, la flexibilité intérieure et la flexibilité par 88


l’extérieur, ou élasticité. Après un historique sur cette notion, nous avons théoriser la notion de flexibilité extérieure pour généraliser celle-ci et questionner sa mise en application sur le territoire de La Réunion, à l’aide de deux études de cas en France métropolitaine. Ce travail architectural, de terrain, d’étude de projet, de plan, nous à montré que la flexibilité apparaissait comme une des solutions innovantes et modernes qui permettrait d’apporter une plus-value dans le logement social.

Une fois cette hypothèse vérifiée, il s’agissait maintenant de questionner la mise en application de la flexibilité sur le territoire d’étude. Nous avions théoriser le phénomène de flexibilité par l’extérieur, élasticité, car c’est celui qui semblait le plus adapté au territoire.

J’ai pu vérifier l’intérêt de cette notion, toujours dans un travail de terrain destiné à avoir des réponses sur le cas spécifique de la Réunion. En effet, les entretiens avec les acteurs du logement : architectes, et bailleurs ont confirmé le manque de flexibilité dans le parc actuel mais aussi la plus-value que celle-ci pourrait apporter aux habitants, malgré les nombreux obstacles à sa mise en place.

Lors des discussions avec les intervenants le problème majeur relevé face aux logements collectifs, et sociaux actuels est la volonté de rattrapage avec la métropole et le manque de considération des spécificités du contexte réunionnais. Comme je le pensais au départ, cette standardisation et généralisation de l’habitat est un des problèmes d’aujourd’hui. En quoi cela rejoint notre sujet de flexibilité ? Celle-ci permettrait de prendre en considération les habitants, en leur laissant plus de choix de liberté face à leur habitat, face au climat, face aux modes de vie, aux antipodes de la standardisation, et de l’expansion d’un modèle métropolitain qui permet peu de liberté.

A travers le travail de terrain, j’ai pu également mieux comprendre ce que la flexibilité pouvais apporter à l’habiter. Lors des entretiens d’habitants, j’ai pu me rendre chez une personne âgée seule, qui vivait dans un T1 et qui avait bénéficié d’un extérieur lors d’une opération de rénovation, un petit jardin, qui lui permettait de gagner plus de surface de vie. Et effectivement, lors des entretiens avec les bailleurs, j’ai compris que les petits logements, et notamment les logements destinés aux personnes âgées, étaient la préoccupation de demain. La partie théorique m’avais déjà mise sur cette voie, lors des études des résultats de l’INSEE, 89


sur l’augmentation des petits ménages, et le vieillissement de la population à la Réunion. La flexibilité intérieure pourrait aider à leur amener de l’intimité avec des cloisons mobiles, et la flexibilité extérieure pourrait leur permettre une ouverture sur l’extérieur, de gagner de la surface et de rendre plus agréable leur logement. Il serait donc interessant de poursuivre ce travail par une recherche spécifique sur l’habitat des petits ménages, et peut-être celui de personnes seniors.

Concernant les résultats à la question de recherche : La flexibilité peut-elle nourrir la conception des logements sociaux à La Réunion et y apporter une plus-value ?

Cela a été un travail d’enquête qualitatif plutôt que quantitatif mais au regard des discussions et dans le cadre de mon terrain d’études, je pense que oui, la flexibilité peut nourrir la conception des logements sociaux à La Réunion, mais sa mise en place dépend totalement des bailleurs sociaux et de leur volonté à améliorer les conditions de vie de leurs habitants.

La notion de flexibilité par l’extérieure théorisée ici, comme je le pensais au départ, et comme j'ai pu le vérifier par le travail d’enquête est plus justifiée sur ce territoire, où l’extérieur du logement à son importance particulière dans le quotidien des habitants.

Je m’aperçois qu'il serais interessant de continuer cette recherche sur l’évolutivité du logement, en se concentrant sur la flexibilité intérieur-extérieur et sur les éléments conditionnants ce rapport, d’un point de vue plus technique, par la pratique.

Illustration 34 : Schéma de la fluctuation de la limite nous séparant de l’extérieur et de l’action sur elle

source : Etude Acteur du confort, ENSA Paris-Belleville.

90


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NOUVELLES

S O L U T I O N S D ’ O R G A N I S AT I O N D U LOGEMENT. »

JEAN RENAUDIE.

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BIBLIOGRAPHIE > OUVRAGES • ELEB Monique, FICHELET Raymond. Le logement évolutif. Éditeur Délégation générale à la recherche scientifique et technique, 1974. 318 pages.

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• LEVENEUR, Bernard. 60 ans de culture urbaine, Société Immobilière du département de La Réunion. Editions du 4 Epices, 2009. 156 pages.

• PERIANEZ, Manuel. L’habitat évolutif : du mythe aux réalités. Éditions Paris : Plan construction et architecture, Programme cité-projet, 1993. 144 pages.

92


• POUSSE Jean-français, RAMBERT Francis. Vers de nouveaux logements sociaux 2. Éditeur Silvana Editoriale / Cité de l’architecture & du patrimoine, 2012. 128 pages. Collection Catalogues expo.

• POUSSE Jean-français, RAMBERT Francis. Vers de nouveaux logements sociaux. Éditeur Silvana Editoriale / Cité de l’architecture & du patrimoine, 2009. 128 pages. Collection Catalogues expo.

• SALIGNON, Bernard. Qu’est ce qu’habiter ? Réflexions sur le logement social à partir de l’habitat méditerranéen. Éditions de la Vilette, 2010. 156 pages. Collection Penser l’espace.

• SÉGAUD, Marion. Anthropologie de l’espace, Habiter, fonder, distribuer, transformer. Éditeur Armand Colin, 201. 248 pages. Collection U

• STÉBÉ, Jean-marc. Le logement social en France (1789 à nos jours). Presses universitaires de France, 2009. 128 pages. Collection Que sais-je.

