Atelier d'écriture E dans A. Mode d'emploi 2012

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Dans le cadre de

UN FESTIVAL DES IDÉES

Recueil de textes d’auteurs de l’atelier d’écriture « E dans A »


L’Enthousiasme Les Etudes La Société

Les Langues

Les Constats

La Créativité

Le Trouble

La Ville

Les Publics

Les Soins

L’Humour

L’Empathie

La Famille La Nation

L’Argent

La Religion

Les Certitudes

Le Monde

La Recherche

La Légèreté

Le Tragique

20 nov > 2 déc 2012

Les Discours

La Dynamique

La Sécurité

Les Minorités

La Distance

Les Révolutions

L’Engagement

Le Débat

Les Valeurs

Les Solutions

L’International

Les Artistes

Le Temps

Les Neurosciences

L’Ethique

La Culture L’Urbanisme

Les Rythmes

Les Gens

Les Rencontres

L’Espoir

Le Dialogue

Le Jeu

L’Individu

Les Moteurs Les Savoirs

La Démocracie

La Périphérie L’Art

Le Besoin

LYON / SAINT-ETIENNE / GRENOBLE

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L’Intuition

Les Crises

L’Ouverture

L’Impertinence

Le Réel

La Confrontation

Les Sexes

Le Social

La Pensée La Séduction

Les Idées Le Malaise

La Censure

L’Humain

Le Plaisir La Solidarité Le Rejet

L’Echange

La Sincérité L’Amour

L’Histoire

La Spécialisation

Les Intérêts La Technologie Les Réseaux

La Stimulation

Le Processus

Les Conquêtes

La Cité

L’Initiative

La Philosophie

Les Questions

L’Education

Les Contextes

Les Acteurs

Le Courage

Le Doute

La Responsabilité

L’Humanisme

La Durabilité

La Politique

Les Médias

Les Actes

Le Mal

UN FESTIVAL DES IDEES

Les Sciences La Souffrance


Les Gens L’Humain

L’Empathie

Un homme dans le bus Un homme dans le bus, essaie de se frayer un chemin pour trouver une place. Il est exubérant dans ses propos et ses gestes. Il crie et s’énerve devant les passagers du bus sans complexe, sans gêne. Les gens le regardent, rient de lui, se disputent avec lui. Il dit qu’il souffre, parle de sa femme qui l’a quitté puis insulte ce monde et son système capitaliste. Un homme assis à côté de lui balance une phrase : « un noir c’est un noir » à laquelle l’homme exubérant répond : « noir c’est noir il n’y a plus d’espoir. » Certains rient, d’autres baissent le regard. L’homme descend du bus, l’atmosphère change. Il part mais ses mots flottent encore dans les airs. Ils alimentent pendant encore quelques temps les conversations, ils font rire, ils choquent, ils perturbent. Mais le temps continue sa route... L’homme est loin maintenant et l’oubli reprend ses droits dans les esprits. C. Assil

Camélia Assil, 22 ans, j’ai participé à l’Atelier d’écriture de Lyon 2.

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Les Gens

La Confrontation

La Stimulation Le Temps

L’Individu

Les Gens Moi : « Les gens, les gens, pourquoi dois-je toujours rencontrer des gens ? D’abord, les gens ça n’existe pas ! Ce n’est qu’une collection d’individus. Je n’aime pas les collections. L’autre : - Tu dis ça parce que tu en as rencontré beaucoup : des stupides, des intelligents, des ternes, des brillants… Je ne vais pas t’énumérer tous les spécimens, tu les connais aussi bien que moi. Moi : - Cela m’a toujours déçue ; je préfère la solitude et mes livres. L’autre : - Ne rencontres-tu pas des gens dans les livres ? Moi : - Oui, mais je peux les accepter ou les rejeter sans que cela fasse un drame. L’autre : - Ta misanthropie affichée me fait sourire. Ne crois-tu pas que, quels qu’ils soient, ils t’ont été utiles dans ton existence ? Moi : - Je veux bien l’admettre : le pompier ou le médecin me sont utiles, le boulanger aussi, mais, c’est leur fonction qui m’intéresse et pas leur personnalité. L’autre : - Sois honnête ! N’as-tu jamais rencontré de gens dignes d’admiration ayant stimulé ton désir de progrès personnel ? Tes héros en quelque sorte. Moi : - Je le concède, mais si rarement… Le héros est une espèce en voie de disparition et nul zoo ne se soucie de la sauvegarder. L’autre : - Si je te comprends, les personnalités stimulantes sont rares ; je l’admets ; toutefois de la confrontation, peut naître aussi le progrès. Tu avances par différences. Le héros suscite le but, l’idéal, l’ennemi ou les ennemis les étapes du chemin de la vie.

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Moi : - Tu as sans doute raison, on ne peut devenir un individu que par une alternance confrontation, stimulation. C’est une véritable alchimie qui donne naissance à un être original. Mais, que de temps pour cela. Au bout du compte, que reste-t-il ? Une foule de gens avec qui tu ne veux pas perdre le peu qui reste disponible dans le sablier de la vie. Peut-être un ou deux individus susceptibles d’illuminer l’atmosphère… L’autre : - Tu vois bien que cela vaut la peine de rencontrer des gens, même « s’il n’en reste qu’un »… Moi : - Je ne veux plus chercher, ma solitude est déjà surpeuplée. Il me reste trop peu de temps pour les expériences. Brisons là, je revendique la solitude comme un DROIT. » Ch.-H. Bosquet

Christiane-Hélène Bosquet. Je n’écris plus qu’à l’atelier dont les fils rouges ou d’autres couleurs suffisent à mon bonheur.

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Le Rythme Le Jeu

La Séduction

La maison en pierre blanche Dans son lit, dans la maison en pierre blanche, elle attendait le son du réveil. Comme chaque matin depuis six mois, avant d’ouvrir les yeux, elle voulait être sûre de pouvoir se réveiller. Elle attendait et attendait. Mais rien ne l’appela. Rien ne sonna. Rien ne lui dit que c’était le moment de se réveiller. La maison en pierre blanche était la maison qu’elle avait toujours désirée et qui maintenait était à elle. A elle toute seule. Elle l’avait achetée. Pendant dix ans elle avait marché en avant et en arrière sur ces plages en regardant la mer et l’horizon pour en trouver les limites. Elle avait couru sur ces plages, avec le chien qu’elle avait adopté en se mariant avec Julien. Elle avait couru seule, avec ses copines, avec son mari. Elle avait dansé sur ces plages, au rythme de la musique gitane que produisait la guitare de Julien. Elle avait dormi à coté de Julien sur ces plages, en construisant ensemble leur vie future dans la maison en pierre blanche. Des milliers de fois elle avait peint, assise sur les rochers, la maison en pierre blanche. De ces plages elle avait regardé Julien guider les vagues de la mer et ensemble ils s’étaient séchés au soleil. Dans le sable de ces plages elle avait laissé tous les mots de sa jeunesse, elle y avait décrit les jeux de séduction desquels elle avait été la proie et en confondant ses cheveux avec ce sable elle s’était confiée à la mer. Chaque amour est si profond et séduisant qu’il nous fait sentir le centre du monde et on jure, on promet que l’on s’en rappellera toujours ainsi. Elle avait juré et promis, penchée sur ces plages, qu’elle conserverait leur jeu, qu’elle n’oublierait jamais le rythme de la guitare gitane. Mais maintenant, détendue dans son lit double, elle cherchait dépitée les chansons sur lesquelles elle avait dansé. Julien avait été mangé par cette mer. Un jour comme un autre la mer lui avait pris Julien. Sans rythme, sans séduction. Ce n’était plus un jeu. E. Corona Elena Corona, 24 ans, je suis italienne et je participe à l’Atelier d’écriture de Lyon 3. 6


Les Rencontres www.villagillet.net

L’Affranchissement

UN FESTIVAL DES IDEES

Où un danseur bulgare rencontre-t-il un philosophe camerounais qui rencontre un biographe anglais qui rencontre un commissaire de police parisien qui rencontre un psychosociologue allemand qui rencontre un herboriste vénézuélien qui rencontre un architecte algérien qui rencontre une culturiste wallonne qui rencontre un chercheur en robotique belge qui rencontre un étudiant lyonnais qui rencontre un neurologue brooklynois, qui rencontre une journaliste israélienne qui rencontre un chef cuisinier basque qui rencontre un prix Nobel alternatif nigérian qui rencontre une infirmière stéphanoise qui rencontre une artiste transsexuelle turque qui rencontre une femme rabbin française qui rencontre un cycliste bressan qui rencontre une criminologue californienne qui rencontre un sociologue brésilien qui rencontre un théologien britannique qui rencontre un épistémologue sénégalais qui rencontre un rêveur alpin qui rencontre une activiste environnementaliste indienne qui rencontre un magistrat néerlandais qui rencontre une banquière suédoise qui rencontre un circassien russe ?

…qui rencontre... qui rencontre ! Le réel est à prendre en compte comme le besoin est à prendre en compte comme le courage est à prendre en compte comme l’ouverture est à prendre en compte comme la pensée est à prendre en compte comme les idées sont à prendre en compte comme l’ouverture est à prendre en compte comme les études sont à prendre en compte comme les langues sont à prendre en compte comme la culture est à prendre en compte comme l’art est à prendre en compte comme les savoirs sont à prendre en compte comme l’intuition est à prendre en compte comme la créativité est à prendre en compte comme l’ouverture est à prendre en compte comme les sciences sont à prendre en compte comme la stimulation est à prendre en compte comme le courage est à prendre en compte comme l’éducation est à prendre en compte comme l’échange est à prendre en compte comme les contextes sont à prendre en compte comme les intérêts sont à prendre en compte comme … etc. Fr.G. Coudour Gérard Coudour, 89 ans, Maison des Frères Le Val Foron

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La Légèreté Ou bulle de savon Ou plume d’édredon Petit rat d’opéra S’élance : entrechat Voleur à pas feutrés Gracieux elfe d’été Ivresse du grand saut Qui nous mène là-haut Tourne valse d’antan Virevolte à trois temps Baiser d’enfant rieur Donné à la volée Elle oublie de l’aimer Il dit n’en parlons plus L’air est si transparent Longtemps les mots résonnent O. Deviras

J’ai procédé ainsi : qu’est-ce qui est léger ? Une image après l’autre survenait, la mise en écrit appelait peu de mots, le mot suffisait parfois. La forme du distique s’est imposée par image, les deux vers riment ou pas, mais chaque strophe renferme un sens complet. Je m’appelle Odile Deviras, je suis à la retraite. Dans ma tête, tout le temps une histoire trotte, où que je sois, et je l’écris en atelier, à la maison, à la main ou au clavier, mais il faut que je l’écrive.

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La Famille Le Trouble

Le Débat L’Initiative Le Jeu

Chute Mode d’Emploi Parcours du combattant Tous ces fils visibles ou invisibles, toutes ces attaches si sûres, si solides, si présentes qui soutiennent ou retiennent les glissades, les ruades, les écarts et les écartèlements. Tous ces liens qui nous attachent, qui s’amoindrissent, qui se délitent, qui s’effacent avec le temps, qui disparaissent graduellement. Tout cela a volé en éclats. Chut! Vire. Vite. Virevolte. (Un temps) Le corps suspendu au bout d’une corde au-dessus du vide. Au cœur de la falaise, un point. Sinon reste le néant. Faire un tour mort. Sec. Vite. Inutile de lancer un nouvel appel, un dernier appel dont l’écho se perdrait dans l’immensité du silence. Ou se fracasserait contre la paroi. En proie au destin, couturière céleste, dont les gigantesques mains ont joué du ciseau à travers le ciel cotonneux. A de multiples reprises. (Un temps) Reprendre son souffle vertical, agrippé sur cette vire hasardeuse. Laisser surgir, les yeux fermés, respirer les corps du souvenir. Famille étrillée. (Un temps) LUI s’en était allé le premier. D’abord lui. Cacochyme. À bout de souffle. Il avait rejoint le boulevard des allongés comme il se plaisait à le dire. Puis LUI aussi. Brutalement. Inopinément… Relié à d’innombrables et inutiles électrodes et autres tuyaux magiques. 9


La métaphysique des tubes fut son étrange et futile bal final à lui. Cathéters veineux périphériques, sous-clavière, doppler et... hop-là.! Tournicoti, tournicoton. Tel Zébulon À manqué de ressorts. Pas de veine ! À plus, avait-il dit. Sa voix résonne encore... Lui aussi a rejoint le boulevard des essoufflés. (Un temps) Au nom du père, du frère …. Le fils. Ainsi soit-il. ELLES aussi, plurielles, s’en sont allées. À tire-d’aile. Leurs pas d’hier résonnent encore à l’unisson de ce cœur d’athlète battant, affolé et accroché sur une écaille de rocher. Au-dessus de cette béance abyssale. Leurs semelles à elles claquent encore sur le carrelage, comme deux paires de gifles inattendues. Puis ELLE au singulier. Elle aussi. Enfin ! Si j’ose m’exprimer ainsi ! Celle qui aurait dû partir depuis si longtemps déjà... Car sa fin à elle aussi — à elle non plus, devrais-je dire — n’était pas la bienvenue. Mais ce douloureux spectacle trop lentement répété, trop travaillé, trop représenté, avait usé, épuisé la fibre. (Un temps) Au nom de la mère, de la fille, des femmes et de la famille, Ainsi sont elles. Ainsi font, font, font les petites marionnettes, ainsi font, font, font trois petits tours et puis s’en... (Un temps) Avant même d’avoir tenté le sommet, la descente en rappel s’était imposée au petit dernier. En réponse urgente aux grondements de tonnerre, aux éclairs menaçants qui électrisent et zèbrent la roche, le corps noueux s’est précipité, dans une peur maîtrisée, au bas de la paroi à l’abri du déluge. Dans le premier refuge. La première auberge venue. (Un temps) Sonné. Seul à une table. Le regard perdu. Trouble. Derrière le rideau de pluie battante, dans un brouhaha tonitruant de rires croisés et de verres qui s’entrechoquent, un autre rideau est retombé en lui. 10


Des larmes luisent, l’inondent, l’isolent. Ainsi sont elles. Dorénavant. Dis-moi. (Un temps) Dites-moi. (Un temps) Quand ? Comment ? Où ?... quand vous voulez… ; quand vous pourrez... comme vous pourrez ou vous voulez... (Un temps) − Vous prenez quelque chose ? − Volontiers ! ... une bière... avec citron, s’il vous plaît. − Pression ou bouteille ? − Pression... avec un peu de citron, s’il vous plaît. J’aime bien mêler l’amertume et l’acidité. (Un temps) Les yeux désormais secs fixent la mousse juchée sur le corps ambré et galbé du verre de bière. Pour en apprécier soit la fraîcheur, soit l’amertume, soit la saveur miellée qui s’écoule comme un caramel mou, la bière doit être engloutie, dégustée ou sirotée. Selon l’instinct et l’instant… D’un trait, il l’engloutit et ferme les yeux. Oci Ciornie... Oci Ciornie... Une mélodie slave, gymnastique envoûtante, esquisse quelques pas mélancoliques sous ses paupières embrumées. Les yeux noirs et clos, tel un alpiniste ou skieur émérite sur les pentes raides et verglacées de Kranjska Gora, il retrace, revisite le parcours de sa descente vertigineuse. La descente froide et sulfureuse qu’il a déclenchée, sa descente intime aux enfers où éclats de rire et de colère s’emmêlent. Oci Ciornie... Oci strastnye... Son corps assis... Oci Zhguchie... retrace le passé récent... preskrasnye... et le passé futur. ... Kak yubyu ya vas... Son avenir plus qu’imparfait... Kak boyus ya vas... Sa tête dodeline, ses yeux clos cherchent, son buste s’étire, pressent les pièges tendus. ... Znat uvidel vas ya ne dobryi chas... Sa nuque brûle, ses mains s’allongent, ses doigts se crispent. Son corps tendu s’affaisse, s’écroule brutalement sur la table. Dans une assourdissante indifférence. ... Oci Ciornie... Oci Ciornie... Deux dés lancés viennent percuter son verre vide. Colère du ciel qui tintinabule. Il ouvre les yeux qu’il essuie d’un geste vif et sec. Et dévisage le faciès anguleux, luisant du fêtard montagnard qui vient de lancer les dés sur la table. Là devant. Le troisième dé, qui a continué son chemin de croix sur la toile cirée, tombe et rebondit sur le sol carrelé. 11


Le corps lové sur le bord de la table se déplie et relève le défi. Se prend au jeu. Se penche lentement. Les mains rugueuses cueillent les trois dés ici et là, les frottent, les serrent, les pressent, les fait grincer, crisser entre leurs doigts encore ensanglantés par les écailles rocheuses. Et accompagnent le vol déployé et esthétique des trois petits cubes de couleurs bariolées sur les tomettes rouges. Geste final d’un homme blessé. Se fracassent dans un coin contre les parois muettes de la bâtisse et s’immobilisent après une dernière hésitation. 4...2...1 !!! Rugissements et exclamations des montagnards éberlués. Eberlués et éméchés. Quatre-cent-vingt-et-un. Epilogue sarcastique pour un homme esseulé. En amont ou en aval de lui-même. Au bord du néant. Moi : - Je le concède, mais si rarement… Le héros est une espèce en voie de disparition et nul zoo ne se soucie de la sauvegarder. M. Favier

Maxsfollis « E dans A » Villeurbanne 56 ans né en 1956 mort à 54 ans ... Nomade’s land d’esprit Sed anthère de statut ... Maxsmasks and Maxsfollies Mascaras y Mascaradas Fado et Fardeaux Saddymaxand Zappymax La vie est un songe Qui me ronge Jusqu’à l’os. Adios !

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Les Questions

C’est une remise en question. C’est une période de doute. - Où on va Papa ? Comme un bocal vide qui cherche à se remplir. Comme un appel d’air… - Mais la porte claque. On a pas la clé. Elles tourbillonnent, elles frappent. Je happe l’air, j’étouffe. Une autre fois. J’étais enfant. On découvre le verbe, on découvre la vie Et puis les points d’interrogation s’épaississent Et l’on n’y voit plus rien. Dans le noir, une voix d’enfant : - Quand est-ce qu’on arrive ? M. Favre Manon Favre, 21 ans, je participe à l’Atelier d’écriture de Lyon 2.


La Ville La première fois que je suis allée dans cette ville il y a vingt ans, les maisons étaient construites en désordre et en brique de terre. Les routes non asphaltées, beaucoup de poussière d’une couleur marron claire et qui se transformait en boue quand il pleuvait. C’était vraiment désagréable vu que les habitants de cette ville n’avaient pas de bottes pour la saison de pluie, certains même marchaient pieds nus. Au fil du temps les habitants de cette ville ont commencé à construire les maisons en briques cuites, les immeubles de commerce en étages, les routes ont été goudronnées, les sacs en plastics ont été interdit pour protéger l’environnement. Aucun sac en plastique ne peut rentrer dans cette ville et ils ont été remplacés par les sacs en papier. En plus de ça il y a eu interdiction de marcher pieds nus pour protéger les habitants contre les maladies et les blessures. Aujourd’hui quand je me rends dans cette ville, la première chose qui me frappe c’est la propreté. Une ville magnifique où je vois les fleurs tout au long de la route, les arbres et les jets d’eau. Je vois beaucoup de taxis moto et les motards habillés en uniforme, chemise verte et pantalon noir. Cette ville s’appelle KIGALI. O. Gakuba

Je m’appelle GAKUBA Odile, j’ai 45 ans et je viens du Rwanda en Afrique Centrale. Je fais les ateliers d’écriture dans l’association E dans A depuis septembre 2011. La première fois que j’ai participé dans l’atelier d’écriture j’étais au Cada* de Bron et c’était avec Marie Lise Priouret et j’ai trouvé ça très intéressant. J’aime écouter ce que les autres ont écrit, leur ressenti et ça me permet de m’exprimer.