• TAFFIN Claude, AMZALLAG Michel. Le logement social. Éditeur Lgdj, 2010. 127 pages. Collection politiques locales.

• TAPIE, Guy. Sociologie de l’habitat contemporain. Parenthèses, 2014. 229 pages. Collection Eupalinos.

• WOLFF, Eliane. Quartiers de vie : Approche ethnologique des populations défavorisées de l'île de la Réunion. Université de la Réunion, 1989. 207 pages.

> THÈSES ET ÉTUDES • BONNET Lucie, La métamorphose du logement social, faire de l’habitat le support de capacités, Thèse de doctorat en sociologie. Ecole des hautes études en sciences sociales, 2013. 427 pages.

93


• CHALENCON, Elodie. Les possibilités d'une densification verticale à l'ile de la Réunion : de la kaz atèr à la kaz atèr anlèr. Architecture, aménagement de l'espace. Université Grenoble Alpes, 2015. 483 pages.

• DEFOS DU RAU, Jean. L’ile de la Réunion, Étude de géographie humaine. Thèse de doctorat d’État : Géographie : Bordeaux : Université de Bordeaux : 1960. 716 pages.

• FAURE Anne, Étude Logement à Qualité et Cout Maitrisés, Plan urbanisme construction architecture - L'habitant, l'État, et le logement social, évaluation de l’approche de la qualité d’usage dans les opérations expérimentales, Aout 2000. 95 pages.

• HOURY, Jean-Pierre. Le logement à la Réunion, Mai 1991. Ecole d’architecture Languedoc-Roussillon.

• WATIN Michel. Habiter : approche anthropologique de l'espace domestique à La Réunion. Sciences de l’Homme et Société. Université de la Réunion, 1991. 424 pages.

• INSEE La Réunion-Mayotte. « Les besoins en logements à la Réunion à l’horizon 2035 - Role majeur de la croissance et du vieillissement de la population », Ravi Baktavatsalou, Chantal Chaussy, Claire Grangé (Insee), Daniel Ah-Son, Audrey Besnard (Deal), Octobre 2018.

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ANNEXE > DOCUMENTS GRAPHIQUES COMPLÉMENTAIRES SUR LES PROJETS CITÉS

• • • • •

CITÉ MANIFESTE NEMAUSUS ELEMENTAL SÉCHERIE GRAND PARC

> GRILLE D’ENTRETIEN > OUVERTURE : APPROPRIATION DES FILTRES INTÉRIEURS-EXTÉRIEURS, BALCONS.

95


> DOCUMENTS GRAPHIQUES COMPLÉMENTAIRES SUR LES PROJETS CITÉS

CITÉ MANIFESTE

PLAN RDC

source : www.lacatonvassal.com

COUPE

source : www.lacatonvassal.com

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NEMAUSUS

PLANS

source : arcspace.com

COUPE

source : arcspace.com

97


ELEMENTAL

PLANS

source : arcspace.com

COUPES ET ÉLÉVATIONS

source : arcspace.com

98


SÉCHERIE

PHOTOS ET INTERPRÉTATIONS À PARTIR DE PLANS

source : sophie-delhay-architecte.fr

99


GRAND PARC

AXONOMÉTRIE PLAN ETAGE H

source : arch daily.com

AXONOMÉTRIE DE L’EXTENSION

source : arch daily.com

100


> GRILLE D’ENTRETIEN

ARCHITECTE / BAILLEUR DEFINITIONS

Évolutivité fait appel à deux notions: 
 
 - La flexibilité : à l’intérieur du logement avec des cloisons mobiles ou un plan libre) 
 
 - L’élasticité : qui induit de la surface en plus. Par l’exterieur avec le travail des limites int/ext ou par une pièce en plus (mutualisable ou non).

QUESTION DE RECHERCHE

L’évolutivité peut-elle apporter une plus value dans le logement social à la Réunion ?

APPROPRIATION DANS LE LOGEMENT SOCIAL

Selon vous, l’appropriation est-elle favorisée par l’évolutivité dans le logement social ?

FLEXIBILITÉ DANS LE LOGEMENT SOCIAL

Connaissez vous des exemples de flexibilité dans le logement social à la Réunion ? La flexibilité est-elle interessante selon vous dans le logement social ? dans quels cas ?

BESOIN

Y a til un besoin de flexibilité ? Besoin d’espace agrandissable, espace en plus, à la Réunion plus qu’ailleurs ? lien culture et climat Besoin d’une piece en plus par rapport a certains types de familles

FLEXIBILITÉ A LA REUNION

Flexibilité legere avec mobilité des parois ou plutot elasticité avec espace en plus pour la Réunion ? Pourquoi absence d’exemple de flexibilité à la Réunion ? La flexibilité est-elle interessante selon vous ? dans quels cas ?

IMAGE

La flexibilité est-elle facteur de modernité ?

COUT

Cela coute plus cher ? Mais rentable ? avantages ? image ?

ENTRETIEN

Meilleure appropriation donc meilleur entretien ?

OBSTACLES

Quels sont les possibles obstacles à la mise en place d’un procédé d’évolutivité ?

ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

Pensez vous que cette flexibilité pourrait etre mise en place dans le locatif ou plutot dans l’accession a la propriété ?

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> OUVERTURE : APPROPRIATION DES FILTRES INTÉRIEURS-EXTÉRIEURS, BALCONS.

AXONOMÉTRIES DE L’UTILISATION DU BALCON

source : Mémoire de master « LA PÉRENNITÉ DU LOGEMENT COLLECTIF, L’HABITAT ÉVOLUTIF, UNE RÉPONSE AU TEMPS QUI PASSE? »

102


103


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