*Centre d’accueil de demandeurs d’asile

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Le Temps Allongé dans mon lit, je somnole, il va bientôt être temps. Les minutes me paraissent des heures et en même temps rien du tout, un moment d’éternité, plus rapide qu’un éclair. Je regarde ma montre, machinalement, 7h24. Encore six minutes, ou plus que six minutes, que devrais-je dire ? Les minutes passent, chaque seconde est un supplice dont je me délecte. J’ai révisé des heures pour ce test, mais j’ai l’impression que cela n’a servi à rien. Le stress augmente de minute en minute. 7h26. Les secondes s’écoulent à une lenteur exaspérante, j’ai pourtant bien révisé, alors pourquoi est-ce que je ne trouve pas la réponse à cette question ? Une seconde, deux secondes... Je me mets à les compter, ça me vide l’esprit, je me concentre sur le Temps. J’en oublie tout, l’aiguille passe une troisième fois le douze, j’en suis à cent soixantequatorze. Il est 7h29 maintenant, je dois me lever sinon je vais être en retard, mais je n’ai plus envie. Ma mère m’appelle, il faut que je parte. Mais je continue à les compter, 200, 201, 202... Il faut que j’y aille désormais, j’en suis pourtant à 290, pourquoi m’arrêter maintenant, je me lève quand même. Je regarde de nouveau ma montre et je m’aperçois que je suis en retard, je me mets à courir. Mince ! Où j’ai mis mes chaussures ? Et mon manteau ? Maman ! T’aurais pas vu mon manteau ? Le temps accélère, je suis franchement en retard. J’ai enfin trouvé mes chaussures, le temps de les lacer et je serai prêt. Mes doigts tremblent, j’ai cinq, non six minutes de retard. Le temps me coule des doigts, je ne peux pas l’arrêter, je sors dans la rue, consulte ma montre et constate avec effroi que j’ai sept minutes de retard. Je cours, je cours, arrivé au métro trente secondes se sont écoulées. Dans le métro je me remets à compter 291, 292, 293... les minutes passent et le métro arrive alors que j’en étais à 407. Je me remets à courir, le temps qui s’écoulait si doucement dans mon lit file maintenant tel un train. 7h51, 7h52, 7h53 le collège est en vue, il me reste deux minutes, j’accélère encore. Je mets un pied dans le collège, la sonnerie retentit, ouf ! Je suis arrivé à temps ! M. Gautier Martin Gautier, 14 ans, seconde. 15


L’Enthousiasme Les Minorités Les Études

L’enthousiasme des études ? Un jeune philologue enthousiaste, marchant le long d’un boulevard bordé d’arbres, croisa un vieux rabbin rêche. Après un échange de salutations, la conversation se noua autour du thème de la nécessité des études pour le plus grand nombre. Le philologue défend l’idée de l’instruction pour tous car l’éducation élève l’Homme. Le rabbin pense que ce sont surtout les minorités qui ont intérêt à s’instruire afin de ne pas être écrasées par la masse et que pour les autres, en pratique, la question est secondaire. Le débat se prolongea pendant un temps assez long, et finalement, ils tombèrent d’accord pour dire que tout le monde sur terre est un jour en minorité pour quelqu’un. T. Géraci

Thibault Géraci, 21 ans, je vis dans la périphérie de Lyon. Je fais partie de l’Atelier d’écriture de Lyon 3.

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La Société

L’Ouverture

Les Crises La Politique

Les Valeurs

La Distance

Le Réel

Les Rencontres

La Confrontation

La Souffrance

L’Espoir

La Responsabilité La Pensée

Le Doute

Le Social

L’Humain

Les Réseaux

L’Humour

Pour qu’existe le dialogue, encore faut-il de l’échange. Grâce entre autres à de belles rencontres, ce qui procure en général une ouverture d’esprit. Pour beaucoup ce que l’on appelle aujourd’hui les réseaux sociaux permettraient de se sentir moins seuls. Mais quelle place aujourd’hui pour l’humain dans ce monde de compétition, de la loi du plus fort, où les marchés financiers ont pris le pouvoir sur les politiques ? La solidarité fait partie des valeurs qui se raréfient. Plus la vie devient dure, plus règne le chacun pour soi. Ce qui crée un certain malaise dans nos sociétés. Cela génère aussi de la souffrance donc de l’isolement. Et pourtant ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Hélas elles ne font pas le poids dans le contexte actuel, tellement les crises sont profondes. Malgré tout il faut garder espoir. Mais il faut bien avouer que les solutions sont minces. Et que les contacts virent au tragique. Alors que faire ? Garder le sens de l’humour pour ne pas sombrer. Prendre un peu de distance pour ne pas perdre pied et essayer de provoquer une stimulation pour avoir une pensée constructive et peutêtre vivre avec philosophie afin d’avoir une meilleure confrontation avec le réel. M. Herlant

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L’Art

Le SAXO Que c’est beau un saxophone. Il a vraiment de la classe. Il est brillant, étincelant. Majestueux et élégant. Mais s’il est si agréable à voir, le saxo l’est aussi à entendre. Suivant les tonalités, il peut être doux et velouté ou âpre et corsé (comme le café). C’est sans doute dans le jazz qu’il s’exprime le mieux. C’est là qu’il déploie tout son art et qu’il rend les gens heureux. Sur certains solos, il vaut mieux être initié sinon on risque rapidement d’être dépassé. Quand on y prend goût on ne peut plus s’en passer. On en vient jamais à bout, il ne finit pas par lasser. C’est comme une sucrerie, quelque chose qui fond sur la langue. Il pleure et il rit. Il aime le lien et les échanges. Sans le saxo le jazz ne serait pas grand-chose. Il a toute sa place et se métamorphose. C’est un instrument que l’on admire et que l’on respecte. Il sait comment nous éblouir, même les silences il les accepte. M. Herlant

Marc, 47 ans, passionné de jazz et de musique latine et qui aime par-dessus tout le saxophone.

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Le Rêve

Sacré Saint Exupéry! Hommes de cette planète aspirent. Hommes de cette planète respirent. Hommes de cette planète naïve naissent dans le schmilblick du cordon ombilical. Et si tous nous y tenions à nos rêves. Imagine, imaginons, ferme les yeux, écoute mes mots. Ferme les yeux, écoute là au creux de ton cœur brinquebalant. On devient des combattants, des guerriers de la rêverie, on devient des sages de l’espoir. Transforme ta réalité. Imagine toutes possibilités, Oui mais y’a ça là, ces limites là, contraintes extérieures, financières, la pression familiale… Alors Ouste ! Adaptetoi, adopte tes rêves. Ose ! Ose te servir de ta raison ! Ose, pars, brusque. Qu’est-ce qui te fait vivre ? Quels sont donc ces désirs enfouis ? Est-ce seulement les décombres d’un autre espace ? Plus de feux rouges, de feux verts, de bourse ou de guerre. On vivra ensemble, en collectivité, fraternité, oh ! Là où les contrôleurs de la civilité auront disparus. Certes un peu utopiste ! Ah mais je me moque de ta rationalité, allez viens laisse-moi t’emmener, échappe-toi de ce monde avec moi. Les aiguilles du temps vont cesser. Et alors, on entend là le murmure, écoute la douce mélodie du bonheur, nulle pression, nulle contrainte, restons niais. Fini de s’user à la tâche, je t’embarque, regarde-nous, nous voilà cultivateurs, on sème et s’aime. Regarde, on y est. Feux follet, braises sauvages, feuilles incarnées, poussières d’été, je me perds dans mon rêve, la brume m’y apaise. F. Hermand

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Les Pensées

Ivrogne de mes mots manqués Comment ? D’où vient-il ? Pourquoi ? Ah zut, quelle complexité, d’où vient ce murmure, cet appel, ce rappel qui tapisse mon cerveau ? Comme un tampon, le tatoueur tatoué. Il m’a tatouée et m’empoisonne le cerveau. D’où viennent nos pensées ? Pourquoi, alors que l’on passe nos vies à les organiser, nos pensées nous rappellent-elles ? La pensée, des mots dans la tête. Bas, au creux de l’âme, on pense. Je parle, tu penses. Tu penses, je pense et ça recommence. À quoi tu penses ? Je veux m’immiscer dans ton cerveau... être espionne de tes quêtes, tes valeurs, tes objectifs instantanés. Ah y’en a marre de penser ! J’objecte, je rejette ! Je veux le taire mon cerveau ! Qu’il soit blanc, comme lorsque je regarde la mer, ma chair. « Malgré » de foutaise ! Et même lorsque j’écris, les pensées me viennent délicatement, dans tous les sens. Je lève les yeux, les êtres humains autour de moi, aussi pensifs soient-ils, on se connecte, en un instant malgré le silence. On se parle, on pense, il y a présence. On cherche, on devient, on écrit. Un lâché de surprise, un magma de non-dit. Se poser nu à l’inconnu. Les mots soutiennent, révèlent et caressent le doux rêve d’une explication, d’une légère attention, l’assurance de la romance. F. Hermand

Fleurine Hermand, encore et toujours dans la danse.

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L’Urbanisme

Je vous construirai des rues et des trottoirs avec des bancs sur les trottoirs et des immeubles avec des ascenseurs et des entrées rutilantes de marbre et de miroirs et des lotissements avec des jolies maisons et des jardinets fleuris et des écoles avec des professeurs des écoles tout neufs ayant très peu servi et des hôpitaux avec des urgences polluées et des praticiens de toutes les couleurs et des gares et des musées et des bâtiments en tous genres tous usages et des églises des mosquées des synagogues et puis quoi encore ? des résidences secondaires ? des hôtels ? des hôtels particuliers ? des maisons de jeunes ? des maisons de vieux ? et tant que vous y êtes vous voulez peut-être des logements sociaux ? des centres d’accueil ? des centres d’hébergement ? vous voulez que je vous introduise, que je vous tienne la main, que je vous présente ? vous avez besoin d’un interprète, d’un avocat d’un médiateur ? vous pensez aussi à des casinos ? des casinos vous êtes sûr ?

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là il faut que vous preniez votre temps, que vous réfléchissiez vous devriez demander des avis voire des conseils vous faire soutenir par un psy vous faire aider par un coach vous faire suivre par un détective privé parce que moi je vous le dis du casino à la banque il n’y a qu’un pas ce pas peut vous mener loin ce pas peut vous faire traverser des épreuves inattendues vous risquez de vous mettre dans des draps pas vraiment blancs non franchement vous allez un peu loin moi je veux bien .... ce que j’en dis .... c’est à vous de voir .... c’est comme vous le sentez .... c’est votre dernier mot ? bien je transmets. E. Hirschowitz

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Le Temps

La Sincerité

La Périphérie

La Famille

Que vienne enfin le temps des pensées silencieuses … De temps en temps. Ils attendent. Ils ne le savent pas mais ils attendent. Tous. Tous attendent. Tous attendent tout le temps. Même ceux qui sont allés ailleurs. Ils attendent ailleurs. Ailleurs l’herbe n’est pas plus herbue. Ailleurs, ici, partout on attend. Ne croyez pas que vous pouvez attendre parce que vous avez le temps. Le temps, lui, n’attend pas. Le temps passe. Il se casse comme disent les jeunes et c’est vous qui êtes cassés. Vous me direz le temps ne fait rien à l’affaire, le temps c’est de l’argent, il faut prendre son temps. Vous aurez raison. Vous serez rassurés. Vous reprendrez du poil de la bête. Vous croirez braver le temps. Vous croirez vaincre le temps. Et pendant ce temps, le temps aura passé. Vous n’aurez plus que le temps qui vous reste. C’est ce temps-là qui fera la différence. Il est là pour ça. Prenez-en soin, entourez-le. Donnez-lui ce que vous avez de plus précieux. Donnez-lui un peu de votre temps. De temps en temps vient le temps de la périphérie. Vous êtes en règle, vous êtes fort, vous êtes fier, vous n’avez besoin de personne. Vous faites face. Vous avez tout ce qu’il faut. Dès qu’une bonne âme se pointe dans votre périphérie, fuyez à toutes jambes La moindre faille dans votre périphérie serait pour vous menace immédiate. Vous le savez, toutes ces bonnes âmes, ont besoin d’aider leur prochain. Plus leur prochain est vulnérable, plus haut les 23


bonnes âmes brandissent leur étendard. Elles tirent sur tout ce qui bouge. Elles vous flinguent à coups de bonnes paroles, de bons conseils, elles vous coagulent dans les miasmes dégoûtants de leur gluante commisération. Vous êtes embrouillés, embourbés, subordonnés. Vous n’avez qu’un seul recours, l’amour. De temps en temps vient le temps de laisser les bonnes âmes à la périphérie. Courage. Le temps de quitter la périphérie est advenu. Vous le savez, vous le comprenez mais impossible de vous décider. Il suffit de bouger un pied. Le reste suivra. Ce sera votre premier pas vers ce que vous attendez. Enfin vous allez être au cœur d’une vérité qui sera la vôtre. Enfin vous accèderez à la possibilité de savoir et d’intervenir. Vous n’aurez droit qu’à un seul premier pas. Après ce premier pas, il ne faudra pas vous retourner. Jamais. Ce premier pas est là pour ça. Prenez-en soin. Entourez-le, ménagez-le. Donnez-lui toutes ses chances. Faites-en votre victoire, votre œuvre, votre chef-d’œuvre. En vous éloignant de la périphérie, votre premier pas vous emmènera là où vous devez aller, là où il y a la terre, la pierre et le feu. Vous connaîtrez enfin la vérité de ce que vous êtes. Alors, alors seulement, vous pourrez vous retourner. Et vous verrez que votre vie est là, vous vivrez votre vie, votre vie vous appartiendra, vous saurez qui vous êtes, vous n’aurez plus besoin de rien ni de personne. Les bonnes âmes pourront passer leur chemin. * * *

On devrait pouvoir entendre le regard des gens. -bonjour On devrait regarder celui à qui on dit bonjour. - bonjour - bonjour … - bonjour ? - bonjour !

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Je n’entends rien, je ne vois rien. - tu vas bien? l’air est tout plein de bonjours l’air est tout plein de tu vas bien l’air est lourd l’air est épais et tiède - bonjour tu vas bien? le ciel est bas les immeubles se dressent les arbres ne se penchent pas seul le silence s’avance Je voudrais entendre le regard des bonjours bonjour bonjour bonjour bonjour tu vas bien depuis la dernière fois ? l’air est de plus en plus lourd le ciel est de plus en plus bas les arbres sont de plus en plus droits bonjour tu vas bien depuis la dernière fois? on dirait que tu as froid … La dernière fois j’avais froid. * * *  et vous ? avez-vous de la famille ? oui je suis bien entourée, je me plains pas oui le mercredi je suis de crèche oui mon frère m’a emmenée chez le cardiologue oui mon petit fils est malade depuis deux jours

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oui je les vois pour les fêtes et anniversaires c’est déjà pas mal c’est mieux que rien oui j’ai de la famille mais ils ont leur vie et en ce moment de gros soucis oui j’ai de la famille des fois ils m’invitent des fois ils me visitent toujours ils me fatiguent ma sœur téléphone tous les jours que lui dire c’est si gentil mon fils vient toujours me voir quand il passe dans le quartier mon frère et ma belle-sœur ont un chalet en kit c’est bien agréable j’aime les réunions de famille, les grandes fêtes mais je préfère rester tranquille chez moi pour aller en Bretagne c’est loin bientôt je serai trop vieille ils pourraient prévenir quand ils viennent ils pourraient prévenir quand ils m’invitent je ne sais jamais où ils sont je ne sais jamais ce qu’ils font je ne sais jamais où sont les petits je ne sais jamais de quoi il est question je ne sais jamais ce qu’ils racontent je ne comprends rien, je ne vois rien je n’entends plus rien je ne veux surtout pas déranger je ne veux pas m’imposer je ne veux pas peser

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je suis bien là où je suis je n’ai besoin de personne je ne demande rien à personne c’est bien gentil la famille mais faut se les farcir c’est bien gentil la famille mais moi je leur dois rien c’est bien gentil la famille mais faut pas croire c’est pas eux qui paient c’est pas eux qui décident c’est pas eux qui veillent c’est encore moi la grand-mère c’est encore moi la mère c’est encore moi l’aînée c’est pas pour rien que je suis là où je suis c’est pas pour rien que je donne mon avis c’est pas pour rien qu’ils prennent des gants ils ne peuvent rien faire ils n’ont rien à dire personne ne les a appelés je claque des doigts ils sont là je baisse les yeux ils se taisent je peux dire ce que j’ai à dire je ne veux rien entendre je ne veux rien ajouter je sais ce qu’ils attendent E. Hirschowitz Eliane Hirschowitz, 76 ans, veuve sans enfant, pas de famille, pas de racines, pas d’appartenance. L’écriture.

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Le Doute

L’Espoir

Le Courage La Souffrance Je suis Marie Sophie Madiba, doctorante en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Lumière Lyon 2. J’ai 27 ans, et je suis de nationalité camerounaise. Je suis en France depuis deux ans. L’écriture pour moi est surtout un moyen d’expression, souvent thérapeutique aussi. Elle me permet souvent de ressortir les grandes notions que nous apprend la vie. J’écris et préfère très souvent écrire dans le registre de la souffrance parce que j’estime qu’il est riche et profond en idées. D’autres registres aussi permettent de ressentir et dire beaucoup de choses. Maintenant, j’ai décidé d’écrire sur l’espoir car il est le juste milieu entre la souffrance et l’achèvement. L’aventure de doctorant et celle de la vie nous enseigne que les difficultés mais aussi les joies sont continuelles. C’est pourquoi, au milieu de ce chemin de thésard qui me semble flou, tortueux quoique ouvert, j’ai envie de me dire et à tous : espoir et persévérance. L’espoir il est toujours là, il nous donne des signes, il frappe à notre porte, il passe par nos amis, nos souffrances, nos proches, nos expériences. C’est lui qui nous permet finalement de toujours repartir à nouveau. Oui il est toujours possible de poursuivre et achever ce que l’on a entrepris. Voici pour moi une photo illustrative. Il connaît les dangers, il sait qu’il peut essayer, alors il continue sa course parce qu’il a espéré pouvoir faire sa descente. Il y arrive. M.S. Madiba

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Le Rejet

Le cafard Le Cafard qu’on l’appelait. Son teint verdâtre. Sa taille et sa corpulence moyenne. Ses cheveux noirs et ses yeux sombres. Tout son visage inexpressif. Sa façon de traîner des pieds. Ses grandes mains sèches. Son dos voûté à cause de son vieux sac-à-dos rempli de manuels scolaires. Ce sac-à-dos multipoches, multifonctions, garanti dix ans, le sac-à-dos pratique. C’est ce qu’était le cafard comme on l’appelait. Cette accumulation de côtés négatifs de stéréotypes sans leurs côtés positifs. Des lunettes sans être intelligent, en survêtement sans être sportif, toujours assis sans un bruit au premier rang sans être réellement apprécié des professeurs. Mais ce qui le caractérisait encore plus, c’était ce qu’il n’était pas. Il n’était certainement pas coquet mais n’était pas négligé non plus. Il n’était ni beau, ni laid. Ni passionné, ni désintéressé. Il n’était pas drôle. Il ne faisait partie d’aucune minorité comme on dit. Il n’était ni noir, ni arabe, ni d’aucune autre origine qui lui vaudrait la protection d’organismes comme Touche pas à mon pote, faut croire que ce n’était pas un pote non plus. Il n’était ni riche ni pauvre, rien qui ne le rendait reconnaissable de ce point de vue là non plus. Il n’était ni un marginal, ni un artiste, ni même un penseur. Il n’était ni un génie, ni un fou. Il n’était pas heureux mais n’était pas malheureux ou en colère malgré les humiliations, mais ça ne le rendait pas courageux pour autant. Il ne souffrait pas tellement qu’il disait ou alors si, peut-être quand il cachait ce qu’il était — ou plutôt ce qu’il n’était pas — à ceux qui l’aimaient. M. Mateo Je m’appelle Marilyne. J’ai 21 ans, je suis de Lyon et je suis actuellement étudiante en M1 MEFSC à Lyon 2. Il s’agit d’un Master permettant la préparation au concours du CRPE. Dans le cadre de cette formation, j’ai eu la possibilité de choisir une option : l’atelier d’écriture. C’est ainsi que j’ai commencé à écrire quelques textes généralement sans lien entre eux dont « Le Cafard ».

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L’Humain Le Rejet L’Intuition La Recherche

Innommable Des bras, des jambes, une tête et quelque chose d’autre Deux globes, quatre orifices et quelque chose d’autre Impalpable, invisible, inaudible Est-ce semblable chez l’autre ? Floué, l’appel a perdu son hôte Depuis ce souffle meurt dans le vent du rejet La flamme s’éteint car le rejet est fort Aurais- je dû attentivement écouter ? Aurait-ce eu tort ? Mon intuition si belle, si vraie Je ne trouve pas quelque chose d’autre S. Mellikèche

Je suis passé par l’humain, le rejet, l’intuition et la recherche. Je conçois qu’il est difficile de retrouver clairement ces notions dans ce que j’ai écrit mais c’est simplement parce que je ne m’en suis qu’inspirée, j’ai laissé ces mots m’évoquer des choses.

Je suis née de l’amour, sortie du fond de la cave. Je grandis à Villeurbanne puis à Corbas. Je suis féminine de genre mais humaine de nature. On me nomme Sabrina Mellikèche le jour de ma naissance et l’on continue à m’appeler comme cela dix-huit années encore... J’écris pour la trace, pour la santé et le plaisir. Comment j’écris ? Un stylo en main et une feuille de papier sous le yeux. Il n’y a aucun mystère. De quoi je parle ? Cela est mystère. Cela est tout aussi étrange que le chemin pour le fond de la cave. Les voix sont-elles impénétrables quand les écrits sont lisibles ? 30


La Distance

Entre eux elle sépare. Lie et, la fois, déchire Ce n’est pas juste, il le sait, elle l’admet. De multiples routes se croisent, s’entremêlent et s’éloignent. Comme Eux, qui un jour étaient liés, avant de s’éloigner. Des chemins qui divergent, se rejoignent et puis, se perdent. elle est là, entre Eux, tapie dans l’ombre des paysages, au cœur des heures, dans la moindre pensée… le moindre mot. Partout. Toujours. Il pense, souffre et survit grâce à elle. elle lui fait mal, attise ses songes et brûle son âme. Lui fait découvrir qui il est réellement, ses sentiments. Depuis, la fin, Son départ... elle est là, constante. Oppressante présence. elle n’est pourtant que de la terre au soleil, que, des étoiles à la mer… Et représente ce qu’il ne peut combler. L’autre rive est juste là, tout près. Il suffit de traverser, Elle est juste là… de l’autre côté, partie mais présente. Et elle, entre eux qu’il ne peut effacer. Incessante. Infinie, quand il lui faudrait faire un pas. Pas qui l’entraîne, et l’éloigne mais d’ Elle, le rapproche. Et enfin, elle n’est plus. Retrouvés, il ne reste qu’ Eux. S. Mourtialon

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Le Doute Le Temps

Les Actes L’Humanité

Ce qui est fait est fait. Il suffit d’une unique seconde Et voilà, tu vois, c’est passé Alors rien n’est plus ton présent, et, ce n’est plus fait. Ça l’a été, et là, maintenant, Tu ne peux plus recommencer. Ni oublier. Et tu ne peux croire que c’est sans conséquences car, qu’en sais-tu ? L’instant s’est envolé, pourtant, Ce n’est pas terminé. Et jamais, tu sais, car rien, jamais ne reste sans effets. C’est fait, c’est passé. Mais non, pas oublier Le mal causé pour toi est terminé. Instants achevés Mais elle tu l’oublies. ce que tu ne peux réparer. Elle pleure. Ne t’en veux pas malgré tout. Sur ton obscur chemin, tu n’y voyais plus Elle t’a aidé, infime lueur Retrouvée tu ne t’en es plus soucié. Non, tu sais toujours pas : elle ne te déteste pas. Ça fait partie d’elle, partie de toi, C’est ça, la condition Le fruit même de son être, et du tien. Ce qui la ronge, ce qui te blesse. Cette main tendue… Ce que tu laisses et ce qu’elle croie. Humanité. S. Mourtialon Shalane Mourtialon, 18 ans, je participe à l’Atelier d’écriture de Lyon 2.

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La Souffrance Le Besoin

Les Rencontres

L’Espoir

Vivre Souffrance. Ce mot résonne dans son esprit, son cœur et chaque fibre de son corps. Tout est noir autour d’elle, elle ne voit rien, n’entend rien. Il n’y a plus que cette souffrance assourdissante qui s’est emparée de son être. Sa respiration se fait courte, les battements de son cœur résonnent à ses oreilles. Il lui faut de l’air. La jeune fille s’avance dans la pièce sombre. Non, elle n’avance pas. Elle lutte. Elle lutte pour ramper sur le sol froid et dur, s’épuisant un peu plus à chaque mouvement. Sa main heurte un mur le long duquel elle tâtonne frénétiquement, guidée par ce besoin impérieux d’oxygène et de lumière. Enfin, ses doigts effleurent une poignée. Elle l’actionne et parvient à se hisser sur ses jambes tremblantes, son corps reposant sur le battant de la porte. La lumière soudaine qui émerge de l’extérieur l’aveugle. Elle ne parvient pas à distinguer quoi que ce soit mais elle entend des voix autour d’elle. Des voix qui réchauffent son cœur et son corps. Des voix qui murmurent chantent, parlent, rient. Elle perçoit aussi des mélodies qui semblent s’échapper des arbres quand, soudain, une bourrasque de vent fait onduler les branches et s’envoler un nuage d’oiseaux. Au loin, le roulement des vagues s’écrasant sur la plage se mêle au murmure des conversations. Et comme sa tête se remplit de ces sons plein de vie, un voile se lève petit à petit de ses yeux, lui laissant deviner des formes et des couleurs. Le bleu du ciel va jusqu’à se confondre avec l’indigo de la mer et un sable blanc recouvre le sol. Les feuilles d’un vert éclatant se découpent au-dessus de sa tête en une ramure qui paraît avoir été créée pour la protéger. Sur sa droite, près de l’eau, des formes colorées s’agitent. L’air embaume le sel marin. Puis le vent tourne et le parfum délicat des fleurs lui caresse les narines. Alors qu’elle reste là, figée contre la porte froide, elle prend conscience que ses sens s’éveillent lentement, sollicités par une multitude de sen33


teurs, d’images et de sons. Puis, comme sortie tout droit d’un rêve, une main se tend devant elle. Une main à la peau basanée, à la paume un peu rugueuse, mais une main si chaude que les doigts glacés de la jeune fille pourraient fondre à son contact. Saisissant cette main amicale, la jeune fille se laisse guider. Avançant précautionneusement dans le sable tiède, elle ressent une étrange mais agréable sensation. Marcher ne lui paraît plus être un acte éprouvant maintenant qu’elle est sortie de cette pièce obscure. Ses gestes se font moins fébriles, plus assurés. Au bout d’un moment dont elle ne saurait dire s’il a duré une minute ou vingt, elle sent du mouvement tout près d’elle. Ces formes colorées qui s’agitaient, ce sont des enfants, des vieillards, des femmes, des hommes, tous réunis autour d’un feu écarlate et vêtus de tissus bariolés. Certains l’observent posément, comme s’ils pouvaient connaître son passé, ses rêves, ses souffrances et ses espérances, cerner sa personne toute entière en un seul regard. La jeune fille, déconcertée par ce qui l’entoure se laisse tomber dans le sable, la main rugueuse toujours dans la sienne. Elle remonte les yeux sur un bras à la peau hâlée et aux veines saillantes, précédé par des épaules musclées. Puis, elle lève complètement la tête et voit le visage de son guide. Au-dessus d’elle se tient un homme d’une trentaine d’années. Sa bouche s’étire en un sourire bienveillant, faisant naître des rides aux coins de ses yeux. Des yeux presque aussi sombres que ses cheveux d’un noir d’ébène. Mais ce noir-là n’a rien de menaçant. Au contraire, elle n’y voit que le pâle reflet de cette souffrance intenable qui la dominait, un reflet qui s’estompe et lui laisse espérer que la lutte est terminée, que le mal va la quitter. Au milieu de ces visages rayonnants et apaisés, loin de cette pièce froide et obscure, face à l’horizon qui s’étend devant elle, la douleur se tait et l’espoir apparaît. A. Mousset

Pour écrire ce texte j’ai suivi le parcours d’idées incluant les notions de souffrance, besoin, rencontres et espoir. Je ne sais pas si l’idée du besoin apparait clairement dans mon texte, mais elle a en tous cas participé à guider mon écriture.

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Le Doute Combat Je ne sais rien, je ne sais plus. Tout s’effondre autour de moi, tout ce en quoi je croyais, tout ce pourquoi je me battais, plus rien ne fait sens. Je ne sais plus ce que je veux, je ne sais plus où je vais, je ne sais plus ce que m’anime. Je me sens perdue. Perdue au milieu d’un océan aux eaux troubles et tumultueuses, à moins qu’elles ne soient plates et mornes. C’est comme si je ne savais pas même ce que je ressentais, comme si toute sensibilité m’avait quittée. Le doute s’est installé et a tout fait basculé. Sans savoir d’où il vient ni ce qui l’a amené, je peux le sentir à mes côtés, il me suit dans tout ce que je fais, efface mes repères et mes certitudes. Alors j’avance en suivant le mouvement de la foule, incapable de me détacher, de trouver mon propre élan. La vie autour de moi m’apparaît fade et dépourvue de sens. À quoi bon vivre, aimer, écrire ? À quoi bon parler, échanger, rêver ? Mes sens sont fermés au monde devenu une simple coquille vide. Une vie toute tracée se dessine devant moi, une vie qui m’horrifie et ne m’inspire que du dégoût, une vie que je veux repousser sans savoir comment faire. Car je veux un chemin inconnu et sinueux, une route où tout reste à découvrir et à bâtir, je veux des dangers, des peurs, des espoirs, des rencontres, des chutes, des transports. Je veux me sentir vivante. Mais il y a ces doutes, freins de mon esprit qui m’empêchent de m’élever. Ils sont des barrières que je dois détruire ou franchir. Ils sont comme un virus s’insinuant lentement dans chaque fibre de mon être, me contaminant un peu plus chaque jour, et le seul remède que je possède est mon esprit. Un esprit qui se cultive, s’aiguise et se renforce. Alors je sais qu’un jour le doute me quittera, un jour quelque chose de plus fort et de plus grand le remplacera, un sentiment, une certitude qui me guidera et me soutiendra. Une certitude que je porterai au plus profond de moi comme un talisman, un secret, qui me poussera et chassera la torpeur dans laquelle je m’enfonce. Je chérirai cette certitude pour qu’elle me porte et m’inspire, jusqu’à ce qu’à nouveau un doute s’immisce et que le combat recommence. Le cycle de la vie. A. Mousset Je m’appelle Alice et j’ai tout juste 18 ans. J’étudie l’espagnol à Lyon, mais je viens d’un petit village perché près du lac d’Annecy. Pour moi écrire est une merveilleuse forme d’expression, un plaisir unique, un rêve sur papier. 35


La Ville

La cité Quatre feux dos à dos Deux rues qui se déchirent Rouge Un phare brisé sur le bitume Une silhouette est dessinée À la craie Les tours ont des reflets bleutés Là-haut, un laveur de vitre S’est encordé À la terrasse du café, minuscule, Un vieillard replié Dort Sur le trottoir, tout à côté Un mendiant fait tinter sa sébile Et marmonne Passent le coup de feu de midi La sortie de l’école Les jeux dans le parc Les vendeurs de shit La soirée télé L’heure où l’on sort les chiens La nuit en pointillé Quelques fenêtres allumées Ont perdu le sommeil

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À l’aube une sirène Flics ou pompiers Qui sait ? P. Pellerin

Je suis parti de « La Ville » sur la carte du Festival des idées. Ville => Cité => Gennevilliers où j’ai travaillé autrefois avec des animateurs « en pied d’immeuble », et où, lors d’un travail en atelier d’écriture avec des enfants j’ai écrit (après avoir été témoin d’un accident) les trois premières lignes de ce texte, début, jamais poursuivi d’autre chose mais quoi ? Cette phrase m’est revenue, avec curieusement le souvenir d’un dessin de Sempé (expo vue l’année dernière), un café minuscule entre des tours immenses, des gens affairés et indifférents et, au milieu, un point rouge dont j’ai fait une tache de sang.

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Les Révolutions

QU’Y A-T-IL ? Premièrement : Il y a beaucoup de mérite à épouser les révolutions plus jeunes que soi Le trouble, le doute, les crises, les discours, les questions, les conquêtes, Il y a beaucoup de mérite à épouser les révolutions Il y a beaucoup de mérite Sans compter les emmerdements. Deuxièmement : Il y a beaucoup de mérite à épouser des idées plus vieilles que soi Les valeurs, l’éthique, l’initiative, la créativité, l’art, Il y a beaucoup de mérite à épouser les idées Il y a beaucoup de mérite Sans compter qu’il y a des emmerdements. Troisièmement : Il y a beaucoup de mérite à épouser la révolution des idées Et les idées de révolution Sans parler de la démocratie Il y a beaucoup d’emmerdements P. Pellerin

(Librement inspiré du poème éponyme de Boris Vian, extrait de En avant la zizique)

Patrick Pellerin, 62 ans, je participe aux ateliers de l’association E dans A. J’exerce par ailleurs l’activité de conseil en écriture professionnelle et privée — écrivain public.

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L’Histoire

Le Besoin

Le Courage

Histoire et histoire L’Histoire est l’ombre qui nous guette dans les recoins d’une église, d’un cinéma, qui foule avec nous le goudron du trottoir, qui se glisse dans les pelures d’oranges venues d’Afrique et nous murmure impitoyablement à l’oreille… L’Histoire est partout, et pas forcément comme on s’y attendrait ! Elle n’a pas toujours cette forme vétuste et inquiétante… On baigne dedans dès notre plus tendre enfance. Oui, oui, comme dans un bon bain moussant qui nous engloutit tout entier ! Mon plus lointain souvenir, c’est mon grand-père qui me parlait de lui, de la Guerre…. l’Histoire quoi ! Ma grand-mère aussi… dans un style complètement différent, elle. Pendant longtemps je l’ai crue quand elle me racontait qu’elle était de l’époque des dinosaures ! Et de toute façon, pas de place au doute… Exaltée, elle me décrivait jusqu’au moindre détail les ruses et le courage qu’elle devait déployer pour passer devant une mère carnassière couvant ses œufs ou pour aller piquer de la viande fraîche aux grands fauves cornus, ancêtres de nos lions aujourd’hui. D’ailleurs, elle-même ne pouvait s’empêcher de proclamer à la fin de chaque histoire, d’une voix gourmande, que décidément la vie était bien plus palpitante alors ! Je reconnais que la rengaine métro-trambus tous les jours n’amène pas les péripéties extraordinaires qui nous transcenderaient à la conquête du courage ! Quoique… L’autre jour, dans le métro justement, un gars a débarqué avec un couteau qu’il a sorti de sa veste. Un fou, quoi… comme on peut en trouver aujourd’hui à tous les coins de rues… Il a commencé à menacer une dame et lui a volé son sac. Ca s’est passé tellement vite que personne n’a eu le temps de crier. Si ça m’était arrivé, je ne me serais pas laissée faire ! J’aurais agrippé mon sac, lui aurais donné un coup de pied dans l’entre-jambe et après une lutte héroïque où j’aurais prouvé mon courage, il m’aurait poignardée. Et je serais morte. Morte en héros, immortalisée dans la 39


gloire, comme Achille dont le nom a traversé les siècles même s’il est mort bêtement par son talon ! Vous pensez que mes enfants me croiront si je leur raconte ça ? Evidemment il faudra rajouter quelques détails croustillants… Je brosserai un tableau de guerre civile, où tout est à feu et à sang, où c’est chacun pour sa peau… Enfin le problème dans cette histoire, c’est que je meurs à la fin… vive la crédibilité ! E. Perret Esther Perret, 20 ans, je participe à l’Atelier d’écriture de Lyon 3.

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Les Gens

Je l’ai tout de suite vu dans ses yeux quand elle est rentrée, Recroquevillée, à ne pas savoir où s’installer. Je l’ai remarquée à plusieurs reprises, pressée, à courir, A deux doigts de faire une crise. Je l’ai longtemps regardé ce grincheux en face de moi, Soupirant toutes les quatre minutes si ce n’est pas trois. Je ne l’avais pas vue cette petite fille avec sa mère, Elle pleurait son jouet cassé qu’elle venait de jeter en l’air. Je l’ai suivi du regard ce vieillard fatigué, usé par l’âge, A essayer de comprendre le fonctionnement des allées de gare. Je l’avais déjà vue cette fille assise en face de moi, Qui tout comme moi passe tout son temps, A observer et à se demander « Mais qui sont donc tous ces gens ? » A. Pierret

Parce qu’observer c’est appréhender, comprendre, respecter, apprendre, apprécier, oublier. Observer le silence.

Adèle Pierret Pierre et Adèle, étudiante à Lyon 2, 22 ans.

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L’Humain

Il l’a aperçu(e). Il l’a vu(e). Il l’a regardé(e). Il s’est demandé ce qu’elle, ce qu’il regardait. Il lui a demandé ce qu’elle, ce qu’il regardait. Elle et lui ont rétorqué : « rien ». Ils ont parlé longtemps et se sont regardés. Sa main a touché ses cheveux, il s’est excusé poliment et s’est demandé ce qu’elle pensait, ce qu’il pensait. Il est parti. Ça, c’était Lundi. Mardi il l’a aperçu(e), cet(te) autre. Il l’a vu(e) puis regardé(e). Ils ont parlé. Ils se sont plu et se sont quittés. Mardi soir on l’a appelé. Celle, celui du Lundi. Il a dit « oui » et l’a rejoint. Ils se sont regardés, ont parlé, l’un d’eux est tombé, s’est excusé poliment puis s’est relevé. Ils se sont suivis, il, elle lui a parlé, lui a dit « viens chez moi. S’il te plaît viens chez moi ». Il l’a suivi(e). Mercredi, une, un autre l’a aperçu, l’a regardé lui a parlé. Il ne l’a pas suivi(e). Il n’en avait pas l’envie. Il ou elle, ils étaient moches tous les deux. Mercredi soir, ceux du Mardi l’ont appelé. Il a dit « oui » et les a suivis. Ils ont fait l’amour. Mais pas le Jeudi, non pas le Jeudi parce que Jeudi il y avait cet(te) autre du Lundi. Ils ont parlé, sans se regarder, parce que le Jeudi il l’a décidé, il n’aime pas regarder. Alors il a bu, quelque chose de bon de mauvais, de l’alcool ! Puis Vendredi, ah Vendredi ! Belle journée où il a entendu dire que ceux du Mardi allaient venir aussi, le voir lui. Et ils sont venus ceux du Mardi. Ils sont venus Vendredi. Ils l’ont appelé il a répondu « oui ? », puis il les a suivis. Il est tombé. Encore. Mais il s’est relevé, il s’est très bien relevé. Ça n’était pas ridicule, car il ne l’est pas, ridicule, il l’a décidé. Samedi rien. Rien parce que Samedi il n’y avait rien à faire. Il a parlé anglais, parce qu’il sait parler la langue anglaise. Il est d’ailleurs plutôt bon. Ça c’était Samedi. Vous me demandez ? Ah vous me demandez s’il a parlé seul ? Oui. Qu’y a-t-il de mal à cela ? On le fait tous. Tout le monde le fait. Oui tout le monde le fait voyons. Surtout lui parce que lui le Dimanche, il dort. Il dort parce qu’il est fatigué. Il est fatigué parce que cette semaine il

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a vu le monde et il se calme. Il se repose maintenant, parce qu’après tout, il est Humain. M. Richin

Parcours d’idées : C’est la naissance d’un être Humain, d’un Humain. D’abord il n’a pas de sexe, il est n’importe qui, il est un homme ou une femme. Puis il rencontre la vie, les gens, il goûte aux vices et aux plaisirs qui l’entourent. Il échoue, il tombe et se relève, il vit. Il se développe de jours en jours comme la genèse écrit l’histoire de la création du Monde en sept journées. Et ce dimanche enfin, il meurt, ou bien il vit, car enfin on découvre qu’il est l’ « Humain », et que cet humain-là, c’est un garçon.

Mathilde Richin. Étudiante à l’Université Lumière Lyon 2. Ai obtenu une licence de lettres modernes. Ai presque obtenu une licence d’Art du spectacle Scène. Ai pour projet de l’obtenir cette licence. Ai écrit une pièce terminée, une pièce en construction bientôt terminée. Ai toujours aimé les mots, ai couvert des centaines de feuilles de papier et en ai jeté beaucoup. Etudiante en master enseignement. A 21 ans. Bientôt je serai maîtresse, et j’écrirai toujours.

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Le Malaise

Le Rejet

La Sécurité

De quoi rêvait-il ? Ce fut un jeudi. Il se leva comme à son habitude, avant le reste de la famille ; il observa sa femme couchée là à ses côtés, prenant une place plus conséquente que d’habitude ; ou est-ce lui, ce matin-là, qui la trouva plus encombrante que les autres jours ? Il alla dans le salon, prévenant — autant qu’il le pouvait — le bruit de ses pas ; allégeant le poids de son corps pour éviter d’avoir le pied trop lourd. Il tenait à ce moment de solitude, chaque matin lorsque le soleil était encore bas et que le silence l’engloutissait sans lutte ; il tenait trop à cet instant de répit pour pouvoir supporter le cri de ses enfants et les plaintes de sa femme avec une heure d’avance. Et c’est là qu’il comprit. Cela faisait déjà plusieurs mois qu’il le sentait, qu’il en était persuadé, il avait réussi à cohabiter avec ce sentiment de malaise et de mal-être permanent, en tout cas il s’en était cru capable... Mais pour combien de temps ? Le mal se réveilla, ce jeudi-là, et il devint insupportable. Ce que l’homme voulait c’était tout laisser tomber, prendre ses affaires — ou ne rien prendre du tout — et s’en aller. Sans explications, sans petit mot laissé sur le frigo, sans lettres baignées de larmes, sans signature précédée d’un adieu, sans excuses, sans faux regrets... Seulement se volatiliser, disparaitre complètement et définitivement de la surface du globe, ne rien laisser derrière lui, pas même les traces de pas abandonnées au cours de sa vie. Il voulait un nouveau quotidien, une nouvelle routine, peu importe qu’elle soit encore plus ennuyeuse ou point par point différente à celle dont il rêvait, et d’ailleurs... de quoi rêvait-il ? Cela faisait maintenant bien longtemps qu’il n’avait plus d’objectifs, plus de rêves, plus de ligne d’horizon ni de panneaux de direction. Il voulait se retrouver seul, ne devant s’occuper de personne d’autre que de lui-même, sans aider le 44


petit dernier à faire ses devoirs, sans porter les courses de sa femme en voyant qu’elle appelait à l’aide sous leur poids ; il aurait même plutôt préféré qu’elle disparaisse sous ces sacs en papier, elle et la routine abrutissante qu’ils avaient bâtie et alimentée ensemble. Il ne trouvait plus sa place dans ce bal superficiel : le masque qu’il portait le gênait, le costume devenait trop lourd, la musique trop forte, et les sourires trop faux. Il prit sa valise, la plus vieille, celle ayant accumulée le plus de souvenirs de famille, des souvenirs qu’ils n’avaient jamais trouvés ni transcendants ni vraiment heureux... Il ajouta, sans faire de bruit, les quelques affaires qui lui passaient sous la main, laissa dans la penderie son costume — de travail ou de bal, il ne savait plus trop — et quitta la maison, le foyer qu’il avait mis trois ans à construire avec sa femme, celle qui dormait encore à l’étage. Sans adieux, sans regrets, il partit. Uniquement le bruit de la valise tombée au dernier moment, quelques secondes avant le départ. Il s’en alla, là où il pensait être le plus en sécurité, là où personne ne le trouverait : dans la Mort. L. Robert

Je m’appelle Léna Robert et j’ai 18 ans, je suis dans la filière Lettres Appliquées pour ma première année, je participe à l’Atelier d’écriture de Lyon 2 et suis passionnée de littérature, d’écriture, et d’arts en tout genres.

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La Technologie

Les Neurosciences Le Dialogue

Les Langues Le Malaise

Tablettes et céphalopodes Les nouveaux moyens de communication sont de plus en plus performants mais favorisent-ils pour autant les rapprochements ? Au vu de personnes se connaissant qui, côte à côte sans se parler, sont en lien avec d’autres par le biais de leur ordiphone, l’on peut s’interroger. L’on pourrait dire que cette façon d’opérer rapproche les individus éloignés tout en éloignant ceux qui proches peuvent communiquer de vive voix. Où se trouve le progrès et n’y a-t-il pas complications dans les liaisons comme, à une autre époque des débuts de la téléphonie, de la friture sur la ligne ? Ne cherche-t-on pas à noyer le poisson à des fins purement mercantiles (le commerce pouvant rapprocher les peuples tout en les séparant) — après l’automobile qui rapproche les êtres dans l’espace tout en les isolant dans une bulle, l’ordiphone, nouvelle vache à lait et nouvelle bulle ? Et est-ce le cas de toutes les nouvelles technologies appliquées aux communications verbales comme à la diffusion des textes que l’on entend comprimer dans des tablettes numériques, que l’on effleure du doigt et sans approfondir probablement étant donné la vitesse de consultation et le zapping inhérent, tablettes qui rappellent celles en argile de l’antiquité qui proposaient une capacité de stockage moindre mais avaient l’avantage de durer plus longtemps, après avoir été séchées ou cuites, que nos disques durs actuels. Quel progrès dans la pratique du SMS ou texto qui contracte le langage et tend à le ramener à un état proche des origines soit sous la forme de monosyllabes ou suites phonétiques de consonnes ? Vat-on perdre la mémoire pour l’avoir confiée à des machines dont la durée de stockage des informations est incertaine ? L’on déchiffre encore des documents sur des supports divers vieux de plusieurs millénaires alors que certains seulement âgés de quelques dizaines d’années ne peuvent plus être lus par les machines les plus récentes. L’Âge numérique n’est-il 46


pas celui d’une nouvelle tour de Babel ?... Alors que le fonctionnement de nos ordinateurs s’améliore de plus en plus, de nouvelles découvertes se font dans le domaine des neurosciences avec lesquelles nous appréhendons de mieux en mieux la complexité de nos cerveaux qui ont mis au point ces machines rivalisant désormais avec eux. La question est : le progrès des machines améliore-til les performances du cerveau humain ? ; en clair est-ce l’homme qui fait l’outil ou l’outil qui fait l’homme ? Pour l’heure nous communiquons avec les ordinateurs à l’aide d’un langage codé. Quels rapports aurons-nous avec ces derniers lorsque la communication pourra se faire directement à l’aide de nos propres langages ou alors ces nouvelles machines vont-elles finir par nous imposer leur langage (à l’image de celui des texto) qui supplantera le nôtre, langage international où il ne sera plus question d’une quelconque suprématie de l’anglais ou du chinois ? Les dialogues entre machines et humains seront-ils confondus en un néo sabir qui abolira toutes les frontières pour créer un nouveau malaise dans nos civilisations avancées ? ; un monde d’homo computers et « d’ordinoïdes » ? Malaise d’autant plus grand si l’on envisage une mutation inévitable de l’humanité. En effet, si les performances grandissantes des ordinateurs se sont accompagnées d’une miniaturisation et par là même d’une réduction considérable de leur super structure (hardware), la morphologie de l’homme n’a pratiquement pas changé (une structure archaïque, squelette osseux promis à l’arthrose et fractures diverses) alors que les performances de son cerveau ont évolué dans de nombreux domaines. Une mutation pourrait se produire avec une vie sous la mer (suite à une dévastation de la surface terrestre par exemple) ou en apesanteur sur d’autres planètes colonisées et l’humanité entière se transformera-t-elle en une sorte de poulpe (un super cerveau dans une grosse tête sans aspérités munie de tentacules multitâches bien pratiques pour effleurer les tablettes numériques à écrans tactiles !). L’on peut toujours se consoler de cette perspective en songeant que les céphalopodes octopodes sont de gros producteurs d’encre et qu’avec une écriture à huit mains le livre n’est pas mort !! Fr. Robin François Robin, 59 ans, né à Châtillon/Indre (36), autodidacte pluridisciplinaire et amateur de bons mots. Pratique l’écriture en dilettante et régulièrement depuis la trentaine à travers notamment la correspondance et l’atelier.

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La Légèreté Le Rejet Le Processus

Le festival des idées J’ai pensé tout de suite à une pub de parfum Kenzo Flower, où la protagoniste est dans un champ, les fleurs volent autour d’elle, emportées par le vent, sa jupe s’arrondit… On a envie de rester devant cette belle apparition, mais c’est déjà fini. Légèreté Il l’a voit, sa robe vole. Les froufrous autour d’elle forment une corolle. Si le vent était tombé, il ne l’aurait pas vue mais le vent est joueur. Les souffles lui donnent presque vie, la lumière l’éblouit et, bientôt, un sombre nuage la replonge dans l’oubli. Chaque partie de son corps semble pouvoir s’arracher du sol comme s’il voulait partir, loin. Ou retourner, peut-être, dans son monde originel : le ciel et l’air. Il se demande comment un être de la terre, lourd, comme lui, peut tomber amoureux d’une plume, d’un oiseau, d’une feuille. Cette absence de poids est divine et le ravit. Le vent tombe, l’instant est passé. Amour d’un ver pour une fleur Le rejet comme objet poétique, qui casse la phrase, créant un contre rythme un peu anti naturel. Rejet Il ne pense Pas, il oublie 48


Ce qui lui Fait envie… Processus d’apprentissage, de découverte, de l’écriture, tout est question de chemins sur lesquels il est conseillé de se perdre pour mieux approcher le but. Processus donc. Processus - Tu sais Edith, j’ai souvent pensé que peu importe où l’on va, d’où on vient, ce qui compte c’est le chemin. Comme quand ton corps prend le relais de la pensée car il a gardé en mémoire le processus, le trajet. Petit à petit cela s’inscrit en nous et quand c’est fait, c’est fini ! Plus de travail, juste le parcours… - Oui, oui… Mais je ne suis pas sûre que tu aies besoin d’aller jusque là pour m’expliquer ce mouvement. Il faut toujours que tu compliques…! A. Rodier

Agnès Rodier, étudiante, 23 ans.

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L’Éthique La Politique

De l’éthique en politique Éthique et politique, Ça sent le comique, Parfois même le tragique… Et pourtant avec la clique, Ils continuent leur politique, Avec leurs beaux discours, Leur langue de bois, Et leur grosse voix, Au secours ! E. Sergent

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L’Argent

L’argent nous tient ! Argent maître du monde, Tu nous tiens et nous inondes, Et le monde en son sein Te tient pour sain. Malheureusement, Après mille ans, Tu l’as détruit Et perverti. Histoire tragique, Mais authentique, L’argent tient le monde Monde immonde! E. Sergent

Eric Sergent, 18 ans passés Je viens de cette belle région qu’est la Bourgogne, souvent source de mon inspiration. J’écris beaucoup et très souvent. C’est dans l’écriture que je trouve plénitude et sérénité. L’écriture comme échappatoire et moyen d’évasion… Tout chez moi se traduit par des mots, c’est une nécessité !

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Les Artistes

Le Temps

Vous avez dit « artistes » ? Ils sont cinq, souriants et remplis de fierté défilant en photos sur le blog devant l’affiche de leur dernier concert, une main posée sur la carrosserie de leur dernière acquisition, un camion. Un combi WW hors d’âge, une « affaire » indispensable à la réussite de leur tournée d’été. Départ de Lyon fin juin le coffre plein à craquer : butagaz, duvets, amplis, micros et instruments, lunettes noires et chapeaux de paille… Les revoilà, quinze jours plus tard, un peu désenchantés dans une vieille Nevada qu’un copain leur a prêtée. La contrebasse entre les jambes, ils ont dû se délester d’un peu de matériel, abandonner quelques amplis — ils feront plus d’acoustique — et adopter le camping à la belle étoile en rond autour de la voiture. La première semaine à Annecy s’est montrée positive ; des emplacements intéressants, un public discipliné et pas trop désargenté qui lâche facilement un billet de 10 pour un CD. Alors les rêves se bousculent : un nouvel ampli, la location d’une salle d’enregistrement pour le prochain opus, le quatrième déjà, des engagements pour deux festivals régionaux, l’embellie, jusqu’au … joint de culasse ! Plongée immédiate dans la galère. Hébergement provisoire et tournée en rade, dates de concert à renégocier si possible, ordinaire revu à la baisse. Pas facile, la vie d’artiste. A 19, 20, 21 et jusqu’à 25 ans, on digère les petits aléas assez vite. Chez les zicos, les associations se font et se défont, au gré des rencontres, des amitiés. On rebondit, on monte un nouveau groupe, un quartet cette fois, on squatte un temps chez un pote ou une copine sympa. Il faut avancer sans se retourner, se remettre en question sans arrêt, se renouveler et s’investir dans la dynamique du groupe, parfois le porter à bout de bras. Et puis le temps passe… On arrive à 30 ans, on a envie de se poser, d’habiter chez soi, de connaître 52


l’indépendance, la vraie. De s’installer avec sa copine qui finit ses études. Les certitudes sont un peu ébranlées. On voudrait savoir si on a fait le bon choix, au bon moment. On a toujours le temps mais quand même, ne faudrait-il pas changer de cap, prendre à contre cœur un job alimentaire ? Pourtant la musique leur colle aux tripes, indispensable. Il naît des moments uniques quand deux instruments se rapprochent, se confondent, se portent et se répondent, côte à côte, pour affûter leur duo. Quand les joues sont creusées, les souffles courts entre chaque reprise et que chacun se berce dans son écoute, dans un balancement singulier de la tête ou du corps, jouant un ballet de pas comptés sur le côté, ou piétinant sur le tempo. Quand leur concentration se manifeste dans leur rictus, lèvres avalées, yeux fermés sous leurs paupières serrées. Quand au sol, s’égouttent visages et pavillons. Ces moments - là tissent les liens que la vie n’aura de cesse de distendre et de briser Mais ils sont tous persuadés qu’il n’y a pas d’alternative. Plus le temps de se poser d’autres questions… D. Soulas

Trajectoire autour du temps et des artistes avec en filigrane enthousiasme, espoir, dynamique et certitude.

Dominique Soulas, j’ai 61 ans et je participe à plusieurs ateliers d’écriture dont celui animé par Marie-Lise, «E dans l’A». Au sein de cet atelier j’ai appris comment un lectorat réactif est important dans la motivation à l’écriture, j’ai appris aussi comment accueillir un texte.

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L’Accueil L’Amitié Ateliers d’écriture « E dans A »

chemineau ouvert le jour ouvert la nuit ouvert à tous le cœur ouvert

à la même table assis en rond chacun trinquant dans son jargon

je te tends la main tu me tends ta peine je soigne ton cœur tu sais tant de choses j'ai tant à apprendre

bienvenue chemineau pose ton paquetage viens délasser ton dos libère tes souliers soigne ton chien fourbu et ton corps fatigué

qu'importe d'où tu viens tu es ici chez toi tous les pays du monde ont de la place ici recherchant le bonheur sur les mêmes chemins

la musique apaisante le parfum des délices la lumière chez moi qui repose et conforte c'est l'ami inconnu passant qui les apporte J. Strobel

Jacques Strobel, ancien cadre de l’industrie, passionné d’humanisme et de rencontres, partage son temps entre le bénévolat social, les voyages et l’écriture. Il vit et travaille en région lyonnaise. Jacques Strobel 54


Les Gens

Le Trouble

Les Neurosciences La Dynamique

La Légèreté

L’Individu Les Moteurs La Confrontation

Le Besoin Le Doute

Le Débat Les Certitudes Le Jeu L’Impertinence Le Réel

CUBA Il n’était pas certain de ce qu’il voyait. Ses yeux restés trop longtemps fermés, la faible lueur verdâtre de l’ampoule en fin de vie, la condensation déposant sur la glace ses petites gouttelettes de buée... Il n’était pas certain de ce qu’il voyait. Etait-ce son visage ? Ou bien était-ce celui de... l’Autre ? Etait-ce bien sa bouche, ses yeux, son nez, ou bien était-ce ceux de l’autre ? Son trouble augmenta encore lorsqu’après un dernier crépitement l’ampoule rendit l’âme, s’éteignit. Il ne distinguait plus qu’à peine une ombre, une silhouette, une présence... Comme il ne pouvait plus rien, il hurla. Cinq personnes accoururent de la pièce d’à côté. Il perdit connaissance au milieu de tous ces gens qui s’activaient autour de lui. Il se réveilla dans un lit, le Professeur Albert était à ses côtés. − Alors? demanda-t-il difficilement. − Le test a extrêmement bien fonctionné! Les résultats sont étonnants! Patrick, vous faites un excellent cobaye! Bien sûr, les données transmises par les électrodes sont encore sujettes à débat, mais toute l’équipe travaille ardemment à leur éclaircissement. D’ici une semaine ou deux, si l’on reste dans cette dynamique, nous devrions pouvoir déjà affirmer deux ou trois réponses qui feront frémir, je l’espère, la plupart de nos contempteurs ! Ha ! Ha ! Ha ! Il rit d’un rire gras, brossant son épaisse moustache avec son auriculaire gauche et caressant la plus basse de ses ceintures de graisse abdo55


minale de sa main droite. Sa bonhommie, accentuée par la rondeur de sa face et la rougeur de son teint, finissait par lasser Patrick. − Et quand pourrais-je rentrer chez moi? − Oh! D’ici une heure, il n’y aura plus trace du produit dans votre corps. Je vais signer l’autorisation de sortie. D’ici deux ou trois heures, vous serez chez vous, ne vous en faites pas! Il se leva, toucha son nez, pointa un index en direction de son cobaye puis l’autre vers le ciel, s’immobilisa ainsi dans la pose choisie et continua : − Patrick! Une chose est certaine : dans un mois, le monde entier saura votre nom et vous recevrez tous les honneurs de la communauté. J’y veillerai personnellement, je vous le garantis! Patrick finit par sortir de l’I. d. N.* léger et content, satisfait. Il se disait qu’après tout, il avait bien fait. Ce choix était le bon. Et tout bien considéré, le risque n’avait pas été grand finalement. Et puisque tout s’était bien passé... Le jeu en valait la chandelle. 30 000 euros en poche, son portrait dans tous les magazines scientifiques, son nom circulant dans tous les couloirs des laboratoires de recherche... Les malades, guéris, lui feraient des dons. Il serait enfin libre pour ses propres travaux, il aurait tous les fonds, tout le matériel et tout le personnel nécessaires. Il se voyait déjà à l’abri de tout besoin, et, vingt ans plus tard, sur une plage, entouré des plus belles femmes de la planète, le plus gros et le plus cher des cigares de Cuba dans la bouche... Il arriva chez lui, convaincu de sa grandeur, persuadé de sa toutepuissance. Se fit couler un bain, voulut s’admirer dans la glace. Le visage du Professeur Albert lui souriait. L. Tanoh

* Institut de Neurosciences

Lucile, 23 ans, j’aurais aimé être cosmonaute, exploratrice, aventurière, détective, une (super-)héroïne de roman, remplir des missions très compliquées, résoudre des mystères, alors j’écris, parfois.

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Le Courage

Courage De la fenêtre de la cuisine, elle le voyait. Il était assis sur le muret de pierre. Il avait pris soin d’enlever ses chaussures. Les pieds dans le sable, le menton dans les mains, courbé en avant, il regardait. Il ne restait que les fondations. L’orage de la nuit avait grondé fort, le vent et la pluie avaient détruit l’ouvrage dont il était si fier. Elle le vit se redresser, mettre de côté sa pelle, son râteau. Elle sentait qu’un nouveau projet occupait son esprit. Il oubliait le jour d’hier. Il oubliait ses efforts et sa fierté. Une sorte d’urgence l’habitait. La réalité de ce jour nouveau le poussait. Il commença à travailler, à remuer le sable, aplanir, ratisser, fouiller, creuser, élever, modeler, sculpter… L’idée prenait forme. Les plans étaient dressés dans son esprit, il était concentré sur son ouvrage. Elle le regardait. Et elle en oubliait presque la table à débarrasser, la vaisselle, le coup de balai, et puis le linge à étendre, le four à programmer et aussi le courrier à poster, le formulaire à remplir et le rendez-vous à confirmer. Elle le voyait, lui, se redresser, son regard prendre de la hauteur, du recul. Elle le sentait grandir en même temps que son œuvre. Et puis elle comprit qu’il avait terminé ; il se leva, sortit les pieds du sable, donna un ultime coup de pelle, délicatement, bien à plat, pour effacer ses traces de pieds, de mains. Il lui sembla apercevoir dans son regard une étincelle de joie. Elle le trouva beau. Face à la déception du matin il n’avait pas baissé les bras. Son travail, sa détermination, sa minutie, son organisation, sa réflexion, 57


chacun de ses gestes choisis, posés, calculés étaient aboutis. Il était épanoui. C’était donc cela le courage. C. Tavernier Rochas

Texte écrit en atelier (E dans A, en novembre 2012) Comment ? Après avoir lu les mots sur la plaquette et laissé mes yeux errés à la recherche DU mot qui ferait jaillir un texte, j’étais désemparée. Aucun n’arrivait à retenir mon attention ou à être source d’inspiration ! J’ai pris mon stylo, je l’ai fait tourner sur ma feuille en me disant que là où s’arrêterait la pointe, là serait LE mot… Courage était là, devant moi. Je l’ai regardé, décortiqué puis je l’ai écrit en détachant chaque lettre et en écrivant avec elles le mot que chacune m’inspirait : Construire — Oublier — Urgence — Réalité — Avancer — Grandir — Epanouir. Ensuite, le texte est né… Cécile Tavernier Rochas, 48 ans. J’habite Collonges au Mont d’or, je participe à l’atelier d’écriture « E dans A » à Villeurbanne depuis 3 ans. J’aime les mots, j’aime écrire et je découvre la joie de faire partager mes textes. J’écris un peu, beaucoup, passionnément... quand j’ai le temps, quand j’ai l’envie, quand mes doigts me démangent !

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